La Cavitation P6
La Cavitation P6
La Cavitation P6
Introduction
Nous allons examiner dans ce chapitre, un phénomène nuisible qui guette l'hélice marine
lors de son fonctionnement et affecte négativement ses performances; Il s'agit du
phénomène de cavitation dont l'effet physique sur les pales réduit considérablement la
durée de vie de l'hélice.
Explication du phénomène
Le milieu environnant de l'hélice est l'eau de mer qui mouille complètement ses pales et qui
grâce à son contact produit sur celle ci la poussée. Par ailleurs, la thermodynamique nous
apprend que les variables d'état d'une substance (eau): pression, température et masse
volumique sont liées par une fonction d'état; f(P, T, ϱ) = 0.
Quand nous chauffons l'eau jusqu'à l'ébullition dans une casserole ouverte, les particules
eau liquide commencent à se transformer en bulles de vapeur. C'est la vaporisation de l'eau
qui se fait à pression atmosphérique et à une de température de 100 °C.
Munissons cette casserole d'un piston dont le déplacement est vertical (figure ci-dessus).
Entre l'eau et le piston, de l'air est emprisonné car le système est étanche (pas de fuite d'air).
Lorsque le piston descend vers le bas, l'air est comprimé et sa pression qui augmente est
transmise à l'eau. Lorsque le piston monte, le volume d'air augmente, on dit qu'il se détend;
sa pression diminue alors la pression de l'eau diminue également. Le piston est donc un
moyen de varier la pression ambiante de l'eau. En chauffant la casserole, nous augmentons
la température de l'eau jusqu'à son ébullition. Lorsque la pression de l'eau ambiante, Pamb,
est différente de la pression atmosphérique, Patm, la température d'ébullition, Teb, est aussi
différente de 100 °C. Ainsi, lorsque :
Pamb 1.2 1.4 1.6 1.8 2.1 2.3 2.6 3.0 3.4 3.8
(kPa)
Teb 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28
( °C)
Nous nous intéressons à cette gamme de température parce qu'elle est susceptible d'être la
température ambiante de la mer en général.
Quant à la pression ambiante qui résulte de l'ébullition (appelée tension de vapeur), sa
magnitude est celle qui est atteinte lors du fonctionnement de l'hélice. A travers cet
exemple nous allons voir comment?
Considérons l'hélice à 4 pales, de diamètre 3.1 m, qui tourne à 2.6 tr/s tout en avançant à
6m/s. Patm = 101325 Pa , ϱ =1025.5 Kg/ m3 (voir les deux figures ci-dessous)
Les dépressions existent sur quelques surfaces de l'hélice comme c'est le cas de la pointe
haute de l'hélice qui est le siège de formation du tourbillon marginal, voir figure ci-dessus.
Cavitation du profil
Considérons l'écoulement autour d'un profil en incidence positive α (voir figure ci-dessous)
sur l'extrados se produit alors une dépression et le profil devient portant. La répartition de la
pression est montrée sur la figure sous forme de coefficient de pression Cp qui est
forcément négatif du fait de la dépression. En effet:
𝒑−𝒑𝒂𝒎𝒃
Cp =
𝒑𝒅𝒚𝒏
𝟏
où Pdyn = 𝟐ϱ V2amb avec Vamb et Pamb vitesse et pression en amont du profil.
En fluide parfait on démontre que:
𝑽
Cp = 1 - ( )2
𝑽𝒂𝒎𝒃
Exemple: Dans un tunnel de cavitation, on effectue l'expérience d'un profil attaqué par un
écoulement d'eau avec incidence. Sa vitesse Vamb est égal à 10 m/s. Quelle doit être la
pression ambiante pour que la cavitation apparait sur le profil. Il est à noter que le Cp minimal
sur le profil est de -0.6 et la température de l'eau est de 20 °C.
