Mélanges de Mythologie Et de Linguistique
Mélanges de Mythologie Et de Linguistique
Mélanges de Mythologie Et de Linguistique
DE
MYTHOLOGIE
F.T DE
LINGUISTIQUE
PARIS- – nJPIUJlEHiepB É. «A HTIS ET, nue MIGNON, 2
MÉLANGES
DE
MYTHOLOGIE
ET DE
LINGUISTIQUE
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«
MICHEL BRÉAL
Membre de l'Instilut
Professeur do Grammaire compare* au Cullô^c do Fruncu
PARIS
LIBRAIRIE HACHETTE et Cic
79, BOLLEVA1Î0 SAINT-CERMAISf 7'^
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PRÉFACE
31 août 1877.
TABLE DES MATIÈRES
Préface
mythologie
d'OEdipe
Pugisa.
V
l'Avcsta
Hercule et Cacus. Ëtuda de 1
Le mythe 163
zeiids
De la Géographie de
mots
Eoroastre.
La Légende du Brahmane converti pac
Sur la composit'on des livres
De la méthode comparative appliquée à l'étude des langues
187
201
207
217
comparée
langage
De la forme et de la fonction des
Les progrès de la grammaire
243
2B7
classique
Les idées latentes du
Quelle place doit tenir la grammaire comparée dans l'enseignement
française langue
295
323
analytique
L'enseignement de la 347
indo-européennes
Les racines 375
Index 413
(1) 1863.
partie. Nous voudrions enfin donner un exemple de la
méthode philologique appliquée aux recherches de my-
thologie, et faire voir que l'étude comparée des langues
ne fournit pas seulement le moyen de retrouver le sens
primitif des fables, mais qu'elle permet, en même temps,
d'en expliquer la formation.
Jusqu'à ces dernières années, la mythologie a été re-
gardée comme étant uniquement une science d'interpré-
tation on cherchait bien l'idée contenue dans ces contes
merveilleux qui semblaient trop bizarres pour ne pas
renfermer quelque signification cachée; mais ce qu'on
croyait le sens intime d'un mythe, une fois découvert,
on ne pensait pas qu'il fùt possible d'aller plus avant, et de
déterminer pourquoi cette idée avait pris telle forme my-
thique plutôt que telle autre. En effet, les fables étaient
considérées comme le produit, soit réfléchi, soit spon-
tané, de la raison ou de la fantaisie or l'intelligence
d'un peuple, pas plus que celle de l'individu, ne livre le
secret de ses opérations. Il paraissait aussi impossible
d'expliquer pourquoi une conception revêtu préci-
sément tel déguisement merveilleux, que de rendre
compte du mouvement instinctif qui présente telle image
plutôt que telle autre à l'esprit d'un poëte ou d'un ora-
teur. On se demandait bien ce qu'annonçaient et ce que
renfermaient ces nuages capricieux qui flottaient à l'ho-
rizon de l'histoire et formaient, en quelque sorte, le ciel
poétique de la Grèce mais comment ils s'étaient amassés
et d'où ils venaient, c'est ce qu'il semblait interdit à
DES MYTHES EN GÉNÉRAL.
le
prête une autre attitude physique et un autre caractère
moral. Il est tourà tour le Brillant (Stirya), l'Ami (Milra),
le Généreux (Aryaman), le Bienfaisant (Bhaga), Celui
qui nourrit (Pûshan), le Créateur Maître
du Ciel (Divuspati), et ainsi de suite. Au moment où
l'homme créa tous ces noms,comme on prodigue à un
(1) M. Max Millier a décrit deux Je ces causes, avec la science et avec
l'éclat qui Ini sont habituels, dans son Essai de wijlhologie comparés.
être chéri les termes d'affection et de tendresse, il ne crai-
gnait pas de n'être point compris; la même passion naïve
remplissait toutes les âmes. Mais, une fois que le premier
âge de l'humanité fut passé, l'époque suivante, étonnée,
chercha à mettre de l'ordre dans ce chaos. Elle supposa
que tant d'appellations ne pouvaient appartenir à un seul
ohjet, et elle commença à distinguer Mitra de Sûrya,
Bhaga de Tvashtar, Divaspati i'Aryaman. Néanmoins,
comme toutes ces figures avaient un air de parenté, et
comme souvent on les voyait se substituer l'une à l'autre,
on se tira d'embarras en faisant d'elles le père et le fils,
ou bien des frères, et en les réunissant toutes dans une
seule et même famille. Ainsi commença la théogonie,
œuvre des prêtres et des poêles; elle rassembla en un
système un monde de figures qui jusque-là flottaient au
hasard, et, par une conséquence nécessaire, en dressant
des listes généalogiques, elle introduisit artificiellement
]a chronologie dans la fable, et mit sur divers plans les
dieux qui jusque-là, comme les saints dans les tableaux
des écoles primitives, étaient tous placés au premier rang.
Mais cela ne suffisait pas il fallait expliquer pourquoi
le dieu suprême s'appelle tantôt d'un nom, tantôt d'un
autre. Comme on croyait qu'il s'agissait d'êtres différents,
on inventa les dynasties célestes, les révolutions violentes
de l'Olympe, Ouranos renversé par Kronos, Kronos par
Zcus, tous ces événements tragiques qui invitèrent plus
tard les esprits à la réflexion et frappèrent l'imagination
d'Eschyle. On remplit le passé mythologique de cata-
clysmes imaginaires, en y plaçant, comme autant de rois
déchus, les synonymes vieillis des divinités actuelles. Tout
ce travail s'est fait avec plus ou moins de perfection dans
chaque mythologie: la facilité avec laquelle les peuples
oublient leurs origines sera toujours un sujet d'étonne-
ment. Les anciens mots les embarrassent aulant que les
vieux monuments et les vieilles coutumes; ne pouvant ni
les comprendre, ni les oublier, toutes les explications
qui en rendent compte leur semblent bonnes.
Au temps d'Homère, ce travail de classification et de
coordination était déjà en grande partie terminé pour
la Grèce. Hésiode, plus lard, nous l'expose d'une façon
didactique. Tous les dieux, tous les êtres fabuleux ont
leur généalogie tout est réglé et expliqué. Les Titans
sont soigneusement distingués des Géants; la Gorgone
n'est pas la même que la Médusa. Typhaon, en s'unissant
à Échidna, devient le père de Cerbère, de l'Hydre, de la
Chimère et d'Orthros, lequel lui-même, en s'unissant à sa
mère, engendre le Sphinx. C'est (on peut le dire à la lettre)
un même monstre qui renaît continuellement de lui-même.
La généalogie des dieux n'a pas plus de raison d'être. La
plupart des dieux secondaires sont desattributs détachés des
dieux primitifs, ou des surnoms qui, après avoir été usités
dans une seule tribu, furent insérés plus tard comme des
êtres distincts dans la nomenclature générale.
Un second mode de formation vient de la confusion des
différents sens d'un seul et même terme. Cette cause a
produit un moins grand nombre de mythes, mais elle les
défigure davantage. La fable des pommes d'or des Ilespc-
rides, où p.'o», chèvre, a été pris dans le sens de («alo»,
pomme, n'est pas autre chose, au fond, que l'histoire de
la toison d'or. L'histoire des écuries d'Augias repose sur
une méprise dont la suite de ce travail nous donnera le
mot, mais que nous pouvons indiquer des à présent
Augias ( A-j'/rfscj ) est un surnom du soleil; si nous voulons
savoir ce qu'il faut entendre par ses écuries, il faut
nous rappeler le double sens du mot go, qui, dans la
langue védique, désigne à la fois la vache et le nuage, et
par suite la double signification de goira, qui marque à
la fois dans les védas l'écurie et le ciel. Lechangement
d'Argus en paon vient de la confusion des étoiles célestes
avec celles de la queue de l'oiseau, et le mot sahasrâksha
(qui a mille yeux), appliqué à la nuit en sanscrit, nous
laisse entrevoir comment a dit se former la fable. Les
Métamorphoses d'Ovide, qu'on pourrait appeler le réper-
toire des homonymes mythologiques, nous fourniraicnl,
au besoin, beaucoup d'autres exemples. Mais nous voulons
indiquer une preuve frappante de l'influence qu'une er-
reur de sens peut exercer sur un mythe. Le nom de I'ro-
mclliée, iifoiuiîriî, vient, comme l'a démontré M. Kulin, du
védique pramantha, c'est-à-dire qu'il désigne celui qui
introduit et lourne un bâton dans le creux d'une roue,
pour produire le feu par le frottement. Mais la racine
malh, manlh, qui désigne un mouvement physique dans
la langue de l'Inde,a été détournée de ce sensen grec pour
marquer le mouvement de l'esprit, de la même façon que
cogilare en latin.Une fois que m-A, t»fi, signifia penser,
savoir, iioopOrO; devint le dieu qui connaît l'avenir. De là
lc Prométhéc d'Eschyle, prédisant aux dieux le sort qui
les attend. On voit combien les accidents ou les inodifi-
cations de la langue sont intimement liés à la mythologie
une simple erreur de sens peut produire toute une série
nouvelle de fables.
L'élymologie a été, de son côté, la source d'un très-
grand nombre de mythes. Le peuple est un philologue qui
veut se rendre compte des noms qu'il entend, et qui,
grâce à son imagination, trouve aisément une histoire
pour expliquer un nom propre. Plus même le conte qu'il
invente est bizarre, plus il s'y attache, et bientôt il cite le
nom comme preuve à l'appui du récit. Voici un exemple
de ce mode de formation.
La naissance d'.Uhéné, sortie armée de la tête de
Zcus, a tout l'air d'être une allégorie cette image tant
de fois reproduite par les arts, et qu'on a prise lanlôl
pour le symbole de la foudre éclatant dans le ciel, tan-
tôt pour celui de la pensée jaillissant du cerveau, est le
résultat de la plus naïve des confusions. Athéné s'ap-
pelle aussi T/aToyivan, c'est-à-dire la fille de Tritos. Ce dieu
a disparu de la mythologie grecque mais il se retrouve
dans les védas, où Trita règne sur les eaux et sur l'at-
mosphère. Son nom s'est conservé dans les mots grecs
Triton, Aniphitrile, Tritopalor (surnom des vents) (1),
(I) Suidas TpiîO7ïatope;- Ar.nwv èv Tîj W-rQÎSi ç»î<fi* àv°]xo'j( eïvai tov;
Tpitonàtopa;.
et dans le nom du fleuve Triton qui entoure cette
île enchantée où se passe l'enfance de Bacchus (1).
Quand le dieu Tritos cessa d'être connu, le mot rl>iro-
yimse devint une énigme, et les Éolicns, qui dans leur
dialecte appelaient t/mt» la tète, comme l'attestent le
scoliaste d'Aristophane (2) et Ilésychius (3), n'hésitèrent
pas à reconnaître dans Alliéné la déesse sortie de la
tète de Zous.
I/élymologie populaire a rempli l'histoire ancienne de
récits apocryphes mais combien devait-elle être fertile
en inventions à une époque où tous les mots invitaient
à la réflexion, et où les esprits, encore jeunes et crédules,
étaient à la fois disposés à croire tous les récits et
prompts à les inventer! M. Alfred Maury a montré que
beaucoup de légendes, au moyen âge, n'ont pas eu d'autre
origine que la vue de certains tableaux dont la significa-
tion était mal comprise (4) mais, au temps dont nous
parlons, chaque mot était comme un tableau en raccourci
qui tentait l'imagination des conteurs et ouvrait un champ
aux hypothèses.
Les trois causes que nous venons de signaler paraî-
tront bien humbles aux esprits qui se plaisent cher-
cher dans les fabl s l'expression de vérités métaphy-
niques ou morales. Tous ceux qui, depuis'IIésiode jus-
(!) Conij». l'ouvrage Je M. J. Denis, Histoire des théories et des idées mo-
rales clmts l'nvtiqu':té, t. 1, p. 7.
voulons parler de l'école symbolique. Quoiqu'elle compte
encore un grand nombre d'adhérents, on peut dire qu'elle
appartient aujourd'hui à l'histoire. Son représentant le
plus éminent, M. Guigniaut, qui a relevé parmi nous
les études mythologiques, et qui leur a donné une pré-
cision scientifique inconnue dans notre paysjusqu'alors,
ne défend plus depuis longtemps l'ensemble du système.
Nous nous sentons d'autant plus libre pour parler d'une
école qui doit s'honorer à juste titre d'avoir porté dans ses
recherches un vif amour de la vérité et une immense éru-
dition. Mais, pour juger en connaissance de cause cette
grande tentative, il est nécessaire de jeter un coup d'œil
sur les écoles qui ont précédé.
Dans les temps modernes, comme dans l'antiquité,
deux méthodes ont tour à tour ou simultanément été cn
faveur, l'une qu'on peut appeler historique, puisqu'elle
avait la prétention de retrouver des faits réels sous les
fables, l'autre qui voyait dans les mythes des allégories.
Gérard Vossius, Bochart, Iluct, Banier, sont les princi-
paux représentants de la première méthode, qui s'est
efforcée en général de mettre les renseignements donnés
par la mythologie d'accord avec les traditions bibliques.
Vossius (1) reconnait, par exemple (nous choisissons
le mythe qui fait le sujet de ce travail), dans Typhon le
roi Ilog. dont il est parlé dans le Deutéronome (2), le der-
trêmc dans de
duire encore de notre temps mais elle est poussée à l'ex-
Clavier (i), qui donne les listes
généalogiques de tous les dieux, présenlés comme d'an-
ciens rois grecs, parmi lesquels figurent Jupiter, Promé-
thée, Hercule, Persée, Pelasgus, Thessalus Grœcus, avec
l'indication du temps où ils ont vécu.
On ne peut lire sans quelque tristesse ces ouvrages
où l'on voit parfois une grande érudition mise au ser-
vice des rapprochements les plus puérils, et où la pré-
tention de tout expliquer est jointe à l'ignorance la plus
absolue de l'esprit de l'antiquité! Mais il est juste d'ajou-
ter qu'en suivant cette méthode, ces écrivains n'ont fait
qu'imiter les historiens grecs et latins; sauf les rappro-
chements bibliques, ils ne disent rien qui ne se trouve
dans Denysd'llalicarnasse, Diodore ou Servius.
L'interprétation allégorique a du moins cet avantage
sur la méthode historique, qu'elle peut donner lieu à des
peintures assez piquantes, quand elle est maniée par un
esprit ingénieux. Bacon a composé un petit Traité sur la
sagesse des anciens, où il explique comment le mythe de
Typhon, tel qu'il est dans Homère (3) et llésiode, nous
(I) Voy. Fcitus (dans l'abrege de Paul Diacre) au mot Aquiliçium. Cf.
