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Alexandre, Lunise

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UQAC

1J.1111Vt.1tSnt DU QUtuc
AOOOOUTlMI

MÉMOIRE

PRÉSENTÉ À

L'UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À CHICOUTIMI

COMME EXIGENCE PARTIELLE

DE LA MAÎTRISE EN GESTION DES ORGANISATIONS

PAR

LUNISE ALEXANDRE

ÉVALUATION DES ACTIVITÉS DE DÉVELOPPEMENT DES ORGANISMES


HUMANITAIRES QUÉBÉCOIS EN HAÏTI DEPUIS 2005

MAI 2017
À ma mère, Marie Esther D. Alexandre, pour avoir
courageusement sacrifié son bonheur, ses loisirs et sa vie
pour faire de moi ce que je suis aujourd'hui.
Mise en garde

La bibliothèque du Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue et de l’Université du Québec en Abitibi-


Témiscamingue a obtenu l’autorisation de l’auteur de ce document afin de diffuser, dans un but
non lucratif, une copie de son œuvre dans Depositum, site d’archives numériques, gratuit et
accessible à tous.

L’auteur conserve néanmoins ses droits de propriété intellectuelle, dont son droit d’auteur, sur
cette œuvre. Il est donc interdit de reproduire ou de publier en totalité ou en partie ce
document sans l’autorisation de l’auteur.

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profit purposes in order to put it in the open archives Depositum, which is free and accessible to
all.

The author retains ownership of the copyright on this document. Neither the whole document,
nor substantial extracts from it, may be printed or otherwise reproduced without the author's
permission.
RÉSUMÉ

La présente étude est faite dans le cadre d'un mémoire de maîtrise en gestion des
organisations. Elle a pour but de dresser un portrait des pratiques évaluatives au sein de
cinq organismes québécois offrant de l'aide au développement à Haïti depuis les dix
dernières années. Dans ce mémoire, ces organismes sont appelés organisations mères. Les
organismes locaux c'est-à-dire ceux qui se trouvent en Haïti et qui reçoivent l'aide au
bénéfice de la population seront nommés organisations partenaires ou organismes
bénéficiaires. Le mémoire présente, également, la perception d'employés de ces
organisations mères vis-à-vis de leurs pratiques d'évaluation des projets ou des activités
qu'elles effectuent en Haïti. Les résultats montrent que l'évaluation joue un rôle très
important dans la gestion de projets/programmes de ces différents organismes.
L'évaluation peut être de trois sortes ou trois grands types : interne, externe ou auto-
évaluation. De ces trois sortes principales découlent sept sous types à savoir interne formel
ou informel, contre-évaluation, externe formel ou informel, audits et bilan évaluation. Il
ressort des résultats de la recherche que dans la majorité de ces cas c'est-à-dire les trois
grands types d'évaluation, la prédominance de 1'un des sous types d'évaluation par rapport
à 1'autre dépend grandement des besoins des organisations mères ou de la disponibilité des
ressources humaines et financières, dans certains cas. À noter aussi que les organisations
mères qui ont participé à l' étude affirment toutes avoir intégré dans leurs pratiques
d'évaluation la notion de participation interactionniste comme un facteur indispensable à
la réussite de toute bonne évaluation. En outre, même si les participants ont des façons de
faire différentes, ils ont, chacun, la perception que leurs procédures d'évaluation sont
bonnes. Cependant, ils reconnaissent que l'amélioration de certains facteurs tels que : la
responsabilité de l'État haïtien, la formation des partenaires haïtiens, la disponibilité des
ressources locales, etc. optimiserait les résultats des évaluations.
REMERCIMENTS

Ce travail est le fruit de cinq années de dur labeur vécues entre l'envie de tout
abandonner après quatre dépôts sans succès et la détermination de me rendre au point final
qui est l'obtention du diplôme. Ce furent cinq années fructueuses à cause de toutes sortes
d'épreuves et de bénédictions. En effet, cet aboutissement est 1'œuvre de plusieurs
personnes, dont J ohanne Lafrance, que nous tenons à remercier pour tous les soutiens
qu'elle m'a offerts durant toute la période de formation. Nos remerciements s'en vont
spécialement à notre directeur, M. Augustin Ependa, pour son encadrement, son soutien
ainsi que pour l'intérêt qu'il a manifesté à notre égard et à notre sujet. Nous remercions
également M. Barthélémy Ateme pour ses conseils et son soutien dans la rédaction de ce
mémoire. Nous n'oublions pas de remercier les cinq organisations non gouvernementales
québécoises qui ont voulu participer à la présente étude : CECI, Fondation Byas, MDM,
AQANU et DEP. Nos remerciements vont aussi à nos amis et frères Jean Robert Déry et
Juste W. Tsotie, les frère s et sœurs de notre assemblée, église baptiste réformée de Rouyn-
Noranda, ma famille et à tous ceux et celles qui, d'une façon ou d 'une autre, ont contribué
à cette œuvre. Enfin, tout ce chemin parcouru est 1' œuvre du grand Dieu pourvoyeur à qui
je rends toute la gloire. Puisse ce mémoire contribue au bienfait de ma chère et tendre
patrie, Haïti, pour son développement et sa croissance.
TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ .......................................................................................................................... iii


REMERCIMENTS ........................................................................................................... iv
TABLE DES MATIÈRES ............... ........................ ........................ ....................... ........... v
LISTE DES TABLEAUX ................................................................................................. x
INTRODUCTION ............................................................................................................. 1
PREMIER CHAPITRE
PROBLÉMATIQUE ET CONTEXTE DE LA RECHERCHE ........................................ 5

1.1 PROBLÉMATIQUE DE LA RECHERCHE ....................................................... 5

1.2 CONTEXTE DE LA RECHERCHE .................................................................... 6

1.2.1 CONTEXTE POLITICO-ADMINISTRATIF HAÏTIEN .................. ........... 7

1.2.2 CONTEXTE DÉMOGRAPHIQUE ... ........................ ........................ ........... 8

1.2.3 CONTEXTE SOCIOÉCONOMIQUE HAÏTIEN (2005-2015) ................. 10

DEUXIÈME CHAPITRE
CADRE CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE .......................... ........................ ......... 15

2.1 NOTION D ' ORGANISATION NON GOUVERNEMENTALE (ONG) .......... 15

2.1.2 TYPOLOGIE DES ONG ............................................................................ 16

2.2 NOTION D'AIDE AU DÉVELOPPEMENT : COMME ACTIVITÉ


PRINCIP ALE DES ONG EN HAÏTI ........................................................ ......... 19

2.2.1 DÉFINITION ET ORIGINE DE L' AIDE AU DÉVELOPPEMENT ........ 19

2.2.2 TYPOLOGIE DES AIDES AU DÉVELOPPEMENT AU BÉNÉFICE


D'HAÏTI ..................................................................................................... 20

2.2.3 RÉSULTATS DE L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT ET L'IMPORTANCE


DES ONG INTERNATIONALES QUÉBÉCOISES EN HAÏTI .............. 22

2.3 NOTION D ' ÉVALUATION ............................................................................. 25

2.3.1 DÉFINITION, HISTORIQUE ET ÉVOLUTION DE L' ÉVALUATION. 26


Vl

20302 TYPOLOGIES D'ÉVALUATION COURAMMENT UTILISÉE PAR


LES ONGOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO 27

20303 APPROCHES UTILISÉES PARLES ONGDANS L'ÉVALUATION 0000 31

2.4 CRITÈRES D'ÉVALUATION DES ONG 00000000000000000000000000000000000000000000000000000000 35

TROISIÈME CHAPITRE
CADRE MÉTHODOLOGIQUE 00 ooo ooo ooo 000 000 000 000 000 oo oooo oo 000 000 000 000 000 ooo ooo ooo 000 000 000 000 000 ooo ooo ooo 000 38

301 CADRAGEMÉTHODOLOGIQUEGÉNÉRALoooooooooooooo ooo ooooooooooooooooooooo ooo oooooo 38

302 RÉSULTATSATTENDUSETBASEDESONDAGE ooo ooo ooooooooooooooooooooo ooo oooooo 39

30201 RÉSULTATS ATTENDUS oooooooooooooooo ooo oooooooooooooooooooo ooo ooooooooooooooooooooo ooo oooooo 39

30202 BASE DE SONDAGE : POPULATION ET ÉCHANTILLON 00000000000000000 40

303 TECHNIQUES DE COLLECTE, DE TRAITEMENT ET MODELE


D'ANALYSE DE DONNEES oooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooo ooo oooooo 46

30301 TECHNIQUE DE COLLECTE DE DONNÉES ooooooooo ooo ooooooooooooooooooooo ooo ooooo 47

30302 TECHNIQUE DE TRAITEMENT ET MODÈLE D' ANALYSE DES


DONNÉES 00000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000 49

3.4 DIFFICULTÉS ÉPROUVÉES SUR LE TERRAIN ET CONSIDÉRATIONS


ÉTHIQUES 0000000 000000 000000 000000 000000 000000 000000 000000 000000 000000 00000 000000 000000 000000 000000 000000 000000 000 50

3.401 DIFFICULTÉS ÉPROUVÉES SUR LE TERRAIN DE RECHERCHE 000 50

3.402 CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES 0000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000 52

QUATRIÈME CHAPITRE
PRATIQUE D'ÉVALUATION DES ACTIVITÉS DE DÉVELOPPEMENT CHEZ
QUELQUES ONG QUÉBÉCOISES OEUVRANT EN HAÏTI 0000 000000 000000 000000 000000 000000 000 54

401 PORTRAIT SOCIODEMOGRAPHIQUE DES REPONDANTS 000000000000000000000 54

402 PORTRAIT DES ACTIVITES DES ONG QUEBECOISES EN HAÏTI 00000000000 56

403 TYPOLOGIE DES EVALUATIONS DES ACTIVITES PRATIQUEES DANS


LES ONG PARTICIPANTES 0000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000 57

40301 ÉVALUATION FAITE A L' INTERNE oooooooooooooooooooo ooo ooooooooooooooooooooo ooo oooooo 58

40302 ÉVALUATION FAITE A L'EXTERNE 000000000000000000 000 000000000000000000000 000 000000 63


Vll

4.3.3 AUTO-EVALUATION .............................................................................. 67

4.4 FAISABILITÉ DES ÉVALUATIONS EFFECTUÉES AU SEIN DES ONG


QUÉBÉCOISES EN HAÏTI ............................................................................... 68

4.4.1 LA PÉRIODICITÉ DES ÉVALUATIONS ................................................ 68

4.4.2 PARTIES PRENANTES, LEUR RÔLE ET LEUR RESPONSABILITÉ


DANS LE PROCESSUS DE L'ÉVALUATION ................................................ 74

CINQUIÈME CHAPITRE
PERCEPTION DES RÉPONDANTS SUR LES ÉLÉMENTS DE L'ÉVALUATION DE
PROJETS ......................................................................................................................... 82

5.1 PERCEPTION DES ORGANISMES PAR RAPPORT AUX PRATIQUES


D'ÉVALUATION .............................................................................................. 82

5.1.1 PERCEPTION DE L'ÉVALUATION EXTERNE ... ........................ ......... 84

5.1.2 PERCEPTION DE L'ÉVALUATION INTERNE ..................................... 85

5.1.3 PERCEPTION DU BILAN PROGRAMMATION (AUTO-


ÉVALUATION) ................................................................................ ......... 87

5.2 PERCEPTION DES ORGANISMES PAR RAPPORT À LA FAISABILITÉ DE


L' ÉVALUATION .............................................................................................. 88

5.2.1 PERCEPTION DE LA PARTICIPATION ................................................. 88

5.2.2 PERCEPTION DE L' AUTONOMIE DES PARTENAIRES ............. ........ 93

5.3 PERCEPTION DES PARTICIPANTS PAR RAPPORT AUX PROCÉDURES


D' ÉVALUATION .............................................................................................. 94

5.4 PERCEPTION DES PARTICIPANTS PAR RAPPORT AUX


AMÉLIORATIONS À APPORTER DANS LEUR FAÇON DE FAIRE .......... 96

CONCLUSION ............................. ........................ ....................... ........................ .......... 101


BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................... 106
ANNEXES ..................................................................................................................... 11 5
LISTE DES ACRONYMES

ACF Action contre la faim

AI Amnesty International

AQANU Association québécoise pour l'avancement des Nations-Unis

AQOCI Association québécoise des orgamsmes de coopération


internationale

CAD Comité d'aide au développement

CARE Cooperative for American Relief Everywhere

CCCI Coalition canadienne pour la coopération internationale

CCISD Centre de coopération internationale en santé et en développement

CECI Centre d'études et de coopération internationale

CER-UQAT Comité d'éthique de la recherche de 1'UQAT

CNSA Coordination nationale de la sécurité alimentaire

DEP Développement et paix

ECVH Enquête sur les conditions de vie en Haïti

FIDH Fédération internationale des droits de 1'homme

FMI Fonds monétaire international

FTH Fondation terre des hommes

IHSI Institut haïtien de statistique et d'informatique

MARNDR Ministère de 1' Agriculture, des Ressources naturelles et du


Développement (Haïti)

MDM Médecins du monde

MFS Médecins sans frontières

MPCE Ministère de la Planification et de la Coopération externe (Haïti)

OCDE Direction de la coopération pour le développement


lX

OEA Organisation des États américains

OEI Organisation économique internationale

01 Organisation internationale

OMD Objectifs du millénaire pour le développement

OBNL Organisme à but non lucratif

ONG Organisation non gouvernementale

ONGD Organisation non gouvernementale de développement

ONGM Organisation non gouvernementale mère

ONGN Organisation non gouvernementale du nord

ONGS Organisation non gouvernementale du sud

Pays du nord Pays développé ou pays riches

Pays du sud Pays sous-développé ou pays pauvres

PIB Produit intérieur brut

PNUD Programme des Nations unies pour le développement

PVD Pays en voie de développem ent (pays du sud)

UCAONG Unité de coordination des activités des ONG (Haïti)

UNICEF Fond des Nations unies pour l' enfance

UQAT Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue

WCH W orld Con cern

WWF W orld W ildlife Fund


LISTE DES TABLEAUX

FIGURE 1. DIVISION ADMINISTRATIVE DE LA RÉPUBLIQUE D'HAÏTI, 2016 ..... 7

TABLEAU 1.0: ÉLÉMENTS DE LA DÉMOGRAPHIE D'HAÏTI ....................... ........... 9

TABLEAU 2.0 : PRÉSENTATION DE QUELQUES INDIC A TEURS


MACRO-ÉCONOMIQUES D'HAÏTI
(BASE, PIB2004= 6,2G $US EN PRIX CONSTANT) ............................................. 13

TABLEAU 3.0: LES ONG QUÉBÉCOISES FORMANT L'UNIVERS DE NOTRE


RECHERCHE ........................................................................................................... 41

TABLEAU 4.0: RÉPARTITION DES RÉPONDANTS SELON LES


CARACTÉRISTIQUES SOCIODÉMOGRAPHIQUES .......................................... 55

TABLEAU 5.0: PRÉSENTATION DU PORTRAIT DES ACTIVITÉS DES


ORGANISMES HUMANITAIRES QUÉBÉCOIS, PARTICIPANTS À L'ÉTUDE,
ENHAÏTI .................................................................................................................. 56

TABLEAU 6.0: PARTENAIRES OU PRINCIPAUX ACTEURS IMPLIQUÉS DANS


LES DIFFÉRENTS TYPES D'ÉVALUATION ....................................................... 81

TABLEAU 7.0: PRÉSENTATION DES DIFFÉRENTS TYPES D ' ÉVALUATION


UTILISÉS PARLES ORGANISMES PARTICIPANTS .......................................... 83
INTRODUCTION

L'histoire de 1'aide au développement date de plusieurs décennies, car depuis la fin


de la Seconde Guerre mondiale en 1945, l'élan de solidarité entre les peuples connait une
accélération fulgurante ; en témoignent 1'évolution des relations internationales et la
multiplication des acteurs non étatiques sur la scène internationale tels que : les organismes
internationaux gouvernementaux (OIG), les organismes internationaux non
gouvernementaux (OING) et les organisations non gouvernementales (ONG). Ces
dernières sont les plus connues du public vu l'importance de leur nombre et leur
implantation massive dans les pays en développement. Selon les écrits de Reimann (2006),
le phénomène ONG a été favorisé par un changement de direction dans les politiques des
États donateurs et des OIG, entamé dans les années 1970 jusqu'à ce jour. En fait, si l'on
considère la Deuxième Guerre mondiale comme évènement de référence, on peut dire qu'à
sa fin en 1945 et jusqu'à la fin des années 1980, qui coïncide avec la fin de la guerre froide
(1989), on comptait principalement deux acteurs de développement : l'acteur public (État
ou gouvernement) et l'acteur privé (l'entreprise privée) et, le développement des Nations
étant planifié par les gouvernements. L'acteur privé était tenu un peu à 1'écart. Quant à
1' aide au développement, elle était « fournie par des États bailleurs à destination directe
des gouvernements bénéficiaires » (S everino et Ray, 2012a, p. 87), et ce, dans le cadre
d'une coopération bilatérale ou multilatérale entre des pays souverains. C'est dans ce cadre
que les pays riches (pays du Nord) envoyaient des coopérants techniques dans les pays
pauvres (pays du Sud). Il fut une époque où le transfert des technologies se faisait par le
truchement des coopérants techniques qui exécutaient ou faisaient le suivi (monitoring) et
l'évaluation des travaux sur le terrain, notamment en Afrique et en Amérique du Sud.
2

Au début de la décennie 1990, les pays du Sud, bénéficiaires de la coopération au


développement, n'ont pas vu leur situation s'améliorer et l'échec de la coopération au
développement était flagrant. C'est au gouvernement bénéficiaire qu'on attribua ces
échecs, car la grande partie de 1' aide reçue était détournée ou mal gérée, et elle ne parvenait
pas aux populations dans le besoin. Vu le détournement de l'aide au développement à
d'autres fins, les pays du Nord, donateurs de 1'aide, commençaient à chercher des solutions
de rechange pour continuer à aider les pays du Tiers-Monde.

« C'est ainsi qu'à partir des années quatre-vingts, les experts onusiens
ont commencé à penser qu'il y a lieu de réviser les modes et l'échelle
d'intervention. Cette fois, ils décidèrent d'octroyer l'aide au
développement aux organisations non gouvernementales (ONG) qui
œuvrent à des échelles restreintes. C'est à partir de là qu'est né le vocable
[développement] local » (Ependa, 2003, p. 63).
Et, quand arrivait la fin de la Guerre froide, le changement du mode opératoire des pays
donateurs se précisait et c'était la France qui avait annoncé ce changement au sommet de
la Baule (France) en 1990. Lors de ce sommet, l' aide au développement, en particulier celle
de la France, destinée aux pays africains devenait conditionnée au progrès en matière de
gouvernance démocratique (ouverture politique, multipartisme, libre association, libre
expression, reddition des comptes, etc.) (Ibid, p.92). On a vu alors naître un troisième
acteur du développement qui est la société civile. Dans ses rangs, on compte les syndicats,
les associations de la jeunes, les associations de défense des droits humains, les associations
féministes, les organismes communautaires et les ONG. Toutes ces associations ont en
commun une proximité avec la population démunie, une assise sur le terrain et un impact
direct sur la population.

Dans leur recherche de solutions de rechange, les pays donateurs ont trouvé en ces
organismes de la société civile, surtout les ONG, des interlocutoires plus fiables et moins
corrompus, par qui, ils pouvaient faire passer l ' aide au développement afin qu' elle atteigne
réellement leur cible, soit au niveau du renforcement des capacités, soit au niveau de
l 'éducation de la jeunesse, soit au niveau de la santé maternelle et infantile, soit au niveau
de 1' aide alimentaire, etc. C'est de cette façon que les activités des ONG se sont multipliées
3

dans le monde au point que ces organismes sont devenus des partenaires indispensables de
l'aide au développement (De Montclos, 2011; Stangherlin, 2001). L'exemple typique du
déploiement massif des ONG dans un pays pauvre, c'est ce qui se passe en Haïti depuis
plus d'une décennie. En effet, depuis le tremblement de terre qui a dévasté Haïti en janvier
2010, ce pays a reçu en urgence l'aide multiforme de plusieurs pays dont plusieurs ont
sous-traité leur intervention par l'intermédiaire des ONG se trouvant soit sur place en Haïti,
soit dans les pays donateurs. Actuellement, près de 10 000 ONG sont actives sur le sol
haïtien. Certaines interviennent en cas d'urgences (Lemay-Hébert et Pallage, 2012);
d'autres, par contre, font la promotion du développement en priorisant la mise en œuvre
des projets d'accompagnement, le renforcement des capacités, l'appui logistique, la
défense des droits de la personne, l'éducation de la jeunesse, la santé maternelle et infantile,
l'aide alimentaire, etc. Eu égard à l'importance que prennent les activités des ONG en
Haïti, le présent mémoire de maîtrise essaie de s'y pencher, surtout, sur un aspect important
de la gestion des projets de développement qui est l'évaluation des activités réalisées. En
fait, après avoir conçu le projet, on réalise les activités dudit projet, on fait le suivi
(monitoring) et on les évalue pour voir si l'on a atteint les objectifs ou non. Cela aide à
apporter des ajustements et à prendre au besoin de nouvelles orientations. Concrètement,
dans ce mémoire, nous allons nous intéresser à la manière dont les ONG québécoises qui
œuvrent en Haïti procèdent à l' évaluation de leurs activités et, connaissant leurs pratiques
d'évaluation, nous voulons aussi savoir comment les gestionnaires de quelques ONG qui
ont eu à intervenir en Haïti depuis 2005 perçoivent les pratiques d'évaluation qu'ils font
pendant ou après l' exécution des projets en Haïti. L' année 2005 sert de référence à cette
étude parce que cette année coïncide avec un afflux des ONG dans ce pays à la suite des
évènements tragiques de 2004 et 2010. En outre, comme notre recherche sur le terrain a
commencé à 2015, cela permet d'étudier les pratiques des ONG qui ont au moins une
dizaine d'années d' expérience en Haïti.

Pour ce faire, le mémoire est subdivisé en cinq chapitres : le premier fait état du
contexte de l' aide au développement en Haïti et formule la problématique de recherche. Le
deuxième présente le cadre conceptuel de la recherche dans lequel nous définissons les
trois concepts-clés de notre sujet: le concept d'organisation non gouvernementale (ONG),
4

celui de l'aide au développement et le concept d'évaluation. Le troisième expose la


méthodologie en lien avec les résultats d'une enquête par entrevue sur le terrain. Le
quatrième décrit les différentes pratiques d'évaluation dans l'échantillon des organismes
répondants (ONG). Enfin, le cinquième chapitre porte sur l'analyse des perceptions des
répondants quant aux éléments liés à la façon dont se fait l'évaluation des activités au sein
de leur ONG. À la fin de ce mémoire, une conclusion vient clôturer l'étude en mentionnant
les éléments à retenir, les limites et les perspectives de recherche.
PREMIER CHAPITRE
PROBLÉMATIQUE ET CONTEXTE DE LA RECHERCHE

Ce chapitre compte deux sections : la première est consacrée à la problématique de


recherche et elle présente la question de départ, le questionnement qui en découle, le vide
que nous voulons combler en termes de savoirs sur Haïti et les objectifs de la recherche.
Quant à la deuxième section, basée sur la recension des écrits, elle présente la situation
politico-administrative, sociodémographique et socioéconomique d'Haïti afin de
contextualiser le terrain de la recherche et d'expliquer la présence actuelle de nombreuses
ONG qui contribuent à l'aide au développement à Haïti.

1.1 PROBLÉMATIQUE DE LA RECHERCHE

Depuis plus de deux décennies, Haïti est devenu le lieu où interagissent plusieurs acteurs
locaux, nationaux et internationaux de l 'aide au développement. Cette croissance que
connait l'industrie de l'aide au développement peut s'expliquer par les grands fléaux qui
caractérisent le sous-développement comme la misère, la faim, la pauvreté, les problèmes
d'accès aux services de base, le cycle de destruction-reconstruction, etc., aggravés par les
désastres écologiques cycliques (cyclone, inondation, ouragan, raz de marée, séisme,
épidémie, etc.) par lesquels le pays est fréquemment frappé par rapport à des pays voisins.
Malgré la croissance de l'aide au développement et l'afflux des acteurs, les problématiques
susmentionnées, liées au sous-développement perdurent et les alternatives ne nous
semblent pas imminentes. Idéalement, nous aurions pensé que 1'afflux d'acteurs pour une
cause commune devrait constituer une véritable amorce au développement ; toutefois,
plusieurs contraintes liées à 1' aide semblent ne pas la favoriser. Au constat, tout observateur
objectif ne peut que s'étonner de voir la situation sociale haïtienne régresser d'année en
année, malgré de nombreux projets réalisés en Haïti dans le cadre de l'aide au
développement. Ainsi, la question principale de cette recherche n ' est pas de comptabiliser
l'aide reçue, mais de savoir si les ONG qui font de nombreuses activités en Haïti se donnent
la peine d'évaluer leurs actions. Si oui, quelles sont les pratiques d 'évaluation en vigueur
6

et comment les représentants ou les responsables des ONG actives sur le terrain haïtien
perçoivent-ils leurs propres pratiques d'évaluation des activités faites en Haïti. La question
sur l'évaluation des activités des ONG est pertinente dans la mesure où c'est en évaluant
leurs activités que les ONG savent si elles ont atteint ou non les objectifs par leurs projets
afin de procéder à des corrections et de faire mieux qu'auparavant.

Concernant les pratiques d'évaluation en cours dans les ONG, nous voulons savoir
si celles-ci procèdent à des évaluations, quand et comment elles les effectuent. En ce qui
concerne la perception des pratiques évaluatives, nous voulons connaître les appréciations
ou mieux, l'image qu'ont quelques répondants vis-à-vis des pratiques d'évaluation en
vigueur dans leur organisation, car de nos jours les représentations sociales ont une si
grande importance qu'elles sont une source de dynamique et d'action. Pour répondre à ce
questionnement, nous ne formulerons pas des hypothèses, mais nous poursuivrons plutôt
un objectif de recherche qualitative celui de combler un manque de savoir quant à connaître
et faire le portrait en matière de pratiques d' évaluation courantes dans les ONG qui
interviennent en Haïti depuis plusieurs années (au moins une décennie). En effet, cela est
un apport à la science de la gestion dans la mesure où la gestion inclut la conception, la
fixation des objectifs, l' exécution sur le terrain, le monitoring, l'obtention des résultats et
l 'évaluation des activités par rapport aux objectifs souhaités. C'est donc ce dernier élément
de la gestion des organisations qui est au centre de notre préoccupation en tant que
chercheure.

1.2 CONTEXTE DE LA RECHERCHE

Pour mieux cerner la problématique de l'évaluation de l'aide au développement en


Haïti, il convient de contextualiser le terrain de recherche. Pour ce faire , nous situerons
Haïti aux plans politico-administratif, démographique et socioéconomique, en insistant sur
la période couverte par ce mémoire, soit de 2005 à nos jours.
7

1.2.1 CONTEXTE POLITICO-ADMINISTRATIF HAÏTIEN

Géographiquement parlant, l'État d' Haïti, première république noire indépendante


(1804), est situé dans l'archipel des Grandes Antilles et occupe le tiers occidental de l'île
Hispaniola. Sa capitale est la ville de Port-au-Prince. Le pays est limité au nord par l'Océan
Atlantique, au sud par la mer des Caraïbes, à l'est par la République dominicaine et à
l'ouest par le détroit de Windward qui la sépare de l'île de Cuba. Sur le plan administratif,
la République d'Haïti est subdivisée en dix ( 10) départements, quarante-deux (42)
arrondissements, cent quarante-quatre (144) communes et cinq cent soixante et onze (571)
sections communales. Elle s'étend sur 27 778 km 2. La figure ci-dessous présente les
subdivisions administratives d'Haïti.

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Source : .Mînistère de 1'Agriculture et des Ressources naturelles et du Développement rural

Figure 1. Division administrative de la République d'Haïti, 2016


8

Sur le plan politique, la situation haïtienne est marquée par une instabilité récurrente
causée essentiellement par les coups d'État et des gouvernements de courte durée. De
l'indépendance (1804) à 2016, le pays a connu au moins 30 coups d'État militaires et plus
de 20 constitutions. Une situation qui n'a pas permis aux Haïtiens d'entreprendre des
réformes institutionnelles efficaces afin d'adopter des stratégies judicieuses de bonne
gouvernance en fonction de la réalité du pays. De plus, l'instabilité politique du pays a pu
engendrer des périodes de grands troubles perturbateurs caractérisés par l'insécurité, les
grèves, les manifestations sanglantes, les luttes armées et la corruption. Selon Hawrylak et
Malone (2005), la corruption, en Haïti, est endémique. Elle s 'exerce à grande échelle
(Ramachandran et Walz, 2012). Par conséquent, cela affaiblit l'administration publique
ainsi que l'État et les rend précaires et effondrés (Hawrylak et Malone, 2005). Devant cette
situation, d'autres pays sont venus à la rescousse d'Haïti directement ou indirectement par
le truchement des programmes et des projets gouvernementaux, sectoriels ou ceux des
ONG présentes en Haïti.

