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Polycopié du cours de
Logique et Arithmétique
Yves Stalder
Année 2010–2011
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Table des matières
Quelques avant-propos ii
i
ii TABLE DES MATIÈRES
Quelques avant-propos
Par leur relecture attentive et critique, François Martin et Marusia Rebolledo m’ont permis de
corriger de nombreuses fautes de frappe, et d’améliorer l’exposition des mathématiques contenues
dans ce polycopié. Je les remercie vivement pour leur précieuse collaboration.
Si vous découvrez des erreurs dans le texte, je vous remercie par avance de m’en faire part. Vous
pouvez m’écrire à l’adresse yves.stalder@math.univ-bpclermont.fr .
CHAPITRE 1
1. Le langage mathématique
Les phrases qui portent sur des objets mathématiques (on les appelle énoncés) peuvent être de
nature très différente, et il est très important de bien faire la distinction entre ces catégories.
Définir une nouvelle notion ou affirmer qu’un objet possède une propriété, ce n’est pas du tout
la même chose !
1.1. Les propositions. Les phrases les plus intéressantes sont les propositions. Une pro-
position affirme quelque chose ; il est sensé de se demander si elle est vraie ou fausse. Le but
d’un texte mathématique est de démontrer que certaines propositions, dont le contenu est jugé
intéressant, sont vraies.
On remarquera qu’une proposition peut très bien être fausse ! Parmi les exemples ci-dessus,
certaines propositions sont vraies et d’autres fausses. On admettra les deux principes suivants.
Principe de non contradiction. Une proposition ne peut pas être à la fois vraie et fausse.
Principe du tiers exclu. Toute proposition est vraie ou fausse ; il n’y a pas de troisième
possibilité.
Ces deux principes sont communément acceptés en mathématiques classiques, entre autres parce
qu’ils sont intuitifs. Il n’est pas impossible de les remettre en cause (certains le font d’ailleurs)
mais une discussion à ce sujet dépasserait très largement le cadre de ce cours !
1
2 1. EXPRESSION MATHÉMATIQUE ET RAISONNEMENT
1.2. Définitions et notations. Un texte mathématique n’est pas constitué que de propo-
sitions. On a besoin d’autres énoncés.
(1) On appelle suite de nombres réels une application de l’ensemble N dans l’ensemble R ;
Il est insensé de se demander si de telles phrases sont vraies ou fausses. L’exemple (1) introduit
le concept de suite de nombres réels ; c’est une définition. Dans l’exemple (2), le mot «soit»
indique qu’on va se fixer un objet mathématique (ici un nombre réel strictement positif) et lui
donner un nom (ici ε). Les phrases (3) et (4) sont des notations : elles expliquent qu’un symbole
(ou une combinaison de symboles) désignera un objet mathématique préalablement défini.
1.4. Opérations sur les propositions. Il existe des opérateurs logiques qui permettent
de construire des propositions (dites composées) à partir d’une ou plusieurs propositions.
1.4.1. La négation. Si P représente une proposition, on désigne par non(P ), non P ou ¬P la
négation de P . Cette proposition est par définition vraie si P est fausse et fausse si P est vraie.
Voici quelques exemples de négations :
P non P
6 < 7. 6 ≥ 7.
√ √
2 est rationnel. 2 est irrationnel.
L’ensemble E possède au moins 4 éléments. L’ensemble E possède au plus 3 éléments.
1. LE LANGAGE MATHÉMATIQUE 3
1.4.2. Les connecteurs «ou» et «et». On rencontre souvent des propositions telles que «n
est pair et satisfait n2 = 3.» ou «n ≤ 4 ou f (n) = 0.». Grâce aux connecteurs «ou» et «et», on
peut les décomposer en propositions plus simples : «(n est pair) et (n satisfait n2 = 3)» pour la
première et «(n ≤ 4) ou (f (n) = 0)» pour la seconde.
Considérons deux propositions P, Q. La proposition P ou Q est vraie dès lors qu’une (au moins)
des propositions P, Q est vraie ; elle est fausse si les propositions P, Q sont toutes les deux fausses.
La proposition P et Q est vraie si les propositions P, Q sont toutes les deux vraies ; elle est fausse
dans tous les autres cas.
Exemple 1.1. Supposons que P est la proposition «Tout nombre complexe est un nombre
réel.» et que Q est la proposition «On a 3 < 8.». La proposition P et Q est fausse, tandis que la
proposition P ou Q est vraie.
Exemple 1.2. Supposons que P est la proposition «Tout nombre rationnel est un nombre réel.»
et que Q est la proposition «On a 3 < 8.». La proposition P et Q est vraie, ainsi que la proposition
P ou Q.
On notera à ce propos qu’en mathématiques, le connecteur «ou» est inclusif : lorsque les deux
propositions P, Q sont vraies, la proposition P ou Q est vraie. Ceci est contre-intuitif pour cer-
tains, car «ou» a souvent un sens exclusif dans la vie courante. Lorsqu’un menu propose «fromage
ou dessert», vous ne pouvez le plus souvent pas avoir les deux !
1.4.3. L’implication. Considérons la proposition «Si x est un nombre rationnel, alors x2 est
un nombre naturel.». Elle est de la forme «Si P , alors Q», où P est la proposition «x est un
nombre rationnel» et Q est la proposition «x2 est un nombre naturel». Dans le cas où x est un
nombre rationnel, elle affirme que x2 est un nombre naturel. Dans le cas contraire, elle n’affirme
rien du tout. Autrement dit, notre proposition affirme qu’il est impossible que x soit un nombre
rationnel et que x2 ne soit pas un nombre naturel.
Supposons maintenant que P et Q sont deux propositions quelconques. La proposition (Si P ,
alors Q) est fausse lorsque P est vraie et que Q est fausse ; elle est vraie dans tous les autres
cas.
Au lieu de «Si P , alors Q», on peut dire «P implique Q» ou encore «P entraîne Q». Lorsque
P et Q sont constituées (presque) uniquement de symboles mathématiques, on peut aussi noter
P ⇒ Q. Par exemple (2 < x < 4) ⇒ (4 < x2 < 16).
Exemples. (1) La proposition «Si x est un nombre réel satisfaisant x > 2, alors on a
2
x > 4.» est vraie ;
(2) La proposition «Si x est un nombre réel satisfaisant x2 > 4, alors on a x > 2» est
fausse. En effet, on peut avoir x2 > 2 et x ≤ 2, par exemple si x = −3.
1.4.4. L’équivalence. On dit que deux propositions P et Q sont équivalentes lorsque P im-
plique Q et que Q implique P . Ceci signifie que les propositions P, Q sont soit toutes les deux
vraies, soit toutes les deux fausses. Lorque P et Q sont équivalentes, on dit que la proposition
4 1. EXPRESSION MATHÉMATIQUE ET RAISONNEMENT
1.5. Interactions entre les opérations. Avec les opérations vues à la section 1.4, on peut
construire beaucoup de propositions composées. On va maintenant voir les cas d’équivalence les
plus importants. Supposons que P, Q, R sont des propositions. On a les équivalences suivantes :
(1) P ⇐⇒ non(non P ) ;
(2) non(P et Q) ⇐⇒ (non P ) ou(non Q) ;
(3) non(P ou Q) ⇐⇒ (non P ) et(non Q) ;
(4) P et(Q ou R) ⇐⇒ (P et Q) ou(P et R) ;
(5) P ou(Q et R) ⇐⇒ (P ou Q) et(P ou R) ;
(6) non(P ⇒ Q) ⇐⇒ P et(non Q) ;
(7) P ⇒ Q ⇐⇒ (non P ) ou Q ;
(8) P ⇒ Q ⇐⇒ (non Q) ⇒ (non P ) ;
(9) P ⇒ (Q et R) ⇐⇒ (P ⇒ Q) et(P ⇒ R) .
A titre d’exemple, expliquons le point (3). La proposition non(P ou Q) est fausse lorsqu’une
au moins des propositions P, Q est vraie, et vraie lorsque les deux sont fausses. La proposition
(non P ) et(non Q) est vraie lorque les deux propositions non P, non Q sont vraies, et fausse lors-
qu’une au moins est fausse, ce qui revient au même. Par conséquent, on a (non(P et Q)) ⇐⇒
((non P ) ou(non Q)). D’autres cas pourront être traités en TD.
1.6. Les expressions «pour tout» et «il existe». L’énoncé «l’entier naturel x est pair»
n’est pas vraiment une proposition, car il dépend de la variable x. Il est vrai pour certaines valeurs
de x (par exemple 2) et faux pour d’autres (par exemple 3). Si le nombre x n’est pas fixé, il
est vain de chercher à savoir si l’énoncé est vrai ou faux. Si on ne souhaite pas fixer x, on peut
obtenir des propositions en quantifiant la variable x, au moyen des expressions «pour tout» et
«il existe». A partir de l’énoncé «x est pair», on peut obtenir les propositions :
2. LE RAISONNEMENT 5
Dans les formules mathématiques, le signe ∀ signifie «pour tout» et le signe ∃ signifie «il existe».
Ainsi la proposition «Pour tout x ∈ N, on a x > 2.» peut s’écrire «∀x ∈ N, x > 2» ; la
proposition «Il existe x ∈ N tel que x > 2.» peut s’écrire «∃x ∈ N, x > 2».
Mise en garde. L’ensemble qu’on utilise pour quantifier est important ; en changer peut tran-
former une proposition vraie en proposition fausse et inversement. Par exemple :
– la proposition «∀x ∈ R, x2 ≥ 0» est vraie, tandis que «∀x ∈ C, x2 ≥ 0» est fausse ;
– la proposition «∃x ∈ C, x2 = −1» est vraie, tandis que «∃x ∈ R, x2 = −1» est fausse.
Supposons maintenant plus généralement que pour chaque élément x d’un ensemble E on ait
une proposition P (x) (dans l’exemple du début, on prend E = Z et P (x) est la proposition «x
est pair»). La proposition «Pour tout x ∈ E, P (x).» est vraie si pour n’importe quel élément
x ∈ E, la proposition P (x) est vraie. Elle est fausse s’il existe un élément x ∈ E tel que P (x) est
fausse. La proposition «Il existe x ∈ E, P (x).» est vraie si la proposition P (x) est vraie pour au
moins un élément de E. Elle est fausse si la proposition P (x) est fausse, quel que soit l’élément
x ∈ E qu’on considère.
Il résulte de ce qui précède que :
– les propositions «non(∀x ∈ E, P (x))» et «∃x ∈ E, non P (x)» sont équivalentes ;
– les propositions «non(∃x ∈ E, P (x))» et «∀x ∈ E, non P (x)» sont équivalentes.
Mise en garde. La proposition «Pour tout x ∈ E, P (x).» n’affirme pas qu’il existe un élément
dans E. Ainsi, la proposition «Pour tout x ∈ R tel que x2 < 0, on a x > x + 1.» est vraie,
même si elle n’a aucun intérêt. En effet, comme aucun nombre réel x ne satisfait x2 < 0, on ne
peut a fortiori trouver aucun élément x ∈ R qui satisfasse x2 < 0 mais pas x > x + 1.
2. Le raisonnement
Toutefois, il n’est pas toujours possible de trouver cet élément x0 . On recourt donc parfois à
des preuves, dites non constructives, qui permettent de ne pas exhiber d’élément x0 comme
ci-dessus. Voici ce qu’on appelle un argument de comptage.
Exemple 2.2. On convient qu’un nombre naturel n est un carré s’il s’écrit sous la forme k 2 ,
avec k ∈ N. Démontrons la proposition «Il existe x ∈ N tel que x ≤ 30 et x n’est pas un carré».
Soit A = {0, 1, . . . , 30} et B = {x ∈ A : x est un carré}. On doit montrer qu’il existe x ∈ A tel
que x ∈/ B. L’ensemble A possède 31 éléments. Par contre, dès que k ≥ 6, on a k 2 > 30, d’où
x∈ / B. Par conséquent B possède seulement 6 éléments (au plus). Comme le cardinal de A est
strictement supérieur à celui de B, il existe x ∈ A tel que x ∈ / B.
Dans cet exemple, on aurait bien sûr pu exhiber l’élément x0 = 2, qui est un nombre naturel
inférieur ou égal à 30 et qui n’est pas un carré. Néanmoins, les arguments de comptage peuvent
parfois s’avérer fort utiles, notamment lorsque A et B sont des ensembles infinis.
Remarque culturelle 2.3. Les arguments de comptage comparant deux ensembles infinis
ne sont pas au programme de ce cours. Signalons cependant qu’ils permettent par exemple
de démontrer l’existence de nombres irrationnels ou de nombres transcendants (c’est-à-dire de
nombres qui ne sont solution d’aucune équation de la forme ak xk + · · · + a1 x + a0 = 0 avec
a0 , . . . , ak ∈ Q) sans avoir à en trouver un seul !
Les arguments de comptage sont en fait des cas particuliers de raisonnements par l’absurde (cf.
section 2.8).
Exemple 2.4. Démontrons la proposition «Pour tout nombre naturel pair n, le nombre n2 est
un multiple de 4.»
Soit n un nombre naturel pair. On peut écrire n = 2k, où k est un nombre naturel. Par suite,
on a n2 = 2k · 2k = 4k 2 et k 2 ∈ N. Ceci prouve que n2 est un multiple de 4.
On peut parfois aussi raisonner par l’absurde (cf. section 2.8). Notons par ailleurs que souvent,
les deux types de quantificateurs apparaissent dans une même proposition.
Exemple 2.5. Démontrons la proposition «Pour tout n ∈ Z, il existe x ∈ Q tel que 7x+4 = n.»
Soit n ∈ Z. On doit démontrer qu’il existe x ∈ Q tel que 7x + 4 = n. Or, on voit que le nombre
x0 = n−4
7 est rationnel et satisfait 7x0 + 4 = n.
Exemple 2.6. Démontrons la proposition «Il existe x ∈ Q tel que pour tout y ∈ R on ait
x < y 2 .»
Considérons le nombre rationnel x0 = −1. Démontrons que pour tout y ∈ R on a x0 < y 2 . Pour
ce faire, fixons y ∈ R. On a alors y 2 ≥ 0 > x0 .
Notons qu’ici, il faut en revanche exhiber un unique x0 , qui convienne quel que soit l’élément
y ∈ R qu’on considère ensuite.
2.4. Preuve directe d’une implication. On sait qu’une proposition du type P ⇒ Q est
vraie, sauf lorque P est vraie et que Q est fausse. Pour démontrer P ⇒ Q (c’est-à-dire démontrer
que P ⇒ Q est vraie), on peut faire l’hypothèse que P est vraie et en déduire que Q est alors
nécessairement vraie.
Exemple 2.10. Démontrons la proposition «Si 1 = 2, alors on a 9 = 16».
On suppose que la relation 1 = 2 est satisfaite. En ajoutant 2 de chaque côté, il vient 3 = 4.
Enfin, en élevant chaque membre au carré, on trouve 9 = 16.
Pour démontrer une proposition du type de P ⇒ Q, on n’a pas besoin de savoir si P est vraie
ou fausse. L’exemple précédent illustre bien ce fait. Rappelons tout de même que lorsque P est
fausse, la proposition P ⇒ Q est vraie par définition. Dans l’exemple, il aurait donc suffi de
remarquer que la proposition 1 = 2 est fausse.
