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Moussa Fir

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THESE DE DOCTORAT

Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de docteur de :

L’UNIVERSITE D’ANGERS ET L’UNIVERSITE HASSAN 1ER


SOUS LE LABEL LUNAM
ECOLE DOCTORALE N° 595
Arts, Lettres, Langues
Spécialité : Science du langage et didactique des langues

Par

Khalil MOUSSAFIR
Ingénierie didactique et enseignement du français
langue universitaire au Maroc

Thèse en co-tutelle présentée et soutenue publiquement le 07/12/2019

Unités de recherche : CIRPaLL & LIDEALL

Composition du jury :
Rapporteurs :
Azeddine NOZHI  Professeur de l’enseignement supérieur, Université Sultan My SLIMAN
Jonas BENA MAKAMINA  Professeur, Université de LUBUMBASHI

Examinateurs :
Elisabeth PINTO-MATHIEU  Professeure, Université d’ANGERS
Abdelhak JABER  Professeur de l’enseignement supérieur, Université Choaïb DOUKKALI
Toufik MAJDI  Professeur de l’enseignement supérieur Université Sultan My SLIMAN

Directeur de thèse Julien KILANGA, Professeur émérite, Université d’ANGERS


Codirecteur Mohammed RAJ Professeur habilité, Université HASSAN 1er

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 1


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A l’issue de ce travail, j’aimerais bien exprimer mes vifs remerciements à mes professeurs
REMERCIEMENTS qui ont encadré cette thèse en cotutelle, MM. Julien KILANGA et Mohammed RAJ. Vous avez
gracieusement accepté de diriger ce travail. Vous avez fait preuve d’une grande générosité
scientifique et vous n’avez épargné aucun effort à m’accompagner dans cette aventure par vos
remarques pertinentes et votre soutien indéfectible.
Professeur Julien Kilanga ! Merci pour votre accueil chaleureux au sein de la Faculté des lettres
d’Angers. Vous avez cru vraiment en ce travail et m’avez accordé une confiance précieuse, qui m’a
toujours guidé en chaque instant et dans différentes étapes de concrétisation de ce projet. Par votre
riche expérience et votre professionnalisme au plus haut niveau, vous avez su parfaitement orienter
ce travail. Vous avez toujours été disponible et réactif en dépit de vos multiples responsabilités et
préoccupations scientifiques. Grand merci !
Professeur RAJ ! Merci pour votre encadrement quotidien, pour la supervision éclairée et le suivi sans
faille. Je tiens particulièrement à saluer en vous, votre disponibilité également, malgré vos différentes
préoccupations et responsabilités. Votre soutien inconditionnel, imperturbable, votre sagesse et vos
conseils généreux, prodigués en toutes circonstances, ont été également décisifs et m’ont pleinement
inspiré dans l’exécution des tâches liées à cette thèse. Grand merci !
Mes remerciements les plus vifs vont à Mme Elisabeth Pinto-Mathieu, directrice du Laboratoire
CIRPaLL, Mme Carole AUROY, Directrice adjointe de l’Ecole Doctorale – Université d’Angers et M.
LMRANI-ZENTAR My. Elhassane, directeur du Centre des Etudes Doctorales de l’Université Hassan 1 er.
Merci infiniment pour votre clairvoyance et votre disponibilité, malgré vos différentes responsabilités
scientifiques.
Je tiens à exprimer aussi tous mes remerciements à mes collègues et ami(e)s, enseignants de
langues et communication de l’Université Hassan 1er, pour leur aide précieuse et leur mobilisation au
tour du projet. Merci d’avoir impliqué gentiment vos étudiants dans les enquêtes de terrain.
Merci aux professeurs informaticiens pour l’aide technique en matière de traitement automatique de
données.
Sans oublier mes amis : Si Ahmed et Abdallah, mes amis de Tours également (Allal et Saïd). Un tout
grand merci à chère petite famille (Bouchra, ma femme et mes enfants Anas, Rime et Raghad) qui
m’a soutenu aux moments les plus difficiles et s’est privé de profiter de vacances et de nombreux
week-end.
Enfin, je voudrai dire un mot de gratitude à l’égard des membres du Jury pour leur bienveillance et
leur bonne volonté à évaluer et expertiser ce travail.

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INTRODUCTION GENERALE ……………………………………………………………………………….…………………………………………… 6
PARTIE I. CADRE THEORIQUE : CONTEXTE SOCIOLINGUISTIQUE ET DIDACTIQUE DE LA RECHERCHE
……………………………………………………………………………………………………………………………………………………. 24
Chapitre 1. Les langues au Maroc et le marché linguistique marocain ………………………………………………………. 25
1.1 L’arabe ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………. 26
1.2 L’amazighe ……………………………………………………………………………………………………………………………………………… 30
1.3 Le hassani ………………………………………………………………………………………………………………………………………………. 34
1.4 Le français au Maroc et le rapport des Marocains à la langue française ……………………………………………. 35
Chapitre 2. Les politiques linguistiques et les vœux du plurilinguisme ……………………………………………………… 42
2.1 Les politiques linguistiques, essai de définition ……………………………………………………………………………………. 42
2.2 L’aménagement linguistique …………………………………………………………………………………………………………………. 47
2.3 Aménagement du multilinguisme : quand le plurilinguisme l’emporte ………………………………………………. 59
Chapitre 3. L’enseignement du français et la terminologie didactique ………………………………………………………. 61
3.1 La notion du français fonctionnel …………………………………………………………………………………………………………… 61
3.2 Les approches communicatives ……………………………………………………………………………………………………………… 67
3.3 Français sur objectif spécifique ou français de spécialité ……………………………………………………………………… 71
3.4 Le secteur LANSAD et le français à l’université …………………………………………………………………………………….. 85
3.5 Le secteur LANSAD et la didactique de la langue de spécialité ……………………………………………………………. 86
PARTIE II. LE DISPOSITIF D’ENSEIGNEMENT DES LANGUES A L’UNIVERSITE ENTRE CONSIDERATIONS
METHODOLOGIQUES ET PRATIQUES DU TERRAIN ……………………………………………………………………………………… 88
Chapitre 4. Le portfolio des langues, élément incontournable du dispositif ………………………………………………. 89
4.1 Le plurilinguisme, le portfolio des langues et la compétence plurilingue ……………………………………………… 90
4.2 Plurilinguisme et/ou monolinguisme ……………………………………………………………………………………………………… 93
4.3 Le portfolio plurilingue ………………………………………………………………………………………………………………………….. 101
4.4 Mise en place de la compétence plurilingue ………………………………………………………………………………………… 118
Chapitre 5. Didactique du plurilinguisme …………………………………………………………………………………………………… 128
5.1 Didactique du plurilinguisme, éléments contextuels et repères méthodologiques ……………………………. 128
5.2 La didactique du plurilinguisme et les enjeux pédagogiques et sociaux ……………………………………………. 130
5.3 Didactique de l’intercompréhension …………………………………………………………………………………………………….. 144
Chapitre 6. Dispositif d’enseignement du français : enjeux sociolinguistique et sociodidactique …………… 150
6.1 Ingénierie du dispositif …………………………………………………………………………………………………………………………. 150
6.2 Dispositif d’enseignement des langues et centres des ressources en langues ………………………………….. 152
6.3 L’essor des centres CRL, le « Méga-dispositif » ………………………………………………………………………………….. 157
6.4 L’enseignement des langues et la question du manuel ………………………………………………………………………. 161
PARTIE III. L’ENQUETE AU SEIN DE LA FACULTE DE DROIT : ANALYSE DE DONNEES LINGUISTIQUES ET
DIDACTIQUES ……………………………………………………………………………………………………………………………………………… 174
Chapitre 7 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 175
7.1 La recherche-action ………………………………………………………………………………………………………………………………. 175

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7.2 Recherche-action et didactique des langues …………………………………………………………………………………….... 183
7.3 Questionnaires de départ ……………………………………………………………………………………………………………………… 188
7.4 Le questionnaire destiné aux enseignants …………………………………………………………………………………………… 190
Chapitre 8. L’analyse quantitative de données recueillies ………………………………………………………………………… 192
8.1 L’enquête : difficulté de terrain et les efforts déployés ………………………………………………………………………. 192
8.2 Identification des participants et présentation des résultats de l’enquête ………………………………………… 195
8.3 Supports spécialisés et nature des difficultés linguistiques ………………………………………………………………… 210
8.4 L’environnement linguistique et le degré d’exposition au français …………………………………………………….. 215
8.5 Interactions en langue : maîtrise et amélioration ………………………………………………………………………………. 221
8.6 Le croisement des résultats …………………………………………..……………………………………………………………………. 242
Chapitre 9. Analyse qualitative et entretiens des enseignants …………………………………………………………………. 252

9.1 Orientations épistémologiques et approche méthodologique mobilisée ……………………………………………. 252

9.2. La démarche de l’approche lexicale ……………………………………………………………………………………………………. 256


9.3. Profils des enseignants de langue : expériences pédagogiques et contraintes du terrain ………………. 258
9.4 L’analyse thématique ……………………………………………………………………………………………………………………………. 265
9.5 Synthèse ………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 280
Conclusion générale ……………………………………………………………………………………………………………………………………. 282
Bibliographie ………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 292

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Introduction générale :

La question linguistique est toujours une question d’actualité et les débats sur les
langues revêtent un intérêt particulier. Au Maroc, les discussions sur les langues
étrangères, notamment le français sont souvent marquées de tensions, non seulement à
cause de la sensibilité de la question, le français étant la langue qui rappelle la période
coloniale, mais surtout en raison des dimensions sociale, économique, politique,
historique et même idéologique qui traversent de bout en bout les discussions sur la
chose linguistique.
Choisir, dans ce contexte de mener une recherche sur la langue française, à la fois,
comme langue enseignée et langue d’enseignement, au niveau du cycle supérieur relève
de la gageure, non pas à cause du manque d’études et de réflexion sur le sujet, les
travaux de recherche en la matière abondent. Aussi, la littérature de la question connait
un foisonnement de publications qui touchent plusieurs domaines des sciences humaines
et sociales. De même, il n’est pas surprenant que des chercheurs se soient consacrés à
la problématique linguistique, en général, dans le pays, et avec la même ferveur et le
même dynamisme, nous pouvons trouver des travaux dédiés essentiellement à la
situation de la langue française sur « le marché » des langues marocain, (Boukous,
2008), (Granguillaume, 1983), (Elgherbi, 1993), (Benzakour, 2010), (Amargui, 2006),
(De Poli, 2005), (De Ruiter, 2006), (Messaoudi, 2010)1. Les défis en rapport avec le
choix du sujet relèvent essentiellement de la complexité du terrain, surtout de la
situation de la langue française et sa relation avec la réalité marocaine. Dans le contexte
d’éducation et de formation, la place de la langue française connait des rebondissements
spectaculaires qui ne peuvent pas nous laisser indifférents.

1
La liste de publications et d’études sur la situation du français et le contexte linguistique est longue. Nous ne
saurons citer tous les travaux réalisés dans ce sens.

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La langue est l’outil par excellence d’échanges et de communication. Dans les systèmes
éducatifs, c’est une question vitale puisqu’elle permet non seulement de véhiculer les
savoirs et les contenus disciplinaires, mais elle est également le vecteur de valeurs et de
finalités ultimes. C’est pourquoi la question linguistique déborde parfois le contexte de la
recherche scientifique pour entrer dans la sphère des débats publics et politiques. Les
marocains accordent aujourd’hui une importance capitale à la problématique linguistique,
aux politiques des langues dans le pays et au (x) choix des langues d’enseignement.
Plusieurs facteurs entrent en jeu et font de la langue d’enseignement, notamment au
niveau du cycle supérieur le centre astronomique des discussions pédagogiques et
politiques car les effets des choix linguistiques ne sont perceptibles que sur le long terme
et leurs influences dépassent le cadre de l’enseignement et de la formation.
La question de l’accès aux savoirs et aux contenus disciplinaires au niveau des études
supérieures et universitaires se trouve aujourd’hui au cœur des débats et des discussions
scientifique, didactique et méthodologique, et même au-delà du cadre académique, elle
touche dans le fond le sociopolitique et l’économique. La réussite des études supérieures
et la lutte contre les phénomènes de l’échec et de la rétention sont les cibles de diverses
mesures politiques, pourtant, elles constituent le centre de préoccupation majeure des
travaux de recherches des spécialistes des questions de didactique des langues (DDL),
notamment pour les filières des Disciplines-Non-Linguistiques (DNL). Nous savons bien
que la maîtrise de la langue française par les étudiants qui abordent les études
universitaires au Maroc demeure une difficulté préoccupante pour les Universités
marocaines.
Les causes de ce « peu » de maîtrise ou de ce « manque » de compétence linguistique
sont nombreuses. Nous allons nous attacher, dans le cadre de ce travail, à étudier
l’origine de ces causes, d’essayer de répondre à une question qui paraît simple, mais qui
en réalité résume toutes les difficultés de l’enseignement du/par (le) français à
l’université : Pourquoi après tant d’années d’études du français, l’étudiant marocain
arrive au seuil de l’université avec un niveau ‘‘ précaire’’ en langue française ? ’’. Nous
avons choisi, pour désigner cet enseignement, l’appellation « le français langue
universitaire (FLU) » par commodité. Nous ne cherchons pas à nous situer par rapport
aux orientations et étiquettes qui foisonnent aujourd’hui et qui renvoient toutes, presque

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 7


à la même réalité, celle de l’enseignement de la langue française ou de contenus
spécialisés par cette langue.
Aussi est-il prégnant de souligner que les relations entre les différents intervenants dans
le processus d’enseignement-apprentissage en particulier l’enseignant et l’apprenant
dans le cadre scolaire ou universitaire relèvent d’un univers sociolinguistique et socio
didactique particulier et dont la connaissance est indispensable à l’analyse de la situation
linguistique, de la motivation à apprendre et surtout à la mise en place de dispositif
d’apprentissage des langues.
Par ailleurs, l’introduction de la notion d’ « Ingénierie didactique » nous parait mieux
convenir à ce qui vient d’être présenté. Elle offre le cadre d’analyse solide, de réflexion
concentrée pour répondre à notre problématique et canaliser les développements pour
vérifier nos hypothèses de départ. De plus, la conception de l’ingénierie, nous offre non
seulement les outils et les méthodes nécessaires à notre action empirique, à notre
intervention sur le terrain d’enquête, mais elle est à même d’évaluer la pertinence du
dispositif d’enseignement du français et des langues en général dans le milieu
universitaire. Tout ce travail à la fois théorique et pratique favorisera la proposition de
pistes de solutions et de recommandations à adopter au niveau du système
d’enseignement et à modifier le dispositif en place, si les résultats de notre travail
s’avèrent judicieux. Mais avant d’arriver à ce stade de proposition de modalités d’action
et d’éléments du dispositif commençons d’abord par la présentation de l’objet de la
recherche.

1. Présentation de l’objet de recherche


Au Maroc la langue française jouit, depuis plusieurs décennies, d’une situation
particulière. En effet, les raisons qui expliquent cette position privilégiée dans le système
éducatif sont multiples, comme nous pouvons le lire dans ce rapport du Conseil
Supérieur de l’Education, de la Formation et de la Recherche Scientifique (CSEFRS) :
« Pour des raisons historiques, politiques et économiques, la langue française occupe une
position et un statut privilégiés dans le système d’éducation marocain. Elle est
considérée, en effet, comme la première langue étrangère, ce qui renforce sa place dans
le paysage scolaire, social, économique et politique. » Rapport PNEA (2008)

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 8


Présente dans différents domaines de la vie et dans le quotidien des marocains à savoir
l’administration, la presse, les milieux des affaires et des finances, dans l’éducation, la
formation et l’enseignement, la langue française n’a cessé de susciter les débats et les
polémiques sur son statut et sa position au sein des secteurs vitaux du pays et au sein
de la société en général. Dans le cadre de ses politiques linguistiques, le pays a entrepris
l’arabisation du système éducatif et ce, depuis le milieu des années 1960. A vrai dire,
cette arabisation s’inscrit dans le cadre d’une politique publique de l’état, celle de la
marocanisation et de l’arabisation des cadres et des structures administratives.
Dans le secteur de l’enseignement qui nous intéresse ici, le processus d’arabisation entre
en vigueur et touche particulièrement les disciplines scientifiques dans l’enseignement
primaire et secondaire (collège et lycée). Cependant, au niveau de l’enseignement
supérieur les cours des disciplines scientifiques et techniques n’ont jamais pu être
arabisés et sont de facto assurés en langue française. Cette situation paradoxale a
toujours eu pour impact un déséquilibre au niveau du système d’enseignement, comme
sur celui des politiques sectorielle et éducative.
Dans la sphère de débats publics comme dans le discours officiel, et surtout à partir des
années quatre-vingt-dix, on a commencé à être plus attentif aux paradoxes du système,
surtout que le processus d’arabisation n’a pas pu atteindre les objectifs escomptés. Le
feu roi du Maroc, conscient de cette remise en cause du système faisait part de ses
inquiétudes, en juin 19942. Une année plus tard, il dénonce les méfaits d’une arabisation
systématique. Et la question de l’enseignement des langues commence à se poser avec
acuité. On parle même de la crise au niveau de tout le système de l’enseignement au
Maroc par le recours à la métaphore de l’ « arrêt cardiaque ».
C’est dans ce contexte effervescent que la commission nationale de l’éducation et de
formation, instituée par le défunt roi, a vu le jour, le 8 mars 1999. Cette commission a
été chargée de présenter un plan de réformes structurelles afin d’améliorer la qualité du
système et rompre avec les pratiques du passé. Avec l’arrivée du roi Mohammed VI au
pouvoir, les résolutions de la Commission Spéciale de l’Education et de la Formation
(COSEF), s’incarnant dans la Charte Nationale de l’éducation et de la formation, ont

2
En 1994, dans une lettre adressée au Parlement, le feu roi Hassan II s’inquiète des insuffisances de
l’enseignement.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 9


été officiellement adoptées. La question de l’éducation se hisse pour ainsi dire, en
priorité nationale, après la première cause du pays se rapportant à l’intégrité territoriale.
La réforme dans tous les niveaux de l’enseignement entre en vigueur en 2002.
Cependant, la mise en action de cette réforme se heurte à plusieurs difficultés. Ce qui
fait émerger le plan d’Urgence en 2009, et actuellement la vision 2015/2030 sur lesquels
nous reviendrons plus en détails, étant donné la place réservée à l’enseignement des
langues et à la langue d’enseignement en particulier.
D’après le (CSEFRS), les difficultés au niveau de la maîtrise des langues est l’un des
facteurs les plus importants qui influencent négativement et de façon structurelle tout le
système. Bien plus, cette instance constitutionnelle n’hésite pas à établir un rapport
étroit entre le degré de maîtrise des langues et la qualité du système : « La
problématique des langues représente le principal obstacle à l'amélioration de la qualité
du système éducatif. »3 (CSEFRS, 2008 : 68).
Les défauts majeurs de l’enseignement de la langue française sont d’ordre
méthodologique et pédagogique. Il y a aussi le côté logistique se rapportant aux
infrastructures et aux équipements. La situation d’apprentissage et de maîtrise des
langues est de plus en plus compliquée. Les étudiants nouvellement inscrits en première
année de l’enseignement supérieur arrivent avec un niveau critique en français, des
lacunes linguistiques, tant à l’écrit qu’à l’oral. Ce qui les expose à de sérieux problèmes à
l’université.
Etudier l’enseignement du « français langue universitaire au Maroc », revient à interroger
les facultés et les capacités des étudiants à communiquer, à poursuivre les cours, à
prendre des notes à partir de conférences et de cours magistraux, bref, un pré-requis
linguistique est exigé. Ce « peu » de maîtrise de la langue d’enseignement compromet
non seulement la réussite des étudiants dans leurs parcours universitaires, mais il
entrave leur épanouissement social et professionnel. Cette ‘‘ incompétence’’ linguistique
a un double impact sur le parcours universitaire de l’étudiant. D’une part, elle participe

3
Le CSEFRS, instance chargée de l’accompagnement du système éducatif par des propositions de plans d’actions et
des évaluations des politiques éducatives, publie régulièrement des rapports dont celui de 2008, qui nous intéresse,
ici, « Etat et perspective du système d’éducation et de formation». La citation retenue est extraite de ce
rapport.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 10


au renforcement de la nonchalance et la démotivation, et d’autre part, elle anticipe
l’abandon des études devant l’incapacité à poursuivre régulièrement les cours.
Par ailleurs, les compétences linguistiques et communicationnelles constituent un aspect
prégnant quant au profil de l’étudiant, et au-delà même de sa vie universitaire. En effet,
les mesures de sélections dans les milieux professionnels sont draconiennes. De leur
côté, les responsables des entreprises sont intransigeants quant à la compétence
linguistique et communicative en langues étrangères. Autrement dit, l’étudiant qui traîne
avec des difficultés linguistiques se voit dans les limites des choix et des opportunités à
décrocher un poste d’emploi plus tard. Dans ce même ordre d’idées, le Conseil
Supérieur de l’Education, de la Formation et de la Recherche Scientifique
(CSEFRS) ne manque pas de souligner dans le rapport indiqué ci-dessus : « Le
déphasage persistant entre la langue d'enseignement qui est l'arabe et les langues
exigées dans la vie professionnelle » (CSEFRS, 2008), le français en premier lieu.
En 2003, l’enseignement du français à l’université connait un nouvel essor avec la
généralisation du module « Langue, communication et informatique » (LCI), qui jusque-
là faisait l’apanage des établissements à accès régulé 4.
Quelques années plus tard, la Commission Nationale des langues, dont nous faisions
partie et aux travaux de laquelle nous avons participé, faudrait-il le souligner ici, a été
chargée d’élaborer un dispositif intégré de l’enseignement des langues, de l’asseoir dans
le cadre d’une ingénierie pédagogique globale. Le module transversal, mis en place pour
l’enseignement du français à l’université, a introduit une rénovation pédagogique
majeure, tant au niveau de la forme que du contenu. Les universités marocaines se sont
engagées sur la voix de la réforme et ont placé le volet linguistique au centre de leurs
stratégies de développement de l’enseignement supérieur à l’instar de l’Université
Hassan 1er, au sein de laquelle nous exerçons notre tâche d’enseignant de langue et de
communication.

4
Au Maroc, les établissements de l’enseignement supérieur se répartissent globalement en deux types de réseaux. Le
réseau des établissements dits à accès régulé, c'est-à-dire les écoles de commerce, les écoles des ingénieurs, les
facultés de médecines et de pharmacies, les instituts supérieurs, les facultés des sciences et des techniques … et les
établissements à accès non régulé ou « ouvert », c'est-à-dire accessibles à tous les jeunes bacheliers marocains et
étrangers et ne nécessitant pas de sélection, à l’instar des facultés des lettres et des sciences …

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 11


Pour plus de précisions, le dispositif intégré de l’enseignement des langues à l’université,
dans sa cohérence d’ensemble, englobe plusieurs composantes de nature à faciliter aux
étudiants l’accès aux contenus des cours en plus d’une meilleure intégration du milieu
universitaire, et plus tard, il favoriserait une insertion aisée dans le marché du travail. La
généralisation du test de positionnement en ligne, la production du Manuel « Cap
Université » pour les niveaux B1 et B2, l’organisation de séminaires et de journées de
formation au profit des enseignants de langue et de communication de toutes les
universités marocaines constituent des initiatives prises sur le terrain. Nous soumettrons
à l’analyse et à la critique ces initiatives afin de déceler les tenants et aboutissants
didactiques et scientifiques ainsi que de l’ensemble des actions et initiatives engagées
dans le cadre du dispositif.
Cependant, la problématique de l’enseignement des langues ne pourrait être réduite à un
simple exercice d’élaboration de cours de langue que l’on mettrait à la disposition des
étudiants, fussent-ils numérisés ou « cours en ligne » ou encore à distance. Pour
résorber les difficultés linguistiques, communicationnelles et organisationnelles plusieurs
voix s’élevaient dans le cadre des travaux de la Commission Nationale des Langues pour
mettre l’accent sur la triple dimension que revêt la problématique d’enseignement du
français. Celle-ci est d’ordre linguistique, communicatif et technique (méthodologique).
Plutôt que de concevoir les curricula en matière de contenus, il serait fructueux de faire
appel aux aspects techniques ou méthodologiques ou encore organisationnels. Les
compétences et habiletés à développer et à prévaloir, à côté des savoirs et
connaissances linguistiques, relèvent des domaines du savoir-faire et du savoir-être… .
De plus, les besoins spécifiques des étudiants sont intimement liés aux particularités des
disciplines et des orientations en filières universitaires. Encore une fois, ce sont ces
particularités sectorielles et disciplinaires que nous analyserons au moment opportun.
Enfin, le dispositif mis en place a essayé, autant que faire se peut, de rattacher les
ressources pédagogiques et les démarches didactiques aux besoins effectifs des
étudiants et aux particularités du contexte, marqués par l’hétérogénéité et la
massification.
Il reste un point important en relation avec la nature de la langue spécialisée en usage. Il
s’agit des caractéristiques et des spécificités linguistiques propres à chaque domaine et à
chaque filière spécialisée. Cet aspect auquel on n’accorde pas généralement l’intérêt qu’il

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 12


mérite est rebutant pour les étudiants. Cette sorte de français ésotérique auquel ils
devront faire face, et qui ressemble un peu à ce qu’ils ont étudié auparavant, mais qui
semble sortir d’un autre univers. A titre d’anecdote, quelques uns de mes élèves du lycée
ayant vu le film Les Visiteurs de Jean-Marie Poiré, venaient me voir, le lendemain, pour
me demander : « Monsieur, dites-nous, est-ce que c’est du français ? ».
Notre recherche portera principalement sur cette problématique que recèle
l’enseignement du français à l’université. Les spécificités linguistiques et les obstacles de
différents ordres auxquels seront exposés les étudiants de la première année de licence
de la faculté de Droit, poursuivant leur cursus en langue française, ces dites spécificités
et obstacles corrélés aux problèmes d’utilisation de la langue française dans cet
établissement, à accès ouvert, constituent à la fois le sujet de notre réflexion et le
terrain propice à notre étude empirique. Avant de dire un mot sur ce public spécifique,
sur le choix du cadre universitaire et de présenter notre problématique et nos
hypothèses de travail, bornons-nous à la motivation du choix du sujet.

2. Motivation du choix du sujet


Notre sujet de recherche « l’enseignement du Français langue universitaire au Maroc »,
approche sociolinguistique et socio didactique dans le cadre de l’ingénierie didactique,
n’est pas un choix aléatoire, encore moins hasardeux. Il est le fruit d’une longue
réflexion et de discussions avec nos professeurs encadrant cette thèse. En effet, des
raisons à la fois professionnelle et personnelle sont derrière notre orientation à mener
notre recherche dans ce cadre. D’abord sur le plan professionnel, notre carrière de
professeur de français au lycée et par la suite à l’université, nous a toujours rapproché
des pratiques de classe liées à l’enseignement de la langue française. Ainsi, nous étions
en contact direct avec la population des apprenants, que ce soit au niveau du secondaire
ou du supérieur, et nous avions également l’opportunité d’être confronté à la réalité
linguistique d’apprentissage du français. Ce qui nous prédispose à comprendre mieux les
origines des difficultés des apprenants et à mieux saisir et analyser leurs besoins effectifs
en matière de langue et de communication.
Nous avons choisi pour notre étude la socio-didactique et la sociolinguistique comme
soubassements théoriques à notre travail. Ce choix peut être justifié par les raisons
suivantes :

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 13


- La plupart des travaux de thèses ont été consacrés à l’enseignement du
français langue étrangère. Nombreux chercheurs ont porté leur attention à
l’enseignement général du français, essentiellement dans les cycles :
fondamental et secondaire. Et même si parfois, des chercheurs s’intéressent
à l’enseignement du français à l’université, les sujets portent plus sur les
contenus des modules ou les outils et les supports pédagogiques utilisés ou
encore sur le jargon technique et disciplinaires plutôt que sur l’étude et
l’analyse de dispositifs didactiques et linguistiques mis en place. C’est ainsi
que nos professeurs directeurs de thèse nous ont encouragé à focaliser
notre recherche sur l’étude et l’évaluation du dispositif d’enseignement du
français, dans le cadre d’une ingénierie didactique novatrice. Cette posture,
nous permettra non seulement de dégager les points forts et les faiblesses
dudit dispositif, mais elle nous aidera à ouvrir de nouveaux horizons
didactiques qui apporteront une valeur ajoutée à la recherche et aux
praticiens, c'est-à-dire aux enseignants du module transversal (LC, LT ou
TEC…).
- En plus, les travaux de recherches, (y compris les thèses réalisées), qui
abordent la problématique du français langue universitaire au Maroc,
n’introduisent guère de distinction entre les notions de français sur objectifs
spécifiques (FOS) et de langue de spécialité à titre d’exemple, quoique la
distinction entre ces deux orientations de l’enseignement du français à
l’université ne soit pas toujours claire.
- De plus, le tournant décisif qui a marqué l’enseignement des langues avec
la mise en place du Cadre (CECR) demeure insuffisamment abordé. Quelles
applications du Cadre européen dans les milieux universitaires au Maroc ?
Quelles spécificités contextuelles d’ordre didactique et méthodologique
favoriseraient ou non la mise en action des outils du Cadre ? Et quelles
pratiques pédagogiques en classe de langue seraient-elles a fortiori
adoptées dans cette perspective ?
- Aussi, le Cadre européen a développé une batterie de critères et d’outils
performants quant à l’acquisition des langues et le développement de
compétences linguistique et communicative. Notre principale préoccupation
et de vérifier jusqu’à quel point les universités marocaines ont, d’abord, mis
en application ces outils, les ont-elles ou non adaptés à la réalité et au
contexte local ?

