Hydrogène Liquide
Hydrogène Liquide
Hydrogène Liquide
FICHE 4.3
L’HYDROGENE LIQUIDE
Sommaire
1. La liquéfaction de l’hydrogène
2. Unités industrielles de liquéfaction de l’hydrogène
3. La liquéfaction de l’hydrogène appliquée à son stockage
4. Transport de l’hydrogène liquide
1 – LA LIQUEFACTION DE L’HYDROGENE
Les gaz que nous connaissons à la température ambiante sous la pression atmosphérique se liquéfient
tous si l’on abaisse suffisamment leur température en maintenant leur pression constante. Les
températures de cette « condensation » sont très différentes suivant la nature du gaz : ainsi
l’hydrogène, maintenu à la pression atmosphérique, devient liquide à 20,3 K soit – 252,85 °C Il est
alors 700 fois plus dense que le gaz dans les conditions normales de température et de pression (O°C
et 1 atmosphère soit 1,013 bar). De ce fait, cette forme liquide présente un intérêt certain pour stocker
et transporter l’hydrogène, mais au prix d’un certain niveau de technologie cryogénique à mettre en
œuvre à la fois pour le liquéfier et pour le conserver à l’état liquide. C’est pourquoi ce n’est que pour
de très grosses quantités que cette forme liquide de l’hydrogène est utilisée. L’aérospatial en est en
particulier un utilisateur privilégié puisque les moteurs fusées qui équipent les lanceurs de satellites
fonctionnent à partir d’hydrogène liquide (Fiche 5.1.2) alors que la plupart des autres usages se font
avec de l’hydrogène gazeux. Pour les faibles quantités stockées comme celles nécessaires aux
automobiles à pile à combustible ou à moteur thermique à hydrogène, des expériences ont été tentées
(§3 ci-dessous). Mais elles ont été abandonnées devant les bonnes performances du stockage du gaz
à la pression de 350 ou de 700 bars dans des réservoirs en matériaux composites, une technologie
d’une mise en œuvre plus simple et moins coûteuse que la liquéfaction. Néanmoins, le stockage sous
forme liquide pour véhicules a récemment fait sa réapparition avec le projet de camion à pile à
combustible à hydrogène « Nikola One » porté par la start-up américaine de construction de poids
lourds Nikola Motor. Un projet pour lequel l’hydrogène liquide stocké à bord permettrait une autonomie
de près de 2 000 km.
Historiquement, la liquéfaction de l’hydrogène fut définitivement mise au point à la fin du XIXème siècle
par le chimiste et physicien écossais Sir James Dewar. En fait, l’apport de Dewar fit suite aux approches
de plusieurs de ses prédécesseurs à propos desquels il écrivait lui-même en 18981:« Après les belles
recherches de Mr. Cailletet et de Mr. Pictet, Wroblewski fit la première expérience nette sur la
liquéfaction de l’hydrogène en janvier 1884. Il trouva que le gaz refroidi dans un tube de verre capillaire
au point d’ébullition de l’oxygène, et rapidement détendu de 100 à 1 atmosphère, présentait la même
apparence d’ébullition soudaine que Mr. Cailletet avait observée dans ses expériences antérieures sur
l’oxygène. Aussitôt après qu’il fut publié, Olszewski confirma ce résultat en détendant l’hydrogène
depuis 190 atmosphères après l’avoir refroidi par l’évaporation de l’oxygène et de l’azote liquides sous
pression réduite. Olszewski déclara, en 1884, avoir vu se produire des gouttelettes incolores, et par
détente partielle à partir de 40 atmosphères il vit l’hydrogène liquide couler dans le tube de son appareil.
Wroblewski ne put confirmer les résultats d’Olszewski : son hydrogène était toujours ce qu’il appela un
1
Extrait des Comptes Rendus de l’Académie des Sciences. J. de Phys., 3e série, t. VII. (Juillet 1898.).