Exemple 2.11. Démontrons la proposition «Pour tous nombres naturels a et b, si a est multiple
de 2 et si b est multiple de 3, alors ab est multiple de 6.»
Soit a, b ∈ N. On suppose que a est multiple de 2 et que b est multiple de 3. Donc il existe
a0 , b0 ∈ N tels que a = 2a0 et b = 3b0 , ce qui entraîne ab = 2a0 · 3b0 = 6a0 b0 . On voit que ab est
multiple de 6.
Très souvent, le raisonnement par contraposée est utilisé pour des propositions de la forme
∀x ∈ E (P (x) ⇒ Q(x)). C’est le cas dans l’exemple suivant.
Exemple 2.13. Démontrons que pour tout n ∈ N, si n2 est pair, alors n est pair.
On procède par contraposée. Soit n un entier naturel quelconque. Supposons que n n’est pas
pair. Dès lors, n est impair et on peut écrire n = 2k +1 avec k ∈ N. Ainsi, on a n2 = 4k 2 +4k +1,
donc n2 est impair.
Exercice 2.14. Démontrer de même la proposition «Soit n ∈ N. Si n2 est impair, alors n est
impair».
2.6. Preuve d’une équivalence. Pour démontrer une proposition du type P ⇔ Q, il faut
(par définition même) démontrer les deux propositions P ⇒ Q et Q ⇒ P . Comme on vient de
le voir, ces deux dernières propositions ne sont pas équivalentes : il faut donc bien les démontrer
les deux ! Bien sûr, on peut effectuer une des deux preuves (ou même les deux) par contraposée.
Une méthode alternative pour démontrer une proposition du type P ⇔ Q consiste à établir une
chaîne d’équivalences “évidentes” entre les propositions P et Q.
Mise en garde. Ce procédé est parfois plus court que la démonstration séparée des implications
P ⇒ Q et Q ⇒ P . Il est cependant dangereux, car on a vite fait de glisser une implication
(unidirectionnelle) dans la chaîne à la place d’une équivalence. Lorsqu’on utilise une chaîne
d’équivalences, il faut être absolument certain d’avoir une véritable équivalence à chaque étape,
et le justifier lorsque c’est nécessaire !
2.7. Raisonnement au cas par cas. Il peut s’appliquer pour démontrer des propositions
du type (P1 ou P2 ou . . . ou Pk ) ⇒ Q. Pour démontrer une telle implication, on démontre sépa-
rément les propositions P1 ⇒ Q, P2 ⇒ Q, . . . et Pk ⇒ Q. On peut présenter la preuve comme
suit :
1er cas: Supposons que P1 est vraie. . . . On a prouvé Q.
2e cas: Supposons que P2 est vraie. . . . On a prouvé Q.
...
k e cas: Supposons que Pk est vraie. . . . On a prouvé Q.
Mise en garde. Dans un raisonnement au cas par cas, il faut être certain de traiter tous les cas
possibles. Autrement dit, il faut veiller à ne pas oublier de cas. Dans l’exemple précédent, il est
évident que l’un des deux cas doit se produire. Cependant, il peut arriver qu’il faille commencer
par prouver qu’un cas au moins, parmi une certaine liste, doit se produire. Ensuite, on peut
entamer un raisonnement au cas par cas.
10 1. EXPRESSION MATHÉMATIQUE ET RAISONNEMENT
2.8. Raisonnement par l’absurde. Le schéma d’un raisonnement par l’absurde pour
démontrer une proposition P est le suivant :
(1) On suppose que la proposition P est fausse ;
(2) On montre que cela mène à une contradiction, c’est-à-dire à une proposition qui doit
être vraie et fausse ;
(3) On en déduit que P est vraie.
Exemple 2.19. Démontrons que l’équation 2x7 − 4x4 + 4x2 = 6x6 + 3 ne possède pas de solution
entière.
Supposons par l’absurde qu’un nombre entier n soit solution de cette équation. On a alors
2n7 − 4n4 + 4n2 = 6n6 + 3. Mais c’est impossible, car le membre de gauche est un nombre pair
tandis que le membre de droite est un nombre impair. On en déduit que l’équation ne possède
pas de solution entière.
Remarque 2.21. Il est fréquent, comme dans l’exemple précédent, de ne pas écrire l’étape (3)
du raisonnement par l’absurde si le contexte est suffisamment clair. Néanmoins, au début, il est
conseillé de toujours l’écrire.
√
Exercice 2.22. Démontrer que le nombre 2 est irrationnel.
L’utilisation du raisonnement par l’absurde se justifie comme suit. L’hypothèse que P est fausse
nous mène à une contradiction. En vertu du principe de non contradiction, on est conduit à
écarter cette hypothèse. Finalement, la proposition P n’étant pas fausse, le principe du tiers
exclu implique qu’elle est vraie.
Parmi les raisonnements par l’absurde, on trouve les arguments de comptage, déjà évoqués dans
la section 2.1. Revoyons l’exemple 2.2, en explicitant la structure de raisonnement par l’absurde.
Exemple 2.23. On rappelle qu’un nombre naturel n est un carré s’il s’écrit sous la forme k 2 ,
avec k ∈ N. (Re)démontrons la proposition «Il existe x ∈ N tel que x ≤ 30 et x n’est pas un
carré».
Soit A = {0, 1, . . . , 30} et B = {x ∈ A : x est un carré}. On doit montrer qu’il existe x ∈ A tel
que x ∈/ B.
Pour ce faire, supposons par l’absurde que tout élément x de A est également dans B. On en
déduit A = B, car il est évident que les éléments de B sont dans A. L’ensemble A possède 31
éléments. En revanche, dès que k ≥ 6, on a k 2 > 30, d’où x ∈ / B. Par conséquent B possède
seulement 6 éléments (au plus). Ceci contredit l’égalité A = B démontrée plus haut.
2. LE RAISONNEMENT 11
En règle générale, on ne fait pas référence explicitement à une proposition P (n) ou au principe
de récurrence. Le raisonnement qui précède sera plutôt présenté comme suit.
Exercice 2.27. Démontrer qu’il n’existe aucune suite (xn )n∈N d’entiers naturels qui soit stric-
tement décroissante, c’est-à-dire telle que xn+1 < xn pour tout n ∈ N.
Dans certains cas, le principe de récurrence ne suffit pas ; on doit alors le renforcer. L’énoncé
ci-dessous est en apprence plus fort que la forme faible du principe de récurrence (d’où le nom
«forme forte»). Cependant, il peut être démontré à partir de la forme faible, ce que nous ne
faisons pas ici.
12 1. EXPRESSION MATHÉMATIQUE ET RAISONNEMENT
Pour l’exemple qui suit, on donne une définition qui sera très importante dans le chapitre
d’arithmétique entière.
Autrement dit, n est premier si n ≥ 2 et si les seules manières de l’écrire comme produit de
nombres naturels sont n = 1 · n et n = n · 1. A titre d’exemple, signalons que les nombres
premiers inférieurs ou égaux à 20 sont 2, 3, 5, 7, 11, 13, 17 et 19.
Exemple 2.29. Démontrons que pour tout nombre naturel n ≥ 2, il existe k ∈ N∗ et des
nombres premiers p1 , . . . , pk tels que n = p1 · · · pk .
On procède par récurrence forte.
Initialisation (pour n = 2) : le nombre 2 est premier. On peut donc prendre k = 1 et p1 = 2
dans ce cas.
Hypothèse de récurrence : supposons que pour tout λ ∈ N tel que 2 ≤ λ ≤ n, il existe k ∈ N et
des nombres premiers q1 , . . . qk tels que λ = q1 · · · qk .
Hérédité : on doit prouver qu’il existe k ∈ N∗ et des nombres premiers p1 , . . . , pk tels que
n + 1 = p1 · · · pk . On distingue deux cas :
1er cas : supposons que n + 1 est premier. Dans ce cas, on peut prendre k = 1 et p1 = n + 1.
2e cas : supposons que n + 1 n’est pas premier. On peut alors écrire n + 1 = µν, avec µ, ν 6= 1.
On doit alors avoir 2 ≤ µ, ν ≤ n. Par hypothèse de récurrence, il existe s, t ∈ N et des
nombres premiers q1 , . . . qs , r1 , . . . , rt tels que
µ = q1 · · · qs et ν = r1 · · · rt .
Dans les deux cas, on a bien trouvé un entier naturel k et des nombres premiers p1 , . . . , pk tels
que n + 1 = p1 · · · pk .
2 Pn
Exercice 2.30. Soit (xn )n∈N∗ une suite de nombres réels telle que x1 < 1, et xn+1 < n k=1 xk
pour tout n ∈ N∗ . Démontrer que xn < n pour tout n ∈ N∗ .
On termine ce hapitre avec deux exercices sur la récurrence formulés en langue naturelle.
2. LE RAISONNEMENT 13
Exercice 2.32. Un contrôleur passe dans un wagon de chemin de fer et annonce aux passagers :
«Certains d’entre vous ont le visage sale. Il n’est pas possible de se laver dans le train, mais à
partir du prochain arrêt, il sera possible de se laver dans chaque gare.»
On suppose que :
– chaque passager peut voir les visages de tous les autres, mais n’a aucun moyen de voir le sien ;
– les passagers sont trop timides pour demander à quelqu’un d’autre s’ils sont sales ;
– les passagers sont trop paresseux pour descendre se laver dans une gare s’ils ne sont pas
certains d’être sales ;
– personne ne descend du train pour d’autres raisons que pour se laver ;
– les passagers descendent se laver dans une gare dès qu’ils sont certains d’être sales ;
– les passagers sont capables de déduire les conséquences logiques de ce qu’ils voient (et en
particulier des actes des autres).
Notons n le nombre de passagers qui ont le visage sale. Expliquer pourquoi ces n passagers
descendront tous du train à la n-ième gare (ou avant) pour se laver.
Notons que ce dernier exercice n’a pas la rigueur qu’on exige habituellement d’un exercice de
mathématiques : on ne peut pas donner suffisamment de précisions sur les hypothèses. On le
donne néanmoins en raison de son côté amusant.
CHAPITRE 2
Ensembles et applications
1. Ensembles
1.1. Egalité et inclusion. On adopte ici une approche totalement naïve de la théorie des
ensembles. Un ensemble est vu comme une collection d’objets, ses éléments. On considère que
seuls les éléments permettent de distinguer les ensembles. Autrement dit, on adopte le principe
suivant.
Principe (d’égalité des ensembles). Deux ensembles sont égaux si et seulement s’ils pos-
sèdent les mêmes éléments.
Introduisons quelques notations. Pour dire que a est un élément d’un ensemble E, on écrit a ∈ E.
On dit aussi que «a appartient à E». La notation a ∈ / E signifie que a n’est pas un élément de
E. On dit aussi que «a n’appartient pas à E».
On peut définir un ensemble en donnant la liste de ses éléments (par exemple A = {0, 1, 2, 3, 4}
ou B = {1, 2, 4, 8, 16, 32}). On peut aussi le définir à partir d’un ensemble plus grand en ne
conservant que les éléments satisfaisant une propriété (par exemple C = {n ∈ N : n est pair}
ou D = {x ∈ R : x2 − 3x + 2 ≤ 0}). Décrivons l’ensemble B ci-dessus de cette manière :
Remarque 1.1. Les deux-points apparaissant dans les définitions d’ensembles qui précèdent
signifient «tel que». Beaucoup d’auteurs utilisent plutôt une barre verticale ou une barre oblique.
Ils écrivent donc C = {n ∈ N|n est pair} ou C = {n ∈ N/n est pair}.
Exemple 1.2 (les intervalles bornés de R). Soit a, b deux nombres réels. On pose :
[a, b] = {x ∈ R : a ≤ x ≤ b}
]a, b] = {x ∈ R : a < x ≤ b}
[a, b[ = {x ∈ R : a ≤ x < b}
]a, b[ = {x ∈ R : a < x < b}
E ∗ = {x ∈ E : x 6= 0} .
15
16 2. ENSEMBLES ET APPLICATIONS
Remarque 1.4. Beaucoup d’auteurs utilisent la notation A ⊂ B pour signifier que A est
inclus (pas forcément strictement) dans B. Cependant, d’autres l’utilisent pour signifier que A
est strictement inclus dans B. En raison de cette ambiguité, nous ne l’utiliserons pas dans ce
polycopié.
Exemple 1.6. L’ensemble ne contenant aucun élément est appelé ensemble vide et noté ∅. Pour
tout ensemble E, on a ∅ ⊆ E.
On utilise énormément la proriété de la double inclusion pour prouver des égalités ensemblistes.
On dit alors qu’on fait une preuve par double inclusion.
1. ENSEMBLES 17
Définition 1.9.
Soit A et B deux ensembles :
(1) la réunion de A et B, notée A ∪ B, est l’ensemble des objets qui appartiennent à un
(au moins) des ensembles A et B ;
(2) l’ intersection de A et B, notée A ∩ B, est l’ensemble des objets qui appartiennent à la
fois à A et à B ;
(3) la différence ensembliste de B et A, notée B \ A est l’ensemble {x ∈ B : x ∈
/ A}. On
l’appelle également B privé de A.
Exemple 1.12. Posons A =]1, 3[ et B = [2, 4]. On a alors A ∩ B = [2, 3[, A ∪ B =]1, 4],
B \ A = [3, 4] et A \ B =]1, 2[.
Proposition 1.16.
Soit A, B, C trois ensembles. Les propriétés suivantes sont satisfaites :
A ∪ (B ∪ C) = (A ∪ B) ∪ C ; A∪B =B∪A
A ∩ (B ∩ C) = (A ∩ B) ∩ C ; A∩B =B∩A
x ∈ A ∪ B ⇐⇒ (x ∈ A ou x ∈ B) ⇐⇒ x ∈ B ∪ A .
Exercice 1.18. Démontrer (sans utiliser la proposition 1.24) que pour tout nombre naturel
n ≥ 2 et pour tous ensembles A1 , A2 , . . . , An , on a
On pourra procéder par récurrence sur N. Démontrer également la formule similaire pour les
intersections.
Proposition 1.19.
Soit A, B, C trois ensembles. Les propriétés suivantes sont satisfaites :
A ∩ (B ∪ C) = (A ∩ B) ∪ (A ∩ C) et A ∪ (B ∩ C) = (A ∪ B) ∩ (A ∪ C)
Définition 1.21. Soit {Ai : i ∈ I} une famille (ici, ce terme a le même sens que «ensemble»)
d’ensembles.
S
(1) La réunion de la famille {Ai }, notée i∈I Ai , est l’ensemble des objets appartenant à
au moins un des ensembles de la famille {Ai } ;
T
(2) L’ intersection de la famille {Ai }, notée i∈I Ai , est l’ensemble des objets appartenant
à tous les ensembles de la famille {Ai }.
Remarque 1.22. Soit {Ai : i ∈ I} une famille d’ensembles et soit x un objet. Les équivalences
suivantes sont des conséquences immédiates de la définition :
S
(1) x ∈ i∈I Ai ⇐⇒ il existe i ∈ I tel que x ∈ Ai ;
T
(2) x ∈ i∈I Ai ⇐⇒ pour tout i ∈ I, on a x ∈ Ai .
