Sylvain FLEUROT
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Sylvain FLEUROT
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2019
Remerciements
Marahaba niengi
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
Sommaire
Introduction ............................................................................................................... 1
Conclusion........................................................................................................ 24
Conclusion........................................................................................................ 45
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
3 ADAPTER LE FONCTIONNEMENT ET L’ORGANISATION DE LA MDA
« HORS LES MURS » POUR AGIR SUR LA JEUNESSE CIBLEE .................. 47
3.1.1 Le projet.......................................................................................................47
Perspectives......................................................................................................63
Conclusion ........................................................................................................66
Conclusion .............................................................................................................. 67
Bibliographie........................................................................................................... 69
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
Liste des illustrations
Figures
Tableaux
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
Liste des sigles utilisés
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
DEIS : Diplôme d'Etat Ingénierie Sociale
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
Introduction
Mayotte, département français depuis 2011, connait une forte pression migratoire des îles
des Comores. En 2017, l’INSEE estime qu’il faudrait ajouter un tiers de personnes en
situation irrégulière à la population initiale, soit environ 90 000 personnes.
Cette surpopulation, les conditions d’accueil et les traitements des dossiers ne permettent
pas la régularisation des situations entrainant la naissance de nombreuses habitations
précaires dans les zones périurbaines de Mayotte. Dans ces quartiers ne vivent pas
uniquement des personnes en situation irrégulière. Les conditions précaires dans
lesquelles se trouvent une grande partie de la population mahoraise favorisent
l’expansion de zones d’habitation marginales pour devenir « des villes dans la ville ».
Elles peuvent compter plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’habitants.
Sans eau ni électricité, vivant parfois à dix dans seulement dix mètres carrés, les
conditions de vie sont très rudimentaires. Les jeunes vivant dans ces secteurs n’ont pas
tous accès à la scolarité en raison des difficultés administratives pour l’inscription et du
manque de place dans les établissements scolaires.
La maison des adolescents de Mayotte, dans laquelle j’évolue depuis quelques mois en
tant que directeur, se situe dans ce contexte si particulier que représente le
101ème département français.
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 -1-
En 2010, l’unique maison des adolescents de Mayotte, a été créée à la demande de
l’ARS pour venir en soutien à une jeunesse mahoraise en manque de repère et très
éloignée des questions liées à la santé.
Afin d’étendre le dispositif sur l’ensemble du territoire, une MDA « mobile » a été créée en
2011 et une MDA « hors les murs » en 2017. Ces deux actions sont issues de réponses
d’appels à projet limitant le financement à deux ans.
Des lieux stratégiques ont été définis dans le cadre de ces interventions mobiles (abords
des établissements) et « hors les murs » (permanence au sein de locaux communaux).
Nous avons pu constater que la quasi-totalité des jeunes bénéficiant des actions de
prévention santé à travers les interventions mobiles étaient en situation de scolarisation.
Or, les jeunes scolarisés bénéficient déjà au sein de l’Education Nationale d’actions de
prévention santé grâce à l’intervention de plusieurs associations.
Le cahier des charges nationale des MDA privilégie comme public cible « les jeunes en
situation de rupture et éloignés du parcours traditionnel ». C’est dans ce cadre que je
m’interroge sur la pertinence du public ciblé par les interventions mobiles aujourd’hui.
Alors comment adapter efficacement l’intervention de la MDA « hors les murs » afin de
repérer et accompagner une jeunesse en marge des dispositifs du droit commun ?
Dans un second temps, une analyse spécifique et stratégique s’attachera à montrer quel
type d’approche innovante il est possible d’instaurer afin d’améliorer le fonctionnement de
la MDA à travers la mise en œuvre d’interventions interculturelles et participatives en
adéquation avec les politiques publiques territoriales.
-2- Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
1 LA JEUNESSE DE MAYOTTE
Ancienne colonie française, l’archipel des Comores situé dans le canal du Mozambique
entre la côte Est africaine et Madagascar est composé de quatre îles : Grande Comores,
Anjouan, Mohéli et Mayotte (Figure 1).
« En 1974, une consultation sur l'indépendance est organisée dans les quatre îles de
l'archipel des Comores. Le « oui » l'emporte avec 95% des voix dans toutes les îles de
l'archipel sauf à Mayotte, où le « non » l'emporte à près de 64%.
La loi du 3 juillet 1975 sur l'indépendance des Comores conditionne alors l'indépendance
de l'île à un projet de constitution qui devra être approuvée « île par île ». Les Comores
déclarent leur indépendance dans la foulée, le 6 juillet 1975.
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 -3-
référendum sur le maintien de Mayotte dans la République française [a lieu et le vote
« oui » l’emporte à 99,4%] »1.
L’île de Mayotte est une île française depuis 165 ans : d’abord colonie (1846), elle est
devenue au fil du temps Territoire d’Outre-Mer (1946), Collectivité Territoriale (1976) puis
Collectivité Départementale (2001).
Territoire non décolonisé aux yeux des Nations unies, l’île est « comorienne », selon
l’organisation internationale. Malgré de nombreuses résolutions déposées par l’ONU, l’île
de Mayotte a maintenu sa position et est devenue le 101ème département français après le
référendum tenu en avril 2011 auprès de la population.
En 2017, Mayotte comptabilise 256 500 habitants pour une superficie de 374 km². Avec
environ 690 habitants au kilomètre carré, il est le département le plus densément peuplé
de France après l’Île-de-France3.
Du fait de la continuelle amélioration de son niveau de vie, l’île de Mayotte est attractive
pour les pays alentours. De nombreux immigrés, en quête de meilleures conditions
économiques et sanitaires, s’y installent. En 2017, 48% de la population installée
légalement sur le territoire est estimée comme étant de nationalité étrangère, dont 95%
d’entre eux sont d’origine comorienne4.
-4- Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
« marginales », se définissent par la construction de bangas6 et par une concentration de
plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de personnes cachées du monde extérieur.
Ces constructions clandestines ne sont pourvues ni d’eau ni d’électricité. Ces dernières
années, d’innombrables constructions en tôles ont émergées (cf. photographies en
Annexe 1).
En 2017, 9 760 enfants sont nés à Mayotte ce qui en fait la plus grande maternité de
France ; 75% de ces nourrissons avaient une mère étrangère (dont 69% comorienne et
4% malgaches)7.
« Mayotte est le département le plus jeune de France »8. En 2017, l’âge moyen des
habitants s’élève à 23 ans (contre 41 ans en métropole). La moitié de la population n’a
pas 18 ans. Parmi eux, 20% ont entre 10 et 18 ans ce qui équivaut à environ
51 000 adolescents sur le territoire mahorais.
En effet, « le phénomène des mineurs isolés étrangers à Mayotte, lié à la proximité de l’île
avec les autres îles de l’archipel des Comores, se retrouve dans peu d’autres
départements français. […]. À Mayotte, ils sont environ 300 mineurs étrangers sans
aucun référent adulte, et plus de 3 000 sous la responsabilité d’un adulte apparenté ou
non, mais quasi-systématiquement en situation irrégulière. L’expression « mineurs
étrangers isolés » renvoie en réalité à des profils très divers. Il s’agit souvent de mineurs
originaires des Comores, soit envoyés par leur famille à Mayotte pour étudier ou y
rejoindre des parents et espérer avoir une vie meilleure, parfois dans des « kwassa
[kwassa]9 » de mineurs, soit des enfants qui se retrouvent seuls sur le territoire suite à la
reconduite à la frontière de leurs parents vers les Comores (environ 19 000 par an) » 10.
Ces chiffres ne sont que des estimations et pourraient se révéler bien plus importants.
6 Cabane réalisée avec des matériaux de récupération, typique des bidonvilles de Mayotte.
7 INSEE, 2018.
8 INSEE, février 2014.
9 Nom comorien des canots de pêche.
10 Ministère de l’Intérieur, 2018.
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 -5-
amis à Mayotte ne cesse d’augmenter. Il peut s’agir également de l’arrivée de mineurs
non accompagnés demandeurs d’asile, arrivés seuls de Madagascar ou du continent
africain, notamment de la région des Grands Lacs »11.
A ces données démographiques viennent s’ajouter des chiffres record de précarité pour
un territoire français.
76% des familles monoparentales ou 58% des couples avec enfant(s) ne disposent pas
au sein de leur logement d’au moins deux des cinq éléments définis ci-dessus et
correspondant au confort sanitaire de base et entre 75 et 79% des logements de ces
catégories familiales sont considérés comme étant surpeuplés (manquement au minimum
d’une pièce supplémentaire)15.
Ces chiffres définissent bien la grande précarité de certaines familles accueillies, avec la
nécessité pour les professionnels d’adapter les accompagnements aux difficultés sociales
des parents en situation administrative irrégulière.
-6- Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
Le rejet des comoriens par les mahorais favorise ce climat d’insécurité. Il est important de
parler de l’immigration comorienne, non pas parce qu’elle est l’unique responsable de
l’insécurité à Mayotte, mais parce qu’elle est perçue comme telle. Dans la conscience
collective mahoraise, les zones d’habitation marginales abritant « des immigrés » sont la
cause de l’ensemble des actes d’incivilité sur le territoire. Les relations entre les
personnes habitant dans ces secteurs et le reste de la population mahoraise sont très
tendues. Ces habitants ne sortent souvent que la nuit. Ce contexte crée un sentiment
d’insécurité chez les jeunes et leur famille.
Le climat social de Mayotte influe directement sur l’envie de venir s’y installer ou sur
l’envie d’en partir. Cependant, l’ensemble des habitants de Mayotte n’ont pas la chance
de pouvoir choisir.
Un conflit interculturel
Si Mayotte s’émancipe des autres îles des Comores, sa culture reste proche de celle des
18
« îles de la lune » . Les Mahorais sont en majorité musulmans (95%) et la vie est
rythmée par la religion (cinq prières quotidiennes, grande prière du vendredi, mois du
Ramadan, fêtes musulmanes comme l’Aïd19, …). Les enfants commencent l’école
coranique en même temps que l’école maternelle et peuvent la fréquenter jusqu’au lycée.
La langue le plus couramment parlée est le shimaore, mais selon le village de naissance,
elle peut être le shindzuani (anjouanais) ou le shibushi (malgache). Le français est
17 « Un décasage est une expédition punitive organisée par des Mahorais contre les constructions
illégales habitées par des immigrants clandestins comoriens.
Illégaux, les décasages ne sont néanmoins pas réprimés par les autorités locales, qui craignent
d'ajouter du trouble à la situation tendue dans laquelle se trouve le département d'outre-mer et qui
considèrent parfois que ces expéditions les aident dans leur travail de lutte contre l'installation
irrégulière de migrants venus en kwassa kwassa du reste de l'archipel des Comores » (Wikipédia).
18 Ce nom provient du nom de l’archipel en arabe : Jouzor al Kamar ()جزر القمر.
19 Fête marquant la rupture du jeûne du mois de ramadan.
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 -7-
maîtrisé par les plus jeunes et les populations des zones urbaines mais un interprète est
le plus souvent nécessaire dans les zones rurales, les plus nombreuses.
Bien que les lois de la République française s’appliquent et tendent à gommer les
traditions, l’organisation sociale à Mayotte reste très proche de celle que l’on trouve aux
Comores : lignages à tendance matrilinéaires, classes d’âges, statuts hiérarchiques
complexes, système cadial (« juridiction » religieuse) persistant et transmissions orales.
