LaResistance en Franche-Comté
LaResistance en Franche-Comté
LaResistance en Franche-Comté
de la Résistance
Didier Roux
Professeur d’histoire-géographie
au collège Jacques-Brel (Vesoul)
Détaché au service éducatif
des archives départementales de la Haute-Saône
1
Sommaire
AVANT-PROPOS
PREMIÈRE PARTIE :
« LA RÉPRESSION : UN ENGRENAGE » ...... 3
-les dénonciations
-les arrestations individuelles et collectives
DEUXIÈME PARTIE :
« LA RÉPRESSION ET SES VIOLENCES » .... 25
-les exécutions
-les massacres et les villages incendiés
-la déportation
TROISIÈME PARTIE :
« LES RÉACTIONS FACE À LA RÉPRESSION » . 41
CONCLUSION : « ENTRETENIR LE SOUVENIR » 56
CONTACTS .............................. 60
2
Copie d’une lettre de dénonciation
trouvée sur un des policiers allemands
tués à Saint-Didier, avril 1944
La répression menée par les services de sécurité allemands est parfois guidée par des dénon-
ciations malveillantes ; l’anticommunisme semble avoir animé ces dernières. La Fraternelle de
Saint-Claude et ses succursales seront un des objectifs des opérations menées dans le Haut-
Jura contre le maquis.
AD39,
304W194
3
Lettre de dénonciation à Poligny,
16 août 1943
La clandestinité, le secret et le cloisonnement des activités sont des gages de survie pour les
résistants. Une indiscrétion, un manquement aux consignes de sécurité et c’est un réseau en-
tier qui peut être moissonné par l’ennemi. Cette menace est accentuée par le fait que certains
citoyens français contribuent à la répression contre la Résistance en dénonçant les résistants
aux autorités, par convictions politiques ou pour des motivations beaucoup plus obscures.
Dans le numéro 4 du 1er juillet 1944 du journal clandestin La Libre Comté, un avertissement
rappelle avec énergie les règles de discrétion: « Soyez prudents… Soyez discrets… Le silence
AD39,
331W51 est d’or, la parole est de plomb, le plomb de 12 balles dans la peau ».
4
Offre de service d’un délateur,
date inconnue
Réfractaires au STO ou résistants, l’auteur de la lettre ne fait pas de différence dans sa pro-
position qui ressemble à une négociation de prix. Il semble que cette lettre soit originaire du
sud du Territoire de Belfort. La plupart des dénonciations pendant la guerre ne concernent
cependant pas la Résistance mais le marché noir ou le trafic de marchandises avec la Suisse
notamment.
AD90,
5Ph755
5
Promesses de récompenses
[pour dénonciation],
octobre 1942 et mars 1944
6
tement au Secrétariat général au maintien de l’ordre, l’envoi des sommes attribuées à ce titre.
Fiche de déporté / rapatrié de
Georgette Egenschwiller
Georgette Egenschwiller a été détenue dans trois prisons françaises avant d’être déportée dans
les camps de concentration de Ravensbrück et de Flossenbürg, tous deux libérés en avril 1945.
Elle a été rapatriée en mai 1945.
7
Prison de Lure,
7 janvier 1944
Photo prise dans la cour de la prison de Lure le 7 janvier 1944 par un soldat allemand. Elle
montre un groupe de résistants FTP arrêtés dans le secteur au mois de décembre 1943 avec
un feldgendarme à droite de la photo.Ces prisonniers sont en cours de transfert pour la
prison de Vesoul. La plupart ont été jugés et fusillés ensuite à Vesoul. L’un d’eux est passé
à l’ennemi et a fait ensuite arrêter de nombreux résistants.
Collection
particulière
8
Tableau de Brando Moro
« La rafle du 9 avril 1944 » - 1989
Sur ce tableau peint de mémoire en 1989, Hildebrando (dit Brando) Moro a représenté la rafle
du 9 avril 1944, jour de Pâques, à Saint-Claude, dont il fut lui-même victime.
Dans le cadre de l’opération Frühling (printemps), la division allemande 157, qui s’est illus-
trée en mars 44 aux Glières et que l’on retrouvera en juillet 44 dans le Vercors, entreprend en
avril 44 de « nettoyer » le Haut-Jura et le Haut-Bugey des maquis et de leurs soutiens dans la
population, ainsi que des réfractaires au STO. Le 9 avril, plus de 1 500 hommes convoqués ou
raflés dans les environs sont rassemblés sur la place du Pré à Saint-Claude. À l’issue d’un tri
dirigé par Klaus Barbie, 302 sont déportés ; 186 ne reviendront pas.