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liquide dynamique ayant l’apparence d’une mousse instantanée. Les méthodes précédentes n’ayant
pas donné de résultats probants, Wroblewski proposa d’amener l’hydrogène à l’état de liquide statique
en employant le gaz hydrogène comme corps réfrigérant. Depuis cette époque jusqu’à sa mort, en
1888, Wroblewski employa tout son temps à de laborieuses recherches sur les isothermes de
l’hydrogène à basses températures. Les données qu’il avait obtenues lui permirent, au moyen de la
formule de Van der Waals, de définir les constantes critiques de l’hydrogène, son point d’ébullition et sa
densité liquide ».
Cette liquéfaction par détente développée par Dewar et ses prédécesseurs fut améliorée quelques
années plus tard par le français Georges Claude – le fondateur de la société Air Liquide – qui adapta
à cette liquéfaction la machine de réfrigération par compression conçue par l’allemand Carl von Linde.
De nos jours, trois procédés de liquéfaction sont appliqués:
► Le cycle de Georges Claude.
• Il consiste d’abord en un pré-refroidissement de l’hydrogène gazeux par un échangeur de chaleur à
azote liquide.
• Le gaz froid est alors comprimé et ensuite détendu dans des conditions adiabatiques. La succession
de telles compressions–détentes poursuit le refroidissement du gaz dont une partie est utilisée pour
contribuer à l’abaissement de la température du système, en d’autres termes, l’hydrogène est en partie
son propre réfrigérant.
• Trop poursuivre ce refroidissement conduirait à obtenir de l’hydrogène liquide à l'intérieur même
du dispositif à piston effectuant la détente, une présence de liquide qui engendrerait des
problèmes mécaniques de ce dispositif. Pour éviter cet inconvénient, la dernière étape, conduisant
au liquide, est une détente de Joule-Thomson. Il s’agit d’une détente du gaz à faible vitesse qui
n’échange ni travail ni chaleur avec le milieu extérieur : une détente isenthalpique. Elle s’accompagne
d’un refroidissement du gaz si la température initiale est inférieure à la température dite d’inversion, au-
dessus, à l’inverse, elle produit un réchauffement. Cela qui est le cas pour l’hélium et l’hydrogène à la
température ambiante.
2
Le célèbre vase Dewar en verre à double paroi métallisée avec vide à l’intérieur : il est en fait une
amélioration du vase de d’Arsonval qui ne comportait pas de parois réfléchissantes évitant le réchauffement
par rayonnement.
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Figure 2 - Schéma du cycle de Claude
► Le cycle de Brayton.
Il utilise un réfrigérant séparé, l’hélium, le seul gaz à se liquéfier à une température plus basse que celle
de l’hydrogène. Mais de par sa faible masse moléculaire, l’hélium est mal adapté à la compression-
détente aussi est-il souvent mélangé à du néon ou de l’argon pour mieux remplir son rôle réfrigérant
lors des cycles de refroidissement. Ce deux derniers gaz, eux, ne peuvent être utilisés seuls car leur
température de liquéfaction est au-dessus de celle de l’hydrogène.
► La liquéfaction par effet magnétothermique
Elle repose sur la réfrigération magnétique, un processus lié à la propriété de certains
matériaux magnétiques de voir leur température s'élever lorsqu’ils sont soumis à un champ magnétique
et s’abaisser lorsqu’on supprime ce champ. Le phénomène dénommé effet magnétocalorique (ou
« EMC ») est maximum lorsque la température du matériau est proche de sa température de Curie3. Ce
procédé de refroidissement est encore, à l’heure actuelle, du domaine du laboratoire et demande de la
R&D avant d’être envisageable au niveau industriel.
3
Température de la transition critique paramagnétique/ferromagnétique d’un matériau,
4
Le spin d’une particule est le moment cinétique associé à sa rotation sur elle-même.
5
Pressure Swing Adsorption, procédé de purification par des cycles d’adsorption sélective des impuretés sur
des tamis moléculaires.
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unités industrielles de production par reformage vapeur (Fiche 3.1.1). L’énergie réelle W r, et par suite
le rendement η, dépendent en plus de l’isolation thermique du liquéfacteur, de l’efficacité de ses
échangeurs de chaleur, et du rendement de ses compresseurs.