1.2.2 CONTEXTE DÉMOGRAPHIQUE

Selon l'estimation de l'Institut haïtien de statistique et d'informatique (IHSI)


(2007), le pays comptait 10 413 221 habitants en 2012. Actuellement (201 6), les
proj ections des Nations-Unies indiquent que le pays compte près de 11.6 millions
d'habitants avec une densité de 403 hab./km 2. En termes de répartition par classe d' âge, on
peut dire que la population haïtienne est j eune, car les personnes de moins de 20 ans
représentent plus de 50 % de la population, 45 % sont âgées de 20 ans à 64 ans et 5 %
seulement des personnes ont 65 ans et plus. En outre, l' âge médian est de 23 ans, cela veut
dire qu'une moitié des Haïtiens a moins de 23 ans et une autre moitié a plus de 23 ans
d'âge . Selon le genre, Haïti compte 52 % des femmes avec un indice synthétique de
fécondité (ISF) de 3 enfants par femme.
9

Le pays enregistre un taux de croissance démographique annuel avoisinant 1,5 %,


soutenu surtout par un taux brut de natalité élevé (25 %o), malgré un taux brut de mortalité
aussi élevé (8 %o) et un solde migratoire négatif vu que l'émigration surclasse
l'immigration, surtout dans la population active. L'espérance de vie de la population pour
la période 2005 à 2015 s'est accrue, passant de 59 ans à 63 ans en 2015. Au niveau de
l'éducation, près de huit jeunes (15-24 ans) sur 10 sont scolarisés, mais chez les adultes,
seulement 61% sont alphabétisés. Le tableau 1.0 présente quelques données
démographiques.

Tableau 1.0 : Éléments de la démographie d'Haïti

Indicateurs démographiques 2005 2010 2015


Population 9 263 409 9 999 617 10 715 208

Moins de 15 ans 3 520 095 3 587 863 3 554 234

15-64 ans 5 350 545 5 965 772 6 609 140

65 ans et plus 392 768 445 982 492 899

Population urbaine 4083310 5 201 801 6 299 470

Population rurale 5 180 099 4 797 816 4 415 737

Densité de la population par km 2 336 363 389

Taux brut de natalité 29,7 %o 26,7 %o 24,5 %o

Taux brut de mortalité 10,1 %o 9,2 %o 8,6 %o

Solde migratoire -1 38 004 n.d - 145 983

Taux de croissance annuelle 1,5 1,5 1,3

Taux de mortalité infantile 66 %o 85,5 %o 52 %o

Espérance de vie à la naissance 59 ans 61 ans 63 ans

Indice du développement humain 0,43 0,45 0,48

Source: Université de Sherbrooke. Perspective monde [Document Web]. Consulté le 15 novembre 20 16 à


http ://perspective.usherbrooke.ca et Banque Mondiale. [Document Web]. Consulté le 26 janvier
2017 à http ://donnees. banquemondiale.org/indicator/SE.ADT .LITR.ZS ?locations=HT
10

Comme on peut le constater dans le tableau qui précède, la répartition géographique


de la population a évolué en défaveur des milieux ruraux dont le taux de croissance est
négatif pour la période de 2005-2015. Pourtant, en 2005 la population rurale était plus
importante que celle des milieux urbains qui croit plus vite (4 %) que la moyenne annuelle
du pays (1,5 %). Cela explique, en quelque sorte, la surpopulation des villes, l'étalement
des bidonvilles et ses effets collatéraux (précarité, chômage, délinquance, sous-
scolarisation, 1'insalubrité publique, etc.), dans les grandes villes comme Port-au-Prince,
Carrefour, Delmas, Cap-Haïtien, Pétion ville, les Gonaïves, etc. En effet, en milieu rural,
la population est très défavorisée. En 1'absence des services de proximité de base et des
infrastructures s'ajoute la pauvreté économique. Quasiment tous les ruraux haïtiens sont à
la recherche d'un mieux-être, l'exode rural prolifère. Et une fois arrivés en ville, ces
nouveaux déplacés internes sont confrontés à des problèmes socioéconomiques qui les
empêchent de vivre décemment. N'ayant pas de moyens financiers pour répondre à leurs
besoins de base, ces nouveaux déplacés s'installent dans des bidonvilles existants ou ils en
érigent d'autres. L'espoir d'une vie meilleure s'envole, car ces habitants vivent dans la
pauvreté absolue, car n'ayant pas accès aux services essentiels tels que les soins de santé,
l'éducation, le transport en commun, l'énergie électrique, l ' eau potable, le logement, etc.
Dans tel contexte démographique plusieurs ONG, notamment des ONG québécoises
concentrent leurs activités dans le secteur des services de proximité auprès des populations
déplacées, vulnérables et dénuées des bidonvilles comme Cité-Soleil et Ravine Pintade.

1.2.3. CONTEXTE SOCIOÉCONOMIQUE HAÏTIEN (2005-2015)

L'économie haïtienne a toujours reposé sur une agriculture de subsistance avec une
production nationale largement en deçà des besoins de la population en pleine croissance,
surtout en milieu urbain (Barthélemy et Girault, 1993). À titre d' exemple, la part de la
production agricole nationale dans la disponibilité globale était de 48 % en 2010 selon la
Coordination nationale de la sécurité alimentaire (CNSA) (2011). Aujourd'hui les
différents cataclysmes naturels dus aux changements climatiques et à la situation
géophysique du pays rendent davantage cette production agricole vulnérable.
11

Ajoutons à cela l'instabilité sociopolitique décrite au point 1.2.1, on a en Haïti une


conjoncture socioéconomique qui ne favorise pas la production agricole nationale, ni les
investissements locaux, ni l'apport en capitaux étrangers dans l'économie. Pour la période
allant de 2005 à 2015, les indicateurs macro- économiques ont évolué en dents de scie. Par
exemple, des grands troubles politiques visant la destitution de l'ancien président Jean
Bertrand Aristide, en 2004 ; les manifestations violentes ; des conflits entre partis politiques
ainsi que des affrontements qui s'en sont suivis entre partisans et opposants de cet ancien
président ont eu un impact négatif sur la quasi-totalité des indicateurs macroéconomique.
En fait, juste après ces évènements, il s'en est suivi une contraction du PIB, combinée à
une augmentation du chômage, un accroissement du déficit de la balance commerciale et
de la dette publique. Le PIB haïtien est passé de 6,5 milliards de dollars américains en 2003
à 6,2 milliards en 2004, soit une décroissance de -4 %. Au retour de la stabilité politique et
de la sécurité, on observe une tendance au redressement du PIB qui passe à 6,4 milliards
de dollars (2005) et à 7 milliards en 2009 avant de plonger à nouveau à 6,6 milliards en
2010 lors du séisme pour remonter à 7.6 milliards en 2015. Comme on peut le constater, le
terrible séisme (de magnitude 7,0 à 7,3) qui a ravagé le pays le 12 janvier 2010 a décru le
PIB de 6 %, mais grâce à 1'aide internationale et au travail de plusieurs ONG, le pays a
connu un accroissement du PIB de 4% à 5% annuellement après 2010 jusqu'à 2015
(Université de Sherbrooke, 2016).

Les désastres naturels ont également un impact sur la balance commerciale. En


effet, selon les données de l'Université du Sherbrooke (2016), comparativement à la
situation qui prévalait en 2005 où les importations représentaient 43 % du PIB, le pays a
importé 65 % plus des biens en 2010 et près de 50 % de plus en 2015. Tandis que les
exportations des produits agricoles (café, banane, cacao, mangue, etc.) n'ont progressé que
de 15% en 2010 et de 19% en 2015. Ce qui donne une balance commerciale largement
déficitaire depuis 2005 à maintenant. Durant la même période, la dette publique haïtienne
en pourcentage du PIB est passée de 48% (2005), 18% (2010) et à 28% en 2015
(Actualitrix, 2017). Soit une décroissance de la dette publique de près de 31% en une
12

décemüe. Cette décroissance est due principalement aux mesures d'annulation d 'une
grande partie de la dette publique haïtienne par les créanciers à la suite du séisme de 2010.

C'est également au cours de cette même année (2010) que le pays a connu le taux
de chômage le plus élevé soit plus de 40 % de la population active. Il faut également
mentionner la dépréciation de la monnaie locale par rapport au dollar américain dont le
taux de change est passé de 40 gourdes (HTG) pour un dollar américain en en 2010 à plus
de 51 HTG le dollar en 2015 (Université de Sherbrooke, 2016).

Tout ceci montre qu'Haïti fait face à d'importants défis qui demanderaient
beaucoup d'efforts pour arriver à générer une croissance plus rapide et contrer la pauvreté.
Cependant, nous pouvons déjà constater quelques améliorations. Par exemple, une hausse
du PIB par habitant qui est passé de 689 $US en 2011 à 731 $US en 2015 (Université de
Sherbrooke, 2016).

Afin de mieux saisir le contexte socio-économique haïtien, nous allons présenter


dans le tableau qui suit quelques indicateurs macro-économiques pour la période allant de
2005 à 2015. Nous retenons, le taux de croissance du PIB, le taux de croissance de
l 'importation et de l' exportation par rapport au PIB, le taux de croissance de la balance
commerciale, le taux de change par rapport au dollar am éricain, le PIB par habitant. En
principe, nous devions donner aussi d'autres indicateurs comme le taux de chômage, m ais
les statistiques fiables m anquent souvent.
13

Tableau 2.0: Présentation de quelques indicateurs macro-économiques d'Haïti (base, PIB2004=


6,2G $US en prix constant)

2005 1,8 42,9 14,0 -28,9 40,6 688,7


2010 -5,5 64,8 15,3 -49,4 39,9 662,3
2015 1,7 49,7 18,9 -29,8 50,7 731,2

Source : Université de Sherbrooke. Perspective monde : outil pédagogique des grandes tendances
mondiales depuis 1945. Université [Document Web]. Consulté le 16 novembre 2016 à
http :1/perspective. usherbrooke. ca

Sur le plan social, l'accroissement du PIB constaté, ne semble pas avoir amélioré
les conditions de vie de la population haïtienne. Bien que les données indiquent une légère
augmentation des exportations et du PIB moyen par habitant (689 $en 2005 à 731 $en
2015), la dépréciation de la monnaie nationale continue (40 HTG/ $ en 2005 à 51 HTG/$
en 20 15) et le taux de chômage ne diminue pas (toujours au-delà de 50 % de la population
active) (Université de Sherbrooke, 2016). Quand on parle de chômage, il faut savoir que
c'est un indicateur grossier, car il y a dans les pays en développement comme Haïti un
sous-dénombrement des chômeurs, dont une grande partie ne se déclare pas chômeur et
surtout que le secteur informel emploie plusieurs personnes, cela amplifie le phénomène
de chômage déguisé. Tout compte fait, le niveau du développement en Haïti est faible , en
témoigne son classement parmi les pays à indice du développement humain faible, de
l 'ordre de 0,48 (IDH, 2015) (Université de Sherbrooke, 2016).

En conclusion de ce premter chapitre, les contextes politico-administratif,


démographique, socio-économique et la pauvreté permettent de comprendre la raison
d'être de l'aide au développement en Haïti ainsi que, vu la faibles se des administrations
étatiques, celle des ONG dans le but de prêter main-forte à la population afin d'aider le
pays à sortir du sous-développement. Étant donné que ce mémoire porte sur l ' aide apportée
par les ONG, leur appui est important dans plusieurs secteurs tels : la production agricole
14

puisque 1' économie du pays est essentiellement basée sur 1' agriculture ; la santé afin d'aider
le pays à réduire le taux de mortalité, en particulier la mortalité infantile et 1' économie
nationale afin d'aider à la création d'emplois.

Ce mémoire de maîtrise se penchera sur les interventions des ONG dans le domaine
de l'aide au développement en Haïti. Plus particulièrement, il s'appesantira sur les
pratiques d'évaluation des projets d'aide au développement au sein des organismes
québécois présents en Haïti depuis 2005 ainsi que les perceptions d'employés sur les
pratiques utilisées.
DEUXIÈME CHAPITRE
CADRE CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE

Ce chapitre sera composé de trois sections exposant la recension des écrits sur les
trois concepts principaux de notre sujet, à savoir le concept d'organisation non
gouvernementale (ONG), celui de l'aide au développement qui constitue l'essentiel des
activités des ONG en Haïti et le concept d'évaluation des activités liées à ladite aide.
Chaque fois , la définition, l'origine ou un bref historique ainsi que la typologie seront
présentés. Puisque la notion d'évaluation est au centre de ce mémoire, nous développerons
un peu plus ce concept. Nous précisons aussi dans quel sens il faudra comprendre chacun
de trois concepts dans le présent mémoire.

2.1 NOTION D'ORGANISATION NON GOUVERNEMENTALE (ONG)

2.3.3. ORIGINE ET DÉFINITION DE L'ONG

Du point de vue historique, les ONG sont des acteurs anciens dans le domaine de
l'aide internationale. Ce concept, apparu en Europe dès le Moyen Âge, s'inscrit dans une
vision associative et dans un discours sur une sociét é émotionnelle (Erne, 200 1). Au sein
de nombreuses cultures, on retrouvait la présence d'une solidarité envers les démunis.
Ainsi, ce concept s'est développé à travers le temps. Les conflits existant entre certains
pays vont pousser la réflexion des gens sur la nécessité de créer des associations pour venir
en aide aux victimes de guerre. Ainsi, la Croix-Rouge fut créée pour secourir les blessés.
Les deux Guerres mondiales ont donné naissance à plusieurs vagues d'ONG qui, plus tard,
vont se tourner vers les pays nécessiteux. Cette motivation résulte du fait qu'il n 'y avait
plus de victimes à secourir parce que les guerres étaient terminées. Alors, leur vision de
l 'aide s'ouvrait vers un nouvel horizon, celui d'aider les groupes les plus défavorisés des
pays pauvres (Stangherlin, 200 1).
16

Pour permettre une bonne compréhension du concept d'ONG, il est important de le


définir. Par définition, les ONG sont des organisations privées qui ne sont créées ni par un
gouvernement ni par un accord international. Elles peuvent jouer un rôle dans les affaires
internationales en raison de leurs activités parce qu'elles sont « des organisations
internationales privées qui tiennent lieu de mécanisme de coopération entre des groupes
nationaux privés pour les affaires internationales » (Charnovitz, 1996, p. 186). Elles
promeuvent 1'intérêt des plus pauvres et leur fournissent des services de base, elles
protègent l'environnement et elles participent également au développement
communautaire (Malena, 1995). L'union des associations définit une ONG comme étant«
toute association composée de représentants appartenant à un ou plusieurs pays et qui est
internationale par ses fonctions, la composition de sa direction et les sources de son
financement. Elle n'a pas de but lucratif et elle bénéficie d'un statut consultatif auprès
d'une organisation intergouvernementale » (Laroche, 2000, pp. 134-135). En termes
juridiques, il n'existe pas une définition stricte attribuable aux ONG (Pech et Padis, 2004).
Cependant, on les reconnaît à partir de ces trois caractéristiques fondamentales : elles sont
des organisations privées qui sont créées par des personnes physiques ou morales relevant
du droit privé et non d'un décret ou d' un traité entre États; elles sont des organisations à
but non lucratif et elles ont une vocation d'utilité sociale (Pech et Padis, 2004).

2.1.2 TYPOLOGIE DES ONG

Dans la littérature scientifique consultée, on distingue les ONG soit par leur
domaine d'intervention, soit par leur empreinte géographique, c'est-à-dire leur espace ou
périmètre géographique ou territorial d'intervention. Selon leurs domaines d' intervention,
Doucin (2007) en distingue quatre sortes, à savoir :

1) Les humanitaires d'urgence sur le modèle des « french doctors ». Elles


interviennent directement auprès des populations en situation difficile en cas de
catastrophe naturelle ou de crise humanitaire dans le but de leur venir en aide
rapidement, par exemple, Médecins sans frontières (MFS), Action contre la faim
(ACF) et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ;
17

2) Les ONG de défense de droits de l'homme. Elles promeuvent la justice, luttent


contre la torture, pour la liberté d'expression, pour l'abolition de la peine de mort,
etc. ; par exemple, la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) et
Amnesty International (AI);

3) Les environnementalistes : Elles luttent pour la protection de 1' environnement et la


conservation de la nature, par exemple Greenpeace et World Wildlife Fund
(WWF);

4) Les ONG développementalistes : Elles sont les plus nombreuses et se consacrent à


la lutte contre la pauvreté dans ses différentes dimensions (social, économique,
culturel et politique). Elles s'investissent dans des projets de développement à long,
moyen et court terme dans le but d'aider les communautés à renforcer leurs
capacités à se prendre en charge par exemple Cooperative For Ameriçan Relief
Everywhere (CARE) et Développement et Paix.

En fonction de la limite des activités au plan géographique, c'est-à-dire selon


l 'étendue du territoire d' intervention qui peut aussi se confondre avec l'origine ou le
lieu de création d'une ONG, nous pouvons classifier trois sortes d'ONG:

1) Les ONG locales dont le rayon d'action est de moindre envergure, car la plupart
œuvrent et couvrent des territoires de petite taille (une communauté rurale, une zone
bien déterminée en superficie). Ce sont donc des petites ONG qui sous-traitent et
collaborent le plus souvent avec les grandes ONG pour réaliser des petits projets en
termes d'impact et de financement. Elles se caractérisent par une comptabilité
fragile et une dépendance financière vis-à-vis des bailleurs de fonds au point que
leurs activités sont teintées des conditions de l' organisation financière.

2) Les ONG régionales sont de taille moyenne et, souvent, elles regroupent plusieurs
petites ONG sous forme d'association, de consortium, de coalition ou de
coopérative. Leur intervention dépasse les limites de deux ou trois communautés
locales.
18

Elles peuvent avoir un siège social dans une communauté tout en ayant des antennes
ou des représentations dans d'autres communautés locales. Les ONG régionales
dépendent aussi du financement extérieur, mais dans une moindre mesure que les
ONG locales, car il arrive qu'elles organisent en leur sein des activités
d'autofinancement.

3) Les ONG internationales ou souvent appelées ONG étrangères sont les plus
connues du public. Ce sont pour la plupart de grandes ONG qui ont la capacité
d'entreprendre des projets très complexes. Dans la littérature sur les associations à
but non lucratif, on les nomme aussi ONG mères (ONGM), car elles se caractérisent
par leurs filiales dans plusieurs pays. D'après les analyses de Rahman (2007), ces
grandes ONG représentent le troisième secteur de la société à côté du secteur public
et du secteur privé. Comme le soulignent Brian, Drucker, Meyer et Fowler, les
grandes ONG constituent des sources importantes de financement du
développement (Brian, 2012) qui se caractérisent par leur finalité sociale (Rahman,
2007), par l'implication de leurs différentes parties prenantes internes et externes
(Drucker, 1992; Meyer, 2004; Rahman, 2007) et par leurs lieux d'intervention et
leur structure tentaculaire (Fowler, 1996).

À noter que dans le cadre de ce mémoire de maîtrise, quand nous parlerons d 'ONG,
nous ferons plus allusion à cette dernière catégorie (ONGM), car ce sont surtout les grandes
ONG internationales qui interviennent dans le domaine de l'aide au développement en
Haïti et dont nous voulons analyser les pratiques d' évaluation de leurs activités. Dans ce
travail, nous utiliserons des synonymes comme organisme ou organisation pour parler de
l'ONG.
19

2.2 NOTION D'AIDE AU DÉVELOPPEMENT : COMME ACTIVITÉ PRINCIP ALE


DES ONG EN HAÏTI

2.2.1 DÉFINITION ET ORIGINE DE L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT

Selon Collombat (2004), l'aide au développement est une aide financière fournie
par les pays développés aux pays sous-développés dans le but de favoriser leur
développement économique et d'améliorer le niveau de vie de leur population. Cette
définition permet de comprendre l'aide au développement dans une logique de lutte contre
la pauvreté qui sera mise en œuvre par une amélioration du niveau de vie de la population.
Pour bien saisir le concept d'aide au développement, il faut connaître d'abord la démarche
que mènent les pays riches et les organisations internationales (OI) pour le développement
des pays pauvres, qu'on appelle aussi les pays sous-développés, pays en développement,
pays en voie de développement (PVD), pays du Sud ou pays en proie à des crises
multiformes et répétitives. Cette lutte pour le développement représente pour l'humanité
l'un des défis majeurs auxquels elle veut apporter une solution. Les bailleurs de fonds
bilatéraux et multilatéraux des pays riches (développés) utilisent l'aide comme outil pour
permettre aux pays les plus pauvres de combattre le sous-développement. Pour eux, l 'aide
au développement accordée aux pays pauvres n'est rien d'autre que la contribution des
nations riches pour rendre les pays pauvres capables d'amorcer le développement et de se
prendre en main un jour.

D ' après Gauthier, l'aide au développement a pris naissance après la Deuxième


Guerre mondiale par « la création d'un nouvel ordre économique, basé sur
l 'interdépendance des nations »(Gauthier, 2005, p. 35). En effet, les pays qui n 'étaient pas
touchés par la guerre se sont entendus pour créer des institutions de coopération
économique et financière dans le but de venir en aide à ceux qui étaient touchés par les
guerres et pour aider les pays sous-développés. De grandes Organisations économiques
internationales (OEI) telles que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque
mondiale (BM) furent créés dans ce contexte. Leur mission consistait à favoriser la bonne
coopération sur le plan international par l'aide internationale. Celle-ci était caractérisée par
20

des prêts à court terme pour assurer 1' équilibre des balances de paiements et par une
assistance à long terme pour le développement. La réflexion sur l'aide au développement
et sur ses objectifs a beaucoup évolué. Contrairement aux objectifs précédents qui
priorisaient le PIB par habitant (Gauthier, 2005), aujourd'hui, les discours prennent en
compte d'autres facteurs non économiques inhérents au développement humain, au
développement durable, à la gouvernance et à la liberté. Les facteurs pris en compte sont :
le capital humain, 1' aspect social et le rôle des institutions dans le processus de la croissance
des pays. En 2000, dans le souci d'amorcer cette nouvelle base de développement durable,
189 chefs d'États et de gouvernements sous la direction des Nations unies (ONU), ont
recentré les objectifs de l'aide au développement par l'adoption de huit objectifs du
millénaire pour le développement (OMD). Ces OMD devraient être atteints en 2015, à
savoir : 1) réduire de moitié la pauvreté extrême et la faim; 2) assurer 1' éducation primaire;
3) promouvoir l'égalité des sexes; 4) promouvoir l'autonomie des femmes; 5) diminuer la
mortalité infantile; 6) améliorer la santé maternelle; 7) lutter contre le sida et les autres
pandémies et 8) assurer un environnement durable et un partenariat pour le développement
(Ministère de l'économie et des finances et l'institut haïtien de statistique et d'informatique,
2009). Pour atteindre ces objectifs, un grand nombre d'acteurs locaux et internationaux se
mobilisent. Parmi eux se trouvent les ONG dont nous aborderons la problématique de
l'évaluation de leur intervention dans les pays en développement en étudiant le cas
particulier des organismes humanitaires québécois en Haïti.

2.2.2 TYPOLOGIE DES AIDES AU DÉVELOPPEMENT AU BÉNÉFICE


D'HAÏTI

Le secteur de 1'aide en Haïti a connu une transformation radicale en nombre et en


type d'intervenants depuis plus d'une décennie. Cette transformation concerne surtout
l'aide apportée au peuple haïtien par les ONG de développement. En ce qui concerne le
nombre d' ONG intervenantes, on constate un affiux important dû à l'immensité des défis
auxquels le pays fait face. Par vague, les ONG sont arrivées en Haïti dans une conjoncture
déterminée : instabilité politique, catastrophes naturelles, épidémie, etc.(Mathurin, 2008).
21

Pour illustration, le ministère haïtien de la Planification et de la Coopération externe note


dans son rapport de 2012-2013 que seulement au lendemain du séisme du 12 janvier 2010,
le pays a accueilli 136 ONG en plus des 459 qui œuvraient déjà sur le terrain. Soulignons
que ce chiffre officiel serait minimaliste, car Coulon (20 10) estime que le nombre réel des
ONG en Haïti avoisinerait les 10 000 et que la plupart interviennent en situation d'urgence
et dans la reconstruction post désastres naturels. (Lemay-Hébert et Pallage, 2012).

Dans le domaine de l'aide au développement, les ONG représentent la société civile


la plus importante en Haïti. «Elles sont devenues les actrices centrales dans l'industrie
complexe des biens publics globaux» (Severino et Ray, 2012b, p. 92). Les bailleurs de
fonds et les grandes organisations internationales préfèrent collaborer avec elles en tant
qu'intermédiaires fiables pour acheminer de l'aide aux populations. Cette confiance placée
en des ONG est le fruit de leur professionnalisme sur le terrain, remarqué lorsqu'il faut
établir des liens avec les bénéficiaires finaux dans des pays comme Haïti où l'État est faible
du fait de la corruption et de la mauvaise gouvernance (Pech et Padis, 2004). C'est dans ce
sens que Ruben (2013 ) affirme que« les ONG ont un avantage comparatif pour soutenir la
formation locale, le renforcement des capacités et l'appropriation; celui-ci peut être
exploité pour resserrer les liens entre les éléments matériels et immatériels d'un
programme. » (p105). Toutefois, soulignons qu'en Haïti, les domaines d'intervention des
ONG ont évolué. Dans la première phase de l'aide au développement, entre les années
1970-1990 les actions des ONG se concentraient surtout dans les secteurs de la santé et de
l'éducation. À l'époque, plusieurs ONG étaient issues des communautés religieuses.
Mentionnons aussi que plusieurs rapports sur 1'aide au développement en Haïti indiquent
que ces ONG, à caractère religieux, ont largement contribué à la scolarisation des enfants,
à 1'alphabétisation des adultes et à la santé de la population haïtienne à une période où les
infrastructures sociosanitaires et scolaires en Haïti étaient déficitaires. Avec le temps, les
ONG ont diversifié leurs activités et, par conséquent, leurs domaines d'intervention ont été
élargis. Aux deux priorités susmentionnées (santé et éducation) se sont
ajoutés l'assainissement, les droits de l'homme, l'égalité des genres, le droit de l'enfant,
l'environnement, l' agriculture, l'autoprise en charge, etc.
22

Ce faisant, les ONG desservent une plus grande population en Haïti et elles sont de plus en
plus présentes dans différents milieux rural, rurbain et urbain. Il faut également noter que
les ONG de développement, présentes en Haïti, proviennent de différents pays (Australie,
Canada, États-Unis, France, etc.). Pour plus de détails sur les secteurs d'intervention des
ONG, on peut consulter la liste incomplète des ONG reconnues et actives en Haïti ainsi
que la procédure d'agrément sur le site du ministère haïtien de la Planification et de la
Coopération externe : http://www.mpce.gouv.ht/fr/node/326.

Dans le cadre de notre travail de recherche, nous voulons approfondir ce que des
ONG canadiennes, en particulier celles qui proviennent du Québec (base de sondage) font
comme évaluation de leurs interventions dans différents domaines en Haïti. Plus loin, dans
le chapitre sur la méthodologie de la recherche, le point 3.2.2 présentera les raisons du
choix des ONGM québécoises parmi lesquelles une demi-dizaine ont accepté de participer
à la présente étude, à savoir: le Centre d' études et de coopération internationale; Médecins
du monde ; la Fondation Byas; Développement et paix et l'Association québécoise pour
l'avancement des Nations-Unies. Le troisième chapitre fera également une présentation
détaillée de ces cinq organismes.

2.2.3 RÉSULTATS DE L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT ET L'IMPORTANCE


DES ONG INTERNATIONALES QUÉBÉCOISES EN HAÏTI

L'efficacité de l'aide dans les pays en développement comme dans les pays
développés soulève le doute chez plus d'un et suscite beaucoup de débats (Copans, 2012;
Grivel, 2008). Les débats portent sur la capacité de l'aide à répondre aux objectifs fixés et
à produire des résultats palpables, positifs, quantifiables et significatifs socialement et
économiquement. Deux opinions opposées sont au cœur des débats. D'une part, celle selon
laquelle l'aide au développement produirait des résultats positifs ; d 'autre part, celle pour
laquelle l'aide au développement n' est qu'un échec, car ses résultats seraient négatifs.
23

Dans le premier cas, certains auteurs affirment que 1' aide contribue grandement à
soutenir les pays pauvres à se prendre en charge (Freud, 2011; Knack, 2001; Ruben, 2013).
Selon les défenseurs de cette vision positive de l'aide au développement, les résultats
positifs de cette aide ne sont pas spectaculaires parce qu'ils sont apparents sur le plan micro
sociétal. Par exemple, Ruben (2013) est plus nuancé quant à l'effet global de l'aide au
développement; il rejette catégoriquement le point de vue selon lequel la totalité de l'aide
est gaspillée ou que l'aide maintient les pays sous-développés sous la dépendance. Selon
lui, les modalités de délivrance de l'aide peuvent avoir des impacts positifs ou négatifs. Il
suggère de vérifier quel type d'aide fonctionne, car, à son avis, sur le plan de la santé, il
n'y a pas d'échecs, un point de vue que Freud (2011) et Knack (2001) partagent également.
Par contre, Knack attribue les échecs de l'aide à une mauvaise gouvernance et à une
faiblesse des institutions des pays bénéficiaires, mais 1' aide en soi a des impacts positifs
sur le développement.

Dans le deuxième cas, les auteurs ayant une opinion opposée décrivent l 'aide aux
pays en développement comme un échec (Copans, 2012 ; Freud 2011 et Moyo, 2009).
Moyo (2009), particulièrement, en se basant sur l'exemple des pays africains, dépeint la
réalité de 1'aide qui leur est allouée depuis 50 ans comme un processus d'échecs continus.
Pour lui, 1'aide ne fait qu'accentuer les problèmes existentiels et elle maintient les pays
dans un cercle vicieux de misère irrésolue. Pour lui, le problème du sous-développement
dans les pays du Sud ne peut s' expliquer que par l'aide au développement. Par conséquent,
l'abandon de celle-ci est obligatoire, voire une nécessité, pour permettre à ces pays de se
développer. Dans cet ordre d 'idée, on trouve dans la littérature des auteurs qui rendent les
ONG responsables des échecs de l'aide aux pays en développement (Cracknell, 1996;
Moore, 2000; Ostrom, 2012) et ces échecs se traduisent par l'utilisation des évaluations
inutiles (Ostrom, 2012) qui portent plus sur les modalités et les objectifs d'évaluation
destinés à rendre des comptes aux bailleurs que sur les destinataires de 1'aide (Beek, 2006;
Berlage et Stokke, 1992; Cracknell, 1996).
24

Moore (2000) abonde dans le même sens en expliquant la nécessité pour une ONG
de combler les attentes des donateurs qui représentent pour elle la seule source de revenus.
Aussi, pour assurer sa survie, elle est obligée de dépenser le budget de l'année en cours
pour obtenir plus d'argents 1'année suivante (Ostrom, 20 12). En ce sens, la satisfaction des
bénéficiaires est peu considérée.