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 14


- Parmi ces outils privilégiés du CECRL, nous citons à titre d’exemple la
Perspective actionnelle. Celle-ci est une innovation majeure aux points de
vue méthodologique et pédagogique. A notre connaissance, il n’y pas
beaucoup d’études au Maroc qui ont été consacrées à cette question. Dans
ce cadre, l’équipe de recherche, LIDEAL, de l’Université Hassan 1er et les
enseignants du FLE de la Haute école Hénallux, département de Malonne de
Namur ont publié un dossier thématique sur la question5.

Tous ces aspects de la question linguistique et toutes ces considérations didactiques et


méthodologiques, nous ont encouragé à plancher sur notre sujet de recherche et
focaliser notre étude sur la place du français à l’université, à la fois comme langue
d’enseignement et comme langue enseignée, sa didactique et ses apports dans les
domaines de spécialité (juridique, économique et scientifique…).

3. Population cible et terrain d’enquête


Afin de ramener plus de précisions sur la problématique fondamentale de notre
recherche et de parvenir à identifier la population-cible ainsi que le contexte qui
constitue l’objet de recherche, il est important de définir le public-cible et délimiter le
terrain sur lequel portera notre étude. Ainsi, dans une tendance à mieux cerner le sujet
de cette recherche, nous avons jugé opportun de limiter ce travail d’investigation à un
seul niveau d’étude universitaire, à un seul type de public (la première année de licence
des filières : sciences économiques et la section française des sciences juridiques,
couramment appelé « droit français »). Rappelons que les choix opérés au niveau du
sujet d’étude, du public-cible et du contexte de la recherche ne proviennent pas de
raisons fortuites, mais se basent sur des considérations empiriques et sociales. En fait,
nous concevons mal une enquête de terrain ou une étude qui porterait sur toutes les
filières de l’université et sur tous les niveaux (Licence, Master, Doctorat) sans prendre en

5
Il s’agit du numéro thématique de la Revue le Langage et l’Homme des éditions l’Harmattan, 2017 – 2. L’intitulé
de ce numéro, Enseigner/apprendre le français à l’université : quelles applications de la perspective actionnelle ? De
la construction individuelle à l’action collective, interroge la mise en œuvre de la perspective actionnelle dans les
er
milieux universitaires. Le Maroc est représenté ici par l’Université Hassan 1 .

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compte les spécificités et les particularités des cycles, des filières et des spécialités. Il
faudrait naturellement opérer des choix. Ceux-ci sont le fruit de réflexions muries et de
discussions approfondies avec nos professeurs, directeurs de thèse.
De ces discussions fructueuses et de la participation à des rencontres scientifiques et
pédagogiques, mais surtout du travail de terrain, laborieusement entrepris depuis des
années, naissent les idées qui ont guidé notre réflexion et la formulation d’un certain
nombre de questions à l’instar du choix du cadre universitaire.

- La priorité accordée au cadre universitaire


Le parcours universitaire est un parcours important et décisif non seulement dans la vie
académique, ou plus tard professionnelle, de chaque étudiant, mais durant toute la vie
de chaque individu ayant poursuivi des études supérieures. L’université constitue l’un
des secteurs éducatifs les plus problématiques au Maroc, mais aussi l’un des secteurs les
plus productifs. Le parcours universitaire précède, et prépare à la fois, le marché du
travail, ce qui fait qu’il attire l’intérêt de tout le monde et qu’il est souvent, sous le focus
des débats socio-économiques et politique. Au Maroc, il y a quinze universités publiques,
mais ces dernières années ont vu naître des universités privées 6. Cependant, ce sont les
universités publiques qui font la part belle à un public massif. D’année en année, elles
doivent accueillir des milliers de nouveaux étudiants marocains et étrangers. Ces
derniers doivent tous suivre des cours de langue afin de renforcer leur compétence
linguistique. Ces cours mis en place dans le cadre de l’ingénierie pédagogique citée
précédemment, ont pour objectif principal de mettre à la disposition des étudiants les
outils linguistiques et communicatifs nécessaires à leur qualification et intégration
universitaires. Un bon niveau linguistique et communicationnel est la condition sine qua
non de l’accès aux savoirs et de la compréhension de contenus scientifique et technique
puisqu’il favorise le développement de compétences en langue de spécialité. Nous

6
Plusieurs institutions universitaires privées, c'est-à-dire payantes, ont vu le jour ces dernières années dans les plus
grandes villes. Elles couvrent quasiment tous les domaines : humanités, sciences et sciences sociales, médecine,
pharmacie, sciences de gestion, et. Ces établissements de l’enseignement supérieurs ont déclenché le débat sur le
rôle de l’état dans la prise en charge de la formation et de l’éducation, mais également sur le droit social et politique
de la poursuite de ces études puisque ces universités auraient tendance à « exclure » ceux qui n’ont pas les moyens
de payer leurs études.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 16


pensons ainsi, que les questionnements sur les besoins des étudiants en matière de
langue de spécialité, le contexte dans lequel ils évoluent et les cours de langue assurés
au sein de l’université doivent être incessamment soumis à la réflexion et à l’analyse afin
de leur garantir l’efficacité et l’efficience requises. En définitive, ces cours ont pour
objectif, entre autres, la facilitation de la compréhension des cours et des contenus
disciplinaires.
Il s’agit certes de développer les facultés de compréhension et de maîtrise des matières
de spécialité, en plus des questionnements sur les besoins des étudiants en matière de
langue de spécialité. Le contexte dans lequel ils évoluent et les cours de langue qu’ils
poursuivent au sein de la faculté de Droit constituent les axes majeurs de notre étude.
Les étudiants de cette faculté, notamment ceux des filières économie/gestion et ceux de
l’option française de Droit suivent leurs cours en langue française. Le choix du public de
la faculté des sciences juridique, économique et sociale se justifie par le fait que la
langue française constitue, pour ce public, la langue de l’enseignement, c’est à dire la
langue d’accès aux savoirs disciplinaires. Cela plus que pour les étudiants des autres
filières poursuivant leurs cours en arabe, comme dans la section de Droit arabe ou dans
les filières de littérature arabe, d’histoire géographie et d’études islamiques au sein des
Facultés des Lettres et des Sciences Humaines par exemple. Ainsi, la compétence
langagière pour ces étudiants n’est pas simplement un choix délibéré, et encore moins
un privilège, mais c’est la condition sine qua non pour la compréhension des cours et
pour la réussite universitaire.
Ce choix répond à un double objectif : mettre en évidence, d’une part, la réalité des
pratiques linguistiques par le biais de notre étude compréhensive. Et d’autre part, rendre
compte des difficultés de terrain qui entravent le développement de compétences
linguistiques et communicatives. Il va sans dire que la compréhension subtile du
phénomène linguistique, du cadre de travail et des moyens mis en œuvre pour
l’enseignement du français langue universitaire, donnent une vision cohérente, réaliste et
scientifique des enjeux actuels de cet enseignement au sein de la faculté de Droit.
L’on peut dire que la compétence linguistique et communicative est une composante clé
dans le parcours de l’étudiant et dans ses succès à venir. Non seulement elle favorise
son intégration dans le milieu universitaire, mais elle lui permet, de poursuivre, en
français, les cours de la spécialité qu’il a choisie de manière aisée.

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4. Problématique
Il est inutile de rappeler la place privilégiée de la langue française dans le système
linguistique, dans l’éducation, dans les affaires et les milieux financiers. Elle est
également la langue de la promotion professionnelle et sa maîtrise favorise l’intégration
du marché de l’emploi, même si elle ne jouit pas d’un statut clair en matière de politique
linguistique, elle est « [considérée] comme langue d’ouverture ».7
Nous ne manquons pas de préciser que les jeunes marocains manifestent une certaine
réticence et démotivation quant à l’apprentissage du français, ce qui se traduit par « une
baisse de niveau de maîtrise » inquiétante. Cependant, cette maîtrise de la langue régit
pour une part déterminante, le succès des étudiants, essentiellement dans les filières
scientifiques et techniques, et aussi dans certaines filières de droit, économie et gestion.
Pour ce qui est de l’enseignement apprentissage du français à l’université, question qui
nous préoccupe principalement dans notre recherche, plusieurs facteurs entrent en jeu
pour expliquer ce premier constat et porter atteinte à la qualité de l’apprentissage du
français et à l’amélioration de la maîtrise de la langue française. On reproche
généralement aux étudiants leur niveau linguistique faible, les pénalisant dans la
poursuite de leur parcours universitaire. Ceci étant vrai, mais la problématique de
l’enseignement des langues dans le système éducatif marocain en général, celle du
français en particulier, ainsi que le choix de la/les langue(s) d’enseignement, demeure
l’épine dorsale de tout le système et la problématique primordiale à laquelle il faudrait
accorder tout l’intérêt qu’elle mérite.
Une évaluation des acquis des élèves réalisée en 2016 par le (CSEFRS) au niveau de
l’enseignement secondaire qualifiant (lycée) confirme ce niveau « bas » des apprenants.
Cette étude se focalise dans ses conclusions sur les méthodologies d’enseignement
préconisées et les pratiques de classe qui, pour l’enseignement des langues, insistent :
« davantage […] sur les activités réflexives (grammaire, conjugaison…) que sur la
pratique de la langue (expression orale et écrite) » (CSE, 2016 : 27). Cependant qu’est-

7
Cf Vision stratégique de la Réforme 2015 / 2030, Ministère de l’enseignement supérieur.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 18


ce qui empêche d’intervenir, sur le plan épistémologique et méthodologique, pour
modifier les pratiques en cours ?
Remarquons que nous abordons la question du côté de l’apprenant aux termes de son
parcours scolaire, c'est-à-dire au seuil de l’université. Or, notre objectif est d’étudier la
question du français au niveau de l’enseignement supérieur. A ce niveau la
problématique se pose avec acuité, l’étudiant affichant des difficultés, surtout à
poursuivre et comprendre les cours magistraux de la spécialité qu’il a choisie, renonce
dès le départ et s’engage sur une voie incertaine. En effet, le discours spécialisé utilisé
par le professeur – conférencier, le lexique savant, les structures linguistiques
appropriées à ce genre de discours et autant de gymnastique intellectuelle rebutante,
tout cela concourt à rendre l’activité de compréhension du contenu du cours spécialisé,
un exercice de style fastidieux.
En définitive, tout laisse voir la place cruciale qu’occupe le français dans le champ
linguistique marocain, ce champ caractérisé par le multilinguisme, est à étudier
minutieusement, avec toute l’objectivité et la rationalité nécessaires à la recherche et
afin d’approcher, de manière pertinente, la reconfiguration actuelle du système éducatif
marocain. Le travail que nous menons ne prétend nullement à l’exhaustivité. Nous ne
prétendons la moindre du monde ramener les meilleurs solutions à tous les problèmes
liés à l’échec de l’enseignement du français langue universitaire. Notre propos s’attache à
étudier les différents obstacles qui alimentent l’insécurité linguistiques des étudiants, à
contourner les différents facteurs qui entravent leurs performances dans leurs spécialités
juridiques et économiques. Il s’agit de formuler sous forme de recommandations
didactiques les résultats de notre recherche afin de participer à la mise en place d’un
dispositif d’enseignement des langues, cohérents et « actionnel ».
En fin, notre problématique pourra être présentée sous une forme interrogative suivie de
nos hypothèses de la recherche.
- Quelles compétences linguistiques les étudiants doivent-ils développer afin
de réussir dans les spécialités juridiques et économiques ?
- Les étudiants de la faculté de Droit de Settat arrivent-ils à poursuivre leurs
études spécialisées de façon satisfaisante ? Quel est leur point de vue sur
cette question et à quelles difficultés font-ils face (linguistique,
disciplinaire…) ?

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 19


- Quel est le point de vue des étudiants sur le cours de langue qu’ils
poursuivent ? Les aide-t-il à surmonter leurs difficultés ?
- Les étudiants de la faculté de Droit ont-ils recours au numérique et aux
TICE ? Sont-ils prédisposés à un enseignement se basant sur la
technologie ?
- Les méthodologies adoptées en matière d’enseignement-apprentissage du
français sont-elles favorables aux développements des compétences des
étudiants ? Favoriseraient-elles leurs épanouissements intellectuel et
humain ? Ou cela nécessite-t-il la réforme du dispositif mis en place ? Et
selon quelles options méthodologiques et pédagogiques ?

5. Hypothèses de la Recherche

Afin de ramener des éléments d’éclaircissement à cette problématique majeure, nous


allons partir d’une hypothèse de base qui se présente de la manière suivante :
- Les difficultés d’apprentissage et de maîtrise de la langue française seraient dues aux
facteurs liés directement à l’apprenant ou celui-ci ne serait que le maillon faible de la
chaîne. Autrement dit, derrière le niveau très critique de l’étudiant marocain, il y a tout
un système mis à mal. De notre hypothèse se dégage une série de sous-hypothèses
que nous formulons comme suit :
- Les approches méthodologiques adoptées et la philosophie de
l’enseignement des langues favoriseraient le développement de
compétences linguistiques et communicatives requises,
- La scolarité antérieure, (primaire et secondaire) marquée par l’arabisation
des matières, serait à l’origine des paradoxes du système éducatif surtout
pour l’enseignement des disciplines scientifiques et techniques,
- Les difficultés d’ordre logistique et les contraintes financières et
administratives impacteraient la qualité de l’enseignement/ apprentissage
du français,
- Les déficiences linguistiques et les difficultés communicationnelles chez les
apprenants en langue étrangère seraient liées aux différentes situations de
communication auxquelles ils sont affectées, et cela de manière
schématique, coupées de la réalité et n’exploitant pas suffisamment les
pédagogies de tâches et de compétences,

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 20


- L’entrée en concurrence de l’anglais, comme langue d’ouverture à
l’international ne serait pas sans influence sur la place et la valeur du
français.

Et pour mettre en place les jalons d’une stratégie linguistique valorisant à la fois le
système et l’ensemble des opérateurs dans le système, nous ajoutons à cette série
d’hypothèse une autre en lien étroit avec les curricula :
 Un dispositif efficace et efficient de l’enseignement du français à l’Université
interrogerait tout le processus d’apprentissage et favoriserait le
développement d’autres compétences universitaires outre les compétences
langagière et communicative.

6. Organisation de la thèse
Cette thèse s’articule autour de trois parties. La première est consacrée à la présentation
du contexte sociolinguistique et de la didactique de la recherche. La deuxième aborde la
question délicate du dispositif d’enseignement du français avec l’analyse des outils
appropriés. La troisième est strictement réservée à l’action du terrain, à la présentation
et à l’analyse des résultats de l’enquête avec les conclusions à tirer de cette expérience
spécifique.
Dans la première partie, nous nous attachons à présenter et à étudier le contexte
sociolinguistique et le « marché » des langues marocain à la lumière des politiques
linguistiques et les orientations aux plurilinguismes actuelles. L’interrogation de ce cadre
linguistique et didactique de la recherche permet non seulement de situer la langue
française sur l’échiquier linguistique du pays, mais d’analyser aux points de vue
didactique et sociolinguistique sa place privilégiée, notamment dans le système éducatif.
Langue enseignée et langue d’enseignement, la place du français demeure à la fois
complexe et ambiguë, et ce à travers les époques.
Les discours métalinguistiques et les démarches didactiques propres à l’enseignement du
français langue universitaire au Maroc abondent. Notre stratégie consiste à la fois à
analyser la situation sociolinguistique, dans le cadre du premier chapitre, et passer en
revue les différents discours et propos tenus sur la question linguistique, essentiellement
en matière d’éducation et de formation.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 21


Le deuxième chapitre sera consacré à la question prégnante des politiques linguistiques.
Les analystes rattachent cette question de manière générale à la problématique de
l’arabisation. Cependant, nous allons montrer que cette dernière n’est que le reflet des
« combats » linguistiques entre les différents intervenants sur les scènes politique et
publique. La question des politiques linguistiques revêt une dimension historique notable,
régie par des aspects anthropologique, politique et socio-économique. Ces dits aspects
traduisent un long processus de développement à travers les époques.
Au troisième chapitre et après avoir passé en revue les différentes langues en présence
et en contact dans le cadre des politiques linguistiques, il y a lieu d’attaquer la
problématique sous l’angle des approches didactiques notamment en matière
d’enseignement du français, et ce à travers les époques et les écoles didactiques.
La deuxième partie, consacrée au dispositif d’enseignement du français langue
universitaire, est pour nous l’occasion de présenter les outils, réfléchir sur les principes,
les modes et les méthodes d’enseignement/apprentissage actuelles les plus efficaces.
Ainsi, au chapitre quatrième, il sera question du portfolio des langues. C’est une question
à inscrire dans une vision plurilingue et à rattacher à une approche réflexive. Nous
montrerons que la complexité de la notion du portfolio répond mieux à la problématique
du dispositif et surtout à la complexité de la réalité multilingue.
Le cinquième chapitre constitue pour nous une belle occasion pour tester l’outil
méthodologique avant le départ pour notre enquête. Sur le plan didactique, la démarche
que nous préconisons, s’inspire largement de l’approche plurielle, de la didactique
intégrée et de l’intercompréhension. Elle est le lieu de rencontre, de cohérence et de
mise en œuvre des éléments constitutifs du portfolio et du dispositif d’enseignement des
langues au niveau de l’université. Celui-ci est l’élément clé du sixième chapitre, dans
lequel nous essayerons non seulement d’étudier et d’évaluer le fonctionnement du
dispositif intégré de l’enseignement du français, mis en place au niveau de l’université
Hassan 1er, mais nous tâcherons, sur le plan théorique, de planter les « jalons » d’un
dispositif opérationnel et efficient au niveau de cette université du centre, suite bien
entendu à notre intervention expérimentale. Le dispositif, ainsi conçu, introduit une
innovation majeure en matière d’approche didactique et méthodologique et, après notre
intervention du terrain, il révolutionnera les pratiques pédagogiques.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 22


La troisième partie est le moment fort attendu, c'est-à-dire la présentation des
résultats de notre enquête. Ainsi, au chapitre septième, nous cherchons d’abord à
caractériser les spécificités linguistique et didactique du terrain ainsi que le mode
d’intervention établi, la recherche-action en l’occurrence. Celle-ci mobilise l’ensemble des
ressources, les outils et les moyens développés jusque là, afin de collecter les données et
préparer l’analyse quantitative.
A propos de notre analyse quantitative, elle est le centre astronomique du chapitre
huitième. En fait, les implications méthodologiques de l’approche quantitative outre le
croisement de résultats nous permettront non seulement de vérifier la pertinence des
variables introduites, mais de dégager les facteurs déterminants dans la mise en place
du dispositif et surtout la compréhension et l’étude des origines des difficultés et des
obstacles linguistiques afin de pouvoir y remédier.
Notre étude resterait incomplète sans l’introduction du volet qualitatif. Volet
laborieusement développé dans le neuvième et dernier chapitre. Ce dernier, conçu et
élaboré dans le cadre d’une analyse catégorielle joindra l’approche lexicale à l’analyse
thématique complète des entretiens réalisés avec les enseignants de langue de la faculté
de Droit de l’Université Hassan 1er.
Enfin, notre conclusion fait le point sur la démarche poursuivie dans le cadre de cette
recherche. Elle se bornera également à souligner les limites du travail, au même titre
que les apports ramenés pour comprendre la problématique de maîtrise du français
langue universitaire et réussir à introduire une vision novatrice en matière de son
enseignement.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 23


Partie I
Cadre théorique : contexte sociolinguistique et didactique
de la recherche

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 24


Chapitre 1.

1. Les langues au Maroc et le « marché » linguistique


Jouissant d’un emplacement géographique stratégique, le Maroc, rappelons-le, est un
pays du multilinguisme et de la diversité culturelle, et ce à travers les époques. Pays de
l’ouverture et de la paix, enraciné dans la civilisation humaine, sa population attachée à
son histoire ancestrale, brassage de plusieurs civilisations qui se sont succédé à travers
les époques.
Cette situation a donné lieu à la coexistence de plusieurs codes linguistiques et la
cohabitation de plusieurs ethnies et groupements humains. Apparentés ou différents, ces
codes linguistiques entrent en relations de contacts et de conflits permanents à l’image
des paysages et de la géographie du pays. Cette diversité linguistique et culturelle est à
préserver. C’est un patrimoine pour le pays et pour toute la région.
Notre objectif ne consiste pas à élaborer une matrice de nature à rendre compte de la
mosaïque linguistique du pays. Toutefois, un éclairage contextuel et historique nous
servira à mieux comprendre cette diversité et les différents rapports entre les langues en
présence. En définitive, la situation linguistique et sociale marocaine se caractérise par le
multilinguisme et le multiculturalisme dont chacune de ces composantes a des fonctions
spécifiques et distinguées. A vrai dire, cette situation se distingue par la présence de
langues nationales et locales : l’arabe, l’amazighe, le hassani… et de langues
étrangères : le français, l’espagnol, l’anglais… . A préciser que chacune de ces langues,
locales ou étrangères, nationales ou internationales, jouit d’une position particulière et
déterminée dans le pays et appartient à des domaines de vie assez particuliers.
Dans cette mosaïque linguistique, l’arabe et l’amazighe, sur le plan institutionnel, sont
les langues officielles de l’Etat marocain. Elles bénéficient d’atouts pour en faire des
langues modernes et fonctionnelles. Cependant, l’arabe tout court, ou l’arabe classique
ou encore l’arabe littéral n’est pas la langue maternelle des marocains dans la mesure où
c’est une langue apprise et non acquise naturellement.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 25


1.1 L’arabe
Le Maroc, et comme il a été précisé précédemment, a pour langues nationales et
officielles l’arabe et l’amazighe. Cependant, de quel arabe s’agit-il ? Nombreux auteurs
ont introduit la distinction arabe classique/arabe dialectal, mais, à nos yeux, cette
distinction ne résume pas la réalité linguistique de la langue arabe qui a marqué les
scènes linguistique, sociopolitique et éducative. En fait, l’arabe utilisé au Maroc dans les
situations formelles et dans la vie publique, notamment dans les situations de
communication orales, peut être qualifié d’arabe « standard » ou « médian » (Youssi,
1983). L’adjectif « classique » est utilisé par les « non spécialistes » pour introduire la
distinction arabe classique/ arabe dialectal. Cependant, cela n’empêche pas de
répertorier un certain nombre de caractéristiques principales de l’arabe classique,
désormais l’(AC) et qui peuvent se présenter comme suit :
- La langue arabe appartient au patrimoine arabo-musulman et facilite
l’échange et la communication entre les citoyens du monde arabe.
- Elle est la langue de l’apprentissage à l’école. Elle n’est pas utilisée dans les
échanges quotidiens de la vie normale, elle est sujette quand même à un
certain nombre de difficultés.
- C’est la langue du Coran est, de ce fait, elle jouit d’un statut particulier à
travers les époques.
- Sur le plan linguistique, la langue arabe est dotée d’un marquage casuel
dont dépend la distinction des fonctions syntaxiques. Ce qui rend son
apprentissage compliqué, surtout quand il est le fait de méthodologies
classiques.

1.1.1 L’arabe standard


L'arabe standard (AS) que des auteurs appellent arabe « classique moderne » (Salas,
s.d.) ou arabe « médian » (Youssi, 1983) ou « moderne standard » (KHALFALLAH, 2014)
est une forme récente de l'arabe dont le lexique est constitué de manière générale de
l'(AC) et de l'arabe marocain (AM). C'est une forme qui se caractérise par la négligence
de la déclinaison. Il est de plus en plus utilisé dans les situations formelles et à travers
les médias. C’est une forme linguistique que les instances officielles ont voulu
standardiser et médiatiser à l’instar de ce qui se passe dans un certain nombre de pays
du Proche-Orient, l’Egypte à titre d’exemple.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 26


Cette forme linguistique s’est développée pour répondre à des besoins communicatifs
spécifiques. En effet, face aux exigences de la vie moderne nécessitant une simplification
des structures grammaticales et une adaptation du vocabulaire, la langue arabe a connu
une évolution. Sous l’effet d’une situation de diglossie formelle, c’est-à-dire la
coexistence de deux codes linguistiques génétiquement apparentés, au contact de la
« darija » marocaine, la langue arabe évolue vers une forme la rendant plus souple et
capable d’assurer une communication efficace en matière d’échanges sociaux,
culturelles, politiques et médiatiques. La volonté de vouloir communiquer avec la masse
dans une langue facile et dans le but de vulgariser les concepts et les programmes
publiques, l’arabe dit « moderne » ou « standard » se développe et il est en passe de
devenir le Koinè des Marocains.

1.1.2 L’arabe marocain


L'arabe marocain (AM) est la langue maternelle des marocains arabophones. C'est la
langue de communication de tous les jours, utilisée aussi bien par les arabophones que
par les amazighophones bilingues. Cette langue est à dominance orale non standardisée
mais assure une fonction véhiculaire. Ce qui ne facilite pas la tâche aux chercheurs
étudiant son évolution diachronique comme le fait remarquer Okab : « L'absence de
documents écrits anciens ne permet pas aux chercheurs intéressés de reconstituer son
histoire évolutive » (cité dans Elhimer, 2000 : 254). 8

L’AM dit parfois « arabe dialectal » par opposition à l’AC, désignation qui nous parait non
pertinente d’ailleurs, est une langue enracinée dans le quotidien des citoyens sur la
totalité du territoire marocain. La dimension et la consistance qu’avait prises cette langue
dans le contexte marocain avec l’appui de la religion islamique a profondément modifié la
société marocaine, son système de valeur, voire son mode de pensée. Autrement dit,
l’AM au contact des autres langues, à savoir l’amazighe sous ses différentes variétés
(Tamazight, Tachelhit et Tarifit…) et le hassani a donné lieu à une situation spécifique :

8
L’étude réalisée par Elhimer sur le parler des Slaouis de souche va au-delà des distinctions classiques entre
dialectes et parlers régionaux pour aborder un phénomène sociolinguistique important à savoir l’alternance codique.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 27


l’arabe marocain, c’est à dire une langue et un mode de pensée originaux. En définitive,
une dynamique constante se révèle dans le regroupement et l’intégration des différences
de type linguistique, social, politique et économique. Ce qui, à nos yeux, demeure
jusqu’à nos jours le secret de la singularité marocaine.
Par ailleurs, nombre de chercheurs des années 1980 et 1990, Moatassim, Boukous,
Elgherbi… considèrent que le mode de communication établi au Maroc, sous l’égide de
l’Islam confère à l’arabe marocain ([addarija almaghribia] ou [alaamiya]) un statut
particulier. Il ne s’agit pas d’un dialecte, dans la mesure où le terme « dialecte » a une
double acception. Du fait que l’on peut se situer au niveau de la « diachronie », le
dialecte est le produit d’une évolution dans le temps d’une langue ancienne ou tombée
dans la désuétude ; ou que l’on se situe dans une perspective « synchronique », celle
d’une définition technique limitée dans le temps, de variété de langue officielle. Nous
renvoyons à ce propos aux travaux d’Elgherbi (Elgherbi, 1993).
Sur un autre plan, ce chercheur a brossé un tableau schématique sur l’état de
fonctionnement des langues au Maroc. Selon lui, dans les milieux urbains « trois
langues » entrent en concurrence, alors que dans les milieux ruraux nous trouvons
« deux langues. ». Le cas de figure du monolinguisme est rare, dans les zones
montagnardes où il n’y a qu’« une seule langue, en l’occurrence le berbère. » (Gherbi,
1993 : 13).