Forc*'lli.ii au mot Maiialis.
(i) On l'appelai! Jupiter Elicius.
lacté jusqu'alors fut pour elle une cause de ruine les
naïves croyances du premier âge de Rome ne pouvaient
convenir plus longtemps aux maîtres du monde. Com-
ment la mythologie latine, œuvre d'une époque d'igno-
rance et de foi, bornée comme l'horizon du peuple qui
l'avait créée, sans réponse sur les questions d'un ordre
relevé, ne se serait-elle pas effacée devant la mythologie
grecque,que la libre imagination du peuple n'avait cessé,
pendant des siècles, de transformer et d'enrichir, que
les poëtes avaient coordonnée, et où les philosophes pré-
tendaient découvrir les symboles des vérités les plus
hautes et les plus abstraites? Les arts, la poésie, le
théâtre, en s'introduisant à Rome, y apportaient les
dieux de la Grèce avec eux. Bientôt l'éducation des
riches Romains, dirigée par des étrangers, devint toute
grecque; tout concourut à faire tomber en oubli, avec
une rapidité incroyable, chez les Romains des classes
élevées, la religion nationale. Le vieux Caton, qui avait vu
naître ce mouvement, fut un étranger dans sa patrie à la
fin de sa vie.
Ceux qui auraient pu surveiller ce changement des es-
prits, les prêtres, les magistrats, le sénat, n'en tenaient
compte la religion leur paraissait intacte du moment
que les cérémonies restaient les mêmes. S'ils sévissaient
quelquefois, c'était contre les corrupteurs du culte, non
contre les réformateurs des croyances. Pourvu que les
consuls continuassent à prendre les auspices et que les sa-
crifices traditionnels eussent lieu au Capitole, ils jugeaient
que l'ancienne religion était maintenue. Les rites d'ailleurs
étaient devenus eux-mêmes moins clicrs au patriciat de-
puis qu'il en partageait la connaissance avec les plébéiens.
11 ne faut pasoublier enfin, pour expliquer cette invasion
si rapide des dieux grecs, que pour l'antiquité il n'y eut
jamais de faux dieux tout culte était réputé légitime du
moment qu'il avait des adorateurs.
La plupart des anciens dieux furent conservés, mais de
nom seulement. Mars, le patron des milles travaux des
champs, à qui Caton, dans son ouvrage sur l'agriculture,
recommande d'offrir des sacrifices pour qu'il veille sur
les bœufs, que les frères Arvales prient d'arrêter les con-
tagions, prêta son nom à l'Arès grec et devint le dieu de
la guerre. Saturne, dont le rôle s'était borné à protéger
les semailles et dont l'évliémérisme romain faisait une an-
cien roi de l'Italie, fut substitué à Kronos, et hérita de
tous les mythes que la théogonie grecque avait rattachés au
nom du père de Zeus. Minerve qui fait souvenir à temps le
laboureur de ses travaux (1), à qui le coq était consacré,
se vit appelée à la dignité de l'Albéné grecque, fille de
Jupiter, protectrice des sciences et des arts. Il arriva que
des dieux latins d'un ordre tout à fait secondaire se trou-
vèrent tout à coup placés au premier rang, pour repré-
(1) Le nom
est
de Minerva ou plutôt Menerva vient île la racine man (pen-
ser), en latin men ou min. Delàmen-s, me-min-wse, re-min-is i, men-
((O, men-tirï. Le substantif formé à l'aiilo du même suffixe
que prol-ervus, ac-ervm. Ile Menerva vient le verbe promenervare qui
se trouvait employé dans le cliant salien avec le sens de monere. Promener-
val item pro mollet (Festus, p. l'J6). Minerva dicta quod belle tnoneat (le
même, p. i)l), liment chez Quintilien, I, l, I". î.
sen quelque grande divinité de la Grèce, dont ils recueil-
laient la succession. Un obscur génie qui présidait à
l'abondance des biens de la table, Liber (1), fut mis en
possession de l'histoire de Ihcclius, de son culte et de
ses l'êtes, et réunit dans sa persone le Dionysos lliébain, le
Bacchus de l'Asie .Mineure et celui de l'Inde. Qu'on juge
de tous les tours de force qu'il fallut pour faire entrer
dans le cadre élroit de la religion romaine la mythologie
complexe et savante des Grecs! fallut trouver des Muses
Il
(!) Survins, Giofij. I, 7. Son nom renferme la racine qui a donné IsiSeiy
fin j^'ec et libare en latin.
(-2) Voy. Hartmig, Die Hdiijion der Rimer, 1, p. 25'J n.
(fy On peut voir dans Festus, au mot lloma, ou dans Solin (cliap. I), la
longue li-lc d'écrivains grecs, nui sont ii]>nlir|ués à dénaturer les origines
ru:nuinrs.
iv° siècle de Iiome (1), faisait descendre les Romains
d'Enée, et leur donnait ainsi une place dans l'épopée
d'Homère où tous les peuples voulaient retrouver leurs
ancêtres. D'un autre côlé, pour unir plus étroitement les
Romains aux Hellènes, on avait imaginé l'histoire de
l'Arcadien Evandrc, faible conception, qui par loules ses
circonstances trahit d'elle-même sa date récente (2). liais
bientôt cela ne suflit plus on confondit les traditions fal-
sifiées de la Grèce et de Home; pour rendre compte de
l'origine des dilférents peuples de l'Italie, on inventa des
héros imaginaires; si l'on croyait découvrir une ressem-
blance dans un nom ou dans un usage, on concluait à un
emprunt, et pour expliquer l'emprunt on supposait des
voyages impossibles. Nous citerons un exemple singulier
de ce syncrétisme, parce qu'il se rattache au sujet de ce
travail et qu'il nous représente la dernière forme que re-
vêlit à liome la légende que nous allons étudier. C'est
l'histoire d'Hercule et de Cacus, telle qu'elle est exposée,
d'après beaucoup d'ailleurs, dans Denys d'IIalicarnassc.
Hercule est un grand général grec, le premier homme
de guerre de son temps, grand ami de la civilisation, libé-
rateur désintéressé des nations opprimées. Il donne aux
peuples de sages constitutions, réforme les lois mauvaises,
fonde des villes, construit des routes, endigue les fleuves
débordés. Il vient en Italie, non pas seul, ni chassant un
troupeau de bœufs devant lui, mais à la tête de t'armée
(1) Voy. tout ce dans Denys d'Haï., [,et et suiv. Ce ne sont d'ail-
leers pas là des singularités toute l'antiquité a la même façon d'envisager
la mythologie. En ce fjui concerne Hercule, voy. Diodore, IV; Annnien Mar-
cellin, XV; Cornélius Nepos, Vie d'Annibal, chap. m.
(S) Chap. l.
en Étruire par le roi de Phrygic Marsyas mis en prison
il
parïarchon, roi des Tyrrbénicns, trompe la surveil-
lance de ses gardiens, s'en retourne en Asie et revient
avec des troupes s'emparer des bords du Vulturne et de
la Campanie. C'est au moment où il voulait ajouterses
États le territoire concédé aux Arcadiens qu'il est tué par
Hercule. On demandera peut-être pourquoi Marsyas figure
dans ce récit c'est à cause des Marses, dont il fallait ex-
pliqucr le nom (1).
Voilà comment, au temps d'Auguste, était traitée
l'histoire romaine. Il ne faut pas s'étonner après cela
que la mythologie ait pu être dénaturée sans que personne
à Rome y prît garde.
Du moins on chercherait vainement
chez les historiens ou les poëtes quelques mots sur la
transformation qu'elle subit. Au temps de César, les
hommes les plus instruits ne connaissaient plus l'ancienne
religionCicéron (2), parlant de Varron, dit que ses
écrits ont rendu leur patrie aux Romains qui s'y trou-
vaient comme étrangers. Mais Varron lui-même était fort
empêché d'expliquer tous les dieux dont les noms, con-
servés par le peuple ou par le rituel, étaient arrivés jus-
qu'à lui. Il établit toute une classe de dieux qu'il appelle
incertains, et il aime mieux effacer tout ce qu'il a dit des
dieux certains que de garantir ce qu'il va dire des autres.
Un peu plus tard, Virgile, si curieux pourtant des anti-
quités de sa patrie, accepte de bonne foi toutes les inven-
du
divinité ne devait être invoquée dans les prières. Après
qne la victime avait été immolée, elle était partagée, an
nom d'Hercule, entre les pain et du vin
étaient ajoutés au repas; une coupe colossale en bois,
donnée par Hercule lui-même, servait aux libations (2).
Le repas se faisait avec recueillement; on n'y était pas
couché, comme aux autres sacrifices, mais assis (3). l'onr
terminer la fête, les prêtres saliens se partageaient en
deux chœurs; tandis que les plus entonnaient les
(l)
aux on
Le nom desPotitii semble indiquer une ancienne prééminence quant
faisait dériver leur nom du mot grec 7uïva, en appuyant
d'un pilule, comme à l'ordinaire, cette fausse étymologie (Serv., /£'n.,VIII,
2{!û). Les Pinarii sont probablement ceux qui sont chargés des provisions
ipenarii).
12) Kl sacer im;ilovlt dextram scyplius,
«8.
-EU., VIII.
cette coupe avait un nom elle s'appelait atanuvium ou atavitnn suivant
Festus, aiamtlum ou altanabit suivant d'autres. Les prêtres eux-mêmes
s'appelaient d'après un vieux mot sabin Cupenci. (Servius, Mn., XII, 5119.)
(3) drumincoque virus louât ipso sclili;
IVainiMiumrjiK! toro et \illusi pelle l.-niiia
Awipit ^Enean, solioque iuviut Jicerno.
j£n., Vlll, 176.
louanges du dieu, les autres, par la pantomime, repré-
sentaient aux yeux sa victoire (1).
Telle était la forme du sacrifice ordinaire. Dans les
premiers temps de nome, il se renouvelait souvent tous
les dix jours, suivant Yarron, le peuple s'en revenait de
l'ara maximu, nourri par le dieu et couronné de lau-
riers. A mesure que la ville s'accrut, les repas devinrent
naturellement plus rares, et ils finirent par se borner à un
sacrifice annuel. Toutefois de riches Romains, Luculliis,
Cassius, ïlerennius, tinrent à honneur de renouveler col
antique usage, et convoquèrent le peuple entier aux
tables de l'autel maxime.
Mais il s'y célébrait en outre, aux jours de triomphe,
des sacrifices extraordinaires; ces jours-là la statue d'ller-
cule (2) était revêtue des ornements triomphaux. Le gé-
néral, paré à l'image de la statue, parcourait sur un char
la route qu'Hercule suivieaprès sa victoire sur
Cacus de même que le dieu avait cédé ait peuple une
partie des bœufs reconquis, le chef romain déposait le
dixième du butin sur Vara maxinm, pour être distribué
aux citoyens, et les conviait à un repas public devant
l'autel (3). Ainsi la victoire d'Hercule sert en quelque
sorte de type aux victoires romaines le triomphe dont
de
ne nous arrêterons pas aux commentaires des écrivains
qui onl voulu en dégager un événement historique re-
trancher le merveilleux d'un mythe, c'est le supprimer,
et la prétention de reconnaître der-
rière les figures mythologiques des personnages réels que
l'imagination populaire aurait transformes en dieux, est
vaine, toutes les fois qu'elle s'applique à une époque pri-
mitive. Ce ne sont pas des hommes divinisés qui se trou-
vent sur le seuil de l'histoire ce sont des dieux trans-
formés en hommes. Reconstituer les premiers temps d'un
peuple de l'antiquité à l'aide de ses légendes, c'est prêter
le sens historique a une époque ou l'homme, encore
ébloui et troublé du spectacle de la nature, commençait
à peine à s'en distinguer. Considérons donc le récit qui
(lj Orclli, lnKript. lat., l.>38. Table votive d'Agnonc. Momiiiscn, lns-
cript. reyni Xeapolit., -1195, 5757. llitsclil, Mtmumetita epitjraphïca trin,
l>. lô. Zoe^-i, Bassi RHievl, H, p. 115. Macrobc, III, H, 10.
("-) I, M-
l'ï) Acatlem., I, 2, 3-1, L'interjection Hprcule, Ikrcle est sans d nul
Cic.
(1) De Lingua lai-, V, 66. Cf. Ritschl, Tilulus Mummianus, p. XL. Lac-
tance, 1, 15, 8.
(5) Preller, Rômitche Mythologie^ p. 637. Mommsen, Inscript, mapolit.,
6770. Orelli, lnscript. ht., 1860, 1861.
(3) Le mot Sancus renferme la même racine sac, sag, qui a formé sacer,
êancire, sanctus, sagmen (l'herbe sacrée qu'on tient à la main en prêtant
serment).
Qiuprebain Nonas Sanco Fidione refeiTem,
An tibi, Setno patcr; qiiuni mihi Sancus ait
« Cuicunque ex illis dederis, ego munus habebo.
Nomiaa trina fera sic voluere Cures, n
(Ovide, Fastes, VI, 214.)
(1) Denys d'IIal., IV, 58. Comparez Festus, au mot Prtebia. « In œile
Sanci, qui Deus Fidius vucatur.
(i) Du Moi!, IV, 58.
(3) Varron, de Lingua laiina, V, 66. Plut., Questions rom., 28. Denys
d'Halic., IV, 58.
Fidius sous le toit d'une maison, on allait jurer, la tête
nue, devant {'ara mazima les engagements inviolables.
Voilà pourquoi, de mêmeque ni les femmes ni les enfants
ne devaient prononcer le nom de Dius Fidius, il était dé-
fendu aux femmes et aux enfants d'approcher de l'autel
Maxime (1). Voilà pourquoi enfin le triomphe, qui est
une cérémonie consacrée à Jupiter, se trouve mêlé au
culte célébré à cet autel, et pourquoi le temple de /«-
piler Invenlor est placé au lieu où les bœufs ont été re-
conquis sur le monstre.
Avant d'aller plus loin et d'examiner l'autre surnom
sous lequel Jupiter était adoré, il faut nous expliquer
sur cette quantité de noms se rapportant à un seul être.