Sur ce débat, en ne considérant que le cas haïtien- qui nous intéresse dans ce travail
de mémoire - nous pensons que sans 1' aide au développement la situation dans ce pays
serait encore pire. Toutefois, considérant que l'aide peut aussi raviver le sentiment
d'impuissance (éternel assisté) et créer un syndrome de dépendance, il serait mieux de trier
les secteurs vitaux qui nécessiteraient l'aide extérieure et le reste des secteurs devrait être
sous 1'entière responsabilité du gouvernement et du peuple haïtien. Comme le souligne
bien Ostrom (2012) dans ses réflexions, plusieurs problèmes empêchent l'aide d'avoir des
impacts positifs. S'inspirant du dilemme du prisonnien, cet auteur démontre dans un
premier temps l'importance de la problém atique de l 'action collective des pays
bénéficiaires de 1' aide et dans un second temps, à 1'aide du dilemme du bon samaritaim,
(Gibson, Andersson, Ostrom et al., 2005 ), Ostrom dém ont re comment les pays
bénéficiaires peuvent ne pas participer au développement en recevant l' aide. Moyo (2009)
va plus loin en soutenant que 1' aide au développement maintient les pays sous la
dépendance. Celle-ci réside dans l'incapacité des pays pauvres à agir selon leurs propres
décisions, ce qui conduit à leur perte d' autonomie. Cette dernière ne permet pas à
l 'organisation d'augmenter sa valeur ajoutée qui, selon Moore (2000), s'obtient par le
« feed-back » dans le but d 'aider celle-là à corriger sa stratégie. Il s'agit, dans tous les cas,
d'incitations perverses qui ne permettent pas à l'aide d' avoir des résultats positifs (Gibson
et al. , 2005).

1 Dans ce dilemme, l 'auteur démontre l'intérêt d' une p ersonne qui p eut recevoir des bénéfices spontan és à
ne pas contribuer au développement « ce qui peut entraîner un emploi excessif des ressources ou une
fourniture insuffisante de biens pub lics (Ostrom, E. 20 12).
2 Le dilemme du bon samaritain : 1' auteur fait remarquer que l'effort du b én éficiaire peut être grand ou faible.
Dans le çcas où l'effort est faible du côté des b énéficiaires m ême si celui du sam aritain est fort, les r ésultats
ne seront pas visib les (Gibson, C.C. , Ander sson, K ., Ostrom, E. et Shivakumar, S. 2005).
25

Suivant cet ordre d'idée, nous présumons qu'en Haïti, les ONG québécoises
interviennent dans différents domaines tels : la santé, l'éducation, les questions de droit,
l'agriculture, etc. , afin d'aider la population à se prendre en charge et non pour maintenir
ce pays dans la logique du centre-périphérie, donc dans la dépendance. Leur coopération
avec Haïti remonte à plus de 30 ans, pour certaines. À travers l'aide qu'elles apportent,
elles peuvent avoir des effets accélérateurs et multiplicateurs sur la situation économique,
politique, culturelle, éducationnelle et juridique du pays. Seule une étude évaluant 1'impact
global des aides reçues par Haïti pourra trancher ce débat sur l'apport réel de l'aide au
développement. Comme nous l 'avons mentionné auparavant, cette étude ne se concentre
pas sur le volume de l 'aide au développement à travers un acteur, les ONGD, ni sur son
caractère positif ou néfaste, mais se focalisera sur les pratiques d'évaluation des activités
des ONG internationales qui accompagnent Haïti, en particulier les façons de faire
l'évaluation en vigueur dans quelques ONG internationales québécoises, car ces dernières
ont un lien historique avec Haïti en matière d' aide et de coopération.

2. 3 NOTION D 'ÉVALUATION

C omme nous l 'avons précisé, l' évaluation des interventions des ONG dans le
dom aine de 1' aide au développement en Haïti est la notion principale de cette étude. Raison
pour laquelle cette section sera plus dét aillée que les précédentes. Lorsqu' on évoque
l 'intervention, on fait référence aux programmes et aux proj ets effectués ou en cours
d 'exécution pour aider le peuple haïtien à se prendre en charge. Pour une m eilleure
compréhension du terme« évaluation », il nous paraît utile de préciser d'abord brièvement
son sens et son historique (origine). Ensuite, nous présenterons les m éthodes et les
approches évaluatives utilisées par les ONG .
26

2.3.1 DÉFINITION, HISTORIQUE ET ÉVOLUTION DE L'ÉVALUATION

Dans le cadre de ce travail de recherche, nous définissons 1' évaluation comme un


outil de gestion qui permet de déterminer l'atteinte des résultats d'une action en fonction
des critères bien définis, d'analyser le processus qui a permis de les atteindre en collectant,
interprétant systématiquement les preuves pour pouvoir améliorer les actions futures et
pour déterminer les valeurs des choses (Arnold 1977, Beeby 1977, Suchman 1967 cité dans
Brousselle, 2011). Par «choses», on entend l'ensemble des projets et des programmes
réalisés. Il faut cependant noter que dans la littérature, 1'histoire de 1' évaluation se présente
comme une bataille successive de théorie, de méthodologie et de pratique. Cinq générations
de plusieurs périodes se succèdent en matière d'évaluation des activités. Guba et Lincoln
(1989) en présentent quatre. Puis, la cinquième est celle présentée par Fontan (2001). Leur
conception représente une révolte contre la méthodologie positiviste qui s'appuie sur une
perspective naturaliste. L'évolution historique du processus d'évaluation est
principalement marquée par les éléments suivants :

1) La mesure : Cette période, appelée l'âge de la réforme de l'efficience et des tests


(avant 1900-1930), considère l'évaluation comme un ensemble d'activités portant
sur des tests standardisés et des mécanismes de collecte des données en vue
d'obtenir un portrait objectif et juste des capacités des élèves. L' évaluateur est alors
considéré comme un technicien dont le rôle consiste à mesurer les activités à partir
des tests;

2) La description : Cette deuxième période appelée l'âge de l ' ignorance ou de


l'innocence (1937 à 1950) ajoute le rôle de descripteur de programme au rôle des
évaluateurs. Ces derniers doivent comprendre la structure et le contenu des
programmes, identifier leurs forces et leurs faiblesses afin de déterminer s'ils
permettent de répondre aux objectifs. Enfin, ils doivent faire des recommandations
pour favori ser leur amélioration ;
27

3) Le jugement ou la professionnalisation (1958-1990) : Outre la mesure et la


description, l'évaluation est une activité par laquelle l'évaluateur produit un
jugement de valeur et des recommandations, ce qui fait de l'évaluateur un
participant dans le processus de prise de décisions. Cette période est celle de l'âge
de l'expansion et de la professionnalisation;

4) Les doutes (1990-2000) : cette quatrième période émane des trois premières. Elle
ouvre le champ à toutes les parties prenantes de 1'évaluation. Celle-ci est considérée
comme une activité pratique et émancipatrice qui implique la participation active
de tous les acteurs pour des résultats rationnels ;

5) La cinquième façon de voir 1'évaluation (2000 à nos jours) est caractérisée par la
négociation collective (Fontan, 2001). L'évaluation devient donc un processus qui
privilégie une méthodologie qui se veut une transaction d'égal à égal entre les
différentes parties prenantes de la démarche évaluative.

2.3.2 TYPOLOGIES D'ÉVALUATION COURAMMENT UTILISÉE PAR


LES ONG

Les publications sur les évaluations faites par les ONG permettent d'identifier trois
types ou principales méthodes d'évaluation utilisées : l'externe, l'interne et l'auto-
évaluation. Cependant, il existe une rareté d'études et une absence de détails sur la façon
dont les enjeux sont traités dans les évaluations menées par les ONG. Cette pénurie
d'information rend difficiles les comparaisons entre les études et les méthodes utilisées.
Dans cette section, chaque type est présenté en détail.
28

2.3.2.1 Évaluation externe

L'ONG peut solliciter l'aide d'un expert externe, c'est-à-dire quelqu'un qui ne fait
pas partie de 1'organisation pour effectuer 1' évaluation. Par définition, une évaluation est
dite externe si 1'évaluateur est indépendant du commanditaire et de 1' organisation. Par
indépendant, on désigne quelqu'un qui n'a pas de lien institutionnel, de subordination ou
même affectif avec l'objet évalué et avec le commanditaire. En d'autres termes, une
évaluation est qualifiée d'externe lorsque le commanditaire ou la structure qui veut évaluer
ses actions la confie à des personnes extérieures appartenant à l'administration, à une firme
ou à l 'université, etc. Dans ce cas, l'acteur n'a aucun lien avec le commanditaire ni avec
1' action sur laquelle porte 1' évaluation. Une telle évaluation est nécessaire, car :

• Elle favorise l'indépendance, l'impartialité, et l'objectivité tant des analyses que


des recommandations ;
• Elle permet de disposer de compétences spécifiques (économie, médecine,
éducation, audiovisuel, urbanisme, etc.) qui ne sont pas toujours disponibles à
l'interne (Cavelier, du Buysson, Fandre et al., 2007).

L' évaluation externe est généralement destinée à des tierces parties comme les
décideurs politiques ou les organismes subventionnaires dans le cas de programmes de
coopération au développement. Dans ce cas, étant donné que 1'évaluateur ne détient aucune
responsabilité directe dans l'élaboration de l 'action, il peut prendre une certaine distance
critique vis-à-vis des organisations qu'il examine (De Montclos, 2011). Ceci représente
l'avantage de l'évaluation externe. Cependant, elle contient également des inconvénients :

• L' évaluateur a plus difficilement accès aux informations sensibles que 1'ONG ne
souhaite pas divulguer;
• La possibilité de ne pas faire impact dans les rapports et le risque de rejet par les
acteurs si le processus d'évaluation et, notamment, l'étape de préparation n'est pas
menée de façon transparente et participative.
29

La distance critique, dans le cas où l'accès aux informations sensibles à l'ONG est
difficile, n'est pas tout à fait évidente dans le cas où 1' évaluateur travaille soit pour le
bailleur ou pour l'organisation elle-même. Selon House (2004), les évaluations
commanditées par les bailleurs de fonds institutionnels sont source de réels conflits
d'intérêts. Premièrement, c'est le fait d'être en même temps juge et partie; deuxièmement,
c'est la contrainte d'application de deux poids. L'information fournie dans ce cas ne
contribue pas à améliorer vraiment les programmes parce que l'évaluation répond aux
aspirations du bailleur.

2.3.2.2 Évaluation interne

Par définition, une évaluation est dite interne si l'évaluateur est lié au
commanditaire tel qu'un membre du personnel ou un administrateur. Une organisation non
gouvernementale du nord (ONGN) peut procéder à ce type d'évaluation pour 1' organisation
non gouvernementale du sud (ONGS). Pour cette dernière, ceci ne représente pas
forcément une évaluation interne parce qu'elle est une entité à part entière de l'ONGN,
mais pour le commanditaire, cela en est une. L'évaluation interne présente plusieurs
avantages:

• Elle permet une bonne initiation à une démarche évaluative ;


• Elle atténue progressivement les craintes à l 'égard d'une évaluation;
• Elle familiarise l'évaluateur avec le milieu et les actions qu'il évalue. Par cette
familiari sation, l'évaluateur identifie rapidement les tenants et les aboutissants de
l'exercice et les attentes des responsables de sa mise en œuvre ;
• Elle aide l'organisation à apprendre. Selon Sonnichsen (1 999) l'apprentissage
organisationnel est un processus qui permet de détecter et de corriger les erreurs.
Cette définition permet d'avancer que l'évaluation interne est un outil itératif
d'apprentissage permettant aux organisations de détecter et de corriger les erreurs
d 'autant plus facilement qu'il semble que les structures administratives soient plus
réceptives aux informations provenant de 1'organisation que celles produites à
l'extérieur;
30

• Elle permet d'avoir une influence sur les décisions de l'organisation.

Bien que l'évaluation interne apparaisse comme un bon outil à l'organisation, il existe
quelques critiques autour de cette méthode.

• La principale critique de cette dernière résulte de son manque de crédibilité et


d 'indépendance.
• La présence d'un dilemme éthique.
• La possibilité de fournir des résultats biaisés.

Pour ces raisons, Jacob (2007) recommande l'évaluation externe lorsqu 'elle
s 'inscrit dans une démarche d'imputabilité à l'égard de tiers qui traduit la volonté de faire
disparaître les possibilités de conflits d'intérêts qui peuvent exister.

2.3.2.3 Auto-évaluation

Dans 1'optique de bien comprendre leur performance et de tenter de résoudre


certains problèmes stratégiques afin d' améliorer leur performance, plusieurs organisations
recourent à l'auto-évaluation selon Lusthaus (1999). Il la définit comme une approche du
diagnostic organisationnel qui a une certaine emprise sur le processus d' évaluation. Cela
peut aller des évaluations entièrement contrôlées par l'organisation aux évaluations
effectuées à la demande d'un organisme extérieur, mais auxquelles 1'organisation participe
pleinement et dont les résultats lui appartiennent. Sur une base organisationnelle, dit-il, elle
est vue comme un diagnostic ou comme un point de départ à la mise en application d'un
processus interne de changement ou de planification stratégique. Elle peut être aussi le
moyen d'amorcer des discussions avec d'autres intervenants tels que le conseil
d'administration ou les bailleurs de fonds. En d'autres termes, on parle de l'auto-évaluation
lorsque 1'acteur évalue et porte un jugement sur ses propres activités. Il n' existe pas un
moyen unique pour amorcer une auto-évaluation. Cela dépend du cadre qui convient le
mieux à 1' organisation.
31

Par exemple, il peut s'agir d'avoir une vision globale sur l'organisation, d'étudier
et de résoudre un problème particulier sans vouloir procéder à une évaluation
institutionnelle exhaustive qui ne ferait que détourner l'organisation du problème en
question. Entre autres avantages, ce type d'évaluation a pour caractéristiques :

1) Renforcer la formation, l'apprentissage et la motivation des personnes impliquées


dans la mesure où elles sont étroitement associées à la réflexion sur le pourquoi et
le comment de leurs activités ;
2) favoriser la maîtrise des processus de changements soctaux de ceux qm
s'autoévaluent et renforcer la viabilité de l'action;
3) fournir des éléments analytiques utiles aux évaluations externes.

Le principal inconvénient de l'auto-évaluation réside dans un manque de recul de l'action.

En conclusion, ces trois types d'évaluation permettent de comprendre sa complexité


comme outil de gestion dans les organisations quand il s'agit de choisir la meilleure
méthode. Ce choix peut devenir très compliqué. Comme nous le dit Sonnichsen (1999), il
n'existe pas une méthode meilleure qu'une autre. Idéalement, il faut que l'organisation soit
en mesure d'identifier le problème auquel elle veut apporter une solution avant de
s'engager dans l'une ou dans l'autre forme d'évaluation pour que celle-ci soit la meilleure.
En d'autres termes, il faut que l 'approche s'adapte à la réalité de l'organisation.

2.3.3. APPROCHES UTILISÉES PAR LES ONG DANS L'ÉVALUATION

Les approches traditionnelles de l'évaluation sont souvent critiquées par les


bailleurs selon Riddell, Kruse, Killônen et al. (1997). Dans leurs études, la plupart des
enjeux mentionnés sont évoqués et abordés dans les évaluations menées et commanditées
par les ONG. Celles-ci, dans leurs publications récentes sur leurs évaluations, mettent en
valeur deux différences : la réservation d'une place d'honneur à la participation et
1' importance accordée à 1' acquisition des connaissances nouvelles qui permettent
d'acquérir l' autonomie.
32

La confirmation de celles-ci est mentionnée dans l'ouvrage de Riddell et al. (1997) intitulé
Étude synthétique des évaluations ONG: méthodologie et impact des actions :

«Il faut toujours mettre l'accent sur l'idée que l'évaluation est un
processus d'acquisition de connaissances favorisant l'autonomie des
bénéficiaires et qu'on peut utiliser une approche participative d'une
façon ou d'une autre dans la plupart des types d'évaluations >>(p. 92).

Pour une bonne compréhension, définissons la participation et 1'autonomie.

2.3.3.1 Participation

Dans le mot « participation », on reconnaît le mot « partage » dont la racine est «


part». Ainsi, la participation est l'action de partager; elle peut signifier aussi prendre part
à quelque chose. Par « chose », on entend une activité, un objet, un pouvoir, etc. Dans le
cadre d'une évaluation, la participation consiste à engager « les différentes parties
prenantes d'un projet, d'un programme ou d'une politique dans sa planification et sa
réalisation» (Jacob et Ouvrard, 2009, p. 18). En d'autres termes, la stratégie participative
permet à toutes les parties prenantes de s 'impliquer activement dans toutes les phases de
l'évaluation dans le but d' établir un climat de confiance entre elles et d'acquérir de
nouvelles connaissances et compétences (Ridde, Baillargeon, Ouellet et al., 2003). En effet,
l'évaluation participative est déterminée par trois dimensions : la diversité des parties
prenantes qui ne sont pas évaluatrices, l' étendue de la participation de chacune et le
contrôle du processus évaluatif (Daigneault et Jacob, 2009).

Mentionnons que la définition de la participation dans la pratique peut poser


problème lorsqu'il s'agit d'impliquer les différents acteurs concernés par le proj et ou le
programme. Le problème soulevé est le suivant : comment et quand impliquer toutes les
parties prenantes ? Ainsi, dans le cas des bénéficiaires de 1' aide au développement, la
participation peut être définie suivant deux paradigmes : le déterministe et
l'interactionniste (Tremblay, 2005).
33

La participation déterministe consiste à ne pas impliquer les populations


bénéficiaires aux principales phases des projets de développement, en 1'occurrence à
l'étape de l'évaluation des activités. Ce paradigme laisse peu de place aux bénéficiaires en
soutenant l'idée que l' introduction mécanique de certains facteurs peut enclencher le
développement (Tremblay, 2005). Ceci est donc considéré comme un processus linéaire
où l'impact des bénéficiaires n'est pas significatif. On les implique comme étant la main-
d'œuvre lors de la phase de l'exécution du projet, ce qui engendre un sentiment
d'irresponsabilité par rapport à la protection, au maintien et à l'entretien du projet après sa
réalisation. N'étant que main-d'œuvre, ils ne considèrent pas les projets comme les leurs.
Les résultats des méthodes et les modalités d'intervention utilisées se caractérisent par:

1) Une faible participation des bénéficiaires ;


2) la quasi-absence de décision (des projets à la base) ;
3) la majorité des projets sont évalués par les ONG;
4) une faible participation des bénéficiaires dans les évaluations ;
5) une forme de résistance au changement.

Ces méthodes ne tiennent pas compte des influences des variables socioculturelles
de l'environnement immédiat (Gogue, 1991). Les résultats qui en découlent font souvent
état d'une participation déterministe, d'une mauvaise connaissance du milieu et d'une
absence de motivation des bénéficiaires. Dans un contexte d'aide au développement, ces
résultats, ne prenant guère en considération tous les aléas socioculturels, sont loin de
favoriser le développement souhaité parce que de nombreuses incitations perverses en font
obstacles (Assogba et Koffi, 1994; Gibson et al., 2005).

Quant au paradigme de la participation interactionniste, il sous-entend l'implication


de toutes les parties prenantes spécialement les bénéficiaires dans toutes les phases du
projet - de l'identification des besoins à la définition des objectifs en passant par
l'élaboration, l'exécution, la formation à la gestion et la maintenance du projet, le suivi-
évaluation - est nécessaire pour favoriser sa pleine réussite. Selon ce paradigme, le
34

développement n'est pas envisageable en dehors des conditions socioculturelles et


économiques des bénéficiaires. Il faut responsabiliser le bénéficiaire qui, par la suite,
s'appropriera le projet. Les méthodes et les modalités d'intervention utilisées se
caractérisent par un accroissement de la mobilisation des ressources financières, humaines
et matérielles nécessaires à l'efficacité du projet, une adaptation aux besoins, aux
problèmes, aux aspirations et aux centres d'intérêt de la population bénéficiaire (Tounkara,
Oumar Fomba et Tangara, 2000) et par une participation interactionniste. Dans un tel
contexte, les résultats sont plutôt positifs en ce qui a trait à l'amorce du développement.
On peut en énumérer trois :

1) Une appropriation des projets par les bénéficiaires ;


2) une connaissance plus précise des besoins des bénéficiaires ;
3) une réduction des mauvaises incitations.

2.3.3.2 Autonomie

L'autonomie, souvent désignée sous le terme « empowerment », est un processus


permettant à un individu, un groupe ou une communauté d'acquérir la capacité d'agir. Ce
concept n'a pas une définition univoque (Ridde et Queuille, 2006b ). Toutefois, on peut le
définir comme étant l'acquisition d'un pouvoir d'agir qui permet à un individu ou à une
communauté d'avoir des compétences et de développer des habiletés lui permettant
d'élaborer et de mettre en œuvre des solutions adaptées à sa situation, son environnement.
Ce processus permet, en fait, d'autonomiser l'individu, le groupe ou la communauté. Des
ONG utilisent cette approche lorsqu'il s'agit d'évaluer l 'efficacité d'un programme. Dans
ce cas, 1'objectif est de vérifier si un programme est parvenu à renforcer 1' autonomie des
parties prenantes. Cette approche permet aux participants d'accroître leur pouvoir d'agir et
aux intervenants d'avoir une plus grande connaissance du milieu. Elle permet, également,
de porter un jugement sur 1' autonomie des participants conformément au cadre
méthodologique choisi. Ainsi, les intervenants sauront sur quoi agir pour assurer
l'efficacité des programmes à venir.
35

2.4 CRITÈRES D'ÉVALUATION DES ONG

Comme on l'a vu en début de chapitre, l'évaluation mesure les effets du programme en


fonction des critères bien définis. Souvent, ils sont déterminés par les commanditaires ou
les ONGN et son partenaire l'ONGS. Cependant, dans les grands livres de 1'Organisation
de coopération et de développement économique (OCDE) et du Comité d'aide au
développement (CAD), on retrouve cinq critères d'évaluation appelés critères classiques
(Descroix et Leloup, 2002):

1) La pertinence : celle-ci se définit en fonction des besoins des bénéficiaires pour


savoir si le projet est prioritaire ou pas ;
2) L'efficience : celle-ci estime l'adaptation des moyens (ressources humaines,
ressources financières, etc.) et activités mis en œuvre par rapport aux résultats à
atteindre;
3) L'efficacité : ce critère est spécifique à chaque projet. À 1'aide de certains outils, il
permet de vérifier si l'ONG arrive à mettre en œuvre ses actions prévues et si les
objectifs sont atteints ;
4) La viabilité : celle-ci permet d'apprécier le maintien des résultats et bénéfices de
1'action après sa réalisation ;
5) L'impact : celui-ci permet de mesurer les effets et les changements durables prévus
ou non sur la situation des personnes et leur environnement.

À ces cinq critères dits classiques, souvent il y a un autre qui s'ajoute lorsqu'il s'agit
d'« apprécier la logique de 1'intervention et le bien-fondé des relations de causes à effets
entre les moyens et les activités menées d'une part et les résultats attendus et l'objectif
spécifique d'autre part» (Descroix et Leloup, 2002, p. 73). Il s'agit, en fait, de la cohérence.

Jacob (2007), pour sa part, décrit quatre critères d'évaluation. Aux trois premiers critères
mentionnés plus haut il ajoute celui de l'économie. Cependant, ces critères ne sont pas
toujours adaptés ou suffisants à la situation des ONG à cause de la priorité que les ONG
accordent au développement social.
36

Leur priorité est mtse non seulement sur des variables matérielles et
macroéconomiques, mais aussi sur des dimensions méso et micro du développement
humain. Selon leur philosophie, l'homogénéité sociétale n'existe pas, donc on doit tenir
compte de tous les groupes de la société ce qui implique un développement à double
dimension: d 'une part, humaine ; d'autre part, distributive. L' approche d 'une action de
développement doit impliquer les bénéficiaires non seulement pour qu'ils contribuent aux
activités, participent à la conception et à la mise en œuvre des actions, mais pour qu'ils
acquièrent la capacité d'agir ainsi que le pouvoir et qu'ils s'approprient le processus du
développement. Les ONG prônent 1'utilisation de critères beaucoup plus centrés sur les
acteurs (bénéficiaires) qui sont (Descroix et Leloup, 2002, p . 74) :

1) L'approche: celle-ci est un critère très important. Pour mteux favoriser le


développement social, il faut que celle-ci soit appropriée au contexte évolutif et il
faut, également, déterminer la méthodologie d'intervention appropriée pour mieux
appréhender la population et choisir ses interlocuteurs ;
2) La participation : celle-ci permet de vérifier la contribution et la participation de
t outes les parties prenantes dans chacune des phases de l'action ;
3) La satisfaction : celle-ci permet de mesurer le degré de satisfaction des bénéficiaires
et permet de connaître leur appréciation;
4) L'approbation par les bénéficiaires : celle-ci permet de savoir comment ces derniers
s 'approprient des activités et des résultats de l'action, quelles sont leurs capacités à
les prendre en charge, à les intégrer et à les gérer. L'appropriation passe par leur
apprentissage à gérer une action puis par leur prise de conscience de leurs capacités
d 'organisation et du pouvoir qui en découle ;
5) La capacité d' autonomie : celle-ci permet de vérifier si les bénéficiaires ont atteint
un pouvoir d 'agir pour ne plus recourir à l' appui de l' ONG ou à celui d' autres
acteurs (Ridde et Queuille, 2006a).

Ces critères se retrouvent dans la plupart des évaluations effectuées par les ONG et
dans certains cas, d 'autres critèr es s 'y ajoutent dépendamment de leurs obj ectifs .
37

En conclusion, nous retenons que la négociation des différentes parties prenantes


dans le processus d'évaluation doit consister à les impliquer ou à les faire participer aux
différentes phases d'un projet et à son évaluation. Cependant, cette participation est
problématique dans le sens où on se demande comment et quand impliquer les parties
prenantes. Toutefois, selon la cinquième génération (réf. 2.3.1, page 25), si cette
négociation se fait collectivement, c'est-à-dire si elle mène à partager une part du pouvoir
avec toutes les parties prenantes inclusivement à toutes les étapes, les résultats seront
meilleurs. Cette nouvelle méthode permet de responsabiliser l'aidant, de le rendre
autonome et de l'amener à participer à la prise des décisions. Et, dans une logique d 'aide
au développement, les théoriciens s 'entendent sur le fait qu'une plus grande participation
des parties prenantes est nécessaire pour produire des résultats positifs.

Pour les ONG dont le succès ne se mesure pas à l'aide de profit, l'évaluation
demeure l'outil de gestion par excellence qui leur permet de corriger leurs actions afin
d 'obtenir de meilleurs résultats de leurs interventions dans le cadre de l 'aide au
développement. Se questionner sur la façon dont les ONG, particulièrement les ONG
québécoises, évaluent leurs projets d'aide au développement et comment elles résolvent
l 'enj eu de la participation à savoir quand et comment impliqué les partenaires ou les
bénéficiaires est important. Pour cette raison, dans le cadre de ce travail de recherche,
l'analyse sera faite en tenant compte de la participation de toutes les parties prenantes,
notamment les bénéficiaires dans les évaluations, comme il est mentionné dans la
cinquième génération de 1' évaluation.
TROISIÈME CHAPITRE
CADRE MÉTHODOLOGIQUE

Ce troisième chapitre décrit et justifie la démarche méthodologique qui nous a


permis de répondre aux objectifs de cette recherche. Il compte quatre sections. La première
porte sur le cadre méthodologique général, c'est-à-dire l 'approche qui guidera la démarche
de recherche, qui est le paradigme dans lequel cette étude s'inscrit au plan théorico-
méthodologique, le type de recherche que nous ferons, les théories scientifiques qui nous
inspirent. La deuxième section va présenter les résultats attendus et la base de sondage,
c'est-à-dire les sujets ou les répondants qui constituent notre échantillon. La troisième
section expose les techniques de collecte, de traitement et le modèle d'analyse des données.
La quatrième section présente les difficultés sur le terrain et les précautions prises pour
respecterles règles de 1'éthique de la recherche avec les êtres humains à l'UQAT.

3.1 CADRAGE MÉTHODOLOGIQUE GÉNÉRAL

Nombreuses sont les études traitant différentes problématiques sur les organismes
humanitaires, l'aide humanitaire et l'aide au développement. Cependant, en ce qui a trait
aux études portant sur les pratiques d'évaluation en vigueur dans des organismes
humanitaires et sur la perception qu'ont les employés de ces organismes-là de ces pratiques
d'évaluation, il y a un manque de documentation. Ceci rend impossible la formulation
d 'hypothèses de recherche vérifiables par les règles des méthodes quantitatives. Dans un
tel contexte, nous estimons nécessaire de mener une recherche qualitative de type
exploratoire et descriptif (Padgett, 2008). Celle-ci, par définition, est un type de recherche
où le chercheur fait appel aux matériaux discursifs « pour t enter de mieux comprendre les
processus à l'œuvre dans une dynamique psychique, interactionnelle ou sociale» (Paillé et
Mucchielli, 2008, p. 5). C'est, en effet, un type de recherche très approprié en sciences [ ... ]
lorsqu'il s'agit d'étudier des êtres humains, leurs expériences et leurs sociétés (Ibid.) pour
explorer en profondeur le phénomène étudier (Mayer, Ouellet, Saint-Jacques et al. , 2000).
39

Quant au paradigme, notre recherche s'inscrit dans une démarche constructiviste


parce que nous cherchons aussi à cerner les représentations sociales des personnels des
ONG québécoises actives en Haïti sur les pratiques d'évaluation au sein de leur
organisation respective. Cette approche constructiviste convient le mieux à toute démarche
visant à recueillir l'information sur les perceptions, l'image ou les représentations que la
population a sur un phénomène social, en l'occurrence l'image positive ou négative de
l'évaluation comme activité dans les organismes humanitaires dont on sait au moins que le
financement est de plus en plus conditionné à la production de rapports d'évaluation et/ou
d'auto-évaluation périodiques. Le but de la recherche qualitative, exploratoire et
descriptive fait suivant une démarche constructiviste, contrairement à celle qui est
quantitative et qui cherche à vérifier une hypothèse à travers un décompte réducteur,
consiste à interpréter des données recueillies dans un milieu naturel (entretiens individuels
ou en groupes, observation participante ou non, documents) en vue d'aider à comprendre
les phénomènes sociaux (Borgès Da Silva, 2001 ). Les différentes données recueillies
conduisent le chercheur à formuler des hypothèses à la fin de son étude, et ce, dans une
démarche inductive, interprétative. Le chercheur, par son aller-retour entre les différentes
étapes de la conception de 1' étude, de la cueillette de données et de 1' analyse (Pope et Mays,
1995) peut être amené à réorienter sa méthode ou à modifier les modalités de constitution
de l'échantillon (Borgès Da Silva, 2001).