1.1.3 L’arabe marocain langue des échanges sociaux


Globalement les chercheurs précisent que l'arabe marocain englobe quatre parlers
principaux : le parler citadin des villes impériales comme Fès, Rabat et Salé, le parler
montagnard (parler jabli) au nord du Maroc, le parler bédouin à caractéristiques rurales
et le parler hassani du Sahara (au Sud). A cela, nous ajoutons le parler ‘‘Marrakchi’’
(dans la ville de Marrakech mais également dans d’autres régions au sud de la ville
ocre). Cependant, cette vision schématique qui tend à regrouper les parlers régionaux ne
donne pas l’image réelle de l’aire géographique couverte par ces différentes variantes sur
les plans lexical, syntaxique et/ou phonétique. Elle dissipe certaines manifestations
idiosyncrasiques locales sous la bannière régionale, à titre d’exemple, l’arabe marocain
parlé au sud ou dans la région orientale.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 28


De son côté, Benis met l’accent sur une « variante mixte » de l’arabe marocain :
« regroupant des traits prestigieux (citadins) et d’autres non prestigieux (bédouins).
Cette variante mixte peut référer à des formes linguistiques employées dans des zones
urbaines comme celle de la ville de Casablanca et ne faisant pas partie du cercle des
villes impériales. » (Benis, 2011)
Elgherbi et Boukous décrivent ici précisément une situation linguistique qui a beaucoup
évolué, aujourd’hui. Ce qui est à nos yeux loin de décrire exactement l’état des lieux
linguistiques actuel. En effet, la dernière décennie du siècle passé et la première du
troisième millénaire ont été marquées par d’énormes et de profondes modifications à
tous les niveaux. Suite à la généralisation des moyens de communication, des médias et
des nouvelles Technologies de l’Information et de Communication (TIC ou NTICE), le
jeune marocain d’aujourd’hui et ce, dans les lieux les plus reculés, est exposé à un
multilinguisme effectif. Ce qui nous met face à une réalité complexe et demande plus
d’investissement en matière d’études et de recherches linguistiques, didactiques, etc.
Cependant, la caractéristique de « langue orale » n'empêche pas, aujourd’hui, certains
auteurs, artistes et journalistes de l'utiliser, c’est à dire l’AM, comme langue de
productions discursives politiques ou médiatiques et de créations artistiques et
culturelles. Les exemples, à ce propos sont multiples (Goud, Kifach info et bien avant
Akhbar assouk…), les nouvelles stations radio autorisées par la ‘‘Haute Autorité de la
Communication Audiovisuelle’’ (HACA) (Chada FM, Mfm, Radio Mars, Radio 2M,
Médina FM …), la publicité à la TV, les panneaux publicitaires placés dans l’espace
publique et l’organisation de festivals et de lieux de rencontres dans les zones urbaines.
Autant de manifestations de la vie sociale, culturelle et politique qui participent à la
médiatisation de l’AM et le renforcement de sa place dans la société. Aussi, la vague
d’émissions sociales et de débats politiques télévisés menées en arabe marocain (Hiwar
« dialogue », ‘‘ Daïf alOula ’’ (L’invité de la 1ère), ‘‘ Moubacharatan maäkom ’’ (En direct
avec vous), sur la chaîne nationale, ‘‘ Khayt Labyad ’’ (la médiation) sur 2M et ‘‘ Ajyaal’’
« générations » sur Medi 1 TV …). Musique des jeunes Raï, Rap… . Tous ces éléments
constituent des espaces de promotion et d’enrichissement de la langue maternelle
désignée par « le vocable marocain».
Ce qui constitue une valeur ajoutée pour l’arabe marocain qui joue aujourd’hui, le rôle de
langue véhiculaire pour tous les Marocains. Ces changements au niveau des pratiques

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 29


linguistiques ont introduits un changement de paradigme en matière de politiques
linguistiques, ce qui a donné lieu à une nouvelle forme de gestion de la question
linguistique et met en avant une nouvelle configuration composée au moins de quatre
éléments : arabe standard /amazighe / arabe « dialectal » et français.

1.2 L’amazighe
L’amazighe de Tamazight est un mot polysémique en cette langue et veut dire à la fois
« langue » et « femme libre», comme son congénère masculin amazigh « homme libre ».
L’amazighe est aujourd’hui une langue officielle au Maroc 9. Présente sur une aire
géographique immense en Afrique du Nord et du Sahara-Sahel, elle s’étend sur un
domaine d’usage allant des îles Canaries à l’ouest, jusqu’ à l’oasis de Siwa en Egypte à
l’est, et de la Méditerranée au nord jusqu’au Burkina Faso au sud. La langue Amazighe,
autrefois dénommée « berbère », est une langue maintenue dans les lieux-refuges, dans
le monde rural et principalement dans les zones montagneuses. Elle est diversifiée et
comporte trois principales variétés au Maroc : le Tachelhit au sud, le Tamazight au
centre et le Tarifit au nord du pays.

1.2.1 Apparentement de l’amazighe


Depuis plus d’un siècle et demi, des hésitations diverses et des hypothèses nombreuses
ont été émises sur l’apparentement de la langue amazighe. Cependant, elle est l'une des
branches de la grande famille linguistique "afro-asiatique", selon la terminologie
américaine initiée par J. Greenberg ou (chamito-sémitique) qui, rappelons-le ici,
comprend le sémitique, le couchitique, l'égyptien (ancien), outre l’amazighe, et, avec un
degré de parenté, le groupe "tchadique" dont le représentant le plus connu est le
haoussa. Plus tard, Diakonoff ajoute une sixième branche, l’omotique en l’occurrence
(Diakonoff, 1988).
La langue amazighe possède un alphabet (consonantique) qui lui est propre et ce, depuis
les temps les plus anciens. Les inscriptions attestées de cette écriture remontent aux

9
La Constitution de 2011 a conféré à la langue amazighe le statut de langue officielle

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 30


époques punique et romaine. En effet, des auteurs latins tardifs des Vème et VIème
siècles après le Christ, ont fait état de cette écriture, notamment (Fulgence le
Mythographe) et Corippus poète du milieu du VIème siècle, qui paraît avoir vécu en
Afrique (actuellement Tunisie) et écrit le récit de Corippus, fort important pour l'histoire
de l'Afrique.
A l’époque médiévale, on n’évoque jamais l’existence d’une telle écriture, notamment par
les auteurs arabes, connus pourtant par leur sens d’observation et de curiosité, qui ne
manqueraient pas de mentionner de tels faits linguistiques. Ce qui laisserait penser que
cette écriture est sortie de l’usage dans les pays du Maghreb, entre les années 600 et
700 après le Christ. Cependant, les Touaregs ont perpétué le Tifinagh pour des raisons
« ludiques » et « symboliques ». C’est quand même surprenant que cette écriture n’a
pas servi, chez les hommes bleus, à couvrir les événements historiques et à fixer la
mémoire littéraire et artistique.

1.2.2 Le Tifinagh : alphabet amazigh

(Le ‘‘Tifinagh’’ ou ‘‘tifinaɣ’’ est un nom féminin pluriel issu de


‘‘tafineɣt/tafineq’’).

L’origine de l’écriture amazighe demeure floue et ambiguë, il n’y a pas de


traces, ou du moins jusqu’à présent d’une écriture pré-alphabétique
syllabique ou idéographique en Afrique du nord. Ce qui écarte l’hypothèse
d’une « genèse spontanée », locale et évolutive d’une formation
alphabétique totalement indigène et loin de toutes influences extérieures.
La formation d’un alphabet ne s’effectue pas de façon brusque et brutale,
du jour au lendemain dirait-on, c’est un long processus d’amélioration et de
perfectionnement à partir d’autres types d’écriture. Ce sont les travaux de
l’Académie berbère10 qui initieront la codification de cette langue avec la

10
Fondée à Paris en 1967, cette structure regroupait au départ des amateurs des sciences du langage. Elle s’occupait
au départ des questions identitaires au sein de la communauté des immigrés et des activistes berbérisantes en
Kabylie.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 31


réhabilitation de Tifinagh, alphabet conservé et perpétué par les Touaregs,
comme indiqué précédemment.

A la base « de matériaux locaux non alphabétiques et sous l’influence forte


d’un alphabet sémitique, probablement le phénicien », surtout que l’on a
assisté à travers l’histoire à de situations pareilles, c'est-à-dire des cas de
figure avérés en Afrique de l’Ouest et en Amérique du Sud où des
« groupes humains en contact avec d’autres peuples pratiquant l’écriture
(Arabes, Européens) ont inventé, quasiment de toutes pièces, leur propre
écriture ». (Chakir, 2011). Ce qui exclurait l’idée d’une formation
totalement indigène et conforterait les chercheurs dans l’hypothèse d’une
formation endogène.

L’usage de l’écriture amazighe peut être situé durant la période antique et


plus précisément de la période libyque, c'est-à-dire la période où on
appelait « Libye » toute l’Afrique du Nord. A préciser aussi que cette
écriture, nous est parvenue à travers des inscriptions funéraires et votives.
C’est une écriture qui se caractérise par la limitation dans ses fonctions,
même si c’est une écriture qui couvre toute la zone géographique
d’extension de la langue amazighe, c’est à dire l’Afrique du Nord.
Parmi les éléments sur lesquels les chercheurs se sont basés pour
déterminer l’origine, la formation et le développement de cet alphabet,
nous retenons les points qui suivent :

- L’apparition et la datation libyque est postérieure à l’implantation


phénicienne en Afrique du Nord (située entre la fin du IIème millénaire avant
J-C. et 814), sachant bien que les Phéniciens sont réputés pour être les
inventeurs de l’alphabet.
- Les ressemblances entre le libyque et le phénicien n’est pas pertinente. Elle
est en fait, limitée à six/ sept caractères sur 24 ou 25 lettres.
- Apparemment, l’apparition de l’alphabet libyque s’avère plus ancienne et
remonte à une époque où l’influence phénico-punique est limitée en Afrique
du Nord.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 32


- Les documents les plus anciens proviennent de régions éloignées des pôles
d’influence punique (notamment le Haut-Atlas, et sans doute les régions
sahariennes).
- Les formes générales de l’écriture libyque (géométrisme) s’inscrivent
parfaitement dans la lignée des figures et symboles géométriques de l’art
pariétal proto-historique (peintures et gravures) nord-africain et du décor
géométrique de l’art rural berbère.
- La dénomination « Tifinagh » n’implique pas forcément une origine
phénico-punique, du moins ce que Salem Chaker soutient, car pour lui :
« une appellation à référence géographique ou ethnique ne peut être
considérée comme une preuve d’origine » et d’ajouter plus loin : « elle peut
tout aussi bien s’expliquer par le développement de l’usage funéraire sous
l’influence des pratiques puniques. » (Chaker, 2018 : 4400).

1.2.3 L’amazighe au sein d’un contexte multilingue


Comme la langue amazighe n’est pas unifiée et connait plusieurs variétés (Tamazight,
Tarifit et Tachlhit au Maroc, Kabyle en Algérie…), l’écriture amazighe, le Tifinagh, n’est
pas aussi totalement unifiée. Pour la période antique, on cite généralement le « libyque
occidental », « oriental » et «saharien ». Actuellement, chez les Touaregs nous pouvons
trouver pour chaque confédération un alphabet un peu différent de l’autre.
Le choix de cet alphabet pour la notation usuelle de l’amazighe est lié à des facteurs
historiques et culturels particuliers. Nous n’allons pas nous étaler sur le bien-fondé de
ces facteurs. Pourtant, deux dates sont à retenir, octobre 2001, pour la création de
l’Institut Royal pour la Culture Amazighe (IRCAM) et février 2003, pour la décision
d’instituer l’alphabet ‘‘néo-tifinagh’’ comme alphabet de l’amazighe.
Le contexte linguistique marocain est, donc, bi-pluri-lingue. Outre sa langue maternelle
(qui est soit l’arabe marocain, soit l’amazighe, soit le hassani), le jeune apprenant
marocain est exposé à l’arabe classique et au français dans ses études maternelles et
élémentaires. L’anglais commence à trouver aussi sa place et prend de plus en plus de
consistance dans le domaine d’apprentissage des langues et ce, depuis un âge précoce,
essentiellement dans l’enseignement privé. Ce que l’on peut dire à ce propos, c’est que
l’anglais est en train de changer la donne linguistique au Maroc, étant donné qu’il est la
langue de la recherche scientifique, des affaires et des échanges commerciaux

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 33


internationaux. La langue de Shakespeare s’impose dans les sphères politiques et
diplomatiques au plus haut niveau. Elle occupe une la place prégnante et prépondérante
dans le marché linguistique marocain. Cependant, la langue anglaise serait-elle en train
de disputer le statut « privilégié » de la langue française dans les institutions marocaines
et sur l’espace public marocain ? Cette tendance à détourner le débat sur le rapport
entre les langues en une forme de concurrence acharnée, déloyale même, entre les deux
langues européennes traduit la méconnaissance des règles et des enjeux
sociolinguistiques et ‘‘aménagementistes’’. C’est une ignorance criarde de la place
qu’occupe le français au Maroc.

1.3 Le Hassani
Le Hassani ou « Klam Al Bidhane » (veut dire littéralement : parler des Blancs) est la
langue emblématique du Sahara. C’est une variété de l’arabe, un parler des bédouins qui
s’étend sur une aire géographique assez vaste. L’usage du Hassani s’étend de Oued
Noun, Saguiya al-Hamra et Oued Eddahab au Maroc jusqu’au fleuve du Sénégal au sud
de la Mauritanie et de l’Ouest du Mali et du Niger au Sud ouest de l’Algérie. Sur le plan
linguistique, le Hassani est la langue maternelle des citoyens du Sahara. Il se distingue
par des traits phonétiques et morphologiques, cependant, l’étendue de son domaine
d’usage n’affecte pas profondément ses traits caractéristiques dans la mesure où les
différences et les variations qui le concernent portent essentiellement sur le lexique.
Ainsi, les locuteurs d’une zone géographique hassanie, au sud du Maroc par exemple, ne
trouvent aucune difficulté à communiquer avec ceux de la Mauritanie. Et s’il existe des
différences, c’est au niveau du lexique.
L’histoire du hassani est assez particulière, issu de l’arabe comme il a été précisé, il est
connu par une richesse lexicale qui provient essentiellement de l’Amazighe, notamment
dans les domaines de l’agriculture et de la botanique. Ce qui n’est pas surprenant dans la
mesure où cette région était une terre amazighe avant qu’elle ne soit peuplée par des
tribus arabes, en l’occurrence les Béni-Maäquil et les Béni-Hilal. La particularité
géographique et écologique expliquent, en fait, l’influence de l’environnement sur la
langue en question, par le recours au phénomène lexicologique de l’emprunt, de
l’amazighe d’abord, pour des raisons historiques et anthropologiques et aux langues
étrangères, le français en Mauritanie et l’espagnol au Maroc.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 34


L’une des caractéristiques partagées par le hassani et les autres langues, dialectes ou
variétés de langues en présence est la caractéristique orale. La culture, la littérature
notamment la poésie hassanie est de tradition orale. Les efforts de conservation par écrit
de ce riche patrimoine se sont effectués par le biais de l’alphabet arabe. Primo, parce
qu’il n’y a pas un autre alphabet plus proche et qui traduit mieux la réalité et la culture
hassanies que l’alphabet arabe. Secundo, et c’est la raison la plus importante, ce choix
linguistique confirme la volonté générale et la réalité historique des rapports avec les
autres régions du pays et avec le monde arabo-islamique.

1.4 Le français au Maroc ou le rapport des marocains à la langue


française
1.4.1 Un peu d’Histoire
Pour comprendre la nature du rapport de la langue française à la réalité marocaine, ou si
l’on veut le rapport des marocains à la langue de Molière, il faudrait d’abord comprendre
la nature des liens entre le Maroc et la France. En effet, les livres et les traités de
l’Histoire nous apprennent que « Les premières relations de la France avec le Maroc
remontent à des siècles » (Chovin, 1957: 249). Il faudrait dire que les échanges entre
les deux pays étaient de nature purement commerciale. Les premières tentatives de
rapprochement diplomatique, quant à elles ont lieu à l’époque médiévale. Ainsi, Jacques
Caillé avance à ce propos que le souverain Idrissid de Fès aurait envoyé à Charlemagne,
en l’an 801, une ambassade, qui se serait trouvée à la Cour de l’empereur d’Occident en
même temps qu’un représentant du Calife Abbasside Haroun AR-Rachid.
Le XVIIème siècle ne déroge pas à cette habitude des échanges et va perpétuer cette
tradition diplomatique entre les deux pays, notamment avec les deux monarques, le
Grand Sultan et le Roi Soleil. Ces rapports diplomatiques se manifestent dans l’échange
d’ambassadeurs. 11

11
Cette époque fut un épisode remarquable dans l’histoire franco-marocaine, les deux puissants rois, à savoir
Moulay Ismaël et Louis XIV, ayant régné plus d’un demi-siècle chacun dans son pays ont entretenu des rapports
diplomatiques. Le premier a choisi Abdallah Ben Aïcha pour représenter son pays en France. Le second a envoyé
Jean-Baptiste Estelle à Salé pour représenter la France.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 35


1.4.2 Entrée officielle du français au Maroc
On ne peut parler d’une entrée officielle et en force du français au Maroc qu’en 1912,
c'est-à-dire la date de la signature du Protectorat. Cette introduction s’est effectuée
selon deux modes de fonctionnements distincts. Le premier mode que l’on pourrait
nommer officiel ou « formalisé » et un second mode plus ou moins « informel ».
Concernant le premier mode, il faudrait dire que sous le Protectorat, le français était
considéré comme langue officielle du pays et sa diffusion, limitée, s’est déroulée de
manière officielle ou institutionnelle. Le second mode de fonctionnement de la langue du
colon s’est réalisé de manière informelle. Cela est du au contact direct avec les
populations, dans des situations d’échanges économiques et commerciaux ou des
relations administratives imposant le recours à la langue française.
Cependant, ce qui est paradoxal c’est que, malgré l’intérêt accordé à la langue française
pendant cette période, « Le bilan global de l'œuvre française » en matière
d'enseignement était « d’ailleurs décevant » (BENZAKOUR, 2012). L’enseignement du
français tout comme l’organisation et la gestion du secteur de l’éducation étaient l’affaire
des français eux-mêmes. Pour des raisons politico-coloniales, le Maréchal Lyautey, figure
emblématique de la campagne coloniale avait ordonné, contrairement à ce qui se passait
en France, la mise en place de deux types d’enseignements : l’un en faveur des « fils de
notables », l’autre destiné aux « fils du peuple ». Ce qui a donné lieu à un enseignement
notoirement élitiste malgré les intentions affichées : généraliser l’accès à l’enseignement
et toucher un public plus large en âge de scolarisation. Cet enseignement n’attire au
début que les enfants des dirigeants, c'est-à-dire ceux dont les parents sont largement
impliqués dans l’action coloniale et s’imposent sur les scènes politique et économique. De
ce fait, l’école de l’époque coloniale était une école qui applique selon Benhlal : « le
principe de la discrimination de la clientèle scolaire. » (Benhlal, 2005 :37)12 dans la
mesure où chaque type d’établissement a un public particulier : l’école primaire pour les
Européens, l’école franco-arabe pour les Marocains musulmans et l’alliance israélite

12
Benhlal, M. 2005, le collège d’Azrou : la formation d’une élite berbère, civile et militaire au Maroc, éditions
KARTHALA ET IREMAN, Paris, 2005, 413p.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 36


universelle pour les Marocains juifs. Ainsi, les chiffres sont, à ce propos, largement
évocateurs. En effet, de 1913 à 1940 le nombre des enfants scolarisés dans ce type
d’enseignement passe de 1468 à quelques 21400 élèves. Alors que les statistiques
recensent plus de 314800 en 1955.

1.4.3 La langue française comme outil de pouvoir


Le fait de s’arrêter sur cette période péremptoire de l’Histoire moderne du Maroc est
significatif et ce, à plusieurs niveaux. D’abord, pendant cette période de l’occupation, le
français était la langue officielle, c'est-à-dire la langue de l’administration et des
institutions. Ensuite, les rebondissements que va connaitre cette langue, même après
l’indépendance, restent largement influencés par les événements, pour ne pas dire les
tensions qui vont marquer les rapports entre la France et le mouvement nationaliste de
libération. Les leaders de ce mouvement ont été conscients dès le départ de la volonté
non affichée des français à décomposer les structures sociologique, éthique, linguistique
et culturelle par le truchement de la langue. La réponse des précurseurs du
« mouvement national » était le renforcement de l’école nationale et de son rôle dans la
société dans le cadre d’un enseignement dit libre, c'est-à-dire indépendant des français.
Le Maréchale Lyautey était on ne peut plus clair dans sa vision stratégique, « il nous faut
des berbérisants » disait-il. L’enseignement n’échappe pas a sa stratégie globale, comme
nous l’avons décrit ci-haut, et pour cela, il clame haut et fort : « il faut aussi créer des
écoles franco-berbères où l’on apprendra le Français aux jeunes berbères ». (Cité dans
Elgherbi, 1993 : 21). A préciser que dans le cadre de la mise en place de l’enseignement
destiné aux « fils de notable », des « collèges franco-musulmans »13 ont vu le jour
Maroc.
Ainsi deux collèges ont-ils été inaugurés en 1915, l’un à Fès (Moulay Idriss) et l’autre à
Rabat (Moulay Youssef). Le Maréchal comptait sur la future élite formée dans ces
institutions pour appuyer son projet de gouvernement.

13
Ces établissements scolaires dits « collèges franco-musulmans » étaient des établissements de l’enseignement au
niveau du secondaire destinés à accueillir les « fils de notables » pour poursuivre leurs études secondaires.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 37


De ce qui précède, nous retenons deux faits marquants. Le premier concerne la
conscience prématurée de l’élite coloniale du rôle prépondérant de la langue arabe dans
la réalité du Maroc. Les Français, dans leur politique de diviser pour régner, tenaient à
détruire ce bloc « compact d’indigènes » dont la langue et les institutions seraient
« communes». La langue ‘‘coloniale’’ serait dans cette ligne de pensée une sorte de
démarcation entre les langues en présence. Et, au lieu du rapport arabe/amazighe, on
aurait comme « schéma linguistique » opérationnel ce qui suit : « français/arabe » et
« français/amazighe ». Ainsi, le processus de francisation fût lancé et touche tous les
secteurs vitaux de la vie administrative, juridique et économique.
Le second fait se rapporte à l’enseignement par la mise en place d’un système éducatif
de nature à former une élite influente dans son pays, mais dont les tendances et le mode
de vie à la française les rend « fidèles » aux ambitions coloniales, sorte d’instruments,
pour ainsi dire, entre les mains des forces coloniales. Cependant, ce projet a vite tourné
en échec, car cette forme d’assimilation linguistique et culturelle a non seulement été
rejetée par toutes les parties prenantes de la société marocaine, mais a donné lieu à une
prise de conscience nationaliste et a éveillé le sentiment patriotique des marocains.

1.4.4 Au-delà des conflits linguistiques et culturels, le Dahir berbère et les


ambitions politiques et socio-économiques

L’entrée en force du français dans la vie publique des marocains a donné lieu à des
événements marquants. Parmi ces moments emblématiques, on peut citer le « Dahir
berbère » de mai 193014, qui rend compte de façon éloquente du schéma linguistique
mentionné ci-dessus et qui place le français au centre des préoccupations. Ce dit Dahir
n’est pas un fait aléatoire et isolé. En effet, les consignes les plus confidentielles
consistaient à : « maintenir le plus discrètement possible les différences linguistiques,
religieuses et sociales qui pouvaient exister entre la plaine arabe et la montagne
berbère, et cela en isolant les tribus berbères des populations arabisés » (Benhlal, 2005 :

14
Le 16 mai 1930, les autorités coloniales françaises au Maroc promulguent le Dahir du 17 hija 1348, communément appelé
«Dahir berbère». Un décret royal signé par le sultan Mohammed ben Youssef (le futur roi Mohammed V) qui s’intéresse au
fonctionnement de la justice dans les tribus de coutume amazighe. Les historiens considèrent ce texte juridique comme le
premier catalyseur du nationalisme marocain, en tout cas l’une des ses étapes centrales.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 38


50). Cette politique de division entre arabes et berbères devrait servir les intérêts vitaux
des forces coloniales au détriment du pouvoir national sous protectorat.
Remarquons ici que la langue française entre en confrontation directe avec l’arabe pour
lui disputer sa place. Dotée d’un appui considérable, la langue française réussit quand
même dans son rôle « instrumental » et « fonctionnel » dans la mesure où la langue du
colon permet l’accès aux domaines vitaux de la vie publique, commerciale et politique
même. Elle a constitué pendant la période coloniale, et même quelques années après
l’indépendance, le moyen privilégié pour accéder aux savoirs et aux connaissances. Elle
est aussi la langue de production artistique et culturelle. En fait, depuis les années 1950
et jusqu'à nos jours plusieurs auteurs ont choisi la langue de Molière comme moyen
d’expression littéraire et artistique. Elle a toujours été la langue de l’ouverture et de la
modernité15. Elle est aussi la langue des échanges commerciaux et financiers, la langue
des affaires. Le secteur privé choisit cette langue comme moyen d’échanges privilégié.
Bref, plusieurs facteurs concourent à maintenir le français comme première langue
étrangère au Maroc. Ces dits facteurs peuvent être ramenés aux considérations qui
suivent :
 Considérations d’ordre historique et politique,
 Considérations d’ordre géo-stratégique,
 Considérations d’ordre subjectif.

1.4.5 L’enseignement du français entre les enjeux coloniaux et les exigences


sociales

Parallèlement à la politique de décomposition des structures basiques de la société


marocaine sur les plans socio-économique, éducatif et culturel afin de planter les jalons
d’un enseignement dénudé de ses racines pour servir les ambitions coloniales, une
conscience nationale s’est développée pour défendre les valeurs suprêmes de la nation à
travers l’action pédagogique et le champ de l’enseignement. C’est aussi une réponse à la
politique « berbérisante » dont les orientations et les cursus : « fixèrent un programme

15
Pour avoir une idée plus détaillée sur les débats ayant eu lieu à propos de la production littéraires et artistique en langue
française voir la revue Souffles, notamment les numéros : 4, 5 et 6.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 39


qui éliminait l’oral et l’étude du Coran au profit du français » (Elgherbi, 1993 : 21). Non
seulement cela, les élèves même qui vont intégrer ces écoles coloniales vont jouer un
certain rôle dans cette conscience nationale, car : « il suffisait qu’un enfant arabe, dont
les parents étaient installés à la montagne, accédât à l’école pour que la contamination
musulmane fût rapide » (JULIEN, Ch-A., 1978 : 100-101).
Ainsi, l’on voit bien que l’enseignement du français à cette époque était bien inscrit dans
la vision impériale de la France, vision qui fait l’impasse sur les langues et les cultures
locales. Dans ce rapport de force, c’est l’arabe qui sort gagnant. En effet, les
soubassements de l’édifice colonial sur les plans : « sociologiques, politiques et
psychologiques de cet édifice […] ne se révèlent ni solides, ni durables » (Benhlal, 2005 :
44). Pour contrecarrer les effets indésirables de la politique coloniale, les marocains ont
été mobilisés pour soutenir l’enseignement national, et rares sont ceux qui sont allés
inscrire leurs enfants dans les écoles du ‘‘colon’’, et de se jeter dans la ‘‘gueule du loup’’
selon l’expression de Kateb Yassine.
Cela dit, l’on voit bien que le Maroc a toujours jouit d’une situation particulière dans son
environnement géographique et historique. Particularité encore de mise aujourd’hui et
pertinemment souligné par Quitout :
« Ce qui particularise entre autres le Maroc […] par opposition à l’ensemble orientale,
c’est la pratique linguistique.» (Quitout, 2001 :13)
Dès lors, la question délicate qui se pose est la suivante : quels sont les effets de cette
particularité géostratégique et sociohistorique sur l’aménagement des langues et les
politiques linguistiques ?
Au terme de chapitre, nous avons vu que le paysage linguistique marocain se caractérise
par la diversité et la variété, marqué surtout par l’arabe, l’amazighe et le hassani. Sur le
plan institutionnel, l’arabe et l’amazighe sont les langues officielles de l’Etat marocain.
Elles bénéficient d’atouts pour en faire des langues modernes et fonctionnelles. Dans
cette mosaïque linguistique, les langues étrangères complètent le paysage et contribuent
à l’enrichissement des domaines linguistique et culturel à l’instar de la langue française.
Ce chapitre a, en fait, entamé la mise en place du cadre linguistique et didactique de
cette thèse. Nous avons analysé la situation linguistique du pays et nous avons étudié la
place privilégiée de la langue française dans ce contexte particulier aux points de vue
didactique et sociolinguistique, notamment dans le système éducatif. Nous avons

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 40


cherché à montrer son rapport avec les autres langues en présence et surtout le rapport
des marocains avec elle, à travers l’histoire.
Les discours métalinguistiques et les démarches didactiques propres à la question
linguistique, notamment en matière d’enseignement et de formation, sont aussi à
analyser dans le cadre des politiques linguistiques. Le chapitre qui suit s’attèle à ramener
les réponses nécessaires à cette question.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 41


Chapitre 2

2. Les politiques linguistiques entre les pratiques et les


vœux du plurilinguisme

2.1 Politiques linguistiques, essai de définition


Le concept de « politique linguistique » est un concept vaste et renvoie globalement à
une forme de décision engagée par un État ou par une autorité compétente ou
reconnue comme telle, pour définir et orienter, sur un territoire donné, l’usage d’une
ou de plusieurs langues. De façon générale, on entend par « politique linguistique »
toute forme de décision qui incombe à une institution ou à une autorité
gouvernementale destinée à planifier la chose linguistique dans une situation donnée.
En un mot, Boyer définit la politique linguistique comme suit :
« La politique linguistique désigne les choix, les objectifs, les orientations qui sont
ceux de cet État en matière de langue(s), choix, objectifs et orientations suscités en
général (mais pas obligatoirement) par une situation intra- ou intercommunautaire
préoccupante en matière linguistique » (Boyer, 2010 : 3). De son côté Calvet définit
la politique linguistique comme :
« un ensemble de choix conscients concernant les rapports entre les langues et la vie
sociale, et planification linguistique, la mise en pratique concrète d’une politique
linguistique, le passage à l’acte en quelque sorte» (Calvet, 1996 : 11).
Dans le même sillage d’idées, Louis Porcher a deux contributions remarquables
consacrées particulièrement aux problématiques des politiques linguistiques dans les
« Cahiers de l’ASDIFLE », n°7 16. Pour lui, toute orientation dans ce sens peut être

16
Il s’agit de deux articles correspondant à deux communications, comme le précise Louis Porcher lui-même, le
premier : « Politiques linguistiques : orientations » pp 10 - 27 et le second « Politique linguistique et objectifs
pédagogiques » pp 130-131 parus dans les Cahiers de l’ASDIFLE, n°7, 1996, revue de l’Association de Didactique
du Français Langue Etrangère.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 42


définie comme :
« une action volontariste, le plus souvent conduite par un État, ou une entité
officielle, ou encore une communauté spontanée soudée par le souci de préserver ou
de développer sa langue ou sa culture » (Porcher, 1996 : 1).
Pour porcher, il existe quatre facteurs déterminants qu’il désigne en tant que
« quatre cavaliers » et qui participent activement à la construction de la politique
linguistique. Il s’agit grosso modo de : « l’enseignement, L’action culturelle, les
médias et les entreprises » (Porcher, 1996 : 2). La politique linguistique explicite est
formulée le plus souvent dans les textes officiels. Louis-Jean Rousseau introduit une
distinction pertinente entre « politique linguistique » et « législation linguistique » car
selon lui : « […] il ne peut exister des politiques linguistiques sans interventions
législatives» (ROUSSEAU, 2007 : 58), en ce sens que la politique linguistique n’est
que le reflet de pratiques linguistiques.

