Le Grand Livre Du Sucre
Le Grand Livre Du Sucre
Le Grand Livre Du Sucre
Marie-Paule Bernardin
SOLAR
SOMMAIRE
T 7 ... ...
hapitre 1 ~ EPOPEE DU SUCRE ......................................................................... . 7
L'« usine à sucre» esclavagiste p. 13 - Aux Antilles, sur les traces du père Labat p. 16
Les épreuves des guerres p. 33 - Au temps des restrictions p. 34 - Le nouveau marché européen p. 35
Le règne du sucre de betterave dans l'Union européenne p. 36- Les aventures de Cuba p. 37
• D'autres sucres......................................................................................... 60
4
(jwpitre 4 LA GOt~1ANDISE DU SUCRE .................. ....... ........................................ 83
Le sucre dans tous ses atours.............. ...... ......................... ... ........... ... .. ...... .... ............... 85
Lorsque le sucre fait œuvre de magie ..... ...... .... ................... .. ....... ... .... ......... ... .... ..... .. 97
Les secrets de la cuisson du sucre ........ .......... ... ... ............ .......... .................. ........ .. ...... 105
Les règles d'or du cuiseur de sucre amateur p . 107 - Clair ou brun, l'indispensable caramel p. 107
Les recettes du sucre ........ ..... .......... ........ .... ..... ..... ..... ........ ........ ... .. ...................... ...... .... 115
• Les musées du sucre ..... ...................... .... .................. .................. ..... .......... 150
Noble pastiilage et glace royale p. 160 - Étiré en filaments, le sucre filé p. 161
• Les ri tes d'offrandes mexicains ........ ...... ..... ....... .... .. .... .. .... ... ...... ...... ......... ... .. ....... .. . 170
• Le sucre en chiffres.... ................... ...... ...... ... ..... ...... ..... ....... .................... ... .... .... .. .. .... 172
Remerciements et crédit photographique ............. ... .. ......................... ...... ..... ..................... . 176
AVANT-PROPOS
6
« J, existe une espèce de miel concret
appelé sucre {saccharon}, que l'on trouve
dans des roseaux de l'Inde et de l'Arabie
Heureuse. Il ressemble au sel par sa
consistance et craque sous la dent. >>
Dioscoride, 1er siècle
tain mystère.
du sucre
Page précédente:
de saveur sucrée que le miel.
en fleur ...
Ci-contre :
à la faveur des croisades, d'un
de betteraves.
.....
~
D antiques origines
1
Ce roseau était, en fait, connu de longue date. Originaire des îles de l'Océanie,
selon certains spécialistes, il aurait prospéré notamment en Nouvelle-Guinée. De là , il
aurait gagné, vers l'est, la Polynésie, et, vers l'ouest, l'Inde et la Chine méridionale. En
Inde, il se serait implanté dans un petit territoire situé au nord du Bengale - le botaniste
Roxburg devait, plus tard, y dénombrer onze espèces de cannes à sucre, dont neuf à
l'état sauvage. La fabrication de sucre brut, compact et brun, y était, semble-t-il, déjà
parfaitement pratiquée au Ille siècle av. J-C, mais encore peu connue à l'étranger,
puisque , au 1er siècle de notre ère, le poète latin Lucain dit des Indiens qu 'ils « boivent
les sucs sucrés d 'un faible roseau ».
En Chine, où cette plante poussait spontané
ment depuis des millénaires, les Chinois auraient
également trouvé le procédé de cristallisation du
sucre et, affirment certains, savaient même com
ment épurer le sucre et le transformer en produit
blanc. Toutefois, une légende situe ce savoir des
siècles plus tard. Elle prétend qu'au cours de la
seconde moitié du vm e siècle, sous l'autorité des
Tang, un mystérieux bonze - un voyageur boud
dhiste venu d 'Inde, selon une autre version
s 'installa sur une montagne, dans le district Sui
Ning, et que l'âne qui lui servait de monture
brouta malencontreusement la plantation de
cannes à sucre d 'un paysan ; soucieux de dédom
mager ce dernier, le moine lui aurait alors trans
mis l'art de faire le sucre. Historiquement, il
semble, en effet, que les Chinois aient tiré de l'Inde
leur connaissance de la fabrication du sucre.
Quant aux Hébreux, sans doute importaient
Dans linde ils de la canne à sucre de ces lointaines contrées, car il est fait mention d'un « doux roseau»
de jadis dans l'Ancien Testament. Quoi qu'il en soit, au VIe siècle avant notre ère, les Perses de
Le broyage Darius, qui avaient pu apprécier « le roseau qui donne le miel sans le concours des abeilles»
des cannes lors d'une expédition dans la vallée de l'Indus, en établirent la culture sur les rivages de la
à sucre
Méditerranée orientale ; ils cherchèrent à se réserver le monopole de la plante et de ses pro
UOISSalt
hommes duits . Mais le Crétois Néarque, amiral d'Alexandre le Grand, allait, au i f siècle av. J-C, en
et alllmaux faire aussi la découverte. D'autre part, il apparaît que l'historien et géographe grec
dans le même Mégasthènes , qui, au Ille siècle av. J-C, séjourna à la cour du roi indien Candragupta, ait
(ravai!. contribué à faire découvrir le sucre indien à ses contemporains. Les Grecs devaient, en effet,
en faire usage, tout comme le firent ensuite les Romains .
Les brassages de populations dus aux guerres, ainsi que les échanges commerciaux,
participèrent largement à l'expansion de la canne à sucre. Entre le IVe et le VIlle siècle de
notre ère , ses hauts lieux de culture furent le delta de l'Indus et le golfe Persique, sur le
delta du Tigre et de l'Euphrate. Là était produit le sucre fourni à tout l'Orient musul
man . Les Perses, qui avaient été longtemps maîtres en l'art du sucre, disposaient, au
ye siècle, de procédés de fabrication déjà avancés. Ils savaient raffiner le sucre brut par
refonte, clarifier les sirops et présenter le sucre solide en pains. Mais ils subirent, deux
siècles plus tard, l'invasion des Arabes qui propagèrent la culture de la canne dans leurs
territoires conquis du bassin méditerranéen . A leur tour, les Maures perfectionnèrent les
méthodes de décantation du sirop, parvinrent à réaliser un produit appelé kurat al milh
(<< boule de sel doux ») - expression dans laquelle d 'aucuns voient l'étymologie du mot
« caramel» -, et usèrent du sucre pour conserver fruits et fleurs .
10
L' ÉPOP ÉE OU
Un parfuIll d'Orient
Ces « moult beles canes de quoy l'on arrose ce dont le çucre vient », qu'allait évo
quer Joinville au tout début du XIve siècle, suscitèrent bientôt l'intérêt des Occidentaux.
Les croisades en Terre sainte rapportèrent en France la douceur du sucre: « Une sorte
de neige ou de sel blanc que les Arabes retiraient de roseaux miellés et qu'ils appelaient
zucre », comme le définit Guyot de Provins , au XIIe siècle.
C'est sur le territoire de Tripoli, où il avait été importé par les Arabes, que les croisés
goûtèrent le sucre pour la première fois , en 1099 . Albert d'Aix, chroniqueur de la pre
mière croisade, relate ainsi sa découverte: « Les champs étaient couverts de roseaux
miellés qu 'on appelle sucre. Cette espèce d'herbe est cultivée avec beaucoup de soins;
quand elle est mûre, les indigènes la
broyent dans un mortier, en passent le sucre
qu 'ils recueillent dans des vases, et le lais
sent coaguler jusqu'à la consistance de
neige ou de sel blanc; les croisés s'en firent
une bouillie en le mêlant avec du pain ou en
le délayant dans de l'eau et le trouvèrent
plus agréable et plus salutaire que les
rayons de miel; lors des sièges d'Albanie,
des Archas, et des Maarha, l'année fut sus
tentée par les roseaux miellés. » Ce sucre,
transporté par les caravanes qui sillonnaient
l'Arabie ou l'Asie Mineure , sera baptisé de
divers noms par les Occidentaux : « sel
indien », « miel d'Asie », « suc d 'Arabie » ou
encore « miel de roseau ».
La culture du « roseau sucré » se déve
loppa au fil des siècles. Elle débuta à
Chypre vers l'an 1150 ; les Lusignan , sei
gneurs de l'île , « trouvèrent dans l'exploitation de la fabrication du sucre un moyen de Le retour
remplir leurs coffres d 'or. Ils auraient ainsi été les initiateurs d'un système que tous les des croisades
États ont imité. » (Science et Travail, Grande Encyclopédie illustrée des nouvelles inven Le miel fut la seule
denrée sucrée utilisée
tions, 1927.) Cette culture devait prospérer à partir de la fin du x:ve siècle, sous l'emprise
en France jusqu'à
vénitienne, mais disparaître à la suite de la domination turque, établie en 1570. ce que les croisés
Ce fut également au XIIe siècle que la canne se développa en Sicile, où les Arabes découvrent la canne.
l'avaient introduite . Une donation faite en 1166 par Guillaume, second roi de Sicile, à
un couvent de bénédictins, comprend un moulin à écraser les cannes à sucre, avec
ouvriers et dépendances. Mais l'idée d 'instaurer le traitement du sucre en Sicile revien
drait à l'empereur Frédéric II, roi de Sicile. Une lettre en latin , adressée au gouverneur
de Palenne, l'atteste: « Nous t'invitons à donner tes soins pour trouver deux hommes
qui sachent bien faire le sucre et à les envoyer à Palenne pour le fabriquer. Tu aviseras
aussi à ce qu'ils apprennent la chose à d'autres, afin de ne pas laisser perdre à Palenne
l'art de cette fabrication. » Et ainsi aurait commencé l'ère du sucre de canne!
Au XNe siècle , Venise était, en Occident, le grand centre de traitement du sucre arrivé
brut des pays du Levant. S'y étaient créées, semble-t-il, les premières raffineries du
continent européen. La cité vénitienne exportait du sucre en France, en Hollande, en
Allemagne , en Angleterre et en Flandre. Dans ce dernier pays , Bruges était alors la capi
tale du négoce du sucre pour le nord de l'Europe - à la Renaissance, elle devait être sup
plantée par Anvers, appelée à exercer, outre ce rôle commercial, celui de premier port
sucrier d 'Occident, grâce à ses nombreux ateliers de raffinage , et cela jusqu'en 1648,
lorsque le traité de Westphalie fenna les bouches de l'Escaut.
Toutefois, au xve siècle, désireux de se libérer des producteurs méditerranéens,
l'Espagne et le Portugal importèrent la canne à sucre dans leurs possessions d'Afrique.
Ainsi, vers 1420, Henri le Navigateur, fils du roi du Portugal, introduisit la canne dans
l'île de Madère, qu'il venait de conquérir, à partir de plants venus de Sicile. Lexpérience
se révélant fructueuse, la culture fut instaurée aux Canaries, ainsi que dans les îles du
Cap-Vert et de Saint-Thomas. Lisbonne prit alors le pas sur Venise en matière de raffi
nage. En 1508, le port d'Anvers recevait la première cargaison de sucre en provenance
des Canaries. Au milieu du XVIe siècle, comme en témoigne Charles Étienne: « Les
sucres les plus estimés sont ceux que nous fournissent l'Espagne, Alexandrie et les îles
de Malte, Chypre, Rhodes et Candie. Ils nous arrivent de tous ces pays moulés en gros
pains; ceux au contraire qui nous viennent de Valence sont en pains plus petits. Celui
de Malte est plus dur, mais il n'est pas aussi blanc quoiqu'il ait du brillant et de la trans
parence. Au reste, le sucre n'est pas autre chose que le jus d'un roseau qu'on exprime
au moyen d'une pierre ou d'un moulin, qu'on blanchit ensuite en le faisant cuire trois
ou quatre fois, et qu'on jette dans des moules, où il se durcit. »
La canne à sucre
aux Antilles
Sa culture en Martinique
En .1680, on y comp~ait
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12
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blir une usine à sucre à la Guadeloupe. La fabrication commença Le port d'Olinda de Pernambuc
dans cette île dès 1644 ; quelques années plus tard, la colonie d'où partait le sucre vers
canne à sucre. Bientôt, leur production sucrière allait dépasser La fabrication du sucre
de canne.
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1
Une plantation
de canne à sucre
au XVIII" siècle
D'après une gravure
de l'Italien Fumagalli.
16
Le succès du sucre « terré»
LES SUCRES DE JADIS
La fabrication
du pain de sucre
au xvue siècle
Gravure de 1688.
• ••••
profit considérable à apporter des pots et des formes, en apportèrent des quantltes
considérables. Les Portugais nous aidèrent encore à faire valoir cette manufacture parce
qu'ayant trouvé des mines d'or et des rivières qui en chaniaient dans leurs sables, ils
occupèrent une partie de leurs esclaves à ce travail et négligèrent beaucoup leur sucre,
ce qui fit que beaucoup de lieux d 'Europe qui se servaient du leur eurent recours au
nôtre qui trouva par ce moyen un découchement considérable tant du côté du Nord que
dans toute la Méditerranée, [ . .. J. »
Dans ce nouveau contexte, les Anglais furent éliminés de la concurrence interna
tionale, car il leur était rigoureusement interdit de se livrer au terrage; ils ne purent
désormais écouler leur sucre brut que sur leur propre marché . Et la France devint la
première source d 'approvisionnement du commerce mondial du sucre. Elle détenait
le trafic exclusif entre les ports métropolitains et les Antilles . Toutefois, elle laissait
aux autres navires européens, hollandais notamment, le soin de réexporter la moitié
de ce sucre .
L'essor du raffinage
Au Grand Siècle, sous l'impulsion de Colbert, nombre de raffineries s'étaient créées en
France, pour traiter le sucre brut produit par les Antilles, les îles de France (Maurice) et
Bourbon (La Réunion). Bordeaux où, en 1633, un marchand flamand, David d 'Herquens,
obtint la première autorisation de construire une raffinerie, devait longtemps rester la capi
tale du raffinage; dotée de seize raffineries un siècle plus tard, elle fut alors appelée à traiter
la 000 tonnes de sucre, soit 15 % de la consommation européenne, et cet essor allait se
poursuivre jusqu'à la Révolution.
Les autres principaux ports où s 'étaient implantées des raffineries étaient Rouen,
Nantes , La Rochelle et Marseille. Ces raffineries recevaient, d'abord, le sucre brut des
Canaries, de Madère et du Brésil. Le développement des plantations dans les îles du
Nouveau Monde, principalement à Saint-Domingue, firent bientôt leur fortune, et leur
nombre s'accrut considérablement. Si cette prospérité fut mise en péril lorsqu'en 1698
le terrage fut autorisé dans les colonies, elle se renforça au XV111e siècle, car, à partir de
1715, il fut interdit de raffiner le sucre sur place, dans les colonies antillaises. Le traite
ment du sucre constitua ainsi le secteur le plus important de l'industrie orléanaise.
Pourvue de vingt raffineries , cette ville produisait, dans les années 1780, les deux tiers
du sucre raffiné en France.
ICI ET LÀ
"candis" semblent avoir pris naissance chez les Égyptiens; ils fragmentaient
du jus de canne avec une lessive alcaline aux Égyptiens est contestée
par certains: d'après Oskar von Hinüber, elle fut mise au point
des Arabes eut des répercussions sur l'industrie sucrière que, grâce
Mais celle-ci eut plus encore à souffrir de l'essor des plantations dans
les grandes Antilles. Quoi qu'il en soit, l'Espagne resta fidèle à cette
avec pour capitale Malaga, couvrait encore une large bande le long
à New York. Ce n'est, toutefois, que dans les années /830 que le sucre
L'art de raffiner le sucre et fournissait plus de la moitié du sucre consommé dans l'Union.
rencyclopédie réalisée, dans les années 1780, Cette culture devait connaÎtre une extension considérable, au point
par Duhamel du Monceau évoque, de gagner sur des terres jusque-là consacrées au coton.
• •••
Du SUCRE DU JARDIN
« Laculture de ces cannes estant de par deçà, plus nouvelle que difficile, donne courage à tout gentil
esprit de se meubler de si précieuse matière, qui est le succre, lequel croissant par son industrieux labeur,
dans son propre jardin, en recevra d'autant plus de contentement, que plus chacun prise les choses
provenantes de sa dextérité que d'ailleurs. Ces cannes ressemblent aux autres communes, qu'on appelle
aussi, rozeaux, et en tige et en fueille, hors-mis qu'elles ne montent si hautement. L'une et l'autre canne
s'édifie par racines et bulbes, ce qui rend la chose assés aisée: d'autant que les bulbes, pour leur durté,
se peuvent conserver saines plusieurs journées, donnans, par ce temps, loisir de les transporter assés loin,
comme de la Provence à Paris, en les empaquetant ingénieusement. [..] Le succre croist dans le tuiau
de la canne, lui servant de mouëlle : pour lequel recueillir, les cannes sont couppées près de terre,
vers la mi-Septembre, après hachées par tronçons de quatre doigts, ou demi-pied chacun,
puis bouillies en eau claire dans des chauderons, jusqu'à ce que la substance en soit du tout sortie,
laquelle demeure seule, par la patience d'en faire exhaler l'eau, par longue ébullition, dont le succre
s'affermit. Pour en manger de frès, ne faut que le succer des tronçons de la canne, comme l'on faict
• •••••
20
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CüoPÉE DU SUCRE
dans les repas, on porte sur soi des sucreries de toutes sortes, DANS LE MIDI DE LA FRANCE?
sucre se propagea considérablement en Europe au cours du partie de la quantité de sucre consommée en Europe
À'vme siècle. En 1701, la consommation française atteignit fut fournie par le Bengale et par les autres territoires
1 000 tonnes, pour une population de 16 millions d'habi de la côte de Coromandel, sous autorité anglaise.
tants. n en résulta un développement important des planta D'après A. Legoux de Flaix (Essai historique,
tions antillaises , que se partageaient Anglais et Français, et un géographique et politique sur l'indoustan, 1807),
enrichissement des ports métropolitains chargés de ce com ce sucre indien était plus ferme et, de loin, supérieur en
merce. Mais, bien que plus répandu, le sucre demeura cher, goût à celui des Antilles. Sans compter que les méthodes
en raison du long transport par mer. Jusqu'à la fin du d'extraction et de cristallisation en étaient plus simples
xvmc siècle, il resta relativement précieux, au point que sou et moins onéreuses. D'où la volonté anglaise de mettre
vent, dans les familles, il était conservé sous clé ! l'accent sur cette production sucrière. « Les Anglais,
A la veille de la Révolution, grâce au sucre de ses colo prévoyant la perte de leurs colonies occidentales,
nies d'Amérique, la France avait peu à peu cessé de s 'ap comme une suite inévitable de celle des nôtres, qu'ils
provisionner à Venise et était devenue le principal fournis tentaient d'opérer depuis bien longtemps, ont voulu
seur de sucre de l'Europe. Elle occupait le premier rang concentrer les productions coloniales, sur-tout celle
pour le commerce et le raffinage du sucre en Europe. C'était du sucre, dans leurs possessions de l'Indoustan, d'où
aussi le premier consommateur européen de sucre cette denrée nous était primitivement apportée.
(80000 tonnes en 1789). I.:Angleterre prit ombrage de cette Dans le cas où la consommation du sucre augmenterait
primauté, et, à partir de 1792 , mit tout en œuvre pour à raison de son abondance, et par l'impulsion que
entraver le transport des marchandises en provenance des les Anglais ont donnée dans leurs possessions à cette
Antilles et destinées à la France. A cette fin, elle imposa culture, ce qui doit nécessairement en diminuer encore
même un contrôle sur tous les navires, de façon à pouvoir le prix, quelque modique qu'il soit déjà, ils ont encore
en saisir le chargement. Les moindres quantités de sucre qui formé des établissements de raffinage, tant dans le
arrivaient à bon port étaient transportées par des navires Bengale qu'à Madras, pour que leur prix se soutienne,
neutres, qui réussissaient à échapper à la visite de leur cargai et appauvrisse cette culture dans les colonies
son par les Anglais. En revanche, la population française ayant américaines, quel que soit le résultat des événements
pris goût au sucre et ne pouvant s 'en passer, le sucre anglais ultérieurs qui surviendraient dans ces colonies. »
rentrait dans l'Hexagone en contrebande. Et, plus grave encore, Et pour contrecarrer cette stratégie hégémonique
la France avait perdu son monopole européen . .. anglaise, ce grand observateur de l'Inde suggère de
anglaise autour d'un thé sans sucre, dont elle s'accommode mal.
• ••••
Le lllirage de la betterave
Pendant tout ce temps, la betterave à sucre resta
ignorée. Et ce malgré les travaux d'Olivier de Serres qui,
pourtant, en 1600, en pressentait la richesse dans Le
Théâtre d'agriculture et mesnage des champs: « Une espèce
de pastenades est la bette-rave, laquelle nous est venue
d'Italie n'a pas long temps. C'est une racine fort rouge,
assés grosse, dont les fueilles sont des bettes, et tout cela
bon à manger, appareillé en cuisine : voire la racine est ren
gée entre les viandes délicates, dont le jus qu'elle rend en
cuisant, semblable à syrop au succre, est très-beau à voir
pour sa vermeille couleur. » (Sixiesme lieu, VII.)
Ce n'est qu'en 1747 qu'un chimiste allemand, Andreas
Sigismund Marggraf (Berlin 1709- id. 1782), qui avait poUr
suivi les travaux d'Olivier de Serres, lut à l'Académie des
sciences de Berlin son mémoire consacré à ses Expériences
chimiques faites dans le dessein de tirer un véritable sucre de
Portrait diverses plantes qui croissent dans nos contrées, en particulier
d'Olivier de Serres les raves, navets et carottes. Il évaluait à 5 % le taux de sucre
(1536-1619) contenu dans la betterave et était parvenu à obtenir du
Les enseignements
sucre solide à partir de cette racine. Une grande découverte
du célèbre agronome
contribuèrent à l'évolution en vérité, mais dont il restait à mettre au point l'application
de l'agriculture, même industrielle. Un chimiste suédois, Torbern Olof Bergman,
au-delà du règne continua les recherches de Marggraf et obtint des cristaux
d'Henri IV sous lequel de sucre par divers procédés, d'un intérêt non négligeable.
il œuvra. Toutefois, le mérite de l'industrialisation du procédé d'ex
traction mis au point par Marggraf revient véritablement à
l'un de ses disciples, Franz Karl Achard, descendant d'un
Français émigré en Prusse à la suite de l'édit de Nantes.
Dans les années 1770-1780, celui-ci fit des essais culturaux
et industriels dans son domaine de Caulsdorff, non loin de
Berlin, puis à Bachholz, dans la banlieue berlinoise, et par
vint à obtenir du sucre comestible en quantité acceptable.
Encouragé d'abord par Frédéric le Grand, puis par son
arrière-neveu, Frédéric-Guillaume, Achard créa, en 1802, la
première fabrique de sucre indigène à Kunern, près de
Steinau, en Basse-Silésie. Quatre ans plus tard, il établit une
autre fabrique à Krayn, également en Silésie. Sa méthode
était la suivante, ici rapportée par le Moniteur officiel de
l'Empire français : « Après avoir fait bouillir les betteraves,
on les met sous le pressoir, le jus exprimé est réduit en
sirop, on le fait bouillir et réduire jusqu'à moitié: l'évapo
ration donne le sucre Cl 500 livres de racine donnent
57 livres de sucre). »
Lexpérience ne fut toutefois pas probante. La qualité du
produit laissait à désirer, le rendement était insuffisant et le
Portrait coût élevé. Il ne pouvait rivaliser avec le sucre de canne des
de Franz Karl Achard
(1753-1821)
Indes occidentales (Antilles). D'autre part, Achard s'était
Ce portrait a été réalisé par
heurté aux intérêts de l'Angleterre, grande puissance colo
Friedrich Wilhelm Bollinger
niale et commerciale, gros fournisseur de l'Europe du Nord
en 1800.
en sucre de canne. Celle-ci tenta de l'acheter, afin d'étouffer
·..·..···········..····..··..·····.. ····· i:·i·;~~·() ·I;·~Ë ··Dù "Ëiü'ë R'È
Les débuts
du sucre
de betterave
D'après une
chromolithographie
de la fin du XIXe siècle,
la fabrication du sucre de
betterave dans l'usine de
Franz Karl Achard
à Kunern (Silésie).
prémonitoire de ce
donnait un sucre incristallisable. Il fallait se contenter
sucrier en porcelaine de
Sèvres, à présentoir d'un sirop épais - en /B/J, dans le midi de la France,
évoqués Achard
et le sucre de betterave.
