Alexandre, Lunise
Alexandre, Lunise
Alexandre, Lunise
1J.1111Vt.1tSnt DU QUtuc
AOOOOUTlMI
MÉMOIRE
PRÉSENTÉ À
PAR
LUNISE ALEXANDRE
MAI 2017
À ma mère, Marie Esther D. Alexandre, pour avoir
courageusement sacrifié son bonheur, ses loisirs et sa vie
pour faire de moi ce que je suis aujourd'hui.
Mise en garde
L’auteur conserve néanmoins ses droits de propriété intellectuelle, dont son droit d’auteur, sur
cette œuvre. Il est donc interdit de reproduire ou de publier en totalité ou en partie ce
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RÉSUMÉ
La présente étude est faite dans le cadre d'un mémoire de maîtrise en gestion des
organisations. Elle a pour but de dresser un portrait des pratiques évaluatives au sein de
cinq organismes québécois offrant de l'aide au développement à Haïti depuis les dix
dernières années. Dans ce mémoire, ces organismes sont appelés organisations mères. Les
organismes locaux c'est-à-dire ceux qui se trouvent en Haïti et qui reçoivent l'aide au
bénéfice de la population seront nommés organisations partenaires ou organismes
bénéficiaires. Le mémoire présente, également, la perception d'employés de ces
organisations mères vis-à-vis de leurs pratiques d'évaluation des projets ou des activités
qu'elles effectuent en Haïti. Les résultats montrent que l'évaluation joue un rôle très
important dans la gestion de projets/programmes de ces différents organismes.
L'évaluation peut être de trois sortes ou trois grands types : interne, externe ou auto-
évaluation. De ces trois sortes principales découlent sept sous types à savoir interne formel
ou informel, contre-évaluation, externe formel ou informel, audits et bilan évaluation. Il
ressort des résultats de la recherche que dans la majorité de ces cas c'est-à-dire les trois
grands types d'évaluation, la prédominance de 1'un des sous types d'évaluation par rapport
à 1'autre dépend grandement des besoins des organisations mères ou de la disponibilité des
ressources humaines et financières, dans certains cas. À noter aussi que les organisations
mères qui ont participé à l' étude affirment toutes avoir intégré dans leurs pratiques
d'évaluation la notion de participation interactionniste comme un facteur indispensable à
la réussite de toute bonne évaluation. En outre, même si les participants ont des façons de
faire différentes, ils ont, chacun, la perception que leurs procédures d'évaluation sont
bonnes. Cependant, ils reconnaissent que l'amélioration de certains facteurs tels que : la
responsabilité de l'État haïtien, la formation des partenaires haïtiens, la disponibilité des
ressources locales, etc. optimiserait les résultats des évaluations.
REMERCIMENTS
Ce travail est le fruit de cinq années de dur labeur vécues entre l'envie de tout
abandonner après quatre dépôts sans succès et la détermination de me rendre au point final
qui est l'obtention du diplôme. Ce furent cinq années fructueuses à cause de toutes sortes
d'épreuves et de bénédictions. En effet, cet aboutissement est 1'œuvre de plusieurs
personnes, dont J ohanne Lafrance, que nous tenons à remercier pour tous les soutiens
qu'elle m'a offerts durant toute la période de formation. Nos remerciements s'en vont
spécialement à notre directeur, M. Augustin Ependa, pour son encadrement, son soutien
ainsi que pour l'intérêt qu'il a manifesté à notre égard et à notre sujet. Nous remercions
également M. Barthélémy Ateme pour ses conseils et son soutien dans la rédaction de ce
mémoire. Nous n'oublions pas de remercier les cinq organisations non gouvernementales
québécoises qui ont voulu participer à la présente étude : CECI, Fondation Byas, MDM,
AQANU et DEP. Nos remerciements vont aussi à nos amis et frères Jean Robert Déry et
Juste W. Tsotie, les frère s et sœurs de notre assemblée, église baptiste réformée de Rouyn-
Noranda, ma famille et à tous ceux et celles qui, d'une façon ou d 'une autre, ont contribué
à cette œuvre. Enfin, tout ce chemin parcouru est 1' œuvre du grand Dieu pourvoyeur à qui
je rends toute la gloire. Puisse ce mémoire contribue au bienfait de ma chère et tendre
patrie, Haïti, pour son développement et sa croissance.
TABLE DES MATIÈRES
DEUXIÈME CHAPITRE
CADRE CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE .......................... ........................ ......... 15
TROISIÈME CHAPITRE
CADRE MÉTHODOLOGIQUE 00 ooo ooo ooo 000 000 000 000 000 oo oooo oo 000 000 000 000 000 ooo ooo ooo 000 000 000 000 000 ooo ooo ooo 000 38
30201 RÉSULTATS ATTENDUS oooooooooooooooo ooo oooooooooooooooooooo ooo ooooooooooooooooooooo ooo oooooo 39
QUATRIÈME CHAPITRE
PRATIQUE D'ÉVALUATION DES ACTIVITÉS DE DÉVELOPPEMENT CHEZ
QUELQUES ONG QUÉBÉCOISES OEUVRANT EN HAÏTI 0000 000000 000000 000000 000000 000000 000 54
40301 ÉVALUATION FAITE A L' INTERNE oooooooooooooooooooo ooo ooooooooooooooooooooo ooo oooooo 58
CINQUIÈME CHAPITRE
PERCEPTION DES RÉPONDANTS SUR LES ÉLÉMENTS DE L'ÉVALUATION DE
PROJETS ......................................................................................................................... 82
AI Amnesty International
01 Organisation internationale
« C'est ainsi qu'à partir des années quatre-vingts, les experts onusiens
ont commencé à penser qu'il y a lieu de réviser les modes et l'échelle
d'intervention. Cette fois, ils décidèrent d'octroyer l'aide au
développement aux organisations non gouvernementales (ONG) qui
œuvrent à des échelles restreintes. C'est à partir de là qu'est né le vocable
[développement] local » (Ependa, 2003, p. 63).
Et, quand arrivait la fin de la Guerre froide, le changement du mode opératoire des pays
donateurs se précisait et c'était la France qui avait annoncé ce changement au sommet de
la Baule (France) en 1990. Lors de ce sommet, l' aide au développement, en particulier celle
de la France, destinée aux pays africains devenait conditionnée au progrès en matière de
gouvernance démocratique (ouverture politique, multipartisme, libre association, libre
expression, reddition des comptes, etc.) (Ibid, p.92). On a vu alors naître un troisième
acteur du développement qui est la société civile. Dans ses rangs, on compte les syndicats,
les associations de la jeunes, les associations de défense des droits humains, les associations
féministes, les organismes communautaires et les ONG. Toutes ces associations ont en
commun une proximité avec la population démunie, une assise sur le terrain et un impact
direct sur la population.
Dans leur recherche de solutions de rechange, les pays donateurs ont trouvé en ces
organismes de la société civile, surtout les ONG, des interlocutoires plus fiables et moins
corrompus, par qui, ils pouvaient faire passer l ' aide au développement afin qu' elle atteigne
réellement leur cible, soit au niveau du renforcement des capacités, soit au niveau de
l 'éducation de la jeunesse, soit au niveau de la santé maternelle et infantile, soit au niveau
de 1' aide alimentaire, etc. C'est de cette façon que les activités des ONG se sont multipliées
3
dans le monde au point que ces organismes sont devenus des partenaires indispensables de
l'aide au développement (De Montclos, 2011; Stangherlin, 2001). L'exemple typique du
déploiement massif des ONG dans un pays pauvre, c'est ce qui se passe en Haïti depuis
plus d'une décennie. En effet, depuis le tremblement de terre qui a dévasté Haïti en janvier
2010, ce pays a reçu en urgence l'aide multiforme de plusieurs pays dont plusieurs ont
sous-traité leur intervention par l'intermédiaire des ONG se trouvant soit sur place en Haïti,
soit dans les pays donateurs. Actuellement, près de 10 000 ONG sont actives sur le sol
haïtien. Certaines interviennent en cas d'urgences (Lemay-Hébert et Pallage, 2012);
d'autres, par contre, font la promotion du développement en priorisant la mise en œuvre
des projets d'accompagnement, le renforcement des capacités, l'appui logistique, la
défense des droits de la personne, l'éducation de la jeunesse, la santé maternelle et infantile,
l'aide alimentaire, etc. Eu égard à l'importance que prennent les activités des ONG en
Haïti, le présent mémoire de maîtrise essaie de s'y pencher, surtout, sur un aspect important
de la gestion des projets de développement qui est l'évaluation des activités réalisées. En
fait, après avoir conçu le projet, on réalise les activités dudit projet, on fait le suivi
(monitoring) et on les évalue pour voir si l'on a atteint les objectifs ou non. Cela aide à
apporter des ajustements et à prendre au besoin de nouvelles orientations. Concrètement,
dans ce mémoire, nous allons nous intéresser à la manière dont les ONG québécoises qui
œuvrent en Haïti procèdent à l' évaluation de leurs activités et, connaissant leurs pratiques
d'évaluation, nous voulons aussi savoir comment les gestionnaires de quelques ONG qui
ont eu à intervenir en Haïti depuis 2005 perçoivent les pratiques d'évaluation qu'ils font
pendant ou après l' exécution des projets en Haïti. L' année 2005 sert de référence à cette
étude parce que cette année coïncide avec un afflux des ONG dans ce pays à la suite des
évènements tragiques de 2004 et 2010. En outre, comme notre recherche sur le terrain a
commencé à 2015, cela permet d'étudier les pratiques des ONG qui ont au moins une
dizaine d'années d' expérience en Haïti.
Pour ce faire, le mémoire est subdivisé en cinq chapitres : le premier fait état du
contexte de l' aide au développement en Haïti et formule la problématique de recherche. Le
deuxième présente le cadre conceptuel de la recherche dans lequel nous définissons les
trois concepts-clés de notre sujet: le concept d'organisation non gouvernementale (ONG),
4
Depuis plus de deux décennies, Haïti est devenu le lieu où interagissent plusieurs acteurs
locaux, nationaux et internationaux de l 'aide au développement. Cette croissance que
connait l'industrie de l'aide au développement peut s'expliquer par les grands fléaux qui
caractérisent le sous-développement comme la misère, la faim, la pauvreté, les problèmes
d'accès aux services de base, le cycle de destruction-reconstruction, etc., aggravés par les
désastres écologiques cycliques (cyclone, inondation, ouragan, raz de marée, séisme,
épidémie, etc.) par lesquels le pays est fréquemment frappé par rapport à des pays voisins.
Malgré la croissance de l'aide au développement et l'afflux des acteurs, les problématiques
susmentionnées, liées au sous-développement perdurent et les alternatives ne nous
semblent pas imminentes. Idéalement, nous aurions pensé que 1'afflux d'acteurs pour une
cause commune devrait constituer une véritable amorce au développement ; toutefois,
plusieurs contraintes liées à 1' aide semblent ne pas la favoriser. Au constat, tout observateur
objectif ne peut que s'étonner de voir la situation sociale haïtienne régresser d'année en
année, malgré de nombreux projets réalisés en Haïti dans le cadre de l'aide au
développement. Ainsi, la question principale de cette recherche n ' est pas de comptabiliser
l'aide reçue, mais de savoir si les ONG qui font de nombreuses activités en Haïti se donnent
la peine d'évaluer leurs actions. Si oui, quelles sont les pratiques d 'évaluation en vigueur
6
et comment les représentants ou les responsables des ONG actives sur le terrain haïtien
perçoivent-ils leurs propres pratiques d'évaluation des activités faites en Haïti. La question
sur l'évaluation des activités des ONG est pertinente dans la mesure où c'est en évaluant
leurs activités que les ONG savent si elles ont atteint ou non les objectifs par leurs projets
afin de procéder à des corrections et de faire mieux qu'auparavant.
Concernant les pratiques d'évaluation en cours dans les ONG, nous voulons savoir
si celles-ci procèdent à des évaluations, quand et comment elles les effectuent. En ce qui
concerne la perception des pratiques évaluatives, nous voulons connaître les appréciations
ou mieux, l'image qu'ont quelques répondants vis-à-vis des pratiques d'évaluation en
vigueur dans leur organisation, car de nos jours les représentations sociales ont une si
grande importance qu'elles sont une source de dynamique et d'action. Pour répondre à ce
questionnement, nous ne formulerons pas des hypothèses, mais nous poursuivrons plutôt
un objectif de recherche qualitative celui de combler un manque de savoir quant à connaître
et faire le portrait en matière de pratiques d' évaluation courantes dans les ONG qui
interviennent en Haïti depuis plusieurs années (au moins une décennie). En effet, cela est
un apport à la science de la gestion dans la mesure où la gestion inclut la conception, la
fixation des objectifs, l' exécution sur le terrain, le monitoring, l'obtention des résultats et
l 'évaluation des activités par rapport aux objectifs souhaités. C'est donc ce dernier élément
de la gestion des organisations qui est au centre de notre préoccupation en tant que
chercheure.
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Source : .Mînistère de 1'Agriculture et des Ressources naturelles et du Développement rural
Sur le plan politique, la situation haïtienne est marquée par une instabilité récurrente
causée essentiellement par les coups d'État et des gouvernements de courte durée. De
l'indépendance (1804) à 2016, le pays a connu au moins 30 coups d'État militaires et plus
de 20 constitutions. Une situation qui n'a pas permis aux Haïtiens d'entreprendre des
réformes institutionnelles efficaces afin d'adopter des stratégies judicieuses de bonne
gouvernance en fonction de la réalité du pays. De plus, l'instabilité politique du pays a pu
engendrer des périodes de grands troubles perturbateurs caractérisés par l'insécurité, les
grèves, les manifestations sanglantes, les luttes armées et la corruption. Selon Hawrylak et
Malone (2005), la corruption, en Haïti, est endémique. Elle s 'exerce à grande échelle
(Ramachandran et Walz, 2012). Par conséquent, cela affaiblit l'administration publique
ainsi que l'État et les rend précaires et effondrés (Hawrylak et Malone, 2005). Devant cette
situation, d'autres pays sont venus à la rescousse d'Haïti directement ou indirectement par
le truchement des programmes et des projets gouvernementaux, sectoriels ou ceux des
ONG présentes en Haïti.
L'économie haïtienne a toujours reposé sur une agriculture de subsistance avec une
production nationale largement en deçà des besoins de la population en pleine croissance,
surtout en milieu urbain (Barthélemy et Girault, 1993). À titre d' exemple, la part de la
production agricole nationale dans la disponibilité globale était de 48 % en 2010 selon la
Coordination nationale de la sécurité alimentaire (CNSA) (2011). Aujourd'hui les
différents cataclysmes naturels dus aux changements climatiques et à la situation
géophysique du pays rendent davantage cette production agricole vulnérable.
11
décemüe. Cette décroissance est due principalement aux mesures d'annulation d 'une
grande partie de la dette publique haïtienne par les créanciers à la suite du séisme de 2010.
C'est également au cours de cette même année (2010) que le pays a connu le taux
de chômage le plus élevé soit plus de 40 % de la population active. Il faut également
mentionner la dépréciation de la monnaie locale par rapport au dollar américain dont le
taux de change est passé de 40 gourdes (HTG) pour un dollar américain en en 2010 à plus
de 51 HTG le dollar en 2015 (Université de Sherbrooke, 2016).