2.1.1 Politique linguistique : Statut et composantes


Le domaine des politiques linguistiques couvre naturellement le statut des langues en
présence en leur conférant une reconnaissance comme langue(s) officielle(s) ou
nationale(s) du pays. Il s’occupe également de la délimitation de leur champ
d’utilisation notamment dans les domaines de l’administration, de l’éducation et de la
formation, des échanges commerciaux et des affaires. Bref, il s’occupe des droits
linguistiques des groupes sociaux et des minorités ethniques et linguistiques. A vrai
dire, c’est un domaine à la fois sensible et passionnant.
Par ailleurs, les politiques linguistiques s’occupent de manière stratégique des aspects
se rapportant au code linguistique. En effet, l’on sait bien que les langues ne sont pas
uniquement des systèmes figés et statiques. Leur développement à travers la
diachronie nécessite subséquemment l’adaptation du vocabulaire et sa rénovation
ainsi que la réforme de l’orthographe, etc. Tout un travail de contenus conceptuels
est sollicité au départ dans le cadre d’une approche formelle pour :
« déterminer une forme standard, à codifier des fonctionnements grammaticaux,
lexicaux, phonétiques…, ou encore à modifier une orthographe, etc., et à diffuser
officiellement les [nouvelles] normes ainsi fixées auprès des usagers. » (Boyer,
2010 : 5).

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 43


C’est ce travail sur le code et le statut qui déterminent les fonctions attribuées à une
langue et lui permettent de les accomplir, selon les objectifs qui lui sont assignés.
Une langue peut jouir d’un statut quelconque, mais s’il n’y a pas un travail sur le
code, elle ne peut jamais remplir toutes ses fonctions, et c’est la raison pour laquelle,
comme le précise ROUSSEAU : « il existe de nombreux cas de politiques linguistiques
incluant les deux volets » (ROUSSEAU, 2007 : 58), c'est-à-dire le volet se rapportant
au statut et celui lié au code.

2.1.2 Politiques linguistiques : objectifs escomptés et catégories d’action

De manière générale, nous pouvons situer la politique linguistique au plan des


objectifs sociaux, comme la catégorie des actions relevant de situations de
communication existante. La question de « politiques linguistiques », dans un pays
comme le Maroc est une question assez complexe et soulève, chaque fois qu’elle est
posée, un certain nombre de problèmes d’ordre anthropologique, politique,
économique etc. En effet, le Maroc est un pays qui a connu un développement
historique assez riche et varié. Ce qui explique certains faits linguistiques et culturels
existants aujourd’hui. Plusieurs civilisations se sont succédé sur le territoire marocain
à travers les époques à titre d’exemples les Amazighs, les Phéniciens, les Romains,
les Vandales, les Byzantins, les Arabes, les Portugais, les Espagnols les Français.
Sans oublier la présence d’autres groupes sociaux qui ont trouvé refuge sur la terre
marocaine et constituent dès lors une composante essentielle de cette mosaïque
ethnique et linguistique.
Ceci dit, l’on voit bien que le Maroc a depuis toujours été une terre de multilinguisme
et de la diversité culturelle. Certaines études ont tendances à rattacher la question de
politique linguistique au Maroc à l’arabisation à l’aube de l’indépendance. Autrement
dit, pendant la fin des années 1950 et le début des années 1960, quand le pays
entame le processus d’utilisation de la langue arabe dans les domaines vitaux à
savoir l’administration, l’éducation, la formation, les médias et plus globalement dans
la vie publique. Cependant, rattacher la question des politiques linguistiques à
l’arabisation, c’est méconnaître toute cette richesse historique et toute la diversité
culturelle du pays. C’est pourquoi, et malgré l’intérêt de l’arabisation dans l’histoire
moderne du Maroc, l’étude qui ne prend pas en considération les effets historiques du

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 44


processus de développement anthropologique, linguistique, culturel, socioéconomique
et politique de toutes les civilisations et les différentes étapes de l’évolution de la
société marocaine demeure incomplète.
Aujourd’hui, le chercheur dans ce domaine sera un peu sensible au flou et au manque
incompréhensible de prise de position politique explicite, au sujet de(s) langue(s)
étrangère(s) en présence. Il est vrai que la langue arabe et la langue amazighe sont
les langues officielles du pays, comme le stipule la Constitution, et comme il a été
démontré ci-dessus. Cependant, la situation demeure équivoque et l’on voit bien la
présence de la langue française dans le quotidien des Marocains. Au lendemain de
l’indépendance, la question était érigée en priorité nationale à côté des autres
principes : « de généralisation, de marocanisation et d’unification » de
l’enseignement et de l’administration, bien évidemment. Et l’on voit bien que
« l’arabisation et la généralisation » ont toujours été le talon d’Achille des politiques
publiques, notamment en matière d’éducation et de formation, et ce depuis
l’indépendance.
Les difficultés manifestes d’arabiser tous les secteurs administratifs publics ou privés
et d’intégrer aujourd’hui les langues, arabe et amazighe, à la place du français
s’expliquent par le fait que la classe dirigeante et l’élite intellectuelle ne sont pas tout
à fait convaincues de l’apport et de l’efficacité des langues nationales en matière
d’échanges économiques, commerciaux, diplomatiques et politiques à l’échelle
internationale. Les responsables et les cadres supérieurs sont parfaitement
francophones et ne sont pas de facto persuadés de l’intérêt d’arabiser tous les
secteurs vitaux.

2.1.3 Catégories de politiques linguistiques


Nous pouvons classer les politiques linguistiques selon le type d’intervention opéré.
En effet, nous pouvons avoir une intervention à caractère juridique ou sociopolitique,
associatif ou autre. Dans le premier cas de figure, il s’agit d’une politique linguistique
contraignante ou coercitive comme le précise Rousseau, ce qui induit : « des mesures
législatives et réglementaires assorties éventuellement de sanctions » (2007 : 59).
Ces différentes mesures et dispositions relevant du domaine juridique sont loin de
marquer le second type d’intervention qui se caractérise surtout par :

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 45


« l’autorégulation naturelle des pratiques ou des comportements de locuteurs en
mettant en avant, par exemple, des mesures de soutien et des campagnes de
promotion, ou encore des mesures législatives dépourvues de sanctions »
(ROUSSEAU, ibid.).
Ainsi, la visée de la politique linguistique devrait être à la fois normative et
socioculturelle. Les deux tendances entrent dans un rapport de « corrélation
solidaire » (Boyer, 2010). Dans ce même ordre d’idées, Jacques Leclerc dans (Leclair,
2007) décrit de façon méticuleuse les différentes politiques linguistiques possibles et
qui se présentent de la manière suivante :
– politique d’assimilation ;
– politique de non-intervention ;
- politique de valorisation de la langue officielle ;
– politique sectorielle ;
- politique de statut juridique différencié ;
- politique de bilinguisme ou de trilinguisme ;
- politique de multilinguisme stratégique ;
- politique d’internationalisation linguistique ;
– politique linguistique mixte.

2.1.4 Facteurs déterminants des politiques linguistiques


Pour ce qui est des facteurs qui entrent en jeu dans la détermination de ces dites
politiques, nous pouvons, suite à Porcher, citer quatre facteurs décisifs, pouvant
entretenir des liens étroits ente eux, et sont tantôt explicites, tantôt implicites, mais
dont la portée est remarquable sur les politiques linguistiques. Ces facteurs sont :
l’enseignement, l’action culturelle, les médias et les entreprises. Tout le monde est
conscient du rôle prégnant de ces facteurs dans la mise en place de politiques
linguistiques qui sont, dans l’optique de Porcher autant de vecteurs incontournables,
mais surtout complémentaires et non exclusifs dans l’élaboration de politiques
linguistiques rigoureuses basées essentiellement sur : « l’articulation, aussi précieuse
que possible, de ses différents paramètres.» (Porcher, 1996 : 4-5)
En un mot, Calvet a défini les politiques linguistiques, leurs portées et leurs rôles de
manière pertinente. En effet, le principe de base de la « politique linguistique »
consiste en la « détermination des grands choix en matière de relations entre langues

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 46


et société », alors que sa « mise en pratique » est le domaine privilégié de la «
planification » (Calvet, 1996).
Une même conception des politiques linguistiques, nous la retrouvons chez plusieurs
auteurs, notamment chez Boyer (Boyer, 1996) ; alors que pour d’autres chercheurs
« politiques linguistiques » est synonyme d’ « aménagement linguistique »
(Robillard : 1997 : 229).

2.2 L’Aménagement linguistique


Le terme « aménagement linguistique » apparaît pendant les années 70 sous
l’influence de Jean-Claude Corbeil. Il apparaît pour remplacer un autre terme utilisé
jusqu’alors, à savoir le terme de « planification linguistique » (language planing).
Ce dernier, utilisé par Einar HAUGEN pour désigner les travaux de standardisation
linguistique en Norvège, concerne le type d’intervention sur le système linguistique
afin de ramener des solutions aux problèmes de standardisation du code linguistique
qui ne sont que la façade de problématiques d’ordre sociolinguistiques.
De plus, le concept d’Aménagement linguistique, désormais (AL), n’est pas choisi
simplement comme succédané du terme « planification linguistique ». Cette dernière
porte essentiellement sur l’intervention planificatrice et extérieure de l’État. Le
concept d’(AL), lui, introduit l’intervention effectuée dans une perspective
sociolinguistique. Autrement dit, il met l’accent sur le type d’action engagée et il
s’inscrit à l’intérieur du jeu des opérateurs sociaux.
Ceci étant, l’(AL) fait l’objet d’étude de disciplines relevant des domaines aussi variés
que la sociolinguistique, la psycholinguistique, le droit comparé et les sciences
politiques … . Cependant, et comme le souligne William Francis Mackey, dans sa
présentation de l’ouvrage de Christiane LOUBIER, ces études pluridisciplinaires sont :
« souvent statiques, étanches et contradictoires » et n’ont jamais : « pu fournir une
vision globale qui permettrait une intégration interdisciplinaire de l'aménagement
d'une langue à la dynamique de son environnement. » (Loubier, 2008 :7) L’approche
multidimensionnelle de l’aménagement linguistique assure l’efficacité de toute
orientation en la matière dans la mesure elle prend en considération les éléments
décisifs qui entrent en jeux et en interactions.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 47


2.2.1 Composantes de l’Aménagement linguistique
L’étude de l’(AL) doit se concentrer sur : « la dynamique des rapports entre la langue
et la société ». L’essentiel de cette dynamique et ce travail reliant les deux
composantes (société et langue) devrait se traduire dans « les comportements
langagiers se manifestant à l'intérieur des institutions de la société ». En fait, pour
rendre son étude opérationnelle et dynamique, Loubier a pris en considération un
facteur prégnant, et qui jusque là était marginalisé. Il s’agit du facteur ‘‘temps’’. En
effet, les éléments qui entrent en jeu dans le processus de ‘‘maintien’’, de
‘‘continuité’’, de ‘‘transformation’’ et ‘‘d’adaptation’’ d’une langue sont le fait du temps
dans son évolution et ne sont pas uniquement liés au moment présent, celui qui
coïncide avec la période d’élaboration de plans et de programmes de l’aménagement.
La composante ‘‘Espace’’ trouve aussi une place de choix dans cette vision
dynamique de l’(AL). Non seulement elle offre le cadre privilégié dans lequel
s’exercent « les fonctions sociales » de la langue, mais favorise, à côté de la
composante temporelle, un double processus : « l'autorégulation sociolinguistique et
la régulation liée à l'intervention d'acteurs officiels (États, décideurs politiques,
etc.). » (Loubier, 2008 : 10) Il est vrai que la contribution de la partie officielle
demeure décisive dans les questions liées à l’(AL), mais l’intégration de la vision
dynamique lui donne un cadre beaucoup plus vaste et multidimensionnel qu’une
perception traditionnelle. Celle-ci a généralement tendance à le réduire aux mesures
et décisions prises par les acteurs officiels.
Dans les contextes géographiques marqués par la diversité linguistique où le contact
de deux ou plusieurs langues donne lieu à une situation d’adversité, voire de conflit,
d’autres concepts émergent. Il s’agit du concept de « normalisation », à titre
d’exemple. Ce concept a été utilisé dans le contexte catalan pour donner à la langue
locale toutes les chances d’être utilisée comme langue principale. Ce territoire
géographique connaît une situation de diglossie (le castillan et le catalan) qui se
caractérise par une lutte à plusieurs niveaux. Elle traduit un conflit linguistique entre
deux langues séparées dans leur rôle et leurs fonctions sociales. L’une politiquement
et socialement dominante et l’autre dominé. Le processus de normalisation engagé
sur le territoire catalan, cité souvent comme exemple de conflit et de lutte
linguistiques, consiste pour la sociolinguistique catalane à rendre « normal »

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 48


l’utilisation de la langue dominée dans les divers domaines de la vie sociale,
(Ninyoles, 2007), (Torres i Pla, 2011), (Vallverdú, 2011). Et l’on a une sorte
d’« aménagement » qui :
« fait référence à des efforts délibérés visant à influencer, ou ayant pour effet
d’influencer, le comportement des autres, en ce qui concerne l’acquisition, la
structure et la répartition fonctionnelle de leur codes linguistiques. » (Labrie,
1993 :30, cité dans Eloy, 1997 : 8)
Naturellement, l’intervention des autorités compétentes met en œuvre un processus
décisionnel, celui-ci est constitué, selon Labrie, des étapes suivantes (Labrie, 1993) :
- la réalisation d’études,
- la formulation de politique,
- la prise de décision,
- la mise en œuvre,
- l’évaluation.
L’intervention des États en matière de gestion des politiques linguistiques est tout à
fait compréhensible. Généralement cette intervention concerne deux aspects
fondamentaux qui sont le volet politique et le volet juridique : voyons ce que cela
constitue notamment sur le plan qui nous intéresse dans le contexte marocain.

2.2.2 L’Aménagement linguistique et le volet politique


L’intervention de l’État, dans ce cadre, vise la protection des valeurs culturelles et
patrimoniales. En effet, une langue qui ne jouit pas d’une action protectrice risque de
passer au second rang, les exemples à travers l’histoire sont multiples à cet égard.
Le Maroc est un pays multilingue (Benítez-Fernandéz ; Miller ; De Ruiter et Tamer
2013 ; Messaoudi 2013 ; de Ruiter et Ziamari 2015…). A travers les siècles, le pays a
connu la diversité linguistique qui semble être la constante alors que le
monolinguisme est l’exception. À L’époque moderne, notamment à l’aube de
l’indépendance, les politiques linguistiques ont tendance à promouvoir la langue
arabe comme langue officielle du fait qu’elle est la langue de l’ « authenticité » et de
l’ « unité nationale ».
L’intervention juridique en matière d’aménagement des langues est intimement liée
aux intérêts socio-économiques et stratégiques du pays. Elle est le fait des
événements socio-historiques et se plie aux influences internes et externes. En effet,

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 49


la période postcoloniale tente autant que faire se peut de : « rendre à la langue arabe
écrite une place qu’elle avait perdue du fait de la colonisation. On a donc tenté de
l’utiliser pour des usages différents de ses usages traditionnels, en lui faisant
pratiquement prendre une place analogue à celle de la langue française, voire à la
substituer à celle-ci. » (Granguillaume, 2004 : 2)
Le contexte historique explique cet état de fait et le mouvement nationaliste,
occupant une place centrale dans les débats politiques n’a de cesse recours à des
argumentations : « […] à caractère religieux (l’arabe est la langue sacré du Coran),
idéologique (le panarabisme), culturel (l’appartenance historique à la communauté
arabo-musulmane), politique (la force unificatrice nationale de la langue) » (De Poli,
2005 : 15). Ainsi, le VIIème congrès du Parti Al-Istiqlal, en Février 1965, a été
consacré à cette question cruciale, dans cette perspective enracinée dans
l’endoctrinement idéologique. Les orientations du ministère de l’éducation de l’époque
d’adopter la langue française, en tant que langue d’enseignement des disciplines
scientifiques sont : « de nature à saper les fondements de notre personnalité, ainsi
que l’unité du pays en détruisant son unité culturelle qui est basée sur la langue
nationale, la langue du Coran » (Cité dans Elgherbi, 1993 : 37). Il faudrait, donc, et
de manière urgente procéder à :
« l’arabisation de l’ensemble du cycle primaire et des disciplines sociales dans
l’enseignement scolaire et le commencement de l’arabisation des disciplines
scientifiques et techniques de sorte que l’arabisation totale des cycles primaire et
secondaire soit achevée en moins de 10 ans. » (Elgherbi, 1993 : 37)

2.2.3 L’aménagement linguistique au lendemain de


l’indépendance : traditionalisme et modernité
Le politique l’emporte sur le linguistique et le modèle jacobin de l’état-nation impose
le « credo » idéologique comme pièce maîtresse dans l’aménagement linguistique de
l’époque. Dans ce cadre : « tout plaidoyer en faveur du dialecte est une attaque
contre l’Islam et contre la nation arabe » (Larcher, 2008 : 30).
Il faudrait dire que l’ouvrage d’El-Mostafa Elgherbi constitue une référence en la
matière. Non seulement il a analysé, de manière pertinente, les questions liées aux
langues, à l’aménagement et aux politiques linguistiques, mais il fournit une
documentation riche et diversifiée des discours sur les choix linguistiques du pays de

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 50


la période allant de 1960 jusqu’à 1988. D’ailleurs, Ahmed BOUKOUS, préfaçant cet
ouvrage ne manque pas de souligner l’intérêt qu’il renferme :
« riche par la documentation qu’il fournit, perspicace par la qualité de la pertinence
des analyses qu’il développe, mesuré dans ces propositions et résolument ouvert par
le caractère convivial de la philosophie qui le sous-tend. » (Elgherbi, 1993 : 10)
La remarque saillante qui se dégage de son analyse de la situation linguistique
marocaine, et surtout des enjeux de l’aménagement linguistique pour la période
signalée ci-haut, fait émerger une typologie de trois principaux discours. Il s’agit du
discours « technocratique », du discours dit « traditionnalisant » et du discours
« anthropologique ». Ces discours sont en antagonisme et en conflit permanents. Ce
qui n’a fait que compliquer la situation linguistique, marquée par l’inimité et la
discorde. Cette dissonance, soulignons-le, est maintenue jusqu'à aujourd’hui avec la
même exaltation et véhémence.

2.2.3.1 Le discours dit « technocrate »

Pour ce qui est, en premier lieu, du discours dit « technocrate », notons qu’il traduit
une vision se préoccupant de questions « d’ordre technocratique ». C’est un discours
à tendance moderniste et présentant la langue française : « comme étant le seul
moyen d’accès à la culture technique et moderne » (Elgherbi, 1993 : 35). Les tenants
de ce discours adoptent, selon leur vision de la gestion des affaires publiques, une
attitude « réaliste », car : « il sera impossible pendant de longues années encore de
trouver les cadres nationaux nécessaires pour enseigner disciplines scientifiques en
arabe, surtout dans l’enseignement supérieur et l’enseignement du second
degré… »17. Paradoxalement, certains cadres des partis politiques et autres
organisations, défenseurs fervents du second type de discours à savoir le discours
« traditionnalisant », ne cachaient pas leurs convictions, soit pour le choix d’une
langue de « grande diffusion » à l’époque, en l’occurrence le français, soit pour un
bilinguisme nécessaire au maintien de l’équilibre et évitant une « chute abyssale de

17
Conférence de presse tenue par le Ministre de l’Education Nationale de l’époque, Dr. Benhima le 6 avril 1966.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 51


niveau ». D’ailleurs, « il ne peut y avoir d’arabisation sans bilinguisme. » (Lakhdar-
Ghazal, cité dans Elgherbi, 1993 : 36)
Au-delà de la pure vocation à intégrer la langue française dans le système éducatif, à
la fois comme langue enseignée et langue d’enseignement, la langue de Molière
semble ouvrir d’autres horizons selon les tenants de ce discours pour une société
marocaine qui souffre de tant de maux sur les plans social, économique, culturel et
même civilisationnel. En fait, le français paraissait contribuer à l’intégration
économique du pays dans le marché mondial.
Ce discours avant-gardiste à l’époque ne manque pas, comme nous pouvons
l’imaginer de soulever le tollé de certaines sensibilités, voyant en cela un « désaveu »
de la langue arabe et un rejet catégorique de tout ce qui a rapport avec les ancêtres,
le patrimoine et les traditions.

2.2.3.2 Le discours dit « traditionnalisant »

Ce second discours, dans notre typologie de classification, est appelé ainsi à cause
de :
« la véhémence et le climat de radicalisation qu’il a créés autour et à l’encontre du
premier discours », ce qui : « fait que la perspective dans laquelle il se situe, est plus
proche de la perspective traditionaliste et traditionnalisante, …» (Elgherbi, 1993 :
37).
Ce discours « traditionnalisant » a trouvé dans le mouvement nationaliste qui s’est
développé sous l’occupation française et en vue de conquérir l’indépendance, un
terrain favorable pour œuvrer à l’émancipation totale du pays et rompre avec tout ce
qui est « français », notamment la langue qui est l’emblème du colonisateur. Cette
tendance a été, et continue d’être, incarnée par le parti de l’Istiqlal 18, mais également
par la classe des intellectuels représentant différentes sensibilités. Pour ce parti
politique, qui anticipait l’action d’arabisation : « de sorte qu’ [elle] soit achevée en
moins de dix ans ». Chose que nombreux spécialistes reprochaient à cette vision

18
Aujourd’hui, c’est un autre parti « conservateur » qui prolonge cette tendance véhémente et radicaliste à savoir le
parti islamiste du PJD. Ce dernier vient couronner le processus activiste du mouvement islamiste, notamment celui
instigué par « la jeunesse islamique » dans le pays.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 52


hâtive qui clamait haut et fort : « la volonté d’arabiser coûte que coûte,
immédiatement et sans inclure le processus d’arabisation dans un projet global de
développement, où la langue devait jouer le premier rôle. » (Elgherbi, ibid.)
Cependant, ce discours sur l’arabisation ne fut pas seulement l’apanage de ce parti ‘‘
nationaliste’’19, d’autres partis politiques et organisations syndicales outre les cadres
associatifs vont développer des positions relativement semblables. Ces positions
n’ont pas été adoptées en marge des luttes politiques engagées. Nous pouvons
clairement lire cela dans le document qui constitue la feuille de route pour un parti
comme l’USFP. En effet, dans le Rapport de 1978 20, la question de politique
d’arabisation est érigée en un axe principal de la « lutte des classes qui se déroule
dans le domaine de l’enseignement. ». Ainsi, la problématique de l’arabisation devrait
être inscrite dans un : « processus global par lequel le peuple retrouve le droit de
récupérer librement son passé et le droit de choisir librement son avenir ». L’autre
partenaire de la gauche, à savoir le PPS prône une vision plus ou moins semblable à
l’USFP. En effet, pour cet ancien parti communiste marocain le processus
d’ : « arabisation doit être conçu comme un tout et se faire jusqu’au bout »21.
Que ce soit pour l’USFP : « le principe d’arabisation a subi toutes sortes de
falsification par le fait de la réaction qui essaie de le détourner de son sens populaire
et progressiste », ou pour le PPS : « la politique d’arabisation depuis l’Indépendance
se caractérise toujours par son improvisation, souvent par sa démagogie, et ne va
pas sans aboutir à un ‘‘discrédit’’ de l’arabe en tant que langue d’enseignement. »,
les débats engagés sur la problématique linguistique ne sortaient guère d’une vision
réductrice à savoir que l’arabe est la langue « de l’indépendance, de liberté, de

19
Le sens du terme ‘‘nationaliste’’ que nous mettons volontairement entre guillemets n’est pas à prendre dans le sens
du mot et des mouvements développés en Europe avant et pendant la deuxième guerre mondiale. Au contraire, il
traduit la volonté du mouvement patriotique qui mobilise toutes ses ressources pour participer à l’indépendance du
pays, sous l’occupation française et lutter contre toutes les formes de ségrégation et de division mises en place par les
forces coloniales.

20
IIIème Congrès de l’USFP (Union Socialiste des Forces Populaires), Rapport de la commission de l’enseignement
– Casablanca le 8,9 et 10 Décembre 1978.

21
Document du parti PPS (Parti du Progrès et du Socialisme) relatif à l’enseignement Décembre 1970.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 53


dignité » alors que le français est la langue du colonialisme et de « l’aliénation
linguistique et intellectuelle ».
S’agissant toujours du discours traditionnalisant, ce sont les positions des Ouléma qui
sont les plus orthodoxes. Nous pouvons lire cela dans le texte du Manifeste de ce
regroupement d’élite marocaine rendu public en Mai 1970 22. En effet, cette élite
intellectuelle stipule rendre explicite, ce qui jusque là demeurait implicite, à savoir
que : « depuis l’indépendance, et en particulier au cours des dix dernières années, le
Maroc subit une pression coloniale latente, tendant à consolider et à généraliser la ‘‘
présence’’ de la langue française dans le Maroc indépendant. ». Le chercheur
intéressé particulièrement par les questions linguistiques au Maroc, et plus
globalement au Maghreb, resterait coi, comme le souligne Elgherbi, face à l’attitude
des traditionnalisants marquée par « la ferveur exaspérée et presque de la volonté
d’inquisition et d’intolérances… » (Elgherbi, op.cit : 38).
D’autres voix ont saisi la mise en place des mesures prises par le Ministère de
l’Education Nationale pour contribuer au débat sur la question linguistique et
manifester leurs réactions qui cadrent bien avec la virulence du discours
«traditionnalisant » en taxant la politique linguistique menée par l’autorité de tutelle
de ‘‘ crime’’ (l’UMT) ou d’ ‘‘atteinte’’ à l’esprit national libérateur (l’UNEM).
En définitive, le mouvement ouvrier et estudiantin, quoique ces deux mouvements
soient lointains dont les visions et les stratégies se trouvent liés ici et rapprochés,
adoptant les mêmes attitudes et parlant le même langage. Pour le syndicat UMT 23,
« l’arabisation n’a pas été un facteur de baisse du niveau de l’enseignement », et ce
« contrairement aux allégations de certains ». Pour ce syndicat, c’est plutôt la
manière dont l’arabisation a été conduite qui est en cause et qui constitue « un crime
vis-à-vis de la langue arabe ». De plus, l’application de l’opération d’arabisation de
manière partielle et fragmentée relève du « démagogique ». La bataille acharnée
pour l’arabisation n’est pas une fin en soi, car pour cette organisation ouvrière

22 Manifeste des Oulema intellectuels et Homme de pensée du Maroc, publié dans le journal l’Opinion – 8 Août
1970.

23
U.M.T (l’Union Marocaine du Travail) - IVème Congrès de la Fédération Nationale de l’Enseignement syndicat
affilié à l’UMT Rabat les 28, 29 et 30 Avril 1960.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 54


« l’attachement à l’arabisation signifie d’abord [l’] attachement au changement des
structures économiques et administratives du pays afin que l’arabe devienne la
langue de gestion des structures libérées du colonialisme et des forces qui le
soutiennent. »
L’on voit bien la tendance des différents mouvements, des partis politiques, des
organisations syndicales ou associatives de l’époque, le syndicat des étudiants
UNEM24, qui de plus rassemble les jeunes cadres, adhérents ou sympathisants, des
partis de la gauche marocaine, ne déroge pas à la règle. Le cadre estudiantin saisit
l’occasion de ce débat linguistique et entend entrer en situation de règlement de
compte avec l’autorité gouvernementale. Pour l’UNEM, les mesures prises au niveau
du ministère de l’éducation « se caractérise[nt] par la restriction de la scolarité à une
minorité et par l’adoption de la langue arabe comme langue secondaire. ».
Comme nous l’avons montré, la principale préoccupation des tenants de ce discours
revient à réhabiliter la langue arabe dans l’enseignement ainsi que dans les domaines
vitaux de la vie économique et administrative. Il s’agit, en fait, de rétablir la langue
arabe dans ses droits « légitimes ». Cette vision est intimement liée au rôle prégnant
de la langue dans l’intégration des individus et le moyen sine qua non des échanges
et de communication des valeurs. Cependant, il serait moins pertinent de réunir
dans le cadre de l’étiquette « discours traditionnalisant » des partis politiques et des
organisations syndicales ou autres qui ne partagent ni la même idéologie ni les
mêmes idéaux. Sur la question de l’apprentissage des langues étrangères, le français
en particulier, les partis de la gauche ont toujours étaient ouverts et favorables à cet
enseignement. Parfois, leurs positions n’ont pas été suffisamment explicites comme
aujourd’hui, à cause de la véhémence et la radicalisation créées autour du sujet.
Cette précision nous aide à mieux comprendre l’ouverture actuellement à la pluralité
linguistique et culturelle, mais surtout à contourner les enjeux et la réalité du
troisième type de discours à savoir le discours « anthropologique ».