2. Applications
Exemple 2.1. Soit E un ensemble. L’application identité de E est l’application, notée id, de E
dans E, qui à chaque élément x ∈ E associe x lui-même. On peut noter
id : E → E ; x 7→ x .
Mise en garde. Il arrive qu’on parle d’application de E vers F , plutôt que d’application de E
dans F . La signification est la même. Par contre, une application de E sur F est une application
de E dans F qui est de plus surjective (voir plus loin pour la définition).
De manière analogue à ce qu’on a fait pour les ensembles, on considère que seules les images des
éléments de E permettent de différencier deux applications de E dans F . On adopte le principe
suivant.
Définition 2.4.
Une application f : E → F est dite :
(1) injective si pour tous x, x0 ∈ E tels que f (x) = f (x0 ), on a x = x0 ;
(2) surjective si pour tout y ∈ F , il existe x ∈ E tel que f (x) = y ;
(3) bijective si elle est injective et surjective.
Exemple 2.6. L’application f2 : R → R+ ; x → |x| est surjective, mais pas injective. En effet,
pour tout y ∈ R+ , on a y ∈ R et f2 (y) = y. Donc f2 est surjective. En revanche, on a
f (−2) = 2 = f (2), si bien que f2 n’est pas injective.
2. APPLICATIONS 21
Exemple 2.8. L’application f4 : R∗+ → R; x 7→ x1 est injective, mais pas surjective. En effet,
−1 n’est l’image d’aucun nombre réel positif. Par conséquent f4 n’est pas surjective. Par contre,
si x, x0 ∈ R∗+ satisfont f4 (x) = f4 (x0 ) =: y, alors on a x = y1 = x0 . Donc, f4 est injective.
Remarque 2.9. Une application f : E → F est injective si et seulement si, pour tous x, x0 ∈ E
tels que x 6= x0 , on a f (x) 6= f (x0 ). Cette caractérisation s’obtient en contraposant la définition.
Proposition 2.10. Une application f : E → F est bijective si et seulement si, pour tout y ∈ F ,
il existe un unique x ∈ E tel que y = f (x).
Définition 2.11.
Soit f : E → F et g : F → G des applications. La composée de f et g est l’application g ◦ f de
E dans G définie par la formule (g ◦ f )(x) = g(f (x)).
Sous les hypothèses de la proposition, on peut donc définir l’application h ◦ g ◦ f sans ambiguité.
Proposition 2.16.
Soit f : E → F et g : F → G des applications.
(1) Si f et g sont injectives, alors g ◦ f est injective.
(2) Si f et g sont surjectives, alors g ◦ f est surjective.
(3) Si g ◦ f est injective, alors f est injective.
(4) Si g ◦ f est surjective, alors g est surjective.
Définition 2.18.
Soit des applications f : E → F et g : F → E. On dit que g est inverse de f si g ◦ f = idE et
f ◦ g = idF . Lorsqu’il existe un inverse de f , on dit que f est inversible.
Proposition 2.21. Si une application f : E → F est inversible, alors son inverse est unique et
inversible.
Théorème 2.22.
Une application f : E → F est inversible si et seulement si elle est bijective.
Ceci permet par exemple de définir rigoureusement1 la fonction «racine carrée». On démontre
que la fonction g : R+ → R+ ; x 7→ x2 est surjective2 et strictement croissante.
Montrons d’abord que g est surjective. Soit y ∈ R+ . On distingue deux cas :
1er cas : Supposons que y = 0. Alors y = g(0).
2e cas : Supposons que y > 0. Posons x0 = y + 1 ; on a x0 > 0 et g(x0 ) = y 2 + 2y + 1 > y.
Comme on a de plus g(0) = 0 < y, le théorème de la valeur intermédiaire assure qu’il
existe x ∈ [0, x0 ] tel que g(x) = y.
Dans les deux cas, on a prouvé qu’il existe x ∈ R+ tel que g(x) = y. Donc g est surjective.
Montrons ensuite que g est strictement croissante. Si x, y ∈ R+ satisfont x < y, on a g(y)−g(x) =
y 2 − x2 = (y − x)(y + x) > 0, car 0 < y − x ≤ y + x. Donc on a g(x) < g(y), comme souhaité.
√
On peut donc appliquer l’exercice 2.23, qui assure que g est inversible et poser x := g −1 (x)
√ √
pour tout x ∈ R+ . L’exercice 2.23 assure de plus que x < y pour tous x, y ∈ R+ tels que
x < y.
Définition 2.24.
Soit f : E → F une application ; soit A ⊆ E et C ⊆ F :
(1) l’ image de A par f est l’ensemble f (A) := {y ∈ F : ∃a ∈ A tel que f (a) = y} ;
(2) l’ image réciproque de C par f est l’ensemble f −1 (C) := {x ∈ E : f (x) ∈ C}.
Autrement dit, f (A) est l’ensemble des images des éléments de A par f et f −1 (C) est l’ensemble
des éléments de E dont l’image par f est dans C.
On prendra garde au fait que la notation f −1 (C) s’utilise même lorsque l’application f n’est
pas inversible ! Ainsi, pour C ⊆ F , on peut considérer f −1 (C), l’image réciproque de C par f ,
quelle que soit l’application f : E → F . En revanche, pour y ∈ F , on a besoin que l’application
f : E → F soit inversible pour pouvoir considérer f −1 (y), l’image de y par l’application inverse
de f .
1On utilise le théorème de la valeur intermédiaire, pour lequel on renvoie au module d’analyse réelle.
2Pour ce faire, on admet qu’elle est continue ; voir le module d’analyse réelle.
24 2. ENSEMBLES ET APPLICATIONS
Exercice 2.26. Soit f : E → F une application inversible et soit C ⊆ F . Démontrer que l’image
de C par l’application inverse f −1 coïncide avec l’image réciproque de C par l’application f .
Exercice 2.27. Soit f : R → R l’application définie par f (x) = |x − 2|. Vérifier rigoureusement
que f ([−2, 2]) = [0, 4] et f −1 ([2, 5]) = [−3, 0] ∪ [4, 7].
Proposition 2.28.
Soit f : E → F une application et soit C, D ⊆ F . On a :
(1) f −1 (C ∩ D) = f −1 (C) ∩ f −1 (D) ;
(2) f −1 (C ∪ D) = f −1 (C) ∪ f −1 (D) ;
c
(3) f −1 (Dc ) = f −1 (D) .
Proposition 2.29. Soit f : E → F une application et soit {Ci : i ∈ I} une famille de parties
de F . On a alors f −1 ( i∈I Ci ) = i∈I f −1 (Ci ) et f −1 ( i∈I Ci ) = i∈I f −1 (Ci ).
T T S S
Proposition 2.31.
Soit f : E → F une application et soit A, B ⊆ E. On a :
(1) f (A ∪ B) = f (A) ∪ f (B) ;
(2) f (A ∩ B) ⊆ f (A) ∩ f (B).
3. PARTITIONS ET RELATIONS D’ÉQUIVALENCE 25
Mise en garde. En général, l’inclusion vue au point (2) de la proposition précédente n’est
7 x2 , on trouve
pas une égalité. Par exemple, avec A = [−2, 0], B = [0, 2] et f : R → R; x →
f (A ∩ B) = f ({0}) = {0} et f (A) ∩ f (B) = [0, 4] ∩ [0, 4] = [0, 4].
Exercice 2.32. Soit f : E → F une application. Trouver une condition nécessaire et suffisante
sur f pour que f (A ∩ B) = f (A) ∩ f (B) pour tous A, B ⊆ E.
Exercice 2.34. Démontrer cette proposition. Pour chaque cas, trouver un exemple pour lequel
on a égalité et un exemple pour lequel l’inclusion est stricte.
Définition 3.1.
Soit E un ensemble. Une partition de E est une famille {Ai : i ∈ I} de parties non vides de E
telle que :
S
(1) i∈I Ai = E ;
(2) pour tous i, j ∈ I tels que Ai 6= Aj , on a Ai ∩ Aj = ∅.
Remarque 3.2. Une famille de parties de E n’est rien d’autre qu’une partie de l’ensemble
P(E). Par conséquent, une famille de parties non vides de E n’est rien d’autre qu’une partie de
l’ensemble P(E) \ {∅}.
(4) Si E 6= ∅, les partitions de E à deux éléments sont les {A, Ac }, où A ∈ P(E) \ {∅, E}.
(5) Pour i ∈ {0, 1, 2, . . . , 9}, notons Ai l’ensemble des nombres naturels n tels que le dernier
chiffre de l’écriture de n en base 10 soit i. La famille {A0 , A1 , A2 , . . . , A9 } forme une
partition de N à dix éléments.
(6) La famille {]n, n + 1[: n ∈ Z} ne forme pas une partition de R. En effet, on voit que
S S
k∈/ n∈Z ]n, n + 1[ pour tout k ∈ Z et donc n∈Z ]n, n + 1[6= R.
(7) La famille {[n, n + 1] : n ∈ Z} ne forme pas une partition de R. En effet, on voit que
[0, 1] ∩ [1, 2] 6= ∅ et même [k − 1, (k − 1) + 1] ∩ [k, k + 1] = {k} =
6 ∅ pour tout k ∈ Z.
Ensuite, si i, j ∈ I satisfont f −1 (C
i ) 6= f −1 (C
j ), alors on a Ci 6= Cj , et donc Ci ∩ Cj = ∅
puisque la famille {Ci : i ∈ I} est une partition. Ainsi, on a f −1 (Ci ) ∩ f −1 (Cj ) = f −1 (Ci ∩ Cj ) =
f −1 (∅) = ∅.
Rappelons que f −1 ({y}) = {x ∈ E : f (x) = y}. Le corollaire signifie donc que les “courbes de
niveau” de f forment une partition de E.
Exemples (de relations). (1) La relation d’égalité =, sur n’importe quel ensemble E.
(2) La relation d’inclusion ⊆, sur un ensemble de la forme P(E).
(3) La relation d’ordre ≤ sur R ;
(4) La relation < sur R.
Définition 3.6.
Une relation R sur un ensemble E est une relation d’équivalence si :
(1) Pour tout x ∈ E, on a xRx ;
(2) Pour tous x, y ∈ E, on a xRy ⇐⇒ yRx ;
(3) Pour tous x, y, z ∈ E, on a (xRy et yRz) =⇒ xRz.
Les propriétés (1), (2) et (3) sont appelées respectivement réflexivité, symétrie et transitivité.
3. PARTITIONS ET RELATIONS D’ÉQUIVALENCE 27
Exercice 3.7. (1) Soit X, Y deux ensembles et soit F(X, Y ) l’ensemble des applications
de X dans Y . Démontrer que la relation ∼ sur F(X, Y ) définie par
f ∼ g ⇐⇒ l’ensemble {x ∈ X : f (x) 6= g(x)} est fini
est une relation d’équivalence.
(2) La relation d’ordre ≤ sur R est-elle une relation d’équivalence ?
Proposition 3.8.
Soit {Ai : i ∈ I} une partition d’un ensemble E. Alors la relation R sur E définie par
xRy ⇐⇒ ∃i ∈ I tel que (x ∈ Ai et y ∈ Ai )
est une relation d’équivalence.
Définition 3.10. Soit R une relation d’équivalence sur un ensemble E et soit x ∈ E. La classe
d’équivalence de x dans E est l’ensemble {y ∈ E : xRy}.
Proposition 3.11.
Soit R une relation d’équivalence sur un ensemble E. Etant donné x ∈ E, on note x̄ sa classe
d’équivalence. Alors, la famille {x̄ : x ∈ E} est une partition de E.
S S
Démonstration. Commençons par montrer que x∈E x̄ = E. On a x∈E x̄ ⊆ E, car
x̄ ⊆ E pour tout x ∈ E. Réciproquement, si x ∈ E, on a xRx par réflexivité, et donc x ∈ x̄
S
Ainsi, on a x∈E x̄ ⊇ E.
28 2. ENSEMBLES ET APPLICATIONS
Montrons maintenant que si x, y ∈ E satisfont x̄ 6= ȳ, alors x̄∩ȳ = ∅. On procède par contraposée
et on suppose donc que x̄ ∩ ȳ 6= ∅. Il existe z ∈ x̄ ∩ ȳ, si bien qu’on a xRz et yRz. Comme R
est symétrique, on a aussi zRx et zRy. Si w ∈ ȳ, on a yRw ; grâce à la transitivité, on obtient
xRy, puis xRw, si bien que w ∈ x̄. On a prouvé que ȳ ⊆ x̄ et l’inclusion inverse est analogue.
Par conséquent, on obtient x̄ = ȳ, ce qui termine notre démontration par contraposée.
Comme l’exemple présenté le suggère, si l’on applique les deux constructions qu’on vient de voir
l’une à la suite de l’autre, on retombe sur ses pieds. Plus précisément, on a le résultat suivant.
Proposition 3.13.
Soit E un ensemble. Notons P l’ensemble des partitions de E et R l’ensemble des relations
d’équivalence sur E. L’application f : P → R définie par la proposition 3.8 et l’application
g : R → P définie par la proposition 3.11 sont inverses l’une de l’autre.
Arithmétique entière
1. Division dans Z
Définition 1.1.
Soit a, b ∈ Z. On dit que a divise b, et on note a|b, s’il existe k ∈ Z tel que b = ka. On dit aussi
que a est un diviseur de b, que b est un multiple de a ou que b est divisible par a.
Exemple 1.2. (1) Le nombre 0 est divisible par a pour tout a ∈ Z, car 0 = 0 · a ;
(2) Les nombres 1 et −1 divisent n’importe quel entier a ∈ Z, car a = a · 1 = (−a)(−1).
Etant donné un entier a, on note D(a) l’ensemble des diviseurs de a et M (a) celui des multiples
de a. En formules, ceci s’écrit
Remarque 1.3. Si a 6= 0, alors D(a) est fini. En effet, si x ∈ D(a), il existe y ∈ Z tel
que xy = a. On a y 6= 0 et |x| · |y| = |a|. Comme |y| ≥ 1, il vient |x| ≤ |a|. Ainsi, on a
D(a) ⊆ {−|a|, . . . , −1, 0, 1, . . . , |a|}.
Remarque 1.4. Si a 6= 0, alors M (a) est infini, car M (a) = {ax : x ∈ Z} et (x 6= y ⇒ ax 6= ay).
Exemples. On a :
(1) D(0) = Z et M (0) = {0}.
(2) D(1) = D(−1) = {±1} et M (1) = M (−1) = Z.
(3) D(10) = {±1, ±2, ±5, ±10}.
(4) D(12) = {±1, ±2, ±3, ±4, ±6, ±12}.
(5) M (10) = {10x : x ∈ Z} = {0, ±10, ±20, ±30, ±40, ±50, ±60, . . .}.
(6) M (12) = {12x : x ∈ Z} = {0, ±12, ±24, ±36, ±48, ±60, . . .}.
1.2. Division euclidienne. Etant donnés deux nombres entiers a, b, avec b 6= 0, le quotient
a/b n’est pas nécessairement entier. Pour disposer d’une opération de division qui reste dans
Z, il faut autoriser les divisions à avoir des restes. Voici le meilleur résultat possible dans cette
direction.
Théorème 1.8.