Tout ceci montre qu'Haïti fait face à d'importants défis qui demanderaient
beaucoup d'efforts pour arriver à générer une croissance plus rapide et contrer la pauvreté.
Cependant, nous pouvons déjà constater quelques améliorations. Par exemple, une hausse
du PIB par habitant qui est passé de 689 $US en 2011 à 731 $US en 2015 (Université de
Sherbrooke, 2016).
Source : Université de Sherbrooke. Perspective monde : outil pédagogique des grandes tendances
mondiales depuis 1945. Université [Document Web]. Consulté le 16 novembre 2016 à
http :1/perspective. usherbrooke. ca
Sur le plan social, l'accroissement du PIB constaté, ne semble pas avoir amélioré
les conditions de vie de la population haïtienne. Bien que les données indiquent une légère
augmentation des exportations et du PIB moyen par habitant (689 $en 2005 à 731 $en
2015), la dépréciation de la monnaie nationale continue (40 HTG/ $ en 2005 à 51 HTG/$
en 20 15) et le taux de chômage ne diminue pas (toujours au-delà de 50 % de la population
active) (Université de Sherbrooke, 2016). Quand on parle de chômage, il faut savoir que
c'est un indicateur grossier, car il y a dans les pays en développement comme Haïti un
sous-dénombrement des chômeurs, dont une grande partie ne se déclare pas chômeur et
surtout que le secteur informel emploie plusieurs personnes, cela amplifie le phénomène
de chômage déguisé. Tout compte fait, le niveau du développement en Haïti est faible , en
témoigne son classement parmi les pays à indice du développement humain faible, de
l 'ordre de 0,48 (IDH, 2015) (Université de Sherbrooke, 2016).
puisque 1' économie du pays est essentiellement basée sur 1' agriculture ; la santé afin d'aider
le pays à réduire le taux de mortalité, en particulier la mortalité infantile et 1' économie
nationale afin d'aider à la création d'emplois.
Ce mémoire de maîtrise se penchera sur les interventions des ONG dans le domaine
de l'aide au développement en Haïti. Plus particulièrement, il s'appesantira sur les
pratiques d'évaluation des projets d'aide au développement au sein des organismes
québécois présents en Haïti depuis 2005 ainsi que les perceptions d'employés sur les
pratiques utilisées.
DEUXIÈME CHAPITRE
CADRE CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE
Ce chapitre sera composé de trois sections exposant la recension des écrits sur les
trois concepts principaux de notre sujet, à savoir le concept d'organisation non
gouvernementale (ONG), celui de l'aide au développement qui constitue l'essentiel des
activités des ONG en Haïti et le concept d'évaluation des activités liées à ladite aide.
Chaque fois , la définition, l'origine ou un bref historique ainsi que la typologie seront
présentés. Puisque la notion d'évaluation est au centre de ce mémoire, nous développerons
un peu plus ce concept. Nous précisons aussi dans quel sens il faudra comprendre chacun
de trois concepts dans le présent mémoire.
Du point de vue historique, les ONG sont des acteurs anciens dans le domaine de
l'aide internationale. Ce concept, apparu en Europe dès le Moyen Âge, s'inscrit dans une
vision associative et dans un discours sur une sociét é émotionnelle (Erne, 200 1). Au sein
de nombreuses cultures, on retrouvait la présence d'une solidarité envers les démunis.
Ainsi, ce concept s'est développé à travers le temps. Les conflits existant entre certains
pays vont pousser la réflexion des gens sur la nécessité de créer des associations pour venir
en aide aux victimes de guerre. Ainsi, la Croix-Rouge fut créée pour secourir les blessés.
Les deux Guerres mondiales ont donné naissance à plusieurs vagues d'ONG qui, plus tard,
vont se tourner vers les pays nécessiteux. Cette motivation résulte du fait qu'il n 'y avait
plus de victimes à secourir parce que les guerres étaient terminées. Alors, leur vision de
l 'aide s'ouvrait vers un nouvel horizon, celui d'aider les groupes les plus défavorisés des
pays pauvres (Stangherlin, 200 1).
16
Dans la littérature scientifique consultée, on distingue les ONG soit par leur
domaine d'intervention, soit par leur empreinte géographique, c'est-à-dire leur espace ou
périmètre géographique ou territorial d'intervention. Selon leurs domaines d' intervention,
Doucin (2007) en distingue quatre sortes, à savoir :
1) Les ONG locales dont le rayon d'action est de moindre envergure, car la plupart
œuvrent et couvrent des territoires de petite taille (une communauté rurale, une zone
bien déterminée en superficie). Ce sont donc des petites ONG qui sous-traitent et
collaborent le plus souvent avec les grandes ONG pour réaliser des petits projets en
termes d'impact et de financement. Elles se caractérisent par une comptabilité
fragile et une dépendance financière vis-à-vis des bailleurs de fonds au point que
leurs activités sont teintées des conditions de l' organisation financière.
2) Les ONG régionales sont de taille moyenne et, souvent, elles regroupent plusieurs
petites ONG sous forme d'association, de consortium, de coalition ou de
coopérative. Leur intervention dépasse les limites de deux ou trois communautés
locales.
18
Elles peuvent avoir un siège social dans une communauté tout en ayant des antennes
ou des représentations dans d'autres communautés locales. Les ONG régionales
dépendent aussi du financement extérieur, mais dans une moindre mesure que les
ONG locales, car il arrive qu'elles organisent en leur sein des activités
d'autofinancement.
3) Les ONG internationales ou souvent appelées ONG étrangères sont les plus
connues du public. Ce sont pour la plupart de grandes ONG qui ont la capacité
d'entreprendre des projets très complexes. Dans la littérature sur les associations à
but non lucratif, on les nomme aussi ONG mères (ONGM), car elles se caractérisent
par leurs filiales dans plusieurs pays. D'après les analyses de Rahman (2007), ces
grandes ONG représentent le troisième secteur de la société à côté du secteur public
et du secteur privé. Comme le soulignent Brian, Drucker, Meyer et Fowler, les
grandes ONG constituent des sources importantes de financement du
développement (Brian, 2012) qui se caractérisent par leur finalité sociale (Rahman,
2007), par l'implication de leurs différentes parties prenantes internes et externes
(Drucker, 1992; Meyer, 2004; Rahman, 2007) et par leurs lieux d'intervention et
leur structure tentaculaire (Fowler, 1996).
À noter que dans le cadre de ce mémoire de maîtrise, quand nous parlerons d 'ONG,
nous ferons plus allusion à cette dernière catégorie (ONGM), car ce sont surtout les grandes
ONG internationales qui interviennent dans le domaine de l'aide au développement en
Haïti et dont nous voulons analyser les pratiques d' évaluation de leurs activités. Dans ce
travail, nous utiliserons des synonymes comme organisme ou organisation pour parler de
l'ONG.
19
Selon Collombat (2004), l'aide au développement est une aide financière fournie
par les pays développés aux pays sous-développés dans le but de favoriser leur
développement économique et d'améliorer le niveau de vie de leur population. Cette
définition permet de comprendre l'aide au développement dans une logique de lutte contre
la pauvreté qui sera mise en œuvre par une amélioration du niveau de vie de la population.
Pour bien saisir le concept d'aide au développement, il faut connaître d'abord la démarche
que mènent les pays riches et les organisations internationales (OI) pour le développement
des pays pauvres, qu'on appelle aussi les pays sous-développés, pays en développement,
pays en voie de développement (PVD), pays du Sud ou pays en proie à des crises
multiformes et répétitives. Cette lutte pour le développement représente pour l'humanité
l'un des défis majeurs auxquels elle veut apporter une solution. Les bailleurs de fonds
bilatéraux et multilatéraux des pays riches (développés) utilisent l'aide comme outil pour
permettre aux pays les plus pauvres de combattre le sous-développement. Pour eux, l 'aide
au développement accordée aux pays pauvres n'est rien d'autre que la contribution des
nations riches pour rendre les pays pauvres capables d'amorcer le développement et de se
prendre en main un jour.
des prêts à court terme pour assurer 1' équilibre des balances de paiements et par une
assistance à long terme pour le développement. La réflexion sur l'aide au développement
et sur ses objectifs a beaucoup évolué. Contrairement aux objectifs précédents qui
priorisaient le PIB par habitant (Gauthier, 2005), aujourd'hui, les discours prennent en
compte d'autres facteurs non économiques inhérents au développement humain, au
développement durable, à la gouvernance et à la liberté. Les facteurs pris en compte sont :
le capital humain, 1' aspect social et le rôle des institutions dans le processus de la croissance
des pays. En 2000, dans le souci d'amorcer cette nouvelle base de développement durable,
189 chefs d'États et de gouvernements sous la direction des Nations unies (ONU), ont
recentré les objectifs de l'aide au développement par l'adoption de huit objectifs du
millénaire pour le développement (OMD). Ces OMD devraient être atteints en 2015, à
savoir : 1) réduire de moitié la pauvreté extrême et la faim; 2) assurer 1' éducation primaire;
3) promouvoir l'égalité des sexes; 4) promouvoir l'autonomie des femmes; 5) diminuer la
mortalité infantile; 6) améliorer la santé maternelle; 7) lutter contre le sida et les autres
pandémies et 8) assurer un environnement durable et un partenariat pour le développement
(Ministère de l'économie et des finances et l'institut haïtien de statistique et d'informatique,
2009). Pour atteindre ces objectifs, un grand nombre d'acteurs locaux et internationaux se
mobilisent. Parmi eux se trouvent les ONG dont nous aborderons la problématique de
l'évaluation de leur intervention dans les pays en développement en étudiant le cas
particulier des organismes humanitaires québécois en Haïti.
Ce faisant, les ONG desservent une plus grande population en Haïti et elles sont de plus en
plus présentes dans différents milieux rural, rurbain et urbain. Il faut également noter que
les ONG de développement, présentes en Haïti, proviennent de différents pays (Australie,
Canada, États-Unis, France, etc.). Pour plus de détails sur les secteurs d'intervention des
ONG, on peut consulter la liste incomplète des ONG reconnues et actives en Haïti ainsi
que la procédure d'agrément sur le site du ministère haïtien de la Planification et de la
Coopération externe : http://www.mpce.gouv.ht/fr/node/326.
Dans le cadre de notre travail de recherche, nous voulons approfondir ce que des
ONG canadiennes, en particulier celles qui proviennent du Québec (base de sondage) font
comme évaluation de leurs interventions dans différents domaines en Haïti. Plus loin, dans
le chapitre sur la méthodologie de la recherche, le point 3.2.2 présentera les raisons du
choix des ONGM québécoises parmi lesquelles une demi-dizaine ont accepté de participer
à la présente étude, à savoir: le Centre d' études et de coopération internationale; Médecins
du monde ; la Fondation Byas; Développement et paix et l'Association québécoise pour
l'avancement des Nations-Unies. Le troisième chapitre fera également une présentation
détaillée de ces cinq organismes.
L'efficacité de l'aide dans les pays en développement comme dans les pays
développés soulève le doute chez plus d'un et suscite beaucoup de débats (Copans, 2012;
Grivel, 2008). Les débats portent sur la capacité de l'aide à répondre aux objectifs fixés et
à produire des résultats palpables, positifs, quantifiables et significatifs socialement et
économiquement. Deux opinions opposées sont au cœur des débats. D'une part, celle selon
laquelle l'aide au développement produirait des résultats positifs ; d 'autre part, celle pour
laquelle l'aide au développement n' est qu'un échec, car ses résultats seraient négatifs.
23
Dans le premier cas, certains auteurs affirment que 1' aide contribue grandement à
soutenir les pays pauvres à se prendre en charge (Freud, 2011; Knack, 2001; Ruben, 2013).
Selon les défenseurs de cette vision positive de l'aide au développement, les résultats
positifs de cette aide ne sont pas spectaculaires parce qu'ils sont apparents sur le plan micro
sociétal. Par exemple, Ruben (2013) est plus nuancé quant à l'effet global de l'aide au
développement; il rejette catégoriquement le point de vue selon lequel la totalité de l'aide
est gaspillée ou que l'aide maintient les pays sous-développés sous la dépendance. Selon
lui, les modalités de délivrance de l'aide peuvent avoir des impacts positifs ou négatifs. Il
suggère de vérifier quel type d'aide fonctionne, car, à son avis, sur le plan de la santé, il
n'y a pas d'échecs, un point de vue que Freud (2011) et Knack (2001) partagent également.
Par contre, Knack attribue les échecs de l'aide à une mauvaise gouvernance et à une
faiblesse des institutions des pays bénéficiaires, mais 1' aide en soi a des impacts positifs
sur le développement.
Dans le deuxième cas, les auteurs ayant une opinion opposée décrivent l 'aide aux
pays en développement comme un échec (Copans, 2012 ; Freud 2011 et Moyo, 2009).
Moyo (2009), particulièrement, en se basant sur l'exemple des pays africains, dépeint la
réalité de 1'aide qui leur est allouée depuis 50 ans comme un processus d'échecs continus.
Pour lui, 1'aide ne fait qu'accentuer les problèmes existentiels et elle maintient les pays
dans un cercle vicieux de misère irrésolue. Pour lui, le problème du sous-développement
dans les pays du Sud ne peut s' expliquer que par l'aide au développement. Par conséquent,
l'abandon de celle-ci est obligatoire, voire une nécessité, pour permettre à ces pays de se
développer. Dans cet ordre d 'idée, on trouve dans la littérature des auteurs qui rendent les
ONG responsables des échecs de l'aide aux pays en développement (Cracknell, 1996;
Moore, 2000; Ostrom, 2012) et ces échecs se traduisent par l'utilisation des évaluations
inutiles (Ostrom, 2012) qui portent plus sur les modalités et les objectifs d'évaluation
destinés à rendre des comptes aux bailleurs que sur les destinataires de 1'aide (Beek, 2006;
Berlage et Stokke, 1992; Cracknell, 1996).
24
Moore (2000) abonde dans le même sens en expliquant la nécessité pour une ONG
de combler les attentes des donateurs qui représentent pour elle la seule source de revenus.
Aussi, pour assurer sa survie, elle est obligée de dépenser le budget de l'année en cours
pour obtenir plus d'argents 1'année suivante (Ostrom, 20 12). En ce sens, la satisfaction des
bénéficiaires est peu considérée.
Sur ce débat, en ne considérant que le cas haïtien- qui nous intéresse dans ce travail
de mémoire - nous pensons que sans 1' aide au développement la situation dans ce pays
serait encore pire. Toutefois, considérant que l'aide peut aussi raviver le sentiment
d'impuissance (éternel assisté) et créer un syndrome de dépendance, il serait mieux de trier
les secteurs vitaux qui nécessiteraient l'aide extérieure et le reste des secteurs devrait être
sous 1'entière responsabilité du gouvernement et du peuple haïtien. Comme le souligne
bien Ostrom (2012) dans ses réflexions, plusieurs problèmes empêchent l'aide d'avoir des
impacts positifs. S'inspirant du dilemme du prisonnien, cet auteur démontre dans un
premier temps l'importance de la problém atique de l 'action collective des pays
bénéficiaires de 1' aide et dans un second temps, à 1'aide du dilemme du bon samaritaim,
(Gibson, Andersson, Ostrom et al., 2005 ), Ostrom dém ont re comment les pays
bénéficiaires peuvent ne pas participer au développement en recevant l' aide. Moyo (2009)
va plus loin en soutenant que 1' aide au développement maintient les pays sous la
dépendance. Celle-ci réside dans l'incapacité des pays pauvres à agir selon leurs propres
décisions, ce qui conduit à leur perte d' autonomie. Cette dernière ne permet pas à
l 'organisation d'augmenter sa valeur ajoutée qui, selon Moore (2000), s'obtient par le
« feed-back » dans le but d 'aider celle-là à corriger sa stratégie. Il s'agit, dans tous les cas,
d'incitations perverses qui ne permettent pas à l'aide d' avoir des résultats positifs (Gibson
et al. , 2005).