Les référents éducatifs doivent prendre en compte les différentes structures familiales au
sein desquelles évolue chaque jeune : parent isolé (25% des enfants de moins de 2 ans
ne vivent qu’avec leur mère), enfant élevé par un autre membre de la famille ou des
adultes sans lien de parenté, par une famille d’accueil, père polygame souvent absent.
De plus, pour les enfants vivant avec leurs deux parents, il est important de travailler la
notion de partage de l’autorité parentale, dans une société au sein de laquelle la mère est
souvent la garante de l’éducation de ses enfants.
Cette perte de repères énoncée par Lesage20 a été fortement influencée par le
remplacement de la juridiction du droit local (cadi21) par la juridiction du droit commun.
Même si dans les faits, ce changement est établi, cette évolution est particulièrement
déstabilisante pour les familles mahoraises.
20 Lesage, 2014.
21 Juge musulman.
-8- Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
Le cadi, plus qu’un juge, exerçait un « rôle de médiateur et plus globalement d’institution
régulatrice de la vie sociale et familiale ». Il intervenait à tous les niveaux, du plus courant
au plus grave, des disputes entre habitants aux crimes, du vol de zébu aux tensions
intrafamiliales.
Le code civil et pénal français sont donc venus remplacer cette institution. Cependant
« dans les faits, leur parole vaut toujours voire plus que la loi telle que nous la
connaissons »22.
L’accès à l’éducation a renforcé la connaissance du modèle occidental par les plus jeunes
et entrainé la remise en question de certains fondamentaux traditionnels tels que l’égalité
des genres et la rationalisation d’un monde fondé traditionnellement sur des croyances
ancestrales et religieuses.
En effet, auparavant, les croyances aux djinns24 permettaient de canaliser les faits et
gestes des personnes. Elles venaient naturellement en soutien d’un cadre parental en
imposant des limites dans le comportement des enfants. Les enfants ne prenaient pas le
risque d’aller au-delà des frontières habitées par les esprits (forêt, océan, nuit, mangroves
etc.) qui pouvaient leur nuire en les possédant.
22 Lesage, 2014.
23Association Fikira de Mayotte et d’ailleurs, 2014. L’association s’inspire, ici, du concept de
Durkheim E. (1858 – 1917).
24Les djinns, esprits malins, sont dans la culture mahoraise des êtres invisibles qu’il faut éviter
dans la mesure du possible.
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 -9-
Les parents, en manque de repères, se sentent dépassés et impuissants face aux actes
posés par leurs enfants.
Pour illustrer cela, nous pouvons prendre comme exemple, la manière d’aborder un
thème tel que la sexualité où les croyances ancestrales et/ou religieuses ont une
influence directe.
« La sexualité d’un individu est naturellement induite par la culture dont il est issu. (…). A
Mayotte, [les pratiques] se caractérisent tout d’abord par le culte du secret et par la
pudeur. (…). Tout ce qui se rapporte à la sexualité est donc frappé de beaucoup de
tabous. (…). En plus de l’obligation d’abstinence sexuelle, les jeunes sont sensés ne rien
savoir sur le sujet »25.
Vers une époque qui tend à la libéralisation des mœurs et des pratiques sexuelles, les
parents s’appuient sur leurs fondamentaux traditionnels et culturels. Le dialogue est donc
rompu et les adolescents, conscients de l’impuissance de leurs parents, jouissent de cette
situation transitoire en bravant les interdits.
Les enfants et adolescents à Mayotte sont tiraillés entre deux cultures, entre deux
modèles de sociétés. Les parents se retrouvent en grandes difficultés pour transmettre
des valeurs à leurs enfants. Ils ne savent plus comment les éduquer, ils ne savent plus
quoi leur transmettre, ni la manière de le faire.
25 Achiraf, 2005.
- 10 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
problématique de chimique26 » a été défini. Il est caractérisé par « une personne jeune, de
sexe masculin, vivant dans une situation de fragilité sociale (…). En général, cette
personne a été initiée, parfois très jeune (dès 10-12 ans) (…). Le contexte familial
problématique se retrouve fréquemment dans le parcours de ce type d’usagers avec des
situations marquées par l’éclatement des familles (…) ».
Le schéma de lutte contre les IST / VIH / SIDA / HEPATITES sur l’île de Mayotte au
travers du plan 2011-2014 met en avant un taux d’IVG « près de 4 fois plus élevé qu’en
France métropolitaine » et « [8 fois plus élevés sur les tranches d’âge les plus jeunes
(16 à 24 ans)] » 27. Il ressort également que les jeunes de 12 à 25 ans ayant recours à la
prostitution sont « poussés par la nécessité » et souvent « en rupture scolaire et
familiale ».
De juin à août 2015, une enquête réalisée par la MDA sur « les conduites à risques chez
les adolescents de Mayotte » témoigne de l’exposition importante aux risques liés à la
santé des adolescents à Mayotte. Plusieurs thèmes y sont abordés tels que la
consommation de produits toxiques, la violence, la prostitution et la sexualité.
Les conclusions de l’enquête sont basées sur l’analyse des réponses données à un
questionnaire coconstruit par l’équipe de la maison des adolescents et par les jeunes
participants aux ateliers collectifs du service. Cette enquête a été menée sur les
16 communes de l’île auprès de 1 120 personnes de 10 à 22 ans dont 68% des interrogés
ayant entre 10 et 16 ans.
Ils ont répondu à plusieurs questions de type : « As-tu ou connais-tu quelqu’un de ton âge
qui (…) ? ». Cette formulation de question a été sciemment choisie par les adolescents
car le comportement adolescent à Mayotte s’inscrit nécessairement en lien avec le groupe
de pairs. Le type de question ne permet pas de définir un nombre exact de jeunes ayant
pu vivre ou réaliser tels actes, mais permet de connaitre l’exposition aux risques auxquels
ils sont confrontés. Il s’agit donc d’être prudent quant à ces chiffres car ils peuvent se
révéler être très subjectifs.
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 11 -
Quelques chiffres sont ressortis de cette enquête sur les thématiques suivantes :
▪ Sexualité :
Concernant les IVG, chez les jeunes déscolarisés, deux sur trois ont déjà été confrontés à
cette expérience contre un jeune sur quatre chez ceux qui vont à l’école. Sans surprise et
en lien avec les chiffres précédents, 64% des jeunes qui ne fréquentent pas l’école sont
parents eux même ou amis avec des jeunes de leur âge ayant un enfant. Ce chiffre est de
37 % chez les adolescents scolarisés. 34% des filles et 37% des garçons déclarent avoir
eu une relation sexuelle non protégée ou connaitre quelqu’un qui en a eu.
Il y a une grande différence entre le taux d’exposition des jeunes scolarisés et ceux non
scolarisés (24% contre 59%). Ce chiffre est à nuancer en corrélation avec le nombre de
personnes interrogées, bien plus faible chez les non scolarisés.
Ces résultats démontrent certainement une méconnaissance des risques encourus de la
part de la jeunesse mahoraise. Ils révèlent une image de soi mise à mal et des
expérimentations « limites » régulières conduisant à une prise de risque non contrôlée.
Il en ressort également que les jeunes de Mamoudzou ne sont pas plus exposés aux
risques que sur le restant du territoire. Cependant, il est important de constater que les
jeunes non scolarisés, éloignés des différentes actions de prévention santé, pourraient
être beaucoup plus exposés aux risques que les jeunes scolarisés.
Nous allons voir par la suite que la déscolarisation des jeunes est relativement fréquente
du fait d’une insuffisance institutionnelle et surtout qu’il faudra encore quelques années
afin que l’éducation pour tous soit efficiente.
28Chef-lieu du département de Mayotte, la commune compte près de 71 500 habitants soit 27,8%
de la population totale de l’île.
- 12 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
Outre le développement des services « institutionnels » de l’Etat et du Département,
l’offre est aussi relayée par des associations de droit privé. Souvent, les associations
étaient définies comme « les mousquetaires de la protection de l’enfance ».
L’Aide Sociale à l’Enfance n’a été créée qu’en 2001. A ce jour, le développement global
du secteur n’est toujours pas réalisé si bien que la couverture complète des besoins n’est
pas assurée dans plusieurs domaines comme celui de l’éducation à la santé et l’accès
aux soins chez les adolescents. Dans ce contexte, nombreux sont les problèmes n’ayant
toujours pas de solution.
En 2016, le premier tome du rapport de l’IGAS faisait un état des lieux de « conditions de
travail déficientes » dans le secteur social et mettait en avant les défaillances des services
de l’Aide Sociale à l’Enfance (« manque de personnels qualifiés, inefficacité de la cellule
de traitement des informations préoccupantes, peu ou pas d’actions en milieu ouvert, pas
de structures d’accueil type MECS, nécessité de diversifier les modes de placements »,
etc.).
Chaque service est débordé et fonctionne dans l’urgence. De fait, les possibilités de
recours à la protection de l’enfance restent encore aujourd’hui hypothétiques.
« [L’absence] de représentant légal [des enfants abandonnés par leurs parents à des
proches mahorais ou de ceux arrivés seuls] nuit à l’accès aux droits fondamentaux
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 13 -
(papiers, soins, scolarité, etc.) dont [ils pourraient bénéficier]. On estime que 2 300 d’entre
eux sont non scolarisés en 2017, ce qui rend plus difficile encore leur sociabilisation »29.
En 2016, l’association « Village d’EVA » publie une étude sur le droit à la scolarisation à
Mayotte. Ce rapport met en évidence la variété des obstacles liés à l’inscription des
enfants à l’école. Entre 2014 et 2015, « dans 32% des cas, la demande de scolarisation
pour les enfants qui sont assujettis à l’obligation scolaire, avait été effectuée et avait
engendré un refus de l’administration. Dans 68% des cas, le dossier n’avait pas été
déposé. […]. La principale raison (59%) du non-dépôt de dossier était due à l’arrivée
récente de l’enfant sur le territoire et la difficulté d’intégrer l’école en cours d’année. Les
autres raisons étaient liées aux pièces exigées lors de l’inscription, ou bien à l’absence
d’un parent ou du responsable légal sur le territoire de Mayotte ».
« Malgré les moyens sans cesse en croissance pour l’éducation à Mayotte (10 millions
d’euros en moyenne par an), plus de 7 000 jeunes seraient encore sans possibilité de
s’inscrire dans nos écoles. Une étude menée en population générale par une doctorante
en médecine générale (Dr Guilhem-Ducleon) permet de constater que 7,9% de la
population étudiée âgée de 6 à 16 ans n’est pas scolarisée. Si on extrapole sur le nombre
de jeunes inscrits à Mayotte pour la rentrée 2015 (environ 89 500 élèves) et avec
quelques marges d’erreurs, on arrive au chiffre d’environ 7 000 enfants non scolarisés.
Autre élément qui corrobore ce chiffre est le chiffre tabou et jamais communiqué
formellement de la ville de Mamoudzou qui parle de 5 000 enfants non scolarisés lors de
la rentrée 2014 »30.
En 2011, 38% des personnes de 15 ans ou plus vivant dans les quartiers prioritaires n’ont
jamais été scolarisées, contre 32% sur le reste du territoire Mahorais32. Les jeunes de
moins de 20 ans étant plus nombreux dans les quartiers prioritaires que sur l’ensemble du
département.
En 2015, « l’INSEE relève qu’un quart des mineurs isolés en âge d’obligation scolaire
n’est pas scolarisé. Il s’agit probablement de plusieurs milliers d’enfants qui n’accèdent
- 14 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
pas à l’école chaque année. Par ailleurs, le taux de scolarisation des enfants de 3 ans ne
s’élève qu’à 63,3% contre 100% en métropole, ce qui constitue un frein à la réussite
scolaire des élèves mahorais »33.