Une reproduction de ce tableau figure depuis avril 2010 dans l’exposition permanente du Collection
KZ-Gedenkstätte (mémorial du camp de concentration de Neuengamme) au chapitre de la Ville
de Saint-
« Häftlinge aus Frankreich im KZ Neuengamme ». Claude
9
Lettre du commissariat de police
de Belfort, 1er octobre 1942
Lettre au préfet au sujet de l’arrestation de suspects « au point de vue national ». L’apparte-
nance au Parti Communiste avant sa dissolution de septembre 1939 est une raison suffisante
pour être arrêté par la police française. On ne sait pas ce qu’il advint de ces personnes.
AD90,
99W331
10
Arrestation du résistant
Gabriel Plançon en 1943
Ce compte rendu de police relate l’arrestation, par la police allemande, de Gabriel Plançon,
de sa femme et de sa fille à leur domicile, 1 place Risler à Besançon, dans la nuit du 14 sep-
tembre 1943.
Ce mécanicien en machines à écrire, animateur d’un réseau de résistants, a aidé notamment les
réfractaires au service du travail obligatoire (STO) en imprimant et en diffusant des tracts dans AD25,
1485W2
la région de Besançon.
Gabriel Plançon est blessé alors qu’il tente de s’enfuir par la fenêtre et décède le lendemain à
l’hôpital Saint-Jacques. La plupart de ses compagnons sont également arrêtés et déportés. Sa
femme est, elle, déportée dans les camps de Mauthausen et de Ravensbrück.
11
Arrestation de M. Joseph Parnin,
28 août 1944
AD70,
1248W4
12
Liste des communistes et gaullistes
de Lure, 14 avril 1943
Liste dressée par un collaborateur à la demande du sous-préfet de Lure le 14 avril 1943 qui
recense les communistes et les gaullistes actifs de Lure surveillés par les forces de l’ordre. Les
noms, prénoms, professions et appartenance politique sont indiqués pour chaque personne
avec parfois quelques indications supplémentaires comme « actif», dangereux » ou encore «
arriviste et nouveau riche » ainsi que des initiales « AO » ou « FM ». Le dernier nom de cette
AD70,
liste confidentielle n’est autre que celui du propre secrétaire du sous-préfet qualifié de « mou- 214W20
chard », avec cette précision encore plus grave : « sa mentalité correspond à ses déformations
corporelles » !
13
Procès verbal de gendarmerie
Vesoul, 19 octobre 1943
Procés verbal de la gendarmerie de Vesoul classé « secret » du 19 octobre 1943, faisant état
de l’arrestation de neuf hommes par les Allemands le 17 octobre 1943. L’état civil et la pro-
fession de ces personnes emmenées « en cars et en voitures automobiles » sont mentionnés.
En revanche on constate que la gendarmerie n’a pas été informée au préalable de ces arres-
tations et qu’elle en ignore le motif précis. Les arrestations sont fondées la plupart du temps
sur des rumeurs ou des témoignages comme celui de l’épouse de l’une des personnes arrêtées
qui aurait entendu un Allemand dire : « trop de sabotages dans la région » au moment de
AD70,
l’interpellation de son mari.
1248W4
14
Parachutage d’armes à Beaufort
et arrestations, rapports de la
gendarmerie,21 avril – 4 juin 1943
La nuit est un moment crucial pour les résistants. Elle permet de dissimuler les déplacements,
les rencontres, le convoyage de matériel… Le couvre-feu fixé par l’occupant de 22 h à 5 h 30
rend d’autant plus suspects les individus qui malgré tout circulent la nuit. La situation devient
critique lorsqu’un résistant est arrêté avec des preuves matérielles de son activité.
AD39,
331W54
15
Copie d’un rapport de la Résistance
saisie au cours d’une opération de la
police de Vichy à Lect, 19 mars 1944
La répression de la Résistance n’est pas uniquement le fait des autorités allemandes. Des for-
ces de police créées spécialement à cet effet par le Régime de Vichy, les Groupes Mobiles de
Réserve (GMR), participent également à la traque des résistants. Créés en 1941 pour assurer
AD39, le maintien de l’ordre en zone sud, ils sont déployés en zone nord à la fin de 1942. À partir de
304W97
1943, ils sont de plus en plus utilisés dans la lutte contre les maquis.
16
Certificat de Suzanne Bourquin
Ce document, unique en son genre dans le fonds des Archives municipales de Montbéliard, AMM,
témoigne d’une forme de répression méconnue. 4H31(2)
Suzanne Bourquin, après avoir refusé un emploi de serveuse au Foyer du soldat allemand,
aurait perdu les allocations chômage auxquelles elle avait droit.
Un acte de résistance aux conséquences pour le moins inattendues qui démontrent la volonté
des autorités allemandes de ne laisser impunie aucune forme d’opposition.