Nous venons de voir différentes divinités qui ne sont au
fond que des attributs détacliés d'un même dieu. La plu-
part des divinités sc sont formées ainsi à mesure qu'on
remonte vers les origines des cultes ariens, on voit se
réduire le nombre des divinités primitives. De même
qu'au berceau des idiomes les plus riches, nous rencon-
trons un groupe peu nombreux de racines qui donnent
naissance à la langue, les mythologies les plus exubé-
rantes peuvent être ramenées d'une façon régulière à
quelques conceptions mères de toutes les autres. 11 y a
des dieux secondaires, comme des mots dérivés: tantôt
un dieu se dédouble, comme Jupiter et Janus, tantôt un
de ses surnoms prend une existence indépendante, tan-
(1) Servius, JEn., VUE, 203. Le passage en question n'est pas de Ser-
vius, quoiqu'il il trouve dans les éditions imprimées de ce commentateur
il est tiré d'un manuscrit de Virgile (fonds latin, na 93-14) fort ancien,
couvert de gloses marginales.
empruntent le nom Récaranus, Garantis ('1), àla tradition
populaire, et ils le substituent i celui d'Hercule, croyant
rétablir le fait historique qui avait donné lieu à la lé-
gende. Ils nous ont conserve, dans ces deux passages,
l'ancien surnom de Jupiter.
La racine renfermée dans Recaranus est vraisembla-
blement la mème dont est formé le mot cerus, que Fes-
tus (2) explique par creator, et qui se trouve dans le
chant salien appliqué à Janus (3) Dxionus cerus es, duo-
nus Janus. Une autre expression ayant le même sens est
cents mantts, le dieu bon. Nous rencontrons encore le
même mot sur une coupe conservée au Musée Grégorien
àRome (4) CERI POCOLOM, et sur l'inscription d'Agnone,
où le mot osque correspondant à cerus est associé à diffé-
rentes divinités rustiques.
L'explication donnée par Festus est juste le mot cents
veut dire créateur; il correspond à
creare, comme ge-
nius à gignere etsemo à serere. Le nom de Cérès, le génie
présidant aux moissons, et le mot cerlmonia, formé
comme sanctinwnia et castimonia, sont de la même fa-
mille. Cette racine était déjà employée dans la langue re-
(1) La différence entre Les deux noms est légère; beaucoup de mots
s'écrivent indifféremment par un c ou par un </ Caius cl Gaius, Gnœus et
Cw.us, Cermalus et Germalus, tricesimua et tritjesimm, etc. On sait que
la lettre g a été introduite fort tard en latin, et que les plus anciennes ins-
criptions portent Cartliacinienses, puenarunt, etc. Voy. M. Egger, Heliquïœ
vetttstioris linguœ lalinœ.
(2) Fcslus, p. 128.
(3) Varron, De lingua Mina, VI, 3.
(4) ltitschl, De fwtilibus litteratis Latinorum (tntiquusimi&. p. 17.
ligieuse avant la séparation des Italiotes et des Hellènes,
comme le montrent les -Af% d'Homère et d'Hésiode, qui,
contrairement au Cerus M anus des Latins, et par un ren-
versement d'idées fréquent dans toutes les mythologies,
sont des puissances fatales, présidant à la destruction et à
la mort, zïpeç 8mi™«. L'un et l'autre mot sont formés de
la racine kar, qui signifie créer, faire, et qui a donné au
grec le verbe n/xmm et le nom du dieu créateur, Kfmos (1).
Le nom de Jupiter Recaranus peut se traduire par Jupi-
ter Recuperalor.
Nous avons essayé de restituer les deux surnoms du
dieu de l'ara maxima Sancus et Recaranus. La confu-
sion que ces deux synonymes ont dû amener le jour où
l'on n'en comprit plus le sens et où ils semblèrent dési-
gner des êtres différents, ne fut sans doute pas étrangère
à l'adoption du héros grec, qui, en prenant possession
du culte, semblait mettre fin à toutes les difficultés et
rentrer dans son héritage légitime (2).
Nous passons maintenant au second personnage de la
légende, Cacus. Lui aussi n'a plus son vrai nom; mais la
forme Cacus devait d'autant mieux satisfaire les hellé-
nistes de Rome qu'elle rappelait l'Héraclès à)4™°s, et
qu'elle formait une antithèse, parfaite en apparence, avec
Évandre, dont le nom désigne l'homme pieux et bon. Ce
qui aurait dû faire hésiter cependant sur le sens de ce
(1) Dans les védas, Krânan, dieu créateur. Voy. Benfey, Orient und Oc-
cident, 1, p. 57!» n.
(S) Voy. Hartung, die Religion der Rxmtr, Il, p. 84.
nom, c'est que la sœur de Càcus, qui s'appelait Caca,
passait pour une divinité bienfaisante; la syllabe longue
de Câcus, comparée à l'es bref de x«*k, faisait une
autre difficulté; ce nom même n'était pas si bien établi
dans l'usage que quelques écrivains n'eussent adopté une
autre appellation Denys d'Halicarnasse et Diodore écri-
vent k»ki'oç. Si nous rapprochons de ces indices cette cir-
constance que Préneste, qui avait en commun avec Rome
un grand nombre de traditions fabuleuses (1), compte
parmi ses personnages mythologiques un Ca'culus, fils
de Vulcain, brigand qui vomissait des flammes, nous
serons conduits à cette hypothèse, déjà émise par TTur-
tung (2), que le nom primitif a dû être Caclus et mieux
Cœcius(S). Nous verrons plus tard cette conjecture jus-
tifiée par la comparaison d'un nom grec qui répond,
pour la forme comme pour le fond, au latin Coecius.
Sancus (ou Jupiter Recaranus) et Cœcius, voilà les deux
termes du mythe latin. La suite de ce travail confirmera
une hypolhèse pour laquelle nous n'avons consulté jusqu'à
présent que les textes classiques. Contentons-nous, pour
le moment, de résumer les principaux caractères de la
légende latine. Habitué à tout rapporter au sol natal, et à
(1) Hésiode, Tliéog. 8J0. Pindare, Olymp., IV, 6; Pijlh., 1, SI. Es.
chyle, Prom., 353.
(!) Odyssée, VU, 324. Pind., Pytli., IV, 16. Unornunt et de Willc, Élite
céramograpliique, t. II, planches LV-LV1II.
Mais le mythe a fait un pas de plus les Grecs, obéis-
sant au désir naturel chez l'homme de se retracer ses
origines, et voulant faire revivre dans leur mémoire un
temps dont le souvenir s'était évanoui, ont emprunté à
leurs dieux une partie de leurs exploits, et les ont attri-
bués aux héros. Pour se donner des aïeux, ils n'eurent
pas besoin, comme les Romains, de faire descendre leurs
divinités sur la terre leur imagination était assez riche
pour tirer des figures nouvelles des types déjà créés, et
pour placer à mi-chemin entre la terre et le ciel des êtres
merveilleux, formés comme à souhait pour l'épopée et
le théâtre, et dont la poésie devait s'emparer d'autant
plus aisément qu'ils semblaient appartenir à l'histoire,
quoiqu'ils fussent le pur produit de la fantaisie. Héraclès,
Bellérophon, Persée, Cadmus, sont de véritables dieux de
seconde formation, renouvelant parmi les hommes les
hauts faits que les divinités dont ils sont sortis accomplis-
sent dans les espaces célestes. Il ne faut pas chercher des
traditions historiques ou le souvenir de phénomènes
locaux dans l'épisode de la Gorgone, de la Chimère ou du
dragon de Béotie; la ressemblance même de ces récits
atteste leur origine commune. C'est l'antique combat de
Zeus qui recommence sur la terre, et que chaque peu-
plade de la Grèce transforme à son gré, en en faisant
honneur à son héros de prédilection.
Nulle part cette identité ne parait mieux que dans
l'histoire d'Héraclès. Ce fils de Jupiter, entre les mains
duquel la massue remplace la foudre, semble avoir été,
de préférence à tous les autres héros, l'héritier de Zeus.
Non-seulement il renouvelle ses exploits, mais il occupe
exactement dans l'Olympe la même place que Jupiter. De
même que dans sa lutte contre les Titans Zeus est secouru
par Alliéné, Héraclès est partout suivi par la déesse qui
l'encourage au combat et lui sourit après la victoire. De
même encore que Zeus est sans cesse en guerre avec
liera, qu'il va jusqu'à fouetter dans sa colère et jusqu'à
suspendre dans le ciel les mains enchaînées, les pieds
retenus par deux enclumes (1), Héraclès doit lutter toute
sa vie contre la colère de la puissante Iléra. C'est elle qui
suscite contre lui des monstres, de même que par colère
contre Zeus elle a enfanté Typhon, en s'unissant aux
puissances de l'enfer (2). Lorsque le héros sor[ vainqueur
d'une de ses épreuves, il semble que Zeus, que l'Olympe
entier, aient vaincu avec lui tous les dieux viennent à
sa rencontre et célèbrent son triomphe.
Ce qui donne à la vie d'Héraclès un caractère à part,
c'est le nombre considérable de ses combats tandis que
Zeus, Apollon, ne remportent qu'une victoire, la vie du
fils d'Alcmène est une suite interminable de hauts faits.
Mais toute la Grèce parait avoir adopté Héraclès comme
un de ses typesfavoris, et chaque contrée a fourni un
épisode à son histoire. A une époque où les Grecs com-
mencèrent à ordonner leur mythologie en système et à y
voir des allégories, ses travaux furent classés savamment,
(l)<I>omxâç Soxç, Apollodure 11, ~t, 10. Les vases grecs, qui sont souvent
plus fidèles que Les mythographes, n'ont pas manqué d'exprimer cette cir-
et
constance. Voy. Gerhard, Vases grecs, CV, CVI.
f-; C'est à une époque où l'on voulut reconnaître dans les travaux d'Hé-
raclès l'image de la révolution annuelle du soleil, qu'on plaça le séjour de
Gérynn le plus loin qu'on put an couchant. Suivant d'autres traditions, Cé-
rvun était roi de la contrée située entre Argos, et Ambracie
(Ilécalée, fr. 343). On montrait ses ossements et son trône' en Lydie ainsi
qu'à Olyinnie. [1 était honoré comme héros en Sicile et en Ëpire (Gerhard,
Vîmes grecs, t. Il, p. 70j. Straboa prend môme le soin de dire que tlôryon
n'était pas adoré à la pointe méridionale de l'Espagne, et que c'est là une
iuvention d'Ëphore (111, 1).
cupe, on est amené à supposer que les bœufs de Géryon
ont été ravis par lui à Iléiios (1). Il les fait garder par le
berger Kurytion et par le chien à deux têles Orthros; lui-
même est appelé zpaûpxn; et TpirApw,, et il est représenté
d'une taille gigantesque, ailé et armé de toutes pièces.
Pour aborder dans son ile, Héraclès emprunte au Soleil
la coupe d'or sur laquelle le dieu accomplit son voyage; il
arrive et passe la nuit sur la montagne Abas. Le chien
du géant remarque sa présence et se précipite sur lui
mais il est tué. Le berger Eurytion accourt et tombe à
son tour. Déjà le héros emmène les troupeaux, quand
Géryon vient les lui disputer il succombe dans la lutte
sous les flèches du demi-dieu qui embarque avec lui le
troupeau, prix de sa victoire. Une tradition ajoute qu'il
fut suivi par Érythie, fille de Géryon (2).
Les vases grecs, qui forment à la mythologie un poé-
tique et fidèle commentaire, ont souvent représenté l'é-
pisode de Géryon ils
nous montrent Héraclès endormi
dans la coupe qui le conduit vers Erythie, ou bien aux
prises avec le monstre. Un vase grec (3) peint Géryon
sous la figure de trois guerriers, dont le premier, déjà
frappé, est renversé à terre; le second, blessé à mort,
va tomber, tandis que le dernier résiste encore au demi-
dieu. Athéné est debout auprès d'Hercule; aux deux
(1) Apotlodorc, I, G, 1.
(2) Wclkcr, SijllogeepiQr., 203.
(3) Vny. de Wittr, llercule et Cénjan. Bulletin de l'Académie royale de
llruxella, 1. VIII.
côtés sont placés la nymphe Erythie et les bœufs que le
héros va conquérir.
Ce n'est pas encore le moment d'expliquer les noms
qui paraissent dans ce mythe ils sont si transparents, ils
indiquent si clairement qu'il est question d'un combat li-
vré dans les airs entre des furces de la nature, lutte
dont le prix est l'abondance et la fécondité, que le scho-
liaste d'Hésiode a pu deviner le véritable sens du récit
et en essayer l'interprétation. Remarquons seulement
comment l'imagination de la Grèce a su conserver au
mythe son aspect merveilleux, quoiqu'elle eût cessé d'en
comprendre le sens le vague où est laissé le lieu de l'ac-
tion, les circonstances fabuleuses dont elle est entourée,
contrastent avec la sécheresse et la précision topogra-
phique du récit latin, qui a laissé tomber tous les éléments
mythiques dont la signification était perdue.
Nous venons de voir comment la même donnée a servi
à l'histoire des dieux et à celle des héros. Là ne s'arrête
croyances
religieuses. Une certaine chronologie avait été introduite,
et plaçait les mythes, suivant l'ancienneté qu'on leur attri-
buait, sur des plans plus ou moins éloignés. Un effort
avait été tenté pour rattacher tous les dieux entre eux
par des liens généalogiques on voit déjà ébauchée la
théogonie [l'Hésiode. Onrencontre des identifications
naïves comme celle-ci Biiarée est le même personnage
qu'/Egœon (!); il porte l'un de ces noms chez lcs dieux,
(I) IL, I, y. 403.
l'autre est celui que lui donnent les hommes. Les dieux
sont classés; une division de l'univers en trois parties a
fait imaginer le mythe de Jupiter partageant l'empire du
monde avec l'iuton et Neptune, ses frères et ses égaux
toutes les autres divinités sont dans un rang inférieur.
D'après une autre classification qui trahit des visées astro-
nomiques, il y a douze grands dieux, six de chaque sexe.
On a déjà cherché un emplacement sur la terre pour
chaque mythe: suivant Homère, Vulcain, précipité du
ciel, a été recueilli à Lemuos; Typhon, tué par Jupiter, a
son tombeau chez les Arimes (1). Enfin, comme ces dieux
qui se combattent et qui se limitent les uns les autres ne
satisfont plus la réflexion naissante, il commence à être
question d'une puissance supérieure à laquelle Jupiter
même obéit, le Destin.
