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Le Grand Livre Du Sucre

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Annie Perrier-Robert

Marie-Paule Bernardin

SOLAR

SOMMAIRE

T 7 ... ...
hapitre 1 ~ EPOPEE DU SUCRE ......................................................................... . 7

D'antiques origines p. 10- Un parfum d'Orient p. 11 - La conquête du Nouveau Monde p. 12

L'« usine à sucre» esclavagiste p. 13 - Aux Antilles, sur les traces du père Labat p. 16

Le succès du sucre « terré» p. 17 - L'essor du raffinage p. 18 - L'engouement pour le sucre p. 20

Le mirage de la betterave p. 22 - Du renouveau de l'espoir p. 24 - L'heure décisive p. 25

Décadence et grandeur p. 26 - La guerre des sucres p. 28 - L'Europe à !'ère industrie!!e p. 29

Du côté britannique, des droits oppressifi p. 31 - La convention de Bruxe!!es p. 32

Les épreuves des guerres p. 33 - Au temps des restrictions p. 34 - Le nouveau marché européen p. 35

Le règne du sucre de betterave dans l'Union européenne p. 36- Les aventures de Cuba p. 37

LInde, berceau de la canne à sucre p. 38 - Le Brésil, en tête de la production et de l'exportation p. 38

En Chine, un potentiel considérable p. 39 - Des édulcorants diversifiés aux États-Unis p. 39

L'Australie, grenier à sucre du monde p. 40 - En Russie, une industrie en déclin p. 40

Les peifOrmances de la Thaïlande p. 41

• Les ustensiles du sucre............................................................................... 42

• Du côté des collectionneurs....................................................................... 44

L'AI CT !Mm DU SUCRE .................................................................................. 45

Le « roseau sucré» des Anciens p. 48 - D'hier et d'aujourd'hui p. 49

Les moulins à sucre d'antan p. 50 - Des machines peifOrmantes p. 52

La racine sucrée des temps modernes p. 53 - Une extraction simplifiée p. 54

Des dénominateurs communs, crista!!isation et évaporation p. 55

Le raffinage, complémentaire de la sucrerie p. 56-La teneur en saccharose p. 57

Un sous-produit précieux p. 57 - Les dérivés de l'usinagep. 58

• D'autres sucres......................................................................................... 60

• Les élégants pots d'apothicaire.................................................................... 66

LES TABOUS DU SUCRE ................................................................................. 67

Le sucre médicamenteux de jadis p. 70 - De la saccharophobie p. 71- Le sucre réhabilitép. 72

Un élément de l'équilibre alimentaire p. 73 - Une distinction dépassée p. 73

Le mythe de l'exotisme p. 74 L'aliment du sportifp. 75 - Les réticences au sucre p. 76

La grande fomi!!e des édulcorants p. 78

• De précieux objets: pots à sucre et sucriers.................................................. 80

• Le condiment universel ............................................................................. 82

4
(jwpitre 4 LA GOt~1ANDISE DU SUCRE .................. ....... ........................................ 83

Le sucre dans tous ses atours.............. ...... ......................... ... ........... ... .. ...... .... ............... 85

Le plus ancien, le pain de sucre p. 86 Le « sucre cristal» p. 88 Universel, le sucre en poudre p. 88

Exotique, le sucre vanillé p. 89 - La neige du sucre glace p. 89

Le sucre spécial confitures p. 90 - « Casson », « perlé », « granulé ii p. 90

D'origine française, le sucre en morceaux p. 90 - Du sucre au parfum des îles p. 92

Une spécialité du Nord, la vergeoise p. 93

Entre le sucre et la mélasse p. 93 - Le plus gros cristal, le candi p. 94

Un caramel tout prêt p. 95

Le sucre des punchs p. 95 - Au service de l'industrie alimentaire p . 95

Lorsque le sucre fait œuvre de magie ..... ...... .... ................... .. ....... ... .... ......... ... .... ..... .. 97

En matière de douceurs p. 98 - Le sucre à la cuisine p. 100 - SOS sucre! p. 102

Les taches de sucre p. 103

Les secrets de la cuisson du sucre ........ .......... ... ... ............ .......... .................. ........ .. ...... 105

Les règles d'or du cuiseur de sucre amateur p . 107 - Clair ou brun, l'indispensable caramel p. 107

La cuisson du sucre p. 110 - Tout dëlégance, le fondant p. 112

Croquante et parfumée, la nougatine p. 113

Les recettes du sucre ........ ..... .......... ........ .... ..... ..... ..... ........ ........ ... .. ...................... ...... .... 115

Douceurs tous azimuts 115 - Bonbons croquants et autres friandises p. 126

Mille et une conserves et boissons p. 133 - Le sucre aux fourneaux p. 142

• Mille et un usages du sucre ............................ .. ...................... .. .................. 148

• Les musées du sucre ..... ...................... .... .................. .................. ..... .......... 150

~pitre 5 : LART DU SUCRE ......... ........................................................................................... 151

Le spectacle éphémère de la table p. 154

Les architectures de la gourmandise p. 156

Noble pastiilage et glace royale p. 160 - Étiré en filaments, le sucre filé p. 161

Le sucre soufflé, tel l'art des maîtres verriers p. 162

Une technique délicate, le sucre tiré p. 163

Les autres sucres de l'artiste p . 165

• Les ri tes d'offrandes mexicains ........ ...... ..... ....... .... .. .... .. .... ... ...... ...... ......... ... .. ....... .. . 170

• Le sucre en chiffres.... ................... ...... ...... ... ..... ...... ..... ....... .................... ... .... .... .. .. .... 172

Bibliographie ................................................................................................ .. ..... . 174

Index des recettes .................................................................................................. 175

Remerciements et crédit photographique ............. ... .. ......................... ...... ..... ..................... . 176

AVANT-PROPOS

A u moment où l'humanité entre dans le troisième millénaire, ses goûts


sont bien définis et ses usages alimentaires bien établis, tous liés aux diffé­
rentes civilisations, à leurs traditions et à leurs modes de vie. Rares sont les
produits, telle sucre, qui fassent autant l'unanimité, d'un point de l'Univers
à l'autre. Il eut pourtant, d'abord, grand-peine à rivaliser avec le miel, qui,
depuis les temps les plus reculés, apportait à l'Homme cette saveur sucrée
pour laquelle la Nature l'avait doté d'une forte dilection. Puis la canne à
sucre imposa sa loi parfois durement, et la gourmandise s'organisa autour
de son « cristal» au parfum d'exotisme. Enfin, la ténacité des chercheurs
permit au sucre, à travers la richesse méconnue de la betterave, de devenir
accessible à tous. Ainsi bénéficie-t-il désormais du privilège d'être à la fois
universel et essentiel.
Au fil des siècles, rien ne lui fut épargné. Il fut controversé, attaqué, taxé
de nocivité ... On se montra violent et injuste à son égard. Ce qui n'empêcha
pas, d'ailleurs, ses amateurs éclairés de le décliner de mille et une façons, au
service de la gastronomie et la fête, comme aux fins d'une nutrition équili­
brée dans laquelle il avait sa place. Dans ce tumulte sans nuance, la modé­
ration a fini par l'emporter. Aujourd'hui, rétabli dans la vérité de ses pro­
priétés et de ses talents, le sucre règne sur un univers de saveurs qui n'exis­
terait pas sans lui et dont l'Homme ne saurait plus se passer.
C'est ce regard objectif, gourmand aussi, sur son rôle et ses divers usages
dans l'alimentation, sur les coutumes qu'il a générées et sur la magie qu'il
dégage que nous nous sommes efforcées de traduire dans cet ouvrage, qui
lui est tout entier consacré. Puisse cette évocation transmettre au lecteur la
curiosité de le mieux connaître pour encore mieux l'apprécier. ..

Annie Perrier-Robert Marie-Paule Bernardin

6
« J, existe une espèce de miel concret
appelé sucre {saccharon}, que l'on trouve
dans des roseaux de l'Inde et de l'Arabie
Heureuse. Il ressemble au sel par sa
consistance et craque sous la dent. >>
Dioscoride, 1er siècle

E n Inde, berceau de la canne à sucre, la plante a ins­


piré une jolie légende hindoue, qui se serait déroulée dans
le delta du Gange, là où se trouve l'actuel Bengale. t:un des
sept sages (rishis) de l'lnde védique, Vishvamitra, aurait
créé la canne à sucre pour l'incorporer au paradis terrestre
qu'il fonda pour son prince Rajah Trishanku auquel l'accès
au paradis céleste avait été refusé. Mais lorsque ce prince
fut enfin autorisé à y entrer, le paradis terrestre fut détruit.
Seule en subsista la canne à sucre, laissée aux mortels
comme symbole de la grandeur de Vishvamitra.
Pour être moins poétique que cette évocation légendaire,
la réalité historique a toutefois, ~e~~
/té_--:-_ _ _~~~~
longtemps auréolée d'un cer­

tain mystère.

Les « sources» rAntiquité ne connut, en fait,

du sucre
Page précédente:
de saveur sucrée que le miel.

La poésie des cannes


Mais vint un jour la révélation,

en fleur ...

Ci-contre :
à la faveur des croisades, d'un

Au secret d'un champ


miraculeux « roseau sucré », la

de betteraves.

canne à sucre ...

.....

~
D antiques origines
1

Ce roseau était, en fait, connu de longue date. Originaire des îles de l'Océanie,
selon certains spécialistes, il aurait prospéré notamment en Nouvelle-Guinée. De là , il
aurait gagné, vers l'est, la Polynésie, et, vers l'ouest, l'Inde et la Chine méridionale. En
Inde, il se serait implanté dans un petit territoire situé au nord du Bengale - le botaniste
Roxburg devait, plus tard, y dénombrer onze espèces de cannes à sucre, dont neuf à
l'état sauvage. La fabrication de sucre brut, compact et brun, y était, semble-t-il, déjà
parfaitement pratiquée au Ille siècle av. J-C, mais encore peu connue à l'étranger,
puisque , au 1er siècle de notre ère, le poète latin Lucain dit des Indiens qu 'ils « boivent
les sucs sucrés d 'un faible roseau ».
En Chine, où cette plante poussait spontané­
ment depuis des millénaires, les Chinois auraient
également trouvé le procédé de cristallisation du
sucre et, affirment certains, savaient même com­
ment épurer le sucre et le transformer en produit
blanc. Toutefois, une légende situe ce savoir des
siècles plus tard. Elle prétend qu'au cours de la
seconde moitié du vm e siècle, sous l'autorité des
Tang, un mystérieux bonze - un voyageur boud­
dhiste venu d 'Inde, selon une autre version ­
s 'installa sur une montagne, dans le district Sui­
Ning, et que l'âne qui lui servait de monture
brouta malencontreusement la plantation de
cannes à sucre d 'un paysan ; soucieux de dédom­
mager ce dernier, le moine lui aurait alors trans­
mis l'art de faire le sucre. Historiquement, il
semble, en effet, que les Chinois aient tiré de l'Inde
leur connaissance de la fabrication du sucre.
Quant aux Hébreux, sans doute importaient­
Dans linde ils de la canne à sucre de ces lointaines contrées, car il est fait mention d'un « doux roseau»
de jadis dans l'Ancien Testament. Quoi qu'il en soit, au VIe siècle avant notre ère, les Perses de
Le broyage Darius, qui avaient pu apprécier « le roseau qui donne le miel sans le concours des abeilles»
des cannes lors d'une expédition dans la vallée de l'Indus, en établirent la culture sur les rivages de la
à sucre
Méditerranée orientale ; ils cherchèrent à se réserver le monopole de la plante et de ses pro­
UOISSalt
hommes duits . Mais le Crétois Néarque, amiral d'Alexandre le Grand, allait, au i f siècle av. J-C, en
et alllmaux faire aussi la découverte. D'autre part, il apparaît que l'historien et géographe grec
dans le même Mégasthènes , qui, au Ille siècle av. J-C, séjourna à la cour du roi indien Candragupta, ait
(ravai!. contribué à faire découvrir le sucre indien à ses contemporains. Les Grecs devaient, en effet,
en faire usage, tout comme le firent ensuite les Romains .
Les brassages de populations dus aux guerres, ainsi que les échanges commerciaux,
participèrent largement à l'expansion de la canne à sucre. Entre le IVe et le VIlle siècle de
notre ère , ses hauts lieux de culture furent le delta de l'Indus et le golfe Persique, sur le
delta du Tigre et de l'Euphrate. Là était produit le sucre fourni à tout l'Orient musul­
man . Les Perses, qui avaient été longtemps maîtres en l'art du sucre, disposaient, au
ye siècle, de procédés de fabrication déjà avancés. Ils savaient raffiner le sucre brut par
refonte, clarifier les sirops et présenter le sucre solide en pains. Mais ils subirent, deux
siècles plus tard, l'invasion des Arabes qui propagèrent la culture de la canne dans leurs
territoires conquis du bassin méditerranéen . A leur tour, les Maures perfectionnèrent les
méthodes de décantation du sirop, parvinrent à réaliser un produit appelé kurat al milh
(<< boule de sel doux ») - expression dans laquelle d 'aucuns voient l'étymologie du mot
« caramel» -, et usèrent du sucre pour conserver fruits et fleurs .

10
L' ÉPOP ÉE OU

Un parfuIll d'Orient
Ces « moult beles canes de quoy l'on arrose ce dont le çucre vient », qu'allait évo­
quer Joinville au tout début du XIve siècle, suscitèrent bientôt l'intérêt des Occidentaux.
Les croisades en Terre sainte rapportèrent en France la douceur du sucre: « Une sorte
de neige ou de sel blanc que les Arabes retiraient de roseaux miellés et qu'ils appelaient
zucre », comme le définit Guyot de Provins , au XIIe siècle.
C'est sur le territoire de Tripoli, où il avait été importé par les Arabes, que les croisés
goûtèrent le sucre pour la première fois , en 1099 . Albert d'Aix, chroniqueur de la pre­
mière croisade, relate ainsi sa découverte: « Les champs étaient couverts de roseaux
miellés qu 'on appelle sucre. Cette espèce d'herbe est cultivée avec beaucoup de soins;
quand elle est mûre, les indigènes la
broyent dans un mortier, en passent le sucre
qu 'ils recueillent dans des vases, et le lais­
sent coaguler jusqu'à la consistance de
neige ou de sel blanc; les croisés s'en firent
une bouillie en le mêlant avec du pain ou en
le délayant dans de l'eau et le trouvèrent
plus agréable et plus salutaire que les
rayons de miel; lors des sièges d'Albanie,
des Archas, et des Maarha, l'année fut sus­
tentée par les roseaux miellés. » Ce sucre,
transporté par les caravanes qui sillonnaient
l'Arabie ou l'Asie Mineure , sera baptisé de
divers noms par les Occidentaux : « sel
indien », « miel d'Asie », « suc d 'Arabie » ou
encore « miel de roseau ».
La culture du « roseau sucré » se déve­
loppa au fil des siècles. Elle débuta à
Chypre vers l'an 1150 ; les Lusignan , sei­
gneurs de l'île , « trouvèrent dans l'exploitation de la fabrication du sucre un moyen de Le retour
remplir leurs coffres d 'or. Ils auraient ainsi été les initiateurs d'un système que tous les des croisades
États ont imité. » (Science et Travail, Grande Encyclopédie illustrée des nouvelles inven­ Le miel fut la seule
denrée sucrée utilisée
tions, 1927.) Cette culture devait prospérer à partir de la fin du x:ve siècle, sous l'emprise
en France jusqu'à
vénitienne, mais disparaître à la suite de la domination turque, établie en 1570. ce que les croisés
Ce fut également au XIIe siècle que la canne se développa en Sicile, où les Arabes découvrent la canne.
l'avaient introduite . Une donation faite en 1166 par Guillaume, second roi de Sicile, à
un couvent de bénédictins, comprend un moulin à écraser les cannes à sucre, avec
ouvriers et dépendances. Mais l'idée d 'instaurer le traitement du sucre en Sicile revien­
drait à l'empereur Frédéric II, roi de Sicile. Une lettre en latin , adressée au gouverneur
de Palenne, l'atteste: « Nous t'invitons à donner tes soins pour trouver deux hommes
qui sachent bien faire le sucre et à les envoyer à Palenne pour le fabriquer. Tu aviseras
aussi à ce qu'ils apprennent la chose à d'autres, afin de ne pas laisser perdre à Palenne
l'art de cette fabrication. » Et ainsi aurait commencé l'ère du sucre de canne!
Au XNe siècle , Venise était, en Occident, le grand centre de traitement du sucre arrivé
brut des pays du Levant. S'y étaient créées, semble-t-il, les premières raffineries du
continent européen. La cité vénitienne exportait du sucre en France, en Hollande, en
Allemagne , en Angleterre et en Flandre. Dans ce dernier pays , Bruges était alors la capi­
tale du négoce du sucre pour le nord de l'Europe - à la Renaissance, elle devait être sup­
plantée par Anvers, appelée à exercer, outre ce rôle commercial, celui de premier port
sucrier d 'Occident, grâce à ses nombreux ateliers de raffinage , et cela jusqu'en 1648,
lorsque le traité de Westphalie fenna les bouches de l'Escaut.
Toutefois, au xve siècle, désireux de se libérer des producteurs méditerranéens,
l'Espagne et le Portugal importèrent la canne à sucre dans leurs possessions d'Afrique.
Ainsi, vers 1420, Henri le Navigateur, fils du roi du Portugal, introduisit la canne dans
l'île de Madère, qu'il venait de conquérir, à partir de plants venus de Sicile. Lexpérience
se révélant fructueuse, la culture fut instaurée aux Canaries, ainsi que dans les îles du
Cap-Vert et de Saint-Thomas. Lisbonne prit alors le pas sur Venise en matière de raffi­
nage. En 1508, le port d'Anvers recevait la première cargaison de sucre en provenance
des Canaries. Au milieu du XVIe siècle, comme en témoigne Charles Étienne: « Les
sucres les plus estimés sont ceux que nous fournissent l'Espagne, Alexandrie et les îles
de Malte, Chypre, Rhodes et Candie. Ils nous arrivent de tous ces pays moulés en gros
pains; ceux au contraire qui nous viennent de Valence sont en pains plus petits. Celui
de Malte est plus dur, mais il n'est pas aussi blanc quoiqu'il ait du brillant et de la trans­
parence. Au reste, le sucre n'est pas autre chose que le jus d'un roseau qu'on exprime
au moyen d'une pierre ou d'un moulin, qu'on blanchit ensuite en le faisant cuire trois
ou quatre fois, et qu'on jette dans des moules, où il se durcit. »

La conquête du Nouveau Monde


La découverte du Nouveau Monde allait bouleverser cette économie sucrière naissante.
Lors de sa découverte de la Dominique, de la Guadeloupe, de Porto-Rico, de la Jamaïque
et de la côte sud-ouest de Cuba, Christophe Colomb avait introduit dans ces terres des
cannes à sucre prélevées aux Canaries. Ce fut aussi aux Canaries que le Catalan Pierre
d'Ésiença prit les plants qu'il porta, en 1506, à Hispaniola (future Saint-Domingue). Miguel
Ballestro y effectua, peu après, le premier essai de fabrication. Mais ce fut Gonzalo de Velosa
qui, ayant fait venir des ouvriers des Canaries et utilisant un moulin actionné par des che­
vaux, eut le premier la gloire de produire du sucre dans le Nouveau Monde. Le succès de
la canne à Hispaniola fut tel que, douze ans plus tard, l'île comptait vingt-huit sucreries.
D'Hispaniola, la plante se répandit rapidement dans toutes les colonies américaines.
Entre 1520 et 1580, l'essor de sa culture fut spectaculaire. Du temps d'Hernan Cortés, qui
dota le Mexique de plantations, des sucreries fonctionnaient dans la région de l'actuelle
Mexico. Puis la canne gagna progressivement du terrain. Elle fut introduite en 1570 au
Brésil; elle s'y développa dans les régions de Rio, Bahia et Pernambuc, à telle enseigne que,

La canne à sucre
aux Antilles
Sa culture en Martinique

date du xvne siècle.

En .1680, on y comp~ait

cent quatre-vmgt-quatre sucrenes .

••• • • ••
12
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J;1~ I'OP ÉE DU S{lŒ I~

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en 1600, les exportations sucrières de ce pays vers l'Europe s'éle­


vèrent à soixante caisses de 500 livres et que, au début du
;(VIlI e siècle, on pouvait dénombrer cinq cents sucreries. Elle
s'étendit aussi à Cuba, aux îles de l'océan Indien, à l'Indonésie, à
Hawaï... Importée par Christophe Colomb, puis abandonnée, la
culture de la canne à sucre ne devait être relancée aux Antilles que
dans les années 1650, à l'initiative des Anglais et des Français,
avec pour résultat une expansion considérable du commerce du
sucre. Ce fut seulement en 1643 que les Anglais cultivèrent la
canne à sucre à La Barbade. En 1639, un Flamand du nom de
Trezel obtint l'exploitation exclusive du sucre à la Martinique. En
Le sucre au Brésil
1642, il fut chargé par la compagnie des Isles d'Amérique d'éta­ En haut:

blir une usine à sucre à la Guadeloupe. La fabrication commença Le port d'Olinda de Pernambuc

dans cette île dès 1644 ; quelques années plus tard, la colonie d'où partait le sucre vers

exportait du sucre. l'Europe.

Toutes les « colonies » se virent donc dotées de plantations de En bas :

canne à sucre. Bientôt, leur production sucrière allait dépasser La fabrication du sucre

de canne.

celle des territoires méditerranéens dévastés par les conquêtes


turques. Vers 1660, les Anglais commencèrent à fournir en sucre
tout le nord de la France qui, en 1695, produisit elle-même cette
substance dans ses colonies. A cette époque, on consommait en
France environ 1 000 tonnes de sucre.

1:« usine à sucre» esclavagiste


Au milieu du XVIIe siècle, nombre de colons français établis
dans les « Isles françaises d'Amérique» eurent besoin, pour faire
face à l'extension des plantations de cannes à sucre, d'une main­
d'œuvre abondante et peu coûteuse. D'où le recours aux Noirs
d'Afrique. Les Petites Antilles, puis Saint-Domingue virent donc
affluer ces travailleurs amenés sous la contrainte. Comme l'écrit
Raymond-Marin Lemesle, « le commerce négrier fut appelé en ren­
fort pour pallier les insuffisances du commerce colonial. Il en
résulta que l'introduction de nouveaux esclaves fit progresser
l'agriculture des plantations, augmenta le nombre de voyages
négriers et entraîna, par synergie, l'accroissement des voyages tri­
angulaires ». Et, conclut-il, « le commerce négrier fu t ainsi l'élé­
Le travail de la canne à sucre
ment de base du dynamisme colonial ». Il se développa surtout à dans les îles de l'Amérique
partir de 1716, année où, par lettres patentes, la traite des Noirs Saladier polychrome à bora chantourné,
se trouva officiellement reconnue . en faïence de grand feu de Nevers (1785).
Le commerce « circuiteux triangu­
L' « ÎLE AU SUCRE » laire » consistait à transporter divers
articles (pacotilles, étoffes, armes, eau­
C~est après le traité de Ryswick (1697), par lequel de-vie, etc.) de France jusqu'au littoral
les Espagnols cédèrent une partie de l'Île à la France, que furent créées d'Afrique de l'Ouest, puis à troquer ces
les premières grandes sucreries à Saint-Domingue. L'Île, que la France produits contre des captifs noirs pour
partageait donc avec l'Espagne, allait bientôt assurer les trois quarts les vendre aux Antilles, et, enfin, à rap­
du commerce colonial français. Sa production, multipliée par treize
porter des produits (sucre terré ou
entre 1714 et 1789, s'élevait, à la fin du XVIII' siècle, à 100 000 tonnes
sucre brut, café, tabac, indigo) des
de sucre par an. Cette activité n'aurait pu être sans l'esclavagisme. Comme
colonies insulaires en Europe. La pré­
l'explique René Sédillot, (( dix-huit mille Blancs et vingt mille hommes libres
férence des capitaines de navire allait
de couleur y faisaient travailler quatre cent mille esclaves dans
au sucre terré , du fait qu'il prenait
les plantations, les indigoteries, les sucreries. Toutes les colonies européennes
moins de place que le sucre brut, était
réunies ne produisaient pas en sucre la moitié de ce que produisait
de valeur supérieure et supportait
Saint-Domingue. La France ne consommait que le huitième du sucre
mieux le voyage en mer. Ce commerce
dont elle disposait. Elle exportait le reste, qui faisait, avec la traite des Noirs,
était assuré par de puissants voiliers,
la fortune de ses ports atlantiques ». Mais la Révolution française
jaugeant jusqu'à six cents tonneaux. Il
vint aviver les antagonismes entre castes, à savoir entre Blancs
fit la prospérité des ports métropoli­
(riches et pauvres), mulâtres, Noirs affranchis et esclaves. Elle hâta,
tains de la façade atlantique - notam­
de ce fait, les soulèvements. Toussaint Breda, dit Louverture, profita
ment Rouen-Le Havre, Nantes , La
de la révolte des Noirs dont il prit la tête pour se proclamer gouverneur
Rochelle et Bordeaux - et de leurs
de l'i/e, ne reconnaissant à la France qu'une autorité nominale.
dynasties marchandes .
Jusqu'à son indépendance, l'ile allait vivre des années de turbulences,
La Rochelle négociait exclusivement
à la fois objet de convoitise des Français, des Espagnols et des Anglais,
avec Saint-Domingue, dont le sucre
et foyer du mouvement an ti-esclavagiste.
était plus avantageux que celui de la
Martinique. Premier port du royaume
au début du XYlIle siècle, Nantes fut la
capitale du commerce du « bois d 'ébène » ; elle expédiait,
chaque année, des milliers d 'esclaves à Saint-Domingue. Le
sucre y venait en tête des produits coloniaux importés. « La
vraie source de richesse de Nantes avait été le sucre déchargé
annuellement par une cinquantaine de navires au début du
À'VIIle siècle, et par près de 140 dans la dernière période de ce
siècle, venant des Antilles », écrit H. du Halgouet (Nantes et
ses relations commerciales avec les îles d'Amérique au
XVIIIe siècle, 1939). Mais le plus important par son activité
portuaire fut bientôt Bordeaux, qui, travaillant à la fois avec
les îles d'Amérique, les autres pays d'Europe et les États­
Unis, prit rang de capitale du sucre. Rouen-Le Havre importa
de fortes quantités de sucre brut jusqu'aux années 1740,
époque où le sucre terré prit la première place. De son côté,
Marseille commerçait avec les pays du Levant et les Antilles,
mais pratiquait peu la traite des Noirs.
resclavage joua donc un rôle important dans l'histoire de
l'industrie sucrière . Comme l'a écrit Marcel Chatillon dans
le Bulletin de la Société dHistoire de la Guadeloupe (1983),
« il permet l'indispensable travail d'équipe et le maintien
d 'une sévère discipline. Mais, isolant les esclaves du reste de
Si lesclavage était aboli ...
Il faudrait se contenter de thé sans sucre,
la population, il sera à l'origine d'une intense vie commu­
comme le montre cette gravure satirique nautaire où pourront se perpétuer d'autant plus facilement
anglaise de James Gillray (fin du XYlUe siècle). des coutumes africaines que les colons les considèrent
L'ÉpoPÉE DU SUCRE

comme incapables d'accéder à toute


forme de " civilisation" ». En métro­
pole , les penseurs s'interrogèrent, et
certaines de leurs réflexions apparais­
sent aujourd'hui fort choquantes.
Ainsi, dans De l'esprit des lois (1750),
Montesquieu écrit : « Le sucre serait
trop cher, si l'on ne faisait travailler la
plante qui le produit par des
esclaves. » Ce qui traduit bien l'im­
portance de la main-d'œuvre. Et le
philosophe ajoute : « Ceux dont il
s'agit sont noirs depuis les pieds jus­
qu'à la tête; et ils ont le nez si écrasé
qu'il est presque impossible de les
plaindre. » A l'inverse, Voltaire réagit vio­
lemment contre le système esclavagiste.
Dans Candide ou l'optimisme (1759),
il conduit son héros au Surinam, pos­
session néerlandaise d 'Amérique du
Sud. C'est là prétexte, lorsque
Candide rencontre un nègre à demi
dévêtu, privé d'un bras et d'une
jambe, à décocher un trait acéré à l'en­
droit des esclavagistes. « Eh! mon
Dieu! lui dit Candide en hollandais, que
fais-tu là, mon ami, dans l'état horrible
où je te vois? - J'attends mon
maître, M.Yanderdendur, le fameux
négociant, répondit le nègre. - Est-ce
M. Vanderdendur, dit Candide, qui t'a
traité ainsi ? - Oui, monsieur, dit le
nègre, c'est l'usage. On nous donne
un caleçon de toile pour tout vête­
ment deux fois l'année. Quand nous
travaillons aux sucreries, et que la
Au temps du commerce meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main; quand
« circuiteux triangulaire» nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe; je me
Pacotille... esclaves ... suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous man­
produits exotiques, gez du sucre en Europe. » Vision sans doute extrême de
au nombre desquels le sucre ... l'univers des sucreries coloniales.
Jusqu'au milieu du ~ siècle, pour des raisons écono­
miques évidentes, les ports français allaient se montrer réti­
cents à l'égard de l'abolition de la traite. Bien que cette
abolition ait été décrétée en 1793 par la Convention, la
traite n'en persista pas moins et fut officiellement mainte­
nue par la loi de mai 1802. Il allait falloir attendre 1848 et
la loi votée à l'instigation de Victor Schoelcher pour que
l'esclavage fût réellement aboli dans les colonies françaises.
Pour sa part, la Grande-Bretagne avait procédé à cette abo­
lition en 1833.

• •••• t

1
Une plantation
de canne à sucre
au XVIII" siècle
D'après une gravure
de l'Italien Fumagalli.

Aux Antilles, sur les traces du père Labat


Curieuse destinée que celle de ce moine dominicain, né à Paris en 1663, et dont
les actuelles Antilles françaises conservent un souvenir vivace ! Attiré par les voyages
lointains, il organisa, en 1693, une expédition aux Îles à laquelle participèrent des mis­
sionnaires de divers ordres et qui ne comptait pas moins de trente-sept vaisseaux et une
corvette. Deux mois de traversée le conduisirent à la Martinique , où il découvrit, entre
autres « curiosités », les plantations de canne à sucre, notamment celles de la
Cabesterre, et les fabriques spécialisées dans l'extraction du sucre. D'abord curé de
Macouba, Jean-Baptiste Labat se rendit ensuite à la Guadeloupe pour y créer une mis­
sion, puis, de retour dans sa paroisse, il œuvra pour le Fond Saint-Jacques, où se trou­
vait la mission de la Martinique. Celle-ci possédait une sucrerie en difficulté, qui ne
fournissait « que du sucre brut, critiqué pour sa mauvaise qualité ». Il en repensa la
structure architecturale et en réorganisa efficacement la production, ce qui lui valut, en
1696, d'être nommé syndic du Fond Saint-Jacques. Mais Labat était un homme doté
des dons les plus divers. Ainsi, la perspective d'un conflit l'amena à se révéler ensuite
homme de guerre; il participa aux travaux de fortification de la Guadeloupe et aida sa
défense lorsque celle-ci fut assaillie par les Anglais. Entre-temps, 1'« habitation» du
Fond Saint-Jacques avait souffert de son absence, faute d'entretien et de réparations. «Je
commençai à faire faire du sucre dans les premiers jours de l'année 1704, mais nos
cannes avaient été si négligées et les rats y avaient fait de si prodigieux dégâts qu 'au lieu
que dans l'année 1698 il ne me fallait que douze ou quinze personnes pour les couper
et entretenir le moulin, cinquante personnes ne le pouvaient pas fournir dans celle-ci,
parce que l'on était obligé de découvrir autant de terrain dans un jour qu'on en décou­
vrait dans une semaine six ans auparavant, de sorte que je travaillai pendant près de sept
mois pour faire autant de sucre que j'en avais fait autrefois en deux. » Le père Labat était
infiniment chagriné de cette situation. Mais il ne devait pas rester très longtemps en ce coin
du monde, devenu si cher à son cœur. Sans doute ses supérieurs s'étaient-ils inquiétés de
ses talents ... Bien que promu supérieur général de la Martinique, il fut rappelé en France
en 1705 et, empêché par ordre, ne devait jamais revenir en ces lieux, qu'il ne revisita qu'à
travers ses relations de voyage, jusqu'à sa mort à Paris, en 1738.

16
Le succès du sucre « terré»
LES SUCRES DE JADIS

Au cours de la dernière décennie du À'\T[ [ e siècle, les


Comme ('explique ('historienne Marie-C(aude Mahias : Antilles subirent une grave crise économique. A la suite des
« Durant (es premiers temps de son usage en Europe, guerres de Louis XIV et de l'effondrement du cours mondial
(e sucre n'était pas une marchandise uniforme. du sucre, la plupart des colons virent leur situation p éricli­
I( était possible d'obtenir des sucres a((ant du sirop ter et envisagèrent même d'abandonner le sucre au profit
(iquide à (a masse crista{{fsée (a plus dure, variant d'autres produits plus rentables . Un événement joua alors
du brun foncé au blanc (aiteux. »
en leur faveur. La découverte de mines d 'or au Brésil prit le
Et chaque variété portait une appe((ation spécifique.
pas sur les plantations dans ce pays et entraîna une forte
Ainsi (e terme de caffetin désignait-if (e sucre brut
chute de la production sucrière brésilienne. Or, en Europe,
importé d'Orient. Un terme tiré de Caffa, colonie génoise
le sucre était entré dans les mœurs, et le Brésil en était le
de Crimée, débouché occidental de (a route caravanière
principal fournisseur. Les Antilles françaises purent d 'autant
reliant (a mer Noire à ('Inde. Le sucre caffetin était
mieux répondre à cette défection qu 'elles disposaient
enveloppé dans des feui({es de palmier tressées.
encore de terres à mettre en exploitation - à la Guadeloupe ,
A ('inverse du « sucre en pierre »,
(e sucre casson, qu'au XVIe siècle on préféra nommer
la Grande Terre allait ainsi devenir le centre sucrier le plus
cassonade, était du sucre tendre qui se « cassait »
important de l'île . En outre, elles purent couvrir la demande
facitement (orsqu'on (e manipulait et qui se réduisait en sucre grâce à l'adoption du terrage.
aisément en poudre; on (e trouvait Pour être consommé, le sucre brut devait être raffiné. En
chez (es apothicaires. A ne pas confondre avec 1693, le terrage du sucre - que les Brésiliens pratiquaient
(a cassonade d'aujourd'hui, qU/~ indique Littré, était pour obtenir leur cassonade, si recherchée parce qu'elle
autrefois appelée sucre rouge. Fine poussière de sucre, pouvait être consommée sans être raffinée - se généralisa
(e crac fut ('ancêtre de notre sucre en poudre. aux Antilles. On disait des sucreries qui se mirent à fabri­
Les cracs de Chypre, de Rhodes, de Syrie et de Baby(one quer du sucre terré qu'elles « roulaient en blanc ». Bien que
étaient renommés. Le sucre candi ce sucre , obtenu par blanchiment du sucre brut, se trouvât
se caractérisait par ses gros cristaux. imposé d'un droit d 'entrée supérieur à celui affectant le
Au xv<' siècle, (es apothicaires vendaient (e candi simple sucre brut, les colons comprirent l'intérêt de l'opération,
et des candis parfumés, à (a violette, à (a rose, compte tenu de la différence de prix entre les deux sucres.
au citron et à (a grosei((e rouge. En témoin de son temps, dans son Nouveau Voyage aux îles
Quant au sucre muscarrat, parfumé au musc, de l'Amérique (1722) , le père Jean-Baptiste Labat analyse
i( tirait son nom de ('ita(ien mucchera, fort bien la situation: « On regarda cet arrêt [les droits sur
(ui-même dérivé d'un mot arabe signifiant le sucre terré] comme une permission générale que le roi
cc recuit et amélioré par (a cuisson ».
donnait à tous ses sujets de faire du sucre blanc. On se mit
à en faire partout. Les vaisseaux de Bordeaux, trouvant un

La fabrication
du pain de sucre
au xvue siècle
Gravure de 1688.

• ••••
profit considérable à apporter des pots et des formes, en apportèrent des quantltes
considérables. Les Portugais nous aidèrent encore à faire valoir cette manufacture parce
qu'ayant trouvé des mines d'or et des rivières qui en chaniaient dans leurs sables, ils
occupèrent une partie de leurs esclaves à ce travail et négligèrent beaucoup leur sucre,
ce qui fit que beaucoup de lieux d 'Europe qui se servaient du leur eurent recours au
nôtre qui trouva par ce moyen un découchement considérable tant du côté du Nord que
dans toute la Méditerranée, [ . .. J. »
Dans ce nouveau contexte, les Anglais furent éliminés de la concurrence interna­
tionale, car il leur était rigoureusement interdit de se livrer au terrage; ils ne purent
désormais écouler leur sucre brut que sur leur propre marché . Et la France devint la
première source d 'approvisionnement du commerce mondial du sucre. Elle détenait
le trafic exclusif entre les ports métropolitains et les Antilles . Toutefois, elle laissait
aux autres navires européens, hollandais notamment, le soin de réexporter la moitié
de ce sucre .

L'essor du raffinage
Au Grand Siècle, sous l'impulsion de Colbert, nombre de raffineries s'étaient créées en
France, pour traiter le sucre brut produit par les Antilles, les îles de France (Maurice) et
Bourbon (La Réunion). Bordeaux où, en 1633, un marchand flamand, David d 'Herquens,
obtint la première autorisation de construire une raffinerie, devait longtemps rester la capi­
tale du raffinage; dotée de seize raffineries un siècle plus tard, elle fut alors appelée à traiter
la 000 tonnes de sucre, soit 15 % de la consommation européenne, et cet essor allait se
poursuivre jusqu'à la Révolution.
Les autres principaux ports où s 'étaient implantées des raffineries étaient Rouen,
Nantes , La Rochelle et Marseille. Ces raffineries recevaient, d'abord, le sucre brut des
Canaries, de Madère et du Brésil. Le développement des plantations dans les îles du
Nouveau Monde, principalement à Saint-Domingue, firent bientôt leur fortune, et leur
nombre s'accrut considérablement. Si cette prospérité fut mise en péril lorsqu'en 1698
le terrage fut autorisé dans les colonies, elle se renforça au XV111e siècle, car, à partir de
1715, il fut interdit de raffiner le sucre sur place, dans les colonies antillaises. Le traite­
ment du sucre constitua ainsi le secteur le plus important de l'industrie orléanaise.
Pourvue de vingt raffineries , cette ville produisait, dans les années 1780, les deux tiers
du sucre raffiné en France.

Le sucre au XV/lf e siècle


Détail d'une planche de
l'Encyclopédie de Diderot
et d'Alembert consacrée
au sucre.
l' ÉPOP!,I: DU SUCR E

ICI ET LÀ

• Du temps des Pharaons, les Égyptiens seraient déjà parvenus

à extraire le sucre de canne, mais le résultat aurait été peu satisfaisant.

« Ils n'obtenaient », nous dit Fresnette Pisani-Ferry, « qu'un sucre mou,

de couleur trouble, que l'on éclaircissait parfois avec du vinaigre de plomb,

fraude sévèrement réprimée par la police ». Quoi qu'il en soit,

il semble que l'Égypte, où les Arabes acclimatèrent la canne à sucre, importée

de Perse, s'imposa dans la mise au point de la fabrication du sucre au

/X! ou X! siècle. A l'instar d'autres historiens, comme, à la fin du x/X! siècle,

l'Allemand Edmund o. von Lippmann, Georges Mongrédien affirme:

« Ce sont les Égyptiens qui perfectionnèrent l'art du raffinage.

L'épuration du jus par la chaux et les cendres végétales, la séparation

du sucre solide d'avec le sirop par égouttage, enfin la fabrication des ·

"candis" semblent avoir pris naissance chez les Égyptiens; ils fragmentaient

la canne à sucre en petits morceaux, les pressaient grâce à un manège

mis en mouvement par des bœufs. Le bois pressé servait au chauffage

des chaudières où l'on claY/fiait le jus par ébullition et écumage. »

Il convient toutefois de noter que l'attribution de la clarification

du jus de canne avec une lessive alcaline aux Égyptiens est contestée

par certains: d'après Oskar von Hinüber, elle fut mise au point

par les Indiens, vers le Ive siècle de notre ère.

• En Espagne, la canne à sucre, dont certains font remonter

l'implantation à l'époque romaine, fit la richesse de l'Andalousie,

et Cadix fut un centre de traitement important. Sous la domination

des Maures, sa culture fut développée sur le littoral andalou.

Au XV' siècle, le royaume de Grenade exportait du sucre. L'expulsion

des Arabes eut des répercussions sur l'industrie sucrière que, grâce

à leur immense savoir-faire en la matière, ils avaient rendue florissante.

Mais celle-ci eut plus encore à souffrir de l'essor des plantations dans

les grandes Antilles. Quoi qu'il en soit, l'Espagne resta fidèle à cette

production. Au cours de la seconde moitié du x/X! siècle, le secteur sucrier,

avec pour capitale Malaga, couvrait encore une large bande le long

de la côte andalouse, et la production s'élevait à quelque

5 600 tonnes. Mais, peu à peu, l'importance

de la culture de la canne se fit relative.

•La première raffinerie de sucre opérationnelle entra en activité en /689,

à New York. Ce n'est, toutefois, que dans les années /830 que le sucre

devint une industrie de premier plan aux États-Unis.

En /86/, la Louisiane comptait mille deux cent quatre-vingt-onze usines,

produisant au total quelque 250 000 tonnes!

La culture de la canne à sucre y avait été introduite, précisément

à La Nouvelle-Orléans, au milieu du XVIII' siècle, à partir

de plants importés de Saint-Domingue. En /794, dans son domaine modèle,

Étienne de Boré mit au point la cristallisation du sucre.

Vers /830, la Louisiane comptait quelque trois cents plantations

L'art de raffiner le sucre et fournissait plus de la moitié du sucre consommé dans l'Union.

rencyclopédie réalisée, dans les années 1780, Cette culture devait connaÎtre une extension considérable, au point

par Duhamel du Monceau évoque, de gagner sur des terres jusque-là consacrées au coton.

bien évidernrnenr, le sucre de canne,


le seul connu à l'époque.

• •••
Du SUCRE DU JARDIN
« Laculture de ces cannes estant de par deçà, plus nouvelle que difficile, donne courage à tout gentil

esprit de se meubler de si précieuse matière, qui est le succre, lequel croissant par son industrieux labeur,

dans son propre jardin, en recevra d'autant plus de contentement, que plus chacun prise les choses

provenantes de sa dextérité que d'ailleurs. Ces cannes ressemblent aux autres communes, qu'on appelle

aussi, rozeaux, et en tige et en fueille, hors-mis qu'elles ne montent si hautement. L'une et l'autre canne

s'édifie par racines et bulbes, ce qui rend la chose assés aisée: d'autant que les bulbes, pour leur durté,

se peuvent conserver saines plusieurs journées, donnans, par ce temps, loisir de les transporter assés loin,

comme de la Provence à Paris, en les empaquetant ingénieusement. [..] Le succre croist dans le tuiau

de la canne, lui servant de mouëlle : pour lequel recueillir, les cannes sont couppées près de terre,

vers la mi-Septembre, après hachées par tronçons de quatre doigts, ou demi-pied chacun,

puis bouillies en eau claire dans des chauderons, jusqu'à ce que la substance en soit du tout sortie,

laquelle demeure seule, par la patience d'en faire exhaler l'eau, par longue ébullition, dont le succre

s'affermit. Pour en manger de frès, ne faut que le succer des tronçons de la canne, comme l'on faict

du miel avec la cire freschement tirée de la rusche. »

Olivier de Serres, Le Théâtre d'agriculture et mesnage des champs, /600

1' en g oueIllent p o ur le s ucr e


EnEurope, le miel conserva sa suprématie tout au long
du Moyen Age; il ne commença à perdre peu à peu du ter­
rain qu 'à partir du À'Ve siècle. En effet, rare et cher, le sucre
resta pendant des siècles un produit de luxe. [expression
« son pesant de sucre» équivalait alors à celle que nous uti­
lisons aujourd 'hui, « son pesant d'or ». Même les grands de
ce monde, les seuls pourtant à avoir les moyens d 'en faire
usage , devaient l'employer avec parcimonie. Pour preuve,
en 13 72, la provision de sucre dont disposa la reine de
France pour l'année se limita à quatre petits pains de
5 livres chacun. Pour preuve aussi, au xvu e siècle, aux dires
malicieux de son propre frère, la soeur de Scarron rétrécit les
trous de son sucrier par souci d'économie.
En fait , jusqu'au XVII e siècle, le sucre fut , avant tout ,
considéré comme un médicament, vendu à l'once par les
apothicaires . Médecins et apothicaires détenaient, en
Une scène portuaire quelque sorte, le monopole de son usage ; même si , à la fin
au XVIIIe siecle du XIve siècle, nous dit le Ménagier de Paris, on pouvait
Le décor de cette tasse trouver du «succre en pierre » chez 1'« espicier ». Au
en porcelaine rendre XVIIe siècle, les sucres de Madère et des Canaries étaient fort
de Vincennes (1754) montre réputés. Mais les Hollandais en importaient aussi d'Inde ou
un homme déchargeant
d 'Amérique, que l'on appelait « sucre de palme », parce que
des pains de sucre,
alors qu'un scribe les pains, de 18 à 20 livres, étaient enveloppés dans des
dresse la liste sur des ballots. feuilles de palmier.
[apparition des boissons «exotiques » (café, chocolat,
thé) et leur usage croissant devaient grandement contribuer à
l'essor du sucre et, peu à peu, le sortir de son contexte médi­
cal pour lui donner une connotation gounnande - celle que
nous lui connaissons aujourd'hui. En un siècle, la consom­

• •••••
20
.... . ........... u ••••• • •••••• • • u .................. _ . . . . . . . . . . . . _h ••••••• • •••

CüoPÉE DU SUCRE

mation du sucre tripla, et son prix baissa d'une manière


appréciable. « On ne se contente pas même d'user de sucre DES CANNES A SUCRE

dans les repas, on porte sur soi des sucreries de toutes sortes, DANS LE MIDI DE LA FRANCE?

pour en pouvoir manger à toute heure » , écrit Andry dans son


Traité des aliments de caresme (1713). De fait, le goût du A partir du dernier quart du XVIIIe siècle, une bonne

sucre se propagea considérablement en Europe au cours du partie de la quantité de sucre consommée en Europe

À'vme siècle. En 1701, la consommation française atteignit fut fournie par le Bengale et par les autres territoires

1 000 tonnes, pour une population de 16 millions d'habi­ de la côte de Coromandel, sous autorité anglaise.

tants. n en résulta un développement important des planta­ D'après A. Legoux de Flaix (Essai historique,

tions antillaises , que se partageaient Anglais et Français, et un géographique et politique sur l'indoustan, 1807),

enrichissement des ports métropolitains chargés de ce com­ ce sucre indien était plus ferme et, de loin, supérieur en

merce. Mais, bien que plus répandu, le sucre demeura cher, goût à celui des Antilles. Sans compter que les méthodes

en raison du long transport par mer. Jusqu'à la fin du d'extraction et de cristallisation en étaient plus simples

xvmc siècle, il resta relativement précieux, au point que sou­ et moins onéreuses. D'où la volonté anglaise de mettre

vent, dans les familles, il était conservé sous clé ! l'accent sur cette production sucrière. « Les Anglais,

A la veille de la Révolution, grâce au sucre de ses colo­ prévoyant la perte de leurs colonies occidentales,

nies d'Amérique, la France avait peu à peu cessé de s 'ap­ comme une suite inévitable de celle des nôtres, qu'ils

provisionner à Venise et était devenue le principal fournis­ tentaient d'opérer depuis bien longtemps, ont voulu

seur de sucre de l'Europe. Elle occupait le premier rang concentrer les productions coloniales, sur-tout celle

pour le commerce et le raffinage du sucre en Europe. C'était du sucre, dans leurs possessions de l'Indoustan, d'où

aussi le premier consommateur européen de sucre cette denrée nous était primitivement apportée.

(80000 tonnes en 1789). I.:Angleterre prit ombrage de cette Dans le cas où la consommation du sucre augmenterait

primauté, et, à partir de 1792 , mit tout en œuvre pour à raison de son abondance, et par l'impulsion que

entraver le transport des marchandises en provenance des les Anglais ont donnée dans leurs possessions à cette

Antilles et destinées à la France. A cette fin, elle imposa culture, ce qui doit nécessairement en diminuer encore

même un contrôle sur tous les navires, de façon à pouvoir le prix, quelque modique qu'il soit déjà, ils ont encore

en saisir le chargement. Les moindres quantités de sucre qui formé des établissements de raffinage, tant dans le

arrivaient à bon port étaient transportées par des navires Bengale qu'à Madras, pour que leur prix se soutienne,

neutres, qui réussissaient à échapper à la visite de leur cargai­ et appauvrisse cette culture dans les colonies

son par les Anglais. En revanche, la population française ayant américaines, quel que soit le résultat des événements

pris goût au sucre et ne pouvant s 'en passer, le sucre anglais ultérieurs qui surviendraient dans ces colonies. »

rentrait dans l'Hexagone en contrebande. Et, plus grave encore, Et pour contrecarrer cette stratégie hégémonique

la France avait perdu son monopole européen . .. anglaise, ce grand observateur de l'Inde suggère de

« tirer parti de plusieurs cantons de nos contrées

méridionales, où la culture de la canne dont on extrait

cette substance réussirait aussi bien que dans nombre

de colonies ». Car, ajoute-t-il, « quelque considérable

que soit le prix de la main-d'œuvre dans nos pays,

proportionnellement à ce qu'elle est dans l'Indoustan,

les sucres que nous obtiendrions de la culture des

cannes que l'on encouragerait dans les provinces

méridionales de la France seraient toujours beaucoup

moins chers que ceux apportés de l'Inde ». Ce ne fut là

qu'utopie.. . Des tentatives avaient, certes, été faites

en Provence maritime, plus précisément dans les Îles

d'Hyères, au XVIe siècle. Dans son Théâtre d'agriculture,

Olivier de Serres avait, d'ailleurs, rendu compte de cette

acclimatation de la canne à sucre. Mais c'est le manque

d'humidité auquel la canne fut soumise qui en fit

abandonner la culture, à l'instar de ce qui se passa

John Bull et sa {àmille renoncent à l'usage du sucre


Cette caricature de James Gillray (1792) met en scène la famille royale dans le sud de l'Italie et dans l'Île de Chypre.

anglaise autour d'un thé sans sucre, dont elle s'accommode mal.

• ••••
Le lllirage de la betterave
Pendant tout ce temps, la betterave à sucre resta
ignorée. Et ce malgré les travaux d'Olivier de Serres qui,
pourtant, en 1600, en pressentait la richesse dans Le
Théâtre d'agriculture et mesnage des champs: « Une espèce
de pastenades est la bette-rave, laquelle nous est venue
d'Italie n'a pas long temps. C'est une racine fort rouge,
assés grosse, dont les fueilles sont des bettes, et tout cela
bon à manger, appareillé en cuisine : voire la racine est ren­
gée entre les viandes délicates, dont le jus qu'elle rend en
cuisant, semblable à syrop au succre, est très-beau à voir
pour sa vermeille couleur. » (Sixiesme lieu, VII.)
Ce n'est qu'en 1747 qu'un chimiste allemand, Andreas
Sigismund Marggraf (Berlin 1709- id. 1782), qui avait poUr­
suivi les travaux d'Olivier de Serres, lut à l'Académie des
sciences de Berlin son mémoire consacré à ses Expériences
chimiques faites dans le dessein de tirer un véritable sucre de
Portrait diverses plantes qui croissent dans nos contrées, en particulier
d'Olivier de Serres les raves, navets et carottes. Il évaluait à 5 % le taux de sucre
(1536-1619) contenu dans la betterave et était parvenu à obtenir du
Les enseignements
sucre solide à partir de cette racine. Une grande découverte
du célèbre agronome
contribuèrent à l'évolution en vérité, mais dont il restait à mettre au point l'application
de l'agriculture, même industrielle. Un chimiste suédois, Torbern Olof Bergman,
au-delà du règne continua les recherches de Marggraf et obtint des cristaux
d'Henri IV sous lequel de sucre par divers procédés, d'un intérêt non négligeable.
il œuvra. Toutefois, le mérite de l'industrialisation du procédé d'ex­
traction mis au point par Marggraf revient véritablement à
l'un de ses disciples, Franz Karl Achard, descendant d'un
Français émigré en Prusse à la suite de l'édit de Nantes.
Dans les années 1770-1780, celui-ci fit des essais culturaux
et industriels dans son domaine de Caulsdorff, non loin de
Berlin, puis à Bachholz, dans la banlieue berlinoise, et par­
vint à obtenir du sucre comestible en quantité acceptable.
Encouragé d'abord par Frédéric le Grand, puis par son
arrière-neveu, Frédéric-Guillaume, Achard créa, en 1802, la
première fabrique de sucre indigène à Kunern, près de
Steinau, en Basse-Silésie. Quatre ans plus tard, il établit une
autre fabrique à Krayn, également en Silésie. Sa méthode
était la suivante, ici rapportée par le Moniteur officiel de
l'Empire français : « Après avoir fait bouillir les betteraves,
on les met sous le pressoir, le jus exprimé est réduit en
sirop, on le fait bouillir et réduire jusqu'à moitié: l'évapo­
ration donne le sucre Cl 500 livres de racine donnent
57 livres de sucre). »
Lexpérience ne fut toutefois pas probante. La qualité du
produit laissait à désirer, le rendement était insuffisant et le
Portrait coût élevé. Il ne pouvait rivaliser avec le sucre de canne des
de Franz Karl Achard
(1753-1821)
Indes occidentales (Antilles). D'autre part, Achard s'était
Ce portrait a été réalisé par
heurté aux intérêts de l'Angleterre, grande puissance colo­
Friedrich Wilhelm Bollinger
niale et commerciale, gros fournisseur de l'Europe du Nord
en 1800.
en sucre de canne. Celle-ci tenta de l'acheter, afin d'étouffer
·..·..···········..····..··..·····.. ····· i:·i·;~~·() ·I;·~Ë ··Dù "Ëiü'ë R'È

Les débuts
du sucre
de betterave
D'après une
chromolithographie
de la fin du XIXe siècle,
la fabrication du sucre de
betterave dans l'usine de
Franz Karl Achard
à Kunern (Silésie).

LI BOX, EXTKAIT DE VIAN DE ASSAISON N É


CH IM ISTES CELEBRES.
4) Fondati on de la première fabrique de sucre de betterave'par Achard.

la découverte « dans l'œuf ». Pour témoignage , l'article paru


dans le Journal de IEmpire en date du 11 avril 1811 : l'ÉCHEC DU SUCRE DE RAISIN
« Sous le voile de l'anonymat, il a été proposé à M. Achard,
d'abord en 1800, une somme de 30 000 écus puis , en 1802 ,
A l'époque où, en Silésie, Achard travaillait

sur l'application industrielle du procédé de Marggraf

une autre de 200 000, s 'il voulait publier un ouvrage dans


un chimiste français, joseph Louis Proust, effectuait

lequel il avouerait que son enthousiasme l'a égaré, que ses


des recherches sur la possibilité de produire du sucre

expériences en grand lui ont démontré la futilité de ses pre­


de raisin. Pharmacien en chef à l'hôpital de la

mters essais et qu'il a enfin acquis la conviction très désa­


Salpêtrière, à Paris, Proust s'était rendu en Espagne,

gréable que le sucre de betterave ne pouvait suppléer à celui


à la demande du roi Charles IV, pour enseigner

de la canne . rhonneur et le désintéressement qui caractéri­


la chimie à l'école d'artillerie de Ségovie. Il fut ensuite

sent M. Achard lui firent, comme de raison, repousser ces


appelé à diriger le laboratoire royal, à Madrid, où il

offres insultantes. » Tout cela affligea Achard, qui n'eut plus


découvrit, en /790, la méthode d'extraction du sucre

le courage de reprendre ses expériences. Nous restent de lui


de raisin. Lors d'u n séjour en France, en /B05, il fit

plusieurs ouvrages consacrés au sucre de betterave. Ses ten­


une communication à l'Académie des sciences, sans y

tatives semblaient vouées à l'oubli, mais, après ses publica­


éveiller le moindre intérêt. Puis, dépossédé de ses biens,

tions , deux premières sucreries françaises se créèrent dans


il se retira dans son Anjou natal.

les environs de Paris - à Saint-Ouen et dans l'ancienne


Pour pallier le manque de sucre dû au Blocus continental

abbaye de Chelles. Cependant, faute de connaissances tech­


et compte tenu de l'incrédulité générale face aux

niques suffisantes de la part de leurs fondateurs , elles


vertus de la betterave, l'attention se porta sur d'autres

durent fenner. Ces échecs jetèrent le discrédit sur la nou­


plantes « sucrières ". L'Empereur proposa alors à Proust

velle industrie. Désonnais le monde du négoce apparut scep­


une importante somme d'argent, pour créer une fabrique

tique quant à la venu sucrière de la betterave.


de sucre de raisin. Le scientifique refusa,

mais ne s'opposa pas à ce que son invention fût utilisée.

Ainsi Antoine Augustin Parmentier prôna-t-il

« Le sucre européen » l'extraction du sucre de raisin et tenta-t-on

Tel est l'intitulé d'appliquer ses instructions. Mais le moût de raisin

prémonitoire de ce
donnait un sucre incristallisable. Il fallait se contenter

sucrier en porcelaine de
Sèvres, à présentoir d'un sirop épais - en /B/J, dans le midi de la France,

adhérent, daté de 1832. on en produisit des milliers de tonnes.

De ce côté sont Le résultat fut décourageant, l'expérience abandonnée.