1 Dans ce dilemme, l 'auteur démontre l'intérêt d' une p ersonne qui p eut recevoir des bénéfices spontan és à
ne pas contribuer au développement « ce qui peut entraîner un emploi excessif des ressources ou une
fourniture insuffisante de biens pub lics (Ostrom, E. 20 12).
2 Le dilemme du bon samaritain : 1' auteur fait remarquer que l'effort du b én éficiaire peut être grand ou faible.
Dans le çcas où l'effort est faible du côté des b énéficiaires m ême si celui du sam aritain est fort, les r ésultats
ne seront pas visib les (Gibson, C.C. , Ander sson, K ., Ostrom, E. et Shivakumar, S. 2005).
25
Suivant cet ordre d'idée, nous présumons qu'en Haïti, les ONG québécoises
interviennent dans différents domaines tels : la santé, l'éducation, les questions de droit,
l'agriculture, etc. , afin d'aider la population à se prendre en charge et non pour maintenir
ce pays dans la logique du centre-périphérie, donc dans la dépendance. Leur coopération
avec Haïti remonte à plus de 30 ans, pour certaines. À travers l'aide qu'elles apportent,
elles peuvent avoir des effets accélérateurs et multiplicateurs sur la situation économique,
politique, culturelle, éducationnelle et juridique du pays. Seule une étude évaluant 1'impact
global des aides reçues par Haïti pourra trancher ce débat sur l'apport réel de l'aide au
développement. Comme nous l 'avons mentionné auparavant, cette étude ne se concentre
pas sur le volume de l 'aide au développement à travers un acteur, les ONGD, ni sur son
caractère positif ou néfaste, mais se focalisera sur les pratiques d'évaluation des activités
des ONG internationales qui accompagnent Haïti, en particulier les façons de faire
l'évaluation en vigueur dans quelques ONG internationales québécoises, car ces dernières
ont un lien historique avec Haïti en matière d' aide et de coopération.
2. 3 NOTION D 'ÉVALUATION
C omme nous l 'avons précisé, l' évaluation des interventions des ONG dans le
dom aine de 1' aide au développement en Haïti est la notion principale de cette étude. Raison
pour laquelle cette section sera plus dét aillée que les précédentes. Lorsqu' on évoque
l 'intervention, on fait référence aux programmes et aux proj ets effectués ou en cours
d 'exécution pour aider le peuple haïtien à se prendre en charge. Pour une m eilleure
compréhension du terme« évaluation », il nous paraît utile de préciser d'abord brièvement
son sens et son historique (origine). Ensuite, nous présenterons les m éthodes et les
approches évaluatives utilisées par les ONG .
26
4) Les doutes (1990-2000) : cette quatrième période émane des trois premières. Elle
ouvre le champ à toutes les parties prenantes de 1'évaluation. Celle-ci est considérée
comme une activité pratique et émancipatrice qui implique la participation active
de tous les acteurs pour des résultats rationnels ;
5) La cinquième façon de voir 1'évaluation (2000 à nos jours) est caractérisée par la
négociation collective (Fontan, 2001). L'évaluation devient donc un processus qui
privilégie une méthodologie qui se veut une transaction d'égal à égal entre les
différentes parties prenantes de la démarche évaluative.
Les publications sur les évaluations faites par les ONG permettent d'identifier trois
types ou principales méthodes d'évaluation utilisées : l'externe, l'interne et l'auto-
évaluation. Cependant, il existe une rareté d'études et une absence de détails sur la façon
dont les enjeux sont traités dans les évaluations menées par les ONG. Cette pénurie
d'information rend difficiles les comparaisons entre les études et les méthodes utilisées.
Dans cette section, chaque type est présenté en détail.
28
L'ONG peut solliciter l'aide d'un expert externe, c'est-à-dire quelqu'un qui ne fait
pas partie de 1'organisation pour effectuer 1' évaluation. Par définition, une évaluation est
dite externe si 1'évaluateur est indépendant du commanditaire et de 1' organisation. Par
indépendant, on désigne quelqu'un qui n'a pas de lien institutionnel, de subordination ou
même affectif avec l'objet évalué et avec le commanditaire. En d'autres termes, une
évaluation est qualifiée d'externe lorsque le commanditaire ou la structure qui veut évaluer
ses actions la confie à des personnes extérieures appartenant à l'administration, à une firme
ou à l 'université, etc. Dans ce cas, l'acteur n'a aucun lien avec le commanditaire ni avec
1' action sur laquelle porte 1' évaluation. Une telle évaluation est nécessaire, car :
L' évaluation externe est généralement destinée à des tierces parties comme les
décideurs politiques ou les organismes subventionnaires dans le cas de programmes de
coopération au développement. Dans ce cas, étant donné que 1'évaluateur ne détient aucune
responsabilité directe dans l'élaboration de l 'action, il peut prendre une certaine distance
critique vis-à-vis des organisations qu'il examine (De Montclos, 2011). Ceci représente
l'avantage de l'évaluation externe. Cependant, elle contient également des inconvénients :
• L' évaluateur a plus difficilement accès aux informations sensibles que 1'ONG ne
souhaite pas divulguer;
• La possibilité de ne pas faire impact dans les rapports et le risque de rejet par les
acteurs si le processus d'évaluation et, notamment, l'étape de préparation n'est pas
menée de façon transparente et participative.
29
La distance critique, dans le cas où l'accès aux informations sensibles à l'ONG est
difficile, n'est pas tout à fait évidente dans le cas où 1' évaluateur travaille soit pour le
bailleur ou pour l'organisation elle-même. Selon House (2004), les évaluations
commanditées par les bailleurs de fonds institutionnels sont source de réels conflits
d'intérêts. Premièrement, c'est le fait d'être en même temps juge et partie; deuxièmement,
c'est la contrainte d'application de deux poids. L'information fournie dans ce cas ne
contribue pas à améliorer vraiment les programmes parce que l'évaluation répond aux
aspirations du bailleur.
Par définition, une évaluation est dite interne si l'évaluateur est lié au
commanditaire tel qu'un membre du personnel ou un administrateur. Une organisation non
gouvernementale du nord (ONGN) peut procéder à ce type d'évaluation pour 1' organisation
non gouvernementale du sud (ONGS). Pour cette dernière, ceci ne représente pas
forcément une évaluation interne parce qu'elle est une entité à part entière de l'ONGN,
mais pour le commanditaire, cela en est une. L'évaluation interne présente plusieurs
avantages:
Bien que l'évaluation interne apparaisse comme un bon outil à l'organisation, il existe
quelques critiques autour de cette méthode.
Pour ces raisons, Jacob (2007) recommande l'évaluation externe lorsqu 'elle
s 'inscrit dans une démarche d'imputabilité à l'égard de tiers qui traduit la volonté de faire
disparaître les possibilités de conflits d'intérêts qui peuvent exister.
2.3.2.3 Auto-évaluation
Par exemple, il peut s'agir d'avoir une vision globale sur l'organisation, d'étudier
et de résoudre un problème particulier sans vouloir procéder à une évaluation
institutionnelle exhaustive qui ne ferait que détourner l'organisation du problème en
question. Entre autres avantages, ce type d'évaluation a pour caractéristiques :
La confirmation de celles-ci est mentionnée dans l'ouvrage de Riddell et al. (1997) intitulé
Étude synthétique des évaluations ONG: méthodologie et impact des actions :
«Il faut toujours mettre l'accent sur l'idée que l'évaluation est un
processus d'acquisition de connaissances favorisant l'autonomie des
bénéficiaires et qu'on peut utiliser une approche participative d'une
façon ou d'une autre dans la plupart des types d'évaluations >>(p. 92).
2.3.3.1 Participation
Ces méthodes ne tiennent pas compte des influences des variables socioculturelles
de l'environnement immédiat (Gogue, 1991). Les résultats qui en découlent font souvent
état d'une participation déterministe, d'une mauvaise connaissance du milieu et d'une
absence de motivation des bénéficiaires. Dans un contexte d'aide au développement, ces
résultats, ne prenant guère en considération tous les aléas socioculturels, sont loin de
favoriser le développement souhaité parce que de nombreuses incitations perverses en font
obstacles (Assogba et Koffi, 1994; Gibson et al., 2005).
2.3.3.2 Autonomie
À ces cinq critères dits classiques, souvent il y a un autre qui s'ajoute lorsqu'il s'agit
d'« apprécier la logique de 1'intervention et le bien-fondé des relations de causes à effets
entre les moyens et les activités menées d'une part et les résultats attendus et l'objectif
spécifique d'autre part» (Descroix et Leloup, 2002, p. 73). Il s'agit, en fait, de la cohérence.
Jacob (2007), pour sa part, décrit quatre critères d'évaluation. Aux trois premiers critères
mentionnés plus haut il ajoute celui de l'économie. Cependant, ces critères ne sont pas
toujours adaptés ou suffisants à la situation des ONG à cause de la priorité que les ONG
accordent au développement social.
36
Leur priorité est mtse non seulement sur des variables matérielles et
macroéconomiques, mais aussi sur des dimensions méso et micro du développement
humain. Selon leur philosophie, l'homogénéité sociétale n'existe pas, donc on doit tenir
compte de tous les groupes de la société ce qui implique un développement à double
dimension: d 'une part, humaine ; d'autre part, distributive. L' approche d 'une action de
développement doit impliquer les bénéficiaires non seulement pour qu'ils contribuent aux
activités, participent à la conception et à la mise en œuvre des actions, mais pour qu'ils
acquièrent la capacité d'agir ainsi que le pouvoir et qu'ils s'approprient le processus du
développement. Les ONG prônent 1'utilisation de critères beaucoup plus centrés sur les
acteurs (bénéficiaires) qui sont (Descroix et Leloup, 2002, p . 74) :
Ces critères se retrouvent dans la plupart des évaluations effectuées par les ONG et
dans certains cas, d 'autres critèr es s 'y ajoutent dépendamment de leurs obj ectifs .
37
Pour les ONG dont le succès ne se mesure pas à l'aide de profit, l'évaluation
demeure l'outil de gestion par excellence qui leur permet de corriger leurs actions afin
d 'obtenir de meilleurs résultats de leurs interventions dans le cadre de l 'aide au
développement. Se questionner sur la façon dont les ONG, particulièrement les ONG
québécoises, évaluent leurs projets d'aide au développement et comment elles résolvent
l 'enj eu de la participation à savoir quand et comment impliqué les partenaires ou les
bénéficiaires est important. Pour cette raison, dans le cadre de ce travail de recherche,
l'analyse sera faite en tenant compte de la participation de toutes les parties prenantes,
notamment les bénéficiaires dans les évaluations, comme il est mentionné dans la
cinquième génération de 1' évaluation.
TROISIÈME CHAPITRE
CADRE MÉTHODOLOGIQUE
Nombreuses sont les études traitant différentes problématiques sur les organismes
humanitaires, l'aide humanitaire et l'aide au développement. Cependant, en ce qui a trait
aux études portant sur les pratiques d'évaluation en vigueur dans des organismes
humanitaires et sur la perception qu'ont les employés de ces organismes-là de ces pratiques
d'évaluation, il y a un manque de documentation. Ceci rend impossible la formulation
d 'hypothèses de recherche vérifiables par les règles des méthodes quantitatives. Dans un
tel contexte, nous estimons nécessaire de mener une recherche qualitative de type
exploratoire et descriptif (Padgett, 2008). Celle-ci, par définition, est un type de recherche
où le chercheur fait appel aux matériaux discursifs « pour t enter de mieux comprendre les
processus à l'œuvre dans une dynamique psychique, interactionnelle ou sociale» (Paillé et
Mucchielli, 2008, p. 5). C'est, en effet, un type de recherche très approprié en sciences [ ... ]
lorsqu'il s'agit d'étudier des êtres humains, leurs expériences et leurs sociétés (Ibid.) pour
explorer en profondeur le phénomène étudier (Mayer, Ouellet, Saint-Jacques et al. , 2000).
39
En menant cette recherche, nous nous attendons à deux résultats : en premier lieu,
nous aurons un portrait des pratiques d'évaluation des activités de l'aide au développement
au sein des organismes humanitaires québécois en Haïti depuis 2005. En deuxième lieu,
nous connaîtrons la perception d' employés (salariés et bénévoles) des organismes
humanitaires participants sur l'évaluation des projets d'aide au développement en Haïti.
40
Nous saurons alors si les pratiques d'évaluation s'y font dans les normes, à quelle
fréquence l'évaluation interne, externe et/ou l'auto-évaluation se font dans les ONG qui
vont participer à notre enquête et nous verrons aussi comment et quand dans la vie des
projets exécutés sur le terrain haïtien, l'évaluation se fait.
Pour pouvoir avancer et avoir une base de sondage fiable, nous nous sommes fixé
deux critères de sélection : ne feront partie de notre base de sondage que les ONG
québécoises actives pendant 10 ans et plus en Haïti puis ayant le statut officiel d 'OBNL au
Canada. Sur la base de ces deux critères, nous avons procédé en trois étapes pour avoir une
base de sondage. Premièrement, les sites Internet de différentes associations des ONG
canadiennes ont été consultés dans le but de retracer les ONG qui interviennent réellement
en Haïti depuis au moins une décennie. À cette étape, nous avons pu accéder aux
coordonnées de la Coalition canadienne pour la coopération internationale (CCCI), que
nous avons sollicitée.
41
Nomdel'ONG
Toutes ces ONG ont été contactées. À noter que ce sont seulement celles dont les
noms sont en italique qui ont réellement participé. Nous avons effectué trois voyages pour
prendre officiellement contact et solliciter la participation de quelques-unes aux entretiens
exploratoires et le reste pour des entrevues plus longues. Vu le fait que les visites au siège
social à Montréal n'ont pas étés fructueuses. En octobre 2015 des invitations leur ont été
envoyées par la poste ainsi que le résumé du projet de recherche et le formulaire de
consentement leur demandant de confirmer la participation à l'enquête par entrevue en
nous retournant la réponse dans l'enveloppe préaffranchie incluse dans l'envoi. En
novembre 2015, nous avons assuré le suivi par téléphone et par courriel auprès des ONG
qui n'avaient pas répondu. Les ONG qui n'étaient pas joignables par ces deux voies ont été
recontactées et réinvitées par courrier postal au début du mois de décembre 2015.