Rien de pareil dans les védas au lieu d'une organi-
sation régulière, on y trouve l'anarchie féconde d'une
époque où tout est encore à créer. Les dieux n'ont ni
demeure, ni généalogie, ni hiérarchie déterminées. Ils
vivent dans la lumière ou dans l'atmosphère, poussent
leurs chevaux à travers les airs pour goûter au sacrifice
de l'homme, et s'en retournent vaquer, avec une nouvelle
vigueur, au gouvernement des forces de la nature. Les
dieux védiques n'ont pas d'histoire le pouvoir qu'ils ont
exercé, ils l'exercent encore; les combats qu'ils ont sou-
tenus, ils les recommenceront sans fin. Certaines actions
leur sont attribuées, mais elles n'appartiennent à aucun
(1) Iliade, 1, 51)0; II, 782.
en particulier; tous puisent à un fonds commun de lé-
gendes qui passent incessamment d'une divinité à l'autre.
Ils n'ont pas d'ancêtres ils sont tous éternels, ou plutôt
ils naissenl chaque jour.
Quelquefois l'on nomme le père de l'un d'eux; mais
rien n'est plus changeant que les généalogies védiques
tel dieu est le père dans un hymne, le frère ou le fils dans
un autre. Point de mariage; il y a peu de déesses dans
les védas, et leurs amours sont aussi changeants que les
phénomènes du ciel qu'ils représentent. Quant à ces pâtes
divinités féminines qui n'ont pas même de nom qui leur
soit propre, comme Indrânî, Varunânî, ce ne sont que
des ombres. Point de suprématie reconnue, on dirait que
la puissance du dieu est en raison du besoin de son ado-
rateur. n'est divinité si modeste qui ne soit placée dans
quelque hymne au premier rang. La forme même des
dieux n'a rien de constant. Quoiqu'à certains moments
ils soient décrits avec une précision poétique digne de la
Grèce, la plupart ne paraissent vivre qu'aussi long-
temps que le poëte leur adresse la parole; un instant
après, leur figure s'évanouit pour faire place au phé-
nomène qu'ils personnifient. Indra parait comme un
guerrier sur son char, armé de sa massue, prêt à fondre
sur ses ennemis un peu plus loin il est le ciel qui
hrille sur nos têtes. Agni est dépeint comme le mes-
sager qui va chercher les dieux et les conduit dans la
demeure des hommes; il éloigne les démons, il est
le protecteur du foyer, le dieu des richesses, le té-
moin de toutes les actions; dans un autre hymne il est le
feu du sacrifice ignis. Sonia est le roi qui donne la
science, le bonheur, l'immortalité; il fait entendre une
musique divine; il s'avance comme un chef d'armée; sa
demeure est dans lo ciel quelques vers plus loin, le
soma est la boisson du sacrifice. Je ne veux pas dire que
les lndous aient jamais sciemment adoré des objets maté-
riels il serait aussi erroné de mettre le fétichisme, tel
qu'on le trouve dans certaines îles de l'Océanie, au ber-
ceau de la mythologie indo-européenne, que de faire
de l'onomatopée la source directe de nos langues. Mais
la faculté qui transforme les objets inanimés en êtres
personnels est intermittente; de là, le caractère flottant
de la pensée à cette époque le métal où ont été coulés
les dieux est encore en fusion dans lesvédas. Mais, comme
dans les langues chaque anomalie a sa raison d'être, les
contradictions de la mythologie védique sont plus instruc-
tives que l'ordre artificiel introduit par la rétlexion.
(1) Diodore, IV, 26. Comp. Max MUNer, Essai de mythologie comparée.
(2) Apollodurc, H, 5, 11.
1.
de départ du mythe de le verbe grec aï»»», qui
signifie s'élancer, a fait d'une part le substantifeîç, chèvre
(à cause de la nature bondissante de l'animal), et de
l'autre les mots *«i?ç, «"««, tempête. De là une nouvelle
série d'images et de fables où la chèvre joue le rôle prin-
cipal. L'égide, avant d'être un bouclier fait en peau de
chèvre, était le ciel au moment de l'orage; Jupiter aîyùgo;
était le dieu qui envoie la tempête (1) plus tard, on tra-
duit le dieu qui porte V égide. Homère semble se souvenir
de la première sianification, quand il nous montre, au
seul mouvement du bouclier, le tonnerre qui éclate, l'Ida
qui se couvre de nuages et les hommes frappés de ter-
reur (2).
On peut remarquer la même analogie entre les mots
ff i'ï, qui marquent le frissonnement de la mer (3),
et qui probablement s'appliquaient aussi au ciel chargé
de nuages, et Phrixos, fils de Néphélé, traversant les airs
sur un bélier d'or. La même identité se fait encore voir
dans les mots ^a. xsi»ti-j (orage) et ^«fsc, la Chimère,
cette chèvre à queue de serpent, à tùtc de lion, dont la
gueule vomit des flammes. A l'origine de ces fables, qui
d'ailleurs sont jetées toutes dans le même moule, nous
trouvons un phénomène naturel dont la langue, on spé-
cifiant le sens des mots, a obscurci le souvenir.
de Mitra, soit
certains hymnes védiques le caractère moral de Varuna,
célébré en termes magnifiques,
on s'aperçoit que, plus la religion indienne avance en âge,
plus ce côté des dieux rentre dans l'ombre. Le pan-
théisme, en devenant la croyance philosophique de tous
les esprits, les désintéressa de la mythologie: dans les
dieux on ne vit plus que des figures fantastiques d'un
ordre inférieur; leur autorité religieuse s'évanouit.
L'Iran, au contraire, resté fidèle à ses premiers dieux, fit
ressortir de plus en plus leur signification morale. Le
mythe de Vrilra, sans cesser d'être le combat de deux
puissances qui se disputent le régne de la nature, fut sur-
tout la lutte du juste et de l'injuste il fut transporté de
la sorte au dedans de l'homme, et la conception ébauchée
par l'imagination prit une forme définitive dans ia cons-
cience. Une lois reçu dans ce foyer, le mythe, en rayon-
nant au dehors, éclaira toute la religion iranienne le
monde entier fut partagé entre les deux principes. C'est là
la véritable originalité de la religion de l'Avesta, qu'on a
prise à tort pour une réforme tandis que le brahma-
nisme n'a gardé des croyances primitives que la lettre,
(1) Voy. Duncker, Gesclikhle îles Alterthums, t. II, p. £97 ss.
le mazdéisme en a conservé l'esprit le Perse, qui voit
l'univers partagé entre deux forces partout en présence-
et tour à tour victorieuses, jusqu'au triomphe final d'Oi'-
muzd, est plus près des représentations mythologiques-
du premier âge que l'Indou qui, ne voyant partout qu'ap-
parence et illusion, suppose l'univers et sa propre per-
sonnalité enveloppés dans l'existence d'un seul être.
Nous retrouvons en zend les mêmes noms que dans le
mythe védique. Vrilra est, en zend, verethra, et vritra-
han (meurtrier de Vritra) est verethraghna ou vere-
tliraja (1). Au moment où les Ariens se scindèrent ci»
deux peuples, ce mot avait déjà pris le sens général de
victorieux, car nous le trouvons employé dans l'Avesla,
comme dans les védas, pour qualifier, non-seulement les
dieux, mais les objets les plus divers (2). On le rencontre
au comparatif et au superlatif, et il est même usité comme-
nom propre pour designer un dieu ou iied qui personnifie-
la victoire, Yercthraghna, dans les langues modernes
Jieliram. L'autre nom du démon, Alii (serpent), est en
zend a:i ou aji, auquel vient s'ajouter d'ordinaire l'épi-
tbtle daliâka, qui veut dire ennemi. On voit que les ter-
mes sont exactement les mêmes. Si l'on cherche dans
leslivres zoroastriens les circonstances du mythe védique,
on les trouve dispersées çà et là, réduites comme en pous-
sière, mais présentes partout. Le héros Traélnonn, qui
fl) E. But-nouf, Comm. sur le Yaçna, pp. 190, 282, et p. cxxvm. Journ.
os., 1845, avril, p. 3(H; juin, p. Jll.
(2) On dit, par exemple, d'an hymne, riu'il est verethrauwçtema (li-ùs-
rictorieux).
n'est autre que le dieu Trila (1) ou Trailana des
védas, et qui figure dans l'épopée persane sous le nom de
Féridoun, tue le serpent azi dahâka, qui a trois têtes
trois queues, six yeux, mille forces (2); le héros Kcre-
çâçpa, le Guerschasp du Schâh-nmnèh, dont le nom
cache probablement une ancienne divinité solaire, frappe
de sa massue le serpent Çravara(\e KipSi^ ç>rec,\eÇabala
védique) (à). Ailleurs une lutte s'engage cnlre le dieu Tà-
Iryu, qui conduit les eaux des nuages vers la mer céleste,
et le démon Apaosha qui veut les retenir. Mais ces com-
bats ne sont que des épisodes de la grande guerre com-
mencée depuis l'origine du monde entre Ormuzcl et
Ahriman.
On peut objecter que le nom d'Anrô mainyus (Ahri-
man), qui signifie l'Esprit des ténèbres, indique un être
immatériel, et qu'il exclut la forme physique que les
védas attribuent à A hi. Mais cette expression a été inventée
pour faire opposition au surnom ordinaire d'Ormuzd:
epentû mainyus (l'Esprit de lumière). Par un effet de la
symétrie qui règne dans le Parsisme, il hriman est devenu
créateur d'une partie du monde, chef d'une légion d'êtres
qui lui obéissent, source première des mauvaises pensées
et des mauvaises actions. C'est petit à petit que l'ancien
démon védique est arrivé au rôle considérable qu'il joue
dans les livres zends à mesure qu'Omiuzd revêtait un
(1) Voy. Hotti, die Sage von Feiidan (Zeitschrift der deutschen mor-
genliindisclien Gesellschafl, l. II, p. 216).
(2) Le changement ilu th en f est fréquent. Comparez le polonais Tlièo-
dor et le russe Fèêor; le grec ancien tt^p et le moderne çr,p (en latin fera).
innombrables peintures qu'on peut rapprocher de la des-
cription de Typhon dans Hésiode c'est Znl, l'un des plus
célèbres guerriers de l'épopée persane, qui raconte lui-
même son combat (1). « N'eussé-je, moi qui porte la tète
plus haut que les plus fiers, laissé d'autres traces dans le
monde que la destruction de ce dragon qui sortit du lit
du Kaschaf, et rendit la terre nue comme la main, cela
suffirait à ma gloire. Sa longueur égalait ladistance d'une
ville à une autre, sa largeur remplissait l'espace d'une
montagne à une autre. Les hommes tremblaient devant
lui, ils étaient au guet jour et nuit. Je vis que l'air était
vide d'oiseaux, et la face de la terre privée de bêtes sau-
vages. Le feu du dragon brûlait les ailes des vautours,
son venin dévorait la terre. Il aurait tiré de l'eau le cro-
codile farouche, et de l'air l'aigle aux ailes rapides. La
terre devenait vide d'hommes et d'animaux, et toute créa-
ture lui cédait la place. J'arrivai prés de lui, et je le
vis semblable à une grande montagne, trainant par terre
les poils de sa tète pareils à des cordes. Sa langue était
comme un tronc noir, sa gueule était béante et pendait
surle chemin ses deux yeux ressemblaient à deux bassins
remplis de sang. Il me vit, hurla et vint à moi avec rage,
lime semblait, ôroi, qu'il était rempli de feu; le monde
était devant mes yeux comme une mer, et une fumée
noire volait vers les nuages sombres. » Le poète maho-
par la triple du
métan du \ie siècle, quoique séparé des poètes de la Grèce
(l)vi, H.
concupiscence, une sorte de Cupidon, plusieurs fois
nommé dans l'Avesta comme le plus dangereux de tous
les (/eus (démons) (1).
Il est vrai que le livre de Tobil, dont nous n'avons
même pas le texte hébreu, est un des plus récents de la
Bible. Mais si nous trouvons dans les parties plus anciennes
des conceptions du même genre, il sera permis de sup-
poser que des légendes iraniennes ont pénétré chez les
Juifs, soit pendant, soit mêmeavant l'époque où ils se
trouvèrent en communication immédiate avec la Perse.
La foi à des démons devait d'autant plus facilement
trouver accès chez les Hébreux, que leurs livres con-
tiennent plusieurs passages qui ne sont pas sans analogie
avec les croyances parses. Le livre de Job introduit Satan
dans le conseil de Jéhovah; le Lévitique parle d'un bouc
qu'il faut offrir àHazazel.Ces passages sont d'un seristrès-
vague mais il n'en fallait pas davantage pour familiariser
les Juifs avec l'idée d'un tentateur ou d'un démon, et pour
les disposer à accueillir les légendes étrangères conçues
dans le même esprit (2).
Le récit contenu dans le troisième chapitre de la Genèse
offre avec les croyances mazdéennes un rapport trop
frappant, pour que nous puissions nous refuser à y voir
une infiltration des idées iraniennes. Non-seulement le
serpent rappelle A ltrhuan par sa forme et par son rôle,
mais le paradis, l'arbre de vie, l'arbre de la science, sont
(i)m,i. 1.
(S) Matthieu, IX, 3J.
|3) Apocalypse. V, 3.
(4) Luc, vin, 12.
(5) Mil, S.
(0) x, M.
(7) A[toc, xii, 7.
locales substituèrent saint Michel, saint Georges ou saint
Théodore à Jupiter, Apollon, Héraclès ou Persée (1). C'est
sons ce déguisement que le mythe védique est parvenu
jusqu'à nous et qu'il a encore ses fêles et ses monuments.
Les arts l'ont consacré en mille manières saint Michel,
une lance à la main, debout sur le dragon, est une image
aussi familière à tous les yeux que l'a pu être, il y a trente
siècles, à l'esprit des Indous, le dieu Indra foulant aux
pieds le démon Vrilra foudroyé.
(1) Qmntus (le Smyrn3, III, 86. Sctnvarlz, ouvrage cilé, p. 105.
(S) Iliade, V, 845.
(3j Daxijam dltanïimm {d'wilem dxmonem, en parlant de Viitra). llitf-
véda, i, :i, i.
<« Phèdre, IV, 19.
qui thescmros abdilos. » Les mots de nu» et
de Dis,
appliqués au dieu des enfers, tiennent à la même con-
ception. Ainsi les différentes mythologies que nous pas-
sons en revue se complètent l'une l'autre, et les traits
mêmes qu'on est tenté d'abord de regarder comme des
innovations de l'une d'elles, se retrouvent, marqués plus
ou moins fortement, dans toutes.