Du renouveau de l'espoir
....
~
Présentation des premiers
pains de sucre de betterave
à l'Empereur
Le 2 janvier 1812, au palais
des Tuileries, en présence
de Chaptal, le comte
de Montalivet, ministre
de l'Intérieur, présente
à Napoléon 1er les deux pains
de sucre que Benjamin Delessert
vient de fabriquer.
Décadence et grandeur
Ce ne fut pourtant pas le cas. Pour reprendre les mots
de Jules Hélot (Histoire centennale du sucre de betterave,
1912), « l'industrie du sucre indigène, née sous la guerre,
fut sur le point de périr par la paix ». De fait , les événements
de 1814 portèrent un dur coup au sucre de betterave . «Au
moment où je faisais donner à mes terres le premier labour
pour la culture de cette année , nos armées entraient dans
Moscou; lorsque j'étais occupé à fabriquer le produit de
cette même récolte , une manufacture servait de quartier à
un détachement de cosaques », écrivit l'agronome Mathieu
de Dombasle, l'un des pionniers de la culture betteravière,
qui nous a laissé, entre autres ouvrages, un traité Sur la
fobrication du sucre de betterave (1839). A la chute de
l'Empire, le Blocus continental fut levé. Les ports d'Europe
réouvrirent aux importations de sucre de canne. Les produc
Le pain de sucre de betterave teurs coloniaux protestèrent alors contre leur concurrent, le
de Delessert sucre de betterave, protégé en dépit d'un prix de revient très
Coloré par le temps, le premier pain élevé, car le gouvernement de la Restauration avait compris
de sucre fabriqué avec du sucre qu'on ne pouvait abandonner cette nouvelle industrie.
de betterave par Benjamin Delessert
Certains fabricants de sucre de betterave persévérèrent dans
dans sa manufacture de Passy.
Sa taille est deux fois plus petite la voie qu'ils s'étaient donnée, soutenus par les scientifiques
que celle des pains de sucre qu'allait et par des hommes tels que Chaptal et Delessert. Leur courage
ensuite connaître le xrxe siècle. n'allait pas tarder à être récompensé ...
• • • •• • •
26
CÉpOPÉE DU SUCRE
EN UN MOT •••
animal. Le chimiste et industriel français Louis Charles Derosne
• ••••
La guerre
des sucres
Pendant le Blocus continen
tal, Martinique, Guadeloupe et
Guyane française avaient subi
une crise aiguë : une production
infime, des planteurs écrasés de
dettes. Le maintien du droit sur
le sucre des colonies françaises
et, à partir de 1814, la hausse
croissante des droits sur les
sucres importés de l'étranger ne
favorisèrent pas un meilleur prix
pour ce produit de premIère
nécessité qu'était devenu le
sucre. Néanmoins, le droit élevé
Enterrement sur les sucres étrangers stimula les cultures de la Martinique, de la Guadeloupe et de l'île
du sucre Bourbon. En effet, bien que les Antilles françaises n'offrent qu 'une rentabilité médiocre
indigène (2,5 à 3 tonnes à l'hectare), en comparaison de celle de Cuba et de Porto Rico (6 à 7 tonnes
Cette gravure à l'hectare), elles parvinrent à obtenir pour elles et l'île Bourbon le monopole des marchés
de Grandville
dénonce la crise
de la France. Linstauration, en 1826, d'une prime à l'exportation visa à permettre aux plan
que connut teurs antillais de soutenir la concurrence avec ceux du Brésil sur le marché extérieur; ainsi
l'industrie exporta-t-on quelque 70 000 tonnes en 1828. Mais , en compensation de cette prime, le
betteravière prix du sucre connut une hausse sensible, et la consommation chuta considérablement ...
à la suite de la loi Linquiétude des fabricants de sucre de canne autant que les doléances des ports impor
fiscale de 1837.
tateurs (Le Havre , Bordeaux) conduisirent à la loi du 18 juillet 1837, qui frappa d 'un impôt
le sucre de betterave, jusque-là exonéré de redevance. D'abord fixée à 10 francs par quin
tal, la taxe passa bientôt à 15 francs. Cent soixante-sL'<: fabriques durent fermer, et la bette
rave disparut de dix-sept départements ... C'est dans le Nord que l'industrie sucrière résista
le mieux. Puis, répondant à la même volonté de protéger les sucres coloniaux, la loi du
Sucrerie à Cuba
A travers cette
représentation
d'une sucrerie à Cuba,
]' univers du sucre
de canne au cours
de la première moitié
du XIXe siècle.
La culture de la canne
était très répandue
dans le monde,
mais Cuba était
la plus prospère
de toutes les colonies
à sucre.
2 juillet 1843 décréta l'égalité de l'impôt entre les deux sucres.
La même année, un projet de loi interdisant la fabrication du
sucre de betterave fut m ême déposé, mais fort heureusement
rejeté. C'est Lamartine qui l'avait soutenu devant la Chambre
des députés : «Je vous défends d'appeler la sucrerie une
industrie nationale ! Elle n'a de national que les charges
qu'elle fait peser sur le pays », avait-il déclaré. Si l'attaque fut
virulente, la défense , incarnée par Adolphe Thiers, le fut aussi.
Néanmoins , après ces coups successifs, en 1848, le nombre
des sucreries françaises tomba à trois cent huit ...
Cette rivalité entre les deux sucres devait se prolonger pen
dant quelques décennies . Les détracteurs du sucre de canne ne
faiblirent pas. Pour preuve, Louis Figuier écrivit: « Étouffer l'in
dustrie française pour maintenir l'agriculture florissante dans
les colonies lointaines de l'Amérique est peut-être d'une grande
politique commerciale, mais elle échappe à la faible portée de
notre esprit. »
Au cours du dernier tiers du xrxe siècle, l'activité sucrière
coloniale était surtout importante en Martinique (cinq cent
soixante-quatre plantations en 1872) , en Guadeloupe (quatre
cent quatre-vingt-quinze exploitations en 1872) et à La
Réunion, où la culture de la canne avait connu un large essor
et où la fabrication du sucre constituait la principale ressource
Le transport des cannes
de l'île, sans toutefois pouvoir rivaliser avec l'industrie vers Le moulin
antillaise. En Guyane, culture et fabrication étaient peu déve Gravure aquarellée
loppées ; on dénombrait sept exploitations seulement au allemande du XIX" siècle.
début des années 1870. Enfin, la canne à sucre était aussi
cultivée et traitée à Mayotte, à Nossi-Bé, en Cochinchine,
à Tahiti et en Nouvelle-Calédonie.
Du SUCRE AU FIGURÉ
7
LEurope à 1 ère industrielle « Eh ! qu 'il est doucereux! c'est tout sucre et tout
Décidée à jouer la carte du sucre « indigène », la France miel », dit Sganarelle à propos d'Ariste dans
allait devenir le premier producteur de sucre de betterave euro L'École des maris, de Molière (l, 2). L'expression, ici
péen, suivie de l'Allemagne: 75 000 tonnes en 1850, utilisée pour désigner une personne d'une douceur
274 000 tonnes en 1865, 450 000 tonnes en 1875, presque affectée, connaÎt une variante: « Tout de miel et de
700 000 tonnes à la fin des années 1880. Quant à la consom sucre. Il Lorsqu'il s'agit d'un discours flatteur, on parle
mation, elle dépassa , au début des années 1870, les du « sucre des paroles Il. Ainsi, le héros de Corneille,
250 000 tonnes. Ce fort accroissement de la production s'ex Polyeucte, s'adresse-t-il à Félix en ces termes:
plique à la fois par l'extension de la culture autant dans l e « Portez à vos païens, portez à vos idoles / Le sucre
Nord, terre sucrière par excellence, que dans d'autres régions, empoisonné que sèment vos paroles Il (polyeucte, V, 2).
nouvellement initiées, par l'augmentation du rendement cul Et si la flatterie est mitigée, on a recours
tural, par l'amélioration de la qualité saccharifère de la plante à la qualification « à mi-sucre Il qUi; au sens propre,
et par les considérables progrès technologiques. Il est intéres est appliquée aux confitures réalisées avec la moitié
sant de noter que, parallèlement à la croissance de la produc du sucre qu'on y met généralement.
tion, le nombre des fabriques de sucre en activité augmenta à « Des louanges à mi-sucre Il, dira-t-on.
nouveau , avant de régresser par suite de l'inéluctable phéno Quant à la formule « manger du sucre I l, fréquente
mène de concentration que connut le secteur industriel. dans l'argot des gens de théâtre, elle est employée
Dans la Confédération germanique, où la fabrica à propos d'un acteur qui reçoit
tion du sucre de betterave avait vu le jour, deux ou des applaudissements.
trois fabriques, établies en Prusse - en Bohême et en
•••••
Le sucre au milieu
du XIXe siècle
Détail d'une gravure
consacrée à l'univers du sucre .... _.- .. . ;. , ..
"
• ••••••
30
••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• u ....... ••• ~• • • • • ••••••••••••••
L' É POI' ~~ E DU SU lŒ
Du côté britannique,
des droits oppressifs
Certes, la Grande-Bretagne avait aussi connu le sucre dès
tions restèrent très faibles, et, pour des raisons de coût, on fai
plus de 119 millions dans les années 1750, plus de 181 mil
que ti français manger li sucre pratiquée. En effet, les droits sur le sucre étaient extrêmement
ae ti betterave moi avoir engraissi) élevés, frappés de hausses successives, notamment à la suite
moi pouvoir plus bougis de tout » des embarras financiers causés par la Révolution française. Les
Gravure d'Honoré Daumier (1838) droits imposés sur les sucres provenant de l'Inde, des Antilles
consacrée à l'actualité du sucre. anglaises et de l'île Maurice étaient inférieurs à ceux qui
actuel cette affaire se fait avec des capitaux anglais dans les
« Ceci vous représente un grand dont il dépendrait de nous d'avoir le monopole. » Et d'ajou
combat qu)on peut croire ter: « Il est entièrement en notre pouvoir de doubler la
•••••
La Convention de Bruxelles PORTRAIT DE L-J:NVENTEUR
M. JACOUT ~ROBILLARD
L'amélioration des rendements et les progrès effectués en matière FODd•• t.ou,r do ln M .. i ... on en 18 3 6
·......
32
C Ü OPÎ:F. DU SUC RE
rentre-deux-guerres fut une période difficile pour en culture de la betterave à sucre remontent à 1891.
l'Europe. Le début des années 1920 vit une brusque hausse La même année vit s'ouvrir une sucrerie,
des cours du sucre, due à la spéculation. La crise de 1929 Helvetia, à Monthey, qui devait, toutefois, cesser
ébranla l'industrie. Puis, en 1931, une surproduction de son activité trois ans plus tard, en raison,
sucre déstabilisa le marché, qu'un accord sucrier interna notamment, de son éloignement des régions de culture.
tional , le plan Chadbourne, tenta de régulariser. Faute d'un Il fallut attendre 1898 pour qu'une nouvelle tentative
nombre suffisant de participants, ce plan prévu pour cinq fût faite, à Aarberg" dans le Seeland bernois,
années ne resta pas longtemps en vigueur ; il fut abandonné terre betteravière. Mise en exploitation en 1899,
dès 1934, suite à une forte baisse du prix du sucre. Intervint cette sucrerie connut bien des difficultés, jusqu'à ce
alors un nouvel accord international, signé à Londres le qu'un incendie la détruiSÎt, en 1912 ; grâce à l'aide
6 mai 1937, qui créa le Conseil international du sucre et financière du canton de Berne, elle fut reconstruite sous
Lessor de l'industrie sucrière /' Association suisse pour l'industrie sucrière fut fondée
à la Réunion date de la fin du XIXe siècle. en 1956, avec, entre autres objectifs, celui d'encourager
Sucrerie Frauenfeld SA
Le pays mit, dès lors, l'accent sur la production indigène
•••••
selon lequel les pays producteurs s'engageaient à respecter un
plafond d 'exportation. I.:accord devait être revu par la suite.
Les exportations connurent alors une hausse considérable.
Au sein de ce « tumulte» économique, la France, qui ne
comptait plus, en 1923, que quatre-vingt-cinq sucreries, ne
devait retrouver qu 'en 1930 sa production de 1900. En 1933, la cul
ture de la betterave sucrière couvrait une superficie totale de plus de
260 000 hectares , en majeure partie répartis dans les départements
du Nord. A la veille de la Seconde Guerre mondiale , l'URSS venait en
tête de la production de sucre de betterave, loin devant l'Allemagne,
les États-Unis et la France. Le marché français était, quant à lui, pro
tégé par de hautes barrières douanières, qui, par ailleurs, le mettaient Le sucre
à l'abri des fluctuations du marché international. au début du xxe siècle
Le scénario de désorganisation et de ruine qu'avait généré Action de la raffinerie
la Grande Guerre se répéta avec la Seconde Guerre mondiale. de sucre des Récollets.
I.: « équilibre » de deux tiers de sucre de canne pour un tiers de
sucre de betterave allait se maintenir.
·... ..
34
De son côté, Édouard de Pomiane (Cuisine et restrictions, 1940)
taurait des mesures de régularisation des cours. Cet accord fut recon où la consommation
Le sucre au tournant
du XXle siècl e Les importations, en provenance principalement des pays ACP
Aujourd'hui, sur cent quinze pays produc à plus de 1,7 million de tonnes.
teurs de sucre, trente-neuf cultivent unique Au fil des années, la filière betterave-sucre s'est adaptée
terave représentait les deux tiers de la production mondiale de sucre. Aujourd'hui, la canne
consommation, avoisine les 129 millions de tonnes (valeur en brut), et les dix princi
• ••••••
36
L'ÉpoPÉE DU SUCR E
••••••••
38
E n Chine,
un potentiel considérable
L'Australie,
En Russie,
une industrie en déclin
L'industrie sucrière russe est indissociable de celle de l'URSS.
Avant 1960, la politique soviétique consistait à développer la pro
duction en fonction de l'évolution de la consommation. Après
cette date, les importations de sucre cubain, assimilées à une
source intérieure d'approvisionnement, prirent une place prépon
40
dérante, malgré la nécessité de relancer le secteur sucrier national.
Depuis l'effondrement du régime soviétique, l'industrie sucrière LE SAVIEZ-VOUS?
russe a décliné au point d'atteindre, en 1997, son niveau le plus
• Le sucre est l'unité monétaire
devrait remonter à 4 millions en l'an 2005, selon le plan de réor C'est également celui d'un État
35 kilos, contre 42 kilos en 1990 . Néanmoins, premier demandeur au bord de la mer des Antilles,
en sucre du monde, la Russie importe du sucre brut de Cuba, dans et celui d'un département
le cadre d 'accords de troc sucre contre pétrole . Dans un système de du nord-ouest de la colombie.
La canne à sucre
thailandaise
.
La Tha'ilande
. a
constrUlt son expanSIOn
sucrière sur le
développement d.e ses
exportations.
LES USTENSILES DU SUCRE
sait de cuillères à thé pourvues, à un bout, d'un cuilleron allongé, et à de pièces d'argenterie, car les fontes
l'autre bout, d'une sorte de plate-forme lisse, rectangulaire ou carrée, de Louis xv, après celles de Louis XIV,
qui servait à écraser les petits morceaux de sucre dans la tasse. épargnèrent peu d'objets.
L
glycophile est, de par l'éthymologie du mot (du grec glukus,
« doux », et philein, « aimer »), « celui qui aime ce qui est doux au
goût ». Sa passion est donc axée sur le sucre et tout ce qui le concer
ne , notamment son conditionnement. A travers les emballages, il s'in
téresse à l'histoire du produit et de ses dérivés . Soit le sucre est conser
vé dans son conditionnement d'origine, soit n'est gardé que l'emballa
ge. On estime que plus de 25 000 emballages de sucre en morceaux
ou en sachets ont été émis en France, pour 250 000 dans le monde
entier.
Association créée en 1984, le Club des glycophiles de France réunit
donc les collectionneurs d'emballages de sucre, soit, en 1998, plus de
six cent membres répartis dans toute la France. Le club édite des cata
logues et un bulletin trimestriel, Sa rka ra, réservé à ses adhérents. Des
réunions d'échanges ont lieu régulièrement à Palis et en province. Le
club entretient des relations avec les clubs d'autres pays.
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et 1937 (Cuba) .
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«J. m'en vais dans un vaisseau qui ne porte
Page précédente :
Les plantes du sucre
La nature met en réserve L es hommes ont toujours aimé la saveur sucrée de
le sucre dans la tige de
la canne et dans la racine certaines sèves de végétaux et des fruits, tout comme celle
de la betterave. de sécrétions animales, tels le lait et le miel. La substance
de saveur douce et agréable que nous connaissons sous le
nom de « sucre» est le saccharose, corps cristallisé obtenu
à partir des réserves de glucides contenues dans les
végétaux soumis au cycle photosynthétique, c'est-à-dire
renfermant de la chlorophylle. De nOHlbreux arbres, la
plupart des fruits, les fleurs, les racines,
Ci-contre:
Tige de canne à sucre feuilles et tiges des plantes stockent
Une tige de canne des glucides. Si certaines de ces
renferme de 10 à 15 %
de matières fibreuses,
sources sont exploitées (sirop de maïs
de 12 à 18 % de sucre, aux États-Unis, sucre d'érable au
sous forme de saccharose
et d'un petit peu Canada, sucre de coco en Thaïlande,
de glucose. Un pied etc.), les deux principales sont, à l'heure
de canne donne jusqu'à
20 litres de jus, dont on
actuelle, la canne à sucre et la betterave
extrait 2 kilos de sucre. sucrière.
• •••••
4
Le « roseau sucré»
des Anciens
D'hier et d'aujourd'hui
LA MARTINIQUE
La récolte manuelle, autrefois assurée par les esclaves, pouvait A LA FIN DU XVIIe SIÈCLE
être rigoureusement organisée. C'était le cas au Brésil, où les hommes
coupaient les cannes, tandis que les femmes liaient les bottes, cha L
« a canne doit être coupée à sa
cune de douze cannes. Comme l'explique Antonil en 1711, «chaque maturité, sinon le suc qu'elle donne
esclave a pour obligation de couper en une journée sept mains de n'est pas de bonne qualité. [...]
cannes, à raison de dix bottes chaque doigt, soit trois cent cinquante Lorsque le moment est venu de la récolte,
bottes et chaque femme doit en amarrer autant ». Il n'en était pas de on dispose, en frontière du champ, un rang
même aux Antilles , où le travail à la tâche ne fit son apparition qu'en de nègres munis de serpes et ils avancent
1850, après l'abolition de l'esclavage. en ligne en disposant derrière eux les cannes
La récolte ne manquait alors ni de gaieté ni de couleurs. Les coupées en deux ou trois morceaux.
ouvriers cernaient le champ de cannes et abattaient les plants à Ces derniers sont ramassés et liés en paquets
l'aide d'un coutelas, jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un bouquet au qui sont chargés à leur tour sur
milieu de la « pièce ». « La coupe d'une pièce de cannes dure plu des charrettes qui les portent aux moulins.
sieurs jours et s'exécute au carillon de gaies chansons. Mais, dès le Ceux-ci servent à broyer la canne pour
second jour, pendant qu 'une partie de l'atelier taille en plein dans en extraire le sucre. Ils sont mus soit
ces petites forêts de cinq ou six pieds de haut, l'autre moitié ras par l'eau, le vent ou les bœufs.
semble les cannes en paquets ou gerbes, qu'elle charge sur des La sucrerie proprement dite est une grande
mulets bâtés ou sur de pesantes charrettes attelées de bœufs mugis salle située à côté du moulin. C'est là où sont
sants . Les muletiers en croupe partent au galop, faisant claquer leur attachées les chaudières dans lesquelles
fouet, et à la file les uns des autres. Du champ de cannes au mou on reçoit, on purifie et on réduit
lin, où mulets et charrettes viennent jeter leur charge, c'est un va-et en sucre le suc des cannes.
vient continuel, une espèce de chaîne sans fin, un tumulte inces Les chaudières au nombre de cinq ou six sont
sant, un brouhaha de chants, de cris, de jurons, de claquements de en cuivre rouge et sont chauffées avec le bois
fouets , de hennissements de mulets et de chevaux, de beuglements ou avec les feuilles des cannes abattues.
de bœufs. Les muletiers qui partent apportent au moulin la chan Chacune d'elles a son nom suivant
son de l'atelier, et rapportent à l'atelier la chanson du moulin ... Et sa fonction. Il y a la grande, la propre,
quelles chansons! et quels chœurs! des notes à casser la voix! des la lessive, le flambeau, le sirop et la batterie.
mélodies à briser le tympan ! des mesures à mettre en branle tous A chaque passage, le suc, grâce à la chaux,
les danseurs de la terre! » (La Semaine des enfants, 7 avril 1860 .) la lessive et la cendre, s'épure peu à peu
appelées « cabrouets ».
on le met dans des formes qui contiennent,
Aujourd'hui. ..
Des camions apportent la raffinerie du sucre sont d'un excellent
R. P jean-Baptiste Labat,
Nouveau Voyage aux Iles de l'Amérique, 1722
••••
Aujourd'hui, les choses ont bien changé ... Si la coupe
est encore manuelle dans les plantations traditionnelles ou
dans les régions à relief accidenté , elle est mécanique dans
des pays industrialisés tels les États-Unis et l'Australie. Le
rendement va de 40 tonnes à l'hectare dans les premières
jusqu'à 350 tonnes dans les seconds. La première récolte,
celle dite « des cannes vierges », s'effectue environ un an
après la plantation. Les récoltes suivantes, celles des
repousses successives, interviennent douze mois après la
coupe précédente. La période de la récolte et sa durée
varient, en fait, suivant les conditions climatiques. Aussitôt
récoltées, les cannes, qui ne souffrent pas d'attendre, sont
transportées à la sucrerie où elles doivent être traitées dans
les trente-six heures au plus.
chose qu'un bloc de pierre de 3 à 4 pieds d 'épaisseur, qu'on Ainsi prisonnières on les transporte dans des
arrondit et qu 'on creuse de manière que ces moulins ressem cabrouets à la vue même de leurs sœurs, filles de la
blent à de gros mortiers à bombes, ayant une chambre comme même terre, tels les condamnés qui, dans les fers,
laissant assez d'intervalle pour y placer un rondin de bois de terreur à tous. Une fois rendues au moulin et
4 pouces de diamètre et de 15 pieds de long. Ce rondin est engagées entre les rouleaux, ne sont-elles pas
posé droit, et au bout d'en haut on attache une corde que obligées de livrer, et avec quelle force, toute la
deux bœufs tirent en tournant, faisant tourner le rondin . Il substance qu'elles renferment J
écrase les cannes par son mouvement circulaire, et la Avec quel mépris ne lance-t-on pas à la mer leur
liqueur qui en découle sort par un trou qui est au bas de la corps écrasé et mis en pièces J Avec quelle cruauté
Hors les animaux et l'eau, le vent fut aussi utilisé pour L'habitation, avec son moulin
mettre en mouvement les moulins. Ce procédé, appliqué aux à sucre et sa chaudière
Antilles à partir des années 1730, ne connut qu'une courte Cene peinture naïve haitienne
existence. Les moulins à presser la canne à sucre devaient, restitue l'atmosphère haute
en couleur de 1'« industrie»
d'ailleurs, suivre l'évolution technologique. La vapeur prit le
sucrière de naguère.
pas au xrx.e siècle, simplifiant le travail des hommes. Puis vint
le moteur. .. La presse « à l'ancienne» ne survit que dans les
régions rurales reculées.
Le feu qui nettoie avant la récolte
Dans de nombreux pays, les champs de canne
sont encore brûlés avant la récolte pour débarrasser
les tiges de leurs feuilles sèches.
~ . ....