Ces deux associations ont uni leurs compétences en décembre 2016 sous une même
structure associative : Mlezi Maore. « Mlezi Maore », ou « Prendre soin de Mayotte » en
shimaoré, est une association mahoraise qui intervient depuis 15 ans dans les champs du
handicap, de la solidarité et de la jeunesse.
Acteur associatif majeur du département, Mlezi Maore intervient aujourd’hui dans les
domaines du social, du médico-social et de l’insertion par l’activité économique.
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 15 -
▪ Le Pôle Jeunesse, dispose d’un service animation qui agit au sein de la maison
des jeunes de M’zouazia, du Centre social de Chirongui-Miréréni, et de la base de
loisirs de M’Tsangabeach.
Le Pôle intervient également en faveur de la protection de l’enfance sous l’aval du
Conseil départemental : Accompagnement collectif et Educatif en Milieu Ouvert -
AcEMO, service Ad Hoc et Investigations sociales ; il gère un Etablissement de
Placement Educatif (EPE Dago), des permanences sociales au Centre de
Rétention Administratif et un service de prévention santé en direction des
adolescents (Maison des Adolescents).
La structure fixe
La Maison des Adolescents de l’association Mlezi Maore est la seule MDA présente sur le
territoire de l’Île de Mayotte. Située à Cavani sur la commune de Mamoudzou (cf. carte en
Annexe 2), elle est un espace d’accueil pluridisciplinaire (éducatif et social, thérapeutique
et paramédical) dédié aux adolescents de 11 à 21 ans et à leurs familles ainsi qu’aux
professionnels.
Elle apporte un portail d’aides spécifiques à travers une approche globale de la santé
prise en compte dans sa dimension somatique et psychique, ainsi que sous ses aspects
sociaux, éducatifs et relationnels. La MDA répond aux problématiques les plus diverses
des adolescents (mal-être, conflits familiaux, maltraitance, violences, addictions, etc.) à
travers la prévention et leur orientation vers les structures adéquates.
La MDA accueille annuellement environ 3 000 jeunes sur la structure fixe dont 400 prises
en charge individuelles.
- 16 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
La réponse aux appels à projets expérimentaux pour étendre le dispositif
En 2011, moins d’un an après la création et avec le souhait d’étendre ses actions,
l’antenne « mobile » de la MDA a été créée dans le cadre des « fonds d’expérimentation
pour la jeunesse » qui vise à favoriser l’accès aux soins, la lutte contre l’illettrisme et
l’insertion professionnelle.
La maison des adolescents « mobile » s’est caractérisée par son intervention sur
l’ensemble des communes de l’île en exportant les actions de prévention. La « mobile »
se positionnait principalement aux abords des établissements scolaires en accord avec
les municipalités et le travail de partenariat s’est intensifié avec l’Education Nationale.
Les actions collectives ont été menées directement à destination des adolescents
principalement scolarisés et ne concernaient que très peu de parents.
Ce fonctionnement a engendré plusieurs retours négatifs de la part les parents qui sont
venus à la rencontre de la « mobile » en questionnant les actions mises en place
(distribution de préservatifs, etc.). Cela vient réaffirmer les propos d’Achiraf35 stipulant que
« répondre aux questions des adolescents reviendrait à éveiller leur curiosité, à les exciter
davantage et à les inciter à passer à l’acte ».
En 2016, avec cette même volonté d’agir sur l’ensemble du territoire, la MDA s’est
positionnée en répondant à l’axe 2 (« Education et prévention en santé chez les jeunes »)
35 Achiraf, 2005.
36Le Grand Mamoudzou désigne l’ensemble de la commune de Mamoudzou qui se compose de
sept villages en plus de Mamoudzou (Cavani, Kawéni, Mtsapéré, Passamaïnty, Vahibé,
Tsoundzou I et Tsoundzou II).
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 17 -
de l’appel à projets « Outre-Mer n°5 – essaimage DOM- Mayotte ». ; cet appel à projet est
issu du plan Jeunesse Outre-Mer du 3 septembre 2015 en faveur des jeunes ultramarins.
Elle se voit accorder l’acceptation du projet nommé « la MDA hors les murs ».
Les fonds n’ont été versés qu’au cours de l’année 2017 et l’action dans le cadre du projet
a pris fin en février 2019. Nous évaluerons son fonctionnement dans la partie 1.3.2B).
Pour bien comprendre l’organisation de la MDA, nous devons en présenter une vue
d’ensemble. Il n’y a pas d’équipe spécifique dédiée à la MDA « fixe », « mobile » et « hors
les murs ». A travers une planification des actions et selon les problématiques abordées,
chaque professionnel se relaie sur la MDA fixe et sur les actions extérieures.
En 2019, l’équipe de la MDA est composée selon l’organigramme présenté en Figure 2 ci-
après.
- 18 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
La MDA « fixe », « mobile » et « hors les murs » sont toutes les trois caractérisées par un
accueil généraliste, gratuit et anonyme ; les personnes ont le choix de venir s’informer
seules ou accompagnées, suite à une orientation par un partenaire ou spontanément.
Cependant, les actions ponctuelles mobiles sont uniquement collectives.
Les prises en charges individuelles facilitées sur la MDA « fixe » et « hors les murs »
permettent une évaluation approfondie et un accompagnement spécifique qui peuvent
donner lieu à deux types d’orientation :
Des ateliers collectifs sont également mis en place au sein de la MDA « fixe » via des
ateliers hebdomadaires sur des thématiques mensuelles.
Les quatre permanences de la MDA « hors les murs » ont lieu toutes les semaines et sont
organisées selon la planification suivante :
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 19 -
Une instabilité des financements
Dès sa création, la MDA a été financée par l’ARS et par le CHM. Le financement du CHM
provient d’une dotation annuelle de l’ARS et se justifie par l’obligation d’une MDA d’être
rattachée à un établissement sanitaire.
A partir de 2013, les financeurs sont devenus multiples. En complément des financements
initiaux, sont venus s’ajouter une participation :
Les deux appels à projet « MDA mobile » (2011-2013) et MDA « hors les murs » (2017-
2019) ont été financées pour une durée de deux ans par les Fonds d’Expérimentation de
la Jeunesse. Le FEJ a déjà signifié que la MDA, n’étant plus un dispositif expérimental, ne
pourrait plus bénéficier de son soutien dans le cadre d’autres appels à projets.
Une première rencontre a eu lieu fin 2018 avec les différents partenaires institutionnels
tels que le Conseil Départemental, l’ARS, la CSSM, la DJSCS et la Préfecture.
- 20 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
Le manque de pertinence de l’intervention de la MDA « hors les
murs »
Sur le territoire mahorais, deux types de population jeune sont représentés : les jeunes
scolarisés, en majorité mahorais, et les jeunes non scolarisés, à prédominance
comorienne. Comme nous avons pu le voir au préalable, un grand nombre de jeunes
vivant à Mayotte se trouvent en dehors des circuits traditionnels et devraient correspondre
à la majorité du public cible de la MDA « hors les murs ».
En axant les différentes actions de « la mobile » et de la MDA « hors les murs » sur des
lieux stratégiques comme les abords ou au sein des établissements scolaires et des
permanences au sein des locaux communaux, nous avons privilégié l’accès aux jeunes
scolarisés. Or, il est nécessaire de différencier la stratégie d’intervention en fonction du
public cible.
Par ailleurs, le cahier des charges national des MDA définit le premier objectif général
d’une MDA à travers l’apport de « réponses pertinentes et adaptées aux besoins des
adolescents, notamment en ce qui concerne leur santé et leur bien-être, en articulations
et en complémentarité avec les dispositifs existants sur le territoire ».
Nous pourrons voir les décalages existants entre les objectifs généraux et la réalité
actuelle de l’accompagnement proposé par la MDA « hors les murs » dans les
paragraphes qui suivent.
Comme nous avons pu le voir en amont, l’ensemble des actions mobiles a toujours
privilégié les jeunes en situation de scolarisation ; il s’agit d’un choix stratégique.
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 21 -
En tant que directeur, dans un contexte aussi singulier que celui de Mayotte avec une
jeunesse vivant dans des conditions sanitaires alarmantes, mes choix stratégiques sont
de prioriser l’urgence. N’ayant pas accès à la scolarité, beaucoup de jeunes
nécessiteraient d’avoir a minima accès à la prévention santé et à des prises en charge
individuelles. Il est nécessaire d’agir en parallèle sur les deux populations jeunes
représentées sur le territoire mahorais et leur permettre d’avoir accès à la MDA.
En reprenant les chiffres dans les différents rapports d’activité depuis la création de la
MDA « mobile », une moyenne annuelle de 3 000 jeunes était reçue dans le cadre des
actions collectives. Plus de 95% de ces jeunes sont issus de l’Education Nationale et sont
en situation de scolarisation.
En 2018, 149 permanences ont eu lieu et seuls 46 suivis individuels en ont découlé dont 5
avaient débuté fin 2017. En juin 2019, 68 permanences avaient été tenues depuis le
début de l’année pour 19 suivis individuels. Face à ce manque de fréquentation et à
l’ampleur des besoins sur le territoire, l’équipe pluridisciplinaire se voit très interrogative
quant à l’efficacité de ces permanences. Il apparait parfois une certaine lassitude face à la
tenue de celles-ci. Les professionnels sont soucieux de ne pas pouvoir accompagner plus
de jeunes non scolarisés et la majorité de l’équipe ressent une certaine frustration à ne
pas aller au-delà des « sentiers battus ».
Nous pouvons nous interroger également sur la notion « d’espace d’accueil neutre, ouvert
et non stigmatisant qui facilite ainsi l’accès aux jeunes les plus démunis ». Effectivement,
les permanences se trouvent au sein de locaux communaux de type MJC ou CCAS. Ils
n’assurent donc pas la neutralité des lieux. Il semblerait que ces lieux favorisent même la
stigmatisation du public provenant des zones d’habitation marginales et les rendent, de
fait, inaccessibles.
- 22 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
1.3.3 Un partenariat quasi-inexistant
L’Education Nationale est le partenaire principal de la MDA « fixe » et « hors les murs »
avec 62% d’orientations de jeunes vers la MDA. Le partenariat actuel de la maison des
adolescents représente les acteurs les plus présents sur le territoire du Grand
Mamoudzou.
L’identité culturelle et cultuelle reste très présente à Mayotte même si nous faisons face
actuellement à une période d’acculturation37 de la jeunesse mahoraise. Il parait
aujourd’hui dénué de sens d’agir sans prendre en compte cette identité forte.
37 L’acculturation peut être définie comme « l’ensemble des phénomènes résultant du contact
direct et continu entre des groupes d’individus de cultures différentes, avec des changements
subséquents dans les types de culture originaux de l’un ou des deux groupes » (Camilleri et al.,
1989).
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 23 -
n’intégrant pas les parents dans les prises en charge liées à la sexualité, ce qui l’éloigne
davantage de ses missions premières.
Depuis sa création, la maison des adolescents n’est pas non plus entrée en contact avec
les représentants religieux.
Aujourd’hui, il n’existe également pas de partenariat avec les pairs et les personnes
ressources qui agissent directement au sein des différents secteurs d’habitation
marginaux (parents, représentants religieux, etc.).
Conclusion
Dans un contexte si singulier que celui que représente Mayotte, avec une population dont
plus de la moitié a moins de 20 ans, l’unique maison des adolescents de l’île se trouve au
cœur d’un département où un quart de la population pourrait bénéficier de ces actions.