(1) V. Prométhée enchaîné, v. 199, ss. 918 ss. et M. Patin, Études sur
les tragiques grecs, 1, pp. 250-2S4 ss. 2° éd.
tendu, qui les fit sortir pour toujours du groupe mytho-
logique auquel ils appartenaient, le reste de cette famille
de monstres continuait une existence modeste, souvent
exposée aux outrages du temps et aux moqueries de la
foule. A moins d'une adoption illustre, le sort des mythes
est d'être livrés à la risée, le jour où la religion, à l'abri
de laquelle ils ont grandi, a cessé de les protéger. Cette-
raillerie grossière, fruit de la réflexion qui s'éveille, est
bien différente de la gaieté bienveillante avec laquelle,
aux époques de foi, certaines fables reçoivent un tour
comique de l'imagination populaire. L'histoire de Poly-
phèrae dans Homère est un exemple du mythe traité de
cette dernière façon ce Cyclope, moitié naïf, moitié
terrible, si énorme qne son bâton ressemble à un mât de
vaisseau, qui se croit plus grand que Jupiter et qui tombe
lourdement dans les piéges de son faible et intelligent
ennemi, qu'est-ce autre chose, au fond, que le Géryon
des matelots grecs (1)? C'est ainsi que le mythe des
boeufs du Soleil se racontait à bord des navires. Quelque
chose de la même gaieté inoffensive a passé dans le Cij-
clope d'Euripide.
Mais il ne paraît pas, autant qu'on en peut juger par
(1) E. nurnouf, Bhdijavata jiurâna, 1. VI, c. 12, t. II, p. GM, édit. in-
folio. J'ai resserré le discours de Vritra en supprimant un certain nombre
de maximes.
(2) Nom de Krishna, qui est lui-môme identifié avec Urahina.
(3) Dliâgavatarpurâna, ibid.
souvenir perce entant de légendes, et qui est le seul événe-
ment historique dont l'Inde ait conservé la mémoire.
Dans un autre endroit du poème (1), on dit que la lutte
d'Indra contre Vritra a eu pour cause une querelle qui
s'est élevée entre le roi des dieux, Indra, et son précep-
teur spirituel Vkvarûpa (2). Le dieu irrité avait coupé
au brahmane satriple tète mais, pour le venger, il naquit
du feu du sacrifice un géant terrible, qui ressemblait à
une montagne noircie par le feu, et qui perçait le ciel et
la terre de son javelot flamboyant. Sa bouche, profonde
comme une caverne, engloutissait l'atmosphère et saisis-
sait, pour les dévorer, les trois mondes (3), landis que sa
langue léchait les astres. Il reçut le nom de (qui
enveloppe), parce qu'il enveloppait les mondes d'obscu-
est
frappe Vrilra do la foudre qu'il se fait fabriquer avec les os du solitaire,
l'origine de ce conte? il vient uniquement d'une fausse étymo-
logie du mot Dadlujtmc (au nominatif Dadhtjang)(yi\aété interprété comme
s'il composaitîle
se c..po~~iL
~'il se de dadl~i (celui qui do..e)
dadlti {celui donne) et amja (membre). allusion.
ci 4)lga
forgée d'après ce nom est ancienne; un hymne védique yiaiL déji allusion.
Rig., 1, 84, 13. Cf. Mahàbhàmta, Vana-parva, l. 1, p. 5ô4.
dieux et celle des démons Vritra et les siens font tomber
sur les dieux une grêle de glaives et de flèches; mais les
dieux les coupent pendant leur course à travers le ciel.
Voyant leurs armes brisées, les Asuras lancent des ro-
chers, des arbres et des pierres; mais les dieux les tran-
chèrent encore. Alors les Asuras prirent la fuite et Yrilra
resta seul pour tenir tête à Indra. Dans la lutte qui s'en-
gage entre les deux adversaires, et que le Bâghavata
Purâna décrit avec éclat, le démon perd successivement
ses deux bras « Avec ses bras coupés jusqu'à l'épaule,
VAsura (1), tout dégouttant de sang, ressemblait à une
de ces montagnes qui, privées de leurs ailes par le dicu
de la foudre (2), furent précipitées du haut du ciel. Le
Daitya (3) plaça sur la terre sa mâchoire inférieure; il
porta jusqu'au ciel la supérieure: et ouvrant une bouche
profonde comme l'atmosphère, où s'agitait une langue
redoutable, saisissant presque les trois mondes avec ses
dents semblables à celles du dieu de la mort, le démon
au corps monstrueusement énorme, qui dans sa course
renversait les montagnes, et broyait sous ses pas la terre,
comme eût fait en marchant le roi des monts, s'approcha
du dieu de la foudre et l'engloutit avec sa monture, de
même qu'un immense reptile, doué d'une grande force
vitale et d'une extrême vigueur, avale un éléphant.
Mais, quoique englouti, Indra ne mourut pas, protégé
(!) Démon.
(2) Nous avons ici un exemple de la confusion de jmrvala (nuage) et par-
vala (montagne).
(3) Dëmtjn.
par la force du mystérieux yoga (1) fendant le ventre de
YAsura avec sa foudre, le dieu puissant sortit (de sa pri-
son) et trancha la tête de son ennemi, comme il eût abattu
le sommet d'une montagne (2). »
Malgré les anachronismes amenés par le changement
complet des mœurs et des idées, on aperçoit encore les
traits principaux du mythe. Les trois (êtes de Viçvarupa,
la description si frappante de Vritra, la lutte du dieu
contre le démon, le monstre privé de ses bras, particula-
rité qui se rapporte à un passage du Rig que nous avons
cité (3), toutes ces circonstances se retrouvent dans le
récit moderne. Le fait que nous avons observé 'plusieurs
fois se reproduit ici: le peuple change l'aspect général
de sa mythologie, mais il en respecte le détail. Les révo-
lutions qui transforment les religions, comme celles qui
bouleversent les empires, renouvellent la face extérieure
des choses, mais sont obligées de compter avec les
lllc autem.
Faurilms ingcntem fumum, mirabile dictu,
Evomit, involvitque domum caligine cœca,
Prospectum eripicns oculis; glomeratque sub antro
Fumifcram noctem commixtis igne tcncbris.
XIII. – RÉSUMÉ.
«
Plus on pénétrera dans la nature intime des mythes
primitifs, plus on se convaincra qu'ils se rapportent pour
la plus grande partie au Soleil. » Cette opinion de M. Max
Millier, qui peut sembler singulière et paradoxale, vient
d'un sentiment vrai des conditions où se trouvait placée
l'humanité dans son enfance. Le spectacle en effet qui dut
frapper d'abord l'esprit de l'homme, c'est le corps lumi-
neux qui montait et descendait dans le ciel en vertu d'une
force qui lui semblait propre, qui distribuait à tous les
êtres la chaleur et la vie, et paraissait planer en maître
sur le monde, dont il était l'habitant le plus puissant et le
plus beau. Les premiers sujets d'entretien, les premiers
thèmes poétiques de l'humanité durent être la naissance
de l'astre, toujours saluée de nouveaux cris de joie, ses
combats contre l'obscurité, son union avec les nuées, son
pouvoir le plus souvent salutaire, mais quelquefois acca-
(1) L'un des exemples les plus remarquables est le mélange du Typhon
d'Homère et d'Hésiode avec le Typhon égyptien. La confusion du sphinx
thébahl et du sphinx de l'EgypIe, se trouve déjà dans Hérodote, qui parle
des égyptiens. Les sphinx (le l'Egypte n'ont pas de mamelles
voilà pourquoi Hérodote les appelle des sphinx mâles.
(2) II s'entend Je soi qu'à l'origine OKdips était conçu comme un héros
armé de l'épée on de la massue. Sa vie présente encore un autre exploit
surnaturel, qui nous est attesté par un ancien poète béotien, la célèbre
Corinne c'est la victoire Sur le renard de Teumesse. Les circonstances de
la lutte ne sont pas venues jusqu'à nous, nous savons seulement par d'autres
sant d'obscures questions à ses victimes? Pourquoi Œdipe,
au lieu de tenir la massue comme Héraclès, ou de manier
l'épée comme Persée, est-il transformé en devineur d'é-
nigmes? Deux circonstances ont contribué à donner à la
fable ce tour caractéristique. La première a été déjà indi-
quée ailleurs (1). Le nuage, prototype des monstres my-
thiques, fait entendre de sourds grondements qui sont
regardés comme une voix prophétique ou comme un lan-
gage incompréhensible pour les hommes. Hésiode, en
parlant de Typhon, dit qu'il produit des sons que les
dieux seuls comprennent; Pindare appelle le tonnerre une
voix divine. Ce n'est pas Apollon qui prophétisait d'abord
à Delphes, c'était le serpent englouti dans ces lieux. Un
serpent rend des oracles dans l'antre de Trophonius;
Géryon (autre monstre de même origine) prophétise à
Padoue. Il faut entendre dans le même sens ce que la
fable nous dit du Sphinx Sophocle l'appelle un devin,
un poète au langage ambigu (2). Le Sphinx prononce
des mots que les hommes ale peuvent comprendre. 11 n'en
fallut pas plus à l'esprit des Grecs, désireux de varier et
de rajeunir un thème uniforme, pour donner un tour
nouveau à la défaite du monstre thébain. Si Œdipe était
récits qu'il était impossible de prendre ce renard à la course, qu'il ravageait
la lîéotic et qu'on mit à sa poursuite le chien de Képhalos, lequel ne man-
quait jamais sa proie, 11 s'engagea entre les deux animaux une course et ~t
une nom-suite sans fin. C'est ce renard merveilleux que, selon une très-an-
cienne tradition, Œdipe aurait vaincu. On peut induire de ce récit que
diverses légendes se rattachaient au nom d'OEdipe.
(t) V. [dus haut.
(2) Œdipe roi, p. 1199.
T^v yaji^iovuxa iïap9lvov ^prçauwSôv. – Comparez vv., 36", 131), 391.
parvenu à en triompher,c'est qu'il avait compris son lan-
gage.
circonstance tout accidentelle contribua il donner
Une
Selon
(1) Fragments des historiens grecs, éd. Car. et Tliéod. Millier, I, n. 85.
casle « laest
Pliérécyde nomme deux de ces nymphes Eury^anic et
ccrlains écrivains, L'urygmiie est une sœur do Jocaste. Ajoutons '|u'É|M-
« la \iolette u
Hyperplia*.
aussi le nom d'une femme de /eus, cl Jocaste
celui d'une tVmme u"Anol!on. Le père d'Euiy^anie se miiniuc
sieurs autres femmes. Quand le héros solaire fut pris
pour un personnage humain, on chercha a accorder ces
circonstances avec les mœurs et les usages de la Grèce,
LA GÉOGRAPHIE DE L'AYESTA1*
qui
Les I'arscs se sont servis de ce terme, ainsi que de
var, pour marquer des lieux fabuleux. Si nous en jugeons
les
par le reproduit avec la plus grande
conceptions de la vieille mythologie iranienne,
il semble qu'il y ait eu un grand nombre de daêzas; le
chàLeau de fiâhman (2), le château blanc, le château d'ai-
rain, lesquels, comme le Kang-diz-, sont conquis par les
héros fabuleux de l'Iran, sont le souvenir encore re-
connaissable d'anciennes spéculations mythiques ou astro-
nomiques (3).
|
(!) Atjam srtuliu1 iha mtulishtlta «sa yasyc 'nilro vntrahalijt1. nïanimfa
purûm yaj' ajaitltut çambarasijavi navalim nava ca deliyo han. « Voila
quel était le doux et enivrant breuvage dont Imlra s'enivra pour tuer Vrïlra,
anéantissant les nombreux efforts de Çambara et ses quatre-vingt-dix-neuf
remparts» {Rifj-mda, VI, xlvii, 2. Cf. VII, S, 5.)
(ï) Schâh-Nameh, édition Molil, t. II, p. 5H; t. IV, p. 09; ilml, p. MIC.
Le moyen âge eluvtien se faisait du paradis terrestre une idée rjui se rap-
proche beaucoup des châteaux ou i/iss du Sclitîh-Nameh. On se figurait le
paradis entouré do liantes murailles el [lanqué de tourelles. (M. Alfred
(1) Voyez sur cet ouvrage les Anialic Hesmnhes, xvi, p. Il lu Çanknra
da Fr. Wiiiilisclniiami, et Lassen, Indisclie Alterthiwtfikunile, IV, p. (jls
et 838.
(S) Vispeml, I, I Anquclit, I, il, p. 81.
«.l'invoque et je célèbre le premier des cieux, le pre-
mier de la terre, le premier des êtres aquatiques, le pre-
mier des animaux terrestres, la première des grandes pro-
ductions, le premier des êtres brillants et intelligents, le
premier des Tchencjrènijhâlchuhs saints, purs et grands.s
Il faut traduire
« le loue et j'appelle les chefs des êtres célestes, les
chefs des êtres terrestres, les chefs des êtres aquatiques,
les chefs des êtres qui sont sous le ciel, les chefs des êtres
ailés, les chefs des êtres rapides, les chefs des êtres à
marche pesante, purs, chefs de pureté. »
Pour comprendre ce passage, il faut se rappeler que,
suivant les croyances mazdéennes, chaque ordre d'êtres
dans la création a son chef celui des êtres célestes est
Ormuzd, celui des êtres terrestres est Zoroastre, celui des
êtres aquatiques le poisson Kar-mahi, et ainsi de suite.
Le mot qui, par une certaine analogie de son, a amené
l'erreur d'Anquetil est canranhûcanm, génitif pluriel de
canmnhûkhs Ce mot doit se décomposer, comme fa fait.
voir AI. Windischmann, de la façon suivante cunra
et hûkhs. Il marque les animaux munis de sabots et si-
gnifie proprement cornets pedibus sequens.
Nous avons ici un exemple de la façon dont Anquelil
interprète les textes zends il ne s'en rapporte pas tou-
jours à ses maîtres, les Parses, et il introduit à l'occasion
ses propres conjectures dans la traduction. Nous n'avons
pas besoin de dire, en effet, que la version pehlvie ne fait
mention nulle part de Tchengrénghâtchah, i,
Il nous reste à clicrclier quel est le véritable nom du
brahmane qu'une légende moderne des Parses met en
présence de Zoroastre. Dans le Desatir, ce livre apocry-
phe dont .11. de Sacy a démontré l'origine relativement
récente (1), il est question aussi de brahmanes convertis
par le prophète iranien. L'un s'appelle Bias, et l'on a re-
connu avec raison en lui Vyâsa, l'auteur fabuleux des Vé-
das l'autre est nommé Senkerâkâs, et le commentaire
MÉTHODE COMPARATIVE
APPLIQUÉE
rie
le plus ancien? ïmm rcnferme-t-il un allongement, ou
bien ïimw une contraction? A ces questions et .à cent
autres de môme nature, la grammaire
pouvait rien répondre, ou ne répondait que par des hy-
pothèses. Elle se trouvait en présence d'un problème
qui était insoluble avec les seules données qu'elle possé-
dait.