52
LAL CllltvllE DU SI ICRE
La racine sucrée
des telTIps lTIodernes
Plante des contrées littorales d'Europe du Nord, la
betterave sauvage (Beta maritima) ne possède qu'une
petite racine . La culture a pennis d'en améliorer le
volume et la teneur en sucre. Cette optimisation reste,
d'ailleurs, une constante des recherches agriculturales ;
l'initiateur en fut Louis de Vilmorin, dans les années
1850. Les variétés cultivées descendent, en fait, de la
« blanche de Silésie» sélectionnée par Achard. Laquelle
s'est, d'abord, essentiellement développée dans les
régions septentrionales comme la France, la Belgique et la
Prusse. Il est intéressant de noter qu 'à la fin du ~ siècle
la betterave blanche à collet vert, la plus recherchée, fut
délaissée dans le nord de la France pour la simple raison
que, des commandes de cette variété leur ayant été pas
Le laboratoire sucrier de la nature
sées, certains vendeurs avaient livré des betteraves de moindre Sous l'effet du soleil et de l'eau, le sucre
qualité, mais d'apparence comparable. Pour éviter que la se forme dans les feuilles de la betterave
fraude ne se renouvelât, les cultivateurs préférèrent adopter la par synthèse chlorophyllienne.
betterave blanche à collet rose, certes moins riche en sucre,
mais dont la couleur n'autorisait aucune substitution.
Avec la bette, la betterave rouge (ou betterave potagère) et
LE SUCRE AU DÉBUT
sa racine conique et charnue, sa chair blanche et son collet transparent et d'une belle cristallisation.
plat. Le bouquet foliaire qu'elle développe élabore le sucre La dénomination était souvent précisée,'
ensuite dans la racine, surtout dans la partie renflée. La racine ce sucre de première quafité pour l'eau sucrée,
se fixe dans le sol grâce à ses radicelles latérales et à une racine les gelées et les sirops.
principale (pivot) qui peut pénétrer jusqu'à 2 mètres de pro L'appe{{ation « sucre royal » fut aussi utilisée,
fondeur. Ce développement considérable en fait une plante comme synonyme de « glace de sucre »,
« nettoyante» : « Le sol conserve le souvenir de la betterave », pour désigner « les parties les plus fines
dit-on. En effet, le rendement des céréales (blé, notamment) du sucre pilé qu'on fait passer à travers un tamis
qui lui succèdent croît de façon notable. C'est la raison pour en soie ou tambour » (Émile Dumont).
laquelle on la place souvent en tête d'assolement. Cette glace de sucre était employée
La betterave requiert une terre profonde, riche , argilo-limo pour les pasti{{ages et les glaces au blanc d'œuf
neuse, légèrement alcaline, ainsi qu'un climat tempéré et une Le lumps, de quafité inférieure
relative humidité d'avril à septembre. On la trouve donc dans à ce{{e du sucre royal de Ho{{ande,
les régions tempérées, jusqu'à 30° de latitude Nord. Le semis présentait un plus grand pouvoir sucrant
intervient entre le 15 mars et le 15 mai au plus tard. Les que celui du sucre blanc et donc, à prix égal,
dans un sol bien préparé et bien fumé, suivant des lignes espa
avait l'avantage de bien sucrer
.... ~
Une extraction simplifiée
Végétal bisannuel, la betterave constitue dans sa racine,
la première année, des réserves de sucre qu'elle utilise au
cours de la seconde année, pour sa phase reproductive. La
récolte intervient donc la première année, à la fin septembre,
et couvre quatre-vingts à quatre-vingt-dix jours pour s'achever
avant les grands froids. Aussitôt arrachées, les betteraves sont
mises en silos en bout de champ. Elles sont reprises aussi vite
que possible par les usines pour minimiser les inévitables
pertes de sucre en silos.
La méthode d'extraction du sucre était autrefois rudimen
taire ; elle se faisait par râpage et pression. « Les betteraves,
après avoir été lavées, sont poussées par un ouvrier contre une
râpe animée d'une très grande vitesse; par là elles se trouvent
divisées en parties très ténues; on en amasse de grandes quan
tités dans des sacs de toile que l'on presse très fortement, et
dont le jus s'écoule », lit-on dans un numéro du Magasin pit
toresque de 1835. Les sacs, séparés par des claies d'osier,
étaient entassés les uns sur les autres, puis comprimés forte
ment à l'aide d'une presse hydraulique. Une fois le jus
exprimé, la pulpe contenue dans les sacs était imprégnée de
vapeur d'eau et subissait une seconde pression, de façon à
retirer le maximum de jus sucré.
Aujourd'hui, les betteraves sont d'abord traitées Gavage,
épierrage, épaillage), afin d'être débarrassées de la terre, des
pierres, des feuilles, des herbes et radicelles qui restent accro
chées à elles et d'être présentées propres à la pesée. Celle-ci
s'effectue avant le découpage des betteraves en fines lamelles
(cossettes) par des « coupe-racines ». Les cossettes sont longues
de 5 à 6 centimètres et épaisses de 3 à 4 millimètres.
Puis l'extraction du sucre est réalisée par diffusion, procédé
inventé en 1868. Le sucre se diffuse des cellules des cossettes
dans une circulation d'eau chaude (70-80 OC), dans un grand
En haut : appareil (diffùseur) où elles avancent lentement à contre-cou
Une culture écologique rant. Le jus sucré se concentre progressivement et sort à une
La betterave récupère, au cours de sept mois extrémité du diffuseur, tandis que les cossettes épuisées
de culture, 50 % de }'énergie absorbée par ses feuilles (pulpes) sont récupérées à l'autre bout pour l'alimentation du
et produit 13 millions de litres d'oxygène à l'hectare.
bétail. Le jus brut recueilli, noir grisâtre, est composé de 13 à
14 % de sucre, de 1 à 2 % d'impuretés, et d'eau pour le reste.
Lélimination des impuretés s'opère par le chaulage, qui en
Au centre: précipite une partie et laisse le sucre en suspension, puis par
Une récolte mécanisée la carbonatation (90 OC) avec du dioxyde de carbone qui en
Le rendement à l'hectare est de 60 tonnes
entraîne encore, et enfin par la filtration qui donne un jus clair.
de betteraves et de 10 tonnes de sucre.
Ce dernier est soumis à une nouvelle carbonatation et à une
nouvelle filtration; il se présente alors comme une solution
sucrée limpide, de couleur jaune paille, composée d'environ
En bas:
13 % de sucre, 1 % d'impuretés dissoutes et 87 % d'eau.
Une diffusion continue
Leau est ensuite éliminée par évaporation sous vide. Le
Le jus sucré est extrait des betteraves découpées
en « cossettes » dans cet immense cylindre sirop obtenu, très dense et jaune-brun, contient de 60 à 75 %
compartimenté et tournant. de saccharose.
54
Des dénolllinateurs COlllllluns,
cristallisation et évaporation
Qu'il soit de canne ou de betterave, le sirop sucré subit
ensuite des traitements identiques. Afin de cristalliser, il doit
être concentré au point de sursaturation. Aujourd'hui, les
machines les plus modernes effectuent ce processus et évi
tent les pertes d'antan .
Comme l'explique, à propos du sucre de canne, cet article
paru dans Le Journal de la jeunesse, en 1908, « la fabrication
du sucre de canne est restée bien longtemps tout à fait pri
mitive. [... ] Lévaporation s'effectuait à l'air libre, dans des
chaudières rappelant beaucoup, sauf par leurs proportions ,
En France, la première sucrerie
les bassines où les ménagères font cuire leurs confitures ; les de betterave du monde
mélasses conservaient une proportion considérable de sucre, Vue intérieure de la sucrerie
que l'on ne savait ni ne pouvait extraire avec ces méthodes si de Connantre (Aisne).
primitives. Le fait est que, sur les 200 kg de sucre que
contiennent 1 000 kg de canne, on en obtenait tout au plus
65 kg ! C'était une véritable dilapidation ».
Loin de ces souvenirs artisanaux, la cristallisation se fait
désormais dans des chaudières « à cuire » (cuites), qui fonc
tionnent sous vide partiel, à une température de 80 oC, pour UN GÉANT DU SUCRE
éviter la caramélisation. Les cristaux de sucre apparaissent et
se multiplient dans la « masse cuite ». Celle-ci finit par être TrOis firmes - Say (1812), Béghin (1821)
constituée d'un ensemble de petits cristaux presque inco et Eridania (1899) - sont aujourd'hui réunies
lores enrobés d'une solution sursaturée (eau mère ou égout), en un important groupe agroindustriel,
chargée de toutes les impuretés. sous le nom d'Eridania Béghin-Say,
et constituent l'une des premières entreprises
Mais les cristaux doivent continuer de grossir. La cristal
du secteur sucrier de l'Union européenne.
lisation se poursuit pendant le refroidissement de la masse
Chaque année, Ceresucre, qui coordonne
cuite dans la cuve de malaxage, où sa température tombe à
les activités sucrières du groupe, transforme
45-50 oc. De là, la masse est transférée dans des sortes de
16,5 millions de tonnes de betteraves
turbines (essoreuses) où , sous l'effet de la force centrifuge, les
et produit environ 2,4 millions de tonnes de sucre.
cristaux de sucre sont séparés de l'eau mère . Ainsi obtient
En outre, Eridania Béghin-Say est le principal
sucre (il est, d'ailleurs, baptisé « sucre roux »). Lavé par une
Béghin-Say est le leader du marché français du sucre
séchoirs rotatifs , avant d'être refroidi et stocké. Les tech Elle assure aussi quelque 30 % des exportations
niques modernes permettent aujourd'hui d 'obtenir directe françaises de sucre. La société compte dix sucreries,
Leau mère qui sort de l'essoreuse (égout de premier jet) et une raffinerie de sucre de canne.
contient encore beaucoup de sucre; elle est donc soumise Sa production annuelle de sucre s'élève
ressort un sucre moins pur, plus teinté , dit « sucre de De son côté, Eridania, qui dispose
deuxième jet ». Enfin, l'eau recueillie (égout de deuxième de onze unités de production en Italie,
jet) est traitée de la même façon pour l'obtention d'un couvre, avec ses quelque 800 000 tonnes annuelles,
« sucre de troisième jet », de moindre qualité, dont l'eau plus de la moitié du marché italien du sucre.
Évaporation et cristallisation
Le jus sucré se transforme en sirop dans
les chaudières d'évaporation et cristallise,
après sursaturation, dans les chaudières de cuite.
56
La teneur en saccharose Morceaux de sucre
en continu
Le sucre blanc, de betterave ou de canne, contient au moins 99 ,7 % de saccharose, Le façonnage du
généralement pur à 99,8 %. De son côté, le sucre roux, de canne ou de betterave également, sucre en morceaux et
son conditionnement
comporte entre 85 et 95 % de saccharose. La réglementation de l'Union européenne com
sont assurés
plète cette évaluation internationale par des critères de qualité supplémentaires (blancheur, automatiquement
coloration en solution, teneur en cendres) et distingue ainsi, pour le sucre blanc produit du montage de
dans les pays membres, quatre niveaux de qualité. Le sucre nO l, souvent appelé « sucre la boîte à
raffiné » , est le plus pur; vient ensuite le nO 2. Ces deux premiers standards renferment plus l'emballage final.
de 99,8 % de saccharose pur, alors que le nO 3 en contient plus de 99,7 %, et le nO 4 plus
de 99,5 %. Ces deux dernières catégories ne sont pratiquement plus produites dans l'Union
européenne.
Un sous-produit précieux
« La mélasse est une substance vile, objet du mépris de tous, excepté des écoliers, qui
s'en régalent et s 'en barbouillent, et des épiciers, qui en m ettent dans leurs confitures. Elle
est heureusement susceptible d'une transformation qui la rend tout à fait méconnaissable ;
car, fermentée, elle devient une liqueur fort estimée des colons et encore plus des nègres:
le rhum qui, sous le nom de tafia, remplace sans désavantage pour eux l'eau-de-vie et les
diverses liqueurs de fantaisie qu'on prépare en Europe » , écrivait Arthur Mangin dans Les
Plantes utiles, en 1886. Cette utilité de la mélasse, résidu sirupeux de la cristallisation du
sucre, s'est élargie depuis lors, et elle est récupérée aux fins les plus diverses. Elle entre dans
la composition de la nourriture destinée aux animaux. Sa fermentation donne un alcool
éthylique, utilisé dans l'industrie. Ses applications alimentaires concernent surtout la pro
duction de spiritueux et de vinaigre. Dans le domaine chimique, cet alcool est utilisé pour
la fabrication de parfums, cosmétiques, médicaments , peintures, vernis, détergents, encre,
etc. Enfin, la mélasse est également employée depuis des décennies pour la production de
levure de boulangerie.
Les dérivés de l'usinage
La protection de l'environnement est, depuis les années 1970, une préoccupation
constante des industriels du sucre. La culture betteravière l'a intégrée à ses pratiques.
La fabrication du sucre la prend également en compte en réduisant au minimum les
déchets générés par l'extraction du saccharose, lesquels déchets sont ensuite récupérés,
voire recyclés.
Après le lavage des betteraves, les débris végétaux, tels que mauvaises herbes et
feuilles , sont utilisés par les agriculteurs . Tout comme les pierres rejetées peuvent servir
à l'empierrement de chemins ou de routes . Mais l'eau boueuse de ce nettoyage com
porte encore des morceaux de feuilles, de tiges et de chair de betterave; on les isole, les
lave et les commercialise comme aliment pour le bétail. En outre, après décantation
dans un bassin de sédimentation, cette eau sert pour un autre lavage, et ainsi, sans fin .
Quant à la terre adhérant aux betteraves et recueillie au fond du bassin, elle est de
bonne qualité et retourne aux champs. Une fois le jus extrait, la pulpe pressée, telle ou
comprimée après séchage, constitue un bon aliment pour le bétail. Enfin , l'écume de
sucrerie qui résulte de la précipitation du carbonate de calcium - on l'appelait autrefois
« écume de carbonatation » - est pressée dans d'énormes filtres-presses à membranes,
de façon à récupérer le maximum de jus sucré. Rendu compact, ce précipité constitue
un excellent engrais calcaire pour l'agriculture.
Cela est parfaitement bon pour la poitrine, les soutient et les désaltère ".
à partir des écumes et sirops du sucre, et appelée « guildiue " ou « tafia ",
que cette liqueur soit fort uiolente et de bon marché. Il leur importe peu
En Inde, nous dit Jean Law de Lauriston dans son Mémoire sur quelques
« une espèce de Jagre (sucre brut extrait du palmier) qui est un sucre noir
tiré de certaines cannes beaucoup plus minces que celles dont on tire
et de la distillation du jus de canne. à réueiller un mort... ", lit-on ainsi dans Tereza Batista.
• • • •• •
58
L'ALCHI,\IJE Dl! SU CRE
Un « site de goût »
contribua largement à son succès.
la Sucrerie de Boutdon
la plus importante sucrerie de France.
au début du siècle.
Elle comprenait une usine pour l'extraction du sucre,
• ••••
D'AUTRES SUCRES. • •
créée une coopérative, les Producteurs de sucre d 'érable du Québec, Jl1l1idMult o. MARKS & SPlNOR
§ève~le
dt I·~. Cm",*,
UNE TRADITION GOURMANDE QUÉBÉCOISE ()c:e... ~
lA StVl' d'Ira" amc-tntrH s'oUtn,
u.nÛ[Unnrnl JIG!' baporatkm d 'mu.
Une érablière-type se compose uniquement d'érables à sucre, Grdu il SDn arômt un/qu., d tUliaIJ,
rit, n "'''$Omm, tell.. qUIIJ, paur
sans sous-bois ni herbe. La coulée de sève dépend de la taille de • la11in.,. : ptJilU. ,aJl/~•• a/PIeS•
• nllJ1lN.' : ,/QUJ, g4'ttJU,J'•••
,..POIlTÉ DUCANAOA PM. IoIÉHts
l'arbre, de la période d'entaillage et des conditions climatiques; la ,e BlD_J€AN.lAURÈS 92' 13 CIJCHV
récolte varie donc suivant les années. Chaque arbre donne de 100 à Contenance 250ml
300 kilos de sève, contenant 2 à 3 kilos de sucre. Il faut 30 à
45 litres de sève brute pour produire 1 litre de sirop (maple syrup).
La récolte de la sève commence dès la fonte des premières neiges,
soit en janvier dans certaines régions et en mars dans d'autres. Elle
s'achève à l'apparition des bourgeons, qui tarissent la coulée.
[opération consiste à forer dans le tronc, sur sa face sud - la sève y
est plus abondante et de meilleure qualité - et à une hauteur allant de
80 à 120 centimètres, un ou deux trous profonds de 4 à 5 centimètres
séparés d'un intervalle de 10 centimètres. A noter que les arbres d'un
diamètre inférieur à 25 centimètres sont généralement épargnés. Dans
ces trous, percés à partir de janvier, sont introduits des becs en alumi
nium (chalumeaux ou goudrelles, ou encore goutterelles) munis d'un
crochet auquel sont suspendus des godets (chaudières), en aluminium
ou en matière plastique, munis d'un couvercle, pour empêcher les
impuretés d'y tomber. La sève récupérée contient 97,5 % d'eau, 2,4 %
de sucre pur et 0,1 % de substances minérales qui lui confèrent son
goût caractéristique.
En dépit de l'industrialisation de la fabrication, nombre de familles
canadiennes continuent de confectionner leur sirop d'érable. D'autant
que, traditionnellement, cela donne lieu à une véritable fête autour des
cabanes à sucre. Un tracteur ou une moto des neiges - c'était, naguère,
un traîneau attelé - porte la tonne ou le baril destiné à recevoir la sève.
Le jus sucré est concentré sur place, naguère dans des chaudrons en
fonte en plein air, aujourd'hui dans un évaporateur installé à l'intérieur
de la cabane, sur le feu de l'âtre. La fabri
1
Magnésium (milligrammes) 20 30 0 0
ment dans des tuyaux en plastique et
Phénol (milligrammes) 1 1,4 0 0 passe dans des conduites qui convergent
Acides organiques (grammes) 100 140 0 0 vers la fabrique, de tous les coins de la
Absorption glycémique lente lente rapide rapide plantation. [adoption, en 1976, du sys
(Source: Citadelle, Québec.) tème de pompage à vide constitua un
progrès important pour la récupération de l'eau d 'érable. La sève n'at Une longue tradition
tend pas plus de trois jours, sous peine de fennenter, pour être traitée. La récolte telle
Qu'il vise la fabrication industrielle ou artisanale, le principe de trans qu'elle se faisait autrefois.
fonnation est le même. La sève est concentrée par évaporation. Elle est
portée et maintenue à 104 oC, tout en étant régulièrement écumée, le
temps nécessaire à son épaississement. D'un beau brun doré, le sirop
ne doit pas contenir plus de 34 % d'eau - au-delà, il cristallise. Il est
ensuite filtré, autrefois à travers du feutre, aujourd'hui à l'aide d'un
linge souple, pour éliminer les impuretés, puis conditionné encore
chaud (87 oC au plus) en bouteilles ou en boîtes de métal galvanisé.
Une température plus élevée donne le beurre d'érable (112 OC), la
tire d'érable sur neige 013,8 OC), la tire d'érable ou sucre mou
(114 ,4 OC) , le sucre dur (117,7 oC), le sucre très dur 020 OC) et,
enfin, le sucre granulé (123,3 oC). A l'instar du sucre de canne et du
sucre de betterave, le sucre d 'érable est du saccharose. Son hydrolyse
fournit un mélange à parts égales de glucose et de fructose .
« M ais rien ne nous paraissait aussi frappant, à nous enfants retenus dans la ville chinoise,
que l'histoire du sucre d'érable. Après la guerre, dans notre pays, là-bas, il fallait fabriquer soi-même
Je n'ai jamais vu récolter le sucre, ni même percer l'arbre qui le donne. Mais il me semble avoir assisté à tout cela,
car le récit m'en a été fait souvent, au fond de cet Orient où les érables à sucre ne poussaient que dans nos rêves.
Je sais qu'au début du printemps - même avant, quand il n'est encore qu'un espoir et que le froid subsiste -,
on doit saigner les grands arbres qui, à l'automne, étaient dorés. On pratique un petit trou, on y introduit un tube
en bois par lequel s'écoule l'eau sucrée. Elle tombe dans un seau placé en dessous. Puis, quand tous les seaux
sont pleins, on les réunit et on remplit les grands chaudrons en fonte dans le camp où l'on fabrique le sucre.
Les garçons ont fendu le bois, et ils allument des feux sous les chaudrons suspendus à une crémaillère rustique.
Les feux commencent alors. Garçons et filles de la ville se réunissent au camp, surveillent le sirop,
le tournent chacun à leur tour, mettent de gros rondins dans le feu, puis, s'il y a de la neige,
Quand le liquide est assez épais pour faire du sirop d'érable, on le verse dans de grands barils, et toute l'année
on en arrose les galettes de sarrasin, les crêpes et les gaufres. Mais lorsqu'on veut du sucre, on continue la cuisson,
et il faut une certaine expérience pour connaÎtre le point exact où l'on doit verserle liquide bouillant dans les moules.
Les grands moules ronds donnent les pains de sucre qui servent pour la cuisine; puis il y a les centaines
de petits moules en fer-blanc, en forme de cœur, d'étoiles ou de croissants que l'on remplit aussi. Mais ce qui est
le plus amusant et le plus délicieux, c'est de verser le sucre brûlant sur la neige et de le manger, brusquement
rafraÎchi, en ramassant à pleines mains la neigeet le sucre chaud en train de durcir. Puis, une fois la récolte faite,
chacun rentre chez soi, en chantant eten respirant l'air vif et parfumé; personne ne souffre d'avoir trop mangé
et pourtant on s'est bourré - parce que l'endroit de la forêt où l'on a campé est si net, avec la neige pure et glacée
qui recouvre le sol, que l'air tonique vous a rendu fort et vigoureux. 11
UN PRIVILÈGE CONVOITÉ
En France, d'entrée de jeu , les apothicaires s'attribuèrent la vente du
sucre, au dam des épiciers, qui se limitaient à la vente des produits pré
parés par leurs soins. Le corps de l'Épicerie, qui réunissait ces deux cor
porations, aux côtés des ciriers, des droguistes, des candeliers, etc,
constituait alors l'un des six corps de métier représentant le commerce
parisien, au deuxième rang après celui des drapiers. Toutes les importa
tions de produits du Levant passaient par des apothicaires avant de
devenir marchandises des épiciers. Cette « association » , qui prit parfois
des allures de rivalité, fut consacrée, en 1484, par Charles VIII, qui ins
titua une seule corporation, la corporation des épiciers-apothicaires,
laquelle devait jouer un rôle prépondérant jusqu 'à la fin du xvm C siècle.
Il fallut attendre l'ordonnance royale de 1777 pour que les tout-puissants
apothicaires perdissent l'exclusivité du commerce du sucre.
En haut:
L'officine d'un apothicaire au XVIe siècle
Au milieu:
Pot canon en foïence polychrome de petitfou
(Lunéville, seconde moitié du XVIIIe siècle).
En bas:
Pot en foïence de grandfou
(Belgique, fin du XVIIIe siècle).
DUS
~ucre
« L a consommation de sucre ou des sucres
fait partie des petits plaisirs de la vie
que l'on peut sans danger satisfaire
avec modération. »
Professeur Gérard Debry
encore le sucre rosat, fait de sucre blanc cuit avec de l'eau de rose et moulé
et à les immobiliser
au confiseur.
des micro-organismes,
1353, un édit royal ordonna que les apothicaires soient toujours approvi
leur cicatrisation. De nombreux
• •••••••
70
LES TABCWS Dl" SUC RE
réputé pour être le plus bénéfique. Cette idée devait être revue à l'inverse
par le xvme siècle, pour lequel plus le sucre était traité, moins il était sain.
Ce fut, en fait, à partir du XVIIe siècle que débutèrent les controverses
autour des propriétés du sucre. Les réserves à son égard se multipliè
rent, si bien que d 'un excès l'on tomba dans l'autre. En France, Joseph
Duchesne, médecin ordinaire du roi Henri Iv; fut l'un des plus virulents
« saccharophobes » de l'époque. « Le sucre souz sa blancheur cache une
grande noirceur et souz sa douceur une acrimonie fort grande et qui
égale celle de l'eau fort . Voire s'il s'en peu t tirer un dissolvent qui dis
soudra l'or. » (Le Pourtraict de la santé. . . , 1606.) Ces affirmations, qui
lui valurent de nombreux adeptes, restèrent vivaces jusqu'au xxe siècle.