24
UNEM (Union Nationale des Etudiants Marocains) – XIème Rabat les 25-26 Juillet 1966.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 55


2.2.3.3 Le discours dit « anthropologique »

Le troisième type de discours, à la fin, est le discours dit « anthropologique». Il situe


la problématique linguistique dans sa globalité et sa diversité en rapport avec le
citoyen marocain et son identité historique, linguistique et culturelle. Il est le reflet de
son histoire et de son identité culturelle. Elgherbi propose quatre considérations qui
constituent le « mode d’appréhension de l’être maghrébin ». Nous les présentons de
la manière suivante :
a) La portée historique du phénomène linguistique. En fait, la dimension
historique facilite mieux l’appréhension et la compréhension des faits
linguistiques.
b) La langue est un ingrédient décisif dans la composition de la
personnalité, d’où l’intérêt incontestable à centrer toutes orientations
dans les politiques linguistiques sur la composante de la personnalité
et son développement,
c) La langue d’enseignement doit être la langue arabe, mais avec la
prise en compte des autres modes d’expression composant la
personnalité nationale.
d) L’enseignement de la langue française relève de la didactique des
langues étrangères au Maroc, et de ce fait, il doit être inscrit dans ce
cadre national spécialisé.

Toutes ces considérations revêtent de l’importance en matière d’aménagement


linguistique, cependant, nous considérons que la dernière, celle ayant trait à la
didactique des langues étrangères doit bénéficier d’un intérêt particulier. Non
seulement, elle approche le phénomène didactique d’enseignement du français et des
autres langues étrangères de manière scientifique et académique, mais elle assure le
cadre institutionnel spécialisé pour faire face aux difficultés rencontrées loin de toute
prise de position partisane ou idéologique.

2.2.4 Perspectives de l’aménagement des langues pour la première


moitié du XXI° siècle

A un peu plus de deux décennies de ce travail d’Elgherbi, la situation linguistique a


évolué. En effet, abordant la question de l’aménagement des langues au Maroc, Benis
dans (Benis, 2011) insiste sur trois perspectives. La première est celle de

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 56


« l’unification linguistique », la seconde se caractérise par la « diversification
linguistique », la troisième allie entre les deux, c’est-à-dire entre « unification » et
« diversification ». Pour la première perspective, on cite souvent la Turquie comme
illustration de cette tendance. Dans ce premier cas de figure, le processus
d’unification procède par harmonisation et homogénéisation de la situation
linguistique, ce qui conduit à un monolinguisme généralisé. C’est le cas aussi d’un
certain nombre de pays comme la France, la Grèce, la Corée-du-Sud etc. En ce qui
concerne la seconde perspective, la diversification linguistique consiste à mettre en
place une dynamique de diversité et d’hétérogénéité linguistiques ou si l’on veut, d’
« hétérogénéisation linguistique » en faveur de la consolidation d’une situation
bilingue ou multilingue. Les langues en présence marquent les scènes politiques et
éducatives. Elles entrent en jeu dans la vie publique selon une répartition en zones
géographiques. C’est le cas de pays comme la Belgique, le Canada, la Suisse… .
La troisième perspective, qui porte à la fois sur l’« unification » et la
« diversification », mobilise une stratégie de « hiérarchisation ». Ainsi, elle permet
d’introduire des distinctions de type : « langue officielle », « langue nationale »,
« langue étrangère », etc. Les pays que nous pouvons citer, à titre d’illustration, dans
le cadre de cette perspective sont : (l’Espagne, la Chine, certains pays de l’Afrique
dont le Maroc…).
Dans l’optique de cette répartition et gestion de la situation linguistique, l’on peut
répertorier trois grands groupes de langues :
- Le groupe des langues officielles ou reconnues comme telles
par la Constitution, composé de l’arabe et l’amazighe. Nous avons
utilisé le mot « arabe » tout court, comme on désigne l’amazighe,
sachant bien qu’il y a plusieurs variétés des deux langues.
- Le groupe de langues maternelles à savoir l’arabe marocain,
l’amazighe marocain et le hassani marocain …
- Le groupe des langues étrangères formé essentiellement du
français, l’espagnol et l’anglais…
Même si ces langues entrent parfois dans un rapport conflictuel, elle joue un rôle
sociolinguistique bien déterminé. Toujours selon la vision de (Benis, 2011), nous
pouvons dégager deux dimensions complémentaires pour saisir les soubassements
sociolinguistiques des langues en présence sur le marché linguistique marocain. Il

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 57


s’agit d’une dimension « symbolique » liée essentiellement aux valeurs identitaires et
culturelles. Cette dimension est présente dans les pratiques quotidiennes, mais aussi
dans les traditions et dans les manifestations festives du patrimoine ancestral, dans
la vie artistique, dans les chants, le théâtre, etc. L’utilisation de la langue maternelle
dans ce cadre va au-delà de la nécessité communicative ou véhiculaire. Elle renvoie
directement à la spécificité culturelle. A préciser que les enjeux liés à cette dimension
concernent les individus à titre particulier et les acteurs de la vie associative de
manière officieuse.
Pour ce qui est de la seconde dimension que nous pouvons désigner comme une
dimension officielle ou institutionnelle, elle est l’affaire des instances officielles. Elle
est présente dans les actions et les programmes de différents ministères (l’éducation
nationale et la formation des cadres, la culture, les affaires religieuses et
islamiques…), dans les travaux des institutions constitutionnelles (le Conseil
Supérieur de l’enseignement, le Conseil Supérieur des droits de l’Homme, la Haute
Autorité Audiovisuelle …), dans l’Institut Royal de la Culture Amazighe (IRCAM). De
plus, même si dans le cadre de cette dimension les aspects identitaires sont relevés,
ils sont abordés sous l’égide des instances officielles et conformément à leur vision.
En définitive, la situation linguistique a beaucoup évolué depuis la période dont parle
Elgherbi, surtout, et d’autres chercheurs de son époque. En effet, l’observateur de la
société marocaine est conscient – parfois même surpris – du développement notable
que le pays a connu ces deux dernières décennies sur quasiment tous les plans, en
l’occurrence les plans linguistique et éducatif. Plusieurs événements se sont produits
et ont marqué les scènes politique et publique, ce qui fait que le Maroc, comme le
soulignent Ziamari et De Ruiter, connaît :
« un changement sans égal en termes de politique linguistique. La nouvelle
Constitution, approuvée par référendum en juillet 2011, a revu le statut des langues.
Alors que toutes les versions des constitutions précédentes ne reconnaissaient qu’une
seule et unique langue officielle, l’arabe, celle de 2011 fait exception. » (Ziamari et
De Ruiter, 2015)
Il s’agit d’une situation d’exception certes, mais beaucoup de travail est à
entreprendre afin de tirer le meilleur parti de la situation juridique et institutionnelle
favorables à la diversité culturelle et au multilinguisme.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 58


2.3 Aménagement du multilinguisme, « quand le plurilinguisme
l’emporte »

Ce titre emprunté à Ziamri et De Ruiter dénote une réalité linguistique qui n’est plus
un secret pour personne aujourd’hui. Le Maroc est - expressément et explicitement
formulés – un pays multilingue. On peut lire dans la Constitution de 2011 que le
Maroc : « veille à la cohérence de la politique linguistique et culturelle nationale et à
l’apprentissage et la maîtrise des langues étrangères les plus utilisées dans le
monde… » (Extrait de l’article 5).
Cette volonté déclarée de faire ressortir la réalité du multilinguisme rompt avec les
politiques d’antan où l’on insistait sur le choix de la langue unique, la langue arabe,
comme langue officielle et symbole de l’identité et la souveraineté du pays. Ces choix
classiques se basent sur le dénigrement et la stigmatisation d'une forme linguistique
au profit de la survalorisation et de la réhabilitation de l’autre (Calvet, 2006).
Cependant, la langue ou la variété de langue dominée n’est pas vouée à la
disparition. Au contraire, comme nous l’avons vu au premier chapitre, pour le cas de
l’amazighe, elle est restée à travers l’histoire, et a été maintenue et utilisée dans les
contextes appropriées, en famille, entre amis et pairs… . Elle se charge d’une forte
valeur identitaire et s’impose comme la langue qui véhicule l’histoire et les traditions
séculaires. Dans le contexte éducatif, les langues nationales, locales, « minoritaires »
constituent l’entrée en matière pour les enfants. En effet, l’Eveil Aux Langues (EAL)
constitue la clé de voûte pour, à la fois faciliter l’intégration de l’enfant marocain dans
l’école, une école « multilingue », bien entendu et faciliter la transition ou le passage
aux langues nationales et étrangères.
En termes de synthèse, nous avons montré, dans le cadre de ce chapitre, le rôle
prégnant des politiques linguistiques dans la mise en œuvre des politiques
sectorielles comme levier de développement et vecteur de progrès. Nous avons passé
en revue les différentes catégories de politiques linguistiques, effectuées en fonction
de types d’intervention opérée. Nous avons, en plus, souligné la pertinence d’une
politique linguistique se basant sur les dimensions socioculturelle et normative afin
que l’approche du fait linguistique soit objective, rationnelle et optimisée en termes
d’objectifs socio-économiques. L’absence d’une vision inscrite dans cette philosophie,

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 59


comme nous l’avons démontré à travers des cas concrets d’institution et d’acteurs
politiques, noie le débat dans la véhémence et l’orthodoxie.
Nous avons démontré également, que les problématiques d’aménagement des
langues sont étroitement liées aux intérêts socio-économiques et stratégiques. Elles
sont le fait des événements socio-historiques et se plient aux influences internes et
externes. Ce qui nécessite leur approche selon la vision que nous développons dans
cette thèse pour ne pas tomber dans les paradoxes des choix dictés par ces dits
intérêts. Le phénomène d’arabisation au Maroc en est la parfaite illustration.
Alors que beaucoup de choses ont changé dans le pays, la situation linguistique
connait aujourd’hui un essor particulier. Et d’autres dimensions sont à prendre en
considération, au-delà des dimensions classiques qui sous-tendent les débats entre
conservateurs et modernistes. Ces nouvelles orientations qui font converger les
dimensions culturelles ou symboliques et les dimensions officielles font office, dans le
secteur d’éducation et de formation, de fondements et de principes d’une didactique
plurilingue, basée sur une vision d’intégration et d’intercompréhension, avant
d’attaquer ce volet, bornons-nous à survoler les principaux courants didactiques qui
ont régi, pendant longtemps, l’enseignement du français langue étrangère.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 60


Chapitre 3

3. L’enseignement du français et la terminologie


didactique
La question des principaux courants et écoles qui ont marqué le champ de la
didactique du français langue étrangère constitue un aspect très important dans toute
réflexion sur l’enseignement de cette langue. Dans le contexte marocain, cette
question revêt un intérêt particulier, et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, les
discussions qui ont accompagné l’intégration de cette langue dans le contexte
éducatif ont connu énormément de rebondissements depuis l’indépendance du pays.
Ces discussions dépassent parfois le cadre éducatif et porte sur le statut et la place
de la langue française sur l’échiquier linguistique. Ensuite, le domaine de la
didactique des langues, notamment la didactique du FLE, est un domaine fécond, et
beaucoup d’éléments et de principes didactiques qui font office aujourd’hui dans les
systèmes éducatifs, ont connu un développement extraordinaire, à travers les
époques. L’étude profonde des concepts et orientations didactiques s’impose dans ce
chapitre qui constitue le cadre sociolinguistique et didactique de notre thèse. Notre
principal objectif, ici, est de chercher la précision et à lever l’ambiguïté sur ces
concepts qui sont parfois utilisés de manière aléatoire pour décrire la réalité des
pratiques didactiques.

3.1 La notion de français fonctionnel


L’appellation de français fonctionnel en didactique du français ne date pas
d’aujourd’hui. Qu’en est-il de cette notion ? Et qu’est ce qui fait la spécificité de cette
démarche ? Sous l’impulsion et l’influence du développement de l’enseignement de

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 61


l’anglais et en réponse à une demande institutionnelle et politique pour la diffusion du
français langue étrangère les didacticiens du français vont mettre en œuvre le
concept de « français fonctionnel ».
La publication d’ « un Niveau seuil » en 1976 est une reprise de ce qui se passe
littéralement en didactique de l’anglais avec « Language for specific purposes » et de
la première publication dans ce domaine du (Treshold Level en 1975). Il s’agit d’un
renouvellement didactique et méthodologique qui prend la forme de l’approche
« notionnelle-fonctionnelle ». On peut lire dans ce « renouveau du champ
didactique », une amélioration des approches et un dépassement des méthodes
structurales et structuro-globales et audio-visuelles, qui sont imposées dans le
domaine des langues et ce, pour longtemps. Avec le niveau seuil, la démarche
didactique est régie par les concepts fondamentaux de « public », « besoins » et
« actes de parole ». Et la démarche fonctionnelle permet selon Sophie Moirand : « de
décrire et d’analyser les différents paramètres de la situation d’enseignement. A qui,
où et quand on va enseigner, ce que l’on va enseigner, pourquoi, comment, quand et
où on va l’enseigner : répondre à ces interrogations permet de concevoir un
enseignement de la communication en fonction des données recueillies aux
différentes étapes de la démarche. » (Moirand, 1982 : 44)
Le « Niveau seuil » est donc un modèle opérationnel développé au sein du Conseil
de l’Europe, qui propose à un certain groupe d’individus, ayant les mêmes objectifs
et motivations d’apprendre une langue étrangère, des programmes et des contenus
d’enseignement appropriés. Ces programmes et méthodes vont développer ce que
l’on va nommer plus tard les « approches communicatives ». Celles-ci vont
favoriser un enseignement opérationnel et pragmatique.
Le « français fonctionnel » met en place un autre concept que nous jugeons
important, celui de « Besoin langagier ». Selon Coste, la notion de besoin est
centrale dans le domaine de la didactique du français fonctionnel. Pour ce didacticien,
cette notion reprend en quelque sorte le fameux schéma des « cinq W », ou du
Quintilien, savamment défini dans la citation précédente de Sophie Moirand, et
Coste d’ajouter la précision : « qui a besoin de quelle langue étrangère pour effectuer
quelle opération par rapport a quel interlocuteur, dans quelles circonstances, dans

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 62


quel but, a propos de quel objet, à l’aide de quels moyens et de quelles formes
linguistiques ?» (Coste, 1977 : 54)
Sur le plan théorique l’apport de la didactique du « français fonctionnel » comme
démarche didactique, et du « Niveau seuil » comme orientation globale dans
l’enseignement apprentissage des langues étrangères est indéniable. En effet, la
didactique des langues connait des « hauts et des bas », des moments de
« dispersion » et « des moments d’ « unité » selon l’expression de Gerardo Alvarez.
Le « fonctionnel » : « (…) aura représenté en didactique des langues un de ces
moments d’équilibre instable, fait de consensus temporaire et d’ambigüité
persistante.» (Alvarez, 1981 : 33)
De son côté, Louis Porcher souligne que le fonctionnel a des noms de baptême divers.
Alvarez conteste ce constat et le considère comme une tendance superficielle, car ce
qui se passe en didactique des langues est « plus profonds » et que : « les créatures
sont diverses, et ne se sont réunies que par une certaine fraternité lentement
acceptée. » (Alvarez, ibidem)

3.1.1 Français fonctionnel ou « enseignement fonctionnel » du français ?


Là encore, nous faisons appel à Alvarez et ses métaphores ingénieuses, pour lui ce
qui se passe en didactique du français avec le fonctionnalisme est comme : « (…)
une rivière de montagne qui charrie toute sorte d’alluvions d’origine diverses ». Avant
d’analyser le bien fondé du français fonctionnel, ce didacticien fait un tour d’horizon
sur les différentes approches et méthodes d’enseignement du français langue
étrangère. Ce qui lui a permis d’introduire les précisions suivantes :
- Le français technique : c’est peut être la version la plus ancienne de
cette tendance spécifique de l’enseignement du français. Est technique
l’ensemble des éléments linguistiques choisis constituant une sorte de
« sous-ensemble » dans la « Formation des traducteurs ».
- L’enseignement des « langues de spécialité » : nous avons été surpris
de trouver que cette orientation didactique est ancienne, alors qu’elle est
beaucoup plus utilisée aujourd’hui dans les milieux universitaires et
considérée même comme un couronnement du processus de
renouvellement didactique.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 63


- « Français scientifique » : filière qui date des années 1950, c'est-à-
dire au même moment que le Français de spécialité. Cette dernière
tendance en didactique des langues est souvent, d’ailleurs, confondue
avec le français scientifique. Celui-ci se double, dans une tentative
« timide » de l’ ‘‘étiquette’’ « technique ».
- La tendance instrumentaliste : développée en Amérique du Sud, cette
orientation s’inscrit dans la même lignée, c'est-à-dire un enseignement
du français destiné à des universitaires confrontées à des réalités de la
recherche imposant les références bibliographiques en langue étrangère.
- Le français professionnel : tendance ancienne aussi en matière
d’enseignement du français langue étrangère. Imposée par la réalité des
formations professionnelles cette orientation didactique va donner un
essor particulier et la conception d’unités de formation à coloration
professionnelle et sectorielle, telle que le « français commercial », « le
français de l’hôtellerie », « le français des affaires », « le français du
tourisme »…
- Le français pour les migrants travailleurs en France est relativement
récent, ainsi que les formations linguistiques préconisées par les
entreprises pour la mise à niveau linguistique du personnel.

L’on peut avancer sans risque de généralités que derrière toutes ces tendances et
pratiques didactiques se profilait un enseignement « fonctionnel » du français.
Autrement dit, un enseignement spécifique du français sans pour autant développer
un cadre théorique solide et pertinent quant aux méthodologies utilisées. Un autre
aspect n’a pas favorisé l’essor de cette méthodologie. Il s’agit de la dominance de la
pédagogie « audio-orale, structuro-globale et audio-visuelle », qui a marqué
l’enseignement des langues étrangères pendant les années cinquante et soixante.
C’est pendant les années soixante-dix et avec l’appui d’institutions pédagogiques et
académiques comme le CREDIF et CRAPEL de Paris, le CLIL 25 de Londres que le

25
(CREDIF)Centre de Recherche et de Diffusion du Français, (CRAPEL) Centre de Recherches et d’Applications
Pédagogiques en Langues au début il était désigné par (GRAP) Groupe de Recherche en Pédagogie, (CLIL)
« Content and language integrated learning », le CLIL est un espace de recherche qui adopte la position de
l'enseignement-apprentissage d'une discipline dans une langue étrangère.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 64


« fonctionnel » va acquérir ses lettres de noblesse. L’approche fonctionnelle va pour
ainsi dire développer : « l’enseignement multi-média, l’apprentissage des langues par
les adultes, l’identification des besoins langagiers. » (Alvarez, 1981 : 33)
Porcher développe la même réflexion au sujet de cet enseignement dit
« fonctionnel », mais en introduisant la précision qu’il s’agit d’un
enseignement élaboré en conformité avec les « objectifs ainsi définis. » (Porcher,
1975). On l’aura donc compris, tout bon enseignement est fonctionnel, tout
enseignement qui ne s’inscrit pas sous cette étiquette à l’époque était voué à l’échec,
parce que c’est un enseignement « dysfonctionnel » ou du moins « non-fonctionnel ».
L’enseignement fonctionnel organise le contenu, non en matière de formes
linguistiques, comme le faisait la méthode structurale, mais en une série de fonctions
que les éléments linguistiques jouent dans une situation communicative (actes de
parole). En effet, le Conseil de l’Europe avait tôt établi un inventaire de compétences
linguistiques à maîtriser et à développer pour pouvoir utiliser de manière
opérationnelle la langue étrangère. Ainsi, la langue est découpée en une liste de
fonctions et de notions linguistiques et non plus en structures grammaticales, comme
le préconisait les démarches structurales ou l’exercice d’apprentissage de la langue se
réduit à des structures toutes faites que les apprenants répétaient, puis viennent des
exercices structuraux pour appuyer et consolider les éléments appris par une
pratique itérative d’un point de grammaire.
Pour cette question de « français fonctionnel », certains didacticiens refusent le statut
de discipline spécifique pour cette orientation à l’instar de Porcher et Lehman. Ce
dernier avance, en effet, que : « …l’expression français fonctionnel (…) n’a pas grand
sens en termes didactiques, contrairement à l’expression enseignement fonctionnel
du français : par-delà les différences de publics et de contenus, est fonctionnel tout
enseignement mettant en œuvre des pratiques qui sont en adéquation avec les
objectifs assignés (…) Il n’y a donc pas de langages, et encore moins de langues,
fonctionnels, mais des enseignements plus ou moins fonctionnels de tel ou tel aspect
langagier dans telle ou telle situation. » (Lehmann, 1993 : 99)
Cependant, sur le plan théorique, l’approche fonctionnelle a introduit la notion d’actes
de parole : « qui, pour beaucoup, devient l’élément caractéristique et définitoire de
l’approche fonctionnelle.» (Alvarez 1981 : 34 ).

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 65


L’impact de cette approche sur la didactique prend une dimension considérable dans
la mesure où elle ne révolutionne pas uniquement les pratiques de classe, mais va
jusqu’au renouvellement des méthodes de productions de manuel de langues et de
documents officiels et recommandations pédagogiques. De plus, le contenu même
des programmes ne sera fonctionnel que : « s’il est construit sur la base des
fonctions langagières, l’adéquation à la situation d’apprentissage et aux objectifs des
apprenants étant ainsi oblitérée. » (Alvarez, ibidem.)

3.1.2 Limites et critiques du Niveau seuil

D’abord le Niveau seuil est un répertoire linguistique, fruit de choix aléatoires et a


priori. Il est préparé de manière arbitraire et intuitive, comme le précise les auteurs
eux-mêmes dans la première page de leur présentation : « il ne découle pas d’une
analyse rigoureuse en langues vivantes et ne s’appuie pas non plus sur des enquêtes
sociolinguistiques qui enregistreraient l’utilisation que, dans telle ou telle
circonstance, des natifs font de leur langue. » (Niveau seuil, 1976)
L’ont sait tous que dans ce genre de situation le sort de l’outil didactique produit. Il
sera irrecevable et rejeté, et l’ont se demande même s’il valait la peine d’être
produit.
Un deuxième aspect a souvent été reproché au Niveau Seuil. Et a fait l’objet de
critiques les plus sévères. C’est la partie concernant les « actes de paroles », partie
qui laisse planer beaucoup de superficiel et d’artificiel. En effet, le répertoire des
« actes de parole » se présente comme un inventaire de phrases sans savoir celle
que l’on va utiliser et dans quelle contexte. Et comme le reconnait l’auteur de ce
chapitre lui-même, Martins-Baltar : « nous n’avons fait aucune tentative de
spécification des énoncés signalés… ». Ce qui pose un sérieux problème au praticien
au niveau de la délimitation des « actes de parole » et leur segmentation. De son
côté, Roulet souligne, dans sa présentation du Niveau Seuil insiste sur : « la capacité
de choisir, dans l’éventail des réalisations linguistiques, la forme la mieux adaptée à
l’intention du sujet parlant et à la situation constitue une prérogative essentielle, dont
on ne saurait priver l’adulte en langue seconde, sous prétexte de lui simplifier
l’apprentissage. » (ROULET, 1977 : 2)

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 66


Un troisième aspect problématique, dans l’optique d’une critique constructive de
nature à améliorer le modèle didactique, et qui sera pris en considération
ultérieurement, porte sur la prosodie. Cela, malgré le rôle décisif de l'intonation dans
l’élaboration des actes de parole (Coste et al, 1975). Effectivement, toute « la force
illocutionnaire d’un énoncé est régie par le phénomène de l’intonation » (Alvarez,
1981 : 34). Les exemples de l’influence des circonstances d’énonciation sur les
énoncés sont multiples, nous retenons l’exemple du « remerciement » donné par
Alvarez. En effet, on ne peut dire « merci » de façon absolue dans toutes les
circonstances. L’auteur du « Niveau seuil et enseignement fonctionnel du français »,
nous explique qu’avec une intonation particulière la réalisation de l’acte de parole
« merci » peut dans certain contexte particulier signifier le désagrément.
Malgré ces remarques et critiques, l’enseignement du français fonctionnel a rénové le
champ didactique du FLE. Les pratiques sur le terrain ont, certes, permis de s’arrêter
sur les difficultés et les limites du « modèle », mais c’est grâce aux efforts
gigantesques déployés que la didactique des langues a évolué pour ouvrir de
nouveaux horizons. Parmi les rénovations majeures qui ont marqué cette époque, et
par là toute l’histoire de la didactique de l’enseignement du français, nous retenons
les « approches communicatives ».

3.2 Les approches communicatives


3.2.1 Les approches communicatives, une évolution didactique

L’évolution des années 1980 a été marquée par les approches dites
«communicatives». Celles-ci ont amené une réorientation dans le domaine
didactique en se présentant comme une bouée de sauvetage. Comme nous l’avons
vu, plusieurs voix s’élevaient contre un enseignement de langues devenu stérile et
alourdi par un appareillage conceptuel et méthodologique de plus en plus encombrant
et désuet, car dans le cadre de cette approche : « il ne s’agit pas de s’attarder sur
des structures grammaticales à apprendre par cœur, mais avant tout sur le sens de
la communication. Une question posée par le professeur ne donnera pas lieu à une
seule et unique réponse contenant une structure syntaxique précise, mais laissera la
liberté à l'apprenant de choisir parmi une quantité de réponses possibles… » (Bailly et
Cohen, 2007)

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 67


L’approche communicative, ainsi nommée, a pour objectif de former des individus
capables de communiquer en langues étrangères. Développée en France à partir de
la fin des années 1970, en opposition aux méthodologies audio-orale et audio-
visuelle. Le terme d’«approches » est introduit pour des raisons de prudence et de
parti pris, pour une conception ouverte et souple sur les plans didactique et
pédagogique. La pertinence du mot approche est telle qu’il sera reconduit dans les
différents courants et méthodologies ultérieurs (approche actionnelle, par
compétences…).
Tout le monde n’apprend pas une langue pour en connaitre la grammaire et encore
moins découvrir sa littérature. L’acte de communication ne mobilise pas uniquement
le code linguistique, les règles sociales et culturelles sont aussi des paramètres qui
interviennent dans les échanges et les régissent. Ainsi, les approches communicatives
ont permis : « un tournant fondateur (…) au début des années 1980 grâce aux
propositions de D.Hymes, qui demandait de renverser l’analyse linguistique, en
s’intéressant justement aux performances réelles et variées des locuteurs ordinaires,
pour définir ce que pourrait être une véritable compétence de communication. »
(Springer, 1999 : 2)
Rappelons aussi, que le développement de ces approches s’effectue au moment où la
linguistique générative de Chomsky est en plein essor. Avec la précision que la
langue dans la théorie chomskyenne est conçue non comme outil de communication,
mais comme moyen d’expression de la pensée. Ce qui fait que l’influence de la
grammaire générativo-transformationnelle sur la didactique des langues était moins
explicite. En effet, l’auteur des Structures syntaxiques et Aspects de la theorie
syntaxique, introduit la dichotomie compétence/ performance. Ce qui pousse
l’ethnographe de la communication Hymes de réagir vigoureusement contre la non
prise en compte des facteurs sociaux et humains, et leur influence sur l’acte de
communication : « il ne s’agit pas simplement d’acquérir la compétence linguistique
en L2, mais aussi sa compétence communicative, c'est-à-dire les normes
contextuelles et situationnelles qui régissent concrètement les emplois en L2, qui leur
confèrent des fonctions communicatives réelles. » (Besse, 1985 : 48)

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 68


3.2.2 Les soubassements théoriques des approches communicatives

Les approches communicatives ont pour soubassements théoriques la linguistique


fonctionnelle. Le terme « fonctionnelle » est pris ici dans le sens de « fonctions du
langage ». Il renvoie aux concepts et aux théories mis en place par les philosophes
du langage (Austin, 1962), (Grice, 1979), (Searle, 1972). En effet, la linguistique
fonctionnelle comme le soutient Courtillon : « décrit le langage comme un moyen de
communication permettant d’agir socialement … ». Le langage est perçu dans cette
perspective comme : «l’outil qui permet à l’homme de comprendre le monde pour le
décrire. » (Courtillon, 2006 : 13)
Dans le domaine de la linguistique fonctionnelle, le langage est considéré comme
« un moyen de communication qui permet d’agir socialement». De ce fait, la parole
n’est pas seulement un instrument d’exprimer la pensée, mais elle permet de
transmettre un message pour pousser le récepteur à agir et réagir socialement. Nous
allons voir que cette dimension d’ « agir socialement » sera au centre de la pensée
didactique instituée par le Cadre Européen Commun de Référence en Langues
(CECRL).
Dans l’exemple qui suit emprunté à Courtillon dans (Courtillon, 2006) :
« Vous me taperez cette lettre en trois exemplaires, s’il vous plait. » le locuteur
donne un ordre. « Ce qui est possible s’il a le statut pour le faire ». De plus, son
attitude marque la distance avec son interlocuteur parce qu’il aurait pu dire dans un
autre contexte : « Sylvie, tu me tapes cette lettre, s’il te plait, merci. »
Ce dernier énoncé est plus « amical » par l’emploi de « tu », la distance est pour
ainsi dire supprimée. Les enjeux mobilisés pour comprendre ce message relèvent
d’une compétence « communicative ». En effet, une « compétence linguistique »
nous permet de voir dans le message «un ordre » ; alors que cette simple
compétence linguistique ne « [nous] permet pas de connaitre les règles d’usage dans
une société donnée ». (Courtillon, 2006 : 15)
Les approches communicatives constituent un aboutissement des démarches du
« fonctionnel » ou « notionnel fonctionnel », au point même que certains auteurs
considèrent que « fonctionnel », « notionnel fonctionnel » et « communicatif »
recèlent la même réalité. Ce qui n’est pas judicieux, à notre sens, étant donné que

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 69


les approches communicatives constituent un dépassement des deux autres, et les
didacticiens français de : « s’accorder pour laisser tomber « fonctionnel »,
« notionnel »… et les autres, au profit de « communicatif » qui, provoquant moins de
rupture, jouit d’une vocation « œcuménique ». Tout paraît indiquer que le chapeau
« communicatif » est le plus large et plus seyant. » (Coste, 1980 : 30)
Par ailleurs, la prise en compte des concepts « notionnel » et « fonctionnel » ou
« notion » et « fonction » par les approches communicatives est capitale. Selon
Courtillon la « fonction » est d’ordre « pragmatique » alors que la « notion » relève
du domaine « sémantique ». La première décrit l’action accomplie par l’interlocuteur.
La seconde donne une idée sur le sens exprimé. En un mot, la « fonction » nous
renseigne sur ce que fait le destinateur d’un message, quand il le produit dans une
situation de communication donnée. Alors que la «notion » décrit « en métalangage »
ce qui est « derrière les mots » et entre les lignes.