La situation des logements reste très précaire et les conditions sanitaires pour une partie
de la population restent catastrophiques. Le manque de logement et la forte pression
migratoire donnent naissance à des mini-cités dans la cité où les cases en tôles
s’agglutinent. Ces zones très peuplées, éloignées et peu accessible favorisent
l’émergence de zones de non-droit.
Les nombreuses reconduites à la frontière laissent derrière eux des enfants sans
détenteurs de l’autorité parentale dans ces zones reculées.
- 24 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
Ce manque de repères génère un éloignement et une rupture entre les générations qui se
retrouvent seules, chacune dans leurs doutes et leurs interrogations. Cela se définit chez
les parents par une perte du rôle parental en ne sachant plus réellement comment
répondre et accompagner leurs enfants dans leur éducation. Chez les jeunes, cette
situation les conduit à des prises de risques massives mettant leur santé physique et
psychique en danger. Ce phénomène est global et visible sur l’ensemble du territoire
mahorais.
Il existe une surpopulation dans les établissements scolaires et les besoins en termes de
prévention santé étaient et restent actuellement très conséquents. Cependant, plusieurs
associations de prévention santé en complémentarité de la maison des adolescents
interviennent au sein des établissements (IREPS, Association Rediab Ylang38, …).
Sans mettre fin aux actions mobiles à destination des jeunes scolarisés, il semble donc
important de pouvoir proposer une nouvelle stratégie d’intervention permettant aux jeunes
déscolarisés issus des zones d’habitation marginales de bénéficier d’actions de
prévention santé et de suivis individuels en cas de besoin.
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 25 -
2 ANALYSE STRATEGIQUE
39 ARS-OI, 2018
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 27 -
▪ de la promotion de la santé et la prévention tout au long de la vie : les démarches
de prévention doivent irriguer l’ensemble des actions menées, notamment celles
en direction des publics démunis afin notamment de prévenir et réduire les
conduites à risques.
▪ de la mobilisation des usagers et la place donnée à la santé communautaire : la
mobilisation des usagers pour leur santé sera recherchée à travers des approches
innovantes, qui viseront notamment à promouvoir les diagnostics portés par les
communautés, la pair-aidance et les démarches d’ « aller-vers » au plus près des
publics en difficulté ».
La préservation de la santé des jeunes passe par le « [développement des] compétences
psychosociales chez les jeunes », la « [réduction] des comportements à risque chez les
jeunes » et de « [la promotion de] l’accès à la santé des jeunes en situation de précarité
ou en difficulté d’insertion sociale ».
▪ pour renforcer la santé des adolescents et des jeunes adultes en difficulté avec :
- 28 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
▪ pour développer des interventions innovantes à destination des jeunes et soutenir
les acteurs et projets via :
Le programme pour l’accès à la prévention et aux soins des plus démunis a pour objectif
de poursuivre le développement de projets de prévention et de promotion de la santé
visant à contribuer à la réduction des inégalités. Les principaux besoins identifiés pour ces
populations sont la prévention et l’éducation pour la santé.
Sa mise en œuvre fait appel à trois principes dont deux qui correspondent totalement à la
réflexion de ce mémoire :
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 29 -
Le PRAPS prévoit également de renforcer les dispositifs d’ « aller-vers » pour intervenir
au plus près des lieux de vie des populations les plus précaires par :
Il favorise les actions de prévention des « rapports sexuels à risques » auprès des jeunes
de 12 à 25 ans en définissant plusieurs points tels que :
- 30 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
Vers une approche innovante
« Innover, c’est inventer, c’est produire de l’inconnu à partir du connu, c’est renverser ou
croiser les perspectives, c’est explorer les marges, les frontières, la diversité. Pas
d’innovation sans transferts, sans intersections, sans échange »42.
La stratégie d’intervention de la MDA « hors les murs » qui sera proposée est une forme
d’innovation dans la mesure où elle n’a jamais été pratiquée sur Mayotte.
Actuellement, nous sommes dépendants et dans l’attente des différents appels à projet
permettant de développer nos actions, et par extension l’offre de service du territoire. Il
est important de se rappeler des fondamentaux du rôle des associations et ainsi, dans la
mesure du possible, d’inverser le paradigme « Autorités de tarification/ Association en
Association/ Autorités de tarification ».
Les possibilités de développement de la MDA en lien avec les besoins repérés sur le
territoire de Mayotte sont bien présentes. Nous devons donc être force de proposition
pour assurer une pérennisation du service et son extension sur le territoire.
« Dans son guide pour l’innovation sociale paru en 2013, la Commission Européenne
prend la mesure de la dimension sociale de la crise économique actuelle et préconise le
recours à des solutions innovantes socialement : ’’Nous devons porter un regard neuf sur
les politiques sociales, sanitaires et de l’emploi, mais également sur l’éducation, la
formation et le développement des compétences, l’aide aux entreprises, la politique
industrielle, le développement urbain, etc., pour garantir une croissance durable sur le
plan écologique et social, des emplois et une bonne qualité de vie en Europe’’. (…). Dans
le guide déjà cité qu’elle consacre à ce thème, la CE entend par innovation sociale ‘’le
développement et la mise en œuvre de nouvelles idées (produits, services, modèles) en
réponse à des besoins sociaux et qui créent de nouvelles relations ou collaborations
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 31 -
43
sociales’’ . Les initiatives sociales doivent être « conçues par et pour la société », au
service de l’amélioration du bien-être »44.
▪ soit répondre à des besoins sociaux non ou mal satisfaits, que ce soit dans les
conditions actuelles du marché ou dans le cadre des politiques publiques ;
▪ soit répondre à des besoins sociaux par une forme innovante d’entreprise, par un
processus innovant de production de biens ou de services ou encore par un mode
innovant d’organisation du travail »45.
« Un projet innovant rencontre des demandes concernant des besoins non couverts (ou
très peu pris en compte) par les structures/services existants ou non prévus par les
cadres légaux existants »46.
Après avoir défini en préalable, les caractéristiques d’une partie de la jeunesse mahoraise
et les partenaires existants agissant sur les différents secteurs du territoire, les actions
mises en place au profit de cette population sont sporadiques.
La mise en place de la MDA « mobile » en 2011 représentait une innovation qui a fait
apparaitre ses limites dans l’accessibilité des territoires en lien avec les arrêtés
municipaux. Les choix d’implantation stratégiques de la précédente direction en accord
avec les municipalités ont favorisé les jeunes scolarisés et ont limité l’impact initialement
prévu sur la jeunesse en marge des dispositifs du droit commun.
Pouvoir développer une autre stratégie d’intervention de la MDA « hors les murs »
viendrait combler ce manque dans d’autres secteurs préalablement définis.
- 32 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
Est-ce que ces secteurs ne sont pas couverts ou sommes-nous dans l’ignorance
d’initiatives collectives au sein de ces différents milieux sortant des sentiers battus ?
Ces différents secteurs sont des secteurs oubliés de par la pression anti-migratoire où la
réponse première apportée et la répression et non la prévention.
Nous ne pouvons pas faire abstraction aujourd’hui de ces lieux isolés. Il est primordial de
les repérer et d’aller à leur rencontre afin de proposer à la population locale des solutions
adaptées à leurs besoins spécifiques.
« La prise de risque est envisagée à deux niveaux. Pour les bénéficiaires, le projet
innovant repose sur un pari, sur le possible, sur un droit à l’expérimentation et il permet
aux personnes de se confronter à leurs limites et d’oser ce que naturellement elles
s’interdiraient. Il est finalement question de lever certaines barrières et, d’une certaine
manière, certaines protections »47.
L’intervention de la MDA « hors les murs » doit permettre aux jeunes et aux familles de
sortir de ces zones d’habitation marginales et ainsi faciliter les liens entre l’extérieur et
l’intérieur.
« Pour les professionnels, la prise de risque concerne le refus d’entrer dans certaines
‘’cases’’ préétablies, le fait de proposer une nouvelle approche au sein d’un secteur, de
mobiliser de nouveaux acteurs improbables, d’ambitionner de travailler dans l’ ’’entre’’
secteurs, de développer des pratiques et des grilles de lecture nouvelles et originale »47.
La stratégie d’intervention de proximité dans les bangas et la malavoune est une prise de
risque dans le cadre d’une intervention non réalisée à Mayotte. Les initiatives se font
souvent aux abords des bangas, mais rarement au sein de ceux-ci.
« Le projet innovant repose sur une mobilisation d’acteurs et de secteurs différents pour
proposer une réponse nouvelle et adaptée. Il nécessite le développement de partenariats
sous des formes diverses, le recours à des disciplines et des pratiques d’horizons
différents, l’articulation d’interventions de divers acteurs. Le projet innovant peut reposer
également sur l’importation et/ou le croisement avec des pratiques en provenance
d’autres champs ou d’autres secteurs »47.
Comme présenté dans la première partie, le nombre d’acteurs agissant sur le territoire
mahorais auprès de la jeunesse reste embryonnaire quant aux besoins repérés.
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 33 -
Il existe une tendance à penser que les possibilités de relais dans le cadre d’une
continuité de prise en charge ne peuvent s’opérer qu’avec des acteurs du même secteur
professionnel. Il est récurrent d’entendre des phrases de type « pourquoi n’y a-t-il pas de
prévention spécialisée dans ces quartiers ? » ou encore « nous manquons de
dispensaires ». Il semble nécessaire de s’appuyer sur les richesses existantes de
Mayotte. Mais là encore, c’est à nous d’imaginer une forme de coconstruction avec des
partenaires venant d’horizons différents. Cela impliquerait de repenser notre forme
d’intervention et de respecter et de s’appuyer sur les us et coutumes de cette culture
singulière.
Selon Claude Lévi-Strauss (1949) : « Toute culture peut être considérée comme un
ensemble de systèmes symboliques au premier rang desquels se placent le langage, les
règles matrimoniales, les rapports économiques, l'art, la science, la religion. Tous ces
systèmes visent à exprimer certains aspects de la réalité physique et de la réalité sociale,
et plus encore, les relations que ces deux types de réalité entretiennent entre eux et que
les systèmes symboliques eux-mêmes entretiennent les uns avec les autres ».
Mayotte, territoire à majorité musulmane, avec ses croyances, ses langues, sa culture
orale ou encore sa conception de l’éducation et de la place de l’enfant, est empreinte de
ces valeurs qui parfois s’oppose à celle de la France métropolitaine. Dans ce contexte il
est indispensable de prendre en compte la dimension interculturelle pour pouvoir rendre
les interventions efficientes.
Depuis notre plus jeune âge, nous sommes tous porteurs d’une culture ; notre manière de
vivre et d’appréhender le monde est perçue à travers ce filtre culturel qui nous appartient
en tant qu’individu et en tant que société. C’est à travers notre empreinte culturelle que
l’on se différencie des autres individus. Comment pourrions-nous envisager que l’autre ne
reconnaisse pas nos particularités culturelles ?
« L’intérêt qu’on porte à sa culture (…), à sa coutume (…), a sans doute à ses yeux
autant de prix qu’une aide concrète (…). On y gagne non seulement une confiance plus
authentique et plus approfondie, mais aussi une relation plus symétrique où le migrant
- 34 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
n’est plus celui qui reçoit mais celui qui apporte quelque chose en faisant connaitre et
reconnaitre sa culture qui forme la trame de son identité sociale »48.
Nous pourrions prendre comme exemple le fait de ne pas accepter la signature d’un
projet personnalisé par la tante, l’oncle ou encore le grand parent d’un jeune. Alors, que la
notion de famille élargie à Mayotte est très importante, cela pourrait entrainer une
destruction du système familial en n’acceptant pas qu’une tante, qu’un frère ou une sœur
puisse représenter la famille.