De la saccharophobie
Ce terme trouve son origine dans les violentes attaques moralisa
trices lancées contre le sucre, à l'instigation du Français Garancières,
émigré en Angleterre, au milieu du xvue siècle . « Il est clair comme le
jour que le sucre n'est pas un aliment, mais un maléfice; qu'il n'est pas Betterave sucrière
un agent de conservation, mais de destruction, et qu'on devrait le ren (Beta maritima)
voyer aux Indes, avant la découverte desquelles la consomption des
poumons n 'était pas connue, mais nous fut apportée avec ces fruits de
nos entreprises », lit-on sous sa plume, en 1647. Ces attaques générè
rent d'ailleurs, par réaction, un mouvement « saccharophile » qui vit le UN PRODUIT
jour dès la fin du XVIIIe siècle. Rendu responsable des maux les plus BIENFAISANT
divers, le sucre fit l'objet de plus de soixante chefs d'accusation, de la
peste à la tuberculose, du scorbut aux hémorroïdes et aux taches de « ToutefOiS, l'on dit que
rousseur ... pour ne citer que les plus inattendus. Le sucre, dont la le bon sucre de 3 ou 4 cuites
consommation était autorisée pendant le carême, suscita en outre un est attrempé en ses qualités
débat théologique qui s'accentua lorsqu'il devint plus largement acces et est chaud et moite
Au fil des siècles, le débat se poursuivit entre « pro-sucre» et « anti à l'estomac, adoucit toutes
sucre ». En effet, la fausse image de produit industriel attachée à cette exaspérations qui sont dedans
denrée a renforcé le discours anti-sucre. Encore au début du xx:e siècle, icelU/~ et principalement
-1' · -
-
1
écrivait Bartholomé Platine.
au XVIe siècle.
••••
le docteur Paul Carton, naturiste, associa le sucre, « aliment mort », à
l'alcool et à la viande panni les « trois aliments meurtriers» auxquels
nous devons , selon lui, « l'empoisonnement de la pensée contempo
raine ». Le sucre ne cessa donc jamais d 'être « diabolisé ».
Plus près de nous, lors des journées d'étude de l'Association des
diététiciens de langue française, en 1992, le professeur Gérard SIam a
a fait remarquer: « La saccharophobie est une maladie psycho-socia
le dont l'épidémie a atteint son apogée à la fin des années 1980. »
Curieusement, à l'aube du xxr e siècle, l'attaque que subit le sac
charose de la part des édulcorants de synthèse, autorisés dans l'ali
mentation en Europe depuis à peine plus de dix ans, et qui promet
tent le plaisir sans les calories, au lieu de le détruire, l'anoblit en res
taurant son image de produit naturel, simplement extrait de plantes,
et en en faisant le symbole du goût véritable.
Le sucre réhabilité
l'eau sucrée qui, disaient-ils, « irrite la soif»
Devant l'importance des jugements irrationnels concernant le
et la déconseillèrent donc aux palais altérés.
sucre, le plus souvent dénués de fondement scientifique, le Service amé
Pourtant, au siècle précédent, il était
ricain de nutrition du Centre de sécurité alimentaire et de nutrition
à la mode dans les salons d'inviter à des
appliquée (FDA, Food and Drug Administration) , après trois années
(( régals d'eau sucrée ». Si des liqueurs
de recherches intensives, a publié en 1987 un important rapport réfutant
accompagnaient cette (( dégustation »,
officiellement les accusations contre le sucre. Ce puissant organisme,
l'eau sucrée se suffisait à elle-même
chargé de statuer sur l'innocuité des substances alimentaires , a fait effec
et constituait une boisson à part entière.
tuer plusieurs études très approfondies sur la consommation des sucres
Le premier régal de ce type eut lieu
par les Américains (saccharose et sucres issus du maïs) . Aucune corré
en /770, à Thionville, à l'initiative
lation directe n'a pu être prouvée entre le sucre et toutes les pathologies
d'un régime en garnison qui récupéra
(obésité, diabète, hypertension, athérosclérose , cancer) , si ce n 'est sa
le stock d'un épicier en faillite.
responsabilité dans le développement de la carie dentaire . Les conclu
Toute la ville participa à ce
sions du docteur Alan Forbes, directeur du Service, ont été fonnelles :
(( festival d'eau sucrée », décrit par
« Même si les sucres favorisent la carie, ils ne présentent pas de danger
Louis Figuier: (( Quand tout le monde
pour le commun des mortels. »
est réuni sur la place, ils jettent
D'autre part, le professeur de nutrition humaine, Gérard Debry,
dans le puits leur énorme provision
directeur du Centre de nutrition humaine de l'Université de Nancy,
de sucre, où chacun peut puiser,
a publié en 1996 Sucres et Santé, qui résulte d 'une étude critique des
et jusqu'au lendemain se gorger
données scientifiques parues dans quelque quatre mille cinq cents
d'eau sucrée! »
publications jusqu'à cette date. Il en découle qu'il serait illogique de pri
Le même auteur rapporte une autre
ver de leur plaisir les consommateurs « nonnaux » de sucre - adultes ou
anecdote qui ne manque pas
enfants - en prodiguant à cette catégorie majoritaire des conseils dérai
de pittoresque: à l'époque du Blocus
sonnables. Les gros consommateurs et les personnes prédisposées aux
continental, alors que le sucre des colonies
maladies métaboliques, telles que diabète , obésité ou hyperlipémie, doi
était saisi, le général Alexandre Dumas,
vent faire, en revanche, l'objet d 'une attention m édicale particulière
père du romancier, eut l'idée,
quant à la quantité consommée et à la période de consommation. De
après avoir confisqué les provisions
même, les familles pour lesquelles la prédisposition aux caries dentaires
d'une épicerie en Espagne,
est avérée doivent limiter leur consommation aux repas et s'astreindre à
d'en faire profiter ses hommes.
des soins bucco-dentaires réguliers. Plus récemment encore, un rapport
A cette fin, il (( jeta le sucre
de la FAO et de l'OMS , Carbohydrates in human nutrition (1998), est
dans le fleuve, où chaque troupier
venu confinner qu'il n 'existe pas de lien entre la consommation de
fut libre de puiser »•••
sucre et les diverses pathologies comme le diabète , les maladies cardio
vasculaires et l'obésité.
72
LE S TABOUS D U S UC RE
Un élélTIent
de 1équilibre alilTIentaire
7
Occupant une place originale dans notre alimentation, le sucre se La molécule de saccharose
Avec ses douze atomes de carbone,
présente soit comme une friandise, soit comme un condiment, et
le sucre (saccharose), dont la formule
même comme un aliment. Rarement consommé seul, il participe à chimique est C\2H22011, est
notre équilibre alimentaire, qu'il contribue à diversifier en s'associant constitué d'une molécule de glucose
aux aliments dont il exalte le goût sans en altérer la digestibilité. et d'une molécule de fructose.
Le sucre fait partie de la famille des
glucides, également appelés « hydrates de
carbone », qui ont pour dénominateur
commun un assemblage chimique, plus
ou moins complexe, d'atomes de carbone,
d'oxygène et d'hydrogène. Au cours de la
digestion, les glucides sont décomposés
en éléments de plus en plus simples, jus
qu'à ce qu'ils puissent directement traver
ser la muqueuse intestinale. La digestion
du sucre, très rapide, se fait dans l'intestin
grêle où, sous l'effet d'une enzyme, l'in
vertase, les deux molécules qui le consti
tuent (glucose et fructose) sont séparées
avant d'être absorbées par la muqueuse
intestinale. Elles viennent alors jouer dans
l'organisme le rôle d'un combustible, afin
d'entretenir le bon fonctionnement des
organes (respiration, digestion, circula
tion), l'activité musculaire et celle des cel
lules nerveuses. Quand le sucre est asso
cié à d'autres aliments et consommé en
fin de repas, son absorption au niveau de
l'intestin est retardée.
Pour les jeunes enfants, l'addition de
sucre aux boissons lactées favorise leur
acceptabilité. Chez les jeunes, les boissons sucrées rafraîchissantes
permettent de limiter la consommation de boissons alcoolisées. LES PETITS BIENFAITS
[attrait des convalescents pour les mets sucrés favorise la renutrition, DU SUCRE
même sans appétit. Enfin, les boissons sucrées aromatisées et les
entremets attrayants participent à la couverture des besoins · En cas de coup de pompe, boire
hydriques des personnes âgées. En outre, ils complètent agréable un café très sucré. Il donne un
l'effet de la caféine.
Pendant plus d'un demi-siècle, on a opposé les glucides complexes, un morceau de sucre imbibé
ou sucres lents (comme le pain), aux glucides simples, ou sucres de vin rouge. ))
•••••
aussi la forme physique de l'aliment (solide ou liquide), sa tex
ture , son mode de préparation et de cuisson , sa consommation au
cours d 'un repas, en présence d 'autres nutriments Qipides, pro
tides , fibres) ou isolément. Entrent également en jeu les réactions
individuelles de chacun. Une nouvelle classification des glucides a
été établie: un index glycémique ordonne les aliments selon leur
pouvoir hyperglycémiant par rapport à celui d'un glucide de réfé
rence ayant pour index 100 - le glucose ou le pain. Plus l'index
d'un aliment est élevé, plus il fait monter le taux de glucose dans le
sang. On pensait jusqu'alors que les produits sucrés naturelle
ment (par exemple, les fruits) étaient susceptibles d'entraîner une
réponse glycémique moindre que celle des produits manufacturés
contenant la même quantité de sucre ajouté. Les analyses ont
démontré qu 'il n'existait pas de différence significative. A teneur
calorique égale, il n'y a aucune différence entre l'index glycémique
des céréales du petit déjeuner, qu'elles soient fabriquées avec ou
sans addition de saccharose.
Ces nouvelles données permettent d'établir des conseils dié
tétiques appropriés à chacun et d'éviter les interdits systéma
tiques et injustifiés portant sur le sucre et le sucré. Grâce à elles,
le régime des diabétiques a pu être quelque peu assoupli .
••••••
4
LES TABOUS D U S llC RE
1'alilTIent du sportif
L'alimentation des sportifs doit être équilibrée, adaptée quanti
l'apport calorique, pendant les jours qui précèdent l'exercice phy Du sucre
une très forte proportion de glucides. Ce qui est valable pour les
barres chocolatées) dans leur sac à dos, sans oublier les gourdes de
moments de fatigue.
Le sucre au service
du tennis
Le sucre a-t-il
contribué à la
première victoire
française lors de
la Coupe Davis
à Roland-Garros?
Quoi qu'il en soit,
les Mousquetaires
(à droite, Jean Borotra
et, à gauche, René
Lacoste) n'ignorèrent
pas, semble-t-il, son
pouvoir énergétique.
• ••• •
Les réticences au sucre
L problème de la carie dentaire est souvent avancé à propos du
sucre. Les bactéries normalement présentes dans la bouche adhèrent
aux dents pour former un film microbien appelé plaque dentaire.
Ces bactéries utilisent les glucides fermentescibles des aliments pour
produire des dérivés acides qui attaquent l'émail des dents. Pour
qu'une carie se développe, il faut l'interférence de plusieurs facteurs :
un terrain propice, qui dépend des individus, de leur état de santé et
de la qualité de leurs défenses immunitaires ; l'existence de micro
organismes cariogènes ; l'apport de glUCides fermentescibles, le sac
charose et l'amidon cuit étant les préférés de la plaque dentaire. La
forme des aliments , leur texture et leur temps de séjour dans la
bouche interviennent également. La fréquence de consommation
des produits sucrés importe donc plus que la quantité consommée.
Soulignons également l'importance d'une bonne mastication pour
stimuler le débit salivaire, la salive favorisant la reminéralisation de
l'émail, la neutralisation du pH (niveau d'acidité) de la plaque den
taire et l'élimination des débris solides entre les dents .
Le meilleur moyen de lutter contre la carie est, sans conteste, l'hy
giène bucco-dentaire. Selon certaines études, les actions de santé
publique pour la prévention des caries, menées au cours du dernier
quart du xx.e siècle, ont fait davantage reculer la fréquence des caries
La carie dentaire chez les enfants que les restrictions de sucre imposées pendant la
en régression Seconde Guerre mondiale. Bien que la consommation de sucre reste
Le recul est dû à la prévention stable dans les pays industrialisés, la fréquence des caries dentaires
basée sur l'amélioration diminue.
de l'hygiène bucco-dentaire
La surcharge pondérale est un autre argument avancé par les
et l'emploi du fluor.
détracteurs du sucre. Les causes de l'obésité sont multiples et très
complexes, souvent liées à un facteur génétique prédisposant. Les
obèses ne montrent pas de préférence spécifique pour le sucré, mais
Capacilé d'un alimëlll une dilection pour les aliments savoureux et onctueux, riches en
à pr()v:oqucr des caries dentaire!' graisses. Consommé raisonnablement, le sucre ne fait pas grossir, du
tCP .
_ _ _ ) f.I.I~;!I~•.!I~..,~ril?J.\~ I~ i<i"\ I':lIl'! lIidkJ.
IL= .
moins pas plus qu'un autre aliment. Il n 'apporte que 4 kilocalories
au gramme, contre 9 pour les lipides et 7 pour l'alcooL Bien plus que
Gelée dessert ............ .... . ... 0 ,38
l'excès de sucre, la consommation excessive de lipides, voire d'ali
Flocons de maïs .. .. ... . .......... 0 ,40
ments gras sucrés, peut entraîner une surcharge pondérale impor
Cacahuètes . .. ..... .. . .. ......... 0,42
Yaourt. . . . . . .. . .... . ....... . .. 0,44
tante. La suppression ou la réduction du sucre dans l'alimentation
Lait écrémé . ...... . .... . .. . ..... 0,24 est efficace pour perdre du poids, à condition d'entrer dans le cadre
Chips .. ...... ......... . ..... ... 0,55 d 'un régime restrictif global et équilibré, de respecter un rythme de
Amidon de maïs .... . . . . . . . . . .. . .. 0 ,6 7 repas régulier, de limiter aussi et principalement la consommation de
Biscuits de se igle ... . . .. . . . . .. . ... 0,68 graisses et d 'alcool, et de s'astreindre à une activité physique ou
Beignets ... ....... . . . .. . .. . . . . . . 0 ,70 sportive suffisante.
Chocolat . . . . . . . . ......... . 0 ,76 Enfin, on ne peut évoquer le sucre sans parler du diabète . Cette
Gâteau de Savoie ........ .. . ... ... 0.76 maladie chronique, due à une déficience du métabolisme des
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ... 0 ,9 1 glucides et liée soit à un déficit d'insuline (hormone sécrétée par le
Saccharose ..... . . . . . . . . . . . . . . . . 1,00 pancréas et qui régularise le passage du glucose dans les cellules),
Pommes d e terre frit es .............. 1,09 soit à une résistance anormale de l'organisme à cette hormone, se
.. ... ... . . . .. . ........ 1,11
caractérise par une élévation anormale du taux de glucose dans le
...... . .. . .... . .. . ... 1,17
sang. Il existe delL'X types de diabète:
...... ........ . ...... 1,21
-le diabète insulino-dépendant, aussi appelé « diabète' maigre »
(Source : Nutrition et Diététique, XXVI 5, 1991.) ou « juvénile », car il apparaît souvent avant l'âge de 30 ans. Les
cellules du pancréas ne produisent plus ou
presque plus d'insuline. La maladie est
contrôlée et traitée par des injections jour
nalières d'insuline;
- le diabète des sujets d'âge mûr, souvent CE 950)
CE 951) CE 952) CE 954) CE 957)
héréditaire, associé à l'obésité et à la sédenta Boissons
rité. Cinsuline, bien que sécrétée normale douces 350
600 400 80 30-50
VER ou SSA
ment ou irrégulièrement, n'assure plus son Desserts
350
1000 250 100 50
rôle. Traité par des médicaments et un régime VER ou SSA
Confiseries
alimentaire très précis, ce diabète exige une 500
1000 500 500 50 100
SSA
Chewing.gums
réduction de la surcharge pondérale. SSA
2000
5500 1500 1200 50 400
La maladie étant souvent baptisée « diabète Cidre, bière 350
600 80 20
Glaces
sucré », on a longtemps cru que la consomma VER ou SSA
800
800 250 100 50
tion de sucre et de produits sucrés en était res Confitures
1000
1000 1000 200 50
VER
ponsable. Les spécialistes sont aujourd'hui Sauces,
350
350 160-320 50
unanimes, travaux et enquêtes concordent : moutardes
Compléments
une consommation élevée de saccharose n'est 350-500
[600-2000] 400-500 [80-500] 50-100
alimentaires
pas susceptible de causer les différents types de Vitamines,
préparations 2000
5500 1200 400
diabète chez des personnes qui n'y sont pas diététiques
Conserves
génétiquement prédisposées. Le traitement du aigres-douces
200
300 160 30
diabète a longtemps reposé sur la suppression
du sucre et des produits sucrés, ainsi que sur VER: à valeur énergétique réduite.
la limitation du pain et des féculents. Souvent SSA: sans sucres ajoutés.
••••••
78
L ES TABOUS Dl' SI'CRF
goût, parfois prononcé, persistant en bouche, est plus ou moins !- , -;;"--:-~· a ·· -> -~tL""". -~ . . ~ ,,\'.
vent remplacer le sucre dans la plupart des applications alimentaires Pouvoir sucrant relatir
ùes édulcorants
sans le recours à des agents de masse, ce qui les élimine d 'emblée de
naLurels ou de synthèse
notre tradition gastronomique sucrée de qualité.
Ces édulcorants, commercialisés soit en boîtes de comprimés, soit Lactitol . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 0,4
en sachets, sont surtout destinés à sucrer les boissons chaudes et les Sirop de glucose ...... ........ ..... 0 ,4
laitages. Pour la préparation de desserts, l'édulcorant - aspartame le Sorbitol ....... ............... .... 0,6
plus souvent - est additionné, selon la marque du produit, d'un ou Glucose .................. . . ...... 0,7
de plusieurs agents de masse (tels que dextrose, maltose, maltodex Maltitol ..... . ... ... . . . . .. . ... .... 0,8
portants, des produits chimiques dont le succès modéré laisserait à Cyclamates .. . ..... . ........... 25 à 30
penser qu'ils ne procurent pas aux consommateurs tout le plaisir des Aspaname ....... . .. . .... .... 100 à 200
La réglementation européenne autorise certains édulcorants Saccharine ........... . ... . .. 300 à 400
• •••••
7(
DE PRÉCIEUX OBjETS_:_
de laquelle on ne se servira
probablement jamais. »
LE CONDIMENT UNIVERSEL
« Mêlé à l'eau, il donne l'eau sucrée, Mêlé au café, il en fait ressortir l'arome .
boisson rafraîchissante, saine, agréable, et quel Mêlé au café et au lait, il donne un ali
quefois salutaire comme remède . ment léger, agréable , facile à se procurer, et
Mêlé à l'eau en plus forte dose, et concentré qui convient parfaitement à ceux pour qui le
par le feu, il donne les sirops qui se chargent de travail de cabinet suit immédiatement le
tous les parfums, et présentent à toute heure un déjeuner. [. .. ]
rafraîchissement qui plaît à tout le monde par Mêlé aux fruits et aux fleurs, il donne les
sa variété. confitures, les marmelades, les conserves, les
Mêlé à l'eau, dont l'art vient ensuite sous pâtes et les candis, méthode conservatrice qui
traire le calorique, il donne des glaces, qui sont nous fait jouir du parfum de ces fruits et de ces
d'origine italienne, et dont l'importation paraît fleurs, longtemps après l'époque que la nature
due à Catherine de Médicis. avait fixée pour leur durée. [. .. ]
Mêlé au vin , il donne un cordial, un restau Enfin, le sucre, mêlé à l'alcool, donne des
rant, tellement reconnu , que, dans quelques liqueurs spiritueuses, inventées, comme on
pays, on en mouille des rôties qu'on porte aux sait, pour réchauffer la vieillesse de Louis XIv, et
nouveaux mariés, la première nuit de leurs qui, saisissant le palais par leur énergie, et
noces: de la même manière qu 'en pareille occa l'odorat par les gaz parfumés qui y sont joints,
sion, on leur porte en Perse des pieds de mou fonnent en ce moment le nec plus ultra des
ton au vinaigre. jouissances du goût.
Mêlé à la farine et aux œufs, il donne les bis [usage du sucre ne se borne pas là. On peut
cuits, les macarons, les croquignoles, les babas, dire qu'il est le condiment universel, et qu'il ne
et cette multitude de pâtisseries légères, qui gâte rien. Quelques personnes en usent avec les
constituent l'art assez récent du pâtissier petit viandes, quelquefois avec les légumes, et sou
fournier. vent avec les fruits à la main. Il est de rigueur
Mêlé avec le lait, il donne les crémes, les dans les boissons composées les plus à la
blancs-mangers, et autres préparations d'office, mode, telles que le punch, le négus, le sillabub,
qui terminent si agréablement un second servi et autres d'origine exotique; et ses applications
ce, en substituant au goût substantiel des varient à l'infini, parce qu'elles se modifient au
viandes un parfum plus fin et plus éthéré. gré des peuples et des individus. »
• • • ••
2
__ a .
an IS
~ucre
« L e laitage et 'e sucre sont un des goûts
naturels du sexe, et comme le symbole
de l'innocence et de la douceur
qui font son plus aimable ornement. »
Jean-Jacques Rousseau, La Nouvelle Héloïse
E
A T u
• ••••
Le plus ancien,
le pain de sucre
A ses débuts, le sucre fut produit en petites masses
rondes et plates, semblables à des pains . En 1470, les raffi
neurs vénitiens récompensèrent de 100000 couronnes celui
qui inventa l'art de façonner le sucre en cônes, dits « pains
de Venise » . Cette présentation allait être utilisée dans le
monde entier jusqu'au début du xxe siècle.
D'abord en terre cuite, garnies de cercles de bois, les
formes coniques furent ensuite réalisées en tôle vernie, en
zinc, parfois même en papier mâché , puis en matière plas
tique. Elles étaient percées d'un trou au sommet. On les pla
çait sur des pots en terre, pointe en bas , et l'on bouchait ce
trou pendant le remplissage. Leau mère , contenant les cris
taux de sucre, s 'écoulait par le trou au cours du séchage.
Ce fut là le sucre le plus couramment vendu à nos grands
« J'enveux, j'en aurai », ou les deux mères, jusqu'à l'apparition du sucre en morceaux. Le pain,
petits gounnands au pain de sucre commercialisé dans les épiceries , pesait entre 1 et 15 kilos.
Le pain de sucre trouve souvent sa place dans On le cassait à l'aide d'un petit marteau ou d 'un couperet.
les chromolithographies de la fin du xrxe siècle.
Sa vente se raréfia en Europe dans les années 1950. En
France, il n 'est plus produit industriellement depuis 1960.
Devenu le symbole d'une tradition disparue, il ne se trouve
plus que dans quelques épiceries fines , en diverses tailles , de
quelques grammes à 500 grammes.
En Afrique du Nord, le pain de sucre demeure une den
rée traditionnelle , indissociable du thé dont les populations
font une grande consommation. Naguère , pour leur per
mettre d 'identifier facilement les marques , les raffineurs de
sucre français et hollandais apposaient sur chaque pain une
étiquette rouge et or où figurait un animal, emblème de la
marque: un lion pour Saint-Louis, un cheval pour Say, un
mouflon pour Beghin ... Enveloppés d'un épais papier bleu
•••••••
86
Pierrot au pain de sucre
La valeur symbolique du pain de sucre
est demeurée très forte, comme en témoigne
cette publicité de René Vincent pour les
bonbons aux fruits « Pierrot gourmand ».
A l'âge d'or
du pain de sucre
D'après une
chromolithographie
de la fin du XL'(e
siècle, l'étiquetage
des pains de sucre
dans l'atelier
de conditionnement
d'une raffinerie.