Solution:
L'équation de Bernoulli permet de calculer la pression ambiante en l'appliquant entre deux
points (l'amont lointain et le lieu sur le profil où la pression est minimale):
1 1
Pamb + 2ϱ V2amb = Pmin + 2ϱ V2min alors
1
Pamb = Pmin + 2 ϱ (V2min- Vamb2) si la cavitation apparait alors Pmin = Pv (20°c)= 2300 Pa (voir
tableau ci-dessus)
𝑉𝑚𝑖𝑛
D'autre part Cp = -0.6 = 1 - (𝑉𝑎𝑚𝑏 )2 V2min = V2amb (1+0.6) donc Vmin = 12.65 m/s
Pamb = 2300 + 0.5x1025.5x (12.652- 102) = 33068 Pa
---------------------------
La cavitation est définie théoriquement par un nombre sans dimension appelé Nombre de
Cavitation et noté Ϭ0 qui est:
𝒑𝒂𝒎𝒃−𝒑𝒗
Ϭ0 =
𝒑𝒅𝒚𝒏
Il n'y a pas de valeur précise de Ϭ0 qui indique le début de cavitation sur le profil mais
lorsque la pression dynamique à l'amont augmente jusqu'à ce que Ϭ0 diminue en dessous
de 1 alors il est très probable que la cavitation s'installe sur le profil. Cependant, si le
coefficient de pression minimal, Cp minimal, sur le profil est connu, alors il est aisé de répondre
à la question. Dans ce cas il faut comparer les deux pressions Pmin et Pv. Lorsque:
Exemple:
Considérons l'écoulement de l'eau de mer sur un profil. La température du fluide est 18°C, la
pression en amont est de 40 KPa et Cp minimal sur le profil est -0.74. Dire pour chaque valeur
de vitesse Vamb quel est l'état de l'écoulement sur le profil.
Vamb : 5 , 10, 15 m/s. ϱ =1025.5 Kg/m3.
Solution:
1
La pression dynamique Pdyn = 2ϱ V2amb = 512.75x V2amb
La tension de vapeur Pv (18°C) = 2100 Pa et la pression ambiante Pamb = 40 KPa, nous
pouvons alors calculer le nombre de cavitation Ϭ0 pour chaque vitesse et le comparer à la
valeur absolue de Cpmin= 0.74
Vamb (m/s) 5 10 15
Pdyn (Pa ) 12818.75 51275 115368.75
Ϭ0 2.96 0.74 0.33
observation Pas de cavitation Début de cavitation Cavitation développée
--------------------------
L'écoulement autour d'un profil en
incidence est affecté par trois
paramètres géométriques:
En effet la figure ci-dessus donne un exemple de courbes (courbe du seau ou bucket curve
en anglais) qui définissent le domaine de non-cavitation : Ϭ0 > – Cp , et les domaines où se
manifestent les divers types de cavitation décrits précédemment. Ces courbes ont été
tracées pour deux valeurs de Tmax/Cr (0,06 et 0,09 valeurs courantes) et pour deux profils;
l'un symétrique (CLc = 0, coef. de portance du à la cambrure), et l'autre dissymétrique (CLc =
0.2, valeur courante). Du point de vue de la cavitation, on voit tout de suite l’influence de la
cambrure et de l’épaisseur du profil.
où CL: coefficient de portance, v : survitesse due à l'épaisseur, et ∆va: survitesse due à l'angle
d'attaque. La survitesse due à la cambrure est nulle parce que le profil est symétrique.
Il s'agit de trouver pour chaque valeur de CL la valeur de Cpmin. Voici les résultats obtenus:
Pour la position radiale r, nous nous réfèrons toujours à 0.7 Rp . Après cela nous avons alors:
P amb − P v
- Ϭ0 = 1 ,
ϱ Vs2
2
P amb − P v
- Ϭ0.7 = 1 ,
ϱ VR2
2
P amb − P v
- Ϭapp = 1 ,
ϱ V app 2
2
P amb − P v
- Ϭn = 1 ,
ϱ nD p 2
2
Exemple de calcul:
Calculer la vitesse du navire pour laquelle apparait un début de cavitation à la pointe haute
de l'hélice, figure ci-dessus. Donnée: Patm = 105 Pa, H = 6m, Dp =5.7 et Cppointe = - 1.8 . (NB: Cp
est basé sur VS).
Solution:
∆p ≅ Patm+ ϱg(H-r) avec r= Dp/2 alors ∆p=105 + 1025.5x9.81x(6-5.7/2)=131689.5 Pa.
Lorsqu'apparait la cavitation sur la pointe alors on peut écrire: Ϭ0 = - Cppointe, nous pouvons à
partir de cette équation calculer la vitesse demandée qui est:
Vs = 131689.5/(0.5𝑥1025.5𝑥1.8 = 11.95 m/s ou 23.22 nd
---------------------------------
Pour éviter l'apparition de la cavitation sur l'hélice, il faut remplir une condition sur la
fraction surfacique, comment?