Comme nous l’avons évoqué précédemment, Mayotte est marquée par une empreinte
culturelle forte et sa récente départementalisation vient en bouleverser ses fondements.
Nous pourrions nous interroger sur le rôle des associations et les attentes que l’on en a,
dans un contexte aussi particulier que celui que représente Mayotte.
Ethiquement, il est très important que le service ou l’établissement qui agit sur un
environnement vienne s’adapter à celui-ci. Nous avons trop tendance à penser que nous
détenons les solutions sans prendre garde aux conséquences négatives que pourraient
engendrer nos actions. C’est pourquoi, il est indispensable de ne pas calquer le modèle
métropolitain et de le reproduire à Mayotte.
La prévention sexualité chez les jeunes en est un exemple éloquent. En métropole, les
préservatifs sont facilement accessibles alors qu’à Mayotte, beaucoup de parents ne
veulent pas que les filles fréquentent la MDA de peur que l’on puisse inciter leurs filles à
avoir des relations sexuelles. Alors, bien sûr, il ne s’agit pas de ne plus privilégier la
prévention autour de la sexualité. Cependant, en prenant en compte les représentations
culturelles et cultuelles d’une population, nous multiplions les chances de réussite de nos
actions et impactons sur une plus large communauté.
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 35 -
Il ne s’agit donc pas de confronter deux cultures et de refuser en bloc des
fonctionnements qui nous sont totalement étrangers ou alors qui sont loin de nos repères,
mais bien de les conjuguer. En adoptant cette démarche, nous venons nous intégrer dans
un contexte en prenant en compte la particularité culturelle.
Ce phénomène d’acculturation doit être naturel et individuel. Il ne doit pas être amplifié
par nos actions. Ceci engendrerait un rejet de la part de la population et viendrait mettre à
mal, voire anéantir nos possibilités d’interventions. En rétablissant un équilibre dans la
perception de l’autre et la représentation de l’autre, nous serons d’autant plus légitimes et
efficaces.
« Il s’agit autant de connaitre la culture d’origine » des personnes « que de rechercher les
formes de transition, de compromis ou d’ambivalence culturelle dans leur processus
d’acculturation, pour éviter une approche de tout ou rien : d’un côté culture d’origine, de
l’autre pays d’accueil, qui projette sur autrui une identité unidimensionnelle et réductrice
dans laquelle il ne se reconnait pas »50.
Ce que l’on s’accorde à penser sur l’intervention des services et des professionnels qui
doivent s’adapter au contexte dans lequel ils évoluent doit s’appliquer également dans la
manière de manager une équipe mixte. Effectivement, l’équipe de la MDA est composée
de professionnels mahorais et de professionnels métropolitains. Nous pourrions penser
que le fait de travailler dans le même service avec des objectifs précis suffit à créer une
cohésion de réflexion et d’équipe. Mais ce à quoi sont confrontés, à travers la dimension
culturelle, les professionnels dans leur rapport aux jeunes et à leurs familles, s’impose
également à nous en tant que directeur d’un service ou d’un établissement dans la
gestion des ressources humaines.
Le cliché latent dans le milieu professionnel serait que les métropolitains apportent la
technicité de l’intervention et que les mahorais apportent la connaissance et l’éclairage
sur la compréhension culturelle.
- 36 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
Force est de constater que la réalité est toute autre et qu’il est nécessaire, dès son arrivée
sur le territoire, de déconstruire ses certitudes pour pouvoir être le plus objectif possible et
ainsi se laisser la possibilité d’observer et de comprendre.
Pour assurer une cohésion d’équipe, une réflexion commune, il faut là aussi conjuguer
avec les apports des uns et des autres. La communication revêt toute son importance ;
elle permet de s’assurer que tout le monde adhère à la méthode dans le respect de
chacun.
L’exiguïté du territoire peut engendrer des répercussions très négatives sur les
professionnels (familles, amis, etc.) si la méthode d’intervention ne s’adapte pas à la
réalité culturelle et n’en respecte pas les fondamentaux. Il est alors possible d’imaginer
l’ensemble des conséquences personnelles que cela peut engendrer lorsque la
reconnaissance passe par la considération communautaire.
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 37 -
Ainsi, la lecture de l’ensemble des actions à mener pour faire fonctionner un service ou un
établissement est impacté par les spécificités culturelles.
L’expression « seul, on va plus vite ; ensemble, on va plus loin », utilisée à tout propos,
est cependant porteuse de sens. Afin que nos interventions portent leurs fruits rapidement
et permettent d’avoir la possibilité de présenter des chiffres positifs à l’autorité de
tarification, il apparait nécessaire de penser nos missions dans le temps. Le temps est
une notion dans le management interculturel qu’il est nécessaire de prendre en compte.
« Les attitudes par rapport au temps » ont souvent été présentées « comme une source
majeure de diversité à travers les cultures. (…). Dans de nombreuses cultures orientales,
africaines, océaniennes, la vision traditionnelle du temps est cyclique. Si ‘’maintenant’’ est
perdu, il ne se pose pas de nouveaux problèmes, car demain l’instant se produira à
nouveau »52.
Si nous souhaitons découvrir, observer, comprendre une société, il faut se donner les
moyens de pouvoir le faire.
Si nous voulons avoir un effet sur la communauté, nous devons nous y trouver et en faire
partie également.
- 38 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
Il est important de conserver et de s’appuyer sur les liens préexistants entre les
différentes personnes pour favoriser l’impact et la compréhension de nos actions :
« Rejoindre les personnes là où elles se trouvent, moduler et adapater les stratégies
d’intervention en fonction des caractérisitques propres à chaque milieu et non le contraire
(…), faire équipe avec les ressources du territoire »53.
Il ne s’agit donc pas de faire venir les personnes à nous, mais bien d’aller à la rencontre
du public et d’évoluer dans le contexte dans lequel il vit.
Cela pourrait nous paraitre évident, mais dans les faits, cela ne l’est pas. Un professionnel
de la MDA de Mayotte me faisait part d’un exemple assez révélateur de l’intervention de
la mobile sur le territoire de Petite Terre pour une action de prévention sexualité autour de
la présentation des risques d’IST. Une maman était venue à leur rencontre en les
sommant de partir parce qu’il était hors de question que ce sujet soit évoqué dans son
village et que ses enfant puissent participer à ce type d’intervention. Après de longues
minutes d’échaffourés et un attroupement de plus en plus conséquent de la population
locale, les professionnels de la MDA « mobile » étaient sur le point de quitter les lieux.
Mais la venue de l’Imam54 de la mosquée de proximité qui voulait également comprendre
ce qu’il se passait a totalement renversé la situation. Après avoir échangé avec les
professionnels, il a pu communiquer avec les parents présents et en quelques secondes,
la situation s’est apaisée et des échanges ont pu avoir lieu. Ce type d’exemple n’est pas
isolé ; il est la preuve que la compréhension d’un milieu et de son fonctionnement est
indispensable pour pouvoir y intervenir de manière adaptée et efficace.
Il est à noter également, dans leur présentation, trois axes d’interventions qui me
paraissent indispensables et en totale adéquation avec mes souhaits d’intervention de la
maison des adolescents : « la compréhension du territoire, l’intervention en proximité et la
gestion de l’intervention de proximité ».
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 39 -
L’intervention en proximité se définit par « l’insertion dans le milieu, assurer une présence
et une proximité relationnelle, la mise en réseau des citoyens et la favorisation de
l’empowerment55 des citoyens » 56.
Penser que les ressources ne seraient représentées que par la technicité des
professionnels serait réducteur. Il s’agit bien de conjuguer les ressources des uns et des
autres, de faire émaner et de consolider les rôles de chacun afin de co-construire une
réponse ou des réponses prenant en compte l’ensemble.
Nous avons suffisamment insisté sur l’importance des ruptures familiales pour ne pas
participer à l’amplification de ce phénomène en voulant sortir les personnes de leur
contexte de vie.
C’est dans ce cadre là que la maison des adolescents « hors les murs » devrait intervenir
pour être au plus près de la réalité des problématiques et assurer l’appropriation par les
pairs des questions de prévention auprès des jeunes.
Pluridisciplinarité et interdisciplinarité
La maison des adolescents est composée d’une équipe pluridisciplinaire alliant l’éducatif,
le thérapeutique et le médical. C’est une vraie richesse sur laquelle nous devons nous
appuyer. Effectivement, les difficultés de recrutement sur le territoire mahorais renforcent
l’idée que la maison des adolescents est actuellement bien dotée en professionnel
d’horizons différents. Cela nous permet d’assurer une prise en charge globale avec des
regards croisés.
Mais le simple fait d’avoir une équipe pluridisciplinaire ne suffit pas à en assurer
l’efficience et l’efficacité de son fonctionnement.
55« Autonomisation : octroi de davantage de pouvoir à des individus ou à des groupes pour agir
sur les conditions sociales, économiques, politiques ou écologiques auxquelles ils sont
confrontés » (Wikipédia).
56 Morin et al., 2017.
- 40 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
« Chacun d’entre nous sait bien que l’on peut être efficient sans être efficace ou être
efficace sans être efficient. L’efficacité s’évalue en fonction des résultats obtenus ; elle est
en rapport avec les objectifs à atteindre. L’efficience, en revanche, s’intéresse à la
mobilisation des ressources et à leur utilisation optimale en fonction des résultats
attendus »57.
« Dans un travail pluridisciplinaire, plusieurs disciplines sont réunies sans qu’il soit tenté
d’intégrer ou de synthétiser collectivement l’information. Les spécialistes travaillent sur
divers aspects de la même problématique. Il en résulte en général une simple
juxtaposition des données produites dans chaque discipline »58.
A Mayotte, les savoirs apportés par les différentes disciplines sont métropolitains et donc
fondés sur des repères différents ; Ainsi, travailler en synergie avec d’autres nécessitent
de reconnaître les compétences des uns et des autres au-delàs des connaissances et
repères scientifiques.
Ces deux formes de travail, si semblables dans la composition d’une équipe sont pourtant
totalement opposées dans la manière de percevoir les objectifs et la manière d’y parvenir.
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 41 -
D’après Sellamna60, les conditions de réussite du travail interdisciplinaire consistent à :
- 42 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
Nous sommes et serons encore confrontés pendant quelques années à un turn-over
importants de la part des métropolitains. Nous devrons conjuguer avec ce phénomène
afin de tendre vers une interdisciplinarité de l’équipe de la maison des adolescents.
Il est important de replacer le public visé au centre de la prise en charge et ainsi définir,
en lien avec les familles, des objectifs communs dans lesquels chacun pourra s’inscrire.
« Il est vital au sein d’une équipe efficace d’identifier les contributions de chaque
discipline, les compétences individuelles, et par conséquent de programmer et de répartir
les tâches »63.
Ainsi, ne pas partir du postulat que l’autre est « en capacité de », au risque d’être dans
une attente engendrant frustration et dépréciation, permet de considérer
l’interdisciplinarité, non comme une fin en soi, mais comme condition à l’innovation
éducative.
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 43 -
L’innovation éducative est au même titre à considérer, non comme une finalité mais,
comme une possible réponse aux défis énumérés en adéquation avec les politiques
publiques territoriales.
La conduite du changement
Au même titre que la population mahoraise, même si le changement est censé être perçu
comme une notion de progrès, il est nécessaire d’accompagner les professionnels dans la
dynamique de changement et ne pas l’imposer brutalement. En l’imposant, ce qui devrait
normalement améliorer la qualité des actions de la MDA « hors les murs », pourrait
entrainer l’effet contraire à travers une démotivation des professionnels et une non
adhésion au projet.