évoqués Achard
et le sucre de betterave.
Du renouveau de l'espoir

Toutefois, en 1810, l'intérêt pour la betterave resurgit en


France, à l'initiative de Chaptal, dans le cadre de l'Institut de
France et, plus précisément, au sein d'une commission char­
gée de vérifier les expériences d'Achard . L« instruction sur la
fabrication du sucre de betterave » qui résulta de la concerta­
tion conclut à la possibilité d 'extraire de la betterave un sucre
satisfaisant, dont on estimait le prix de revient à 18 sous la
livre. « Si on admet qu'à l'exemple du
grand Empire, l'Allemagne entière, l'Italie,
la Russie même, ouvrant les yeux sur leurs
vrais intérêts, s'occupent de ce genre de
fabrication, quel coup porté à cette nation
si fière de son monopole et à ses colonies!
Il semble devoir être tardif, mais il n'en
sera pas moins terrible ; un seul regard du
plus grand des monarques peut le hâter
plus promptement qu'on le pense », affir­
maient Barruel et Maximin Isnard dans
ce mémoire qu'ils eurent pour tâche de
rédiger. Aussi, dès sa publication, le comte
Le souvenir de Montalivet, alors ministre de l'Intérieur, informa aussitôt
de Chaptal l'Empereur de l'immense avantage qu 'aurait la France à
Chimiste et homme extraire du sucre d'une plante qui pouvait croître sous ses
politique - il fut, Cleux.
notamment, ministre
Huit jours plus tard, le décret impérial du 2S mars 1811
de l'Intérieur de 1800
à 1804 -, Chaptal instaurait toute une série de dispositions pour mettre en
fu t l'un des artisans place la nouvelle industrie. A la culture betteravière en vue
de l'industrialisation de la fabrication de sucre devaient être consacrés
du sucre de betterave 32 000 hectares, affectés aux départements les plus pro­
en France. Son rôle pices, les critères de choix évoqués étant la présence ou non
est ici décrit par une
de culture du tabac et la nature du sol; la culture devait
chromolithographie
« gourmande »
débuter l'année même ou, au plus tard, l'année suivante. Il
de la fin du XIXe siècle. fut aussi décidé de créer six écoles expérimentales , consa­
crées à l'enseignement de la fabrication du sucre de bette­
rave ; la direction de deux d'entre elles était confiée à
Barruel et Isnard , auxquels les procédés d 'extraction du
« Je me rappelle avoir vu, en /8/2,

sucre de betterave devaient leurs perfectionnements. Enfin,


à compter du 1 er janvier 1813, le sucre des deux Indes était
une caricature représentant

le petit roi de Rome et sa nourrice:


« prohibé et considéré comme marchandise de fabrication
l'enfant pleurait et la nourrice lui
anglaise, ou provenant du commerce de l'Angleterre ».
présentait une betterave en lui disant:
Ces mesures en faveur de la betterave furent prises d'au­
" Suce, mon enfant, ton papa dit que
tant plus vite que la crise économique devenait insoute­
c'est du sucre. " Comme de toutes
nable. En effet, le Blocus continental, institué par Napoléon
les grandes découvertes, on avait
(décret de Berlin, 21 novembre 1806) et visant à porter un
commencé par rire de celle-là

coup fatal à l'Angleterre, en l'asphyxiant économiquement,


qui nous affranchissait des colonies »,

interdisait tout commerce avec les îles Britanniques et édic­


lit-on sous la plume d'Alexandre Dumas,

tait la saisie de toute marchandise anglaise . Les ports


dans son Grand Dictionnaire de cuisine.

d 'Europe étaient désormais fermés aux produits britan­


niques. La pénurie de sucre qui en découla vint donc ren­
forcer l'idée d 'exploiter la betterave à sucre.
L'heure décisive
Quelques industriels s'étaient passionnés pour le pro­
blème, tel Benjamin Delessert. En 1801, ce Lyonnais, très
intéressé par toutes les activités nouvelles dans le domaine
industriel, avait monté à Passy une raffinerie de sucre, entre­
prise qui fut un modèle de modernisme pour l'époque. On y
fit très tôt un habile emploi de la vapeur. A titre expérimental,
Delessert cherchait à produire un jus de betterave toujours
plus facile à cristalliser et à purifier. Tous les « sucres» obtenus
jusqu'alors à partir de cette plante se présentaient sous la
forme peu appétissante d 'un corps gluant et brunâtre, mi­
liquide, mi-solide. Après quatre années de tâtonnements, avec
l'aide de l'ingénieur Jean-Baptiste Queruel, et d'un ouvrier
habile, Bonnentin , Delessert parvint à extraire industrielle­
ment le sucre de la betterave, à le clarifier et à réaliser le pre­
mier pain de sucre cristallisé français. Chaptal informa aussi­
Buste-charge de Benjamin Delessert
tôt le ministre de l'Intérieur de la réussite de Delessert. Le jour
Marqué au sceau de la caricature, ce portrait sculpté
même , 2 janvier 1812, l'Empereur se rendit à Passy pour se
de Benjamin Delessert (l773~ 1847) fut réalisé
rendre compte lui-même du résultat. Il détacha, dit-on, sa par Honoré Daumier. Fils d'Etienne Delessert,
propre croix de la Légion d'honneur et l'épingla sur la poitrine à qui revient l'idée de la grande caisse d'escompte
du grand industriel, puis il le fit baron. « Une grande révolu­ appelée à devenir la Banque de France,
tion dans le commerce français est consommée », pouvait-on Benjamin Delessert manifesta très tôt un goût
lire, le lendemain, dans le Moniteur universel prononcé pour les sciences; c'est pour lui et ses frères
[événement fut confirmé peu après, par le décret du et sœurs que Jean-Jacques Rousseau écrivit ses
Lettres sur la botanique. Mais son père souhaitait
16 janvier 1812, qui déclara « écoles de chimie sucrière» les le voir suivre ses traces.
fabriques de Waltenheim, Douai, Strasbourg et Castelnaudary, A 29 ans, il fut donc nommé régent de la Banque
ainsi que les fabriques de Barruel et Chaplet dans la plaine des de France et devait conserver cette fonction
Vertus, aux environs de Paris. Il fut décidé que 100000 arpents jusqu'à la fin de sa vie. Parallèlement, il fonda
de terres arables seraient plantés en betteraves, afin de fournir deux importantes manufactures à Passy: une raffinerie
à ces écoles les éléments d'une fabrication de 2 000 tonnes de de sucre (1801) et une filature de coton (1803).
D'autre part, en 1818, il instaura la première
sucre brut. D'autre part étaient prévus la création de quatre
Caisse d'épargne. Homme d'une haute moralité,
fabriques impériales, chargées de produire 3 000 tonnes pour il créa aussi des établissements de bienfaisance.
couvrir une partie des besoins nationaux, et l'établissement Ces innombrables activités ne l'empêchèrent toutefois
d'une fabrique à Rambouillet, d 'une capacité de 200 tonnes pas de poursuivre ses travaux de botanique.
par an, dont les coûts de construc­
tion et d 'entretien seraient réglés
sUT la liste civile de l'Empereur. La raffinerie
Enfin, tout fabricant qui obtien­ de Passy
drait 10 tonnes de sucre lors de D'après une aquarelle
la campagne 1812-1813 serait du début du XIX< siècle,
exempté d 'impôt pendant quatre l'usine de Benjamin
Delessert, au village
ans. Même exemption pour qui­
de Passy. Delessert
conque apporterait des perfec­ l'avait établie sur
tionnements aux techniques de la partie de sa belle
fabrication. D'où une floraison propriété de l'actuelle
de fabriques. En 1814, plus de rue Raynouard qui
deux cents usines étaient en donnait sur le quai
de Passy. Elle était reliée
activité, produisant ensemble
à son domicile par
2 000 à 3 000 tonnes de sucre. un pont « suspendu»
La bataille du sucre était sur le en fer, le premier
point d'être gagnée. du genre en France.

....

~
Présentation des premiers
pains de sucre de betterave
à l'Empereur
Le 2 janvier 1812, au palais
des Tuileries, en présence
de Chaptal, le comte
de Montalivet, ministre
de l'Intérieur, présente
à Napoléon 1er les deux pains
de sucre que Benjamin Delessert
vient de fabriquer.

Décadence et grandeur
Ce ne fut pourtant pas le cas. Pour reprendre les mots
de Jules Hélot (Histoire centennale du sucre de betterave,
1912), « l'industrie du sucre indigène, née sous la guerre,
fut sur le point de périr par la paix ». De fait , les événements
de 1814 portèrent un dur coup au sucre de betterave . «Au
moment où je faisais donner à mes terres le premier labour
pour la culture de cette année , nos armées entraient dans
Moscou; lorsque j'étais occupé à fabriquer le produit de
cette même récolte , une manufacture servait de quartier à
un détachement de cosaques », écrivit l'agronome Mathieu
de Dombasle, l'un des pionniers de la culture betteravière,
qui nous a laissé, entre autres ouvrages, un traité Sur la
fobrication du sucre de betterave (1839). A la chute de
l'Empire, le Blocus continental fut levé. Les ports d'Europe
réouvrirent aux importations de sucre de canne. Les produc­
Le pain de sucre de betterave teurs coloniaux protestèrent alors contre leur concurrent, le
de Delessert sucre de betterave, protégé en dépit d'un prix de revient très
Coloré par le temps, le premier pain élevé, car le gouvernement de la Restauration avait compris
de sucre fabriqué avec du sucre qu'on ne pouvait abandonner cette nouvelle industrie.
de betterave par Benjamin Delessert
Certains fabricants de sucre de betterave persévérèrent dans
dans sa manufacture de Passy.
Sa taille est deux fois plus petite la voie qu'ils s'étaient donnée, soutenus par les scientifiques
que celle des pains de sucre qu'allait et par des hommes tels que Chaptal et Delessert. Leur courage
ensuite connaître le xrxe siècle. n'allait pas tarder à être récompensé ...

• • • •• • •
26
CÉpOPÉE DU SUCRE

La France put bientôt s 'honorer d'avoir multiplié ses


fabriques de sucre de betterave. Si les premières tentatives
s'étaient révélées peu rentables, la nouvelle industrie s'organisa
à partir de 1826. En 1828, quatre-vingt-neuf sucreries produi­
saient environ 4 400 tonnes de sucre, soit un quinzième de la
consommation du pays. Cinq ans plus tard, cent vingt sucreries
fournissaient quelque 7 000 tonnes, et encore cinq ans plus tard,
cinq cent quatre-vingt-une usines produisaient 50 000 tonnes.
En 1835, le Nord était déjà le haut lieu du sucre de betterave:
il possédait, à lui seul, plus de trois cents entreprises, dont une
cinquantaine en construction .
Les progrès furent rapides. Les procédés ne cessèrent de se
perfectionner. L'objectif: couvrir la consommation intérieure
avec le sucre indigène . Les résultats étant encore loin d'être
satisfaisants, les recherches se poursuivirent. « On n'obtient
que 5 kilogrammes de sucre pour 100 kilogrammes de bette­
rave , bien que des expériences de chimie aient montré qu'il s'y
en trouve réellement le double. Sans doute on perfectionnera
encore les procédés , et alors le sucre indigène pourra , sans
aucun droit protecteur, soutenir la concurrence du sucre de
cannes: peut-être même cette concurrence serait-elle possible
aujourd'hui », lit-on dans le Magasin pittoresque de juillet
1835. Néanmoins , ce n'est pas sans amertume qu'outre­ La betterave à sucre
« Dix milliers de betteraves
Manche l'on observait cet essor.
exploitées par jour donneront
trois cents livres de sucre brut »,
affirma, en son temps, le chimiste
QUELQUES PROGRÈS AU Xlxe SIÈCLE Jean Antoine Chaptal.

• S'inspirant des travaux du chimiste russe Lowitz, le Français

Pierre Figuier, professeur à l'École de pharmacie de Montpellier,

mit en évidence, en /8/0, les propriétés décolorantes du charbon

EN UN MOT •••
animal. Le chimiste et industriel français Louis Charles Derosne

(/780-/846) appliqua, dès /8/2, la découverte de Pierre Figuier à


Dérivé de çri (<< briser en morceaux »)

la décoloration du sirop de sucre de betterave. Compte tenu


et signifiant à l'origine « grains de sable »,

de l'excellent résultat, le nouvel agent de décoloration


le terme sanscrit çarkara a fourni

fut adopté par l'industrie sucrière.


le radical du mot « sucre »

• L'ingénieur anglais Edward Charles Howard (/774-/8/6) inventa


à nombre de langues.

l'évaporateur sous pression réduite, pour la cuisson des sirops.


Ainsi trouve-t-on l'arabe sukkar,

• En /836, Onésiphore pecqueur, industriel du Pas-de-Calais, conçut


le tibétain schakara, le turc sheker,

la presse à surface filtrante, pour l'extraction du jus de betterave.


le persan sheker, le russe sakhar,

• L'industriel français jean-François Cail (/804 -/87/), s'imposa


le polonais cukier, le hongrois tzukur,

dans la construction de matériel pour sucrerie. On lui doit


l'espagnol azucar, le portugais açucar,

le système de cuite à basse pression ou en grains.


l'italien zucchero, le danois zukker,

• On doit à l'agronome français Mathieu de Dombasle, originaire


le norvégien sukker, le suédois saccker,

de Nancy, l'invention de la macération-diffusion dans les années /830.


le hollandais suiker, l'allemand zucker

• Le procédé « par double carbonatation» fut mis au point,


et l'anglais sugar.

en /859, par A. Périer et L. Possoz.


Le mot français sucre, emprunté

à l'italien zucchero, se rencontre

• Pierre A. Dubrunfaut découvrit le procédé de l'osmose,

pour la première fois, en 1175,

destiné à extraire une partie des 40 à 45 % de sucre cristallisable

retenu dans la mélasse.


chez Chrétien de Troyes, sous la forme çucre.

• ••••
La guerre
des sucres
Pendant le Blocus continen­
tal, Martinique, Guadeloupe et
Guyane française avaient subi
une crise aiguë : une production
infime, des planteurs écrasés de
dettes. Le maintien du droit sur
le sucre des colonies françaises
et, à partir de 1814, la hausse
croissante des droits sur les
sucres importés de l'étranger ne
favorisèrent pas un meilleur prix
pour ce produit de premIère
nécessité qu'était devenu le
sucre. Néanmoins, le droit élevé
Enterrement sur les sucres étrangers stimula les cultures de la Martinique, de la Guadeloupe et de l'île
du sucre Bourbon. En effet, bien que les Antilles françaises n'offrent qu 'une rentabilité médiocre
indigène (2,5 à 3 tonnes à l'hectare), en comparaison de celle de Cuba et de Porto Rico (6 à 7 tonnes
Cette gravure à l'hectare), elles parvinrent à obtenir pour elles et l'île Bourbon le monopole des marchés
de Grandville
dénonce la crise
de la France. Linstauration, en 1826, d'une prime à l'exportation visa à permettre aux plan­
que connut teurs antillais de soutenir la concurrence avec ceux du Brésil sur le marché extérieur; ainsi
l'industrie exporta-t-on quelque 70 000 tonnes en 1828. Mais , en compensation de cette prime, le
betteravière prix du sucre connut une hausse sensible, et la consommation chuta considérablement ...
à la suite de la loi Linquiétude des fabricants de sucre de canne autant que les doléances des ports impor­
fiscale de 1837.
tateurs (Le Havre , Bordeaux) conduisirent à la loi du 18 juillet 1837, qui frappa d 'un impôt
le sucre de betterave, jusque-là exonéré de redevance. D'abord fixée à 10 francs par quin­
tal, la taxe passa bientôt à 15 francs. Cent soixante-sL'<: fabriques durent fermer, et la bette­
rave disparut de dix-sept départements ... C'est dans le Nord que l'industrie sucrière résista
le mieux. Puis, répondant à la même volonté de protéger les sucres coloniaux, la loi du

Sucrerie à Cuba
A travers cette
représentation
d'une sucrerie à Cuba,
]' univers du sucre
de canne au cours
de la première moitié
du XIXe siècle.
La culture de la canne
était très répandue
dans le monde,
mais Cuba était
la plus prospère
de toutes les colonies
à sucre.
2 juillet 1843 décréta l'égalité de l'impôt entre les deux sucres.
La même année, un projet de loi interdisant la fabrication du
sucre de betterave fut m ême déposé, mais fort heureusement
rejeté. C'est Lamartine qui l'avait soutenu devant la Chambre
des députés : «Je vous défends d'appeler la sucrerie une
industrie nationale ! Elle n'a de national que les charges
qu'elle fait peser sur le pays », avait-il déclaré. Si l'attaque fut
virulente, la défense , incarnée par Adolphe Thiers, le fut aussi.
Néanmoins , après ces coups successifs, en 1848, le nombre
des sucreries françaises tomba à trois cent huit ...
Cette rivalité entre les deux sucres devait se prolonger pen­
dant quelques décennies . Les détracteurs du sucre de canne ne
faiblirent pas. Pour preuve, Louis Figuier écrivit: « Étouffer l'in­
dustrie française pour maintenir l'agriculture florissante dans
les colonies lointaines de l'Amérique est peut-être d'une grande
politique commerciale, mais elle échappe à la faible portée de
notre esprit. »
Au cours du dernier tiers du xrxe siècle, l'activité sucrière
coloniale était surtout importante en Martinique (cinq cent
soixante-quatre plantations en 1872) , en Guadeloupe (quatre
cent quatre-vingt-quinze exploitations en 1872) et à La
Réunion, où la culture de la canne avait connu un large essor
et où la fabrication du sucre constituait la principale ressource
Le transport des cannes
de l'île, sans toutefois pouvoir rivaliser avec l'industrie vers Le moulin
antillaise. En Guyane, culture et fabrication étaient peu déve­ Gravure aquarellée
loppées ; on dénombrait sept exploitations seulement au allemande du XIX" siècle.
début des années 1870. Enfin, la canne à sucre était aussi
cultivée et traitée à Mayotte, à Nossi-Bé, en Cochinchine,
à Tahiti et en Nouvelle-Calédonie.

Du SUCRE AU FIGURÉ
7
LEurope à 1 ère industrielle « Eh ! qu 'il est doucereux! c'est tout sucre et tout
Décidée à jouer la carte du sucre « indigène », la France miel », dit Sganarelle à propos d'Ariste dans
allait devenir le premier producteur de sucre de betterave euro­ L'École des maris, de Molière (l, 2). L'expression, ici
péen, suivie de l'Allemagne: 75 000 tonnes en 1850, utilisée pour désigner une personne d'une douceur
274 000 tonnes en 1865, 450 000 tonnes en 1875, presque affectée, connaÎt une variante: « Tout de miel et de
700 000 tonnes à la fin des années 1880. Quant à la consom­ sucre. Il Lorsqu'il s'agit d'un discours flatteur, on parle
mation, elle dépassa , au début des années 1870, les du « sucre des paroles Il. Ainsi, le héros de Corneille,
250 000 tonnes. Ce fort accroissement de la production s'ex­ Polyeucte, s'adresse-t-il à Félix en ces termes:
plique à la fois par l'extension de la culture autant dans l e « Portez à vos païens, portez à vos idoles / Le sucre
Nord, terre sucrière par excellence, que dans d'autres régions, empoisonné que sèment vos paroles Il (polyeucte, V, 2).
nouvellement initiées, par l'augmentation du rendement cul­ Et si la flatterie est mitigée, on a recours

tural, par l'amélioration de la qualité saccharifère de la plante à la qualification « à mi-sucre Il qUi; au sens propre,
et par les considérables progrès technologiques. Il est intéres­ est appliquée aux confitures réalisées avec la moitié
sant de noter que, parallèlement à la croissance de la produc­ du sucre qu'on y met généralement.
tion, le nombre des fabriques de sucre en activité augmenta à « Des louanges à mi-sucre Il, dira-t-on.
nouveau , avant de régresser par suite de l'inéluctable phéno­ Quant à la formule « manger du sucre I l, fréquente
mène de concentration que connut le secteur industriel. dans l'argot des gens de théâtre, elle est employée
Dans la Confédération germanique, où la fabrica­ à propos d'un acteur qui reçoit
tion du sucre de betterave avait vu le jour, deux ou des applaudissements.
trois fabriques, établies en Prusse - en Bohême et en

•••••
Le sucre au milieu
du XIXe siècle
Détail d'une gravure
consacrée à l'univers du sucre .... _.-­ .. . ;. , ..
"

et parue dans le journal


des mères et des familles
(l e, novembre 1850).

Un champ de Betteraves . - Arl'acbage à la charrue.

Saxe -, avaient survécu jusqu'en 1814. Dès 1830, la Prusse


UN PIONNIER DU SUCRE
décida de relancer cette industrie que la France avait, entre­
temps, organisée et développée. Cette entreprise fut favorisée
par l'établissement, en 1834, d'une Union douanière alle­
Crespe(-Dellisse (/789-/865) est indissociab(e

de ('histoire de (a betterave à sucre à ses débuts.

mande (Deutscher Zollverein) et par l'instauration, en 1841 ,


D'ai((eurs, (a région du Nord, d'où if était originaire,

d'un impôt établi sur la quantité de betteraves employées,


a gardé en mémoire (e souvenir de cet éminent

donc avant le râpage - alors qu'en France il porta sur le sucre


entrepreneur. Un articfe du Magasin pittoresque

produit jusqu'en 1884, année où il fut transféré sur le rende­


de février /870 ('évoque en ces termes: « (respe(

ment des betteraves, tout sucre extrait au-delà de 6 % en étant


(e simp(e épicier, puis (e grand industrie(, mérite bien

exempté. Les Allemands visèrent donc constamment à sélec­


que ce nom franchisse ('horizon de (a cité qu'if enrichit

tionner attentivement les variétés et à élever le plus possible la


de ses efforts. Rien de p(us touchant que ('énergie de

richesse en sucre de la betterave. Au cours de la seconde moi­


ses tentatives et que (a persévérance de ses efforts.

tié du XJXe siècle, leurs usines tiraient d 'une quantité donnée


Dédaigné d'abord par ses compatriotes, hautement

de racines plus de sucre que les usines françaises. Les sucre­


b(âmé souvent par ses proches, c'est dans son genre

ries se multiplièrent, surtout en Prusse, notamment dans les


une sorte de Bernard Pa(issy qui sut enrichir sa contrée

provinces de Saxe et de Silésie, propices à la culture bettera­


d'adoption ma(gré elle. C'est dans (a correspondance

vière. De cent deux en 1840, le nombre d'usines prussiennes


intime de ces martyrs d'une idée féconde qu'if faut

passa à deux cent trente-quatre en 1865 ! A partir des années


saisir (e secret de (eur souffrance

1860, l'Allemagne se fit un concurrent de plus en plus redou­


ou de (eur réussite. Le 28 mars /828, au temps où if

table pour la France sur les marchés européens.


triomphait des p(us grands obstac(es, (respe(-De((isse

Autre gros producteur de sucre de betterave au ~ siècle


l'Autriche possédait une industrie qui s'apparentait structurel~
écrivait: « En /8/0 et /81/, je n'emp(oyais que des

procédés peu stab(es ; je me servais de forte (essive, de

lement à celle de l'Union douanière allemande. Dans ce pays,


cendre, de chaux, ou de grès pu(vérisé. Je travai((ais

l'impôt frappait la capacité des diffuseurs, ce qui obligeait les


ainsi toute (a campagne. Je râpais mes betteraves au

firmes à en obtenir le rendement maximal. [accent était donc


moyen d'une tô(e percée de trous, fixée sur un cadre ou

moins mis sur la teneur sucrière de la betterave que sur les


châssis de bois, etc» . Puis vint enfin (e cri de triomphe,

perfonnances du matériel. Ainsi l'usine des Autrichiens


et une source nouve((e de richesse nationa(e fut

Florentin etJules Robert, à Seelowitz, en Moravie, était-elle la


découverte. » De fait, ('usine expérimenta(e que

mieux outillée du monde. Derrière venait la Russie, réputée


(respe(-De((isse avait créée, avec Parsy, à Lif(e, en /8/0,

pour ses faibles récoltes, mais d'un rendement exceptionnel­


avait produit, cette année-(à, 400 kifos de sucre, puis

jusqu'à 9 à 10 %. Enfin, il faut mentionner la Belgique, dotée


/0 tonnes en /81/. Le comte de Montafivet avait,

d 'une industrie proche de celle de la France, et la Hollande,


d'aif(eurs, présenté à ('Empereur deux pains de sucre

qui, pour être venue tardivement à la betterave, n'en était pas


provenant de cette entreprise.

moins promise à un bel avenir.

• ••••••
30
••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• u ....... ••• ~• • • • • ••••••••••••••

L' É POI' ~~ E DU SU lŒ

Du côté britannique,
des droits oppressifs
Certes, la Grande-Bretagne avait aussi connu le sucre dès

le Moyen Age. On a trouvé trace d'une expédition de 100000

livres de sucre et de 10 000 livres* de sucre candi, effectuée

par la cité de Venise en 1319. Dès 1589, le raffinage était pra­

tiqué en Angleterre. Mais, jusqu'au XVIIe siècle, les importa­

tions restèrent très faibles, et, pour des raisons de coût, on fai­

sait surtout usage du miel. Ce fut, en fait, l'introduction du thé

et du café qui généra l'essor de la consommation du sucre.

Laquelle ne cessa de croître: 22 millions de livres en 1700,

plus de 119 millions dans les années 1750, plus de 181 mil­

lions à la fin des années 1780, presque 290 millions en 1820,

360 millions en 1830 - soit une moyenne de 22 livres et

demie par habitant, quelque deux fois et demie supérieure à

celle de la France, pour une population (non compris

l'Irlande) deux fois moindre ! Fulgurante progression donc,

« Maître ... moi pouvoir plus


travailler ti canne 1. .. pendant qui aurait pu être bien plus importante, n'eût été la taxation

que ti français manger li sucre pratiquée. En effet, les droits sur le sucre étaient extrêmement

ae ti betterave moi avoir engraissi) élevés, frappés de hausses successives, notamment à la suite

moi pouvoir plus bougis de tout » des embarras financiers causés par la Révolution française. Les

Gravure d'Honoré Daumier (1838) droits imposés sur les sucres provenant de l'Inde, des Antilles

consacrée à l'actualité du sucre. anglaises et de l'île Maurice étaient inférieurs à ceux qui

taxaient les sucres étrangers, véritablement prohibitifs ; ils

n'en étaient pas moins préjudiciables à la consommation,

donc à l'industrie sucrière. Il convient de noter que, dans

l'Irlande voisine, en proie à de graves difficultés économiques,

le système était plus oppressif encore.

Cette situation ne pouvait qu'alimenter la polémique. Ainsi

l'économiste Macculloch écrivit-il, dans la Revue d'Édimbourg,

en 1830 : « Que les droits sur les sucres étrangers soient

réduits, et la Grande-Bretagne deviendra sur-le-champ

l'unique manufacture de presque toute l'Europe pour le sucre

raffiné. Lopération du raffinage s 'y fait beaucoup mieux

qu'ailleurs; et le bon marché de notre combustible, la gran­

deur de notre capital et d'autres circonstances qui nous sont

particulières nous donnent des avantages que les autres

nations ne sauraient égaler. Mais par suite de notre système

actuel cette affaire se fait avec des capitaux anglais dans les

ports du continent; et nous faisons ainsi tout ce qui est en

notre pouvoir pour nous priver d'une branche d'industrie

« Ceci vous représente un grand dont il dépendrait de nous d'avoir le monopole. » Et d'ajou­

combat qu)on peut croire ter: « Il est entièrement en notre pouvoir de doubler la

commandé par le fénéral consommation du sucre dans la Grande-Bretagne, et de la

Croque Betterave. qui n)entrera


quintupler en lrlande, non-seulement sans sacrifier le revenu

pas au Musée historique de


Versailles) et qui doit servir de public, mais au contraire en l'augmentant beaucoup ainsi que

pendant à la bataille de Cannes» l'activité maritime et plusieurs branches du commerce de

Parue dans Le Charivari l'empire. »

du 20 septembre 1839, cette gravure


Actualité d'Honoré Daumier
stigmatise la guerre des sucres. *l livre anglaise = 453,592 g

•••••
La Convention de Bruxelles PORTRAIT DE L-J:NVENTEUR

M. JACOUT ~ROBILLARD
L'amélioration des rendements et les progrès effectués en matière FODd•• t.ou,r do ln M .. i ... on en 18 3 6

de raffinage avaient permis au sucre de betterave de gagner peu à peu


du terrain sur son rival, le sucre de canne. La production mondiale
s'était fortement accrue: 4000 tonnes en 1829, quelque
10 000 tonnes en 1874. En 1890, le sucre de betterave couvrait les
trois cinquièmes de la consommation mondiale. Devant cette hausse
de la production, de loin supérieure aux besoins de la consommation
et génératrice de stocks inutilisés, les gouvernements des pays pro­
ducteurs instituèrent des primes à l'exportation, destinées à inciter
les fabricants à trouver des débouchés à l'extérieur. Il résulta de cet
encouragement pécuniaire que les Français achetèrent cher un sucre
que les raffineurs vendaient meilleur marché à l'étranger. ..
A l'heure du progrès .
Les colonies britanniques productrices de sucre de canne s 'in­ Publicité Jacquet Robillard,
quiétèrent de cette suprématie du sucre de betterave. Leurs protesta­ datée de 1903.
tions, autant que la situation anarchique dans laquelle se trouvait l'in­
dustrie sucrière et les luttes ruineuses dont elle était le théâtre,
amenèrent les pays à entamer des négociations dès 1898, afin de
réglementer les productions de sucre de betterave et de sucre de
canne. Ce fut d'abord un échec. Mais en 1901 se réunit une confé­
rence internationale à Bruxelles, qui déboucha, l'année suivante, sur
la Convention de Bruxelles. Les primes à l'exportation furent sup­
primées, et les subventions à la production furent interdites . Des
droits prohibitifs frappèrent toute importation de sucre en prove­
nance d'un pays non adhérent à la Convention. Ne disposant plus
de primes, les fabricants payèrent moins cher la betterave, dont le
prix chuta, mettant les agriculteurs en difficulté. Lors du renouvelle­
ment de la Convention, en 1907, la Russie entra dans l'Union
sucrière. Il fut procédé à un deuxième renouvellement en 1913.
LItalie et l'Angleterre se retirèrent de l'Union, qui réunit alors la
France, l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie, la Bosnie, la Russie, la
Belgique, la Hollande et la Suède.
En fait, si cette Convention de Bruxelles calma les esprits et régu­
larisa quelque peu le marché, elle joua surtout en faveur des pays
producteurs de sucre de canne. D'autant que le prix de revient de la
canne à sucre était inférieur à celui de la betterave et que, pour 1 hec­ Le pain. de sucre
tare planté en cannes à sucre, on obtenait entre 5 et 15 tonnes de au servzce
sucre, tandis que, pour la même surface ensemencée en betteraves, de la caricature
La cible est ici
le rendement variait de 3 à 5 tonnes de sucre.
Guillaume II,
En France, la consommation de sucre n'avait cessé de croître. roi de Prusse
Mais la production de sucre indigène souffrait de la concurrence et empereur
étrangère. Lors de la campagne 1909-1910, la France comptait d'Allemagne
encore deux cent quarante-quatre sucreries, groupées dans le Nord (1888-1918).
et le Nord-Est. Pour faire face à la demande de sucre et approvision­
ner ces usines, il fallut emblaver de nouvelles terres et mettre l'accent
sur les variétés riches en sucre. A la veille de la guerre de 1914-1918,
l'industrie sucrière française était fragile: une consommation en
constante augmentation, un prix de betterave en baisse, un prix du
sucre en hausse , une superficie betteravière en régression Cà l'inverse
de l'Allemagne et de la Russie), un nombre de fabriques en diminu­
tion, des exportations en déclin, des importations croissantes .

·......

32
C Ü OPÎ:F. DU SUC RE

Les épreuves des guerres


La Grande Guerre allait permettre au sucre de canne de
conquérir encore du terrain; sa production couvrit bientôt les
deux tiers du marché. En effet, la guerre eut des conséquences
désastreuses pour les grandes régions betteravières, situées
dans les zones de combat. Un grand nombre de sucreries
furent détruites. Après 1918, le sucre de betterave dut repartir
à la conquête de ses marchés. Pour la campagne 1919-1920,
la production mondiale de sucre de betterave s'éleva à 4 mil­
lions de tonnes , alors que celle de sucre de canne atteignit 13
millions de tonnes. Cette disproportion allait, certes, diminuer
au cours de l'entre-deux-guerres, mais si la production mon­
diale de sucre de betterave connut un essor considérable, elle
resta bien inférieure à celle de sucre de canne, assurée en prio­
rité par l'Inde, Cuba et Java. La France, pour sa part, dut
reconstituer ses cultures betteravières et réorganiser son La Sucrerie Aarberg
industrie sucrière. Les importations élevées, qui s 'imposèrent Gravure du début du XXe siècle.
alors , s'accompagnèrent d'une hausse des achats de sucres
coloniaux, essentiellement en provenance de La Réunion , de
la Guadeloupe et de la Martinique. Il est vrai que les planta­ EN SUISSE
tions de cannes à sucre des pays tropicaux n 'avaient pas été
touchées par la guerre européenne. En Suisse, les premiers essais importants de mise

rentre-deux-guerres fut une période difficile pour en culture de la betterave à sucre remontent à 1891.

l'Europe. Le début des années 1920 vit une brusque hausse La même année vit s'ouvrir une sucrerie,

des cours du sucre, due à la spéculation. La crise de 1929 Helvetia, à Monthey, qui devait, toutefois, cesser

ébranla l'industrie. Puis, en 1931, une surproduction de son activité trois ans plus tard, en raison,

sucre déstabilisa le marché, qu'un accord sucrier interna­ notamment, de son éloignement des régions de culture.

tional , le plan Chadbourne, tenta de régulariser. Faute d'un Il fallut attendre 1898 pour qu'une nouvelle tentative

nombre suffisant de participants, ce plan prévu pour cinq fût faite, à Aarberg" dans le Seeland bernois,

années ne resta pas longtemps en vigueur ; il fut abandonné terre betteravière. Mise en exploitation en 1899,

dès 1934, suite à une forte baisse du prix du sucre. Intervint cette sucrerie connut bien des difficultés, jusqu'à ce

alors un nouvel accord international, signé à Londres le qu'un incendie la détruiSÎt, en 1912 ; grâce à l'aide

6 mai 1937, qui créa le Conseil international du sucre et financière du canton de Berne, elle fut reconstruite sous

l'enseigne de Sucrerie et Raffinerie Aarberg SA

La Suisse devant importer

La canne réunionnaise les sept huitièmes de ses besoins en sucre,

Lessor de l'industrie sucrière /' Association suisse pour l'industrie sucrière fut fondée

à la Réunion date de la fin du XIXe siècle. en 1956, avec, entre autres objectifs, celui d'encourager

la construction d'une autre sucrerie.

Celle-ci, Deuxième Sucrerie SA, vit le jour trois ans

plus tard; elle fut rebaptisée, en 1961,

Sucrerie Frauenfeld SA
Le pays mit, dès lors, l'accent sur la production indigène

de betteraves. Ainsi, de 1963 à 1987,

la surface cultivée doubla, la production betteravière

passa de 300 000 à 850 000 tonnes, et la Suisse

put couvrir 48 % de sa consommation de sucre.

A partir des années 1980, la Sucrerie Aarberg traita

55% de la récolte de betteraves,

et la Sucrerie Frauenfeld 45%.

•••••
selon lequel les pays producteurs s'engageaient à respecter un
plafond d 'exportation. I.:accord devait être revu par la suite.
Les exportations connurent alors une hausse considérable.
Au sein de ce « tumulte» économique, la France, qui ne
comptait plus, en 1923, que quatre-vingt-cinq sucreries, ne
devait retrouver qu 'en 1930 sa production de 1900. En 1933, la cul­
ture de la betterave sucrière couvrait une superficie totale de plus de
260 000 hectares , en majeure partie répartis dans les départements
du Nord. A la veille de la Seconde Guerre mondiale , l'URSS venait en
tête de la production de sucre de betterave, loin devant l'Allemagne,
les États-Unis et la France. Le marché français était, quant à lui, pro­
tégé par de hautes barrières douanières, qui, par ailleurs, le mettaient Le sucre
à l'abri des fluctuations du marché international. au début du xxe siècle
Le scénario de désorganisation et de ruine qu'avait généré Action de la raffinerie
la Grande Guerre se répéta avec la Seconde Guerre mondiale. de sucre des Récollets.
I.: « équilibre » de deux tiers de sucre de canne pour un tiers de
sucre de betterave allait se maintenir.

Au telllps des restrictions


L sucre fit cruellement défaut pendant la Seconde Guerre mon­
diale. Les tickets de sucre en accordaient seulement 500 grammes
par mois et par personne. Il fallut donc ruser pour parvenir à confec­
tionner desserts et confitures. En témoignent les recueils culinaires
parus en ces périodes troublées. Au début des années 1940, Mme
Foulon-Lefranc indique comment trouver du sucre pour les confi­
tures. « Il y a, écrit-elle, un moyen héroïque de s'en procurer : c'est
d'apprendre à s 'en passer tous les jours. Vous arriverez, par un
entraînement progressif, à ne plus sucrer sans ennui ni le petit déjeu­
ner ni les infusions (café, thé , etc.). Vous pourrez aussi les sucrer à la
saccharine si votre santé ne s'y oppose pas. Avec le sucre économisé,
vous pourrez faire quelques confitures.» Ensuite, pour les confi­
tures, mieux vaut choisir des fruits bien mûrs et très sucrés de façon « T'en fais pas, j' t'ai apporté
à restreindre la quantité de sucre. Les astuces de l'auteur de un ticket de sucre.' »
Restrictions et vie chère ont des allures de vérité de La Palice ... L humour de Germaine Bouret
interprète ici les restrictions de
la Seconde Guerre mondiale.

La pénurie de la Pas de rations auX amoureux puÎsqu 1


Grande Guerre ils on/; d4ii les baisers. Seuls les
Comme en témoigne ~ourmands auron/; drol/; au raffiné .
cette carte postale ancienne, Ilest défendu dén casser des
pendant la Première Guerre ceaux .sur le dos de son ou de sa
mondiale, le sucre fut rationné.
La quantité accordée était de
750 grammes par mois en
France et en Allemagne, de
1 kilo en Suisse, de
1,700 kg en Belgique et de
225 grammes par semaine
en Angleterre.

·... ..

34
De son côté, Édouard de Pomiane (Cuisine et restrictions, 1940)

suggère des aliments de substitution : « Ne pensons donc pas aux

entremets. Mangeons des fruits . Respectons notre réserve de confitures

et compensons ce manque de sucre en consommant des légumes et

des féculents. » Quant à Henri-Paul Pellaprat, dans 340 recettes de

cuisine pour les restrictions alimentaires (1940), il rappelle qu 'au

cours de la Grande Guerre « la pâtisserie fraîche et industrielle fut

interdite de juin 1917 à juin 1920 et encore à cette date», ajoute-t-il,

« les pâtissiers étaient astreints à la fermeture 2 jours par semaine ».

Le célèbre professeur de cuisine et de pâtisserie recommande , lui

aussi, d 'économiser le sucre avec les boissons, de réduire la dose

habituelle de sucre dans certains entremets et, éventuellement,

d'avoir recours à la saccharine, par exemple pour la réalisation du

sirop destiné au savarin ou au baba.

Le nouveau marché européen


Dans l'immédiate après-guerre, la reconstruction procéda des

mêmes efforts et des mêmes difficultés qu'en 1918. Au début des

années 1950, l'industrie sucrière connut un grave déséquilibre entre

production et consommation. Pour remédier à la crise, les pays


Guerre et restrictions
sucriers signèrent, en 1953, à Londres, un Accord international sur Affiche évoquant

le sucre, qui rétablissait un système de quotas d 'exportations et ins­ la période difficile

taurait des mesures de régularisation des cours. Cet accord fut recon­ où la consommation

du sucre était « contrôlée ».


duit en 1958, sans pour autant apporter une solution véritable aux

remous chroniques du marché mondial, dont les

difficultés étaient, en outre, exacerbées par le


conflit entre Cuba et les États-Unis. Dans ce L'ORGANISATION COMMUNE DE MARCHÉ (OCM)
contexte, le Marché commun, instauré entre six
L'article 39 du traité de Rome a, en 1968, précisé les objectifs

pays européens par le traité de Rome de 1957,


politiques du secteur « sucre ». Le principal d'entre eux:

allait ouvrir à l'Europe de nouveaux horizons. Il


mettre à la disposition des consommateurs de l'Union européenne

fallut toutefois quelques années avant que la


des produits de qualité à un prix raisonnable. Ainsi, depuis 1985,

réglementation communautaire relative au


et en dépit de l'inflation, les prix de la betterave et du sucre

sucre fût mise en place. Elle entra en vigueur le


ont-ils baissé. Un strict contrôle de la production, par le biais

Fr juillet 1968. La Politique agricole commune


de quotas nationaux de production et de cotisations payées

reposait sur trois grands principes : la libre


par les producteurs, a permis à l'OCM du sucre de financer des

circulation des produits au sein de ce marché


exportations de sucre vers les pays tiers et, par là, de prendre rang

unique, la préférence communautaire et la soli­


de premier exportateur mondial de sucre blanc de qualité.

darité financière. En outre, des quotas de pro­


Les exportations de l'Union varient de 5 à 6 millions de tonnes

duction furent fixés .


par an ; il faut y ajouter un peu plus de 800 000 tonnes

qui prennent le chemin de l'exportation après incorporation

dans des produits agro-alimentaires transformés.

Le sucre au tournant
du XXle siècl e Les importations, en provenance principalement des pays ACP

(Afrique, Caraïbes et Pacifique), s'élèvent annuellement

Aujourd'hui, sur cent quinze pays produc­ à plus de 1,7 million de tonnes.

teurs de sucre, trente-neuf cultivent unique­ Au fil des années, la filière betterave-sucre s'est adaptée

à l'évolution de cette organisation de marché, garantissant

ment la betterave, soixante-sept exclusivement


aux consommateurs et industriels

la canne à sucre, et neuf les deux plantes à la


un approvisionnement sûr à un prix stable et modéré.

fois, qu'ils bénéficient d 'un climat méditerra­


néen , comme l'Espagne, ou qu'ils couvrent plu­
sieurs zones climatiques, tels les États-Unis, l'Iran et la Chine. Au début du siècle, la bet­

terave représentait les deux tiers de la production mondiale de sucre. Aujourd'hui, la canne

à sucre en fournit plus de 70 % . La production mondiale, qui a suivi l'essor de la

consommation, avoisine les 129 millions de tonnes (valeur en brut), et les dix princi­

paux producteurs en assurent, à eux seuls, 70 %. Ce sont, dans l'ordre décroissant,

le Brésil, l'Union européenne, l'Inde, la Chine, les États-Unis, la Thaïlande,

l'Australie, le Mexique, Cuba et l'Ukraine. D'importants producteurs sont également

de gros consommateurs, puisque, du premier au dixième rang, on trouve l'Inde,

l'Union européenne, les États-Unis, le Brésil, la Chine , la Russie, le Mexique,

l'Indonésie, le Pakistan et le]apon. Enfin, en ce qui concerne les échanges mondiaux,

quatre pays - Brésil, Australie, Thaïlande et Cuba - couvrent 60 % des exportations

mondiales nettes, l'Union européenne n'en représentant que 10 %.

Le règne du sucre de betterave

dans l'Union européenne

L 'Europe sucrière a progressé à la fois grâce à ses élargissements successifs (elle


compte aujourd'hui quinze pays) et à ses progrès en matière de productivité. La
Communauté européenne a donné à l'industrie sucrière un essor considérable. A l'ex­
ception du Luxembourg, qui n'a jamais produit de sucre, et du Portugal, qui n'en pro­ L'Union européenne
duit que quelques milliers de tonnes à partir de la betterave et qui ne fournit plus du Un leader du sucre,
tout de sucre de canne dans l'archipel des Açores, tous les pays ont vu leur production en technologie,
sucrière progresser depuis leur entrée dans l'Union européenne. Des modifications en production,
en consommation
structurelles ont, certes, entraîné d'importantes fusions de sociétés existantes, en même
et en exportatIOn.
temps que la fermeture de fabriques et d'installations vétustes; depuis les années 1980, Au sein de l'Union,
les multinationales dominent le marché du sucre. Mais, grâce à la rationalisation et au la France se situe
développement de nouvelles technologies, le marché a été inondé de sucre avantageux au premier rang.
de première qualité.
Leader mondial de la production
sucrière jusqu'en 1995 , l'Union euro­
péenne a été dépassée par l'Inde. Elle
assure néanmoins près de 15 % de la
production mondiale , avec du sucre
provenant essentiellement de la bette­
rave. En effet, la production de sucre
de canne n'est que d 'une dizaine de
milliers de tonnes dans le sud de
l'Espagne et d'environ 250 000 tonnes
dans les départements d'outre-mer
français - La Réunion en couvre les
quatre cinquièmes, et les Antilles
(Martinique et Guadeloupe) le reste .
LUnion est aussi au deuxième rang
de la consommation du sucre
(33 ,800 kg par habitant) - les pays du
Nord en consommant plus que ceux
du Sud. Elle est le premier exporta­
teur de sucre blanc du monde : 40 % des exportations, à destination de plus de cent
vingt pays . Enfin , elle est l'un des principaux importateurs; bien que globalement
exportatrice, l'Union importe depuis 1973 du sucre roux, à volume et prix garantis, en

• ••••••
36
L'ÉpoPÉE DU SUCR E

application du Protocole sucre de la Convention de Lomé . Cette Convention prévoit que


plusieurs pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) bénéficient d'un quota de
livraison annuel à l'Union européenne.
Le secteur betterave-sucre de l'Union européenne est régi par une Organisation com­
mune de marché (OCM). Depuis 1968, des règlements se sont succédé: garantie de prix
et d'approvisionnement du marché, quotas de production, etc. Le règlement actuel a été
adopté en 1995 pour six campagnes (1995-1996 à 2000-200D. Le rendement moyen de
50 tonnes de betteraves à l'hectare (70 tonnes en France) est le meilleur du monde.
Meilleur du monde aussi, le rendement en sucre à l'hectare: 8,5 tonnes en 1998 (plus de
11 tonnes en France). Huit pays de l'Union se classent dans les quinze premiers pays pro­
ducteurs de sucre de betterave du monde . La France se place en tête, avec 27,5 % de la
production de l'Union et plus de 75 % de ses exportations nettes. Il est intéressant de La récolte des
noter que les utilisations industrielles du sucre représentent, en France, les deux tiers cannes à Cuba
de la demande totale. Malgré
l'évolution de l'île,
le sucre reste
prépondérant dans
Les aventures de Cuba l'économie cubaine.
Fleuron sucrier des Antilles,
l'île de Cuba est le parfait exemple
de la monoculture de la canne à
sucre, qui y occupe encore 40 % de
la surface agricole, surtout dans les
plaines du Centre et de l'Oriente.
Ce pays fut longtemps le premier
producteur de sucre du monde,
mais il se fit distancer au milieu
des années 1960 par l'Inde et le
Brésil. Il était aussi le premier
exportateur mondial de sucre, et,
traditionnellement, les États-Unis
constituaient son principal débou­
ché. Après la rupture de 1960,
Fidel Castro instaura, par l'inter­
médiaire de l'URSS, des relations
privilégiées avec les pays commu­
nistes d'Europe de l'Est. Dès lors,
en échange de pétrole et de biens
d'équipement, ceux-ci absorbèrent
75 % de ses disponibilités en
sucre. Consécutivement à l'éclate­
ment du bloc soviétique, ce circuit de commercialisation devait disparaître brutalement.
La pénurie de carburant provoqua à Cuba une chute de la production sans précédent,
de 8 millions de tonnes en 1990 à 3,4 millions en 1994, ce qui constitua le niveau le
plus bas depuis un demi-siècle. Afin d'enrayer ce déclin, le gouvernement ouvrit pour la
première fois, en 1995, l'industrie sucrière aux capitaux étrangers.
A la fin des années 1990, l'activité sucrière, pourtant mécanisée à 80 %, occupe
encore plus de 10 % de la population. Les Cubains comptent parmi les plus gros
consommateurs de sucre, avec plus de 50 kilos per capita par an. Enfin, Cuba se classe
toujours parmi les cinq premiers exportateurs mondiaux de sucre brut, à destination
principalement de la Russie, de la Chine et du Moyen-Orient.
LInde, berceau de la canne à sucre
C'est, comme jadis, le bassin du Gange, bordé par la chaîne
himalayenne, qui concentre les deux tiers des plantations de cannes
à sucre. La plante y bénéficie, en effet, d'une bonne irrigation, grâce
à l'important réseau hydrographique. Mais la culture de la canne est
aussi pratiquée dans la zone tropicale du sud du pays.
Très peuplée, la région du Gange produit traditionnellement le gur,
sucre artisanal indien obtenu par concentration du jus entier de
canne. La production de ce sucre dépasse, en Inde, les 8 millions
de tonnes, auxquelles il faut ajouter presque 1 million de tonnes de
khansari, sucre artisanal produit selon le même procédé, mais avec
cris tallisa tion.
Si l'on ajoute à ces sucres la production de sucre industriel ­
c'est-à-dire centrifugé -, qui représente près de 14 millions de
tonnes, l'Inde est le plus important producteur de sucre du monde .
Une production irrégulière compte tenu des aléas climatiques.
Depuis les années 1930, elle s'inscrit dans le cadre d 'une politique
d'autosuffisance affirmée.
La consommation de sucre des Indiens est d'environ 15 kilos
par habitant, voire 25 kilos si l'on compte le sucre artisanal. Les
Concentration
ruraux restent très attachés à ce dernier, alors que la faveur des cita­ du jus sucré à fou nu
dins va au sucre blanc. Cette méthode est encore urilisée
en Inde pour la fabricarion
artisanale du gur.
Le Brésil, en tête de la production
et de l'exportation
Introduite dans le nord-est du pays dès le XVIe siècle, la culture
de la canne à sucre s'est appuyée sur l'esclavage jusqu'au milieu du
XIÀ~ siècle et s'est organisée dans de vastes domaines où les rapports
sociaux, encore marqués par le passé, restent souvent conflictuels.
Ces grandes plantations ont permis au Brésil de conserver, pendant
trois siècles, le premier rang mondial en matière de production
sucrière. Après l'indépendance (1822), la production de canne à
sucre a néanmoins fléchi, pour ne reprendre à une large échelle qu 'à
partir de 1980, dans le centre-sud du pays - principalement dans
l'État de Sâo Paulo -, dans le cadre de plans pro-alcool successifs.
En effet, la production de canne est désormais répartie, en fonction
des prix mondiaux du sucre et du pétrole, entre la fabrication de
sucre destiné à l'exportation et la transformation en alcool comme
carburant - l'alcool ou l'éthanol sont obligatoirement incorporés
dans les carburants brésiliens, dans des proportions variables. En
dépit de cette alternative, la production de sucre, qui utilise environ
40 % des cannes à sucre brésiliennes, connaît un fort accroissement
et a même presque doublé au cours de la dernière décennie du
xxe siècle. Il est vrai que, le pays disposant de vastes espaces, les pos­
sibilités d'expansion sont importantes.
En outre, le Brésil est le premier exportateur de sucre du
monde. Sa consommation globale augmente du fait de la forte Réception des cannes
à sucre au Brésil
croissance de population et de la consommation individuelle Ce pays connaîr une industrie
élevée: plus de 50 kilos per capita et par an. sucrière en pleine évolurion .

••••••••
38
E n Chine,

un potentiel considérable

E nviron 80 % de la production sucrière chinoise proviennent


de la canne à sucre. En effet, l'État encourage plutôt les petits pro­
ducteurs de la Chine méridionale , qui maîtrisent parfaitement cette
culture, pratiquée dans ces régions depuis l'époque Ming (1368­
1644) . Un tiers de la production de sucre de canne provient du
Guangxi , du Guangdong et du Yunnan. La culture de la betterave,
quant à elle, doit son développement dans le Heilongjiang, au
nord-est du pays , à un Polonais, fils de sucrier, au début du
x,x;e siècle.
De ces deux cultures réunies résulte une production de sucre
croissante, d'environ 8,5 millions de tonnes, mais qui aura du
mal à satisfaire les besoins d 'une population chinoise estimée à
1,3 milliard d 'individus . La consommation annuelle per capita
est d 'environ 6 kilos par an, sous forme de sucre blanc, soit trois
rois inférieure à celle des pays asiatiques voisins. Elle est diverse­
ment répartie: les Chinois du Sud consomment deux fois plus de
sucre que ceux du Nord, les citadins trois fois plus que les
ruraux. La Chine doit donc importer du sucre, ses fournisseurs
réguliers étant Cuba, l'Australie et la Thaïlande. De plus, de Betterave et canne en Chine...
500 000 à 1 million de tonnes de sucre brut sont importées, Pour faire face à un potentiel
chaque année , pour les raffineurs de la côte qui le transforment, de consommation exceptionnel.
en dehors de la saison de production locale , en sucre raffiné ; ce
sucre est ensuite réexporté vers le Sud-Est asiatique , assurant
ainsi une rentrée de devises .

UNE COMPAGNIE AMÉRICAINE


Des é d ulcorants diversifiés
"
aux Etats- Unis
« Il vient de se former aux États-Unis
d'Amérique une compagnie pour la culture
En ce qui concerne le sucre, les États-Unis se situent à la fois de la canne à sucre dans les Florides
et dans la Louisiane. Cette compagnie
parmi les plus importants producteurs, les plus gros consomma­
teurs et les plus grands importateurs. Le sucre de betterave repré­ s'occupe déjà de faire des acquisitions de
terres dans ce but, et elle croit pouvoir
sente 60 % de la production totale de sucre ; la betterave est culti­
produire le sucre en quantité suffisante
vée dans quatorze États du Nord, particulièrement dans le
pour fournir à la consommation entière
Minnesota et le Dakota, ainsi que dans les grandes plaines. La pro­
des États-Unis. Grâce à tant de vastes
duction de sucre de canne est stable depuis quelques années ; la
entreprises conçues pour utiliser toutes
culture de la canne est concentrée en Floride, premier État pro­
les ressources des divers points du globe,
ducteur depuis 1980, au Texas , en Louisiane , où elle progresse, et
tout annonce que le milieu de ce siècfe
à Hawaï, où elle diminue.
sera signalé par un immense accroissement
Aux États-Unis , la consommation de sucre dépasse la produc­
de produits, et que l'espèce humaine jouira
tion nationale. Aussi, chaque année , des contingents tarifaires à
d'un degré de bonheur et d'aisance qu'elle
l'importation, d 'environ 2 millions de tonnes, sont attribués à une
n'a jamais connu, si toutefois, en se
quarantaine de pays, les principaux étant la République domini­
multipliant dans une trop forte proportion,
caine, le Brésil, les Philippines et l'Australie.
elle ne dédaigne pas les utifes enseignements
Malgré la concurrence de l'isoglucose, sous-produit du maïs, et
de l'économie politique. Il
La pénétration des édulcorants non caloriques, la consommation a
Revue britannique. mai /826
progressé au rythme annuel de 2 % depuis que l'industrie des bois­
sons non alcoolisées a achevé, vers 1990, sa conversion à l'isoglu-
cose. La consommation des édulcorants non caloriques s'est stabi­
lisée depuis 1995, et les Américains consomment encore annuelle­
ment 30 kilos de sucre per capita, auxquels il faut ajouter autant
d'isoglucose, destiné principalement au marché des sodas, et dont
la consommation devrait encore augmenter d'ici à 2005 pour dépas­
ser celle du sucre.

L'Australie,

grenier à sucre du Inonde

La culture de la canne à sucre a vu le jour près de Brisbane,


en 1863. Au début du xx e siècle, le gouvernement encouragea
son expansion, grâce à une rationalisation de la production et un
important effort de recherches. Aussi , dès 1925, l'Australie déga­
gea-t-elle un excédent exportable, dont près de 300 000 tonnes
destinées au Royaume-Uni à un prix garanti. . . Après l'adhésion
britannique à la Communauté européenne, l 'Australie a dû effec­
tuer une reconversion difficile vers le marché mondial.
ressentiel de la production est, aujourd'hui, concentré le long
de la côte nord-est, dans le Queensland, qui réalise plus de 90 %
de la production nationale . Mais une nouvelle politique d'élar­
gissement des plantations, entamée en 1990, s'applique à cette
région et vise à une extension vers les Nouvelles Galles du Sud
et l'Australie-Occidentale. Cette diversification des zones de cul­
ture devrait rendre les récoltes moins vulnérables aux variations
climatiques.
Une technologie génétique avancée, une excellente irrigation
des cultures et une mécanisation très poussée ont permis d'obte­
nir un rendement de cannes à sucre à l'hectare parmi les plus éle­
vés du monde (120 tonnes de canne à l'hectare en zones irriguées
avec une richesse en sucre proche de 13%), ainsi que des coûts de
production parmi les plus faibles. En forte augmentation , la pro­
duction de sucre, de moins de 4 millions de tonnes en 1990, a
avoisiné les 6 millions en 1998. Deuxième exportateur mondial de
Une culture extensive en Australie
sucre brut, avec près de 20 % du total mondial, l'Australie s'équipe
Pour une production de sucre de canne
destinée en majeure partie à l'exportation. pour exporter du sucre blanc vers l'Asie. Sa situation aux portes de
l'Extrême-Orient et les surfaces dont elle dispose en font un pays
sucrier d'avenir, même si le Brésil tente, depuis peu, de la concur­
rencer sur ses marchés . Gros consommateur de sucre (50 kilos par
an), l'Australien reste marqué par les usages alimentaires importés
par les Britanniques et les Danois.

En Russie,
une industrie en déclin
L'industrie sucrière russe est indissociable de celle de l'URSS.
Avant 1960, la politique soviétique consistait à développer la pro­
duction en fonction de l'évolution de la consommation. Après
cette date, les importations de sucre cubain, assimilées à une
source intérieure d'approvisionnement, prirent une place prépon­

40
dérante, malgré la nécessité de relancer le secteur sucrier national.
Depuis l'effondrement du régime soviétique, l'industrie sucrière LE SAVIEZ-VOUS?
russe a décliné au point d'atteindre, en 1997, son niveau le plus
• Le sucre est l'unité monétaire

bas depuis 1950. Le pays dispose pourtant d'un potentiel agrono­


de l'Équateur. Ce mot vient du nom

mique exceptionnel dans les terres noires du centre et dans le bas­


d'un général vénézulien, Antonio José

sin du Kouban, au nord du Caucase . La chute de la production


de Sucre, qui, au début du x/xe siècle, rallié

sucrière résulte autant de la crise économique générale et du


à Miranda et à Bolivar, délivra le Pérou

manque d 'engrais et de matériel que de l'absence de politique agri­


et l'Équateur de la tutelle espagnole.

cole cohérente . Le rendement en betteraves à l'hectare n'atteint pas


20 tonnes , celui en sucre est de moins de 2 tonnes à l'hectare. La • Sucre est le nom de la capitale

production de sucre, tombée à moins de 2 millions de tonnes, constitutionnelle de la Bolivie.

devrait remonter à 4 millions en l'an 2005, selon le plan de réor­ C'est également celui d'un État

ganisation prévu. La consommation per capita a également chuté à du nord-est du Venezuela,

35 kilos, contre 42 kilos en 1990 . Néanmoins, premier demandeur au bord de la mer des Antilles,

en sucre du monde, la Russie importe du sucre brut de Cuba, dans et celui d'un département

le cadre d 'accords de troc sucre contre pétrole . Dans un système de du nord-ouest de la colombie.

troc analogue , elle importe d'Ukraine, premier producteur de la


CEl, l'essentiel de ses besoins en sucre blanc.
Le monopole d'État sur les boissons alcoolisées, rétabli en
1991, a réduit les utilisations du sucre pour la fabrication artisa­
nale d'alcool. Pourtant, cette dernière représenterait encore actuel­
lement un tiers de la consommation totale de sucre russe.

Les perforIllances de la Thaïlande


L canne à sucre, dont la culture remonte en Thaïlande au
xrve siècle, se trouve dans tout le pays, hormis dans le Sud. Bien que
tributaire de conditions climatiques variables et de possibilités d'ir­
rigation limitées, la production sucrière a connu , depuis les années
1980, un essor remarquable , essentiellement bâti sur le développe­
ment des exportations, qui représentent 60 % de la production .
Seul pays du Sud-Est asiatique à posséder une industrie sucrière
performante, la Thaïlande se classe au troisième rang mondial des
exportateurs. Elle est présente sur le marché du sucre brut et du sucre
blanc, à destination de l'Asie en général et de l'Indonésie en particu­
lier. La consommation annuelle per capita est de 27 kilos.