3.2 RÉSULTATS ATTENDUS ET BASE DE SONDAGE

3.2.1 RÉSULTATS ATTENDUS

En menant cette recherche, nous nous attendons à deux résultats : en premier lieu,
nous aurons un portrait des pratiques d'évaluation des activités de l'aide au développement
au sein des organismes humanitaires québécois en Haïti depuis 2005. En deuxième lieu,
nous connaîtrons la perception d' employés (salariés et bénévoles) des organismes
humanitaires participants sur l'évaluation des projets d'aide au développement en Haïti.
40

Nous saurons alors si les pratiques d'évaluation s'y font dans les normes, à quelle
fréquence l'évaluation interne, externe et/ou l'auto-évaluation se font dans les ONG qui
vont participer à notre enquête et nous verrons aussi comment et quand dans la vie des
projets exécutés sur le terrain haïtien, l'évaluation se fait.

3.2.2 BASE DE SONDAGE: POPULATION ET ÉCHANTILLON

3.2.2.1 Détermination de la base de sondage (population ou univers de la


recherche)

Suivant le titre de notre sujet de recherche, 1'univers de la présente recherche se


limitera aux ONG québécoises plutôt qu'à l'ensemble des organismes internationaux
intervenant en Haïti. Ce choix a été guidé par deux facteurs : le premier est la longue
tradition d'aide humanitaire québécoise au profit du peuple haïtien avec qui le Québec a
un lien historique fort qui s 'est construit autour de la proximité culturelle et par le partage
de la langue française en Amérique. Le second facteur est la possibilité que la chercheure
(étudiante en Abitibi-Témiscamingue, Québec) puisse rejoindre plus facilement les
ONG internationales québécoises que celles des autres pays aussi présentes en Haïti. Nous
ne pouvons pas donner une liste exhaustive des ONG québécoises œuvrant actuellement
en Haïti, car il y en a qui sont inconnues sur les listes disponibles sur le Web.

Pour pouvoir avancer et avoir une base de sondage fiable, nous nous sommes fixé
deux critères de sélection : ne feront partie de notre base de sondage que les ONG
québécoises actives pendant 10 ans et plus en Haïti puis ayant le statut officiel d 'OBNL au
Canada. Sur la base de ces deux critères, nous avons procédé en trois étapes pour avoir une
base de sondage. Premièrement, les sites Internet de différentes associations des ONG
canadiennes ont été consultés dans le but de retracer les ONG qui interviennent réellement
en Haïti depuis au moins une décennie. À cette étape, nous avons pu accéder aux
coordonnées de la Coalition canadienne pour la coopération internationale (CCCI), que
nous avons sollicitée.
41

Cette dernière nous a référée à des organismes et à une association d 'organismes


québécois membres : l'Association québécoise des orgamsmes de coopération
internationale (AQOCI). Nous leur avons contacté par courriel et celle-ci nous a aussi
soumis la liste de ses membres. Une fois que nous avons eu la liste des organismes, nous
avons entamé la deuxième étape qui consistait à vérifier 1' admissibilité des organismes afin
d'exclure ceux qui ne correspondent pas aux critères retenus pour 1' étude (expérience
haïtienne et légalité). Afin de valider leur admissibilité, nous sommes allée consulter leur
site respectif et nous avons vérifié les deux critères exigeant que 1'organisme choisi soit
reconnu comme OBNL canadien et doive avoir au moins dix ans d'expérience haïtienne.
Après cette vérification, nous avons retenu 20 ONG (N=20).

Tableau 3.0 : Les ONG québécoises formant l'univers de notre recherche

Nomdel'ONG

Alternatives Entraide missionnaire (L'Etv.II)

Association québécoise pour l 'avancement des Nations- Equitas


Unis (AQANU)

Centre de coopération internationale en santé et en Fondation Byas


développement (CCISD)

Carrefour de solidarité internationale (CSI) Fondation Paul Gérin-Lajoie (FPGL)

Centre d'études et de coopération internationale (CECI) Handicap International Canada

Centre justice et foi Ingénieurs sans frontières Québec (ISFQ)


Collaboration santé internationale (CSI) M édecins du monde Canada (MDM)

Concertation pour Haïti Oxfam-Québec (OQ)

CRUDEM Solidarité Union Coopération (SUCO)

Développement et paix (DEP) Terre sans frontière TSF


42

Toutes ces ONG ont été contactées. À noter que ce sont seulement celles dont les
noms sont en italique qui ont réellement participé. Nous avons effectué trois voyages pour
prendre officiellement contact et solliciter la participation de quelques-unes aux entretiens
exploratoires et le reste pour des entrevues plus longues. Vu le fait que les visites au siège
social à Montréal n'ont pas étés fructueuses. En octobre 2015 des invitations leur ont été
envoyées par la poste ainsi que le résumé du projet de recherche et le formulaire de
consentement leur demandant de confirmer la participation à l'enquête par entrevue en
nous retournant la réponse dans l'enveloppe préaffranchie incluse dans l'envoi. En
novembre 2015, nous avons assuré le suivi par téléphone et par courriel auprès des ONG
qui n'avaient pas répondu. Les ONG qui n'étaient pas joignables par ces deux voies ont été
recontactées et réinvitées par courrier postal au début du mois de décembre 2015.

En rmson de l'insuffisance de réponses positives de la part des orgamsmes


sollicités, nous avons décidé d'utiliser la technique d'échantillonnage par réseautage (boule
de neige) afin de joindre le plus de représentants des ONG par l'intermédiaire d'autres
ONG (Johnston et Sabin, 2010). Cette méthode donne un échantillon d'étude grâce aux
recommandations faites par les participants de départ afin de générer d' autres participants
potentiels (Biernacki et Waldorf, 1981; Johnston et Sabin, 2010). Ainsi, la dernière
sollicitation a été faite au mois de février 2016. Au total cinq ONG nous ont accordé une
entrevue. Il s'agit du Centre d'étude et de coopération internationale (CECI) ; la Fondation
Byas, l' organisme Développement et paix (DEP), l' Association québécoise pour
l'avancement des Nations-Unies (AQANU) et ; Médecins du Monde (MDM). Tous les
cinq ont leur siège social au Québec. Nous allons dresser un court portrait de chacune
d 'elles en mettant l'accent sur le nombre d'années d 'implication en Haïti, le domaine
d'intervention, le budget annuel et d'autres informations les caractérisant.
43

3.2.2.2 Portrait de l'échantillon des ONG participantes (n=5)

1) Centre d'étude et de coopération internationale (CECI)

C'est depuis en 1971 que cet organisme investit dans les activités de développement
en Haïti. Il a déjà touché à différents domaines tels : la coopération alimentaire qui est,
selon lui, la plus importante ; l'éducation; l'économie ; le social ; la question de droit; la
santé ; la filiale économique et le tourisme. Ces différents projets de développement
s'étendent sur 45 communes du pays auprès de plus de 200 000 bénéficiaires directs parmi
ces multiples projets de développement nous en retenons cinq à titre d'exemple :
développement touristique dans le département du nord; développement communautaire et
sécurité citoyenne; renforcement des services publics agricoles; gestion des risques et
désastres ainsi que larecapitalisation des femmes commerçantes. À CECI, c'est le domaine
dans lequel les bailleurs de fonds veulent investir ou le domaine pour lequel il y a du
financement qui définit le secteur d'activité le plus important. Elle peut être, parfois,
irréversible, mais le plus souvent ce n' est pas le cas. Cela donne naiss ance à des projets
cycliques. Ainsi, le budget de l'organisme CECI n'est pas constant. Il varie en fonction du
secteur priorisé par les bailleurs des fonds. Aujourd'hui, le secteur à la mode est la santé.
Avec un budget estimé à 10 millions de dollars, 1' organisme y investit beaucoup plus de
ressources financières et humaines. À noter que l'ONG CECI n ' intervient pas directement
auprès des bénéficiaires en Haïti, il travaille plutôt en partenariat avec des organisations
haïtiennes, qui, avec lui, assure la mise en œuvre des projets.

2) Fondation Byas

C'est une petite organisation dont la mission consiste à recueillir des fonds et du
matériel médical provenant de dons des particuliers pour soutenir le développement
sanitaire en Haïti. L' organisme fonctionne uniquement avec des bénévoles. Son
financement provient des dons grâce aux collectes de fonds qu'il effectue. C'est, en effet,
depuis l'année 1998 que l'organisme s'est impliqué de façon permanent e dans la lutte au
développem ent en Haïti.
44

Depuis lors, il soutient les investissements que fait l'hôpital l'Espérance de Pilate,
une commune située dans le département du nord d'Haïti, soit pour agrandir l'hôpital avec
de nouveaux pavillons, soit pour l'approvisionnement en équipement que l'hôpital n'avait
pas encore acquis, notamment dans 1' aile de maternité, soit pour 1' entretien et la réparation
des bâtiments, soit, enfin, pour le salaire de certains employés. L'organisme ne met en
œuvre, directement, aucun projet dans le pays. C'est son partenaire, local, les sœurs
religieuses de la congrégation de Sainte-Croix, responsables de la direction de 1'hôpital qui
réalisent les projets de la fondation Byas. Aujourd'hui, avec un budget annuel de vingt à
vingt-cinq mille dollars, 1'organisme fait des projets immobiliers sa priorité.

3) Développement et paix

Ils 'agit d'un organisme catholique très connu dont la mission consiste à« soutenir
des partenaires dans le sud qui mettent de l'avant des alternatives aux structures sociales,
politiques et économiques injustes . ». C'est à la fin de l'année 1960 que cet organisme a
fait son entrée en Haïti. Depuis ce temps, l'organisme a déjà apporté son appui à différents
domaines, entre autres: l ' appui à l'agriculture; l'appui aux associations paysannes; l'aide
alimentaire ; la reconstruction ; la conservation de 1' environnement et les politiques de lutte
contre la pauvreté en milieu urbain et rural.

Son domaine d'intervention le plus important en matière de ressources humaines et


financières varie en fonction de la situation et des besoins identifiés sur le terrain.
Aujourd'hui avec un budget estimé à près de 1 million de dollars, son domaine prioritaire
est la création de coopératives et de consortiums à la fois en milieu urbain et rural pour
lutter contre la pauvreté. Quant à la source de financement, l'organisme recourt
essentiellement à des collectes de fonds dans les paroisses, des dons individuels et des
subventions gouvernementales, provenant surtout du Ministère des Affaires étrangères, du
Commerce et du Développement du Canda (DEP, 2016).
45

4) Association québécoise pour l'avancement des Nations unies (AQANU)

AQANU est un organisme québécois réunissant des bénévoles, réparti en comités


régionaux, dont le comité régional de Granby, Montréal, Bois-Francs et de l ' Outaouais.
Les bénévoles de 1'AQANU se consacrent à la promotion de la solidarité internationale et
du développement durable en Haïti (AQANU, 2016). L'organisme est reconnu de façon
officielle en 1974. Chaque région a ses domaines d 'intervention. La région d'Outaouais se
consacre de façon permanente (depuis 40 ans) au domaine de l'agriculture. Aujourd'hui,
avec un budget estimé à environ deux cent mille dollars, il fait de cette dernière sa priorité.
Comme la plupart des organismes internationaux, l' AQANU n'exécute pas elle-même des
projets de développement sur le terrain haïtien. Elle le fait indirectement par le truchement
de son partenaire local. Pour 1'AQANU, le mot ''partenaire'' a un triple sens.
Premièrement, c'est toute organisation haïtienne qui assure la mise en œuvre des projets.
Deuxièmement, il est son représentant sur le terrain, les religieuses de la congrégation des
Petites sœurs de Sainte-Thérèse (PS ST), une communauté religieuse, qui la représente sur
le terrain. Son rôle consiste à surveiller et à approuver les proj ets soumis par le premier,
l 'organisation haïtienne. Troisièm ement, au Canada ou au Québec, il est tout organisme ou
association avec lequel AQANU collabore dans un proj et.

5) Médecins du monde, section Canada

Cet organisme intervient directement auprès de la population haïtienne à travers des


projets cycliques depuis 1996. Ses domaines d'intervention ont touj ours été la santé et
l'humanitaire. Les quinze dernières années, l' organisme concentre ses interventions à Cité
Soleil, un bidonville de la capitale qui compte environ 400 000 habitants. En plus de fournir
une assistance à cette population, Médecins du monde travaille en collaboration avec ses
partenaires locaux tels : le Centre de santé Fontaine, le Bureau communal sanitaire de
Delmas (BCSD), la Direction sanitaire de l 'Ouest (DSO), etc. En 2016 son budget annuel
s'élève à six millions de dollars et ses priorités sont : combattre 1'épidémie du choléra qui
sévit en Haïti, améliorer la nutrition ainsi que la santé communautaire.
46

Étant donné que les ONG sont des personnes morales, sur le terrain les vrais
répondants ont été des personnes physiques membres du personnel, salariés ou bénévoles
des organismes présentés ci-dessus; la présentation de la base de sondage et de la démarche
d'échantillonnage ne serait pas complète si nous n'explicitions pas comment nous avons
procédé pour entrer effectivement en contact avec les personnes à interviewer une fois que
la hiérarchie de chacune des ONG avait autorisé l'entrevue. En outre, il ne fallait pas non
plus interviewer tous les membres du personnel de chacune des ONG participantes, il fallait
qu'elles nous désignent une ou deux personnes ressources. À ce niveau, nous insistions sur
deux critères précis :

1) L'ancienneté de la personne désignée dans la gestion ou 1'administration de 1'ONG.


Pour ce critère, nous fixions à un minimum de deux ans d'ancienneté si la personne
désignée avait une expérience de travail en Haïti ou à trois années d'ancienneté
dans l'administration de l'ONG si la personne désignée n'estjamais allée travailler
en Haïti.
2) Le poste de la personne. En fait, nous n'interrogions que les membres du personnel
de l'ONG ayant une expérience dans des dossiers d'évaluation en lien avec un
projet ou une activité, réalisé ou encours de réalisation en Haïti.

Compte tenu de ces critères, chacune de cinq ONG participantes nous a fourni le
nom de la personne à interviewer suivant la technique décrite dans la section qui suit.

3.3 TECHNIQUES DE COLLECTE, DE TRAITEMENT ET MODELE D 'ANALYSE


DE DONNEES

Puisque 1' étude a pour finalité de dresser un portrait de 1' évaluation des activités de
l'aide au développement des organismes humanitaires québécois en Haïti depuis 2005,
nous avons l'obligation d'aller sur le terrain pour recueillir l'information, les traiter et les
analyser afin de confronter les résultats à la littérature scientifique consultée. Pour ce faire ,
nous avons eu recours aux techniques décrites ci-dessous.
47

3.3.1 TECHNIQUE DE COLLECTE DE DONNÉES

Pour collecter les données, deux techniques complémentaires ont été m1ses à
contribution, à savoir la technique de l'enquête par entrevue semi-dirigée et la technique
documentaire. En premier lieu, nous avons eu recours à la technique d'enquête par
entrevue. Le format d'entrevue privilégié était celui de l'entrevue individuelle semi-dirigée
bâtie de sorte que les questions ouvertes touchent quelques thèmes déterminés, soit les
pratiques d'évaluation et la perception ou 1'image que le personnel des ONG participantes
a de leurs pratiques d'évaluation. Comme le conseille Gauthier, nous nous laissions guider
par le rythme et le contenu unique de 1' échange dans le but d'aborder, sur un mode qui
ressemble à celui de la conversation, les thèmes généraux [pratique d'évaluation et
perception de ces pratiques dans les ONG participantes]. Grâce à cette interaction, une
compréhension riche du phénomène à l'étude a été construite conjointement avec
l'interviewé (Gauthier, 2003, p. 340). Selon Mayer et al. (2000), l'avantage de la technique
d'entrevue semi-dirigée est que la façon de poser les questions semi-ouvertes aux
répondants réduit leur degré de liberté à cause de la formulation explicite des questions.
Bien que l ' informateur demeure libre de ses réponses, il existe, par ailleurs, une marge de
manœuvre qui permet au chercheur de maintenir le répondant dans la voie qu'il désire.
Pour réaliser ces entrevues individuelles semi-dirigées, nous nous sommes servie de deux
outils conventionnels : une grille d'entrevue (voir annexe 1) et un appareil enregistreur
numérique.

Par ailleurs, même si une grille ou un guide d'entrevue semi-dirigée permet au


chercheur de structurer sa recherche autour des thèmes et sous-thèmes centraux de sa
recherche (Gauthier, 2003), nous avons toujours pris le soin d' animer les interactions avec
souplesse. Par exemple, dans le protocole de recherche il était prévu de passer une
cinquantaine de minutes avec chaque interlocuteur, mais sur le terrain nous avons mis en
moyenne 90 minutes par entrevue, car des moments de pause étaient nécessaires. Cela s'est
passé aux mois de janvier et février 2016 au rythme de la personne interviewée, au lieu
choisi par la personne interviewée et surtout avec le consentement écrit de l ' ONG ainsi que
celui de chacun des participants.
48

Le consentement a été demandé avant d'enregistrer chaque entrevue (aspect


éthique). L'enregistrement était nécessaire afin de faciliter la retranscription audio en
verbatim. Qui, elle, se faisait dans la même période, pour ne pas perdre le fil conducteur,
la motivation et les éléments contextuels de chaque entrevue. À propos de notre grille
d'entrevue, soulignons qu'elle comportait trois séries de questions : la première série de
questions portait sur les données sociodémographiques (la fiche signalétique). Ces
questions à choix multiples avec possibilité d'y ajouter un commentaire nous ont permis
de catégoriser les répondants par leur âge, sexe, niveau de scolarité, nombre d'années
d'expérience dans l'ONG et le nombre d'années d'expérience de travail en Haïti. Le
tableau 4 (voir la section 4.1 du chapitre suivant) présente la répartition des répondants en
fonctions de ces six variables. La seconde série de questions ouvertes concerne les
pratiques d'évaluation (comment, combien et quand l'ONGles fait ou les a déjà faites). La
troisième et dernière série de questions contenait aussi des questions ouvertes sur la
perception des évaluations chez les répondants ayant déjà fait l'expérience des évaluations,
et cela en lien avec les activités de leur ONG en Haïti.

Pour compléter les informations recueillies grâce à la première technique, celle des
entrevues individuelles semi-dirigées, nous avons aussi fait appel à la technique
documentaire comme deuxième source de données. Elle a consisté à la fouille des
documents pour en tirer des données dites secondaires. À notre demande, certains
documents ont été directement fournis par les cinq ONG participantes, d'autres par les
ONG qui par manque de disponibilité, ont préféré nous passer des documents écrits plutôt
que de participer à l'entretien. Les plus pertinents de ces documents sont, entre autres, les
rapports d'activités en Haïti, les statuts et règlements intérieurs, les documents en lien avec
la procédure (protocole) d'évaluation telle qu'elle se réalise au sein de ces ONG, les
rapports des évaluations antérieures ainsi que tout autre document informatif sur
l'évaluation. D'autres documents encore ont été consultés à la bibliothèque et dans les
banques d'informations, toujours en lien avec 1'évaluation des organismes humanitaires.
Des indications sur ces documents se trouvent parmi les références bibliographiques de ce
travail de mémoire. Les données recueillies grâce à ces deux outils ont été traitées et
analysées avec les techniques présentées au point 3.3.2ci-bas.
49

3.3.2 TECHNIQUE DE TRAITEMENT ET MODÈLE D'ANALYSE DES


DONNÉES

Le principe de la recherche qualitative consiste à recueillir des informations dans le


milieu naturel pour en dégager du sens. Pour y parvenir, une analyse rigoureuse des
données est importante. Ainsi, nous avons opté pour l'analyse de contenu. Celle-ci a pour
but de connaître la vie sociale à partir de la dimension symbolique des comportements
humains. Cette dimension symbolique se caractérise par: le travail, l'engagement dans la
vie spirituelle et dans la vie économique, etc. La réalisation de ces différentes activités
requiert la mise en œuvre de connaissances pratiques (Gauthier, 2003). Et, la construction
de la connaissance se fait à partir des thermes choisis par l'intervieweur, leurs fréquences,
leur mode d'agencement, la construction du discours et son développement (Quivy et van
Campenhoudt, 20 11).

Cette méthode d'analyse de contenu nous a permis de produire des inférences et


des interprétations valides à partir des entrevues réalisées et des autres sources
documentaires (Gauthier, 2009). Afin d'obtenir ces inférences et ces interprétations, nous
avons utilisé le modèle d'analyse itératif, qui permet de construire pas à pas une explication
du phénomène étudié (Gauthier, 1997). Dans le cas présent le phénomène à l'étude c'est
celui de l'évaluation des activités de l'aide au développement des organismes humanitaires
québécois en Haïti au cours des dix dernières années. Aussi, nous a-t-il été permis de
comparer les pratiques d'évaluation des activités de 1'aide au développement de chaque
organisme consulté ainsi que la perception de chaque répondant par rapport à ces pratiques-
là au sein de son organisme.
50

L'analyse de contenu était effectuée à l'aide du logiciel Nvivo. Le principe de ce


dernier consiste en« une démarche de décontextualisation-recontextualisation du corpus »
(Deschenaux, 2007, p. 8). La décontextualisation consiste à retirer un extrait du texte de
son contexte et à le regrouper dans des thèmes spécifiques (les codes). Et, la
recontextualisation, par contre, consiste à donner du sens aux codes ou aux catégories
préalablement décontextualisées.

3.4 DIFFICULTÉS ÉPROUVÉES SUR LE TERRAIN ET CONSIDÉRATIONS


ÉTHIQUES

3.4.1 DIFFICULTÉS ÉPROUVÉES SUR LE TERRAIN DE RECHERCHE

Dans notre démarche de quête de connaissances sur les pratiques d'évaluation dans
les ONG qui travaillent en Haïti, nous avons rencontré des difficultés dont deux nous
paraissent plus importantes, puisqu' elles pouvaient nous bloquer en cours de route. La
première difficulté se résume à 1'accès à l'information qui n' était pas aussi aisé que prévu.
En fait, à partir du moment où nous avons été sollicitée les ONG pour un ou deux entretiens
exploratoires, il s'est dégagé un constat: bien que les personnes qui travaillent pour ou
dans les ONG soient familière s avec la pratique de l'évaluation de leurs projets, le sujet
reste très sensible puisqu'il est lié au financement. En effet, dans bien des cas, avant
d'obtenir une tranche du financement, une ONG est obligée de faire une évaluation interne
ou externe. Les bailleurs de fonds veulent toujours savoir ce qu'une ONG a réalisé avec
les sommes octroyées avant de songer à lui verser les tranches restantes.

Ainsi le mot « évaluation » semblerait évoquer ou sous-entendre « avoir un regard»


ou mieux « un audit financier » dans la plupart des ONG. Alors une recherche sur les
pratiques d'évaluation dans une ONG peut facilement mettre le personnel mal à l' aise, c'est
comme venir fouiller dans un dossier très sensible. Ainsi, nous avons eu à solliciter
plusieurs ONG actives en Haïti, ici au Québec et indirectement en Haïti. Nous l'avons fait
51

par le biais de la communication, mais très peu nous ont répondu favorablement, et ce,
malgré les explications sur ce concept d'évaluation, les assurances et la garantie que nous
donnions toujours - au téléphone, par courriel et par courrier postal- aux responsables
desdites ONG quant à la confidentialité et au fait qu'il s'agit d'une production des
connaissances dans le cadre d'un mémoire de maîtrise et non d'un contrôle ou d'une fouille
dans leur mode de financement. Cette difficulté a eu comme conséquence la réduction de
1' échantillonnage.

Au départ c'est plus d'une vingtaine d'ONG qui ont été sollicitées, la moitié
répondra positivement, mais à la fin seulement cinq ONG sur plus de deux dizaines en
activité sur le terrain haïtien présentement qui ont accepté de nous parler de leurs activités
d'évaluation. La deuxième difficulté en importance est celle due aux coûts de la recherche,
en tant qu'étudiante étrangère, nous nous trouvions dans un établissement situé en région
ressource (éloignée) du Québec, soit en Abitibi-Témiscamingue. Tandis que la quasi-
totalité de sièges sociaux des ONG québécoises actives en Haïti se trouve à Montréal. Pour
procéder aux entretiens exploratoires qu' exige l'étape de l' exploration du sujet et pour
réaliser les longues interviews avec les responsables des ONG qui ont accepté de participer
à notre recherche, il a fallu se déplacer à plusieurs reprises de Rouyn-Noranda à Montréal
(650 km) dès qu'un rendez-vous était fixé. Dans le même ordre d 'idée, l'éthique de la
recherche nous interdit de harceler les répondants. Il fallait respecter leur décision de
participer, de reporter le rendez-vous et surtout de ne procéder qu'en respectant leur emploi
du temps au détriment du nôtre. Il est alors arrivé que les séjours à Montréal soient
prolongés dans le cas où le rendez-vous était remis à plus tard ou annulé par l'interviewé,
malgré la promesse donnée auparavant.
52

3.4.2 CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES

Avant d'entamer la rédaction de ce mémoire, plusieurs étapes ont été franchies dans
le but de respecter scrupuleusement les normes éthiques en matière de recherche
scientifique à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT). La première
étape consistait à écrire et à présenter un protocole de recherche, un formulaire de
consentement et un guide d'entrevue au comité scientifique du département des sciences
de la gestion de 1'UQAT. Le protocole décrivait le contexte, la problématique, les objectifs,
le choix et la justification de la méthodologie qui permet d'atteindre les objectifs. Le
protocole a été déposé en janvier 2015 et approuvé en mi- février 2015. Une fois cette
première étape complétée, nous avons entamé la seconde qui est la soumission auprès du
Comité d'éthique de la recherche (CÉR) de ladite université pour une évaluation éthique.

À cet effet, les documents suivants ont été soum1s en mi-février 2015 : 1) le
formulaire d'évaluation éthique, 2) l'approbation du comité scientifique, 3) le guide
d 'entretien et 4) le formulaire de consentement. L'octroi du certificat d'éthique nécessitait
la confirmation de l'approbation du participant. Des démarches ont été prises dans ce sens
et le certificat d'éthique nous a été délivré en août 2015. C'est alors qu'il nous était possible
de poursuivre avec les autres étapes de la présente étude, notamment la démarche de
recherche sur le terrain dont les deux chapitres suivants présentent les résultats. Comme il
a déjà été dit précédemment, deux mesures ont été prises pour respecter les normes éthiques
en vigueur à l'UQAT: il fallait obtenir le consentement des ONG et de leurs représentants
avant d'interviewer un-e répondant-e. Une lettre d'invitation (annexe 2) et un formulaire
de consentement éclairé (annexe 3) ont été rédigés et envoyés à cet effet. Le certificat
éthique obtenu témoigne que notre recherche ne dépasse pas le seuil minimal, car les
participants étaient tous des adultes, sans handicap légal. Dans ce formulaire ainsi que dans
la partie introductive de la grille d'entrevue, les avantages , les inconvénients, les droits et
devoirs du participant étaient clairement mentionnés.
53

De même, nous avons donné la garantie de confidentialité quant aux opmwns


avancées, à la sécurisation des données recueillies et à la diffusion des résultats sous la
forme agrégée. En effet, lors des entrevues aucune déclaration ou opinion d'un participant
n'a été rapportée à une autre personne. Après les entrevues, les enregistrements ont été
gardés sous clé puis ils ont été détruits après la transcription en présence du directeur de
mémoire. À présent, nous travaillons avec les verbatim numérotés (A, B, C, D etE) pour
en assurer 1'anonymat. Notons que cette numérotation alphabétique ne correspond pas à
l'ordre de présentation des ONG faite au point 3.2.2.

Les résultats des entrevues seront présentés dans deux chapitres pour deux raisons :
premièrement pour ne pas alourdir leur présentation dans un seul chapitre qui serait très
long. Deuxièmement, pour distinguer les pratiques d'évaluation proprement dite (chapitre
4) et les perceptions de ces pratiques chez les personnels des ONG qui ont participé à la
présente étude (chapitre 5).
QUATRIÈME CHAPITRE
PRATIQUE D'ÉVALUATION DES ACTIVITÉS DE DÉVELOPPEMENT
CHEZ QUELQUES ONG QUÉBÉCOISES OEUVRANT EN HAÏTI

Tel qu'annoncé ci-haut, ce chapitre porte essentiellement sur l'analyse du contenu


de ce que l'échantillon des ONG participantes a dit relativement à leurs activités en Haïti
et aux pratiques d 'évaluation qu'elles font en lien avec leurs activités sur le terrain haïtien.
Les deux techniques de collecte de données utilisées, soit l'entrevue et la recherche
documentaire, permettent de subdiviser ce chapitre en quatre sections : une première
section présente les données sociodémographiques décrivant les cinq répondants. Une
deuxième section fait le portrait des activités de ces cinq ONG en Haïti, une troisième
section est consacrée à la typologie des évaluations qui sont souvent réalisées dans les ONG
participantes (identifiées par les surnoms participants A, B, C, D etE dans le tableau 4.0)
et une dernière section porte sur la faisabilité des évaluations.