17
Rapport du commissaire de police
de Montbéliard au sous-préfet,
21 juin 1942
Quatre jeunes hommes ayant manifesté leur énervement lors de la projection d’un film de pro-
pagande au cinéma Tivoli, à Montbéliard, sont arrêtés par la Feldgendarmerie sur demande
AMM,
4H42(2) d’un officier allemand présent dans la salle.
L’incident ne semble pas avoir eu de grandes conséquences, la Feldgendarmerie ayant pro-
grammé la libération des jeunes gens dès le lendemain. Toutefois, cet acte, qui peut être in-
terprété comme une forme de résistance et qui a été réprimé, abouti à une surveillance accrue
AD90,
99W250
Ce type d’avis de recherche a été fréquemment utilisé, et la diffusion de ces affiches était assez
large : en l’occurrence il s’agit d’un Nancéen, dont l’avis de recherche a été placardé à Belfort.
On peut remarquer dans le texte l’association des deux autorités, allemande et française.
19
Arrestation de Julien Paris,
20 septembre 1944
20
Le docteur Jean-Marie Michel,
rapport des RG du 7 mai 1944
AD39,
304W132
Chirurgien à Lons-le-Saunier, bravant les menaces des autorités allemandes, le docteur Jean-
Marie Michel soigne ou opère à plusieurs reprises, dans des conditions difficiles, les blessés du
maquis. Il est arrêté le 24 avril 1944 et exécuté sommairement pour avoir soigné Jean Guyot
dit « Guérin », le chef du maquis de Saint-Didier, blessé lors d’un accrochage avec la police
allemande à Saint-Didier le 20 avril 1944.
21
Arrestations à l’usine Bohly,
11 novembre 1943
Procès-verbal de gendarmerie de la brigade de Melisey qui relate les causes des arrestations
AD70,
214W10
opérées par les Allemands au mois de novembre 1943 à Melisey auprès des ouvriers de l’usine
Bohly, qui avaient cessé le travail le jour du 11 novembre 1943. Ce procès verbal est intéres-
sant car il évoque les conditions de détention et les interrogatoires menés par les Allemands.
22
Récit par Paul Baverel des tortures
subies lors des interrogatoires,
rédigé après guerre
Paul Baverel est un résistant engagé dans l’Armée secrète (A.S.). Il est l’une des 34 victimes
de la vague d’arrestations de février 1944 touchant Besançon et ses alentours. Arrêté sur son
lieu de travail par la Feldgendarmerie, il est détenu à la prison de la Butte avant d’être déporté
MRD
N.N. (Nacht und Nebel, « Nuit et Brouillard ») en Allemagne. C’est lors de sa captivité à la
Butte qu’il est interrogé et torturé. Il fera le récit détaillé de cette douloureuse expérience après
la guerre, décrivant les méthodes employées par ses bourreaux pour le faire parler.
23
L’affaire Stéphane Lecorney,
mai 1944
Le samedi 6 mai 1944 un traître vendu à la Feldgendarmerie, ancien résistant FTP, interpelle
devant la gare un résistant du réseau Béarn, Stéphane Lecorney, 24 ans, répétiteur au lycée
Gérôme. Coups de feu, bagarre. Le résistant réussi à s’enfuir en direction de la rue Petit et
disparaît. Les Allemands ordonnent aussitôt à la police et à la gendarmerie vésulienne de re-
trouver le fugitif. Pourtant Lecorney n’est pas retrouvé. On sait aujourd’hui qu’il a réussi à
gagner le plateau de Cita avant que le piège ne se referme sur lui. Le 7 mai le Feldkommandant
réunit dans son bureau le préfet, le commissaire de police et le capitaine de gendarmerie. Ces
deux derniers sont accusés de tiédeur et le Feldkommandant menace la ville de représailles très
graves comme l’indique la première page de ce rapport de police, qui précise entre autres que
le quartier de la gare sera rasé ou incendié si on ne retrouve pas le fugitif. Le préfet prend la
défense des deux hommes et réclame pour lui seul la responsabilité de l’affaire. Il sera arrêté
AD70, le 17 mai en même temps que d’autres préfets, transféré à Besançon puis à Dijon et en juillet
1248W4
1944 au camp de Dachau, où il mourra le 15 janvier 1945.
24
Constatation de décès dressée
par le docteur Reymond,
25 avril 1944
Les opérations de « nettoyage » par la division allemande 157 continuent dans la région de
Saint-Claude après la rafle du 9 avril 1944. Le 18 avril, sans doute sur dénonciation, un grou-
pe de maquisards réfugiés dans la grotte du Mont, sur la commune de Villard-Saint-Sauveur
en limite de la commune de Chevry (aujourd’hui rattachée à Saint-Claude), est pris d’assaut
par un détachement allemand. Huit sont tués sur place ou dans leur fuite ; les circonstances
en restent mal connues.