3.2.3 De la rénovation des curricula et des méthodes

Nous pouvons considérer que l’approche communicative comme une réflexion


générale sur la langue. Probablement, cela est dû à l’enjeu double de cette
approche : linguistique et politique. Cet enjeu influence les choix des contenus
proposés et les méthodologies poursuivies. Elle a pour but de « faciliter la mobilité
des hommes et leur intégration dans les sociétés dites d’accueil. » (Martinez, 1996 :
82)
Dans les pratiques de classes cela se traduit par un passage des exercices portant sur
la grammaire et le lexique à la mise en œuvre de situations de communication qui
renvoient au monde extérieur. Désormais l’on n’apprend plus la langue « on apprend
la communication. » (Hymes, 1984)
Les programmes et les curricula se basent sur une progression qui fait principalement
appel à la grammaire, dans le cadre des méthodes traditionnelles ; alors que dans le
cadre de l’approche communicative, il est beaucoup plus question d’une progression
basée sur une succession de situations de communication, utilisées pour le
développement de la compétence communicative. Celle-ci relève de différents ordres
et comprend quatre composantes de base qui sont : la composante linguistique,
discursive, référentielle et socioculturelle (Moirand, 1982).

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 70


Les exercices de réemploi (libre ou semi-dirigé) de structures et de mémorisation
cèdent devant les activités sur des énoncés linguistiques et communicatifs appropriés
aux situations évoquées. Parmi les critiques qui ont été adressées aux méthodologies
structurales et structuro-situationnelles et que les (AC) vont prendre en
considération, nous pouvons retenir que :
- Ces méthodologies décrivent la langue en tant que système et non
pas son utilisation,
- Elles prennent en considération les structures phrastiques
indépendamment du contexte et de manière abstraite, autrement
dit, elles négligent le texte et le dialogue.
- Les énoncés linguistiques étudiés sont invraisemblables et coupés
de la réalité quotidienne.
- etc.

C’est en cette période que vont apparaitre les référentiels de langues pour répondre
aux objectifs assignés au cours de langue et aux orientations officielles. Les
approches communicatives vont, pour ainsi dire, marquer un tournant décisif dans
l’histoire de la didactique des langues. En introduisant la notion de compétences à
développer à savoir « la compétence orale », « la compétence écrite » entre autres,
et surtout la mise en application de ces compétences dans les manuels de langue et
les pratiques de classe les (AC) vont inspirer, et ce pour longtemps, d’autres
méthodes didactiques.

3.3 Français sur objectif spécifique ou français de spécialité ?


Le champ didactique connait un éventail de concepts, de théories et de
méthodologies. La didactique des langues, notamment la didactique du FLE
n’échappe nullement à cette tendance. A cet égard, il est tout à fait légitime de
s’interroger sur le type d’enseignement qui est transmis dans le cadre du module
(LC). S’agit-il d’un enseignement sur objectif spécifiques (FOS) ou universitaires
(FOU) ? Ou d’un enseignement du français langue de spécialité ?
En fait, dans différentes situations d’échanges de propos ou de réflexions sur le bien
fondé du Module (LC), toutes ces catégorisations sont utilisées, pour mettre sous la
même bannière des réalités différentes. En effet, derrière chaque appellation se

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 71


dessine en filigrane une théorie didactique différente. Dans son article intitulé
« Français de spécialité ou Français sur objectif spécifique : deux démarches
distinctes », Jean-Marc Mangiante introduit une distinction capitale entre deux
démarches nettement différentes. Pour ce didacticien, « Français sur objectif
spécifique » et « Français de spécialité » sont « deux démarches particulières
d’enseignement/apprentissage du français langue étrangère ». Il situe la différence
entre ces deux orientations au niveau de « la démarche didactique de l’enseignant ».

3.3.1 Le français de spécialité

Cette désignation, nous met face à une réalité spéciale de l’enseignement de la


langue. Enseigner le français juridique ou économique dans une faculté de Droit ou le
français scientifique à des étudiants de la faculté des Sciences relève du français de
spécialité. Sur le plan institutionnel, cette précision est capitale. En effet, il s’agit ici
d’une cohérence qui met en jeu le type d’enseignement à envisager ainsi que les
démarches didactiques et académiques à adopter, comme le précise de manière
judicieuse Mangiante :
« Le français de spécialité relèvera d’une démarche de projection de l’enseignant ou
de l’institution d’enseignement, centres de langue, institut français sur les besoins
langagiers propres à la pratique d’une profession ou d’une activité spécialisée.
Enseigner le français scientifique dans une université scientifique ou le français
commercial dans une filière économique relèvent de cette démarche.» (Mangiante,
2006 : 38)
Le principal trait de distinction de cette tendance actuelle de la didactique du français
à l’université réside dans « l’utilisation par des locuteurs spécialistes dans certaines
circonstances de leur vie, et qui en font une utilisation, un usage spécifique dans le
cadre d’une communication spécialisée » (Mangiante, 2006 : 137). Il s’agit de la
production de discours spécialisés pour développer des stratégies d’apprentissage
appropriées.
La question de stratégies d’apprentissage constitue pour ainsi dire un credo important
dans le cadre de la langue de spécialité. Partant du postulat de base que la langue de
spécialité répond à un objectif principal à savoir la compréhension des cours
universitaires et arriver à poursuivre aisément les discours académiques. Cette

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 72


stratégie permet de développer des habiletés pour faire face aux exigences de la
formation universitaire. Formation axée essentiellement sur les activités de lecture et
écriture, mais aussi, celles liées à la compréhension, prise de notes, analyses,
synthèses et commentaires dans différentes situations (cours magistraux,
conférences, travaux pratiques et dirigés, supports écrits spécialisés …).
Ceci dit, l’ensemble de ces considérations participe à la mise en œuvre d’une
compétence linguistique et communicative. L’essentiel de la formation universitaire
cible les deux composantes de la langue (l’écrit et l’oral), le français de spécialité
introduit un équilibre à ce niveau, puisqu’il participe à la mise en place d’un système
d’enseignement des langues efficace et répondant à une demande universitaire de
plus en plus exigeante en matière de langues. Cependant, quand cette demande
émane d’un public particulier, la démarche qui sera poursuivie est celle du français
sur objectif spécifique (FOS). Le français de spécialité ne concerne pas un public
particulier, mais un (ou des) domaine(s) d’étude lié(s) à la vie pratique. Il ne
concerne pas un public d’apprenants, ni même la langue en elle-même, mais la
manière d’envisager l’enseignement/apprentissage de cette langue, c’est à dire
l’ensemble des discours du domaine spécifique en question. Bref, le congrès en 2010
de la SAES à Lille a proposé la définition suivante de la « langue de spécialité» :
« Une langue de spécialité est l’expression d’un domaine spécialisé dans une
langue. » (SAES, 2011 : 3)
Dans la même perspective, Ross Charnock propose cette définition « On parle de
langue de spécialité lorsqu'il s'agit de se servir d'une langue naturelle (la langue de
référence) pour rendre compte de connaissances particulières.», avant d’ajouter la
précision suivante : « Les langues de spécialité semblent fonctionner non pas comme
des langues autonomes, ayant chacune ses caractéristiques spécifiques, mais comme
des fragments ou des sous-ensembles de la langue naturelle. » (Charnock, 1999 : 2)

3.1.1.1 Langue de spécialité ou langue spécifique ou encore spéciale ?

Cette diversification terminologique ne signifie pas que la didactique des langues ne


fonctionne pas, au contraire elle a évolué, et ce de manière significative dans le
domaine de l’enseignement des langues vivantes.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 73


Les distinctions proposées correspondent à différentes manières de conceptualisation
de ce que l’on appelle « langue spécialisée » dans son rapport avec la
langue « générale ». En effet, les appellations « langue spéciale ou spécifique »,
langue / langage « spécialisé(e) » ou langue/langage « sectoriel(le) » ou encore
langue scientifique et professionnelle…, autant d’appellations disons-nous, peuvent
être prises, sur le plan synonymique comme des termes qui correspondent à des
concepts particuliers.
La langue de spécialité ou la langue naturelle spécialisée est généralement définie
comme un sous-système linguistique. Nous pouvons lire cela dans la précision
qu’introduit la norme ISO 1087 pour qui la langue de spécialité est un : « sous-
système linguistique qui utilise une terminologie et d’autres moyens linguistiques et
qui vise la non-ambiguïté de la communication dans un domaine particulier». De
cette définition se dégage deux principaux traits marquants de la langue de
spécialité. Il s’agit en cela de la composante lexicale et terminologique, mettant en
relief, d’une part, le fait d’appartenir à un domaine disciplinaire précis. Et d’autre
part, elle souligne les aspects retenus de la langue usuelle et les ressources retenues
et mises à la disposition de l’usager afin de comprendre et produire des contenus en
langue étrangère spécialisée. Cependant, la langue de spécialité ne saurait se réduire
à une simple question de terminologie. :
« Une langue spécialisée ne se réduit pas à une terminologie : elle utilise des
dénominations spécialisées (les termes), y compris des symboles non linguistiques,
dans des énoncés mobilisant les ressources ordinaires d’une langue donnée. On peut
donc la définir comme l’usage d’une langue naturelle pour rendre compte
techniquement de connaissances spécialisées. » (Lerat, 1995 : 21)

3.3.1.2 Langue de spécialité « hautement spécialisée » et langue à


caractéristiques formelles

Plusieurs chercheurs et spécialistes refusent également l’idée d’une langue particulière,


entièrement autonome et indépendante de la langue générale qui l’a produite (Lerat,
1994 ; Durieux, 1997 ; Kocourek, 1991). En effet, Le discours qui mobilise les langues de
spécialité a pour mission la transmission des savoirs disciplinaires et toute la pertinence
est à orienter vers les enjeux qu’il utilise pour analyser comment : « la langue de

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 74


spécialité exploite les multiples ressources de la langue générale. » (Kocourek, 1991 :
25). De plus, l’idée du sous-ensemble dans laquelle se conforte les chercheurs est
pratiquement rejetée par Durieux pour qui : « ni la langue usuelle, ni les langues de
spécialité ne sont des ensembles homogènes bien délimités. Dans chacun d’eux, il existe
plusieurs niveaux et registres.» (Durieux, 1997 : 91)
Sans entrer dans les détails des nuances de sens que revêt chaque concept, ces
différentes appellations référent à l’objet de la didactique pour des fins techniques et
professionnelles. Cet objet relève bien du domaine de « langues de spécialité ». En effet,
comme l’explique pertinemment Sobrero, dans son « Introduction à l’italien
contemporain »26, il faut distinguer les langues spécialisées, comme langues
« hautement formalisées », par exemple la langue de la médecine, de l’informatique, etc.
des autres langues qui sont beaucoup plus proches de la langue générale, aux points de
vue formel et structurel comme les langues « poétique et publicitaire », à titre
d’indication. Pour ce dernier cas de figure, Sobrero préfère parler de « langue
sectorielle ».
La didactique des langues se heurte souvent à ce genre de situation marquée par un
foisonnement conceptuel et terminologique, et qui est toujours un signe
d’enrichissement. En effet, la didactique des langues atteste d’un éventail de noms pour
mettre dedans un ensemble de propositions didactiques. Les distinctions établies tracent
des lignes de démarcation sectorielles, correspondant à des méthodologies particulières,
ayant marqué les différentes étapes de la didactique du FLE.

3.3.1.3 Aperçu schématique des méthodologies didactiques

Certaines méthodologies didactiques sont dépassées aujourd’hui, pourtant rien ne nous


empêche de les rappeler. Nous reprenons le tableau synoptique qui retrace l’ensemble
des évolutions didactiques signalées (tableau 1 ci-joint, emprunté à Sowa et Gajweska,
2014).

26 Introduzione all’italiano contemporaneo La variazone e gli usi, Roma-Bari :Laterza, 2002.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 75


Appellation Période Compétences Public Supports Méthodologie Objectif
visées didactique prioritaire
Compétence de documents approche La
communication communicative communication
Français sur 1980 Professionnels authentiques
(souvent partielle) basée sur => parler avec
Objectif(s)
focalisée sur les ou semi- l’analyse des => agir sur
Spécifique(s) (FOS)
besoins immédiats liés situations de
authentiques
au métier exercé ou au communication
poste occupé professionnelle
et « pédagogie du
projet »
Français de compétence de publics en documents approche la
communication cours de authentiques ou communicative communication
spécialité
propre à un domaine spécialisation semi- basée sur l’analyse => parler avec
=> agir sur
(FS) 1990 de spécialité ou authentiques du discours
professionnels

Français de la Compétence de Etudiants en Documents approche la


communication et voie de authentiques ou communicative et communicatio
communication
résolution des tâches professionnalisa semi- post-communicative n et l’action
professionnelle/ tion, personnes
2000 professionnelles quel authentiques => parler avec
de reconversion
Français à visée que soit le travail => agir avec
professionnelle
professionnelle exercé

Compétences Personnes qui documents approche post- la


langagières exercent leur authentiques ou communicative (avec communication
subordonnées à la travail semi-authentiques les apports d’autres et l’action
Français Langue
logique de la branche entièrement en disciplines : => parler avec
2006
Professionnelle professionnelle et/ou le français sociologie, => agir avec
métier ethnographie,
pragmatique, etc.)

Français Langue compétences documents perspective l’action


permettant de uniquement authentiques ou actionnelle => agir avec
d’Action 2008 travailler avec d’autres public FLE ou FLS semi-authentiques
dans un milieu
Professionnelle
professionnel

Tableau 1 – Evolution des méthodologies didactiques

Cette nomenclature traduit le souci de précision méthodologique et épistémologique de


la part des chercheurs afin de forger pour chaque situation d’apprentissage des langues,
le cadre théorique adéquat. Ce même souci nous anime quant à la situation
d’enseignement du français à l’université.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 76


3.3.2 Le français de spécialité et le rôle de l’enseignant

Le rôle de l’enseignant est incontournable et rien ne peut le remplacer. Dans


l’enseignement d’une langue de spécialité, il l’est encore davantage. Buhlmann et
Fearns, consacrent dans leur ouvrage Manuel de l’enseignement de la langue de
spécialité (Handbuch Fachsprachenunterrichts…)27, tout un chapitre à la situation et au
rôle de l’enseignant dans le domaine de la langue de spécialité. Ce qui est à notre sens
judicieux et prégnant, car l’enseignant est souvent voué à : « un enseignement pour
lequel il n’a en règle générale pas été expressément formé. » (Buhlmann et Fearns : 15)
Dans le même sillage d’idées concernant le profil de l’enseignant, ils ajoutent que celui-
ci : « […] ne possède souvent pas de compétence spécialisée dans la matière dont il
enseigne la langue ».
Est-ce à dire que l’enseignant doit être un spécialiste pour enseigner une langue de
spécialité ? Pour les auteurs allemands, enseigner une langue de spécialité n’impose pas
un pré-requis de spécialiste, car la situation de l’enseignant de la langue de spécialité est
celle de l’enseignant de langue et non de l’expert ou du spécialiste. L’action pédagogique
qu’il entreprend porte essentiellement sur les habiletés linguistiques, les tâches
communicatives à effectuer et non sur le contenu disciplinaire. Ce dernier n’est qu’un
prétexte pour s’imprégner des formes de représentations des textes de spécialités. Dans
ce contexte précis de formation, l’apprenant fait office de spécialiste en matière de
contenus spécialisés, et pour Buhlmann et Fearns : « un seul spécialiste suffit : si
l’apprenant est compétent en la matière, il n’est pas nécessaire que l’enseignant le soit »
(ibidem.). Bref, il faudrait souligner que dans de la langue de spécialité celle-ci : « n’est
pas un moyen, elle est le but ».

3.3.3 Le français sur objectifs spécifiques

La démarche du français sur objectifs spécifiques (FOS) retrace en quelque sorte ce qui
se passe en français de spécialité. S’il y a des points communs entre les deux démarches

27
L’ouvrage écrit en allemand porte le titre original de « Handbuch DES Fachsprachenunterrichts»

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 77


d’autres points de divergence sont apparents. C’est sur ces points de distinctions que
nous focalisons notre attention.
La démarche (FOS) présuppose une demande de formation ponctuelle, précise et limitée
à un public donné, dans un endroit précis et pour une durée limitée. Rappelons que dans
son étude comparée des deux démarches Mangiante introduit la précision suivante :
« [la démarche] FOS se limitera à celle d’un public donné et sortira parfois de leur
domaine de spécialité pour couvrir des situations de communication extérieures a la
disciplines mais que ce public sera à même de rencontrer dans le cadre du projet qui est
à l’origine de sa demande de formation linguistique » (Mangiante, 2006 : 139).
De plus, Mangiante propose les étapes fondamentales qui sont à la base de toute
démarche FOS. Nous focaliserons sur trois principales étapes que nous présentons de la
manière qui suit :
a) L’identification de la demande

C’est une étape décisive quant au déroulement de la formation. Elle se caractérise par la
précision, même si la demande de formation ne l’est pas comme le souligne ce
didacticien : « elle peut être précise, floue ou même absente. »
b) L’analyse des besoins

C’est une étape qui ne manque pas aussi d’importance dans la mesure où elle tient à
mettre en concordance les contenus de la formation et les attentes du public,
émanant des difficultés du terrain. Dans les conditions didactiques adéquates, c’est le
cas de figure qui favorise une formation judicieuse et qui peut même atteindre un
degré de satisfaction global. Cependant, dans la majorité des cas, c’est l’enseignant
qui « émet des hypothèses sur les situations communicatives auxquelles les
apprenants seront confrontées» avec la précision que cette analyse des besoins peut
s’effectuer elle-même en trois sous-étapes :
- L’expérience personnelle du formateur, avec la prise en compte de ses
interactions avec son milieu,
- Le questionnement de l’apprenant, ici on fait appel au bon sens du
formateur et sa capacité de détecter les besoins réels des apprenants,
- Le contact direct avec les milieux professionnels. Cette phase est en lien
étroit avec la première. Elle est la résultante d’un travail de longue haleine.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 78


N.B : Le rapport qu’entretiennent ses trois sous-étapes est dialectique comme le sont
d’ailleurs les étapes fondamentales. Et c’est cette cohérence d’ensemble qui permet la
pertinence dans la formulation des hypothèses, et leur adéquation avec les attentes du
public. De plus, l’analyse des besoins est « évolutive », car il est inconcevable d’élaborer
un répertoire de situations figées, fourre tout, et le mettre à la disposition de tous les
publics.
c) Le recueil des données : cette étape revêt un intérêt particulier, non seulement elle
complète les autres étapes, mais elle requiert de la part de l’enseignant plus
d’investissement dans le domaine de spécialité. L’implication dans le domaine des
apprenants permet de s’arrêter sur les types discursifs envisagés.

3.3.3.1 La compétence FOS

Ainsi, la compétence introduite par le FOS est de type « transversal ». L’accent est mis
plus sur des objectifs spécifiques que sur une orientation disciplinaire donnée. Pour
illustrer le propos, retenons le cas des formations linguistiques pour des publics non
francophones. En effet, dans ces cas précis plusieurs spécialités peuvent être en place, le
point commun étant le type de compétences académiques à acquérir à savoir les
« compétences transversales » signalées auparavant. Contrairement, à la démarche
« langue de spécialité » ou l’accent est mis sur « une spécialité » donnée ou une
« branche d'activité professionnelle », la compétence ciblée, entre autres, est de type
disciplinaire. La réforme universitaire de 2009, notamment le programme d’Urgence
(PU), a introduit une nouvelle génération d’éléments de module.
- La compétence FOS dans le module (MTU) :

Le module (LCT) a connu un nouvel essor avec le Programme d’Urgence (PU), l’élément
de module : « Méthodologie de travail universitaire » (MTU) s’inscrit justement dans la
vision et la stratégie de développement de compétences transversales chez l’étudiant.
Rien qu’un simple coup d’œil jeté sur le descriptif de cet élément de module, nous
montre l’intérêt pédagogique et académique des objectifs qui ont été assignés à ce
cours, proposé à tous les étudiants de la première année, au titre de l’année
universitaire 2010/2011, toutes filières confondues. Parmi les innovations introduites par
l’élément du module « Méthodologie de Travail Universitaire (MTU) », nous citons à titre

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 79


d’indications (la lecture méthodique et interactive, l’élaboration d’écrit de type
universitaire (compte-rendu et rapport, la gestion du temps…).
Cependant, l’opérationnalisation des axes et des contenus de cet élément de module
s’est heurtée à des difficultés et des obstacles soulevés au sein des départements. En
effet, dans les facultés de Droit par exemple, des voix s’élevaient stipulant que les
contenus de cet élément de module relèvent bien du champ de compétence de
l’enseignant de spécialité et non de l’enseignant de langue. Cette méconnaissance de la
nature de l’élément du module (MTU) et cette-non prise en considération de ses enjeux
transversaux ont noyé le dit module dans des considérations extra-pédagogiques, alors
que l’essentiel n’a pas été fait.

3.3.3.2 FOS ou langue de spécialité ?

Schématiquement, et pour revenir à la question capitale de distinction entre « Français


de spécialité » et « français sur objectif spécifique », l’on peut dire que le FOS répond à
une logique de la «demande» alors que le « français de spécialité » s’inscrit
volontairement dans la logique de l’« offre ». En effet, dans le premier cas de figure,
c'est-à-dire dans la démarche FOS, le programme de formation linguistique, comme le
précise Mangiante, « se focalise sur un public spécifique d’apprenants, et nécessite pour
être conçu, une connaissance préalable détaillée d’une demande précise de
formation » (c’est nous qui soulignons)28 (Mangiante, 2006 : 138). Ce qui introduit une
caractéristique majeure dans le domaine de la didactique des langues. Les outils
linguistiques, les programmes ainsi que les contenus sont incessamment actualisés,
adaptés à des besoins spécifiques et à des modes en vigueur. Le principe de base de
l’action pédagogique universitaire est fonction de « projet[s] de formation » à déterminer
chaque fois en fonction « de la constitution d’un groupe d’apprenants homogène dans
son objectif d’apprentissage… ».
Cependant, les différents intervenants dans le cadre de la formation universitaire sont en
quelque sorte des « agents essentiellement rationnels », ils œuvrent dans le sens

28
Nous pouvons lire ici dans les propos de Mangiante que la démarche FOS inscrit le processus d’enseignement et
de formation en langue dans la logique de la demande, contrairement aux orientations de la langue de spécialité qui
obéissent à la logique de l’offre. Cela nous aidera énormément à lever l’ambigüité et les imprécisions
méthodologique et terminologique qui se généralisent aujourd’hui.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 80


d’optimiser les ressources, de « minimiser » les coûts et les charges tout en affichant la
volonté de « maximiser » les résultats et les ‘‘performances’’ comme le stipule la théorie
économique.

3.3.3.3 Publics spécifiques

La réflexion sur le FOS est intimement liée à « l’analyse des besoins », qui fait
explicitement référence aux situations professionnelles précises et ciblées des
apprenants. L’appellation « public spécifique » indique que ce sont parfois les publics, et
non plus directement leurs objectifs supposés ou assignés, qui définissent le champ. Le
« public spécifique » est généralement composé d’individus appartenant à des
communautés scientifique, technique et professionnel (Lehmann, 1993), auxquels on
« adjoint depuis quelques années les étudiants étrangers » (Mangiante et Parpette 2004)
qui ont, eux aussi, des objectifs spécifiques dans leur apprentissage du français.
Une des spécificités de ces publics, indépendamment de leurs objectifs en termes de
compétences langagières visées, sont les implications politiques, institutionnelles,
économiques des programmes qui leur sont consacrés.
De plus, des études ont élargi un peu le champ du FOS pour couvrir aussi des publics
dits généraux. Autrement dit, ce sont des professionnels provenant de divers domaines
et ne disposant pas de temps suffisant pour atteindre les objectifs d’apprentissage. Le
facteur temporel et l’hétérogénéité du public constituent les points d’achoppement de ce
genre de programmes, caractérisés aussi par une insuffisance en matière d’approche,
(pour une synthèse des critiques, voir (Lehmann, 1983).

3.3.4 La théorie des besoins

La théorie des besoins naît en réaction aux approches qui considèrent la définition des
contenus d’apprentissage comme la base de tout enseignement. Les méthodes dites
traditionnelles, c'est-à-dire celles qui consistent à donner des « connaissances sur la
langue » dans le but que l’étudiant les applique « en situation de communication » se
sont révélées très tôt insuffisantes et inefficaces. Les écarts entre les exigences de la vie
en perpétuelle mouvance et les contenus proposés s’avèrent considérables. Dans ce
contexte en constante évolution, les méthodes les plus innovantes seront vouées à

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 81


l’échec, si elles ne prennent pas en considération la notion de besoin comme le souligne
Richterich :
« Les théories et modèles linguistiques, sociolinguistiques, pragma-linguistiques et
autres qui sont actuellement utilisés de façon plus ou moins respectueuse pour définir
des contenus n’entraînent pas nécessairement une didactique correspondante, et l’on
peut très bien enseigner des actes de parole, des fonctions et des notions, des
interactions conversationnelles par des activités de type explicatif qui n’ont rien à envier
à l’enseignement des règles de la grammaire traditionnelle ni à la classique explication et
analyse de texte » (Richterich, 1985 : 9).
En FOS comme en « Français de spécialité », la pierre angulaire dans le processus
d’enseignement/apprentissage ne concerne pas les contenus, même si ceux-ci doivent
être minutieusement conçus et choisis, mais « les situations authentiques de
communication hors de la salle de classe ». Cela induit une pédagogie « actionnelle » et
« par tâches », initiée par le Cadre (CECRL) et développée par les équipes de recherches
universitaires à l’échelon international. Cependant, s’il semble possible d’identifier, au
cas par cas, et de décrire ces situations dans le cadre de la démarche « FOS », cette
même tâche relève presque de l’impossible dans la démarche du «français de spécialité»
préconisée dans le milieu universitaire qui fait face à un public de plus en plus massif,
ces derniers temps. Nous avons réservé toute la troisième partie de notre thèse pour
étudier sur le terrain cette question et faire la part de solutions pratiques et plausibles.

3.3.4.1 Qu’est qu’un besoin ?

Le « Besoin » est une notion clé en didactique des langues. Pourtant, elle n’a pas été
bien reçue au début des années 1980, et a fait même l’objet de critiques sévères.
Probablement, parce qu’elle est proche d’autres notions dont il est parfois difficile de la
distinguer : motivation, demande, attente, désir, intérêt. Elle est aussi largement liée à
la notion d’objectif, avec laquelle elle entretient un rapport étroit et indissociable selon
René Richterich, l’un des didacticiens à avoir consacré des travaux entiers à cette notion
en pédagogie et didactique des langues.
Avant de passer en revue les différents aspects que revêt la notion de besoin en
didactique des langues dans la perspective de la didactique des langues, nous faisons

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 82


appel à Maslow et sa célèbre « pyramide des besoins » ayant un impact considérable
dans différents domaines des sciences économiques et sociales.