Soit n ∈ Z et d ∈ Z∗ . Il existe un unique couple (q, r) ∈ Z2 tel que 0 ≤ r < |d| et n = qd + r.
Définition 1.9. Les nombres q et r apparaissant dans le théorème 1.8 sont appelés quotient et
reste de la division euclidienne de n par d.
La preuve que nous donnerons du théorème 1.8 n’est pas la plus courte, mais elle a l’avantage
de montrer comment calculer le couple (q, r) — ou le faire calculer par un ordinateur. Nous
appellerons «fonction signe» l’application
1
si x > 0
sgn : R → R ; x 7→ 0 si x = 0 .
−1 si x < 0
Preuve du théorème 1.8. Commençons par démontrer l’existence du couple (q, r). On
distingue trois cas.
1er cas : on suppose que n = 0. Il suffit alors de prendre (q, r) = (0, 0).
2e cas : on suppose que n > 0. On pose alors q0 = 0 et r0 = n. Ensuite, pour tout k ∈ N :
(1) si rk ≥ |d|, on pose αk = max{s ∈ N : 10s · |d| ≤ rk }, puis
si rk ≥ |d|. Dans les deux cas, on a qk+1 d + rk+1 = n. En outre, on a rk+1 = rk ≥ 0 si rk < |d|
et rk+1 = rk − 10αk · |d| ≥ 0 si rk ≥ |d|. Dans les deux cas, on trouve rk+1 ≥ 0, ce qui termine
la récurrence.
Supposons par l’absurde que rk ≥ |d| pour tout k ∈ N. Alors, on a rk+1 = rk − 10αk · |d| ≤ rk − 1
pour tout k, de sorte que rk ≤ r0 − k pour tout k (récurrence sur k). En particulier, on trouve,
rn+1 ≤ r0 − (n + 1) = −1, ce qui contredit les propriétés prouvéees ci-dessus.
Ceci prouve qu’il existe ` tel que r` < |d|. On conclut ce cas en posant q = q` et r = r` .
3e cas : on suppose que n < 0. On pose n0 = −n et on trouve q 0 , r0 ∈ Z tels que 0 ≤ r0 < |d|
et n0 = q 0 d + r0 (voir le cas précédent). On a alors n = (−q 0 )d + (−r0 ). Si r0 = 0, on conclut en
posant q = −q 0 et r = 0 ; si r0 > 0, on a n = (−q 0 − sgn(d)) · d + |d| − r0 et 0 < |d| − r0 < |d|, si
bien qu’on peut prendre q = −q 0 − sgn(d) et r = |d| − r0 .
Passons maintenant à la preuve de l’unicité. Supposons que deux couples (q1 , r1 ), (q2 , r2 ) satisfont
0 ≤ ri < |d| et n = qi d + ri pour i = 1, 2. Oa a alors (q1 − q2 )d = r2 − r1 . Or, le nombre |r2 − r1 |
est compris entre 0 et |d| − 1, tandis que |(q1 − q2 )d| est soit nul, soit supérieur ou égal à |d|. On
en déduit que (q1 − q2 )d = 0 = r2 − r1 , d’où (q1 , r1 ) = (q2 , r2 ) puisque d n’est pas nul.
Concrètement, pour effectuer une division euclidienne, on peut écrire les valeurs des qk , rk , et
αk dans un tableau.
Exemple 1.10. Effectuons la division euclidienne de 7000 par 23. L’algorithme (2e cas) donne
les résultats suivants :
i 0 1 2 3 4 5 6 7 8
qi 0 100 200 300 301 302 303 304 304
ri 7000 4700 2400 100 77 54 31 8 8
αi 2 2 2 0 0 0 0
En posant q = q7 = 304 et r = r7 = 8, on a bien 0 ≤ r < |23| et 7000 = q · 23 + r.
Exemple 1.11. Effectuons la division euclidienne de −970 par 8. On tombe dans le 3e cas. On
applique donc l’algorithme du 2e cas à 970 et 8. Il vient :
i 0 1 2 3 4 5
qi 0 100 110 120 121 121
ri 970 170 90 10 2 2
αi 2 1 1 0
On est donc conduit à poser q 0 = q4 = 121 et r0 = r4 = 2, puis q = −q 0 − sgn(d) = −122 et
r = |d| − r0 = 6. On a bien 0 ≤ r < |8| et −970 = q · 8 + r.
32 3. ARITHMÉTIQUE ENTIÈRE
Exemple 1.12. Effectuons la division euclidienne de 6325 par −27. L’algorithme (2e cas) donne
les résultats suivants :
i 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9
qi 0 −100 −200 −210 −220 −230 −231 −232 −233 −234
ri 6325 3625 925 655 385 115 88 61 34 7
αi 2 2 1 1 1 0 0 0 0
En posant q = q9 = −234 et r = r9 = 7, on a bien 0 ≤ r < | − 27| et 6325 = q · (−27) + r.
1.3. Congruences.
Définition 1.13.
Soient a, b, m trois entiers. On dit que a est congru à b modulo m, et on note a ≡ b [m], si a − b
est divisible par m.
Les congruences sont très commodes pour modéliser des situations de la vie courante, par
exemple le comptage des heures ou des jours de la semaine.
Exemple 1.15. S’il est onze heures, dans quinze heures il sera deux heures, car 11 + 15 ≡ 2 [24].
Exemple 1.16. Le 1er janvier 2009 était un jeudi. Le 1er janvier 2010 sera un vendredi, car
l’année 2009 n’est pas bissextile et on a 365 ≡ 1 [7].
Proposition 1.17. Soit m ∈ Z. La relation de congruence modulo m est une relation d’équiva-
lence. Autrement dit, elle satisfait les propriétés suivantes :
(1) Pour tout a ∈ Z, on a a ≡ a [m] ;
(2) Pour tous a, b ∈ Z, on a a ≡ b [m] ⇐⇒ b ≡ a [m] ;
(3) Pour tous a, b, c ∈ Z, on a (a ≡ b [m] et b ≡ c [m]) =⇒ a ≡ c [m].
Le résultat qui suit dit en substance que les opérations arithmétiques ont un sens modulo m.
Exercice 1.20. Soit m ∈ Z. Montrer que pour tout a ∈ Z, la classe d’équivalence de a pour la
relation de congruence modulo m est l’ensemble a + mZ := {a + my : y ∈ Z}. Combien y a-t-il
de classes d’équivalence distinctes ? (La réponse dépend de m.)
Remarque 2.1. Les ensembles D(a, b) et M (a, b) ne sont jamais vides. En effet, quels que soient
a et b, on a ±1 ∈ D(a, b) et 0 ∈ M (a, b).
Remarque 2.2. Si a 6= 0, alors D(a, b) est fini, car D(a) est fini. De même, si b 6= 0, alors
D(a, b) est fini.
Remarque 2.3. Si a 6= 0 et b 6= 0, alors M (a, b) est infini car ab 6= 0 et M (a, b) contient M (ab)
par la proposition 1.6.
Exemples. On a :
(1) D(10, 12) = {±1, ±2} = D(2).
(2) M (10, 12) = {0, ±60, ±120, ±180, . . .}. On verra que M (10, 12) = M (60).
(3) D(0, a) = D(a) et D(1, a) = D(−1, a) = {±1} pour tout a ∈ Z.
(4) M (0, a) = {0} et M (1, a) = M (−1, a) = M (a) pour tout a ∈ Z.
Le plus grand diviseur commun est bien défini car l’ensemble D(a, b) est fini et non vide lorsque
a 6= 0 ou b 6= 0.
Si a, b ∈ Z∗ , alors M (ab) contient le nombre strictement positif |ab|, car |ab| = |a| · sgn(b) · b et
|ab| = |b| · sgn(a) · a. Le plus petit multiple commun de a et b est bien défini car toute partie
non vide de N possède un plus petit élément.
Exemples. Les exemples ci-dessus nous donnent : pgcd(10, 12) = 2 et ppcm(10, 12) = 60.
Les définitions de pgcd et ppcm, avec leur distinction de cas, peuvent paraître artificielles. On
verra des caratérisations (voir les propositions 2.9 et 2.17) qui ne distinguent pas de cas et qui
contitueraient les “bonnes” définitions d’un point de vue algébrique. Les définitions ci-dessus ont
pour avantage de rendre l’existence du pgcd et du ppcm évidente pour tout couple d’entiers
(a, b). De plus, avec ce point de vue, le pgcd et le ppcm de a et b sont uniques.
Proposition 2.6. On a :
(1) pgcd(0, a) = |a| et pgcd(1, a) = pgcd(−1, a) = 1 pour tout a ∈ Z ;
(2) ppcm(1, a) = ppcm(−1, a) = |a| pour tout a ∈ Z.
(3) pgcd(a, b) = pgcd(|a|, |b|) et ppcm(a, b) = ppcm(|a|, |b|) pour tous a, b ∈ Z.
Supposons maintenant que (a + kb, b) 6= (0, 0) 6= (a, b). Soit x un diviseur de b ; écrivons b = `x.
On a alors
x ∈ D(a) ⇔ ∃j ∈ Z tel que a = jx
⇔ ∃j ∈ Z tel que a + kb = jx + k`x
⇔ ∃j 0 ∈ Z tel que a + kb = j 0 x ⇔ x ∈ D(a + kb) .
Par conséquent, on a D(a) ∩ D(b) = D(a + kb) ∩ D(b), c’est-à-dire D(a + kb, b) = D(a, b), d’où
pgcd(a + kb, b) = pgcd(a, b).
Démonstration. Les assertions (ii) et (ii’) sont équivalentes : en effet, la seconde n’est que
la traduction ensembliste de la première. Il reste à prouver que (i) et (ii’) sont équivalentes.
Lorsque a = 0 ou b = 0, on a ppcm(a, b) = 0, et M (a, b) = {0}. Dans ce cas, les assertions (i) et
(ii’) sont équivalentes, car :
– si m = 0, elles sont vraies toutes les deux ;
– si m 6= 0, elles sont fausses toutes les deux.
On suppose donc dorénavant que a 6= 0 6= b. Remarquons qu’on a M (−m) = M (m) par la
proposition 1.6. L’implication (i)⇒(ii’) est donc une conséquence immédiate du lemme 2.8.
Montrons réciproquement que (ii’) implique (i). D’après (ii’), on a M (|m|) = M (m) = M (a, b).
Par conséquent, |m| appartient à M (a, b) tandis que les entiers k tels que 0 < k < |m| n’y
appartiennent pas. Par définition, il vient ppcm(a, b) = |m|, ce qui prouve (i).
Notons qu’à ce stade, on n’a pas de moyen performant pour calculer un ppcm. Etant donnés
a, b ∈ Z∗ , on sait que ppcm(a, b) divise ab par la proposition 2.9. On peut donc chercher le plus
petit élément strictement positif de D(ab) qui soit multiple de a et de b. Cet élément est le ppcm
36 3. ARITHMÉTIQUE ENTIÈRE
de a et b. Cependant, il est long de faire la liste des diviseurs de ab si ab est grand, ce qui rend
cette idée peu applicable en pratique.
Théorème 2.10.
Avec les notations ci-dessus, il existe n tel que `n = 0. De plus, on a alors pgcd(a, b) = kn .
Démonstration. Montrons qu’on a `|b| = 0. Supposons par l’absurde que `|b| 6= 0. Alors,
pour tout n tel que 0 ≤ n ≤ |b|, on a `n 6= 0, car la suite (`n )n reste constante dès qu’elle atteint
la valeur 0. Par construction, il vient |`n+1 | ≤ |`n | − 1 pour tout n tel que 0 ≤ n ≤ |b|, et donc
|`|b|+1 | ≤ |`0 | − |b| − 1 < 0. Contradiction.
Montrons maintenant par récurrence que kn , `n ∈ N et pgcd(kn , `n ) = pgcd(a, b) pour tout
n ∈ N.
Initialisation (pour n = 0) : On a k0 = |a| et `0 = |b|, et donc pgcd(k0 , `0 ) = pgcd(a, b) par la
proposition 2.6. De plus, on a bien k0 , `0 ∈ N.
Hypothèse de récurrence : On suppose que kn , `n ∈ N et pgcd(kn , `n ) = pgcd(a, b).
Hérédité : Il s’agit de montrer que kn+1 , `n+1 sont des entiers naturels et que pgcd(kn+1 , `n+1 ) =
pgcd(a, b). On distingue deux cas :
– Si `n 6= 0, alors on a kn+1 = `n ∈ N par l’hypothèse de récurrence et `n+1 = rn ∈ N. De plus,
la proposition 2.7 donne pgcd(kn+1 , `n+1 ) = pgcd(`n , kn − qn `n ) = pgcd(`n , kn ). On trouve
pgcd(kn+1 , `n+1 ) = pgcd(a, b) grâce à l’hypothèse de récurrence.
– Si `n = 0, on a kn+1 = kn et `n+1 = `n ; il suffit d’appliquer l’hypothèse de récurrence.
En particulier, dès que `n = 0, on a |kn | = pgcd(kn , `n ) = pgcd(a, b), par la proposition 2.6, et
donc pgcd(a, b) = kn puisque kn ∈ N.
n 0 1 2 3 4
kn 8 14 8 6 2
`n 14 8 6 2 0
qn 0 1 1 3
Théorème de Bézout.
Soit a, b ∈ Z et soit d = pgcd(a, b). Alors, il existe u, v ∈ Z tels que d = ua + vb.
Ce théorème est une conséquence de la version algorithmique que nous prouverons plus loin.
Corollaire 2.13 (au théorème de Bézout). Deux entiers a et b sont premiers entre eux
si et seulement s’il existe u, v ∈ Z tels que ua + vb = 1.
Démonstration. Les règles de définition des coefficients kn et `n sont exatement les mêmes
que dans l’algorithme d’Euclide. L’existence de n tel que `n = 0 et l’égalité kn = pgcd(a, b) dans
ce cas découlent donc du théorème 2.10.
Posons maintenant pour n ∈ N :
! ! !
kn un vn 0 1
Xn = , Mn = et Qn = lorsque `n 6= 0 .
`n u0n vn0 1 −qn
Exemple 2.14. Soit a = 8 et b = 14. L’algorithme d’Euclide étendu donne les résultats suivants :
n 0 1 2 3 4
kn 8 14 8 6 2
`n 14 8 6 2 0
un 1 0 1 −1 2
u0n 0 1 −1 2
vn 0 1 0 1 −1
vn0 1 0 1 −1
qn 0 1 1 3
Remarque 2.15. On remarque que les calculs des un , u0n d’une part et des vn , vn0 d’autre part
sont indépendants, dans le sens qu’on peut calculer tous les un , u0n sans avoir trouvé un seul
vn , vn0 , et réciproquement. Cela permet de se passer du calcul de tous les vn , vn0 . On illustre ce
point dans le second exemple.
2. MULTIPLES ET DIVISEURS COMMUNS 39
Exemple 2.16. Soit a = 65 et b = −42. L’algorithme d’Euclide étendu donne les résultats
suivants :
n 0 1 2 3 4 5 6
kn 65 42 23 19 4 3 1
`n 42 23 19 4 3 1 0
un 1 0 1 −1 2 −9 11
0
un 0 1 −1 2 −9 11
qn 1 1 1 4 1 3
On a `6 = 0, et donc pgcd(65, −42) = k6 = 1. Les nombres 65 et −42 sont premiers entre eux.