C'est depuis en 1971 que cet organisme investit dans les activités de développement
en Haïti. Il a déjà touché à différents domaines tels : la coopération alimentaire qui est,
selon lui, la plus importante ; l'éducation; l'économie ; le social ; la question de droit; la
santé ; la filiale économique et le tourisme. Ces différents projets de développement
s'étendent sur 45 communes du pays auprès de plus de 200 000 bénéficiaires directs parmi
ces multiples projets de développement nous en retenons cinq à titre d'exemple :
développement touristique dans le département du nord; développement communautaire et
sécurité citoyenne; renforcement des services publics agricoles; gestion des risques et
désastres ainsi que larecapitalisation des femmes commerçantes. À CECI, c'est le domaine
dans lequel les bailleurs de fonds veulent investir ou le domaine pour lequel il y a du
financement qui définit le secteur d'activité le plus important. Elle peut être, parfois,
irréversible, mais le plus souvent ce n' est pas le cas. Cela donne naiss ance à des projets
cycliques. Ainsi, le budget de l'organisme CECI n'est pas constant. Il varie en fonction du
secteur priorisé par les bailleurs des fonds. Aujourd'hui, le secteur à la mode est la santé.
Avec un budget estimé à 10 millions de dollars, 1' organisme y investit beaucoup plus de
ressources financières et humaines. À noter que l'ONG CECI n ' intervient pas directement
auprès des bénéficiaires en Haïti, il travaille plutôt en partenariat avec des organisations
haïtiennes, qui, avec lui, assure la mise en œuvre des projets.
2) Fondation Byas
C'est une petite organisation dont la mission consiste à recueillir des fonds et du
matériel médical provenant de dons des particuliers pour soutenir le développement
sanitaire en Haïti. L' organisme fonctionne uniquement avec des bénévoles. Son
financement provient des dons grâce aux collectes de fonds qu'il effectue. C'est, en effet,
depuis l'année 1998 que l'organisme s'est impliqué de façon permanent e dans la lutte au
développem ent en Haïti.
44
Depuis lors, il soutient les investissements que fait l'hôpital l'Espérance de Pilate,
une commune située dans le département du nord d'Haïti, soit pour agrandir l'hôpital avec
de nouveaux pavillons, soit pour l'approvisionnement en équipement que l'hôpital n'avait
pas encore acquis, notamment dans 1' aile de maternité, soit pour 1' entretien et la réparation
des bâtiments, soit, enfin, pour le salaire de certains employés. L'organisme ne met en
œuvre, directement, aucun projet dans le pays. C'est son partenaire, local, les sœurs
religieuses de la congrégation de Sainte-Croix, responsables de la direction de 1'hôpital qui
réalisent les projets de la fondation Byas. Aujourd'hui, avec un budget annuel de vingt à
vingt-cinq mille dollars, 1'organisme fait des projets immobiliers sa priorité.
3) Développement et paix
Ils 'agit d'un organisme catholique très connu dont la mission consiste à« soutenir
des partenaires dans le sud qui mettent de l'avant des alternatives aux structures sociales,
politiques et économiques injustes . ». C'est à la fin de l'année 1960 que cet organisme a
fait son entrée en Haïti. Depuis ce temps, l'organisme a déjà apporté son appui à différents
domaines, entre autres: l ' appui à l'agriculture; l'appui aux associations paysannes; l'aide
alimentaire ; la reconstruction ; la conservation de 1' environnement et les politiques de lutte
contre la pauvreté en milieu urbain et rural.
Étant donné que les ONG sont des personnes morales, sur le terrain les vrais
répondants ont été des personnes physiques membres du personnel, salariés ou bénévoles
des organismes présentés ci-dessus; la présentation de la base de sondage et de la démarche
d'échantillonnage ne serait pas complète si nous n'explicitions pas comment nous avons
procédé pour entrer effectivement en contact avec les personnes à interviewer une fois que
la hiérarchie de chacune des ONG avait autorisé l'entrevue. En outre, il ne fallait pas non
plus interviewer tous les membres du personnel de chacune des ONG participantes, il fallait
qu'elles nous désignent une ou deux personnes ressources. À ce niveau, nous insistions sur
deux critères précis :
Compte tenu de ces critères, chacune de cinq ONG participantes nous a fourni le
nom de la personne à interviewer suivant la technique décrite dans la section qui suit.
Puisque 1' étude a pour finalité de dresser un portrait de 1' évaluation des activités de
l'aide au développement des organismes humanitaires québécois en Haïti depuis 2005,
nous avons l'obligation d'aller sur le terrain pour recueillir l'information, les traiter et les
analyser afin de confronter les résultats à la littérature scientifique consultée. Pour ce faire ,
nous avons eu recours aux techniques décrites ci-dessous.
47
Pour collecter les données, deux techniques complémentaires ont été m1ses à
contribution, à savoir la technique de l'enquête par entrevue semi-dirigée et la technique
documentaire. En premier lieu, nous avons eu recours à la technique d'enquête par
entrevue. Le format d'entrevue privilégié était celui de l'entrevue individuelle semi-dirigée
bâtie de sorte que les questions ouvertes touchent quelques thèmes déterminés, soit les
pratiques d'évaluation et la perception ou 1'image que le personnel des ONG participantes
a de leurs pratiques d'évaluation. Comme le conseille Gauthier, nous nous laissions guider
par le rythme et le contenu unique de 1' échange dans le but d'aborder, sur un mode qui
ressemble à celui de la conversation, les thèmes généraux [pratique d'évaluation et
perception de ces pratiques dans les ONG participantes]. Grâce à cette interaction, une
compréhension riche du phénomène à l'étude a été construite conjointement avec
l'interviewé (Gauthier, 2003, p. 340). Selon Mayer et al. (2000), l'avantage de la technique
d'entrevue semi-dirigée est que la façon de poser les questions semi-ouvertes aux
répondants réduit leur degré de liberté à cause de la formulation explicite des questions.
Bien que l ' informateur demeure libre de ses réponses, il existe, par ailleurs, une marge de
manœuvre qui permet au chercheur de maintenir le répondant dans la voie qu'il désire.
Pour réaliser ces entrevues individuelles semi-dirigées, nous nous sommes servie de deux
outils conventionnels : une grille d'entrevue (voir annexe 1) et un appareil enregistreur
numérique.
Pour compléter les informations recueillies grâce à la première technique, celle des
entrevues individuelles semi-dirigées, nous avons aussi fait appel à la technique
documentaire comme deuxième source de données. Elle a consisté à la fouille des
documents pour en tirer des données dites secondaires. À notre demande, certains
documents ont été directement fournis par les cinq ONG participantes, d'autres par les
ONG qui par manque de disponibilité, ont préféré nous passer des documents écrits plutôt
que de participer à l'entretien. Les plus pertinents de ces documents sont, entre autres, les
rapports d'activités en Haïti, les statuts et règlements intérieurs, les documents en lien avec
la procédure (protocole) d'évaluation telle qu'elle se réalise au sein de ces ONG, les
rapports des évaluations antérieures ainsi que tout autre document informatif sur
l'évaluation. D'autres documents encore ont été consultés à la bibliothèque et dans les
banques d'informations, toujours en lien avec 1'évaluation des organismes humanitaires.
Des indications sur ces documents se trouvent parmi les références bibliographiques de ce
travail de mémoire. Les données recueillies grâce à ces deux outils ont été traitées et
analysées avec les techniques présentées au point 3.3.2ci-bas.
49
Dans notre démarche de quête de connaissances sur les pratiques d'évaluation dans
les ONG qui travaillent en Haïti, nous avons rencontré des difficultés dont deux nous
paraissent plus importantes, puisqu' elles pouvaient nous bloquer en cours de route. La
première difficulté se résume à 1'accès à l'information qui n' était pas aussi aisé que prévu.
En fait, à partir du moment où nous avons été sollicitée les ONG pour un ou deux entretiens
exploratoires, il s'est dégagé un constat: bien que les personnes qui travaillent pour ou
dans les ONG soient familière s avec la pratique de l'évaluation de leurs projets, le sujet
reste très sensible puisqu'il est lié au financement. En effet, dans bien des cas, avant
d'obtenir une tranche du financement, une ONG est obligée de faire une évaluation interne
ou externe. Les bailleurs de fonds veulent toujours savoir ce qu'une ONG a réalisé avec
les sommes octroyées avant de songer à lui verser les tranches restantes.
par le biais de la communication, mais très peu nous ont répondu favorablement, et ce,
malgré les explications sur ce concept d'évaluation, les assurances et la garantie que nous
donnions toujours - au téléphone, par courriel et par courrier postal- aux responsables
desdites ONG quant à la confidentialité et au fait qu'il s'agit d'une production des
connaissances dans le cadre d'un mémoire de maîtrise et non d'un contrôle ou d'une fouille
dans leur mode de financement. Cette difficulté a eu comme conséquence la réduction de
1' échantillonnage.
Au départ c'est plus d'une vingtaine d'ONG qui ont été sollicitées, la moitié
répondra positivement, mais à la fin seulement cinq ONG sur plus de deux dizaines en
activité sur le terrain haïtien présentement qui ont accepté de nous parler de leurs activités
d'évaluation. La deuxième difficulté en importance est celle due aux coûts de la recherche,
en tant qu'étudiante étrangère, nous nous trouvions dans un établissement situé en région
ressource (éloignée) du Québec, soit en Abitibi-Témiscamingue. Tandis que la quasi-
totalité de sièges sociaux des ONG québécoises actives en Haïti se trouve à Montréal. Pour
procéder aux entretiens exploratoires qu' exige l'étape de l' exploration du sujet et pour
réaliser les longues interviews avec les responsables des ONG qui ont accepté de participer
à notre recherche, il a fallu se déplacer à plusieurs reprises de Rouyn-Noranda à Montréal
(650 km) dès qu'un rendez-vous était fixé. Dans le même ordre d 'idée, l'éthique de la
recherche nous interdit de harceler les répondants. Il fallait respecter leur décision de
participer, de reporter le rendez-vous et surtout de ne procéder qu'en respectant leur emploi
du temps au détriment du nôtre. Il est alors arrivé que les séjours à Montréal soient
prolongés dans le cas où le rendez-vous était remis à plus tard ou annulé par l'interviewé,
malgré la promesse donnée auparavant.
52
Avant d'entamer la rédaction de ce mémoire, plusieurs étapes ont été franchies dans
le but de respecter scrupuleusement les normes éthiques en matière de recherche
scientifique à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT). La première
étape consistait à écrire et à présenter un protocole de recherche, un formulaire de
consentement et un guide d'entrevue au comité scientifique du département des sciences
de la gestion de 1'UQAT. Le protocole décrivait le contexte, la problématique, les objectifs,
le choix et la justification de la méthodologie qui permet d'atteindre les objectifs. Le
protocole a été déposé en janvier 2015 et approuvé en mi- février 2015. Une fois cette
première étape complétée, nous avons entamé la seconde qui est la soumission auprès du
Comité d'éthique de la recherche (CÉR) de ladite université pour une évaluation éthique.
À cet effet, les documents suivants ont été soum1s en mi-février 2015 : 1) le
formulaire d'évaluation éthique, 2) l'approbation du comité scientifique, 3) le guide
d 'entretien et 4) le formulaire de consentement. L'octroi du certificat d'éthique nécessitait
la confirmation de l'approbation du participant. Des démarches ont été prises dans ce sens
et le certificat d'éthique nous a été délivré en août 2015. C'est alors qu'il nous était possible
de poursuivre avec les autres étapes de la présente étude, notamment la démarche de
recherche sur le terrain dont les deux chapitres suivants présentent les résultats. Comme il
a déjà été dit précédemment, deux mesures ont été prises pour respecter les normes éthiques
en vigueur à l'UQAT: il fallait obtenir le consentement des ONG et de leurs représentants
avant d'interviewer un-e répondant-e. Une lettre d'invitation (annexe 2) et un formulaire
de consentement éclairé (annexe 3) ont été rédigés et envoyés à cet effet. Le certificat
éthique obtenu témoigne que notre recherche ne dépasse pas le seuil minimal, car les
participants étaient tous des adultes, sans handicap légal. Dans ce formulaire ainsi que dans
la partie introductive de la grille d'entrevue, les avantages , les inconvénients, les droits et
devoirs du participant étaient clairement mentionnés.
53
Les résultats des entrevues seront présentés dans deux chapitres pour deux raisons :
premièrement pour ne pas alourdir leur présentation dans un seul chapitre qui serait très
long. Deuxièmement, pour distinguer les pratiques d'évaluation proprement dite (chapitre
4) et les perceptions de ces pratiques chez les personnels des ONG qui ont participé à la
présente étude (chapitre 5).
QUATRIÈME CHAPITRE
PRATIQUE D'ÉVALUATION DES ACTIVITÉS DE DÉVELOPPEMENT
CHEZ QUELQUES ONG QUÉBÉCOISES OEUVRANT EN HAÏTI
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Participant 55 ans et plus 1er cycle Développement 30-40 ans 30-39 ans
B universitaire local et chaîne
de valeur
Participant 55 ans et plus 3< cycle Gestion de projet 15-29 ans Moins de 10 ans
c universitaire
Toutes les personnes qui ont répondu à 1'entrevue sont du genre masculin, 1' âge
moyen des répondants est de 56 ans avec un écart-type de 8 ans. En ce qui concerne le
niveau de formation, tous ont terminé des études universitaires dont 40% ont
respectivement fait des études universitaires de troisième cycle ou deuxième cycle. Les
autres (20 %) ont fait des études de premier cycle. Ils sont spécialisés en gestion de projet
ou de programme humanitaire (40 % ), en développement territorial (20 %) et
coordonnateur de personnel ou ayant des connaissances du sujet ( 40 % ). Quant à leur
ancienneté dans les ONG, elle se distribue normalement, car la moyenne, la m édiane et le
mode des années d'expérience valent 22 ans. En ce qui concerne l'implication dans les
activités d'évaluation des projets en Haïti, trois sur cinq participants ont moins de 10 ans
d'expérience, les deux autres ont respectivement 15 et 35 ans en moyenne.
56
Ce portrait permet de penser que la collecte de données s'est faite auprès des
personnes bien expérimentées, ayant fait des études universitaires et ayant une excellente
connaissance des dossiers et possiblement des pratiques d'évaluation concernant les
activités d'aide au développement en Haïti.
Selon les données recueillies, le temps d'implantation moyen des cmq ONG
participantes, en Haïti, est de 35 ans. Parmi elles, deux sont implantées depuis moins de 20
ans. Leurs activités de développement en Haïti sont concentrées dans les domaines
suivants : l'appui à l'agriculture; l'appui aux organisations paysannes ; l'aide ou la
coopération alimentaire ; la reconstruction après catastrophe naturelle ; l'environnement;
la lutte contre la pauvreté en milieu urbain et rural ; le renforcement des capacités par
1' éducation et 1'entrepreneuriat, 1' amélioration de la condition sociale de la population, la
question des droits humains, la santé ; le tourisme et l'humanitaire (1 'aide d'urgence). Deux
sur cinq des ONG interviewées sont intervenus dans plus de cinq domaines différents, les
autres, s'investissent dans un ou deux domaines comme le montre le tableau qui suit.