Le sucre
cristallisé
Les cristaux
qui le composent,
de taille variable,
se sont transformés
naturellement
pendant la
cristallisation du
. .
Slrop en pnsmes
« rhomboïdaux ».
Le « sucre cristal »
Le sucre cristallisé blanc est recueilli dans les turbines ,
après contraction sous vide et cristallisation des sirops ; ses
cristaux, fonnés naturellement, peuvent être de dimensions
différentes et hétérogènes , généralement autour de 0,60 mm
de diamètre . Certains fabricants, notamment en Belgique,
sont en mesure de produire, par une cuisson plus lente et
progressive des sirops, des cristaux d'une taille supérieure à
1 millimètre (<< sucre granulé gros grains »).
Conditionné par paquets de 1 ou 5 kilos, ce sucre est des
tiné à la macération des fruits, ainsi qu 'à la préparation des
confitures et des compotes. Si ses cristaux sont gros, il décore
les tartes et enrobe les pâtes de fruits ou les fruits déguisés
d'Afrique du Nord .
••••••
8
lA GOI1R~IANl)IS E D{I SU C RE
sachets de 7 à 10 grammes, qui arborent des décors même en plaçant quelques gousses de vanille dans le
nominatifs ou publicitaires. Dans de nombreux pays, sucrier, ce qui permet d'en avoir constamment à dis
où le sucre en morceaux n'appartient pas aux usages de position.
consommation, c'est le seul sucre enveloppé proposé.
Page de gauche
En haut:
Pétales de rose
cristallisés par
Henry Rémi,
artisan confiseur.
En bas:
Le sucre en poudre
A la base de tous
nos desserts,
il sucre laitages,
crèmes et compotes.
Pour décorer les gâteaux,
il peut être coloré.
Ci-contre:
Salade de fruits
Pour en exalter
le parfum, il faut
saupoudrer les fruits,
quelques heures avant
de les consommer,
de sucre en poudre,
de sucre vanillé
ou de sucre glace, puis
les laisser macérer
au frais.
•• ••
E
C'est le sucre idéal pour la décoration, le glaçage, « Casson », « perlé », « granulé »
les desserts non cuits, les meringues, la crème
Chantilly, les coulis de fruits , etc. Les Anglais commer Ânsi appelle-t-on les sucres en grains qui résul
cialisent également un sucre glace roux, golden lang tent du concassage, après compression et séchage, de
sugar, dont les utilisations sont identiques. lingots de sucre très blanc en grains très durs. Ils sont
classés selon leur calibre et généralement réservés à
l'artisanat. Certains pays les commercialisent au détail.
Le sucre spécial confitures Plus résistants à la cuisson, les sucres en grains sont
utilisés pour la décoration (chouquettes, brioches, pains
Le sucre pour confitures est un sucre en poudre d 'épices, gaufres, craquelins, croquembouches) et par
blanc additionné de pectine naturelle de fruit (0,4 à fois pour la préparation des pâtes levées sucrées.
1 %), d'acide citrique (0,6 à 0,9 %) et, quelquefois,
d 'acide tartrique. La pectine facilite la prise des gelées
et confitures. Les acides renforcent l'action de la pec D'origine française,
tine et assurent une meilleure conservation . [emploi
de ce sucre permet de réussir marmelades et gelées, et le sucre en morceaux
de diminuer leur temps de cuisson tout en préservant
les qualités gustatives des fruits - cependant, certains
L sucre en morceaux est destiné aux boissons
chaudes. Blanc, il sert couramment à la confection du
amateurs n'apprécient pas la consistance des confi
sirop de sucre cuit et du caramel, en raison de sa facilité
tures ainsi préparées. Pour bien utiliser ce sucre, il
de dissolution. Autrefois, on fabriquait les morceaux de
convient de suivre scrupuleusement les instructions
sucre en versant la masse cuite chaude dans des moules
notées sur l'emballage: quantité , temps de cuisson.
parallélépipédiques. Puis, après séchage en étuve, les
Les adeptes de la cuisine au micro-ondes le choisis
plaques étaient sciées, cassées et rangées dans des
sent pour réaliser des confitures en petite quantité.
boîtes. Sucre de luxe à cristaux brillants, le « sucre
On peut aussi l'employer pour donner de la texture
adant », dérivé de cette technique, a aujourd'hui disparu .
aux coulis de fruits, et l'incorporer, sous forme de
En 1854, un épicier parisien, Eugène François, inventa
sirop , à la purée de fruits destinée à la préparation
une machine à produire des morceaux, ancêtres de ceux
« maison» de sorbets.
que nous connaissons. Ces derniers sont obtenus par
moulage du sucre cristallisé, blanc ou roux, humidifié et
compressé mécaniquement dans des moules indivi
duels. Lors du séchage et de la maturation, les cristaux
se soudent les uns aux autres; les morceaux sont ensuite
automatiquement déposés, par rangées, dans des boîtes
en carton de 1 kilo. Si, autrefois, en France, le calibre des
morceaux allait de un à cinq, le sucre traditionnel n'offre
plus aujourd'hui que deux calibres; selon les marques,
les morceaux pèsent entre 7 et 8 grammes pour le
nO 3, et entre 5 et 6 grammes pour le nO 4. Suivant les
moules et les pays, les morceaux peuvent aussi se pré
senter en dés, en dominos ou sous des formes fantai
sistes. En Belgique notamment, depuis 1995, les « mor
ceaux durs » portent une rainure en leur milieu, de
façon à être facilement sécables. Plusieurs marques
fabriquent également des morceaux à l'ancienne,
généralement en sucre de canne, à partir de lingots
Sucre en morceaux
Domino, cube, pique, trèfle, cœur, carreau ...
Le morceau de sucre se prête au jeu .. .
C'est en France qu'il fut moulé pour la première fois
par la raffinerie Bouchon, à Nassandres, en 1876.
•••••••
90
lA GOURt-IANDISE DU SUCRE
La boîte de sucre
Ce dessin de Pouf agence les
morceaux: de sucre en mots croisés
pour la revue enfantine Guignol
(n° 49, décembre 1934).
UN ÉTIQUETAGE
RÉGLEMENTÉ
- aliment ou boisson -,
du saccharose, de betterave
glucose ou dextrose,
fructose, sirop
Un dallage en sucre
de glucose, isoglucose).
Brun, blond ou blanc, rectangulaire ou cubique,
le sucre en morceaux: peut être utilisé pour
de nombreux: décors.
• ••••
C/
restaurants à présenter le sucre « enveloppé ou protégé par
une couverture de papier qui n'ait servi à aucun autre
usage , et en forme de paquet ou de petite bourse ».
Dans l'Hexagone, la fabrication des emballages de
sucre fut interrompue en 1918, un décret interdisant alors
de servir du sucre dans les endroits publics. Ce ne fut
qu'en 1928 que la Manufacture Hygiénique de Sucre en
Étui, entreprise d'emballage localisée à Hendaye, sortit le
premier sucre emballé publicitaire « nominatif ». Trois ans
plus tard , en 1931, une société strasbourgeoise déposa un
nouveau modèle : un morceau de sucre protégé par un
papier entouré d 'une bande . Cette présentation est enco
re en usage en Allemagne , aux Pays-Bas, en Autriche, dans
les pays d ' Europe de l'Est, ainsi qu'en Thaïlande et à
Hong Kong.
remballage que nous connaissons aujourd'hui a vu le
jour en 1950. Le domino de la raffinerie Saint-Louis à
Marseille fut longtemps le plus renommé et le plus répan
du. Le sucre se présente désormais soit en morceaux enve
loppés, à l'unité ou par deux, de 5 à 11 grammes, soit en
papillotes. Les formats diffèrent d'un pays à l'autre, et
nombreux sont les touristes qui en rapportent des contrées
les plus lointaines . D'autant que les sociétés sucrières riva
lisent d'imagination pour les rendre attrayants et créent
des séries à thèmes (animaux, moyens de transport,
hommes célèbres, etc.) , alors que certaines entreprises
(torréfacteur, restaurant, bar, hôtel, etc.) les utilisent
comme supports publicitaires.
92
························· L\ · G(·;lïR~ïM;.; i;ïsË· ï)·lj··S lië 'Rïi
Le « rangeage » du sucre
Lorsque le conditionnement
du sucre se faisait
manuellement .. .
Ici, dans l'atelier
de la raffinerie Bouchon
au début du xxe siècle.
Donkere rietsuiker
••••••
93
Le « sucre à la ficelle » couleur miel, dont le parfum rappelle celui du fodge,
Au XIXe siècle, friandise appréciée des Britanniques. Le moscovado est,
le sucre candi d'ailleurs, surtout commercialisé dans le Royaume-Uni.
était si onéreux A l'approche de Noël, en Angleterre, on trouve aussi
qu'il était d'usage
de la mélasse, Molasses Sugar, le plus brun de tous les
de le suspendre
au-dessus de la table sucres : riche en arôme et de consistance poisseuse, elle
pour que chacun est destinée à la préparation des traditionnels puddings.
le trempe dans sa tasse,
afin de sucrer
parCimomeusement Le plus gros cristal, le candi
son café.
La notion de gourmandise est encore plus asso
ciée au sucre candi qu'aux autres formes de sucres.
Contes et récits féeriques en font le matériau de choix
de constructions imaginaires, telle cette « île de suçre
avec des rochers de sucre candi et de caramel»
qu'évoque Fénelon. Apparu au XIn e siècle en Occident,
le terme « candi» vient du mot arabe qandî(<< sucre de
canne »), lui-même dérivé de l'hindou. Dès le Moyen
Age, ce sucre fut réputé pour être le meilleur et fut paré
de vertus thérapeutiques. Au xve siècle, tout bon apo
thicaire se devait de disposer, dans son officine, de
candi simple et de candi à divers parfums de fleurs et
de fruits.
Le candi blanc est, en fait, composé de cristaux trans
parents, plus ou moins gros, obtenus par cristallisation
lente (une dizaine de jours) d'un sirop pur sursaturé et
chaud. Le candi brun est obtenu de la même manière, à
partir d'un sirop coloré par caramélisation. Le sirop était
autrefois versé dans des bacs de cuivre (<< candissoires »),
tendus de fils de lin ou de coton sur lesquels le sirop se
fixait et s'agglomérait en de beaux cristaux prismatiques.
D'où le nom de « sucre à la ficelle ».
Surtout apprécié pour son bel aspect, le candi agré
mente les sucriers de table. Dans le nord de la France,
certaines familles l'utilisent encore pour préparer des
sirops à la carotte ou au navet, réputés contre la toux.
D'autre part, en raison de la lenteur de sa dissolution,
il est recommandé pour la confection des liqueurs et
fruits à l'alcool « maison ».
Le sucre candi brun est également utilisé en bras
serie pour colorer la bière, ainsi que par certains pro
ducteurs de Champagne pour la préparation de la
« liqueur d 'expédition », faite de vin vieux et d'eau-de
vie - l'ajout de candi varie selon le champagne désiré,
brut, sec ou demi-sec.
Casser le sucre
La pince à casser le sucre, ici en fer forgé,
était très utilisée aux XVIIIe et XlXe siècles.
························'·LA · ëi Oüï~~ï~\NDïs Ë· [;·· ..·sü·ëRïi
glaces.
En sachets décorés, cette forme
bars, brasseries
Au service de l'industrie
alimentaire
Sous l'action de la chaleur et d'un élément acide , LE SUCRE AU PRIX DE L'OR
le saccharose en solu tion se scinde en deux (hydrolyse)
pour donner une molécule de glucose et une molécule Le 1er février 1983, à l'Hôtel Drouot, à Paris,
de fructose. Le produit obtenu est appelé « sucre inver fut vendue aux enchères une collection de
ti ». Sa texture est semi-pâteuse , et sa couleur, blan dix mille morceaux et sachets de sucre, au profit
châtre. Le terme « inverti » est lié à la propriété qu'a la de la Fondation de la recherche médicale.
molécule de fructose de dévier le plan d'une lumière La vente, qui ne dura que trois heures, rapporta
priétés différentes -la principale, et non la moins avan de Lannemezan, fut adjugé 3 100 francs!
Le sucre inverti est utilisé pour la fabrication indus Sabine Bourgey, avait préalablement récolté
trielle des confiseries, biscuits, pains d'épices, glaces et une somme équivalente, et que ses nombreux amis
• ••••
LORSQUE
-E lJ
FAIT ŒUVRE
• ••••
Ls quelques conseils
En matière
qui suivent laissent mieux
percevoir toute la diversité
de douceurs
des vertus « culinaires»
du sucre.
98
LA GOIJRHANDIS E DU S C
• •••
Le sucre Le concombre perd son
amertume s'il est trempé
• La sauce à l'oseille
gagne à être additionnée
à la cuisine dans du lait sucré; il faut
ensuite l'éponger à l'aide de
d'une pincée de sucre en
poudre.
papier absorbant.
Ajouter un peu de sucre • Une sauce au vin
dans les préparations salées • [amertume des endives demande à être goûtée, de
permet de renforcer le goût braisées est neutralisée lors façon à lui incorporer, si
naturel des aliments, d'atté qu'on ajoute un peu de sucre besoin est, un peu de sucre
nuer l'acidité ou l'amertume, au beurre dans lequel elles roux.
voire d'accentuer la colora sont mises à dorer.
tion. • Pour colorer un
• Les petits pois frais doi bouillon de petit salé, voire
Une cuillerée de sucre vent être cuits à l'étuvée avec de pot-au-feu, y verser une
en poudre et une pincée de un peu de sucre en poudre. bonne cuillerée de caramel
vanille en poudre améliorent S'ils sont cuits à l'eau, une liquide.
le potage au potiron. pincée de sucre leur conserve
leur belle couleur verte . • Le beurre de tomates,
• Une savoureuse recette qui accompagne avec bon
norvégienne consiste à enro Pour que carottes et heur les poissons grillés, s'ob
ber un saumon frais d'un oignons soient bien dorés, il tient en travaillant le beurre
mélange composé, à parts faut les saupoudrer d'un peu en crème, à la fourchette, et
égales, de sucre en poudre, de sucre lorsqu'on les fait en y incorporant progressive
de gros sel et de poivre blanc revenir. Il en est de même ment du concentré de
concassé. On le recouvre pour les navets, qui perdent tomates, une cuillerée à café
ensuite de brins d'aneth et alors de leur âcreté. de sucre et une cuillerée à café
on le laisse macérer au réfri de jus de citron.
gérateur pendant trois jours. • On peut relever la
saveur des tomates à la pro
Il est conseillé d'ajou vençale, surtout s'il ne s'agit
ter un morceau de sucre à la pas de tomates du jardin, en « Vers onze heures,
marinade des viandes desti les saupoudrant très légère le calme était à peu près établi
nées au barbecue, ainsi que ment de sucre en fin de cuis dans le quartier. Philadelphie
dans celle du gibier. son; cela atténue leur acidité. allait pouvoir se replonger
braises rouges du barbecue en fin de cuisson, au moment ont l'enviable privilège. [..]
du côté de sa grande
SOS
sucre
,
•
• Le vinaigre est trop
fort : introduire dans la
bouteille une branche d'es
tragon et un morceau de
• Les noix sont un peu
rances : les faire tremper,
pendant l à 2 heures, dans
du lait sucré, puis les sécher
sucre. à l'aide de papier absorbant.
en._,,_ ....
NOVt~
~( _l.
~·.~i.. v. ~ , ••
Il est bien utile de savoir
intervenir rapidement et efficace FOllcnO.IIUlnr.
ment pour remédier aux petits N~Vt ...,.,. .... '''''l,lltv. 'fI
peine tiède. Essuyer ensuite avec domestiques (Toutes les recettes de la maison), une méthode pour conserver
un mouchoir sec. le beurre. Certes, à notre époque où la réfrigération s'est imposée à tous,
• Sur du cuir: passer délicate témoigner de son temps et de montrer combien le sucre fut autrefois précieux,
ment une éponge humectée d'eau à des fins autres que gourmandes... « Le beurre », écrit l'auteur, « est lavé,
chaude, puis essuyer à l'aide d'un malaxé dans l'eau, puis on fait des mottes compactes qu'on recouvre d'une
elle est colorée, additionner l'eau mince croûte laquée imperméable à l'air. Le succès de l'opération dépend
d'un peu d'alcool à 90° ou d'al uniquement du soin qu'on y apporte; en effet, il ne faut laisser absolument
•••••
1
!..... ••
104
LES
LA CUISSON
DU ueRE
L e sucre est le seul aliment qui offre autant de possi
Matière
ductile passant, notamment, par la petite et grande
en matière
de confisage. reste encore des plus valables.
• ••••
1
Cuire le sucre, c'est faire évaporer l'eau qu'on lui a ajou
LE SUCRE BRÛLE-T-IL ? tée, afin de le transformer en sirop ou en caramel. La cuis
son est interrompue en cours de concentration du sirop,
Brûler du sucre n'est pas, semble-t-il, chose aisée.
selon la recette à réaliser. Ainsi, un sirop cuit à basse tempé
Cela est même impossible. Il suffit, pour s'en convaincre,
rature donne des bonbons tendres, et, à température élevée,
de mettre un morceau de sucre au contact d'une flamme:
des bonbons durs. Plus le sirop est pauvre en humidité, plus
il prend couleur et s'enrobe d'une fine couche de caramel:
il durcit en refroidissant. Plus la cuisson est menée à chaleur
mais, une fois écarté de la flamme, il cesse de
vive, meilleure est la plasticité du sucre. Lhygrométrie de
se consumer. Il existe, toutefois, un moyen de le faire
l'air influe également sur la cuisson. En altitude, la pression
brûler, procédé qui, compte tenu de ce que nous venons
étant plus faible, le point d'ébullition est plus rapidement
de dire, peut passer pour un tour de magie, à l'occasion
Page de droite:
Le caramel éteint
La cuisson du sucre Il parfume le lait,
Le bon matériel pour la réussir. une crème ou un vin chaud.
106
LA GOURMANDIS E D SUCRE
Pour réussir, il convient d'être patient et ne pas hésiter à procéder à plusieurs cuissons successives.
L'expérience ne s'acquiert qu'à la longue, en respectant scrupuleusement les conseils donnés ci-dessous.
Clair ou brun,
l'indispensable caramel
moment de le remplir.
• •••••
10
Le caramel est aussi utilisé pour parfumer. Quand caramel, et on les dépose au fur et à mesure sur une grille
il devient acajou foncé, il convient d'arrêter net sa cuis à pâtisserie. La méthode est la même pour les fruits frais
son, en lui ajoutant, vivement , un demi-verre d 'eau que l'on souhaite glacer, les petits fruits pouvant n'être
chaude ou de jus d'orange (attention au dégagement trempés qu 'à moitié. Attention, lorsqu 'il s'agit de quartiers
de vapeur!) : on obtient ainsi un « caramel éteint » , d 'orange ou de mandarine, ils ne doivent pas être déchi
qu'il faut alors bien tourner pour le dissoudre . Ce sirop rés, car le jus ferait fondre le caramel !
épais est employé , par exemple , pour parfumer le lait Enfin, le caramel peut être destiné au moulage.
destiné à la confection d'une crème caramel. Il se Dans ce cas, verser le caramel doré Cl 70 OC) sur un
conserve longtemps , dans une bouteille bouchée her marbre tempéré et huilé , en nappes très minces, sui
métiquement, dans la porte du réfrigérateur. van t la taille des moulages souhaités. Quand il a un
Le glaçage est un autre emploi du caramel, notamment peu durci, le détacher soigneusement à la spatule et
quand il s'agit d 'habiller les choux du Saint-Honoré ou déposer chaque nappe sur le moule choisi. Attendre
des croquembouches. Le sucre (5 grammes ou un mor pour démouler que le caramel ait un peu durci. S'il est
ceau de sucre n° 4 par chou, et pas plus de 250 grammes versé trop tôt, il coule et colle. S'il est versé trop tard ,
de sucre à la fois) est cuit dans une petite poêle, avec du il est trop dur et impossible à fa çonner. Lopération,
vinaigre neutre, jusqu'au caramel clair. On plonge ensuite très délicate, exige donc la plus grande attention ... et
les choux, que l'on tient par la base, un par un dans le un certain savoir-faire.
de caramel dur, de sucre d'orge ou de moulage. succulent qu 'elles allongeaient et repliaient sans cesse; peu
des ciseaux, à grand effort, car elle était déjà dure. La tire
•••••••
108
LA GO R1-IANO\SE DU SUCRE
DU SUCRE
Différents stades
Sucre brûlé de cuisson
Caramel foncé Le caramel continue à se colorer rapidement. 1\ durcit vite sur le marbre.
1 Photo si 1
lS5 Caramel clair Le sucre commence à prendre couleur sur le bord de la casserole,
1Photo 711----;_
__1.;:....5_0_--; Grand cassé Encore incolore, la boule devient dure et cassante comme du verre.
145
1Photo 61
1--~__...::.1...::.4-=-0_-l Petit cassé La boule est dure et cassante. Ne pas utiliser le sirop à se stade,
il est collant.
13 5
1Photo 511----;_
_ _1_3 _0 _--; Grand boulé La boule devient plus ferme et ne s'affaisse plus entre les doigts.
125
1Photo 4 11--~___1_2_0 _-l Petit boulé Une cuillerée de sirop versée dans l'eau glacée peut être rassemblée,
1 Photo 21 f--_f- _ _ l _10_----l Grand perlé-filet Le tilament formé entre les doigts écartés est solide. *
105 Petit perlé-nappé Le sirop se concentre, les bulles grossissent. Un peu de sirop, prélevé à la cuillère,
Le thermomètre
à sucre est gradué
en degré Celsius (OC) .
••••••••
110
; ( "
. . ._. _. \1;1'
Utilisations Utilisations
gourmandes décoratives
60 Sucre filé
155 Nougatine
Sucre soufflé
150 Bonbons de sucre cuit
Sucre tiré
(caramels durs, sucettes,
14 0 Sucre rocher
135 Grand cassé
Chaque utilisation
du sirop de sucre
correspond à une
température précise.
• •••••
11
Tout d'élégance, le fondant
Lngtemps on n 'utilisa, pour le glaçage, que la glace froide .
Linvention du fondant date, semble-t-il, du début des années
1830, et sa pratique ne se généralisa qu'à partir du milieu du
KW siècle.
Les utilisations
moins considérable. »
•••••••
112
LA GOURi'IANDISE DU SU CRE
• Pour enrober des fruits frais: après avoir essuyé les fruits, les LE PRALIN
tremper à demi ou totalement dans le fondant, placé au bain
marie. Les poser ensuite sur une assiette ou sur une grille. Récupérer les chutes de nougatine.
• Pour habiller des fruits à l'eau-de-vie : égoutter d'abord les Les écraser sur le marbre à l'aide du
fruits et bien les sécher, avant de les tremper entièrement dans le rouleau à pâtisserie,jusqu'à obtention
• Pour réaliser des petits fours: disposer des petites portions de Celle-ci se conserve dans un pot en verre
gâteau, coupées régulièrement, sur une grille. Verser dessus le fon hermétiquementfermé.
dant, qui doit les recouvrir entièrement. Égaliser à l'aide d 'une Elle vous servira à parfumer: les glaces,
lame de couteau trempée dans de l'eau chaude. la crème anglaise et la crème au beurre
• Pour confèctionner des bonbons : verser le fondant , coloré ou ou pour saupoudrer les œufi à la neige
non , parfumé et tiédi, dans des caissettes en papier plissé. et l'île flottante.
ou un socle de 22 cm de diamètre :
- huile
pâtisserie. Réserver la nougatine qui n'est pas immédiatement uti en poudre, 1 tasse de mélasse,
lisée sur la porte du four (chaleur douce) ouverte, car, en refroidis 3 cuillères à soupe de vinaigre
sant, elle devient cassante et difficile à travailler. et une tasse d'eau bouillante,
Les utilisations
• Dès lëbullition, ajouter 1/2
• Pour un socle de pièce montée en croquembouche : étaler la cuillère à thé de crème de tartre et laisser
nougatine sur l cm d'épaisseur et découper un disque du diamètre bouillir jusqu'à ce que la température
• Pour des formes géométriques: abaisser la nougatine plus fine Incorporer alors 1/2 tasse de beurre.
ment, puis graver des lignes régulières et profondes. Détacher les • Remuerjuste pour mélanger.
formes tracées à l'aide d 'une spatule en bois, quand la nougatine a • Verser la tire obtenue dans un plat
bien durci, ou découper aux ciseaux avant complet durcissement. beurré et la laisser refroidir,
• Pour des tartelettes: à l'aide d'un emporte-pièce ou d'une sou de façon à pouvoir la retirer du plat.
coupe, découper des ronds selon la taille des moules . Avant que la • Lëtirerjusqu'à ce qu'elle présente
nougatine ne soit tout à fait refroidie, les détacher et les mouler sur une belle texture.