On ne connaît pas la valeur de v6 , mais on sait que 1 = u6 · 65 + v6 · 42 = 11 · 65 + v6 · 42. On
trouve v6 = −714/42 = −17. Par conséquent, on a 1 = 11 · 65 + 17 · (−42).
Démonstration. Les assertions (ii) et (ii’) sont équivalentes : en effet, la seconde n’est que
la traduction ensembliste de la première. Il reste à prouver qu’elles sont équivalentes à (i).
1er cas : On suppose que a = 0 = b. On a pgcd(a, b) = 0, et D(a, b) = Z. Dans ce cas, les
assertions (i) et (ii’) sont équivalentes, car :
– si d = 0, elles sont vraies toutes les deux ;
– si d 6= 0, elles sont fausses toutes les deux.
2e cas : On suppose que (a, b) 6= (0, 0). On suppose d’abord que (i) est vérifiée et on prouve (ii).
Si x divise d, alors par (i), on a x| pgcd(a, b). Alors on a (x|a et x|b), car pgcd(a, b) divise a et
b. Réciproquement, si x divise a et b, on peut écrire pgcd(a, b) = ua + vb grâce au théorème de
Bézout ; il vient alors d = ±ua ± vb par (i) et on constate que x divise d.
Supposons maintenant que (ii’) est vérifiée et prouvons (i). On a D(|d|) = D(d) = D(a, b) d’après
la proposition 1.6 et l’hypothèse (ii’). Ainsi, |d| appartient à D(a, b) tandis que les entiers k tels
que k > |d| n’y appartiennent pas. Par définition, il vient pgcd(a, b) = |d|, ce qui prouve (i).
Ici l’énoncé du théorème de Bézout nous a suffi. Nous verrons plus loin d’autres applications
pour lesquelles la version algorithmique s’avèrera utile.
2.6. Propriétés des nombres premiers entre eux. Tout d’abord, voici comment pro-
duire des couples d’entiers premiers entre eux.
40 3. ARITHMÉTIQUE ENTIÈRE
Lemme 2.18. Soit a, b ∈ Z tels que (a, b) = 6 (0, 0), soit d ∈ D(a, b) et soit a0 = a
d et b0 = b
d.
Alors, les nombres a0 et b0 sont des entiers et satisfont pgcd(a0 , b0 ) = pgcd(a,b)
|d| .
En particulier, si d = ± pgcd(a, b), alors a0 = a
d et b0 = b
d sont des entiers premiers entre eux.
Lorsque d = ± pgcd(a, b), on obtient pgcd(a0 , b0 ) = 1, c’est-à-dire que a0 et b0 sont premiers entre
eux.
Exemple 2.19. On a vu que le pgcd de 8 et 14 est 2. Les nombres 4 et 7 sont donc premiers
entre eux.
On établit maintenant trois résultats dans lesquels la notion de nombres premiers entre eux est
fondamentale.
Propriété de Gauss.
Pour tous a, b, c ∈ Z, si a et b sont premiers entre eux et si a divise bc, alors a divise c.
Exemple 2.20. Les nombres 7 et 8 sont premiers entre eux. Comme 7 divise 7000 = 8 · 875, il
divise aussi 875.
Propriété d’Euclide.
Soit a, b, c ∈ Z ,avec a et b premiers entre eux. Si a et b divisent c, alors ab divise c.
Exemple 2.21. Les nombres 4 et 7 sont premiers entre eux et divisent tous deux le nombre 700.
Par conséquent 28 = 4 · 7 divise 700.
3. APPLICATIONS À LA RÉSOLUTION D’ÉQUATIONS 41
divise xd = k.
– Si ab ab b
d divise k, alors a et b divisent k, car on a d = a d = b d .
a
Exemple 2.23. Les nombres 4 et 7 sont premiers entre eux. Donc, on a ppcm(4, 7) = |4·7| = 28.
ax + by = c, avec a, b, c ∈ Z fixés,
où x, y sont les inconnues. Une solution de cette équation est un couple (u, v) ∈ Z2 tel que
au + bv = c.
Le théorème 3.9 donnera la solution de n’importe quelle équation diophantienne. Il est cependant
plus facile de se souvenir de la méthode que du théorème ! En outre, on retrouve des méthodes
analogues dans d’autres cas, par exemple la résolution d’équations différentielles linéaires.
Exemple 3.3. On a pgcd(8, 14) = 2 (voir l’exemple 2.11). Par conséquent, l’équation diophan-
tienne 8x + 14y = 4 possède des solutions, tandis que l’équation diophantienne 8x + 14y = 3
n’en possède pas. Comme on a pgcd(65, −42) = 1 (voir l’exemple 2.12), l’équation diophantienne
65x − 42y = c possède des solutions, quelle que soit la valeur de c.
Démonstration. Supposons que (E) possède une solution (u0 , v0 ). Si (s, t) est une solution
de l’équation homogène associée, on a
si bien que (s, t) est une solution de l’équation homogène associée à (E).
Exemple 3.6. Admettons pour cet exemple (ceci résultera du lemme 3.7) que les solutions de
l’équation diophantienne 8x + 14y = 0 sont les couples de la forme (7k, −4k) avec k ∈ Z.
On sait que pgcd(8, 14) = 2 et que 2 = 2 · 8 + (−1) · 14 (voir l’exemple 2.14). Par conséquent,
le couple (4, −2) est solution de l’équation diophantienne 8x + 14y = 4. Par le lemme 3.5, les
solutions de cette dernière équation sont les couples de la forme (4 + 7k, −2 − 4k), avec k ∈ Z.
3. APPLICATIONS À LA RÉSOLUTION D’ÉQUATIONS 43
Lemme 3.7. Considérons une équation diophantienne homogène (H) ax + by = 0, avec (a, b) 6=
(0, 0). Posons d = pgcd(a, b), a0 = ad et b0 = db . Alors (H) a les mêmes solutions que l’équation
(H 0 ) a0 x + b0 y = 0. Ces solutions sont les couples de la forme (b0 k, −a0 k) avec k ∈ Z.
Démonstration. Remarquons que d est non nul ; donc a0 et b0 sont bien définis.
L’équation (H) peut s’écrire d(a0 x + b0 y) = 0 ; elle a donc les mêmes solutions que (H 0 ).
Montrons maintenant que les solutions de (H 0 ) sont les couples de la forme (b0 k, −a0 k) avec
k ∈ Z. Pour tout k ∈ Z, on a a0 (b0 k) + b0 (−a0 k) = a0 b0 k − a0 b0 k = 0, si bien que (b0 k, −a0 k) est
une solution de (H 0 ). Réciproquement, considérons une solution (u, v) de (H 0 ). On traite le cas
où a est non nul (si c’est b qui est non nul, la démonstration est analogue et laissée en exercice).
On a a0 u = −b0 v. Comme a0 et b0 sont premiers entre eux (voir le lemme 2.18), la propriété de
Gauss assure que a0 divise −v. Ecrivons −v = ka0 avec k ∈ Z. On trouve alors a0 u = a0 b0 k, d’où
u = b0 k. On a bien (u, v) = (b0 k, −a0 k).
Exemple 3.8. Les solutions de l’équation diophantienne 8x + 14y = 0 sont les couples de la
forme (7k, −4k) avec k ∈ Z, car pgcd(8, 14) = 2, 14 8
2 = 7 et 2 = 4.
Théorème 3.9.
Soit une équation diophantienne (E) ax + by = c (d’inconnues x et y) :
(1) Si c n’est pas multiple de pgcd(a, b), alors (E) n’admet aucune solution.
(2) Si (a, b, c) = (0, 0, 0), alors tout couple d’entiers (u, v) est solution de (E).
(3) Si (a, b) 6= (0, 0) et si c est multiple de pgcd(a, b), on pose d = pgcd(a, b), a0 = ad et
b0 = db . L’équation (E) possède alors des solutions ; de plus, les solutions de (E) sont
les couples de la forme (u0 + b0 k, v0 − a0 k), avec k ∈ Z, où (u0 , v0 ) est une solution
particulière de (E).
Notons que ce théorème couvre tous les cas. En effet, si on n’est pas dans les cas (1) et (3) , on
a (a, b) = (0, 0) et c est multiple de pgcd(a, b). On a donc nécessairement c = 0. Autrement dit
on est dans le cas (2).
Démonstration. Le point (1) résulte du lemme 3.2. Le point (2) est évident.
Démontrons le point (3). L’équation homogène associée (H) ax + by = 0 a pour solutions les
couples de la forme (b0 k, a0 k), avec k ∈ Z, par le lemme 3.7 et (E) possède une solution (u0 , v0 )
par le lemme 3.2. On conclut avec le lemme 3.5.
Pour conclure, effectuons la résolution complète d’une équation diophantienne à l’aide du théo-
rème 3.9.
On trouve v = 2. En multipliant par 84, il vient 19992 = 252 · 8330 + 168 · (−12376) ; par
conséquent, le couple (252, 168) est une solution particulière de (E). Comme on a 8330 = 35 · 238
et −12376 = (−52) · 238, les solutions de (E) sont les couples de la forme
Remarque 3.11. En prenant k = 4, on voit que le couple (−8, −7) est également solution de
(E). Le théorème 3.9 permet de dire que les solutions de (E) sont les couples de la forme
De plus, en faisant le changement de variable ` = −k, on voit que les solutions de (E) sont les
couples de la forme
(−8 + 52 · `, −7 + 35 · `), avec ` ∈ Z .
L’ensemble des solutions est bien sûr le même que précédemment, mais exprimé différemment.
Le plus souvent, on peut décrire les solutions d’une équation diophantienne d’une infinité de
manières différentes.
3.2. Equations modulo un entier n. Etant donnés des entiers a, c, n, on cherche à ré-
soudre l’équation ax ≡ c [n], où x est l’inconnue. Une solution de cette équation est un entier u
tel qu’on ait au ≡ c [n].
Définition 3.12. Soit une équation (E) ax ≡ c [n], avec a, c, n ∈ Z, où x est l’inconnue.
L’ équation diophantienne associée est (D) ax + ny = c, d’inconnues x et y.
Lemme 3.13. Soit une équation (E) ax ≡ c [n], avec a, c, n ∈ Z, où x est l’inconnue. Les solutions
de (E) sont les entiers u tels que l’équation diophantienne associée possède une solution de la
forme (u, v) avec v ∈ Z.
Théorème 3.14.
Soit une équation (E) ax ≡ c [n], avec a, c, n ∈ Z, où x est l’inconnue :
(1) Si c n’est pas multiple de pgcd(a, n), alors (E) n’admet aucune solution.
(2) Si (a, n, c) = (0, 0, 0), alors tout entier u est solution de (E).
(3) Si (a, n) 6= (0, 0) et si c est multiple de pgcd(a, n), alors on pose d = pgcd(a, n) et
n0 = nd . L’équation (E) possède des solutions ; de plus, les solutions de (E) sont les
entiers de la forme u0 + n0 k avec k ∈ Z (c’est-à-dire les entiers congrus à u0 modulo
n0 ), où u0 est une solution particulière de (E).
n 0 1 2 3 4 5 6 7 8
kn 378 612 378 234 144 90 54 36 18
`n 612 378 234 144 90 54 36 18 0
un 1 0 1 −1 2 −3 5 −8 13
u0n 0 1 −1 2 −3 5 −8 13
qn 0 1 1 1 1 1 1 2
On a donc pgcd(378, 612) = 18. On constate que 522 = 29 · 18 ; donc l’équation (E) admet des
solutions (voir le théorème 3.14). Trouvons une solution particulière. On sait (voir la version
46 3. ARITHMÉTIQUE ENTIÈRE
Exercice 3.16. Soit une équation (E) ax ≡ c [n], avec a, c, n ∈ Z, où x est l’inconnue :
(1) Montrer que si u est une solution de (E) et si v ≡ u [n], alors v est aussi une solution
de (E).
(2) En déduire que l’ensemble des solutions de (E) est une réunion de classes d’équivalence
de la relation de congruence modulo n.
(3) Posons d = pgcd(a, n). Montrer que l’ensemble des solutions de (E) est réunion d’exac-
tement d classes d’équivalence de la relation de congruence modulo n.
4. Nombres premiers
Définition 4.1. Un nombre premier est un entier p ≥ 2 tel que pour tous k, ` ∈ N, on ait
p = k` =⇒ (k = 1 ou ` = 1) .
Remarque 4.2. Soit p un entier supérieur ou égal à 2. Les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) p est un nombre premier ;
(ii) les diviseurs positifs de p sont exactement 1 et p ;
(iii) les diviseurs de p sont ±1 et ±p.
Exercice 4.3. Vérifier que les nombre premiers inférieurs ou égaux à 15 sont 2, 3, 5, 7, 11 et 13.
Proposition 4.5.
Soit n ∈ Z \ {−1, 0, 1} Les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) le nombre |n| est premier ;
(ii) pour tous k, ` ∈ Z, on a n = k` =⇒ (k = ±1 ou ` = ±1) ;
(iii) pour tous a, b ∈ Z, on a n|ab =⇒ (n|a ou n|b).
Théorème 4.6.
Soit n un entier supérieur ou égal à 2. Il existe un entier k ≥ 1 et des nombres premiers p1 , . . . , pk
tels que
n = p1 · · · pk et p1 ≤ . . . ≤ pk .
Corollaire 4.7. Soit n un entier inférieur ou égal à −2. Il existe un entier k ≥ 1 et des
nombres premiers p1 , . . . , pk tels que
n = −p1 · · · pk et p1 ≤ . . . ≤ pk .
Corollaire 4.8. Soit n un entier satisfaisant |n| ≥ 2. Il existe des entiers ε ∈ {±1} et s ∈ N∗ ,
des nombres premiers p1 , . . . , ps et des entiers α1 , . . . , αs ∈ N∗ tels que
Définition 4.9. Soit n un entier satisfaisant |n| ≥ 2. La décomposition du corollaire 4.8 est
appelée décomposition en facteurs premiers de n.
Remarque 4.10. Soit n un entier satisfaisant |n| ≥ 2 et p un nombre premier. Alors, p divise
n si et seulement si p apparaît dans la décomposition en facteurs premiers de n.
Démonstration. Supposons par l’absurde qu’il n’existe qu’un nombre fini de nombres
premiers et notons les p1 , . . . , pk . Soit alors le nombre Q = p1 · · · pk + 1. On a Q ≡ 1 [pj ] pour
tout j, de sorte qu’aucun nombre premier ne divise Q. Dès lors, Q n’admet pas de décomposition
en produit de facteurs premiers, en contradiction avec le corollaire 4.8.
Proposition 4.12. Deux entiers a et b sont premiers entre eux si et seulement s’ils ne possèdent
aucun diviseur premier commun.
4. NOMBRES PREMIERS 49
Notre prochain objectif, étant donnés deux entiers a, b satisfaisant |a|, |b| ≥ 2, est de déterminer
les décompositions en facteurs premiers de pgcd(a, b) et ppcm(a, b), en fonction de celles de a
et b.
On se donne donc deux entiers a, b non nuls ; considérons une liste finie p1 < . . . < pk (avec
k ≥ 1) de nombres premiers qui contient tous les diviseurs premiers de a et tous ceux de b.