Le rendement de la liquéfaction s’améliore avec la taille de l’installation en grande partie car les valeurs
des volumes intérieurs mis en jeu augmentent d’un ordre de grandeur par rapport à celles des surfaces
des parois avec pour conséquence une diminution des pertes thermiques puisqu’il y a une diminution
relative des surfaces d’échange. Ainsi, le rendement qui est de moins de 10% pour les productions
inférieures à 1 tonne/jour peut atteindre 40%, voire plus, au-delà d’une production quelques dizaines de
tonnes/jour. La perte de pouvoir énergétique de l’hydrogène liquéfié est environ de 100% ou plus pour
une liquéfaction de quelques kg/j et de seulement 30% pour une liquéfaction de plusieurs tonnes/j.
- En France, celui d’Air Liquide sur le site de Waziers dans le département du Nord, une unité
produisant 10t/j. Ce liquéfacteur le plus important d’Europe est alimenté en hydrogène gazeux par
gazoducs. Sa production est stockée dans 3 réservoirs indépendants d’une capacité totale de
750 000 litres, une production réservée en priorité aux essais du programme Ariane V.
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Figure 4 – Site Air Liquide de Waziers
Aux Etats-Unis, la capacité de production est de 182 t/jour dont 54 tonnes sont produites par la seule
usine Union Carbide de Sacramento.
Dans le Monde, Air Liquide est pour sa part un acteur important de cette liquéfaction de l’hydrogène
qui, depuis 1987, a implanté trois liquéfacteurs:
• en Asie, à Oita au Japon une unité produisant 1,5 t/j ;
• au Canada, à Bécancour une unité produisant 10 t/j ;
• en Guyane française, à Kourou, une unité produisant 2,3 t/j pour la base de lancement
aérospatial. Cet hydrogène liquide est l’ergol de l’étage cryotechnique des fusées Ariane IV et
Ariane V : Ariane IV emportait respectivement 1,9 t d’hydrogène liquide et 8,8 t d’oxygène
liquide. Ariane V emporte 27 t d’hydrogène liquide et 130 t d’oxygène liquide. L’oxygène liquide
ainsi que les autres gaz nécessaires au moteur de ces fusées, azote, hélium et air comprimé
sont également produits sur ce même site Kourou.
Pour la mobilité hydrogène, dans un futur proche, Air Liquide prévoit d’investir plus de 150 millions de
dollars américains affectés à la construction en Californie d’une usine d’hydrogène liquide de grande
capacité. Cette construction doit démarrer début 2019. Le site produira près de 30 tonnes d’hydrogène
liquide par jour, un volume pouvant alimenter quotidiennement 5 000 véhicules électriques à pile à
combustible (FCEV). Grâce à cet investissement, Air Liquide contribuera au déploiement à grande
échelle de la mobilité hydrogène sur la côte Ouest des Etats-Unis car la mise en service de cette source
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d’approvisionnement fiable permettra de servir la flotte de 40 000 véhicules électriques à pile à
combustible attendus en Californie en 2022. Cette usine servira également d’autres marchés dans la
région en dehors de ceux de la mobilité automobile, comme ceux de la manutention par chariots
élévateurs et du transport par poids lourds.
L’hydrogène liquide une fois produit est acheminé vers les lieux de son utilisation par des camions
citernes d’une capacité de 15 000 à 53 000 litres (§4 ci-après).