La canne à sucre
thailandaise
.
La Tha'ilande
. a
constrUlt son expanSIOn
sucrière sur le
développement d.e ses
exportations.
LES USTENSILES DU SUCRE

Au début était le pain de sucre,


blanc ou roux, qu 'apothicaires et épi­
ciers devaient débiter en morceaux pour
pouvoir en faire usage . A cette fin, ils uti­
lisaient de lourds hachoirs en fer forgé
qui servaien t à briser le sucre sur un
billot, d'abord en plomb, puis en bois,
ou encore des casse-sucre à levier métal­
Casse-sucre d)épicie~
époque LOUIS XIV lique . Si besoin était de réduire la taille
En bois et fer forgé. des morceaux, on avait recours à des
hachettes en fer forgé dont la tête avait la
fonne d'une demi-lune et dont le manche pouvait être en bois ou en
métal, orné ou non. Existaient aussi des pinces casse-sucre en fer
Saupoudreuse à couvercle fixe forgé, parfois à manche de bois, et des ciseaux à casser le sucre en
En faïence de Saint-Jean-du-Désert métal, très utiles notamment pour les morceaux de sucre candi.
(Marseille), elle est ornée d'un décor Pour parvenir au sucre « cristallisé », il fallait écraser le sucre à l'ai­
de chinoiserie comme l'aimait
le XVIne siècle. de d 'un maillet en bois, ou par tout autre moyen improvisé. Les
mieux équipés utilisaient un moulin à sucre (ou à épices) ou une
râpe à sucre, en fer blanc. Une multitude d'instruments donc, dont
nombre des exemplaires qui nous sont parvenus remontent au
xvm e siècle et qui sont aujourd'hui des objets de collection.

UN DISTRIBUTEUR DE SUCRE PILÉ


Au XVll e siècle, le sucrier à poudre s'imposa sur les tables
riches, comme l'atteste sa présence dans des natures mortes de
l'époque. On l'appelait aussi « saupoudreuse », « saupoudroir » ou
« poudrière », voire « poudrette ». Il fut intégré au surtout, cet orne­
ment de table apparu à la fin du XVIIe siècle, pour Louis XIV lui­
même, et qui connut une vogue immense durant la première moitié
du xvm e Dans le cadre du service à la française, le surtout regrou­
pait les épices et condiments qui devaient rester en pennanence à la
disposition des convives. Une vignette du livre de François
Massialot, Le Cuisinier royal et bourgeois (1716), nous montre ce
qu 'était le surtout au début du Siècle des lumières: les sucriers à
poudre y avaient leur place aux côtés des salières, boîtes à épices,
huilier et vinaigrier, sur une plate-fonne au centre de laquelle était
placée une terrine (vase) couverte portant les « bras de lumière ». Le
Saupoudreuse « trompe tœil » sucrier à poudre avait également sa place sur les buffets et même
du XVIlle siècle
En faïence du nord de la France, lors des collations dans les jardins.
elle est pourvue d'un trou à sa base C'est un élégant objet, à pans coupés, tronconique ou de fonne
pour le remplissage. balustre, dont le socle est un polygone ou un cercle. Le couvercle
Saupoudreuse Saupoudreuse
de forme balustre de forme balustre
En verre, ori~inaire En étain, elle présente
de France, elle un décor de godrons
est datée du début au piédouche et au couvercle
du XVIIIe siècle. (Strasbourg, XVIIIe siècle).

saupoudreur était parfois fixe, et, dans ce cas, on le remplissait par


le fond, dont un bouchon de liège en fermait l'ouverture. Il donna
lieu à de fort belles pièces d'orfèvrerie. Mais son matériau de prédi­
lection fut la faïence de grand feu. Au gré des modes du Siècle des
lumières, il se para de motifs orientaux, de chinoiseries, de lignes et
volutes évoquant les « ferronneries », ou de thèmes chers au style
rocaille. Furent également réalisés de jolis sucriers à poudre en
verre; ils étaient soit soufflés, soit taillés et parfois rehaussés d 'or.
LUS age du sucrier à poudre tomba peu à peu en désuétude à par­
tir du milieu du XVIIIe siècle. On devait le voir, toutefois , renaître Cuillères à sucre en métal
sous Napoléon III, à la faveur de la résurgence éphémère du surtout. Généralement d'une longueur variant
Sa disparition de la table s 'e)(plique, en fait, par l'adoption du ser­ entre 19 et 21,5 cm,
vice à la russe, pour lequel ce raffinement était superflu. la cuillère à sucre doit une grande
part de son élégance au repercé
de son cuilleron. Au XVIIIe siècle,
les femmes avaient cette décoration
LINDISPENSABLE CUILLÈRE A SAUPOUDRER en charge, et la finesse de leur travail
fit dire de certains repercés qu'ils
En Belgique, on la baptisa « saupoudreuse » , réservant le terme étaient faits « à la dentelle ».
de « saupoudroir» au sucrier à poudre. Apparue vers 1730, elle avait
le double rôle d'agrémenter la table et de permettre de sucrer les des­
serts. Il faut noter que ce même type de cuillère était utilisé à table
pour saupoudrer les aliments de cannelle. La cuillère à sucre fut
d'abord entièrement en argent ou en vermeil, puis, au XIXe siècle, son
manche fut fait d 'ébène ou de bois fruitier noirci. Le cuilleron, plutôt
creux, laissait passer le sucre à travers ses petits trous plus ou moins
finement stylisés; une rainure sur son pourtour empêchait le sucre de
s'échapper lors du saupoudrage. Au XIXe siècle, la démocratisation du
sucre favorisa la multiplication des cuillères à sucre. Leur forme
épousa les modes. D'arrondi, le cuilleron se fit ovale, la plus grande
fantaisie se manifestant au niveau du reperçage . A la Belle Époque et
jusqu'aux années 1930, des cuillères originales furent encore dessi­
nées. Puis l'objet disparut peu à peu , devenu inutile compte tenu de
l'extrême finesse du sucre en poudre moderne.
Détail intéressant, il existait en Angleterre, à l'époque de la reine
Cuillère à sucre en métal
Victoria - et aussi en France -, des cuillères à double usage. Il s'agis­
En France, il nous reste peu

sait de cuillères à thé pourvues, à un bout, d'un cuilleron allongé, et à de pièces d'argenterie, car les fontes

l'autre bout, d'une sorte de plate-forme lisse, rectangulaire ou carrée, de Louis xv, après celles de Louis XIV,

qui servait à écraser les petits morceaux de sucre dans la tasse. épargnèrent peu d'objets.

Du CÔTt DES COLLECTIONNEURS

L
glycophile est, de par l'éthymologie du mot (du grec glukus,
« doux », et philein, « aimer »), « celui qui aime ce qui est doux au
goût ». Sa passion est donc axée sur le sucre et tout ce qui le concer­
ne , notamment son conditionnement. A travers les emballages, il s'in­
téresse à l'histoire du produit et de ses dérivés . Soit le sucre est conser­
vé dans son conditionnement d'origine, soit n'est gardé que l'emballa­
ge. On estime que plus de 25 000 emballages de sucre en morceaux
ou en sachets ont été émis en France, pour 250 000 dans le monde
entier.
Association créée en 1984, le Club des glycophiles de France réunit
donc les collectionneurs d'emballages de sucre, soit, en 1998, plus de
six cent membres répartis dans toute la France. Le club édite des cata­
logues et un bulletin trimestriel, Sa rka ra, réservé à ses adhérents. Des
réunions d'échanges ont lieu régulièrement à Palis et en province. Le
club entretient des relations avec les clubs d'autres pays.

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A ce jour, une centaine de timbres
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ont été émis dans trente pays

producteurs. Les plus anciens

remontent à 1935 (Argentine)

et 1937 (Cuba) .

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«J. m'en vais dans un vaisseau qui ne porte

que moi et huit cents caisses de sucre.

De sorte que si je viens à bon port, j'arriverai

confit,. et si d'aventure, je fais naufrage

avec cela, ce me sera au moins quelque consolation,

de ce que je mourrai en eau douce. »

Vincent Voiture, Lettre à M"e Paulet,


Lisbonne, octobre 1633

Page précédente :
Les plantes du sucre
La nature met en réserve L es hommes ont toujours aimé la saveur sucrée de
le sucre dans la tige de
la canne et dans la racine certaines sèves de végétaux et des fruits, tout comme celle
de la betterave. de sécrétions animales, tels le lait et le miel. La substance
de saveur douce et agréable que nous connaissons sous le
nom de « sucre» est le saccharose, corps cristallisé obtenu
à partir des réserves de glucides contenues dans les
végétaux soumis au cycle photosynthétique, c'est-à-dire
renfermant de la chlorophylle. De nOHlbreux arbres, la
plupart des fruits, les fleurs, les racines,
Ci-contre:
Tige de canne à sucre feuilles et tiges des plantes stockent
Une tige de canne des glucides. Si certaines de ces
renferme de 10 à 15 %
de matières fibreuses,
sources sont exploitées (sirop de maïs
de 12 à 18 % de sucre, aux États-Unis, sucre d'érable au
sous forme de saccharose
et d'un petit peu Canada, sucre de coco en Thaïlande,
de glucose. Un pied etc.), les deux principales sont, à l'heure
de canne donne jusqu'à
20 litres de jus, dont on
actuelle, la canne à sucre et la betterave
extrait 2 kilos de sucre. sucrière.

• •••••
4
Le « roseau sucré»
des Anciens

Ls Anciens connurent la canne à sucre à l'état


sauvage en Nouvelle-Guinée (Saccharum robustum),
ainsi qu'en Inde et en Chine CSaccharum sponta­
neum). Cette graminée présente aujourd'hui plu­
sieurs espèces, de l'hybridation desquelles sont nées
les variétés cultivées , plus robustes et plus résis­
tantes aux maladies. La canne de Chine CSaccharum
chinense) fut introduite de Canton dans le jardin
botanique de Calcutta en 1796 ; c'est la plus riche
en sucre. Originaire de l'Inde, la canne officinale
Fleurs de canne (Saccharum officinarum) est la plus répandue . Elle a généré plu­
Les champs de canne à sucre sieurs variétés, dont: la canne créole, ou canne de Bourbon, l'une
de l'île Maurice émerveillèrent des plus anciennes , elle aussi originaire de l'Inde , la canne de
plus d' un poète. Joseph Conrad
Batavia, ou canne à rubans violets de Java, originaire de l'île de
et Rudyard Kipling comptèrent
parmi leurs admirateurs. Java et surtout utilisée pour la fabrication du rhum, et la canne
Aujourd'hui encore, le sucre d'Otaïti, ou de Tahiti, vigoureuse et très productive, introduite à
est la principale richesse la faveur des voyages de Bougainville et de Cook, notamment.
de l'ancienne Isle de France. La canne a besoin d'une forte humidité et de chaleur tout au
long de son cycle végétatif, alors que sécheresse et fraîcheur favori­
sent sa maturation. Les zones intertropicales et subtropicales
situées entre 35° de latitude Nord et 30° de latitude Sud, au sol
assez riche et meuble , au climat chaud et humide , sont donc ses
lieux de prédilection . Aussi la trouve-t-on principalement au Brésil,
en Inde , à Cuba, au Mexique , aux Philippines, en Afrique du Sud,
en Thaïlande , aux États-Unis et en Australie . En Europe, seuls l'île
de Madère et le sud de l'Espagne en pratiquent la culture .
Cette plante, dont l'aspect n'est pas sans évoquer le roseau, vit
plusieurs années, de quatre à huit ans selon les plantations. Elle
se reproduit par bouturage - les graines, fort peu nombreuses, ne
sont employées qu'en sélection. Le morceau de la tige constituant
la bouture doit compter au moins deux nœuds et mesurer de 30 à
40 centimètres. Une fois mis en terre , il fait l'objet de soins atten­
tifs (sarclages, binages, traitements antiparasitaires , irrigation si
nécessaire, etc.). Une culture bien menée représente , en effet, la
majeure partie du travail sucrier. Un vieil adage colonial ne prétend­
il pas que « le sucre se fait dans les champs» ? A maturité, soit au
bout de douze à quinze mois, la canne atteint 3 à 5 mètres de
hauteur et arbore une belle panicule. Sa tige, marquée de nœuds
où prennent naissance les feuilles, alternes et longues , est d 'un
diamètre variable - jusqu'à 6 centimètres; elle renferme une solu­
tion aqueuse gorgée de sucre, surtout concentrée dans sa partie
basse , la plus proche du sol.

Plantation et boutures de canne


La canne se reproduit facilement
par bouturage au noeud de la tige.
Chaque bouture est recouverte
d'une légère couche de terre humide.
rAI.CllI~IIE DU S UC RE

D'hier et d'aujourd'hui
LA MARTINIQUE
La récolte manuelle, autrefois assurée par les esclaves, pouvait A LA FIN DU XVIIe SIÈCLE
être rigoureusement organisée. C'était le cas au Brésil, où les hommes
coupaient les cannes, tandis que les femmes liaient les bottes, cha­ L
« a canne doit être coupée à sa

cune de douze cannes. Comme l'explique Antonil en 1711, «chaque maturité, sinon le suc qu'elle donne

esclave a pour obligation de couper en une journée sept mains de n'est pas de bonne qualité. [...]

cannes, à raison de dix bottes chaque doigt, soit trois cent cinquante Lorsque le moment est venu de la récolte,

bottes et chaque femme doit en amarrer autant ». Il n'en était pas de on dispose, en frontière du champ, un rang

même aux Antilles , où le travail à la tâche ne fit son apparition qu'en de nègres munis de serpes et ils avancent

1850, après l'abolition de l'esclavage. en ligne en disposant derrière eux les cannes

La récolte ne manquait alors ni de gaieté ni de couleurs. Les coupées en deux ou trois morceaux.

ouvriers cernaient le champ de cannes et abattaient les plants à Ces derniers sont ramassés et liés en paquets

l'aide d'un coutelas, jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un bouquet au qui sont chargés à leur tour sur

milieu de la « pièce ». « La coupe d'une pièce de cannes dure plu­ des charrettes qui les portent aux moulins.

sieurs jours et s'exécute au carillon de gaies chansons. Mais, dès le Ceux-ci servent à broyer la canne pour

second jour, pendant qu 'une partie de l'atelier taille en plein dans en extraire le sucre. Ils sont mus soit

ces petites forêts de cinq ou six pieds de haut, l'autre moitié ras­ par l'eau, le vent ou les bœufs.

semble les cannes en paquets ou gerbes, qu'elle charge sur des La sucrerie proprement dite est une grande

mulets bâtés ou sur de pesantes charrettes attelées de bœufs mugis­ salle située à côté du moulin. C'est là où sont

sants . Les muletiers en croupe partent au galop, faisant claquer leur attachées les chaudières dans lesquelles

fouet, et à la file les uns des autres. Du champ de cannes au mou­ on reçoit, on purifie et on réduit

lin, où mulets et charrettes viennent jeter leur charge, c'est un va-et­ en sucre le suc des cannes.

vient continuel, une espèce de chaîne sans fin, un tumulte inces­ Les chaudières au nombre de cinq ou six sont

sant, un brouhaha de chants, de cris, de jurons, de claquements de en cuivre rouge et sont chauffées avec le bois

fouets , de hennissements de mulets et de chevaux, de beuglements ou avec les feuilles des cannes abattues.

de bœufs. Les muletiers qui partent apportent au moulin la chan­ Chacune d'elles a son nom suivant

son de l'atelier, et rapportent à l'atelier la chanson du moulin ... Et sa fonction. Il y a la grande, la propre,

quelles chansons! et quels chœurs! des notes à casser la voix! des la lessive, le flambeau, le sirop et la batterie.

mélodies à briser le tympan ! des mesures à mettre en branle tous A chaque passage, le suc, grâce à la chaux,

les danseurs de la terre! » (La Semaine des enfants, 7 avril 1860 .) la lessive et la cendre, s'épure peu à peu

et blanchit. Il y a également d'autres

ustensiles, par exemple le rafraÎchissoire,

Comme hier. .. transport le bec de Corbin, l'écumoire, les couteaux

des cannes au moulm


à sucre, les louchers.

Le recours aux attelages


de bœufs ne survit que Mais pour faire un bon sucre, il ne suffit pas

dans les contrées de les avoir tous. Il faut surtout toute

où la culture reste la science du raffineur qui doit savoir arrêter

éminemment artisanale . . . la dernière cuisson en fonction de la qualité

Dans les colonies françaises,


et de la maturité des cannes.

ces charrettes étaient autrefois


Lorsque le sucre est complètement épuré,

appelées « cabrouets ».
on le met dans des formes qui contiennent,

après écumage, environ vingt

à vingt-deux livres. La culture et

Aujourd'hui. ..
Des camions apportent la raffinerie du sucre sont d'un excellent

les cannes à l'usine. rapport, environ cinq fois plus

lei, au Brésil. qu'une terre cultivée en Europe. »

R. P jean-Baptiste Labat,
Nouveau Voyage aux Iles de l'Amérique, 1722

••••
Aujourd'hui, les choses ont bien changé ... Si la coupe
est encore manuelle dans les plantations traditionnelles ou
dans les régions à relief accidenté , elle est mécanique dans
des pays industrialisés tels les États-Unis et l'Australie. Le
rendement va de 40 tonnes à l'hectare dans les premières
jusqu'à 350 tonnes dans les seconds. La première récolte,
celle dite « des cannes vierges », s'effectue environ un an
après la plantation. Les récoltes suivantes, celles des
repousses successives, interviennent douze mois après la
coupe précédente. La période de la récolte et sa durée
varient, en fait, suivant les conditions climatiques. Aussitôt
récoltées, les cannes, qui ne souffrent pas d'attendre, sont
transportées à la sucrerie où elles doivent être traitées dans
les trente-six heures au plus.

Les lTIoulins à sucre d'antan


La fabrication du sucre de canne resta longtemps rudi­
mentaire. Les cannes récoltées s'amoncelaient devant un
moulin. On se les passait de main en main jusqu'aux
cylindres, qui les broyaient pour en extraire le jus. Le moulin
à eau, actionné par une roue à aubes, permettait une produc­
tion importante, alors que le moulin à bêtes était d'un rende­
ment médiocre. C'est pourtant surtout ce dernier qui est resté
dans les mémoires, peut-être en raison du pittoresque spec­
tacle qu 'il offrait. Des chevaux ou des bœufs au Brésil, des
mulets aux Antilles . . . Généralement, les femmes approvision­ En haut:
naient le moulin en cannes, les hommes étant chargés de la Coupe des cannes en Chine
La récolte de la canne à sucre, telle qu'autrefois.
fabrication du sucre.
A l'occasion de son voyage en Inde (1776), le comte Louis En bas :
de Féderbe de Modave constata que la manipulation en était Récolte des cannes au Brésil
extrêmement simplifiée par rapport à ce qui se passait au Adaptée à notre temps, la récolteuse est une machine
Brésil ou au Mexique ; il livra une intéressante description de sophistiquée qui coupe, écime, tronçonne, nettoie
son fonctionnement: « Deux bœufs conduits par un homme, et charge les cannes sur une remorque.
une femme qui a soin de recevoir la liqueur et de placer les
cannes dans le moulin conduisent ici cette machine sans
LA SOUFFRANCE DES CANNES•••
aucun de ces inconvénients funestes qui sont si communs
dans nos moulins à sucre. [... ] Les moulins ne sont autre « C'est ligotées qu'elles quittent la cannaie.

chose qu'un bloc de pierre de 3 à 4 pieds d 'épaisseur, qu'on Ainsi prisonnières on les transporte dans des

arrondit et qu 'on creuse de manière que ces moulins ressem­ cabrouets à la vue même de leurs sœurs, filles de la

blent à de gros mortiers à bombes, ayant une chambre comme même terre, tels les condamnés qui, dans les fers,

sont conduits à la prison ou au lieu de leur supplice,

les mortiers . On y met debout les paquets de canne à sucre,


souffrant la honte en eux-mêmes et inspirant la

laissant assez d'intervalle pour y placer un rondin de bois de terreur à tous. Une fois rendues au moulin et

4 pouces de diamètre et de 15 pieds de long. Ce rondin est engagées entre les rouleaux, ne sont-elles pas

posé droit, et au bout d'en haut on attache une corde que obligées de livrer, et avec quelle force, toute la

deux bœufs tirent en tournant, faisant tourner le rondin . Il substance qu'elles renferment J

écrase les cannes par son mouvement circulaire, et la Avec quel mépris ne lance-t-on pas à la mer leur

liqueur qui en découle sort par un trou qui est au bas de la corps écrasé et mis en pièces J Avec quelle cruauté

ne brûle-t-on pas leurs bagasses J »

pierre, où on la reçoit dans des panettes de terre. Ce mécha­


joe Antonil, Cultura e Opulencia do Brasil, 1711
nisme, tout grossier qu'il est, n'empêche pas qu'ils ne fabri­
quent d 'assés bon sucre et en grande quantité. ~~
L'ALCHIMIE DU SUCRE

Hors les animaux et l'eau, le vent fut aussi utilisé pour L'habitation, avec son moulin
mettre en mouvement les moulins. Ce procédé, appliqué aux à sucre et sa chaudière
Antilles à partir des années 1730, ne connut qu'une courte Cene peinture naïve haitienne
existence. Les moulins à presser la canne à sucre devaient, restitue l'atmosphère haute
en couleur de 1'« industrie»
d'ailleurs, suivre l'évolution technologique. La vapeur prit le
sucrière de naguère.
pas au xrx.e siècle, simplifiant le travail des hommes. Puis vint
le moteur. .. La presse « à l'ancienne» ne survit que dans les
régions rurales reculées.
Le feu qui nettoie avant la récolte
Dans de nombreux pays, les champs de canne
sont encore brûlés avant la récolte pour débarrasser
les tiges de leurs feuilles sèches.

LE SUCRE AU XVIIIe SIÈCLE

Le sucre moulé et grossièrement coupé au couteau


avait nom de moscovade grise, ou « sucre des Isles
non atteré ". Il était utilisé pour la confection de sirops
et de confitures dites « rouges ",
parce que faites avec des fruits rouges.
Mais, surtout, il servait de base à la fabrication
d'autres sucres. Clarifié et moulé en pains, il donnait
Des lllachines perforlllantes
le sucre de 7 livres qui, paradoxalement, était
A l'usine, les cannes sont soumises à différents traite­ d'un poids supérieur à cela et qui avait la faveur
ments mécaniques. Les coupe-cannes les débitent en mor­ des maisons bourgeoises. Le sucre de 7 livres pouvait être,
ceaux. Le défibreur, moulin à deux cylindres, les broie et les lui-même, fondu et moulé en petits sucres.
défibre . Le schredder, ou hacheur, termine leur désintégration plus ceux-ci étaient petits, plus ils étaient chers.
avant le passage aux moulins. La batterie de moulins en exprime Ifs étaient utilisés pour les « confitures blanches"
le jus - soit 92 à 96 % du saccharose qu'elles contiennent. et s'offraient en cadeau.
Le jus obtenu, trouble et coloré, contient de 80 à 85 % Quand la moscovade grise était clarifiée, filtrée,
d'eau, de 10 à 18 % de saccharose, de 0,3 à 3 % de sucres cuite « à la plume" et moulée, on obtenait
réducteurs (glucose et lévulose) et de 0,7 à 3 % d'impuretés la cassonade. Dans son Histoire des drogues (1735),
le sieur Pomet en commente la fabrication .'
diverses. Pour éliminer ces dernières, le jus passe sur un tamis
« Après que le sirop est égoutté, on met sur le sucre
(épulpeur) avant d'être filtré, puis traité.
l'épaisseur d'un pouce de terre glaise détrempée dans
Quant au résidu ligneux de la canne (bagasse), il est pressé
de l'eau, afin que l'eau qui est dans la terre passe
dans des moulins de plus en plus puissants, avant et après
au travers du sucre, et entraÎne avec elfe ce qui
imprégnation d'eau, et donne encore du jus; pratiquement
pourrait y être resté de sucre gras et vilain.
épuisée au terme de l'opération, la bagasse ne représente plus
Lorsqu'il n'en découle plus rien et que la terre
que 24 à 30 % du poids de la canne et présente un pouvoir
de dessus est sèche, on retire le sucre des moules,
calorifique très élevé. D'où son utilisation comme combustible
on coupe les" pains" en trois, c'est-à-dire qu'on met
pour les chaudières de sucrerie. Mais ce résidu est aussi utilisé le bas du pain d'un côté, le milieu d'un autre,
pour la fabrication de panneaux ligneux, d'isolants thermiques et le bout d'un autre, ou pour mieux dire
et de pâte à papier, notamment. les" Amériquains " font d'un pain de sucre trois sortes
[extraction du sucre se révèle particulièrement délicate du de " cassonades ': que l'on distingue par" cassonades
fait des impuretés que comporte le jus et du risque de trans­ de bas de pain, du milieu et de la tête ". Cette dernière
formation en un mélange de glucose et de lévulose qui empê­ est la plus commune. " La cassonade la plus recherchée
cherait la cristallisation . Aussi le jus est-il chaulé, de façon que était alors celfe du Brésil, au goût de violette.
se forme un précipité qui entraîne les impuretés, puis porté à Enfin, la chypre, ou « sucre rouge" était, comme
ébullition (lOS OC) et décanté - les « boues» se déposent au l'explique le sieur Pomet, « une espèce
fond, laissant un jus clair en surface. Ce jus, clarifié, est de " moscovade " que l'on forme en " cassonade ':
concentré par évaporation ; perdant 75 % de son eau , il laquelfe est faite du sirop des" sucres de 7 livres ':
devient un sirop de teinte chocolat. Les boues sont désucrées, de la même manière que l'on fait les autres sucres ".
et leur résidu sert d'engrais. Sans doute gris rougeâtre, la « chypre" n'était pas
A partir de ce stade, on utilise, pour la concentration et la façonnée en pain. Elfe était notamment employée
cristallisation, les mêmes méthodes et les mêmes appareils que par les oubloyers.
pour le sucre de betterave.

~ . ....

52
LAL CllltvllE DU SI ICRE

La racine sucrée
des telTIps lTIodernes
Plante des contrées littorales d'Europe du Nord, la
betterave sauvage (Beta maritima) ne possède qu'une
petite racine . La culture a pennis d'en améliorer le
volume et la teneur en sucre. Cette optimisation reste,
d'ailleurs, une constante des recherches agriculturales ;
l'initiateur en fut Louis de Vilmorin, dans les années
1850. Les variétés cultivées descendent, en fait, de la
« blanche de Silésie» sélectionnée par Achard. Laquelle
s'est, d'abord, essentiellement développée dans les
régions septentrionales comme la France, la Belgique et la
Prusse. Il est intéressant de noter qu 'à la fin du ~ siècle
la betterave blanche à collet vert, la plus recherchée, fut
délaissée dans le nord de la France pour la simple raison
que, des commandes de cette variété leur ayant été pas­
Le laboratoire sucrier de la nature
sées, certains vendeurs avaient livré des betteraves de moindre Sous l'effet du soleil et de l'eau, le sucre
qualité, mais d'apparence comparable. Pour éviter que la se forme dans les feuilles de la betterave
fraude ne se renouvelât, les cultivateurs préférèrent adopter la par synthèse chlorophyllienne.
betterave blanche à collet rose, certes moins riche en sucre,
mais dont la couleur n'autorisait aucune substitution.
Avec la bette, la betterave rouge (ou betterave potagère) et
LE SUCRE AU DÉBUT

la betterave fourragère , la betterave sucrière (ou betterave


DU XX e SIÈCLE

industrielle) appartient à l'espèce Beta vulgaris, elle-même rat­


tachée à la famille des chénopodiacées. Elle se caractérise par Le sucre royal était encore un sucre de luxe, dur,

sa racine conique et charnue, sa chair blanche et son collet transparent et d'une belle cristallisation.

plat. Le bouquet foliaire qu'elle développe élabore le sucre La dénomination était souvent précisée,'

grâce à la fonction chlorophyllienne; celui-ci se concentre « sucre royal de Hollande ». On utifisait

ensuite dans la racine, surtout dans la partie renflée. La racine ce sucre de première quafité pour l'eau sucrée,

se fixe dans le sol grâce à ses radicelles latérales et à une racine les gelées et les sirops.

principale (pivot) qui peut pénétrer jusqu'à 2 mètres de pro­ L'appe{{ation « sucre royal » fut aussi utilisée,

fondeur. Ce développement considérable en fait une plante comme synonyme de « glace de sucre »,

« nettoyante» : « Le sol conserve le souvenir de la betterave », pour désigner « les parties les plus fines

dit-on. En effet, le rendement des céréales (blé, notamment) du sucre pilé qu'on fait passer à travers un tamis

qui lui succèdent croît de façon notable. C'est la raison pour en soie ou tambour » (Émile Dumont).

laquelle on la place souvent en tête d'assolement. Cette glace de sucre était employée

La betterave requiert une terre profonde, riche , argilo-limo­ pour les pasti{{ages et les glaces au blanc d'œuf

neuse, légèrement alcaline, ainsi qu'un climat tempéré et une Le lumps, de quafité inférieure

relative humidité d'avril à septembre. On la trouve donc dans à ce{{e du sucre royal de Ho{{ande,

les régions tempérées, jusqu'à 30° de latitude Nord. Le semis présentait un plus grand pouvoir sucrant

intervient entre le 15 mars et le 15 mai au plus tard. Les que celui du sucre blanc et donc, à prix égal,

se révélait plus économique.

graines sont enterrées à une profondeur de 2 à 3 centimètres,


La cassonade jaune, de bonne qualité,

dans un sol bien préparé et bien fumé, suivant des lignes espa­
avait l'avantage de bien sucrer

cées de 45 centimètres - ce qui peut donner jusqu'à cent mille


et d'être moins coûteuse que le sucre raffiné.

racines à l'hectare. Naguère, le ~~ démariage » consistait à espa­


E{{e se différenciait de la cassonade blanche,

cer les plants, de façon que le peuplement assure un rende­


faite de sucres tombés - le quafificatif

ment sucrier optimal. Il n'est presque plus pratiqué, en raison


tombés désignait les sucres mal crista{{isés.

de la précision des méthodes de semis et de l'emploi de


grames monogennes.

.... ~
Une extraction simplifiée
Végétal bisannuel, la betterave constitue dans sa racine,
la première année, des réserves de sucre qu'elle utilise au
cours de la seconde année, pour sa phase reproductive. La
récolte intervient donc la première année, à la fin septembre,
et couvre quatre-vingts à quatre-vingt-dix jours pour s'achever
avant les grands froids. Aussitôt arrachées, les betteraves sont
mises en silos en bout de champ. Elles sont reprises aussi vite
que possible par les usines pour minimiser les inévitables
pertes de sucre en silos.
La méthode d'extraction du sucre était autrefois rudimen­
taire ; elle se faisait par râpage et pression. « Les betteraves,
après avoir été lavées, sont poussées par un ouvrier contre une
râpe animée d'une très grande vitesse; par là elles se trouvent
divisées en parties très ténues; on en amasse de grandes quan­
tités dans des sacs de toile que l'on presse très fortement, et
dont le jus s'écoule », lit-on dans un numéro du Magasin pit­
toresque de 1835. Les sacs, séparés par des claies d'osier,
étaient entassés les uns sur les autres, puis comprimés forte­
ment à l'aide d'une presse hydraulique. Une fois le jus
exprimé, la pulpe contenue dans les sacs était imprégnée de
vapeur d'eau et subissait une seconde pression, de façon à
retirer le maximum de jus sucré.
Aujourd'hui, les betteraves sont d'abord traitées Gavage,
épierrage, épaillage), afin d'être débarrassées de la terre, des
pierres, des feuilles, des herbes et radicelles qui restent accro­
chées à elles et d'être présentées propres à la pesée. Celle-ci
s'effectue avant le découpage des betteraves en fines lamelles
(cossettes) par des « coupe-racines ». Les cossettes sont longues
de 5 à 6 centimètres et épaisses de 3 à 4 millimètres.
Puis l'extraction du sucre est réalisée par diffusion, procédé
inventé en 1868. Le sucre se diffuse des cellules des cossettes
dans une circulation d'eau chaude (70-80 OC), dans un grand
En haut : appareil (diffùseur) où elles avancent lentement à contre-cou­
Une culture écologique rant. Le jus sucré se concentre progressivement et sort à une
La betterave récupère, au cours de sept mois extrémité du diffuseur, tandis que les cossettes épuisées
de culture, 50 % de }'énergie absorbée par ses feuilles (pulpes) sont récupérées à l'autre bout pour l'alimentation du
et produit 13 millions de litres d'oxygène à l'hectare.
bétail. Le jus brut recueilli, noir grisâtre, est composé de 13 à
14 % de sucre, de 1 à 2 % d'impuretés, et d'eau pour le reste.
Lélimination des impuretés s'opère par le chaulage, qui en
Au centre: précipite une partie et laisse le sucre en suspension, puis par
Une récolte mécanisée la carbonatation (90 OC) avec du dioxyde de carbone qui en
Le rendement à l'hectare est de 60 tonnes
entraîne encore, et enfin par la filtration qui donne un jus clair.
de betteraves et de 10 tonnes de sucre.
Ce dernier est soumis à une nouvelle carbonatation et à une
nouvelle filtration; il se présente alors comme une solution
sucrée limpide, de couleur jaune paille, composée d'environ
En bas:
13 % de sucre, 1 % d'impuretés dissoutes et 87 % d'eau.
Une diffusion continue
Leau est ensuite éliminée par évaporation sous vide. Le
Le jus sucré est extrait des betteraves découpées
en « cossettes » dans cet immense cylindre sirop obtenu, très dense et jaune-brun, contient de 60 à 75 %
compartimenté et tournant. de saccharose.

54
Des dénolllinateurs COlllllluns,
cristallisation et évaporation
Qu'il soit de canne ou de betterave, le sirop sucré subit
ensuite des traitements identiques. Afin de cristalliser, il doit
être concentré au point de sursaturation. Aujourd'hui, les
machines les plus modernes effectuent ce processus et évi­
tent les pertes d'antan .
Comme l'explique, à propos du sucre de canne, cet article
paru dans Le Journal de la jeunesse, en 1908, « la fabrication
du sucre de canne est restée bien longtemps tout à fait pri­
mitive. [... ] Lévaporation s'effectuait à l'air libre, dans des
chaudières rappelant beaucoup, sauf par leurs proportions ,
En France, la première sucrerie
les bassines où les ménagères font cuire leurs confitures ; les de betterave du monde
mélasses conservaient une proportion considérable de sucre, Vue intérieure de la sucrerie
que l'on ne savait ni ne pouvait extraire avec ces méthodes si de Connantre (Aisne).
primitives. Le fait est que, sur les 200 kg de sucre que
contiennent 1 000 kg de canne, on en obtenait tout au plus
65 kg ! C'était une véritable dilapidation ».
Loin de ces souvenirs artisanaux, la cristallisation se fait
désormais dans des chaudières « à cuire » (cuites), qui fonc­
tionnent sous vide partiel, à une température de 80 oC, pour UN GÉANT DU SUCRE
éviter la caramélisation. Les cristaux de sucre apparaissent et
se multiplient dans la « masse cuite ». Celle-ci finit par être TrOis firmes - Say (1812), Béghin (1821)
constituée d'un ensemble de petits cristaux presque inco­ et Eridania (1899) - sont aujourd'hui réunies
lores enrobés d'une solution sursaturée (eau mère ou égout), en un important groupe agroindustriel,
chargée de toutes les impuretés. sous le nom d'Eridania Béghin-Say,
et constituent l'une des premières entreprises
Mais les cristaux doivent continuer de grossir. La cristal­
du secteur sucrier de l'Union européenne.
lisation se poursuit pendant le refroidissement de la masse
Chaque année, Ceresucre, qui coordonne
cuite dans la cuve de malaxage, où sa température tombe à
les activités sucrières du groupe, transforme
45-50 oc. De là, la masse est transférée dans des sortes de
16,5 millions de tonnes de betteraves
turbines (essoreuses) où , sous l'effet de la force centrifuge, les
et produit environ 2,4 millions de tonnes de sucre.
cristaux de sucre sont séparés de l'eau mère . Ainsi obtient­
En outre, Eridania Béghin-Say est le principal

on le « sucre de premier jet », un sucre cristallisé, très blanc


producteur européen d'alcools de fermentation,

dans le cas de la betterave , roux dans celui de la canne à


avec près de 1 million d'hectolitres par an.

sucre (il est, d'ailleurs, baptisé « sucre roux »). Lavé par une
Béghin-Say est le leader du marché français du sucre

pulvérisation d 'eau et de vapeur - on dit qu'il est « claircé »


avec 32 % de la consommationindustrielle

-, le sucre cristallisé est ensuite séché à l'air chaud dans des


et 40 % de la consommation des foyers.

séchoirs rotatifs , avant d'être refroidi et stocké. Les tech­ Elle assure aussi quelque 30 % des exportations

niques modernes permettent aujourd'hui d 'obtenir directe­ françaises de sucre. La société compte dix sucreries,

ment en sucrerie du sucre très pur. trois unités de conditionnement

Leau mère qui sort de l'essoreuse (égout de premier jet) et une raffinerie de sucre de canne.

contient encore beaucoup de sucre; elle est donc soumise Sa production annuelle de sucre s'élève

de nouveau à une cuisson, un malaxage et un essorage. Il en à environ 1,5 million de tonnes.

ressort un sucre moins pur, plus teinté , dit « sucre de De son côté, Eridania, qui dispose

deuxième jet ». Enfin, l'eau recueillie (égout de deuxième de onze unités de production en Italie,

jet) est traitée de la même façon pour l'obtention d'un couvre, avec ses quelque 800 000 tonnes annuelles,

« sucre de troisième jet », de moindre qualité, dont l'eau plus de la moitié du marché italien du sucre.

(égout de troisième jet) constitue la mélasse - celle-ci


contient 50 % de son poids en sucre incristallisable.
Le raffinage, cOIllpléIllentaire
de la sucrerie
Qu'il s'agisse des sucres roux de canne ou des sucres bruts de betterave, les cristaux
contiennent encore beaucoup d'impuretés , que le raffinage a pour but d 'éliminer. On pro­
cède d'abord à des opérations d'affinage, c'est-à-dire, successivement, un brassage du sucre
avec un sirop chaud, saturé de sucre (sirop d'empâtage), un essorage dans des turbines pour
séparer les cristaux du sirop et un lavage à l'eau, à la vapeur ou par un sirop pur. Le sucre
ainsi affiné subit alors une refonte : il est dissous dans de l'eau chaude. Le sirop de refonte
est ensuite clarifié, filtré et décoloré. La purification du sucre brut se faisait autrefois au
moyen de charbon animal et de sang de bœuf. Les raffineries d'aujourd'hui utilisent les
échangeurs d'ions.
Intervient enfin la cristallisation de ce sirop épuré. Le processus est le même qu'en sucre­
rie. Seule la terminologie change .. . Les chaudières sont appelées « clairces à cuire les raffi­
nés », la masse est dénommée « masse cuite de raffiné », les eaux mères récupérées sont
qualifiées de « sirops verts », en raison de leur couleur. Quant au résultat, c'est ce que
naguère on appelait « raffinade », une « espèce de sucre, le plus pur et le plus beau de toUS» ,
comme le définissait Littré.

Évaporation et cristallisation
Le jus sucré se transforme en sirop dans
les chaudières d'évaporation et cristallise,
après sursaturation, dans les chaudières de cuite.

Une montagne de sucre blanc


Après séchage, le sucre est
entreposé en vrac, jusqu'à son
utilisation, dans d'immenses silos.

Les cristaux de sucre


Ici, vus au travers
du hublot de
l'appareil à cuire.

56
La teneur en saccharose Morceaux de sucre
en continu
Le sucre blanc, de betterave ou de canne, contient au moins 99 ,7 % de saccharose, Le façonnage du
généralement pur à 99,8 %. De son côté, le sucre roux, de canne ou de betterave également, sucre en morceaux et
son conditionnement
comporte entre 85 et 95 % de saccharose. La réglementation de l'Union européenne com­
sont assurés
plète cette évaluation internationale par des critères de qualité supplémentaires (blancheur, automatiquement
coloration en solution, teneur en cendres) et distingue ainsi, pour le sucre blanc produit du montage de
dans les pays membres, quatre niveaux de qualité. Le sucre nO l, souvent appelé « sucre la boîte à
raffiné » , est le plus pur; vient ensuite le nO 2. Ces deux premiers standards renferment plus l'emballage final.
de 99,8 % de saccharose pur, alors que le nO 3 en contient plus de 99,7 %, et le nO 4 plus
de 99,5 %. Ces deux dernières catégories ne sont pratiquement plus produites dans l'Union
européenne.

Un sous-produit précieux
« La mélasse est une substance vile, objet du mépris de tous, excepté des écoliers, qui
s'en régalent et s 'en barbouillent, et des épiciers, qui en m ettent dans leurs confitures. Elle
est heureusement susceptible d'une transformation qui la rend tout à fait méconnaissable ;
car, fermentée, elle devient une liqueur fort estimée des colons et encore plus des nègres:
le rhum qui, sous le nom de tafia, remplace sans désavantage pour eux l'eau-de-vie et les
diverses liqueurs de fantaisie qu'on prépare en Europe » , écrivait Arthur Mangin dans Les
Plantes utiles, en 1886. Cette utilité de la mélasse, résidu sirupeux de la cristallisation du
sucre, s'est élargie depuis lors, et elle est récupérée aux fins les plus diverses. Elle entre dans
la composition de la nourriture destinée aux animaux. Sa fermentation donne un alcool
éthylique, utilisé dans l'industrie. Ses applications alimentaires concernent surtout la pro­
duction de spiritueux et de vinaigre. Dans le domaine chimique, cet alcool est utilisé pour
la fabrication de parfums, cosmétiques, médicaments , peintures, vernis, détergents, encre,
etc. Enfin, la mélasse est également employée depuis des décennies pour la production de
levure de boulangerie.
Les dérivés de l'usinage
La protection de l'environnement est, depuis les années 1970, une préoccupation
constante des industriels du sucre. La culture betteravière l'a intégrée à ses pratiques.
La fabrication du sucre la prend également en compte en réduisant au minimum les
déchets générés par l'extraction du saccharose, lesquels déchets sont ensuite récupérés,
voire recyclés.
Après le lavage des betteraves, les débris végétaux, tels que mauvaises herbes et
feuilles , sont utilisés par les agriculteurs . Tout comme les pierres rejetées peuvent servir
à l'empierrement de chemins ou de routes . Mais l'eau boueuse de ce nettoyage com­
porte encore des morceaux de feuilles, de tiges et de chair de betterave; on les isole, les
lave et les commercialise comme aliment pour le bétail. En outre, après décantation
dans un bassin de sédimentation, cette eau sert pour un autre lavage, et ainsi, sans fin .
Quant à la terre adhérant aux betteraves et recueillie au fond du bassin, elle est de
bonne qualité et retourne aux champs. Une fois le jus extrait, la pulpe pressée, telle ou
comprimée après séchage, constitue un bon aliment pour le bétail. Enfin , l'écume de
sucrerie qui résulte de la précipitation du carbonate de calcium - on l'appelait autrefois
« écume de carbonatation » - est pressée dans d'énormes filtres-presses à membranes,
de façon à récupérer le maximum de jus sucré. Rendu compact, ce précipité constitue
un excellent engrais calcaire pour l'agriculture.

DES BOISSONS D'HIER ET D'AUJOURD'HUI

A la fin du XVIIe siècle, les trauailleurs des sucreries des Îles

appréciaient particulièrement une boisson, du nom de « grappe ". Comme

l'explique le père Labat, « c'est du jus de canne qu'ils prennent dans la

seconde chaudière où il a été passé par le drap ou du moins bien écumé.

Ils y ajoutent le jus de deux ou trois citrons et le boiuent tout chaud.

Cela est parfaitement bon pour la poitrine, les soutient et les désaltère ".

Le même religieux nous apprend que l'eau-de-uie obtenue par distillation

à partir des écumes et sirops du sucre, et appelée « guildiue " ou « tafia ",

connaissait une faueur comparable, sinon supérieure. « Il leur suffit, dit-il,

que cette liqueur soit fort uiolente et de bon marché. Il leur importe peu

qu'elle soit rude et désagréable. " Un alcool redoutable auquel, à l'époque,

Anglais et Espagnols prirent, semble-t-il, goût. ..

En Inde, nous dit Jean Law de Lauriston dans son Mémoire sur quelques

affaires de l'Empire mogo!, écrit en 1763, la faueur allait autrefois à

« une espèce de Jagre (sucre brut extrait du palmier) qui est un sucre noir

tiré de certaines cannes beaucoup plus minces que celles dont on tire

le sucre blanc, et qu'on fait bouillir auec d'autres ingrédients ".

o100 cl. Au Brésil, l'alcool de canne traditionnel a nom cachaça.

Associé à du sucre et du jus de fruit (citron ou maracuja, en général),

GIE RHUM 1 DE LA REUNION

il donne une boisson très appréciée, appelée batida.

PRODUIT NATUREL DE BOURBON

héros de Jorge Amado, par exemple, en consomment,'

« Ce Raimundo Alicate, protégé des Guedes, suppôt du capitéio, était

Noble dérivé de la canne un personnage populaire dans la région ,'

Fleuron des Antilles et de la Réunion,


en plus de planter la canne à sucre, il uendait des cachaças, quelques-unes

le rhum agricole est l'eau-de-vie


résultant de la fermentation dites aphrodisiaques, des élixirs, reuigorants sûrs, d'éternelle jeunesse,

et de la distillation du jus de canne. à réueiller un mort... ", lit-on ainsi dans Tereza Batista.

Le rhum industriel provient,


quant à lui, de la transformation de la mélasse .

• • • •• •
58
L'ALCHI,\IJE Dl! SU CRE

UNE SUCRERIE MAIRQUÉE

PAR L'HISTOIRE •••

A u tournant du troisième millénaire, en un temps

où la fabrication du sucre est désormais entre les mains

de grands groupes industriels, l'Auvergne conserve,

à travers une sucrerie indépendante, le souvenir de

la destinée mouvementée du sucre dans la France du

Xlxe siècle. C'est, en effet, en 1837 que le comte de Morny

se rendit acquéreur du domaine de Bourdon sur

les 23 hectares duquel la famifle Dumay cultivait la

betterave depuis 1812 et qui comportait, depuis 1835,

semble-t-il, une fabrique de sucre en difficulté.

Sans doute fut-il conseillé pour cet investissement

à la fois par son ami Benjamin Delessert

La betterave de Limagne et par sa maÎtresse Mme Le Hon,

Elle est réputée pour sa productivité.

D'un mètre carré de surface cultivée,


propriétaire de terres dans la région.

on extrait plus d'un kilo de sucre.


Quoi qu'il en soit, ainsi devenu capitaine d'industrie,

Morny réorganisa l'établissement, procéda

à sa restructuration architecturale et l'équipa

de machines perfectionnées, avec pour objectif

une production quotidienne d'environ 75 tonnes.

L'essor de l'entreprise se fit sur fond de tumulte sucrier.

Dans la guerre entre canne à sucre et betterave,

Morny devint, dès 1838, le porte-parole des producteurs

du Puy-de-Dôme, puis, devenu député de

ce département,il fit front, aux côtés de Thiers,

lors du houleux débat à l'assemblée, en 1843,

contre les coloniaux soutenus par Lamartine.

La Sucrerie de Bourdon sortit indemne de la rivalité.

Qui plus est, l'influence politique de son propriétaire,

fait duc par l'empereur Napoléon III, son demi-frère,

Un « site de goût »
contribua largement à son succès.

Sur la commune auvergnate d'Aulnat,


En 1865, lorsque Morny mourut, elle était devenue

la Sucrerie de Boutdon
la plus importante sucrerie de France.

au début du siècle.
Elle comprenait une usine pour l'extraction du sucre,

une raffinerie de sucre en pains

et une distillerie d'alcool.

Mais Morny avait vu trop grand. Son association,

en 1852, avec Herbet et Hamoir (inventeur du procédé

de séchage des cossettes fraÎchement arrachées)

se solda par un échec. L'entreprise allait être

tour à tour reprise et transformée ... jusqu'à ce que,

dans les années 1970, pour la sauver d'une éventuelle

fermeture, un groupe de betteraviers de Limagne

la rachètent. Grâce à leur ténacité,

la Sucrerie de Bourdon, devenue coopérative agricole en

1978, produit à l'heure actuelle quelque 30 000 tonnes

de sucre et 65000 hectolitres d'alcool par an.

• ••••
D'AUTRES SUCRES. • •

Les sources du sucre ne manquent pas.


La sève du bouleau contient du sucre, et
certaines contrées du Nord y ont eu
recours. Il y a aussi la carotte et des cucur­
bitacées comme le potiron, qui ont fait l'ob­
jet de recherches. Sur la châtaigne, des
expériences furent tentées à l'époque du
Blocus continental; un chimiste de
Livourne, du nom de Guerrazzi, parvint à
en extraire 14 % de moscovade cristallisée.
Toutefois, la teneur en sucre de ces végétaux
ne justifie pas une exploitation industrielle.
Plus intéressant est le maïs, qui renferme
également dans ses tiges du sucre cristalli­
Le sucre issu sable. Celui-ci n'est valable qu'à condition que le cycle végétatif de la
de l'amidon de maïs graminée ne soit pas complet ; il faut donc couper les fleurs dès
Aujourd'hui, les États-Unis
qu'elles commencent à se former. Quelques pays pratiquent la récu­
consomment les trois quarts
de l'isoglucose vendu dans le monde. pération du sucre de maïs, les États-Unis notamment. En Louisiane,
Cette consommation n'est inférieure où le maïs tient un rôle prépondérant dans l'agriculture, une espèce
que de 10% à celle du sucre. spécifique, sugar corn (<< maïs sucré ») se révèle d'un rendement com­
parable à celui de la canne à sucre. D'autre part, par hydrolyse de
l'amidon de maïs et transformation d'une partie du glucose contenu
en fructose, on obtient un sirop de glucose à forte teneur en fructose,
Le sucre de palmier ou isoglucose. Par ailleurs, dans certaines régions montagneuses
Les Indiens fabriquent ce sucre
d'Asie, il était naguère d'usage de broyer les tiges de maïs. Mais,
selon des méthodes ancestrales.
compte tenu des moyens d'extraction rudimentaires, le produit obtenu,
finement écrasé et délayé, donnait un sucre de qualité très moyenne .

DES PALMIERS SACCHARIFÈRES


L sucre de palme est d'une saveur fort agréable. Il est extrait
d'une variété de palmier qui se plaît en Asie tropicale, le palmier à
sucre, ou dattier du Bengale (Phœnix sylvestris). Les indigènes, d'une
extrême agilité, doivent grimper au sommet des arbres, hauts d'envi­
ron 12 mètres, pour en couper les feuilles inférieures de la couronne.
Il leur faut ensuite effectuer, dans l'écorce , à la base de l'arbre, une
entaille triangulaire de 3 centimètres de profondeur et placer dessous
un pot de terre destiné à recueillir le liquide sucré. La sève est récoltée
toutes les vingt-quatre heures. Traditionnellement mis à bouillir pen­
dant quelques heures dans des marmites de terre cuite qui font office
de chaudières, le jus se concentre en un liquide épais et visqueux qui
est coulé dans des moules. Vendu aux fabricants de sucre, le goor ­
ainsi l'appellent les Indiens - est ensuite traite et sommairement
raffiné, ce qui donne un sucre blanchâtre de très bonne qualité,
puis un sucre brun évoquant la cassonade. Les Indiens en tirent
un sucre brun , généralement appelé jaggery (<< jagre ») ou saggary.
Le sucre obtenu à partir du coco­
tier (Coccos nucifera) était autrefois ,
en Inde, très apprécié pour ses vertus
thérapeutiques. Comme a pu l'obser­
ver P Brunet au tout début du
XIXe siècle : « Les Indiens préparent,
avec la sève qui découle des bour­
geons des fleurs du cocotier, qu'on a
coupé et qu'ils nomment calou, une
espèce de sucre qu 'ils appellent calou
saccary candi, ou encore panom cal­
condou, c'est-à-dire sucre candi du
calou. Ils font bouillir ce calou, dans
lequel entre un peu de chaux vive,
qu 'ils ont coutume de mettre au fond
du vase qui le reçoit, et le font cuire
jusqu'à ce qu 'il soit presque réduit à siccité, ou au moins à une sorte Le sorgho
Semée en mars, cette céréale,
de conserve. pourvue d'une longue tige
Le sucre est noirâtre et se candit par le temps. Les naturels en font et de feuilles lancéolées,
un grand usage comme médicament. Ils le recommandent surtout aux se couronne, en août, d'une
femmes nouvellement accouchées, comme tonique, et aux personnes panicule en panache et mûrit
épuisées ou convalescentes de maladies graves » (Voyage à llle-de­ à cette époque. Elle conserve
France, dans LYnde et en Angleterre, 1825). sa teneur en sucre jusqu'en
novembre, à condition de
rester en terre. Le procédé
d'extraction est le même
LA « CANNE A SUCRE DE lA CHINE» que pour la canne à sucre.

On a longtemps surnommé ainsi le sorgho, exploité par les


Chinois pour le suc doux et cristallisable que renfenne la moelle de sa
tige. Le jus du sorgho sucré (Sorghum saccharetum), qui entre aujour­
d'hui dans la composition de boissons, est connu de longue date . 0' AUTRES SUCRES
Originaire de Syrie, cette graminée se répandit en Égypte, puis en
Inde et dans le nord de la Chine. A la fin du Moyen Age, des voyageurs Le glucose, ou dextrose, résultat
l'apportèrent en Russie, tandis que les marins italiens l'introduisirent de l'hydrolyse de l'amidon de maïs
dans leur pays. La France, quant à elle, ne la découvrit véritablement ou de céréales.
qu'au milieu du XIXe siècle, lorsque des graines lui furent envoyées de
Chine par M. de Montigny, consul de France à Shanghai. Les études Le sirop de glucose, ou glucose
qui avaient été effectuées à l'époque du blocus continental étaient, en cristal, mélange liquide de glucose
effet, rapidement tombées dans l'oubli. Au cours du dernier quart du et de maltose.
~ siècle et jusqu'à la fin de la Grande Guerre, la culture du sorgho
L' isoglucose, sirop de glucose
se développa considérablement aux États-Unis, où l'on mit au point à forte teneur en fructose.
des variétés riches en sucre, telle sorgho sucré hâtif du Minnesota. On
tenta de l'implanter en Italie et en Algérie. Après 1918, pour remédier Le fructose, ou lévulose, résultat
à la disette du sucre, on y songea pour les cultivateurs du midi de la de l'hydrolyse du saccharose.
France, du fait de sa résistance à la sécheresse.
UN ARBRE MAGIQUE: [ÉRABLE
L'érable à sucre (Acer saccharum) est indissociable de
l'Amérique du Nord, où on le trouve dans les contrées sep­
tentrionales, à l'est des États-Unis et du Canada (Québec,
principalement). De ce dernier pays, d 'ailleurs, sa feuille à
cinq lobes est l'emblème national. Il existe une centaine de
variétés d'érables dans le monde, mais seule la sève de
l'érable à sucre (<< eau d'érable ») présente un véritable inté­
rêt, pour le sucre qu'elle contient. La sève des érables noir,
rouge et argenté renfenne aussi du sucre, mais en moindre
quantité; ils sont donc moins exploités. Haut d'environ
30 mètres et d'un diamètre de tronc pouvant atteindre
90 centimètres, l'érable à sucre, à croissance rapide, a une
durée de vie d'environ deux cent cinquante ans, mais n'est
productif qu 'à partir de quarante ans. Son bois est très dur,
son écorce grise et rugueuse. C'est l'été qu'il élabore, dans
Aux États- Unis son feuillage, les substances nutritrives qui, le printemps suivant, don­
Cindustrie de ]'érable y concerne nent la sève. Plus le feuillage est abondant, plus importantes sont les
aujourd'hui surtout le Vermont, réserves.
l'État de New York,
le New Hampshire,
Bien avant la canne à sucre et la betterave, l'érable fournissait du
le Massachusetts et le Maine. sucre aux Nord-Américains. Selon la légende, une Amérindienne aurait
mis son souper à mijoter sur un feu allumé sous un érable. D'une
branche cassée, la sève sucrée goutta des heures durant dans la prépa­
ration, la rehaussant d'un délicieux sirop ... Mais , dans la réalité histo­
rique, on ne sait qui a initié cette utilisation de la sève.
Les Indiens consacraient, semble-t-il, une période de la fin de l'hi­
ver ­ la « lune à faire le sucre » - à la récolte de la sève d 'érable et à
l'extraction du sucre. Leur méthode était rudimentaire et faisait peu
~ Il J, , _ 1 1 ~.
. l
"l'Ii , ,
cas de la conservation des forêts: ils effectuaient des entailles dans les
~ arbres, à la hache, et récupéraient la sève dans des vasques faites
CITADELLE ~ d'écorce de bouleau . Versé ensuite dans des pots de terre cuite, le liqui­
EMO 9404' E
de était soumis à une ébullition lente jusqu'à obtention d'un sirop. Si
SÈVE D'tRABLE l'opération était prolongée, le sirop se transfonnait en sucre en plaques
CONCENTRÉE ou en cristaux, à l'aspect noirâtre, sans doute fort peu appétissant. Les
PURE 250g
Français débarqués sur le nouveau continent auraient repris cet usage
CANADA indigène et l'auraient, d'abord, perpétué tel quel, sans percevoir tout
son intérêt - mention est faite, à l'époque, d'achats de sucre aux« Isles
d'Amérique ».
Le sirop d'érable ... Ce n'est que vers la fin du XVIIe siècle, lorsque les guerres isolèrent
Les Canadiens différencient la colonie, que l'exploitation de l'érable fut repensée. Les rigueurs de
des « crus » suivant les régions l'hiver générant une grande consommation de sucre, les colons amé­
productrices. Les plus liorèrent les techniques, tant de récolte que de fabrication. Ils prati­
recherchés proviennent de ]'est
du Québec, des montagnes
quèrent désonnais de simples incisions dans le tronc, ce qui ne pré­
des Laurentides, de la Beauxe, sentait plus aucun danger pour les arbres dans la mesure où ils cica­
ainsi que des environs de trisent. Ils utilisèrent des entonnoirs et des gou ttières pour canaliser la
Montréal et de Québec. sève, des seaux ou d'autres récipients pour la recevoir. De même, la
rransfonnation du jus et du sirop progressa grâce à l'emploi de diffu­
seurs et d 'évaporateurs perfectionnés. Le sucre obtenu était utilisé
aussi comme médicament, notamment contre le rhume. Au
xvme siècle, chaque fenne avait son érablière et sa « bouilloire» où était
fabriqué le sucre, de façon à couvrir les besoins familiaux. Cependant,
le sucre obtenu était de piètre qualité, et son marché réduit. Aussi la
canne relégua-t-elle peu à peu dans l'ombre la richesse de l'érable.