Grâce au corollaire 4.8, on peut écrire :
(
a = δ · pα1 1 · · · pαk k , avec δ = ±1 et α1 , . . . , αk ∈ N ;
(4.1)
b = ε · pβ1 1 · · · pkβk , avec ε = ±1 et β1 , . . . , βk ∈ N .
Lorsque pi n’apparaît pas dans la décomposition en facteurs premiers de a (resp. b), on a αi = 0,
(resp. βi = 0). Les nombres ±1 s’écrivent ±1 · p01 · · · p0k
Proposition 4.14. Soit a, b deux entiers non nuls. Avec les notations de (4.1), a divise b si et
seulement si on a αi ≤ βi pour tout i = 1, . . . , k.
Proposition 4.16.
Soit a, b deux entiers non nuls. Avec les notations de (4.1), on a
min(α1 ,β1 ) min(αk ,βk ) max(α1 ,β1 ) max(αk ,βk )
pgcd(a, b) = p1 · · · pk et ppcm(a, b) = p1 · · · pk .
min(α ,β )
1 1 k k min(α ,β )
Preuve de la première égalité. Posons d = p1 · · · pk . Pour tout n ∈ Z,
on va montrer que n divise d si et seulement si n divise a et b ; pour ce faire, on distinguera deux
cas. Soit n ∈ Z.
50 3. ARITHMÉTIQUE ENTIÈRE
1er cas : on suppose qu’il existe un nombre premier q, distinct de p1 , . . . , pk , qui divise n. Alors
n ne divise aucun des nombres d, a, b (voir le corollaire 4.8).
2e cas : on suppose que les diviseurs premiers de n font tous partie de la liste p1 , . . . , pk (en
particulier, n n’est pas nul). On peut écrire n = ζ · pγ11 · · · pγkk avec γ, . . . , γk ∈ N et
ζ = ±1 ; la proposition 4.14 nous donne alors la chaîne d’équivalences
n|d ⇐⇒ γi ≤ min(αi , βi ) pour tout i ⇐⇒ [n|a et n|b] .
min(α1 ,β1 ) min(αk ,βk )
Par la propostion 2.17, on trouve pgcd(a, b) = d = p1 · · · pk .
4.5. Nombres premiers et congruences. Nous allons maintant établir quelques relations
de congruence mettant en jeu des nombres premiers. Etant donnés deux entiers naturels n ≥ k,
rappelons que leur coefficient binomial est nk = k!·(n−k)!
n!
, et que ce nombre est un entier. On
rappelle également la formule du binôme : pour tous nombres complexes w, z et pour tout entier
naturel n, on a (w + z)n = nj=0 nj · wj z n−j .
P
Proposition 4.20. Soit p un nombre premier. Pour tous entiers a, b, on a (a + b)p ≡ ap + bp [p].
Exercice 4.21. Soit p est un nombre premier. Démontrer la formule (a − b)p ≡ ap − bp [p] pour
tous entiers a, b. Distinguer les cas p 6= 2 et p = 2.
Corollaire 4.23. Soit p un nombre premier, k, ` des entiers naturels non nuls et a un entier.
Alors, on a ak(p−1)+` ≡ a` [p].
Exemple 4.25. Calculons 55727236724 modulo 73. Par le corollaire, on a 55727236724 ≡ 554 [73].
Or, on a 552 = 3025 ≡ 32 [73] et donc 554 ≡ 322 ≡ 1024 ≡ 2 [73].
Terminons cette section par un résultat sur l’inversibilité des entiers modulo un nombre premier.
4.6. Détermination des nombres premiers. Le nombre 1573 est-il premier ? Quelle
est la décomposition en facteurs premiers de 656845 ? Nous allons donner des méthodes pour
répondre à ces questions. Cependant, elles sont difficiles d’utilisation, dans le sens que lorsque
l’entier n devient grand, le temps de calcul nécessaire pour obtenir une réponse croît très vite.
Ainsi, pour calculer le pgcd de deux grands nombres, l’algorithme d’Euclide s’avère plus efficace
que le calcul des décompositions en facteurs premiers en vue d’appliquer la proposition 4.16.
Lemme 4.27. Soit n un nombre naturel supérieur ou égal à 2. Si n n’est pas premier, alors il
√
possède un diviseur premier p tel que p ≤ n.
Démonstration. Supposons que n n’est pas premier. Il existe des entiers naturels k, ` ≥ 2
√
tels que n = k`. Si on suppose que k et ` sont strictement supérieurs à n, on obtient n = k` > n.
√
Donc, quitte à échanger k et `, on a 2 ≤ k ≤ n. Il suffit alors de choisir p parmi les diviseurs
premiers de k.
Premier test de primalité. Pour savoir si un entier n ≥ 2 est premier, il suffit de vérifier
√
s’il possède un diviseur premier dans l’intervalle [2, n]. En effet :
– s’il en possède un, alors il n’est pas premier ;
– s’il n’en possède pas, alors il est premier par le lemme précédent.
Remarque 4.28. Le test précédent est fastidieux, car il impose, si on ne sait pas lesquels sont
√
premiers, de tester un par un tous les entiers entre 2 et n.
pour tout k ∈ N∗ . Remarquons qu’à chaque étape Ek−1 contient tous les nombres premiers ; en
particulier, il est infini et donc pk est bien défini..
Illustrons cette construction pour sur le sous-ensemble {x ∈ N : 2 ≤ x ≤ 100} à l’aide du
tableau suivant, à compléter soi-même.
2 3 4 5 6 7 8 9 10
11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
p1 = 2
21 22 23 24 25 26 27 28 29 30
p2 =
31 32 33 34 35 36 37 38 39 40
p3 =
41 42 43 44 45 46 47 48 49 50
p4 =
51 52 53 54 55 56 57 58 59 60
p5 =
61 62 63 64 65 66 67 68 69 70
p6 =
71 72 73 74 75 76 77 78 79 80
p7 =
81 82 83 84 85 86 87 88 89 90
91 92 93 94 95 96 97 98 99 100
Démonstration. Remarquons tout d’abord que les trois ensembles sont contenus dans E0
par définition. Démontrons les inclusions
P⊆P ⊆E⊆P .
Soit p ∈ P. On a déjà remarqué que Ek contient les nombres premiers pour tout k. On a donc
p ∈ E. Comme on a pj+1 ≥ pj + 1 pour tout j, il existe k ∈ N tel que pk < p ≤ pk+1 . Comme p
est un élément de Ek strictement supérieur à pk , on doit avoir pk+1 ≤ p par définition de pk+1 .
Donc, on a p = pk+1 ∈ P , ce qui prouve l’inclusion P ⊆ P .
On démontre facilement (par récurrence) que pk appartient à Ej pour tout j ≥ k. De plus, on
a Ek ⊆ Ek−1 ⊆ . . . ⊆ E0 . Ceci démontre l’inclusion P ⊆ E.
Enfin, soit x ∈ E et soit p un diviseur premier de x. L’inclusion P ⊆ P , déjà démontrée, entraîne
p ∈ P . Ecrivons p = pk et x = ypk avec y ∈ N∗ . Comme x appartient à Ek , on doit avoir y = 1
et donc x = pk = p ∈ P. Ceci prouve l’inclusion E ⊆ P.
La proposition 4.29 caractérise les nombres premiers. Pour déterminer les nombres premiers
jusqu’à un entier n fixé, le théorème suivant indique où on peut s’interrompre dans le calcul des
nombres pk et des ensembles Ek .
4. NOMBRES PREMIERS 53
Théorème 4.30.
Soit k, n des nombres naturels tels que n ≥ 2. Avec les notations ci-dessus, on a l’équivalence :
√
pk+1 > n ⇐⇒ {p ∈ P : p ≤ n} = {x ∈ Ek : x ≤ n} .
On a déjà remarqué que pk+1 ≥ pk + 1, et donc pk ≥ k (par récurrence). Par conséquent, pour
tout n ≥ 2, il existe k ∈ N tel que {p ∈ P : p ≤ n} = {x ∈ Ek : x ≤ n}.
Démonstration. On procède par contraposée dans chacun des deux sens. Supposons
√
d’abord que pk+1 ≤ n. On constate alors que p2k+1 , dont les diviseurs positifs sont 1, pk+1
et p2k+1 , n’est divisible par aucun des nombres p1 , p2 , . . . , pk . Par conséquent, p2k+1 appartient à
{x ∈ Ek : x ≤ n}, mais pas à {p ∈ P : p ≤ n}.
Supposons maintenant que {p ∈ P : p ≤ n} 6= {x ∈ Ek : x ≤ n}. Comme on a P = E ⊆ Ek
d’après la proposition 4.29, il existe un entier x tel que x ≤ n dans Ek \ P. Par le lemme 4.27,
√
x possède un diviseur premier p tel que p ≤ n. Comme x est dans Ek , on a p ∈ / {p1 , . . . , pk }
et donc, toujours en vertu de la proposition 4.29, p = pj avec j ≥ k + 1. On en déduit que
√
pk+1 ≤ pj ≤ n.
Exercice 4.31. (1) Faire la liste des nombres premiers jusqu’à 120.
(2) Quelle est la plus petite valeur de k telle que les ensembles {p ∈ P : p ≤ 10000} et
{x ∈ Ek : x ≤ 10000} coïncident ? Que vaut alors pk ?
Soit E un K-espace vectoriel, où K est l’un des corps Q, R ou C ; soit (vi )i∈I une famille
(éventuellement infinie) d’éléments de E.
Définition 1.1. Le K-sous-espace vectoriel engendré par la famille (vi )i∈I est l’ensemble des
P
vecteurs de E de la forme j∈J αj vj , où J est une partie finie de I et αj ∈ K pour tout j ∈ J.
Autrement dit, le K-sous-espace vectoriel engendré par la famille (vi )i∈I est l’ensemble des
P
vecteurs de E de la forme i∈I αi vi , où les coefficients αi sont dans K pour tout i ∈ I et tous
nuls sauf un nombre fini.
A titre d’exercice, vous pouvez démontrer que c’est bien un K-sous-espace vectoriel de E et qu’il
est contenu dans tout K-sous-espace vectoriel de E qui contient la partie {vi : i ∈ I}.
Définition 1.2. La famille (vi )i∈I est libre si, pour tout n ∈ N∗ , pour tous indices i1 , . . . , in ∈ I
deux à deux distincts et pour tous α1 , . . . , αn ∈ K, on a l’implication
Xn
αk vik = 0 =⇒ (α1 , . . . , αn ) = (0, . . . , 0) .
k=1
Il est facile de vérifier que la famille (vi )i∈I est libre si et seulement si, pour tout partie finie
J ⊆ I, la sous-famille finie (vi )i∈J est libre (au sens vu en S1).
A titre d’exercice, vous pouvez démontrer que (vi )i∈I est une base de E si et seulement si tout
P
élément x ∈ E s’écrit de manière unique sous la forme x = i∈I αi vi , où les coefficients αi sont
dans K pour tout i ∈ I et tous nuls sauf un nombre fini.
On rappelle que l’ensemble, que nous noterons F(C, C), des applications de C dans C est un
C-espace vectoriel pour les opérations d’addition et de multiplication définies par les formules
(f + g)(z) := f (z) + g(z) et (λf )(z) := λf (z) .
55
56 4. POLYNÔMES À COEFFICIENTS DANS Q, R OU C
C’est donc a fortiori un K-espace vectoriel. Si vous n’avez jamais démontré ces points, la preuve
est laissée en exercice. On peut également définir un produit sur F(C, C) par la formule
(f · g)(z) := f (z) · g(z) .
Dans la suite, nous noterons 1 l’application C → C; z 7→ 1. Rappelons que pour f, g ∈ F(C, C),
la notation g◦f désigne l’application composée, qui est définie par la formule (g◦f )(z) = g(f (z)).
Proposition 2.1. Pour toutes f, g, h ∈ F(C, C) et pour tout λ ∈ C, les propriétés suivantes
sont satisfaites :
(1) f · (g · h) = (f · g) · h ;
(2) f · g = g · f ;
(3) f · (g + h) = (f · g) + (f · h) et (f + g) · h = (f · h) + (g · h) ;
(4) (λ1) · f = λf = f · (λ1) — et donc en particulier 1 · f = f = f · 1 ;
(5) (λg) ◦ h = λ(g ◦ h) ;
(6) (f + g) ◦ h = (f ◦ h) + (g ◦ h) ;
(7) (f · g) ◦ h = (f ◦ h) · (g ◦ h).
Exercice 2.2. Démontrer cette proposition. Ensuite, vérifier (en donnant des contre-exemples)
que les propriétés f ◦ (g + h) = (f ◦ g) + (f ◦ h) et f ◦ (g · h) = (f ◦ g) · (f ◦ h) ne sont pas
satisfaites pour toutes f, g, h ∈ F(C, C).
En vertu du point (4) de la proposition 2.1, on peut se permettre l’abus de langage suivant :
pour tout λ ∈ C, on notera λ la fonction λ1, c’est-à-dire la fonction constante de valeur λ. Ceci
permet d’identifier C à la partie de F(C, C) formée des applications constantes. Rappelons
qu’on note X l’application identité de C dans C.
Mise en garde. Les combinaisons linéaires sont par définition des sommes finies. Ainsi, par
1
X k n’est pas une combinaison linéaire de vecteurs de la famille (X k )k∈N ; ce
P
exemple, k∈N k!
n’est donc pas un polynôme (au sens de la définition 3.1 ci-dessous).
Preuve de la proposition 2.4. Supposons par l’absurde qu’il existe un entier naturel n
et des nombres complexes a0 , a1 , . . . , an , avec an 6= 0, tels que l’application
a0 X 0 + a1 X 1 + · · · + an X n
3. DÉFINITION DES POLYNÔMES ET RÈGLES DE CALCUL 57
soit nulle sur R. Pour tout k, on peut écrire ak = bk + ick avec bk , ck réels. Pour tout x ∈ R, on
trouve
(b0 + b1 x + · · · + bn xn ) + i(c0 + c1 x + · · · + cn xn ) = 0 .
Comme le premier terme est réel et le second imaginaire pur, il vient
b0 + b1 x + · · · + bn xn = 0 et c0 + c1 x + · · · + cn xn = 0
pour tout x ∈ R. En dérivant n fois ces égalités, on obtient bn · n! = 0 et cn · n! = 0, d’où an = 0.
C’est une contradiction ; on a démontré la proposition.
Définition 3.1.
On note K[X] le K-sous-espace vectoriel de F(C, C) engendré par la famille (X k )k∈N . On
appelle polynômes à coefficients dans K les éléments de K[X].
Remarque 3.2. On a les inclusions Q[X] ⊆ R[X] ⊆ C[X]. On s’autorisera donc, dans ce cours,
à écrire «polynôme» au lieu de «polynôme à coefficients dans C».
Par le corollaire 2.5, la famille (X n )n∈N est une base du K-espace vectoriel K[X]. Autrement
dit, K[X] est l’ensemble des k∈N ak X k telles que les coefficients ak soient tous dans K et nuls
P
à partir d’un certain rang ; de plus un polynôme P à coefficients dans K n’admet qu’une seule
écriture sous la forme P = k∈N ak X k (telle que les coefficients ak soient tous dans K et nuls
P
Remarque 3.3. Les sommes k∈N ak X k telle que les coefficients ak soient nuls à partir d’un
P
certain rang sont en fait des sommes finies, dans le sens qu’elles ne comprennent qu’un nombre
fini de termes non nuls.