• ••••
DU
••••••
11
tourte aux poires, dans laquelle le cœur des fruits est creusé et
garni de sucre. Au XVIe siècle, le sucre entre dans la composition de
friandises croustillantes, poudre crêpes et beignets, adoucit les
crèmes, parmi lesquelles la crème au fromage qui couvre la pâte
feuilletée des talmouzes. Son usage se multiplie, d'autant que
maintes nouvelles recettes originaires d'Italie pénètrent en France.
Au siècle suivant, le sucre continue de faire merveille. Pourtant le
miel est toujours là, et la pâtisserie y a largement recours. Il faut
attendre, semble-t-il, le milieu du XVIIe siècle, pour que les recettes
se diversifient et que la pâtisserie sucrée voit véritablement le jour,
avec ses feuilletages et ses diverses pâtes. A côté des gâteaux et bis
cuits en faveur depuis le Moyen Age, de nouvelles recettes appa
raissent, qui attestent une tendance à plus de raffinement et de
délicatesse. Sans doute les différences avec ce que nous connais
sons aujourd'hui se situent-elles surtout au niveau des parfums
et, peut-être aussi, du dosage du sucre, qui peut souvent nous
paraître excessif.
C'est également à partir du grand siècle que les entremets se
consomment. Jusqu'alors, le terme a désigné les intermèdes plus
ou moins allégoriques, chantés, dansés ou joués, que l'hôte
La pâtissière offrait à ses convives entre les mets. Désormais, il couvre des pré
Gravure de la fin
du xvne siècle extraite parations extrêmement diverses, salées ou sucrées, qui, au cours
de Costumes grotesques du dernier service, s'inscrivent entre le rôt et le dessert. La sépa
de Nicolas de Larmessin.
ration des genres ne se fera que plus tard, à l'instar de la pâtisse
rie qui, à l'époque de Louis XIV, continue de désigner encore à la
fois les gâteaux et les pâtés de viandes. Nous n'en avons retenu
que la version gourmande, 1'« entremets de douceur» ou « entre
mets de sucre », comme le nommera le XIXe siècle, qui succède au
fromage dans le déroulement du repas.
Par-delà l'éclosion de nouvelles douceurs, le XVIne siècle connaît
un allègement des préparations et une sensible démocratisation
du domaine sucré. Bientôt, la cuisine bourgeoise va s'approprier
ces spécialités naguère réservées aux tables aristocratiques. Les
recueils culinaires du XIXe siècle regorgent de recettes de ménage.
Page 114:
Gros et petits gâteaux, biscuits, entremets froids, chauds ou gla
Nature morte avec cés, et autres desserts déclinent le sucre de mille et une façons,
pain et sucreries en une infinité de saveurs. Ce sont ces préparations «maison»,
Œuvre de Georg Flegel
(1566-1638), . héritées de nos grands-mères, revues et corrigées par l'évolution
Stadelsches des modes et des goûts, auxquelles, au tournant du xXJC siècle,
Kunstinstitut,
Francfort-sur-le-Main on rend leurs lettres de noblesse.
••••••••
116
LA GOURNANDISE DU SUCRE
Préparation: 30 minutes
Cuisson: 10 minutes par plaque
Pour 2 douzaines de macarons environ : • Faire tremper les amandes • Garnir la plaque du four
-100 g damandes non mondées dans un peu d'eau froide de papier sulfurisé beurré.
- 2 blancs d'œufs
pendant quelques heures. • Déposer dessus des boules
-150 g de sucre en poudre
- beurre pour la plaque • Les monder et les sécher de pâte régulières, puis écraser
sOigneusement. celles-ci pour les étaler.
• Broyer les amandes dans un • Faire cuire 10 minutes
mortier avec un blanc d'œuf au four (220°C / th. 6) .
Quand elles sont réduites en • Dès que les macarons sont Pour obtenir des macarons
pâte, y ajourer le sucre et piler, cuits, poser le papier sulfurisé moelleux, ajouter une
en incorporant le second blanc sur une surface mouillée. cuillerée à soupe de crème
d'œuf, pour obtenir une pâte Ils se détachent alors très fraîche à la pâte, en début
souple, qui ne coule pas. facilement. de préparation.
•••••••
117
Préparation: 20 minutes
Gaufres flamandes
Repos: 1 heure
Cuisson: environ 5 minutes par gaufre • Verser la farine tamisée • Séparer les blancs d'oeufs doit doubler de volume.
dans une terrine, y creuser des jaunes. • Faire cuire la pâte dans
Pour une douzaine de gaufres :
- 50 g de noix hachées un puits et y placer la levure • Verser les jaunes dans un gaufrier, enduit au pinceau
- 300 g de farine préalablement délayée le puits, ainsi que le sel et de beurre fondu. Les gaufres
- 25 g de levure de boulanger dans un peu de lait tiède. 20 grammes de cassonade. doivent être dorées.
- 125 g de beurre fondu et refroidi, • Amalgamer avec un peu • Mélanger, en incorporant Garniture:
plus un peu pour la cuisson de farine, du bout des doigts, peu à peu le reste du lait. • Faire chauffer les noix
- 4 œufi
- 120 g de cassonade
de façon à former une pâte • Travailler la pâte jusqu'à hachées et le reste de la
- 25 cl de lait (ou moitié eau, molle, puis couvrir légèrement ce qu'elle soir bien lisse. cassonade dans une poêle.
moitié lait) de farine. • La parfumer, puis • Quand le mélange
- parfum au choix (cannelle, vanille, • Laisser lever à couvert dans incorporer [e beurre et les caramélise, le verser dans
rhum ou cognac) un endroit tiède, pendam une blancs d'oeufs battus en neige. un bol.
- 1 pincée de sel
quinzaine de minutes, jusqu'à • Laisser lever dans un • Chacun en saupoudrera
ce que le dessus se crevasse. endroit tiède: la pâte sa gaufre se'lon son goût.
Crêpes à la cassonade
• Travailler jusqu'à obtention • Laisser reposer la pâte • Disposer les crêpes, au fur
eau de fleur d'oranger, rhum,
Grand Marnier)
d'une pâte épaisse, lisse pendam 1 heure. et à mesure, sur une assiette
- 1/2 cuillerée à café de sel fin et homogène. • Faire cuire les crêpes, placée sur une casserole d'eau
- 1 cuillerée à café de cannelle en poudre • Battre les oeufs et les en ne graissant la poêle chaude. Servir très rapidement.
• •••••••
118
LA GOURHAND(S E OIJ S l/C RE
• Quand le mélange est avant d'y verser la pâte, chauds, légèrement nappés
du sirop de sucre de canne
Repos: 2 heures
Cuisson: 30 minutes
• Délayer la levure dans de 24 cm de diamètre, avec la moitié de la bière.
Pour 6 personnes :
le lait à peine tiédi, avec une préalablement beurrée • Quand la pâte est levée,
- 250 g de farine
- 10 g de levure de boulanger cuillerée à soupe de vergeoise. et saupoudrée du reste la couvrir de vergeoise,
- 100 g de beurre • Dans une terrine, passée de vergeoise. verser dessus le mélange
-1 œuf à l'eau très chaude, puis • Laisser lever dans un lieu œufs-bière et parsemer
- 2 cuillerées à soupe de vergeoise brune séchée avec un linge, mettre tiède pendant 2 heures: de noisettes de beurre.
- 1 verre de lait la farine, la levure délayée, la pâte doit doubler de • Faire cuire au four
- 1 pincée de sel
l'œuf, le beurre et le sel. volume. pendant une bonne trentaine
Pour la garniture :
- 30 g de beurre • Travailler le tout jusqu'à • Préchauffer le four de minutes.
- 2 gros œufi (ou 3 petits) obtention d'une pâte (240 °Clth. 7). • Servir tiède, accompagné,
- 150 g de vergeoise brune ou blonde homogène. • Battre vigoureusement comme dans le Nord,
- 25 cl de bière blonde • Verser dans une tourtière les œufs de la garniture d'une tasse de café.
Quelques œufs;
Versez-y
Dans le flanc
De moules à tartelettes;
Les côtés;
Edmond Rostand,
Cyrano de Bergerac, 1897
Préparati011 : 30 minutes Tarie a 1afo;caine
Repos: 20 minutes
Cuisson: 45 minutes. • Préparer la pâte brisée pendant une quinzaine four pendant 20 minutes.
Pour 6 personnes: en mélangeant la farine et de minutes. • Pendant ce temps,
- 200 g de farine
le beurre. puis en ajoutant • Fendre la gousse de confectionner la meringue :
- 100 g de beurre, plus un peu pour le moule
- 1/2 cuillerée à café de sel un demi-verre d'eau et la vanille, la mettre dans le lait battre les blancs d'œufs
Pour la garniture : pincée de sel. chaud et laisser infuser. en neige ferme avec le sel
- 4 bananes ou 1 ananas • Laisser reposer la pâte • Battre l'œuf et et le jus de citron. En cours
- 150 g de dattes ou de noix de coco râpée pendant une vingtaine les jaunes avec le sucre. d'opération, verser en pluie
- 1 œufentier de minutes. Préchauffer Ajouter les dattes la moitié du sucre glace.
- 2 jaunes d'œufs
le four (230 oC! rh. 6-7). dénoyautées et écrasées • Vérifier la cuisson
- 25 cl de lait
- 50 g de sucre en poudre • Abaisser la pâte au (ou la noix de coco) de la tarte, la couvrir de
- 1 gousse de vanille rouleau et en garnir un et les bananes (ou l'ananas) meringue et saupoudrer
Pour la meringue: moule à tarte de 24 cm coupées en dés. le reste du sucre glace.
- 2 blancs d'œufs de diamètre, préalablement • Verser le lait bouillant • Remettre au four
- le jus de 1/2 citron beurré. sur cette préparation, puis pendant 10 minutes :
- 100 g de sucre glace
• Piquer la pâte et la faire en garnir le fond de pâte la meringue doit dorer.
- 1 pincée de sel
cuire à blanc au four à demi-cuit. Remettre au • Servir froid.
Cuisson: 40 minutes
Pour 10 à 12 personnes: • Dans une terrine, homogène, puis la verser d'eau et le jus de citron.
- 1 douzaine d'amandes entières
travailler 110 grammes de dans un plat rectangulaire Laisser frémir pendant
non mondées
- 80 g de semoule fine
beurre ramolli et le sucre pouvant aller au four une dizaine de minutes.
- 80 g de farine en poudre, jusqu'à ce que (18 x 25 cm environ) • Dès la sortie du four,
- 1/2 sachet de levure chimique le mélange blanchisse. préalablement graissé avec couper le gâteau en
- 120 g de beurre Incorporer les œufs, un le reste du beurre. Faire losanges, en le laissant
- 3 œufs à un. Préchauffer le four cuire au four, à mi-hauteur, dans son plat. Pendant
- 60 g de sucre en poudre
(190 °C!th. 4-5). pendant 30 minutes. qu'il est encore chaud,
- 250 g de sucre en morceaux
- 2 cuillerées à soupe de jus de citron • Par ailleurs, mélanger Le gâteau doit être bien doré. verser dessus le sirop
- 1/2 cuillerée à café d'extrait la semoule, la farine, la • Avant le terme de la chaud, lentement, pour
de vanille liquide levure et le sel. Verser dans cuisson, préparer le sirop: bien l'imbiber.
- 1 pincée de sel la terrine. Parfumer avec dans une casserole à fond • Décorer chaque losange
la vanille. Battre vivement épais, faire cuire le sucre d'une amande.
pour rendre la pâte en morceaux avec 25 cl • Servir froid.
Bernardin de Saint-Pierre.
La Chaumière indienne. /839
••••••
120
LA GO RI>IAN DI SE OT 5 \1 RE
Cuisson: 30 minutes
Pour 6 personnes : • Déposer au fond du moule
- 6 pommes reinettes
caramélisé une couche de
- 150 g de farine
- 135 g de beurre, plus un peu pommes.
pour le moule • Saupoudrer généreusement
- 1 cuillerée à café de sucre de vanille.
en poudre • Couvrir de couches de ftuits
-125 g de sucre en morceaux successives, jusqu'à épuisement.
- 1 pincée de vanille en poudre
- 1 pincée de sel
• Parsemer de 60 grammes
de beurre en noisettes.
• Préchauffer le four
Cette méthode
(260 °Cfth. 8).
est plus facile
• Abaisser la pâte brisée
que la recette traditionnelle,
sur 3 cm d'épaisseur.
qui procède à la caramélisation
• y découper un disque
en fin de cuisson.
• Confectionner la pâte brisée: • Dans une casserole à fond d'un diamètre correspondant
Des abricots, voire des poires
effriter du bout épais, faire cuire les morceaux à celui du moule plus deux
ou des bananes, peuvent être
des doigts 75 grammes de sucre avec un demi-verre fois sa hauteur.
substitués aux pommes.
de beurre dans la farine. d'eau, jusqu'à obtention • Placer ce disque de pâte
• Creuser un puits, y déposer d'un caramel coloré. sur les pommes, en bordant
le sel, le sucre en poudre et • Verser ce caramel dans un bien vers le fond du moule.
un demi-verre d'eau. moule à manqué préalablement • Faire cuire au four pendant
• Travailler jusqu'à obtention beurré. 30 minutes.
d'une pâte homogène. • Peler les pommes, retirer • Démouler aussitôt et servir
• Laisser reposer pendant le cœur et les pépins, puis tiède, accompagné ou non
la préparation du caramel. les couper en tranches épaisses. de crème fraîche épaisse.
• ••••
l
Préparation: 30 minutes Cheese-cake aux fraises
Cuisson : 40 minutes
Pour 6 personnes : (Recette anglaise)
- 8 pommes reinettes
- 300 g de mûres
• Peler les pommes, en retirer ainsi des couches successives. et amalgamer avec les doigts,
- 135 g de beurre les couper en quartiers et les de pommes, n'utiliser que un sable grossier.
- 200 g de cassonade citronner. Laver les mûres. la moitié de la cannelle et • Couvrir les fruits de la
- 10 cl de crème fraîche liquide • Beurrer largement un plat de la cassonade restantes. préparation. Saupoudrer
- le jus de 1 citron allant au four, de 28 cm de avec le reste de la cannelle.
• Préchauffer le four.
- 1 cuillerée à caft de cannelle
diamètre environ. Y disposer • Dans une terrine, mélanger • Faire cuire au four
une couche de pommes, la farine et le reste de la (220 °C!th. 6)
saupoudrer de cannelle, cassonade. pendant 40 minutes.
couvrir de cassonade et étaler • Ajouter 125 grammes • Servir chaud, accompagné
une couche de mûres. Former de beurre légèrement ramolli, de crème fraîche épaisse.
(groseilles ou framboises),
« Ayez un litre de bonne crème; faites-la tiédir
de poudre d'amandes.
Ajoutez un peu de zeste de citron. Quand vous avez bien opéré le mélange,
125 g de farine,
une demi-heure environ. Puis, après cuisson, vous démoulez les tartelettes
100 g de beurre,
et les saupoudrez de sucre fin, après les avoir dressées sur un plat. »
100 g de cassonade.
Madame Henriette, Manuel de pâtisserie de ménage, /908
••••••
122
LA GOU RHANDISE DU SUC RE
Il 0 n fit la toiture
De tarte et de flan
Et de confiture
Et de sucre blanc
Cette pâte peut aussi être utilisée pour façonner des coupelles (sur un verre),
que l'on garnira de compote ou de sorbet aux fruits rouges .
Préparation: 20 minutes
Cuisson: 35 à 40 minutes
Pour 6 à 8 personnes :
- 150 g de noix de coco râpée
- 2 cuillerées à soupe de
Maïzena
-4 œufi
- 75 cl de lait
- 12 morceaux de sucre
- 1 pincée de vanille
Cette recette peut être réalisée, comme en Afrique,
en poudre avec du lait concentré sucré.
•••••••
124
LA G O U R~I A.i." D[S E D U S UCRE
Cuisson: 25 minutes
Pour 6 personnes : • Fendre la gousse de vanille sur • Ajouter la crème fleurette et au four, puis faire cuire au four.
- 25 cl de !dit toute sa longueur, puis la déposer faire chauffer jusqu'au premier Une peau se forme à la surface,
- 25 cl de crème fleurette
dans une casserole avec le lait. frémissement. Verser, peu à peu, mais la crème ne doit pas
- 4 jaunes d'œufi
- 50 g de sucre en poudre • Porter à ébullition et retirer le lait vanillé sur ce mélange. prendre couleur.
- 60 g de cassonade aussitôt du feu. • Parfumer à l'eau de fleur • Au moment de servir,
- 1 gousse de vanille • Laisser infuser pendant une d'oranger. saupoudrer de cassonade.
- 1 cuillerée à café d'eau dizaine de minutes, à couvert. • Préchauffer le four • Placer sous le gril du four,
de fleur d'oranger • Pendant ce temps, travailler (120 °C!th. 2). jusqu'à ce que la cassonade se
les jaunes d'œufs avec le sucre • Répartir la préparation dans transforme en glace et prenne
en poudre. des ramequins pouvant aller couleur. Retirer aussitôt du four.
au réfrigérateur.
Pour 6 personnes:
- 500 g de raisin b!dnc italien
- le zeste de 1 citron non traité
(Recette italienne)
- 6 jaunes d'œufi
- 1 verre de marsa!d • Râper finement le zeste bain-marie (70 oC au plus), marsala; la préparation
- 120 g de sucre en poudre du citron. les jaunes d'œufs avec doit épaissir et prendre
- 1 pincée de vanille en poudre
• Laver le raisin, l'égrapper; le sucre, jusqu'à ce que une consistance crémeuse.
peler les grains et les le mélange blanchisse • La retirer du bain-marie
La réalisation du sabayon demande
••••••
12.
B onbons croquants
et autres friandises
Les Arabes furent, sans conteste, les premiers à utiliser le sucre pour confec
tionner des friandises. Dès 1226, un manuscrit de cuisine, originaire de
Bagdad, mentionne des mélanges sucrés d'amandes, de dattes et de pistaches,
aromatisés à l'eau de rose. Le nlême texte livre des recettes qui préfigurent, en
quelque sorte, celles des berlingots et de la pâte d'amandes, ancêtre du mas
sepain. Les croisés ayant rapporté le sucre en France, rien d'étonnant à ce que
le Midi, qui fut la première région à le découvrir, soit si riche en confiseries :
berlingots, fruits confits, nougat, calissons, etc.
Au Moyen Age, les épices (girofle, anis, genièvre, etc.) enrobées de sucre
étaient appréciées en point d'orgue des agapes seigneuriales, d'autant
qu'elles facilitaient une digestion rendue souvent difficile par la lourdeur des
menus. Certains en emportaient même dans leur chambre, d'où leur nom
d'« épices de chambre ». A partir du XVIe siècle, les recettes de sucreries se
précisèrent. Jusqu'à ce que l'industrie de la confiserie se développât, au
xrxe siècle, on eut coutume de préparer bonbons et autres douceurs chez soi
et de les offrir pour clore les festivités familiales. Des assiettes à pied, réser
vées à cet usage et sur lesquelles on dressait les confiseries « maison »,
étaient placées au milieu de la table, pour être admirées tout au long du
repas et n'être servies qu'à l'heure du café. Chaque grand-mère gardait
jalousement ses recettes
de caramels ou de pâ tes
de fruits. La tradition se
perdit ensuite, au point
qu'on la crut disparue à
tout jamais. Pourtant,
aujourd'hui, le retour aux
vraies valeurs et la revalo
risation des produits du
terroir la remettent à
l'honneur.
avait surnommée le
« chaudron à confiture ».
LA GOURMANDIS é DU S UCRE
30 à 40 minutes
Pour 12 sucettes : • Dans une casserole à fond • A l'aide d'une spatule ruban et, à l'aide de grands
- 250 g de sucre en morceaux épais, mettre les morceaux (du type spatule à mastic pour ciseaux, la couper en douze
- 1 grande cuillerée à soupe de vinaigre
de sucre, imbibés de trois le bricolage), ramener les morceaux égaux.
blanc ou de glucose
- 3 gouttes de colorant alimentaire cuillerées à soupe d'eau, bords de la nappe vers le • Former des boules
- 3 gouttes d'essence parfumée puis ajouter le vinaigre centre, jusqu'à ce qu'elle et enfoncer un bâtonnet
(menthe ou essence de fruit) ou le glucose. ne s'étale plus. Dès que cela dans chacune d'elles.
- huile • Faire cuire, sans remuer, est possible, en veillant • Les aplatir avec la spatule.
- 12 bâtonnets jusqu'au grand cassé: le sirop à ne pas se brûler, la travailler • Quand les sucetteS sont
commence à prendre couleur à la main pour l'étirer en froides et dures, les détacher
Pour réaliser des sucettes
sur les parois de la casserole. un long ruban et replier du marbre avec la spatule
au caramel, faire cuire le sirop
J 0rge1
• Procéder comme pour • Les séparer quand ils sont • Quand les sucres d'orge
les sucettes, mais façonner encore chauds, pour qu'ils sont froids, les envelopper
la pâte en fins rubans, puis ne se collent pas les uns dans de la cellophane (papier
la découper en bâtonnets. aux autres. à confitures coupé en deux).
Du SUCRE AU ROMARIN
Trè5 friand5 de recette5 à ba5e de rhubarbe,
••••••••
128
LA G{)I! R1--tAl DIS E OU Sl ' CRE
Sucettes « nlalS017 »
Préparation et cuisson: 40 minutes Caramels à la crème
Pour une trentaine de caramels :
- 200 g de crème fraîche • Dans une casserole à fond boule formée est encore la pâte coule, la sortir
- 125 g de sucre en poudre épais, mélanger bien tous souple, et le mélange et mouiller son envers
- 60 gde miel les ingrédients. de couleur jaune paille. à l'aide d'une éponge.
- 1 pincée de vanille en poudre
• Faire cuire, sur feu doux, • Pour des caramels durs, • La plaque de caramel
- 1 pincée de sel fin
pendant une quinzaine poursuivre la cuisson jusqu'à se détache alors facilem ent
de minutes, sans cesser ce que la pâte prenne une du papier.
de remuer avec une spatule couleur plus rousse. • Découper les caramels
en bois. • Laisser un peu refroidir aux CIseaux avant que
• Quand la spatule laisse la pâte avant de l'étaler sur la pâte n'ait refroidi.
Les caramels peuvent être aromatisés à
une trainée au fond 1,5 cm d'épaisseur, sur une • Les disposer sur une
l'extrait de café ou à la noix de coco ,
de la casserole, vérifier grande feuille de papier assiette, en veillan>t à
additionnés de noisettes, noix ou pistaches
la cuisson en versant sulfurisé placée dans un moule ce qu'ils ne collent pas
broyées - ces ingrédients doivent être ajoutés
une cuillerée à café de la rectangulaire, lui-même posé les uns aux autres.
dès le début de la cuisson.
préparation dans un bol sur une surface froide. • Emballer chaque caramel
Ils se conservent pendant dix jours
d'eau froide. • Avant refroidissement, dans un carré de cellophane
au maximum (moins s' il fait très chaud).
• Pour des caramels mous, quand il est possible de (papier à confitures coupé
arrêter la cuisson lorsque la remuer la feuille sans que en quatre).