Tableau 5.0 : Présentation du portrait des activités des organismes humanitaires québécois,
participants à l'étude, en Haïti
On constate ici qu'en matière budgétaire, les ONG interrogées ne disposent pas des
moyens financiers équivalents. Cela s'expliquerait par le fait que certaines sont
internationales, par exemple l'ONG Médecins du monde, et qu'une part importante de leur
financement émarge des budgets des agences de Nations-Unies et d'autres grands bailleurs
de fonds comme des fondations. Par ailleurs, quel que soit le budget, notons qu'une part
importante de différents budgets est consacrée à une activité principale. Selon les
informations recueillies, le secteur de la santé représente le domaine d'intervention dans
lequel 60 % des ONG participantes consacrent prioritairement des ressources financières
et humaines. En deuxième position, 20 % des ONG participantes allouent prioritairement
du financement au secteur agricole. Enfin20% des ONG consacrent prioritairement leur
financement à la création de coopératives et des associations communautaires à la fois en
milieu urbain et rural pour lutter contre la pauvreté. Nous trouvons ce choix très approprié
compte tenu de l'état des indicateurs sociodémographiques et socio sanitaires (voir
tableau 1) qui montrent qu'en Haïti, il y a un défi import à relever pour améliorer la
situation sanitaire et socioéconomique de la population. Ces différentes activités font
l'objet de procédures d'évaluation qui peuvent être interne, externe et d'auto-évaluation.
Ces pratiques d'évaluation seront présentées dans les sous-points de la section suivante.
À la question visant à savoir si les activités effectuées en Haïti sont évaluées (voir
grille d'entrevu annexe 1), tous les participants ont répondus affirmativement, mais avec
une nuance : Pour 60% d' entre eux, l' évaluation relève surtout d'une décision
institutionnelle voulant que chaque projet soit évalué pour une raison de transparence
interne., dans 20% des cas, l'évaluation se fait selon les besoins de l'organisation qui sont
soit le besoin de comprendre une situation problématique soit pour tirer des leçons. Le
20% restant fait des évaluations de leur activité dans le cadre d'une reddition des comptes,
c'est-à-dire pour montrer aux donateurs ou aux potentiels donateurs à quoi a servi le
financement reçu afin de faire de nouvelles sollicitations de fonds.
58
Selon les ONG participantes, l'évaluation interne est celle dont l'évaluateur
appartient à 1'organisation évaluée. Cette définition corrobore celle qui provient de la revue
de la littérature consultée. Toutefois, les répondants affirment que dans 1' évaluation interne
on trouve : 1'évaluation interne informelle, 1'évaluation interne formelle et la contre-
évaluation.
Le mot informel renvoie surtout à ce qui est hors les balises légales, mais dans le
cadre de l' évaluation et selon les dires de nos interlocuteurs, notamment celui qui a parlé
au nom de l' ONG A, l'évaluation informelle est une activité continuelle qui ne se fait pas
dans le cadre plus formel des choses, c'est-à-dire qu' elle se fait sans protocole, sans
planification préalable et avec périodicité. Vu que 1'organisme n'a pas de représentant sur
le terrain haïtien pour la mise en œuvre des projets, l'ONG A s'assure de garder le contact
avec le partenaire sur l ' évolution du projet en Haïti et une certaine mise à jour est faite
quotidiennement via des NTIC. C' est cela que l'on nomme l' évaluation interne informelle.
Le représentant de cette ONG affirme que :
59
À l'interne une évaluation formelle est celle qui se fait en respectant les procédures
connues de 1' évaluation (cf. chapitre 2). Il peut y avoir une équipe mandatée pour le faire
ou il y a, pour chaque proj et, un responsable chargé de l'effectuer, selon les témoignages
des participants Cet D :
Cette évaluation peut, également, être réalisée de deux façons, soit que l'évaluateur
est du même siège extérieur, soit qu 'il est d'un autre. Notons qu'une ONG peut avoir des
sièges extérieurs dans les différents pays où elle intervient. Le siège extérieur c'est, en
quelque sorte, l'équipe qui est sur place ou le bureau qui représente l'ONG dans le pays
d'accueil et qui est chargé de réaliser les projets. Par exemple, une ONG québécoise peut
avoir plusieurs représentations (sièges extérieurs) dans plusieurs pays en développement
différents.
1) Quand l'évaluateur est du siège extérieur, cela veut dire c'est quelqu'un du bureau
local en Haïti qui effectue l'évaluation. Vu que ce dernier est impliqué dans la mise
en œuvre du projet et porte un chapeau institutionnel, il y a plus de risques que les
résultats soient biaisés.
«Moi, je m'en viens faire mon rapport sur Haïti, il y a des choses que je
vais garder pour moi. Il y a des choses, je vais [être] plus pointilleux
parce que j'ai une relation à garder avec le bureau en Haïti. Du coup je
suis impliqué, j'ai un chapeau institutionnel interne. »(Participant D)
2) Lorsque l'évaluateur n 'est pas du siège extérieur, l' ONG veut surtout pallier le
manque de distance critique du premier type d'évaluation interne formelle. Dans ce
cas, l'organisme sollicite, parfois, l'aide d'un évaluateur provenant d'un autre siège
extérieur de la même ONG. Ainsi, un membre du personnel d'un siège extérieur X
se trouvant dans une autre région ou dans un pays différent se voit confier la tâche
d' aller évaluer les activités d'un autre siège extérieur Y. Cela permet, en fait,
d'avoir moins de biais parce que l'évaluateur est externe pour le siège qui subit
l' évaluation.
« [. .. ] E ux (les personnels d 'un autre siège), ils sont intéressés d 'avoir
une vue extérieure non biaisée. Moi (n 'étant pas du siège), si j'arrive, je
vais voir les p rogrammes de ce siège, je vais dire les choses telles que je
les constate. J e n 'aurai pas le biais de relation de travail, des
dynamiques. » (Participant D)
62
3) Contre-évaluation
Celle-ci est une forme d'évaluation interne, à la différence qu'elle est faite par
1' organisation mère (québécoise) sur une évaluation interne qui a été réalisée
antérieurement par 1'organisation partenaire (haïtienne ou locale) ; plus précisément par le
responsable ou l'équipe responsable de l'évaluation sur le terrain. Elle se fait dans le but
de s 'assurer que les propos des partenaires locaux sont exacts avant de rendre compte aux
donateurs, comme l'affirme le participant C :
Pour ce faire, un évaluateur parmi les membres de l'ONG mère se rend en Haïti
afin d'accomplir cette tâche. C'est également une évaluation participative qui implique le
représentant de l 'organisation locale, l 'organisation mère et les bénéficiaires. Ce t ype
d'évaluation s'avère très importante dans le sens qu ' elle représente un moyen de contrôle
pour 1'ONG mère vis-à-vis de son organisation partenaire locale. C' est un m oyen par lequel
les deux partenaires (ONG mère et ONG locale) appr ennent à mieux se connaître, comme
un des répondants l' affirmait lors de l 'entrevue.
«Et aussi, il faut que notre partenaire sache qu 'ils sont surveillés, il y a
des contrôles. À chaque évaluation c 'est aussi l 'occasion de mieux
s 'ajuster avec nos partenaires, de mieux se connaître et peut-être de
s'apprécier. )) (Participant C)
63
L'évaluation externe est celle dont l'évaluateur choisi n'a aucun lien ni avec les
mandants (ONG mère), ni avec l'ONG qui subit l'évaluation. Elle diffère selon qu'elle est
sollicitée par les bailleurs de fonds ou par 1' ONG mère. Dans le premier cas, comme nous
l'avait expliqué le participant B, c'est le bailleur qui engage l' évaluateur et les ONG mère
et locale sont obligées de s'y soumettre, car c 'est le financier qui l 'impose. La plupart du
temps, c'est peu participatif et c'est souvent réalisé par des personnes qui n'ont pas
pratiqué.
« C 'est des gens [les évaluateurs] qui n'ont pas pratiqué depuis 20 ans.
Ils n 'ont pas l 'expérience pratique et l'expérience théorique ne vaut pas
grand-chose. Ça varie beaucoup d 'un individu à l 'autre. Ça varie
tellement que je pense à deux cas. 1) je pense à monsieur X qui a fait le
suivi évaluation pour des programmes en H afti, qui, lui, arrivait à
comprendre un certain nombre de choses. Qui développait une relation
de confiance avec l 'équipe. Après, monsieur X disparaît; c'est monsieur
Y qui fait le même projet, le même job pour le ministère ; mais lui il a
p lein de préjugés dans sa tête. Il arrive à un moment, il ne cherche même
pas à comprendre ce qui se passe. Une des ambiguïtés, c'est que la
plupart de ces gens-là ne parlent pas créole. Là, ils pensent qu 'ils
comprennent le créole. Parce qu 'en créole, il y a des mots français qui
n 'ont pas la même signification. L 'autre chose, c 'est qu 'il interroge un
groupe qu'il croit [être] francophone or, que le groupe est créolophone.
L es gens vont dire qu 'ils parlent français même s'ils ne parlent pas. L à,
les gens disent oui, oui aux questions, mais ça ne veut rien dire. »
(Participant B)
64
En fait, 1'ONG ne peut pas vraiment se baser sur les résultats d'une telle évaluation
pour s'ajuster, apprendre et s'améliorer. Dans le deuxième cas, c 'est-à-dire lorsque
l'évaluation est commanditée par l'organisation mère, l'évaluateur choisi est également
une tierce personne qui n'entretient aucune relation avec 1' organisation mère ni avec
l'organisation partenaire. Afin d'éviter la problématique liée à la méconnaissance des
aspects socioculturels du terrain et de favoriser les ressources locales, les organisations
optent pour un évaluateur haïtien (dans 40% des cas). L'évaluation externe est, de plus, un
moment d'apprentissage ou de redressement qui n'est recommandé ou exigé que par les
besoins de 1'organisation. Il ressort des entrevues trois types d'évaluation externe,
lorsqu'elle est sollicitée par l'ONG mère : l'évaluation externe formelle, l'évaluation
externe informelle et 1' audit.
Comme nous 1'avons défini précédemment, une évaluation formelle est une
évaluation qui se fait en respectant les procédures connues de l' évaluation (ch. Chapitre 2).
Selon les participants, l' évaluation externe formelle se fait selon les besoins de
l 'organisation comme en t émoignent les participants A et C
«Et nous ne demandons des évaluations formelles que quand nous avons
la perception qu'il y ait quelque chose qu'on doit étudier plus en
profondeur ou [qu'] il y a quelque chose dans la mise en œuvre d'une
activité ou d'un projet qui ne fonctionne pas bien et [que] nous, nous
n 'arrivons pas à comprendre pour quelle raison. »(Participant A)
« C 'est très important p our nous que le p résident aille en Hafti . Parce
que si lui il n y allait pas on aurait beaucoup moins d'information. Cette
année il n'est pas allé, mais il y un fra nçais qui m 'informe de tout ce qui
66
3) Audit externe
4.3.3 AUTO-EVALUATION
En plus des évaluations interne et externe, nos participants effectuent également des
auto-évaluations qui sont en quelque sorte un bilan de programmation. Ceci se fait à tous
les six m ois ou une fois par année sur des financements à long terme, si le bailleur accepte,
dans le but de rendre compte de la réalité, d' améliorer ses performances et ses résultats.
Pour recourir à cette pratique d 'évaluation, un financement d'au m oins deux ans est
nécessaire pour permettre de changer de méthode ou de s' ajuster, comme en témoigne le
participant B :
Selon les participants qui nous ont parlé de ce t ype d' évaluation, la méthodologie
et les critères doivent être préétablis, car cela permet de tenir compte de tous les aspects
qui seront évalués, des différentes étapes et du m oment de cette évaluation. Tous ces
témoignages font ressortir sept sous types d' évaluation utilisés par les ONG que nous
68
pouvons regrouper en trois principaux types dont : 1) 1' évaluation externe qui comprend
l'évaluation externe informelle et formelle et les audits ; 2) l 'évaluation interne qui
comprend l'évaluation interne formelle et informelle et la contre-évaluation ; 3) l'auto-
évaluation qui comprend le bilan programmation, très proche d'une 'évaluation à 1'interne
visant des mises à jour à fréquence rapprochée. Soulignons que les données recueillies nous
ont permis de connaître la procédure ou la façon de faire dans le cadre de ces évaluations.
Les détails sont présentés dans la prochaine section.
À la question portant sur la manière dont se fait 1' évaluation (question 8 de la grille
d'entrevue, annexe 1) dans chacune des ONG participantes ; les données recueillies nous
ont permis de ressortir les éléments liés à la faisabilité matérielle des trois types
d'évaluation en deux sections; d'une part, la périodicité ou le moment choisi pour faire
l 'évaluation, et, d 'autre part, l 'identification des acteurs impliqués dans le processus
d 'évaluation, leur rôle et leur responsabilité.
Selon les répondants, le moment choisi pour faire l 'évaluation peut dépendre soit
du choix de 1' organisation mère soit de celui du bailleur de fonds, en particulier dans le cas
d'une évaluation externe sollicitée par ce dernier. Dans le cas où l' évaluation est sollicitée
par l' organisation mère ou par l'organisation bénéficiaire, les données nous ont permis
d 'identifier trois moments précis pour évaluer, à savoir : au début du projet, pendant
l'exécut ion du projet dont le monitoring continu en est une variante et à la fin du proj et. Le
choix de ces m oments ne relève pas du hasard, car ils sont guidés par les besoins de
l 'organisation ou l 'obj ectif de l' évaluation. Dans les points suivants, nous présentons ces
différents moments et la raison qui oriente ces choix.
69
Pour la majorité des participants (60 %), il est primordial de faire une évaluation
avant le démarrage d'un projet. Toutefois, selon 20% de ces participants, malgré la
nécessité d'une telle activité en début d'un projet, il ne s'agit pas d'une évaluation dans le
vrai sens du terme. Il s'agit plutôt d'une étude de faisabilité ou mieux une étude des
données de base appelée« base line >>, qui permettrait d'obtenir des informations sur l'état
des lieux avant la mise en œuvre du projet afin d'assure sa viabilité et pouvoir comparer
1' avant et 1' après-projet, comme un des participants le confirme dans ce verbatim :
«Nous, on veut savoir dans quelle mesure notre projet va améliorer les
conditions de vie dans telle communauté en Haïti. Trois ans avant le
commencement du projet, il faut que nous cherchions quelles étaient les
conditions de vie. C'est comme ça, deux ans ou trois ans plus tard, à
partir des données de base qu'on peut savoir si c'est mieux ou pas. »
(Participant A)
Pour les autres 40 %, 1' objectif de 1' évaluation au démarrage du projet est de vérifier
si le projet soumis par les partenaires (représentant et/ou organisations haïtiennes) est
vendeur auprès des donateurs. Bref, une évaluation en début de projet sert surtout à faire
un tri entre plusieurs projets locaux en fonction des critères de financement prescrits par
les bailleurs de fonds éventuels, et ce, afin d 'aller chercher des fonds comme l'affirment
deux des participants à 1' entrevue,
1) Changer de stratégie dans le cas d 'un projet de deux ans et plus. Le propos du
participant ci-dessous met en lumière ce fait,
« Mais dans les premiers mois après le démarrage dès qu 'on a les
premiers résultats cette évaluation-là ça nous permet de pouvoir
réajuster pour le reste du programme .. E n anglais on utilise le mot "
will ti me evaluation '' qui fait qu'après 3 mois d'un début de p rogramme
humanitaire on fait un constat de la situation afin de réaligner le
programme plus rapidement. >>(Participant D)
« Après chaque étape. Si l'étape est trop longue, on en fait deux. Cela
nous permet de voir si ç'a bien été avant d 'entamer la prochaine étape.