SIROP « D'ÉRABLE PUR» &. Co


Jusqu'aux années 1920, l'exrraction du sucre releva d'un travail
strictement familial, aux procédés inchangés. C'est pour organiser
cette production et la commercialiser efficacement qu'en 1925 fut
~-

créée une coopérative, les Producteurs de sucre d 'érable du Québec, Jl1l1idMult o. MARKS & SPlNOR

dont le siège fut établi à Plessisville. Cette coopérative est, aujourd'hui


CANADIAN
encore, à la tête de l'industrie du sirop d'érable pur. En 1930, une loi PUREMAPLE
réglementa l'industrie de l'érable - elle fut révisée en 1945. En 1938, 8YRUP
une station e.,xpérimentale vit le jour, à l'initiative du ministère cana­
dien de l'Agriculture. Il fallut toutefois attendre la Seconde Guerre
mondiale pour que cette activité connaisse véritablement un renou­
veau; le produit de l'érable vint pallier le manque de sucre. Au milieu
des années 1950, la coopérative de Plessisville regroupait rrois mille
propriétaires et produisait plus de 65 tonnes de sucre par jour. Le
Québec est, à l'heure actuelle, le plus gros producteur de produits
sucrés émanant de l'érable. Il fournit 73 % de la production mondiale
de sirop d 'érable et 90 % de la production canadienne, le reste étant
assuré par l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse.
Les produits sont rigoureusement classifiés et munis d'une marque
de fabrique. Seuls ceux qui sont purs à 100 %, sans ajout de colorant
ni d'autres substances, ont droit à la mention «d'érable pur à 100 % ».
Les qualifications « à l'érable» ou « avec érable » ne garantissent pas
que le produit provient uniquement de la sève d'érable. Le sucre
d'érable pur peut êrre dur, granulé ou en pépites. Le beurre d'érable
pur est une pâte onctueuse à tartiner, qui peut êrre parfumée à la fram­
boise ou au cacao. Le sirop d 'érable pur, quant à lui, est l'ingrédient
privilégié de la gasrronomie québécoise. Il existe en deux catégories et
cinq classes de couleurs Cextra-clair, clair, médium, ambré et foncé).
Entreposé dans un endroit sec et frais, il se conserve, sans déperdition
de qualité, pendant rrois ans au moins. Une fois ouvert, mais henné ti­
~<:>~t. . 81'~l-'..o
quement refenné, il peut être conservé au réfrigérateur. Il supporte
bien la congélation pendant plusieurs mois . Enfin, sont aussi com­

§ève~le

mercialisés de la gelée d'érable pur et des bonbons à l'érable.

dt I·~. Cm",*,
UNE TRADITION GOURMANDE QUÉBÉCOISE ()c:e... ~
lA StVl' d'Ira" amc-tntrH s'oUtn,
u.nÛ[Unnrnl JIG!' baporatkm d 'mu.
Une érablière-type se compose uniquement d'érables à sucre, Grdu il SDn arômt un/qu., d tUliaIJ,
rit, n "'''$Omm, tell.. qUIIJ, paur
sans sous-bois ni herbe. La coulée de sève dépend de la taille de • la11in.,. : ptJilU. ,aJl/~•• a/PIeS•
• nllJ1lN.' : ,/QUJ, g4'ttJU,J'•••
,..POIlTÉ DUCANAOA PM. IoIÉHts
l'arbre, de la période d'entaillage et des conditions climatiques; la ,e BlD_J€AN.lAURÈS 92' 13 CIJCHV
récolte varie donc suivant les années. Chaque arbre donne de 100 à Contenance 250ml
300 kilos de sève, contenant 2 à 3 kilos de sucre. Il faut 30 à
45 litres de sève brute pour produire 1 litre de sirop (maple syrup).
La récolte de la sève commence dès la fonte des premières neiges,
soit en janvier dans certaines régions et en mars dans d'autres. Elle
s'achève à l'apparition des bourgeons, qui tarissent la coulée.
[opération consiste à forer dans le tronc, sur sa face sud - la sève y
est plus abondante et de meilleure qualité - et à une hauteur allant de
80 à 120 centimètres, un ou deux trous profonds de 4 à 5 centimètres
séparés d'un intervalle de 10 centimètres. A noter que les arbres d'un
diamètre inférieur à 25 centimètres sont généralement épargnés. Dans
ces trous, percés à partir de janvier, sont introduits des becs en alumi­
nium (chalumeaux ou goudrelles, ou encore goutterelles) munis d'un
crochet auquel sont suspendus des godets (chaudières), en aluminium
ou en matière plastique, munis d'un couvercle, pour empêcher les
impuretés d'y tomber. La sève récupérée contient 97,5 % d'eau, 2,4 %
de sucre pur et 0,1 % de substances minérales qui lui confèrent son
goût caractéristique.
En dépit de l'industrialisation de la fabrication, nombre de familles
canadiennes continuent de confectionner leur sirop d'érable. D'autant
que, traditionnellement, cela donne lieu à une véritable fête autour des
cabanes à sucre. Un tracteur ou une moto des neiges - c'était, naguère,
un traîneau attelé - porte la tonne ou le baril destiné à recevoir la sève.
Le jus sucré est concentré sur place, naguère dans des chaudrons en
fonte en plein air, aujourd'hui dans un évaporateur installé à l'intérieur
de la cabane, sur le feu de l'âtre. La fabri­
1

Les p!,opriétés !1utf!.Liorinelle? cation du sirop d'érable s'accompagne de


1
1
Jp'~mr ~ qO ·: ~~~I!t"I,l}~ . ~l_e.. I?IO_ç1~iiç~ 1
sa dégustation, ce qui fait la joie des
1­ - - .~- - - -­ -
~ - - .­ -~ -­ ---...­- -
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enfants, mais aussi des grands. La cuis­
Sirop Sucre Sucre Sirop son d'un peu de sirop est légèrement
d'érable d'érable de canne de maïs
1 poussée. Déposé dans des assiettes gar­
Énergie (kilojoules) 1053 1 548 1 590 1 270 nies de neige, le sirop durcit au contact
Énergie (cilories) 252 370 380 304 du froid et constitue une véritable frian­
Matières grasses (grammes) 0 0 0 0 dise, la « tire d'érable sur neige ».
Dans les érablières modernes, la poé­
Sodium (milligrammes) 1,2 1,8 0 0
sie est moindre ... Naguère, le contenu
Total hydrates de carbone (grammes) 6 97 100 76 des godets était d'abord transvasé dans
Sucres (grammes) 66 97 100 76 des seaux, puis le liquide était tamisé et
Protéines (grammes) 0 0 0 0 versé dans des ruts métalliques, qui
Potassium (milligrammes) 200 303 0 0 étaient transportés à la fabrique. Mais le
Calcium (milligrammes) 70 106 0 système collecteur forestier s'est moder­
0
nisé. Aujourd'hui, la sève coule directe­
1

Magnésium (milligrammes) 20 30 0 0
ment dans des tuyaux en plastique et
Phénol (milligrammes) 1 1,4 0 0 passe dans des conduites qui convergent
Acides organiques (grammes) 100 140 0 0 vers la fabrique, de tous les coins de la
Absorption glycémique lente lente rapide rapide plantation. [adoption, en 1976, du sys­
(Source: Citadelle, Québec.) tème de pompage à vide constitua un
progrès important pour la récupération de l'eau d 'érable. La sève n'at­ Une longue tradition
tend pas plus de trois jours, sous peine de fennenter, pour être traitée. La récolte telle
Qu'il vise la fabrication industrielle ou artisanale, le principe de trans­ qu'elle se faisait autrefois.
fonnation est le même. La sève est concentrée par évaporation. Elle est
portée et maintenue à 104 oC, tout en étant régulièrement écumée, le
temps nécessaire à son épaississement. D'un beau brun doré, le sirop
ne doit pas contenir plus de 34 % d'eau - au-delà, il cristallise. Il est
ensuite filtré, autrefois à travers du feutre, aujourd'hui à l'aide d'un
linge souple, pour éliminer les impuretés, puis conditionné encore
chaud (87 oC au plus) en bouteilles ou en boîtes de métal galvanisé.
Une température plus élevée donne le beurre d'érable (112 OC), la
tire d'érable sur neige 013,8 OC), la tire d'érable ou sucre mou
(114 ,4 OC) , le sucre dur (117,7 oC), le sucre très dur 020 OC) et,
enfin, le sucre granulé (123,3 oC). A l'instar du sucre de canne et du
sucre de betterave, le sucre d 'érable est du saccharose. Son hydrolyse
fournit un mélange à parts égales de glucose et de fructose .

DANS LA FORÊT ENNEIGÉE •••

« M ais rien ne nous paraissait aussi frappant, à nous enfants retenus dans la ville chinoise,

que l'histoire du sucre d'érable. Après la guerre, dans notre pays, là-bas, il fallait fabriquer soi-même

tout ce qu'on pouvait, et on n'achetait que le chocolat d'Hermanus, le café et le thé.

Je n'ai jamais vu récolter le sucre, ni même percer l'arbre qui le donne. Mais il me semble avoir assisté à tout cela,

car le récit m'en a été fait souvent, au fond de cet Orient où les érables à sucre ne poussaient que dans nos rêves.

Je sais qu'au début du printemps - même avant, quand il n'est encore qu'un espoir et que le froid subsiste -,

on doit saigner les grands arbres qui, à l'automne, étaient dorés. On pratique un petit trou, on y introduit un tube

en bois par lequel s'écoule l'eau sucrée. Elle tombe dans un seau placé en dessous. Puis, quand tous les seaux

sont pleins, on les réunit et on remplit les grands chaudrons en fonte dans le camp où l'on fabrique le sucre.

Les garçons ont fendu le bois, et ils allument des feux sous les chaudrons suspendus à une crémaillère rustique.

Les feux commencent alors. Garçons et filles de la ville se réunissent au camp, surveillent le sirop,

le tournent chacun à leur tour, mettent de gros rondins dans le feu, puis, s'il y a de la neige,

ce qui paraÎt indispensable, on fait du toboggan entretemps : on s'amuse et on rit.

Il y a des joues rouges, des yeux brillants et de la gaieté partout.

Quand le liquide est assez épais pour faire du sirop d'érable, on le verse dans de grands barils, et toute l'année

on en arrose les galettes de sarrasin, les crêpes et les gaufres. Mais lorsqu'on veut du sucre, on continue la cuisson,

et il faut une certaine expérience pour connaÎtre le point exact où l'on doit verserle liquide bouillant dans les moules.

Les grands moules ronds donnent les pains de sucre qui servent pour la cuisine; puis il y a les centaines

de petits moules en fer-blanc, en forme de cœur, d'étoiles ou de croissants que l'on remplit aussi. Mais ce qui est

le plus amusant et le plus délicieux, c'est de verser le sucre brûlant sur la neige et de le manger, brusquement

rafraÎchi, en ramassant à pleines mains la neigeet le sucre chaud en train de durcir. Puis, une fois la récolte faite,

chacun rentre chez soi, en chantant eten respirant l'air vif et parfumé; personne ne souffre d'avoir trop mangé ­
et pourtant on s'est bourré - parce que l'endroit de la forêt où l'on a campé est si net, avec la neige pure et glacée

qui recouvre le sol, que l'air tonique vous a rendu fort et vigoureux. 11

Pearl Buck, L'Exilée, 1936


LES tLtGANTS POTS D:4POTHICAIRES

UN PRIVILÈGE CONVOITÉ
En France, d'entrée de jeu , les apothicaires s'attribuèrent la vente du
sucre, au dam des épiciers, qui se limitaient à la vente des produits pré­
parés par leurs soins. Le corps de l'Épicerie, qui réunissait ces deux cor­
porations, aux côtés des ciriers, des droguistes, des candeliers, etc,
constituait alors l'un des six corps de métier représentant le commerce
parisien, au deuxième rang après celui des drapiers. Toutes les importa­
tions de produits du Levant passaient par des apothicaires avant de
devenir marchandises des épiciers. Cette « association » , qui prit parfois
des allures de rivalité, fut consacrée, en 1484, par Charles VIII, qui ins­
titua une seule corporation, la corporation des épiciers-apothicaires,
laquelle devait jouer un rôle prépondérant jusqu 'à la fin du xvm C siècle.
Il fallut attendre l'ordonnance royale de 1777 pour que les tout-puissants
apothicaires perdissent l'exclusivité du commerce du sucre.

DES POTS SPÉCIFIQUES


Les nombreux vases de pharmacie qui nous sont parvenus attestent
le rôle que le sucre tint jadis dans l'apothicairerie. A partir du xve. siècle,
en effet, les divers sucres furent répartis dans des pots en céramique,
généralement polychrome, de forme cylindrique, plus ou moins resser­
rés en leur milieu de façon à pouvoir être saisis facilement. Linscription
qu'ils arboraient variait suivant la nature du contenant: « cassonade » ,
« sucre blanc » , « saccharum » , « sucre candi » , « poudre de sucre », etc.
Ces pots étaient munis d'un couvercle ou non; dans le second cas, ils
étaient simplement fermés par un papier maintenu par une ficelle.
Lalbarello, apparu avec la majolique de la Renaissance italienne, fut
imité dans toute l'Europe . Le pot canon (ou pot à canon) ne se dif­
férenciait du précédent que par son piédouche ; il connut son âge d'or
aux À'VU C et À"vm e siècles. Les plus grandes faïenceries (Nevers, Rouen,
Moustiers, etc .) produisirent de tels vases .
La porcelaine devait ensuite se substituer à la faïence. La fOill1e évolua
vers des lignes plus sobres. Le XL'{e siècle préféra les pots cylindriques
droits, coiffés d'un couvercle en «chapeau chinois » . Puis vinrent les pots
en verre bleuté protégeant le sucre de la lumière vive.

En haut:
L'officine d'un apothicaire au XVIe siècle
Au milieu:
Pot canon en foïence polychrome de petitfou
(Lunéville, seconde moitié du XVIIIe siècle).
En bas:
Pot en foïence de grandfou
(Belgique, fin du XVIIIe siècle).
DUS
~ucre
« L a consommation de sucre ou des sucres
fait partie des petits plaisirs de la vie
que l'on peut sans danger satisfaire
avec modération. »
Professeur Gérard Debry

P .nni les quatre saveurs de base (acide, amer, salé, sucré),


la saveur sucrée, perçue par des récepteurs gustatifs situés,
pour la plupart, à la surface de la langue, est transmise au
cerveau, qui l'identifie et évalue son intensité et la sensation
de plaisir ou de non-plaisir qu'elle procure. Cette intensité
varie selon la concentration, la température et le contexte ali­
mentaire. Elle varie aussi d'une personne à l'autre.
Si certains sucrent davantage les aliments ou les boissons, ce
peut être parce qu'ils aiment davantage le sucré ou qu'ils
sont moins sensibles que d'autres à cette saveur. Selon le
degré de satiété, le plaisir provoqué par la saveur sucrée peut
se transformer en écœurement. Aussi l'appétence pour le
sucré a-t-elle un frein physiologique naturel.
La saveur sucrée est la seule pour laquelle le nouveau-né
manifeste de l'attrait dès les premières heures de sa vie.
rétude de ses réflexes gusto-faciaux a mis en évidence cette
préférence qualifiée d'innée et qui, en réalité, pourrait être
La saveur sucrée acquise au cours de la vie intra-utérine. Marquée chez le
« Depuis son apparition
en Occident, [ce sucre] petit enfant, la préférence pour le sucré décroît au cours de
a été alternativement l'adolescence et à l'âge adulte, pour augmenter à
angélisé et diabolisé,
en raison d'une nouveau chez les personnes
caractéristique essentielle: âgées. La saveur sucrée est,
son lien au plaisir.
La saveur sucrée est en enfin, associée à la notion
effet indissolublement du plaisir. Dans toutes les
liée au plaisir.
Ce lien a un ancrage civilisations, les aliments
biologique inné. » sucrés font partie du rituel
Claude Fischler, festif et traduisent un senti
L 'Horn nivore, 1993
ment de confiance et de paix.
• •••••
6(
Le sucre médicamenteux de jadis
Selon Dioscoride, médecin grec du 1er siècle, dans la Rome de
cc Gig/; je te joue dix kilos
de sucre.
Néron , les praticiens donnaient du « sel indien » à leurs patients, tout
- C'est guère appétissant, votre
comme l'avaient fait avant eux les Égyptiens et les Arabes. A la même
sucre. j'aime mieux des bonbons.
époque, le saccharum était mentionné dans l' Histoire naturelle de Pline
- C'est la même chose. Et le sucre
l'Ancien: « rArabie produit un sucre, mais celui de l'Inde est plus esti­
est plus sain que les bonbons.
mé. C'est un miel recueilli sur des roseaux. Il est blanc comme la
- Vous le dites parce que c'est vous
gomme, cassant sous la dent; les plus gros morceaux sont comme une
qui le fabriquez.
aveline (sorte de grosse noisette donnée par l'avelinier), on ne s'en sert
- Gilberte, tu perds le respect! "
qu 'en médecine. » Le rôle curatif du sucre fut donc très tôt prédomi­
les yeux désolés de Gaston lachaille
nant. Ce fut même la principale finalité que l'Antiquité lui reconnut.
sourirent:
Il fallut attendre les croisades pour que ces vertus thérapeutiques
cc laissez-la dire, Mamita .. . »
soient remises en évidence par l'Occident. Les croisés purent les
éprouver sur le terrain. Ils auraient surmonté les étapes du siège de Colette, Gigi, 1943
Saint-Jean-d'Acre (104) et les difficultés d'alimentation qui s'ensui­
virent en suçant des pousses de canne et en se nourrissant d 'une
bouillie faite de farine et de sucre.
Compte tenu de ces vertus médici­
nales, l'apothicaire allait longtemps
LA THÉRAPEUTIQUE
détenir le monopole du négoce de sucre,
alors denrée rare et onéreuse - d'où l'ex­ D'AUJOURD'HUI
pression qui nous est restée, « apothi­
Le sucre reste toujours utilisé

caire sans sucre », pour désigner « un


en pharmacie pour la préparation

homme qui manque des objets néces­


des sirops et l'enrobage des pastilles,

saires à sa profession » (Littré) . Sans


dans le but de faciliter l'absorption

doute lui fallait-il casser à la hachette les


des médicaments, pour ceux

pains de sucre, en morceaux. Sans doute


destinés aux jeunes enfants

aussi pilait-il ces morceaux dans un


en particulier. Il entre également

mortier pour obtenir du sucre en


dans la fabrication des antibiotiques,

poudre. Certes, il n'était pas rare qu'il


péniciffine notamment,

prescrive à ses clients du sucre pur, mais


et dans celle des acides

il l'utilisait surtout pour améliorer le


aminés et organiques.

goût de certaines potions. Par ailleurs, il


Canne à sucre vendait du candi, qui avait alors un rôle
En Europe, mais plus encore

(Saccharum officinarum) en Amérique du Sud,

plus médicamenteux que gourmand.


le sucre est employé

Et il commercialisait des friandises thérapeutiques - cordiales et laxatives,


en milieu hospitalier,

surtout -, tels le sucre d'orge, conseillé pour le rhume ou les fluxions de


car, de par sa propriété

poitrine, le sucre à la violette, excellent contre les douleurs d'estomac, ou


à se lier aux molécules d'eau

encore le sucre rosat, fait de sucre blanc cuit avec de l'eau de rose et moulé
et à les immobiliser

en tablettes. Tous remèdes dont il laissait parfois le soin de la fabrication


pour bloquer la croissance

au confiseur.
des micro-organismes,

Stomachique, balsamique ou pectoral, tout autant qu'efficace contre la


il permet, en application directe

goutte, la gravelle, les rhumatismes, l'hydropisie, la dysenterie ou le scor­


sur les plaies et les ulcères cutanés,

but, le sucre était considéré comme la panacée. A telle enseigne que, en


de les assécher et de favoriser

1353, un édit royal ordonna que les apothicaires soient toujours approvi­
leur cicatrisation. De nombreux

sionnés en miel et en sucre de qualité, et qu'ils ne substituent pas du miel


centres de gériatrie mettent

au sucre lorsque ce de.mier était prescrit. «Tout se passe, explique Claude


à profit cette faculté pour

Fischler, comme si le miel constituait [... ] une forme primaire, un état


soigner efficacement les escarres.

brut de sucre, le pôle primitif d'un continuum s'étendant depuis la natu­


re indomptée et les formes les plus grossières de la douceur jusqu'aux
plus pures, aux plus "civilisées". » Le sucre blanc, bien raffiné, était

• •••••••
70
LES TABCWS Dl" SUC RE

réputé pour être le plus bénéfique. Cette idée devait être revue à l'inverse
par le xvme siècle, pour lequel plus le sucre était traité, moins il était sain.
Ce fut, en fait, à partir du XVIIe siècle que débutèrent les controverses
autour des propriétés du sucre. Les réserves à son égard se multipliè­
rent, si bien que d 'un excès l'on tomba dans l'autre. En France, Joseph
Duchesne, médecin ordinaire du roi Henri Iv; fut l'un des plus virulents
« saccharophobes » de l'époque. « Le sucre souz sa blancheur cache une
grande noirceur et souz sa douceur une acrimonie fort grande et qui
égale celle de l'eau fort . Voire s'il s'en peu t tirer un dissolvent qui dis­
soudra l'or. » (Le Pourtraict de la santé. . . , 1606.) Ces affirmations, qui
lui valurent de nombreux adeptes, restèrent vivaces jusqu'au xxe siècle.

De la saccharophobie
Ce terme trouve son origine dans les violentes attaques moralisa­
trices lancées contre le sucre, à l'instigation du Français Garancières,
émigré en Angleterre, au milieu du xvue siècle . « Il est clair comme le
jour que le sucre n'est pas un aliment, mais un maléfice; qu'il n'est pas Betterave sucrière
un agent de conservation, mais de destruction, et qu'on devrait le ren­ (Beta maritima)
voyer aux Indes, avant la découverte desquelles la consomption des
poumons n 'était pas connue, mais nous fut apportée avec ces fruits de
nos entreprises », lit-on sous sa plume, en 1647. Ces attaques générè­
rent d'ailleurs, par réaction, un mouvement « saccharophile » qui vit le UN PRODUIT
jour dès la fin du XVIIIe siècle. Rendu responsable des maux les plus BIENFAISANT
divers, le sucre fit l'objet de plus de soixante chefs d'accusation, de la
peste à la tuberculose, du scorbut aux hémorroïdes et aux taches de « ToutefOiS, l'on dit que
rousseur ... pour ne citer que les plus inattendus. Le sucre, dont la le bon sucre de 3 ou 4 cuites
consommation était autorisée pendant le carême, suscita en outre un est attrempé en ses qualités
débat théologique qui s'accentua lorsqu'il devint plus largement acces­ et est chaud et moite

sible. Le problème de sa légitimité se posa alors en raison de l'image de et de bon nourrissement,

plaisir et de gourmandise qu'il véhiculait. et est grandement profitable

Au fil des siècles, le débat se poursuivit entre « pro-sucre» et « anti­ à l'estomac, adoucit toutes

sucre ». En effet, la fausse image de produit industriel attachée à cette exaspérations qui sont dedans

denrée a renforcé le discours anti-sucre. Encore au début du xx:e siècle, icelU/~ et principalement

la poitrine et les poumons,

éclaircit et fait bonne voix,

guérit la toux et le rhume. ",

-1' · -

­
1
écrivait Bartholomé Platine.

au XVIe siècle.

Les bienfoits du sucre


D'après cette gravure du XIXe siècle,
« Le sucre utile à une bonne
alimentation est quelquefois
indispensable au rétablissement
de la santé, du déjeuner des enfants
à la tisane du pauvre malade. »

••••
le docteur Paul Carton, naturiste, associa le sucre, « aliment mort », à
l'alcool et à la viande panni les « trois aliments meurtriers» auxquels
nous devons , selon lui, « l'empoisonnement de la pensée contempo­
raine ». Le sucre ne cessa donc jamais d 'être « diabolisé ».
Plus près de nous, lors des journées d'étude de l'Association des
diététiciens de langue française, en 1992, le professeur Gérard SIam a
a fait remarquer: « La saccharophobie est une maladie psycho-socia­
le dont l'épidémie a atteint son apogée à la fin des années 1980. »
Curieusement, à l'aube du xxr e siècle, l'attaque que subit le sac­
charose de la part des édulcorants de synthèse, autorisés dans l'ali­
mentation en Europe depuis à peine plus de dix ans, et qui promet­
tent le plaisir sans les calories, au lieu de le détruire, l'anoblit en res­
taurant son image de produit naturel, simplement extrait de plantes,
et en en faisant le symbole du goût véritable.

UN CURIEUX USAGE •••


A U x/xe siècle, certains s'insurgèrent contre

Le sucre réhabilité
l'eau sucrée qui, disaient-ils, « irrite la soif»
Devant l'importance des jugements irrationnels concernant le
et la déconseillèrent donc aux palais altérés.
sucre, le plus souvent dénués de fondement scientifique, le Service amé­
Pourtant, au siècle précédent, il était
ricain de nutrition du Centre de sécurité alimentaire et de nutrition
à la mode dans les salons d'inviter à des
appliquée (FDA, Food and Drug Administration) , après trois années
(( régals d'eau sucrée ». Si des liqueurs
de recherches intensives, a publié en 1987 un important rapport réfutant
accompagnaient cette (( dégustation »,
officiellement les accusations contre le sucre. Ce puissant organisme,
l'eau sucrée se suffisait à elle-même
chargé de statuer sur l'innocuité des substances alimentaires , a fait effec­
et constituait une boisson à part entière.
tuer plusieurs études très approfondies sur la consommation des sucres
Le premier régal de ce type eut lieu
par les Américains (saccharose et sucres issus du maïs) . Aucune corré­
en /770, à Thionville, à l'initiative
lation directe n'a pu être prouvée entre le sucre et toutes les pathologies
d'un régime en garnison qui récupéra
(obésité, diabète, hypertension, athérosclérose , cancer) , si ce n 'est sa
le stock d'un épicier en faillite.
responsabilité dans le développement de la carie dentaire . Les conclu­
Toute la ville participa à ce
sions du docteur Alan Forbes, directeur du Service, ont été fonnelles :
(( festival d'eau sucrée », décrit par
« Même si les sucres favorisent la carie, ils ne présentent pas de danger
Louis Figuier: (( Quand tout le monde
pour le commun des mortels. »
est réuni sur la place, ils jettent
D'autre part, le professeur de nutrition humaine, Gérard Debry,
dans le puits leur énorme provision
directeur du Centre de nutrition humaine de l'Université de Nancy,
de sucre, où chacun peut puiser,
a publié en 1996 Sucres et Santé, qui résulte d 'une étude critique des
et jusqu'au lendemain se gorger
données scientifiques parues dans quelque quatre mille cinq cents
d'eau sucrée! »
publications jusqu'à cette date. Il en découle qu'il serait illogique de pri­
Le même auteur rapporte une autre
ver de leur plaisir les consommateurs « nonnaux » de sucre - adultes ou
anecdote qui ne manque pas
enfants - en prodiguant à cette catégorie majoritaire des conseils dérai­
de pittoresque: à l'époque du Blocus
sonnables. Les gros consommateurs et les personnes prédisposées aux
continental, alors que le sucre des colonies
maladies métaboliques, telles que diabète , obésité ou hyperlipémie, doi­
était saisi, le général Alexandre Dumas,
vent faire, en revanche, l'objet d 'une attention m édicale particulière
père du romancier, eut l'idée,
quant à la quantité consommée et à la période de consommation. De
après avoir confisqué les provisions
même, les familles pour lesquelles la prédisposition aux caries dentaires
d'une épicerie en Espagne,
est avérée doivent limiter leur consommation aux repas et s'astreindre à
d'en faire profiter ses hommes.
des soins bucco-dentaires réguliers. Plus récemment encore, un rapport
A cette fin, il (( jeta le sucre
de la FAO et de l'OMS , Carbohydrates in human nutrition (1998), est
dans le fleuve, où chaque troupier
venu confinner qu'il n 'existe pas de lien entre la consommation de
fut libre de puiser »•••
sucre et les diverses pathologies comme le diabète , les maladies cardio­
vasculaires et l'obésité.

72
LE S TABOUS D U S UC RE

Un élélTIent
de 1équilibre alilTIentaire
7

Occupant une place originale dans notre alimentation, le sucre se La molécule de saccharose
Avec ses douze atomes de carbone,
présente soit comme une friandise, soit comme un condiment, et
le sucre (saccharose), dont la formule
même comme un aliment. Rarement consommé seul, il participe à chimique est C\2H22011, est
notre équilibre alimentaire, qu'il contribue à diversifier en s'associant constitué d'une molécule de glucose
aux aliments dont il exalte le goût sans en altérer la digestibilité. et d'une molécule de fructose.
Le sucre fait partie de la famille des
glucides, également appelés « hydrates de
carbone », qui ont pour dénominateur
commun un assemblage chimique, plus
ou moins complexe, d'atomes de carbone,
d'oxygène et d'hydrogène. Au cours de la
digestion, les glucides sont décomposés
en éléments de plus en plus simples, jus­
qu'à ce qu'ils puissent directement traver­
ser la muqueuse intestinale. La digestion
du sucre, très rapide, se fait dans l'intestin
grêle où, sous l'effet d'une enzyme, l'in­
vertase, les deux molécules qui le consti­
tuent (glucose et fructose) sont séparées
avant d'être absorbées par la muqueuse
intestinale. Elles viennent alors jouer dans
l'organisme le rôle d'un combustible, afin
d'entretenir le bon fonctionnement des
organes (respiration, digestion, circula­
tion), l'activité musculaire et celle des cel­
lules nerveuses. Quand le sucre est asso­
cié à d'autres aliments et consommé en
fin de repas, son absorption au niveau de
l'intestin est retardée.
Pour les jeunes enfants, l'addition de
sucre aux boissons lactées favorise leur
acceptabilité. Chez les jeunes, les boissons sucrées rafraîchissantes
permettent de limiter la consommation de boissons alcoolisées. LES PETITS BIENFAITS
[attrait des convalescents pour les mets sucrés favorise la renutrition, DU SUCRE
même sans appétit. Enfin, les boissons sucrées aromatisées et les
entremets attrayants participent à la couverture des besoins · En cas de coup de pompe, boire

hydriques des personnes âgées. En outre, ils complètent agréable­ un café très sucré. Il donne un

ment leurs besoins énergétiques. « coup de fouet », et le sucre atténue

l'effet de la caféine.

Une distinction dépassée · Un conseil de l'écrivain Colette,'


« Pour vous remettre en train, croquez

Pendant plus d'un demi-siècle, on a opposé les glucides complexes, un morceau de sucre imbibé

ou sucres lents (comme le pain), aux glucides simples, ou sucres de vin rouge. ))

rapides (comme le sucre), en fonction de leur temps de digestion et


• Pour faire passer le hoquet,
d'absorption mesurée par la réponse glycémique. Les résultats de
manger une cuillerée à soupe
nombreuses recherches ont, toutefois, mis en évidence le fait que les
de sucre.
variations de la glycémie consécutives à la consommation d'un aliment
glucidique dépendent de plusieurs facteurs, tels que leur nature, mais

•••••
aussi la forme physique de l'aliment (solide ou liquide), sa tex­
ture , son mode de préparation et de cuisson , sa consommation au
cours d 'un repas, en présence d 'autres nutriments Qipides, pro­
tides , fibres) ou isolément. Entrent également en jeu les réactions
individuelles de chacun. Une nouvelle classification des glucides a
été établie: un index glycémique ordonne les aliments selon leur
pouvoir hyperglycémiant par rapport à celui d'un glucide de réfé­
rence ayant pour index 100 - le glucose ou le pain. Plus l'index
d'un aliment est élevé, plus il fait monter le taux de glucose dans le
sang. On pensait jusqu'alors que les produits sucrés naturelle­
ment (par exemple, les fruits) étaient susceptibles d'entraîner une
réponse glycémique moindre que celle des produits manufacturés
contenant la même quantité de sucre ajouté. Les analyses ont
démontré qu 'il n'existait pas de différence significative. A teneur
calorique égale, il n'y a aucune différence entre l'index glycémique
des céréales du petit déjeuner, qu'elles soient fabriquées avec ou
sans addition de saccharose.
Ces nouvelles données permettent d'établir des conseils dié­
tétiques appropriés à chacun et d'éviter les interdits systéma­
tiques et injustifiés portant sur le sucre et le sucré. Grâce à elles,
le régime des diabétiques a pu être quelque peu assoupli .

La promotion du sucre de canne


XJ)(e et du début du xxe siècle.
Affiches du
Le tnythe de l'exotiStne
Ne dites plus du SUCR L 'idée selon laquelle le sucre roux est meilleur que le sucre
Dites du NEC-SUC blanc, chimiquement pur et privé des vitamines et éléments miné­
raux contenus dans le jus de la plante, demeure vivace et encore
très répandue à l'heure actuelle. En réalité, l'apport vitaminique et
minéral du sucre roux, quoique très légèrement supérieur à celui
du sucre blanc, est trop faible pour représenter un intérêt nutri­
tionnel réel. De plus , le sucre n'est pratiquement jamais consom­
mé seul, mais associé aux fruits, aux produits laitiers ou aux
céréales, et il bénéficie donc de leur apport vitaminique et miné­
ral. En revanche, le sucre blanc n'a pas le même goût que le roux.
La vergeoise blonde ou brune , extraite de la betterave, est appré­
ciée dans le Nord pour son goût prononcé et sa texture moelleuse.
La cassonade, issue de la canne, séduit par sa saveur exotique qui
évoque les arômes tropicaux du rhum , de la cannelle, des épices
et de la vanille. Sans doute est-ce là une des raisons qui fait préfé­
rer le sucre roux, le plus souvent lié dans l'esprit des consomma­
teurs à la canne à sucre.
Contrairement à une autre idée reçue, le sucre de canne n'est pas
meilleur pour la santé que le sucre de betterave. S'il est plus ou
moins roux, sa couleur ne dépend pas de la plante dont il est extrait,
mais de son degré de pureté. Lorsqu 'il est blanc et pur à 99,8 %, il
est impossible au dégustateur de faire la différence; la molécule de
saccharose qui se trouve à l'état naturel dans la plante est identique
chez la betterave et chez la canne.
Notons, d'ailleurs, qu 'au fur et à mesure que la demande de sucre
se développe dans les différents pays du monde, les consommateurs
deviennent de plus en plus amateurs de sucre blanc.

••••••
4
LES TABOUS D U S llC RE

1'alilTIent du sportif
L'alimentation des sportifs doit être équilibrée, adaptée quanti­

tativement à l'intensité et à la durée de l'effort physique et qualitati­

vement à leurs préférences gustatives. Les réserves énergétiques de

l'organisme provenant des glucides et des lipides - les deux carbu­

rants de l'effort musculaire - sont constituées par le glycogène stocké

dans le foie et les muscles, et les lipides du tissu adipeux. Lorsque,

pendant l'effort physique qui accroît la dépense de glucose, la

consommation musculaire dépasse la production de glucose du foie,

la réserve glycogénique du muscle intervient.

:Laptitude à soutenir un effort physique dépend de la constitution

et du maintien des réserves de glycogène dans l'organisme. Une ali­

mentation riche en glucides pendant l'entraînement augmente le

stock de glycogène. Un régime riche en glucides, jusqu'à 70 % de

l'apport calorique, pendant les jours qui précèdent l'exercice phy­ Du sucre

sique améliore l'endurance. Un repas riche en glucides, pris quatre


et du sport
heures avant l'épreuve, peut augmenter la performance, et l'absorp­ La pratique des sports

nécessite, outre l'entraînement,


tion de sucre, juste avant l'effort, optimise les résultats. Une boisson un bon équilibre énergétique.

légèrement sucrée, prise pendant l'épreuve, aide à lutter contre la

déshydratation et retarde l'apparition de la fatigue. La consomma­

tion d'aliments et de boissons sucrés, après l'effort, reconstitue les

réserves de glycogène et évite les crampes. Enfin, il faut boire avant,

pendant et après l'effort, ainsi que le lendemain pour récupérer: de

l'eau sucrée, du jus de fruit, du thé très léger sucré.

Les alpinistes ne partent jamais sans une provision de biscuits et

de boissons sucrées. Toutes les rations destinées aux expériences de

survie, ainsi qu'aux expéditions polaires et spatiales, contiennent

une très forte proportion de glucides. Ce qui est valable pour les

sportifs professionnels l'est aussi pour les amateurs de randonnées,

de sports d'hiver, d'escalade, de canoë, de cyclisme ... On ne saurait

trop leur recommander de suivre les conseils diététiques cités et

d'emporter suffisamment d'aliments sucrés (biscuits, pain d'épice,

barres chocolatées) dans leur sac à dos, sans oublier les gourdes de

boissons sucrées et quelques bonbons en poche pour surmonter les

moments de fatigue.

Le sucre au service
du tennis
Le sucre a-t-il
contribué à la
première victoire
française lors de
la Coupe Davis
à Roland-Garros?
Quoi qu'il en soit,
les Mousquetaires
(à droite, Jean Borotra
et, à gauche, René
Lacoste) n'ignorèrent
pas, semble-t-il, son
pouvoir énergétique.

• ••• •
Les réticences au sucre
L problème de la carie dentaire est souvent avancé à propos du
sucre. Les bactéries normalement présentes dans la bouche adhèrent
aux dents pour former un film microbien appelé plaque dentaire.
Ces bactéries utilisent les glucides fermentescibles des aliments pour
produire des dérivés acides qui attaquent l'émail des dents. Pour
qu'une carie se développe, il faut l'interférence de plusieurs facteurs :
un terrain propice, qui dépend des individus, de leur état de santé et
de la qualité de leurs défenses immunitaires ; l'existence de micro­
organismes cariogènes ; l'apport de glUCides fermentescibles, le sac­
charose et l'amidon cuit étant les préférés de la plaque dentaire. La
forme des aliments , leur texture et leur temps de séjour dans la
bouche interviennent également. La fréquence de consommation
des produits sucrés importe donc plus que la quantité consommée.
Soulignons également l'importance d'une bonne mastication pour
stimuler le débit salivaire, la salive favorisant la reminéralisation de
l'émail, la neutralisation du pH (niveau d'acidité) de la plaque den­
taire et l'élimination des débris solides entre les dents .
Le meilleur moyen de lutter contre la carie est, sans conteste, l'hy­
giène bucco-dentaire. Selon certaines études, les actions de santé
publique pour la prévention des caries, menées au cours du dernier
quart du xx.e siècle, ont fait davantage reculer la fréquence des caries
La carie dentaire chez les enfants que les restrictions de sucre imposées pendant la
en régression Seconde Guerre mondiale. Bien que la consommation de sucre reste
Le recul est dû à la prévention stable dans les pays industrialisés, la fréquence des caries dentaires
basée sur l'amélioration diminue.
de l'hygiène bucco-dentaire
La surcharge pondérale est un autre argument avancé par les
et l'emploi du fluor.
détracteurs du sucre. Les causes de l'obésité sont multiples et très
complexes, souvent liées à un facteur génétique prédisposant. Les
obèses ne montrent pas de préférence spécifique pour le sucré, mais
Capacilé d'un alimëlll une dilection pour les aliments savoureux et onctueux, riches en
à pr()v:oqucr des caries dentaire!' graisses. Consommé raisonnablement, le sucre ne fait pas grossir, du
tCP .
_ _ _ ) f.I.I~;!I~•.!I~..,~ril?J.\~ I~ i<i"\ I':lIl'! lIidkJ.
IL= .
moins pas plus qu'un autre aliment. Il n 'apporte que 4 kilocalories
au gramme, contre 9 pour les lipides et 7 pour l'alcooL Bien plus que
Gelée dessert ............ .... . ... 0 ,38
l'excès de sucre, la consommation excessive de lipides, voire d'ali­
Flocons de maïs .. .. ... . .......... 0 ,40
ments gras sucrés, peut entraîner une surcharge pondérale impor­
Cacahuètes . .. ..... .. . .. ......... 0,42
Yaourt. . . . . . .. . .... . ....... . .. 0,44
tante. La suppression ou la réduction du sucre dans l'alimentation
Lait écrémé . ...... . .... . .. . ..... 0,24 est efficace pour perdre du poids, à condition d'entrer dans le cadre
Chips .. ...... ......... . ..... ... 0,55 d 'un régime restrictif global et équilibré, de respecter un rythme de
Amidon de maïs .... . . . . . . . . . .. . .. 0 ,6 7 repas régulier, de limiter aussi et principalement la consommation de
Biscuits de se igle ... . . .. . . . . .. . ... 0,68 graisses et d 'alcool, et de s'astreindre à une activité physique ou
Beignets ... ....... . . . .. . .. . . . . . . 0 ,70 sportive suffisante.
Chocolat . . . . . . . . ......... . 0 ,76 Enfin, on ne peut évoquer le sucre sans parler du diabète . Cette
Gâteau de Savoie ........ .. . ... ... 0.76 maladie chronique, due à une déficience du métabolisme des
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ... 0 ,9 1 glucides et liée soit à un déficit d'insuline (hormone sécrétée par le
Saccharose ..... . . . . . . . . . . . . . . . . 1,00 pancréas et qui régularise le passage du glucose dans les cellules),
Pommes d e terre frit es .............. 1,09 soit à une résistance anormale de l'organisme à cette hormone, se
.. ... ... . . . .. . ........ 1,11
caractérise par une élévation anormale du taux de glucose dans le
...... . .. . .... . .. . ... 1,17
sang. Il existe delL'X types de diabète:
...... ........ . ...... 1,21
-le diabète insulino-dépendant, aussi appelé « diabète' maigre »
(Source : Nutrition et Diététique, XXVI 5, 1991.) ou « juvénile », car il apparaît souvent avant l'âge de 30 ans. Les
cellules du pancréas ne produisent plus ou
presque plus d'insuline. La maladie est
contrôlée et traitée par des injections jour­
nalières d'insuline;
- le diabète des sujets d'âge mûr, souvent CE 950)
CE 951) CE 952) CE 954) CE 957)
héréditaire, associé à l'obésité et à la sédenta­ Boissons
rité. Cinsuline, bien que sécrétée normale­ douces 350
600 400 80 30-50
VER ou SSA
ment ou irrégulièrement, n'assure plus son Desserts
350
1000 250 100 50
rôle. Traité par des médicaments et un régime VER ou SSA
Confiseries
alimentaire très précis, ce diabète exige une 500
1000 500 500 50 100
SSA
Chewing.gums
réduction de la surcharge pondérale. SSA
2000
5500 1500 1200 50 400
La maladie étant souvent baptisée « diabète Cidre, bière 350
600 80 20
Glaces
sucré », on a longtemps cru que la consomma­ VER ou SSA
800
800 250 100 50
tion de sucre et de produits sucrés en était res­ Confitures
1000
1000 1000 200 50
VER
ponsable. Les spécialistes sont aujourd'hui Sauces,
350
350 160-320 50
unanimes, travaux et enquêtes concordent : moutardes
Compléments
une consommation élevée de saccharose n'est 350-500
[600-2000] 400-500 [80-500] 50-100
alimentaires
pas susceptible de causer les différents types de Vitamines,
préparations 2000
5500 1200 400
diabète chez des personnes qui n'y sont pas diététiques
Conserves
génétiquement prédisposées. Le traitement du aigres-douces
200
300 160 30
diabète a longtemps reposé sur la suppression
du sucre et des produits sucrés, ainsi que sur VER: à valeur énergétique réduite.
la limitation du pain et des féculents. Souvent SSA: sans sucres ajoutés.

compensé par un accroissement de la consom­


mation de graisses, ce régime avait l'inconvé­
nient d'augmenter les risques de maladies car­
dio-vasculaires, auxquelles les diabétiques sont
déjà plus sensibles. Désormais, une meilleure Européen
connaissance de la maladie et l'auto-contrôle
Sorbitol E 420 Poire, cerise Amidon, sucre inverti
de la glycémie, facilité par des appareils fiables (glucose)
et de maniement aisé, permettent de proposer
Mannitol E 421 Algues, olives Amidon, sucre inverti
aux diabétiques un régime diététique équilibré (rructose)
et varié, avec une ration glucidique régulière et
Xylitol E 967 Framboise, Rafles de maïs,
surveillée. Celle-ci doit représenter 50 à 55 %
champignons bois (xylose)
des calories totales, comme dans un régime
1vlalritol E 965 Amidon (maltose)
normal. Une limitation des matières grasses et
un rythme strict des repas sont également pres­ Lactitol E 966 Lactosérum Oactose)
crits. Il a été observé qu'un dessert sucré, pris lsomalt E 953 Saccharose
en fin de repas, n'augmentait pas la glycémie,
d'où son autorisation occasionnelle, à condi­ * Directive Édulcorants 94/35 CE. (Source. Le Sucre, données scientifiques, CEDUS, 1997.)
tion qu'il soit pris en compte dans la ration
glucidique. De plus, la pratique d'une activité physique modérée,
mais régulière, accroît la sensibilité des cellules à l'insuline et permet
un meilleur contrôle de la glycémie.
Notons enfin que les diabétiques, principalement les insulino­
dépendants pour lesquels le sucre est compté, doivent toujours
disposer de quelques morceaux de sucre dans la poche. Grâce à
son assimilation rapide, le sucre est en effet leur sauveur en cas
d'hypoglycémie. Dans les services d'endocrinologie des hôpitaux,
le sucre est le premier recours d'urgence en cas d'abaissement
brutal du glucose dans le sang, qu'il soit pris en morceaux ou sous
forme de confiture sur une biscotte.
La grande fatnille des édulcorants
Dans la famille des glucides, qui réunit saccharose, sucre inverti,
glucose, isoglucose, fructose, sucre et sirop d 'érable, miel et sucre de
fruits, une place à part revient aux sucres-alcools (polyols) , produits
industriellement par hydrogénation catalytique de glucides à haute
température. Leur pouvoir sucrant est inférieur ou égal à celui du sac­
charose ; ils possèdent un effet texturant et sont stables à la cuisson.
Leurs propriétés sont différentes de celles des sucres traditionnels, et
leur valeur calorique est comprise entre 2 et 4 kilocalories au gramme.
Au-delà d'une certaine quantité consommée (20 à 50 grammes par
jour) , ils peuvent provoquer des troubles gastro-intestinaux. Non cario­
gènes, ils sont recherchés surtout en confiserie, principalement pour la
fabrication des chewing-gums, des sucres cuits et des comprimés.
Autorisés dans l'alimentation humaine, en tant qu'additifs , par
la directive européenne sur les édulcorants du 10 septembre 1994,
sorbitol, mannitol, xylitol, maltilol, lactitol et isomalt peuvent être
utilisés seuls ou en mélange dans une vingtaine de catégories d 'ali­
ments « sans sucres ajoutés » ou « à valeur calorique réduite »
(d'au moins 30 %) . Ces sucres-alcools ne sont pas soumis à une
dose maximale d 'emploi, mais leur usage est interdit dans les bois­
sons sucrées non alcooliques et dans les aliments destinés aux
enfants de moins de 3 ans. [ étiquetage des aliments qui les
contiennent doit mentionner qu' « une consommation excessive
peut avoir des effets laxatifs >f.
On parle aussi des fructo-oligo-saccharides , constitués d 'une
chaîne de molécules de fructose et obtenus soit par synthèse à partir
de saccharose, soit par hydrolyse de l'inuline (polymère du fructose).
Leur pouvoir sucrant se situe entre 30 et 65 % de celui du saccharose,
leur valeur calorique à la moitié. Non absorbés au niveau de l'intes­
tin grêle , à la différence des glucides traditionnels , mais dans le côlon,
ils favorisent l'augmentation de la flore bifidus, réputée bénéfique.
Comme les polyols, ils peuvent, au-delà d'une certaine quantité
consommée, entraîner des troubles gastro-intestinaux. Ils sont auto­
risés en France, dans l'alimentation humaine, depuis 1992.
Les sucres allégés, quant à eux, sont des édulcorants de table
constitués de petits morceaux de sucre additionnés d 'aspartame et
Sucre ou sucrette ?

Si les édulcorants de synthèse


d'acésulfame. Ils ont l'apparence et le croquant du sucre, qui les
apportent une saveur sucrée intense,
compose à 99 %, et sont deux ou quatre fois moins caloriques, selon
ils ne peuvent remplacer
la marque choisie. Une version en poudre s'utilise en pâtisserie avec
le sucre dans l'effort physique.
le même volume et le même pouvoir sucrant que le sucre en poudre,
mais avec 50 % de calories en moins. Dans la mesure où elle est deux
fois plus légère que le sucre, il suffit de diviser le poids de sucre des
recettes par deux.
Enfin, les édulcorants de synthèse regroupent des produits d 'ori­
gines diverses , obtenus par synthèse chimique, et dont le pouvoir
sucrant est bien plus élevé que celui du saccharose, d 'où leur appel­
lation d 'édulcorants intenses.
Ajoutés aux aliments en faible quantité , ils apportent une saveur
sucrée de m ême intensité, mais avec un profil gustatif différent de
celui du saccharose et un apport énergétique réduit. Leur arrière­

••••••
78
L ES TABOUS Dl' SI'CRF

goût, parfois prononcé, persistant en bouche, est plus ou moins !- , -;;"--:-~· a ·· -> -~tL""". -~ . . ~ ,,\'.

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perçu selon les gourmets. Sans texture ni effet de masse, ils ne peu­ . Oïl " ", __ .

vent remplacer le sucre dans la plupart des applications alimentaires Pouvoir sucrant relatir
ùes édulcorants
sans le recours à des agents de masse, ce qui les élimine d 'emblée de
naLurels ou de synthèse
notre tradition gastronomique sucrée de qualité.
Ces édulcorants, commercialisés soit en boîtes de comprimés, soit Lactitol . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 0,4

en sachets, sont surtout destinés à sucrer les boissons chaudes et les Sirop de glucose ...... ........ ..... 0 ,4

laitages. Pour la préparation de desserts, l'édulcorant - aspartame le Sorbitol ....... ............... .... 0,6

plus souvent - est additionné, selon la marque du produit, d'un ou Glucose .................. . . ...... 0,7

de plusieurs agents de masse (tels que dextrose, maltose, maltodex­ Maltitol ..... . ... ... . . . . .. . ... .... 0,8

trine ou carboxyméthyl-cellulose) sous forme de poudre, afin de faci­


Saccharose . ... . .. . ..... .. ........ 1,0

liter son emploi en pâtisserie.


Sucre inverti ..... . ..... . .......... 1,1

Composition, pouvoir sucrant et mode d'emploi sont spécifiés


sur l'emballage. Les édulcorants intenses restent, pour les bien­ Fructose . 1,2

portants, des produits chimiques dont le succès modéré laisserait à Cyclamates .. . ..... . ........... 25 à 30

penser qu'ils ne procurent pas aux consommateurs tout le plaisir des Aspaname ....... . .. . .... .... 100 à 200

aliments sucrés. Acésulfame ..... . . .. .. ....... 100 à 200

La réglementation européenne autorise certains édulcorants Saccharine ........... . ... . .. 300 à 400

intenses, en tant qu'additifs, dans des catégories d'aliments, avec


Sucralose .... . ..... .. ............ 650

une dose journalière maximale propre à chaque édulcorant.


Thaumatine . .... ........ . . 1 500 à 2 000

[aspartame, dipeptide composé d 'acide aspartique et de phénylala­


nine, a une stabilité à la température relative . Les produits qui en (Source: CEDUS.)
contiennent ne doivent pas être donnés aux enfants atteints de phé­
nylcétonurie (anomalie du métabolisme de la phénylalanine).
[étiquetage doit comporter la mention « contient de la phény­
lalanine » . L'acésulfame de potassium, composé de la famille des
oxathiazines, est stable à la chaleur; il développe un goût amer lors­
qu 'il est très concentré, d'où son association avec l'aspartame ou la
saccharine. La saccharine, ou acide orthosulfimide benzoïque, est le
plus ancien des édulcorants puisqu'elle a été découverte vers 1880.
Dérivée de la houille, elle est plus souvent utilisée sous forme de sels
de sodium ou de calcium. Son arrière-goût est amer, mais sa stabili­
té à la température est bonne. [acide cyclamide dérive de l'acide sul­
phamide ; sans arrière-goût et stable, ce cyclamate est interdit dans
certains pays (aux États-Unis, notamment) , en raison des résultats
contradictoires concernant sa toxicité. La thaumatine, mélange de
deux protéines isolées d'un fruit tropical africain, est produite actuel­
lement par génie génétique ; cet édulcorant se dégrade rapidement
sous l'effet d'un chauffage. La néohespéridine dihydrochalcone,
semi-synthétique, est le résultat de l'hydrogénation d 'extraits de
fruits de la famille des citrus. Sa saveur persistante s'accompagne
d'un arrière-goût de menthol ou de réglisse, dont on tire profit pour
masquer une amertume.
Chaque jour, de nouvelles molécules apparaissent, plus stables à
la chaleur et de meilleur goût. Elles pourront venir concurrencer
l'aspartame si elles obtiennent l'autorisation d'emploi au niveau
international.

Publicité pour un sucre allégé


99 % de saccharose et 1 % d'aspartame et
acésulfame par morceau, un pouvoir sucrant de
même intensité avec quatre fois moins de calories.

• •••••
7(
DE PRÉCIEUX OBjETS_:_

L'utilisation domestique du sucre inspira la création de conte­


nants spécifiques, placés sous le signe de l'esthétisme et du raffine­
ment. Au milieu du XVIW siècle, le sucre étant devenu plus courant et
Pot à sucre moins onéreux, les artisans faïenciers et porcelainiers ne purent plus
en porcelaine assurer la demande en saupoudreuses (voir p. 42), pièces de fabrica­
de Paris tion complexe, et celles-ci furent alors largement devancées par les
(XVIIIe siècle,
sucriers. Sucre provenant du concassage du pain ou sucre pilé? La
fabrique
de Locré). confusion règne parfois quant aux dénominations des récipients
appropriés . A la fin du x::rxe siècle, n'utilisait-on pas le terme de
« sucrière » , qu'Émile Littré définit comme un {{ genre de sucriers
Pot à sucre en faïence , piriformes , pour le sucre en poudre, décorés par les
en porcelaine artistes rouennais , par opposition au sucrier, qui est pour le sucre
tendre de en morceaux » ?
Vincennes
Décoré par Quoi qu 'il en soit, pots à sucre et sucriers firent leur apparition au
Charles Buteux cours de la première moitié du XVIIIe siècle, en un temps où l'on uti­
(1756) dans le lisait aussi les sucriers à poudre. Leur essor est indissociable de celui
sryle de Boucher. des boissons chaudes importées de lointains horizons - café et thé ­
que le sucre accompagnait. Ainsi la période rococo vit-elle la création
Pot à sucre du service à café, dans lequel entraient le sucrier, la pince à sucre
en porcelaine candi (en argent), le saupoudroir, ainsi que les assiettes pour le sucre
tendre ou les gâteaux. En ce qui concerne le thé, bien que le sucre lui fût
de Sèvres
Avec sa ajouté dès le XVIIe siècle, un contenant particulier ne fut intégré à son
soucoupe ou service qu 'au début du XVIIIe.
présentoir
(XVIn e siècle).
LE POT A SUCRE
DES MOMENTS GOURMANDS
L pot à sucre, garni de morceaux de sucre, participait au service
Pot à sucre des boissons chaudes. Selon Jacqueline Maillard et Pascal Hinous ,
en porcelaine historiens de la table, il était également disposé, lors des petits sou­
de Paris pers, sur une table d'appoint, pour que les convives puissent en faire
(époque Empire, usage s'ils le souhaitaient. Il contenait alors du sucre en poudre.
fabrique de Locré). De petite taille , coiffé d 'un couvercle, le pot était parfois posé sur
un présentoir indépendant. En faïence , porcelaine, cristal, métal pré­
cieux... , il pouvait être poly­
Pot à sucre lobé, octogonal, ovale, mais
en argent était le plus souvent rond. Au
Réalisé par x::rxe siècle, on se plut à lui
Pot à sucre l'orfèvre
donner la forme d'une ume .
en cristal, Hippolyte
A décor de grappes Pierre Bomparr
Certaines pièces sont de véri­
de raisin (fin du (Paris, 1834- tables et remarquables chefs­

XVIIIe siècle). 1850). d'œuvre.


POTS A SUCRE ET SUCRIERS
Sucrier
LE TRADITIONNEL SUCRIER en argent
Au corps ciselé
L véritable sucrier était autrefois plutôt destiné au sucre en de guirlandes
de fleurs et
poudre. Sa place était sur la table ; il Y apparaissait au dessert. Il était
d'Amours,
composé d'un récipient pourvu d'un couvercle, d'un plateau, adhérent œuvre du
ou non, et parfois d'une cuillère à saupoudrer assortie. Certains maître orfèvre
modèles, en faïence notamment, mais aussi en argenterie, présentaient Étienne Modenx
une découpe dans le couvercle, pour le placement de cette cuillère. Sucrier (Paris, 1787).
Vers 1760 apparut le sucrier en métal, à anses, rond ou en forme de en foïence
vaisseau, dont les parois ajourées masquaient un récipient de verre ou fine
de cristal, blanc ou bleu. A la fin du XVllle siècle, l'emploi de la porce­ A plateau
adhérent
laine dure permit aux sucriers d'adopter des formes et des décors
(Creil-
variés. Au xrxe siècle, les sucriers en opaline connurent une grande Montereau,
faveur, tout comme ceux en verre taillé, coloré ou transparent, sur pied début du
et de forme ovale, oblongue ou ronde. XIXe siècle).
Aujourd'hui, le sucrier est surtout utilisé pour le sucre en mor­
ceaux. Il s'est adapté aux styles en faveur, à l'instar des autres pièces
Sucrier
du service de table ou de l'orfèvrerie. en porcelaine
dure de Sèvres
Œuvre de Brachard
BIEN UTILE, LA PINCE A SUCRE aîné, d'après
Vivant Denon
Pour saisir le sucre concassé dans son joli contenant fut conçu un pour le service
instrument tout aussi gracieux: la pince à sucre, dont l'usage vit le jour égyptien offert
au cours du premier tiers du XVllle siècle, en Angleterre, pays buveur par Napoléon 1er à
de thé par excellence. [objet devint bientôt si indispensable qu'il fit Alexandre 1er (1808).
partie des nécessaires de voyage. Au cours du xrxe siècle, la pince à
sucre figura souvent aux côtés du sucrier. Les règles du savoir-vivre de
l'époque y font d'ailleurs référence. « Le dîner fini, on passe dans le « ... Une table à thé, ronde,

à marbre plus que jamais portor,

salon, où les tasses, le sucrier avec la pincette d'argent, les petites


cuillères et le porte-liqueur doivent être préparés à l'avance et pendant offre un plateau moiré métallique

où reluisent des tasses en porcelaine

le dessert pour le café », écrit ainsi Louis-Eustache Audot. D'où l'in­


troduction de la pince, à l'époque, dans la ménagère. peinte, quelles peintures! et groupées

autour d'un sucrier en cristal taillé

Longue de 7 à 20 centimètres, la pince à sucre était en argent ou


si crânement que nos petites-filles

en vermeil. Au début, elle prit la forme de ciseaux, puis adopta celle


ouvriront de grands yeux en admirant

d'un U à double cuilleron aux extrémités,


Pince à sucre et les cercles de cuivre doré qui le

que nous utilisons encore. Les orfèvres


en vermeil bordent, et ces côtes tailladées

purent donner libre cours à leur imagina­ (début du xxe siècle).


comme un pourpoint du Moyen Age,

tion ; les structures les plus fantaisistes en

et la pince à prendre le sucre,

témoignent. A la fin du XVllle siècle, on réa­

de laquelle on ne se servira

lisa des pinces en forme d'oiseaux ou de

probablement jamais. »

personnages à bras mobiles. Quant à la

pince à griffe, elle se généralisa au xrxe siècle


Honoré de Balzac, Pierrette, /840
et a survécu jusqu'à nous.