Je suppose que nous ayons conservé d'un ancien auteur
latin, de Plante, par exemple, des manuscrits assez
nombreux, mais tous de même famille, tous plus ou
moins altérés, mutilés et interpolés. Les variantes de ces
manuscrits, qui nous serviront bien à reconnaître que le
texte est corrompu, ne nous aideront que médiocrement
à le restituer. Mais qu'un bon et ancien exemplaire de
Plaute, d'une récension différente, le palimpseste de la
bibliothèque Ambrosienne, par exemple, vienne à être
retrouvé non-seulement je comprendrai mieux l'écrivain
et j'aurai une idée plus nette du texte primitif, mais
les variantes des autres manuscrits s'expliqueront d'elles-
mêmes, les mutilations, les interpolations paraîtront au
jour, ainsi que le principe qui a présidé à ces altérations.
Grâce au guide que nous aurons trouvé, nous serons en
mesure de contrôler nos manuscrits, qui, à leur tour,
pourront nous servir à vérifier et a corriger dans ses dé-
fectuosités le texte nouvellement découvert.
Telle est la nature du secours que le sanscrit est venu
nous apporter. Il fut le terme de comparaison que la phi-
lologie classique avait vainement cherché jusque-là.
Comme l'époque où le sanscrit s'est détaché de la souche
indo-européenne est évidemment plus reculée que celle
où le latin a commencé à se distinguer du grec, et à plus
forte raison, que celle où le grec s'est divisé en dialectes,
tous les doutes devaient cesser, quand le sanscrit venait
confirmer l'authenticité d'une forme ou l'ancienneté d'une
loi.
En rapprochant de seplem et de fera le nom de nombre
sanscrit saptan, de rfo-raps; et de quatuor le pluriel cat-
vâras (quatre), de snnt et de sij« la première personne
asmi, on vit, au premier coup d'oeil, de quel côte étaient
les altérations les plus fortes et de quelle façon ces alté-
rations s'étaient produites. En observant que les supins
latins, comme stahim, datum, notion, correspondent,
dans la langue de l'Inde, des infinitifs comme sthdtum,
dâtum, giiâlum, on reconnut que le supin est une forme
ancienne, et l'on vit du même coup quelle en est la valeur
originaire c'est un infinitif, ou, pour mieux dire, un
nom verbal, très-voisin, par sa formation, des substantifs
comme inleritus, raplus, cursus. Un coup d'œil jeté sur
la conjugaison sanscrite fit constater que la désinence
de l'imparfait amabam et celle du futur amabo sont de
création nouvelle, et un examen attentif prouva que ces
terminaisons lam, bo, proviennent d'un verbe auxiliaire,
le même qui se retrouve dans l'anglais lo be, et dans
l'allemand ich lin, du bist. La question si longtemps con-
troversée des dialectes grecs reçut enfin sa solution, car
on vit que tous contenaient des formes anciennes à côté
de formes plus ou moins altérées. Entre les génitifs
et ïiriniv, il n'y eut plus d'hésitation possible pour
Ï7iîr«»
savoir lequel des deux était le plus intact lima, qui lui-
même est pour îmr»», correspond aux génitifs sanscrits
en asya, comme açvasya; l'i, en tombant, amena le
rapprochement des deux » «in™, et cette dernière forme
se contracta en fcn-o-j. Jusque-là les faits de la grammaire
classique, connus en eux-mêmes, présentaient autant
d'énigmes quand on en voulait saisir le rapport. Ils res-
semblaient à une histoire dont nous saurions les événe-
ments pris un à un, mais où l'enchaînement serait nul et
dont toutes les dates nous manqueraient. Un témoin inat-
tendu vint du fond de l'Orient trancher des débats sécu-
laires, introduire dans l'histoire des langues une chrono-
logie au moins relative, mettre chaque fait à sa place, et
fournir ce critérium sans lequel aucune science ne peut
avancer.
Il y a un moyen indirect, mais frappant, de montrer le
service que la découverte du sanscrit a rendu aux études
grammaticales: c'est de faire, en quelque sorte, la contre-
épreuve, et de voiroù était arrivée la philologie classique,
réduiteà ses seules forces, au commencement de ce siècle
et dans un ouvrage capital d'un de ses plus illustres re-
présentants. Gottfried Hermann était un esprit de beau-
coup de hardiesse et de vigueur il avait reconnu les la-
cunes et les défauts de l'enseignement grammatical de son
temps, et il se proposa d'y remédier, non par la méthode
comparative, encore inconnue, mais par tous les moyens
qui étaient à sa disposition, par une analyse plus appro-
fondie des dialectes, par un examen critique des grammai-
riens anciens et par les lumières de la philosophie. Son
traité sur la réforme de la grammaire grecque, rempli
de vues spirituelles, est encore aujourd'hui d'un haut
intérêt.
Mais que faut-il penser quand Goltfricd Ilermann con-
sidère l'ablatif comme un cas de création récente que le
grec n'a jamais connu, dont les Latins ont été privés dans
les premiers temps, et qu'ils ont imaginé pour éviter des
équivoques et pour débarrasser leur datif du trop grand
nombre d'emplois dont il était chargé? Bornant à ce
sixième cas l'étendue possible de la déclinaison, l'auteur
démontre, par des arguments tires de la nature de l'esprit
humain, qu'il ne saurait y avoir de langue possédant une
déclinaison plus complète. Au moment où il publiait son
livre, les premières grammaires sanscrites arrivaient en
Europe, et l'on y pouvait voir que la langue de l'Inde a
huitcas, en dépit des raisons déduites de la philosophie de
Kant. L'analyse comparative devait prouver plus fard que
l'ablatif latin est identique avec l'ablatif sanscrit, et que
les adverbes grecs en »;, comme oj™ irpûm;, -vie, ne
sont autre chose que d'anciens ablatifs semblables par la
forme aux ablatifs archaïques latins comme gnaivod,
ead, suprad.
En même temps que la connaissance du sanscrit mettait
de l'ordre dans les faits grammaticaux, elle avait encore
pour résultat d'augmenter singulièrement la précision des
observations. La langue de l'Inde est d'une rare transpa-
rence, grâce à son antiquité et au travail d'une longue
suite de grammairiens, les plus ingénieux et les plus
subtils qui aient jamais été. Quand on rapproche un mot
grec ou latin du mot sanscrit correspondant, on s'aperçoit
aussitôt que le sens étymologique devient plus clair, et
que les formes grammaticales prennent plus de relief et
de netteté. Comme si nos yeux s'étaient armés du micros-
cope, des syllabes entières, dont nous voyions à peine la
trace, reparaissent dans leur intégrité; les éléments cons-
titutifs du mot se découvrent à la vue, et l'on distingue
clairement les soudures qui se sont opérées entre la ra-
cine, le suffixe et la désinence. Nous ne sommes pas obli-
gés de recourir en sanscrit, pour décomposer les mots, à
une dissection violente les diverses parties qui ont servi
à les former se détachent d'elles-mêmes, et nous consta-
tons sans peine la valeur et le rôle de chacune des pièces
qui ont concouru à former l'ensemble. Ce n'est donc pas
un médiocre avantage pour le philologue de consulter la
langue sanscrite avant de se prononcer sur l'origine ou sur
le sens des termes ou des formes en grec et en latin. Au
lieu d'user sa vue sur des monnaies dont la légende est
effacée et l'effigie douteuse, il a devant lui la médaille
presque à fleur de coin, avec son inscription encore li-
sible et son empreinte encore fraîche.
Je voudrais, par quelques exemples, montrer le degré
de précision que le sanscrit est venu ajouter aux recher-
ches grammaticales. Le secours qu'il apporte en bien des
rencontres à l'étude des langues classiques, est compa-
rable celui que nous tirons du latin pour l'étude du fran-
çais. En effet, quoiqu'il ne puisse être question d'un rap-
port de filiation, l'état de conservation du sanscrit est si
parfait, qu'il fournit souvent les mêmes renseignements
que s'il était la langue mère du grec et du latin.
Pour reconnaître, par exemple, comment se sont for-
més les futurs français, comme je porterai, je servirai,
nous consultons les autres langues romanes et la basse
latinité, qui nous apprennent que je porterai est pour
ego porlare habeo, je servirai pour ego servire habeo.
Cette syllabe ai qui termine notre futur n'est autre chose
que le présent de l'auxiliaire avoir. Dans certaines lan-
gues néo-latines, l'union de l'infinitif et de l'auxiliaire
n'est pas encore complète. En espagnol, je le ferai se
rend par hacer lo he, c'est-à-dire facere illud habeo, et en
ancien provençal, je vous dirai par dir vos ai; nous votes
dirons, par dit' vos eut. Saint Augusti n, dans unde ses Ser-
mons au peuple, dit en parlantdu règne de Dieu Pétant
aul non petant, veuire habet. « Qu'on l'appelle ou qu'on
ne l'appelle point, il viendra. » En présence de ces faits, il
ne peut y avoir de doute sur l'origine de notre futur. Mais
comment distinguerai-je la composition des futurs grecs,
comme xtûira « j'appellerai», Ti)-j™ « j'aimerai », >JtM
« je délierai », si je ne consulte pas une langue qui rem-
plisse à l'égard du grec le même office que le latin à
l'égard du français, et qui me mette sur la voie de l'origine
de cette lettre <r, que le grec, ne pouvant l'expliquer, ap-
pelle la figurative du futur? .ous voyons qu'en sanscrit le
verbe e! correspond à un verbe asmi, dont la racine est
os. C'est précisément la racine du verbe sî(*î, devenu verbe
auxiliaire, que nous trouvons plus ou moins contractée ou
mutilée dans les futurs comme ««W-t-j, «H-™. De même
que le futur français s'est formé par l'adjonction de l'auxi-
liaire avoir, le futur grec a pris l'auxiliaire être, et il n'y a
d'autre différence entre les deux langues que celle d'une
soudure plus ou moins intime.
On rencontre en français beaucoup de mots déclassés,
c'est-à-dire sortis de la catégorie grammaticale à laquelle
ils appartenaient dans le principe, et de forme tellement
effacée, qu'il serait impossible, sans le secours du latin,
de reconnaître l'empreinte dont ils avaient été autrefois
marqués par la grammaire. Ainsi le mot viande est pour
nous un substantif féminin singulier; mais il représente
en réalité un participe pluriel neutre, formé du verbe
vivere rivenda. Yiande voulait dire anciennement et
signifie encore au xvn* siècle ce qu'il faut pour vivre, et
nous voyons en effet que chez nos vieux écrivains, il est
employé dans le sens général de « provision, nourriture ».
« Sa viande estoit un peu de poirée », dit l'auteur de la
Vie d'Isabelle, sœur de saint Louis. « On ne pouvoit mie
assez trouver viandes aux hommes et aux chevaux », rap-
porte la Chronique de Saint-Denis. Des déclassements
analogues se rencontrent dans les langues anciennes.
Ainsi aux yeux des Latins, le mot femina était un sub-
stantif mais, en réalité, il est un participe formé de la
même manière que les participes grecs en [mo;, pw/j, fxsvov.
Femina vient d'une racine fe, qui veut dire « allaiter,
nourrir », qui a donné, entre autres dérivés, felus, fecun-
dus, felix. Le sens propre de femina est « celle qui al-
laite ». On retrouve en sanscrit, employée comme verbe,
cette racine qui ne subsiste en latin que dans ses dérivés
et dans ce participe.
La méthode comparative, on le voit, emploie les mêmes
procédés, et elle n'est pas moins utile, qu'il s'agisse de
débrouiller les origines du français u l'aide du latin, ou
d'éclairer le grec et le latin en les rapprochant du sans-
crit. Mais cette étude des langues, si intéressante par
elle-même, a en outre des applications nombreuses et
fécondes. Permettez-moi d'en rappeler quelques-unes.
Quand la grammaire comparée n'aurait pour résultat
que de rendre les grammaires ordinaires plus logiques et
plus simples, il faudrait déjà la tenir en haute estime.
Quel est l'écolier dont le bon sens n'ait protesté intérieu-
rement, quand son rudiment, après lui avoir expliqué
qu'on répond par l'ablatif à la question ubl, ajoute que,
dans telle ou telle circonstance, on y répond par le géni-
tif qu'on dit bien, par exemple, avec l'ablatif: Natus est
Parisiis, mais qu'il faut dire avec le génitif: Natus est
Luletiœ? Le désarroi de notre élève deviendra encore
plus grand lorsque, arrivant la même règle en grec, on
lui apprendra que c'est par le datif que, dans cette langue,
on répond à la question de lieu. La grammaire com-
parée met fin à ces contradictions et à ces incertitudes;
elle nous apprend que le grec et le latin ont possédé an-
ciennernent un cas qu'onappelle locatif, dont le rôle élait
d'exprimer l'emplacement où l'on est, et dont le caractère
distinctif était la désinence i. Ce cas a subsisté pour les
noms de ville de la première et de la deuxième déclinaison
latine; il existe encore en grec dans les noms comme
îa)«(«ïi, et nous le retrouvons en latin dans des formes
isolées, comme domi, humi. La grammaire traditionnelle
dicte ses prescriptions comme les décrets d'une volonté
aussi impénétrable que décousue la philologie comparée
fait glisser dans ces ténèbres un rayon de bon sens, et
au lieu d'une docilité machinale, elle demande à l'enfant
une obéissance raisonnable.