Le procès-verbal du médecin requis par le maire de Chevry a pour objet de constater les décès
de trois jeunes hommes, de permettre l’identification des corps et de fournir des indications
sur la date et les causes de leur mort.
AMSC,
AC Chevry
3H3
25
Attaque du maquis de Ternuay,
1er août 1944
Rapport de la gendarmerie de Lure daté du 1er août 1944 qui fait état de l’attaque du maquis
de Ternuay en Haute-Saône, au hameau de « La Montagne » par l’armée allemande. À l’issue
AD70,
27W62 de cette action, les Allemands ont pillé et incendié onze fermes du hameau et ils ont fusillé
cinq hommes dont les noms figurent sur le document. Ces actions de plus en plus violentes
et nécessitant d’importants moyens contre la Résistance se multiplient au cours de la seconde
moitié de l’année 1944 pour tenter d’affaiblir les maquis haut-saônois.
26
Tract « Pâques de sang
à Saint-Claude », mai-juin 1944
Ce tract de 3 pages, signé d’un « groupe de prêtres et aumôniers du maquis » et composé sur
une machine à écrire en mauvais état, a été donné à la ville de Saint-Claude par le fils d’un
résistant du Territoire de Belfort.
Comme nous l’apprend une brochure intitulée « Récits d’atrocités nazies » où il figure aux cô-
tés du massacre d’Oradour, il avait été édité en juin 1944 par le Mouvement National contre
le Racisme (MNCR), une organisation de la Résistance intérieure créée à l’initiative des FTP- AMSC, H98
MOI (Francs-Tireurs et Partisans – Main-d’œuvre Immigrée).
Après un récit des exactions allemandes d’avril 1944 dans le Haut-Jura, les auteurs enjoignent
l’Église catholique de condamner les forces et le régime d’occupation.
27
Demande de libération par le préfet
de Belfort, 23 février 1942
Sont concentrés dans cette lettre à la fois des motifs d’arrestation, une exécution, la pratique
de l’emprisonnement d’un otage. Charles Pierrepaque est – avec le douanier Gauchet – la pre-
mière victime de l’occupation dans le Territoire de Belfort : ils ont été arrêtés en mars 1941
pour avoir tenté de voler des armes à Belfort et fusillés à la Citadelle de Besançon en décembre
de la même année.
AD90,
99W344
28
Extrait d’un registre d’écrou
de la maison d’arrêt de Besançon,
juin 1942
La prison de Besançon est divisée en deux sections : une section française où sont incarcérés
les détenus de droit commun, mais également des personnes suspectées d’attentats terroristes
ou de menées communistes, et une section allemande, où sont emprisonnés des individus pla-
cés directement sous le contrôle de l’occupant.
Cet extrait du 17 juin 1942 fait apparaître le parcours de Maurice Amstoutz pendant son in-
carcération. Né le 18 mars 1914, à Étupes, il est arrêté et incarcéré à Belfort le 24 avril 1942,
puis transféré à la maison d’arrêt de Besançon (section française) le 17 juin 1942. Par arrêt de
la Cour spéciale de Besançon du 1er juillet 1942, il est déclaré coupable de menées communis-
tes et condamné à la peine de huit ans de travaux forcés. Il est transféré à la section allemande
AD25,
le 7 décembre 1942, puis à la prison de la Santé le 29 avril 1943. 1438W15
29
Lettre de Pierre Villeminot à sa
femme depuis le fort de Romainville,
18 avril 1943
Extraits de la lettre :
[…] « Un mot sur la vie ici. Mélange de Gaullistes, de francs-tireurs comme moi, d’espions,
de suspects et de communistes. Compagnons admirables, moral de premier ordre, mais condi-
tions pénibles, poux, puces, punaises. » [...]
« Je t’ai déjà dit de réhabiliter aux yeux de la population l’esprit de notre organisation et
de flétrir la conduite des policiers français et des gendarmes tels que les nôtres qui se sont
conduits en assassins. » [...]
Mobilisé en septembre 1939, Pierre Villeminot participe à la « drôle de guerre ». Après la dé-
faite française, il est obligé de se réfugier en Suisse. De retour dans son pays natal – Clerval – en
mai 1941, il commence à récupérer des armes. En avril 1942, il participe à la création d’un des
premiers groupes de résistance active en Franche-Comté, la « Compagnie Valmy ». Arrêté par
la police française le 15 octobre 1942, il est d’abord interné à la prison de la Butte à Besançon
jusqu’en février 1943, puis au fort de Romainville. C’est là qu’il rédige le 18 avril 1943, sur
un minuscule bout de papier, une lettre destinée à sa femme, Yvonne Villeminot. C’est l’une
des dernières lettres qu’elle recevra de lui.