Besoins
d ’accomplissement

Besoins d ’estime
(reconnaissance, statut

Besoins
d’appartenance

Besoins de sécurité (abri,


protection)

Besoins physiologiques

Figure 1 : la pyramide de Maslow (hiérarchisation des besoins)

Le retentissement de la pyramide de la hiérarchisation des besoins, relève non


seulement d’une vision novatrice et stratégique, c’est à dire le fait de hiérarchiser
les besoins pour mieux les comprendre, mais aussi de la capacité d’approcher la
notion de besoin sous différents aspects et en introduisant des niveaux multiples
comme le présente le schéma suivant :

NIVEAU SOCIO-CULTUREL
Classe Sociale, Style de Vie,
Culture

NIVEAU INTERPERSONNEL
Groupes de référence,
Leaders d’opinion

NIVEAU INDIVIDUEL
Besoins, Perceptions
Attitudes

Figure 2 : les besoins et la notion de niveau.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 83


En matière de didactique, Richterich propose une panoplie de définitions du
« Besoin » en le reliant à un «Etat de manque, d’insatisfaction, de déséquilibre »
par opposition à ce qui n’est pas besoin, c'est-à-dire « Etat de satisfaction,
d’équilibre, d’apaisement » et s’apparente à une « … force qui pousse à agir pour
changer un état en un autre ». De même, le besoin traduit une « tension entre deux
états » et constitue une sorte de « prise de conscience d’un état présent comparé à un
état futur». D’autres auteurs vont adopter la même vision à l’égard du besoin qui est :
« [un] état objectif de déséquilibre d’un organisme par rapport à son environnement :
chez les animaux supérieurs cet état conduit à la recherche d’un nouvel équilibre au
moyen d’une activité provoquée par une motivation » (Le Ny, 1972 : 184). De même,
pour Rousson et Boudineau, le besoin peut être considéré comme « l’expression d’un
projet (réaliste ou non ; explicite ou implicite) d’un agent social (individuel ou collectif)
par rapport à une nécessité née de la relation de l’agent au champ social. Ce projet peut
être onéreux ou en contradiction avec d’autres projets. » (Rousson et Boudineau 1977 :
2)
Autant de considérations d’ordre général qui vont pousser les spécialistes à mettre en
avant le concept plus spécifique par rapport au domaine d’apprentissage des langues et
de la didactique des langues et des cultures, à savoir le concept de « Besoin langagier ».

3.3.4.2 Besoin langagier et complexités du terrain

Apparue au tout début des années 1970, cette appellation a d’abord été utilisée comme
équivalent, plus ou moins approximatif, de la notion de situation. Richterich avait osé en
1973, dans le cadre du comité de l’éducation extrascolaire et du développement culturel,
du Conseil de l’Europe, faire la proposition de définition suivante : « analyser des besoins
langagiers consistera donc à essayer de découvrir et de décrire ce qui manque a un
individu ou groupe d’individus pour atteindre, au moyen du langage, les objectifs qu’ils
se seront fixés pour maîtriser la situation dans laquelle ils se trouveront» (Richterich,
1985 : 4). C’est par le moyen de l’analyse que le « besoin langagier » entre en
adéquation avec la « situation » pour former deux composantes à savoir : « la situation
et les opérations ou objectifs langagiers. ». Remarquons, ici, que le concept de
« besoin langagier » est mis sur le même pied d’égalité que « situation ».

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 84


Avec la politique de généralisation de l’éducation et de l’enseignement ainsi que la
démocratisation du fait d’apprentissage, l’université marocaine ouvre ses portes, cette
dernière décennie à des lycéens ayant de plus en plus accès à l’enseignement supérieur.
Ce public nombreux pose des défis d’ordre matériel et logistique certes, mais les enjeux
d’ordre didactique et méthodologiques sont décisifs pour répondre de manière efficace à
ces nouveaux besoins et demandes en matière d’enseignement de langues. Ces
nouvelles exigences nécessitent des innovations à introduire au niveau des « modalités
d’accès à la langue » et le changement de paradigme dans le cadre du processus
d’enseignement/apprentissage en cherchant à autonomiser l’apprenant et le pousser à
développer ses stratégies d’apprentissage. Parmi ces orientations et ces stratégies, nous
allons nous arrêter sur celles développées dans le cadre du secteur LANSAD.

3.4 Le secteur LANSAD et le français à l’université


L’appellation LANSAD est l’acronyme de (LANgues pour les Spécialistes des Autres
Disciplines). Il s’agit d’un secteur qui a vu le jour, il y a une trentaine d’années et qui
s’intéresse à la question de l’enseignement des langues au niveau des universités en
France. Evidemment, il y a d’autres orientations et d’autres structures qui partagent le
même souci et les mêmes intérêts pour cet enseignement, comme le réseau RANACLES
(Rassemblement National des Centres de Langues de l'Enseignement Supérieur).
Le public LANSAD est constitué de l’ensemble des étudiants des filières « d’autres
disciplines », généralement ceux des établissements de l’enseignement supérieur
commercial, scientifique et technique et qui suivent des cours de langue anglaise
« anglais pour les non-spécialistes ». Cependant, la composition de ce public n’a pas été
prise en compte par la communauté des chercheurs. L’objet de l’enseignement LANSAD
n’attire guère la curiosité scientifique des spécialistes, alors que de nouveaux défis liés
au contexte de cet enseignement, à ses méthodologies préconisées et à ses spécificités
amorcent les prémisses de la constitution d’une nouvelle discipline à même de prendre
en charge tout le secteur. Ce n’est que vers le milieu des années soixante dix que des
chercheurs comme Michel Perrin, Francis Costa, Michèle Rivas, entre autres, ont été
attentifs à la formation d’un domaine didactique nouveau.
Au départ, les travaux liés au domaine de l’enseignement de l’anglais avec les
publications du groupe GERAS (groupe d’Etudes et de Recherches en Anglais de

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 85


spécialité) ont été attentifs à la question. Ensuite, et plus récemment d’autres groupes se
formaient, au tour des spécificités des publics de langues étrangères, notamment, le
GERES et le GERLAS, respectivement (Groupe d’Etudes et de Recherches en Espagnol de
Spécialité) et (Groupe d’Etudes et de Recherches en Allemand Langue de Spécialité). Ces
travaux, en particulier ceux de l’anglais ont été précurseurs en la matière et vont
influencer dans une large mesure l’approche de l’enseignement des langues à l’université
pendant les trois dernières décennies. Les changements introduits touchent dans le fond
les méthodologies de l’enseignement des langues pour les étudiants des filières d’autres
spécialités.
Le secteur LANSAD a pris appui également sur le courant ESP (English for specific
Purposes), courant largement développé pendant les années 1970 également, pour
identifier l’objet d’études « langue pour les spécialistes des autres disciplines » ou « pour
non spécialistes ». En un mot, ce secteur a œuvré, autant que faire se peut, afin d’ancrer
l’enseignement de la langue de spécialité : « dans une activité de recherche spécifique et
d’en faire un champ universitaire à part entière, aux côtés de la littérature, de la
civilisation ou de la linguistique, la didactique constituant, quant à elle, un axe
transversal, dans une discipline en pleine évolution » (SAES, 2011 : 1).

3.5 Le secteur LANSAD et la didactique de la langue de spécialité


Ayant porté l’analyse et la réflexion sur chacune de ces deux notions, il s’agit maintenant
de les mettre en corrélation. En effet, le rapport « langue de spécialité / secteur
LANSAD » s’impose par la nature des choses. L’on a souvent tendance à confondre les
deux notions, alors que les frontières entre les domaines sont claires. Le secteur LANSAD
a tendance à s’occuper des formations universitaires. De son côté, la langue de spécialité
(LSP), et comme nous l’avons développé suite aux travaux de Mangiante, concerne un
domaine d’étude lié à la vie pratique et à l’ensemble des discours en rapport avec le
domaine spécifique en question. Toutefois « LSP et LANSAD doivent […] être clairement
distingués en tant qu’objet d’étude et domaine de recherche pour le premier, secteur
d’enseignement universitaire pour le second» (SAES, 2011 : 2).
Pour conclure ce chapitre, le travail poursuivi consiste à analyser la problématique sous
l’angle des approches didactiques notamment en matière d’enseignement du français, et
ce à travers les époques et les écoles didactiques : des méthodes directes à la

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 86


perspective actionnelle aujourd’hui, en passant par le structuralisme, les méthodes
audio-orales et audio-visuelles, le fonctionnalisme et les approches communicatives.
Le champ didactique connait un éventail de concepts, de théories et de méthodologies.
Dans ce foisonnement terminologique et méthodologique, il s’agit de préciser le statut
didactique du français enseigné dans le cadre du module (LC). C’est un enseignement du
français de spécialité, étant donné que la langue ciblée dans ce contexte universitaire est
utilisée comme objet didactique pour des fins techniques et disciplinaires. Cependant,
certains traits caractéristiques de la didactique du français de spécialité sont aussi
opérationnels dans le cadre de la démarche FOS (Français sur objectifs spécifiques). La
différence entre les deux, nous l’avons située au niveau des stratégies mobilisées et au
niveau de type de compétence visée. Elle est de type « disciplinaire » pour la première
(la langue de spécialité) alors que pour le FOS, elle est de type « transversal ».
Nous avons accordée également une attention particulière au secteur LANSAD pour les
efforts considérables déployés à ancrer l’enseignement de la langue de spécialité dans
les activités de recherche universitaire et, au-delà de ce chapitre, les apports de ce
secteur au dispositif global d’enseignement des langues.
En termes de conclusion, le troisième chapitre clôt la première partie de notre thèse.
Celle-ci a été consacrée au cadre sociolinguistique et didactique de la recherche. Cela
nous a été rendu possible grâce à l’analyse de la situation linguistique, de l’étude des
politiques linguistiques et leurs effets sur le choix des langues enseignées et/ou
d’enseignement. Sans oublier les choix et les options méthodologiques de la didactique
du français langue étrangère ou « langue universitaire » comme nous le développons ici.
Tous ces éléments, nous les aborderons de manière détaillée dans la partie suivante.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 87


Partie II
Le dispositif d’enseignement du français à l’université entre
considérations méthodologiques et pratique du terrain

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 88


Chapitre 4 : Le portfolio des langues, élément
incontournable du dispositif

Avant d’entamer l’étude de la notion du portfolio, nous tenons à préciser que celle-ci
sera inscrite dans le cadre de la vision globale du dispositif. D’une part, cette précision
permettra l’entrée en matière pour une notion qui a été soulevée dans le contexte
universitaire marocain de manière incessante, sans aller jusqu’à la mise en pratique de
cette notion. D’autre part, nous aborderons la notion de portfolio comme un élément
incontournable du dispositif, étant donné qu’elle offre, à la fois, le cadre théorique
propice à l’enseignement des langues et constitue l’élément clé de la mise en œuvre du
dispositif. La notion du portfolio est une notion riche également. Sa richesse réside dans
les composantes qu’elle introduit et dans le potentiel de formation plurielle qu’elle
renferme.

4.1 Portfolio des langues : compétence plurilingue et approche


réflexive

Il s’agit ici de rappeler quelques principes fondamentaux de la recherche sur la


problématique du plurilinguisme en essayant de dégager les points du succès et les
points d’achoppement sur la question. Nous commençons dans le cadre d’une approche
terminologique par définir les concepts qui couvrent la réalité du plurilinguisme en
relevant l’ensemble des vocables qui ont été utilisés. Nous tâcherons aussi de souligner,
dans le cadre de cette utilisation, les principales relations lexicales et sémantiques qui
apparaissent aux plans sociolinguistique et socio didactique. Cependant, notre entreprise
ne se limite pas aux aspects purement lexico-terminologiques, la question de la diversité
linguistique et la volonté de faire du plurilinguisme une stratégie globale -un credo
majeur des politiques linguistiques- nécessitent la prise en compte d’autres notions qui
pivotent autour du plurilinguisme. Celles-ci font émerger des concepts tels que
la compétence plurilingue, politique linguistique convergente, le portfolio des langues ou
« portefeuille plurilingue », etc. Cela influence nécessairement la question de la langue

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 89


d’ « enseignement » ou de scolarisation. Aussi serait-il judicieux par la même occasion
de poser les jalons d’une réflexion didactique novatrice et adaptée au contexte marocain
par le biais de ces notions didactiques et des approches en vigueur.

4.1.1 Plurilinguisme : « apparentement » sémantique

Commençons de prime abord par une tentative de définition du vocable


« plurilinguisme », de son utilisation et des différents emplois qui lui reviennent. Nous
présentons de manière succincte le plurilinguisme et les concepts avec lesquels il entre
dans une relation lexicale, sémantique et terminologique. Nous examinons ensuite la
pertinence terminologique du vocable en termes de contacts de langues, qui engendrent
la multiplicité des enjeux d’ordre langagiers, méthodologiques et pédagogiques. Ce tour
d’horizons nous pousse à interroger les tendances actuelles à travers le monde pour
analyser les méthodologies adoptées en matière de situations de bi-plurilinguisme.
Celles-ci ont tendance en Europe à adopter une même méthodologie pour les langues en
présence sur le vieux continent.
On définit généralement le plurilinguisme comme la capacité d’un individu de
comprendre et d’utiliser plusieurs langues à la fois dans ses échanges avec autrui. Le
terme « plurilinguisme » est un terme phare aujourd’hui, il a tendance à se généraliser
et couvrir plusieurs domaines. Il est de ceux à analyser dans ses rapports avec d’autres
termes du même paradigme à l’instar de bilinguisme, multilinguisme, diglossie,
polyglottisme ou « polyglossie » …. Cet apparentement avec d’autres termes qui relèvent
du même registre laisse planer l’ambiguïté, le flou et l’incertitude sémantique d’autant
plus qu’il est utilisé aujourd’hui de manière confuse et sans distinction avec les termes
de sens voisin. En effet, Galisson et Coste donnent la définition suivante : « Une
situation qui caractérise les communautés linguistiques et les individus installés dans des
régions, des pays où deux langues (bilinguisme) et plus (multilinguisme =
plurilinguisme) sont utilisés concurremment. » (Galisson et Coste, 1976 : 69)

4.1.1 Plurilinguisme et multilinguisme : quelles différences ?

À partir de la définition de Galisson et Coste, on remarque que le mot « plurilinguisme »


est présenté comme synonyme de « multilinguisme ». Dans la présentation des deux
termes, on insiste sur l’identité des deux vocables et leur portée géographique (région,

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 90


pays), etc. On peut entrevoir pendant cette époque, l’association de ces termes aux
contextes linguistiques, géographiques et territoriaux. Ce qui est tout à fait en cohérence
avec le contexte socio-économique, politique et culturel de l’époque où les frontières
sont fermées et les mobilités rares, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui.
L’évolution de la situation avec la « levée » des frontières a conduit à l’évolution de la
situation linguistique. Ce qui fait qu’on est passé d’une conception géographique à une
conception « psycho-sociale » du fait linguistique.
En définitive, l’évolution notable soulignée a conduit, à première vue, au développement
conceptuel et cognitif des termes « multilinguisme » et « plurilinguisme » vers un peu
plus de spécification. Ainsi, le premier désigne de manière explicite la présence de
plusieurs langues sur un même territoire, alors que le second, le « plurilinguisme » en
l’occurrence, concerne essentiellement les individus capables de parler plusieurs langues.
En effet, le plurilinguisme, d’après Jean-Pierre CUQ, peut être considéré comme la
: « capacité d’un individu d’employer à bon escient plusieurs variétés linguistiques »,
(CUQ, 2003 : 195), c'est-à-dire un individu capable de passer « sans heurts » d’une
langue à une autre. A préciser que ce didacticien présente la situation linguistique dans
le cadre d’une Europe « multilingue ». Il définit le cas de figure d’un individu idéal,
exemple de citoyen avoué et « modèle » d’individu qui vit pleinement et de manière
démocratique sa citoyenneté, ici au niveau de l’Europe.
Pour plus de précision, le plurilinguisme se rapporte à la « faculté ou capacité d’un
individu de parler plusieurs langues », alors que le multilinguisme relève de l’action de
l’« aménagement de la coexistence de plusieurs langues» (North, 2010). Pour illustrer le
propos, on donne le plus souvent l’exemple de la Grande-Bretagne comme l’un des pays
les plus multilingues au monde aujourd’hui. Rien qu’à Londres et sa région, on
comptabilise plus d’une centaine de langues parlées, cela est dû aux flux migratoires que
le pays a connus. Paradoxalement, les citoyens du Royaume-Uni sont parmi les moins
plurilingues au monde. Cela est dû au fait que l’apprentissage des langues étrangères est
en nette décroissance, outre le fait que les Britanniques ne manifestent pas le besoin
d’apprendre les langues, puisque leur langue est une sorte de lingua franca à l’échelon
international et que tous les autres citoyens du monde sont censés la parler.
Aux plans linguistique et aménagementiste, « le multilinguisme, c’est la mosaïque des
langues, et le plurilinguisme, c’est le privilège du polyglotte ». (North, 2011 : 10)

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 91


Rattacher la question du multilinguisme aux aspects de l’aménagement et des politiques
linguistiques, c’est lui donner plus de consistance et de profondeur. Il s’agit d’une
approche en vogue actuellement qui conçoit le phénomène non seulement comme une
réalité apparente, mais comme un projet socio-politique et économique à étudier dans sa
dimension volontariste. En tout cas, ceci est la tendance conforme aux recommandations
des instances mondiales, de l’UNESCO à titre d’exemple. En effet, selon l’organisation
des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO), il ne peut y avoir
aujourd’hui de programmes de développement durable, de lutte contre la précarité ni de
participation effective à la vie sociale et publique sans la prise en compte des facteurs
linguistiques. Plusieurs ‘‘ experts’’ de ladite institution mettent en lumière le rôle et la
pertinence de l’élément linguistique dans la stratégie d’élaboration et de réalisation des
Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).

4.1.3 Pluralité et politiques linguistiques convergentes

Nous pouvons considérer que la pluralité et la diversité linguistiques et culturelles


constituent la réalité à travers le monde au-delà des considérations politiques qui
imposent le choix de la langue unique. En fait, et avec la marge de liberté de plus en
plus renforcée, avec la généralisation des moyens de communications et des médias
numériques, on est passé à l’ère de la démocratisation des médias dans le vrai sens du
terme. Ce qui autorise l’apparition de médias numériques en langue régionales et celles
de minorités autrefois marginalisées, etc. La question du rôle prégnant des médias dans
la promotion des langues autochtones a été soulignée dans le premier numéro du
Courrier de l’UNESCO pour l’année 2019, déclarée Année internationale des langues
autochtones. Il faudrait savoir que les langues « autochtones » sont menacées de
disparitions alors qu’elles sont « vecteurs de savoirs qui apportent des réponses
originales aux enjeux contemporains » (Courrier de l’UNESCO, n°1, 2019). Dans cette
situation paradoxale, ce sont effectivement les médias qui assurent la survie des langues
et des savoirs autochtones.
Au niveau des politiques linguistiques en Europe, il faut rappeler qu’à partir des années
2000, les instances européennes ne cessent de manifester de l’intérêt aux langues et,
surtout, à la diversité et la pluralité linguistiques. En effet, les programmes des politiques
linguistiques européennes donnent une vision globale et commune dans le cadre du

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 92


Conseil de l’Europe pour traiter la question des langues. Les principales orientations
destinées à tous les états membres portent effectivement sur la promotion de la
diversité et de la pluralité linguistiques. Ainsi, dans le cadre de l’accord partiel élargi
(Graz, 1994), le Centre Européen pour les Langues Vivantes (CELV) prône : « La mise en
œuvre de politiques linguistiques et la promotion des innovations dans le domaine de
l’apprentissage et de l’enseignement des langues vivantes » (article 1 du statut du
CELV).
L’un des objectifs principaux des instances européennes est de susciter la prise de
conscience afférente à l’identité culturelle et participer au développement de
l’intercompréhension entre les citoyens et les peuples européens.

4.1.4 Au-delà de l’Europe

Sur l’autre rive méditerranéenne, le Maroc ne reste pas loin de ces influences et l’on voit
bien que sur le plan linguistique, la situation évolue vers le plurilinguisme ; le
monolinguisme n’a, en fait, ni la légitimité historique ni la latitude sociolinguistique et
géostratégique dans le contexte marocain.
Toutes ces considérations nationales et internationales ont changé la donne et
participent à une redécouverte des différentes langues en présence sur les aires
géographiques. Elles offrent par la même occasion, de nouvelles opportunités de la
recherche. En un mot, ce contexte global a favorisé le développement de la recherche
sociolinguistique.

4.2 Plurilinguisme et/ou monolinguisme ?


Le titre de cette section nous induit à établir une dichotomie de rapports exclusifs entre
situations de monolinguisme et celles de plurilinguisme, comme si les deux notions
entrent, du moins sur les plans théoriques et institutionnels dans un rapport de
concurrence ontologique, alors que la réalité des pratiques linguistiques favorise plutôt la
continuité et la cohabitation. Nous pouvons percevoir cela à partir de l’exemple de la
grande Bretagne, signalé précédemment.
Dans ce qui suit, nous allons focaliser notre attention sur la réalité du monolinguisme
comme vecteur de l’idéologie dominante. Il y a naturellement des facteurs d’ordre
politique et économique qui imposent le choix de la langue « unique », comme emblème

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 93


de patriotisme et d’unicité, mais les enjeux qui régissent les orientations des politiques
linguistiques sont incommensurablement matériels et géostratégiques. Pourtant, ces
contraintes imposant autrefois le monolinguisme comme vecteur de l’idéologie
dominante et signe de la souveraineté des États seraient-elles capables de résister face
aux options d’une économie de marchés de plus en plus ouverts ? Une économie de l’ère
du « socio-connectivisme »29 caractérisée par l’ouverture à l’international et passant
nécessairement par le choix du multilinguisme comme corollaire de la mondialisation.
Suite aux précisions d’Ezeafulukwe et Azikiwe :
« La mondialisation et le multilinguisme s’entrelacent et se nourrissent l’un l’autre.
L’homme d’aujourd’hui est un citoyen planétaire apte à se déplacer de son milieu à
l’autre (sic). Le multilinguisme se présente alors comme un pré-requis nécessaire pour
se repérer dans n’importe quelle situation […]. » (2017 : 115)
Dans ce contexte, l’universalité serait donc, synonyme de la diversité, elle prend appui
sur la différence comme facteur de richesse dans les échanges. Elle relève de la logique
de la raison humaine universelle et communautaire. Cependant, le monolinguisme serait
l’apanage de l’uniformité de la connaissance et de la culture, à commencer par la culture
scientifique ou universitaire. Il est la voie royale de l’univocité et de la standardisation,
de la conformité et de la culture du semblable. En théories économiques, cela relève de
la logique de production.
Une fois comprises ces distinctions, les modèles économiques parviendront à changer de
paradigme quant à l’appréhension de l’élément humain. L’on passerait de modèles où
tout converge pour mettre en œuvre « l’homo economicus », et au mieux le « psycho-
economicus », vers un modèle plus ouvert et équitable, et donc, pluriel de « l’homo
communicans », c'est-à-dire l’homme du troisième millénaire. Ce qui se répercuterait
positivement sur la place des langues dans la société, comme source de profondeur et de
force. Ainsi le plurilinguisme serait-il le vecteur des interactions sociales à l’échelon

29
Le socioconnectivisme est un concept que nous avons utilisé dans notre article « la Perspective actionnelle pour
contourner les écueils liés à l’hétérogénéité des compétences universitaires. Réflexions sur le projet pilote de
er
l’Université Hassan 1 et la Haute Ecole de Namur-Liège-Luxembourg », L’Harmattan – 2018. Par ce concept, nous
faisons allusions à la génération des jeunes d’aujourd’hui, dans son état de connectivité permanente et dont
l’essentiel de la connaissance et du savoir passe par le net.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 94


international. Il participe aux influences et aux développements et favorise la créativité
et l’innovation. Dans ce sens, le plurilinguisme pourrait-il contribuer à contourner les
effets indésirables du « prêt-à-porter » et des stéréotypes socioculturels ?

4.2.1 Monolinguisme entre stéréotypes socioculturels et enjeux


sociolinguistiques
Le monolinguisme est la situation « unique » de ne recourir qu’à une seule langue. Il
diffère en cela du bilinguisme et du plurilinguisme. Cette situation sociolinguistique peut
être celle d'une personne, d’une communauté, d’une organisation ou d'un État de
manière générale. Pour illustrer le propos, nous pouvons donner l’exemple des citoyens
des États-Unis, de la France, du Royaume-Uni ou du Maroc à une certaine époque30 qui
sont, parfois et dans certains écrits, présentés comme des interlocuteurs monolingues.
Cependant, un bon nombre parmi eux, et dans ces différents pays, pratiquent
effectivement et quotidiennement, surtout dans les situations informelles, d'autres
langues qui n’ont d'ailleurs pas été reconnues ou qui ne sont reconnues que dans chacun
de ces pays. De plus, l’on voit souvent dans les citoyens de pays anglophones en
l’occurrence les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande des
locuteurs purement et simplement monolingues. Cela provient, d’une certaine manière,
de l'idée généralisée qu’un anglophone n’a que peu ou pas du tout de motivation à
apprendre une langue étrangère. Il est vrai que la langue anglaise est une langue des
échanges internationaux, de la recherche scientifique, la langue officielle des instances et
des organisations internationales, pourtant, cela ne cache pas une réalité : sous l’effet de
certains phénomènes mondiaux socioculturels (l’immigration, les mariages…) ou
économiques (les échanges commerciaux, l’offshoring, zones de libre-échange…), ou
encore socio-éducatifs (programmes d’échanges pédagogiques entre établissements
scolaires …), les gens ont appris et apprendront d’autres langues. Le même cas de figure
peut s’appliquer aux locuteurs des autres langues généralisées, à l’instar de ce qui se

30
Ici nous faisons allusion à la période des années 1960/1970. C’est la période du lendemain de l’indépendance du
pays et dont les politiques linguistiques traduisent les orientations majeures qui convergent vers le choix de la langue
arabe comme langue officielle et langue d’unification du pays.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 95


passe en francophonie, en arabophonie ou en hispanophonie. Pour ce dernier cas de
figure, l’on se demanderait : est-ce que tous les citoyens du pays ibérique ne parlent que
la langue ou la variété de langue officielle de Madrid ?
Pour le cas du Maroc, dans le texte du Préambule de la Constitution de 1962, nous
pouvons lire la formulation suivante : « Le Royaume du Maroc, État musulman
souverain, dont la langue officielle est l'arabe … ». Cette phrase demeure une constante
dans toutes les Constitutions depuis 1962 jusqu’à 1996. Il a fallu attendre la révision
constitutionnelle de 2011 pour que les langues « marocaines », à savoir l’arabe
« marocain », l’amazighe « marocain » et le hassani « marocain » trouvent une place
« officielle » dans le cadre : « de la politique linguistique et culturelle nationale »
cohérente et ouverte : « à l'apprentissage et la maîtrise des langues étrangères les plus
utilisées dans le monde… » (Constitution, 2011).
La question qui saute aux yeux peut être formulée ainsi : avant 2011, est-ce que tous
les Marocains étaient monolingues et ne parlaient que la langue arabe officielle ? La
réponse à cette question, nous l’avons largement étudié dans le premier chapitre, sur le
paysage linguistique marocain, notamment dans la sous-section (1.1.3). L’on voit bien
que la Nouvelle Constitution a non seulement réhabilité les langues nationales, mais a
veillé surtout à la mise en place d’une politique linguistique de la diversité et de la
pluralité.
Dans les lieux publics, dans les villes, sur les autoroutes …, la tendance aujourd’hui est
au plurilinguisme. En effet, les indications routières, les panneaux publicitaires, les noms
de marques, des magasins et des enseignes ont choisi le multilinguisme comme stratégie
linguistique à la fois pour traduire cette tendance et pour séduire le « consommateur »
marocain. Ce qui fait apparaître au moins quatre langues dans l’espace public, bien
entendu selon les régions : l’arabe, l’amazighe, le français et l’anglais/l’espagnol. Ce qui
serre l’étau autour du monolinguisme, qui devient une tendance dévalorisée et
dépréciée, en ce sens qu’il traduit l’incommunicabilité ou l'impossibilité d’entrer en
communication avec quelqu'un qui ne parle pas notre langue, de rester cloisonné dans sa
langue et sa culture. En effet, le monolinguisme n’est pas seulement l’apanage de
l’incompétence linguistique, celle-ci ne peut être que limitée et exclusive, mais il traduit
un esprit enfermé et conditionné par une seule langue. Ceci mène subséquemment à une
situation de blocage et d’accès plus restreint à l'information. L’on comprend bien, ici, que

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 96


le monolinguisme est réducteur. Il présuppose aussi un esprit restreint et conditionné
par une seule langue. La façon de penser qui l'accompagne devrait être aussi dénigrée.