L'OMELETTE AU SUCRE
« Battez d'abord séparément les blancs de 6 œufs; mêlez aux jau nes quelque
peu de zeste de citron; ajoutez les jaunes aux blancs, et battez bien le tout
ensemble, en y joignant un peu de crème et très-peu de sel; mettez alors votre
omelette dans la poêle, faites-la cuire, sucrez-la dans la poêle; renversez-la sens
dessus dessous sur une assiette, et mettez-la dans un plat: alors vous en couvrez
la superficie de sucre en poudre, et passez la pelle rouge dessus; servez chaud. "
Louis-Eustache Audot,
La Cuisinière de la campagne et de la ville. /84/
••••••
130
L A G OUR~'\ANJ)[ 5 E DU St' CRE
•••••••
l31
Préparation et cuisson: 40 minutes Gingembre confit
• Dans une casserole à fond temps en temps pour éviter un bocal hermétiquement
comme les cakes.
• • • • • •• •
132
M ille et une conserves et boissons
Si la conservation des fruits par le miel était connue des Anciens, l'Occident
dut attendre, pour s'y essayer, que les croisés rapportent le sucre d'Orient.
Dans les pays orientaux, il était courant, depuis fort longtemps, de clore le
repas en mangeant des confitures et en buvant de l'eau. La vogue des confi
tures - le terme désignant à l'époque toutes les préparations de fruits cuits
dans du sucre - se développa d'abord en Italie, avant de gagner la France. Les
confitures étaient certes peu généreuses en sucre, puisque, pour économiser
cet ingrédient onéreux, on comptait seulement 2 livres de sucre pour 6 à
7 livres de fruits, et la cuisson s' éterni
sait. ., Mais la société du temps en raf
folait. « En vous penchant sur les bas
sines de la Renaissance, vous respirez
un brouillard doux et fruité de sucre
cuit et de jus de poire ou de groseille, en
train de bouillonner ensemble silen
cieusement. Le Moyen Age fut l'ère des
ragoûts assaisonnés, la Renaissance
l'âge des friandises », écrit Jean
François Revel. Confitures liquides) cor
respondant aux actuelles confitures,
confitures sèches (fruits, graines et Bischoffépicé
légumes confits) que l'on consommait avec les doigts. Ainsi naquit la « confi Chromolithographie
serie », qui allait s'affirmer à partir du XVIIe siècle. En effet, à cette époque de la fin
du xrxc siècle.
furent édictés ses principes de base, à travers l'ouvrage d'Alexis du Piémont,
De Secreti deI reverendo Donno Alessio Piemontese (Venise, 1555), et à travers
l'Excellent et Moult Utile Opuscule à tous nécessaire (1555) de Michel de Nostre
Dame, médecin de Catherine de Médicis, plus connu sous le nom de
Nostradamus. Ces deux recueils, riches d'observations sur le maniement du
sucre et sur les procédés de confisage, furent les premiers livres du genre. «Si
le cas advenait que vous veuillez épargner le sucre, véritablement votre confi
ture sera appelée confiture en saveur, mais pour recréer autant la renommée
que la saveur, cela ne peut se faire. Comme celui qui fait la salade n'épargne
en rien l'huile, aussi pareillement le sucre ne doit être épargné. Alors votre
confiture sera belle et la beauté qu'elle aura augmentera sa bonté et sa
saveur», recommande Nostradamus, qui met la gelée de coings à l'honneur.
Rien de surprenant à cela. Le cotignac, dont Orléans est le haut lieu depuis le
Moyen Age, était alors une friandise recherchée, et la saveur du coing comptait
de nombreux adeptes.
Les techniques étant définies, les recettes se multiplièrent. Olivier de Serres
prodigue ses précieux conseils dans son Théâtre d'agriculture et mesnage des
champs (1600). Le sieur de La Varenne, écuyer de cuisine du marquis
d'Uxelles, cerne mieux encore le confiturier dans Le Parfaict Confiturier qui
enseigne à bien foire toutes sortes de confitures tant seiches que liquides, de com
postes, de ftuicts, de salfades, de dragées, breuvages délicieux et autres délicatesses
de bouche (1667). Au siècle des Lumières, dans son dictionnaire (1723),
Savary de Bûlons distingue, sous le nom de « confitures », les confiulres
liquides, les marmelades, les gelées, les pâtes, les confiulres sèches, les fruits
candis, les dragées et les conserves (confitures sèches à pâte plus ou moins
molle). De mênle, dans l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, l'art de faire
les confitures côtoie, au sein de la confiserie, celui de réaliser les autres
ouvrages en sucre. En fait, confiseur et confiturier ne
faisaient alors qu'un.
Tous les secrets de ces préparations se transmirent de
génération en génération. Au fur et à mesure que le
sucre devint accessible à tous, la tradition familiale des
confitures s'instaura. Qui pouvait imaginer que la vie
moderne les verrait disparaître au profit des confitures
industrielles? Pourtant, les confituriers s'ingénient,
pour séduire le consommateur, à réaliser des confi
tures à l'ancienne, présentées comme celles de nos
grands-mères, et les confitures « maison » bénéficient
d'un regain d'intérêt. Il y a cinquante ans, on fabri
quait ses confitures pour conserver les fruits du jardin.
Si cet usage s'est maintenu à la campagne, d'autres
Confitures... motivations sont apparues: embaumer la cuisine,
Une affaire de gourmands.
créer des recettes, retrouver les saveurs d'autrefois ...
Le rôle du sucre dans les boissons relève d'une tradition aussi ancienne que
celle des confitures. Tout grand repas médiéval comportait, à son début ou
en conclusion, un vin sucré épicé, l'hypocras. Associé à l'eau-de-vie G' aqua
vitae des alchimistes), le sucre participa à la réalisation d'infusions de fruits,
de plantes, de noyaux et d'aromates. Ainsi apparurent les liqueurs de ména
ge qui devaient connaître leur âge d'or au milieu du XIXC siècle. Ces liqueurs,
ou ratafias, dériveraient du« tafia », l'eau-de-vie de sucre rapportée des colo
nies et obtenue à partir des mélasses de canne à sucre. Elles furent long
temps considérées comme des remèdes, de même que les sirops, qu'il était
d'usage de confectionner à la maison, à partir des fruits du jardin jusqu'à ce
qu'une fabrication commerciale s'organisât. Cette pratique survit, toutefois,
dans bien des pays ...
• • • • ••
134
LA GOURHANDI SE DU SUCR E
iii onces eau de rose : prennes un petit blanc ramon comme une grosse poignée
de verges, &.. battez bien fort la crème demi heure de long, puis la laisserez
reposer, &.. vous voirez l'escume venante dessus comme neige: puis prennés
une escumette, levez la neige dehors, &.. mettés la en un plat, un tranchoir dessous,
affin de laisser goutter la neige, &.. battez encor la crème comme devant,
tant qu'ayés de la neige assez : puis mettés la dedans des petits plats,
••••• 1
Préparation: 1 heure, sur 3 jours Marmelade d'agrumes
Cuisson: 1 h 30 environ
Macération: 48 heures
• Laver les oranges et éliminer tout dans la bassine à confitures, • Faire cuire agrumes et sucre,
Pour 2 kg environ:
les extrémités. sur feu très doux, pendant à gros bouillons, pendant au
- 2,500 kg d'oranges maltaises,
non traitées • Couper les fruits en rondelles 1 heure. moins 30 minutes; les oranges
- le jus de 1 pamplemousse et les meme dans un saladier. • Laisser à nouveau macérer doivent être translucides et
- le jus de 2 citrons • Ajouter les jus de citron et pendant 24 heures, dans une le sirop, épais, doit figer sur
- 2,500 kg de sucre cristallisé de pamplemousse, ainsi que ternne. une assiette froide.
2,5 1d'eau, puis laisser macérer • Le troisième jour, peser • Mettre en pOts, y répartir
Un citron jaune peut être
pendant 24 heures. la préparation et compter les rondelles d'oranges.
remplacé par deux citrons verts.
• Le lendemain, faire cuire le le même poids de sucre. • Couvrir à chaud.
t •••••••
136
LA GO URM AND ISE DU SUCRE
Macération: 12 heures
Repos: 3 heures
(Recette anglaise)
Pour 3 bocaux de 1 1 :
- 1 petit chou-fleur • Laver et préparer 12 heures au moins. légumes, puis les disposer
- 500 g de petites carottes rondes • Faire chauffer le vinaigre dans les bocaux.
les légumes.
- 2 poivrons verts
• Les couper en petits avec la cassonade, les clous • Répartir thym, laurier,
- 500 g de tomates-cerises
- 250 g de petits oignons blancs morceaux et les mettre dans de girofle, la cannelle, estragon et pOivre.
- 1 petit piment oiseau une terrine, avec le piment le gingembre et la noix • Verser dessus le vinaigre
- 1 gousse d'ail coupé en fines lanières muscade, jusqu'à ébullition. sucré et épicé.
- 1,5 1 de vinaigre d'alcool et la gousse d'ail pelée • Éteindre le feu et laisser • Fermer les pots bien
- 250 g de cassonade ensuite infuser pendant hermétiquement.
et coupée en lamelles.
- 1 branche d'estragon
• Saupoudrer de gros sel 3 heures au moins. • Attendre au moins un
- 4 feuilles de laurier
- 3 brins de thym et laisser macérer pendant • Essuyer soigneusement les mois avant de consommer. .
- 3 clous de girofle
- 1 pincée de cannelle
- 1 pincée de gingembre râpé
- 1 pincée de noix muscade râpée A LA FLAMANDE
- poivre blanc en grains
- 1 cuillerée à soupe de gros sel Ils me donnèrent aussi une salade accommodée à la manière des places
cc
fortes car ils la retournèrent dans une poêle avec du beurre fondu qu'ils
arrosèrent d'un peu de vinaigre et après l'avoir mise dans un plat en place de
Ce condimenr anglais sel ils la couvrirent de deux ou trois poignées de sucre. »
accompagne parfaitemenr
les viandes rôties froides. A. fouvin de Rochefort, Le Voyageur d'Europe, 1672
13:
Préparation: 20 minutes C erises à l'eau -de-vie au candi
Macération: 3 mois
Pour 1 bocal de 1,5 1 : coupées en deux.
• Laver, ébouillanter et • Mettre les fruits
- 1 kg de cerises acides (cerises
sécher soigneusement dans le bocal, en • Fermer hermétiquement
anglaises ou Montmorency)
- 250 g de sucre candi roux le bocal et son couvercle intercalant les morceaux avec le bouchon.
- 75 cl d'alcool pour fruits à 40° (en liège ou en verre). de candi et la gousse • Laisser macérer
- 1 gousse de vanille • Laver les cerises, les sécher de vanille. à )' abri de la 1umière
- quelques graines de cardamome sur du papier absorbant • Couvrir d'alcool. et de l'humidité pendant
. . .
et égaliser la longueur Déposer à la surface troIS mOIs envIron
des queues. les graines de cardamome avant de consommer.
Macération: 1 heure
Pour 10 à 12 personnes : (Recette espagnole)
- 6 oranges non traitées
- 1 citron non traité • Laver les oranges • Dans une jatte, environ, au réfrigérateur.
- 500 g de pêches et le citron. Leur conserver mélanger le vin, le jus • Au moment de servir,
- 2 1 de vin rouge ou rosé corsé la peau et les émincer d'orange, les fruits ajouter dans la jatte
(espagnol, de préférence)
en fines rondelles. et le sucre. des glaçons,
- 1 1de limonade
- 1 verre de jus d'orange
• Peler les pêches, • Laisser macérer la limonade bien fraîche,
- 1 verre à liqueur d'eau-de-vie puis les tailler en dés. le mélange 1 heure ainsi que l'eau-de-vie.
Pour 3 verres :
- 1 tige de canne à sucre bien fraîche • Laver la tige de canne de canne et de gingembre (12 heures au maximum).
et juteuse à sucre, l'éplucher dans la centrifugeuse, • Au moment de servir,
- le jus de 1 citron vert
et la débiter en morceaux et mélanger le jus obtenu couper le citron vert
- 30 g de gingembre frais
de 2 centimètres. avec le jus de citron vert. en fines rondelles,
- 1 citron vert non traité
• Laver, peler et émincer • Réserver la préparation les placer au fond
le gingembre. au réfrigérateur jusqu'au des verres et verser
• Placer les morceaux moment de servir le jus dessus.
••••••
138
LA GOURHANDIS E DU SUCR E
Préparation: 10 minutes
Macération: 2 heures
P une/' des îles
Pour 15 personnes :
- 6 oranges • Dans une grande coupe,
la vanille et quelques dans le jus de citron jaune,
le jus de 2 citrons jaunes mélanger les jus de mangue,
glaçons. puis dans le sucre roux ;
le jus de 1 citron vert d'ananas et de cüro n vert.
• Conserver au frais laisser sécher.
1 1 de jus de mangue • Prélever le zeste de trois
pendant 2 heures. • Couper les oranges
1 1 de jus d'ananas • Givrer les verres restantes en fines rondelles.
oranges et presser leur jus.
50 cl de rhum blanc
Les ajouter à la préparation,
de service : tremper Servir dans les verres givrés,
- 25 cl de sirop de sucre de canne
- 75 g de sucre roux en poudre ainsi que le rhum,
le bord de chaque verre, décorés d'une rondelle
- 1 pincée de vaniUe en poudre le sirop de sucre de canne,
sur 0,5 cm de hauteur, d'orange.
SIROP DE SUCRE
le passer à la chausse. ))
Pour 6 personnes :
- 6 yaourts nature (Recette indienne)
Cette boisson très rafrakhissante se prépare à la dernière minute. Elle peut être
confectionnée au mixeur. Les Indiens sucrent souvent le lassi avec du sirop de sucre
frais obtenu en broyant la canne. Certains remplacent le lait par du lait de noix
• ••• •
Préparation et cuisson: 20 minutes P unch au thé a l'orange
Pour 12 personnes:
Macération: 5 à 6 heures
Pour 6 personnes :
• Dans une grande coupe, • Juste avant de servir, • Reverser le tout
- 1 1 de bon vin de Bordeaux rouge
-le jus de 1 citron
mélanger le vin, le jus faire chauffer dans la coupe après
- 125 g de sucre candi roux de citron, le sucre candi dans une casserole l'avoir rincée et servir
- 1 bâton de cannelle et les épices. le mélange vin-épices aussitôt, en laissant
- 1 clou de girofle • Laisser macérer pendant jusqu'au premier les épices au fond
- 1 pincée de noix muscade râpée 5 à 6 heures. bouillon. du récipient.
- 1 pincée de cardamome broyée
Réfrigération: 12 heures
Pour 8 à 10 verres : commence à blondir
• Mixer la chair du melon. • Au moment de servir,
- 500 g de pulpe de melon
Dans une casserole, et verser Sut le melon. parfumer avec l'eau de
- le jus de 1 citron
- 150 g de sucre en poudre préparer un sirop avec • Ajouter le jus de citron. fleur d'oranger, filtrer,
- 1 1 de limonade le sucre et 25 cl d'eau. Mélanger, couvrir et verser dans les verres
- 1 cuillerée à soupe d'eau • Arrêter la cuisson conserver, au réfrigérateur, et allonger de limonade
de fleur d'oranger sitôt que le sirop pendant 12 heures. bien fraîche.
si l'on ne leur oste la teste, il faut les picquer en plusieurs endroits avec
par moitié, &.. l'on cerne un peu de la peau tout autour, puis on les met
rostir sur les charbons: &.. pour les servir, on oste toute la peau, qui quitte
••••••
40
............ ........... ... .... . .. ................................. .. .....
~."
144
LA GOURHANDISE DU SUCRE
---
- 1,5 1 de bière blonde (de type pils)
(Recette allemande)
- 4 jaunes d'œufs . .
- 6 cuillerées à soupe de crème aigre • Dans une casserole, aIgre, progreSSIvement. • Remettre alors dans la
(crème fraîche additionnée de jus faire chauffer la bière • Sans cesser de remuer, casserole et faire cuire, sur
de citron) avec le sucre sur feu vif. incorporer d'abord quatre feu moyen, jusqu'à ce que
- 120 g de sucre e1l poudre • Dès l'ébullition, cuillerées à soupe de bière la préparation, qui ne doit
- 1/2 cuillerée à cafe de cannelle
retirer du feu. sucrée, puis le reste pas bouillir, épaississe.
en poudre
- selfin • Dans une terrine, de la bière. Ajouter • Rectifier selon le goût
- poivre noir du moulin battre les jaunes d'œufs la cannelle, saler et l'assaisonnement et servir
en leur ajoutant la crème poivrer légèrement. aussitôt.
Cuisson : 30 minutes
Pour 6 personnes : (Recette danoise)
Cuisson : 1 h 30
Pour 6 personnes : (Recette d'Ile-de-France)
• • • • • • Il
14.:
Préparation: 15 minutes Poulet au sucre à la malgache
Macération: 1 heure
Cuisson: 1 heure • Frotter le poulet avec • Couvrir la volaille • Faire cuire le poulet
Pour 6 personnes : les gousses d'ail pelées, de ce mélange, en piquant à la broche, pendant
-1 poulet de 1.500 kg puis l'enduire d'huile. la chair à l'aide d'une 1 heure environ,
- 4 gousses d'ail
• Mélanger à la cassonade fourchette pour qu'il en l'arrosant souvent
- 3 cuillerées à soupe d'huile
- 1 cuillerée à café de feuilles de thym thym, girofle et vanille, pénètre sous la peau. avec le jus de macération.
- 1 pincée de clou de girofle en poudre ainsi que 1 cuillerée à café • Laisser macérer pendant • Servir avec du riz au curry
- 1 pincée de vanille en poudre de sel et 1 pincée de poivre. 1 heure. et au safran.
- 50 g de cassonade
- 1 cuillerée à café de sel fin
Ce poulet peut aussi être cuit en cocotte
Cuisson: 1 h 15
Pour 4 personnes : (Recette algérienne)
- 600 g d'épaule de mouton désossée
- 250 g de poudre d'amandes • Couper la viande deux verres d'eau et • Retirer la viande de
- 1 cuillerée à soupe de beurre en petits morceaux, faire cuire sur feu très la sauce et la déposer
- 4 œufs puis la faire dorer doux, pendant 1 heure. dans un plat allant au four.
- 250 g de sucre en poudre
dans le beurre. • Préchauffer le four • Recouvrir la viande de
- 6 cuillerées à soupe d'eau
de fleur d'oranger • Ajouter l'eau de fleur (160 °Clth. 3). la préparation aux amandes
- 1 pincée de cannelle d'oranger, 150 grammes • Battre la poudre et faire cuire au four
- selfin de sucre et la cannelle. d'amandes et le reste pendant 15 minutes.
• Saler, mouiller avec du sucre avec les œufs. • Servir avec la sauce.
• ••••••
146
LA GOURI-IANDIS E DU SU RE
A la cuisson,
le sucre forme
une croûte
sur la viande,
ce qui empêche
la chair
de sécher
et lui garde
sa saveur.
•••••• 1
14j
MILLE ET UN USAGES
Du SUCRE A [ALCOOL
Depuis 1993, l'éthanol carburant produit dans l'Union euro
péenne, notamment à partir de la betterave cultivée en jachère, est
employé comme additif à l'essence sans plomb Cà raison de 5 % en
France) pour renforcer son indice en octane. Au Brésil, l'éthanol car
Un petit air rétro
Avec ces pub[icités anciennes. burant provenant de la canne à sucre est mélangé à raison de 22 %.
DU SUCRE DES UTILISATIONS
A L'INFINI
antiallergiques et biodégradables
dans certaines résines adhésives, entre dans la fabrication de vernis, de certains tabacs blonds, car
solvants et laques, et sert d'agent de viscosité dans certaines colles. il en rehausse le goût et maintient
UNE GRAVURE EN CREUX MONOCHROME comme réducteur des sels d'argent, d'où
laquelle est mêlé du sucre jusqu'à saturation. Une fois qu 'il est sec, la
planche est recouverte d'une fine couche de vernis. Après séchage, elle • Le sucre est également utilisé dans
est plongée dans l'eau; au contact de celle-ci, le sucre se dilue et le ver la fabrication de certains explosifs.
nis craque. Le cuivre se trouve donc dégagé là où il porte le dessin. On le retrouve ainsi dans les feux
avec de la poudre de résine, puis la chauffe pour la fixer, et enfin la • Lorsqu'il est ajouté à très faible dose
mord assez profondément à l'acide. Il ne reste plus qu'à encrer la (0,1 % de la masse), le sucre retarde
planche et à imprimer l'épreuve à l'aide d'une presse appropriée. la prise des ciments et bétons, ce qui est
prêts à l'emploi.
des pommes.
Ladjonction réglementée du
pour les besoins du film.
de la fermentation, augmente
• Pour ses usages en thérapeutique,
A LA RÉUNION
Le MUSÉE AGRICOLE ET INDUSTRIEL STELLA MATUTINA, inauguré en
1991, retrace l'histoire de l'île à travers son patrimoine agricole et
industriel. Dominant l'océan Indien, il est établi sur le site d'une grande
propriété sucrière, où la canne à sucre est cultivée depuis 1850. La plus
grande partie du musée est consacrée à la canne à sucre, à son histoire,
à l'essor de l'industrie sucrière du temps de l'esclavage, puis de celui
des « travailleurs engagés» - Indiens, Africains, Malgaches et Chinois
qui composent la population réunionnaise actuelle. La canne y est pré
sentée sous ses divers aspects agronomiques.
A LA MARTINIQUE
En cette île où la canne a marqué le destin des hommes, un petit
MUSÉE DE LA CANNE A SUCRE s'est installé au sud, dans l'anse des Trois
Ilets, à l'intérieur d'une ancienne sucrerie-distillerie. Il retrace l'histoire
de la plan te, du sucre et du rhum dans leurs rapports avec la vie locale
et la société créole.
EN ALLEMAGNE
A l'origine fondation de l'industrie sucrière allemande, créée en 1904,
le ZUCKER MUSEUM de Berlin fut confié, en 1978, à l'Université technique
de Berlin. Intégré depuis 1995 au Deutsches Technikmuseum Berlin, il
réunit de fort belles collections afférentes au sucre, à son histoire cultu
relle et à l'évolution de ses techniques de fabrication. Répartis en onze
sections, tous les domaines liés au sucre y sont présentés.
~U ucre
« S i tous les arts concourent aux plaisirs
du gourmand, les plaisirs du gourmand
contribuent à leur tour au progrès des arts.»
Antonin Carêllle
• •••••
15
Le spectacle éphélTIère
de la table
Sans doute cette tradition des «chefs-d'œuvre» en
sucre puise-t-elle ses racines dans l'ostentation des tables
médiévales , en un temps où le sucre, denrée rare, était
l'apanage des gourmands de haute souche et où les desserts
étaient prétexte à une présentation
recherchée, mariant harmonieusement
couleurs et formes. Ainsi la spécialité
de Venise fut-elle longtemps la pièce
montée en sucre, d 'un luxe tout sei
gneurial. Car, bien qu'il fln connu
depuis peu, le sucre avait déjà révélé sa
malléabilité ; il participait à la somp
tuosité des festins. Pour exemple, tou
jours dans la cité vénitienne, un dîner
qui fut donné en 1493, au palais des
Doges, en l'honneur de Béatrice,
épouse de Ludovic Sforza le More,
duc de Milan, et au cours duquel, au
son des trompettes, furent présentés
trois cents mets en sucre doré . Autre
témoignage de ces grands fastes sucrés,
celui de Francesco Matarazzo, dans sa
Chronique de Pérouse: il y narre un
somptueux repas de noces qui se
déroula en l'an 1500 et se conclut, au
terme de plusieurs jours de festivités,
par un cortège comportant un repas
«léger», lequel fut si copieux «que l'on
n 'en croyait pas ses yeux; on y voyait,
moulés en sucre, tous les fruits de la
terre, puis des grenouilles, des écre
visses, des serpents, des lézards, des
oiseaux de chaque espèce, ainsi que
d'autres sucreries, et tout cela était si
abondant que l'assistance en emporta
une grande partie dans de petits sacs de
cuir doré , bien que tout le monde eût
été rassasié ».