4.1 PORTRAIT SOC IODEMOGRAPHIQUE DES REPONDANTS

La première partie de notre grille d'entrevue portait sur les données


sociodémographiques des répondants. Ceci nous a permis, premièrement de valider notre
deuxièm e critère de participation portant sur le poste du répondant voulant que ce dernier
ait une expérience dans les dossier s d'évaluation et, deuxièmement, de connaître le profil
de nos participants. Les informations recueillies sur l'aspect sociodém ographique de nos
répondants sont présentées dans le tableau ci-dessous.
55

Tableau 4.0 : Répartition des répondants selon les caractéristiques sociodémographiques

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Participant 55 ans et plus 3<cycle Coordonnateur 15-25 ans 10-19 ans


A universitaire de personnel

Participant 55 ans et plus 1er cycle Développement 30-40 ans 30-39 ans
B universitaire local et chaîne
de valeur

Participant 55 ans et plus 3< cycle Gestion de projet 15-29 ans Moins de 10 ans
c universitaire

Participant 35-44 ans 2e cycle Gestion de Moins de Moins de 10 ans


D universitaire programme 15 ans
humanitaire

Participant 55 ans et plus 2e cycle Prendre 15-29 ans Moins de 10 ans


E universitaire connaissance du
su.et

Source : Enquête sur le terrain

Toutes les personnes qui ont répondu à 1'entrevue sont du genre masculin, 1' âge
moyen des répondants est de 56 ans avec un écart-type de 8 ans. En ce qui concerne le
niveau de formation, tous ont terminé des études universitaires dont 40% ont
respectivement fait des études universitaires de troisième cycle ou deuxième cycle. Les
autres (20 %) ont fait des études de premier cycle. Ils sont spécialisés en gestion de projet
ou de programme humanitaire (40 % ), en développement territorial (20 %) et
coordonnateur de personnel ou ayant des connaissances du sujet ( 40 % ). Quant à leur
ancienneté dans les ONG, elle se distribue normalement, car la moyenne, la m édiane et le
mode des années d'expérience valent 22 ans. En ce qui concerne l'implication dans les
activités d'évaluation des projets en Haïti, trois sur cinq participants ont moins de 10 ans
d'expérience, les deux autres ont respectivement 15 et 35 ans en moyenne.
56

Ce portrait permet de penser que la collecte de données s'est faite auprès des
personnes bien expérimentées, ayant fait des études universitaires et ayant une excellente
connaissance des dossiers et possiblement des pratiques d'évaluation concernant les
activités d'aide au développement en Haïti.

4.2 PORTRAIT DES ACTIVITES DES ONG QUEBECOISES EN HAÏTI

Selon les données recueillies, le temps d'implantation moyen des cmq ONG
participantes, en Haïti, est de 35 ans. Parmi elles, deux sont implantées depuis moins de 20
ans. Leurs activités de développement en Haïti sont concentrées dans les domaines
suivants : l'appui à l'agriculture; l'appui aux organisations paysannes ; l'aide ou la
coopération alimentaire ; la reconstruction après catastrophe naturelle ; l'environnement;
la lutte contre la pauvreté en milieu urbain et rural ; le renforcement des capacités par
1' éducation et 1'entrepreneuriat, 1' amélioration de la condition sociale de la population, la
question des droits humains, la santé ; le tourisme et l'humanitaire (1 'aide d'urgence). Deux
sur cinq des ONG interviewées sont intervenus dans plus de cinq domaines différents, les
autres, s'investissent dans un ou deux domaines comme le montre le tableau qui suit.

Tableau 5.0 : Présentation du portrait des activités des organismes humanitaires québécois,
participants à l'étude, en Haïti

Identification Année Budget annuel Nombre de Domaine


desONG d'implantation en$US domaines d'intervention
d'intervention ~rinci~al
ONGA 50-59 ans 1-9 millions 5-9 Coopérative
et consortium

ONGB 40-49 ans 10-1 9 millions 5-9 Santé

ONGC 40-49 ans 199-209 mille 0-4 Agriculture

ONGD Moins de 20 ans 1-9 millions 0-4 Santé

ONGE Moins de 20 ans 20-29 mille 0-4 Santé

Source : Enquête de terrain


57

On constate ici qu'en matière budgétaire, les ONG interrogées ne disposent pas des
moyens financiers équivalents. Cela s'expliquerait par le fait que certaines sont
internationales, par exemple l'ONG Médecins du monde, et qu'une part importante de leur
financement émarge des budgets des agences de Nations-Unies et d'autres grands bailleurs
de fonds comme des fondations. Par ailleurs, quel que soit le budget, notons qu'une part
importante de différents budgets est consacrée à une activité principale. Selon les
informations recueillies, le secteur de la santé représente le domaine d'intervention dans
lequel 60 % des ONG participantes consacrent prioritairement des ressources financières
et humaines. En deuxième position, 20 % des ONG participantes allouent prioritairement
du financement au secteur agricole. Enfin20% des ONG consacrent prioritairement leur
financement à la création de coopératives et des associations communautaires à la fois en
milieu urbain et rural pour lutter contre la pauvreté. Nous trouvons ce choix très approprié
compte tenu de l'état des indicateurs sociodémographiques et socio sanitaires (voir
tableau 1) qui montrent qu'en Haïti, il y a un défi import à relever pour améliorer la
situation sanitaire et socioéconomique de la population. Ces différentes activités font
l'objet de procédures d'évaluation qui peuvent être interne, externe et d'auto-évaluation.
Ces pratiques d'évaluation seront présentées dans les sous-points de la section suivante.

4.3 TYPOLOGIE DES EVALUATIONS DES ACTIVITES PRATIQUEES DANS


LES ONG PARTICIPANTES

À la question visant à savoir si les activités effectuées en Haïti sont évaluées (voir
grille d'entrevu annexe 1), tous les participants ont répondus affirmativement, mais avec
une nuance : Pour 60% d' entre eux, l' évaluation relève surtout d'une décision
institutionnelle voulant que chaque projet soit évalué pour une raison de transparence
interne., dans 20% des cas, l'évaluation se fait selon les besoins de l'organisation qui sont
soit le besoin de comprendre une situation problématique soit pour tirer des leçons. Le
20% restant fait des évaluations de leur activité dans le cadre d'une reddition des comptes,
c'est-à-dire pour montrer aux donateurs ou aux potentiels donateurs à quoi a servi le
financement reçu afin de faire de nouvelles sollicitations de fonds.
58

Dépendamment des raisons mentionnées ci-haut et pour lesquelles l'évaluation se


fait dans les ONG participantes, nous avons répertorié trois principaux types d'évaluation
soit l'évaluation faite à l'interne où l'évaluateur est de l'organisation mère ; celle faite à
l'externe où l'évaluateur est une tierce personne et, enfin, l'auto-évaluation. Cette dernière
s 'apparente plus à un bilan de programmation, propice à des projets financés sur une longue
durée (2 ans et plus) et dont le bailleur de fonds autorise, selon le cycle du projet, des mises
au point trimestrielles, chaque six mois ou annuellement. Chacun de ces types d'évaluation
comprend des sous types qui représentent en quelque sorte la façon de faire de 1'ONG.
Dans les sections qui suivent, chacun de ces types d'évaluation est explicité.

4.3.1 ÉVALUATION FAITE A L'INTERNE

Selon les ONG participantes, l'évaluation interne est celle dont l'évaluateur
appartient à 1'organisation évaluée. Cette définition corrobore celle qui provient de la revue
de la littérature consultée. Toutefois, les répondants affirment que dans 1' évaluation interne
on trouve : 1'évaluation interne informelle, 1'évaluation interne formelle et la contre-
évaluation.

1) L'évaluation interne informelle

Le mot informel renvoie surtout à ce qui est hors les balises légales, mais dans le
cadre de l' évaluation et selon les dires de nos interlocuteurs, notamment celui qui a parlé
au nom de l' ONG A, l'évaluation informelle est une activité continuelle qui ne se fait pas
dans le cadre plus formel des choses, c'est-à-dire qu' elle se fait sans protocole, sans
planification préalable et avec périodicité. Vu que 1'organisme n'a pas de représentant sur
le terrain haïtien pour la mise en œuvre des projets, l'ONG A s'assure de garder le contact
avec le partenaire sur l ' évolution du projet en Haïti et une certaine mise à jour est faite
quotidiennement via des NTIC. C' est cela que l'on nomme l' évaluation interne informelle.
Le représentant de cette ONG affirme que :
59

«Aujourd'hui, dans l'époque moderne dans laquelle nous vivons, grâce


au moyen de communication, notamment Internet, Facebook, les réseaux
sociaux, les téléphones cellulaires, etc. nous sommes en contact
pratiquement quotidien avec nos collègues haïtiens. «[. .. ]nous sommes
en évaluation continuelle. Je le disais tantôt, le chargé de programme est
en contact continuel avec nos partenaires dans tous les pays du monde.
»(Participant A)

Cette évaluation continuelle dite informelle nécessite la confiance de 1' organisation


mère (ONG québécoise) vis-à-vis de l 'organisation partenaire (ONG haïtienne ou locale),
comme l'explique le participant susmentionné :

« Notre personnel qui travaille avec les collègues haïtiens développe au


fil des années une très bonne connaissance du personnel des
organisations haïtiennes et de leur travail. C'est pour ça que nous
croyons avoir une connaissance assez sophistiquée, assez précise de ce
qui se passe sur le terrain et de comment le travail est fait d'une façon
organique tous les jours. )) (Participant A)

C ette évaluation informelle permet d'apporter des correctifs et de faire des


ajust ements au proj et, si c 'est nécessaire, sans faire une évaluation formelle, car
l 'évaluation informelle peut se r éaliser n ' importe quand et sans protocole, ni préalable. Ce
choix a un impact très significatif sur le budget de l'organisation et sur le nombre de proj ets
ou d' activités de développem ent que celle-ci peut fiancer , car ne nécessitant pas de
dépense, cette façon de faire permet à l 'organisation mère de financer beaucoup plus de
projets comme l 'affirme encore le participant A :

«Au fur à mesure, on suit la mise en œuvre et la réalisation du projet ;


si on a besoin d 'ajuster des trucs ou de rectifier, ça se fait sans attendre
de fai re une évaluation formelle .. Les évaluations coûtent cher, nous
préférons utiliser l 'argent pour faire du développement que, de façon
systématique, dire que chaque fois qu'un projet termine on va faire
l'évaluation. )) (Participant A)
60

Cette évaluation informelle peut se faire également de façon interne sans


se soumettre à des procédures administratives. Dans ce cas, un membre de
l'organisme mère se rend sur le terrain afin de procéder à une évaluation
informelle qui ressemble plus à un bilan du travail effectué par le partenaire local,
comme en témoigne le participant E :

« On ne fait pas en soi des processus administratifs d'évaluation. Ça non.


On n'a jamais fait ça. Cependant, l'évaluation elle-même est implicite
dans le sens où un des barèmes d'évalua ti on les plus importants c 'est le
montant d'argent qu'on recueil. Si on recueille plus d'argent qu'une
année là on sait qu'on avait un projet qui intéressait plus de gens. [. .. ]
lui, il va en Haïti presque chaque année. Une fois par année. Enjanvier.
[. .. ] la lettre de sollicitation est accompagnée d'un rapport de l 'année
précédente. On met beaucoup d'emphase sur la transparence. »
(Participant E)

2) L'évaluation interne formelle

À l'interne une évaluation formelle est celle qui se fait en respectant les procédures
connues de 1' évaluation (cf. chapitre 2). Il peut y avoir une équipe mandatée pour le faire
ou il y a, pour chaque proj et, un responsable chargé de l'effectuer, selon les témoignages
des participants Cet D :

« Habituellement c 'est une équipe qui fait l'évaluation formelle . Il y a


toujours un responsable de projet interne. Des fois on va chercher à
l 'externe, mais habituellement c 'est interne. Parce que nos bénévoles
sont des gens qui ont une solide expertise. >> (Participant C)

«Moi, si je rentre en Haïti, c 'est une forme d 'évaluation interne formelle.


Si je vais en Hafti, je vais voir l 'ensemble des projets et rencontrer les
personnels. Présentement, on a des soucis au niveau de la logistique.
Moi, je parle aux différents logisticiens, prends les informations et f ais
des recommandations internes. » (Participant D)
61

Cette évaluation peut, également, être réalisée de deux façons, soit que l'évaluateur
est du même siège extérieur, soit qu 'il est d'un autre. Notons qu'une ONG peut avoir des
sièges extérieurs dans les différents pays où elle intervient. Le siège extérieur c'est, en
quelque sorte, l'équipe qui est sur place ou le bureau qui représente l'ONG dans le pays
d'accueil et qui est chargé de réaliser les projets. Par exemple, une ONG québécoise peut
avoir plusieurs représentations (sièges extérieurs) dans plusieurs pays en développement
différents.

1) Quand l'évaluateur est du siège extérieur, cela veut dire c'est quelqu'un du bureau
local en Haïti qui effectue l'évaluation. Vu que ce dernier est impliqué dans la mise
en œuvre du projet et porte un chapeau institutionnel, il y a plus de risques que les
résultats soient biaisés.
«Moi, je m'en viens faire mon rapport sur Haïti, il y a des choses que je
vais garder pour moi. Il y a des choses, je vais [être] plus pointilleux
parce que j'ai une relation à garder avec le bureau en Haïti. Du coup je
suis impliqué, j'ai un chapeau institutionnel interne. »(Participant D)

2) Lorsque l'évaluateur n 'est pas du siège extérieur, l' ONG veut surtout pallier le
manque de distance critique du premier type d'évaluation interne formelle. Dans ce
cas, l'organisme sollicite, parfois, l'aide d'un évaluateur provenant d'un autre siège
extérieur de la même ONG. Ainsi, un membre du personnel d'un siège extérieur X
se trouvant dans une autre région ou dans un pays différent se voit confier la tâche
d' aller évaluer les activités d'un autre siège extérieur Y. Cela permet, en fait,
d'avoir moins de biais parce que l'évaluateur est externe pour le siège qui subit
l' évaluation.
« [. .. ] E ux (les personnels d 'un autre siège), ils sont intéressés d 'avoir
une vue extérieure non biaisée. Moi (n 'étant pas du siège), si j'arrive, je
vais voir les p rogrammes de ce siège, je vais dire les choses telles que je
les constate. J e n 'aurai pas le biais de relation de travail, des
dynamiques. » (Participant D)
62

3) Contre-évaluation

Celle-ci est une forme d'évaluation interne, à la différence qu'elle est faite par
1' organisation mère (québécoise) sur une évaluation interne qui a été réalisée
antérieurement par 1'organisation partenaire (haïtienne ou locale) ; plus précisément par le
responsable ou l'équipe responsable de l'évaluation sur le terrain. Elle se fait dans le but
de s 'assurer que les propos des partenaires locaux sont exacts avant de rendre compte aux
donateurs, comme l'affirme le participant C :

« N ous, on veut s'assurer quel 'argent qu'on investit, quand on retourne


du côté de nos donateurs, on peut dire : "oui l'argent que vous avez
versé, ça n 'a pas été gaspillé". )) (Participant C)

Pour ce faire, un évaluateur parmi les membres de l'ONG mère se rend en Haïti
afin d'accomplir cette tâche. C'est également une évaluation participative qui implique le
représentant de l 'organisation locale, l 'organisation mère et les bénéficiaires. Ce t ype
d'évaluation s'avère très importante dans le sens qu ' elle représente un moyen de contrôle
pour 1'ONG mère vis-à-vis de son organisation partenaire locale. C' est un m oyen par lequel
les deux partenaires (ONG mère et ONG locale) appr ennent à mieux se connaître, comme
un des répondants l' affirmait lors de l 'entrevue.

«Et aussi, il faut que notre partenaire sache qu 'ils sont surveillés, il y a
des contrôles. À chaque évaluation c 'est aussi l 'occasion de mieux
s 'ajuster avec nos partenaires, de mieux se connaître et peut-être de
s'apprécier. )) (Participant C)
63

4.3.2 ÉVALUATION FAITE A L'EXTERNE

L'évaluation externe est celle dont l'évaluateur choisi n'a aucun lien ni avec les
mandants (ONG mère), ni avec l'ONG qui subit l'évaluation. Elle diffère selon qu'elle est
sollicitée par les bailleurs de fonds ou par 1' ONG mère. Dans le premier cas, comme nous
l'avait expliqué le participant B, c'est le bailleur qui engage l' évaluateur et les ONG mère
et locale sont obligées de s'y soumettre, car c 'est le financier qui l 'impose. La plupart du
temps, c'est peu participatif et c'est souvent réalisé par des personnes qui n'ont pas
pratiqué.

En d'autres termes, c'est ce genre d'évaluateurs qui n'ont pas l'expérience du


terrain, et ils se trouvent souvent confrontés au problème lié à la méconnaissance des
aspects socioculturels du terrain où le projet à évaluer est implanté. Ainsi, malgré leur
bonne volonté de produire des rapports impartiaux, la qualité de leurs travaux ne reflète
pas toujours la situation du terrain, selon les tém oignages du participant susmentionné :

« C 'est des gens [les évaluateurs] qui n'ont pas pratiqué depuis 20 ans.
Ils n 'ont pas l 'expérience pratique et l'expérience théorique ne vaut pas
grand-chose. Ça varie beaucoup d 'un individu à l 'autre. Ça varie
tellement que je pense à deux cas. 1) je pense à monsieur X qui a fait le
suivi évaluation pour des programmes en H afti, qui, lui, arrivait à
comprendre un certain nombre de choses. Qui développait une relation
de confiance avec l 'équipe. Après, monsieur X disparaît; c'est monsieur
Y qui fait le même projet, le même job pour le ministère ; mais lui il a
p lein de préjugés dans sa tête. Il arrive à un moment, il ne cherche même
pas à comprendre ce qui se passe. Une des ambiguïtés, c'est que la
plupart de ces gens-là ne parlent pas créole. Là, ils pensent qu 'ils
comprennent le créole. Parce qu 'en créole, il y a des mots français qui
n 'ont pas la même signification. L 'autre chose, c 'est qu 'il interroge un
groupe qu'il croit [être] francophone or, que le groupe est créolophone.
L es gens vont dire qu 'ils parlent français même s'ils ne parlent pas. L à,
les gens disent oui, oui aux questions, mais ça ne veut rien dire. »
(Participant B)
64

En fait, 1'ONG ne peut pas vraiment se baser sur les résultats d'une telle évaluation
pour s'ajuster, apprendre et s'améliorer. Dans le deuxième cas, c 'est-à-dire lorsque
l'évaluation est commanditée par l'organisation mère, l'évaluateur choisi est également
une tierce personne qui n'entretient aucune relation avec 1' organisation mère ni avec
l'organisation partenaire. Afin d'éviter la problématique liée à la méconnaissance des
aspects socioculturels du terrain et de favoriser les ressources locales, les organisations
optent pour un évaluateur haïtien (dans 40% des cas). L'évaluation externe est, de plus, un
moment d'apprentissage ou de redressement qui n'est recommandé ou exigé que par les
besoins de 1'organisation. Il ressort des entrevues trois types d'évaluation externe,
lorsqu'elle est sollicitée par l'ONG mère : l'évaluation externe formelle, l'évaluation
externe informelle et 1' audit.

1) L'évaluation externe fonnelle

Comme nous 1'avons défini précédemment, une évaluation formelle est une
évaluation qui se fait en respectant les procédures connues de l' évaluation (ch. Chapitre 2).
Selon les participants, l' évaluation externe formelle se fait selon les besoins de
l 'organisation comme en t émoignent les participants A et C

« Il y a des moments où on doit faire des évaluations, mais c 'est des


moments qui sont sollicités p ar les besoins du travail p lutôt que par une
décision institutionnelle disant [que] chaque projet devrait avoir son
évaluation. »(Participant A)

« [. .. ] quand on a besoin d 'une expertise plus pointue, on fait une


évaluation externe. »(Participant C)

Hormis le m oment propice à l' évaluation, on doit procéder à l'évaluation externe


formelle quand 1' organisation mère (ONG québécoise) a la perception que quelque chose
doit être étudiée en profondeur ou qu'il y a quelque chose dans la mise en œuvre d'un
projet ou d'une activité qui ne fonctionne pas correctement et que ni l' organisation m ère
65

ni l'organisation partenaire n'arrivent à le comprendre ou, encore, qu'il y a des


circonstances particulières qui exigent une évaluation pointue, tel qu'affirme deux des
répondants :

«Et nous ne demandons des évaluations formelles que quand nous avons
la perception qu'il y ait quelque chose qu'on doit étudier plus en
profondeur ou [qu'] il y a quelque chose dans la mise en œuvre d'une
activité ou d'un projet qui ne fonctionne pas bien et [que] nous, nous
n 'arrivons pas à comprendre pour quelle raison. »(Participant A)

« Quand on a besoin d'une expertise plus pointue, on va chercher pour


voir s'il n y a pas quelqu'un qui est qualifié pour ça. Habituellement
cette expertise pointue là, on va la chercher en Haïti. >>(Participant C)

« On avait un projet X, et ça ne marchait pas. Ils (partenaire et


représentant) ont décidé, suite à leur vérification (évaluation interne)
qu'il fallait le fermer parce que ça ne donnait rien. N ous, nous avons
engagé quelqu'un pour faire la vérification (évaluation externe).
Après, les résultats étaient que l'information qu 'ils ont donnée par
rapport au projet n 'était pas bonne. Ils (les gens ou les bénéficiaires
directs) n'avaient pas vraiment de connaissance là-dans (par rapport au
projet). Donc, cette vérification-là nous a permis de prendre de bonnes
décisions et de remettre sur pied le projet. Parce que dans son groupe,
le représentant, il y a du monde qui est consciencieux qui a du jugement,
mais lui, il n 'a plus. » (Participant C)

2) L'évaluation externe infonnelle

Une évaluation externe informelle, selon la définition de l' évaluation formelle


donnée au Chapitre 2, c' est une évaluation faite par une personne extérieure à
1' organisation mère et à 1' organisation partenaire. Comme nous 1'avons expliqué le
participant E, cette évaluation se fait lorsqu'aucun évaluateur interne de l 'organisation
mère ne peut se r endre sur place pour faire le bilan des activités effectuées par
l'organisation partenaire.

« C 'est très important p our nous que le p résident aille en Hafti . Parce
que si lui il n y allait pas on aurait beaucoup moins d'information. Cette
année il n'est pas allé, mais il y un fra nçais qui m 'informe de tout ce qui
66

se passe. Il a mon adresse internet il m'écrit pour m'en informer. Il me


fait un rapport de temps en temps. Avec lui, nous avons plus de
possibilités d'avoir les bonnes informations. >>(ParticipantE)

La raison du choix de l'évaluation externe formelle ou informelle, pour les ONG


participantes à l'étude qui en font, est double. D'abord, elle s 'explique par le fait que, d 'une
part, l'évaluation interne et l'auto-évaluation (voir le point 4.3.3) ne sont pas toujours
concluantes, car elles sont moins révélatrices des forces et faiblesses d'un projet
d'organisme (ONG locale). D'autre part, le personnel de l'organisme étant très impliqué
dans la mise en œuvre des projets, n 'a pas le recul nécessaire qu'aurait une tierce personne
provenant de l'extérieur de l'organisme évalué, comme l ' a souligné un des participants :

« L 'expérience que nous avons de l'auto-évaluation, nous n '[en] avons


pas beaucoup ; elle n'était pas très concluante. L'auto-évaluation, les
gens disaient grosso modo [que} c'était bien, il y avait des petites choses
à corriger, on le savait d 'avance. Notre personnel ici est trop impliqué
dans la réalisation des projets avec les p artenaires pour avoir le recul et
la distance nécessaires, pour en faire l 'évaluation. » (Participant A)

Ensuite, il y a un manque de confiance en l 'obj ectivité de l'auto-évaluation et de


l 'évaluation interne comme en témoigne le m ême participant:

«Parce qu 'on ne croit pas beaucoup à l 'objectivité de quelqu'un qui fait


une auto-évaluation. Une évaluation interne ça dépend de ce que ça veut
dire parce que les chargés de projets qui sont responsables de la mise en
œuvre d'un projet ne semblent pas les meilleures personnes pour être
évaluateurs. Ils ne peuvent pas être en même temps parties et juges. Et
nous n 'avons pas d'autre personne. Autrement dit, en Haïti, on ne peut
pas demander à ces personnes de faire une analyse et de porter un
jugement sur ce qu 'elles avaient fai t. » (Participant A)
67

3) Audit externe

Un audit externe représente la pratique d'évaluation externe la plus profonde et la


plus rigoureuse. Il est plutôt d'ordre plus financier. Un spécialiste en finance vient vérifier
l'ensemble des structures de l'organisme (ONG locale) ainsi que ses outils financiers
(bilan, livres comptables, etc.). Dans un audit la participation des membres suivants est
nécessaire : le coordonnateur ou la coordonnatrice du programme en Haïti, la personne
responsable des ressources financières sur place en Haïti et la personne responsable des
ressources financières au Québec (Canada).

4.3.3 AUTO-EVALUATION

En plus des évaluations interne et externe, nos participants effectuent également des
auto-évaluations qui sont en quelque sorte un bilan de programmation. Ceci se fait à tous
les six m ois ou une fois par année sur des financements à long terme, si le bailleur accepte,
dans le but de rendre compte de la réalité, d' améliorer ses performances et ses résultats.
Pour recourir à cette pratique d 'évaluation, un financement d'au m oins deux ans est
nécessaire pour permettre de changer de méthode ou de s' ajuster, comme en témoigne le
participant B :

« Pour des projets de minimum deux ans, on va avoir des auto-


évaluations à l'interne. Mais en bas de deux ans, c'est difficile. Parce
qu 'on ne peut pas dire qu'on change le cap après six mois ou après un
an. Mais là, ça prend un minimum d 'unfinancement de deux ans. M ais
là, il fau t que le bailleur de fonds accepte. Parce que le bailleur peut
demander de faire 5 bornes-fonta ines il faut faire 5 bornes-fontaines
mêmes s {i elles] ne sont pas utiles. Il faut les faire c 'est tout. ))
(Participant B)

Selon les participants qui nous ont parlé de ce t ype d' évaluation, la méthodologie
et les critères doivent être préétablis, car cela permet de tenir compte de tous les aspects
qui seront évalués, des différentes étapes et du m oment de cette évaluation. Tous ces
témoignages font ressortir sept sous types d' évaluation utilisés par les ONG que nous
68

pouvons regrouper en trois principaux types dont : 1) 1' évaluation externe qui comprend
l'évaluation externe informelle et formelle et les audits ; 2) l 'évaluation interne qui
comprend l'évaluation interne formelle et informelle et la contre-évaluation ; 3) l'auto-
évaluation qui comprend le bilan programmation, très proche d'une 'évaluation à 1'interne
visant des mises à jour à fréquence rapprochée. Soulignons que les données recueillies nous
ont permis de connaître la procédure ou la façon de faire dans le cadre de ces évaluations.
Les détails sont présentés dans la prochaine section.

4.4 FAISABILITÉ DES ÉVALUATIONS EFFECTUÉES AU SEIN DES ONG


QUÉBÉCOISES EN HAÏTI

À la question portant sur la manière dont se fait 1' évaluation (question 8 de la grille
d'entrevue, annexe 1) dans chacune des ONG participantes ; les données recueillies nous
ont permis de ressortir les éléments liés à la faisabilité matérielle des trois types
d'évaluation en deux sections; d'une part, la périodicité ou le moment choisi pour faire
l 'évaluation, et, d 'autre part, l 'identification des acteurs impliqués dans le processus
d 'évaluation, leur rôle et leur responsabilité.