Alors que la densité de l’hydrogène gazeux à la pression atmosphérique et à 20°C, est de 0,0838 kg .m-
3 et de 14,885 kg.m -3 à 220 bars dans les bouteilles de gaz commercialisées6, elle est de 70,9 kg.m -3 à
l’état liquide. Cette dernière densité peut être atteinte par le gaz à la température ambiante à une
pression de 1 820 bars (182 MPa). Une valeur qui n’est pas adaptée à une application pratique en
raison des impératifs qu’impose une telle haute pression (épaisseur importante des parois des
réservoirs, des tubulures et des vannes). C’est pourquoi, pour atteindre une densité élevée, la
liquéfaction de l’hydrogène reste préférable. En fait, pour le gaz, la courbe de compressibilité marque
vers 700 bars (70 MPa) une inflexion au-delà de laquelle la densité augmente de moins en moins avec
la pression avec pour conséquence qu’au-delà de cette pression le gain en quantité de gaz stocké
diminue alors qu’il faut de beaucoup augmenter la résistance mécanique des réservoirs et de leurs
accessoires. Pour cette raison, 700 bars a été la pression choisie pour devenir une norme des réservoirs
en matériaux composites qui ont été développés pour les véhicules à pile à combustible. A cette
pression, la densité du gaz atteint 39,6 kg.m-3 soit un peu plus de la moitié de celle du liquide.
6
Bouteilles B50 d’un volume de 50 litres contenant 10 m2 de gaz pris dans les conditions normales de
température et de pression.
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Les deux modes de stockage de l’hydrogène, liquide ou gaz à haute pression, exigent un certain degré
de technologie et il est difficile d’établir une hiérarchie de leur dangerosité car l’un et l’autre présentent
des risques et entraînent des protocoles de sécurité rigoureux.
Quant à l’énergie nécessaire pour atteindre ces états, elle est importante: 22 MJ.kg-1 pour le gaz
comprimé à 70 MPa et deux à dix fois plus pour la liquéfaction selon qu’elle est effectuée en grandes
ou en petites quantités. Dans les deux cas, le processus de stockage engendre un surcoût significatif
de l’hydrogène.
Comme tous les liquides à basse température, dits liquides cryogéniques, l’hydrogène liquide est
conservé dans des « cryostats », récipients à double isolation thermique. La première évite les apports
de chaleur par conduction directe en maintenant le vide entre la double paroi du cryostat. La seconde,
contre les apports de chaleur par rayonnement, est assurée par un empilement de feuilles métalliques
réfléchissantes disposées dans cet espace entre les parois.
Autrefois en verre7, les cryostats sont aujourd’hui, pour la plupart, en acier inoxydable avec une capacité
qui peut aller de quelques litres au mètre cube, voire à plusieurs dizaines, centaines et même milliers
de mètres cubes comme le sont les unités de stockage et de transport prévues dans certaines
applications spatiales ou le transport maritime (§4 ci-après). Ainsi, sur le site de lancement de Kourou
(§2 ci-dessus), l’hydrogène liquide est stocké dans cinq réservoirs de 320 m3 chacun (masse totale
stockée de 22 t) dont les performances thermiques limitent l’évaporation à 0,3% de la capacité totale
par jour.
7
Le vase Dewar cité note n°1.
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Figure 8 - Cuves de stockage industriel d'hydrogène liquide (Messer)
L’isolation thermique de ces récipients, aussi bonne soit-elle, n’est pas totale8 avec pour conséquence
une légère ébullition de l’hydrogène due aux faibles apports de chaleur correspondants à cette
imperfection d’isolation. Un cryostat n’est donc pas étanche afin de permettre un dégagement
permanent d’hydrogène gazeux, très précisément de la vapeur d’hydrogène, qui évite un accroissement
excessif de la pression. Cette évaporation permanente, qui correspond à une perte en poids de 0,3 à
1% par jour est un des inconvénients majeurs du stockage de l’hydrogène liquide. Pour de grosses
installations fixes, on peut imaginer une récupération de cet hydrogène évaporé par cryoadsorption
(Fiche 4.4) dans des enceintes supportant la pression et qui, réchauffées à la température ambiante,
deviendront des réservoirs d’hydrogène comprimé, sans dépense supplémentaire d’énergie.