Mais notre science n'éclaire pas seulement la structure
grammaticale deslangues classiques; elle nouspermetd'en
mieux apprécier les qualités, cl, par ce côté, elle touche
de près à la critique littéraire. De même qu'après avoir
voyagé à l'étranger nous apercevons plus nettement les
traits distinctifs de la nation dont nous faisons partie, le
meilleur moyen de constater ce qui appartient en propre
à un idiome, c'est de le comparer à la langue d'où il est
sorti ou à celles dont il s'est anciennement séparé. Le
grec et le latin ne sont pas la simple continuation de
l'idiome primitif de la race indo-européenne ils ont
innové sur beaucoup de points; ils ont acquis des facultés
nouvelles, et le génie de ces races si bien douées se révéla
d'abord dans leur langue, qui fut la première de leurs
œuvres d'art. Mais comment distinguerons-nous les qua-
lités acquises des qualités reçues au berceau, et comment
pourrons-nous reconnaitre, parmi tant de biens hérédi-
taires, ce qu'elles doivent à elles-mêmes, si nous ne rap-
portons les idiomes classiques un état plus ancien, et si
nous ne les rapprochons, à défaut de la langue mère au-
jourd'hui perdue, de l'une des sœurs issues du même
sein? Les témoignages d'admiration n'ont jamais manqué
au grec et au latin; mais nos éloges seront plus précis et
plus justes, si nous pouvons dire ce que ces langues
étaient à leur origine, et ce qu'elles sont devenues, grâce
aux progrès de la raison et grâce au génie de la race.
Essayons, en ce qui concerne le grec, de montrer quel-
ques-uns des résultats que peut donner ce genre d'ana-
lyse.
La langue indo-européenne, autant que nous en pou-
vons juger par la comparaison et l'induction, n'était pas,
comme on pourrait être tenté de le croire, une langue
pauvre et grossière. Elle devait être, au contraire, une
langue sonore, souple, abondamment pourvue en mots
et en flexions de toute espèce. Mais si nous en jugeons
par le dialecte védique, qui est resté le plus près de
cette langue mère, on pouvait lui adresser le même
reproche qu'aux œuvres de la statuaire antique; d'une
beauté de formes irréprochable, elle laissait à désirer
pour l'expression. Le vocabulaire védique est riche mais
il comprend beaucoup de mots synonymes, et les mêmes
mots sont susceptibles d'acceptions très-diverses c'est
la confusion féconde d'une époque créatrice. La langue
grecque n'a rien laissé périr de ces richesses; seulement,
en sage ménagère, elle sépare ce qui est dissemblable, et
destine à de nouveaux usages ce qui était surabondant.
La même racine bhâ, dans les Védas, veut dire «
briller »
et « parler», comme si l'homme confondait ses sensations
et assimilait l'éclat de la voix à celui de la lumière. Le
grec distingue ces deux ordres d'idées, et fait un triage
parmi les dérivés de la racine bhâ les uns, comme vii>-
« lumière », j>«î'8&i a briller », yù™ « paraître », yiTp;
« éclat », se rapportent a l'idée de jour et de clarté; les
si,
encore en français de la parenté des mots venir et cou-
d'une part, le verbe venirc et, d'un autre côté,
le substantif conventus n'en établissaient clairement l'af-
finité'? Qui sentirait que notre verbe coucher renferme le
même substantif latin qui est représenté en français par
le mot lieu, sans le témoignage de locus et de coltn-
atre?9
Mais ce serait une singulière erreur de croire que cha-
cune de ces altérations fût un dommage porté à la lan-
gue, et qu'à chaque pas qui éloigne les mots de leur type
primitif l'idiome se rapprochât de la décadence. Xon-seu-
vnnt, onten
lement c'est un fait que certaines langues, tout en s'alté-
précision et en richesse, mais on peut
démontrer que souvent l'altération phonique aide les opé-
rations de la pensée et doit être considérée, non comme
un accident fâcheux, mais comme un changement favo-
rable à l'expression de nos idées.
Parmi les mots qui se sont le plus éloignés de leur
forme première, il faut placer sans contredit les noms
de nombre. En cherchant l'étymologie de ces mots, on
a reconnu qu'ils avaient généralement eu à l'origine une
signification concrète. Les uns exprimaient la multiplicité
d'une façon générale et avaient le sens vague de « troupe,
amas, assemblage ». D'autres marquaient des objets na-
turels rappelant par leur quantité ou leur conformation
le nombre qu'on voulait désigner. Ainsi les mots « cinq »
et « dix », dans diverses familles d'idiomes, ont signifié
d'abord la main ou les doigts. Dans les langues indo-eu-
ropéennes, quand on compare le sanscrit daçan « dix »
au substantif tlaksha « la main droite », le latin decem
avec descira, le grec 5fa« avec î«l»s, on peut supposer que
les deux mots sont formés de la même racine signifiant
« montrer qui se retrouve encore sous la forme die
« montrer » en
sanscrit, dans le mot teit/en (à côte de
ce/m) en allemand, et sous la forme die, dans index,
indicis (à côté de digili), en latin. Mais s'il est vrai,
comme on peut t'inférer de ces rapprochements, que le
mot « dix » a clé d'abord représenté par les deux mains,
ne conçoit-on pas quel obstable c'eût été, je ne dis pas
seulement pour les calculs mathématiques, mais même
pour les opérations les plus simples de la vie, si le sens
étymologique de ce mot ne s'était obscurci la la longue,
si cette idée concrète des doigts ou de la main était venue
embarrasser ou offusquer notre pensée, toutes les fois
que nous eussions conçu la notion abstraite du nombre
« dix ». En rendant les noms de nombre étrangers aux
DE LA
GRAMMAIRE COMPARÉE"
par
l'Inde, Valmiki. • Lettre à Guillaume Faire, du 4 février 1815. (Mélanges
d'histoire Guillaume Favre. Genève, 1856.)
années de distance, M. Pott et M. Benfey publièrent leurs
premiers travaux étymologiques. Ce qui caractérise ces
ouvrages, c'est qu'ils poussent de front l'étude simultanée
de toutes les langues indo-européennes, et que, passant
constamment de l'une à l'autre, ils les obligent à se servir
réciproquement d'explication et de commentaire. Grâce
à cette inspection générale, non-seulement les grandes
lois, mais la plupart des rapprochements de détail qu'un
premier examen pouvait faire découvrir, furent reconnus
avec autant de pénétration que de savoir. Si les analogies
bien plus que les différences servirent de point de mire
aux recherches, il ne faut point s'en étonner la joie était
grande de trouver tant de liens entre des langues si éloi-
gnées en apparence. On prit plaisir à ramasser en gerbe
autour d'une racine les mots qu'elle avait produits dans
les divers idiomes de la famille, et à expliquer les termes
obs;urs et les anomalies grammaticales d'une langue par
des mots restés clairs et par des formes regardées comme
régulières dans une autre. Chaque fois qu'on ouvre ces
livres, on est étonné de la science prodiguée par les au-
teurs, et pour peu qu'on ait le courage de se frayer un
chemin à travers cette épaisse forêt de mots et de formes
de toute espèce, on recueille à chaque pas les enseigne-
ments les plus variés et les plus curieux.
Cependant des recherches si étendues etsi compliquées,
entreprises presque au lendemain de la naissance de nos
études, ne pouvaient manquer de donner prise d'assez
graves critiques. Nous hésiterons d'autant moins à les
énoncer que les côtés faibles de ces ouvrages s'expliquent
par le temps où ils parurent, tandis que les qualités qui
les distinguent sont le propre mérite des auteurs.
En premier lieu, un certain nombre de rapproche-
ments se sont trouvés inexacts, parce qu'ils venaient d'un
examen insuffisant des idiomes mis en parallèle. La fa-
mille indo-européenne comprend un si grand nombre de
langues, divisées elles-mêmes en tant de dialectes, qu'un
seul homme ne peut avoir de toutes une connaissance
également approfondie. Pour certaines d'entre elles, il
fallut se contenter de dépouiller les lexiques et d'inter-
roger les paradigmes des grammaires. Mais sans parler
des piéges qui se multiplient sous les pas du linguiste,
aussitôt qu'il a recours à de tels moyens d'investigation,
il aurait fallu que l'analyse grammaticale, armée des in-
struments qu'avait fournis la nouvelle méthode, se fût
préalablement exercée sur chaque idiome en particulier
pour ne livrer à la comparaison finale que des matériaux
suffisamment épurés.
Un ou deux exemples, que nous emprunterons a la
langue latine, feront mieux comprendre l'inconvénient
des comparaisons lointaines, quand les mots mis en pré-
sence n'ont pas été d'abord soumis à un examen minu-
tieux. Prenons les mots latins clamo « je crie » et da-
mot- « cri ». Nous verrons, d'une part, les étymologies
que Bopp et Bcnfcy ont cru pouvoir donner de ces
termes, en les rapprochant de mots empruntés aux idiomes
congénères; puis nous donnerons l'explication qui se
présente, quand on se tient renfermé dans l'histoire de la
langue latine.
Selon M. Bopp (1), le latin clamo serait identique au
sanscrit çrâvajâmi « je fais entendre Pour
apprécier
la valeur de ce rapprochement, il faut savoir qu'il existe
en sanscrit un verbe cru « entendre », dont la forme,
dans une période plus ancienne, a dû être kru. Le verbe
correspondant, en grec, est *îi<». En latin, outre le verbe
archaïque cluere, nous devons rapporter à la méme racine
les mots inclutus et cliens (pour cluens). Les verbes sans-
crits sont pourvus d'une forme appelée causative, qui
indique que le sujet fait faire l'action marquée par la
racine. Le causatif de cru, en sanscrit, est çrâvajâmi
«
je fais entendre ». Si l'étymologie de Bopp était
fondée, il faudrait donc admettre entre inclulus, chiens,
clamo, une parenté immédiate, quoique remontant aux
temps de la période indo-européenne. De son côté,
Bcnl'ey (ty, dans son Lexique des racines grecques,
propose pour le mot clamor une autre explication il
suppose que damor et pour clàd-mor, et il rapproche
ce dernier de la racine sanscrite krad « crier, pleurer »,
qui a donné en gothique grelan « pleurer », et à laquelle
se rattacherait aussi, selon l'auteur, le grec mTkîo; « bruit ».
Les deux explications que nous venons de citer ne se
ressemblent guère; mais elles ont au moins ce trait com-
dans
le
»*1, il existe une forme z«, qui se trouve, par exemple,
ibIï», iùoti;, ixàriui«Lt il avait
en latin, à coté de
C(f(,une forme cla, qui s'est conservée dans nomen-chitor
«
celui qui appelle les noms ». C'est un
fait assez fréquent en sanscrit, en grec et en latin, qu'une
racine terminée, par une liquide ait à côté d'elle une
forme secondaire où la liquide a ebangé de place avec la
voyelle précédente, laquelle, par une sorte de compen-
sation, s'allonge (1). En grec, par exemple, nous avons
Jal fSS-xUi) et p./] (piglrpti).
[SV (T™s) ni yv<i {rir,mi>;).
3z[j. fSa|iâw) et OJJ./1 {aojjLT(TO;).
[iev (t^îvoï) et ]vi-f\ (\Lirt]Uji\j.
tx). (xiXaï) et T/.71 (T>.r,v«i).
Le même fait a lieu en latin.
C'est ainsi qu'a côté de
(I)
la
jonction va (pour lui) avec a bref, qui se construit exac-
con-
LA
GRAMMAIRE COMPARÉE
DANS
L'ENSEIGNEMENT CLASSIQUE
DE LA
LANGUE FRANÇAISE"
Pour grands que soient les rois, ils sonl.ee que nous sommes.
ELLIPSE DE L'ATTRIBUT
Ce sage vieillard était d'une éloquence persuasive.
RACINES INDO-EUROPÉENNES1
(l) Cette belle élymologie est due à bl. James Darcncsteter, dans les Mé-
moires de la Société de linguistique, t. 111, p. hi.
parlant plus haivt que les règles de la phonétique nous
invite à identifier, comme 6k,- et deus, comme Mp« et dvâr,
doivent sans doute s'expliquer par le mélange des dia-
lectes au sein de la langue mère.
Mais ce n'est pas seulement pour la prononciation
qu'on a imaginé sans motif une régularité idéale. Dans
toutes les langues sans exception qui sont directement
observables, nous rencontrons des mots dont l'étymologie-
s'explique par le secours de la langue où ils se trouvent,
et d'autres mots qui sont inexplicables ou qui ont besoin,
pour être analysés, d'être rapportés à une période plus
ancienne. Nous devons penser qu'il en était de même dans-
la langue mère elle sortirait tout à fait des conditions
ordinaires si tous les mots qui la composent étaient éga-
lement transparents. C'est ce que paraissent avoir oublié
quelquefois nos modernes linguistes, qui, non contents-
de poser la forme indo-européenne, veulentaussi en don-
ner chaque fois l'étymologie. S'agit-il, par exemple, du
mot avi-s, brebis? Ce substantif a existé dans la langue-
mère, puisque nous le rencontrons en sanscrit sous la
forme avis, en grec fe, latin ovis, lithuanien avis, ir-
landais oi. Mais s'il n'est nullement téméraire d'affirmer
l'existence du mot dans un temps antérieur à la séparation
de nos idiomes, la recherche de l'étymologie nous trans-
porterait dans une période beaucoup plus reculée et sur
un terrain moins solide Y Indo-européen qui nommait
«vis la brebis pensait probablement, en la nommant, à
une brebis, et à nulle autre chose. Si nous voulons con--
naître la racine renfermée dans ce substantif, nous fran-
chissons une nouvelle série de siècles et nous faisons de
l'étvmologic anté-indo-européenne. C'est ce que nous
parait faire M. G. Curtius quand il suppose que la brebis
est nommée d'après sa douceur, et quand il identifie
son nom avec l'adjectif sanscrit avi, bienveillant, favo-
rable; c'est ce que fait M. Auguste Fick, quand il rattache
le mot à une racine av, marcher, dont l'existence, pour
le dire en passant, nous parait bien problématique.
Ce que nous venons de dire pour la brebis n'est pas
moins vrai pour le bœuf ou pour le taureau. Faut-il
croire que la vache a été nommée gâm d'après l'idée de
marcher, et le taureau slhûra, d'après l'idée d'être debout
ou d'être fort? A moins de se représenter l'Arya sous les
traits d'un autre Adam donnant des noms aux oiseaux
des vieux et à toutes les bêtes des champs, il faut supposer
sans doute, qu'en même temps qu'il a hérité de ces ani-
maux, il les a trouvés déjà bien et dûment pourvus de
leurs dénominations. Qu'on fasse la part aussi large
qu'on voudra au rajeunissement du langage, lequel sub-
stitue des termes nouveaux, ordinairement des adjectifs,
aux anciens noms devenus inintelligibles, ce rajeunisse-
ment n'est pas tel qu'il ne subsiste beaucoup d'anciens
mots. C'est ainsi que nous avons encore en français les
noms de bœuf et de taureau, et qu'en allemand on a die
kuh, der stier, c'est-à-dire les anciens termes. On peut
donc croire que gâus et sthûra sont un vieil héritage, de
sorte que la ressemblance avec les verbes yum, aller, et
sthâ, être debout, se borne peut-être à une simple coïn-
cidence de son. Je laisse de côté à dessein la possibilité
d'un emprunt fait à une autre famille de langues, qu'on
n'a cependant pas le droit de perdre de vue.