Remarque culturelle 3.4. La définition 3.1 n’est pas la définition standard de la notion
de polynôme. Dans la plupart des ouvrages, elle correspond plutôt à la notion de fonction
polynomiale, qui est “équivalente” à la notion de polynôme lorsqu’on prend les coefficients dans
Q, R ou C. La définition 3.1 a été choisie pour ses vertus simplificatrices, mais il faut être
conscient qu’elle ne se laisse pas généraliser facilement à d’autres types de coefficients !
Définition 3.5.
Soit P = k∈N ak X k un polynôme non nul. Le degré de P est l’entier naturel
P
deg(P ) := max{n ∈ N : an 6= 0} .
On convient en outre que le degré du polynôme nul est −∞.
k
P
Remarquons que si P = k∈N ak X est un polynôme non nul et si m = deg(P ), alors le
coefficient am est non nul.
Définition 3.6. Soit P = k∈N ak X k un polynôme non nul et soit m = deg(P ). Le coefficient
P
am est appelé coefficient dominant de P . Si ce coefficient est 1, on dit que P est unitaire.
58 4. POLYNÔMES À COEFFICIENTS DANS Q, R OU C
Remarque 3.8. Les fonctions constantes (à valeur dans K) sont des polynômes à coefficients
dans K. De plus, un polynôme est constant (c’est-à-dire est une fonction constante) si et seule-
ment si son degré est égal à 0 ou −∞.
Cette remarque est très simple à vérifier pour elle-même ; en utilisant l’identification λ = λ1, on
peut aussi la voir comme un cas particulier du point (2) de la proposition 3.9.
puisque K est stable par multiplication et par addition. Par la proposition 2.1, on a
m n m X
n m+n
!
X X X X
j ` j+`
P ·Q= aj X · b` X = aj b` X = ck X k .
j=0 `=0 j=0 `=0 k=0
3. DÉFINITION DES POLYNÔMES ET RÈGLES DE CALCUL 59
Par hypothèse, am et bn sont non nuls, et donc cm+n aussi. Ceci démontre l’égalité deg(P · Q) =
deg(P )+deg(Q). Enfin, un calcul analogue au précédent montre que ck = 0 pour tout k > m+n,
ce qui achève la preuve de la formule P · Q = k∈N ck X k .
P
Qk .
P
Ceci prouve que P ◦ Q = k∈N ak De plus, par (1) et (2) P ◦ Q est un polynôme à coeffi-
cients dans K. Supposons maintenant que P et Q sont non constants, c’est-à-dire que m ≥ 1
et n ≥ 1. Par (1) et (2), on a immédiatement deg(Qk ) = kn pour tout k, ce qui entraîne
deg( m−1 k m
P
k=0 ak Q ) ≤ (m − 1)n < deg(am Q ). En appliquant le point (1) une fois encore, on
trouve deg(P ◦ Q) = mn.
Corollaire 3.11. Pour tout entier naturel n, les polynômes à coefficients dans K et de degré
inférieur ou égal à n forment un K-sous-espace vectoriel de K[X], que nous noterons K[X]≤n .
Ce corollaire découle immédiatement de la proposition 3.9. Il est alors très facile de vérifier que
(X 0 , X 1 , . . . , X n ) est une base de ce sous-espace vectoriel.
Proposition 3.12. Soit a ∈ K ; posons (X − a)0 := 1.
(1) Pour tout n ∈ N, la famille (X − a)0 , . . . , (X − a)n est une base de K[X]≤n .
P (X 3 + 1) = X 6 + 3X 3 + 3 et Q(X 2 + X + 1) = X 6 + 3X 5 + 6X 4 + 7X 3 + 6X 2 + 3X + 2 .
60 4. POLYNÔMES À COEFFICIENTS DANS Q, R OU C
4. Division de polynômes
Définition 4.1. Soit A, B ∈ K[X]. On dit que A divise B dans K[X] s’il existe un polynôme
Q ∈ K[X] tel que B = A · Q.
Lorsque le contexte est suffisamment clair, on s’autorise à écrire «A divise B» plutôt que «A
divise B dans K[X]». Comme dans le cas des nombres entiers, il arrive que B ne soit pas divisible
par A. C’est le cas, par exemple, si A = X 2 + X + 1 et B = X + 1.
Comme dans le cas des nombres entiers, il existe une opération de division euclidienne sur K[X].
Théorème 4.3.
Pour tous polynômes A, B ∈ K[X], avec B 6= 0, il existe un unique couple (Q, R) ∈ K[X]×K[X]
tel que
A=Q·B+R et deg(R) < deg(B) .
Définition 4.4. Les polynômes Q et R du théorème 4.3 sont le quotient et le reste de la division
euclidienne de A par B.
Démontrons maintenant qu’il existe k0 tel que n(k0 ) < m. Pour ce faire, supposons par l’absurde
que n(k) > m pour tout k. Avec les notations qui précèdent, on aurait
n(k) m n(k)−1
rn(k) n(k)−m X rn(k) n(k)−m X X
Rk+1 = Rk − X ·B = rj X j − X · bi X i = cj X j + 0X n(k) ,
bm bm
j=0 i=0 j=0
de sorte que n(k + 1) ≤ n(k) − 1 pour tout k. Par suite, il viendrait alors n(deg(A) + 1) =
n(n(0) + 1) < 0 ≤ m, ce qui est impossible. On a prouvé l’existence de k0 .
En posant, Q = Qk0 et R = Rk0 , on obtient un couple de polynômes (Q, R) qui satisfait aux
conditions du théorème.
Démontrons maintenant l’unicité : considérons deux couples (Q, R) et (Q0 , R0 ) satisfaisant aux
conditions du théorème. On a l’égalité (Q − Q0 ) · B = R0 − R, de sorte que le degré de (Q − Q0 ) · B
est strictement inférieur à deg(B) par la proposition 3.9. Comme B est non nul, la proposition 3.9
entraîne deg(Q − Q0 ) + deg(B) < deg(B), d’où deg(Q − Q0 ) < 0. Par suite, il vient Q = Q0 , puis
R = R0 .
Remarque culturelle 4.6. L’analogie entre les nombres entiers et les polynômes peut être
poussée plus loin (mais cela dépasse le programme de ce cours). On peut définir le plus grand
diviseur commun et le plus petit multiple commun d’un couple de polynômes et démontrer des
résultats analogues à ceux de la section 2 du chapitre 3. On peut ensuite les utiliser pour prouver
que tout polynôme non constant à coefficients dans K admet une décomposition, essentiellement
unique, en produit de polynômes “premiers” ; c’est un analogue du corollaire 4.8 du chapitre 3.
Dans la suite, nous démontrerons un tel théorème de décomposition (voir le théorème 6.2) en
faisant usage d’un autre outil : le théorème de d’Alembert-Gauss.
Définition 5.1. Soit P un polynôme. Une racine de P est un nombre complexe z tel que
P (z) = 0. Les racines sont parfois appelées zéros. On note Z(P ) l’ensemble des racines de P .
Proposition 5.2.
Soit P ∈ K[X] et a ∈ K. Alors,
a est une racine de P si et seulement si P est divisible par X − a dans K[X].
62 4. POLYNÔMES À COEFFICIENTS DANS Q, R OU C
Démonstration. Supposons d’abord que a est une racine de P . Par division euclidienne,
on peut écrire P = (X − a) · Q + R avec Q, R ∈ K[X] et deg(R) < 1. Par suite, R est un
polynôme constant, disons R = λ ∈ K. En évaluant en a, on trouve P (a) = 0 + λ. Comme a est
une racine de P , on voit que R = λ = 0, si bien que P = (X − a) · Q. On a prouvé que X − a
divise P .
Supposons maintenant que P est divisible par X − a ; on a donc P = (X − a) · Q avec Q ∈ K[X].
Par suite, on a P (a) = (a − a)Q(a) = 0. On a prouvé que a est une racine de P .
Proposition 5.3. Soit P un polynôme non nul. Le nombre de racines de P est inférieur ou
égal au degré de P . Autrement dit, on a l’inégalité |Z(P )| ≤ deg(P ).
Corollaire 5.4. Soit n ∈ N et soit A, B des polynômes de degré inférieur ou égal à n. S’il
existe n + 1 nombres complexes z0 , . . . , zn tels que A(zj ) = B(zj ) pour tout j, alors A = B.
Définition 5.5.
Soit P ∈ K[X] un polynôme non constant. S’il existe des polynômes non constants A, B ∈ K[X]
tels que P = A · B, on dit que P est réductible dans K[X]. Dans le cas contraire, on dit que P
est irréductible dans K[X].
Remarque 5.6. Soit P un polynôme non constant à coefficients dans K. Les assertions suivantes
sont équivalentes :
(1) P est irréductible dans K[X] ;
(2) pour tous A, B ∈ K[X], si P = A · B, alors A est constant ou B est constant.
6. LE THÉORÈME DE D’ALEMBERT-GAUSS ET SES CONSÉQUENCES 63
Exemples. (1) Le polynôme X 2 − 3X + 2 est réductible dans Q[X] ; en effet, on voit par
calcul que X 2 − 3X + 2 = (X − 1) · (X − 2) ;
(2) Si P ∈ K[X] est de degré 1, alors il est irréductible dans K[X]. En effet, si on écrit
P = AB avec A, B ∈ K[X], on doit avoir deg(A) + deg(B) = 1 ; donc A est constant
ou B est constant.
Remarque culturelle 5.7. Les polynômes irréductibles dans K[X] jouent un rôle analogue
à celui des nombres premiers dans Z. Il est possible de démontrer le théorème de factorisation
suivant :
Soit P un polynôme non constant à coefficients dans K. Il existe k ∈ N∗ , a ∈ K∗ , µ1 , . . . , µk ∈
N∗ , et des polynômes P1 , . . . , Pk unitaires, irréductibles dans K[X], distincts deux à deux et tels
que
k
µ
P = aP1µ1 · · · Pkµk = a
Y
Pj j .
j=1
De plus, cette décomposition est unique à permutation des facteurs près.
On démontrera ce résultat lorsque K = C (voir la proposition 6.1 et le théorème 6.2). Le cas
K = R sera traité dans l’exercice 6.12 tandis que le cas K = Q ne sera pas traité dans ce cours.
Remarque 5.8. Si un polynôme est réductible dans R[X], il est aussi réductible dans C[X] ;
de même, si un polynôme est réductible dans Q[X], il est aussi réductible dans R[X] et C[X].
Proposition 5.9.
Soit P un polynôme à coefficients dans K.
(1) Si deg(P ) ≥ 2 et si P possède une racine dans K, alors il est réductible dans K[X] ;
(2) Si deg(P ) ∈ {2, 3} et si P est réductible dans K[X] , alors il a une racine dans K.
Exercice 5.11. Trouver un polynôme de degré 4 à coefficients réels, réductible dans R[X], mais
qui ne possède aucune racine réelle.
6.1. Polynômes irréductibles dans C[X]. On admettra le résultat suivant, car sa preuve
nécessite des connaissances d’analyse complexe.
Théorème de d’Alembert-Gauss. Tout polynôme non constant possède une racine complexe.
64 4. POLYNÔMES À COEFFICIENTS DANS Q, R OU C
Théorème 6.2.
Pour tout polynôme P à coefficients dans C et non constant, il existe k ∈ N∗ , a ∈ C∗ , des
nombres complexes z1 , . . . , zk distincts et µ1 , . . . , µk ∈ N∗ tels que
k
Y
P = a(X − z1 )µ1 · · · (X − zk )µk = a (X − zj )µj .
j=1
Exercice 6.3 (facile). Vérifier que le théorème 6.2 est bien équivalent au théorème de factori-
sation dans C[X] — au sens de la remarque 5.7.
Définition 6.4.
Soit P un polynôme et soit z une racine de P . La multiplicité de la racine z (pour le polynôme
P ) est le nombre
µP (z) := max k ∈ N∗ : (X − z)k divise P .
Une racine est dite simple si sa multiplicité est 1, double si sa multiplicité est 2, etc.
Exercice 6.5 (facile). Vérifier que µP (z) est bien défini et compris entre 1 et deg(P ).
Preuve du théorème 6.2. Pour démontrer l’existence, on procède par récurrence sur le
degré de P . Comme P n’est pas constant, ce degré est dans N∗ .
−b
Initialisation : si deg(P ) = 1, on a P = aX + b, et donc P = a(X − a ), avec a ∈ C∗ et b ∈ C.
Hypothèse de récurrence : on suppose que pour tout polynôme Q de degré m (avec m ∈ N∗ ), il
existe k ∈ N∗ , a ∈ C∗ , des nombres complexes z1 , . . . , zk distincts et µ1 , . . . , µk ∈ N∗ tels que
Q = a(X − z1 )µ1 · · · (X − zk )µk .
i−1
Y k
Y
µj µi +1
P =a (X − zj ) · (X − zi ) · (X − zj )µj ;
j=1 j=i+1
Qk
(2) si z ∈
/ {z1 , . . . , zk }, on voit que P = a(X − z) · j=1 (X − zj )µj .
Dans les deux cas, c’est une décomposition de la forme voulue ; ceci termine la récurrence.
Passons à la preuve de l’unicité à permutation des facteurs près. Si P = a kj=1 (X − zj )µj ,
Q
on constate facilement que a est le coefficient de plus haut degré de P et que {z1 , . . . , zk } est
l’ensemble des racines de P . Une autre décomposition sera donc nécessairement (à permutation
des facteurs près) de la forme P = a kj=1 (X − zj )νj . Enfin, on a µi = µP (zi ) = νi pour tout i
Q
Corollaire 6.8. Soit P un polynôme non constant (à coefficients dans C). L’égalité
X
µP (z) = deg(P )
z∈Z(P )
est satisfaite (en particulier, le nombre de racines de P est inférieur ou égal au degré de P ).
6.2. Polynômes irréductibles dans R[X]. Dans R[X] on a déjà vu qu’il existe des
polynômes irréductibles de degré 2, comme par exemple X 2 + 1. La situation n’est donc pas
aussi simple que dans C[X]. On peut néanmoins obtenir des résultats analogues à la proposition
6.1 et au théorème 6.2. Ces résultats sont laissés en exercice.
Exercice 6.11. Démontrer que les polynômes irréductibles dans R[X] sont exactement :
– les polynômes de degré 1 (à coefficients réels), et
– les polynômes de degré 2 (à coefficients réels) dont le discriminant est strictement négatif.
Exercice 6.12 (factorisation des polynômes à coefficients réels). Soit P un polynôme non
constant à coefficients réels. Montrer qu’il existe k ∈ N∗ , a ∈ R∗ , µ1 , . . . , µk ∈ N∗ , et des
polynômes P1 , . . . , Pk unitaires, irréductibles dans R[X], distincts deux à deux et tels que
k
µ
aP1µ1 · · · Pkµk
Y
P = =a Pj j .
j=1
De plus, démontrer que cette décomposition est unique à permutation des facteurs près.