Au début des années 2000, ce type de stockage sous forme liquide a été utilisé par des constructeurs
automobiles pour équiper certains de leurs prototypes de voiture à hydrogène : Daimler-Chrysler
(modèle Necar 4), General-Motors (HydroGen1 et 3), VW (Bora HyMotion), Renault (Fever), BMW
(Série7). Ce dernier, BMW, est le constructeur qui a conservé le plus longtemps cette technique pour
alimenter son moteur thermique aujourd’hui abandonné. Le réservoir BMW contenait 9,5 kg
d’hydrogène liquide et pesait 145 kg, soit un rapport en poids de 6,5 %. Un pourcentage voisin de celui
actuellement obtenu avec les réservoirs en matériaux composites évoqués ci-dessus qui équipent les
véhicules à pile à combustible et dans lesquels l’hydrogène est comprimé à 350 ou 700 bars.
Néanmoins, comme nous l’avons évoqué § 1, ce stockage d’hydrogène liquide pour véhicules est
aujourd’hui en passe d’être repris par le constructeur américain Nikola pour équiper son prototype de
camion à pile à combustible
Pour de telles applications à l’automobile du stockage d’hydrogène liquide, l’utilisateur ne peut laisser
son véhicule dans un lieu non ventilé. Les concepteurs avaient trouvé une parade partielle en mettant
en œuvre des réservoirs cryogéniques résistant à une certaine pression ce qui permet d’éviter toute
évaporation pendant deux à trois jours avec des réservoirs résistant à des pressions de 0,5 à 0,8 MPa
(5 à 10 bars), comme ceux qui ont équipé certains prototypes de la firme BMW (735i ; 750hl ; Mini
Cooper et 745h). Une amélioration qui toutefois conduit à un surcoût pour un réservoir déjà très coûteux.
Une variante fut apportée par BMW pour mieux gérer l’évaporation de l’hydrogène liquide, elle consistait
à utiliser une structure composite étanche permettant de récupérer et de conserver un certain temps
(quelques heures) cet hydrogène gazeux évaporé. Le dispositif faisait que, lorsque la pression dans ce
8
En d’autres termes, des conditions parfaitement adiabatiques n’y sont pas sont totalement réalisées ce qui
d’ailleurs n’est matériellement pas possible.
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réservoir de gaz augmentait au-delà d’une certaine limite (par exemple 10 bars), une soupape libérait
l’excès d’hydrogène qui n’avait pas été utilisé par le moteur.
Une autre utilisation possible de l’hydrogène liquide concerne les turbines aéronautiques pour la
motorisation des aéronefs (Fiche 5.1.2). Depuis un demi-siècle, de telles turbines ont été mises au point
et essayées dans diverses parties du monde et, dans tous les cas, c’est de l’hydrogène liquide qui était
embarqué. Les premiers réservoirs étaient en nacelles accrochées à l’extrémité des ailes comme le
sont les réservoirs supplémentaires de kérosène. Une autre solution avait été retenue pour le projet
« Cryoplane »9 , un projet européen d’avion à hydrogène dérivé de l’Airbus A 300 dont les études de
faisabilité ont été menées de 2000 à 2002. Un réservoir cylindrique était placé au-dessus de la cabine
pressurisée, il avait une forme la plus allongée possible pour réduire la section du maître couple. Si,
pour une réserve d’énergie équivalente10, la masse d’hydrogène représente 30 à 35 % de celle du
kérosène, le volume correspondant est en revanche près de quatre fois plus important d’où ce choix de
l’emplacement le plus approprié, au-dessus de la cabine. Ce projet n’a toutefois pas dépassé la
première phase démontrant sa faisabilité technique car il avait, entre autres, le très grave inconvénient
de rejeter de grandes quantités de vapeur d’eau qui formaient d’importants nuages pouvant perturber
les conditions atmosphériques au sol.
9
Voir : http://www.fzt.haw-hamburg.de/pers/Scholz/dglr/hh/text_2001_12_06_Cryoplane.pdf
10
A titre d’exemple, pour un vol de 10 000 km à Mach 0,85 emmenant 400 passagers il faut prévoir 26 t
d’hydrogène ou 85 t de kérosène.