À partir de mars 1943, Pierre Villeminot est déporté N.N. (Nacht und Nebel, « Nuit et
Brouillard ») au camp du Struthof (Alsace). Il meurt le 17 avril 1945, assassiné avec 187
autres déportés au commando de Gröditz (Saxe).
MRD
30
Graffitis de l’hôtel de Clévans,
siège de la Gestapo à Besançon
L’hôtel de Clévans, situé rue Lecourbe à Besançon, est investi par la Gestapo à partir d’août
1943. Ses caves servent alors de prison et de lieu d’interrogatoires et de torture. Sur les murs,
les prisonniers ont laissé de nombreux graffitis. Parmi eux, celui de Joseph Masina. Membre
des FFI du Jura, Joseph Masina est arrêté à Arbois le 28 mars 1944 par des gendarmes fran-
çais qui le livrent aux autorités d’occupation. Interné à la prison de la Butte à Besançon, il
est interrogé et torturé par la Gestapo dans les caves de l’hôtel de Clévans. À son retour de
déportation, il raconte son expérience : « Les interrogatoires durent neuf jours, de six heures
le matin à six heures le soir. […] Ils sont effectués presque sans discontinuer, sans boisson MRD
ni nourriture […] et sont difficilement explicables vu les moyens très étudiés et sophistiqués
employés. »
D’autres graffitis n’ont pu être identifiés mais restent des marques émouvantes laissées par les
prisonniers de l’hôtel de Clévans.
31
Lettre sur tissu écrite
par Germaine Tillion
de la prison de Fresnes,5 avril 1943
Transcription :
« […] Grâce à vous, j’ai pu garder une allure correcte et même soignée (voui). Je fais un effort
pour cela (merci pour la crème, la poudre et tout ça). Les 4 premiers mois par contre ont été
atroces, physiquement (une crasse insensée, même pas de cuvette, me lavant et lavant mon
linge dans ma gamelle, en versant), froid, faim, punaises... Et cent fois pire moralement, crai-
gnant le pire pour mes compagnons (actuellement, on exécute plus dans les affaires d’esp.).
Mon commissaire espérait que je savais qq chose (injures, hurlements, menaces de déporta-
tion immédiate en Russie), moi bien polie et réservée. 7 inter. (très brutaux les 6 premiers,
très respectueux le 7e). Ils ne savent absolument rien contre moi, et plutôt un peu moins
maintenant que le 1er jour. Je suis pourtant accusée mais non seulement sans preuve, mais en
contradiction avec les preuves. Ils me gardent parce qu’un chien ne lâche pas un os (l’os c’est
moi – j’ai maigri de 18 cm en 3 mois) […] »
Germaine Tillion, ethnologue reconnue pour ses travaux dans les Aurès, en Algérie, s’engage
dès 1940 dans la Résistance en rejoignant le groupe du Musée de l’Homme. Elle est arrêtée
le 13 août 1942, détenue à la prison de la Santé puis celle de Fresnes. Elle parvient à établir
une correspondance avec son amie Marcelle Monmarché en écrivant sur des petites bandes
de tissus dissimulées dans la doublure de ses vêtements, eux-mêmes disposés à l’intérieur de
colis autorisés entre la prison et l’extérieur. Elle y décrit ses conditions de vie à Fresnes, ses
MRD
interrogatoires mais aussi son inquiétude pour ses camarades, et pour sa mère emprisonnée
à son tour. Germaine Tillion sera déportée en octobre 1943 au camp de Ravensbrück avec sa
mère, qui décédera peu de temps avant la libération du camp. Germaine Tillion survivra et de
La Citadelle de Besançon, occupée par les Allemands, sert notamment de lieu d’exécution.
C’est ainsi que furent fusillés, entre le 28 avril 1941 et le 15 juillet 1944, une centaine de ré-
sistants, dont un inconnu. Parmi eux se trouvent une majorité de Français, des Espagnols, des
Italiens, deux Luxembourgeois, deux Suisses et un Polonais.
On notera l’épisode douloureux du 26 septembre 1943 quand seize jeunes gens sont exécutés.
Parmi eux se trouve Henri Fertet, lycéen de 16 ans, qui fait partie du groupe de résistance « Guy
AD25,
Mocquet ». Avant d’être exécuté, Henri Fertet écrit à ses parents une lettre poignante, où il af- 94W78
firme avec force et conviction son engagement dans la Résistance et son amour pour la patrie.