7. Dérivation de polynômes
7.1. Définition et propriétés. La notion de polynôme dérivé est définie de manière algé-
brique. Celles et ceux qui sont intéressés à voir le lien avec la dérivation d’applications peuvent
consulter la section 9.3.
Définition 7.1.
Soit P = m k
P
k=0 ak X est un polynôme. Le polynôme dérivé de P est
m
X m−1
X
0 k−1
P := kak X = (n + 1)an+1 X n .
k=1 n=0
Remarque 7.2. Si P à coefficients dans K, alors P 0 aussi. De plus, si P n’est pas constant, on
a deg(P 0 ) = deg(P ) − 1.
Proposition 7.3. Soit P et Q deux polynômes. Les relations suivantes sont satisfaites :
(P + Q)0 = P 0 + Q0 , (P · Q)0 = P 0 · Q + P · Q0 et (Q ◦ P )0 = (Q0 ◦ P ) · P 0 .
Exercice 7.4. Démontrer cette proposition. (Cette preuve ne fait pas appel à la notion de
dérivée d’une application.)
Soit P un polynôme. On peut définir une suite de polynômes récursivement par les formules
P (0) = P et P (n+1) = (P (n) )0 . Le polynôme P (n) est appelé n-ième polynôme dérivé de P .
Remarquons que si P est à coefficients dans K, il en va de même pour tous les polynômes P (n) .
(2) En déduire que P (n) est le polynôme constant n! et que P (k) = 0 dès que k > n.
n
Rappelons que, pour tout couple (n, k) d’entiers naturels tel que k ≤ n, la notation k désigne
le coefficient binomial de n et k, défini par nk = k!·(n−k)!
n!
,
Exercice 7.7. Démontrer cette proposition. On rappelle que, pour tout couple (n, k) d’entiers
naturels tel que k ≤ n, l’égalité n+1 n n
k+1 = k + k+1 est satisfaite.
Théorème 7.8.
Soit P un polynôme à coefficients dans K et soit m = deg(P ). L’égalité suivante est satisfaite
pour tout a ∈ K :
m
X P (k) (a) P 00 (a) P (m) (a)
P = (X − a)k = P (a) + P 0 (a) · (X − a) + (X − a)2 + · · · + (X − a)m .
k! 2 m!
k=0
où les coefficients αj sont des entiers. En évaluant en a, on trouve P (k) (a) = bk k!, ce qui conclut
la preuve.
Démonstration. Si k est nul, les deux assertions sont vraies ; supposons donc désormais
que k est non nul.
Si la condition (ii) est réalisée, la formule de Taylor montre immédiatement que (i) l’est aussi.
Pk−1 P (j) (a) j
Si la condition (ii) n’est pas réalisée, le polynôme R := j=0 j! (X − a) est non nul par
la proposition 3.12. Comme son degré est strictement inférieur à celui de (X − a)k , il n’est pas
divisible par (X − a)k — voir l’exercice 4.2. Par la formule de Taylor, P est somme de R et d’un
multiple de (X − a)k ; donc P n’est pas divisible par (X − a)k .
68 4. POLYNÔMES À COEFFICIENTS DANS Q, R OU C
Corollaire 7.10.
Soit P un polynôme non nul. Pour toute racine z de P , on a l’égalité
Théorème 8.1.
Soit n ∈ N, soit k ∈ N∗ , soit µ1 , . . . , µk ∈ N∗ tels que µ1 + · · · + µk = n + 1 et soit z1 , . . . , zk
des nombres complexes distincts. Alors, pour toute famille (wj,ν )1≤j≤k; 0≤ν≤µj −1 de nombres
complexes (notons qu’il y en a n + 1), il existe un unique polynôme P tel que
Pour démontrer ce théorème, il serait plus commode d’utiliser des résultats d’algèbre linéaire
qui sont au programme du S3. On peut cependant s’en tirer avec les résultats concernant les
matrices vus au S1.
Corollaire 8.2. Soit z1 , . . . , zn+1 des nombres complexes distincts. Alors, pour tous nombres
complexes w1 , . . . , wn+1 , il existe un unique polynôme P tel que
Preuve du théorème 8.1. Première étape : on démontre le théorème dans le cas où les
wj,ν sont tous nuls. Dans ce cas, il est clair que le polynôme nul satisfait aux conditions du
théorème. Il reste à vérifier l’unicité, ce pour quoi on considère un polynôme P satisfaisant aux
conditions du théorème. Par le corollaire 7.10, on a µP (zj ) ≥ µj pour tout j. Si P n’était pas
constant, le corollaire 6.8 entraînerait deg(P ) ≥ kj=1 µj = n + 1, ce qui est impossible1. Par
P
conséquent, P est constant. Dès lors, il est nul puisqu’il possède une racine. Ceci achève la preuve
de l’unicité.
Seconde étape : on démontre le théorème dans le cas général. Soit P = ns=0 as X s un polynôme
P
en utilisant les résultats de l’exercice 7.5 (on convient que le produit s(s − 1) · · · (s − ν + 1) vaut
1 lorsque ν = 0). Ainsi, la condition P (ν) (zj ) = wj,ν s’écrit sous la forme
λj,ν,0 · a0 + λj,ν,1 · a1 + · · · + λj,ν,n · an = wj,ν ,
où λj,ν,s = s(s − 1) · · · (s − ν + 1)zjs−ν si s ≥ ν et λj,ν,s = 0 sinon. Par conséquent, P satisfait
aux conditions du théorème si et seulement si A = t (a1 , . . . , an ) est solution du système linéaire
Λ·X =W ,
où
λ1,0,0 λ1,0,1 ··· λ1,0,n x0 w1,0
.. .. .. .. x1
..
. . . . .
..
λ
1,µ1 −1,0 λ1,µ1 −1,1 · · · λ1,µ1 −1,n
. w
1,µ1 −1
.. .. .. .. .. ..
Λ=
. . . . ,
X=
. et W =
. .
λk,0,0 λk,0,1 ··· λk,0,n
..
wk,0
.
.. .. .. ..
..
.
. . . xn−1 .
λk,µk −1,0 λk,µk −1,1 · · · λk,µk −1,n xn wk,µk −1
Notons que la matrice Λ est carrée, de taille (n + 1) × (n + 1), puisque kj=1 µj = n + 1. De plus,
P
la première étape montre que l’unique solution du système Λ · X = t (0, . . . , 0) est le vecteur nul.
Par conséquent, Λ est inversible et P = ns=0 as X s satisfait aux conditions du théorème si et
P
Qk
écrire B sous la forme B = b j=1 (X − zj )µj avec b, z1 , . . . , zk ∈ C et b 6= 0. Remarquons que
µ1 + · · · + µk = deg(B).
Proposition 8.5.
Avec les notations qui précèdent, R est l’unique polynôme de degré strictement inférieur à
deg(B) qui satisfait aux conditions R(ν) (zj ) = A(ν) (zj ) pour tout j ∈ {1, . . . , k} et pour tout
ν ∈ {0, . . . , µj − 1}.
Remarque 8.6. Si B était constant (et non nul), alors R serait forcément nul.
par la proposition 7.6. De plus, le corollaire 7.9 implique que pour tout ` ∈ {0, . . . , ν} la dérivée
B (ν−`) s’annule en zj , si bien que R(ν) (zj ) = A(ν) (zj ). Donc R satisfait aux conditions de la
proposition — son degré est par définition strictement inférieur à deg(B).
L’unicité, quant à elle, résulte du théorème 8.1 (poser n = deg(B) − 1).
A = X 14 − 4X 13 + 5X 12 − X 11 − 4X 10 + 4X 9 + 2X 8 − 4X 7 − X 6 + 8X 5 − 2X 4 − 2X 3 − 7X + 4
par le polynôme
B = X 7 − 4X 6 + 5X 5 − 2X 4 = X 4 · (X − 1)2 · (X − 2) .
Par la proposition 8.5, R est l’unique polynôme de degré strictement inférieur à 7 satisfaisant
aux conditions R(0) = A(0), R0 (0) = A0 (0), R00 (0) = A00 (0), R000 (0) = A000 (0), R(1) = A(1),
R0 (1) = A0 (1) et R(2) = A(2). Par calcul, on voit que
A0 = 14X 13 −52X 12 +60X 11 −11X 10 −40X 9 +36X 8 +16X 7 −28X 6 −6X 5 +40X 4 −8X 3 −6X 2 −7
(on ne calcule pas A00 et A000 car il est facile de voir que A00 (0) = 0 et A000 (0) = −12 à partir de
l’expression de A0 ). Ainsi, R est l’unique polynôme de degré strictement inférieur à 7 satisfaisant
aux conditions R(0) = 4, R0 (0) = −7, R00 (0) = 0, R000 (0) = −12, R(1) = −1, R0 (1) = 8 et
R(2) = 134. D’après l’exemple 8.4, ce polynôme est X 6 + 3X 5 − 2X 3 − 7X + 4.
9. Annexes
9.1. Un cas particulier du théorème 8.1. Il s’agit du cas où les nombres complexes
z0 , . . . zn sont distincts. Dans ce cas, le système linéaire qui apparaît dans la preuve du théorème
8.1 est plus facile à expliciter. On verra de plus, bien que cela ne soit pas vraiment nécessaire,
comment calculer la valeur exacte du déterminant de la matrice dans ce cas.
9. ANNEXES 71
Proposition 9.1 (corollaire 8.2). Soit z0 , . . . , zn des nombres complexes distincts. Alors, pour
tous nombres complexes w0 , . . . , wn , il existe un unique polynôme P tel que
que P satisfait les conditions P (zj ) = wj pour tout j si et seulement si t (a0 , a1 , . . . , an ) est
solution du système linéaire ZX = W , où
1 z0 · · · z0n x0 w0
1 z1 · · · z1n x1 w1
Z=
.. .. . . . ,
.. X=
..
et W =
.. .
. . . . .
1 zn · · · znn xn wn
Il suffit donc de montrer que le système linéaire ZX = W possède une unique solution. Or, c’est
le cas puisque la matrice Z est inversible en vertu du lemme 9.2 ci-dessous.
Lemme 9.2 (calcul des déterminants de Vandermonde). Pour tout n ∈ N, pour tous nombres
complexes z0 , z1 , . . . , zn distincts, on a l’égalité
1 z0 · · · z0n
1 z1 · · · z1n Y
(9.1) .. .. . . .. = (zk − zj ) .
. . . . 0≤j<k≤n
1 zn · · · znn
Remarque 9.3. Si deux des nombres complexes z0 , z1 , . . . , zn sont égaux, l’égalité (9.1) est
également vérifiée (les deux membres sont nuls).
1 z0 ··· z0n−1
1 z1 ··· z1n−1 Y
.. .. .. .. = (zk − zj ) .
. . . . 0≤j<k≤n−1
n−1
1 zn−1 · · · zn−1
Finalement, on trouve
1 z0 · · · z0n
1 z1 · · · z1n Y
.. .. . . .. = P (zn ) = (zk − zj ) · (zn − z0 ) · · · (zn − zn−1 )
. . . . 0≤j<k≤n−1
1 zn · · · znn
Y
= (zk − zj ) .
0≤j<k≤n
9.2. Annexe sur la mutiplicité des racines. Le but de cette section est de prouver une
version faible du corollaire 6.8, à savoir le théorème 9.4 ci-dessous, sans utiliser le théorème de
d’Alembert-Gauss.
est satisfaite (en particulier, le nombre de racines de P est inférieur ou égal au degré de P ).
est satisfaite (et donc que le nombre de racines de A est inférieur ou égal à m).
9. ANNEXES 73
est satisfaite. Si P n’a pas de racine2, l’inégalité est trivalement satisfaite. Supposons maintenant
que P possède une racine w ∈ C, posons µ = µP (w) et écrivons P = (X −w)µ ·Q avec Q ∈ C[X].
On voit que Z(P ) = {w} ∪ Z(Q). Comme (X − w)µ+1 ne divise pas P , le polynôme X − w ne
divise pas Q. Par la proposition 5.2, w n’est pas racine de Q, de sorte que Z(P ) est la réunion
disjointe de {w} et de Z(Q).
Pour démontrer cette assertion, on utilise le corollaire 7.10 : on a donc Q(j) (z) = 0 pour tout
j ∈ {0, . . . , µQ (z) − 1} et Q(j) (z) 6= 0 si j = µQ (z). Dès lors, l’égalité
k
X k (j)
P (k) = (X − w)µ · Q(k−j) ,
j
j=0
qui résulte de la proposition 7.6, implique que P (k) (z) = 0 pour tout k ∈ {0, . . . , µQ (z) − 1}, car
toutes les dérivées de Q qui apparaissent dans la somme s’annulent en z. Elle implique également
que P (k) (z) = (z − w)µ · Q(k) (z) 6= 0 si k = µQ (z). Ainsi, en utilisant à nouveau le corollaire 7.10,
on obtient l’égalité µP (z) = µQ (z), ce qui prouve l’assertion.
Grâce à l’assertion, on obtient la formule
X X X
µP (z) = µP (w) + µP (z) = µ + µQ (z) .
z∈Z(P ) z∈Z(Q) z∈Z(Q)
On applique maintenant l’hypothèse de récurrence à Q (on a bien deg(Q) ≤ m), ce qui nous
donne l’inégalité
X
µP (z) ≤ µ + deg(Q) = deg (X − w)µ · Q = deg(P ) .
z∈Z(P )
Définition 9.5. Soit f une application de C dans C et soit w ∈ C. On dit que f est dérivable
en w si la limite
f (z) − f (w)
f 0 (w) := lim
z→w,z6=w z−w
existe dans C. Dans ce cas, le nombre complexe f 0 (w) est appelé dérivée de f en w.
2C’est impossible par le théorème de d’Alembert-Gauss, mais on n’a pas besoin d’utiliser ce fait ici
74 4. POLYNÔMES À COEFFICIENTS DANS Q, R OU C
Autrement dit, f est dérivable en w s’il existe ` ∈ C tel que, pour toute suite (zn )n dans C \ {w}
qui converge vers w, la suite de terme général f (zznn)−f
−w
(w)
converge vers ` (on a alors évidemment
f 0 (w) = `).
Définition 9.6. Une application f de C dans C est dite dérivable si elle est dérivable en tout
point w ∈ C. Dans ce cas, l’application f 0 : C → C; w 7→ f 0 (w) est appelée dérivée de f .
On consigne les résultats qui nous seront utiles dans la proposition suivante.
Exercice 9.8. Démontrer cette proposition. Il s’agit en fait de vérifier qu’on peut recopier les
preuves vues au cours d’analyse pour les applications de R dans R.
Corollaire 9.9. Si P = m k
P
k=0 ak X est un polynôme (de degré m) à coefficients dans K, alors
P est dérivable et sa dérivée est donnée par la formule
m
X m−1
X
P0 = kak X k−1 = (n + 1)an+1 X n .
k=1 n=0
Autrement dit, la dérivée de P (au sens de la définition 9.6) et le polynôme dérivé de P (au sens
de la définition 7.1) coïncident.
La proposition 7.3 est une autre conséquence facile de la proposition 9.7 et du corollaire 9.9.
Notre nouvelle approche permet donc de se passer de la preuve de la proposition 7.3 demandée
dans l’exercice 7.4.