4.4.1 LA PÉRIODICITÉ DES ÉVALUATIONS

Selon les répondants, le moment choisi pour faire l 'évaluation peut dépendre soit
du choix de 1' organisation mère soit de celui du bailleur de fonds, en particulier dans le cas
d'une évaluation externe sollicitée par ce dernier. Dans le cas où l' évaluation est sollicitée
par l' organisation mère ou par l'organisation bénéficiaire, les données nous ont permis
d 'identifier trois moments précis pour évaluer, à savoir : au début du projet, pendant
l'exécut ion du projet dont le monitoring continu en est une variante et à la fin du proj et. Le
choix de ces m oments ne relève pas du hasard, car ils sont guidés par les besoins de
l 'organisation ou l 'obj ectif de l' évaluation. Dans les points suivants, nous présentons ces
différents moments et la raison qui oriente ces choix.
69

4.4.1.1 Évaluation faite au début d'un projet

Pour la majorité des participants (60 %), il est primordial de faire une évaluation
avant le démarrage d'un projet. Toutefois, selon 20% de ces participants, malgré la
nécessité d'une telle activité en début d'un projet, il ne s'agit pas d'une évaluation dans le
vrai sens du terme. Il s'agit plutôt d'une étude de faisabilité ou mieux une étude des
données de base appelée« base line >>, qui permettrait d'obtenir des informations sur l'état
des lieux avant la mise en œuvre du projet afin d'assure sa viabilité et pouvoir comparer
1' avant et 1' après-projet, comme un des participants le confirme dans ce verbatim :

«Nous, on veut savoir dans quelle mesure notre projet va améliorer les
conditions de vie dans telle communauté en Haïti. Trois ans avant le
commencement du projet, il faut que nous cherchions quelles étaient les
conditions de vie. C'est comme ça, deux ans ou trois ans plus tard, à
partir des données de base qu'on peut savoir si c'est mieux ou pas. »
(Participant A)

Pour les autres 40 %, 1' objectif de 1' évaluation au démarrage du projet est de vérifier
si le projet soumis par les partenaires (représentant et/ou organisations haïtiennes) est
vendeur auprès des donateurs. Bref, une évaluation en début de projet sert surtout à faire
un tri entre plusieurs projets locaux en fonction des critères de financement prescrits par
les bailleurs de fonds éventuels, et ce, afin d 'aller chercher des fonds comme l'affirment
deux des participants à 1' entrevue,

«Avant de démarrer le projet, on fait cette première évaluation-là, pour


pouvoir aller chercher des sous. On évalue est-ce que les besoins qu'ils
nous soumettent, est-ce que ça peut être vendeur. Vendeur surtout auprès
de nos donateurs. » (Participant C)

« Quand le partenaire a choisi certains projets, il nous soumet, à nous,


des propositions de projets. Nous après ça, nous faisons une évaluation
pour voir pour quel projet les gens sont prêts à faire un don parce qu'il
y a des projets moins intéressants que d'autres et qu'est-ce que nos
moyens nous permettent de financer. »(ParticipantE)
70

4.4.1.2 Évaluation faite au cours du projet

La grande majorité des répondants (80 %) ont souligné l'importance de faire


l'évaluation (surtout le format auto-évaluation) au cours du cycle du projet. Cela permet à
l'organisation de :

1) Changer de stratégie dans le cas d 'un projet de deux ans et plus. Le propos du
participant ci-dessous met en lumière ce fait,

« Nous, nous avons ce qu'on appelle les bilans programmations chaque


six mois ou chaque année sur des financements à long terme, si le
bailleur de fonds le permet... M ais en bas de 2 ans, c'est difficile. Parce
qu'on ne peut pas dire qu'on change le cap après 6 mois ou après 1 an.
» (Participant B)

2) S'ajust er, rectifier et de réaligner plus rapidem ent le programme. Les


points de vue des participants A, D et C confirment cela :

« D'une façon générale, on fait des évaluations au cours d'un projet


seulement quand nous croyons qu 'il y a des problèmes pour redresser,
ce qu'il faut rectifier. » (Participant A)

« Mais dans les premiers mois après le démarrage dès qu 'on a les
premiers résultats cette évaluation-là ça nous permet de pouvoir
réajuster pour le reste du programme .. E n anglais on utilise le mot "
will ti me evaluation '' qui fait qu'après 3 mois d'un début de p rogramme
humanitaire on fait un constat de la situation afin de réaligner le
programme plus rapidement. >>(Participant D)

« Après chaque étape. Si l'étape est trop longue, on en fait deux. Cela
nous permet de voir si ç'a bien été avant d 'entamer la prochaine étape.
» (Participant C)
71

Dans certains cas, 1'évaluation peut se faire avant la fin d'une année financière. Par
exemple, pour un projet financé par le Gouvernement du Canada, l'évaluation a lieu
quelque mois avant le 31 mars, date qui coïncide avec la fin d'une année financière
canadienne. Dans le cas où 1' organisation des Nations-Unis est bailleur de fonds, on prévoit
l'évaluation avant le 1er janvier. L'obligation de faire l'évaluation à ces moments précis,
trouve sa logique dans le fait qu'il s ' agit des projets rigides, c' est-à-dire qu'ils ne sont pas
encore confrontés à la réalité dès leur conception, nous dit le participant B :

« On est obligé de faire ça à ces moments parce qu'il s 'agit des projets
rigides. Et les projets rigides ne sont pas intéressants. Le projet tel qu'il
a été conçu n'est pas confronté à la réalité[. .. ] prenons le cas d'un projet
où le bailleur demande de faire cinq puits dans une localité. En creusant
tes puits, tu te rends compte qu'il y a déjà 5 autres à côté qui ne sont pas
entretenus et là tu [en] creuses d'autres. Là, tu vas dire que le problème
ce n'est pas de creuser d'autres puits c'est de travailler avec les gens
pour qu'ils les entretiennent. )) (Participant B)

Soulignons qu'il existe une variante d' évaluation continue qu 'on nomme
le monitoring qu'il est important de présenter la spécificité, car elle se fait
différemment.

4.4.1.3 Évaluation faite de façon continue ou monitoring contin uel

Le choix d'une évaluation continue, qu'on appelle aussi monitoring continuel, est
très important pour une organisation. Elle se fait à l' aide des NTIC comme nous l' explique
ce participant :

«Aujourd 'hui, dans l 'époque moderne dans lequel nous vivons, grâce
au moyen de communication, notamment internet Facebook, les réseaux
sociaux, les téléphones cellulaires, etc. nous sommes en contact
pratiquement quotidien avec nos collègues haïtiens. C 'est pour ça que
nous croyons avoir une connaissance assez sophistiquée assez précise de
ce qui se passe sur le terrain et de comment le travail est fait d 'une faç on
organique tous les jours à mesure. )) (Participant A)
72

Il faut ajouter que cette évaluation quasi quotidienne est possible dans la mesure où
la confiance est établie entre les deux partenaires, c'est-à-dire entre 1'organisation mère et
l'organisation haïtienne, selon le témoignage du participant susmentionné :

« N otre personnel qui travaille avec les collègues haïtiens développe au


fil des années une très bonne connaissance du personnel des
organisations haïtiennes et de leur travail. »(Participant A)

Basée sur la confiance entre les partenaires, l'évaluation quotidienne a un


double avantage : 1) elle permet de se rendre compte dans l'immédiat des
situations problématiques et de les corriger sans attendre une évaluation externe
formelle, comme l 'explique le participant A :

« Et comme je vous disais tantôt, nous considérons avoir beaucoup


d'informations assez à jour tout le temps pour savoir où ons 'en va, si on
va dans la bonne direction ou mauvaise. Si on a besoin de correction ou
de rectification, on le fait dans ce qu 'on appelle la vérification au
quotidien ... Au fur à mesure on suit la mise en œuvre et la réalisation du
projet si on a besoin d 'ajuster des trucs ou de rectifier ça se fait sans
attendre defaire une évaluationformelle » (Participant A)

2) Vu que l 'organisation est en m esure de constater si ça va bien ou pas avant qu'une


situation problém atique dégénère, ce qui éviterait une évaluation externe formelle,
elle, à ce moment-là, peut faire plus de projets de développement, comme
l'explique ce m ême participant

« [L]es évaluations coûtent cher et nous préférons utiliser l'argent pour


faire du développement que de façon systématique dire que chaque fois
qu 'un projet termine on va faire l'évaluation. À ce moment nous avons
réfléchi sur la question et nous avons réfléchi à la situation, il y a des
moments où on doit faire des évaluations [parlant des évaluations
formelles], mais c 'est des moments qui sont sollicités par les besoins du
travail plutôt que par une décision institutionnelle disant chaque p roj et
devrait avoir son évaluation. M ais encore une fois je dis ça et en même
73

temps je dis le contraire. En même temps je vous dis qu'on ne fait pas
d 'évaluation dans le sens formel des choses, je pourrais vous dire la
même chose, mais sous un ton différent sauf que nous sommes en
évaluation continuelle. )) (Participant A)

4.4.1.4 Évaluation faite à la fin du projet

Le projet une fois terminé ne peut plus faire l'objet d'un ajustement ou d'une
correction. Pourtant, les cinq organisations participantes estiment qu 'il est important
d'évaluer le projet terminé. Vu que l'évaluation est un moment d'apprentissage, la faire à
la fin permet de tirer des leçons soit pour mieux faire plus tard dans le cas où les résultats
n'étaient pas satisfaisants, soit pour comprendre les facteurs de réussite et de les appliquer
à d'autres projets à venir ou semblables comme le témoignent les participants ci-dessous :

«Mais la plupart de temps on les faisait en fin de projet avant de nous


lancer dans un nouveau cycle de programmation, pour valider ce qui a
été obtenu ... Comme le cas dont je vous ai parlé tantôt, c'était un gros
projet. Le résultat et les mesures d'accompagnement ont été très bien et
nous voulons comprendre davantage les fac teurs de réussite pour
pouvoir tirer des leçons pour d'autres projets semblables ailleurs en
Hafti. )) (Participant A)

« [C] 'est qu'est ce qu 'on a fait pour que ça ne donne pas de résultats,
pour quoi ça n'a pas marché ? Une fois qu 'on trouve le point fort et le
point faib le de cette affaire-là, après c 'est quelle leçon qu 'on peut en
tirer? Si on continue comment on peut utiliser cette affaire-là pour qu 'on
s'améliore et avoir de meilleurs résultats l 'année prochaine. ))
(Participant B)
« A la fin du projet on le fait pour voir si ç'a bien été ou si ça n'a pas
bien été pourquoi ça n 'a pas bien été. )) (Participant C)
« Ensuite l 'évaluation fi nale comme je disais tout à l 'heure, c'est des
leçons apprises. Qu 'est-ce qu'on a appris pendant le projet ? Qu 'est-ce
qui a bien été et moins bien été ? )) (Participant D)
74

En plus de vérifier les points forts et les points faibles à la fin d'un projet,
l'évaluation en ce moment peut être réalisée dans le but de faire preuve de transparence
envers les bailleurs de fonds en ce qui a trait au financement reçu antérieurement. Une sorte
de reddition des comptes peut être voulue afin de faire reconnaître ses capacités de bon
gestionnaire de fonds, afin de rassurer le même donateur ou un autre sur l'affectation des
fonds. Une évaluation à la fin d'un projet vise aussi d'aller chercher de nouveaux
financements ; le participant E le confirme :

« [. .. ] au printemps. La lettre de sollicitation est accompagnée d'un


rapport de l'année précédente. On met beaucoup d'emphase sur la
transparence. C'est ce à quoi sert l'agent du donateur. La sollicitation,
on le fait au début de l'année, le calendrier nous aide à déterminer.
Chaque année [notre partenaire] réalise des projets. [Il] planifie lui-
même l'année qui vient. Quand il a choisi certains projets, il les nous
soumet, à nous des propositions de projets. Nous après ça, cela nous
permet quand on fait la sollicitation de dire au donateur à quoi va servir
l'argent. »(ParticipantE)

Concernant la périodicité des évaluations, les données recueillies sur le


terrain nous amènent à conclure que c'est l'objectif de l'évaluation qui guide le
choix des moments choisis. En d 'autres termes, il n ' existe pas de bons ou de
mauvais moments pourvu que celui choisi permette d'obtenir les résultats de
1' objectif visé.

4.4.2 PARTIES PRENANTES, LEUR RÔLE ET LEUR RESPONSABILITÉ


DANS LE PROCESSUS DE L'ÉVALUATI ON

Quand nous parlons des parties prenantes au processus d' évaluation dans les ONG
de développement œuvrant en Haïti, ils ' agit des acteurs impliqués dans ce processus. Selon
les répondants, cette implication de différents acteurs est un facteur indispensable à toute
bonne évaluation. Ainsi, comme nous l'avons souligné dans la recension des écrits (cf. le
point 2.3.3.1), quel que soit le type d' évaluation sollicitée par l' organisation, la
participation de toutes les parties prenantes représente une condition sine qua non pour
75

garantir de meilleurs résultats. Les témoignages nous ont permis d'identifier les parties
prenantes suivantes: le mandataire, les partenaires, le représentant de l'organisation sur le
terrain, l'évaluateur, les bénéficiaires, les bailleurs de fonds et le siège en Haïti. Cependant,
le rôle de chaque partie prenante peut différer suivant qu'il s'agit d'une évaluation
systématique ou pas ou encore dans une contre-évaluation. Une évaluation systématique
renvoie à une situation où 1'organisation, le moment, le nombre et les étapes de 1' évaluation
pour chaque projet dans le sens administratif sont connus d'avance. C'est donc une
définition en compréhension ou un synonyme de l'évaluation formelle qu'elle soit interne
ou externe. Par évaluation non systématique, nous comprenons les évaluations informelles
que l'organisation ne prévoit pas à l'avance pour son projet, mais qu'il peut arriver qu'elle
en fasse en cours de route ou à la fin. Dans les points qui suivent, le rôle et la responsabilité
de chaque partie prenante seront définis.

4.4.2.1 Mandataire et partenaire, leur rôle lors de l'évaluation

Le mandataire est l'ONG mère. Dans le cas où l'organisation partenaire ne fait pas
d 'évaluation systématique à chaque projet, le premier a pour rôle et responsabilité de
définir clairement la question qui le préoccupe et il finance l'évaluation. La question étant
définie, il s'assoit avec le partenaire afin de vérifier avec lui s'il a des recommandations à
faire. Une fois que 1'ONG mère a les résultats de 1' évaluation, de concert avec le partenaire,
ils procèdent à l'analyse des recommandations afin de prendre les décisions qu'il faut.

Dans le cas où l'organisation effectue des évaluations systématiques à chaque


projet, le rôle du mandataire est identique à celui du partenaire. Étant donné que le moment
pour faire l'évaluation est déjà prédéfini, le rôle du mandataire dans ce cas consiste à
accompagner le partenaire afin d'identifier la problématique, la corriger et de s'ajuster dans
le but d'avoir de meilleurs résultats. Conjointement avec le partenaire il définit la
méthodologie de l' évaluation. Il est l' intermédiaire entre le bailleur et le partenaire.
76

Dans le cas où 1'ONG mère a un représentant sur le terrain, le rôle du mandataire


consiste à faire part de la situation problématique à son représentant et à lui demander de
trouver quelqu'un pour faire l'évaluation. Le mandataire fournit l'argent et les ressources
nécessaires pour le faire. Il transmet le résultat au donateur. Le mandataire joue ce rôle
lorsque l'organisation ne fait pas d'évaluation externe systématiquement pour chaque
projet et qu'il y a une situation qui nécessite une expertise beaucoup plus pointue, c'est-à-
dire celle d'un évaluateur externe.

Pour ce qui a trait au partenaire, en principe, il peut y en avoir plusieurs dans un


projet : le bailleur de fonds, l'organisation mère québécoise qui sollicite du financement
auprès de bailleurs, l'organisation locale en Haïti (bénéficiaire indirect) qui exécute le
projet grâce au financement et la population bénéficiaire directe du projet. Ici, quand nous
parlons du partenaire nous faisons allusion à l'ONG haïtienne qui représente aussi les
bénéficiaires. Il est celui que nous appelons, également, partenaire local. Il assure la mise
en œuvre des projets soit seul (dans 60% des cas), soit conjointement avec l'organisation
mère (dans 20 % des cas). Son rôle diffère suivant qu'il s'agit d'une évaluation formelle
ou informelle, d'une contre-évaluation ou d'une auto-évaluation.

Dans le cas d'une évaluation formelle (systématique) où la période est prédéfinie


pour chaque projet, le partenaire local sera impliqué dans toutes les phases du projet et il
joue le même rôle que l'organisation mère dans l'évaluation. Si celle-ci n'est pas
systématique, le rôle du partenaire local ne s'éloigne pas trop de celui du mandataire exposé
précédemment. En effet, à part le fait d'être présent à toutes les phases du projet, il choisit
l'évaluateur. Il est donc sujet et objet de l'évaluation, comme le dit bien le témoignage ci-
dessous. C'est lui aussi qui approuve les suggestions pour définir la problématique. Sur le
plan logistique, il fournit la documentation ainsi que les contacts des bénéficiaires directs
(population) à l'évaluateur informel. Dans certains cas, il arrive que le rôle du partenaire
77

local consiste à évaluer la satisfaction des bénéficiaires et à vérifier si le projet a bien


fonctionné ou non; à prendre des décisions suite à l'analyse des recommandations et enfin,
à discuter les décisions prises avec le représentant de l'ONG mère pour approbation ou
désapprobation. Puis, il remet les rapports à l'organisation mère. En fin, le partenaire local
doit aussi avoir pour rôle de répondre aux questions de 1' évaluateur et de lui montrer ce qui
est réalisé.

« Il est sujet parce qu 'i !la pilote, il la commande avec nous. Il est objet
parce qu'il est observé. Nous demandons à l 'évaluateur: "regarde, dis-
nous comment fonctionne tel groupe, sa structure de [prise] des
décisions". »(Participant A)

4.4.2.2 Représentant de l'organisation, évaluateur, siège: leur rôle durant


l'évaluation

Il arrive que certaines organisations aient des représentants sur le terrain. Il peut
s'agir d'une personne morale ou physique. Lorsque c'est le cas, ce représentant, lui
également, est partie prenante d'une évaluation. Lorsque 1'organisation fait des évaluations
systématiques, le représentant joue un rôle d'intermédiaire entre l ' organisation mère
(québécoise) et 1' organisation haïtienne (locale). Le représentant surveille 1' organisation
locale en vue de s'assurer qu'elle respecte toutes les étapes de la mise en œuvre d'un projet
et de l'évaluation. C'est le représentant qui analyse et approuve les décisions de
l'organisation haïtienne. Il garde les rapports et tous les autres documents ayant servi à
l'évaluation. Il répond aux questions de l'organisation mère. Dans le cas où l'évaluation
externe n 'était pas systématique, le représentant de l'organisation a pour rôle d'analyser la
problématique avec l'organisation locale partenaire pour essayer de voir s'ils peuvent
trouver une explication satisfaisante à la situation problématique.

S'ils n ' en trouvent aucune, le représentant, alors, accompagne 1' organisation haïtienne
locale dans le choix d'un évaluateur externe. Il présente l'évaluateur à l'organisme mère
pour approbation. Il fournit les documents nécessaires à l'évaluateur externe. Dans le cas
d'une contre-évaluation, le représentant répond aux questions de l'organisme mère, il lui
présente les rapports et tous les autres documents nécessaires.
78

En ce qui concerne le rôle d'un évaluateur, qu'il s'agisse d'une évaluation


systématique ou pas son rôle demeure le même. Les organisations participantes, afin de
valoriser les ressources locales, optent généralement pour le choix d'un évaluateur local,
c 'est-à-dire haïtien. Ce dernier, une fois engagé, a pour rôle de recueillir les informations;
analyser la problématique; développer des outils d'analyse, d'enquête, de reportage;
analyser les résultats, faire des recommandations et produire et soumettre le rapport.
Lorsqu'il ne s'agit pas d'une évaluation formelle, le rôle de l'évaluateur reste le même,
mais la méthodologie utilisée pour recueillir les informations est différente. Comme le
mentionne le participantE, le rôle de l'évaluateur consiste à aller sur le terrain prendre des
photos des projets financés et réalisés ; poser les questions préparées par 1'organisation
mère au partenaire, ramener beaucoup de photos, revenir avec les réponses aux questions
et faire un rapport :

« Il prend des photos. Et avant qu'il parte, si on a des questions, nous, à


poser à la direction, je lui donne par écrit les questions que j'ai à poser
à la direction et lui. [ ..]Oui, c'est absolument capital d'avoir des photos
c 'est essentiel. >>(Participant E)

Quant au rôle du siège extérieur (l'équipe ou le bureau local) lors de l'évaluation,


le participant D qui en a parlé affirme que le siège extérieur en tant qu 'équipe locale
s'occupe surtout du suivi dont les indicateurs sont créés dans l' entente signée avec le
bailleur de fonds. En fait, les indicateurs de suivi définis doivent être réalisés au temps
indiqué et l 'argent prévu pour dépenser doit l'être également. Et au moment de
1' évaluation, 1' équipe locale, c'est-à-dire celle du siège extérieur est consultée par
l 'évaluateur pour faire un état des lieux en se basant sur les indicateurs de suivi.
79

4.4.2.3 Bailleurs de fonds, bénéficiaires, et leur rôle lors de l 'évaluation

Le rôle du bailleur de fonds lors d'une évaluation est très important dans certains
cas. Selon le participant B, celui-ci doit donner son accord en tant que mandant pour que
l'évaluation ait lieu sans quoi l'organisation ne pourra pas en faire, et ceci même si elle
constate que quelque chose ne fonctionne pas dans la mise en œuvre du projet, comme il
l'explique:

« Le rôle des bailleurs de fonds, il faut qu'ils soient d'accord. [ .. ]En


creusant tes puits, tu te rends compte qu'il y a déjà 5 autres à côté qui ne
sont pas entretenus et là tu creuses d'autres puits. Là tu vas dire que le
problème ce n 'est pas de creuser d'autres puits c'est de travailler avec
les gens pour qu 'ils entretiennent les puits. Mais là ton bailleur de fonds
dit qu'il veut 5 puits, lui il ne veut pas changer ça. Là tu fais tes 5 puits.
On fait l'évaluation c'est pour se rendre compte de la réalité, améliorer
ses performances c.-à-d., améliorer les résultats. >>(Participant B)

À part le fait d' être m andant, un bailleur de f onds peut, également, jouer le rôle de
mandataire. Dans ce cas, c 'est lui qui évalue 1' organisation mère et celle-ci n 'a rien à faire
d'autre que de s'y soumettre. La plupart du temps, ce sont des évaluations peu
participatives, comme 1' explique le participant B :

« Externe, on n'a pas le choix c'est les bailleurs qui nous évalue. Ça
varie beaucoup selon les bailleurs. L a plupart du temps c'est peu
participatif. » (Participant B)
Aussi, il peut, avant de financer un proj et, extger une évaluation comme en
t émoigne le participant C :
« P ar exemple [on avait un projet de construction] à un moment donné
[le bailleur] a dit ooppss il faut une évaluation environnementale du site
que vous avez l 'intention de construire ... Donc là on a engagé une
Haftienne qui était spécialisée dans l 'évaluation environnementale. »
(Participant C)
80

Quant aux bénéficiaires directs (population), ils sont également inclus dans les
évaluations. Leur rôle, le plus souvent, consiste à fournir des informations afin d'avoir des
réponses à certaines questions importantes, selon le témoignage du participant A :

« Très souvent, dépendamment de la nature du projet et du montant du


projet, etc. cela est fait aussi avec les bénéficiaires. On leur demande :
est-ce que vous savez quelque chose ou est-ce que vous avez quelque
chose .? " »(Participant A)

De plus, les bénéficiaires directs peuvent jouer aussi le rôle de consultant puisqu'ils
disent ce qui a bien fonctionné ou non et qu'ils font des recommandations pour améliorer
les résultats, selon le participant C :

« Quand on y va, on ne va pas voir tous les paysans, on va voir ceux qui sont
les plus insistants. On peut leur demander ce qui a bien été ou pas après ils
peuvent nous faire de recommandations en disant, nous, on pense que ça ou ça
serait mieux. >> (Participant C)

Au terme de ce quatrième point sur la fai sabilité de 1' évaluation, il faut retenir que
le moment choisi pour la faire dépend des besoins de 1'organisation ou des objectifs de
l 'évaluation. La majorité des organisations éprouvent le même besoin lorsqu' elles décident
de faire une évaluation au début, en cours ou à la fin d'un projet. Par ailleurs, toutes les
évaluations sont participatives, c'est-à-dire que le processus d'évaluation nécessite
l'implication de tous les partenaires du projet, qu'ils soient présents localement en Haïti ou
qu'ils proviennent du Québec. Le tableau ci-dessous présente une synthèse de différents
t ypes d 'évaluation et les parties impliquées dans le processus.
81

Tableau 6.0: Partenaires ou principaux acteurs impliqués dans les différents types d'évaluation

Évaluation interne Évaluation externe Auto-évaluation


Fonnelle Fonnelle

Mandataire Mandataire
Évaluateur Évaluate ur
Partenaire haïtien Partenaire haïtien
Représentant en Haïti* Représentant en Haïti*
Bénéficiaires Bénéficiaires Bilan programmation
Siège extérieur Bailleur de fonds*
Mandataire
Infonnelle Infonnelle Évaluateur
Partenaire haïtien
Bénéficiaires
Mandataire Mandataire
Évaluateur* Bailleur de fonds
Partenaire haïtien
Partenaire haïtien
Contre-évaluation Audit

Mandataire Évaluate ur
Évaluateur Siège extérieur
Représentant en Haïti
Bénéficiaires
*Acteur dont l'1mphcat10n n'est pas obhgatorre

Source : Enquête de terrain

C omme il a été dit au point 4.4.2, les mandataires sont, en fait, les organisations
mères voilà pourquoi nous avons omis de les ajouter dans le tableau 6. Ainsi, les pratiques
d 'évaluation des ONG participantes étant décrites, nous présentons dans le prochain
chapitre la perception des participants par rapport aux pratiques d'évaluation de leur ONG .
Cette présentation sera accompagnée de la discussion des r ésultats.
CINQUIÈME CHAPITRE
PERCEPTION DES RÉPONDANTS SUR LES ÉLÉMENTS DE
L'ÉVALUATION DE PROJETS

À la fin du troisième chapitre, nous avons mentionné que les résultats seront
présentés en deux temps. Ainsi, ce dernier chapitre porte sur la discussion et l'analyse des
résultats de la recherche basée sur la perception des répondants par rapport à leurs pratiques
et procédures d'évaluation au regard de celles décrites dans la littérature. Ce chapitre vient,
donc, compléter le précédent. Les points suivants le constituent : la perception des
répondants par rapport aux pratiques d'évaluation ; la perception de la faisabilité de
l'évaluation; la perception des procédures d'évaluation en tenant compte de l'exploitation
des résultats, 1'impact sur les décisions et les indices d'appréciation.

5.1 PERCEPTION DES ORGANISMES PAR RAPPORT AUX PRATIQUES


D'ÉVALUATION

À la question portant sur les perceptions concernant les pratiques d 'évaluation dans
leur organisation, la totalité des représentants des ONG interviewés dit intégrer 1' évaluation
dans leur mode de gestion et lui fait une place d'honneur. Tous les participants affirment
aussi que l' évaluation est une tâche très importante et qu' ils en font à chaque projet et
même plusieurs fois par projet. En ce qui concerne, la fréquence à laquelle se font les
évaluations, la perception diffère d'une ONG à l'autre, car la périodicité des évaluations
n 'est pas identique. Chacun, en vertu de ses besoins et de ses objectifs, articule sa stratégie.
De même, la nomenclature regroupant les types d' évaluation est vaste. Toutefois, il existe
des similarités dans les types d'évaluation malgré que les pratiques diffèrent, ce qui peut
être normal du fait qu'il s'agit d'organismes hétérogènes en ce qui a trait à leur histoire,
leur fonctionnement, leurs sources de financement, le type d' activités qu'elles réalisent ou
encore leur périmètre géographique d'action. Ainsi, nous comprenons que chaque
organisme est un cas unique et qu'il sera difficile de trouver une définition pour un modèle
unique d' organisme (Buclet, 2002).
83

Rappelons que l'interprétation de la réalité observée lors de l'analyse des données


fait ressortir sept types d'évaluation, entre autres, 1' évaluation formelle et informelle
interne, l'évaluation formelle et informelle externe, la contre-évaluation, les audits et le
bilan programmation qu'on peut catégoriser en trois grands types à savoir l'évaluation
interne, l'évaluation externe et l'auto-évaluation. Toutefois, l ' analyse des perceptions
qu'ont les répondants montre que ces sept types d'évaluation sont perçus et utilisés
différemment dans les pratiques d'évaluation des organisations interrogées. Dans le tableau
qui suit, nous présentons les types et sous-types d'évaluation auxquels recourent les ONG
répondantes.

Tableau 7.0: Présentation des différents types d'évaluation utilisés par les organismes participants

Types
d'évaluation ONGA ONGB ONGC ONGD ONGE
utilisés/ONG
Évaluation Informelle Formelle Formelle Informelle
interne

Évaluation Formelle Formelle et Audit Informelle


externe contre-évaluation

Auto-évaluation Bilan
programmation

Source : Enquête sur le terrain

Comme le tableau 7 l'indique, au moms deux types d'évaluation différents


coexistent chez 80 % des organisations interrogées . Selon les ONG, chacun de ces types
d'évaluation a son importance. En effet, la prédominance de l'un par rapport à l 'autre ne
dépend que des besoins de l'organisme ainsi que des objectifs de l 'évaluation. Ce propos
coïncide avec les écrits de Volkov (20 11) qui affirme que 60 % des organismes recourent
à l' évaluation externe lorsqu'ils ont besoin de plus de rigueur ou lorsqu'ils se trouvent
confrontés à une problématique qui nécessite une expertise plus pointue ou pour avoir une
vue extérieure non biaisée ou pour plus de recul. Et, dans le cas contraire, ils optent pour
l'évaluation interne, comme en rendent compte les trois témoignages suivants :
84

« Quand on a besoin d'une expertise plus pointue pour un problème


qu'on n'arrive pas à comprendre, on va chercher pour voir s'il n y a pas
quelqu'un qui est qualifié pour ça. Habituellement, cette expertise
pointue là, on va la chercher en Haïti )) (participant C).
« Comme je disais tantôt, nous faisons des évaluations quand on ressent
ou perçoit qu'au-delà de la connaissance quotidienne et de la relation
quotidienne qu'on a avec tel ou tel partenaire dans n'importe quel pays,
il est important de creuser davantage la relation ou de connaître mieux
ce qui se passe parce qu'il y a quelque chose qui nous inquiète, qui nous
préoccupe et qu'on veut apprendre mieux. On dit: regarde, on va
demander à quelqu'un d'examiner avec un regard externe, le recul ))
(participant A).
«Ils sont intéressés d'avoir une vue extérieure non biaisée parce que,
moi, si j'arrive, je vais voir les programmes, je vais dire les choses telles
que je les constate. Je n'aurai pas le biais de relation de travail, des
dynamiques )) (participant D).