« Lorsque les individus adhèrent à un projet, ils se mettent en situation de production. Ils
bâtissent des diagnostics de l’existant, envisagent des solutions et mettent en place des
pratiques innovantes »64.
Je veillerai également à respecter ces différents points pour mener à bien la nouvelle
stratégie d’intervention de la MDA « hors les murs » et de son impact sur la population
dans les secteurs définis.
- 44 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
« La conduite du changement est un ensemble de méthodes et d’outils [mis en œuvre]
pour faire adhérer des bénéficiaires aux objectifs d’un projet. La conduite du changement
se matérialise par la réalisation d’une phase de diagnostic, de déploiement de leviers
(étude d’impacts, plan de communication et plan de formation) et de pilotage du
changement »65.
Conclusion
Au vu de l’urgence sanitaire de certains secteurs géographiques, la MDA doit pouvoir
proposer, à travers la MDA « hors les murs », une stratégie d’intervention permettant
d’accéder aux jeunes les plus en marge.
Ses quartiers reculés sont également au cœur des différentes politiques publiques
territoriales et ainsi viennent conforter mon choix de vouloir réadapter les actions de la
maison des adolescents « hors les murs ». En accord avec les autorités de tarification,
nous aurions la possibilité, en présentant une méthode innovante d’intervention, de
renforcer la pérennisation des financements à travers la signature de plans pluriannuels.
En définissant une nouvelle stratégie d’intervention de la MDA « hors les murs », il est
essentiel d’être au plus près des besoins du public en y intégrant les concepts
d’interculturalité et d’interdisciplinarité.
Innover dans l’univers des sciences, des techniques et de l’éducation, c’est concevoir des
dispositifs de recherche et de formation à la fois inscrits dans les cadres culturels et
disciplinaires et indépendants des cultures et des disciplines. C’est peut-être l’unique
manière de dépasser les blocages actuels. De même que l’innovation constitue une
alternative à la rhétorique du progrès, l’interdiscipline et l’interculture peuvent combler les
territoires abandonnés par les disciplines et les cultures instituées »66.
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 45 -
3 ADAPTER LE FONCTIONNEMENT ET L’ORGANISATION DE
LA MDA « HORS LES MURS » POUR AGIR SUR LA JEUNESSE
CIBLEE
3.1.1 Le projet
Afin de pouvoir être au plus près de la jeunesse en dehors des dispositifs du droit
commun et ainsi lui faire bénéficier des actions de prévention santé de la maison des
adolescents « hors les murs », nous devons imaginer une autre stratégie d’intervention.
En modifiant l’intervention de la MDA « hors les murs », nous pourrons ainsi permettre à
la MDA de proposer des actions de prévention santé à destination des deux populations
jeunes repérées (scolarisée, non scolarisée).
Il ne s’agit pas de proposer d’autres missions mais bien d’en modifier son fonctionnement
en modifiant la stratégie d’intervention. L’objectif est de réajuster l’intervention de la
maison des adolescents « hors les murs » en plaçant son intervention au cœur des
endroits les plus isolés et les moins accessibles (zones d’habitation marginales), tout en
respectant les concepts préalablement développés (interculturalité et interdisciplinarité).
Afin de privilégier la proximité, des secteurs d’intervention seront définis.
Le cahier des charges national des MDA stipule que « la mobilité des équipes travaillant
au sein des maisons des adolescents est fortement recommandée. Elles s’organisent
pour pouvoir aller au-devant de certains adolescents en fonction des besoins repérés ».
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 47 -
La communication interne et externe
Des temps d’échanges seront organisés afin que chacun puisse s’exprimer et faire part
de ses questionnements. Des réunions collectives et des entretiens individuels seront
également proposés à l’ensemble des collaborateurs.
Ce mode d’intervention de proximité, même s’il est souhaitable, peut engendrer des
réticences de la part des professionnels et beaucoup d’inquiétudes en fonction du climat
social, parfois instable à Mayotte (périodes de décasage, etc.). Il est important de prendre
ces faits en considération.
La communication, tant au sein des équipes qu’au niveau des partenaires, se traduira par
différentes réunions :
▪ en interne :
▪ en externe :
Les rencontres seront organisées telles que présentées dans le Tableau 1 ci-après.
- 48 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
Structure de
Cibles Qui anime ? Objectifs & Messages Périodicité
communication
Présentation du
Présidence Avant le début
Direction Générale diagnostic, enjeux et
Association risques, plan d’action, de l’action
plan de communication,
RDV, courriers
éléments d’évaluation,
Direction avancement du projet Tous les
Directeur et des réajustements
Générale trimestres
éventuels
Avant le
Sectorisation,
commencement
Mairies Directeur évaluation de RDV, courriers
du projet et tous
l’intervention
les semestres
Adhésion et
collaboration, point sur
Chef de service Directeur les indicateurs RH, Bi mensuelle Réunions cadres
activité et avancement
et étapes de l’action
Sensibiliser, rassurer,
Réunions de
Chef de service fédérer, impliquer, Hebdomadaire
fonctionnement
enjeux et risques
Information, impliquer,
Direction Générale climat social, retour Au début du Réunions
CSE d’analyse en matière de projet et tous les Conseil Social
Directeur santé, de sécurité et des 6 mois Economique
conditions de travail
Information, dialogue,
Au début du
partenariat, avancée du Courriers,
Directeur projet et tous les
ARS, CSSM, projet et évaluation des rencontres
semestres
Conseil besoins
Départemental,
Préfecture Annuellement
Négociation CPOM et Conférence des
Préfecture (convocation
suivi CPOM acteurs
Préfecture)
ARS, CSSM,
Conseil
Départemental, Directeur Bilan activité, validation Tous les
COPIL
Délégué du Chef de service du COTECH semestres
préfet, CHM,
Mairies
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 49 -
Structure de
Cibles Qui anime ? Objectifs & Messages Périodicité
communication
Partenaires
opérationnels
(associations du Chef de service
Information, dialogue,
secteur, 1 représentant de partenariat, avancée du Tous les
représentants l’équipe par pôle COTECH
projet et évaluation des trimestres
religieux…) et (thérapeutique, besoins
institutionnels éducatif, médical)
(CHM, Education
Nationale…)
Adhésion, Information,
Mairie des Directeur partenariat, présence et Au début du Courriers,
communes signataire du Conseil projet et tous les rencontres,
concernées Chef de service Local Sécurité semestres CLSPD
Prévention Délinquance
Les communes où se trouvent les permanences de la MDA « hors les murs » avaient été
définies en fonction des grandes zones de population. Il ne s’agit donc pas de quitter
l’ensemble des communes sur lesquelles nous intervenions, mais d’en réduire le nombre.
Après un échange avec l’équipe de la MDA, les deux communes retenues sont Koungou
et Bandrélé (cf. carte en Annexe 3). Ce choix s’est porté sur ces deux communes pour
deux principales raisons.
- 50 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
Premièrement, il est nécessaire d’obtenir l’adhésion des communes à notre nouvelle
stratégie d’intervention au sein des zones d’habitation marginales. En connaissant les
relations que peuvent entretenir les différentes municipalités avec les ressortissants
comoriens, il semble indispensable de ne pas se confronter aux mairies sur un sujet aussi
délicat. Les municipalités de Koungou et de Bandrélé travaillent depuis longtemps en
partenariat avec l’association Mlezi Maore, ce qui facilite nos possibilités d’actions. A ce
titre, nous n’aurions pas pu agir aussi facilement sur les autres communes.
J’organiserai des rendez-vous avec les maires des différentes communes afin
d’officialiser nos choix d’interventions. Cet échange sera également l’occasion de mettre
fin aux permanences dans un premier temps. Afin de favoriser l’adhésion des
municipalités dans le choix des secteurs, nous nous appuierons sur des domaines
stratégiques présents dans les orientations politiques des collectivités tels que la sécurité
et la prévention santé (CLSPD).
Pour légitimer notre mode d’intervention au sein de la commune, nous formaliserons notre
partenariat à travers une convention bipartite.
La seconde raison ayant orienté notre choix sur ces deux communes correspond à
l’importante densité de population au sein des zones d’habitation marginales présentes.
En effet, ces secteurs correspondent aux lieux d’arrivée des kwassa kwassa.
Par la suite, nous réaliserons un diagnostic précis des deux zones d’intervention au sein
desquelles nous allons intervenir. A la différence du diagnostic global établi en première
partie, il nous permettra d’affiner le nombre de jeunes et de familles présent, les
personnes ressources et les besoins en termes de prévention santé. Il aura comme
objectif d’adapter notre mode d’intervention et les outils nécessaires à la prévention et à
l’accompagnement des jeunes et de leur famille ou proches.
Pour rappel, « le but d’un diagnostic social est d’arriver à avoir une vision d’ensemble
critique et rationnelle : un état des lieux concret et précis pour cibler les actions
envisagées. (…). Il s’agit de regrouper les demandes, besoins, envies, problèmes
apparents et d’en faire une sorte de base de données »67.
Afin d’établir un diagnostic, il est nécessaire de se rendre sur les secteurs repérés. Nous
devons au préalable nous appuyer sur les personnes ressources du territoire et créer un
lien de confiance avec celles-ci pour qu’elles puissent nous intégrer dans ces zones
reculées et ainsi procéder au diagnostic.
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 51 -
Au-delà de la population vivant dans ces zones, je me rapprocherai du cadi et du fundi68
agissant dans ces villages.
Les représentants religieux (cadis, fundis, imams) revêtent un rôle très important,
notamment par rapport à la valeur accordée à leurs propos, leurs décisions et leur place,
tant dans les décisions intrafamiliales, que dans les décisions prises dans la
communauté. Si nous obtenons leurs adhésions, ils faciliteront l’acceptation des villageois
à nous voir intervenir et pourront favoriser l’échange.
Il serait dans un premier temps, de bon augure, qu’ils puissent nous accompagner.
La maison des adolescents ne peut pas remplir ses missions sans s’appuyer sur un
réseau partenarial solide et étoffé.
Pour pouvoir réajuster son champ d’action et devenir la plus opérationnelle possible, il
semble important de redéfinir le partenariat et ceux qui le composent.
Les partenaires actuels sont les différents acteurs sociaux (associations, etc.), éducatifs
(Education Nationale, etc.) et médicaux (CHM, dispensaires, etc.) en agissant chacun à
son niveau de prises en charge.
En 2011, un guide d’aide à l’action en éducation pour la santé, intitulé « Agir auprès des
publics mahorais », réalisé par l’IREPS Réunion en collaboration avec l’IREPS Mayotte, a
soulevé dans sa fiche action n°5 liée à la « sensibilisation à la parentalité », qu’il avait été
très difficile de mobiliser les parents du fait que ceux-ci avaient été associés uniquement
aux groupes de paroles mais pas aux groupes de travail.
68 Maitre religieux.
- 52 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
3.1.3 La formalisation du partenariat
Afin d’assurer la cohérence du projet et l’adéquation avec les autres acteurs du territoire,
il est important de mettre en place un comité technique qui réunira les partenaires
principaux et les personnes ressources des secteurs (représentants religieux, …)
Il sera donc composé des partenaires principaux tels que l’Education Nationale, le CHM,
la Croix Rouge, des familles, etc.
Des rencontres trimestrielles seront organisées avec l’ensemble des partenaires afin de
créer une vraie dynamique partenariale et une communication des actions de la maison
des adolescents « hors les murs ».