Le coefficient de pression Cp dans un profil est donné par:
kK T
Ϭ0.7Rp = - Cp = (1+A1*CL+ A2Tmax /Cr) 2-1 = (1+A1* Cr + A2(Tmax /Cr)0.7Rp) 2-1
Z 0.7 Rp
Dp
nous déduisons la relation intéressante:
Nous venons de déterminer la corde, grâce à la relation suivante, valable pour les hélices
ordinaires, nous calculons la fraction surfacique:
Cr
AE / A0 = 0.45 Z Dp 0.7 Rp
La fraction de surface étant ainsi calculée en première approximation, ainsi que le diamètre
optimal et le pas correspondant, nous disposons donc d’une première esquisse de la
géométrie de l’hélice. Cette géométrie peut être modifiée pour être adaptée, à partir de
calculs plus élaborés sur ordinateur, aux diverses contraintes : adaptation du pas au sillage
moyen à chaque rayon, adoption d’un devers et d’une réduction de pas en extrémité de pale
pour diminuer les excitations de vibrations du navire dues à l’hélice.
Exemple de calcul:
Comme application des relations donnant Ϭ0.7 et Ϭ0, nous considérons le cas de l’hélice de
la figure ci-dessus, de pas P/DP = 1,2, à J0 = 0,90, où KT = 0,175. Pour cette hélice, à 0,7Rp ,
nous avons : Tmax/Cr = 0,035, ZCr/Dp = 1,8 avec A1*= 0,30, A2 = 1,15 et w = 0.25 .
En appliquant l'équation suivante: Ϭ0.7 = Ϭ0 /[(1 − w)2+4.85/ J02] , d'ou Ϭ0 = 6.55 Ϭ0.7
Par ailleurs, nous lisons sur la courbe KT correspondant à P/DP = 1.2 et pour J0 = 0,90
KT = 0.175. Alors nous utilisons l'équation suivante pour calculer Ϭ0.7 :
kK T 1.5x0.175
Ϭ0.7 = (1+A1* Cr + A2(Tmax /Cr)0.7Rp) 2-1= (1+0.3x + 1.15x0.035) 2-1 = 0.175
Z 0.7 Rp 1.8
Dp
et comme Ϭ0 = 6.55 Ϭ0.7 = 6.55x0.175 = 1.15, pour cette valeur, KT est presqu'égale à
0.175.
sur la courbe, nous lisons Ϭ0 =1.2.
Formule de Keller
Il existe une formule empirique qui permet d'estimer la fraction surfacique minimale d'une
hélice marine conventionnelle pour laquelle l'écoulement autour est sans cavitation. Il s'agit
de la formule de Keller qui s'applique aux deux cas; une ligne d'arbre et deux lignes d'arbres.
AE 1.3+0.3Z T
= +K
A0 p 0 −p v D p 2
Pour la valeur de K, elle dépend du nombre d'hélice et du type de navire. Ainsi, lorsque le
navire a une seule ligne d'arbre K = 0.2 et lorsqu'il s'agit d'un navire à deux lignes d'arbres, K
prend la valeur 0 pour un navire rapide et 0.1 pour un navire lent.
Diagramme de Burrill
La méthode de Burrill est proposée pour les hélices conventionnelles à pas fixe et utilise le
diagramme illustré à la figure ci-dessous. Le nombre moyen de cavitation est calculé sur la
base de la ligne d'arbre mais le point est référé à la section 0.7R de la pale en position
haute. En utilisant ce nombre de cavitation, le coefficient de charge τc est lu sur le
diagramme correspondant au niveau autorisé de la cavitation souhaitée. Il convient
toutefois de rappeler que le pourcentage de l'aire de cavitation indiquées dans la figure sont
basées sur les estimations de la cavitation réalisée au tunnel hydrodynamique en
écoulement uniforme. De la valeur de τc lue sur le diagramme, la surface projetée de l'hélice
peut être calculée comme suit:
T)
Ap = 1
τ c ϱ[V A 2 + (0.7πnD p )2]
2
Pour calculer la surface développée à partir de la surface projetée, Burrill proposa une
formule empirique valable pour les hélices marines conventionnelles:
P
AE = Ap/(1.067 − 0.227 D )
p
La méthode de Burrill a été utilisée avec un succès considérable par des concepteurs
d'hélices comme moyen d'obtenir une estimation initiale de la fraction surfacique AE/A0.