Une copie de cette lettre est conservée aux Archives départementales du Doubs (1485 W 62).
33
Liste des fusillés d’Écot
En septembre 1944, Villars-sous-Écot fait partie de ces villages du Pays de Montbéliard situés
sur la ligne de front allemande. Le 10 septembre, les habitants croient à la libération mais le
village est repris dès le lendemain. La population y est totalement isolée et dépourvue de tout.
Par ailleurs, divers incidents et accrochages survenus au cours de l’été, le cataloguent comme
« village de terroristes » aux yeux de l’ennemi. Le 19 septembre, 22 hommes âgés de 16 à
47 ans sont menés à pied à Montbéliard. Dans la soirée, ils sont « jugés » et condamnés à
mort. Ils sont exécutés au lieudit des Grands Jardins, sur les hauteurs de la ville. Leurs familles
AMM,
3D25
ne seront averties de la tragédie qu’une vingtaine de jours plus tard. Villars-sous-Écot paie un
lourd tribut aux activités résistantes qui s’y étaient développées quelques semaines plus tôt.
Le village a été martyrisé pour l’exemple. L’ennemi, sentant la défaite proche, a voulu laisser
une empreinte indélébile de son passage.
34
Destruction de la maison
et assassinat de M. Picot à Angirey,
10 septembre 1944
Photo de la maison de M. Picot Jean-François du village d’Angirey, incendiée par les Alle- AD70,
mands le 10 septembre 1944 par une colonne allemande qui battait en retraite depuis Gray. 213W61
Le village d’Angirey fut entièrement brûlé par les Allemands en représailles à l’attaque du
convoi par un groupe de résistants. Le village sera entièrement reconstruit à la fin des années
1940 et la déclaration de sinistre fait mention de l’assassinat du propriétaire de la maison par
les Allemands.
35
Rapport des Renseignements Généraux,
11 juillet 1944
AD39,
331W9
36
Photographie du village
de Saint-Didier
après le 25 avril 1944
Saint-Didier est un lieu d’hébergement pour des groupes de maquisards et le clocher de l’égli-
se, ainsi que plusieurs fermes, servent de dépôt pour les armes parachutées. L’exécution, le
20 avril 1944, de deux policiers allemands, dans le village, par des membres du maquis dirigé
par Jean Guyot dit « Guérin », provoque une opération de représailles cinq jours plus tard. Le
village est cerné, plusieurs maisons sont incendiées, six habitants, dont le maire, sont exécutés
et deux sont déportés.
AD39,
1J108
37
Coyrière, village martyr du Jura,
juillet 1944
Coyrière, comme d’autres villages jurassiens, a subi les représailles de l’armée allemande. En
effet, depuis l’annonce du débarquement en Normandie une action de guérilla générale est
enclenchée par la Résistance dans le Jura. En réponse, l’occupant se livre à une terrible opé-
ration de représailles sur les populations civiles. Celle-ci prend différentes formes : maisons
incendiées, pillages, arrestations, viols, exécutions, déportations. À Coyrière, la quasi totalité
des maisons du village sont incendiées – 34 sur 37 – et une personne est fusillée.
Malgré cette flambée de violence, la population jurassienne maintiendra son soutien aux résis-
tants, faisant ainsi échouer la volonté de briser l’assise populaire de la Résistance.
MRD
38
Exécution de Jules Mongin
et Arthur Letang,
14 mai 1941
Affiche allemande bilingue annonçant l’exécution de Jules Mongin et Arthur Letang, deux
agriculteurs du village de Vanne en Haute-Saône, condamnés à mort puis fusillés à la Combe
Freteuille au sabot de Frotey le 14 mai 1941 pour avoir tué et jeté le corps d’un motocycliste
allemand dans la Saône au mois de juin 1940. Leur nom figure aujourd’hui sur le monument
aux morts du village de Vanne. Ils sont les deux premiers fusillés haut-saônois.
MRD
AD70
39
Avis d’exécution de Marius Vallet,
avril 1941
Marius Vallet est le premier des fusillés de la Citadelle. Arrêté en avril 1941 par les doua-
niers allemands alors qu’il franchit la ligne de démarcation, il parvient à s’enfuir en blessant
gravement deux soldats allemands. Les autorités françaises le retrouvent et le remettent im-
médiatement aux Allemands. Condamné à mort, il est fusillé le 28 avril 1941. Plus tard, en
souvenir de son engagement, un groupe de résistants FTP prendra le nom de « groupe Marius
Vallet ».
MRD
40
Jean Bogé
et Odile Selb-Bogé
AD70,
40W16
MRD,
0335
FN03379
41
Le fusillé souriant à Belfort :
l’histoire d’une photographie
Longtemps cette photographie est restée un mystère : où a-t-elle été prise ? Qui est ce résis-
tant ? Et surtout, pourquoi affiche-t-il un large sourire face à ses bourreaux ?