Afin de valider les grandes étapes du projet, nous mettrons en place un COPIL que
j’animerai et qui réunira trimestriellement les autorités de tarifications (ARS, Conseil
Départemental, Préfecture, CHM) et les représentants des collectivités territoriales.
Au-delà de valider l’avancée du projet, les acteurs institutionnels doivent être partie
prenante dans le nouveau fonctionnement de la maison des adolescents. En
communiquant sur nos actions, nous les sensibiliserons au mode d’intervention, aux
difficultés rencontrées et à la réalité financière d’un tel projet. Si notre mode d’intervention
s’avère pertinent et efficace dans les zones les plus reculées, nous aurions toute la
confiance de nos interlocuteurs et cela faciliterait considérablement la négociation de
budgets complémentaires.
Pour rappel, le CLSPD « est créé par le décret du 17 juillet 2002 et consacré par l’article 1
de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance qui le rend obligatoire
« dans les communes de plus de 10 000 habitants et dans celles comprenant une zone
urbaine sensible »69.
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 53 -
Déployés en 2013 sur 15 communes de l’île de Mayotte, les CLSPD représentent « le
cadre de concertation sur les priorités de la lutte contre l’insécurité et la prévention de la
délinquance dans les communes » et sont présidés par les maires.
L’association Mlezi Maore, étant la plus grande association de Mayotte et représentée sur
l’ensemble du territoire, est souvent associée à cette instance.
Nous devrons, avec l’accord des Maires des communes participer à leur construction et à
leur mise en place, et en être signataire.
Notre investissement au sein des municipalités, notre impact au sein du CLSPD et notre
engagement dans la politique de la ville favoriseront également nos négociations avec la
délégation du préfet « politique de la ville » dans le cadre des fonds du CGET.
La mise en œuvre
La préparation de la transition est une étape dans la mise en place d’un processus de
changement. Une évolution trop rapide pourrait être perturbante pour les professionnels
comme pour les partenaires. Afin de pouvoir se projeter dans l’avenir et ainsi mesurer
l’avancée de l’action, chacun doit pourvoir trouver ses repères temporels et avoir des
échéances. La réalisation d’un diagramme de Gantt permet d’avoir une vraie lisibilité des
actions à mener dans des temps déterminés (Tableau 2, en page 55).
- 54 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
Année 2019 2020 2020
01/12/2019 septembre
01/02/2019 novembre
01/03/2019 décembre
01/02/2020 novembre
01/03/2020 décembre
octobre
octobre
janvier
février
janvier
février
juillet
mars
mars
août
avril
juin
mai
Mois
01/10/2019
01/04/2019
01/05/2019
01/06/2019
01/07/2019
01/08/2019
01/09/2019
01/10/2019
01/11/2019
01/01/2020
01/04/2020
01/05/2020
01/06/2020
Date
²
Formations 02/03/2020 06/03/2020
Sensibilisation culture
02/12/2020 04/12/2020
mahoraise
Réunions
salariés/CDS/Directeur
Réunions CSE
Réunion Maires
Tableau 2 : Diagramme de Gantt pour la transition du fonctionnement de la MDA « hors les murs »
Nous prévoyons via le chef de service de définir un planning des différentes interventions
des professionnels dans les secteurs déterminés. Un premier programme sera mis en
place pour établir le diagnostic auquel toute l’‘équipe participera. Le chef de service se
rendra une fois par semaine sur les secteurs pour évaluer la situation avec l’équipe. Les
professionnels fonctionneront en binôme mixte, homme/femme et métropolitains/mahorais
(selon nos possibilités dans un premier temps). La mixité favorisera les liens avec les
hommes et les femmes qui culturellement communiquent très peu avec une personne de
l’autre sexe.
Le diagnostic nous permettra d’évaluer précisément les besoins et ainsi d’adapter nos
outils de communication de prévention santé.
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 55 -
Un deuxième calendrier sera réalisé pour l’intervention des professionnels dans le cadre
des actions de prévention à dispenser. Les binômes de professionnels seront redéfinis
après cette « période diagnostic » afin de composer des équipes en adéquation avec les
besoins. Leur composition évoluera régulièrement tout au long de l’année.
Il est indispensable de rédiger le projet de service de la MDA pour évaluer et cadrer son
champ d’intervention et définir ses modes d’actions. Il sera l’occasion de pouvoir
formaliser à travers l’écriture du projet de service, la nouvelle intervention de la maison
des adolescents « hors les murs ». Cela permettrait de développer et de formaliser la
nouvelle méthodologie d’intervention de la MDA « hors les murs ». Nous y développerons
les perspectives d’avenir et de développement à travers l’extension de nos actions sur
d’autres secteurs de l’île. Nous formaliserons nos intentions de sensibiliser les
professionnels et les organismes de formation en partageant notre expertise de
l’intervention de proximité. Nous développerons également les concepts et l’impact de la
spécificité de l’intervention interculturelle et de l’interdisciplinarité.
Pour les partenaires, il s’agirait d’avoir une lisibilité sur le fonctionnement de la MDA et
d’assurer un fonctionnement en cohérence avec l’ensemble des acteurs du territoire.
La participation des parents à la réflexion du projet de service serait pour eux une
reconnaissance et soulignerait l’importance d’une collaboration incontournable. Le projet
de service sera alors en totale adéquation avec la réalité et les attendus des familles.
- 56 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
Pour les parents et les adolescents, cette démarche serait associée à un moment
privilégié de parole intergénérationnelle lié à la prévention santé, au sein d’un cadre
formalisé de travail.
« Le changement passe d’abord par la mobilisation d’une équipe en vue de franchir les
rapides sans tangage excessif. D’où l’importance de la formation, qui est un gage
d’ouverture, d’adaptation, d’interrogation. Qu’elle soit en interne ou externe, la formation
permet de relancer une réflexion qui, souvent, s’est arrêtée à la fin de la formation
initiale »70.
Pour ces formations, nous devrons entrer en contact avec des organismes de la Réunion
ou de métropole, faute de possibilité sur le territoire de Mayotte.
Concernant l’intervention interculturelle, nous pourrions nous orienter vers une formation
du même type que celle dispensée en 2017 par le Pôle Régional de Compétences de
Mayotte en promotion et éducation pour la santé sur le thème de « l’interculturalité et la
santé ».
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 57 -
« Les compétences visées étaient :
Selon les moyens alloués dans le cadre de la formation, je ferai le choix de positionner au
minimum un professionnel de chaque corps de métier (thérapeutique, médical et
éducatif). Au moins un professionnel par binôme participera à la formation.
Il est important que cette personne soit extérieure à l’association, voire même du territoire.
La neutralité de son regard n’influencera pas son intervention. Cela permettra de
renforcer les liens interprofessionnels et de favoriser la cohésion d’équipe.
De par l’éloignement de l’intervenant, les temps de supervision auront lieu tous les 2
mois.
Selon les besoins des professionnels et en accord avec l’intervenant, cette supervision
d’équipe pourra prendre deux formes différentes.
La première aura pour objectif de permettre à l’équipe d’échanger sur son fonctionnement
et ses dysfonctionnements (analyse de la pratique professionnelle). La nécessité
d’échanger sur les réussites et les échecs, les difficultés, les incohérences et la posture
- 58 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
de chacun est indispensable à une équipe pour qu’elle assure une intervention cohérente
et efficace.
La seconde pourra prendre la forme d’un appui et d’un soutien clinique dans le cadre de
situations critiques rencontrées lors des interventions. Les professionnels de terrain,
souvent confrontés au quotidien à des situations difficiles, peuvent quelquefois manquer
de recul. Un regard extérieur est parfois nécessaire pour débloquer des situations
complexes.
Avant chaque rencontre, je prendrai contact avec l’intervenant, en accord avec les
besoins repérés par l’équipe et le chef de service, afin de lui permettre d’adapter ses
interventions.
Le service pourra être fermé pendant les temps de formation selon le nombre de
professionnels y participants.
Le management
Le management est la pierre angulaire du bon fonctionnement d’un service ; il définit à lui
seul l’ambiance d’un service et la santé de celui-ci.
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 59 -
Je procéderai également avec le chef de service à des entretiens individuels de
l’ensemble des collaborateurs afin de mieux connaitre leur positionnement personnel
quant à l’évolution du service.
A ce titre, nous réadapterons également les fiches de poste de chacun des professionnels
pour que l’ensemble des nouvelles missions y soient décrites. Nous y intégrerons les
compétences requises à cette nouvelle méthodologie d’intervention.
Je participerai également à des réunions de service tous les deux mois avec l’ensemble
des professionnels pour communiquer sur l’avancée du projet et faire un retour des
différentes réunions institutionnelles auxquelles j’aurai participé. Cela permettra à l’équipe
d’avoir une vision claire quant à nos obligations, nos possibilités d’avancée et d’évolution.
Dans le cadre de mes missions de directeur, j’ai l’obligation d’assurer la sécurité des
professionnels sur leurs lieux de travail. Pour ce faire, nous prendrons des mesures
adaptées.
Dans un premier temps, la notion de binôme devra être respectée. Aucun professionnel
ne pourra intervenir seul dans les secteurs.
Je prendrai également contact avec la gendarmerie des différentes communes pour les
informer de nos temps d’interventions dans les différents secteurs.
- 60 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
La logistique
La notion de service mobile induit peu de logistique en comparaison à une structure ; pour
autant, il nécessite une intendance et des outils adaptés qui sont à penser dans
l’organisation du service.
Nous disposons actuellement d’un camion aménagé pour les actions collectives de
prévention. Nous veillerons à adapter le véhicule de telle sorte que l’on puisse mener des
entretiens individuels.
Les outils de prévention liée à la santé devront être réadaptés ; ils devront être
transportables et légers.
Evaluation de l’action
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 61 -
Aussi, à partir d’un outil informatique diagnostic de suivis annuel réalisé par les
professionnels, en lien avec le service informatique de l’association, il s’agira de mettre en
lumière :
L’évènement indésirable sera traité par le biais d’actions curatives (traitement immédiat)
mises en place par le chef de service et validée par le directeur. Il sera traité de manière
corrective (analyse des causes pour éviter la réapparition de l’évènement indésirable)
dans le cadre de la cellule bientraitance mise en place pour l’ensemble de l’association.
La cellule se réunit tous les semestres mais peut être mobilisable sur des situations
critiques à traiter en urgence.
- 62 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
Perspectives
Il est aujourd’hui très complexe de se procurer des chiffres sur la jeunesse de Mayotte et
sur ces problématiques ; beaucoup d’estimations sont évoquées mais très peu d’études
quantitatives et qualitatives fondées sont disponibles.
La réalisation d’une enquête sur la jeunesse provenant des différents secteurs dans
lesquels nous allons intervenir permettra d’obtenir et traiter un maximum de données.
Nous nous appuierons sur les différentes institutions (CHM, Mairies, etc.) et prendrons
notamment contact avec l’ARS afin de bénéficier de leur expertise par le biais d’un travail
en collaboration avec leur service statistique.
Les interventions de la MDA au sein des zones d’habitations marginales doivent nous
permettre de repérer et d’analyser les problématiques adolescentes propres à ces
secteurs. Nous avons défini, en corrélation avec nos moyens, deux secteurs
d’intervention. Cependant, il existe une multitude de zones isolées sur l’ensemble du
territoire, toutes aussi peu connues les unes que les autres.
La MDA à travers ces actions devra pouvoir quantifier et analyser les problématiques
adolescentes. C’est pourquoi, cette enquête devra permettre d’avoir une lisibilité sur ces
secteurs.