Dans de nombreux cas, en particulier pour les petites navires et bateaux, la méthode de
Burrill suffit en grande partie pour l'analyse de la cavitation; cependant, pour les grands
navires l'analyse de la cavitation devrait se baser sur l’évaluation des distributions de
pression autour des sections qui devraient indiquer la tendance au début de la cavitation et
son développement sur les diverses parties de l'hélice.
Exercice
Calculer la fraction surfacique de l'hélice d'un chalutier (trawler) par les deux méthodes;
diagramme de Burrill et la formule de Keller.
Données: Dp =3.15 m, Z=3, T = 10 tf , P/Dp = 0.82, Ϭ0.7 =0.5, p0-pv =120000 Pa.
Solution:
Sur le diagramme de Burrill nous lisons τc =0.15 pour Ϭ0.7 =0.5 en utilisant la courbe
1
correspondant au chalutier. Donc, nous pouvons calculer q T = 2
ϱ[VA2 + (0.7πnDp)2] =
(p0-pv)/ Ϭ0.7 = 120000/0.5=240000 Pa.
AE 1.3+0.3Z T
= + K = [(1.3+0.3x3)x10x9.81x1000]/[120000x3.152] + 0.2 =0.381
A0 p 0 −p v D p 2
----------------------------------
La figure ci-dessous illustre l'effet de la cavitation sur les courbes KT et KQ à titre indicatif.
L'essai en eau libre de cette hélice, donc dans un écoulement uniforme, montre le type de
cavitation obtenu sur les pales (extrados et intrados)ainsi que son étendue pour différents
nombres de cavitation. Il ressort de l'examen de la figure que des niveaux modérés de
cavitation n'affectent pas particulièrement les performances de l'hélice.
Cependant, lorsque l'activité de cavitation augmente davantage la poussée et le couple
commence à se détériorer. Ceci est visible surtout sur la courbe du rendement, ɳ(J), qui
s'altère en dehors de l'intervalle; 0.82 < 𝐽 < 0.97 plus ou moins selon la valeur de Ϭ0. En
plus de la chute des performances, le développement de la cavitation sur l'hélice entraine
des vibrations induites par la coque et l'érosion du matériau de la pale. Une étendue de
cavitation relativement faible associée à des conditions adéquates, est souvent suffisante
pour donner lieu à des problèmes d'érosion, de bruit et de vibrations.
La supercavitation
Pour les navires rapides propulsés par des hélices marines la cavitation est inévitable
cependant les performances chutent considérablement si bien qu'il est impossible de les
utiliser sans revoir la conception des hélices. On considère qu'à partir d'une vitesse de navire
de 50 nœuds, ce qui correspond à un nombre de cavitation en dessous de 0.35, la cavitation
qui apparait sur l'hélice est très développée à tel point qu'elle est susceptible de couvrir
entièrement les pales de l'hélice.
Puisqu’on ne peut pas éviter la cavitation, on essaie alors de la domestiquer en utilisant des
hélices supercavitantes. Pour une hélice supercavitante, on donne aux sections de pales une
forme telle que la cavitation forme sur le dos une poche de vapeur se refermant loin
derrière le bord de fuite de la pale. Les sections de pale ont la forme d’un coin effilé avec
une cambrure élevée, travaillant avec une incidence de 2 à 3o.
Au-dessus de 60 nd , pour améliorer le rendement, on préfère utiliser des hélices dont les
pales en position haute percent la surface de l’eau entraînant ainsi de l’air dans leur
mouvement de rotation, ce qui conduit à une supercavitation ventilée. Le tracé de ces
hélices, utilisées pour les bateaux de compétition, est basé sur un certain empirisme en
particulier le bord d’attaque de la pale au lieu d’être à angle vif est émoussé.
Une alternative à l'hélice supercavitante est l'hélice ventilée, figure ci-contre. Ces hélices
sont conçues pour quitter intentionnellement l'eau et entraîner l'air atmosphérique pour
remplir le vide, ce qui signifie que la couche de gaz résultante sur la face avant de la pale
d'hélice est constituée d'air au lieu de vapeur d'eau. Ainsi, moins d'énergie est utilisée et
l'hélice bénéficie généralement d'une traînée plus faible que l'hélice supercavitante. L'hélice
ventilée possède également des pales en forme de coin, et les hélices peuvent être conçues
pour fonctionner à la fois en mode supercavitation et en mode ventilée.
Tunnel Hydrodynamique