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surpression dans le cryostat ou la pompe mécanique. La première est le système habituel de transfert
des liquides cryogéniques : l’enceinte à vider est rendue étanche et est légèrement pressurisée par un
apport d’hydrogène gazeux à faible pression. Un tube plongé dans le liquide, dit canne de transfert, se
prolonge à l’extérieur jusqu’au récipient récepteur et permet l’écoulement. Un résultat équivalent est
obtenu par un léger chauffage qui en provoquant une ébullition supplémentaire génère cette surpression
d’hydrogène gazeux assurant l’écoulement du liquide L’inconvénient de ces deux derniers procédés est
de soumettre le cryostat à une surpression ce qui n’est pas avec la seconde méthode mettant en jeu
une pompe cryogénique à piston comme celles qui assurent le transfert de l’hydrogène liquide en
aérospatial (Fiche 5.1.2).
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grands réservoirs cryogéniques sphériques à double paroi d’une capacité de 3 000 m3 fixés sur des
barges adaptées à la haute mer.
En fait, ces projets étaient l’adaptation à l’hydrogène liquide ce qui se fait pour le gaz naturel liquéfié.
Si à l’époque, un tel transport maritime de l’hydrogène en est resté à l’état d’études de faisabilité ce
n’est plus le cas aujourd’hui pour ce qui concerne le Japon qui a repris cette idée pour s’approvisionner
en énergie décarbonée. Le projet consiste à importer de l’hydrogène liquide produit en Australie par
reformage de lignite dont ce pays possède d’importants gisements. Mais c’est là une production
particulièrement émettrice de CO2 aussi il est annoncé que ce CO2 serait stocké par la technique dite
CCS, Carbon Capture and géological Storage. A ce jour, il n'y a pas d’exemple d’installation qui stocke
ainsi de très grandes quantités de CO2 car tous les projets d'envergure semblent abandonnés à la fois
en raison des surcoûts qu'ils entrainent, de la chute de rendement global qu'ils induisent et de la difficulté
à trouver un stockage souterrain qui sur le plan de la sécurité soit acceptable (cf. Fiche 3.1.2).
En négligeant les pertes par évaporation au cours du transport et les émissions du navire transporteur, un kg de
cet hydrogène australien, compte tenu des rendements, produira au Japon ~15 à 20kWh d'électricité. Pour ce qui
la concerne une très bonne pile à combustible donnera 17 kWh/kgH2 alors que des cycles combinés à gaz (turbine
à gaz + turbine à vapeur) avec des rendements supérieurs à 60%, permettent d’atteindre 20 kWh/kgH2 avec une
émission totale de 28 kg de CO2..
La Figure 11 montre le prototype de navire prévu par ce projet principalement porté au Japon par la
société Kawasaki Heavy Industries. Il devrait entrer en service en 2019 avec une prévision de
développement sur dix ans de cette importation d’hydrogène liquide.
Figure 11 - Projet de navire japonais pour le transport d’hydrogène liquide en provenance d’Australie
(capacité 2500 m3)
__________________
Sources
Thierry Alleau - EDP Sciences, « L'Hydrogène, énergie du futur? », Collection Bulles de Sciences,
décembre 2007
DOE Hydrogen Program FY 2005 Progress Report 437 – Liquefaction - Combined Reverse-Brayton
Joule Thompson Hydrogen Liquefaction Cycle -
http://www.hydrogen.energy.gov/pdfs/progress05/v_e_1_shimko.pdf
https://www.sauvonsleclimat.org/fr/base-documentaire/hydrogene-japon
Fiche 4.3
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Source : AFHYPAC - Th. Alleau
Takashi FUKANO, Urs FITZI, Karl LÖHLEIN, Isabelle VINAGE - Efficiency of Hydrogen Liquefaction
Plants – 2003
https://advancedtech.airliquide.com/fr/liquefacteurs-hydrogene-hylial
http://www.linde-kryotechnik.ch/public/fachberichte/efficiency_of_hydrogen_liquefaction_plants.pdf
Philippe Buffet - « Propulsion spatiale: L'hydrogène, un carburant léger pour lanceurs lourds » -
L'actualité Chimique, Décembre 2001.
Fiche 4.3
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