Elle sera coconstruite avec les jeunes, les familles et les partenaires. Afin de faciliter la
réalisation de cette enquête, nous veillerons à détacher un stagiaire DEIS, en
collaboration avec l’IRTS de la Réunion, qui participera à la coordination et à la réalisation
de celle-ci. Sa mise en forme sera également mise en œuvre par le service statistique de
l’ARS.
Cette enquête aura comme objectif de sensibiliser les autorités sur les besoins de la
jeunesse à Mayotte et de pouvoir proposer des plans d’action. Nous la reconduirons
annuellement la transmettrons aux partenaires financeurs, institutionnels et opérationnels.
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 63 -
Sensibilisation des professionnels
Dans le cahier des charges national, les MDA doivent également s’adresser aux
professionnels qui interviennent auprès de la jeunesse. La MDA fera donc part de son
analyse des problématiques rencontrées par la jeunesse à Mayotte en privilégiant des
rencontres régulières avec les partenaires pour leur faire part des résultats de l’enquête et
de la démarche adoptée.
Nous nous rapprocherons organismes de formation pour sensibiliser les étudiants et les
organismes de formation à la stratégie d’intervention nouvellement adoptée par la MDA.
Nous planifierons en lien avec les organismes de formation des interventions de
professionnels de la MDA afin de présenter la stratégie d’intervention et son impact dans
les secteurs isolés.
Pour ce faire, nous nous rapprocherons de l’IRTS Réunion (antenne de Mayotte) pour
intervenir dans le parcours de formation des promotions d’éducateurs spécialisés, de
moniteurs éducateurs et d’assistante sociale (seules formations mises en place à Mayotte
actuellement). Nous pourrions également participer, en lien avec l’IRTS, à la définition de
certains modules des formations à venir (CAFERUIS, DEIS).
Depuis sa création en 2018, les thématiques sont la santé sexuelle, les addictions,
l’alimentation et l’activité physique et l’hygiène bucco-dentaire.
A ce titre, les professionnels de la MDA sensibiliseront les étudiants sur les besoins
repérés sur les différents secteurs afin qu’ils puissent coconstruire des outils adaptés à
aux besoins et respectueux des codes culturels et cultuels.
Nous formaliserons nos partenariats avec les organismes de formation par des
conventions opérationnelles et des conventions de stage pour les étudiants.
Nous veillerons également à animer des colloques et des conférences pour sensibiliser
les professionnels et le grand public. Pour ce faire, nous intégrerons des pairs et des
parents dans les interventions afin d’être en adéquation de notre démarche d’intervention.
- 64 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
3.3.2 Vers une pérennisation et un développement de l’action
Financement
Comme nous avons pu le voir en amont, le financement de la MDA reste fragile et il est
indispensable de l’assurer pour pérenniser l’existence de la MDA et son développement.
A ce titre, il est impératif d’être transparent dans nos actions et faire part régulièrement à
nos financeurs de l’impact de celles-ci.
Le CPOM actuel signé avec l’ARS garanti des financements jusqu’en 2021 pour assurer
un fonctionnement de la MDA « fixe ».
L’ARS qui jusqu’à présent est ARS Océan Indien (délégation de la Réunion et délégation
de Mayotte) deviendra à partir de janvier 2020, ARS Mayotte. Une nouvelle direction de
l’ARS Mayotte prendra ses fonctions prochainement. Dès son arrivée sur le territoire, ma
DG se mettra en relation avec elle pour échanger sur les différents services de
l’association portés par l’ARS, dont la MDA.
A moyen terme, il s’agira de pouvoir bénéficier de fonds supplémentaires pour étendre les
actions de la MDA sur d’autres secteurs. Idéalement, il serait intéressant d’intervenir sur
deux autres secteurs à la fin de l’année 2020 et tendre progressivement sur une présence
étendue à l’ensemble du territoire mahorais.
Protocole recrutement
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 65 -
C’est pourquoi, à court terme, nous devons mettre en place un protocole de recrutement
en lien avec le service RH pour faciliter les embauches et les remplacements des
professionnels. Effectivement, nous devons directement démarcher dans les écoles et
devenir assez attrayant pour donner aux professionnels l’envie de venir nous rejoindre à
la MDA. Je compte également sur le mode d’intervention de proximité qui peut intéresser
des professionnels sur le territoire mahorais.
Par ailleurs, il est important de pouvoir sensibiliser les financeurs sur la difficulté de
recrutement et ainsi, faciliter la formation des professionnels mahorais en dehors du
territoire (France métropolitaine, île de la Réunion).
Conclusion
Ne s’adressant jusqu’alors principalement qu’aux jeunes scolarisés, la nouvelle stratégie
d’intervention de la MDA « hors les murs » va nous permettre d’accéder à une autre
population jeune, en grande difficulté.
Dans l’absolu, l’intervention de proximité n’est pas un concept nouveau. Néanmoins, sur
le territoire de Mayotte, l’intervention de proximité est innovante ; intervenir au sein des
zones isolées était encore récemment difficilement imaginable en raison de l’insécurité qui
y régnait. L’apaisement du climat social actuel permet de définir une nouvelle stratégie
d’intervention de la MDA « hors les murs » et de diversifier l’offre du service afin de
pouvoir s’adresser aux deux types de jeunesses présentes sur le territoire mahorais.
Bien que la notion d’intervention interculturelle soit remplie de bon sens, il est important
d’y réfléchir ensemble et d’y être vigilant. L’intégration des familles, des pairs et des
personnes ressources dans l’accompagnement nous permettra de ne pas nous éloigner
de notre ligne de conduite.
Ces zones d’habitations marginales font partie de tous les débats et sont souvent sources
de conflits. Il est donc important d’être transparent sur nos actions et de communiquer sur
la stratégie d’intervention et de ses impacts.
Je reste intimement convaincu que cette solution est adaptée à un public en marge des
dispositifs de droit commun. Ainsi, en nous appuyant sur les résultats de cette nouvelle
stratégie, nous aurons plus facilement, à moyen terme, la possibilité de renforcer nos
financements et de développer nos actions sur d’autres secteurs de l’île.
- 66 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
Conclusion
Le journal national L’Humanité titre de manière très poignante ses articles sur ce territoire
à la dualité antagonique : « Mayotte, lagon meurtrier dans l’archipel des Comores »72 ou
encore « Mayotte, lagon de la xénophobie »73. Effectivement, d’un côté Mayotte possède
le troisième plus grand lagon fermé au monde regorgeant d’une faune marine
extraordinaire et de l’autre, l’île est également connue par ses différents conflits sociaux
émanant la plupart du temps de la forte pression migratoire des îles voisines appartenant
à l’archipel des Comores.
Dans la conscience collective, fortement impactée par ces représentations, il existe une
réelle ambivalence entre le souhait de découvrir Mayotte et un sentiment d’antipathie. Ce
ressenti est justifié par le nombre élevé de retours que l’on m’adresse du type « ça doit
être magnifique de pouvoir nager avec les dauphins et les raies mantas », ou encore,
« vous ne devez pas manquer de travail à Mayotte ; vous devez être courageux pour y
travailler ». À cela vient s’ajouter une représentation faussée de l’écoulement du temps.
La réalité mahoraise vient déconstruire tout cet ensemble de clichés. Le temps est
souvent dicté par les politiques publiques nationales qui ont en ligne de mire l’objectif de
rattraper le retard que connait l’île de Mayotte. Effectivement, le Président de la
République à l’époque, Mr François Hollande, lors de sa visite en août 2014, avait
souhaité la mise en place « d’un document stratégique traçant pour les 10 années à venir
le cheminement de Mayotte vers le droit commun de la République »74 . Ce plan d’action,
« Mayotte 2025, une ambition pour la République », a été modifié suite à l’important
mouvement social ayant eu lieu lors du deuxième trimestre 2018. Durant la venue de
Madame la Ministre des Outremers, Annick Girardin, plusieurs propositions ont été faites
incluant le plan de lutte contre le renforcement de l’immigration clandestine, proposition
principalement attendue par la population mahoraise.
72 Urbach, 2015.
73 Urbach, 2016.
74 Gouvernement Français, 2016.
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 67 -
Il y a une réelle forme d’ambiguïté à Mayotte qui se caractérise par le souhait de la
population mahoraise d’accéder rapidement aux mêmes droits que la métropole et « la
claque » engendrée par ces différents changements. Aujourd’hui, tout va beaucoup plus
vite, voire trop vite. La conséquence directe liée à l’adaptation du droit commun français
entraine bon nombre de changements au sein de la société mahoraise. On a pu s’en
rendre compte à travers la lecture de ce mémoire.
Être directeur de la MDA dans un contexte aussi spécifique que celui de Mayotte me
renvoie à la responsabilité que je dois avoir dans la participation au développement du
territoire. Il ne s’agit donc pas de développer à tout va, mais bien de prendre en compte la
réalité d’un territoire en respectant ses caractéristiques.
J’insisterai sur mon choix de réduire le nombre de zones d’actions dans laquelle la MDA
« hors les murs » va prochainement intervenir. Il ne s’agit effectivement pas de
développer et de s’étendre sur l’ensemble d’un territoire en profitant d’un rattrapage
financier dédié à Mayotte mais bien d’en évaluer l’impact en amont. A terme, mon objectif
sera d’étendre le service de la MDA en corrélation avec les besoins du territoire mahorais.
La situation préoccupante de ces zones nous amènera certainement à proposer la
création de services de type service d’aide au regroupement familial, service de
prévention spécialisée, …
- 68 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
Bibliographie
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- 70 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
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Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 71 -
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Repéré sur : https://www.insee.fr/fr/statistiques/3286558
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par Julien Balicchi, Jean-Pierre Bini, Véronique Daudin, Nelly Actif et Jannick Rivière.
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Repéré sur : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281384?sommaire=2409812
- 72 - Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019
Ouvrages et rapports
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COLAS F., 2012-2013 – Descriptions de fonction. 3ème année baccalauréat Gestion des
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CAMILLERI C. & COHEN EMERIQUE M., 1989 – Chocs de cultures : concepts et enjeux
pratiques de l’interculturel. 398 pages.
RTA asbl, 2019 – Recherche qualitative sur les projets innovants en matière
d’intervention auprès des enfants et des jeunes. Rapport final. 111 pages.
Repéré sur : http://reseau-solidarcite.be/files/oejaj_rapp_2009bis.pdf
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 73 -
Liste des annexes
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - 75 -
Annexe 1 – Photographies illustrant les zones d’habitation marginales
© Journal de Mayotte
© L’Humanité
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 -I-
Annexe 2 – Implantation des structures actuelles de la MDA sur le territoire mahorais
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 - III -
Annexe 3 – Implantation des structures de la MDA sur le territoire mahorais et nouveaux
secteurs d’intervention proposés
Sylvain FLEUROT - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2019 -V-
FLEUROT Sylvain Novembre 2019
Résumé :
Devenue très attractive, l’île de Mayotte subit une forte pression migratoire entrainant
l’émergence de zones d’habitation marginales.
Une partie de la jeunesse issue de ces secteurs n’a pas accès à la scolarité et est
éloignée des dispositifs de droit commun. Les différents types d’interventions actuelles
de la maison des adolescents ne permettent pas à ces jeunes de bénéficier d’actions
de prévention santé et de suivis individuels.
Mots clés :
MAYOTTE, MAISON DES ADOLESCENTS, JEUNESSE, PREVENTION SANTE,
PARTENARIAT, INTERVENTION, PROXIMITE, INNOVATION, INTERCULTURALITE,
INTERDISCIPLINARITE
L'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions
émises dans les mémoires : ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.