L’identification du fusillé souriant remonte à 1984. Un photographe a tout d’abord reconnu
le lieu : le quatrième fossé du château de Belfort. Dès lors, la photographie est publiée dans
le journal Le Pays avec appel à témoins pour identifier le fusillé. C’est alors qu’un Belfortain
reconnaît les traits de son père – Georges Blind – mort en déportation.
La photographie est celle d’un simulacre d’exécution. Arrêté le 14 octobre 1944 à Belfort,
Georges Blind est soumis quelques jours plus tard à une mise en scène destinée à le faire
craquer et trahir ses camarades. Plusieurs indices sur la photographie confirment le caractère
factice de l’exécution : le choix d’un angle de mur, l’officier à gauche tête nue, les tireurs trop
nombreux pour l’exécution d’un seul homme. Et c’est sans doute en apercevant le photogra-
phe que Georges Blind, comprenant la mise en scène, affiche alors son sourire.
MRD
42
Libération du Pays de Montbéliard,
30 décembre 1944
43
Liste des victimes de la Gestapo,
Le Comtois, 17 novembre 1944
AD70, Liste des victimes de la Gestapo condamnées à mort et fusillées, assassinées, vésuliens déportés
1PJ42 en Allemagne parue dans Le Comtois du 17 novembre 1944. On y retrouve de nombreux noms
connus de résistants. Le journaliste précise que cette liste est encore incomplète en novembre
1944.
44
Autoportraits de l’abbé Jean Daligault,
déporté N.N. dans plusieurs prisons
allemandes à partir du 10 octobre 1942
Lorsque la guerre éclate, Léon Delarbre est conservateur du Musée des Beaux-Arts de Belfort.
Il s’engage rapidement dans la Résistance jusqu’à son arrestation le 3 janvier 1944 par la
Gestapo. Il est alors détenu pendant deux mois à la caserne Friedrich à Belfort, transformée
pendant l’occupation en prison.
Le 27 avril 1944, Léon Delarbre est déporté en Allemagne à Auschwitz. C’est là qu’il réalise
ses premiers croquis clandestins. Très vite, il est transféré au camp de Buchenwald, puis à
celui de Dora à partir de septembre 1944 jusqu’à la libération du camp en avril 1945. À son
retour, il réalisera de mémoire quelques croquis, dont celui présentant sa cellule à la caserne
Friedrich.
MRD
46
Dessin du grand Georges,
kapo au camp de Dora
Réalisé par Léon Delarbre en décembre 1944
Les croquis de Léon Delarbre sont réalisés sur de minces bouts de papier, récupérés le plus
souvent dans les bureaux du camp, chiffons dérobés ou papier fourni par les secrétaires du
camp contre la réalisation d’un portrait. Ses dessins rapidement crayonnés au péril de sa vie
sont cachés dans son établi, puis directement sur lui, sous sa chemise. Ils reflètent la volonté
de Léon Delarbre de témoigner de manière précise des horreurs vues quotidiennement dans les
camps. Ils sont une immersion rare et douloureuse dans le système concentrationnaire nazi,
tenu volontairement dans le plus grand secret.
Le dessin du grand Georges, terrible kapo du camp de Dora, donne un exemple de la répres-
MRD
sion à l’œuvre à l’intérieur des camps. Cette figure incarne véritablement la violence et la peur
permanente suscitée chez les détenus par celui que Léon Delarbre mentionne lui-même comme
l’« une des plus belles brutes au service des S.S. ».
47
Poème de Pierre Tourneux
sur la prison d’Hinzert en Allemagne,
pendant sa déportation
Pierre Tourneux est arrêté en mai 1942 alors qu’il franchit la ligne de démarcation avec des ar-
mes et des tracts. Déporté N.N. en Allemagne, il sera détenu dans plusieurs prisons, dont celle
d’Hinzert, comme l’abbé Daligault. Il compose près de 150 poèmes pendant sa détention,
témoignant de la vie carcérale ou évoquant la nostalgie de l’avant-guerre. Comme il ne peut
pas écrire ses poèmes, il se les récite par cœur pour les retenir. Il choisit une forme de poésie
très structurée pour faciliter le travail de mémoire. Ses poèmes seront publiés sous forme d’un
recueil en 1945.
MRD
Dans ce poème, Pierre Tourneux évoque la corvée des kamattes, dessinée par Jean Daligault :
ce sont des caisses de bois qui, chargées, mettent en sang les mains des détenus. De même, ses
quelques vers mentionnent le kapo surnommé Ivan le Terrible dont l’abbé Daligault a figé la
48 figure menaçante.