» (Participant C)
71
Dans certains cas, 1'évaluation peut se faire avant la fin d'une année financière. Par
exemple, pour un projet financé par le Gouvernement du Canada, l'évaluation a lieu
quelque mois avant le 31 mars, date qui coïncide avec la fin d'une année financière
canadienne. Dans le cas où 1' organisation des Nations-Unis est bailleur de fonds, on prévoit
l'évaluation avant le 1er janvier. L'obligation de faire l'évaluation à ces moments précis,
trouve sa logique dans le fait qu'il s ' agit des projets rigides, c' est-à-dire qu'ils ne sont pas
encore confrontés à la réalité dès leur conception, nous dit le participant B :
« On est obligé de faire ça à ces moments parce qu'il s 'agit des projets
rigides. Et les projets rigides ne sont pas intéressants. Le projet tel qu'il
a été conçu n'est pas confronté à la réalité[. .. ] prenons le cas d'un projet
où le bailleur demande de faire cinq puits dans une localité. En creusant
tes puits, tu te rends compte qu'il y a déjà 5 autres à côté qui ne sont pas
entretenus et là tu [en] creuses d'autres. Là, tu vas dire que le problème
ce n'est pas de creuser d'autres puits c'est de travailler avec les gens
pour qu'ils les entretiennent. )) (Participant B)
Soulignons qu'il existe une variante d' évaluation continue qu 'on nomme
le monitoring qu'il est important de présenter la spécificité, car elle se fait
différemment.
Le choix d'une évaluation continue, qu'on appelle aussi monitoring continuel, est
très important pour une organisation. Elle se fait à l' aide des NTIC comme nous l' explique
ce participant :
«Aujourd 'hui, dans l 'époque moderne dans lequel nous vivons, grâce
au moyen de communication, notamment internet Facebook, les réseaux
sociaux, les téléphones cellulaires, etc. nous sommes en contact
pratiquement quotidien avec nos collègues haïtiens. C 'est pour ça que
nous croyons avoir une connaissance assez sophistiquée assez précise de
ce qui se passe sur le terrain et de comment le travail est fait d 'une faç on
organique tous les jours à mesure. )) (Participant A)
72
Il faut ajouter que cette évaluation quasi quotidienne est possible dans la mesure où
la confiance est établie entre les deux partenaires, c'est-à-dire entre 1'organisation mère et
l'organisation haïtienne, selon le témoignage du participant susmentionné :
temps je dis le contraire. En même temps je vous dis qu'on ne fait pas
d 'évaluation dans le sens formel des choses, je pourrais vous dire la
même chose, mais sous un ton différent sauf que nous sommes en
évaluation continuelle. )) (Participant A)
Le projet une fois terminé ne peut plus faire l'objet d'un ajustement ou d'une
correction. Pourtant, les cinq organisations participantes estiment qu 'il est important
d'évaluer le projet terminé. Vu que l'évaluation est un moment d'apprentissage, la faire à
la fin permet de tirer des leçons soit pour mieux faire plus tard dans le cas où les résultats
n'étaient pas satisfaisants, soit pour comprendre les facteurs de réussite et de les appliquer
à d'autres projets à venir ou semblables comme le témoignent les participants ci-dessous :
« [C] 'est qu'est ce qu 'on a fait pour que ça ne donne pas de résultats,
pour quoi ça n'a pas marché ? Une fois qu 'on trouve le point fort et le
point faib le de cette affaire-là, après c 'est quelle leçon qu 'on peut en
tirer? Si on continue comment on peut utiliser cette affaire-là pour qu 'on
s'améliore et avoir de meilleurs résultats l 'année prochaine. ))
(Participant B)
« A la fin du projet on le fait pour voir si ç'a bien été ou si ça n'a pas
bien été pourquoi ça n 'a pas bien été. )) (Participant C)
« Ensuite l 'évaluation fi nale comme je disais tout à l 'heure, c'est des
leçons apprises. Qu 'est-ce qu'on a appris pendant le projet ? Qu 'est-ce
qui a bien été et moins bien été ? )) (Participant D)
74
En plus de vérifier les points forts et les points faibles à la fin d'un projet,
l'évaluation en ce moment peut être réalisée dans le but de faire preuve de transparence
envers les bailleurs de fonds en ce qui a trait au financement reçu antérieurement. Une sorte
de reddition des comptes peut être voulue afin de faire reconnaître ses capacités de bon
gestionnaire de fonds, afin de rassurer le même donateur ou un autre sur l'affectation des
fonds. Une évaluation à la fin d'un projet vise aussi d'aller chercher de nouveaux
financements ; le participant E le confirme :
Quand nous parlons des parties prenantes au processus d' évaluation dans les ONG
de développement œuvrant en Haïti, ils ' agit des acteurs impliqués dans ce processus. Selon
les répondants, cette implication de différents acteurs est un facteur indispensable à toute
bonne évaluation. Ainsi, comme nous l'avons souligné dans la recension des écrits (cf. le
point 2.3.3.1), quel que soit le type d' évaluation sollicitée par l' organisation, la
participation de toutes les parties prenantes représente une condition sine qua non pour
75
garantir de meilleurs résultats. Les témoignages nous ont permis d'identifier les parties
prenantes suivantes: le mandataire, les partenaires, le représentant de l'organisation sur le
terrain, l'évaluateur, les bénéficiaires, les bailleurs de fonds et le siège en Haïti. Cependant,
le rôle de chaque partie prenante peut différer suivant qu'il s'agit d'une évaluation
systématique ou pas ou encore dans une contre-évaluation. Une évaluation systématique
renvoie à une situation où 1'organisation, le moment, le nombre et les étapes de 1' évaluation
pour chaque projet dans le sens administratif sont connus d'avance. C'est donc une
définition en compréhension ou un synonyme de l'évaluation formelle qu'elle soit interne
ou externe. Par évaluation non systématique, nous comprenons les évaluations informelles
que l'organisation ne prévoit pas à l'avance pour son projet, mais qu'il peut arriver qu'elle
en fasse en cours de route ou à la fin. Dans les points qui suivent, le rôle et la responsabilité
de chaque partie prenante seront définis.
Le mandataire est l'ONG mère. Dans le cas où l'organisation partenaire ne fait pas
d 'évaluation systématique à chaque projet, le premier a pour rôle et responsabilité de
définir clairement la question qui le préoccupe et il finance l'évaluation. La question étant
définie, il s'assoit avec le partenaire afin de vérifier avec lui s'il a des recommandations à
faire. Une fois que 1'ONG mère a les résultats de 1' évaluation, de concert avec le partenaire,
ils procèdent à l'analyse des recommandations afin de prendre les décisions qu'il faut.
« Il est sujet parce qu 'i !la pilote, il la commande avec nous. Il est objet
parce qu'il est observé. Nous demandons à l 'évaluateur: "regarde, dis-
nous comment fonctionne tel groupe, sa structure de [prise] des
décisions". »(Participant A)
Il arrive que certaines organisations aient des représentants sur le terrain. Il peut
s'agir d'une personne morale ou physique. Lorsque c'est le cas, ce représentant, lui
également, est partie prenante d'une évaluation. Lorsque 1'organisation fait des évaluations
systématiques, le représentant joue un rôle d'intermédiaire entre l ' organisation mère
(québécoise) et 1' organisation haïtienne (locale). Le représentant surveille 1' organisation
locale en vue de s'assurer qu'elle respecte toutes les étapes de la mise en œuvre d'un projet
et de l'évaluation. C'est le représentant qui analyse et approuve les décisions de
l'organisation haïtienne. Il garde les rapports et tous les autres documents ayant servi à
l'évaluation. Il répond aux questions de l'organisation mère. Dans le cas où l'évaluation
externe n 'était pas systématique, le représentant de l'organisation a pour rôle d'analyser la
problématique avec l'organisation locale partenaire pour essayer de voir s'ils peuvent
trouver une explication satisfaisante à la situation problématique.
S'ils n ' en trouvent aucune, le représentant, alors, accompagne 1' organisation haïtienne
locale dans le choix d'un évaluateur externe. Il présente l'évaluateur à l'organisme mère
pour approbation. Il fournit les documents nécessaires à l'évaluateur externe. Dans le cas
d'une contre-évaluation, le représentant répond aux questions de l'organisme mère, il lui
présente les rapports et tous les autres documents nécessaires.
78
Le rôle du bailleur de fonds lors d'une évaluation est très important dans certains
cas. Selon le participant B, celui-ci doit donner son accord en tant que mandant pour que
l'évaluation ait lieu sans quoi l'organisation ne pourra pas en faire, et ceci même si elle
constate que quelque chose ne fonctionne pas dans la mise en œuvre du projet, comme il
l'explique:
À part le fait d' être m andant, un bailleur de f onds peut, également, jouer le rôle de
mandataire. Dans ce cas, c 'est lui qui évalue 1' organisation mère et celle-ci n 'a rien à faire
d'autre que de s'y soumettre. La plupart du temps, ce sont des évaluations peu
participatives, comme 1' explique le participant B :
« Externe, on n'a pas le choix c'est les bailleurs qui nous évalue. Ça
varie beaucoup selon les bailleurs. L a plupart du temps c'est peu
participatif. » (Participant B)
Aussi, il peut, avant de financer un proj et, extger une évaluation comme en
t émoigne le participant C :
« P ar exemple [on avait un projet de construction] à un moment donné
[le bailleur] a dit ooppss il faut une évaluation environnementale du site
que vous avez l 'intention de construire ... Donc là on a engagé une
Haftienne qui était spécialisée dans l 'évaluation environnementale. »
(Participant C)
80
Quant aux bénéficiaires directs (population), ils sont également inclus dans les
évaluations. Leur rôle, le plus souvent, consiste à fournir des informations afin d'avoir des
réponses à certaines questions importantes, selon le témoignage du participant A :
De plus, les bénéficiaires directs peuvent jouer aussi le rôle de consultant puisqu'ils
disent ce qui a bien fonctionné ou non et qu'ils font des recommandations pour améliorer
les résultats, selon le participant C :
« Quand on y va, on ne va pas voir tous les paysans, on va voir ceux qui sont
les plus insistants. On peut leur demander ce qui a bien été ou pas après ils
peuvent nous faire de recommandations en disant, nous, on pense que ça ou ça
serait mieux. >> (Participant C)
Au terme de ce quatrième point sur la fai sabilité de 1' évaluation, il faut retenir que
le moment choisi pour la faire dépend des besoins de 1'organisation ou des objectifs de
l 'évaluation. La majorité des organisations éprouvent le même besoin lorsqu' elles décident
de faire une évaluation au début, en cours ou à la fin d'un projet. Par ailleurs, toutes les
évaluations sont participatives, c'est-à-dire que le processus d'évaluation nécessite
l'implication de tous les partenaires du projet, qu'ils soient présents localement en Haïti ou
qu'ils proviennent du Québec. Le tableau ci-dessous présente une synthèse de différents
t ypes d 'évaluation et les parties impliquées dans le processus.
81
Tableau 6.0: Partenaires ou principaux acteurs impliqués dans les différents types d'évaluation
Mandataire Mandataire
Évaluateur Évaluate ur
Partenaire haïtien Partenaire haïtien
Représentant en Haïti* Représentant en Haïti*
Bénéficiaires Bénéficiaires Bilan programmation
Siège extérieur Bailleur de fonds*
Mandataire
Infonnelle Infonnelle Évaluateur
Partenaire haïtien
Bénéficiaires
Mandataire Mandataire
Évaluateur* Bailleur de fonds
Partenaire haïtien
Partenaire haïtien
Contre-évaluation Audit
Mandataire Évaluate ur
Évaluateur Siège extérieur
Représentant en Haïti
Bénéficiaires
*Acteur dont l'1mphcat10n n'est pas obhgatorre
C omme il a été dit au point 4.4.2, les mandataires sont, en fait, les organisations
mères voilà pourquoi nous avons omis de les ajouter dans le tableau 6. Ainsi, les pratiques
d 'évaluation des ONG participantes étant décrites, nous présentons dans le prochain
chapitre la perception des participants par rapport aux pratiques d'évaluation de leur ONG .
Cette présentation sera accompagnée de la discussion des r ésultats.
CINQUIÈME CHAPITRE
PERCEPTION DES RÉPONDANTS SUR LES ÉLÉMENTS DE
L'ÉVALUATION DE PROJETS
À la fin du troisième chapitre, nous avons mentionné que les résultats seront
présentés en deux temps. Ainsi, ce dernier chapitre porte sur la discussion et l'analyse des
résultats de la recherche basée sur la perception des répondants par rapport à leurs pratiques
et procédures d'évaluation au regard de celles décrites dans la littérature. Ce chapitre vient,
donc, compléter le précédent. Les points suivants le constituent : la perception des
répondants par rapport aux pratiques d'évaluation ; la perception de la faisabilité de
l'évaluation; la perception des procédures d'évaluation en tenant compte de l'exploitation
des résultats, 1'impact sur les décisions et les indices d'appréciation.
À la question portant sur les perceptions concernant les pratiques d 'évaluation dans
leur organisation, la totalité des représentants des ONG interviewés dit intégrer 1' évaluation
dans leur mode de gestion et lui fait une place d'honneur. Tous les participants affirment
aussi que l' évaluation est une tâche très importante et qu' ils en font à chaque projet et
même plusieurs fois par projet. En ce qui concerne, la fréquence à laquelle se font les
évaluations, la perception diffère d'une ONG à l'autre, car la périodicité des évaluations
n 'est pas identique. Chacun, en vertu de ses besoins et de ses objectifs, articule sa stratégie.
De même, la nomenclature regroupant les types d' évaluation est vaste. Toutefois, il existe
des similarités dans les types d'évaluation malgré que les pratiques diffèrent, ce qui peut
être normal du fait qu'il s'agit d'organismes hétérogènes en ce qui a trait à leur histoire,
leur fonctionnement, leurs sources de financement, le type d' activités qu'elles réalisent ou
encore leur périmètre géographique d'action. Ainsi, nous comprenons que chaque
organisme est un cas unique et qu'il sera difficile de trouver une définition pour un modèle
unique d' organisme (Buclet, 2002).
83
Tableau 7.0: Présentation des différents types d'évaluation utilisés par les organismes participants
Types
d'évaluation ONGA ONGB ONGC ONGD ONGE
utilisés/ONG
Évaluation Informelle Formelle Formelle Informelle
interne
Auto-évaluation Bilan
programmation
« Ils [les évaluateurs engagés par les bailleurs] n'ont pas l'expérience
pratique et l'expérience théorique ne vaut pas grand-chose. La plupart
du temps, c'est peu participatif. >>(Participant B)
« Pour le projet qui est prévu pour 3 ans et demi, on a une ligne
d'évaluation. On va prévoir d'avoir deux évaluations. On aura une
évaluation à mi-parcours.. >>(Participant D).
« Selon mon expérience, quand on a des programmes très importants qui
nous inquiètent un peu, des programmes plus compliqués, plus
dangereux dans certains pays, et on décide de faire une évaluation
externe soit à la fin pour constater ce qui est fait, la bonne façon de
préparer une évaluation, c'est de programmer ça au début. On peut
décider ce qui est crucial. À ce moment-là, dès le commencement du
projet, les éléments relatifs aux f acteurs qu 'on veut évaluer devraient
être quelque part gardés de sorte que quand on va faire l 'évaluation
externe, on a le matériel pour le faire. Ça, c 'est la bonne façon de faire.
»(Participant A).
L'évaluation interne, bien que commune aux organisations, ne se fait pas de la même façon.