5.1.1 PERCEPTION DE L'ÉVALUATION EXTERNE

Parmi les organismes participants, 60% perçoivent l'évaluation externe comme le


seul moyen qui permet de bien faire l'évaluation à condition qu'elle soit le fruit du choix
de 1' ONG mère plutôt qu'elle soit imposée par un bailleur de fonds. Selon eux, 1'évaluateur
ne détenant aucune responsabilité directe dans 1'élaboration de 1'action peut prendre une
certaine distance critique vis-à-vis des organisations qu'il examine. Cela confirme
l'assertion de De Montclos (2011) dans son article intitulé « L'aide humanitaire dans les
pays en développement: qui évalue qu(? )), à ce sujet. L'évaluation externe dont il est
question ici n'est pas celle commanditée par le bailleur, mais par l'organisation mère. Par
exemple, selon le participant B, 1'évaluation effectuée par le bailleur de fonds est le plus
souvent moins participative, et les résultats sont imprégnés de préjugés. Cela reflète une
conclusion de Riddell et al. (1997) selon laquelle les évaluations commanditées par les
bailleurs de fonds font peu de cas de la participation. Selon eux, les critiques portant sur
ces évaluations soulèvent, d'une part, l'écart entre la théorie et la pratique, d'autre part, la
problématique de la participation. À ce sujet, voici ce qu'affirme le participant B :
85

« Ils [les évaluateurs engagés par les bailleurs] n'ont pas l'expérience
pratique et l'expérience théorique ne vaut pas grand-chose. La plupart
du temps, c'est peu participatif. >>(Participant B)

Selon le résultat obtenu, 80% des participants conçoivent que la planification de


l'évaluation externe doit être élaborée avant le démarrage du projet. Cela permet de noter
et de garder quelque part les éléments relatifs aux facteurs que l'organisation mère veut
évaluer. Voici ce qu'en disent trois témoignages de nos participants :

« Pour le projet qui est prévu pour 3 ans et demi, on a une ligne
d'évaluation. On va prévoir d'avoir deux évaluations. On aura une
évaluation à mi-parcours.. >>(Participant D).
« Selon mon expérience, quand on a des programmes très importants qui
nous inquiètent un peu, des programmes plus compliqués, plus
dangereux dans certains pays, et on décide de faire une évaluation
externe soit à la fin pour constater ce qui est fait, la bonne façon de
préparer une évaluation, c'est de programmer ça au début. On peut
décider ce qui est crucial. À ce moment-là, dès le commencement du
projet, les éléments relatifs aux f acteurs qu 'on veut évaluer devraient
être quelque part gardés de sorte que quand on va faire l 'évaluation
externe, on a le matériel pour le faire. Ça, c 'est la bonne façon de faire.
»(Participant A).

« [. .. ] ce responsable-là s'assure que le projet démarre à tel moment et


il y a toujours une vérification périodique. Même si c 'est nous qui
finançons le projet, on fonc tionne comme si on était contraint de
f onctionner comme notre bailleur l 'exigerait. Notre bailleur a un g uide
et on utilise le même guide. >> (Participant C).

5.1.2 PERCEPTION DE L' ÉVALUATION INTERNE

Cependant, cette préparation à 1' avance de 1'évaluation externe, selon le participant


A, ne peut pas se faire pour t ous les projets pour la simple bonne raison que certains
programmes sont moins inquiétants et m oins compliqués. Et, pour ces types de
programmes, il ne peut pas savoir à l'avance s 'il se trouvera confronté en cours de route à
des situations difficiles qui requièrent une évaluation externe.
86

L'ensemble des participants perçoit positivement l'évaluation interne


comparativement à l'évaluation externe. Tous ont une préférence pour ce type d'évaluation
puisqu'elle leur donne la possibilité et la capacité de régler les situations peu complexes,
celles qui ne nécessitent pas une expertise pointue. Dans de telles conditions, la crédibilité
accordée à ces évaluations est renforcée par le fait qu'elles permettent de rectifier et
d'apprendre de ses erreurs afin d'améliorer les interventions. Ceci, en effet, rejoint la
définition de Layne (1999), selon laquelle « l'évaluation doit permettre de recueillir des
données précises à des fins de planification, de faire ressortir les rapports de cause à effet
en vue de programmes pour obtenir les résultats voulus et d'obtenir de l'information sur
les coûts et les avantages pour mieux choisir les mesures d'intervention les plus
fructueuses » (p. 1). Par ailleurs, selon les perceptions des répondants, les raisons justifiant
le choix de l'évaluation interne sont multiples et elles varient d'un organisme à l'autre.
Mentionnons, entre autres :

1) La capacité de 1'ONG à effectuer elle-même de très bonnes évaluations


«À 1'interne, on est tous des gens pratiques. )) (Participant B). «Des fois
on va chercher à 1'externe, mais habituellement c'est interne. Parce que
nos bénévoles sont des gens qui ont une solide expertise. )) (Participant
C).
« On n'a pas encore une personne ou un département responsable du
suivi évaluation. Moi, si je rentre en H afti, c'est une forme d'évaluation
interne. )) (Participant D).

2) La confiance qu'ils ont en leurs partenaires locaux

«Notre personnel qui travaille avec les collègues haïtiens développe au


fil des années une très bonne connaissance du personnel des
organisations haïtiennes et de leur travail. C'est pour ça que nous
croyons avoir une connaissance assez sophistiquée, assez précise, de ce
qui se passe sur le terrain et de comment le travail est fait d'une façon
organique, tous les jours, à mesure. )) (Participant A).

3) Le désir d'accroître le nombre des projets de développement à effectuer


« [ ... ] parce que les évaluations coûtent cher et nous préférons utiliser
l'argent pour faire du développement que de façon systématique dire que
chaque fois qu'un projet termine on va faire l'évaluation. )) (Participant
A).
87

4) Parce ce que c'est moins coûteux:


« Lui, il fait ça bénévolement, c'est lui qui assume ses frais. »
(Participant E). «Nous, ça ne nous coûte pas cher, parce qu'ils font ça
bénévolement >> (Participant C). Parce que les évaluations coûtent cher
et nous préférons utiliser l'argent pour faire du développement que de
façon systématique dire que chaque fois qu'un projet termine on va faire
l'évaluation. »(Participant A).

L'évaluation interne, bien que commune aux organisations, ne se fait pas de la même façon.
Pourtant, chacun perçoit ses pratiques comme étant les bonnes. En effet, il est très
important, disent Prahalad et Hammel (1995), pour une ONG, d'avoir une bonne stratégie
de gestion. Cela lui permet d'être performante et compétitive dans son secteur d'activités
et d'anticiper une structure pour définir 1'évolution de celui-ci. L'analyse des résultats nous
permet d'avancer que l'évaluateur interne peut effectuer un travail de qualité, rigoureux et
objectif (Sonnichsen, 1987), tout comme celui qui est externe. Mais, cela nécessite un
travail participatif, comme l'expliquent les participants.

5.1.3 PERCEPTION DU BILAN PROGRAMMATION (AUTO-


ÉVALUATION)

Pour certaines ONG participantes, le bilan programme synonyme de l' auto-


évaluation est perçu comme un diagnostic ou comme un point de départ à la mise en
application d'un processus interne de changement ou de planification stratégique. Pour
d'autres ONG, l'auto-évaluation représente aussi le moyen d'amorcer des discussions avec
d'autres intervenants tels que le Conseil d'administration ou les bailleurs de fonds. En
d'autres termes, on parle de l'auto-évaluation lorsque l'acteur évalue ses propres activités
et qu'il porte un jugement sur elles, et ce, dans l'optique de bien comprendre leur
performance et de tenter de résoudre certains problèmes stratégiques pour l' améliorer.
C' est à ce titre que beaucoup d'organismes recourent souvent à l' auto-évaluation, plutôt
qu'à une évaluation interne ou externe dans le but de prendre des décisions sur certains
aspects de ses opérations.
88

C'est dans ce sens que 1' on peut comprendre le propos d'un participant qui affirmait
lors de 1'entrevue que « pour vérifier si cela a bi en été ou pas, nous procédons à l'auto-
évaluation ». Dans un autre de ses commentaires, ce participant soutien que «l'auto-
évaluation est un processus qui permet à l'organisation de s 'autocontrôler et de
s'interroger dans le but d'améliorer sa performance» (Participant B). Qu'à cela ne tienne,
il reste à savoir comment les ONG participantes perçoivent la faisabilité de différents types
d'évaluation qu'elles sont censées faire.

5.2 PERCEPTION DES ORGANISMES PAR RAPPORT À LA FAISABILITÉ DE


L'ÉVALUATION

Rappelons que la faisabilité dont il est question ci-dessus inclut : la participation et


l'autonomie des partenaires. Les éléments entrant dans la participation sont la formulation
du projet, la mise en œuvre des projets et la prise de décision. Quant à l'autonomie, elle
inclut le niveau d'appropriation du processus d'évaluation, la capacité à s'évaluer soi-
même selon ses propres règles, de matière indépendante et en complémentarité avec les
autres acteurs du processus d'évaluation. Dans les sections qui suivent, nous exposons la
perception des participants sur la participation et l'autonomie des partenaires.

5.2.1 PERCEPTION DE LA PARTICIPATION

Les résultats des entrevues indiquent que les répondants ont une image positive de
la participation au processus d'évaluation. Ils ont cette perception du fait que pendant les
différents types d'évaluation, les partenaires locaux (ONG haïtiennes, les équipes
travaillant aux sièges extérieurs ainsi que la population) font partie intégrante de son
environnement au sens large comme 1' a souligné Castel (2003 ). Effectivement, nous avons
constaté une généralisation de la participation des bénéficiaires directs et indirects dans
80% des organisations interrogées. Le bénéficiaire n'est plus considéré uniquement
comme celui qui se fait aider, mais également comme l'aidant, car il est partie prenante de
la cause presque au même titre que l' ONG mère.
89

Ainsi 80 % des participants définissent la participation comme étant


interactionniste, c'est-à-dire que le partenaire est impliqué dans toutes les phases du projet,
soit de la formulation du projet en passant par sa mise en œuvre jusqu'à la prise de décision.
La façon dont les partenaires s'y prennent pour formuler ou pour élaborer des projets en
Haïti est positivement appréciée par les ONG qui ont participé à l'entrevue. Cette
perception largement positive est essentiellement compréhensible au fait que les
partenaires locaux au même titre que l'ONG mère, ont l'égale responsabilité de formuler
les projets, selon quelques-uns de nos participants.

« Les projets sont tous formulés sur le terrain, en Hafti, par des
organisations locales. On ne met en œuvre aucun projet directement
nulle part dans le monde. » (Participant A).
« Avec nous autres, le projet, c'est notre partenaire en Haïti qui
l'élabore. C 'est eux qui savent qu 'est-ce qu'ils ont besoin. )) (Participant
C).

En ce qui a trait à la mise en œuvre des projets sur le terrain haïtien, la procédure
est bien vue par tous les répondants puisque ce ne sont que les partenaires locaux qui
participent à l 'exécution les proj ets. Les opinions suivantes le confirment :

« [. .. ] on ne met en œuvre aucun p rojet directement nulle part dans le


monde. Nous travaillons dans une quarantaine de pays avec 200, 250
organisations locales qui, elles, mettent en œuvre les projets. ))
(Participant A).
« L 'organisation haïtienne, c 'est eux qui gèrent. Ce sont eux qui mettent
en application les projets. )) (Participant C).
« L e rôle des partenaires est le même que nous autres )) (Participant B) .
« Chaque année, notre partenaire réalise des projets. Notre mission,
c 'est de recueillir des fonds pour soutenir les projets. )) (ParticipantE).
90

Quant à la participation à la prise de décision, avant, pendant et après évaluation, la


totalité de répondants sont d 'avis qu'elle se fait de manière satisfaisante puisque dans 60 %
des cas, les décisions se prennent conjointement par les deux partenaires principaux (local
et québécois); dans 20% des cas, elles sont prises d'abord localement avant d'intégrer les
avis des partenaires québécois. Enfin, seulement dans 20 % des cas restants que les
décisions sont prises par l'organisation mère. Même alors, le siège local est toujours mis à
contribution. Les propos ci-dessous rendent compte de cette prise consensuelle de
décisions qui renforce cette perception positive de l'implication de tous les acteurs.

«Le rôle des partenaires est le même que nous autres, à savoir que si ça
n'a pas donné de résultats, c'est qu'est-ce qu'on a fait pour que ça ne
donne pas de résultats, pourquoi ça n'a pas marché. Une fois qu'on
trouve les points forts et les points faibles de cette affaire-là, après, c'est
quelle leçon qu'on peut en tirer ? Si on continue, comment on peut
utiliser cette affaire-là pour qu'on s'améliore et avoir des meilleurs
résultats l'année prochaine. >> (Participant B).
« Il y a un devoir d'analyse des recommandations qui revient au
mandataire et au partenaire. [. .. ] quand les recommandations sont
faites, nous les exploitons àfond. » (Participant A) .
«Mais ce sont eux [partenaires] qui prennent les décisi ons. Qui nous
disent s'ils acceptent ou pas. » (Participant B).
« Une fois, nous, on a dit à notre partenaire qu'on va arrêter parce qu'il
n 'a plus besoin de nous. Il nous a f ait changer d 'avis. C 'est minuscule ce
qu 'on peut donner comme aide. Mais, des fois, le financement
complémentaire qu'on donne à une œuvre ça lui p ermet de devenir
admissible pour l 'Organisation mondiale de la santé, pour une grosse
subvention. L a différence entre être admissible et ne pas l'être, de f ois,
c 'est nous, on faisai t la différence, tu comprends. » (ParticipantE) .

Il ressort de l'analyse que l'utilisation de l'approche interactionnist e (implication


de tous les partenaires aux différentes phases de l'évaluation) au sein des ONG interrogées
entraîne une percept ion très posit ive quant à l'appropriation autom atique du proj et par le
partenaire, parce qu'il s'agit du sien et qu'il le décide soit lui-mêm e, pour après le
soumettre à 1' organism e m ère, soit avec 1'organisme mère, comme le montrent ces
témoignages.
91

«Avec nous autres, le projet c'est notre partenaire en Haïti qui l'élabore.
C'est eux qui savent qu'est-ce qu'ils ont besoin, c'est son projet. Nous,
on ne paie pas de salaire. >>(Participant C).
« Le projet appartient à notre partenaire. Si le projet n'est pas réussi,
nous, nous perdons seulement un peu d'argent, mais eux, ils perdent
tout: leur crédibilité, leur gagne- pain. Ils vont perdre presque tout.
Nous, à Montréal, nous ne formulons aucun projet, les projets sont tous
formulés en Haïti. » (Participant A).
« [. .. ]Et je suis capable de bâtir une proposition de projet acceptable,
j'ai cette expertise-là, si vous êtes d'accord on [moi et le partenaire]
travaille ensemble. Vous me donnez le contenu, moi je vais m'asseoir
avec vous autres, comme pis, on l'a faite. On est allé chercher du
financement. Ça fait partie du développement, habituer les gens à
identifier les problèmes, les stratégies. Cet exercice-là est aussi
important que les activités comme telles. »(Participant B).
« C'est son projet. Il nous fait plusieurs propositions et, nous, on choisit
celui qu'on peut financer. »(ParticipantE).

Ainsi, la population qui représente les bénéficiaires directs des projets est toujours
impliquée dans l'évaluation, mais de manière plus limitée que ne le sont les partenaires
locaux. Dans ce cas, on parlera d'une participation déterministe de la population. En fait,
lors de l'évaluation, les bénéficiaires directs (population) sont interpellés pour donner leur
appréciation du projet et dans certains cas pour répondre aux questions ponctuelles et
spécifiques tendant à valider les informations recueillies auprès du partenaire local.
Constatons ici que les ONG québécoises interviewées laissent entrevoir que le caractère
déterministe de l'implication de la population au processus d 'évaluation n'est qu'apparent,
car dans six cas sur dix, les organismes interrogés affirment que les bénéficiaires sont très
satisfaits et déjà bien représentés par les partenaires que ce soit dans la conception,
l'exécution et l' évaluation du projet. Les propos suivants en témoignent largement:

« Je rencontre les Haïtiens les Haïtiennes, je leur demande s'ils sont


contents du travail qu 'ils font avec vous, ils disent qu 'ils sont contents.
La réponse est oui. » (Participant A).
92

«Par leur réaction, oui, les bénéficiaires sont satisfaits de nos activités.
Les bénéficiaires quand on va les voir, pour eux autres, il faut qu'ils nous
montrent leurs jardins parce qu'ils sont très fiers. Ils ont beaucoup
investi, ils ont écouté les techniciens et ont suivi les informations. ))
(Participant C).

«Je te dirai que la satisfaction, elle dépasse nos attentes et celle de notre
partenaire et ça permet de recevoir plus de patients. )) (ParticipantE).

Cette satisfaction des bénéficiaires, selon la perception des participants, serait en


lien avec la valeur créée par les projets auxquels les ONG québécoises participent en tant
que partenaires extérieurs. Sans émettre un jugement sur les raisons de la satisfaction des
bénéficiaires directs, on peut seulement constater deux choses. Premièrement, l' obligation
pour le partenaire d'être crédible ; ainsi, il doit répondre aux besoins des bénéficiaires pour
que, lorsqu'ils seront interrogés, ils disent qu'ils sont satisfaits. Deuxièmement, la capacité
du partenaire a bien représenté le bénéficiaire. On comprend par là une prise en charge des
desiderata des bénéficiaires directs par leurs représentants, les partenaires.

L'analyse selon laquelle la participation des bénéficiaires à 1'évaluation des proj ets
est interactionniste indirect ement n' écarte pas les autres 40 % des participants, car
l'insatisfaction des bénéficiaires serait, selon leur perception, liée à la problématique des
actions collectives, comme l 'explique ci-dessous le participant B

«Je n'ai pas d'histoire à succès en Hafti. Même si je travaille longtemps


en H afti. J'ai des histoires à succès ailleurs. Ça s 'explique par l'histoire
particulière d'H aïti. L 'ambiguïté c'est que chacun, en H aïti, veut sauver
sa peau à court terme, mais ne veut pas développer H aïti. Ils veulent
chacun savoir qu'est-ce que moi je vais tirer, qu'est-ce que cela va
m'apporter à moi. )) (Répondant B).

Pour d 'autres, c' est la corrélation négative entre les besoins des bénéficiaires, leur
budget et 1'irresponsabilité de 1'Ét at qui en est la cause.

« Il y a énormément de besoins. En Haïti, on aurait besoin de cinq fois


p lus de budgets et de cinq fois plus de personnes. Quand on tombe dans
93

le développement, X s'intéresse au développement du système de santé,


mais la limite à ne pas franchir c'est de faire le travail que le
gouvernement devrait faire. »(Participation D).

5.2.2 PERCEPTION DE L'AUTONOMIE DES PARTENAIRES

Lors de la collecte des données sur le terrain, nous avons voulu connaître la
perception des répondants quant à l'autonomie que la nouvelle forme d'organisation basée
sur l'entente partenariale confère aux partenaires. À cette question, la majorité des ONG
participantes, soit 80 %, perçoit positivement le pouvoir d'agir des ONG haïtiennes locales.
Effectivement, nous avons constaté une très grande autonomie de la part des partenaires
haïtiens concernant leur pouvoir d'agir au sein des organisations. Ils jouent, étant les
représentants des bénéficiaires directs qui, eux, sont membres d'une communauté, un rôle
important dans le processus de leur autonomie afin qu'ils favorisent celle de leur
communauté. De plus, en lien avec la perception des ONG québécoises vis-à-vis de
l'autonomie des partenaires haïtiens, notre interprétation nous a permis d'identifier ces
quatre composantes essentielles à leur autonomie, telles que présentées par Ninacs (2008,
p. 59) dans son ouvrage intitulé « Empowerment et intervention: développement de la
capacité d'agir et de la solidarité »:

1) Les compétences : La mise en commun de toutes les connaissances et les habiletés


des individus à l ' intérieur de l'organisation partenaire;
2) La reconnaissance : Le cheminement par lequel le partenaire arrive à reconnaître sa
propre légitimité et ses compétences. L'attestation de cette reconnaissance provient
en premier lieu de la façon dont ces membres perçoivent l'organisation et, en
deuxième lieu, de 1'accueil et du soutien du milieu ;
3) La conscience critique : La capacité d'analyser des partenaires quant à la
clarification pour leurs membres et pour la population.
94

5.3 PERCEPTION DES PARTICIPANTS PAR RAPPORT AUX PROCÉDURES


D'ÉVALUATION

À la question de savoir comment les répondants jugent les éléments de procédure


d'évaluation, entre autres, l'exploitation des résultats, l'impact sur les décisions et les
indices d'appréciation. Le point de vue recueilli indique ce qui suit. En ce qui concerne
l'exploitation des résultats, la perception qu'ont les participants tend vers une très grande
satisfaction. Dans chacun des cas, ils estiment que les résultats sont exploités en profondeur
et qu'ils en font bon usage. Par ailleurs, ils affirment, également, que leurs pratiques sur le
terrain se sont beaucoup améliorées grâce à ceux-là. Pour eux, du fait que le but de
l'évaluation consiste à corriger, à apprendre, à s'ajuster, etc., en quelque sorte, il faut que
les résultats soient exploités avec beaucoup de rigueur pour y répondre. Les témoignages
des participants rejoignent l'affirmation de Boutanquoi (2012) pour qui« l'évaluation est
un construit avec les professionnels, un moment de production de connaissances » (p. 132).
À cet effet, les participants affirment que les résultats des évaluations effectuées leur ont
permis d'acquérir les connaissances et les compétences nécessaires afin de mieux adapter
leurs interventions sur le terrain.

Quant à l'impact des évaluations sur les décisions que prennent les ONG, tous les
participants partagent la même perception : ils en sont entièrement satisfaction.
L'explication qu'ils donnent de celle-ci rejoint la définition de Boutanquoi (2012) selon
laquelle l'évaluation est un moment de questionnement et de réflexion sur des situations
qu'on veut comprendre. Selon eux, une fois que l'inconnu est connu, il convient à
l'organisation mère et aux partenaires de bien analyser les recommandations émanant des
résultats de l 'évaluation afin de prendre des décisions éclairées. Et, celles-ci se prennent
conjointement avec les partenaires dans certains cas d'évaluation interne ou de bilan
programmation ou d'évaluation externe (4/5). Dans d'autres, où l'organisation intervient
directement auprès des bénéficiaires, comme celui de l 'organisme D, il revient au siège de
prendre les bonnes décisions et de s'assurer que les indicateurs de suivis soient respectés.
95

Néanmoins, pour ce qui a trait à l'évaluation interne, seulement un des participants


perçoit l'impact des évaluations sur les décisions peu satisfaisantes. Cela s'explique par le
fait que c'est son représentant en Haïti et ses partenaires haïtiens qui prennent les décisions
pour ensuite lui en faire part. Il avoue que les décisions prises par ceux-ci ne sont pas
toujours les bonnes et que, parfois, c'est là qu'il intervient pour demander une évaluation
externe, comme explique son témoignage :

«Parfois ça arrive que les décisions ne sont pas les bonnes. Par exemple, on
a financé un projet X Le projet était une catastrophe. Ils, les partenaires et
notre représentant, ont décidé, suite à leur évaluation, qu'il fallait le fermer
parce que ça ne donnait rien. Nous, avons envoyé quelqu'un faire la
vérification. Après, les résultats étaient quel 'information qu'ils ont donnée par
rapport au projet X n'était pas bonne. Ils n'avaient pas vraiment de
connaissance là-dedans. Donc, cette vérification-là nous a permis de prendre
de bonnes décisions et de remettre sur pied le poulailler. Parce que dans son
groupe, la représentante responsable, il y a du monde qui est consciencieux
qui a du jugement, mais elle, ellen '[en] a plus. >>(Participant C).

Ajoutons que la procédure pour prendre de bonnes décisions dans le cas d 'une
évaluation externe ne s'éloigne pas trop de celle de l'évaluation interne. Cependant, comme
l'explique le participant A, une fois qu'ils ont les résultats de l'évaluation, il y a un devoir
d'analyse qui revient au partenaire et à lui pour statuer sur les recommandations à retenir.

« Mettons qu'un évaluateur nous fait une évaluation avec 12


recommandations; il y a certaines qu'on peut comprendre le bien-fondé,
mais on ne veut pas travailler de cette façon-là. Par contre, il y a
certaines qu'on va faire. Il y a un devoir d'analyse des recommandations
qui revient au mandataire et au partenaire. »(Participant A).

En ce qui a trait aux indices d'appréciation utilisés dans la procédure d'évaluation,


la majorité (4/5) des ONG participantes ont la perception qu'ils sont toujours bien définis
et précis pour pouvoir correspondre avec la problématique. Elles ont également une
perception très positive par rapport à la façon dont elles procèdent pour les définir soit
conjointement avec leurs partenaires haïtiens. Un seul participant perçoit négativement la
façon dont les indices d'appréciation sont définis. L'aspect négatif est qu'il soit contraint
d'utiliser le tableau d'indicateurs fourni par le bailleur de fonds.
96

Malgré cela, il perçoit positivement la façon dont lui, son représentant et son
partenaire s'arrangent pour préciser comment interpréter chaque indicateur sur le terrain.
En dépit de tout, il n'a pas la perception, même après qu'ils aient été précisés, que les
indicateurs sont toujours bien suivis par son représentant et son partenaire, comme il
l'affirme dans son témoignage:

« Comme je dis tantôt, on servait des tableaux qui étaient fournis par X
(le nom du bailleur). Les indices sont tout de même assez larges. C'est
nous-mêmes qui avons à définir plus précisément dans le concret
comment ça s'interprète sur le terrain. De la façon dont on les définit, je
suis satisfait. On fait tout ça avec notre partenaire là-bas. En général ils
(partenaire et représentant) avaient [à] nous donner les informations
justes. Là où on n'était pas satisfait, c'est quand on n'avait pas
l'information complète ou quand c'était mal comprise. »(Participant C).

5.4 PERCEPTION DES PARTICIPANTS PAR RAPPORT AUX AMÉLIORATIONS


À APPORTER DANS LEUR FAÇON DE FAIRE

Afin de connaître la perception des participants par rapport à l'efficacité de leur


façon de faire l'évaluation et les améliorations à y apporter, si nécessaire, nous leur avons
demandé s'ils ont la perception que ces facteurs, entre autres, les procédures d'évaluation,
les acteurs, les institutions locales et le coût de 1'évaluation doivent être changés, améliorés
ou non pour améliorer 1'efficacité de l'évaluation. Là encore, la majorité d'entre eux, bien
que satisfaite, estimait qu'il y avait encore du travail à faire. En ce qui concerne les
procédures d'évaluation, la perception de la majorité des ONG participantes (80 %) s'est
révélée être négative. Cette perception négative sur les procédures concerne d'abord leur
rapport avec leur bailleur de fonds (dans 40 % des cas) soit avec la façon dont celui-ci les
évalue soit la contrainte de fonctionner comme celui-ci l'exige soit encore la dépendance
vis-à-vis du bailleur de fonds, selon les témoignages de ces deux participants :

«Celle-ci [l'évaluation] peut être importante si elle questionne. Pas que


l'externes 'en va avec ses préjugés après ça il écrit un rapport au bailleur
de fonds. Elle peut être intéressante si elle questionne ceux qui mettent
en œuvre c.-à-d. des gens comme moi et mes partenaires en disant: moi,
j'ai vu telle chose ailleurs avez-vous pensé à telle affaire? >>(Participant
B).
97

«Nous même, on a gardé les évaluations que X (bailleur) nous demande.


On fonctionne comme si on était contraint de fonctionner comme il
1'exigeait. Il a un guide et on utilise le même guide. Maintenant, on est
comme un peu en attente parce que ça peut arriver que X (bailleur) ou Y
(bailleur) nous arrivent avec une approche différente. À ce moment-là,
nous, on n'a pas le choix, on va être obligé des 'ajuster .... On devient
plus dépendant de nos partenaires. Dans ce qu'il nous demande, c'est
tellement large. Parce que c'est fait par des experts, ces formulaires
d'évaluation là. Ils couvrent même des aspects qui n'ont pas besoin
d'être couverts. Avant même que la subvention ne soit accordée, il faut
dire de quelle façon qu'on va faire l 'évaluation. >> (Participant C).

L'insatisfaction des autres 40% concerne soit la mise en application des outils
d'évaluation, soit l'insuffisance de ressources financières et humaines soit encore un
manque de capacité financière,

« Tous les outils sont en place pour faire de bonnes évaluations. Tous les
outils sont là, mais c'est dans l'utilisation que ça devient très complexe.
Au jour le jour, la réalité sur le terrain fai t qu 'on manque de temp s. C 'est
plus la mise en pratique de bons standards que de changer les façons de
faire comme telles. L es rapports d'évaluations sont trop volumineux pour
pouvoir les lire. » (Participant D).

«On n'a pas d'autre méthode. Quand il va là-bas, il prend des photos.
Si, lui, il était photographe de métier, ça serait meilleur parce que, des
fois, il prend des photos on les regarde et on ne voit pas bien qu 'est-ce
que c 'est. Il y a des photos qui parlent moins que d'autres. Alors, Dieu
merci qu'il prend beaucoup de photos. L es résultats sont quand m ême
bien exploités. » (Participant E).

Parmi les participants, un seul avoue être pleinement satisfait des procédures
d'évaluation de son organisme, c' est le cas du participant A :

«Nos procédures d'évaluation, je pense qu'on peut les garder. M oi, j e


suis satisfait. M oi, j e suis satisfait de notre f açon de dire on va faire
1'évaluation qu 'on a besoin. J e pense que dire il faut toujours, par projet,
fai re une évaluation ou dire son contraire, étant donné la taille de
l'organisme et le nombre de projets, de partenaires que nous avons, dire
de façon systématique que nous allons faire l 'évaluation de tous nos
projets c 'est un travail qui est trop grand et trop cher.
98

Et moi, je préfère mettre mon argent dans d'autre chose qui aide les gens
sur le terrain en Hafti, en Colombie, aux Philippines plutôt que payer
des consultants.
Par ailleurs, nous et d'autres organisations que je connais, on ne voit
pas l'intérêt et le bénéfice réel soit de demander au partenaire de faire
auto-évaluation, soit de demander au personnel d'ici, de façon interne,
d 'être à lafoisjuge et partie de leur travail. Oui, je pense que nous avons
de bonnes politiques ; pour le moment, on les garde. » (Participant A).

Pour ce qui concerne les acteurs, ils ont une perception négative vis-à-vis de leur
implication. Cette perception se traduit soit par une déception par rapport à leur mentalité
à vouloir combler leurs intérêts personnels à court terme soit par un mauvais jugement de
leur part qui considère l'évaluation comme un contrôle. À ceux-ci le participant B et A
affirment:

«Je n'ai pas d'histoire à succès en Haïti. L'ambiguïté c'est que chacun,
en Haïti, veut sauver sa peau à court terme, mais ne veut pas développer
Hafti. Tu arrives avec un projet de développement, mais ils ne veulent
pas le développement. Ils veulent chacun savoir qu 'est-ce que moi j e vais
tirer, qu 'est-ce que cela va m'apporter à moi. )) (Participant B).