LE CONDIMENT UNIVERSEL

Lun des plus célèbres


éloges du sucre revient au
gastronome Brillat-Savarin
qui, dans sa Physiologie
du goût (1825),
consacre un long passage
de la Méditation VI
aux Divers usages
du sucre, illustrée ici par
une gravure du XIX e siècle.

« Mêlé à l'eau, il donne l'eau sucrée, Mêlé au café, il en fait ressortir l'arome .
boisson rafraîchissante, saine, agréable, et quel­ Mêlé au café et au lait, il donne un ali­
quefois salutaire comme remède . ment léger, agréable , facile à se procurer, et
Mêlé à l'eau en plus forte dose, et concentré qui convient parfaitement à ceux pour qui le
par le feu, il donne les sirops qui se chargent de travail de cabinet suit immédiatement le
tous les parfums, et présentent à toute heure un déjeuner. [. .. ]
rafraîchissement qui plaît à tout le monde par Mêlé aux fruits et aux fleurs, il donne les
sa variété. confitures, les marmelades, les conserves, les
Mêlé à l'eau, dont l'art vient ensuite sous­ pâtes et les candis, méthode conservatrice qui
traire le calorique, il donne des glaces, qui sont nous fait jouir du parfum de ces fruits et de ces
d'origine italienne, et dont l'importation paraît fleurs, longtemps après l'époque que la nature
due à Catherine de Médicis. avait fixée pour leur durée. [. .. ]
Mêlé au vin , il donne un cordial, un restau­ Enfin, le sucre, mêlé à l'alcool, donne des
rant, tellement reconnu , que, dans quelques liqueurs spiritueuses, inventées, comme on
pays, on en mouille des rôties qu'on porte aux sait, pour réchauffer la vieillesse de Louis XIv, et
nouveaux mariés, la première nuit de leurs qui, saisissant le palais par leur énergie, et
noces: de la même manière qu 'en pareille occa­ l'odorat par les gaz parfumés qui y sont joints,
sion, on leur porte en Perse des pieds de mou­ fonnent en ce moment le nec plus ultra des
ton au vinaigre. jouissances du goût.
Mêlé à la farine et aux œufs, il donne les bis­ [usage du sucre ne se borne pas là. On peut
cuits, les macarons, les croquignoles, les babas, dire qu'il est le condiment universel, et qu'il ne
et cette multitude de pâtisseries légères, qui gâte rien. Quelques personnes en usent avec les
constituent l'art assez récent du pâtissier petit viandes, quelquefois avec les légumes, et sou­
fournier. vent avec les fruits à la main. Il est de rigueur
Mêlé avec le lait, il donne les crémes, les dans les boissons composées les plus à la
blancs-mangers, et autres préparations d'office, mode, telles que le punch, le négus, le sillabub,
qui terminent si agréablement un second servi­ et autres d'origine exotique; et ses applications
ce, en substituant au goût substantiel des varient à l'infini, parce qu'elles se modifient au
viandes un parfum plus fin et plus éthéré. gré des peuples et des individus. »

• • • ••
2
__ a .
an IS
~ucre
« L e laitage et 'e sucre sont un des goûts
naturels du sexe, et comme le symbole
de l'innocence et de la douceur
qui font son plus aimable ornement. »
Jean-Jacques Rousseau, La Nouvelle Héloïse

E
A T u

S ucre en poudre, sucre candi, sucre en morceaux ...


Le sucre se prête à diverses présentations qui ne dépendent
ni de son origine ni de sa pureté. De fait, elles peuvent être
réalisées indifféremment avec du sucre de canne ou du sucre
de betterave, du sucre blanc ou du sucre roux. Le sucre blanc
le plus pur a les mêmes qualités, qu'il soit de betterave ou
de canne. Quant à la grosseur des cristaux, elle n'influe pas
sur la qualité alimentaire du sucre, mais sur son emploi en
cuisine ou en industrie alimentaire. Il est assez aisé de se
retrouver dans cet univers multifonne, à condition toute­
fois de garder à l'esprit que le sucre blanc et le sucre
roux ne se distinguent que par leur taux
de saccharose. Bien évidemment, le goût
Le sucre des consommateurs influence considéra­
dans tous ses états
blement les formes que prend le sucre,
Qu'il soit de canne ou de
berrerave, blanc ou roux, fonnes auxquelles correspondent ses diffé­
le sucre peur être apprêté, rents emplois en pâtisserie et en confiserie.
sous toutes ses formes.

• ••••
Le plus ancien,
le pain de sucre
A ses débuts, le sucre fut produit en petites masses
rondes et plates, semblables à des pains . En 1470, les raffi­
neurs vénitiens récompensèrent de 100000 couronnes celui
qui inventa l'art de façonner le sucre en cônes, dits « pains
de Venise » . Cette présentation allait être utilisée dans le
monde entier jusqu'au début du xxe siècle.
D'abord en terre cuite, garnies de cercles de bois, les
formes coniques furent ensuite réalisées en tôle vernie, en
zinc, parfois même en papier mâché , puis en matière plas­
tique. Elles étaient percées d'un trou au sommet. On les pla­
çait sur des pots en terre, pointe en bas , et l'on bouchait ce
trou pendant le remplissage. Leau mère , contenant les cris­
taux de sucre, s 'écoulait par le trou au cours du séchage.
Ce fut là le sucre le plus couramment vendu à nos grands­
« J'enveux, j'en aurai », ou les deux mères, jusqu'à l'apparition du sucre en morceaux. Le pain,
petits gounnands au pain de sucre commercialisé dans les épiceries , pesait entre 1 et 15 kilos.
Le pain de sucre trouve souvent sa place dans On le cassait à l'aide d'un petit marteau ou d 'un couperet.
les chromolithographies de la fin du xrxe siècle.
Sa vente se raréfia en Europe dans les années 1950. En
France, il n 'est plus produit industriellement depuis 1960.
Devenu le symbole d'une tradition disparue, il ne se trouve
plus que dans quelques épiceries fines , en diverses tailles , de
quelques grammes à 500 grammes.
En Afrique du Nord, le pain de sucre demeure une den­
rée traditionnelle , indissociable du thé dont les populations
font une grande consommation. Naguère , pour leur per­
mettre d 'identifier facilement les marques , les raffineurs de
sucre français et hollandais apposaient sur chaque pain une
étiquette rouge et or où figurait un animal, emblème de la
marque: un lion pour Saint-Louis, un cheval pour Say, un
mouflon pour Beghin ... Enveloppés d'un épais papier bleu­

Chez l'épicier et à l'office


Le pain de sucre,
grossièrement cassé sur
un billot en bois de forme
trapézoïdale, était ensuite
découpé en morceaux plus fins
à l'aide d'une hachette à sucre,
ici en forme de renard.

Zodiaque des gens


du monde. Janvier
Les Étrennes
«- Tiens, Virginie voilà du sucre

pour tes éuennes.

- Et moi, mon bon Henri,

je t'ai acheté un joli petit

chapeau pour moi. »

Lithographie de Gavarni, 1839 .

•••••••
86
Pierrot au pain de sucre
La valeur symbolique du pain de sucre
est demeurée très forte, comme en témoigne
cette publicité de René Vincent pour les
bonbons aux fruits « Pierrot gourmand ».

violet, ficelés individuellement, les pains étaient déposés par


douzaine dans un sac de jute rempli de paille et fermé par
une corde, afin d'en faciliter le transport . Ensuite, les acces­
soires étaient récupérés par les nomades, pour leurs familles
et leurs caravanes. Les fabricants ont cherché à moderniser
la présentation des pains, en les emballant sous plastique,
mais il semble que les consommateurs maghrébins et mau­
ritaniens restent attachés à la présentation sous papier violet
et continuent à préférer le sucre sous forme de pain.

A l'âge d'or
du pain de sucre
D'après une
chromolithographie
de la fin du XL'(e
siècle, l'étiquetage
des pains de sucre
dans l'atelier
de conditionnement
d'une raffinerie.

Le pain de sucre à Sainte-Adresse (France)


La forme du pain de sucre a inspiré des monuments ...

Elle a aussi donné son nom à des « silhouettes» similaires,

telle la célèbre morne granitique haute de 395 mètres,

sise à Rio de Janeiro, à l'entrée de la baie de Guanabara

- Pao de Açucar, l'appelle-t-on en portugais.

Le nom de « pain-de-sucre » fut aussi donné, au début

du xxe siècle, par Vilmorin-Andrieux, à une variété de fraisier,

en raison de la forme de son fruit, en cône allongé.

Le sucre
cristallisé
Les cristaux
qui le composent,
de taille variable,
se sont transformés
naturellement
pendant la
cristallisation du
. .
Slrop en pnsmes
« rhomboïdaux ».

Le « sucre cristal »
Le sucre cristallisé blanc est recueilli dans les turbines ,
après contraction sous vide et cristallisation des sirops ; ses
cristaux, fonnés naturellement, peuvent être de dimensions
différentes et hétérogènes , généralement autour de 0,60 mm
de diamètre . Certains fabricants, notamment en Belgique,
sont en mesure de produire, par une cuisson plus lente et
progressive des sirops, des cristaux d'une taille supérieure à
1 millimètre (<< sucre granulé gros grains »).
Conditionné par paquets de 1 ou 5 kilos, ce sucre est des­
tiné à la macération des fruits, ainsi qu 'à la préparation des
confitures et des compotes. Si ses cristaux sont gros, il décore
les tartes et enrobe les pâtes de fruits ou les fruits déguisés
d'Afrique du Nord .

Universel, le sucre en poudre


Destiné aux pâtisseries et aux entremets, idéal pour être
mélangé aux jaunes d'œufs, ce sucre est appelé par certaines
marques , et toujours en Belgique, « sucre semoule ». Au
siècle dernier, il résultait des poussières de sucre récupérées
après le conditionnement en pain ou en morceaux. C est,
aujourd'hui , le sucre blanc le plus consommé. Il est obtenu
par broyage ou tamisage du sucre cristallisé blanc ; ses cris­
taux mesurent généralement entre 0 ,35 et 0,60 mm de dia­
mètre - certains pays commercialisent des sucres semoule
ultrafin, fin et moyen. Dérivé du sucre de betterave en
France, il peut également provenir de la canne dans les pays
producteurs de sucre de canne .
Depuis les années 1930, le sucre en poudre est condi­
tionné à l'intention des cafés et brasseries, notamment, en

••••••
8
lA GOI1R~IANl)IS E D{I SU C RE

sachets de 7 à 10 grammes, qui arborent des décors même en plaçant quelques gousses de vanille dans le
nominatifs ou publicitaires. Dans de nombreux pays, sucrier, ce qui permet d'en avoir constamment à dis­
où le sucre en morceaux n'appartient pas aux usages de position.
consommation, c'est le seul sucre enveloppé proposé.

La neige du sucre glace


Exotique, le sucre vanillé
Poudre blanche obtenue par fin broyage du sucre
Sucre en poudre aromatisé à l'extrait de vanille et cristallisé, le sucre glace se présente sous forme de fari­
présenté le plus souvent en sachets de 6 à 8 grammes, ne impalpable, le diamètre de ses cristaux étant infé­
le sucre vanillé doit comporter au moins 1 % de ° rieur à 0,15 mm. Pour cette raison, le sucre glace est
poudre ou d 'essence de vanille naturelle. S'il porte la parfois appelé « sucre farine» ou, comme en Belgique,
mention « vanilliné », il est parfumé à l'éthylvanilline « sucre impalpable ». La finesse de ses cristaux le rend
de synthèse ou par un mélange d'extrait de vanille sensible à la moindre humidité. Aussi, pour éviter sa
naturelle et de vanille de synthèse. prise en bloc, il est couramment additionné d'amidon
Très pratique, le sucre vanillé sert à la confection de de maïs (environ 3 %). De plus, son conditionnement
très nombreuses recettes. Il est aisé de le préparer soi­ est étudié pour le protéger de l'humidité.

Page de gauche
En haut:
Pétales de rose
cristallisés par
Henry Rémi,
artisan confiseur.
En bas:
Le sucre en poudre
A la base de tous
nos desserts,
il sucre laitages,
crèmes et compotes.
Pour décorer les gâteaux,
il peut être coloré.

Ci-contre:
Salade de fruits
Pour en exalter
le parfum, il faut
saupoudrer les fruits,
quelques heures avant
de les consommer,
de sucre en poudre,
de sucre vanillé
ou de sucre glace, puis
les laisser macérer
au frais.

•• ••
E
C'est le sucre idéal pour la décoration, le glaçage, « Casson », « perlé », « granulé »
les desserts non cuits, les meringues, la crème
Chantilly, les coulis de fruits , etc. Les Anglais commer­ Ânsi appelle-t-on les sucres en grains qui résul­
cialisent également un sucre glace roux, golden lang tent du concassage, après compression et séchage, de
sugar, dont les utilisations sont identiques. lingots de sucre très blanc en grains très durs. Ils sont
classés selon leur calibre et généralement réservés à
l'artisanat. Certains pays les commercialisent au détail.
Le sucre spécial confitures Plus résistants à la cuisson, les sucres en grains sont
utilisés pour la décoration (chouquettes, brioches, pains
Le sucre pour confitures est un sucre en poudre d 'épices, gaufres, craquelins, croquembouches) et par­
blanc additionné de pectine naturelle de fruit (0,4 à fois pour la préparation des pâtes levées sucrées.
1 %), d'acide citrique (0,6 à 0,9 %) et, quelquefois,
d 'acide tartrique. La pectine facilite la prise des gelées
et confitures. Les acides renforcent l'action de la pec­ D'origine française,
tine et assurent une meilleure conservation . [emploi
de ce sucre permet de réussir marmelades et gelées, et le sucre en morceaux
de diminuer leur temps de cuisson tout en préservant
les qualités gustatives des fruits - cependant, certains
L sucre en morceaux est destiné aux boissons
chaudes. Blanc, il sert couramment à la confection du
amateurs n'apprécient pas la consistance des confi­
sirop de sucre cuit et du caramel, en raison de sa facilité
tures ainsi préparées. Pour bien utiliser ce sucre, il
de dissolution. Autrefois, on fabriquait les morceaux de
convient de suivre scrupuleusement les instructions
sucre en versant la masse cuite chaude dans des moules
notées sur l'emballage: quantité , temps de cuisson.
parallélépipédiques. Puis, après séchage en étuve, les
Les adeptes de la cuisine au micro-ondes le choisis­
plaques étaient sciées, cassées et rangées dans des
sent pour réaliser des confitures en petite quantité.
boîtes. Sucre de luxe à cristaux brillants, le « sucre
On peut aussi l'employer pour donner de la texture
adant », dérivé de cette technique, a aujourd'hui disparu .
aux coulis de fruits, et l'incorporer, sous forme de
En 1854, un épicier parisien, Eugène François, inventa
sirop , à la purée de fruits destinée à la préparation
une machine à produire des morceaux, ancêtres de ceux
« maison» de sorbets.
que nous connaissons. Ces derniers sont obtenus par
moulage du sucre cristallisé, blanc ou roux, humidifié et
compressé mécaniquement dans des moules indivi­
duels. Lors du séchage et de la maturation, les cristaux
se soudent les uns aux autres; les morceaux sont ensuite
automatiquement déposés, par rangées, dans des boîtes
en carton de 1 kilo. Si, autrefois, en France, le calibre des
morceaux allait de un à cinq, le sucre traditionnel n'offre
plus aujourd'hui que deux calibres; selon les marques,
les morceaux pèsent entre 7 et 8 grammes pour le
nO 3, et entre 5 et 6 grammes pour le nO 4. Suivant les
moules et les pays, les morceaux peuvent aussi se pré­
senter en dés, en dominos ou sous des formes fantai­
sistes. En Belgique notamment, depuis 1995, les « mor­
ceaux durs » portent une rainure en leur milieu, de
façon à être facilement sécables. Plusieurs marques
fabriquent également des morceaux à l'ancienne,
généralement en sucre de canne, à partir de lingots

Sucre en morceaux
Domino, cube, pique, trèfle, cœur, carreau ...
Le morceau de sucre se prête au jeu .. .
C'est en France qu'il fut moulé pour la première fois
par la raffinerie Bouchon, à Nassandres, en 1876.

•••••••
90
lA GOURt-IANDISE DU SUCRE

La boîte de sucre
Ce dessin de Pouf agence les
morceaux: de sucre en mots croisés
pour la revue enfantine Guignol
(n° 49, décembre 1934).

cassés en morceaux irréguliers, blancs ou roux. Lun


d'eux, le sucre « à la Perruche », a acquis une notoriété
qui a franchi les frontières .
Le premier sucre en morceaux enveloppé fut pré­
senté à Paris en 1908, par la société Asept. Lemballage
était constitué d'une simple feuille de papier, dont une
pastille maintenait les extrémités réunies. Cette nou­
velle présentation fit école ... Ainsi, en Argentine, une
ordonnance de la municipalité de Buenos Aires, en
date du 25 juillet 1910, obligea les cafés , hôtels et

UN ÉTIQUETAGE

RÉGLEMENTÉ

Sur l'étiquette de tout produit sucré

- aliment ou boisson -,

la mention « sucre », au singulier,

signifie que ce produit contient

du saccharose, de betterave

ou de canne, blanc ou roux.

S'il s'agit de sucre de canne,

cela est, la plupart du temps, précisé.

La mention « sucres », au pluriel,

indique que le produit comporte,

outre le saccharose, un ou plusieurs autres

sucres naturels (sucre inverti,

glucose ou dextrose,

fructose, sirop
Un dallage en sucre
de glucose, isoglucose).
Brun, blond ou blanc, rectangulaire ou cubique,
le sucre en morceaux: peut être utilisé pour
de nombreux: décors.

• ••••
C/
restaurants à présenter le sucre « enveloppé ou protégé par
une couverture de papier qui n'ait servi à aucun autre
usage , et en forme de paquet ou de petite bourse ».
Dans l'Hexagone, la fabrication des emballages de
sucre fut interrompue en 1918, un décret interdisant alors
de servir du sucre dans les endroits publics. Ce ne fut
qu'en 1928 que la Manufacture Hygiénique de Sucre en
Étui, entreprise d'emballage localisée à Hendaye, sortit le
premier sucre emballé publicitaire « nominatif ». Trois ans
plus tard , en 1931, une société strasbourgeoise déposa un
nouveau modèle : un morceau de sucre protégé par un
papier entouré d 'une bande . Cette présentation est enco­
re en usage en Allemagne , aux Pays-Bas, en Autriche, dans
les pays d ' Europe de l'Est, ainsi qu'en Thaïlande et à
Hong Kong.
remballage que nous connaissons aujourd'hui a vu le
jour en 1950. Le domino de la raffinerie Saint-Louis à
Marseille fut longtemps le plus renommé et le plus répan­
du. Le sucre se présente désormais soit en morceaux enve­
loppés, à l'unité ou par deux, de 5 à 11 grammes, soit en
papillotes. Les formats diffèrent d'un pays à l'autre, et
nombreux sont les touristes qui en rapportent des contrées
les plus lointaines . D'autant que les sociétés sucrières riva­
lisent d'imagination pour les rendre attrayants et créent
des séries à thèmes (animaux, moyens de transport,
hommes célèbres, etc.) , alors que certaines entreprises
(torréfacteur, restaurant, bar, hôtel, etc.) les utilisent
comme supports publicitaires.

Du sucre au parfulll des îles


En France, il est baptisé « cassonade » : un nom qui,
selon d 'aucuns, viendrait de Kazan, « ville où s 'arrêtaient
les caravanes qui apportaient le sucre des Indes , avant la
découverte du cap de Bonne-Espérance» (Louis Figuier). Il
s'agit, en fait, d 'un sucre cristallisé roux extrait du jus de
canne à sucre, après cristallisation du sirop. La nature de
ce sirop et le processus d'extraction lui confèrent sa belle
couleur et sa saveur particulière, qui évoque le rhum, les
épices et la vanille .

Caramélisant bien à sec, la cassonade est indissociable
de la crème brûlée. Elle est également présente dans les
recettes exotiques - bananes flambées, punchs ou salades
Boîtes de fruits - , dans les chutneys, servis en Inde avec les cur­
de sucre ries, ainsi que dans les recettes d 'origine anglo-saxonne ­
Les glycophiles . crumbles, pies et cakes . Appelée brown sugar par les
collectionnenr Anglais, elle participe traditionnellement au breakfast. En
les divers
emballages Flandre en revanche, contre toute logique, la cassonade est
de sucre. l'autre nom de la vergeoise , composante de la célèbre tarte
au sucre du Nord.

92
························· L\ · G(·;lïR~ïM;.; i;ïsË· ï)·lj··S lië 'Rïi

Le « rangeage » du sucre
Lorsque le conditionnement
du sucre se faisait
manuellement .. .
Ici, dans l'atelier
de la raffinerie Bouchon
au début du xxe siècle.

CONSERVER LE SUCRE •••


Dne spécialité du Nord,
la vergeoise
Le sucre est un produit stable

dans le temps, car il ne perd pas


Au XIXe siècle, son nom désignait la plus grande des

ses qualités organoleptiques


formes utilisées dans les raffineries pour le moulage du

et fonctionnelles. Son grand ennemi:


sucre; on l'appelait alors aussi « bâtarde ». Dans le sens qui

l'humidité. En outre, pour le conserver


nous intéresse ici, la vergeoise, plutôt issue de la betterave,

en un lieu non chauffé, il est recommandé


est un sucre de raffinerie, à consistance moelleuse , coloré et

de le protéger d'un emballage


parfumé naturellement par les composants de sa matière

plastique hermétiquement clos.


première. La vergeoise blonde résulte de la recuisson du

Mais attention aussi à ne pas le laisser


sirop éliminé lors du premier turbinage du sucre ; la ver­

à la portée des fourmis et des souris,


geoise brune, de couleur plus foncée et au parfum plus mar­

qui l'affectionnent particulièrement!


qué, de la recuisson du sirop éliminé lors d 'un second tur­

binage. Malgré le plus grand soin apporté à son condition­

nement, elle a tendance, lors d'une trop longue conserva­

tion, à prendre en bloc dans son paquet, ce qui n 'altère tou­

tefois pas sa qualité . Pour pouvoir l'utiliser, il suffit alors de

l'écraser au rouleau à pâtisserie.

Ce sucre reste , avant tout, une particularité du nord de

la France et de la Belgique, où on l'appelle également « cas­

sonade ». Il y est associé aux gaufres, crêpes, spéculos et

Sucre de canne foncé


autres tartes flamandes.

Donkere rietsuiker

Entre le sucre et la mélasse


Il s'appelait autrefoi.s « moscouade » ou « moscovade »,

en évocation, affirment certains, de la cité de Moscou où,

apporté par les Tartares, il était largement commercialisé. Il

semble cependant que ce nom, daté de 1667, soit, en fait ,

une altération du portugais mazcabado (<< déprécié »).

Aujourd'hui, le moscovado, sucre de canne brut, originaire

de l'île Maurice, est composé de fins cristaux à forte teneur

en mélasse. Cette dernière lui donne son goût puissant et

particulier, sa richesse en sels minéraux, ainsi que sa cou­

Moscovado leur foncée. Il se présente sous deux formes : l'une, foncée

Un goût puissant . .. (dark moscovado) , et l'autre, claire Clight moscovado) , de

••••••
93
Le « sucre à la ficelle » couleur miel, dont le parfum rappelle celui du fodge,
Au XIXe siècle, friandise appréciée des Britanniques. Le moscovado est,
le sucre candi d'ailleurs, surtout commercialisé dans le Royaume-Uni.
était si onéreux A l'approche de Noël, en Angleterre, on trouve aussi
qu'il était d'usage
de la mélasse, Molasses Sugar, le plus brun de tous les
de le suspendre
au-dessus de la table sucres : riche en arôme et de consistance poisseuse, elle
pour que chacun est destinée à la préparation des traditionnels puddings.
le trempe dans sa tasse,
afin de sucrer
parCimomeusement Le plus gros cristal, le candi
son café.
La notion de gourmandise est encore plus asso­
ciée au sucre candi qu'aux autres formes de sucres.
Contes et récits féeriques en font le matériau de choix
de constructions imaginaires, telle cette « île de suçre
avec des rochers de sucre candi et de caramel»
qu'évoque Fénelon. Apparu au XIn e siècle en Occident,
le terme « candi» vient du mot arabe qandî(<< sucre de
canne »), lui-même dérivé de l'hindou. Dès le Moyen
Age, ce sucre fut réputé pour être le meilleur et fut paré
de vertus thérapeutiques. Au xve siècle, tout bon apo­
thicaire se devait de disposer, dans son officine, de
candi simple et de candi à divers parfums de fleurs et
de fruits.
Le candi blanc est, en fait, composé de cristaux trans­
parents, plus ou moins gros, obtenus par cristallisation
lente (une dizaine de jours) d'un sirop pur sursaturé et
chaud. Le candi brun est obtenu de la même manière, à
partir d'un sirop coloré par caramélisation. Le sirop était
autrefois versé dans des bacs de cuivre (<< candissoires »),
tendus de fils de lin ou de coton sur lesquels le sirop se
fixait et s'agglomérait en de beaux cristaux prismatiques.
D'où le nom de « sucre à la ficelle ».
Surtout apprécié pour son bel aspect, le candi agré­
mente les sucriers de table. Dans le nord de la France,
certaines familles l'utilisent encore pour préparer des
sirops à la carotte ou au navet, réputés contre la toux.
D'autre part, en raison de la lenteur de sa dissolution,
il est recommandé pour la confection des liqueurs et
fruits à l'alcool « maison ».
Le sucre candi brun est également utilisé en bras­
serie pour colorer la bière, ainsi que par certains pro­
ducteurs de Champagne pour la préparation de la
« liqueur d 'expédition », faite de vin vieux et d'eau-de­
vie - l'ajout de candi varie selon le champagne désiré,
brut, sec ou demi-sec.

Casser le sucre
La pince à casser le sucre, ici en fer forgé,
était très utilisée aux XVIIIe et XlXe siècles.
························'·LA · ëi Oüï~~ï~\NDïs Ë· [;·· ..·sü·ëRïi

Un caramel tout prêt LES BÛCHETTES


"
Elaboré à partir de sucre ou de sucre et de glu­
cose, le caramel liquide est cuit sous contrôle, à la
Une nouvelle présentation du sucre enveloppé

est apparue à la fin du xX' siècfe :

vapeur et sous vide , de façon à obtenir une sauce


les bûchettes ou dosettes, composées de 5 grammes

sirupeuse, prête à l'emploi. Il est conditionné en


de sucre en poudre, pour reha(,(sser " avec la j(,(ste dose ))

petites bouteilles et sert à napper les entremets et les


le goût des yaourts, desserts et boissons.

glaces.
En sachets décorés, cette forme

de sucre est aussi uttÏisée dans les cafés,

bars, brasseries

Le sucre des punchs et dans la restauration rapide.

1ncolore , blond ou ambré, le sirop de sucre est, en


fait, une solution de sucre (de canne, le plus souvent)
et d 'eau. Il est présenté en bouteilles similaires à celles
du rhum et sert principalement à la préparation des
boissons alcoolisées. Il peut aussi être utilisé pour
sucrer les salades de fruits. Une cuillerée à soupe de
sirop équivaut à 10 grammes de sucre.
Le sirop de sucre obtenu à partir de la betterave est
également proposé à l'industrie alimentaire; il s'agit
alors d 'un « sucre liquide » prêt à l'emploi et pouvant
être directement intégré aux circuits de fabrication des
produits sucrés .

Au service de l'industrie
alimentaire
Sous l'action de la chaleur et d'un élément acide , LE SUCRE AU PRIX DE L'OR
le saccharose en solu tion se scinde en deux (hydrolyse)
pour donner une molécule de glucose et une molécule Le 1er février 1983, à l'Hôtel Drouot, à Paris,

de fructose. Le produit obtenu est appelé « sucre inver­ fut vendue aux enchères une collection de

ti ». Sa texture est semi-pâteuse , et sa couleur, blan­ dix mille morceaux et sachets de sucre, au profit

châtre. Le terme « inverti » est lié à la propriété qu'a la de la Fondation de la recherche médicale.

molécule de fructose de dévier le plan d'une lumière La vente, qui ne dura que trois heures, rapporta

45000 francs. Au cours de cette dispersion,

polarisée dans le sens inverse de celui du saccharose.


Linversion des molécules du sucre lui confère des pro­ un unique morceau, celui de l'asile psychiatrique

priétés différentes -la principale, et non la moins avan­ de Lannemezan, fut adjugé 3 100 francs!

tageuse, étant de ne pas cristalliser. Il faut savoir que l'organisatrice de la vente,

Le sucre inverti est utilisé pour la fabrication indus­ Sabine Bourgey, avait préalablement récolté

trielle des confiseries, biscuits, pains d'épices, glaces et une somme équivalente, et que ses nombreux amis

boissons. présents dans la salle firent monter les enchères,

pour la bonne cause.

D'autres ventes de ce genre eurent fieu, au profit

de l'Association française de lutte contre la mucoviscidose,

" Qu'y a-t-il donc J demanda Eugénie en

notamment. La collecte des sucres stimule les enfants

mettant dans son café les deux petits morceaux de sucre

malades et leur entourage, les co{{ectionneurs

pesant on ne sait combien de grammes que le bonhomme

d'emballages désireux de se défaire de leurs

s'amusait à couper lui-même à ses heures perdues. »

co{{ections trouvent ainsi le moyen de faire

Honoré de Balzac, Eugénie Grandet, 1833 œuvre charitable...

• ••••
LORSQUE
-E lJ
FAIT ŒUVRE

L e saccharose, autrement dit le sucre, qu'il soit de canne


ou de betterave, joue un rôle de tout premier ordre en pâtis­
serie et en confiserie, où il est présent d'abord par sa dou­
ceur. A cette propriété s'ajoute un goût très pur, sans arrière­
goût indésirable. Rien d'étonnant à ce qu'il soit considéré
comme l'agent sucrant par excellence, la référence en ce
domaine. En effet, la qualité de la saveur sucrée varie consi­
dérablement selon l'édulcorant utilisé. Les autres édulco­
rants naturels présentent un pouvoir sucrant proche de celui
du saccharose, alors que celui des édulcorants artificiels est
infiniment supérieur, de plusieurs dizaines à plusieurs mil­
liers de fois.
Par ailleurs, le sucre est irremplaçable à plusieurs titres. Il
gonfle les brioches, souffle les blancs d'œufs, sublime les
meringues, participe à la texture sablée des pâtes à tarte, rend
croustillantes les pâtes à biscuit, dore les crêpes, colore
les caramels, préserve les confitures, glace les fruits ... Ces pro­
priétés technologiques exceptionnelles
lui permettent d'agir sur la texture des
pâtes à gâteaux, la fermentation des pâtes
Ci-contre:
levées, la consistance des glaces et des bois­
Irremplaçable sucre sons, la bonne tenue des fruits congelés, la
Il sublime ici, dans une conservation des fruits confits ou des confi­
appétissante composltlon,
une simple meringue. tures ...

• ••••
Ls quelques conseils
En matière
qui suivent laissent mieux
percevoir toute la diversité
de douceurs
des vertus « culinaires»
du sucre.

• Pour confectionner une saupoudrer, avant d'y dépo­


crème Chantilly Cl), il faut ser les fruits, d'un mélange
fouetter la crème fraîche et de chapelure et de sucre en
n'ajouter le sucre glace seule­ poudre, en quantités égales.
ment lorsqu'elle commence
à monter ; elle n'en sera que • Une cuillerée à soupe
de sucre en poudre ou de
plus mousseuse.
sucre vanillé ajoutée aux
1. Crème Chantilly
• La crème au beurre (2) blancs d'œufs battus en
se prépare en versant le sirop neige facilite leur incorpora­
de sucre, cuit au boulé, sur tion à la pâte à gâteau.
les jaunes d'œufs, puis en
ajoutant le beurre en pom­ • Un peu de cassonade
répartie, avant cuisson, à la
made. Le sirop de sucre sté­
surface de la pâte du biscuit
rilise les jaunes et donne à la
de Savoie lui donne une
crème son onctuosité.
croûte croustillante.
• L'onctuosité de la
crème anglaise (3) dépend • Le démoulage des
gâteaux est facilité lorsque le
du mélange des jaunes
moule , préalablement beur­
d'œufs et du sucre, qui finit
ré, est saupoudré de sucre
par blanchir et doubler de
cristallisé avant d'être garni
volume. Le résultat sera
de pâte. Le conseil vaut pour
meilleur si l'on bat les jaunes
tout soufflé sucré.
2. Crème au beurre en versant peu à peu le
sucre, en pluie, et en conti­ • Les palmiers et bis­
nuant à fouetter jusqu'à ce cuits saupoudrés de sucre
que la préparation, soulevée cristallisé avant d'être en­
à la spatule, fasse ruban. fournés prennent une belle
couleur.
• Si le sucre est ajouté en
cours de battage des blancs • Pour que la pâte à tarte
d' œufs, avec quelques soit bien sablée, la quantité
gouttes de jus de citron, la de sucre doit correspondre à
neige est plus ferme, ce qui la moitié de celle de farine.
est important pour les souf­
flés et les mousses. • Les brioches et galettes
se parent d'une belle cou­
• Pour éviter que le fond leur quand elles sont badi­
de tarte ne ramollisse à la geonnées de lait sucré avant
cuisson, il est conseillé de le cuisson.
3. Crème anglaise

98
LA GOIJRHANDIS E DU S C

cc La meilleure manière de manger une orange

est de faire un trou à son sommet et d'y

introduire du sucre en poudre; puis, en labourant

l'intérieur du fruit avec une cuiffère à café, on obtient

un jus parfait. On mange comme un œuf à la coque. »

Les Recettes du siècle, /90/

• Lajout d'une cuillerée à • Les pommes pelées


soupe de sucre à la pâte rend noircissent moins vite quand
les crêpes plus dorées à la elles ont été passées dans du
cuisson. Il en va de même jus de citron sucré.
pour les gaufres, dorées et
plus croquantes après refroi­ • La compote gagne en
saveur quand le sucre n'est
dissement.
ajouté qu'en fin de cuisson.
• Le gâteau de riz ne doit
être sucré qu'en fin de cuis­ • Les fraises perdent leur
son, à l'aide de sucre dissous parfum au réfrigérateur; en
dans très peu de lait chaud. revanche, leur arôme est ren­
forcé si elles sont arrosées de
• Le démoulage des des­ jus d'orange ou de citron
serts caramélisés doit avoir mélangé à un sachet de sucre
lieu dès la sortie du four, vanillé.
avant que le caramel ne dur­
cisse. Il faut retourner le • Avant de congeler les
moule sur le plat de service fmirs, il taut introduire dans
et attendre que la prépara­ le sac de congélation du sucre
en poudre Cl 00 grammes par Sucre et chocolat...
tion se détache des parois. Ils nourrissent nos souvenirs d'enfance.
kilo de fmits) et du jus de
• Pour napper un gâteau citron (un citron par kilo de
à l'orange ou au citron d 'un fruits), puis secouer le sac.
glaçage fait de sucre glace Les fruits conserveront mieux
dilué dans le jus de l'agmme, leur couleur et leur tenue.
il convient d 'arroser le
gâteau encore chaud avec la • Utilisé pour la réalisa­
moitié du glaçage, pour qu'il tion des sorbets ~~ maison »,
devienne moelleux, puis le sucre spécial confitures
d'étaler le reste lorsque le favOlise leur prise.
gâteau est complètement
• Enfin, pour nettoyer
refroidi.
tacilement la casserole qui a
• Pour caraméliser plus servi à la cuisson du caramel,
facilement la crème brûlée il suffit de la remplir d'eau et
sous le gril, il est conseillé de de faire bouillir, pendant
la recouvrir de sucre roux, 5 minutes, avec cuillères et
puis de vaporiser un tout spatules collées. Lopération
petit peu d'eau, à l'aide d'un doit être renouvelée si le
pulvérisateur. sucre n'est pas dissous.

• •••
Le sucre Le concombre perd son
amertume s'il est trempé
• La sauce à l'oseille
gagne à être additionnée
à la cuisine dans du lait sucré; il faut
ensuite l'éponger à l'aide de
d'une pincée de sucre en
poudre.
papier absorbant.
Ajouter un peu de sucre • Une sauce au vin
dans les préparations salées • [amertume des endives demande à être goûtée, de
permet de renforcer le goût braisées est neutralisée lors­ façon à lui incorporer, si
naturel des aliments, d'atté­ qu'on ajoute un peu de sucre besoin est, un peu de sucre
nuer l'acidité ou l'amertume, au beurre dans lequel elles roux.
voire d'accentuer la colora­ sont mises à dorer.
tion. • Pour colorer un
• Les petits pois frais doi­ bouillon de petit salé, voire
Une cuillerée de sucre vent être cuits à l'étuvée avec de pot-au-feu, y verser une
en poudre et une pincée de un peu de sucre en poudre. bonne cuillerée de caramel
vanille en poudre améliorent S'ils sont cuits à l'eau, une liquide.
le potage au potiron. pincée de sucre leur conserve
leur belle couleur verte . • Le beurre de tomates,
• Une savoureuse recette qui accompagne avec bon­
norvégienne consiste à enro­ Pour que carottes et heur les poissons grillés, s'ob­
ber un saumon frais d'un oignons soient bien dorés, il tient en travaillant le beurre
mélange composé, à parts faut les saupoudrer d'un peu en crème, à la fourchette, et
égales, de sucre en poudre, de sucre lorsqu'on les fait en y incorporant progressive­
de gros sel et de poivre blanc revenir. Il en est de même ment du concentré de
concassé. On le recouvre pour les navets, qui perdent tomates, une cuillerée à café
ensuite de brins d'aneth et alors de leur âcreté. de sucre et une cuillerée à café
on le laisse macérer au réfri­ de jus de citron.
gérateur pendant trois jours. • On peut relever la
saveur des tomates à la pro­
Il est conseillé d'ajou­ vençale, surtout s'il ne s'agit
ter un morceau de sucre à la pas de tomates du jardin, en « Vers onze heures,

marinade des viandes desti­ les saupoudrant très légère­ le calme était à peu près établi

nées au barbecue, ainsi que ment de sucre en fin de cuis­ dans le quartier. Philadelphie

dans celle du gibier. son; cela atténue leur acidité. allait pouvoir se replonger

dans ce bon sommeil, dont

Juste avant de mettre • Une sauce tomate trop


les cités, qui ont le bonheur

les brochettes à cuire, une acide peut être corrigée par


poignée de sucre jetée sur les l'ajout d'un morceau de sucre de n'être point industrielles,

braises rouges du barbecue en fin de cuisson, au moment ont l'enviable privilège. [..]

active efficacement le feu. où l'on rectifie l'assaisonnement. William T. Forbes se dirigea

du côté de sa grande

« 0 sucre, ô douceur, ô don précieux,


chiffonnière à sucre,

Venu jusqu'à nous d'un lieu étranger!


où miss 0011 et miss Mat

Périsse quiconque, ou sot ou avare,


lui avaient préparé

o sucre vital, qui te prise peu:


le thé du soir, sucré

Périsse qu iconque, par triste moquerie

avec son propre glucose. »

Offrirait amer café de Turquie,

Meure qui sans toi, songerait jamais


Jules Verne,
Tarte ou pastille fabriquer. »
Robur le Conquérant 1886
Abbé G. B. Roberti, XVIIIe siècle

SOS
sucre
,

• Le vinaigre est trop
fort : introduire dans la
bouteille une branche d'es­
tragon et un morceau de
• Les noix sont un peu
rances : les faire tremper,
pendant l à 2 heures, dans
du lait sucré, puis les sécher
sucre. à l'aide de papier absorbant.

Depuis des générations • La sauce de la salade • Le thé est trop amer :


se transmettent, dans les est trop vinaigrée: ajouter ajouter un peu de sucre
familles, des astuces et des une cuillerée à soupe d'hui­ vanillé.
trucs où intervient le sucre. le, une cuillerée à café de lait
Certains n'ont rien perdu de et un peu de sucre en • Pour que la théière ou
leur efficacité. poudre. la cafetière qui ne sert pas
régulièrement ne prenne pas
• La sauce est trop • A défaut de vin blanc une mauvaise odeur, laisser
salée: placer un morceau de pour confectionner une en permanence un morceau
sucre dans une cuillère et le sauce, utiliser du vinaigre de de sucre à l'intérieur.
plonger l minute dans la vin dilué dans un peu d'eau
sauce, afin qu'il absorbe et adouci par un morceau de • Les berlingots collent
l'excès de sel. sucre. les uns aux autres: les sau­
poudrer très légèrement de
sucre en poudre.

• Leau est trop calcaire :


ajouter un morceau de sucre
à l'eau de cuisson des
légumes, à celle du thé, à
celle de la toilette d'un bébé
ou à celle de rinçage d'un
linge délicat.

• Pour empeser une den­


telle sans repassage, la trem­
per dans un sirop de sucre
et la laisser sécher.

• Pour la mise en forme


des napperons au crochet,
préparer un sirop de sucre
avec 250 grammes de sucre
et deux verres d'eau. Faire
cuire 3 minutes environ.
rremper les pièces dans le
sirop chaud, puis les appli­
quer dans un moule à la
forme désirée. Laisser ensui­
te sécher un à deux jours,
avant de démouler. Quand
les napperons sont sales, il
faut, après les avoir lavés,
renouveler l'opération.
Suspension décorative
Une jolie réalisation en dentelle empesée au sirop de sucre.
LA GOURHANDISE Dl S UCRE

Moderne et pratique ...


... ce sucrier vanté par une
réclame des années 1930.
UdOURD'HUI
-------------==
Les taches
de sucre H,••
l,i
ftr , •• rf.~.

.IIQ~ ." _ f . \00, do .. 1"'111......;0

en._,,_ ....
NOVt~
~( _l.
~·.~i.. v. ~ , ••
Il est bien utile de savoir
intervenir rapidement et efficace­ FOllcnO.IIUlnr.
ment pour remédier aux petits N~Vt ...,.,. .... '''''l,lltv. 'fI

malheurs domestiques causés par


l.~j".. '"" ,..1,.- . . r.......
lot .
~'G1! .... . 4<.J"IIo>o'~. ..."_,,
les taches. """""',,, •••• I~_ . 1• ..-' of do
_"d,~

• Sur un tissu: frotter à l'aide '.t.ntAn....


d'un chiffon fin trempé dans un NOv .., ,..;..., .u••.u .-..
peu d'eau tiède. Si la tache est " .............. '""" .IIV"J ""'.
~....... 1tIJ.lo
rebelle, ajouter un peu d'alcool à fM.. .....,., .......... M _
_ NOl'
90° à l'eau tiède, mais faire un
test préalable dans un ourlet ou
un petit coin pour s'assurer que •
le tissu ne se décolorera pas.

• Sur un bois ciré: il s'agit, la


plupart du temps, de traces lais­
sées par des verres ayant contenu
une boisson sucrée. Frotter le
bois avec du marc de café tiède,
préparé en faisant rebouillir du 61. Avenue ."..",-Ja'l..... e ...
marc dans très peu d'eau. REIM
Terminer en frottant à l'aide d'un
chiffon doux bien sec.

• Sur un bois verni: frotter CONSERVER LE BEURRE PAR LE SUCRE


très doucement à l'aide d'un
papier absorbant imbibé d'eau à A u début du xxf! siècle, A. Chaplet livre, dans un guide des astuces

peine tiède. Essuyer ensuite avec domestiques (Toutes les recettes de la maison), une méthode pour conserver

un mouchoir sec. le beurre. Certes, à notre époque où la réfrigération s'est imposée à tous,

ce procédé peut paraÎtre désuet et sans objet. Il a, néanmoins, l'intérêt de

• Sur du cuir: passer délicate­ témoigner de son temps et de montrer combien le sucre fut autrefois précieux,

ment une éponge humectée d'eau à des fins autres que gourmandes... « Le beurre », écrit l'auteur, « est lavé,

chaude, puis essuyer à l'aide d'un malaxé dans l'eau, puis on fait des mottes compactes qu'on recouvre d'une

chiffon sec. Cirer et lustrer.


épaisse solution aqueuse de sucre. Ce sirop sucré, chauffé à 500 , est étalé avec

un pinceau à la surface de chaque motte; sa chaleur fait fondre le beurre sur

• Sur un tapis: si la tache est


incolore, la laver à l'eau tiède. Si une faible épaisseur, et le mélange de sucre et de matière grasse forme une

elle est colorée, additionner l'eau mince croûte laquée imperméable à l'air. Le succès de l'opération dépend

d'un peu d'alcool à 90° ou d'al­ uniquement du soin qu'on y apporte; en effet, il ne faut laisser absolument

cool à brûler. aucun endroit de la surface qui ne soit badigeonné. »

•••••
1
!..... ••
104
LES

LA CUISSON
DU ueRE
L e sucre est le seul aliment qui offre autant de possi­

bilités de recettes et de décoration. Les professionnels le

savent bien, nombreux à se passionner pour le travail de ce

matériau aux ressources inépuisables. Mais cette tech­

nique requiert une certaine pratique et une parfaite maî­

trise de la cuisson du sucre. Dès le XVIe siècle, on s'est inté­

ressé au maniement du sucre, principalenlent en matière

de confisage ; ce n'est toutefois qu'au cours de la seconde

moitié du XVIIe qu'a commencé à être formulée, de façon

claire, la confection du sirop de sucre, en plusieurs étapes

de cuisson. Il en est fait mention dans Le Parfaict

Confiturier du sieur de La Varenne (667). Cependant,

presque un siècle s'écoulera encore avant que le mystère

ne soit complètement élucidé ...

En 1750, dans La Science du maître d)hôte!, confiseur,

Menon livre, avec une précision étonnante, les instructions

concernant la cuisson du sucre, en treize stades, du petit et

Ci-contre: grand « lissé» au petit et grand « cassé », en

Matière
ductile passant, notamment, par la petite et grande

Le caramel « queue de cochon », et la petite et grande


'
offre des
ressources « plume ». Depuis lors, aucune révélation n'a

inépuisables été faite en la matière. La méthode de Menon

en matière
de confisage. reste encore des plus valables.

• ••••
1
Cuire le sucre, c'est faire évaporer l'eau qu'on lui a ajou­
LE SUCRE BRÛLE-T-IL ? tée, afin de le transformer en sirop ou en caramel. La cuis­
son est interrompue en cours de concentration du sirop,
Brûler du sucre n'est pas, semble-t-il, chose aisée.
selon la recette à réaliser. Ainsi, un sirop cuit à basse tempé­
Cela est même impossible. Il suffit, pour s'en convaincre,
rature donne des bonbons tendres, et, à température élevée,
de mettre un morceau de sucre au contact d'une flamme:
des bonbons durs. Plus le sirop est pauvre en humidité, plus
il prend couleur et s'enrobe d'une fine couche de caramel:
il durcit en refroidissant. Plus la cuisson est menée à chaleur
mais, une fois écarté de la flamme, il cesse de
vive, meilleure est la plasticité du sucre. Lhygrométrie de
se consumer. Il existe, toutefois, un moyen de le faire
l'air influe également sur la cuisson. En altitude, la pression
brûler, procédé qui, compte tenu de ce que nous venons
étant plus faible, le point d'ébullition est plus rapidement
de dire, peut passer pour un tour de magie, à l'occasion

atteint. Linfluence des différents paramètres rend donc


l'opération fort délicate.
d'une réunion entre amis. Il suffit d'opérer comme suit:

Si l'on est néanmoins tenté par 1'« aventure », mieux vaut


" Prenez un morceau, et laissez-le tomber,

commencer par confectionner du caramel - le stade de cuis­


comme par mégarde, dans un cendrier

son le plus poussé, juste avant que le sucre ne brûle. Avec de


où se trouve de la cendre de cigare.

l'entraînement, on pourra ensuite s'essayer aux autres étapes


Faites preuve de maladresse en le retirant, ce qui
de la cuisson. S'il existe la méthode empirique pour tester les
vous permettra de le retourner deux ou trois fois
différents stades de cuisson, on a longtemps utilisé un pèse­
dans la cendre sans attirer l'attention.
sirop pour mesurer la densité du sirop, indice de son niveau
Puis, approchez-le de la flamme.
de cuisson. Naguère encore, les recettes indiquaient la densi­
Cette fois, votre sucre brûle, avec une flamme
té du sucre en degrés Baumé - entre 30 et 40 0 selon le stade
assez vive, et ne s'éteint pas:
de cuisson. Depuis 1961, cette mesure est obligatoirement
tout le morceau y passe, sans rien laisser.
portée sur les pèse-sirop en densité - de 1,250 au lissé à 1,385
(II est bon de le tenir avec
au grand boulé. Au-delà de ce stade, il n'est plus possible
si l'on ne tient pas à se brûler.) Il

d'utiliser le pèse-sirop, la densité étant trop importante. Mieux


vaut laisser cet instrument, d'un maniement complexe, aux
La Revue de Noël, 1935
professionnels, car il est aujourd'hui avantageusement rem­
placé par le thermomètre à sucre, gradué de 100 à 200 oC, que
En fait, c'est la cendre qui est à l'origine de ce " miracle Il.

l'on peut plonger directement dans le sirop de cuisson après


Le carbonate alcalin dont elle est constituée

l'avoir trempé dans de l'eau chaude. Toutefois, si ce thermo­


réduit le point d'inflammation du sucre et,

mètre est précieux pour les acharnés du sucre, les amateurs


donc, accroÎt la durée de sa combustion.

peuvent s'en passer.


La cuisson du sucre s'effectue dans un poêlon à sucre, en
cuivre non étamé, le casson. A défaut de poêlon, une casse­
role en acier inoxydable, à fond épais et bien plat, peut faire
l'affaire. Un marbre, un pinceau et des spatules du type
« couteau à mastic» complètent la panoplie. Enfin, pour la
préparation du sirop destiné aux confitures, une écumoire
est indispensable.
Pour éviter la cristallisation du sucre en cours de cuisson,
on lui ajoute un anticristallisant, c'est-à-dire du jus de citron,
du vinaigre à goût neutre - de cidre ou d'alcool-, ou du glu­
cose, en poudre ou semi-liquide. Pour les caramels, ce peut
être aussi du beurre, du lait ou du miel ; ces substances
retardent la cristallisation en épaississant le sirop. Pour évi­
ter tout problème, l'ajout de l'anticristallisant se fait en
début de cuisson.

Page de droite:
Le caramel éteint
La cuisson du sucre Il parfume le lait,
Le bon matériel pour la réussir. une crème ou un vin chaud.

106
LA GOURMANDIS E D SUCRE

LES RÈGLES D'OR DU CUISEUR DE SUCRE AMATEUR

Pour réussir, il convient d'être patient et ne pas hésiter à procéder à plusieurs cuissons successives.

L'expérience ne s'acquiert qu'à la longue, en respectant scrupuleusement les conseils donnés ci-dessous.

• Préparer à l'avance le matériel • chauffer doucement le mélange s'éloigner d'elfe, et même


nécessaire,' poêlon ou casserole, sucre-eau-acide, en secouant la lorsqu'on procède à une
bol d'eau glacée (avec glaçon) casserole jusqu'à ce que le sucre évaluation.
pour procéder aux tests, soit entièrement dissous.
spatules, pinceau, cuilfère à Augmenter alors au maximum • Au-delà du stade du perlé,
entremets, marbre huilé. l'intensité du feu, sans toutefois l'évaluation manuelfe de la
que la flamme ou la plaque ne cuisson demande de l'expérience.
• Choisir le sucre blanc dépassent le fond de la casserole. Le sirop étant très chaud,
le plus pur, de préférence il faut le prélever à l'aide d'une
en morceaux, car il se dissout • Dès l'ébulfition, nettoyer petite cuiffère, puis le jeter dans
plus facilement. le bord intérieur de la casserole le bol d'eau glacée.
à l'aide d'un pinceau mouilfé,
• Ne pas cuire de trop grandes • Si le stade de cuisson désiré
pour éviter toute cristaffisation
quantités à la fois, de façon a été dépassé, on peut rajouter
en cours de cuisson.
à avoir le temps d'utiliser quelques gouttes d'eau froide,
la totalité du sirop avant • Ne pas remuer pendant mais si le sirop a commencé à
qu'il ne durcisse. la cuisson. Secouer la casserole prendre couleur, il est trop tard.
Les proportions recommandées de temps en temps, pour bien
sont les suivantes,' répartir la chaleur. • Quand le stade de cuisson
250 grammes de sucre, souhaité est atteint, arrêter la
un verre d'eau et une cuilferée • Surveilfer attentivement cuisson en trempant la casserole
à soupe de jus de citron ou la cuisson. Il faut écarter dans de l'eau froide et utiliser
de vinaigre à goût neutre. la casserole du feu si l'on doit aussitôt le sirop.

Clair ou brun,
l'indispensable caramel

Selon les uns, le mot « caramel » viendrait de

l'arabe kurat al mihl (<< boule de sel doux ») . Selon

d'autres , il aurait pour origine le latin médiéval can­


namella (<< canne à sucre ») . Les deux hypothèses

sont possibles, compte tenu du trajet qu 'a suivi la

canne à sucre pour atteindre l'Europe. Hors la friandi­

se bien connue, le caramel désigne, en matière de cuis­

son du sucre, le sirop cuit jusqu'à ce qu 'il se colore,

dégage un arôme agréable, qui lui est propre, et perde

peu à peu son pouvoir sucrant.

Le caramel sert, avant tout , à chemiser les

moules . Il ne doit pas être préparé directement dans

le moule , mais dans la casserole: lorsque le sirop a

pris une belle couleur blonde, le verser dans le moule

et incliner ce dernier pour napper les bords .

Retourner ensuite le moule et le laisser ainsi jusqu'au

moment de le remplir.

• •••••
10
Le caramel est aussi utilisé pour parfumer. Quand caramel, et on les dépose au fur et à mesure sur une grille
il devient acajou foncé, il convient d'arrêter net sa cuis­ à pâtisserie. La méthode est la même pour les fruits frais
son, en lui ajoutant, vivement , un demi-verre d 'eau que l'on souhaite glacer, les petits fruits pouvant n'être
chaude ou de jus d'orange (attention au dégagement trempés qu 'à moitié. Attention, lorsqu 'il s'agit de quartiers
de vapeur!) : on obtient ainsi un « caramel éteint » , d 'orange ou de mandarine, ils ne doivent pas être déchi­
qu'il faut alors bien tourner pour le dissoudre . Ce sirop rés, car le jus ferait fondre le caramel !
épais est employé , par exemple , pour parfumer le lait Enfin, le caramel peut être destiné au moulage.
destiné à la confection d'une crème caramel. Il se Dans ce cas, verser le caramel doré Cl 70 OC) sur un
conserve longtemps , dans une bouteille bouchée her­ marbre tempéré et huilé , en nappes très minces, sui­
métiquement, dans la porte du réfrigérateur. van t la taille des moulages souhaités. Quand il a un
Le glaçage est un autre emploi du caramel, notamment peu durci, le détacher soigneusement à la spatule et
quand il s'agit d 'habiller les choux du Saint-Honoré ou déposer chaque nappe sur le moule choisi. Attendre
des croquembouches. Le sucre (5 grammes ou un mor­ pour démouler que le caramel ait un peu durci. S'il est
ceau de sucre n° 4 par chou, et pas plus de 250 grammes versé trop tôt, il coule et colle. S'il est versé trop tard ,
de sucre à la fois) est cuit dans une petite poêle, avec du il est trop dur et impossible à fa çonner. Lopération,
vinaigre neutre, jusqu'au caramel clair. On plonge ensuite très délicate, exige donc la plus grande attention ... et
les choux, que l'on tient par la base, un par un dans le un certain savoir-faire.

Au CANADA, UNE «TIRE » FESTIVE

« Le jour de l'an n'amena aucun visiteur. Vers le soir

la mère Chapdelaine, un peu déçue, cacha sa mélancolie

sous la guise d'une gaieté exagérée.- Quand même il ne

viendrait personne, dit-elle, ce n'est pas une raison pour

nous laisser pâtir. Nous allons faire de la tire. Les enfants

poussèrent des cris de joie et suivirent des yeux

les préparatifs avec un intérêt passionné. Du sirop de sucre

et de la cassonade furent mélangés et mis à cuire; quand

la cuisson fut suffisamment avancée, Télesphore rapporta

du dehors un grand plat d'étain rempli de belle neige

blanche. Tout le monde se rassembla autour de la table,

pendant que la mère Chapdelaine laissait tomber le sirop

en ébullition goutte à goutte sur la neige, où il se figeait

à mesure en éclaboussures sucrées, délicieusement

froides. Chacun fut servi à son tour, les grandes personnes

imitant plaisamment l'avidité gourmande des petits;

mais la distribution fut arrêtée bientôt, sagement, afin de

réserver un bon accueil à la vraie tire, dont la confection ne

faisait que commencer. Car il fallait parachever la cuisson

et, une fois la pâte prête, l'étirer longuement pendant

Un beau caramel brun


qu'elle durcissait. Les fortes mains grasses de la mère

Retourner à la spatule le caramel qui commence


à épaissir avant de l'utiliser pour la confection Chapdelaine manièrent cinq minutes durant l'écheveau

de caramel dur, de sucre d'orge ou de moulage. succulent qu 'elles allongeaient et repliaient sans cesse; peu

à peu leur mouvement se fit plus lent, puis une dernière

fois la pâte fut étirée à la grosseur du doigt et coupée avec

des ciseaux, à grand effort, car elle était déjà dure. La tire

« Ils apprirent comment on clarifie le sucre,

était faite. Les enfants en mâchaient déjà les premiers

et les différentes sortes de cuites, le grand et le petit perlé,

morceaux quand des coups furent frappés à la porte. »

le soufflé, le boulé, le morve et le caramel. »

Louis Hémon, Maria Chapdelaine, 1921


Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet, 1881

•••••••
108
LA GO R1-IANO\SE DU SUCRE

LE PLAISIR DES YEUX

Il La bonne chère est polychrome affirme James


»,

de Coquet dans une de ses chroniques gastronomiques.


Et de préciser que tout mets doit « flatter la rétine »,
car il se déguste d'abord avec les yeux. Ici, constatée
dans le domaine du salé, la stimulation du goût par la
présentation et la couleur se vérifie plus encore dans
l'étonnante ville de Confibourg évoquée dans le conte
d'Hoffmann Casse-Noisette et le Roi des Rats
(Contes des frères Sérapion, 1815-1819).