Pourtant, chacun perçoit ses pratiques comme étant les bonnes. En effet, il est très
important, disent Prahalad et Hammel (1995), pour une ONG, d'avoir une bonne stratégie
de gestion. Cela lui permet d'être performante et compétitive dans son secteur d'activités
et d'anticiper une structure pour définir 1'évolution de celui-ci. L'analyse des résultats nous
permet d'avancer que l'évaluateur interne peut effectuer un travail de qualité, rigoureux et
objectif (Sonnichsen, 1987), tout comme celui qui est externe. Mais, cela nécessite un
travail participatif, comme l'expliquent les participants.
C'est dans ce sens que 1' on peut comprendre le propos d'un participant qui affirmait
lors de 1'entrevue que « pour vérifier si cela a bi en été ou pas, nous procédons à l'auto-
évaluation ». Dans un autre de ses commentaires, ce participant soutien que «l'auto-
évaluation est un processus qui permet à l'organisation de s 'autocontrôler et de
s'interroger dans le but d'améliorer sa performance» (Participant B). Qu'à cela ne tienne,
il reste à savoir comment les ONG participantes perçoivent la faisabilité de différents types
d'évaluation qu'elles sont censées faire.
Les résultats des entrevues indiquent que les répondants ont une image positive de
la participation au processus d'évaluation. Ils ont cette perception du fait que pendant les
différents types d'évaluation, les partenaires locaux (ONG haïtiennes, les équipes
travaillant aux sièges extérieurs ainsi que la population) font partie intégrante de son
environnement au sens large comme 1' a souligné Castel (2003 ). Effectivement, nous avons
constaté une généralisation de la participation des bénéficiaires directs et indirects dans
80% des organisations interrogées. Le bénéficiaire n'est plus considéré uniquement
comme celui qui se fait aider, mais également comme l'aidant, car il est partie prenante de
la cause presque au même titre que l' ONG mère.
89
« Les projets sont tous formulés sur le terrain, en Hafti, par des
organisations locales. On ne met en œuvre aucun projet directement
nulle part dans le monde. » (Participant A).
« Avec nous autres, le projet, c'est notre partenaire en Haïti qui
l'élabore. C 'est eux qui savent qu 'est-ce qu'ils ont besoin. )) (Participant
C).
En ce qui a trait à la mise en œuvre des projets sur le terrain haïtien, la procédure
est bien vue par tous les répondants puisque ce ne sont que les partenaires locaux qui
participent à l 'exécution les proj ets. Les opinions suivantes le confirment :
«Le rôle des partenaires est le même que nous autres, à savoir que si ça
n'a pas donné de résultats, c'est qu'est-ce qu'on a fait pour que ça ne
donne pas de résultats, pourquoi ça n'a pas marché. Une fois qu'on
trouve les points forts et les points faibles de cette affaire-là, après, c'est
quelle leçon qu'on peut en tirer ? Si on continue, comment on peut
utiliser cette affaire-là pour qu'on s'améliore et avoir des meilleurs
résultats l'année prochaine. >> (Participant B).
« Il y a un devoir d'analyse des recommandations qui revient au
mandataire et au partenaire. [. .. ] quand les recommandations sont
faites, nous les exploitons àfond. » (Participant A) .
«Mais ce sont eux [partenaires] qui prennent les décisi ons. Qui nous
disent s'ils acceptent ou pas. » (Participant B).
« Une fois, nous, on a dit à notre partenaire qu'on va arrêter parce qu'il
n 'a plus besoin de nous. Il nous a f ait changer d 'avis. C 'est minuscule ce
qu 'on peut donner comme aide. Mais, des fois, le financement
complémentaire qu'on donne à une œuvre ça lui p ermet de devenir
admissible pour l 'Organisation mondiale de la santé, pour une grosse
subvention. L a différence entre être admissible et ne pas l'être, de f ois,
c 'est nous, on faisai t la différence, tu comprends. » (ParticipantE) .
«Avec nous autres, le projet c'est notre partenaire en Haïti qui l'élabore.
C'est eux qui savent qu'est-ce qu'ils ont besoin, c'est son projet. Nous,
on ne paie pas de salaire. >>(Participant C).
« Le projet appartient à notre partenaire. Si le projet n'est pas réussi,
nous, nous perdons seulement un peu d'argent, mais eux, ils perdent
tout: leur crédibilité, leur gagne- pain. Ils vont perdre presque tout.
Nous, à Montréal, nous ne formulons aucun projet, les projets sont tous
formulés en Haïti. » (Participant A).
« [. .. ]Et je suis capable de bâtir une proposition de projet acceptable,
j'ai cette expertise-là, si vous êtes d'accord on [moi et le partenaire]
travaille ensemble. Vous me donnez le contenu, moi je vais m'asseoir
avec vous autres, comme pis, on l'a faite. On est allé chercher du
financement. Ça fait partie du développement, habituer les gens à
identifier les problèmes, les stratégies. Cet exercice-là est aussi
important que les activités comme telles. »(Participant B).
« C'est son projet. Il nous fait plusieurs propositions et, nous, on choisit
celui qu'on peut financer. »(ParticipantE).
Ainsi, la population qui représente les bénéficiaires directs des projets est toujours
impliquée dans l'évaluation, mais de manière plus limitée que ne le sont les partenaires
locaux. Dans ce cas, on parlera d'une participation déterministe de la population. En fait,
lors de l'évaluation, les bénéficiaires directs (population) sont interpellés pour donner leur
appréciation du projet et dans certains cas pour répondre aux questions ponctuelles et
spécifiques tendant à valider les informations recueillies auprès du partenaire local.
Constatons ici que les ONG québécoises interviewées laissent entrevoir que le caractère
déterministe de l'implication de la population au processus d 'évaluation n'est qu'apparent,
car dans six cas sur dix, les organismes interrogés affirment que les bénéficiaires sont très
satisfaits et déjà bien représentés par les partenaires que ce soit dans la conception,
l'exécution et l' évaluation du projet. Les propos suivants en témoignent largement:
«Par leur réaction, oui, les bénéficiaires sont satisfaits de nos activités.
Les bénéficiaires quand on va les voir, pour eux autres, il faut qu'ils nous
montrent leurs jardins parce qu'ils sont très fiers. Ils ont beaucoup
investi, ils ont écouté les techniciens et ont suivi les informations. ))
(Participant C).
«Je te dirai que la satisfaction, elle dépasse nos attentes et celle de notre
partenaire et ça permet de recevoir plus de patients. )) (ParticipantE).
L'analyse selon laquelle la participation des bénéficiaires à 1'évaluation des proj ets
est interactionniste indirect ement n' écarte pas les autres 40 % des participants, car
l'insatisfaction des bénéficiaires serait, selon leur perception, liée à la problématique des
actions collectives, comme l 'explique ci-dessous le participant B
Pour d 'autres, c' est la corrélation négative entre les besoins des bénéficiaires, leur
budget et 1'irresponsabilité de 1'Ét at qui en est la cause.
Lors de la collecte des données sur le terrain, nous avons voulu connaître la
perception des répondants quant à l'autonomie que la nouvelle forme d'organisation basée
sur l'entente partenariale confère aux partenaires. À cette question, la majorité des ONG
participantes, soit 80 %, perçoit positivement le pouvoir d'agir des ONG haïtiennes locales.
Effectivement, nous avons constaté une très grande autonomie de la part des partenaires
haïtiens concernant leur pouvoir d'agir au sein des organisations. Ils jouent, étant les
représentants des bénéficiaires directs qui, eux, sont membres d'une communauté, un rôle
important dans le processus de leur autonomie afin qu'ils favorisent celle de leur
communauté. De plus, en lien avec la perception des ONG québécoises vis-à-vis de
l'autonomie des partenaires haïtiens, notre interprétation nous a permis d'identifier ces
quatre composantes essentielles à leur autonomie, telles que présentées par Ninacs (2008,
p. 59) dans son ouvrage intitulé « Empowerment et intervention: développement de la
capacité d'agir et de la solidarité »:
Quant à l'impact des évaluations sur les décisions que prennent les ONG, tous les
participants partagent la même perception : ils en sont entièrement satisfaction.
L'explication qu'ils donnent de celle-ci rejoint la définition de Boutanquoi (2012) selon
laquelle l'évaluation est un moment de questionnement et de réflexion sur des situations
qu'on veut comprendre. Selon eux, une fois que l'inconnu est connu, il convient à
l'organisation mère et aux partenaires de bien analyser les recommandations émanant des
résultats de l 'évaluation afin de prendre des décisions éclairées. Et, celles-ci se prennent
conjointement avec les partenaires dans certains cas d'évaluation interne ou de bilan
programmation ou d'évaluation externe (4/5). Dans d'autres, où l'organisation intervient
directement auprès des bénéficiaires, comme celui de l 'organisme D, il revient au siège de
prendre les bonnes décisions et de s'assurer que les indicateurs de suivis soient respectés.
95
«Parfois ça arrive que les décisions ne sont pas les bonnes. Par exemple, on
a financé un projet X Le projet était une catastrophe. Ils, les partenaires et
notre représentant, ont décidé, suite à leur évaluation, qu'il fallait le fermer
parce que ça ne donnait rien. Nous, avons envoyé quelqu'un faire la
vérification. Après, les résultats étaient quel 'information qu'ils ont donnée par
rapport au projet X n'était pas bonne. Ils n'avaient pas vraiment de
connaissance là-dedans. Donc, cette vérification-là nous a permis de prendre
de bonnes décisions et de remettre sur pied le poulailler. Parce que dans son
groupe, la représentante responsable, il y a du monde qui est consciencieux
qui a du jugement, mais elle, ellen '[en] a plus. >>(Participant C).
Ajoutons que la procédure pour prendre de bonnes décisions dans le cas d 'une
évaluation externe ne s'éloigne pas trop de celle de l'évaluation interne. Cependant, comme
l'explique le participant A, une fois qu'ils ont les résultats de l'évaluation, il y a un devoir
d'analyse qui revient au partenaire et à lui pour statuer sur les recommandations à retenir.
Malgré cela, il perçoit positivement la façon dont lui, son représentant et son
partenaire s'arrangent pour préciser comment interpréter chaque indicateur sur le terrain.
En dépit de tout, il n'a pas la perception, même après qu'ils aient été précisés, que les
indicateurs sont toujours bien suivis par son représentant et son partenaire, comme il
l'affirme dans son témoignage:
« Comme je dis tantôt, on servait des tableaux qui étaient fournis par X
(le nom du bailleur). Les indices sont tout de même assez larges. C'est
nous-mêmes qui avons à définir plus précisément dans le concret
comment ça s'interprète sur le terrain. De la façon dont on les définit, je
suis satisfait. On fait tout ça avec notre partenaire là-bas. En général ils
(partenaire et représentant) avaient [à] nous donner les informations
justes. Là où on n'était pas satisfait, c'est quand on n'avait pas
l'information complète ou quand c'était mal comprise. »(Participant C).
L'insatisfaction des autres 40% concerne soit la mise en application des outils
d'évaluation, soit l'insuffisance de ressources financières et humaines soit encore un
manque de capacité financière,
« Tous les outils sont en place pour faire de bonnes évaluations. Tous les
outils sont là, mais c'est dans l'utilisation que ça devient très complexe.
Au jour le jour, la réalité sur le terrain fai t qu 'on manque de temp s. C 'est
plus la mise en pratique de bons standards que de changer les façons de
faire comme telles. L es rapports d'évaluations sont trop volumineux pour
pouvoir les lire. » (Participant D).
«On n'a pas d'autre méthode. Quand il va là-bas, il prend des photos.
Si, lui, il était photographe de métier, ça serait meilleur parce que, des
fois, il prend des photos on les regarde et on ne voit pas bien qu 'est-ce
que c 'est. Il y a des photos qui parlent moins que d'autres. Alors, Dieu
merci qu'il prend beaucoup de photos. L es résultats sont quand m ême
bien exploités. » (Participant E).
Parmi les participants, un seul avoue être pleinement satisfait des procédures
d'évaluation de son organisme, c' est le cas du participant A :
Et moi, je préfère mettre mon argent dans d'autre chose qui aide les gens
sur le terrain en Hafti, en Colombie, aux Philippines plutôt que payer
des consultants.
Par ailleurs, nous et d'autres organisations que je connais, on ne voit
pas l'intérêt et le bénéfice réel soit de demander au partenaire de faire
auto-évaluation, soit de demander au personnel d'ici, de façon interne,
d 'être à lafoisjuge et partie de leur travail. Oui, je pense que nous avons
de bonnes politiques ; pour le moment, on les garde. » (Participant A).
Pour ce qui concerne les acteurs, ils ont une perception négative vis-à-vis de leur
implication. Cette perception se traduit soit par une déception par rapport à leur mentalité
à vouloir combler leurs intérêts personnels à court terme soit par un mauvais jugement de
leur part qui considère l'évaluation comme un contrôle. À ceux-ci le participant B et A
affirment:
«Je n'ai pas d'histoire à succès en Haïti. L'ambiguïté c'est que chacun,
en Haïti, veut sauver sa peau à court terme, mais ne veut pas développer
Hafti. Tu arrives avec un projet de développement, mais ils ne veulent
pas le développement. Ils veulent chacun savoir qu 'est-ce que moi j e vais
tirer, qu 'est-ce que cela va m'apporter à moi. )) (Participant B).
En ce sens, les participants ont la perception qu' il doit y avmr une pnse de
conscience et un dépassement de soi de la part des acteurs dans le but de f avoriser de
meilleurs résultats de 1' évaluation et de 1' aide au développement. Ils insistent sur la
nécessité de former les acteurs afin qu 'ils développent leur sens du leadership, leur
jugement et leur capacité à l'autocritique dans leurs décisions. De plus, ils devraient
comprendre également ce qu' est une entente partenariale afin qu' ils ne conçoivent plus
l'évaluation comme un processus de contrôle, mais comme l' outilleur permettant de bien
gérer 1'organisation locale.
99
Quant aux institutions locales, les ONG participantes ont une perception négative
qm s'explique, premièrement, par une faillite de l'État haïtien dans ses fonctions
régaliennes, car celui-ci se décharge de ses responsabilités sociales au bénéfice des ONG
(Castel, 2003). Et, normalement, c'est aux gouvernements qu'il revient, de fournir «les
environnements macro-institutionnels dans lesquels le développement peut se produire»
(Ostrom, 2012, p. 6). Afin de rendre moins complexe et précaire leurs interventions, les
ONG participantes estiment qu'il serait souhaitable que 1'État haïtien prenne ses
responsabilités, le témoignage de ce participant confirme cela :
Par rapport au coût des évaluations, leur perception est très positive. D'abord il n'a
aucun impact sur la qualité ou sur le nombre d'évaluations à effectuer par projet, car le
choix de l'un ou de l'autre type d'évaluation, interne, externe, bilan programmation, etc.,
ne lui est nullement tributaire. Ensuite, il n'y a pas des barèmes internationaux pour le
salaire d'un évaluateur, le coût est négociable.
Au terme de ce dernier chapitre portant sur la perception des employés sur les
éléments de l'évaluation des projets précités au chapitre cinq, nous retenons que
l'évaluation ne fait pas peur aux ONG contrairement à ce que fait croire l'opinion publique.
Elle est perçue comme un outil de gestion indispensable à la réussite de toute intervention.