Prenons encore le mot ukshan, boeuf, dont l'antiquité
est assurée par le sanscrit d'une part, et d'nnautre côte par
le gothique auhsa; qu'on le ramène à uksh, grandir, ou
à uksh, arroser, féconder, de toutes manières on l'inter-
prète par deux verbes beaucoup plus récents, à ce que je
crois, que le nom de l'animal. Même observation pour le
cochon (su) qu'on a rattaché à l'idée de fécondité, l'oie
(ghansa, hansa) ainsi nommée, a-t-on dit, parce qu'elle
a le bec ouvert (j-aiv"), et le bétail en géuér<A(pahi,paçH),
qui viendrait de l'idée de prendre ou d'attacher
Je viens à une autre classe de mots qu'il ne serait pas
moins dangereux de vouloir tous expliquer à l'aide des
verbes restés en usage. Ce sont les noms qui désignent
les différentes parties du corps. L'enfant, parmi ses pre-
mières acquisitions linguistiques, apprend à nommer sa
bouche, son nez, ses oreilles, ses yeux, ses mains, ses
pieds; il en a été probablement de même dans cette
période, et l'on n'avait sans doute pas attendu jusque-là
pour trouver des noms à ces organes. Il serait donc bien
imprudent d'affirmer que le verbe sanscrit pad, marcher,
a servi à désigner le pied; le contraire, à savoir que le
verbe sanscrit padati, il marche, est dérivé du substantif,
est tout aussi possible, d'autant plus que les verbes cor-
respondants dans les langues de l'Europe paraissent faire
défaut. M.Fick cite le latin pessum (dare) qu'il rapproche
de l'infinitif sanscrit paltum mais pessum, ainsi que
l'indique l'eipression pessum dejkere, renferme la même
contraction que susum, prosa, et doit être rapporté au
verbe latin perverlere. la dent est-elle appelée danl
parce qu'elle est la mangeuse (a)dant, ou parce qu'elle
est celle qui sépare etquidéchire (dâ, diviser)?Je croirais
aussi volontiers que dant était déjà un appellatif, un nom
dont la signification étymologique est oubliée, comme
notre français dent et l'anglais tooth. On peut dire pareille
chose pour les joues (ghanu, hanu), la bouche (as), le nez
(nâs, nâsâ), la tête (kar), le bras (bâhu), l'épaule (anisa),
le foie (jakart), la chair (kravas), le corps (karpas). Du
moins, toutes les étymologies qu'on a proposées pour
ces noms paraissent-elles bien cherchées.
Les degrés de parenté ne sont pas non plus de ces
mots qu'on se résoud facilement à changer, pour les
remplacer par d'autres qui soient tirés des verbes actuel-
lement en usage. Aucune étymologie satisfaisante n'a été
présentée pour les noms de svasar, la sœur; smishâ, la
bru; dêvar, le beau-frère; napât, le petit-fils; çvaçura,
le beau-père; çvaçrii, la belle-mère. Quelques philo-
logues ont cru devoir chercher en sanscrit l'étymologie
de ces mots; ainsi napât, le petit-fils, a été expliqué
par na-pati, celui qui n'est pas [son] maitre; svasar la
saiur, par itiu-sirt, sa propre femme (!); dêvar, le beau-
frère, par le verbe sanscrit dévati, il joue, et II. Del-
brûck a découvert, dans ce jeune frère amusé par ses
belles-soeurs, une idylle indo-germanique. Mais c'est
montrer une grande confiance dans les ressources que
le vocabulaire indien met entre les mains de l'étymolo-
giste. Les deux termes pour lesquels on peut avec le
plus de vraisemblance admettre l'explication générale-
ment adoptée, sont ceux du père et de la mère, patar
ou pitar étant le protecteur, et mâtar celle qui met au
monde. Mais à côté de ces deux termes, qui sont, comme
genitor ou parens en latin, des créations nouvelles du
langage, la plupart des idiomes en ont conservé d'autres,
telle que alla, père, en gothique; alla, mère, en sanscrit,
qui sont probablement les anciennes dénominations.
J'en dirai autant, sans m'y arrêter, pour les noms qui
désignentle feu (agnï), la neige (ghima et ghjâ), le nuage
(nabhas), la campagne (ravas). Aucun de ces mots ne me
semble pouvoir s'expliquer à l'aide des verbes restés
usités. Il en est de même encore pour quelques qualités
essentielles des corps,tellesque garn, lourd; laghu, léger;
varu, large; nava, nouveau, ainsi que pour les divers
âges de l'homme juvan, jeune; vira, nar, homme;
sana, vieux. Quelques produits de la civilisation et de l'in-
dustrie humaines semblent protester également contre
l'Age trop récent qu'on leur attribue, en les voulant
expliquer par des racines encore vivantes;e citerai dam
la maison ajas, le métal, l'airain, sans compter quelques
termes abstraits, qui représentent les premières con-
quêtes de la moralité humaine, comme apas, le travail;
râ, la propriété; jaus, le droit.
Je viens maintenant à une série de mots que l'intérèt
public dut défendre contre tout remplacement une fois
qu'ils eurent été trouvés ce sont les noms de nombre.
Depuis plus de trente siècles, sauf quelques changements
insignifiants, les langues de notre famille comptent de 2 à
100 par les mêmes mots, et elles continueront probable-
ment à le faire aussi longtemps qu'elles dureront. Pour la
même raison, nous devons penser que ceux qui créèrent
notre système grammatical ont respecté les noms de
nombre qu'ils trouvèrent en usage. A moins de supposer
que l'homme ne savait pas encore compter de 1 à 10, il
faut bien admettre que ces termes dva, tri, katur, etc.,
sont antérieurs à la période où furent jetées les bases de
notre grammaire. C'est donc une entreprise bien risquée
rie chercher dans le vocabulaire sanscrit ou grec l'expli-
cation de ces termes, comme le fait, par exemple,
M. Goldstücker, quand il voit dans pancan, cinq, un pa-
(1) Dans un livre dont les idées, sur certains points, se rapprochent des
nôtres (Principles of comparative plktlology, 2« édition. Londres, 1875),
M. Sayce met en doute le monosyllabisme des racines indo-européennes
montrer combien de couches il faut traverser pour ar
river de la période monosyllabique jusqu'à la période
indo-européenne. On peut ne point partager l'opinion
du savant professeur de Leipzig sur l'ordre de succession
et sur le rapport chronologique de ces différentes couches
mais où tout le monde tombera d'accord, c'est sur le long
espace de temps qu'il a fallu pour ces évolutions. Une
forme telle que adikshat, il montra, en grec ïo*«|t, aoriste
de la racine dik, montrer, a exigé le travail continu
d'une longue suite de siécles.
11 est bon de garder présente à l'esprit
une distinction
si essentielle. Autrement on s'exposerait à plus d'une
sorte d'erreur. Pour commencer par le côté phonétique,
je crois que s'il est possible de nous représenter à peu
près le son des racines de la langue indo-européenne, le
son qu'avaient ces mêmes racines dans la période mono-
syllabique est beaucoup plus difficile à déterminer. Yn
exemple fera mieux comprendre ceci. On sait que nos
dictionnaires de racines contiennent un bon nombre de
racines homophones ainsi nous avons une racine kar,
faire (latin creare), une autre racine kar, mélanger, verser
(1) C'est ce que fait, par exoiniile, lleyse, à propos des racines sia, être
debout; i, aller, etc.
et polis que lave et amincit sans cesse la mer. Si nous
croyons parfois entendre dans certains sons de nos idiomes
une imitation des bruits de la nature, nous devrions nous
rappeler que les mêmes bruits, dans d'autres langues,
sont représentés par de tout autres sons, dans lesquels
les peuples étrangers croient également sentir des ono-
matopées de sorte qu'il serait plus vrai de dire que nous
entendons les bruits de la nature, à travers les mots aux-
quels notre oreille est habituée depuis l'enfance.
Pour faire toucher du doigt le danger qu'il y a à con-
fondre la période monosyllabique avec la période indo-
européenne, je rappellerai la formule que Schleicher a
cru pouvoir donner des mots de nos langues Rx s. Le x
placé comme exposant auprès de R (racine) fait allusion
(1) II est juste de rappeler que cette théorie a élé présentée pour la pre-
mière fois et avec des développements qui ne se trouvent pas chez les
l'origine, veulent diminuer l'effort que les ancêtres de la
race auraient en à faire pour créer les premiers moyens
d'expression. D'autres savants ont pensé que la forme la
plus complexe était la plus ancienne, et que des formes
plus simples en ont été déduites par voie d'élimination.
Nous retrouvons ici M. Max Mùltcr, dans le second volume
de ses Lectures sur la science du langage « On peut
(1) J'ai déjà indiqué ces idées à propos d'un travail de M. Frédéric Mill-
ier, dans la Revue critique dit 18 mai 1872. On trouvera quelques aperçus
d'une grande pénétration dans un article de M. Benfey, dans le recueil
Orient rnid Occident, II, p. TU.
les anciennes monnaies de la Grèce, d'un modelé si pur,
comme le premier moyen d'échange inventé par les
hommes.
Il est dans la nature des sciences d'observation de de-
venir tous les jours plus exigeantes pour elles-mêmes.
Nous apercevons des difficultés là où n'en voyaient point
nos devanciers nous distinguons des séries successives de
faits où tout leur semblait du même temps. En linguistique
comme ailleurs, nous apprenons à voir que le monde n'a
point commencé là où expire le champ de notre regard.
FIN
INDEX ANALYTIQUE
de
substantif, 310. thologie indienne,
Adverbe (V) donne naissance aux Chassang (Grammaire grecque de
prépositions et aux conjonctions, 320. M.), ~35,
Ahi, le démon de l'orage, 96. (M. H.). Sa lexiologie indo-
de
pays
Akriman est le
Vrilra, 114,119.
fahuleux, 190.
Allégorie (L'interprétation allégori-
européenne, 402.
Chimère (La), 106-
du verbe), 270.
Clamare
(étymologie
de
Mythes. L'origine des mythes est Racines (Essais qui ont été faits
est
liée à l'origine du langage, 6. Les pour décomposer les), 282,402. Jus-
mythes se rattachent à des locutions qu'à quel point a-t-on le droit de
populaires, 167. parler de racines latines, grecques,
sanscrites, 396. ra-
cines employée
par les linguistes en deux sens diffé-
Nibelungen (Eléments mythiques rents, 397. D'où il vient qu'elles ont
contenus dans les), 129. un sens abstrait, -101. Anciens subs-
Nom. En quoi il diffère du verbe, tantifs cachés derrière les racines,
312. 106. Ne représentent pas les com-
Nombre (Noms de). Ils sont proba. mencements de la parole, 4-10.
blument antérieurs à notre système Récurantes, surnom de Jupiter, 55
grammatical, 381. Régnier (M. Adolphe), 217, 309.
Numvhes célestes personnifiant les Remaniement que les peuples font
nuées, 107,180. subir à leur langage, 276.
Itemains (caractères de leur reli-
o gion),31.
Œdipe, un héros solaire, 172. Je» S
de mots fait sur son nom, 177.
Epouse Jocaste, 180. Perd les yeux, Sancus, surnom de Jupiter, 51.
181. Crimes attribués à OEdipe, 183. Sanscrit. De quelle nature est le
Onomatopées. D'une période anté- secours qu'il a apporté à l'étude des
rieure à notre système gramma- langues classiques,.220. N'est pas la
tical, 400. langue mère du latin et du grec, 223.
Orthographe française, e&i fixée dansAbus qui a été fait du sanscrit, 279,
son ensemble, 366. Subtilités d'ortho- Sâramêya, 111. 1.
graphe, 366. Satan prend dans fa Bible le rôle
Orlhros. 95. d'Ahriraan, 125.
Schlegel (A.-G.) a reçu de Bopp
P ses premières leçons de sanscrit, 267.
Schleicher. Sa méthode déductive,
Paradis, en zend pairïdaéza, mot 342, 375. Sa formule des racines
d'origine iranienne, 125,197. indo-européennes, 401.
Serpent personnifiant le démon de Tritopator. Origine de ces noms, 16.
l'orage, 96, 103. Le serpent de
ble, 123.
Bi-
V. Ahi, Azdehâk, Ahriman.
Typhon, 95.
Signification des mots (La) n'est v
pas atteinte par l'altération phoni-
que, 250. Elle gagne quelque (bip à l'al- Ut (sens primitif de la conjonc-
tération phonique, 254. tion,) 332.
Sphinx, 174.
Siegfried, héros de l'épopée ger- V
manique, 129.
Soleil (Mythes se rapportant au), Vaches (Les aches célestes), 85.
163. Explication
Var (Le) du mythe, 88, 98.
Substantifs (Les) sont d'anciens ad- de Yima ou Vardjcm-
jectifs pris substantivement, 31C. guerd, pays fabuleux, figure dans le
Suffixes (Les) ont un sens vague Bundehesch comme nom de pro-
par eux-mêmes, 303. Sont une des vince, 194.
causes de la richesse de nos langues, Védique (Caractères de la religion),
300. Substantifs passés ù l'eut de 71 Spécimens d'hymnes védiques, 80.
suffixes, 307. Ne peuvent pas tou- Caractère de la langue des védiis, 235.
jours être réduits à leurs éléments, Verbe. En quoi il diffère essentiel-
396. lement du nom, 312. Origine des
Suffixes latins :mentum, 277:l«ra, verbes grecs en :-jw, 279. Toutes
319 ber, 280.
Suffise grec, o;, 304.
Suffixe français, ier, 301.
pas
les désinences verbales ne s'expli-
usage, 3U3,
par les pronoms restés en
12.
maire comparée
3J2
des
Synonymie. A multiplié les fables,
Syntaxe (La) reçoit de la gram-
La syntaxe indo-européenne a
pu être précédée d'une autre syn-
taxe,9,
Viande (Etymologie}, 231.
8
Vritra, démon de l'orage, t.
w
Wettphal (M. R.)- Son idée des
commencements de la grammaire,
Syntaxe intérieure, 309. 4U3.
Symboles. ont existé qu'aux épo-
ques île réflexion, 5.
Symbolique (Ecole), 25.
v
T 193,
Yima (Le paradis de), sa ressem-
blance avec l'Àiryanaviièja,