Pour atteindre la capitale du royaume des poupées,


l'héroïne, la petite Marie, suivit Casse-Noisette à
travers d'alléchants paysages. Une prairie de sucre
candi, « magnifique prairie odorante sur laquelle
brillaient des millions de points scintillant comme des
pierres précieuses », un sol aux dalles multicolores, fait
d'angélique travaillée, le ruisseau d'orange, le fleuve
Poire au caramel
Limonade, le lac du Lait d'Amandes, Bonbonville, « avec Elle est habillée de cheveux d'ange, lesquels sont réalisés
ses maisons transparentes et de fraÎches couleurs »••• en tirant des fils de caramel à l'aide d'une fourchette.
et, bientôt, à l'orée de la forêt des Confitures, dont les
arbres portaient des fruits étranges « qui non seulement
avaient de singulières couleurs mais exhalaient aussi
de merveilleux parfums », la somptueuse cité de
Confibourg avec sa porte « qui semblait faite
de macarons et de fruits candis ».
Mais tout ce qu'avaient vu jusque-là Marie et son
compagnon ne pouvait rivaliser avec le spectacle qui
s'offrit à leurs yeux. A elle seule, la place du Marché
prêtait au rêve: « Les maisons, tout autour, étaient
faites de sucreries ajourées; de fins balcons s'étageaient
les uns au-dessus des autres; au milieu de la place, en
guise d'obélisque, se dressait un grand gâteau glacé en
forme de pyramide autour duquel jaillissaient, de toutes
sortes de fontaines fort habilement conçues, des jets
d'orgeat, de limonade et d'autres boissons sucrées;
et dans le bassin s'accumulait une crème fort
appétissante que l'on aurait aimé prendre à la cuiller. »
Le point d'orgue fut, néanmoins, le château Massepain,
immense bâtisse pourvue de cent tours et dont
la blancheur éclatante se parait, ici et là, de bouquets
de fleurs de toutes sortes. Un festin, où furent offerts
Il les plus beaux fruits et des sucreries si rares que Marie

n'en avait encore jamais vu de pareilles », vint conclure


le rêve de la fillette, qui s'endormit dans la grande salle
du château... pour s'éveiller dans son lit et retrouver
la réalité... Qu'il fut alors difficile de se détacher de cet
univers « où toutes les choses les plus merveilleuses et
les plus magnifiques du monde s'offrent aux regards
de tous, de tous ceux qui savent voir » !
lA CUISSON

DU SUCRE

\ Photo 1 \ Petit perlé \ Photo 2 \ Grand perlé

Différents stades
Sucre brûlé de cuisson

Caramel foncé Le caramel continue à se colorer rapidement. 1\ durcit vite sur le marbre.

Il ne faut pas dépasser ce stade, car le caramel devient amer et inutilisable.

1 Photo si 1
lS5 Caramel clair Le sucre commence à prendre couleur sur le bord de la casserole,

puis devient uniformément blond quand on le coule sur le marbre.

1Photo 711----;_

__1.;:....5_0_--; Grand cassé Encore incolore, la boule devient dure et cassante comme du verre.

145
1Photo 61
1--~__...::.1...::.4-=-0_-l Petit cassé La boule est dure et cassante. Ne pas utiliser le sirop à se stade,

il est collant.

13 5
1Photo 511----;_

_ _1_3 _0 _--; Grand boulé La boule devient plus ferme et ne s'affaisse plus entre les doigts.

125

1Photo 4 11--~___1_2_0 _-l Petit boulé Une cuillerée de sirop versée dans l'eau glacée peut être rassemblée,

entre les doigts, en une boule molle, très malléable.

Si l'on souffle sur l'écumoire, après l'avoir trempée dans le sirop,

1Photo 31 115 Soufflé


il se fonne des bulles solides.

De grosses perles rondes se forment à la surface du sirop.

1 Photo 21 f--_f-­ _ _ l _10_----l Grand perlé-filet Le tilament formé entre les doigts écartés est solide. *

105 Petit perlé-nappé Le sirop se concentre, les bulles grossissent. Un peu de sirop, prélevé à la cuillère,

1 Photo 11 puis saisi entre le pouce et l'index, fonne un filet de 2 à 3 mm.*

100 Lissé Le sirop, en ébullition, devient transparent.

Sa surface se couvre de petites bulles.

* Ne pas oublier de tremper préalablement les doigts dans l'eau froide.

Le thermomètre
à sucre est gradué
en degré Celsius (OC) .

••••••••
110
; ( "
. . ._. _. \1;1'

1Photo 31 Soufflé 1 Photo 41 Petit boulé

Utilisations Utilisations

gourmandes décoratives

Caramel liquide Petit cassé

16S Caramélisation des moules

60 Sucre filé
155 Nougatine
Sucre soufflé
150 Bonbons de sucre cuit

Sucre tiré
(caramels durs, sucettes,

145 berlingots, sucres d'orge)

Glaçage (choux, fruits déguisés)


Sucre coulé
Barbe à papa

14 0 Sucre rocher
135 Grand cassé

130 Nougat, soufflé glacé

125 Caramels mous, crème au beurre

120 Meringue italienne, pâte d'amandes,


marrons glacés
115 Confitures

110 Fondant, touron,


glaçage des fruits confits
105 Fruits au sirop
100 Sirop des sorbets et babas 1 Photo 81 Caramel

Chaque utilisation
du sirop de sucre
correspond à une
température précise.

• •••••
11
Tout d'élégance, le fondant
Lngtemps on n 'utilisa, pour le glaçage, que la glace froide .
Linvention du fondant date, semble-t-il, du début des années
1830, et sa pratique ne se généralisa qu'à partir du milieu du
KW siècle.

Préparation et cuisson: 20 minutes environ


Pour 225 g de fondant environ;
- 250 g de sucre en morceaux

- 1 cuillerée à soupe de vinaigre de cidre

• Mettre le sucre dans une casserole à fond épais. Mouiller avec


3 cuillerées à soupe d 'eau et le vinaigre .
• A l'aide d'un pinceau imbibé d'eau, nettoyer soigneusement
le tour de la casserole.
• Faire cuire le sirop jusqu'au filet (llO °C): le sirop se
concentre, les bulles grossissent.
• Prélever un peu de sirop avec une petite cuillère: une goutte prise
entre le pouce et l'index forme un filet quand on écarte les doigts.
• Dès que ce stade est atteint, retirer la casserole du feu et la
plonger dans de l'eau froide.
• Verser le sirop sur un marbre mouillé (non huilé). Dès qu'il ne
colle plus aux doigts , soit au bout de 1 à 2 minutes, déplacer la
nappe formée pour la refroidir régulièrement, en s'aidant d 'une spa­
tule en acier (du type spatule pour le bricolage). La nappe se trouble
alors peu à peu, blanchit et se transforme en une pâte blanche, élas­
tique. La pétrir à la main pour la rendre lisse. Si le sirop ne prend
« On ne doit employer dans
pas, c'est que le sucre n'est pas assez cuit ; s'il prend en masse trop
l'office que du beau sucre, d'une
vite, c'est au contraire qu'il est trop cuit.
blancheur parfaite, dur, sonore, léger,
• Laisser reposer le fondant, de préférence pendant 12 heures au
et se brisant nettement. Son grain doit
moins, avant de l'utiliser: il sera plus malléable. Il se conserve plu­
être brillant, il doit fondre avec facilité
sieurs semaines dans un bocal fermé hermétiquement et placé dans
et ne laisser rien déposer. Le sucre qui
un endroit frais .
présente tous ces caractères
• Chauffer le fondant au bain-marie (40 oC au plus, pour lui
est le meilleur; c'est-à-dire qu'il sucre
garder son brillant), remuer, parfumer et colorer, au choix, avec du
le plus, et doit être préféré à la
jus de fruit concentré, de l'extrait de café, du chocolat ou un alcool,
cassonade, quelque belle qu'elle soit,
à raison de 1 à 2 cuillerées à soupe pour 250 grammes de fondant.
à cause du déchet qu'elle éprouve
Le fondant tiède est fluide; sa consistance est parfaite pour un gla­
et de la différence de principe sucrant
çage. Sec, il devient dur et brillant.
qu'elle renferme en quantité beaucoup

Les utilisations
moins considérable. »

• Pour glacer un gâteau : le badigeonner d'abord de gelée


Pierre Quentin, d'abricots. Verser le fondant au milieu , puis incliner le gâteau en
La pâtissière de la campagne tous sens pour garnir les bords. Lisser à l'aide d'une spatule trem­
et de la ville, /905 pée dans de l'eau chaude . S'il s'agit de choux ou d'éclairs, les trem­
per régulièrement dans le fondant, au bain-marie , de façon à n'en
glacer que le dessus.
• Pour dessiner des motifs sur un gâteau: le fondant doit être un
peu plus consistant, donc plus froid. Le verser dans un cornet de
papier ou dans une poche à douille .

•••••••
112
LA GOURi'IANDISE DU SU CRE

• Pour enrober des fruits frais: après avoir essuyé les fruits, les LE PRALIN
tremper à demi ou totalement dans le fondant, placé au bain­
marie. Les poser ensuite sur une assiette ou sur une grille. Récupérer les chutes de nougatine.

• Pour habiller des fruits à l'eau-de-vie : égoutter d'abord les Les écraser sur le marbre à l'aide du

fruits et bien les sécher, avant de les tremper entièrement dans le rouleau à pâtisserie,jusqu'à obtention

fondant , coloré ou non . d'une poudre fine.

• Pour réaliser des petits fours: disposer des petites portions de Celle-ci se conserve dans un pot en verre

gâteau, coupées régulièrement, sur une grille. Verser dessus le fon­ hermétiquementfermé.

dant, qui doit les recouvrir entièrement. Égaliser à l'aide d 'une Elle vous servira à parfumer: les glaces,

lame de couteau trempée dans de l'eau chaude. la crème anglaise et la crème au beurre

• Pour confèctionner des bonbons : verser le fondant , coloré ou ou pour saupoudrer les œufi à la neige

non , parfumé et tiédi, dans des caissettes en papier plissé. et l'île flottante.

Croquante et parfumée, la nougatine


Préparation et cuisson .' 30 minutes environ

Pour 350 g de nougatine

ou un socle de 22 cm de diamètre :

-150 g d'amandes hachées

- 250 g de sucre cristallisé

- huile

- 2 cuillerées à soupe de glucose

(ou, à défout, de jus de citron)

• Faire tiédir les amandes à sec, dans une poêle, en remuant


sans cesse. Dans une casserole à fond épais , préparer un caramel à
sec : verser le glucose , ajouter le sucre et chauffer très doucement,
en remuant. Vérifier qu'il ne reste pas de cristaux sur la paroi de la
casserole - ils pourraient faire recristalliser la nougatine . Au besoin,
nettoyer à l'aide d'un pinceau légèrement mouillé.
• Dès que le caramel est blond clair (155 OC) , lui ajouter d'un
seul coup, hors du feu , les amandes. Mélanger et réchauffer quelques TIRE A LA QUÉBÉCOISE
secondes, si nécessaire. Couler aussitôt ce caramel aux amandes sur
un marbre légèrement huilé. Étaler pour arrêter la cuisson . Dans une casserole à fond épais,
• Dès que la masse commence à durcir, l'abaisser au rouleau à mélanger 3 tasses de sucre

pâtisserie. Réserver la nougatine qui n'est pas immédiatement uti­ en poudre, 1 tasse de mélasse,

lisée sur la porte du four (chaleur douce) ouverte, car, en refroidis­ 3 cuillères à soupe de vinaigre

sant, elle devient cassante et difficile à travailler. et une tasse d'eau bouillante,

puis faire cuire surfeu moyen.

Les utilisations
• Dès lëbullition, ajouter 1/2

• Pour un socle de pièce montée en croquembouche : étaler la cuillère à thé de crème de tartre et laisser

nougatine sur l cm d'épaisseur et découper un disque du diamètre bouillir jusqu'à ce que la température

de la pièce . de 130 0 C soit atteinte.

• Pour des formes géométriques: abaisser la nougatine plus fine­ Incorporer alors 1/2 tasse de beurre.

ment, puis graver des lignes régulières et profondes. Détacher les • Remuerjuste pour mélanger.

formes tracées à l'aide d 'une spatule en bois, quand la nougatine a • Verser la tire obtenue dans un plat

bien durci, ou découper aux ciseaux avant complet durcissement. beurré et la laisser refroidir,

• Pour des tartelettes: à l'aide d'un emporte-pièce ou d'une sou­ de façon à pouvoir la retirer du plat.

coupe, découper des ronds selon la taille des moules . Avant que la • Lëtirerjusqu'à ce qu'elle présente

nougatine ne soit tout à fait refroidie, les détacher et les mouler sur une belle texture.

des formes appropriées . Démouler après complet refroidissement.

• ••••
DU

D ouceurs tous azimuts


On ne saurait concevoir un menu bien ordonné sans un entremets
ou une pâtisserie, en note finale. La contribution du sucre à la
symphonie culinaire est essentielle, comme elle l'est à tous les
moments festifs ou aux collations organisées autour d'une tasse
de thé ou de chocolat, voire de café. torigine de cette gourmandise
se perdrait-elle dans la nuit des temps? Certes, au début, les
galettes n'étaient faites que de farine de céréales et d'eau ... Mais
vint un jour où leur furent ajoutés du miel et de l'huile, des fruits
secs et des aromates. Et là commence l'histoire des gâteaux. Des
temps médiévaux, nous savons peu de choses en matière d'ap­
prêts sucrés, sinon que tourtes, beignets, rissoles et crêpes étaient
de consommation courante. Comme l'expliquent Georges et
Gemlaine Blond: « La plupart des gâteaux du Moyen Age ne sont,
en fait, que du pain amélioré à l'aide d'œufs, de fromage blanc et
de quelques aromates. Le sucre y est tout à fait accessoire. Les sur­
vivants de notre époque de ce genre de gâteaux sont les fouaces et
les brioches. » Cela se vérifie au regard du repas médiéval, qui,
lorsqu'il était tant soit peu formel, s'achevait par une « issue de
table », qui se composait d'hypocras, d'oublies, de fruits secs et
frais, voire de dragées.
Si, à partir du milieu du XIVe siècle,
le « sucré » s'organise, le miel
reste très présent dans cette saveur,
et cela bien que l'influence du
Proche-Orient, grand amateur de
douceurs, se fasse croissante. Aussi
Thillevent fait-il montre d'origina­
lité en donnant une recette de

••••••
11
tourte aux poires, dans laquelle le cœur des fruits est creusé et
garni de sucre. Au XVIe siècle, le sucre entre dans la composition de
friandises croustillantes, poudre crêpes et beignets, adoucit les
crèmes, parmi lesquelles la crème au fromage qui couvre la pâte
feuilletée des talmouzes. Son usage se multiplie, d'autant que
maintes nouvelles recettes originaires d'Italie pénètrent en France.
Au siècle suivant, le sucre continue de faire merveille. Pourtant le
miel est toujours là, et la pâtisserie y a largement recours. Il faut
attendre, semble-t-il, le milieu du XVIIe siècle, pour que les recettes
se diversifient et que la pâtisserie sucrée voit véritablement le jour,
avec ses feuilletages et ses diverses pâtes. A côté des gâteaux et bis­
cuits en faveur depuis le Moyen Age, de nouvelles recettes appa­
raissent, qui attestent une tendance à plus de raffinement et de
délicatesse. Sans doute les différences avec ce que nous connais­
sons aujourd'hui se situent-elles surtout au niveau des parfums
et, peut-être aussi, du dosage du sucre, qui peut souvent nous
paraître excessif.
C'est également à partir du grand siècle que les entremets se
consomment. Jusqu'alors, le terme a désigné les intermèdes plus
ou moins allégoriques, chantés, dansés ou joués, que l'hôte
La pâtissière offrait à ses convives entre les mets. Désormais, il couvre des pré­
Gravure de la fin
du xvne siècle extraite parations extrêmement diverses, salées ou sucrées, qui, au cours
de Costumes grotesques du dernier service, s'inscrivent entre le rôt et le dessert. La sépa­
de Nicolas de Larmessin.
ration des genres ne se fera que plus tard, à l'instar de la pâtisse­
rie qui, à l'époque de Louis XIV, continue de désigner encore à la
fois les gâteaux et les pâtés de viandes. Nous n'en avons retenu
que la version gourmande, 1'« entremets de douceur» ou « entre­
mets de sucre », comme le nommera le XIXe siècle, qui succède au
fromage dans le déroulement du repas.
Par-delà l'éclosion de nouvelles douceurs, le XVIne siècle connaît
un allègement des préparations et une sensible démocratisation
du domaine sucré. Bientôt, la cuisine bourgeoise va s'approprier
ces spécialités naguère réservées aux tables aristocratiques. Les
recueils culinaires du XIXe siècle regorgent de recettes de ménage.
Page 114:
Gros et petits gâteaux, biscuits, entremets froids, chauds ou gla­
Nature morte avec cés, et autres desserts déclinent le sucre de mille et une façons,
pain et sucreries en une infinité de saveurs. Ce sont ces préparations «maison»,
Œuvre de Georg Flegel
(1566-1638), . héritées de nos grands-mères, revues et corrigées par l'évolution
Stadelsches des modes et des goûts, auxquelles, au tournant du xXJC siècle,
Kunstinstitut,
Francfort-sur-le-Main on rend leurs lettres de noblesse.

••••••••
116
LA GOURNANDISE DU SUCRE

Préparation: 30 minutes
Cuisson: 10 minutes par plaque
Pour 2 douzaines de macarons environ : • Faire tremper les amandes • Garnir la plaque du four
-100 g damandes non mondées dans un peu d'eau froide de papier sulfurisé beurré.
- 2 blancs d'œufs
pendant quelques heures. • Déposer dessus des boules
-150 g de sucre en poudre
- beurre pour la plaque • Les monder et les sécher de pâte régulières, puis écraser
sOigneusement. celles-ci pour les étaler.
• Broyer les amandes dans un • Faire cuire 10 minutes
mortier avec un blanc d'œuf au four (220°C / th. 6) .
Quand elles sont réduites en • Dès que les macarons sont Pour obtenir des macarons

pâte, y ajourer le sucre et piler, cuits, poser le papier sulfurisé moelleux, ajouter une
en incorporant le second blanc sur une surface mouillée. cuillerée à soupe de crème
d'œuf, pour obtenir une pâte Ils se détachent alors très fraîche à la pâte, en début
souple, qui ne coule pas. facilement. de préparation.

Préparation: 20 minutes Brown"~J awe nOI Je pécan


Cuisson: 20 minutes ------------~--------------~
Pour 2 douzaines de brownies environ : (Recette américaine)

- 150 g de noix de pécan


- 150 g de chocolat à forte teneur • Casser le chocolat en • Incorporer les œufs, un à se fera en 24 pans), puis les
en cacao morceaux et le faire fondre un, en alternant avec la farine. enfoncer à moitié dans la pâte.
- 50 g de farine au bain-marie, avec • Ajourer le chocolat fondu, • Faire cuire au four pendant
- 1/2 cuillerée à café de levure chimique 1 cuillerée à soupe d'eau. les noix concassées et la levure. 20 minutes (la pâte doit rester
- 100 g de beurre, plus un peu
• Réserver 24 noix de pécan • Mélanger délicatement. moelleuse).
pour le moule
-3 œufs pour la décoration et hacher Préchauffer le four • Laisser refroidir quelques
- 100 g de sucre blanc ou roux grossièrement le reste. (200°/ th. 5). minutes avant de démouler.
- 1/2 cuillerée à café de cannelle • Dans une terrine, travailler • Beurrer un moule carré • Découper quand le gâteau
en poudre le beurre de façon à le rendre (de 20 à 22 cm de côté). est complètement froid.
- 1 pincée de sel fin
crémeux. Le chemiser de papier sulfurisé
Les noix de pécan peuvent

• y ajourer le sucre, la beurré et y verser la pâte.


être remplacées par

cannelle et le sel. Remuer • Disposer régulièrement


des amandes effilées,

pour que le mélange devienne les noix de pécan réservées


des noisettes ou des noix.

onctueux et léger. (après cuisson, la découpe

Préparation: 10 minutes Menngue


Cuisson: 1 h 15
Pour une vingtaine de meringues : • Préchauffer le four du four légèrement huilée,
- 3 bla1lcs d'œufs (140 OC/th. 2). en les espaçant bien, car
- 150 g de sucre en poudre
• Battre les blancs d' œufs eUes gonflent à la cuisson.
- huile pour la plaque
en neige ferme. • Glisser la plaque dans
• Ajourer le sucre en pluie, le four, à mi-hauteur, puis
sans cesser de battre. faire cuire à 120 OC/th. 1
Lopération doit être réalisée pendant 1 h 15.
rapidement, de façon que la • Les meringues doivent
pâte soit ferme et brillante. rester blanches.
• A l'aide de deux cuillères • Si elles ne sont pas
à soupe, mouler les meringues assez sèches, prolonger
et les placer sur la plaque un peu la cuisson.

•••••••
117
Préparation: 20 minutes
Gaufres flamandes
Repos: 1 heure
Cuisson: environ 5 minutes par gaufre • Verser la farine tamisée • Séparer les blancs d'oeufs doit doubler de volume.
dans une terrine, y creuser des jaunes. • Faire cuire la pâte dans
Pour une douzaine de gaufres :
- 50 g de noix hachées un puits et y placer la levure • Verser les jaunes dans un gaufrier, enduit au pinceau
- 300 g de farine préalablement délayée le puits, ainsi que le sel et de beurre fondu. Les gaufres
- 25 g de levure de boulanger dans un peu de lait tiède. 20 grammes de cassonade. doivent être dorées.
- 125 g de beurre fondu et refroidi, • Amalgamer avec un peu • Mélanger, en incorporant Garniture:
plus un peu pour la cuisson de farine, du bout des doigts, peu à peu le reste du lait. • Faire chauffer les noix
- 4 œufi
- 120 g de cassonade
de façon à former une pâte • Travailler la pâte jusqu'à hachées et le reste de la
- 25 cl de lait (ou moitié eau, molle, puis couvrir légèrement ce qu'elle soir bien lisse. cassonade dans une poêle.
moitié lait) de farine. • La parfumer, puis • Quand le mélange
- parfum au choix (cannelle, vanille, • Laisser lever à couvert dans incorporer [e beurre et les caramélise, le verser dans
rhum ou cognac) un endroit tiède, pendam une blancs d'oeufs battus en neige. un bol.
- 1 pincée de sel
quinzaine de minutes, jusqu'à • Laisser lever dans un • Chacun en saupoudrera
ce que le dessus se crevasse. endroit tiède: la pâte sa gaufre se'lon son goût.

Crêpes à la cassonade

Préparation et cuisson: 45 minutes environ


Repos: 1 heure
• Verser la farine tamisée ajourer à la pâte. Faire que pour la première.
Pour 15 crêpes environ : dans une terrine et y creuser fondre 50 grammes de beurre, • Déposer une noisette
- 250 g de farine
un pUits. mélanger avec deux cuillerées de beurre sur chaque crêpe,
-150 g de beurre
-4 œufi • y verser la moitié de à soupe de cassonade en fin de cuisson.
- 100 !Y plus 2 cuillerées à soupe la bière. Incorporer et le sel, puis incorporer • Saupoudrer avec la
de cassonade progressivement la farine à la pâte. cassonade préalablemem
- 50 cl de bière dans la bière, à l'aide • Ajouter le reste de la bière mélangée à la cannelle, puis
- parfum au choix (vanille en poudre, d'une spatule en bois. et le parfum choisi. plier la crêpe en deux.
zeste de citron ou d'orange râpé,

• Travailler jusqu'à obtention • Laisser reposer la pâte • Disposer les crêpes, au fur
eau de fleur d'oranger, rhum,

Grand Marnier)
d'une pâte épaisse, lisse pendam 1 heure. et à mesure, sur une assiette
- 1/2 cuillerée à café de sel fin et homogène. • Faire cuire les crêpes, placée sur une casserole d'eau
- 1 cuillerée à café de cannelle en poudre • Battre les oeufs et les en ne graissant la poêle chaude. Servir très rapidement.

La bière, qui peut être remplacée par


du lait et de l'eau, donne une finesse
incomparable à la pâte.

• •••••••
118
LA GOURHAND(S E OIJ S l/C RE

Préparation et cuisson: 30 minutes Pancakes au sIrop J'érable


Repos: 30 minutes ----------------------~~
Pour 15 petites crêpes : (Recette américaine)
- 280 g de farine
- 1 cuillerée à café de levure en poudre
• Verser la farine tamisée et le reste du lait. mais ne pas trop s'étaler,
- 60 g de beurre fondu dans une terrine. Incorporer • Travailler rapidement tout en rissolant au bord.
-3œufi la levure, le sucre et le sel. la préparation, puis ajouter • Faire cuire 2 à 3 minutes,
- 1 cuillerée à soupe de sucre roux • Creuser un puits et le beurre fondu. jusqu'à ce que des bulles
- 25 cl de lait y verser la moitié du lait. • Laisser reposer apparaissent à la surface.
- 1 cuillerée à café de sel fin
• Incorporer peu à peu 30 minutes environ. • Retourner la crêpe
- huile pour la poêle
la farine dans le lait. • Faire chauffer une petite à l'aide d'une spatule,
Pour servir: beurre fondu et sucre d'érable
• Remuer énergiquement poêle de 10 à 12 cm et faire cuire l'autre côté.
pour éviter les grumeaux. de diamètre et la huiler • Servir les pancakes
A défaut de sirop d'érable, on peut utiliser

• Quand le mélange est avant d'y verser la pâte, chauds, légèrement nappés
du sirop de sucre de canne

parfaitement lisse, ajouter à la louche, d'assez haut. de beurre fondu et de sirop


ou de la cassonade.

les œufs légèrement battus La crêpe doit être saisie, d'érable.

Préparation : 20 minutes Tarte au sucre

Repos: 2 heures
Cuisson: 30 minutes
• Délayer la levure dans de 24 cm de diamètre, avec la moitié de la bière.
Pour 6 personnes :
le lait à peine tiédi, avec une préalablement beurrée • Quand la pâte est levée,
- 250 g de farine
- 10 g de levure de boulanger cuillerée à soupe de vergeoise. et saupoudrée du reste la couvrir de vergeoise,
- 100 g de beurre • Dans une terrine, passée de vergeoise. verser dessus le mélange
-1 œuf à l'eau très chaude, puis • Laisser lever dans un lieu œufs-bière et parsemer
- 2 cuillerées à soupe de vergeoise brune séchée avec un linge, mettre tiède pendant 2 heures: de noisettes de beurre.
- 1 verre de lait la farine, la levure délayée, la pâte doit doubler de • Faire cuire au four
- 1 pincée de sel
l'œuf, le beurre et le sel. volume. pendant une bonne trentaine
Pour la garniture :
- 30 g de beurre • Travailler le tout jusqu'à • Préchauffer le four de minutes.
- 2 gros œufi (ou 3 petits) obtention d'une pâte (240 °Clth. 7). • Servir tiède, accompagné,
- 150 g de vergeoise brune ou blonde homogène. • Battre vigoureusement comme dans le Nord,
- 25 cl de bière blonde • Verser dans une tourtière les œufs de la garniture d'une tasse de café.

LES TARTELETTES AMANDINES

« Battez, pour qu'ils soient mousseux

Quelques œufs;

Incorporez à leur mousse

Un jus de cédrat choisi;

Versez-y

Un bon lait d'amande douce;

Mettez de la pâte à flan

Dans le flanc

De moules à tartelettes;

D'un doigt preste, abricotez

Les côtés;

Versez goutte à gouttelette

Votre mousse en ces puits, puis

Que ces puits

Passent au four, et, blondines,

Sortant en gais troupelets,

Ce sont les tartelettes amandines ! »

Edmond Rostand,
Cyrano de Bergerac, 1897
Préparati011 : 30 minutes Tarie a 1afo;caine

Repos: 20 minutes
Cuisson: 45 minutes. • Préparer la pâte brisée pendant une quinzaine four pendant 20 minutes.
Pour 6 personnes: en mélangeant la farine et de minutes. • Pendant ce temps,
- 200 g de farine
le beurre. puis en ajoutant • Fendre la gousse de confectionner la meringue :
- 100 g de beurre, plus un peu pour le moule
- 1/2 cuillerée à café de sel un demi-verre d'eau et la vanille, la mettre dans le lait battre les blancs d'œufs
Pour la garniture : pincée de sel. chaud et laisser infuser. en neige ferme avec le sel
- 4 bananes ou 1 ananas • Laisser reposer la pâte • Battre l'œuf et et le jus de citron. En cours
- 150 g de dattes ou de noix de coco râpée pendant une vingtaine les jaunes avec le sucre. d'opération, verser en pluie
- 1 œufentier de minutes. Préchauffer Ajouter les dattes la moitié du sucre glace.
- 2 jaunes d'œufs
le four (230 oC! rh. 6-7). dénoyautées et écrasées • Vérifier la cuisson
- 25 cl de lait
- 50 g de sucre en poudre • Abaisser la pâte au (ou la noix de coco) de la tarte, la couvrir de
- 1 gousse de vanille rouleau et en garnir un et les bananes (ou l'ananas) meringue et saupoudrer
Pour la meringue: moule à tarte de 24 cm coupées en dés. le reste du sucre glace.
- 2 blancs d'œufs de diamètre, préalablement • Verser le lait bouillant • Remettre au four
- le jus de 1/2 citron beurré. sur cette préparation, puis pendant 10 minutes :
- 100 g de sucre glace
• Piquer la pâte et la faire en garnir le fond de pâte la meringue doit dorer.
- 1 pincée de sel
cuire à blanc au four à demi-cuit. Remettre au • Servir froid.

Préparation: 25 minutes Gâteau Je sucre a la grecque

Cuisson: 40 minutes
Pour 10 à 12 personnes: • Dans une terrine, homogène, puis la verser d'eau et le jus de citron.
- 1 douzaine d'amandes entières
travailler 110 grammes de dans un plat rectangulaire Laisser frémir pendant
non mondées
- 80 g de semoule fine
beurre ramolli et le sucre pouvant aller au four une dizaine de minutes.
- 80 g de farine en poudre, jusqu'à ce que (18 x 25 cm environ) • Dès la sortie du four,
- 1/2 sachet de levure chimique le mélange blanchisse. préalablement graissé avec couper le gâteau en
- 120 g de beurre Incorporer les œufs, un le reste du beurre. Faire losanges, en le laissant
- 3 œufs à un. Préchauffer le four cuire au four, à mi-hauteur, dans son plat. Pendant
- 60 g de sucre en poudre
(190 °C!th. 4-5). pendant 30 minutes. qu'il est encore chaud,
- 250 g de sucre en morceaux
- 2 cuillerées à soupe de jus de citron • Par ailleurs, mélanger Le gâteau doit être bien doré. verser dessus le sirop
- 1/2 cuillerée à café d'extrait la semoule, la farine, la • Avant le terme de la chaud, lentement, pour
de vanille liquide levure et le sel. Verser dans cuisson, préparer le sirop: bien l'imbiber.
- 1 pincée de sel la terrine. Parfumer avec dans une casserole à fond • Décorer chaque losange
la vanille. Battre vivement épais, faire cuire le sucre d'une amande.
pour rendre la pâte en morceaux avec 25 cl • Servir froid.

« Dès que l'Anglais eut cessé

de manger, le paria lui présenta un charbon

de feu pour allumer sa pipe; et ayant

pareillement allumé la sienne, il fit un signe

à sa femme, qui apporta sur la natte deux

tasses de coco, et une grande calebasse pleine

de punch, qu'elle avait préparé, pendant

le souper, avec de l'eau, de l'a rack, du jus

de citron et du jus de canne à sucre. »

Bernardin de Saint-Pierre.
La Chaumière indienne. /839

••••••
120
LA GO RI>IAN DI SE OT 5 \1 RE

Préparation: 1 heure Couronne de

Repos: 3 heures au moins


Cuisson: 20 minutes • Plonger une terrine œufs entiers battus. Souder les bords avec un peu
Pour 6 personnes : dans de l'eau bouillante, Mélanger à la spatule, d'eau. Réunir ces boudins
- 400 g de farine pendant quelques minutes, puis battre vivement la pâte en les torsadant, l'un autour
- 25 g de levure de boulanger et la sécher avec un linge. pendant 5 minutes. de l'autre. Les déposer
- 75 g de beurre, plus UI'I peu
pour le moule
• y mettre la farine et creuser • Laisser lever à nouveau, sur la plaque du four ou
-2œufi un pUits. à couvert, durant 1 heure dans un moule en couronne
- 1 jaune d'œuf • Déposer le sucre en poudre au mOll1s. légèrement beurré.
- 75 g de sucre en poudre et le beurre en noisettes sur • Préparer la garniture: • Laisser à nouveau lever
- 50 g de sucre candi le bord, puis verser la levure mélanger l'œuf et le sucre. pendant 1 heure.
- 15 cl de lait
délayée avec le lait tiède Ajourer le beurre ramolli, • Préchauffer le four
Pour la garniture :
- 150 g de poudre d'amandes
dans le puits. Amalgamer la poudre d'amandes et Iles (220 °Clth. 6).
- 30 g de raisins secs blonds peu à peu. ralSIl1S secs. • Dorer la couronne
- 50 g de beurre • Couvrir d'un torchon • Pétrir légèrement la pâte avec le jaune d'œuf étendu
-1 œuf et laisser lever la pâte pendant pour la rompre. Labaisser et d'un peu d'eau. Parsemer
- 100 g de sucre en poudre environ 1 heure, dans un la partager en deux rectangles de sucre candi.
endroit tiède, jusqu'à ce qu'elle égaux. Répartir la garniture, • Faire cuire au four pendant
double de volume. rouler chaque rectangle une vingtaine de minutes.
• Ajourer alors à la pâte les et le façonner en long boudin. • Servir tiède ou réchauffé.

Préparation: 30 minutes Tarte Taon

Cuisson: 30 minutes
Pour 6 personnes : • Déposer au fond du moule
- 6 pommes reinettes
caramélisé une couche de
- 150 g de farine
- 135 g de beurre, plus un peu pommes.
pour le moule • Saupoudrer généreusement
- 1 cuillerée à café de sucre de vanille.
en poudre • Couvrir de couches de ftuits
-125 g de sucre en morceaux successives, jusqu'à épuisement.
- 1 pincée de vanille en poudre
- 1 pincée de sel
• Parsemer de 60 grammes
de beurre en noisettes.
• Préchauffer le four
Cette méthode
(260 °Cfth. 8).
est plus facile
• Abaisser la pâte brisée
que la recette traditionnelle,
sur 3 cm d'épaisseur.
qui procède à la caramélisation
• y découper un disque
en fin de cuisson.
• Confectionner la pâte brisée: • Dans une casserole à fond d'un diamètre correspondant
Des abricots, voire des poires
effriter du bout épais, faire cuire les morceaux à celui du moule plus deux
ou des bananes, peuvent être
des doigts 75 grammes de sucre avec un demi-verre fois sa hauteur.
substitués aux pommes.
de beurre dans la farine. d'eau, jusqu'à obtention • Placer ce disque de pâte
• Creuser un puits, y déposer d'un caramel coloré. sur les pommes, en bordant
le sel, le sucre en poudre et • Verser ce caramel dans un bien vers le fond du moule.
un demi-verre d'eau. moule à manqué préalablement • Faire cuire au four pendant
• Travailler jusqu'à obtention beurré. 30 minutes.
d'une pâte homogène. • Peler les pommes, retirer • Démouler aussitôt et servir
• Laisser reposer pendant le cœur et les pépins, puis tiède, accompagné ou non
la préparation du caramel. les couper en tranches épaisses. de crème fraîche épaisse.

• ••••
l
Préparation: 30 minutes Cheese-cake aux fraises

Réfrigération: plusieurs heures


Pour 6 personnes : (Recette américaine)
- 200 g de biscuits à la noix de coco
- 250 g de fromage blanc • Mixer les biscuits avec le • Dans une terrine, battre les • Verser un peu de la
- 500 g de fraises beurre. Tasser la pâte obtenue jaunes d'œufs avec la cassonade, préparation sur les biscuits,
- 75 g de beurre au fond d'un moule à manqué, jusqu'à ce que le mélange dans le moule. Disposer dessus
-3 œufs de 24 cm de diamètre, garni éclaircisse et double de volume. les fraises lavées et équeutées;
- 25 cl de crème fraîche
de papier sulfurisé. • Ajouter alors le fromage en conserver quelques-unes
- 125 g de cassonade
- 3 fouilles de gélatine • Réserver au réfrigérateur. blanc, les trois quarts de pour la décoration.
- 25 g de noix de coco râpée • Faire tremper la gélatine la crème fraîche bien battue, • Étaler le reste de la crème
- le jus de 1 citron dans un peu d'eau froide, puis la gélatine dissoute et la noix fraîche. Couvrir d'un film
- quelques fouilles de menthe la mélanger au jus de citron de coco. alimentaire et faire prendre
- 1 pincée de sel
bouillant pour qu'elle fonde. • Monter les blancs d'œufs au réfrigérateur.
• Séparer les blancs d'œufs en neige avec la pincée de sel, • Au moment de servir,
des jaunes. puis les incorporer délicatement décorer avec les feuilles de
• Laver les feuilles de menthe à la préparation. menthe restantes et les fraises
et ciseler finement la moitié • Ajouter les feuilles de réservées. Ce dessert peut être
d'entre elles. menthe ciselées. réalisé à l'avance.

Préparation : 20 minutes Crumble aux pommes et aux mûres

Cuisson : 40 minutes
Pour 6 personnes : (Recette anglaise)
- 8 pommes reinettes
- 300 g de mûres
• Peler les pommes, en retirer ainsi des couches successives. et amalgamer avec les doigts,

(ou de fruits rouges mélangés)


- 150 g de forine le cœur et les pépins, puis • Après la dernière couche de façon à obtenir

- 135 g de beurre les couper en quartiers et les de pommes, n'utiliser que un sable grossier.

- 200 g de cassonade citronner. Laver les mûres. la moitié de la cannelle et • Couvrir les fruits de la
- 10 cl de crème fraîche liquide • Beurrer largement un plat de la cassonade restantes. préparation. Saupoudrer
- le jus de 1 citron allant au four, de 28 cm de avec le reste de la cannelle.
• Préchauffer le four.
- 1 cuillerée à caft de cannelle
diamètre environ. Y disposer • Dans une terrine, mélanger • Faire cuire au four
une couche de pommes, la farine et le reste de la (220 °C!th. 6)
saupoudrer de cannelle, cassonade. pendant 40 minutes.
couvrir de cassonade et étaler • Ajouter 125 grammes • Servir chaud, accompagné
une couche de mûres. Former de beurre légèrement ramolli, de crème fraîche épaisse.

Cette recette peut être réalisée


LES TARTELETTES AU SUCRE
avec d'autres fruits rouges

(groseilles ou framboises),
« Ayez un litre de bonne crème; faites-la tiédir

des abricots ou de la rhubarbe.


en y ajoutant 250 grammes de farine, six œufs et une demi-livre de beurre.

La pâte à crumble peut être agrémentée


Salez légèrement, sucrez avec 20 grammes de sucre en poudre.

de poudre d'amandes.
Ajoutez un peu de zeste de citron. Quand vous avez bien opéré le mélange,

Les proportions sont alors les suivantes:


vous emplissez de cette pâte vos moules à tartelettes.

100 g de poudre d'amandes,


Rangez les moules sur une plaque et passez à four moyen pendant

125 g de farine,
une demi-heure environ. Puis, après cuisson, vous démoulez les tartelettes

100 g de beurre,
et les saupoudrez de sucre fin, après les avoir dressées sur un plat. »

100 g de cassonade.
Madame Henriette, Manuel de pâtisserie de ménage, /908

••••••
122
LA GOU RHANDISE DU SUC RE

Cheese-cake aux fraises

UN ANTRE TOUT DE SUCRERIES

Il 0 n fit la toiture
De tarte et de flan

Et de confiture

Et de sucre blanc

De fruits fourrés le pignon se tapisse

Et vois cette haie en pain d'épice. "

Bien alléchant château que celui de la fée

Grignotte ! Hansel et Gretel faillirent s)l laisser

prendre. Mais, comme l'exige la morale des

contes, c'est la sorcière qui finit par périr dans

son four et par être transformée en pain

d'épice, comme les enfants qu'elle avait

coutume d)l jeter. Ainsi le sucre est-il au cœur

de l'opéra-comique d'Engelbert Humperdinck,

Hansel und Gretel (1893).

Préparation: 25 minutes COrnet de ct'eme fouettée


Cuisson: 6 à 8 minutes par plaque ----------------------~
de 4 cornets (Recette danoise)
Pour 18 cornets:
- 80 g de farine, plus 1 cuillerée • Préchauffer le four • Faire cuire au four • Renouveler l'opération
à soupe pour la plaque (200° C/th. 5). jusqu'à ce que les bords de cuisson autant de fois
-2œufi • Travailler les œufs et soient dorés. qu'il est nécessaire pour
- 60 g de sucre en poudre
le sucre jusqu'à obtention • Décoller les gâteaux épuiser la pâte.
- 30 g de beurre
Pour la garniture: d'un mélange onctueux. à la spatule, les rouler en • Conserver les cornets
- 18 belles fraises • Incorporer peu à peu cornets, les mettre dans refroidis dans une boîte
- 100 g de baies la farine, tout en tournant. un verre à liqueur qui hermétique.
(airelles, groseilles, myrtilles) • Déposer une cuillerée maintiendra leur forme • Au moment de servir,
- 2 sachets de sucre vanillé
à soupe de pâte sur la plaque pendant le refroidissement. fouetter la crème avec
- 20 cl de crème fraîche
à pâtisserie, beurrée • Procéder rapidement, le sucre vanillé.
et farinée. Létaler en cercle car la pâte durcit très vite • Remplir les cornets
pour obtenir des disques - si c'est le cas, replacer à l'aide d'une poche
minces, de 12 cm la plaque au four à douille.
de diamètre. quelques instants. Garnir de fraises et de baies.

Cette pâte peut aussi être utilisée pour façonner des coupelles (sur un verre),
que l'on garnira de compote ou de sorbet aux fruits rouges .

Crème à la noi~ Je coco

Préparation: 20 minutes
Cuisson: 35 à 40 minutes
Pour 6 à 8 personnes :
- 150 g de noix de coco râpée
- 2 cuillerées à soupe de
Maïzena

-4 œufi

- 75 cl de lait

- 150 g de sucre roux

- 12 morceaux de sucre

- 1 pincée de vanille
Cette recette peut être réalisée, comme en Afrique,
en poudre avec du lait concentré sucré.

• Porter à ébullition le lait, le lait chaud parfumé. • Placer le moule dans un


additionné du sucre roux, • Préchauffer le four récipient empli d'eau chaude,
de la vanille et de la noix (230 °Clth. 6-7). puis y verser la crème.
de coco râpée (en réserver • Préparer un caramel • Faire cuire au four
1 cuillerée à soupe pour moyen avec le sucre en pendant 30 minutes.
la décoration). morceaux et deux • Vériher la cuisson.
• Meme la Maïzena dans cuillerées à soupe d'eau. • Quand la crème est
une terrine, ajouter 1 œuf • Verser le caramel dans prise, la sortir du four.
et bien mélanger au fouet. un moule à manqué La conserver au réfrigérateur.
• Ajouter les autres œufs (ou un plat en verre). • La servir très fraîche,
un à un et continuer • Incliner le moule pour démoulée ou non, après
à battre vivement, bien l'étaler sur le fond l'avoir saupoudrée avec
en incorporant peu à peu et les parois. la noix de coco réservée.

•••••••
124
LA G O U R~I A.i." D[S E D U S UCRE

Préparation : 20 minutes Crème brttlée à l'ancIenne

Cuisson: 25 minutes
Pour 6 personnes : • Fendre la gousse de vanille sur • Ajouter la crème fleurette et au four, puis faire cuire au four.
- 25 cl de !dit toute sa longueur, puis la déposer faire chauffer jusqu'au premier Une peau se forme à la surface,
- 25 cl de crème fleurette
dans une casserole avec le lait. frémissement. Verser, peu à peu, mais la crème ne doit pas
- 4 jaunes d'œufi
- 50 g de sucre en poudre • Porter à ébullition et retirer le lait vanillé sur ce mélange. prendre couleur.
- 60 g de cassonade aussitôt du feu. • Parfumer à l'eau de fleur • Au moment de servir,
- 1 gousse de vanille • Laisser infuser pendant une d'oranger. saupoudrer de cassonade.
- 1 cuillerée à café d'eau dizaine de minutes, à couvert. • Préchauffer le four • Placer sous le gril du four,
de fleur d'oranger • Pendant ce temps, travailler (120 °C!th. 2). jusqu'à ce que la cassonade se
les jaunes d'œufs avec le sucre • Répartir la préparation dans transforme en glace et prenne
en poudre. des ramequins pouvant aller couleur. Retirer aussitôt du four.

Naguère, cette crème était présentée

dans un grand plat.

On glaçait le sucre en le « repassant ,),

juste avant de servir, avec un fer en fonte

chauffé sur la cuisinière.

Aujourd'hui, les professionnels utilisent

surtout un fer à caraméliser.

La crème brûlée peut être

préparée à l'avance et entreposée

au réfrigérateur.

Toutefois, elle est meilleure chaude.

On peut la décorer de framboises

ou de fraises des bois.

Préparation et cuisson : 30 minutes Sabayon au raisin

Pour 6 personnes:
- 500 g de raisin b!dnc italien
- le zeste de 1 citron non traité
(Recette italienne)

- 6 jaunes d'œufi
- 1 verre de marsa!d • Râper finement le zeste bain-marie (70 oC au plus), marsala; la préparation
- 120 g de sucre en poudre du citron. les jaunes d'œufs avec doit épaissir et prendre
- 1 pincée de vanille en poudre
• Laver le raisin, l'égrapper; le sucre, jusqu'à ce que une consistance crémeuse.
peler les grains et les le mélange blanchisse • La retirer du bain-marie
La réalisation du sabayon demande

répartir dans six coupes et devienne mousseLIX. et continuer de la battre


un certain tour de main, pour que les ceufs

individuelles. • Ajouter alors le zeste jusqu'à ce qu'elle tiédisse.


épaississent sans coaguler.

• Au moment de servir, de citron et la vanille. • Verser le sabayon dans


A défaut de marsala, utiliser du muscat

battre au fouet, dans • Continuer à battre, les coupes.


ou un vin doux.

un récipient placé au en versant peu à peu le • Servir aussitôt.

••••••
12.
B onbons croquants
et autres friandises
Les Arabes furent, sans conteste, les premiers à utiliser le sucre pour confec­
tionner des friandises. Dès 1226, un manuscrit de cuisine, originaire de
Bagdad, mentionne des mélanges sucrés d'amandes, de dattes et de pistaches,
aromatisés à l'eau de rose. Le nlême texte livre des recettes qui préfigurent, en
quelque sorte, celles des berlingots et de la pâte d'amandes, ancêtre du mas­
sepain. Les croisés ayant rapporté le sucre en France, rien d'étonnant à ce que
le Midi, qui fut la première région à le découvrir, soit si riche en confiseries :
berlingots, fruits confits, nougat, calissons, etc.
Au Moyen Age, les épices (girofle, anis, genièvre, etc.) enrobées de sucre
étaient appréciées en point d'orgue des agapes seigneuriales, d'autant
qu'elles facilitaient une digestion rendue souvent difficile par la lourdeur des
menus. Certains en emportaient même dans leur chambre, d'où leur nom
d'« épices de chambre ». A partir du XVIe siècle, les recettes de sucreries se
précisèrent. Jusqu'à ce que l'industrie de la confiserie se développât, au
xrxe siècle, on eut coutume de préparer bonbons et autres douceurs chez soi
et de les offrir pour clore les festivités familiales. Des assiettes à pied, réser­
vées à cet usage et sur lesquelles on dressait les confiseries « maison »,
étaient placées au milieu de la table, pour être admirées tout au long du
repas et n'être servies qu'à l'heure du café. Chaque grand-mère gardait
jalousement ses recettes
de caramels ou de pâ tes
de fruits. La tradition se
perdit ensuite, au point
qu'on la crut disparue à
tout jamais. Pourtant,
aujourd'hui, le retour aux
vraies valeurs et la revalo­
risation des produits du
terroir la remettent à
l'honneur.

Les fruits confits


Spécialité du midi de la France,

et fleuron de la ville d'Apt,

que Madame de Sévigné

avait surnommée le

« chaudron à confiture ».

LA GOURMANDIS é DU S UCRE

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Pour un confiseur connu
depuis 1885 et encore
renommé aujourd'hui!
Préparation et cuisson : Sucettes « maison »

30 à 40 minutes
Pour 12 sucettes : • Dans une casserole à fond • A l'aide d'une spatule ruban et, à l'aide de grands
- 250 g de sucre en morceaux épais, mettre les morceaux (du type spatule à mastic pour ciseaux, la couper en douze
- 1 grande cuillerée à soupe de vinaigre
de sucre, imbibés de trois le bricolage), ramener les morceaux égaux.
blanc ou de glucose
- 3 gouttes de colorant alimentaire cuillerées à soupe d'eau, bords de la nappe vers le • Former des boules
- 3 gouttes d'essence parfumée puis ajouter le vinaigre centre, jusqu'à ce qu'elle et enfoncer un bâtonnet
(menthe ou essence de fruit) ou le glucose. ne s'étale plus. Dès que cela dans chacune d'elles.
- huile • Faire cuire, sans remuer, est possible, en veillant • Les aplatir avec la spatule.
- 12 bâtonnets jusqu'au grand cassé: le sirop à ne pas se brûler, la travailler • Quand les sucetteS sont
commence à prendre couleur à la main pour l'étirer en froides et dures, les détacher
Pour réaliser des sucettes

sur les parois de la casserole. un long ruban et replier du marbre avec la spatule
au caramel, faire cuire le sirop

• Verser sur un marbre celui-ci sur lui-même. et les envelopper dans de la


jusqu'au stade du caramel moyen

huilé. Au centre de la nappe • Renouveler plusieurs fois cellophane (papier à confitures


et ajouter 25 grammes de beurre

formée, déposer le colorant l'opération. coupé en deux suivant la


en fin de cuisson .

et l'essence parfumée. • Étirer la pâte en un long diagonale) .

• Procéder comme • Découper les rubans • Les séparer alors qu'ils


pour les sucettes, en tétraèdres réguliers sont encore bien chauds,
mais en façonnant à l'aide de grands pour qu'ils ne se collent
la pâte en fins rubans. ciseaux de cuisine. pas les uns aux autres.

Pour varier les couleurs, effectuer plusieurs cuissons,

sans toutefois augmenter les proportions,

car elles correspondent à la quantité maximale

qu'un amateur peut travailler à la fois.

J 0rge1

• Procéder comme pour • Les séparer quand ils sont • Quand les sucres d'orge
les sucettes, mais façonner encore chauds, pour qu'ils sont froids, les envelopper
la pâte en fins rubans, puis ne se collent pas les uns dans de la cellophane (papier
la découper en bâtonnets. aux autres. à confitures coupé en deux).

Ce bonbon de sucre cuit était

à l'origine coloré par une décoction d'orge, d'où son nom.

Du SUCRE AU ROMARIN
Trè5 friand5 de recette5 à ba5e de rhubarbe,

le5 Anglai5 accompagnent fréquemment ce5 préparation5 de 5ucre au romarin.

Ce 5ucre e5t obtenu en rédui5ant en poudre du romarin 5éché (50 gramme5)

et en le mélangeant bien avec le 5ucre (500 gramme5) ; la préparation

5e con5erve dan5 un bocal hermétique.

••••••••
128
LA G{)I! R1--tAl DIS E OU Sl ' CRE

Sucettes « nlalS017 »
Préparation et cuisson: 40 minutes Caramels à la crème
Pour une trentaine de caramels :
- 200 g de crème fraîche • Dans une casserole à fond boule formée est encore la pâte coule, la sortir
- 125 g de sucre en poudre épais, mélanger bien tous souple, et le mélange et mouiller son envers
- 60 gde miel les ingrédients. de couleur jaune paille. à l'aide d'une éponge.
- 1 pincée de vanille en poudre
• Faire cuire, sur feu doux, • Pour des caramels durs, • La plaque de caramel
- 1 pincée de sel fin
pendant une quinzaine poursuivre la cuisson jusqu'à se détache alors facilem ent
de minutes, sans cesser ce que la pâte prenne une du papier.
de remuer avec une spatule couleur plus rousse. • Découper les caramels
en bois. • Laisser un peu refroidir aux CIseaux avant que
• Quand la spatule laisse la pâte avant de l'étaler sur la pâte n'ait refroidi.
Les caramels peuvent être aromatisés à
une trainée au fond 1,5 cm d'épaisseur, sur une • Les disposer sur une
l'extrait de café ou à la noix de coco ,
de la casserole, vérifier grande feuille de papier assiette, en veillan>t à
additionnés de noisettes, noix ou pistaches
la cuisson en versant sulfurisé placée dans un moule ce qu'ils ne collent pas
broyées - ces ingrédients doivent être ajoutés
une cuillerée à café de la rectangulaire, lui-même posé les uns aux autres.
dès le début de la cuisson.
préparation dans un bol sur une surface froide. • Emballer chaque caramel
Ils se conservent pendant dix jours
d'eau froide. • Avant refroidissement, dans un carré de cellophane
au maximum (moins s' il fait très chaud).
• Pour des caramels mous, quand il est possible de (papier à confitures coupé
arrêter la cuisson lorsque la remuer la feuille sans que en quatre).

Préparation et cuisson: 20 minutes Fudges a la vanille

Pour une cinquantaine de fudges :


- 60 g de beurre (Recette anglaise)

- 400 g de sucre en poudre


- 1 sachet de sucre vanillé d'eau froide doit former, sulfurisé huilée.
• Dans une casserole
- 200 g de lait concentré non sucré
à fond épais, faire chauffer entre les doigts, une boule • Égaliser la surface
- 1 cuillerée li café de vinaigre
- 1 pincée de vanille en poudre le lait. bien souple. de la préparation
- huile • Ajouter le beurre, le sucre • Quand le stade de cuisson à l'aide d'une lame souple.
en poudre, le vinaigre et souhaité est atteint, • Avant complet
Si les fudges se décollent difficilement la vanille. Sans cesser de ajouter le sucre vanillé et refroidissement,
du papier, passer un pinceau mouillé remuer à la spatule en bois, battre vivement la découper les fudges.
sur l'envers. porter à ébullition, puis préparation, jusqu'à ce • Les emballer un à un
poursuivre la cuisson qu'elle épaississe et prenne dans du papier cellophane
jusqu'au boulé: une consistance granuleuse. (papier à confitures
une cuillerée du mélange • Verser aussitôt sur une coupé en deux ou
plongée dans un bol feuille de papier en quatre).

L'OMELETTE AU SUCRE

« Battez d'abord séparément les blancs de 6 œufs; mêlez aux jau nes quelque
peu de zeste de citron; ajoutez les jaunes aux blancs, et battez bien le tout
ensemble, en y joignant un peu de crème et très-peu de sel; mettez alors votre
omelette dans la poêle, faites-la cuire, sucrez-la dans la poêle; renversez-la sens
dessus dessous sur une assiette, et mettez-la dans un plat: alors vous en couvrez
la superficie de sucre en poudre, et passez la pelle rouge dessus; servez chaud. "

Louis-Eustache Audot,
La Cuisinière de la campagne et de la ville. /84/

••••••
130
L A G OUR~'\ANJ)[ 5 E DU St' CRE

Préparation: 45 minutes Pâtes Je carottes


Cuisson : 1 heure à 1 h 15
Pour une vingtaine de pâtes :
• Peler les carottes. • Hacher les carottes, une spatule en bois. Quand
- 1 kg de carottes
- 4 oranges non traitées • Laver et brosser le citron et le zeste d'orange. le mélange prend une belle
- 1 citron les oranges, prélever • Ajouter le jus d'orange, couleur brune, retirer du feu
- 750 g de sucre cristallisé leur zeste et le faire le sucre et deux verres d'eau . et laisser refroidir.
blanchir, 1 à 2 minutes, • Faire cuire, sur feu très • Façonner la pâte bien
dans de l'eau bouillante. doux, pendant 1 heure refroidie en boulettes.
• Presser les oranges au mOins, en remuant • Les rouler dans du sucre
pour en extraire le jus. de temps à autre avec cristallisé.

Préparation et cuisson : 30 minutes Pâte d'amanJes fondante


Pour garnir une trentaine de fruits :
- 100 g de poudre d'amandes
- 250 g de sucre en morceaux • Mettre les morceaux une quinzaine de jours, on obtient toute une
- 1 cuillerée à soupe de glucose de sucre, imbibés d'un à condition d'être protégée gamme de teintes.
- colorant alimentaire au choix : demi-verre d'eau, dans par un film alimentaire • Pour modeler la pâte
3 ou 4 gouttes de colorant rouge,
une casserole à fond épais. ou enfermée dans une boîte d'amandes : prélever la
vert ou jaune, 1 cuillerée à café
d'extrait de café, 1 cuillerée à café • Faire chauffer assez hermétique.) quantité de pâte nécessaire.
de cacao non sucré lentement, sans remuer, • Au moment d'utiliser Éviter de la travailler avec
- sucre glace mais en secouant la casserole la pâte, l'abaisser au rouleau les doigts, qui laissent des
de temps en temps. à pâtisserie, sur un marbre marques; utiliser plutôt
• Dès l'ébullition, le sucre saupoudré de sucre glace. cuillères, ciseaux et couteaux
doit être totalement dissous • Si elle est trop collante, pOintuS.
et le sirop limpide. Ajouter lui ajouter un peu de sucre Si la pâte d'amandes
alors le glucose et augmenter glace et la travailler à sert à créer des sujets
la chaleur. nouveau. décoratifs, se limiter
• Laisser cuire jusqu'au • Si elle est destinée à la à des formes simples
petit boulé: quand, à la réalisation de petites pièces, ou ne pas hésiter à
surface, les bulles deviennent l'étaler à l'aide d'un manche s'entraîner.
très grosses, une cuillerée de spatule ou d'un gros • Pour peindre les sujets:
de sirop versée dans un bol crayon. mélanger dans un bol
d'eau froide doit former une • Pour colorer la pâte trois cuillerées à soupe
boule molle entre les doigts. d'amandes: faire un trou de sucre glace et 1 blanc
• Ce stade de cuisson étant dans la boule de pâte. d'œuf battu (sans
atteint, arrêter le feu et y verser le colorant qu'il mousse).
incorporer la poudre alimentaire, à l'aide d'un Répartir ce mélange
d'amandes, d'un seul coup. compte-gouttes. dans autant de coupelles
• Mélanger avec une Refermer la pâte sur que de couleurs souhaitées.
spatule en bois, puis, sur un le colorant et la pétrir Teinter à l'aide de
marbre, pétrir pendant le pour uniformiser la teinte. colorants alimentaires,
refroidissement, j usq u'à Procéder progressivement, puis peindre les sujets
obtention d'une pâte lisse jusqu'à obtenir la couleur avec un pinceau fin.
et malléable, semblable souhaitée. Attendre qu'ils soient
Pour garnir
à de la pâte à modeler. A partir des colorants secs avant de passer
des fruits déguisés, voir p. 132.
(Cette pâte se conserve rouge, Jaune et vert, une seconde couche.