Néanmoins, une bonne collaboration de tous les acteurs rendrait plus efficacité les
évaluations, ce qui entraînerait de meilleurs résultats de 1'aide au développement. Les
résultats de la recherche étant exposés, la conclusion de ce travail de recherche suivra. Elle
fait la rétrospective, entre autres, des éléments à retenir, des limites et les perspectives de
recherche.
CONCLUSION
Cette recherche poursuivait deux objectifs, d'abord, celui d'identifier et décrire les
pratiques d'évaluation des activités de l'aide au développement au sein des organismes
humanitaires québécois en Haïti depuis 2005. Ensuite, celui de cotlllaître la perception
d'employés (salariés et bénévoles) des organismes humanitaires participants à notre
enquête sur l'évaluation des projets d'aide au développement en Haïti. Les ONG
participantes répondaient toutes aux deux critères établis voulant que l'ONG ait au moins
10 ans d'expérience en Haïti et qu'elles soientrecotlllues comme un OBNL au Québec. De
plus, les répondants correspondaient également à nos critères d'ancienneté et à ceux du
poste du répondant, conformément à la description faite au point 3.2.2.6.
Concernant les employés qui ont été interviewés, les résultats ont démontré, selon
leur portrait sociodémographique qu' ils sont tous des personnes expérimentées, ayant
faites des études universitaires et ayant une excellente connaissance des dossiers et
possiblement des pratiques d 'évaluation concernant les activités d'aide au développement
en Haïti. Cette recherche était menée auprès de cinq organismes québécois ce qui ne nous
donne pas la possibilité de faire une généralisation. Toutefois, nous pouvons avancer que
si les employés des autres organismes québécois œuvrant dans le domaine de l'aide au
développement en Haïti ont ce même profil, contrairement à ce que dit 1' opinion publique,
nous avancerions, sans hésitations, que le persollllels cadres des ONG sont des
professionnels éduqués qui ont beaucoup de connaisses dans le domaine de l'évaluation de
1' aide au développement.
Ces sept sous types d'évaluation, ont été catégorisés en trois grands types selon la
façon dont les organisations les faisaient, nous citons : l'évaluation externe qui comprend
l'évaluation externe formelle et informelle et les audits ; l'évaluation interne qui inclut
l'évaluation interne formelle ou informelle et la contre-évaluation et, enfin, l'auto-
évaluation qui comprend le bilan programmation. Pour 80 % des ONG, deux des grands
types d'évaluations précités se font concomitamment. On peut aussi retenir que
l'évaluation interne est la plus utilisée pour trois raisons : 1) la capacité du personnel à la
réaliser avec succès; 2) la connaissance que l'organisme mère a des partenaires locaux et
3) son faible coût. À part l'évaluation interne, en deuxième position les ONG recourent
(dans 60% des cas) à l'évaluation externe, et ce, pour deux raisons principales : 1) lorsque
les ONG locales ont besoin de beaucoup plus de recul pour scruter avec plus d'attention
les réalisations sur terrain et 2) quand la situation requiert une expertise plus pointue dont
l'ONG locale ne disposerait pas.
Des résultats de la recherche, nous retenons aussi que lors de n'importe quel type
d 'évaluation, la participation interactionniste est privilégiée dans quatre cas sur cinq. Si les
autres ONG travaillant en Haïti ont les mêmes caractéristiques que celles de quelques ONG
québécoises qui ont répondu à l'entrevue semi-dirigée, nous pouvons induire que les ONG
qui apportent de l' aide au développement à la population haïtienne n'interviennent pas
directement auprès des bénéficiaires pendant 1'activité d'évaluation ; elles laissent faire les
partenaires locaux ou leurs mandataires y collaborent au besoin. Cette façon de travailler
est en lien direct avec le fait que 60% des ONG québécoises ne mettent en œuvre
directement aucun projet sur le terrain haïtien. Ce sont plutôt leurs partenaires, des
organisations locales haïtiennes, à qui elles fournissent les ressources nécessaires, qui
assurent la mise en œuvre des projets.
103
Pour terminer, cette recherche avait aussi pour but de présenter les perceptions des
répondants sur les différents types ou pratiques d'évaluation, la faisabilité de l'évaluation
; la perception des procédures d'évaluation en tenant compte de l'exploitation des résultats,
l'impact sur les décisions et les indices d'appréciation relatifs à l'évaluation. À ce sujet, un
constat s'est dégagé: il ne peut pas avoir de projets et même d'organisations sans
évaluation, car celle-ci est indispensable à toute bonne intervention. La première
justification, en se basant sur les données recueillies auprès des ONG participantes, elles
en font plusieurs par projet. La deuxième, est le fait que toutes les organisations mères
(ONG québécoises) ont la conviction que leur façon de faire l'évaluation s'inscrit dans une
approche interactionniste qui, a leurs yeux, est la meilleure, car une évaluation
interactionniste sous-entend un partenariat égalitaire entre les acteurs impliqués dans
l'évaluation d'un projet de développement. Nonobstant cette perception positive, les
participants admettent qu'il existe certains aspects du processus d'évaluation qui sont à
améliorer pour favoriser de meilleurs résultats.
Nous prenons les améliorations mentionnées par les participants comme des
recommandations de cette étude. Elles sont au nombre de quatre : 1) une prise de
conscience des différents acteurs afin qu'ils ne recherchent plus leurs propres intérêts, mais
ceux de la communauté, car cela améliorerait l'efficacité de l'évaluation et celle de l'aide
au développement tout entière; 2) l ' importance pour l'État haïtien de prendre ses
responsabilités en ce qui a trait à ses fonctions régaliennes et à sa capacité à répondre aux
besoins primaires de la population; 3) l'importance de former les partenaires locaux afin
qu'ils développent un sens du leadership, du jugement, de l 'autocritique dans leurs
décisions, qu 'ils comprennent également que l 'évaluation n 'est pas un moyen de contrôle
et qu' ils soient formés aussi sur l'entente partenariale; 4) nécessité d'avoir des entreprises
ou des institutions spécialisées dans les domaines connexes aux champs d'intervention des
ONG afin qu'elles puissent trouver et utiliser les ressources du pays.
104
Pour clore ce mémoire, nous tenons à souligner les limites de cette étude et les
perspectives. En premier lieu, nous avons trouvé peu de publications dans la littérature sur
la perception d'employés des organismes humanitaires de développement sur l'évaluation
de leurs activités. Alors, pour parvenir à produire une connaissance rigoureuse, il était
inévitable d 'explorer et de co-construire la réalité du phénomène de l 'évaluation de l'aide
au développement apportée par les ONG dans les pays en voie de développement dont
Haïti est un cas particulier, car il reçoit l'aide des ONG internationales, notamment celles
des ONG québécoises. Le choix du cadre méthodologique s'inspire du principe de la co-
construction qui consiste à mettre en valeur l'implication d'une pluralité d'acteurs dans
l'élaboration et la mise en œuvre d'un projet ou d'une action (Akrich, Barbier, Blondiaux
et al., 2013). Une des autres limites de cette étude concerne le choix du sujet de recherche.
En effet, nous y avons priorisé uniquement la participation des organismes québécois. Cela
ne nous a pas permis de comparer les pratiques et les perceptions des organismes entre les
provinces canadiennes ou entre plusieurs pays. Nous aurions pu vérifier si, entre
organismes de provinces ou de pays différents, les pratiques sont similaires ou très
dissemblables. Aussi, serions-nous en mesure de vérifier quels types d'évaluation sont les
plus utilisés par les ONG et s'ils sont exploités de la même façon.
Sur le plan de la méthodologie, la recherche est aussi limitée. Comme nous 1' avons
expliqué dans le troisième chapitre, nonobstant toutes les techniques que nous avons
utilisées afin de recruter le plus grand nombre de participants possibles, seulement cinq ont
accepté de collaborer. Avec un nombre restreint de participants, la possibilité de
comparaison est nettement réduite, car nous avons constaté qu'ils ont chacun leur
philosophie. Probablement que, sur une plus grande population, ce serait possible d'en
rencontrer certains qui se ressemblent, mais nous n 'étions pas en mesure de le faire malgré
nos multiples sollicitations auprès d'une vingtaine d'ONG québécoises qui ont des activités
sur le sol haïtien. En effectuant les entrevues avec les représentants des ONG participantes,
nous avons constaté une autre limite. Cette fois-ci, elle concerne les acteurs. En effet, les
organismes québécois n'interviennent pas directement auprès de la population haïtienne
(bénéficiaire) dans la majorité des cas (80 % ). Ce sont leurs partenaires locaux (ONG locale
haïtiennes), qui assurent la mise en œuvre des projets et même leur évaluation.
105
Ce faisant, le pouvoir est partagé à parts égales entre les partenaires qui sont les
bénéficiaires directs ou indirects et les organisations mères qui se trouvent au Québec. En
principe, il fallait aussi interviewer un échantillon des organismes locaux en Haïti, mais les
moyens financiers ne nous ont pas permis de faire des voyages que le mode de cueillette
des données (entrevue) nécessitait. Nous avons interrogé seulement les ONG mères, celles
qui ont leurs sièges au Québec. Par conséquent, les résultats de cette recherche sont basés
spécifiquement sur leur perception en tant que partenaire et bailleur des fonds. Une fois de
plus et dans une perspective à venir, ce serait plus intéressant de vérifier les perceptions
avec les partenaires haïtiens afin de pouvoir comparer les points de vue de tous les acteurs
ou ceux, du moins, des acteurs principaux afin d'en dégager des Pistes de recherche et de
nouvelles hypothèses.
Enfin, pour les sciences de la gestion, cette étude, bien que nous n'ayons interrogé
qu'un échantillon réduit (n=5), contribuera à orienter les discussions sur l'évaluation faite
par les ONG dans le cadre de l'aide au développement en Haïti en ce qui a trait à la façon
de faire 1'évaluation. Elle donnera, entre autres, une vision des partenaires impliqués dans
le processus d'évaluation ainsi que le type d'évaluation le plus utilisé ou le moins utilisé
dans les ONG comme nous l 'avons présenté aux tableaux 6 et 7. Contrairement à ce que
nous entendons de 1'évaluation faite par les ONG dans les journaux, les médias et même
ce que nous lisons dans certains articles, cette étude sur la perception des ONG de
l 'évaluation qu'elles effectuent contribuera à l'avancement de la science dans le sens que
les résultats sur le terrain attestent, selon la perception de nos cinq ONG participantes,
l'importance, l'appréciation et la raison d'être de l 'évaluation dans ces organismes.
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Tremblay, J.-M. (2005). Yao Assogba, Pratiques participatives des ONG en Afrique: Le
cas du PH V-CUSO au Togo . N ouvelles pratiques sociales, 2 (1 ) 146-1 64.
Quelques consignes :
1- Pour garantir l'anonymat, les répondants ne seront pas dans l'obligation de donner
leur nom et leur prénom.
2- La m ême grille d'entrevue sera utilisée pour tous les répondants.
3- Un formulaire de consentement sera annexé à la grille d 'entrevue.
I- FICHE SIGNALÉTIQUE
1) Genre du répondant
a) Féminin
b) Masculin
2) Nombre d'années d'expérience au sein de l 'organisation.
3) Nombre d'années d'expérience de travail en Haïti
4) Domaine de spécialisation sur le terrain
5) Groupe d'âge d'appartenance
a) -25 ans
b) 25-34 ans
c) 35-44 ans
d) 45-54 ans
e) 55 et plus
6- Scolarité terminée
a) Secondaire
b) Collégial
c) Universitaire
d) Sans scolarité, mais expérience approuvée
III- Avez-vous d'autres élém ents à ajouter concernant la façon que vous percevez
l 'évaluation des activités de développement de l' organism e? Si oui pouvez-
vous nous les indiquer ?
Nomdel'ONG
Adresse de 1'ONG
Madame, Monsieur,
Pour vous permettre d'étudier notre demande, vous trouverez ci-joint le formulaire de
consentement demandant 1' autorisation de recevoir des renseignements à des fins de
recherche, lequel est accompagné du résumé du protocole de recherche de l'étudiant tel
qu'approuvé par le comité scientifique du programme de formation de Lunise.
Vous remerciant à 1' avance de 1'attention que vous porterez à notre demande, veuillez
agréer, Madame, Monsieur, l'expression de nos sentiments les meilleurs.
PRÉAMBULE:
Nous vous demandons de participer à un projet de recherche qui implique de participer à
une série d'entrevues. Avant d'accepter de participer à ce projet de recherche, veuillez
prendre le temps de comprendre et de considérer attentivement les renseignements qui
suivent.
Ce formulaire de consentement vous explique le but de cette étude, les procédures, les
avantages, les risques et inconvénients, de même que les personnes avec qui communiquer
si vous avez des questions concernant le déroulement de la recherche ou vos droits en tant
que participant.
Le présent formulaire de consentement peut contenir des mots que vous ne comprenez pas.
Nous vous invitons à poser toutes les questions que vous jugerez utiles à l'étudiante-
chercheuse et à lui demander de vous expliquer tout mot ou renseignement qui n'est pas
clair.
BUT DE LA RECHERCHE :
Ce travail de recherche a pour but d'évaluer les activités de développement des organismes
humanitaires québécois en Haïti depuis 2005. Nous poursuivons deux objectifs :
1) Identifier et décrire les approches d'évaluation des activités d'aide développement
au sein des organismes humanitaires québécois en Haïti depuis 2005.
2) Connaitre la perception d'employés (salariés et bénévoles) de ces orgamsmes
humanitaires québécois sur l'évaluation des projets d'aide au développement en
Haïti durant la même période.
DESCRIPTION DE VOTRE PARTICIPATION À LA RECH ERCHE: Dans le cadre de cette
recherche, il vous est demandé de participer à une série de deux à trois entrevues
individuelles de 45 minutes, audio-enregistrées, qui contribuera à l' atteinte des obj ectifs
mentionnés plus haut. Nous prévoyons commencer au début du mois de novembre. Les
questions auxquelles vous aurez à répondre porteront sur :
Les perceptions des activités.
Les façons de faire ces activités.
Les différentes pratiques utilisées dans le processus d' évaluation de vos activités.
Votre décision de participer à cette étude ou pas est volontaire. Et, elle n 'est aucunement
reliée à des préjudices ou bénéfices potentiels en lien avec votre emploi. Vous pouvez
refuser de répondre à une question avec laquelle vous ne vous sentez pas à 1' aise. Vous
pouvez aussi vous retirer à tout moment, sans avoir à justifier votre décision. Dans ce cas,
toutes les données vous concernant seront détruites si vous le désirez en autant que cela
soit possible selon l'avancement de l'analyse des données.
Pour tout renseignement supplémentaire concernant vos droits, vous pouvez vous adresser
au:
CONSE NTEMENT :
Lunise Alexandre
Nom du chercheur ou agent de recherche (lettres moulées)
Signature Date
QUESTIONS:
Si vous avez d'autres questions plus tard et tout au long de cette étude, vous pouvez
rejoindre:
Lunise Alexandre,
Étudiante à la maîtrise en
Gestion des organisations
445, boul. de l'Université, Bureau B
Rouyn-Noranda (Qc) J9X 5E4
Cellulaire: (819) 763-9306
Courriel: Lunise.Alexandre@uqat.ca
Ou
M. Augustin Ependa, Ph.D
Directeur de recherche
Professeur
UER en développement humain et social
UQAT
Tél. 819 7620971 poste : 2032
Courriel : Augustin.Ependa@uqat.ca