Affiche des Forces Françaises
de l’Intérieur, 1944
Affiche bilingue de 1944 éditée par le commissaire régional des Forces Françaises de l’Intérieur
qui utilise les mêmes moyens que les forces d’occupation pour menacer l’armée allemande : les
combattants de la Libération vengeront chaque brutalité commise sur la population française
par la Gestapo en s’en prenant à des civils allemands, imitant ainsi les procédés utilisés par
l’occupant, en particulier les prises d’otages à la suite d’assassinat de militaires allemands ou
à l’occasion d’exécutions.
AD70,
12fi9
49
Lettre du commissariat de police au préfet
au sujet du service religieux à la mémoire
des fusillés de Besançon, 29 février 1944
Dans ce rapport sur le service religieux en mémoire de « fusillés de la citadelle » (en l’occur-
rence pour Aloyse Martin, André Billetot et Marcel Schwimmer) on peut être surpris par le
nombre de personnes présentes, d’autant que trois autres messes ont lieu la semaine suivante,
AD90 ainsi qu’un service au temple protestant, réunissant à chaque fois une assistance nombreuse.
99W344 Dans d’autres rapports et courriers on apprend que des quêtes – fructueuses – sont faites pour
les familles, que le curé ne demande pas rémunération, ou encore que les ouvrières de l’usine
DMC sont aussi venues en nombre.
50 L’annonce de l’exécution correspond à l’un des fusillés évoqué ci-dessous. Ce type de docu-
ment empreint de sécheresse administrative se retrouve en grand nombre.
Dernière lettre d’Henri Fertet
à ses parents avant d’être fusillé
à la Citadelle, 26 septembre 1943
MRD
51
Lettre de Roger Emonnot
à ses parents avant d’être fusillé,
14 avril 1944
Originaire de Dasle (Doubs), Roger Emonnot est un jeune membre du groupe F.T.P. Bara,
constitué à partir de 1943 dans le Pays de Montbéliard. Son engagement débute dès octobre
1942, lorsqu’il aide un aviateur anglais à passer la frontière franco-suisse. C’est d’ailleurs avec
le blouson gris bleu de l’aviateur sur les épaules qu’il sera fusillé à la Citadelle le 14 avril 1944,
avec cinq de ses camarades.
MRD
52
Premier bilan dressé par la Préfecture
de la campagne de représailles
frappant le Jura en juillet 1944
Après avril 1944, le Jura subit, entre le 10 et le 21 juillet 1944, une nouvelle campagne de
représailles. Les populations civiles innocentes paient à nouveau un lourd tribut et les dégâts
matériels sont très importants. Une soixantaine de communes sont touchées à des degrés plus
AD39,
ou moins importants. 331W9
53
Les obsèques du passeur
Paul Koepfler à Poligny,
3 avril 1943
54
Les tombes fleuries des fusillés
de la Citadelle, Toussaint 1943
Le 26 septembre 1943, seize résistants sont fusillés à la Citadelle de Besançon. Tous, sauf deux
résistants espagnols, sont de jeunes franc-comtois. Membres des groupes FTP « Guy Moc-
quet » et « Marius Vallet », ils sont arrêtés par la Gestapo, jugés et finalement condamnés à
mort. Les habitants de Besançon entendront ces jeunes gens chanter la Marseillaise et le Chant
du départ alors qu’ils sont transportés à la Citadelle, lieu de leur exécution. Profondément
émus par la disparition de ces jeunes résistants – le plus jeune n’a pas 16 ans – les Bisontins
témoigneront de leur soutien et de leur affection en fleurissant abondamment les tombes des
fusillés au cimetière de Saint-Claude, malgré l’interdiction formelle des forces d’occupation.
MRD
55
Entretenir le souvenir
56
Entretenir le souvenir
AD70,
114J31
57
Entretenir le souvenir
AD70,
Photo prise après la libération au sabot de Frotey (Haute-Saône) au lieu-dit la Combe Fre-
114J34 teuille où furent fusillés 39 résistants. Le 12 septembre 1954, les autorités prélèvent de la terre
pour être placée dans une urne qui sera scellée dans le socle du monument de la Résistance de
Vesoul, inauguré le même jour. On distingue au premier plan, accroupi de dos avec sa petite
fille, Robert Henry, de Luxeuil, dont le père et le frère ont été fusillés à cet endroit le 16 février
59
Contacts
Vous trouverez ci-dessous la liste des principaux auteurs de ce travail joignables par mail. Ils
peuvent vous apporter une aide dans la réalisation des travaux avec vos élèves. Plusieurs sites
proposent aussi d’autres activités dans le cadre de la Seconde Guerre mondiale.