Floralies Ce fut, en effet, à partir de l'Italie, où le décor en sucre vit
Cette pièce en sucre, réalisée le jour, que se développa ce goût très singulier de l'imitation.
par Yves Thuriès, est exposée
Dans son étude sur La Table et le repas à travers les siècles,
à Cordes-sur-Ciel (Tarn) , dans
le cadre du musée de l'Art du sucre. Armand Lebault évoque une collation offerte, en 1571, par les
Créé en 1989, dans une des vieilles notables de la ville de Paris à Élisabeth d'Autriche, femme de
demeures de ce village médiéval, Charles IX; à cette occasion, on « avait imité en pâte de sucre
ce musée est tout entier consacré des figurines, des fleurs, des mets de toutes sortes et les plats,
à la féerie du sucre d'art. Il abrite les écuelles qui contenaient ces mets imités étaient eux
une cen taine de « chefs-d'œuvre»
mêmes en sucre ». Sans oublier« trois cents paniers, pleins de
sur les thèmes les plus divers.
toutes sortes de fruits faits en sucre près du naturel [... ] ».
LART DU SUCRE
•••••
15:
Les architectures
de la gourIllandise
Au cours du x:rxe siècle, avec l'essor de la bourgeoisie,
la décoration en sucre devait peu à peu se transformer pour
céder la place à la vogue des surtouts chargés de douceurs,
symboles de richesse plus que de créativité. Elle persista
néanmoins à la table des grands et permit à de véritables
architectes de s 'y imposer. Reste ainsi le souvenir d'Antonin
Carême (1783-1833), de ce petit pâtissier promu , par le
seul mérite de son talent, chef de bouche de la maison de
Talleyrand. Ses spectaculaires pièces montées, qui firent la
renommée de la table du grand chambellan et de bien
d'autres tables royales, étaient inspirées par l'Antiquité chi
noise, indienne, égyptienne, grecque ou latine. Dans son
traité Le Pâtissier pittoresque (1815) , il recense formes ,
ornements et accessoires destinés à la décoration des fes
tins . Plus de cent planches gravées au trait suggèrent les édi
cules en sucre coloré et glacé dont il s'était fait une spécialité.
Pavillons, rotondes, temples, ruines, belvédères, fontaines,
cascades , grottes, chaumières, ermitages ... Rien n'est laissé
au hasard de ces reconstitutions. Pas tillage, glaces et sucres
de couleur décorent les socles ou
dessinent les bordures aux
innombrables motifs. Certains
éléments sont confectionnés en
pas tillage ou en pâte d'office,
d'autres en pâte d'amandes ,
d'autres encore en feuilletage.
Vrai ou faux ?
« HUitième service: l'issue sera composée de toutes sortes de confitures liquides et sèches,
de massepains, conserves et glacés, sur les assiettes, les branches de fenouil poudrées de sucres
mangent pas.
poudre suffisait à le colorer en rose, de même que
~ ... ..
158
L'ouvrier du
sucre bâtisseur UN RÊVE DE SUCRE
de cathédrales
Lédification Il M ais bientôt toute la compagnie
d'un tel prit l'apparence d'un étalage
monument eXige de la Noël, chez Fuchs, Weide, 5choch
un nombre
ou dans quelque autre boutique.
considérable
d'heures de Le Conseiller me parut être une gentille
travail. Pour poupée de sucre candi, avec un jabot
la reconstitution de papier. Peu à peu, les arbres et
de la cathédrale les rosiers grandirent à vue d'œil. [...]
d'Amiens, due Alors toutes les figurines de sucre,
à Hubert Lahm, à l'étalage, s'animèrent et remuèrent
il a fallu réunir
20 000 pièces. comiquement leurs petites mains
Lensemble et leurs petits pieds. Le Conseiller-candi
mesure s'avança de mon côté en piétinant
1,50 m de haut, et s'écria d'une petite voix très aiguë:
1,80 m de long et "Pourquoi tout ce fracas, mon cher ami?
0,88 m de large.
Posez-vous donc sur vos jolis pieds,
Quatre-vingts
kilogrammes car je remarque depuis une heure que
de sucre glace vous cheminez dans l'air par-dessus
ont été les chaises et les tables."
nécessaires ... Le petit avait disparu. Julie n'avait plus
la coupe dans sa main.
" Pourquoi n'as-tu pas voulu boire?
des pâtissiers et des confiseurs (1883). Auguste Escoffier et dit-elle; la flamme pure qui jaillissait
Édouard Nignon, entre autres, allaient ensuite montrer un de la coupe vers toi, n'est-ce pas
égal intérêt pour la décoration artistique. celle du baiser que tu obtins un jour
Ce goût pour les constructions en sucre fut très vivace en de moi?" Je voulus la presser contre
Angleterre, principalement à travers les pièces et gâteaux de mon sein, mais 5chfemihf s'interposa
noces où l'originalité le disputait au faste. Le mariage du duc entre nous, disant:
d'York fut ainsi l'occasion de réaliser une pièce de sucre, de " Voici Mina, qui a épousé Raskal."
nougat et de fruits confits retraçant sa carrière. Un dîner offert Il avait marché sur quelques-unes
à l'explorateur polaire anglais sir Albert Hastings Markham des figurines de sucre, qui poussèrent
inspira une pièce représentant son vaisseau, l'Alerte, entouré des gémissements lamentables.
de glaçons et d'ours blancs. Mais bientôt leur nombre augmenta
Au début du xx.e siècle, Alphonse Vanaise mentionne par centaines, par milliers, et toutes
deux réalisations pour le moins somptueuses. L'une se mirent à frétiller autour de moi,
concerne un jeune Anglais qui, « ayant fait fortune dans les et à grimper sur mon corps,
mines de diamant du Cap, fit exécuter pour son dîner de qui fut bientôt couvert de leur nuée
noces une magnifique grotte en sucre et or, constellée de bourdonnante comme un essaim d'abeilles.
pierreries. De minuscules lampes électriques éclairaient ce Le Conseiller de sucre candi s'était hissé
palais de Crésus qui fut vendu au bénéfice des orpheli jusqu'à ma cravate, qu'il serrait
nats ». L'autre est le gâteau de mariage d'Alphonse XIII et de plus en plus fort :
d 'Ena de Battenberg. Ce gâteau , commente l'historien, " Maudit Conseiller-candi! "m'écriai-je
« avait été fabriqué à Londres et envoyé à Madrid dans une à haute voix... Et je m'éveillai. "
caisse haute de deux mètres. Il avait 1,90 m de haut et Ernst Theodor Amadeus Hoffmann,
pesait 300 kilos; sa base mesurait 1,15 m de diamètre . Un Les Aventures de la nuit
magnifique travail de sucre figurait les vignobles les plus de la Saint-Sylvestre.
réputés de l'Espagne, tandis que courait alentour un feston 1808-1815
couleur. [... ]
gélatine, d'eau et de jus de citron, il peut être coloré par des
La peau des chaises respire:
colorants alimentaires, mais il ne se prête qu'aux tonalités
une surface sensible, tactile,
pâles. Certaines formes sont découpées dans une abaisse , à
émotionnelle; un aspect poli,
l'emporte-pièce; c'est le cas des fleurs. Les petits sujets
rugueux, laqué, peint, mat,
plats sont moulés « à la planche ». Le séchage est délicat, car
brillant, opaque, transparent ...
il est important d'éviter que des crevasses ne se forment.
Rêves de sucre. » Ainsi Boris Tissot
fut farine, tant que tout soit réduit en paste mole, afin
• ••••••
162
LART DU SUCR E
Le sucre ruban
Cette technique n'est guère
à la portée de l'amateur.
Obtenir la largeur
et la finesse désirées
relève d'un savoir-faire
exceptionnel.
Un matériau magique
Le sucre se travaille avec
des outils similaires à ceux
du peintre. La masse, étirée
et aérée, refroidit et se
transforme peu à peu pour
prendre l'aspect recherché.
•••••• 1
16~
Outre le façonnage des rubans et nœuds, des cor cuisson dépend à la fois des ingrédients employés et
beilles et paniers, le sucre tiré permet de reproduire des conditions de travail (celui-ci doit s'effectuer
toutes les fleurs que l'on trouve dans la nature, même dans une pièce bien chauffée, à l'abri des courants
les plus complexes. Il est aussi façonné en nattes et d 'air) . Mais, par-delà la préparation du sucre, inter
utilisé pour imiter des anses de vases ou de coupes . viennent la dextérité et l'expérience de 1'« artiste ».
Sa pratique varie selon les confiseurs, chacun ayant Un sucre tiré avec excès est terne, alors qu'il doit être
sa propre méthode de « graissage » - c'est-à-dire très brillant et satiné. Les gestes doivent être précis et
l'ajout de glucose, de crème de tartre, de vinaigre rapides, pendant que le sucre est encore chaud. La
blanc, etc., qui, en prévenant la cristallisation du légèreté des décors est ici le résultat de manipula
sucre, favorise sa malléabilité . La température de tions sans défaillance .
•••••••
164
L AR T ou S UC RE
Quand le sucre
épouse la nature
Insectes et oiseaux
rivalisent d'élégance
et de beauté, au point
de faire douter
de leur irréalité.
aux bottes de ma~ aux lances à feu et aux pétards, de s'enfoncer hardiment
pour me réchauffer, et j'y pourrai souper avec quelque miette des trois grandes
•••••••
16E
Des fruits en sucre
à admirer.
Gourmande
imitation
Le carrosse
de la reine d'Angleterre
reproduit en sucre
avec un grand souci
de fidélité.
.......
166
L'ART DU SUCR E
Fleurs et feu,"e. c,.istaOisée
• Quand elles sont assez humidifiées, les saupoudrer
Pour 4 ou 5 grosses fleurs et une dizaine de sucre cristallisé à l'aide d'une petite cuillère s'il
defeuilles s'agit de fleurs simples et de feuilles, il suffit de les
-1/2 cuillerée à café d'huile neutre déposer sur une assiene plate garnie de sucre
-1 blanc d'œuf cristallisé (3).
-400 g de sucre cristallisé • Secouer feuilles et fleurs pour éliminer l'excédent
de sucre.
• Les disposer sur les supporrs et les laisser sécher
• Préparer des supportS pour le séchage: verres
pendant un jour ou deux.
à liqueur ou coquetiers pour les grosses fleurs, grille
à pâtisserie pour les feuilles et les petites fleurs.
• Raccourcir les queues des fleurs à 2 centimètres, Les végétaux utilisés doivent être comestibles
sécher les feuilles, puis les développer au et non traités. Pour un résultat plus flatteur,
maximum (1). il est conseillé de choisir des fleurs (roses,
• Dans un bol, bame légèrement le blanc d'oeuf notament) qui commencent à s'ouvrir.
Choisir les fleurs parmi rose, primevère, violette,
avec deux cuillerées à soupe d'eau et l'huile.
capucine, dahlia, jasmin, oranger, citronnier,
En badigeonner les pétales et les feuilles sur les deux amandier, lavande, acacia, pissenlit.
faces, à l'aide d'un pinceau fin (2). Choisir les feuilles parmi rosier, menthe, primevère,
pissenlit, cerfeuil, trèfle. Pour une quantité plus
importante que celle indiquée ici, ajouter au blanc
d'oeuf une cuillerée à café de gomme arabique.
Enfin, la même technique permet de cristalliser
des petits fruits (fraises, groseilles, cassis,
grains de raisin, etc.) .
Roses cristal
Décor simple et du plus bel effet à placer
sur un gâteau de fête ou au centre de la table .
•••••••
168
C A RT DU SUCRE
Sucre d'art
Réalisation colorée et animée
de Dorothée Selz destinée
à l'exposition du musée
des ArtS décoratifs (Paris,1978).
en morceaux, préparer
o comme Olivia
Cette sculpture de Boris
Tissot s'inscrit dans le cadre
d'un alphabet gourmand.
Lartiste s'intéresse ici à une
approche ludique de la lettre
et de son image, à travers
deux matériaux inattendus:
le sucre et la pâte à biscuit.
• •••••
LES RITES D' 0 FFRANDES
Très marqué en Amérique latine, le goût des sucreries - des
du/ces, comme on les nomme en espagnol - a suivi de peu l'intro
duction du sucre dans ces contrées. Du morceau de canne à sucre
que l'on mâchonne patiemment aux friandises que vendent d'in
nombrables marchands ambulants ou que l'on trouve sur les mar
chés, la gourmandise est sans cesse sollicitée. Le Mexique, où
Hernan Cortès fut le premier à établir des plantations et des mou
lins à sucre, près de Cuernavaca, en est le plus bel exemple. John
Chilton, un voyageur anglais qui séjourna dans ce pays au cours de
la seconde moitié du XVIe siècle, en fit d 'ailleurs la remarque: « Il y
a là-bas grande abondance de sucre et ils en font diverses conserves
excellentes qu'ils envoient au Pérou où elles se vendent, car on n'en
Une croix en sucre mexicaine fait aucune dans ce dernier pays. » Lusage du sucre à des fins reli
Un thème religieux, une inspiration gieuses n 'a donc rien de surprenant. D'autant que la célébration des
naïve... au goût sucré. morts, le 2 novembre de chaque année, s'y pare d 'une dimension
« festive » exceptionnelle.
C'est le frère Sebastian de Aparicio qui, en 1563, dans le
Mexique évangélisé, instaura l'usage des offrandes pour les défunts ,
au sein de la hacienda de Carreaga, près de l'actuelle Mexico. Cet
usage se répandit très rapidement, jusqu 'à devenir une tradition
nationale et donner naissance à un véritable art du sucre. Car les
sucreries, qui sont confectionnées à cette occasion, prennent les
formes les plus diverses. Déjà, au XVIIIe siècle, le jour des Morts don
nait lieu à une multitude de créations. En 1777, Juan de Viera en
témoigne: « La dépense pour les sucreries dépasse 5 000 pesos, qui
se transforment en pastillage et deviennent oiseaux, sirènes , mou
tons, fleurs, pichets , jarres, lits, cercueils, mîtres , femmes et
hommes dorés et ornés de couvre-chefs. [ ... ] On voit à chaque coin
de rues des étalages pleins de jouets en sucre que même le plus
pauvre achète pour ses enfants . »
Aujourd'hui, la tradition demeure . Le pas tillage Caljèfiique) et le
« sucre royal » se prêtent à mille et une sculptures minutieusement
travaillées. Animaux de toutes espèces, objets de la vie quotidienne,
sujets religieux ... La mort reste, toutefois, le thème central. Comme
l'explique Teresa Castello de Yturbide, «les têtes de mort, sans doute
la représentation la plus caractéristique de la Fête de la Toussaint,
En Asie... sont faites en sucre cuit et coulé dans des moules en terre cuite; elles
Le sucre entre aussi dans
sont ensuite décorées avec du " sucre royal " de couleur et décorées
la composition des diverses
de papier d 'argent. Le nom du défunt est écrit sur le front . Il n'est
offrandes aux dieux dans
pas d 'enfant authentiquement mexicain qui n'ait savouré une tête de
certains pays asiatiques.
mort ; ainsi il grandit pleinement identifié avec la mort ». Certains
Comme ici, à Bali,
Sucreries mortuaires
On peut encore en trouver
aujourd'hui à Mexico.
LESUCRE EN QUELQUES CHIFFRES
ÉVOLUTION DE lA PRODUcnON ET DE lA CONSOMMATION MONDIALES DE SUCRE
Année Production Production Production Consommation Consommation
sucre de canne + de sucre de sucre totale par habitant
sucre de betterave de canne de betterave (en milliers (en kilos
(en milliers de tonnes (en DIo) (en DIo) de tonnes de sucre brut)
de sucre brut) de sucre brut)
1900 11 257 46,7 53,3 8130 5,1
1920 16831 70,8 29,2 13 024 7,3
1940 29902 60,9 39,1 26704 11,9
1960 55 542 55,2 43,8 49298 16,4
1980 88014 62,5 37,5 88646 20,2
1990 114487 63,3 36,7 108284 20,6
1995 122871 70,5 29,5 115 252 20,1
1996 123 506 69 ,3 30,7 119371 20,7
1997 126 217 69,6 30,4 124544 21,3
1998 129934 71 ,1 28,9 - -
En 1998, ils ont assuré plus de 60 % de la production mondiale (en millions de tonnes de sucre brut).
y compris la production de sucre de canne des D.O.M. (Réunion, Guadeloupe, Martinique) et leur consommation .
** Soit 19309 milliers de tonnes exprim ées en sucre brut.
** * Soit 13 899 milliers de tonnes exprimées en sucre brut .
••••••
Berlingots, ........... ............................................. 128
Nougatine, .................... .. .... .. .......... ..... .. ........... 113
Crème brûlée à l'ancienne, ...... .... .. ... ... .... .... . 125
Punch des îles, .. .... .. .. .. ...... .. .......... .. ...... .. ...... ... 139
Fudges à la vanille, ... ............ ...... .... ........ ... ...... 130
Sucre coulé, ............ .. .. ... ............. ...................... 164
174
PRINCIPAUX OUVRAGES CONSULTÉS
• Le Théâtre d'Agriculture et Mesnage des Champs, • Trésors sur table, catalogue de l'exposition
Olivier de Serres, 1600. organisée par le Crédit communal de Belgique.
• Nouveau Voyage aux Iles de l'Amérique • The Confèctioner 's Art, catalogue de l'exposition,
(1693-1705), R. P Jean-Baptiste Labat, 1722. American Craft Museum, New York, 1989.
• Rapports du Jury International, Exposi tion • Le Moyen Age à table, Bruno Laurioux, Paris,
Universelle de 1867, Paris, 1868. 1989.
• Leçons sur les matières premières organiques, • Morceaux de sucre, ouvrage édité par le Conseil
Dr Georges Pennetier, Paris, 1881 . régional de Bourgogne pour accompagner
• Les Plantes utiles, Arthur Mangin, 1886. l'exposition organisée à Arnay-le-Duc
• Les Merveilles de l'industrie, Louis Figuier, Paris, (Maison régionale des arts de la table),
fin du XI Xe siècle. du 15 avril au 15 octobre 1989.
• Le Parfoit Pâtissier, Émile Dumont, Paris. • Histoire du sucre, Jean Meyer, Paris, 1989.
• La Pâtissière de la campagne et de la ville, • L'Homnivore, Claude Fischler, Paris, 1990.
Pierre Quentin, Paris, 1905. • Décor et magie du sucre, Marie-Hélène
• Histoire économique de la propriété, des salaires, de Clausonne, Paris, 1990.
des denrées et de tous les prix en général depuis l'an • Les Chaises en sucre, catalogue de l'exposition
1200 jusqu'en l'an 1800, Vicomte G. d'Avenel, Boris Tissot, LARC, Scène nationale, Le Creusot,
Paris, 1912, VI. 1991 .
• Histoire centennale du sucre de betterave,
• Les Indes florissantes, Guy Deleury, Paris, 1991.
Syndicat des fabricants de sucre de France, Paris,
• L'Art de vivre en santé, images et recettes
1912.
du Moyen Age, Carmélia Opsomer, 1991 .
• Mémorial 1887-1928, Union des patrons
• Sucre et nutrition, sous la direction
pâtissiers de Belgique, Bruxelles, 1928.
de B. Messing, Paris, 1992.
• Histoire de l'alimentation et de la gastronomie,
• Le Sucre, luxe d'autrefois,
Dr Alfred Gottschalk, Paris, 1948.
catalogue de l'exposition des collections
• La Petite Histoire du sucre, Fresnette Pisani
Deleplanque & Cie, musée du Nouveau Monde,
Ferry, in " Histoire pour tous", décembre 1973.
La Rochelle (13 décembre 1991-11 avril 1992).
• Festins de tous les temps, Georges et Germaine
• Sucre, grande et petites histoires,
Blond, Paris, 1976.
Lucette Chabouis, Paris, 1994.
• Sucre d'art, catalogue de l'exposition,
• L'Orfèvrerie et le sucre du XVIIeau x.xe siècle
m usée des Arts décoratifs, Paris, 1978.
en France et en Belgique, Anne D. Janssens
• La Confiserie, Éditions Time-Life, Paris, 1981.
et Arnould de Carette, Belgique, 1995.
• L'Art et la Table, Hans Ost, Neuchâtel, 1982.
• Index glycémique, B. Bornet et B. Messing,
• Les Bases de la pâtisserie, confiserie, glacerie,
Centre d 'études et de documentation du sucre,
M . Vitaly, Paris, 1983 . Paris, 1996.
• Sucreries au Brésil et aux Antilles à la fin du
• Sucres et Santé. Conclusions, Gérard Debry,
XVlle siècle (d'après Antonil et Labat), Marcel
Nancy, 1997.
Chatillon, Bulletin de la Société d'histoire de
• La Betterave sucrière .française, sous la direction
la Guadeloupe, n055, premier trimestre 1983.
d 'Éric Choppin de Janvry, réalisé et supervisé
• L'Office et la Bouche, Barbara Ketcham par Daniel Bordet, Paris, 1997.
Wheaton, Paris,1984 .
• Le Sucre, documentation pédagogique,
• L'Art culinaire au Xixe siècle, Antonin
Cen tre d'études et de documentation du sucre,
C arême, catalogue de l'exposition, mairie
Paris, 1997.
du Ille arrondissement, Orangerie de Bagatelle,
• Mémo statistique, Centre d'études
Paris, 1984.
et de documentation du sucre, Paris, 1998.
• La Sensibilité gastronomique de l'Antiquité
• Le Commerce colonial triangulaire (X Vme-Xixe
à nos jours, Jean-François Revel, Paris, 1985.
siècles), Raymond-Marin Lemesle, Paris, 1998.
• Histoire naturelle et morale de la nourriture,
• L'1èonomie sucrière 1998, FIRS : trente ans,
Maguelonne Toussaint-Samat, Paris, 1987.
Fonds d'intervention et de régularisation
• Le Coût de la Révolution .française, René
du marché du sucre, Paris, 1998.
Sédillot, Paris, 1987.
• De l'or et des épices, Jean Favier, Paris, 1987. Sans oublier les périodiques du XIXe siècle suivants :
• La Raffinerie tirlemontoise 183 8-1988, sous la Le Journal de la jeunesse, Magasin pittoresque,
direction de Vic Uyttebroeck, à l'initiative de la Revue britannique, Le Tour du Monde, Musée des
Raffinerie Tirlemontoise, Anvers/Bruxelles, 1988. familles.
• ••••••
17E
Les auteurs tiennent à remercier: - monsieur Joël Bellouet, de l'École
Claire de Sucre ;
recherches ;
de l'Art du sucre;
Établissements Deleplanque ;
Béghin-Say ;
Barnier;
ERSUC;
(Moret-sur-Loing) ;
de Corbeilles;
de sucre de Belgique;
- la Sucrerie de Toury;
- monsieur Mario de Campos Vidal,
Louis François;
Portugueses ;
(1 er2), 14,15,16,17,18,21,22,25,26,27,
20,23,24,28 (2), 29, 32, 33 (2),
151,163 (2 er 3).
couverture verso (1 er 2).
/ G. Fessy p. 101 / C. Gibier pp. 156, 157, 158 (1),159, 165 Photothèque Muséum Srella Matutina :
(1), 166 (2) , 169 (1),170,171/ P. Giner p. 121 / A. Maier H. Douris p . 150 (1).
pp. 106, 110, Ill, 112, 129, 131 / D. Mertoudi p. 98,125 Bonbons Barnier p. 127 (1) - Bellouer Conseil pp. 162,
/ A. Murior p. 126 / S. Pelly pp. 68, 83, 85, 88 (1 er 3), 165 (2), 166 (1) - B. Farar p. 88 (2) Inrersuc p. 97
91 (2 er 3), ll7 (2) , 128 (1),153,158 (2),163 (1) - musée de l'Art du sucre p. 154 - P. Olivain p. 150 (2)
- couverture verso (3) - Traces de sucre aux différenres - D. Selz pp. 166 (3 er 4), 167 - Sucrerie de Bourdon p. 59
couverture verso (4) / M. Rougemonr p 117 (1) - P. Darle pp. 44, 62, 63 - M. Forien de Rochesnard p. 44
/ D. Runacher pp. 76, 90 / C. Tournebise p. 67 / M. Sanner -A. Perrier-Robert pp. 60, 61, 66,142,143 , 144, 155,
/ H. Yéru pp. 113, 132/ M. Zeelow pp. 96, 104, 109. - B.1issor / S. Baroni p. 169 (2) / Feimronie p. 160.
ISBN: 2-263-02821-8
LE
GRAND LIVRE
SUCRE
celui de la gourmandise.