•••••••
l31
Préparation et cuisson: 40 minutes Gingembre confit

Séchage: au moins 4 heures


Pour une trentaine de fruits confits: (Recette du Sud-Est asiatique)

- 1 morceau de 150 g de gingembre frais


• Peler le gingembre et morceaux avec un verre ou ne caramélise.
- 125 g de sucre en morceaux
- 50 g de sucre cristallisé
le couper en dés réguliers. d'eau, en secouant la casserole Le sirop doit être
• Mettre ceux-ci dans de temps en temps. complètement absorbé.
une casserole et les couvrir • Laisser le sirop se • Égoutter les morceaux
d'eau froide. concentrer pendant de gingembre sur une grille,
• Porter à ébullition, sur 5 minutes. puis les laisser sécher,
feu doux, puis laisser • Ajouter le gingembre et pendant plusieurs heures,
bouillir pendant 5 minutes. poursuivre la cuisson, sur feu dans un endroit bien aéré.
• Égoutter et renouveler très doux, pendant une • Les passer ensuite dans
Ces dés de gingembre confit se consomment

l'opération, jusqu'à ce qu'ils dizaine de minutes au moins, le sucre cristallisé.


tels quels, mais ils peuvent également

soient tendres. en secouant la casserole de • Ils se conservent dans


servir à parfumer divers gâteaux,

• Dans une casserole à fond temps en temps pour éviter un bocal hermétiquement
comme les cakes.

épais, faire cuire le sucre en que le sirop n'attache fermé.

Préparation: 1 heure Fruits déguisés

Pour 75 fruits déguisés:


- 15 pruneaux • Parfumer la pâte noix deux par deux, à l'aide commence à prendre
- 15 ddttes d'amandes nature avec d'une petite boule de pâte couleur sur la paroi de la
- 15 abricots secs
l'extrait de café. d'amandes. Procéder de casserole, le retirer du feu
- 15 cerises confites
- 30 cerneaux de noix • Travailler un peu chaque même pour les cerises et y plonger rapidement
- 100 g de pâte d'amandes nature morceau de pâte d'amandes confites coupées en deux. chaque fruit, planté au bout
- 100 g de pâte d'amandes rose à la main, puis les rouler • Varier les couleurs, mais d'une pique à brochette.
- 100 g de pâte d'amandes verte en boudin et détailler réserver aux noix la pâte • Poser les brochettes
- 200 g de sucre en morceaux en morceaux de la grosseur aromatisée au café. sur un moule à cake
- quelques gouttes d'extrait de café
d'une belle olive. • Dans une casserole renversé, en guise de
- 1 cuillerée à café de vinaigre
caissettes de papier plissé • Dénoyauter les dattes à fond épais, préparer un support, et les laisser
et les pruneaux. Les farcir caramel blanc avec le sucre, refroidir complètement.
de pâte d'amandes. un demi-verre d'eau et le • Disposer ensuite
Pour la recette de pâte d'amandes,
• Fourrer les abricots. vinaigre. Après le stade du les fruits déguisés dans
voir p. 13l.
• Réunir les cerneaux de grand cassé, quand le sirop les caissettes.

Les fruits peuvent être préparés à l'avance,

mais le glaçage doit être fait le jour même,

peu de temps avant de les consommer si l'air ambiant

est humide. A défaut de glacer les fruits, on peut les

rouler dans du sucre cristallisé, blanc ou coloré.

• • • • • •• •
132
M ille et une conserves et boissons
Si la conservation des fruits par le miel était connue des Anciens, l'Occident
dut attendre, pour s'y essayer, que les croisés rapportent le sucre d'Orient.
Dans les pays orientaux, il était courant, depuis fort longtemps, de clore le
repas en mangeant des confitures et en buvant de l'eau. La vogue des confi­
tures - le terme désignant à l'époque toutes les préparations de fruits cuits
dans du sucre - se développa d'abord en Italie, avant de gagner la France. Les
confitures étaient certes peu généreuses en sucre, puisque, pour économiser
cet ingrédient onéreux, on comptait seulement 2 livres de sucre pour 6 à
7 livres de fruits, et la cuisson s' éterni­
sait. ., Mais la société du temps en raf­
folait. « En vous penchant sur les bas­
sines de la Renaissance, vous respirez
un brouillard doux et fruité de sucre
cuit et de jus de poire ou de groseille, en
train de bouillonner ensemble silen­
cieusement. Le Moyen Age fut l'ère des
ragoûts assaisonnés, la Renaissance
l'âge des friandises », écrit Jean­
François Revel. Confitures liquides) cor­
respondant aux actuelles confitures,
confitures sèches (fruits, graines et Bischoffépicé
légumes confits) que l'on consommait avec les doigts. Ainsi naquit la « confi­ Chromolithographie
serie », qui allait s'affirmer à partir du XVIIe siècle. En effet, à cette époque de la fin
du xrxc siècle.
furent édictés ses principes de base, à travers l'ouvrage d'Alexis du Piémont,
De Secreti deI reverendo Donno Alessio Piemontese (Venise, 1555), et à travers
l'Excellent et Moult Utile Opuscule à tous nécessaire (1555) de Michel de Nostre­
Dame, médecin de Catherine de Médicis, plus connu sous le nom de
Nostradamus. Ces deux recueils, riches d'observations sur le maniement du
sucre et sur les procédés de confisage, furent les premiers livres du genre. «Si
le cas advenait que vous veuillez épargner le sucre, véritablement votre confi­
ture sera appelée confiture en saveur, mais pour recréer autant la renommée
que la saveur, cela ne peut se faire. Comme celui qui fait la salade n'épargne
en rien l'huile, aussi pareillement le sucre ne doit être épargné. Alors votre
confiture sera belle et la beauté qu'elle aura augmentera sa bonté et sa
saveur», recommande Nostradamus, qui met la gelée de coings à l'honneur.
Rien de surprenant à cela. Le cotignac, dont Orléans est le haut lieu depuis le
Moyen Age, était alors une friandise recherchée, et la saveur du coing comptait
de nombreux adeptes.
Les techniques étant définies, les recettes se multiplièrent. Olivier de Serres
prodigue ses précieux conseils dans son Théâtre d'agriculture et mesnage des
champs (1600). Le sieur de La Varenne, écuyer de cuisine du marquis
d'Uxelles, cerne mieux encore le confiturier dans Le Parfaict Confiturier qui
enseigne à bien foire toutes sortes de confitures tant seiches que liquides, de com­
postes, de ftuicts, de salfades, de dragées, breuvages délicieux et autres délicatesses
de bouche (1667). Au siècle des Lumières, dans son dictionnaire (1723),
Savary de Bûlons distingue, sous le nom de « confitures », les confiulres
liquides, les marmelades, les gelées, les pâtes, les confiulres sèches, les fruits
candis, les dragées et les conserves (confitures sèches à pâte plus ou moins
molle). De mênle, dans l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, l'art de faire
les confitures côtoie, au sein de la confiserie, celui de réaliser les autres
ouvrages en sucre. En fait, confiseur et confiturier ne
faisaient alors qu'un.
Tous les secrets de ces préparations se transmirent de
génération en génération. Au fur et à mesure que le
sucre devint accessible à tous, la tradition familiale des
confitures s'instaura. Qui pouvait imaginer que la vie
moderne les verrait disparaître au profit des confitures
industrielles? Pourtant, les confituriers s'ingénient,
pour séduire le consommateur, à réaliser des confi­
tures à l'ancienne, présentées comme celles de nos
grands-mères, et les confitures « maison » bénéficient
d'un regain d'intérêt. Il y a cinquante ans, on fabri­
quait ses confitures pour conserver les fruits du jardin.
Si cet usage s'est maintenu à la campagne, d'autres
Confitures... motivations sont apparues: embaumer la cuisine,
Une affaire de gourmands.
créer des recettes, retrouver les saveurs d'autrefois ...
Le rôle du sucre dans les boissons relève d'une tradition aussi ancienne que
celle des confitures. Tout grand repas médiéval comportait, à son début ou
en conclusion, un vin sucré épicé, l'hypocras. Associé à l'eau-de-vie G' aqua
vitae des alchimistes), le sucre participa à la réalisation d'infusions de fruits,
de plantes, de noyaux et d'aromates. Ainsi apparurent les liqueurs de ména­
ge qui devaient connaître leur âge d'or au milieu du XIXC siècle. Ces liqueurs,
ou ratafias, dériveraient du« tafia », l'eau-de-vie de sucre rapportée des colo­
nies et obtenue à partir des mélasses de canne à sucre. Elles furent long­
temps considérées comme des remèdes, de même que les sirops, qu'il était
d'usage de confectionner à la maison, à partir des fruits du jardin jusqu'à ce
qu'une fabrication commerciale s'organisât. Cette pratique survit, toutefois,
dans bien des pays ...

• • • • ••
134
LA GOURHANDI SE DU SUCR E

Préparation et cuisson: C onfiture de !ruit$ mêlés

1 heure environ, selon la maturité


et la teneu1' en eau des fruits
Macération: 12 heures • Peler les pêches blanches au moins 12 heures, en jusqu'à ce que de grosses
et jaunes, et les nectarines, remuant de temps en temps. perles se forment à la surface
Pour 2 kg environ :
- 750 g de pêches blanches puis les dénoyauter. • Trier les framboises, et que le sirop tombe
- 500 g de pêches jaunes • Peser les oreillons et les peser et mesurer en gouttes de l'écumoire.
(ou d'abricots) mesurer 800 grammes 400 grammes de sucre Ajouter alors le contenu
- 750 g de nectarines de sucre par kilo de fruits pour 500 grammes de du premier saladier (pêches,
- 500 g de framboises préparés. framboises. Dans un second nectarine's et melons) .
- 1 melon de taille moyenne
• Détailler la chair du saladier, faire macérer • Poursuivre la cuisson,
- le jus de 1 citron
- 1 citron melon en petits morceaux ces fruits , recouvertS sur feu vif, jusqu'à ce que
- 2,500 kg de sucre cristallisé et mesurer 300 grammes de sucre, pendant au moins les fruits deviennent
- 1 pincée de vanille en poudre de sucre pour 500 grammes 12 heures, en remuant transparents et se délitent. .
de melon. de temps en temps. Ajouter les framboises
• Prélever le zeste • Quand le sucre est tombé et laisser cuire.
du citron, puis couper au fond et a pris la couleur • Quand un peu de sirop
le fruit en quatre, en lui des fruits, égoutter les fruits prélevé se fige sur une
conservant sa peau blanche. de chaque saladier, assiette froide, incorporer
• Dans un grand saladier, séparément. Recueillir le jus le jus du citron et la vanille
déposer les pêches, et le sucre. en poudre.
les nectarines et le melon. • Mettre les jus sucrés • Redonner un bouillon.
• Ajouter le sucre mesuré dans la bassine à confitures, Arrêter le feu et remplir
et les quartiers de citron. avec les quartiers de citron. aussi tôt les pots.
• Laisser macérer pendant • Faire chauffer, sur feu vif, • Couvrir à chaud.

UNE NEIGE GOURMANDE


« Pour faire neige. ;:e~~e~~~-p~~~;;r::~~::v~{{e, iii onces de sucre,

iii onces eau de rose : prennes un petit blanc ramon comme une grosse poignée

de verges, &.. battez bien fort la crème demi heure de long, puis la laisserez

reposer, &.. vous voirez l'escume venante dessus comme neige: puis prennés

une escumette, levez la neige dehors, &.. mettés la en un plat, un tranchoir dessous,

affin de laisser goutter la neige, &.. battez encor la crème comme devant,

tant qu'ayés de la neige assez : puis mettés la dedans des petits plats,

une branche de rosmarin dedans, &.. servez ainsi. »

Lancelot de Casteau, Ouverture de cuisine, /604

Préparation et cuisson: 1 h 30 Du/ce de leche

Pour 2 pots de 350 g environ:


-1 Ide lait (Recette d'Amérique centrale)

- 1 verre à liqueur de rhum


- 500 g de cassonade • Dans une cocotte, mettre de temps en temps, pour • Fouetter jusqu'à obtention
- 1 gousse de vanille le lait, la cassonade et la ne pas laisser attacher. d'une confiture bien
gousse de vanille fendue • En fin de cuisson, onctueuse.
dans la longueur. le mélange prend couleur • Mettre en pots et couvrir
• Porter à ébullition, puis et a tendance à grumeler: aussitôt.
réduire le feu au maximum le retirer alors du feu, • Conserver la dulce de
et laisser cuire pendant au ôter la vanille et incorporer leche comme une confiture
moins 1 heure, en remuant le rhum. traditionnelle.

••••• 1
Préparation: 1 heure, sur 3 jours Marmelade d'agrumes
Cuisson: 1 h 30 environ
Macération: 48 heures
• Laver les oranges et éliminer tout dans la bassine à confitures, • Faire cuire agrumes et sucre,
Pour 2 kg environ:
les extrémités. sur feu très doux, pendant à gros bouillons, pendant au
- 2,500 kg d'oranges maltaises,
non traitées • Couper les fruits en rondelles 1 heure. moins 30 minutes; les oranges
- le jus de 1 pamplemousse et les meme dans un saladier. • Laisser à nouveau macérer doivent être translucides et
- le jus de 2 citrons • Ajouter les jus de citron et pendant 24 heures, dans une le sirop, épais, doit figer sur
- 2,500 kg de sucre cristallisé de pamplemousse, ainsi que ternne. une assiette froide.
2,5 1d'eau, puis laisser macérer • Le troisième jour, peser • Mettre en pOts, y répartir
Un citron jaune peut être
pendant 24 heures. la préparation et compter les rondelles d'oranges.
remplacé par deux citrons verts.
• Le lendemain, faire cuire le le même poids de sucre. • Couvrir à chaud.

Préparation et cuisson: 45 minutes Chutney aux fruits


Pour 3 petits pots :
- 3 poires (Louise Bonne
• Peler les oignons. ne prennent pas couleur. • Prolonger la cuisson
ou Beuré Hardy)
- 4 figues rouges bien mûres • Laver les figues et les couper Ajouter les poires et les figues . pendant 5 minutes, sans cesser
- 75 g de raisins secs blonds en morceaux. • Laisser cuire, sur feu très de remuer. Mouiller avec
- 100 g de petits oignons blancs • Peler les poires, les tailler doux, pendant 20 minutes le vinaigre et le jus de citron
- le jus de 1/2 citron jaune en petits morceaux et les arroser enViron, en remuant souvent. vert, incorporer le piment
- le jus de 1 citron vert avec le jus de citron jaune. • Lorsque le mélange et laisser bouillir pendant
- 20 g de beurre
• Dans une cocotte, faire ressemble à une purée quelques minutes, jusqu'à
- 75 g de cassonade
- 1 verre de vinaigre balsamique revenir les oignons dans le onctueuse, y ajouter la épaississement.
(à défaut, de vinaigre de cidre) beurre pendant quelques cassonade, les raisins secs lavés • Mettre en pots et fermer
- 50 g de gingembre frais, râpé minutes, en veillant à ce qu'ils et égounés et le gingembre. aussitôt hermétiquement.
- 1 cuillerée à café
de piment rouge
Ce condiment accompagne délicieusement les viandes rôties froides
finement haché
et les sautés d 'agneau ou de veau.

t •••••••

136
LA GO URM AND ISE DU SUCRE

Préparation: 30 minutes Pickles

Macération: 12 heures
Repos: 3 heures
(Recette anglaise)
Pour 3 bocaux de 1 1 :
- 1 petit chou-fleur • Laver et préparer 12 heures au moins. légumes, puis les disposer
- 500 g de petites carottes rondes • Faire chauffer le vinaigre dans les bocaux.
les légumes.
- 2 poivrons verts
• Les couper en petits avec la cassonade, les clous • Répartir thym, laurier,
- 500 g de tomates-cerises
- 250 g de petits oignons blancs morceaux et les mettre dans de girofle, la cannelle, estragon et pOivre.
- 1 petit piment oiseau une terrine, avec le piment le gingembre et la noix • Verser dessus le vinaigre
- 1 gousse d'ail coupé en fines lanières muscade, jusqu'à ébullition. sucré et épicé.
- 1,5 1 de vinaigre d'alcool et la gousse d'ail pelée • Éteindre le feu et laisser • Fermer les pots bien
- 250 g de cassonade ensuite infuser pendant hermétiquement.
et coupée en lamelles.
- 1 branche d'estragon
• Saupoudrer de gros sel 3 heures au moins. • Attendre au moins un
- 4 feuilles de laurier
- 3 brins de thym et laisser macérer pendant • Essuyer soigneusement les mois avant de consommer. .
- 3 clous de girofle
- 1 pincée de cannelle
- 1 pincée de gingembre râpé
- 1 pincée de noix muscade râpée A LA FLAMANDE
- poivre blanc en grains
- 1 cuillerée à soupe de gros sel Ils me donnèrent aussi une salade accommodée à la manière des places
cc
fortes car ils la retournèrent dans une poêle avec du beurre fondu qu'ils
arrosèrent d'un peu de vinaigre et après l'avoir mise dans un plat en place de
Ce condimenr anglais sel ils la couvrirent de deux ou trois poignées de sucre. »
accompagne parfaitemenr
les viandes rôties froides. A. fouvin de Rochefort, Le Voyageur d'Europe, 1672

Préparation : 1 h 15 Gelée Je fruits rouges a la rhubarbe

Cuisson : 20 minutes environ


Macération: 12 heures au moins
• Peler le citron et le • Placer tous ces fruits recueillis dans la bassine
Pour 1,500 kg environ: rouges dans la bassine à confitures avec les
couper en quatre. Éplucher
- 1,500 kg de tiges de rhubarbe
les tiges de rhubarbe, à confitures, avec un verre quartiers de citron. Procéder
- 750 g de fraises
- 500 g de framboises les couper en tronçons d'eau. Les faire cuire une de même avec les fruits
- 1 poignée de groseilles de 1 centimètre, les laver, dizaine de minutes, rouges et ajouter le jus et le
- 1 citron non traité les peser et mesurer sur feu vif, en remuant sucre obtenus dans la bassine
- 1,200 kg de sucre cristallisé environ 750 grammes de sucre et en écrasant les groseilles à confitures.
- 1 pincée de vanille en poudre
par kilo de rhubarbe avec le dos d'une écumoire. • Faire cuire, sur feu vif,
préparée. Peser cette préparation pendant une dizaine de
• Placer rhubarbe et sucre et mesurer le même poids minutes, en remuant
dans une terrine. Ajouter en sucre. fréquemment. Quand
les quartiers de citron. • Déposer le tout dans le sirop épaissit (il doit
Laisser macérer pendant une seconde terrine et se figer sur une assiette
au moins 12 heures, en laisser macérer pendant froide), retirer les quartiers
Les restes de fruits rouges
remuant de temps en temps. au moins 12 heures, en de citron, puis ajouter
et de rhubarbe peuvenr être servis
• Laver les fraises et remuant de temps en temps. la vanille.
en compote ou être cuits, ensemble
les équeu ter. Trier les • Au terme de ce temps, • Mettre en pots et placer
ou séparément, avec du sucre
framboises. égoutter la rhubarbe et dans un lieu sec.
(trois quarts du poids des fruits),
• Laver les groseilles la presser pour recueillir • Ne couvrir que lorsque
pour réaliser des pâtes de fruits.
et les égrapper à l'aide le maximum de jus; la gelée est prise, soit
d'une fourchette. mettre le jus et le sucre 24 à 48 heures plus tard.

13:
Préparation: 20 minutes C erises à l'eau -de-vie au candi

Macération: 3 mois
Pour 1 bocal de 1,5 1 : coupées en deux.
• Laver, ébouillanter et • Mettre les fruits
- 1 kg de cerises acides (cerises
sécher soigneusement dans le bocal, en • Fermer hermétiquement
anglaises ou Montmorency)
- 250 g de sucre candi roux le bocal et son couvercle intercalant les morceaux avec le bouchon.
- 75 cl d'alcool pour fruits à 40° (en liège ou en verre). de candi et la gousse • Laisser macérer
- 1 gousse de vanille • Laver les cerises, les sécher de vanille. à )' abri de la 1umière
- quelques graines de cardamome sur du papier absorbant • Couvrir d'alcool. et de l'humidité pendant
. . .
et égaliser la longueur Déposer à la surface troIS mOIs envIron
des queues. les graines de cardamome avant de consommer.

Préparation et cuisson: 1 h environ Confit de roses

Macération: cinq fois 12 heures


Pour 1 pot de 350 g :
• Rincer délicatement • Faire cuire, sur feu vif, • Égoutter les pétales.
- 10 roses parfumées, bien épanouies
- 400 g de sucre en morceaux
les roses sous un filet d'eau jusqu'au perlé: de grosses Faire cuire à nouveau
froide. Les égoutter, bulles viennent éclater, le sirop et le reverser
les sécher avec comme des perles, à la sur les pétales.
du papier absorbant, surface du sirop. • Laisser encore macérer
puis les effeuiller • Verser ce sirop sur les pendant 12 heures.
dans un grand saladier. pétales de roses; il doit Renouveler l'opération
• Dans une casserole, les recouvrir entièrement. trois fois.
Ce confit se sert associé à du vin blanc
préparer un sirop avec • Laisser macérer pendant • Conserver dans un pot
ou du champagne, comme le kir.
le sucre et 40 cl d'eau. 12 heures. à confiture.

Préparation : 20 minutes Sangria

Macération: 1 heure
Pour 10 à 12 personnes : (Recette espagnole)
- 6 oranges non traitées
- 1 citron non traité • Laver les oranges • Dans une jatte, environ, au réfrigérateur.
- 500 g de pêches et le citron. Leur conserver mélanger le vin, le jus • Au moment de servir,

- 2 1 de vin rouge ou rosé corsé la peau et les émincer d'orange, les fruits ajouter dans la jatte

(espagnol, de préférence)
en fines rondelles. et le sucre. des glaçons,

- 1 1de limonade
- 1 verre de jus d'orange
• Peler les pêches, • Laisser macérer la limonade bien fraîche,

- 1 verre à liqueur d'eau-de-vie puis les tailler en dés. le mélange 1 heure ainsi que l'eau-de-vie.

- 125 g de sucre en poudre

Préparation: 15 minutes J us de canne à sucre à l'indienne

Pour 3 verres :
- 1 tige de canne à sucre bien fraîche • Laver la tige de canne de canne et de gingembre (12 heures au maximum).
et juteuse à sucre, l'éplucher dans la centrifugeuse, • Au moment de servir,
- le jus de 1 citron vert
et la débiter en morceaux et mélanger le jus obtenu couper le citron vert
- 30 g de gingembre frais
de 2 centimètres. avec le jus de citron vert. en fines rondelles,
- 1 citron vert non traité
• Laver, peler et émincer • Réserver la préparation les placer au fond
le gingembre. au réfrigérateur jusqu'au des verres et verser
• Placer les morceaux moment de servir le jus dessus.

••••••
138
LA GOURHANDIS E DU SUCR E

Préparation: 10 minutes
Macération: 2 heures
P une/' des îles

Pour 15 personnes :
- 6 oranges • Dans une grande coupe,
la vanille et quelques dans le jus de citron jaune,
le jus de 2 citrons jaunes mélanger les jus de mangue,
glaçons. puis dans le sucre roux ;
le jus de 1 citron vert d'ananas et de cüro n vert.
• Conserver au frais laisser sécher.
1 1 de jus de mangue • Prélever le zeste de trois
pendant 2 heures. • Couper les oranges
1 1 de jus d'ananas • Givrer les verres restantes en fines rondelles.
oranges et presser leur jus.

50 cl de rhum blanc
Les ajouter à la préparation,
de service : tremper Servir dans les verres givrés,
- 25 cl de sirop de sucre de canne
- 75 g de sucre roux en poudre ainsi que le rhum,
le bord de chaque verre, décorés d'une rondelle
- 1 pincée de vaniUe en poudre le sirop de sucre de canne,
sur 0,5 cm de hauteur, d'orange.

SIROP DE SUCRE

POUR LES LIQUEURS

" Faire bouillir deux livres de sucre avec

une chopine d'eau; les écumer

en y mettant petit à petit, pendant

qu'il bout, une autre choPine d'eau ;

étant fini, y mettre un blanc d'œuf

fouetté en neige avec la coquille ;

le tout ayant fait un bouillon,

le passer à la chausse. ))

La Nouvelle Maison rustique, /804

Préparation: 10 minutes Lassi à l'eau de rose

Pour 6 personnes :
- 6 yaourts nature (Recette indienne)

- 6 cuillerées à soupe de sucre roux


- 1 verre de lait • Piler grossièrement de rose. Parfumer avec la et continuer à fouetter,
- 3 cuillerées à soupe d'eau de rose les glaçons. vanille et fouetter vivement, de façon à obtenir une
- 1 pincée de vanille en poudre • Dans une grande terrine, jusqu'à ce que le mélange boisson mousseuse.
- 6 glaçons verser les yaourts, le lait, soit bien homogène. • Verser dans un pichet
deux verres d'eau et l'eau • Ajouter la glace pilée et servir.

Cette boisson très rafrakhissante se prépare à la dernière minute. Elle peut être

confectionnée au mixeur. Les Indiens sucrent souvent le lassi avec du sirop de sucre

frais obtenu en broyant la canne. Certains remplacent le lait par du lait de noix

de coco frais. A défaut d'eau de rose, on peut utiliser du gingembre râpé,

1 pincée de cardamome ou 1 pincée de cannelle.

• ••• •
Préparation et cuisson: 20 minutes P unch au thé a l'orange

Pour 12 personnes:

- 1,5 1 de thé paifumé très fort


• Faire infuser le thé • Porter à ébullition. en filet sur le pain
(thé aromatisé aux fleurs ou aux fruits)
pendant 5 minutes avant Verser le mélange brûlant de sucre.
- 50 cl de rhum blanc
- le jus de 8 oranges de le filtrer. dans une grande coupe • Flamber devant
- le jus de 6 citrons • Laver soigneusement à punch. les convives.
- 1 orange non traitée l'orange, puis la couper • Poser le pain de sucre • Attendre avant
- 1 pain de sucre de 500 g en fines rondelles. dedans. de servir que le pain
• Verser dans une casserole • Faire tiédir le rhum de sucre se soit
les jus des fruits, le thé et les (40 oC au plus), complètement
Dans les pays nordiques, le krambambu/i
rondelles d'orange. le verser doucement effondré.
est confectionné de la même manière,

en remplaçant le thé par du vin rouge.

Préparation et cuisson: 10 minutes Vin chaud aux épices

Macération: 5 à 6 heures
Pour 6 personnes :
• Dans une grande coupe, • Juste avant de servir, • Reverser le tout
- 1 1 de bon vin de Bordeaux rouge
-le jus de 1 citron
mélanger le vin, le jus faire chauffer dans la coupe après
- 125 g de sucre candi roux de citron, le sucre candi dans une casserole l'avoir rincée et servir
- 1 bâton de cannelle et les épices. le mélange vin-épices aussitôt, en laissant
- 1 clou de girofle • Laisser macérer pendant jusqu'au premier les épices au fond
- 1 pincée de noix muscade râpée 5 à 6 heures. bouillon. du récipient.
- 1 pincée de cardamome broyée

Préparation : 15 minutes C ocktail-soda

Réfrigération: 12 heures
Pour 8 à 10 verres : commence à blondir
• Mixer la chair du melon. • Au moment de servir,
- 500 g de pulpe de melon
Dans une casserole, et verser Sut le melon. parfumer avec l'eau de
- le jus de 1 citron
- 150 g de sucre en poudre préparer un sirop avec • Ajouter le jus de citron. fleur d'oranger, filtrer,
- 1 1 de limonade le sucre et 25 cl d'eau. Mélanger, couvrir et verser dans les verres
- 1 cuillerée à soupe d'eau • Arrêter la cuisson conserver, au réfrigérateur, et allonger de limonade
de fleur d'oranger sitôt que le sirop pendant 12 heures. bien fraîche.

LES POMMES AU FEU

( Les Pommes se cuisent entières devant le feu, ayant cerné la teste


&.. le trognon, en leur mettant dans le trou de chacune un morceau

de beurre frais, que vous roulerez dans le sucre en poudre:

si l'on ne leur oste la teste, il faut les picquer en plusieurs endroits avec

la pointe du coûteau, à cause des vents qui feroient crever la peau,

&.. perdroient la meilleure partie de leur moële. On en coupe

par moitié, &.. l'on cerne un peu de la peau tout autour, puis on les met

rostir sur les charbons: &.. pour les servir, on oste toute la peau, qui quitte

la pomme comme un petit bonnet, puis on les sucre. »

Nicolas de Bonnefons, Les Délices de la campagne, /679

••••••
40
............ ........... ... .... . .. ................................. .. .....

~."

LA GOUR MA ' DISE DU SUCRE

Punch au thé à l'orange


L e sucre aux fourneaux
Pratiquée dès le Moyen Age, l'alliance du sucré et du
salé fut en faveur en Europe jusqu'à fin du XVIIe siècle. Il
fallut tout ce temps pour que le sucre se substituât peu
à peu au miel, utilisé comme édulcorant en cuisine,
notanlment pour les ragoûts. Cette saveur originale
était, réservée aux tables seigneuriales et royales, comp­
te tenu du coût élevé des épices, qui constituaient le
luxe de l'époque. Il était d'usage de sucrer les bouillons.
La plupart des apprêts de viande comportaient égale­
ment du sucre. De même, les sauces qui nappaient cer­
tains plats étaient épicées et sucrées pour compenser la
fadeur des aliments apprêtés. Ainsi, au début du
xrve siècle, le Traité où l'on enseigne à foire et à appa­
reiller et assaisonner toutes viandes selon divers usages
de divers pays livre une recette de sarraginée, plat à base d'anguille préparé Un repas au
avec du sucre et des épices. Entre autres préparations réalisées en Europe Moyen Age
Nos ancêtres
occidentale figure « la viande de Cipre », qui n'est autre qu'un poulet sucré, aimaient
à la crème de riz et au lait d'amandes. Le manuscrit de Sion (fin XIIIe siècle­ les préparations
rehaussées d'épices.
début XIVe siècle), originaire du Valais et attribué à làillevent, mentionne du Parmi celles-ci,
sucre dans une recette de pâté de poisson. Le même làillevent, maître le sucre, dont on
trouve trace dans
queux du roi de France, recommande des plats sucrés aux divers services. nombre d'apprêts
La farce dont il fourrait les œufs rôtis à la broche associait du sucre aux de poisson
ou de viande.
herbes et aux épices. Son blanc-manger de chapon était saupoudré de sucre
avant d'être servi. Sa recette de perdreaux au sucre consistait à rôtir les
oiseaux, puis à les arroser de vetjus et d'eau de rose, avant de les saupou­
drer de sucre et de cannelle. Quant aux dodines, célèbres sauces dont il fut
le créateur, elles mariaient également sucre et sel. Le sucre était, il est vrai,
considéré comme un condiment, à l'instar du poivre ou du safran ; il res­
tait dans les esprits le « sel indien» de ses débuts en Occident.

Le sucre au coeur de l'évolution culinaire


Tout en allégeant les menus et en modérant l'emploi des épices, la
Renaissance vit l'essor du sucre et de ses recettes. Dans son ouvrage De
honesta voluptate et valetudine (l474), l'Italien Platine prône une cuisine
équilibrée, que l'on qualifierait aujourd'hui de « diététique ». Parmi ses
recettes, figure celle d'une spécialité catalane, le myraux, plat de viande
dans leq~elle sucre entre en forte quantité. D'Italie la mode du sucre gagna
• ••••••
142
LA l,O URl'IAN DIS E IHl su e R

la France, à la faveur de la venue de Catherine de Médicis à


la cour. Dès lors, tous les traités culinaires proposèrent des
recettes faisant intervenir le sucre, ingrédient privilégié.
Ainsi, au milieu du XVIIe siècle, le sieur de La Varenne recom­
mande un « potage à la neige» fait avec « du lait assaisonné
de sel et de sucre », dans lequel on incorpore, au moment du
service, des blancs d' œufs battus en neige et frits, ainsi que
du sucre, à nouveau. La saveur de son pâté de lièvre à l'an­
glaise peut être rehaussée par un ajout de câpres et de sucre.
La pâte et la garniture de sa tourte de blanc de chapon sont
largement sucrées. Sucre et sel mêlés confèrent aux casse­
museaux, petits feuilletés à la moelle de bœuf, leur goût par­
ticulier, d'autant qu'ils sont saupoudrés de sucre au sortir du
bain de friture. A la même époque, un cuisinier resté anony­
me livre, dans un recueil de recettes (Le Cuisinier métho­
dique) 1662), un « potage au fromage» fait de bouillon, de
fromage de Milan et d'« un peu de cannelle en poudre avec
du sucre ». làndis que Pierre de Lune, écuyer de cuisine du duc de Rohan, Au fil des siècles...
Les chefs les plus
dévoile les secrets de son pâté à la portugaise, réalisé à partir de blanc de illustres s'essayèrent
dindon, de moelle de bœuf, de lard, de fruits secs, de zeste de citron, de fleur au mariage salé-sucré.
d'oranger, de grains de grenade et ... de sucre.
Avec le XVIIIe siècle, la simplification de la cuisine et son évolution vers un
plus grand raffinement ne firent que s'accentuer. Le goût pour le salé-sucré
marqua un net recul. Il est vrai que la période révolutionnaire et les res­
trictions qu'elle généra ne favorisèrent guère sa survie. Pas plus le siècle
suivant ne s'y intéressa-t-il. La cuisine bourgeoise ne fit appel au sucre qu'à
petites doses et à des fins précises. Une « muscade de sucre» pour exalter
la saveur des petits pois qui accompagnent le pigeon, un peu de sucre pour
rendre la sauce de certains plats mijotés plus goûteuse, du sucre aussi pour
glacer carottes, navets et petits oignons ... Il fallut attendre le milieu du
xxe siècle pour que les recettes salées-sucrées soient réhabilitées, notam­
ment grâce à l'ouverture des frontières gastronomiques et à la découverte
de saveurs venues de lointains horizons.

Le tour du lTlonde de la « CUISIne» au sucre


Aujourd'hui, les pays anglo-saxons et ceux du Nord sont plus portés que
les contrées du Sud et du bassin méditerranéen à utiliser le sucre dans la
cuisine, en particulier dans des préparations où il n'est pas attendu. Ainsi,
les Anglais incorporent du sucre à la sauce à la menthe qui, traditionnelle­
ment, accompagne le gigot d'agneau rôti. Il en est de même, mais en
.~
•••••••
moindre quantité, pour la sauce au raifort qui agrémente le rôti
de bœuf ou certains poissons, fumés ou grillés. Condiments ser­
vis avec les viandes froides, les pickles et les piccalilli comportent
du sucre dans leurs recettes. A l'instar des Autrichiens, qui
sucrent abondamment le chou blanc en cocotte, les Allemands
raffolent de l'aigre-doux. Hors le recours fréquent aux fruits secs
et aux confitures pour garnir les plats de résistance, ils aiment à
sucrer le poisson, la viande et les légumes qu'ils font cuire avec
du vinaigre. Quelques-uns de leurs potages sont additionnés de
sucre, comme la pittoresque soupe aux cerises, que l'on retrouve
en Belgique et au Luxembourg. Les Hollandais, eux aussi, ajou­
tent un peu de sucre à leurs soupes d'anguille ou de perche.
Dans les pays scandinaves, l'assaisonnement de la salade de
harengs requiert souvent du sucre en poudre, qu'il s'agisse d'une
vinaigrette ou d'une sauce rose. De même, le sucre entre dans la
composition du mélange dont on enduit le saumon frais cru pour
l'y faire macérer lorsqu'on prépare le gravlax. Il contribue à la
Le goût du sucre belle croûte dorée du jambon de Noël suédois et adoucit la saveur de la
Après l'avoir un temps
reléguée dans l'ombre,
revigorante soupe de bière au pain ou de la soupe au froment destinée aux
les Occidentaux ont enfants. En Finlande, la moutarde est un peu sucrée. De leur côté, les
redécouvert l'alliance
salé-sucré, notamment
Russes emploient le sucre pour les marinades réservées aux poissons, pour
à travers les cuisines la farce à la choucroute des petits pâtés (pirojkz), pour les condiments tels
aSiatique.
que quetsches ou poires marinées et pour certaines sauces.
Le sucre est très présent dans la cuisine maghrébine - sans doute un héri­
tage de la tradition sucrée initiée par les Arabes à l'époque nlédiévale. En
Algérie, les plats à base de nlouton comportent du sucre, et le couscous
connaît une variante sucrée. Au Maroc, les tajines sont additionnées d'un
peu de sucre. Mais sans doute est-ce en Asie que le rôle du sucre dans la
cuisine est le plus marqué. Ainsi les Japonais apprécient-ils fruits de mer,
crustacés ou dés de poisson cuits avec du sucre, du saké et de la sauce soja.
Le sucre intervient aussi dans les sushi, à base de riz au vinaigre, dans les
marinades pour poissons grillés, dans le glaçage de sauce soja sucrée
Cteriyaki) utilisé pour certains mets cuits au gril. .. Le goût des Chinois
pour l'aigre-doux est connu. Poissons, viandes, crustacés sont accommodés
avec une sauce sirupeuse où sucre et miel associés neutralisent agréable­
ment l'acidité du vinaigre. Le sucre participe aussi, en compagnie du miel,
au glaçage du canard rôti à la mode de Pékin, entre dans la cuisson des
viandes et des légumes, est présent dans les sauces des salades ...
Enfin, du côté de l'Amérique du Nord, le sucre contribue à l'assaisonnement
de salades composées, à la marinade des viandes à griller, voire rôtir...

144
LA GOURHANDISE DU SUCRE

Préparation et cuisson: 30 minutes Soupe à la bière


Pour 6 personnes :

---
- 1,5 1 de bière blonde (de type pils)
(Recette allemande)
- 4 jaunes d'œufs . .
- 6 cuillerées à soupe de crème aigre • Dans une casserole, aIgre, progreSSIvement. • Remettre alors dans la
(crème fraîche additionnée de jus faire chauffer la bière • Sans cesser de remuer, casserole et faire cuire, sur
de citron) avec le sucre sur feu vif. incorporer d'abord quatre feu moyen, jusqu'à ce que
- 120 g de sucre e1l poudre • Dès l'ébullition, cuillerées à soupe de bière la préparation, qui ne doit
- 1/2 cuillerée à cafe de cannelle
retirer du feu. sucrée, puis le reste pas bouillir, épaississe.
en poudre
- selfin • Dans une terrine, de la bière. Ajouter • Rectifier selon le goût
- poivre noir du moulin battre les jaunes d'œufs la cannelle, saler et l'assaisonnement et servir
en leur ajoutant la crème poivrer légèrement. aussitôt.

Certains rehaussent la saveur de cette soupe par 2 clous de girofle.

Préparation : 20 minutes P ommes de terre au caramel

Cuisson : 30 minutes
Pour 6 personnes : (Recette danoise)

- 1 kg de petites pommes de terre


nouvelles • Peler les pommes et un bon verre d'eau. complètement de caramel
- 40 g de beurre de terre, bien les laver • Quand il est blond, au beurre.
- 200 g de sucre e1l morceaux et les laisser dans l'eau ajouter le beurre et • Faire cuire à découvert,
pendant la préparation mélanger. sur feu doux, en secouant
du caramel. • Ajouter les pommes de temps en temps,
• Dans la sauteuse, faire de terre mouillées, puis jusqu'à ce qu'elles soient
un caramel avec le sucre remuer pour les enrober tendres et brillantes.

Préparation: 40 minutes Canard aux navets caramélisés

Cuisson : 1 h 30
Pour 6 personnes : (Recette d'Ile-de-France)

-1 canard nantais de 1,500 kg


envIron • Faire rôtir le canard • y jeter les navets et les chaud. Ajouter les navets.
- 1 kg de navets longs nouveaux au four préchauffé laisser cuire 20 à 30 minutes, Saler et poivrer assez
- 150 g de saindoux (240 °C!th. 7) pendant en les retournant de temps abondamment.
- 30 g de beurre 1 heure. en temps: ils doivent • Laisser mijoter sur feu
- 30 g de forine
• Pendant ce temps, devenir tendres et être doux, à couvert, pendant
- 50 cl de bouillon de volaille
- 200 g de sucre e1l poudre peler les navets et les tailler complètement imprégnés une dizaine de minutes.
- selfin en bâtonnets. de caramel. Rectifier si besoin est
- poivre blanc du moulin • Mettre le saindoux • Les égoutter. l'assaisonnement.
et le sucre dans une bassine • Dans une cocotte • Quand le canard est cuit,
à friture. en fonte, confectionner le découper en morceaux,
• Faire chauffer jusqu'à un roux brun avec le beurre puis l'ajouter aux navets.
obtention d'un caramel et la farine. • Donner juste un bouillon
assez foncé. • Mouiller avec le bouillon avant de servir.

• • • • • • Il

14.:
Préparation: 15 minutes Poulet au sucre à la malgache

Macération: 1 heure
Cuisson: 1 heure • Frotter le poulet avec • Couvrir la volaille • Faire cuire le poulet
Pour 6 personnes : les gousses d'ail pelées, de ce mélange, en piquant à la broche, pendant
-1 poulet de 1.500 kg puis l'enduire d'huile. la chair à l'aide d'une 1 heure environ,
- 4 gousses d'ail
• Mélanger à la cassonade fourchette pour qu'il en l'arrosant souvent
- 3 cuillerées à soupe d'huile
- 1 cuillerée à café de feuilles de thym thym, girofle et vanille, pénètre sous la peau. avec le jus de macération.
- 1 pincée de clou de girofle en poudre ainsi que 1 cuillerée à café • Laisser macérer pendant • Servir avec du riz au curry
- 1 pincée de vanille en poudre de sel et 1 pincée de poivre. 1 heure. et au safran.
- 50 g de cassonade
- 1 cuillerée à café de sel fin
Ce poulet peut aussi être cuit en cocotte

- poivre blanc du moulin


en l'arrosant fréquemment

avec le jus de macération qui sera allongé d'un peu d'eau.

Préparation : 1 heure Mouton aux amandes

Cuisson: 1 h 15
Pour 4 personnes : (Recette algérienne)
- 600 g d'épaule de mouton désossée
- 250 g de poudre d'amandes • Couper la viande deux verres d'eau et • Retirer la viande de
- 1 cuillerée à soupe de beurre en petits morceaux, faire cuire sur feu très la sauce et la déposer
- 4 œufs puis la faire dorer doux, pendant 1 heure. dans un plat allant au four.
- 250 g de sucre en poudre
dans le beurre. • Préchauffer le four • Recouvrir la viande de
- 6 cuillerées à soupe d'eau
de fleur d'oranger • Ajouter l'eau de fleur (160 °Clth. 3). la préparation aux amandes
- 1 pincée de cannelle d'oranger, 150 grammes • Battre la poudre et faire cuire au four
- selfin de sucre et la cannelle. d'amandes et le reste pendant 15 minutes.
• Saler, mouiller avec du sucre avec les œufs. • Servir avec la sauce.

La tradition veut qu'on utilise du smen, une sorte

de beurre salé à saveur aigrelette.

A défaut, employer du beurre ou de l'huile.

• ••••••
146
LA GOURI-IANDIS E DU SU RE

Préparation: 20 minutes G igot à l'anglaise, sauce à la menthe


Cuisson: 1 heure environ
Pour 8 personnes :
• Préchauffer le four cuillerée à café de sucre. sur feu doux, puis verser
- 1 gigot d'agneau de 2,500 kg environ
(250 °Clth. 8). • Confectionner la sauce : sur la menthe.
- 50 g de beurre
- 15 cl de vinaigre de vin • Enduire le gigot hacher finement les feuilles • Réserver jusqu'au
- 24 feuilles de menthe fraîche de beurre, le saler, le poivrer de menthe. moment de servir.
- 4 cuillerées à café de sucre en poudre et le parsemer de romarin. • Mettre le reste du sucre • Faire cuire les petits pois
- 1 cuillerée à soupe de romarin • Le faire cuire au four, dans une casserole avec à l'eau bouillante salée.
- selfin en l'arrosant de son jus trois cuillerées à soupe d'eau. • Servir le gigot avec la
- poivre blanc du moulin
de cuisson toutes les • Laisser dissoudre sauce froide présentée
10 minutes. le sucre, puis ajouter en saucière.
• Le retourner à mi-cuisson le vinaigre. • Accompagner
et le saupoudrer d'une • Laisser réduire de moitié, de petits pois.

A la cuisson,

le sucre forme

une croûte

sur la viande,

ce qui empêche

la chair

de sécher

et lui garde

sa saveur.

Préparation: 30 minutes P orc à l'ananas à la chinoise


Macération: 15 minutes
Cuisson: 25 minutes
• Couper la viande • Peler l'oignon • Au bout de quelques
Pour 6 personnes :
en fines lamelles ou en dés. et l'émincer. minutes, ajouter les dés
- 750 g de viande de porc maigre désossée
- 1 boîte d'ananas au sirop en morceaux • Mélanger le vin blanc, • Peler les tomates après de tomates.
- 1 poivron vert la sauce soja, une pincée les avoir ébouillantées, • Laisser cuire,
-2 tomates de sel et une pincée de sucre ôter les pépins et couper sur feu doux, pendant
- 1 gros oignon dans un saladier. la chair en dés. 15 minutes.
- 1 cuillerée à soupe de Maïzena
• Ajouter la viande • Émincer finement • Dans un bol, mélanger
- 3 cuillerées à soupe de saindoux
et laisser mariner pendant le gingembre. tous les ingrédients
- 3 cuillerées à soupe de vin blanc sec
- 3 cuillerées à soupe de sauce soja une quinzaine de minutes. • Égoutter les morceaux de la sauce avec le jus
- 1 petit morceau de gingembre frais • Pendant ce temps, de porc, les enrober de la boîte d'ananas.
- sucre en poudre peler le poivron de Maïzena et les faire dorer • Verser le tout
- selfin (après l'avoir passé au four dans deux cuillerées à soupe sur les légumes.
Pour la sauce : quelques minutes), de saindoux. • Ajouter la viande
- 2 cuillerées à soupe de vinaigre
retirer les graines • Arroser de la marinade. et l'ananas. Laisser
- 3 cuillerées à soupe de sucre en poudre
- 1 cuillerée à soupe de Maïzena et les parties blanches, • Faire revenir le poivron, mijoter quelques
- 1 piment oiseau émietté puis tailler la pulpe l'oignon et le gingembre millutes.
en fines lanières. dans le reste du saindoux. • Servir aussitôt.

•••••• 1

14j
MILLE ET UN USAGES

Si le rôle du sucre dans l'alimentation est connu, son utilisation


dans d'autres domaines l'est moins . Pourtant, il se prête à bien d'autres
usages, plus ou moins développés selon les pays, et qui relèvent d'une
science moderne - la « sucrochimie » -, au service de l'industrie.

LES ANIMAUX AIMENT LE SUCRE


En période de surproduction, le sucre peut être incorporé aux
aliments pour bétail. Ainsi des résultats intéressants sur le plan
nutritif ont-ils été obtenus en matière de farines destinées aux
ruminants, aux porcins et aux poulets. Toutefois, en France, le sucre
n'est plus guère utilisé que pour l'alimentation des abeilles.
En revanche, les pulpes de betteraves récupérées après extraction
du sucre entrent dans la nourriture des bovidés, sous forme humide,
surpressée ou sèche. D'autre part, la mélasse , qui contient encore
50 % de sucre, est un composant important de l'alimentation ani­
male .

LE SUCRAGE DES VINS


L s propriétés fermentescibles du sucre sont exploitées en viti­
culture pour la chaptalisation des vins. Cette opération, mise au
point au tout début du XIXe siècle par le chimiste Jean Antoine
Chaptal, consiste à ajouter du sucre au moût de raisin avant fer­
mentation, de façon à augmenter le titre alcoolique du vin, sans en
modifier le goût. Cette pratique est aujourd'hui très réglementée , en
fonction des régions et de la teneur en sucre des raisins . Depuis
1980, une technique utilisant la spectrométrie de résonance magné­
tique nucléaire CRMN) détecte, après fermentation, l'alcool prove­
nant du saccharose, par rapport à celui généré par les sucres du jus
de raisin, et permet donc de déceler une éventuelle surchaptalisa­
tion, rendant ainsi les fraudes difficiles.

Du SUCRE A [ALCOOL
Depuis 1993, l'éthanol carburant produit dans l'Union euro­
péenne, notamment à partir de la betterave cultivée en jachère, est
employé comme additif à l'essence sans plomb Cà raison de 5 % en
France) pour renforcer son indice en octane. Au Brésil, l'éthanol car­
Un petit air rétro
Avec ces pub[icités anciennes. burant provenant de la canne à sucre est mélangé à raison de 22 %.
DU SUCRE DES UTILISATIONS

A L'INFINI

Au SERVICE DES MATIÈRES PlASTIQUES • Les propriétés adoucissantes,

antiallergiques et biodégradables

du sucre le font entrer dans la

L'un des principaux débouchés du sucre dans l'industrie chi­


composition de produits cosmétiques,

mique est la fabrication des mousses de polyuréthane . Transformé en


et détergents crèmes.

éther, le sucre est mélangé à un agent de foisonnement pour former


des mousses à la fois fermes et souples . Il joue le rôle de plastifiant • Le sucre est apprécié dans la production

dans certaines résines adhésives, entre dans la fabrication de vernis, de certains tabacs blonds, car

solvants et laques, et sert d'agent de viscosité dans certaines colles. il en rehausse le goût et maintient

leur taux d'humidité.

• Sous sa forme invertie, le sucre agit

UNE GRAVURE EN CREUX MONOCHROME comme réducteur des sels d'argent, d'où

son emploi pour l'argenture des miroirs.

L sucre peut aussi participer à des œuvres artistiques ... La gra­


• Son rôle de conservateur a permis

vure au sucre relève du procédé de l'aquatinte. Elle consiste, dans un


de l'employer en archéologie pour

premier temps, à réaliser un dessin sur une plaque de cuivre. Le des­


préserver la structure de bois anciens

sin s 'effectue à la plume ou au pinceau, avec de l'encre de Chine à


saturés d'eau.

laquelle est mêlé du sucre jusqu'à saturation. Une fois qu 'il est sec, la
planche est recouverte d'une fine couche de vernis. Après séchage, elle • Le sucre est également utilisé dans

est plongée dans l'eau; au contact de celle-ci, le sucre se dilue et le ver­ la fabrication de certains explosifs.

nis craque. Le cuivre se trouve donc dégagé là où il porte le dessin. On le retrouve ainsi dans les feux

Selon la finesse de ce dernier, le graveur « graine » ou non la planche d'artifice et pétards.

avec de la poudre de résine, puis la chauffe pour la fixer, et enfin la • Lorsqu'il est ajouté à très faible dose

mord assez profondément à l'acide. Il ne reste plus qu'à encrer la (0,1 % de la masse), le sucre retarde

planche et à imprimer l'épreuve à l'aide d'une presse appropriée. la prise des ciments et bétons, ce qui est

très utile dans le cas des ciments

prêts à l'emploi.

UN COMBUSTIBLE ÉCONOMIQUE • Dans la mesure où il favorise la

création d'interstices dans le métal,

Ls bagasses de cannes à sucre sont utilisées comme combustible.


on utilise le sucre pour la fabrication

Celui-ci fournit aux sucreries l'énergie nécessaire à leur fonctionne­


des noyaux de fonderie, afin de faciliter

ment, et même un surplus. Lîle de La Réunion, qui a initié cette


le démoulage des pièces.

technique, revend ainsi, chaque année, de l'électricité à Électricité


de France pendant la • La pulvérisation de solutions sucrées

campagne sucrière. sur les pommiers en augmente le

rendement et active la coloration

des pommes.

• Le sucre est même employé au cinéma.

La chaptalisation du vin Il se substitue au verre dans la

Gravure d'Honoré Daumier.


confection de vitres appelées à se briser

Ladjonction réglementée du
pour les besoins du film.

sucre dans le moût, au cours

de la fermentation, augmente
• Pour ses usages en thérapeutique,

le taux d'alcool du vin


voir p. 70.

sans en altérer le goût.

LES MUStES DU SUCRE

A LA RÉUNION
Le MUSÉE AGRICOLE ET INDUSTRIEL STELLA MATUTINA, inauguré en
1991, retrace l'histoire de l'île à travers son patrimoine agricole et
industriel. Dominant l'océan Indien, il est établi sur le site d'une grande
propriété sucrière, où la canne à sucre est cultivée depuis 1850. La plus
grande partie du musée est consacrée à la canne à sucre, à son histoire,
à l'essor de l'industrie sucrière du temps de l'esclavage, puis de celui
des « travailleurs engagés» - Indiens, Africains, Malgaches et Chinois
qui composent la population réunionnaise actuelle. La canne y est pré­
sentée sous ses divers aspects agronomiques.

A LA MARTINIQUE
En cette île où la canne a marqué le destin des hommes, un petit
MUSÉE DE LA CANNE A SUCRE s'est installé au sud, dans l'anse des Trois
Ilets, à l'intérieur d'une ancienne sucrerie-distillerie. Il retrace l'histoire
de la plan te, du sucre et du rhum dans leurs rapports avec la vie locale
et la société créole.

EN ALLEMAGNE
A l'origine fondation de l'industrie sucrière allemande, créée en 1904,
le ZUCKER MUSEUM de Berlin fut confié, en 1978, à l'Université technique
de Berlin. Intégré depuis 1995 au Deutsches Technikmuseum Berlin, il
réunit de fort belles collections afférentes au sucre, à son histoire cultu­
relle et à l'évolution de ses techniques de fabrication. Répartis en onze
sections, tous les domaines liés au sucre y sont présentés.

En haut: EN COLOMBIE BRITANNIQUE


A Piton-Saint-Leu Installé dans le cadre de la sucrerie BC Sugar, créée en 1891, le
Le musée agricole et industriel BC SUGAR MUSEUM de Vancouver met l'accent sur le lien étroit existant
de la Réunion fut l'un des entre le développement du raffinage du sucre et l'essor de la cité. Il retrace
douze grands projets culturels l'histoire du sucre de betterave dans la région et évoque les interventions de
de la France sous la présidence la compagnie dans les îles Fidji, ainsi qu'en République dominicaine.
de François Mitterrand.
En bas : Au CANADA
Aux Trois IIets A Toronto, dans l'Ontario, le REDPATH SUGAR MUSEUM a été créé en
Le musée de la canne à sucre 1979 par la société Redpath pour célébrer le l25 e anniversaire de la
de la Martinique est plus Canada Sugar Refinery, fondée à Montréal en 1854. Il s'attache à l'his­
spécialement illustré par des toire de la compagnie et à son installation à Toronto, en 1959, mais il
documents de 1'« habi tation » aborde aussi les diverses facettes de l'univers du sucre, et plus précisé­
Latouche et de la sucrerie
ment l'industrie du sucre au Canada.
Rivière-Salée.
Aux PETITES ANTILLES
Dans les petites Antilles, le BARBADOS SUGAR MACHINERY MUSEUM
est consacré au matériel servant à la fabrication du sucre. Il rappelle
que, découverte par les Espagnols au XVIe siècle, l'île de la Barbade
passa sous le contrôle anglais en 1627 et le resta jusqu'à son indépen­
dance en 1966. De longs siècles au cours desquels la canne à sucre
Voir page: 154 constitua l'activité essentielle de l'île, notamment à partir de l'instaura­
Le musée de l'art du sucre tion du régime de grande propriété sucrière, à la fin du XVIIIe siècle.
,
__ ar

~U ucre
« S i tous les arts concourent aux plaisirs
du gourmand, les plaisirs du gourmand
contribuent à leur tour au progrès des arts.»

Antonin Carêllle

ravailleurs du sucre ou artistes de l'ombre ? Ils façon­


nent, sculptent, gravent, cisèlent... au gré de leur inspira­
tion. De l'architecture monumentale à la composition
florale, de la nature nlorte à la sculpture allégorique, de
Page précédente:
L'Architecte fou

l'abstraction au modèle réduit, leurs œuvres ne sont vouées


de sucre
ni à la durée ni à la gloire. La décoration d'une vitrine, la
Quand un étudiant en
architecture rencontre
réalisation d'un buffet d'apparat, la participation à un
un apprenti pâtissier ... concours ou à une exposition sont leurs seules motivations.
Exposition du Pavillon
de l'Arsenal, Paris, 1992
Pourtant, la technique est délicate et exigeante, le matériau
périssable et souvent rebelle, le champ d'expression appa­
Ci-contre:
remment restreint.
Jeu dëchecs Se jouant de ces contraintes et oubliant volontairement les
« Et il y a d'étonnantes
réalisations traditionnelles, souvent rigides et dénuées
pâtisseries imitant des
paysages, des sites de rêve de fantaisie, auxquelles les limite leur métier de confiseur
nippon, rocailles en sucre ou bien de pâtissier, ils donnent libre cours
brun, vieux cèdres en
sucre verdâtre très à leur créativité et à leur
délicatement feuillu », enthousiasme. Se déga­
écrivait
Pierre Loti dans geant de la seule gour­
La Troisième jeunesse mandise, leurs œuvres
de Mme Prune, en 1905.
Sans que les techniques s'inscrivent dans la conti­
se soient modifiées, nuité d'une pratique artis­
les constructions en sucre
ont suivi l'évolution tique dont les siècles passés
des modes .... ont jeté les bases.