« [. .. ] pour beaucoup des gens, il y a la peur, comme si on était de la


police qui allait vérifier. Quand on parle d'une évaluation et encore p lus
quand on p arle d'une vérification, les partenaires locaux comprennent
quelque chose qui n 'est pas dans notre intention ni dans notre esprit, qui
serait une volonté de contrôler. Ça, nous essayons d 'expliquer à chaque
fois au p artenaire que ce n'est pas le cas pour nous. Les gens ont un peu
peur, et à ce moment-là, on n'arrive pas à avoir le meilleur possible. ))
(Participant A).

En ce sens, les participants ont la perception qu' il doit y avmr une pnse de
conscience et un dépassement de soi de la part des acteurs dans le but de f avoriser de
meilleurs résultats de 1' évaluation et de 1' aide au développement. Ils insistent sur la
nécessité de former les acteurs afin qu 'ils développent leur sens du leadership, leur
jugement et leur capacité à l'autocritique dans leurs décisions. De plus, ils devraient
comprendre également ce qu' est une entente partenariale afin qu' ils ne conçoivent plus
l'évaluation comme un processus de contrôle, mais comme l' outilleur permettant de bien
gérer 1'organisation locale.
99

Quant aux institutions locales, les ONG participantes ont une perception négative
qm s'explique, premièrement, par une faillite de l'État haïtien dans ses fonctions
régaliennes, car celui-ci se décharge de ses responsabilités sociales au bénéfice des ONG
(Castel, 2003). Et, normalement, c'est aux gouvernements qu'il revient, de fournir «les
environnements macro-institutionnels dans lesquels le développement peut se produire»
(Ostrom, 2012, p. 6). Afin de rendre moins complexe et précaire leurs interventions, les
ONG participantes estiment qu'il serait souhaitable que 1'État haïtien prenne ses
responsabilités, le témoignage de ce participant confirme cela :

« Il y a eu des problèmes de confrontation avec les partisans de deux


partis politiques, à cause les élections. Ces gens ont saboté le système
d'eau et, depuis, on commence à recevoir des cas de choléra qu'on
n'avait presque plus parce que la population n'a plus accès à l'eau
potable. Et là, on doit recommencer pour permettre aux gens d'avoir
accès à 1'eau potable. Tu vois, on est obligé de recommencer à résoudre
le même problème qui était déjà résolu. Donc, on ne peut pas passer à
autre chose. S'il y avait de la sécurité... il faut l'État fasse son travail. »
(Participant E).

Deuxièmement, les participants perçoivent négativement le manque d'institutions


spécialisées dans les domaines de gestion, d'évaluation et autres. En effet, beaucoup
d'entre elles priorisent les ressources locales, mais parfois elles n ' arrivent pas à trouver
une firme qui serait en mesure de leur fournir un évaluateur externe. Ils recommandent
qu'il y ait des institutions haïtiennes spécialisées dans des domaines connexes à leurs
champs d'intervention afin de pouvoir trouver et utiliser les ressources haïtiennes, comme
le participant A 1'exprime :

« Au niveau des acteurs c'est intéressant ça serait de développer des


réseaux de consultants d'avance plutôt qu y aller; nous, à l'organisme,
nous avons une philosophie qui met d'abord en valeur les ressources
locales. >> (Participant A).
100

Par rapport au coût des évaluations, leur perception est très positive. D'abord il n'a
aucun impact sur la qualité ou sur le nombre d'évaluations à effectuer par projet, car le
choix de l'un ou de l'autre type d'évaluation, interne, externe, bilan programmation, etc.,
ne lui est nullement tributaire. Ensuite, il n'y a pas des barèmes internationaux pour le
salaire d'un évaluateur, le coût est négociable.

Au terme de ce dernier chapitre portant sur la perception des employés sur les
éléments de l'évaluation des projets précités au chapitre cinq, nous retenons que
l'évaluation ne fait pas peur aux ONG contrairement à ce que fait croire l'opinion publique.
Elle est perçue comme un outil de gestion indispensable à la réussite de toute intervention.
Néanmoins, une bonne collaboration de tous les acteurs rendrait plus efficacité les
évaluations, ce qui entraînerait de meilleurs résultats de 1'aide au développement. Les
résultats de la recherche étant exposés, la conclusion de ce travail de recherche suivra. Elle
fait la rétrospective, entre autres, des éléments à retenir, des limites et les perspectives de
recherche.
CONCLUSION

Cette recherche poursuivait deux objectifs, d'abord, celui d'identifier et décrire les
pratiques d'évaluation des activités de l'aide au développement au sein des organismes
humanitaires québécois en Haïti depuis 2005. Ensuite, celui de cotlllaître la perception
d'employés (salariés et bénévoles) des organismes humanitaires participants à notre
enquête sur l'évaluation des projets d'aide au développement en Haïti. Les ONG
participantes répondaient toutes aux deux critères établis voulant que l'ONG ait au moins
10 ans d'expérience en Haïti et qu'elles soientrecotlllues comme un OBNL au Québec. De
plus, les répondants correspondaient également à nos critères d'ancienneté et à ceux du
poste du répondant, conformément à la description faite au point 3.2.2.6.

Concernant les employés qui ont été interviewés, les résultats ont démontré, selon
leur portrait sociodémographique qu' ils sont tous des personnes expérimentées, ayant
faites des études universitaires et ayant une excellente connaissance des dossiers et
possiblement des pratiques d 'évaluation concernant les activités d'aide au développement
en Haïti. Cette recherche était menée auprès de cinq organismes québécois ce qui ne nous
donne pas la possibilité de faire une généralisation. Toutefois, nous pouvons avancer que
si les employés des autres organismes québécois œuvrant dans le domaine de l'aide au
développement en Haïti ont ce même profil, contrairement à ce que dit 1' opinion publique,
nous avancerions, sans hésitations, que le persollllels cadres des ONG sont des
professionnels éduqués qui ont beaucoup de connaisses dans le domaine de l'évaluation de
1' aide au développement.

En ce qui a trait au premier objectif qui consistait à identifier et à décrire les


pratiques d'évaluation au sein des ONG participantes, les résultats nous ont permis de
décrire sept sous types d'évaluation utilisés par les ONG participantes soit 1'évaluation
interne formelle et l'évaluation interne informelle, l ' évaluation externe formelle et
l'évaluation externe informelle, les audits, la contre-évaluation et le bilan programmation.
102

Ces sept sous types d'évaluation, ont été catégorisés en trois grands types selon la
façon dont les organisations les faisaient, nous citons : l'évaluation externe qui comprend
l'évaluation externe formelle et informelle et les audits ; l'évaluation interne qui inclut
l'évaluation interne formelle ou informelle et la contre-évaluation et, enfin, l'auto-
évaluation qui comprend le bilan programmation. Pour 80 % des ONG, deux des grands
types d'évaluations précités se font concomitamment. On peut aussi retenir que
l'évaluation interne est la plus utilisée pour trois raisons : 1) la capacité du personnel à la
réaliser avec succès; 2) la connaissance que l'organisme mère a des partenaires locaux et
3) son faible coût. À part l'évaluation interne, en deuxième position les ONG recourent
(dans 60% des cas) à l'évaluation externe, et ce, pour deux raisons principales : 1) lorsque
les ONG locales ont besoin de beaucoup plus de recul pour scruter avec plus d'attention
les réalisations sur terrain et 2) quand la situation requiert une expertise plus pointue dont
l'ONG locale ne disposerait pas.

Des résultats de la recherche, nous retenons aussi que lors de n'importe quel type
d 'évaluation, la participation interactionniste est privilégiée dans quatre cas sur cinq. Si les
autres ONG travaillant en Haïti ont les mêmes caractéristiques que celles de quelques ONG
québécoises qui ont répondu à l'entrevue semi-dirigée, nous pouvons induire que les ONG
qui apportent de l' aide au développement à la population haïtienne n'interviennent pas
directement auprès des bénéficiaires pendant 1'activité d'évaluation ; elles laissent faire les
partenaires locaux ou leurs mandataires y collaborent au besoin. Cette façon de travailler
est en lien direct avec le fait que 60% des ONG québécoises ne mettent en œuvre
directement aucun projet sur le terrain haïtien. Ce sont plutôt leurs partenaires, des
organisations locales haïtiennes, à qui elles fournissent les ressources nécessaires, qui
assurent la mise en œuvre des projets.
103

Pour terminer, cette recherche avait aussi pour but de présenter les perceptions des
répondants sur les différents types ou pratiques d'évaluation, la faisabilité de l'évaluation
; la perception des procédures d'évaluation en tenant compte de l'exploitation des résultats,
l'impact sur les décisions et les indices d'appréciation relatifs à l'évaluation. À ce sujet, un
constat s'est dégagé: il ne peut pas avoir de projets et même d'organisations sans
évaluation, car celle-ci est indispensable à toute bonne intervention. La première
justification, en se basant sur les données recueillies auprès des ONG participantes, elles
en font plusieurs par projet. La deuxième, est le fait que toutes les organisations mères
(ONG québécoises) ont la conviction que leur façon de faire l'évaluation s'inscrit dans une
approche interactionniste qui, a leurs yeux, est la meilleure, car une évaluation
interactionniste sous-entend un partenariat égalitaire entre les acteurs impliqués dans
l'évaluation d'un projet de développement. Nonobstant cette perception positive, les
participants admettent qu'il existe certains aspects du processus d'évaluation qui sont à
améliorer pour favoriser de meilleurs résultats.

Nous prenons les améliorations mentionnées par les participants comme des
recommandations de cette étude. Elles sont au nombre de quatre : 1) une prise de
conscience des différents acteurs afin qu'ils ne recherchent plus leurs propres intérêts, mais
ceux de la communauté, car cela améliorerait l'efficacité de l'évaluation et celle de l'aide
au développement tout entière; 2) l ' importance pour l'État haïtien de prendre ses
responsabilités en ce qui a trait à ses fonctions régaliennes et à sa capacité à répondre aux
besoins primaires de la population; 3) l'importance de former les partenaires locaux afin
qu'ils développent un sens du leadership, du jugement, de l 'autocritique dans leurs
décisions, qu 'ils comprennent également que l 'évaluation n 'est pas un moyen de contrôle
et qu' ils soient formés aussi sur l'entente partenariale; 4) nécessité d'avoir des entreprises
ou des institutions spécialisées dans les domaines connexes aux champs d'intervention des
ONG afin qu'elles puissent trouver et utiliser les ressources du pays.
104

Pour clore ce mémoire, nous tenons à souligner les limites de cette étude et les
perspectives. En premier lieu, nous avons trouvé peu de publications dans la littérature sur
la perception d'employés des organismes humanitaires de développement sur l'évaluation
de leurs activités. Alors, pour parvenir à produire une connaissance rigoureuse, il était
inévitable d 'explorer et de co-construire la réalité du phénomène de l 'évaluation de l'aide
au développement apportée par les ONG dans les pays en voie de développement dont
Haïti est un cas particulier, car il reçoit l'aide des ONG internationales, notamment celles
des ONG québécoises. Le choix du cadre méthodologique s'inspire du principe de la co-
construction qui consiste à mettre en valeur l'implication d'une pluralité d'acteurs dans
l'élaboration et la mise en œuvre d'un projet ou d'une action (Akrich, Barbier, Blondiaux
et al., 2013). Une des autres limites de cette étude concerne le choix du sujet de recherche.
En effet, nous y avons priorisé uniquement la participation des organismes québécois. Cela
ne nous a pas permis de comparer les pratiques et les perceptions des organismes entre les
provinces canadiennes ou entre plusieurs pays. Nous aurions pu vérifier si, entre
organismes de provinces ou de pays différents, les pratiques sont similaires ou très
dissemblables. Aussi, serions-nous en mesure de vérifier quels types d'évaluation sont les
plus utilisés par les ONG et s'ils sont exploités de la même façon.

Sur le plan de la méthodologie, la recherche est aussi limitée. Comme nous 1' avons
expliqué dans le troisième chapitre, nonobstant toutes les techniques que nous avons
utilisées afin de recruter le plus grand nombre de participants possibles, seulement cinq ont
accepté de collaborer. Avec un nombre restreint de participants, la possibilité de
comparaison est nettement réduite, car nous avons constaté qu'ils ont chacun leur
philosophie. Probablement que, sur une plus grande population, ce serait possible d'en
rencontrer certains qui se ressemblent, mais nous n 'étions pas en mesure de le faire malgré
nos multiples sollicitations auprès d'une vingtaine d'ONG québécoises qui ont des activités
sur le sol haïtien. En effectuant les entrevues avec les représentants des ONG participantes,
nous avons constaté une autre limite. Cette fois-ci, elle concerne les acteurs. En effet, les
organismes québécois n'interviennent pas directement auprès de la population haïtienne
(bénéficiaire) dans la majorité des cas (80 % ). Ce sont leurs partenaires locaux (ONG locale
haïtiennes), qui assurent la mise en œuvre des projets et même leur évaluation.
105

Ce faisant, le pouvoir est partagé à parts égales entre les partenaires qui sont les
bénéficiaires directs ou indirects et les organisations mères qui se trouvent au Québec. En
principe, il fallait aussi interviewer un échantillon des organismes locaux en Haïti, mais les
moyens financiers ne nous ont pas permis de faire des voyages que le mode de cueillette
des données (entrevue) nécessitait. Nous avons interrogé seulement les ONG mères, celles
qui ont leurs sièges au Québec. Par conséquent, les résultats de cette recherche sont basés
spécifiquement sur leur perception en tant que partenaire et bailleur des fonds. Une fois de
plus et dans une perspective à venir, ce serait plus intéressant de vérifier les perceptions
avec les partenaires haïtiens afin de pouvoir comparer les points de vue de tous les acteurs
ou ceux, du moins, des acteurs principaux afin d'en dégager des Pistes de recherche et de
nouvelles hypothèses.

Enfin, pour les sciences de la gestion, cette étude, bien que nous n'ayons interrogé
qu'un échantillon réduit (n=5), contribuera à orienter les discussions sur l'évaluation faite
par les ONG dans le cadre de l'aide au développement en Haïti en ce qui a trait à la façon
de faire 1'évaluation. Elle donnera, entre autres, une vision des partenaires impliqués dans
le processus d'évaluation ainsi que le type d'évaluation le plus utilisé ou le moins utilisé
dans les ONG comme nous l 'avons présenté aux tableaux 6 et 7. Contrairement à ce que
nous entendons de 1'évaluation faite par les ONG dans les journaux, les médias et même
ce que nous lisons dans certains articles, cette étude sur la perception des ONG de
l 'évaluation qu'elles effectuent contribuera à l'avancement de la science dans le sens que
les résultats sur le terrain attestent, selon la perception de nos cinq ONG participantes,
l'importance, l'appréciation et la raison d'être de l 'évaluation dans ces organismes.
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http: //donnees. banquemondiale.org/indicator/SE.ADT. LITR.ZS ?locations=HT

Vanderstichele, G ., R obert, A., Brouillet, P. et Huguenin, V. (2011 ). Évaluation ex post de


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Vitrai, L. (2008). Les organisations non gouvernementales dans la régulation de


l'économie mondiale. Paris: L'Harmattan.

Volkov, B. B. (2011). Internai evaluation a quarter-century later: A conversation with


Arnold J. Love. New Directions for Evaluation, 2011 (132), 5-12.
ANNEXES
Annexe 1 : G1ille d'entrevue

UNIVERSITÉ DU QUÉBEC EN ABITIBI TÉMISCAMINGUE

PROGRAMME DE MAITRISE EN GESTION DES ORGANISATIONS


CAMPUS ROUYN-NORANDA

OBJECTIF : Dans le cadre de la réalisation de mon travail de recherche intitulé :


Évaluation des activités de développement des organismes humanitaires québécois en Haïti
depuis 2005», une série d'entrevues doit être réalisée afin de corroborer ou confronter les
pratiques réelles aux attentes théoriques. Il faut pour cela, un avis des experts, des
personnes ayant de l'expérience dans le domaine.

Quelques consignes :

1- Pour garantir l'anonymat, les répondants ne seront pas dans l'obligation de donner
leur nom et leur prénom.
2- La m ême grille d'entrevue sera utilisée pour tous les répondants.
3- Un formulaire de consentement sera annexé à la grille d 'entrevue.

I- FICHE SIGNALÉTIQUE
1) Genre du répondant
a) Féminin
b) Masculin
2) Nombre d'années d'expérience au sein de l 'organisation.
3) Nombre d'années d'expérience de travail en Haïti
4) Domaine de spécialisation sur le terrain
5) Groupe d'âge d'appartenance
a) -25 ans
b) 25-34 ans
c) 35-44 ans
d) 45-54 ans
e) 55 et plus
6- Scolarité terminée
a) Secondaire
b) Collégial
c) Universitaire
d) Sans scolarité, mais expérience approuvée

II- ACTIVITÉ D'ORGANISMES HUMANITAIRES QUÉBÉCOIS EN


HAÏTI
1) Depuis combien de temps que l'organisme est implanté en Haïti?

2) Les activités de 1'organisme sont-elles cycliques ou permanentes?


3) Précisez les domaines de spécialisation de l'ONG en Haïti?
4) Quels sont les budgets annuels (approximatifs) de l' ONG
5) Dans quelle activité consacrez-vous plus de temps et de ressources (financières,
humaines, etc.)
6) Quelle perception avez-vous du budget par rapport aux activités que vous
réalisez?
7) Les activités sont-elles satisfaisantes pour les ressources humaines et pour la
population?
8) Prévoyez-vous des périodes d'évaluation. Si oui, comment les faites-vous ?
a) Interne, externe, auto-évaluation;
b) Implication complète des bénéficiaires, implication partielle des
bénéficiaires, non-implication des bénéficiaires.
9) Ces évaluations sont faites par qui?
lO)Le moment choisi pour l'évaluation est-il primordial ? Si om, quel est le
meilleur moment ?
11) Quels sont les rôles des différents acteurs dans 1'évaluation ?
12) Les évaluations que vous faites actuellement, vous ont-elles permis d'améliorer
vos pratiques sur le terrain?
13) Ces évaluations, vous ont-elles permis d'avoir des résultats positifs à celles
d'avant?
14) Faut-il maintenir ou changer les politiques d 'évaluation selon vous?
15) Quelle importance donnez-vous à ses évaluations?
16) Quelle remarque faites-vous aux procédures d'évaluation de l'organisme par
rapport à:
a) L'exploitation des résultats
b) L'impact sur les décisions
c) Les indices d'appréciations
17) Si il y a des choses à changer, lesquelles ? (Au niveau des procédures, des
acteurs, des institutions locales, au niveau du coût de 1' évaluation, et c.)

III- Avez-vous d'autres élém ents à ajouter concernant la façon que vous percevez
l 'évaluation des activités de développement de l' organism e? Si oui pouvez-
vous nous les indiquer ?

Merci de votre participation


Annexe 2 :Lettre d'invitation

Rouyn-Noranda, le 13 octobre 2015

Nomdel'ONG
Adresse de 1'ONG

Objet: Demande d'autorisation pour collecter les données auprès de membres de


Concertation Haïti - Travail de recherche

Titre de la recherche : «Évaluation des activités de développement des organismes


humanitaires québécois en Haïti depuis 2005 ».

Madame, Monsieur,

Dans la cadre de son mémoire de maîtrise en gestion des organisations à l'Université du


Québec en Abitibi-Témiscamingue, l'étudiante Lunise Alexandre, qui travaille sous ma
supervision, mène une recherche scientifique sur le sujet mentionné ci-dessus. Le protocole
de recherche, la recension des écrits et les autres préalables sont réalisés. Il ne reste que la
partie collecte de données pour compléter son analyse sur les perceptions et l'évaluation
des activités humanitaires réalisées par des organismes comme la vôtre dans le but de venir
en aide à la population haïtienne.

L'aboutissement d'une telle recherche participera à la reconnaissance des efforts louables


que fournissent tant d'organismes à but non lucratif pour relever le défi du développement
humain en Haïti. L'étudiante Lunise Alexandre a maintenant besoin de descendre sur le
terrain afin de s' entretenir avec vous, les acteurs et actrices du développement en Haïti,
dans le but de recueillir des données auprès de votre organisme sur : les perceptions des
activités, les façons de faire, liées à vos expertises et surtout les différentes pratiques que
vous utilisez dans le processus d'évaluation de vos activités en tant qu'organisme
humanitaire qui a déjà œuvré ou qui œuvre encore en Haïti.

Puisque l'approche de recherche utilisée est à la fois descriptive et constructiviste, cela


nécessite que 1' étudiante rencontre quelques membres du personnel qui peuvent donner
leur avis sur comment vous faites à l'interne pour procéder à l'évaluation de vos activités
sur le terrain en Haïti, vos points forts et ceux qui peuvent être améliorés, vos coups
gagnants, etc. Pour ce faire, l'étudiante pourra procéder à deux ou trois entrevues semi-
dirigées avec les personnes susceptibles de lui donner cette information du fait d'avoir
organisé ou d'avoir participé à au moins une activité d' évaluation de vos réalisations en
Haïti. Le tout pourra être complété par un accès à la documentation disponible chez vous.
Conséquemment, nous vous adressons par la présente une demande d'autorisation afin de
réaliser cette collecte de données. Nous vous garantissons que le projet de recherche de
cette étudiante se fait dans un cadre universitaire strict et respectueux, car vous êtes
considérés comme des partenaires de recherche. Ce faisant, l'information nécessaire à
l'aboutissement de ce projet de recherche scientifique ne peut être recueillie sans votre
consentement éclairé. Par ailleurs, toute la démarche de collecte de données ainsi que la
diffusion des résultats, qui en découleront, respecteront scrupuleusement le principe de
confidentialité. Aucune information nominative ne sera divulguée, seulement les
indicateurs globaux, comme les mesures de tendance centrale seront publiées dans le
rapport de recherche qui vous sera soumis avant la grande diffusion.

Pour vous permettre d'étudier notre demande, vous trouverez ci-joint le formulaire de
consentement demandant 1' autorisation de recevoir des renseignements à des fins de
recherche, lequel est accompagné du résumé du protocole de recherche de l'étudiant tel
qu'approuvé par le comité scientifique du programme de formation de Lunise.

Vous remerciant à 1' avance de 1'attention que vous porterez à notre demande, veuillez
agréer, Madame, Monsieur, l'expression de nos sentiments les meilleurs.

Lunise Alexandre Augustin Ependa


Chercheure principale Directeur de recherche
Étudiante à la maîtrise en Professeur
gestion des organisations UER en développement humain et social
UQAT UQAT

(819) 763-9306 (819) 762-0971 poste: 2032


Lunise. Alexandre@uqat.ca Augustin. Ependa@uq at. ca
Annexe 3: Formulaire de consentement éclairé

TITRE DU PROJET DE RECHERCHE :Évaluation des activités de l'aide au développement


des organismes humanitaires québécois en Haïti depuis 2005
NOM DES CHERCHEURS ET LEUR APPARTENANCE: Lunise Alexandre étudiante à la
maîtrise en gestion des organisations à l'Université du Québec en Abitibi-
Témiscamingue (UQAT).
Aug!!stin EQenda directeur de recherche, Qrofesseur UER en dévelOQQement humain et
social AOAT

COMMANDITAIRE ou SOURCE DE FINANCEMENT :


Aucun

DURÉE DU PROJET : automne 2015 à automne 2016


CERTIFICAT D'ÉTHIQUE ÉMIS PAR LE COMITÉ D'ÉTHIQUE DE LA RECHERCHE DE
L'UQAT LE: [31 AOÛT 2015)

PRÉAMBULE:
Nous vous demandons de participer à un projet de recherche qui implique de participer à
une série d'entrevues. Avant d'accepter de participer à ce projet de recherche, veuillez
prendre le temps de comprendre et de considérer attentivement les renseignements qui
suivent.
Ce formulaire de consentement vous explique le but de cette étude, les procédures, les
avantages, les risques et inconvénients, de même que les personnes avec qui communiquer
si vous avez des questions concernant le déroulement de la recherche ou vos droits en tant
que participant.
Le présent formulaire de consentement peut contenir des mots que vous ne comprenez pas.
Nous vous invitons à poser toutes les questions que vous jugerez utiles à l'étudiante-
chercheuse et à lui demander de vous expliquer tout mot ou renseignement qui n'est pas
clair.

BUT DE LA RECHERCHE :
Ce travail de recherche a pour but d'évaluer les activités de développement des organismes
humanitaires québécois en Haïti depuis 2005. Nous poursuivons deux objectifs :
1) Identifier et décrire les approches d'évaluation des activités d'aide développement
au sein des organismes humanitaires québécois en Haïti depuis 2005.
2) Connaitre la perception d'employés (salariés et bénévoles) de ces orgamsmes
humanitaires québécois sur l'évaluation des projets d'aide au développement en
Haïti durant la même période.
DESCRIPTION DE VOTRE PARTICIPATION À LA RECH ERCHE: Dans le cadre de cette
recherche, il vous est demandé de participer à une série de deux à trois entrevues
individuelles de 45 minutes, audio-enregistrées, qui contribuera à l' atteinte des obj ectifs
mentionnés plus haut. Nous prévoyons commencer au début du mois de novembre. Les
questions auxquelles vous aurez à répondre porteront sur :
Les perceptions des activités.
Les façons de faire ces activités.
Les différentes pratiques utilisées dans le processus d' évaluation de vos activités.

AVANTAGES POUVANT DÉCO ULER DE VOTRE PARTICIPATION: Votre participation ne


vous donnera pas d'avantages directs. Par contre, elle permettra de produire de nouvelles
connaissances sur 1' évaluation de 1'aide au développement.
RISQUES ET INCONVÉNIENTS POUVANT DÉCOULER DE VOTRE PARTICIPATION: En
participant à cette recherche, vous ne courez aucun risque. Le seul inconvénient associé à
votre participation est le temps que vous allez nous accorder pour réaliser les entrevues.

ENGAGEMENTS ET MESURES VISANT À ASSURER LA CONFIDENTIALITÉ : nous nous


engageons formellement à garantir la confidentialité de toutes les informations que vous
aurez à nous communiquer. Tous les enregistrements des entrevues resteront confidentiels.
Ils seront conservés dans notre ordinateur protégé par un mot de passe. Seulement la
chercheuse, Lunise Alexandre, et son directeur de recherche, M. Augustin Ependa, auront
accès à ces données. Les enregistrements seront détruits après la transcription. Quant à la
transcription, elle sera détruite dans un délai maximum de deux ans après la publication
des résultats. Les fichiers d'analyses seront protégés par un mot de passe dans notre
ordinateur. Au moment de la rédaction, aucun nom ou titre ne sera mentionné et nous ferons
en sorte qu'aucune information ne contribue à l'identification de la personne qui l'aura
fournie. Après la rédaction du mémoire, les fichiers d'analyses seront détruits.

INDEMNITÉ COMPENSATOIRE : Aucune indemnité ne vous sera accordée pour participer à


cette recherche.

COMMERCIALISATION DES RÉSULTATS ET/OU CONFLITS D'INTÉRÊTS : Les résultats de


cette recherche ne seront pas commercialisés. Ils seront utilisés seulement aux fins du
travail de mémoire que nous réalisons. Nous déclarons ne pas être en conflit d' intérêts.

DIFFUSION DES RÉSULTATS : La recherche contribuera à la rédaction d 'un mémoire de


maîtrise en gestion des organisations. Un rapport sera envoyé à votre organisation et un
autre sera disponible à la bibliothèque de 1'Université du Québec en Abitibi-
Témiscamingue.

CLAUSE DE RESPONSABILITÉ : En acceptant de participer à cette étude, vous ne renoncez


à aucun de vos droits ni vous ne libérez les chercheurs, les institutions impliquées de leurs
obligations légales et professionnelles à votre égard.
LA PARTICIPATION DANS UNE RECHERCHE EST VOLONTAIRE:

Votre décision de participer à cette étude ou pas est volontaire. Et, elle n 'est aucunement
reliée à des préjudices ou bénéfices potentiels en lien avec votre emploi. Vous pouvez
refuser de répondre à une question avec laquelle vous ne vous sentez pas à 1' aise. Vous
pouvez aussi vous retirer à tout moment, sans avoir à justifier votre décision. Dans ce cas,
toutes les données vous concernant seront détruites si vous le désirez en autant que cela
soit possible selon l'avancement de l'analyse des données.

Pour tout renseignement supplémentaire concernant vos droits, vous pouvez vous adresser
au:

Comité d'éthique de la recherche avec des êtres humains


UQAT
Vice-rectorat à l'enseignement et à la recherche
445, boul. de l'Université, Bureau B-309
Rouyn-Noranda (Qc) J9X 5E4
Téléphone : (8 19) 762-0971 # 2252
maryse .delisle@uqat. ca

CONSE NTEMENT :

Je, soussigné(e), accepte volontairement de participer à l 'étude [Évaluation des activités


del 'aide au développement des organismes humanitaires québécois en H afti depuis 2005.].

Nom du participant (lettres moulées)

Signature du participant Dat e

Ce consentement ét ait obtenu par :

Lunise Alexandre
Nom du chercheur ou agent de recherche (lettres moulées)

Signature Date
QUESTIONS:

Si vous avez d'autres questions plus tard et tout au long de cette étude, vous pouvez
rejoindre:
Lunise Alexandre,
Étudiante à la maîtrise en
Gestion des organisations
445, boul. de l'Université, Bureau B
Rouyn-Noranda (Qc) J9X 5E4
Cellulaire: (819) 763-9306
Courriel: Lunise.Alexandre@uqat.ca

Ou
M. Augustin Ependa, Ph.D
Directeur de recherche
Professeur
UER en développement humain et social
UQAT
Tél. 819 7620971 poste : 2032
Courriel : Augustin.Ependa@uqat.ca

Veuillez conserver un exemplaire de ce formulaire pour vos dossiers.

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