• •••••
15
Le spectacle éphélTIère
de la table
Sans doute cette tradition des «chefs-d'œuvre» en
sucre puise-t-elle ses racines dans l'ostentation des tables
médiévales , en un temps où le sucre, denrée rare, était
l'apanage des gourmands de haute souche et où les desserts
étaient prétexte à une présentation
recherchée, mariant harmonieusement
couleurs et formes. Ainsi la spécialité
de Venise fut-elle longtemps la pièce
montée en sucre, d 'un luxe tout sei­
gneurial. Car, bien qu'il fln connu
depuis peu, le sucre avait déjà révélé sa
malléabilité ; il participait à la somp­
tuosité des festins. Pour exemple, tou­
jours dans la cité vénitienne, un dîner
qui fut donné en 1493, au palais des
Doges, en l'honneur de Béatrice,
épouse de Ludovic Sforza le More,
duc de Milan, et au cours duquel, au
son des trompettes, furent présentés
trois cents mets en sucre doré . Autre
témoignage de ces grands fastes sucrés,
celui de Francesco Matarazzo, dans sa
Chronique de Pérouse: il y narre un
somptueux repas de noces qui se
déroula en l'an 1500 et se conclut, au
terme de plusieurs jours de festivités,
par un cortège comportant un repas
«léger», lequel fut si copieux «que l'on
n 'en croyait pas ses yeux; on y voyait,
moulés en sucre, tous les fruits de la
terre, puis des grenouilles, des écre­
visses, des serpents, des lézards, des
oiseaux de chaque espèce, ainsi que
d'autres sucreries, et tout cela était si
abondant que l'assistance en emporta
une grande partie dans de petits sacs de
cuir doré , bien que tout le monde eût
été rassasié ».
Floralies Ce fut, en effet, à partir de l'Italie, où le décor en sucre vit
Cette pièce en sucre, réalisée le jour, que se développa ce goût très singulier de l'imitation.
par Yves Thuriès, est exposée
Dans son étude sur La Table et le repas à travers les siècles,
à Cordes-sur-Ciel (Tarn) , dans
le cadre du musée de l'Art du sucre. Armand Lebault évoque une collation offerte, en 1571, par les
Créé en 1989, dans une des vieilles notables de la ville de Paris à Élisabeth d'Autriche, femme de
demeures de ce village médiéval, Charles IX; à cette occasion, on « avait imité en pâte de sucre
ce musée est tout entier consacré des figurines, des fleurs, des mets de toutes sortes et les plats,
à la féerie du sucre d'art. Il abrite les écuelles qui contenaient ces mets imités étaient eux­
une cen taine de « chefs-d'œuvre»
mêmes en sucre ». Sans oublier« trois cents paniers, pleins de
sur les thèmes les plus divers.
toutes sortes de fruits faits en sucre près du naturel [... ] ».
LART DU SUCRE

Au XVIe siècle, nobles et riches rivalisèrent dans le goût


du faste. Les décors de table foisonnèrent, d'autant qu'Alexis
du Piémont s'intéressa au maniement du sucre et révéla, en
1555, la recette d'une « pâte de sucre» utile pour reproduire
fruits et autres belles choses. Le sucre participa de plus en plus
à la décoration de la table sous forme d'ornements travaillés à
la main ou moulés, ou encore de bas-reliefs sculptés dans la
masse et évoquant un thème allégorique ou mythologique. Le
« sucre d'art» était né ... A la fin du XVIe siècle, l'Italie se mit à
préférer aux fragiles machines et précieux automates chargés
de divertir les convives entre les mets (d'où leur nom d'« entre­
mets ») les tableaux allégoriques en sucre. Un art imité de
celui des verriers vénitiens et dans lequel Nicolo della Pigna
s'imposa, suivi dans cette voie, au XVIIe siècle, par Fedele. Ce
dernier, engagé en 1653, à Rome, par la reine Christine
de Suède, réalisa ses propres projets, mais aussi certains
conçus par le célèbre architecte et sculpteur italien le Bernin.
Ces pièces d'apparat, baptisées trionfi di tavola, connurent
une immense faveur. Il semble que la cour papale n'y échappa
pas: à l'occasion d'un repas du Jeudi saint, la table du saint
pontife aurait été décorée d'un chemin de croix en sucre ...
En Allemagne et en Angleterre, l'engouement fut compa­
rable. Toutefois, dans le premier pays, la porcelaine devait, au
siècle des Lumières, remplacer le sucre au service de cet art
décoratif.
De son côté, tout en restant fidèle jusque vers 1730 aux
pyramides de douceurs dont l'équilibre était assuré par des
Che{s-d 'œuvre
fils de caramel, la France opta pour l'alliance des métamor­ d'Urbain Dubois
phoses du sucre et des statuettes en porcelaine, en argent Le chef de cuisine
ou en vermeil, telles que les aimaient les surtouts de table des souverains de
de l'époque. A l'ampleur des décors du XVIIe siècle succéda Prusse fut, à la fin
l'élégance du XVIIIe, avec sa dilection pour le style « rocaille» du XIXe siècle, l'un
des grands maîtres
et la nature. Au centre de la table du festin, un rocher de
des architectures de
sucre, accompagné de végétaux et d'animaux. Ainsi qu'on sucre confectionnées
peut le lire dans l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, en pastillage,
« la confiserie peut exécuter en sucre toutes sortes de des­ sucre rocher
sins, de plans, de figures, et même des morceaux d'archi­ et biscuit
tecture considérable». Ce n'est qu'après 1750 que les de couleur.
décors se firent plus classiques.
Parallèlement, au XVIU e siècle, les « sablés» connurent un
vif succès. Réalisés initialement à partir de sucre fin, coloré ou
non, puis avec de la poudre de marbre ou de sable, ils
recréaient les parterres des jardins paysagers comme on les
aimait à l'époque. Ainsi que le recommande Menon, pour le
service du dessert: « Suivant l'usage de l'office, sur une table
servie à dix-sept jattes, pour la garniture du dessus, l'on peut
la garnir en fruits avec des gobelets, ou bien mettre des figures
de sucre de toutes façons, ou des figures de porcelaine de
Saxe, ainsi que des arbres de toutes espèces, avec des palis­
sades, gazons et parterres dans tous les goûts, tant fleurs natu­
relles qu'artificielles. »

•••••
15:
Les architectures
de la gourIllandise
Au cours du x:rxe siècle, avec l'essor de la bourgeoisie,
la décoration en sucre devait peu à peu se transformer pour
céder la place à la vogue des surtouts chargés de douceurs,
symboles de richesse plus que de créativité. Elle persista
néanmoins à la table des grands et permit à de véritables
architectes de s 'y imposer. Reste ainsi le souvenir d'Antonin
Carême (1783-1833), de ce petit pâtissier promu , par le
seul mérite de son talent, chef de bouche de la maison de
Talleyrand. Ses spectaculaires pièces montées, qui firent la
renommée de la table du grand chambellan et de bien
d'autres tables royales, étaient inspirées par l'Antiquité chi­
noise, indienne, égyptienne, grecque ou latine. Dans son
traité Le Pâtissier pittoresque (1815) , il recense formes ,
ornements et accessoires destinés à la décoration des fes­
tins . Plus de cent planches gravées au trait suggèrent les édi­
cules en sucre coloré et glacé dont il s'était fait une spécialité.
Pavillons, rotondes, temples, ruines, belvédères, fontaines,
cascades , grottes, chaumières, ermitages ... Rien n'est laissé
au hasard de ces reconstitutions. Pas tillage, glaces et sucres
de couleur décorent les socles ou
dessinent les bordures aux
innombrables motifs. Certains
éléments sont confectionnés en
pas tillage ou en pâte d'office,
d'autres en pâte d'amandes ,
d'autres encore en feuilletage.

Vrai ou faux ?

Limitation laisse planer le doute...

« HUitième service: l'issue sera composée de toutes sortes de confitures liquides et sèches,

de massepains, conserves et glacés, sur les assiettes, les branches de fenouil poudrées de sucres

de toutes les couleurs, armées de cure-dents, et les muscadins ou dragées de Verdun,

dans les petites abaisses de sucre musqué et ambré. »

Nicolas de Bonnefons, les Délices de la campagne, 1652


LART DU SUCRE
Nature morte . . .
Pièce entièrement
réalisée en sucre
par le pâtissier
Pascal Niau.
Le sucre d'art est
une école d'humilité.
Les œuvres ont une vie
réduite. Sensibles aux
conditions ambiantes,
elles doivent pouvoir
se conserver dans des
vitrines parfaitement
étanches, posées
sur des caissons
contenant un pUIssant
déshydratant et placées
à l'abri de la chaleur.

Mais le sucre est omniprésent, finement tamisé pour mas­


quer ces matériaux ou produire un effet de neige, ou filé LES COULEURS DU SUCRE
pour façonner un détail. Tout n'est pas comestible dans ces
Les architectures d'autrefois jouaient avec

constructions imaginaires; diverses pâtes utilisées ne se


les couleurs. Un infime ajout de carmin à du sucre en

mangent pas.
poudre suffisait à le colorer en rose, de même que

Si le « Roi des cuisiniers », que l'on surnomma aussi le


l'adjonction d'un peu de bleu d'outremer donnait

«Palladio de la cuisine » , fut un pionnier de génie, une


du sucre filas. L'essence de vert d'épinard

connaissance grandissante du sucre et de ses possibilités


était utilisée pour obtenir le sucre pistache

allait aider ses émules. tinvention du cornet à décorer, ou


et le safran pour le sucre jaune, alors qu'il fa{{ait

poche à douille, par le pâtissier bordelais Lorsa favorisa


marier un peu de cocheni{{e ou de rouge végétal

l'emploi de la glace royale - Carême fut, d'ailleurs, le pre­


et un peu de teinture d'indigo pour

mier à en user systématiquement pour la décoration de ses


que le sucre se teinte en violet.

pièces. La première grande pièce entièrement réalisée en


glace filée au cornet semble avoir été la cathédrale de
Bordeaux, exécutée en 1842 par Georges Niggli, ouvrier
chez le même Lorsa. A cette époque, la faveur allait aux
structures en sucre cuit au cassé. Leur confection fut facili­
tée par la découverte, vers 1850, de la nécessité d'ajouter un
peu de glucose, de façon à empêcher le sucre de grainer et
à en rendre le maniement plus aisé. Certes, diverses pâtes à
pâtisserie s'associaient au sucre, mais celui-ci continuait d'y
jouer un rôle important. Jules Gouffé excella dans les cha­
lets suisses perchés sur des rochers ; pâte d'amandes et
nougat étaient ses matériaux favoris. Chef des cuisines de
l'empereur d'Allemagne Guillaume 1er , Urbain Dubois
La recette «maison» du sucre
s'illustra également par ses pièces montées architecturales, coloré est donnée à la page 164.
dont nous conservons les secrets grâce à son Grand Livre

~ ... ..

158
L'ouvrier du
sucre bâtisseur UN RÊVE DE SUCRE
de cathédrales
Lédification Il M ais bientôt toute la compagnie
d'un tel prit l'apparence d'un étalage
monument eXige de la Noël, chez Fuchs, Weide, 5choch
un nombre
ou dans quelque autre boutique.
considérable
d'heures de Le Conseiller me parut être une gentille
travail. Pour poupée de sucre candi, avec un jabot
la reconstitution de papier. Peu à peu, les arbres et
de la cathédrale les rosiers grandirent à vue d'œil. [...]
d'Amiens, due Alors toutes les figurines de sucre,
à Hubert Lahm, à l'étalage, s'animèrent et remuèrent
il a fallu réunir
20 000 pièces. comiquement leurs petites mains
Lensemble et leurs petits pieds. Le Conseiller-candi
mesure s'avança de mon côté en piétinant
1,50 m de haut, et s'écria d'une petite voix très aiguë:
1,80 m de long et "Pourquoi tout ce fracas, mon cher ami?
0,88 m de large.
Posez-vous donc sur vos jolis pieds,
Quatre-vingts
kilogrammes car je remarque depuis une heure que
de sucre glace vous cheminez dans l'air par-dessus
ont été les chaises et les tables."
nécessaires ... Le petit avait disparu. Julie n'avait plus
la coupe dans sa main.
" Pourquoi n'as-tu pas voulu boire?
des pâtissiers et des confiseurs (1883). Auguste Escoffier et dit-elle; la flamme pure qui jaillissait
Édouard Nignon, entre autres, allaient ensuite montrer un de la coupe vers toi, n'est-ce pas
égal intérêt pour la décoration artistique. celle du baiser que tu obtins un jour
Ce goût pour les constructions en sucre fut très vivace en de moi?" Je voulus la presser contre
Angleterre, principalement à travers les pièces et gâteaux de mon sein, mais 5chfemihf s'interposa
noces où l'originalité le disputait au faste. Le mariage du duc entre nous, disant:
d'York fut ainsi l'occasion de réaliser une pièce de sucre, de " Voici Mina, qui a épousé Raskal."
nougat et de fruits confits retraçant sa carrière. Un dîner offert Il avait marché sur quelques-unes
à l'explorateur polaire anglais sir Albert Hastings Markham des figurines de sucre, qui poussèrent
inspira une pièce représentant son vaisseau, l'Alerte, entouré des gémissements lamentables.
de glaçons et d'ours blancs. Mais bientôt leur nombre augmenta
Au début du xx.e siècle, Alphonse Vanaise mentionne par centaines, par milliers, et toutes
deux réalisations pour le moins somptueuses. L'une se mirent à frétiller autour de moi,
concerne un jeune Anglais qui, « ayant fait fortune dans les et à grimper sur mon corps,
mines de diamant du Cap, fit exécuter pour son dîner de qui fut bientôt couvert de leur nuée
noces une magnifique grotte en sucre et or, constellée de bourdonnante comme un essaim d'abeilles.
pierreries. De minuscules lampes électriques éclairaient ce Le Conseiller de sucre candi s'était hissé
palais de Crésus qui fut vendu au bénéfice des orpheli­ jusqu'à ma cravate, qu'il serrait
nats ». L'autre est le gâteau de mariage d'Alphonse XIII et de plus en plus fort :
d 'Ena de Battenberg. Ce gâteau , commente l'historien, " Maudit Conseiller-candi! "m'écriai-je
« avait été fabriqué à Londres et envoyé à Madrid dans une à haute voix... Et je m'éveillai. "
caisse haute de deux mètres. Il avait 1,90 m de haut et Ernst Theodor Amadeus Hoffmann,
pesait 300 kilos; sa base mesurait 1,15 m de diamètre . Un Les Aventures de la nuit
magnifique travail de sucre figurait les vignobles les plus de la Saint-Sylvestre.
réputés de l'Espagne, tandis que courait alentour un feston 1808-1815

de marguerites, de fleurs d'oranger, de myrtes et de roses


blanches ».
Noble pastillage
et glace royale
Ls pièces montées imposantes dont
le xrxe siècle vit la consécration ouvrirent la
voie à l'art du sucre tel que nous le connais­
sons aujourd'hui: un art adapté à notre
époque, qui s'exprime de façon plus mesu­
rée, moins monumentale, mais tout aussi
inventive. Toutefois, ses techniques restent
identiques.
La plus noble d 'entre elles est le pas­
tillage, qui a pour seul inconvénient de
n'être pas comestible. C'est l'œuvre du
pastilleur qui, ainsi que l'a écrit Grimod
de La Reynière dans son Almanach des
gourmands, « doit être tout à la fois un
dessinateur, un graveur en bois, un sculp­
teur en ronde bosse comme en bas relief,
car, s'il est obligé d'avoir recours à
d'au tres artis tes pour son travail, il ne
Aux couleurs des beaux jours, pourra jamais s'élever à la hauteur de son art ». Groupes de
la chaise de mai en pastillage figures allégoriques, paysages, architectures, pièces décora­
et friandises tives diverses ... Grâce à sa malléabilité, le pastillage se prête
« Explorer la magie du sucre

à d'innombrables décors. Préparé à partir de sucre glace , de


comme forme, matière,

couleur. [... ]
gélatine, d'eau et de jus de citron, il peut être coloré par des
La peau des chaises respire:
colorants alimentaires, mais il ne se prête qu'aux tonalités
une surface sensible, tactile,
pâles. Certaines formes sont découpées dans une abaisse , à
émotionnelle; un aspect poli,
l'emporte-pièce; c'est le cas des fleurs. Les petits sujets
rugueux, laqué, peint, mat,
plats sont moulés « à la planche ». Le séchage est délicat, car
brillant, opaque, transparent ...
il est important d'éviter que des crevasses ne se forment.
Rêves de sucre. » Ainsi Boris Tissot

commente-t-il sa recherche sur


Après séchage, le pas tillage peut être recouvert de glace
Les Chaises en sucre. Une collection
royale et peint. Le collage des pièces se fait avec de la glace
de douze chaises qu'il a créée avec
royale ou du pastillage ramolli par adjonction de gomme
Pascal Niau.et Jean-Luc Matyjasik,
fondue.
spécialistes du sucre d'art.
La glace royale est aussi utilisée pour exécuter des
feuilles ou des fleurs. Additionnée d'un peu de sucre, ce qui
la rend plus consistante, elle se façonne à l'aide d'un cornet
muni d 'une douille spéciale .
E" tiréen filalllen ts,
le sucre filé
L sucre filéperrnet de façonner les détails d 'ornement
des compositions artistiques. Il fut autrefois largement
employé pour les sultanes, aigrettes, pompons, voluptés et
autres raffinements . Urbain Dubois en faisait grand cas. En
raison de son extrême fragilité, ce sucre doit être préparé en
dernier lieu, dans un endroit sec, à l'abri de la chaleur et des
courants d'air. On m élange dans un poêlon sucre, eau et
glucose (un cinquième du poids du sucre), puis on fait cuire
jusqu'au grand cassé (145 OC). On plonge alors le fond du
poêlon dans l'eau froide pour arrêter la cuisson . Lorsque le
sucre , légèrement refroidi, devient épais, on y trempe un
fouet coupé à son extrémité, et on le secoue en hauteur au­
dessus de spatules en bois que l'on a pris soin de placer à
intervalles réguliers au bord d'une table, en les laissant
dépasser de 20 à 30 centimètres. Les fils de sucre se répar­
tissent sur ces spatules et composent une gerbe brillante et
légère . Lorsqu 'on a obtenu le volume souhaité, on retire la Lart du sucre filé
Filer le sucre requiert savoir-faire
gerbe , on la pose sur un marbre et on la modèle selon ses
et dextérité. Ici, l'opération telle
besoins. Si l'on souhaite colorer le sucre filé , il suffit d 'ajou­ qu'on l'effectuait au début
ter un colorant à mi-cuisson. du xxe siècle.

Machine à filer le sucre


Elle fut inventée par Alphonse Landry,
au début du xxe siècle. Le filoir, en .
a été légèrement chauffé; il contient
du sucre cuit au cassé. Une longue spatule
Fleurs d'eau en sucre tiré en bois est, en partie, posée sur la table;
Une ravissante création de un poids assure son horizontalité.
Marie-Hélène Martin de Clausonne Pour filer le sucre, il suffit d'agiter
sur un miroir en sucre coulé. l'appareil au-dessus de la spatule.
Le sucre soufflé,
.
tel 1 art de s ll1.aître S verrIerS
7

Comme son nom l'indique, le sucre soufflé est soufflé à


la manière du verre. La pâte de sucre se fait translucide pour
donner fleurs, fruits, figurines, animaux, objets divers . .. Ce
sucre se prête à une multitude de compositions délicates et
raffinées, qu'il soit employé seul ou associé à du sucre tiré, du
sucre filé , du pastillage , etc. Sa réussite tient essentiellement à
la cuisson du sucre, celle-ci étant d'autant plus complexe
qu'elle varie selon l'atmosphère dans laquelle elle est effec­
tuée. Le recours à un hygromètre et à un baromètre est donc
impératif pour obtenir un sucre cuit qui ne colle pas.
Une fois le degré défini, la recette se déroule ainsi, selon la
méthode mise au point par Mme Marguerite Lapierre, qui fut,
en France, la grande spécialiste du sucre soufflé. Dans une cas­
serole, mélanger 750 grammes de sucre et deux tiers d'un bol
d'eau, en tournant avec une spatule, puis faire chauffer sur le
réchaud . Lorsque le mélange commence à bouillir, ajouter le
glucose (un quart du poids du sucre environ). La « cuite» se
teinte en blond pâle si le temps est sec, en blond jaune si le
temps est humide.
Dès que la température atteint 158 oC (hygromètre : 65 % ;
LE PASTILLAGE D'ANTAN
pression : 750 millibars) , la variation possible pouvant aller de
« Pour faire une paste de succre de laquelle on pourra
135 oC à 170 oC, verser sur le marbre un tiers de la « cuite ».
faire toute sorte de fruit, et autre gentillesse avec leur
y incorporer un soupçon d'acide citrique, deux gouttes de
forme, comme plats, escu elles, verres, tasses et autres
parfum, une goutte de couleur et malaxer. Poser ensuite le
choses semblables desquelles on fournira une table,
sucre cuit chaud sur la table chauffante et en tirer des mor­
et en la fin se pourra manger, chose délectable
ceaux pour façonner feuilles , pétales, etc.
aux assis tans. Prens de la gomme dragant autant que
Déposer le sucre (porter des gants) au bout de la pipette,
tu voudras, et la mets des tremper en eau rose, tant
en le pressant bien sur les bords de celle-ci, et souffler lente­
qu'elle soit mollifiée, et pour quatre onces de succre,
ment devant un ventilateur (pour refroidir le sucre et lui gar­
prens en de la grosseur d'une febve, jus de limons plein
der sa forme) , tout en modelant avec la main la forme qu 'on
l'escaille d'une noix, et un peu de glaire d'œuf: mais
souhaite lui faire prendre. Couper au ras de la pipette avec des
il faut premier prendre la gomme, et battre tant avec
ciseaux chauffés et procéder aux finitions à la main.
le pilon en un mortier de marbre blanc ou bien d'érain,

qu'elle devienne comme eau, puis y adjouste ledit jus

avec la glaire d'œuf, en incorporant le tout ensemble.

Ce fait, prens quatre onces de succre fin et blanc bien

réduit en poudre, et le jette petit à petit, tant que tout

soit réduit en forme de paste. Tire-la puis après du

mortier, et la broye sus poudre de succre comme si ce

fut farine, tant que tout soit réduit en paste mole, afin

que tu le puisses tourner et former à ton plaisir. Quand

tu auras réduit la paste en ceste sorte, estans la et

applanis avec le rouleau en fueil/es grosses ou menuës,

ainsi que bon te semblera: et par ainsi en formeras


En haut:
aussi telle chose que tu voudras, comme desus est dit. »
Un panier de douceurs
Ce contenant tressé en sucre tiré
Alexis du Piémont,
dans lequel sonr disposés
Les Secrest du seigneur Alexis piémontois, Paris /56/
d'appétissanrs fruits soufflés
est l'œuvre de Joël Benouet.

• ••••••
162
LART DU SUCR E

Le sucre ruban
Cette technique n'est guère
à la portée de l'amateur.
Obtenir la largeur
et la finesse désirées
relève d'un savoir-faire
exceptionnel.

Un matériau magique
Le sucre se travaille avec
des outils similaires à ceux
du peintre. La masse, étirée
et aérée, refroidit et se
transforme peu à peu pour
prendre l'aspect recherché.

Une technique délicate,


le sucre tiré
On l'appelait naguère « tors» ou « retors ». Selon le

Dictionnaire des sciences (1885), le sucre retors est un

« sucre d'orge dont on détruit la transparence en l'étendant

sur lui-même jusqu'à ce qu'il ait pris la couleur argentée ou

blanche ». Dans Le Parfait Pâtissier, Émile Dumont indique

comment préparer, à partir de sucre cuit au cassé, ce même

sucre qu'il qualifie de « tors » :

« On le verse aussitôt sur un marbre légèrement huilé

pour le laisser refroidir quelques minutes ; puis on le

retourne avec une spatule, en ayant soin de reporter les

bords de la nappe de sucre sur la partie centrale, c'est-à-dire

là où le sucre est le plus chaud ; aussitôt qu'il devient mal­

léable, on huile légèrement le bout des doigts pour tirer le

sucre à deux mains, en reportant toujours sur la masse les

parties qu'on enlève, jusqu'à ce que le sucre, par ce travail,

devienne brillant tout en prenant de la consistance. Il faut

avoir soin de tenir le sucre entassé afin qu'il se tienne chaud

le plus longtemps possible ; car il ne peut être transformé

en ornements que pendant qu'il a de la souplesse: dès qu'il

est froid, il devient cassant. Pour travailler ce sucre plus

vivement, il convient d'en cuire peu à la fois, et de s'y

mettre à plusieurs personnes. »

•••••• 1

16~
Outre le façonnage des rubans et nœuds, des cor­ cuisson dépend à la fois des ingrédients employés et
beilles et paniers, le sucre tiré permet de reproduire des conditions de travail (celui-ci doit s'effectuer
toutes les fleurs que l'on trouve dans la nature, même dans une pièce bien chauffée, à l'abri des courants
les plus complexes. Il est aussi façonné en nattes et d 'air) . Mais, par-delà la préparation du sucre, inter­
utilisé pour imiter des anses de vases ou de coupes . viennent la dextérité et l'expérience de 1'« artiste ».
Sa pratique varie selon les confiseurs, chacun ayant Un sucre tiré avec excès est terne, alors qu'il doit être
sa propre méthode de « graissage » - c'est-à-dire très brillant et satiné. Les gestes doivent être précis et
l'ajout de glucose, de crème de tartre, de vinaigre rapides, pendant que le sucre est encore chaud. La
blanc, etc., qui, en prévenant la cristallisation du légèreté des décors est ici le résultat de manipula­
sucre, favorise sa malléabilité . La température de tions sans défaillance .

LES RECETTES cc MAISON )) DU DÉCOR EN SUCRE


-~-~---------~--~-----------~-------

- 300 g de sucre en poudre - 350 g de sucre en morceaux - 500 g de sucre glace


{ou sucre cristallisé blanc} - 50 g de glucose - 50 g de fécule
- 4 ou 5 gouttes de colorant -1 cuillerée à café de jus de citron
alimentaire • Faire cuire le sucre, avec un verre d'eau - 3 feuilles de gélatine
et le glucose, jusqu'à 150oc. - colorant (facultatif)
• Prendre un pm de confitures • Le ver er dans des formes, à plaL
d'une contenance de 500 grammes, En durcissant, il prend une consistance • Faire ramollir les feuilles de gélatine
muni d'un couvercle métallique. vitreuse, colorée, translucide dans de 1eau froide pendant une
Le remplir aux nois quarts de sucre. ou opaque, elon 1effet recherché. quinzaine de minutes.
• Ajouter le colOl·am alimemaire. • Chauffe r un demi-verre d'eau,
Fermer le couvercle. y dissoudre la gélatine et égourter celle-ci.
• Bien secouer jusqu'à obtention Mélanger le sucre glace et la fécule.
d'une couleu r uniforme. Si celle-ci est trop • Creuser un puits et y verser la gélatine
pâle rajouter quelques gouttes de colorant en solution, pu is le jus de citron.
et agiter le p Ot à nouveau. -250 g de sucre en poudre • Travailler à la main pour obtenir
• Quand la couleur dési rée est aneime, - 2 cuillerées à soupe de glucose un mélange homogène.
étaler le sucre su r un plat pour qu'il sèche. • Colorer éventuellement.
• Lorsqu'il est sec, le con erver dans le pot • Faire cuire le sucre, avec • Le pasrillage se conserve en boule,
ferm é. Préparer plusieurs pots de différentes un demi-verre d'eau et le glucose, protégé par un film alimentaire. Pour
couleurs, de façon à les avoir à portée de jusqu'au caramel (160 oC). l'uriliser, il suffi t de saupoudrer la pla nche
la main au moment de déco rer un gâteau. • Le refroidir rapidement en plongeant à pâtisserie de féc ule, d'abaisser la pâte au
la casserole dans une cuvette d'eau rouleau et d'y déco uper les formes dési rées.
En s'aidant d'un gabari t (pochoir) froide. Quand le caramel épaissit, • Laisser celles-ci écher, à plat, avant
en bristol découpé et posé sur le gâteau, y [[emper une fourchette et tirer pour de les assembler avec de la colle au sucre.
on peut réaliser un décor récupérer des fUs. On peut les façonner Le pastillage permet aussi sculptures
aux omours net .
en écheveaux pour voiler des fruits. et mo ulages.

•••••••
164
L AR T ou S UC RE

Les autres sucres de l'artiste


Le sucre tourné ne présente, certes, pas la finesse rez-le du feu, mêlez-lui encore quelques gouttes
d 'aspect du sucre tiré, mais il a l'intérêt de moins brû­ d'acide ; azurez-le très légèrement, faites-le loucher
ler les doigts (on le travaille tiède), de supporter en le frottant contre les parois du poêlon avec une
davantage de fantaisie dans la conception des formes cuillère en bois ; coulez-le aussitôt dans les moules .
et de se conserver bien plus longtemps . Le qualifica­ On coule ordinairement ce sucre dans des moules en
tif de « tourné » vient du fait que, lorsqu 'on modèle plâtre trempés à l'eau froide , puis bien égouttés , et
un carré de sucre à la forme voulue , après lui avoir fortement serrés avec une grosse ficelle, afin que le
incorporé de l'amidon coloré, le sucre « tourne » sucre ne s'échappe pas à travers les divisions mal
quand il prend partout la même couleur. jointes du moule. Quand le moule est rempli, on
Le sucre coulé fut, avant le pas tillage et la glace attend que la surface du sucre se fige à l'ouverture
royale, à l'origine de l'ornementation des tables de par laquelle il a été versé dans le moule ; puis on
jadis. Il sert à la confection de pièces à surface plane, brise cette mince croûte, et on renverse le moule
transparentes et légères. Urbain Dubois nous en pour en vider le sucre liquide dans le poêlon, afin
donne la recette : « Coupez en morceaux du beau d'obtenir le sujet creux. » La technique n'a pas
sucre en pain; mettez-le dans un poêlon avec moitié . changé. Sucre, eau et glucose sont cuits au gros
de son poids d 'eau froide [ . .. 1 ; laissez-le dissoudre à boulé, puis, après incorporation de carbonate de cal­
froid . Mêlez-lui ensuite quelques gouttes d'acide acé­ cium, jusqu'au grand cassé, avant que la préparation
tique . Couvrez-le, cuisez-le à la glu . A ce point, reti­ puisse être coulée dans des moules.

Quand le sucre
épouse la nature
Insectes et oiseaux
rivalisent d'élégance
et de beauté, au point
de faire douter
de leur irréalité.

« A lors il lui vint une résolution désespérée. C'était puisqu'il

ne pouvait échapper au pape des fous, aux drapelets de jehan Fourbault,

aux bottes de ma~ aux lances à feu et aux pétards, de s'enfoncer hardiment

au cœur même de la fête et d'aller à la place de Grève.

- Au moins, pensa-t-il, j'y aurai peut-être un tison du feu de joie

pour me réchauffer, et j'y pourrai souper avec quelque miette des trois grandes

armoiries de sucre royal qu'on a dû dresser sur le buffet public de la ville.»

Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, /83/

•••••••
16E
Des fruits en sucre

A croquer ... ou, mieux,

à admirer.

Gourmande
imitation
Le carrosse
de la reine d'Angleterre
reproduit en sucre
avec un grand souci
de fidélité.

Le sucre massé est un sirop de sucre cuit au gros boulé


et massé à l'aide d 'une spatule en bois. Il est coulé, ni trop
chaud ni trop massé , dans des moules en plâtre ou en acier
inoxydable. Les sujets obtenus doivent offrir une surface
lisse, sans fissure .
Le sucre rocher est souvent employé pour la réalisation
de pièces décoratives. Il se caractérise à la fois par son
volume et sa légèreté . C'est un sucre cuit au petit cassé,
puis émulsionné avec de la glace royale , avant de séjourner
cinq minutes environ dans un four assez chaud. Il se
découpe ensuite selon le gré de l'artiste.
Enfin, dans le cas du sucre taillé, le talent s 'allie à une
technique des plus complexes, qui requiert une longue
patience. A l'instar de la pierre, le bloc de sucre est travaillé
avec les outils traditionnels (scies, goujes, marteau, etc.) du
sculpteur. La pièce obtenue se suffit à elle-même, véritable
œuvre d'art.
Eat art
Lart comestible est l'art de
l'éphémère, du plaisir dans l'instant.
Pour Dorothée Selz, qui colore
et sculpte la glace royale,
le monde du sucre
est avant tout celui de la
communication ludique. .. _ - - ­

.......

166
L'ART DU SUCR E
Fleurs et feu,"e. c,.istaOisée
• Quand elles sont assez humidifiées, les saupoudrer
Pour 4 ou 5 grosses fleurs et une dizaine de sucre cristallisé à l'aide d'une petite cuillère ­ s'il
defeuilles s'agit de fleurs simples et de feuilles, il suffit de les
-1/2 cuillerée à café d'huile neutre déposer sur une assiene plate garnie de sucre
-1 blanc d'œuf cristallisé (3).
-400 g de sucre cristallisé • Secouer feuilles et fleurs pour éliminer l'excédent
de sucre.
• Les disposer sur les supporrs et les laisser sécher
• Préparer des supportS pour le séchage: verres
pendant un jour ou deux.
à liqueur ou coquetiers pour les grosses fleurs, grille
à pâtisserie pour les feuilles et les petites fleurs.
• Raccourcir les queues des fleurs à 2 centimètres, Les végétaux utilisés doivent être comestibles
sécher les feuilles, puis les développer au et non traités. Pour un résultat plus flatteur,
maximum (1). il est conseillé de choisir des fleurs (roses,
• Dans un bol, bame légèrement le blanc d'oeuf notament) qui commencent à s'ouvrir.
Choisir les fleurs parmi rose, primevère, violette,
avec deux cuillerées à soupe d'eau et l'huile.
capucine, dahlia, jasmin, oranger, citronnier,
En badigeonner les pétales et les feuilles sur les deux amandier, lavande, acacia, pissenlit.
faces, à l'aide d'un pinceau fin (2). Choisir les feuilles parmi rosier, menthe, primevère,
pissenlit, cerfeuil, trèfle. Pour une quantité plus
importante que celle indiquée ici, ajouter au blanc
d'oeuf une cuillerée à café de gomme arabique.
Enfin, la même technique permet de cristalliser
des petits fruits (fraises, groseilles, cassis,
grains de raisin, etc.) .

Roses cristal
Décor simple et du plus bel effet à placer
sur un gâteau de fête ou au centre de la table .

•••••••
168
C A RT DU SUCRE

Sucre d'art
Réalisation colorée et animée
de Dorothée Selz destinée
à l'exposition du musée
des ArtS décoratifs (Paris,1978).

LES COLLES DU DÉCOR

Pour coller les décors réalisés en sucre

en morceaux, préparer

une colle comestible, en mélangeant

un blanc d'œuf et 125 grammes de sucre glace.

Conserver dans une boite fermée.

Après séchage de 12 heures, les pièces

sont assemblées très solidement.

Pour coller des décorations comestibles

ou pour assembler des pièces de pastillage,

utiliser de la glace royale

et laisser sécher pendant plusieurs heures.

Cette glace doit être conservée dans

un récipient hermétiquement fermé,

car elle sèche à l'air.

o comme Olivia
Cette sculpture de Boris
Tissot s'inscrit dans le cadre
d'un alphabet gourmand.
Lartiste s'intéresse ici à une
approche ludique de la lettre
et de son image, à travers
deux matériaux inattendus:
le sucre et la pâte à biscuit.

• •••••
LES RITES D' 0 FFRANDES
Très marqué en Amérique latine, le goût des sucreries - des
du/ces, comme on les nomme en espagnol - a suivi de peu l'intro­
duction du sucre dans ces contrées. Du morceau de canne à sucre
que l'on mâchonne patiemment aux friandises que vendent d'in­
nombrables marchands ambulants ou que l'on trouve sur les mar­
chés, la gourmandise est sans cesse sollicitée. Le Mexique, où
Hernan Cortès fut le premier à établir des plantations et des mou­
lins à sucre, près de Cuernavaca, en est le plus bel exemple. John
Chilton, un voyageur anglais qui séjourna dans ce pays au cours de
la seconde moitié du XVIe siècle, en fit d 'ailleurs la remarque: « Il y
a là-bas grande abondance de sucre et ils en font diverses conserves
excellentes qu'ils envoient au Pérou où elles se vendent, car on n'en
Une croix en sucre mexicaine fait aucune dans ce dernier pays. » Lusage du sucre à des fins reli­
Un thème religieux, une inspiration gieuses n 'a donc rien de surprenant. D'autant que la célébration des
naïve... au goût sucré. morts, le 2 novembre de chaque année, s'y pare d 'une dimension
« festive » exceptionnelle.
C'est le frère Sebastian de Aparicio qui, en 1563, dans le
Mexique évangélisé, instaura l'usage des offrandes pour les défunts ,
au sein de la hacienda de Carreaga, près de l'actuelle Mexico. Cet
usage se répandit très rapidement, jusqu 'à devenir une tradition
nationale et donner naissance à un véritable art du sucre. Car les
sucreries, qui sont confectionnées à cette occasion, prennent les
formes les plus diverses. Déjà, au XVIIIe siècle, le jour des Morts don­
nait lieu à une multitude de créations. En 1777, Juan de Viera en
témoigne: « La dépense pour les sucreries dépasse 5 000 pesos, qui
se transforment en pastillage et deviennent oiseaux, sirènes , mou­
tons, fleurs, pichets , jarres, lits, cercueils, mîtres , femmes et
hommes dorés et ornés de couvre-chefs. [ ... ] On voit à chaque coin
de rues des étalages pleins de jouets en sucre que même le plus
pauvre achète pour ses enfants . »
Aujourd'hui, la tradition demeure . Le pas tillage Caljèfiique) et le
« sucre royal » se prêtent à mille et une sculptures minutieusement
travaillées. Animaux de toutes espèces, objets de la vie quotidienne,
sujets religieux ... La mort reste, toutefois, le thème central. Comme
l'explique Teresa Castello de Yturbide, «les têtes de mort, sans doute
la représentation la plus caractéristique de la Fête de la Toussaint,
En Asie... sont faites en sucre cuit et coulé dans des moules en terre cuite; elles
Le sucre entre aussi dans
sont ensuite décorées avec du " sucre royal " de couleur et décorées
la composition des diverses
de papier d 'argent. Le nom du défunt est écrit sur le front . Il n'est
offrandes aux dieux dans
pas d 'enfant authentiquement mexicain qui n'ait savouré une tête de
certains pays asiatiques.
mort ; ainsi il grandit pleinement identifié avec la mort ». Certains
Comme ici, à Bali,

avec cette «image »


confiseurs sont spécialisés dans la réalisation des têtes de mort Cca/a­
en gâteau de riz,
veras) en sucre. Ces dernières ne sont pas toujours anonymes, le
richement colorée.
couvre-chef étant là pour rappeler la profession du défunt.
MEXICAINS
Disposées sur une table, à l'intérieur de la maison, ou sur les
tombes, au cimetière, ces sucreries mortuaires sont associées à cc Les morts - ou la mort -
d'autres offrandes (fleurs, fruits , apprêts culinaires, etc.). Toutes sont implacablement alignés, empilés
destinées à montrer aux défunts qui, dans la nuit du 1er au comme les pommes de nos étalages,
2 novembre, pendant la veillée des Morts, viennent rendre visite à sont là, multicolores, joyeux et
leur famille, qu'ils demeurent présents dans la mémoire de leurs ironiques. C'est leur fête. Ils rient
proches. Le 2 novembre, les vivants se partagent les offrandes et de leur humour noir et rose. Tous ces
mangent les éphémères créations de sucre en priant pour leurs squelettes en sucre, assis sur leur
défunts. cercueil mangeable, nous narguent
et nous sollicitent par leurs tenues,
leurs gestes, leurs propos. L'un fume,
l'autre déjeune, celui-ci porte
perruque orange et bigoudis.
"Une squelette" pin-up arbore une
mini-jupe à fleurs et une pancarte
indiquant (à un éventuel mari 1)
"Te sigo extranando mi amor! ",
je continue à t'étonner mon amour!
Autre interjection d'une" squelette"
aguichante: "Qué te pasa! Te invito
a mi ataud" , "A lors quoi! je t'invite
dans mon cercueil ".
De Puebla à Toluca, de Pcitzcuaro à
Guanajuato - sur les hauts plateaux
du centre du Mexique - on retrouve
partout cette même dérision. »
Dorothée Selz,
Au Mexique, l'art du sucre au service des rites religieux catalogue de l'exposition
La tête de mort en sucre est le sujet de prédilection des confiseurs
cc Sucre d'Art », Paris 1978
mexicains. A l'occasion de la fête des morts, ceux-ci moulent
des crânes et les décorent à la poche de couleurs vives.

Sucreries mortuaires
On peut encore en trouver
aujourd'hui à Mexico.
LESUCRE EN QUELQUES CHIFFRES
ÉVOLUTION DE lA PRODUcnON ET DE lA CONSOMMATION MONDIALES DE SUCRE
Année Production Production Production Consommation Consommation
sucre de canne + de sucre de sucre totale par habitant
sucre de betterave de canne de betterave (en milliers (en kilos
(en milliers de tonnes (en DIo) (en DIo) de tonnes de sucre brut)
de sucre brut) de sucre brut)
1900 11 257 46,7 53,3 8130 5,1
1920 16831 70,8 29,2 13 024 7,3
1940 29902 60,9 39,1 26704 11,9
1960 55 542 55,2 43,8 49298 16,4
1980 88014 62,5 37,5 88646 20,2
1990 114487 63,3 36,7 108284 20,6
1995 122871 70,5 29,5 115 252 20,1
1996 123 506 69 ,3 30,7 119371 20,7
1997 126 217 69,6 30,4 124544 21,3
1998 129934 71 ,1 28,9 - -

ClASSEMENT DES HUIT PREMIERS PAYS PRODUCTEURS DE SUCRE DU MONDE

En 1998, ils ont assuré plus de 60 % de la production mondiale (en millions de tonnes de sucre brut).

1968 1982 1998


1 URSS 9,8 CEE** 15,1 UE*** 19,3
2 CEE* 7,4 Inde 9,1 Brésil 15,4
3 Cuba 5,3 Brésil 8,9 Inde 13,8
4 Brésil 4,4 Cuba 8,0 Chine 8,4
5 États-Unis 4,0 URSS 7,4 États-Unis 7,1
6 Inde 4,0 États-Unis 5,4 Australie 5,8
7 Chine 2,7 Mexique 3,1 Mexique 5,7
8 Australie 2,2 Australie 3,1 Thaïlande 4,3
TOTAL 67,0 100,6 126,2
*6 pays • *10 pays *. * 15 pays
LE SUCRE EN FRANCE MÉTROPOLITAINE
Année Nombre de sucreries Production de sucre de betterave Consommation globale de sucre
(en tonnes) (en tonnes)

1840 389 26930 108900


1

1860 334 100876 201 500


1880 493 320000 298069
1900 334 1 040294 455320
1920 72 305 041 545 593
1940 62 425 542 -

1960 102 2546028 1 385 467


1980 57 3 92l 471 1 898419
1990 50 4356950 1 904082
1

1995 45 4 199243 1 961 097


1996 45 4 179 193 2003384
1997 42 4722 784 2 109644
1998 40 4320000 -
CONSOMMATION INDIVIDUELLE DE SUCRE EN 1997
(en kilos de sucre blanc par habitant)

Singapour 85,6 Finlande 38,5 Espagne 29,7


Costa Rica 64,3 Norvège 38,4 Iran 28,8
Nouvelle-Zé lande 55 ,5 Autriche 38,3 Portugal 28,4
Cuba 53,6 Pays-Bas 37,7 Thaïlande 27,2
Israël 51,8 Canada 37,2 Italie 25 ,6
Brésil 51,1 Afrique du Sud 35,5 Algérie 19,5
Belgique-Luxembourg 51 France 35,4 Japon 18
Australie 49,9 Allemagne 34,2 Indonésie 15,4
Islande 42,6 Royaume-Uni 33,1 Inde 14,1
Irlande 42 ,3 Ukraine 32,4 Côte-d 'Ivoire 10,2
Grèce 41,3 Colombie 32 Chine 5,8
Danemark 40,8 Guatemala 32 Nigeria 5,1
Hongrie 40,6 Turquie 31 Éthiopie 3
Suisse 40,6 Ex-Yougoslavie 30,5 Afghanistan 2
Suède 40,4 États-Unis 30 ,3 Corée du Nord 1,7
Mexique 39,5 Égypte 30,1 Rép . Centrafricaine 1,3

IND USTRIE SUCRIÈRE EUROPÉENNE EN 1998

Pays Surface cultivée Rendement Nombre Production Consommation


en betteraves (en tonnes de sucreries de sucre globale
(en milliers de sucre (en milliers (en milliers
d 'hectares) à l'hectare) de tonnes de tonnes
de sucre blanc) de sucre blanc)

France 413 Il,22 40 4970 * 2 183 *


Allemagne 503 7,99 34 4045 2688
Autriche 51 9,02 3 484 301
Belgique-
98 9,98 8 1018 519
Luxembourg
1

Danemark 66 8,03 4 538 221


Espagne 153 7,68 17 1 144 1210
Finlande 34 5,24 3 183 192
Grèce 37 6,87 5 364 317
lrlande 33 6,21 2 205 161
Italie 265 6,33 23 1 740 1 452
Pays-Bas ll2 8,95 5 1020 619
Portugal 4 6,33 2 70 351
Royaume-Uni 164 9,34 9 1 588 2 198
Suède 59 6,71 4 396 376
,

TOTAL U. E. à 15 1992 8,56 (moyennc) 159 17765 ** 12 788 ***

y compris la production de sucre de canne des D.O.M. (Réunion, Guadeloupe, Martinique) et leur consommation .
** Soit 19309 milliers de tonnes exprim ées en sucre brut.
** * Soit 13 899 milliers de tonnes exprimées en sucre brut .

••••••
Berlingots, ........... ............................................. 128
Nougatine, .................... .. .... .. .......... ..... .. ........... 113

Brownies aux noix de pécan, ..... ....... ............ 117


Omelette au sucre, .......... ....... .. ....................... 130

Canard aux navets caramélisés, ............ ........ 145


Pan cakes au sirop d'érable, ......... .. .. .... .. ...... ... 119

Caramels à la crème, ...... ........ ... .. ... ..... ......... .. 130


Pastillage, ...... ...................... ..... .. ...... .. ...... .... .. .. . 164

Cerises à l'eau-de-vie au candi, ..... ...... ...... ... 138

Pâte d'amandes fondante , .......... .. .. ............... 131

Cheese-cake aux fraises , ...... .......... ................. 122

Pâtes de carottes, ............ .. ........ .. ... .. ........ .... .... 131

Chutney aux fruits, .... .... ... ............................ 136

Pickles, ................................... .. ........ .. ... .. ..... .. ... 137

Cocktail-soda, .......... .. ...................... ................ 140

Colle au sucre, ....... .. ........ .......... .. .................... 169


Pommes au feu, ................................. .. .... .. ...... 140

Confit de roses, ............................................... 138


Pommes de terre au caramel, .. ................. .. ... 145

Confiture de fruits mêlés, .. .... .. ........... .......... 135


Porc à l'ananas à la chinoise, ........................ 147

Cornets de crème fouettée, .............. .. ..... .... .. 124


Poulet au sucre à la malgache, ... ........ .. ......... 146

Couronne des rois au sucre candi, .. .... ... ... .. 121


Pralin, .. .... .. .................. ............ ...... .................... 113

Crème à la noix de coco, ....... ... ......... ........ .... 124


Punch au thé à l'orange, .. ... .. ...... ........ .. ......... 140

Crème brûlée à l'ancienne, ...... .... .. ... ... .... .... . 125
Punch des îles, .. .... .. .. .. ...... .. .......... .. ...... .. ...... ... 139

Crêpes à la cassonade, .. .... .. ............................ 118

Sabayon au raisin, .. .. .................. .. .. .. ............... 125

Crumble aux pommes et aux mûres, .......... 122

Sangria, .................... .. .. ..................................... 138

Cuisson du sucre, ............................................ 110

Dulce de leche, ................................................ 135


Sirop de sucre pour les liqueurs, .... .. ............ 139

Fleurs et feuilles cristallisées, ......................... 169


Soupe à la bière, .............................................. 145

Fondant, .............. .. .. ......................................... 112


Sucettes « maison », ..... .... .. ............................. 128

Fruits déguisés, .......... .. .. .. .. ............................. . 132


Sucre coloré, ............ ... ....... .. ..... .. ... .. .. ............... 164

Fudges à la vanille, ... ............ ...... .... ........ ... ...... 130
Sucre coulé, ............ .. .. ... ............. ...................... 164

Gâteau de sucre à la grecque, ............ ........... 120


Sucre filé, .. ........................ ........ .. .... .... .. .. .. .. ...... 164

Gaufres flamandes , .................................... .. ... 118


Sucre au romarin, .. ...... ......................... .... .. .... 128

Gelée de fruits rouges à la rhubarbe, .......... 137


Sucre tiré, ................ ........ .. .......... .. .............. .. .... 164

Gigot à l'anglaise, sauce à la menthe, .... .... . 147

Sucres d'orge, .... .. ...... .. ............................. ...... .. 128

Gingembre confit, ...................................... .. .. 132

Tarte à l'africaine, .. .. .. ........ .. .... .. ........ .. ....... .. .. 120

Jus de canne à sucre à l'indienne, ................ 138

Lassi à l'eau de rose, ............................. .. .... .... 139


Tarte au sucre, .. .. ............................................. 119

Macarons croquants, ....................... .. ...... .. ..... 117


Tarte Tatin, ....................................................... 121

Marmelade d'agrumes, .................... ..... ..... ..... 136


Tartelettes amandines, ........................ .......... .. 119

Meringues, ...... .................................................. 117


Tartelettes au sucre, .. .................... .. ..... ... ....... . 122

Mouton aux amandes, .. .. .. ...... .. .................. ... 146


Tire à la québecoise, ............ ........ .. ........... ...... 113

Neige gourmande, .. .......................... .. ....... ..... 135


Vin chaud aux épices, .......... .. ................ .... ... . 140

174
PRINCIPAUX OUVRAGES CONSULTÉS

• Le Théâtre d'Agriculture et Mesnage des Champs, • Trésors sur table, catalogue de l'exposition
Olivier de Serres, 1600. organisée par le Crédit communal de Belgique.
• Nouveau Voyage aux Iles de l'Amérique • The Confèctioner 's Art, catalogue de l'exposition,
(1693-1705), R. P Jean-Baptiste Labat, 1722. American Craft Museum, New York, 1989.
• Rapports du Jury International, Exposi tion • Le Moyen Age à table, Bruno Laurioux, Paris,
Universelle de 1867, Paris, 1868. 1989.
• Leçons sur les matières premières organiques, • Morceaux de sucre, ouvrage édité par le Conseil
Dr Georges Pennetier, Paris, 1881 . régional de Bourgogne pour accompagner
• Les Plantes utiles, Arthur Mangin, 1886. l'exposition organisée à Arnay-le-Duc
• Les Merveilles de l'industrie, Louis Figuier, Paris, (Maison régionale des arts de la table),
fin du XI Xe siècle. du 15 avril au 15 octobre 1989.
• Le Parfoit Pâtissier, Émile Dumont, Paris. • Histoire du sucre, Jean Meyer, Paris, 1989.
• La Pâtissière de la campagne et de la ville, • L'Homnivore, Claude Fischler, Paris, 1990.
Pierre Quentin, Paris, 1905. • Décor et magie du sucre, Marie-Hélène
• Histoire économique de la propriété, des salaires, de Clausonne, Paris, 1990.
des denrées et de tous les prix en général depuis l'an • Les Chaises en sucre, catalogue de l'exposition
1200 jusqu'en l'an 1800, Vicomte G. d'Avenel, Boris Tissot, LARC, Scène nationale, Le Creusot,
Paris, 1912, VI. 1991 .
• Histoire centennale du sucre de betterave,
• Les Indes florissantes, Guy Deleury, Paris, 1991.
Syndicat des fabricants de sucre de France, Paris,
• L'Art de vivre en santé, images et recettes
1912.
du Moyen Age, Carmélia Opsomer, 1991 .
• Mémorial 1887-1928, Union des patrons
• Sucre et nutrition, sous la direction
pâtissiers de Belgique, Bruxelles, 1928.
de B. Messing, Paris, 1992.
• Histoire de l'alimentation et de la gastronomie,
• Le Sucre, luxe d'autrefois,
Dr Alfred Gottschalk, Paris, 1948.
catalogue de l'exposition des collections
• La Petite Histoire du sucre, Fresnette Pisani­
Deleplanque & Cie, musée du Nouveau Monde,
Ferry, in " Histoire pour tous", décembre 1973.
La Rochelle (13 décembre 1991-11 avril 1992).
• Festins de tous les temps, Georges et Germaine
• Sucre, grande et petites histoires,
Blond, Paris, 1976.
Lucette Chabouis, Paris, 1994.
• Sucre d'art, catalogue de l'exposition,
• L'Orfèvrerie et le sucre du XVIIeau x.xe siècle
m usée des Arts décoratifs, Paris, 1978.
en France et en Belgique, Anne D. Janssens
• La Confiserie, Éditions Time-Life, Paris, 1981.
et Arnould de Carette, Belgique, 1995.
• L'Art et la Table, Hans Ost, Neuchâtel, 1982.
• Index glycémique, B. Bornet et B. Messing,
• Les Bases de la pâtisserie, confiserie, glacerie,
Centre d 'études et de documentation du sucre,
M . Vitaly, Paris, 1983 . Paris, 1996.
• Sucreries au Brésil et aux Antilles à la fin du
• Sucres et Santé. Conclusions, Gérard Debry,
XVlle siècle (d'après Antonil et Labat), Marcel
Nancy, 1997.
Chatillon, Bulletin de la Société d'histoire de
• La Betterave sucrière .française, sous la direction
la Guadeloupe, n055, premier trimestre 1983.
d 'Éric Choppin de Janvry, réalisé et supervisé
• L'Office et la Bouche, Barbara Ketcham par Daniel Bordet, Paris, 1997.
Wheaton, Paris,1984 .
• Le Sucre, documentation pédagogique,
• L'Art culinaire au Xixe siècle, Antonin
Cen tre d'études et de documentation du sucre,
C arême, catalogue de l'exposition, mairie
Paris, 1997.
du Ille arrondissement, Orangerie de Bagatelle,
• Mémo statistique, Centre d'études
Paris, 1984.
et de documentation du sucre, Paris, 1998.
• La Sensibilité gastronomique de l'Antiquité
• Le Commerce colonial triangulaire (X Vme-Xixe
à nos jours, Jean-François Revel, Paris, 1985.
siècles), Raymond-Marin Lemesle, Paris, 1998.
• Histoire naturelle et morale de la nourriture,
• L'1èonomie sucrière 1998, FIRS : trente ans,
Maguelonne Toussaint-Samat, Paris, 1987.
Fonds d'intervention et de régularisation
• Le Coût de la Révolution .française, René
du marché du sucre, Paris, 1998.
Sédillot, Paris, 1987.
• De l'or et des épices, Jean Favier, Paris, 1987. Sans oublier les périodiques du XIXe siècle suivants :
• La Raffinerie tirlemontoise 183 8-1988, sous la Le Journal de la jeunesse, Magasin pittoresque,
direction de Vic Uyttebroeck, à l'initiative de la Revue britannique, Le Tour du Monde, Musée des
Raffinerie Tirlemontoise, Anvers/Bruxelles, 1988. familles.

• ••••••
17E
Les auteurs tiennent à remercier: - monsieur Joël Bellouet, de l'École

gastronomique Bellouet Conseil ;

- madame Manuela Nicolas et les

- madame Dorothée Selz et monsieur

collaborateurs des différents services du

Boris Tissot, artistes du sucre;

CEDUS (Centre d'études et de documentation

- madame Claire Vincent, de la société

du sucre), qui les ont assistées dans leurs

Claire de Sucre ;

recherches ;

- monsieur Yves Thuriès, du musée

- madame Valérie Foulquier, des

de l'Art du sucre;

Établissements Deleplanque ;

- monsieur Philippe du Theillet, du Syndicat


- monsieur François Martin, du Muséum

national des fabricants de sucre de France;


Stella Matutina ;

- monsieur Bernard Michel, d'Eridiana


- monsieur Didier Renou, de la société

Béghin-Say ;
Barnier;

- monsieur Roger Clauze, de la société


- les Établissements Rousseau

ERSUC;
(Moret-sur-Loing) ;

- monsieur Vincent Détis, d'Eurosucre ;

- monsieur René Raguenaud, de la Sucrerie


amsz que:
de Bourdon;

- monsieur Bernard Lheure, de la Sucrerie


-la Société générale des fabricants

de Corbeilles;
de sucre de Belgique;

- monsieur Serge Diemert, des Sucreries


- les Sucres de Tirlemont SA (Belgique) ;

Distilleries des Hauts de France;


- les Sucreries Aarberg et Frauenfeld SA

- la Sucrerie coopérative de Bazancourt ;


(Suisse) ;

- la Sucrerie de Toury;
- monsieur Mario de Campos Vidal,

- monsieur Roger François, des Établissements


de l'Associaçao dos Refinadores des Açucar

Louis François;
Portugueses ;

- madame Forien de Roschenard, messieurs


- Danisco Sugar (Danemark) ;

Paul Darle, Guy Castel et Patrick Olivain,


- Agrana Beteiligungs-AktiengesellschaFt

du Club des glycophiles ;


(Autriche) .

Photothèque CEDUS : pp. 8, 9, 10, 11, 13


Photothèque Deleplanque & Cie: pp. 7,12,13 (3) , 19,

(1 er2), 14,15,16,17,18,21,22,25,26,27,
20,23,24,28 (2), 29, 32, 33 (2),

28 (1), 30, 31, 34 (1),35,36,45, 47,52,53,54,56,57,


34 (2 er 3), 42, 43, 46, 48, 49 (1), 51, 62 (1), 65, 66

58,60 (2), 67, 68, 71, 73, 75 (1),76,78,81 (3),82,87


(2 er 3),69,70,74,75 (2), 80, 81 (1 et 2),86,87 (1 er 3),

(2),94 (1),101, 102, 114, 115, 116, 127 (2),133,148 (2),


91 (1),92,93 (1), 94 (2),99, 103, 148 (1 er 3), 149,

151,163 (2 er 3).
couverture verso (1 er 2).

CEDUS / J.F. Archer p. 152 / Ph. Asser


Photothèque Ersuc : pp. 37, 38, 39,40,41,49 (2), 50 .

pp. 105,108, 161 (1) / J.L. Bloch-Lainé

Photothèque Éridania Béghin-Say : pp. 44 , 55.

p. 134/ C. Chamourar pp. 107, 119 / FOD


pp. 118,120 (2 er 3),124,136 , 139, 146, 147 Photothèque Eurosucre : p. 79.

/ G. Fessy p. 101 / C. Gibier pp. 156, 157, 158 (1),159, 165 Photothèque Muséum Srella Matutina :

(1), 166 (2) , 169 (1),170,171/ P. Giner p. 121 / A. Maier H. Douris p . 150 (1).

pp. 106, 110, Ill, 112, 129, 131 / D. Mertoudi p. 98,125 Bonbons Barnier p. 127 (1) - Bellouer Conseil pp. 162,

/ A. Murior p. 126 / S. Pelly pp. 68, 83, 85, 88 (1 er 3), 165 (2), 166 (1) - B. Farar p. 88 (2) Inrersuc p. 97

91 (2 er 3), ll7 (2) , 128 (1),153,158 (2),163 (1) - musée de l'Art du sucre p. 154 - P. Olivain p. 150 (2)

- couverture verso (3) - Traces de sucre aux différenres - D. Selz pp. 166 (3 er 4), 167 - Sucrerie de Bourdon p. 59

pages / G. Perrin couverture, p. 84 - Sucrerie Frauenfeld p. 33 (1).

/ G. de Peslouan pp. 78 (1), 89,123 (2), Collections: G. Casrel p. 44 (rimbres)

couverture verso (4) / M. Rougemonr p 117 (1) - P. Darle pp. 44, 62, 63 - M. Forien de Rochesnard p. 44

/ D. Runacher pp. 76, 90 / C. Tournebise p. 67 / M. Sanner -A. Perrier-Robert pp. 60, 61, 66,142,143 , 144, 155,

pp. 130, 141 / V. Simoner p. 168 / S. Vernichon p. 128 (2) 161 (2 er 3)

/ H. Yéru pp. 113, 132/ M. Zeelow pp. 96, 104, 109. - B.1issor / S. Baroni p. 169 (2) / Feimronie p. 160.

Conceprion graphique er maquerre Dominique Lemonnier

© 1999, Édirions Solar

ISBN: 2-263-02821-8

Code éditeur: S 02821

Dépot légal: ocrobre 1999

LE

GRAND LIVRE

SUCRE

Tour à tour encensé et décrié t célébré comme médicament

puis reconnu comme nouniture t le sucre nta cessé de susciter

des controverses avant de devenir indissociable

de notre alimentation et de notre plaisir...

celui de la gourmandise.

• Au fil du temps, sa riche histoire, narrée de la pl us haute Antiquité jusqu'au


tournant du XX le siècle, s'est confondue avec celle des hommes.
Cette épopée a créé un véritable univers du sucre - les plantes, principalement
la canne et la betterave, la manière dont on procède à l'extraction du saccharose,
les différentesprésentations du sucre, les objets àson service... - , que l'on découvre
avec plaisir grâce aux 250 photos illustrant merveilleusement cet ouvrage.
• Enfin, les utilisations culinaires du sucre, des recettes d'autrefois aux délicieuses
confiseries de notre enfance, sans oublier les traditions sucrées des différents
pays du monde, mettent immédiatement l'eau à la bouche.

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