4.2.2 Plurilinguisme et éducation : « L’éducation pour tous »

« L’éducation pour tous » ne doit pas être seulement une déclaration affichée en toute
circonstance pour faire valoir les bonnes intentions des gouvernements en matière
d’éducation. Elle ne doit pas être non plus, un adage mis en avant et en toutes
situations, ni encore un simple slogan, qui séduit et satisfait une prétention narcissique.
« L’éducation pour tous » doit être une conviction déclinée en termes de programmes et
de projets éducatifs et sociétaux. Remarquons que la formulation de l’expression
« l’éducation pour tous » est déjà, porteuse de ce plurilinguisme tant prisé aujourd’hui, si
elle est appliquée de manière profonde et judicieuse. Nous devons savoir que l’approche
plurilingue consacre une place privilégiée à la vie langagière de l’individu dans son
contexte socioculturel et au développement de son expérience linguistique. Cette sorte
de ‘‘biographie langagière’’, spontanée et intuitive ou non, est composée de sa langue
maternelle apprise dans son entourage, de la langue du groupe social, auquel il
appartient, outre les autres langues ‘‘étrangères’’ que le jeune apprenti découvre dans le
contexte scolaire. L’approche plurilingue, dans sa considération du fait linguistique et
culturel, ne procède pas par classements successifs, sorte de compartimentation des
langues et des cultures ; elle opte pour le développement d’une compétence linguistique
et communicative plurilingue. A cet égard, nous pouvons retenir l’exemple du Cadre
européen (CECRL), comme principale illustration de cette situation et comme vocation
majeure des institutions européennes sur les plans linguistique et culturel, mais aussi
aux niveaux social, politique et économique. En effet, le Cadre a fondé sa stratégie
linguistique sur la promotion du plurilinguisme et du pluriculturalisme en Europe, en ce
sens que le citoyen européen est invité à développer ‘‘sa’’ compétence langagière dans
différentes langues et à différents niveaux.

4.2.3 Pour une école ouverte au « plurilinguisme »

4.2.3.1 Lutter contre les résistances au plurilinguisme

Nous avons choisi pour titre à cette sous-section pour « une école ouverte au ‘‘
plurilinguisme’’» et non pas pour une école « plurilingue », comme il est d’usage

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 97


aujourd’hui, dans certain contexte y compris les contextes officiels. Nous avons privilégié
le choix du concept plurilinguisme au lieu du multilinguisme, selon la distinction psycho-
sociale et psycho-cognitive introduite par les spécialistes (Cf. supra 4.1.1).
Cela dit, pour que l’école marocaine soit vraiment ouverte à la pluralité linguistique et
culturelle, il faudrait qu’un certain nombre de considérations se réalise. La première
action à accomplir dans ce sens revient à lutter contre les résistances au
« plurilinguisme » et au « pluriculturalisme », à les battre en brèche. Il s’agit de
mobiliser toutes les ressources et de canaliser les efforts vers la mise en place d’une
stratégie plurilingue qui touche toutes les organisations sociales et toutes les institutions
afin que l’école ne soit, ni coupée de son environnement socioéconomique et politique, ni
le champ de bataille et de règlement de comptes de nature politique, idéologique ou
culturelle. Toute autre restriction ou pétition de principe en matière de pluralité
linguistique ou culturelle ne constitue qu’une sorte de :
« […] slogans généreux relatifs à la pluralité des langues et des cultures [et] ne peuvent
rester que des vœux pieux, si les facteurs de résistance ne sont pas constamment pris
en considération. Et si, à partir de tels prises en considération, des propositions réalistes
ne sont pas progressivement mises à l'épreuve de l'innovation. » (Coste et al. 2009 : 23)
4.2.3.2 Orientations majeures et positionnements socioéducatifs

Après ce préalable nécessaire à la définition du rôle de l’école dans la mise en place du


plurilinguisme et du rattachement de l’institution éducative à son environnement social.
Il faudrait quand même que l’ouverture au plurilinguisme soit une demande sociale,
politique et économique et que les autorités compétentes agissent dans le sens de
réalisation de cette finalité. Après tout cela, il y a lieu de mettre en place les orientations
majeures du plurilinguisme dans le cadre des politiques linguistiques et éducatives.
A partir des assertions et de positionnements relevés par Coste (Coste et al., 2009),
nous pouvons retenir comme postulats de base pour les orientations majeures en
matière de plurilinguisme en milieux scolaires les six options suivantes :
- L’individu apprenant les langues est un acteur social à part entière.
Socialisé à un certain degré par son exposition, entre autres, au
plurilinguisme et au pluriculturalisme. L’école doit jouer un rôle prégnant
dans la socialisation « plurilingue » des citoyens par la mise en place de
dispositifs appropriés.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 98


- L’objectif ultime de la formation en langues devrait être le développement
de la compétence plurilingue. Celle-ci est la résultante d’un processus
déclenché chez l’apprenant dès la petite enfance et travaillé le long de son
parcours d’apprentissage.
- Le processus est fonction d’enjeux et de mécanismes rassemblant,
développant et surtout valorisant son expérience « plurilingue et
pluriculturelle ».
- L’action engagée par l’école devrait être en symbiose avec l’environnement
social. Inutile de rappeler à ce propos le travail de valorisation de la
diversité linguistique et culturelle alors que dans l’espace public par
exemple, des voies s’élèvent contre l’altérité ou adoptent une attitude
critique et dévalorisante.
- L’élaboration des programmes d’enseignement des langues devrait
bénéficier de plus d’intérêt.
- La fonction principale de l’école réside, non seulement dans la construction
de la compétence plurilingue et pluriculturelle, mais de mettre en action
cette compétence par le biais de « parcours de vie », « des trajectoires »,
des « histoires individuelles et familiales » dans le cadre du rapport à la
« pluralité ».

Nous pouvons schématiser ces orientations qui font office dans l’enracinement du
processus plurilingue en milieux d’apprentissage et de formation de la manière suivante :

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 99


L'apprenant =
acteur social
(socialisation/plurili
nguisme

Fonction de l'école :
intégration de la (CP) Compétence
dans des parcours plurilingue (CP)=
(histoires de vie...) Objectif ultime

Rôle primordial des Synergie : action de


programmes et des l'école/environneme
curricula nt social

Figure 3 : Processus plurilingue en milieux d’apprentissage.

Ces options permettent non seulement de renforcer la place de l’école dans la mise en
œuvre de la pluralité linguistique et culturelle, mais renouvellent son rôle au sein de la
société. Plus que jamais, les orientations de l’école suivent l’évolution effrénée qui
influence non seulement l’apprentissage des langues, mais les attitudes et les modes
d’apprentissage disciplinaires. D’où les difficultés du rapport de l’école avec un
environnement de plus en plus « numérisé », avec les problématiques de « didactiser »
les contenus de cet environnement et de les intégrer même dans le temps
d’apprentissage.
4.2.3.3 Environnement en mutations et renforcement de la place de l’école

L’environnement socio-éducatif est en perpétuelle mutation. Ces changements peuvent


être à l’origine d’évolutions considérables, comme ils peuvent être source d’ennui et de
perturbations dans le système. Mûrement réfléchies et savamment orchestrées, ces
mutations renforcent les tendances actuelles à introduire l’idée de l’apprentissage tout au
long de la vie avec les notions clés de « classes inversées », « méthodes inversées »,
« e-pédagogie », « capsules pédagogiques »… Aujourd’hui, avec une demande de plus

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 100
en plus forte en langues, on commence à se rendre à l’évidence, les langues étrangères
peuvent aussi s’apprendre en dehors de l’école. Ce qui met l’institution et les opérateurs
du terrain face à un double défi. D’une part, veiller à la généralisation des équipements
et matériels de consultation pour ne pas générer des inégalités ; et d’autre part,
s’assurer de la validité des contenus « numérisés » proposés. En effet, la moindre erreur
dans ce sens peut coûter très cher : le risque d’être à tort assimilés par les apprenants.
Nous sommes en train d’assister à des mutations fondamentales quant aux rôles des
milieux éducatifs, d’apprentissage et de formation 31.
Ces dits changements nécessitent la mise en place d’outils performants afin de pouvoir
accompagner l’apprenant-acteur dans son parcours linguistique. Parmi ces outils qui
retiennent notre attention, nous citons le « portfolio plurilingue ».

4.3 Le portfolio plurilingue


Outil par excellence de l’éducation et de la formation, la notion de « portfolio » est une
notion clé, largement utilisée aux Etats-Unis et au Canada à tous les niveaux de
l’enseignement. Moins utilisé en Europe, le portfolio a cependant été introduit par le
Cadre européen avec le « portfolio européen des langues (PEL) » et repris avec
« l’Europass » des langues en 2005.

4.3.1 Structure et organisation

Nous pouvons définir le Portfolio comme un document individuel, précieux. Il est évolutif
et renferme des informations sur les travaux effectués par l’apprenant lors de son
apprentissage. Généralement, il est composé de deux ou plusieurs parties qui
renferment l’essentiel des activités. Le dossier réservé à l’apprenant réunit les travaux
élaborés par celui-ci. La partie consacrée aux appréciations diverses présente
essentiellement les avis des enseignants, des parents et des proches ainsi que les
jugements de l’apprenant lui-même, formulés sous forme d’auto-évaluation et
d’évaluation authentique. Cette dernière met l’accent sur les connaissances explicitement

31
Nous utilisons ici le terme école pour désigner l’ensemble des établissements d’éducation, d’apprentissage et de
formation, depuis la petite enfance au supérieur en passant l’enseignement primaire, collégial et secondaire.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 101
acquises et les habilités traduites en termes de tâches et de situations réelles
d’apprentissage.
Par ailleurs, nous assistons aujourd’hui à un foisonnement de portfolios à travers le
monde. Dans le document d’information qui accompagne le « Portfolio sur support
numérique », le Ministère d’Education du Québec fait part, justement, de ses soucis
pédagogiques devant la situation embarrassante du choix. Pour faire face à des
questions de types : « Quel portfolio choisir? Comment promouvoir une pédagogie qui
intègre l’utilisation du portfolio conforme aux orientations de la réforme en éducation ? »
Les autorités compétences de ce pays ont chargé un comité de prendre : «le soin
d’examiner cette question sous différents angles et de produire un document susceptible
d’apporter un éclairage sur le sujet du portfolio sur support numérique comme outil
d’enseignement et d’apprentissage. » (Bibeau et al, 2002 : 4)
4.3.2 Typologies et classification de portfolios
Suite à ce support officiel, nous pouvons spécifier trois rubriques majeures dans chaque
portfolio :

Figure 4 : rubriques composants un portfolio.

- Le premier est un dossier d’apprentissage. Il concerne tous les


travaux de l’apprenant ainsi que ses réflexions et ses réalisations en
illustrant les progrès notables réalisés sur une période donnée,
- le second est un dossier de présentation qui laisse voir les meilleures
productions de l’apprenant ;

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 102
- Le troisième est un dossier d’évaluation qui regroupe les diverses
productions de l’apprenant ainsi que ses observations et ses auto-
évaluations.

L’usage de cet outil a donné lieu à plusieurs réflexions qui ont tendance à
classer le portfolio. Dans la littérature sur la question, nous pouvons
répertorier six genres de portfolios que nous présenterons comme suit :

i. le portfolio de collection, qui a tendance à rassembler certains


travaux ;
ii. le portfolio de réflexion : c’est un document qui donne l’occasion à
l’apprenant d’analyse sa façon d’agir et ses méthodes de travail ;
iii. le portfolio d’appréciation : outre l’exercice d’appréciation
l’apprenant peut aussi critiquer ses travaux ;
iv. le portfolio de documentation : il s’agit de réunir les documents qui
favorisent le développement des compétences de l’apprenant ;
v. le portfolio de communication : ce genre de portfolio comme nom
l’indique valorise la communication de l’apprenant avec les
enseignants, les parents, l’entourage… ;
vi. le portfolio d’évaluation : il permet d’évaluer la compétence de
l’apprenant et inscrit cet exercice dans un processus d’évaluation
sommative se basant sur des critères afférents aux programmes de
formation et en rapport étroit avec le curriculum.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 103
Figure 5 : genres de portfolios.

Ces classifications pourraient être ramenées à une typologie de quatre


portfolios, de nature à regrouper les principales activités auxquelles
l’apprenant se trouve confronté. Ainsi, nous pouvons parler de portfolio
d’apprentissage, de développement professionnel, d’appréciation, ou de
recherche. De son côté, l’Association pour la supervision et le
développement du curriculum (Association for Supervision and
Curriculum Development) fait état de trois types de portfolios à savoir,
le portfolio d’apprentissage, le portfolio de présentation et le portfolio
d’évaluation.

Ceci dit, remarquons que ces différentes classifications ont tendance à introduire une
distinction d’ordre thématique basée sur une ou plusieurs activités ou tâches à réaliser
par l’apprenant. Remarquons aussi que les différentes classifications se basent sur des
entrées ou des rubriques facilement regroupables en un seul portfolio composé, à titre
d’exemple, en dossiers : (dossier apprentissage, dossier présentation, dossier
évaluation…).

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 104
4.3.3 Le Portfolio Européen des Langues (PEL)

Nous savons tous qu’à l’origine, le portfolio est un catalogue utilisé dans un certain
nombre de métiers comme la photographie, l’architecture et la peinture. Il regroupe les
productions ou les œuvres qui semblent le mieux présenter et représenter le travail et
traduire l’évolution du métier de l’artiste ou de l’architecte. Il a pour vocation majeure de
promouvoir le talent créatif de son auteur et en convaincre le public récepteur. Dans les
domaines de l’enseignement et de l’éducation, le portfolio introduit ces notions
d’évolution et de représentativité pour en faire des outils d’acquisition, de suivi et
d’évaluation. Inspiré d’une pédagogie expérimentale en rapport étroit avec le monde
social, le portfolio affiche quand même une ambition professionnelle, au-delà des
objectifs linguistiques ou plurilinguistiques qui lui sont assignés.
Pour le portfolio européen des langues (PEL), nous aimerions tout d’abord nous arrêter
sur les premières utilisations attestées du concept par les instances officielles de la
Communauté européenne. Cela remonte, en fait, au début des années 2000 et coïncide
effectivement avec la genèse du Cadre (CECR). Comme nous l’avons précisé ci-dessus,
le portfolio à l’échelle internationale est composé globalement de trois parties et couvre
tous les secteurs de l’éducation (niveaux primaires, secondaires, supérieur et pour
adultes ; voir figure 6, ci-dessous). Le (PEL) n’échappe pas à ces standards
internationaux. Il a tendance à normaliser les pratiques d’apprentissage des langues
étrangères, à favoriser le plurilinguisme et le pluriculturalisme. En même temps, le (PEL)
constitue un excellent outil de consignation pour accompagner l’apprenant dans ses
parcours linguistiques scolaires et extrascolaires et en rendre-compte, aux points de vue
des apprentissages, des progrès et des réussites. Il est communément admis que le
(PEL) est composé de trois principales parties qui sont :
- Le passeport des langues
- La biographie langagière
- Le dossier sélectif de tout ce qui favorise l’apprentissage des langues
(matériels utilisés, expériences acquises, voyages dans le cadre scolaire et
extrascolaire…).

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 105
Figure 6 : classification des portfolios selon l’âge des utilisateurs.
(Source : le portfolio européen - https://edudoc.educa.ch/static/web/aktuell/medienmitt/ueberblick_grafik_f.pdf)

Le PEL est la propriété de tout un chacun en tant qu’apprenant. C’est un outil qui vise
principalement à aider l’étudiant à donner une forme palpable et une substance
cohérente à son expérience linguistique, au-delà de l’apprentissage de sa langue
maternelle. Le (PEL) vise également à motiver l’apprenant afin d’enrichir et diversifier
ses compétences linguistiques à tous les niveaux par la reconnaissance des efforts
déployés. Et au-delà de toutes ces considérations, il fournit, sous une forme synthétique,
un bilan des compétences linguistiques et culturelles acquises, informations précieuses et
fondamentales pouvant être consultées lors du passage d’un niveau d’apprentissage à un
autre, tout comme dans la phase de recherche d’emploi. A signaler, enfin, que le (PEL)
est le produit du Cadre européen. En ce sens, il est régi par un ensemble commun de
principes et de lignes directrices explicitement formulés par les instances européennes.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 106
Pour qu’il soit attesté et opérationnel, un portfolio devrait être validé par les dites
instances. Nous pouvons citer le Portfolio suisse pour les jeunes et les adultes (16 ans et
plus) comme la première concrétisation de portfolio accrédité par le Conseil de l’Europe
en l’an 2000. Actuellement, on répertorie plus d’une centaine de portfolios reconnus et
accrédités en Europe. Cependant, et à partir de l’année 2014, le Conseil de l’Europe a
mis un terme à l’enregistrement de modèle PEL32.

4.3.4 Le PEL : structure prédéfinie et panorama des choix

L’organisation et la mise en forme des portfolios européens sont prédéfinies. Ils adoptent
tous généralement une structure en trois parties complémentaires. Evidemment,
l’architecture de ces parties varie en fonction du public et du contexte d’apprentissage.
Nous pouvons, en effet, ajouter une quatrième partie qui donne des informations sur les
activités et les expériences linguistiques et culturelles vécues par l’apprenant.
4.3.4.1 Le Passeport de langues

Outil important introduit dans le cadre du portfolio dont il fait partie prenante, le
passeport de langues « the language passport » permet, de prime abord, la réalisation
d’un bilan individualisé. Nous pouvons le comparer à une sorte de « profil linguistique »
de l’apprenant dans la mesure où il focalise l’attention sur l’ensemble des activités
réalisées, en vue de développer les compétences de (lecture, écoute, écriture, etc.).
Globalement, le passeport des langues donne des informations sur les langues maîtrisées
par l’apprenant, titulaire de ce document, en termes de compétences linguistiques et
savoir-faire culturels. Il se compose des cinq éléments qui suivent :

- Un profil des langues familières à l’utilisateur et titulaire du passeport,

32
Nous pouvons lire en fait, sur l’adresse officielle du Conseil de l’Europe :
https://www.coe.int/fr/web/portfolio/home1 le message qui met fin à l’action de validation de modèle de PEL : « En
raison du nombre important et de la grande diversité de modèles de PEL validés ou enregistrés et disponibles, le
Conseil de l’Europe a mis un terme à l’enregistrement de modèles de PEL fin 2014. Le site internet continuera à
proposer toutes les ressources nécessaires à la composition de modèles de PEL, qui, à l'avenir, relèvera de l’unique
responsabilité des concepteurs. Ces ressources incluent des descripteurs de compétence linguistique à tous les
niveaux du CECR et pour tous les groupes d’âge, des maquettes et des instructions détaillées. »

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 107
- Un profil de compétences en langues étrangères telles que définies par le
cadre européen,
- Un résumé du parcours et des expériences d’apprentissages linguistiques,
- Un résumé des expériences linguistiques et culturelles vécues,
- Une liste de diplômes et certifications.

Ici, nous tenons quand même à préciser que le passeport des langues est une pièce
d’identité personnelle reconnue dans toute l’Europe. Il renferme les informations relatives
aux connaissances langagières (contacts avec les langues) et celles relatives aux
expériences avec d’autres langues et d’autres cultures. Il est pour ainsi dire la base de
données des informations des différentes formes de contacts et d’expériences réalisées.
De plus, le titulaire du passeport est tenu de renseigner les rubriques relatives aux
durées de déroulements et des périodes d’apprentissage et d’expériences.
Le passeport des langues favorise la mise en œuvre des grilles d’auto-évaluation
synthétiques, l’élaboration et la réalisation de bilans des expériences vécues outre les
différentes formes qui attestent du niveau du citoyen-apprenant à savoir les
certifications, les attestations et les diplômes obtenus dans différentes langues. A
préciser que depuis la mise en application des orientations du Cadre, c’est plutôt de la
précision du niveau (A1 à C2), à partir de descripteurs illustratifs de l’apprenant dans
chaque langue qu’il est question.
Ceci dit, le passeport des langues est un outil d’auto-évaluation et de réalisations de
bilans des expériences vécues. Pour être efficace et pouvoir aboutir aux buts qui lui sont
tracés, il doit s’inscrire dans une stratégie globale et une vision d’ensemble en cohérence
avec les orientations des instances qui veillent à l’application des politiques linguistiques
dans le pays. Pour le cas du Maroc et à la veille de la réforme universitaire introduite en
2013, nous avons commencé à entendre des voix favorables à l’introduction du
passeport de langues dans la formation universitaire. Cependant, cette volonté
d’intégration du passeport manquait de pertinence et de visibilité. Primo, parce que
l’outil passeport ne fait pas partie d’une vision stratégique de l’ouverture sur les langues
étrangères et leur apprentissage, démarche incontournable dans la mise en perspective
des outils du cadre. Autrement dit, le passeport était isolé de son contexte et l’ambition
affichée d’utiliser cet outil était réduite à une simple question de certification
universitaire du niveau de l’étudiant. Secundo, parce que le genre de débats et de

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 108
discussions déclenchés à cette occasion cadrait bien, du moins pour certains33, avec les
polémiques et les joutes verbales profondément enracinées dans la vision purement
idéologique qui accompagnent généralement la question linguistique au Maroc.
Le passeport des langues, à nos yeux, demeure un outil incontournable dans le cursus
universitaire de l’étudiant. Il n’a d’efficacité que par l’éclaircissement et la définition des
enjeux linguistiques et culturels qui le régissent. A cet effet, les enseignants-chercheurs,
les responsables des centres de langues au sein des universités et tous les opérateurs
dans le champ linguistique devront œuvrer dans le sens de la mise en place de passeport
de langues à l’instar de l’ « Europass ». Ce dernier comporte pour chaque langue
utilisée trois rubriques qui spécifient l’auto-évaluation, les certifications et l’expérience
linguistique et interculturelles de l’apprenant.
Pour ce qui est de la rubrique auto-évaluation, elle porte essentiellement sur les activités
de lire, comprendre et écrire en langues étrangères. Chacune de ces activités est auto-
évaluée selon l’échelle des niveaux et moyennant les descripteurs illustratifs du CECR.
4.3.4.2 La biographie langagière

Sur le site officiel du Conseil de l’Europe34, nous pouvons bien lire cette précision qui se
rapporte à la biographie langagière :
« La Biographie langagière favorise l’implication de l’apprenant dans la planification
de son apprentissage, dans la réflexion sur cet apprentissage et dans l’évaluation de
ses progrès. » (C’est nous qui soulignons)
Les maîtres mots de la biographie langagière sont pour ainsi dire l’implication, la
planification et l’évaluation. Nous pouvons retenir dans cette présentation que l’élément
central dans l’éducation-formation, et globalement dans l’action pédagogique, est
l’apprenant. Le rôle central qui lui est accordé, le propulse à devenir l’instigateur de son
propre apprentissage et de sa formation dans le cadre d’une pédagogie « participative ».

33
Ceux qui sont classés dans la catégorie des tenants du discours traditionnalisant et ceux qui sont généralement
hostiles à l’intégration de l’enseignement des langues dans les établissements de l’enseignement supérieur.

34
https://www.coe.int/fr/web/portfolio/the-language-biography

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 109
Ainsi, la centration sur l’apprenant est liée à la notion fondamentale d’autonomisation de
l’apprenant. Celui-ci est invité à s’investir dans son apprentissage et sa formation, à
savoir fixer ses objectifs et s’auto-évaluer. En effet, la biographie langagière met en
place un processus d’apprentissage qui s’inscrit dans la vision d’apprendre à apprendre,
ou si l’on veut utiliser une formule chère aux spécialistes des sciences de gestion ‘‘
s’entreprendre à apprendre’’.
Par ailleurs, l’acquisition des langues met en évidence la synergie et la cohérence des
apprentissages. Ce qui introduit également la notion de ‘‘ l’interculturel ’’, notion
prégnante dans le cadre de l’apprentissage des langues dont les objectifs ne se limitent
plus uniquement aux niveaux des savoirs linguistiques et grammaticaux. Ils vont bien
au-delà, pour convier et valoriser à la fois les rencontres interculturelles sous toutes
leurs formes, directes ou indirectes (lecture, films, Internet, réseaux sociaux…). Nous
pouvons être attentifs, ici, à la place privilégiée accordée aux questions de la diversité
linguistique et aux expériences culturelles à la fois comme vecteur d’apprentissage et
promoteurs de valeurs universelles du vivre ensemble. Dans ce cadre, il ne faudrait pas
manquer de souligner l’intérêt de la traduction et la médiation entre les langues et les
cultures.
Ainsi, nous aimerions attirer l’attention des concepteurs de portfolios (PEL) sur les
réalisations que le Conseil de l’Europe a développées, c'est-à-dire des ensembles de
maquettes et de ressources. A signaler que ces ressources devraient être prises à titre
d’indication et d’illustration. Rien n’empêche l’élaboration d’autres outils, en cas de
besoins spécifiques. Au contraire, la prise d’initiative est hautement sollicitée pour
pouvoir à la fois répondre aux besoins effectifs du terrain et adapter l’outil
théoriquement élaboré aux exigences du public. Cette précision nécessaire est la base de
notre vision en ingénierie didactique surtout pour le dispositif d’enseignement des
langues à l’Université Hassan 1er.
Ceci dit, les ensembles des ressources et maquettes proposés réservent à la section
biographie langagière les quatre entrées suivantes :

i. Le Profil plurilingue

C’est un titre qui, globalement, constitue une sorte de présentation de l’apprenant. Il


peut évoquer ses connaissances linguistiques en mettant l’accent sur son « bagage »

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 110
linguistique et faire état de sa langue maternelle, des langues de son voisinage… . Pour
renseigner son profil, chacun doit nécessairement passer par un certain nombre d’étapes
que nous pouvons présenter comme suit :

fixation
d'objectifs &
stratégie
d’ « apprendre à
apprendre »

profil
plurilingue
Auto-
évaluation prise de
onscience et
expérience
interculturelles

Figure 7 : Le Profils plurilingue : processus et déroulement.

ii. La fixation des objectifs et la stratégie d’ « apprendre à apprendre »

Cette étape commence par des modèles proposés aux apprenants, mais ce sont des
modèles à adapter, en cas de besoins. L’apprenant est tenu de préciser ses objectifs, la
démarche d’apprentissage choisie. Il doit également formuler sa réflexion sur son
apprentissage des langues.

iii. La prise de conscience et l’expérience interculturelles

L’apprenant dispose ici encore d’un ensemble de pages parmi lesquelles il choisit les
éléments qui vont l’aider à souligner, dans son expérience interculturelle, les proximités

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 111
et les diversités culturelles. De plus, il mentionne comment la biographie langagière l’a
aidé à associer la dimension interculturelle à ses séjours culturels.

iv. Les listes de repérage d’auto-évaluation

Ce sont des listes qui mettent en relief les « capacités à faire » de l’étudiant. En plus de
la place importante qu’elles occupent dans le portfolio, elles ont un rôle prépondérant
dans la traduction des « descripteurs généraux » de la grille d’auto-évaluation. Les dites
listes permettent de spécifier, et ce de manière détaillée, les activités et les tâches
communicatives dans le cadre d’une approche actionnelle. Cela influence nécessairement
la démarche poursuivie dans la fixation des objectifs et par la suite, l’action d’auto-
évaluation.
Il va sans dire que la prise en compte des descripteurs dans la mise en application de la
biographie langagière est un exercice qui implique un effort de réflexion et d’adaptation.
Les listes de repérage proposées demeurent incomplètes. Il est fortement sollicité de la
part des opérateurs du terrain (enseignants et apprenants) d’adapter les descripteurs à
toutes les situations d’apprentissage et de choisir dans les listes proposées, ceux (les
descripteurs) qui sont adéquats aux situations d’apprentissage. Il est même souhaitable
d’ajouter ou de « formuler de nouveaux descripteurs ». Dans l’entreprise de mise en
pratique des listes de repérage et des descripteurs des grilles d’auto-évaluation,
apparaissent des éléments d’ordre méthodologiques et organisationnels. Nous rappelons
que ces dits éléments sont en lien étroit avec les ressources et les ensembles conçus par
le Conseil de l’Europe. L’opérationnalisation de ces éléments et leur éventuelle prise en
contextualisation nécessitent tout un travail de préparation et de mesures préalables à
effectuer.
L’essentiel de ce travail peut être résumé par les questions et les considérations qui
suivent :
- De quelle(s) manière(s) les opérateurs présenteront-ils les descripteurs (par
niveaux ou par tâches/activités langagières ?
- Selon quelle(s) possibilité(s) les apprenants utilise(ront)-il(s) les listes de
repérage et selon quelle(s) modalité(s) ?
- Comment vont-ils atteindre les objectifs fixés ?
- Comment vont-ils procéder en auto-évaluation ?

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 112
- Jusqu’à quels points les ensembles autorisent-ils l’intégration de nouveaux
descripteurs ?
- Comment effectuer le processus de transfert des résultats d’auto-évaluation
de la biographie langagière au passeport des langues ?

Toutes ces questions dénotent les soucis pédagogiques et didactiques des différents
intervenants dans l’opération : de la conception à l’élaboration du PEL, notamment la
partie qui concerne la biographie langagière. Elles soulèvent également les aspects
ontologiques du document, en particulier les aspects liés à sa cohérence et son
fonctionnement. Pour le cas de l’utilisation du PEL au niveau de l’université, nous
proposons d’organiser, à titre d’exemples, des activités linguistiques et culturelles au
sein de l’université sous forme d’ateliers et de séminaires de formation, de cours
intensifs de renforcement linguistique, de rencontres et d’animations régulières et de
cessions cycliques dédiées à la formation en langues. Ces éléments d’utilisation du
portfolio, nous allons les exploiter dans notre questionnaire d’enquête, destiné aux
étudiants pour analyser le point de vue des étudiants sur les stratégies d’apprentissage
(Voir plus loin notre analyse au 8.5.3).
Naturellement, ces activités universitaires ou para-universitaires se déroulent en
parallèle et en complément de la formation linguistique assurée par les universités.
L’idée de morcellement du portfolio et de ne prendre exclusivement que l’outil, le
passeport des langues en l’occurrence ou de voir en ce document une bouée de
sauvetage pour « se débarrasser » de la problématique épineuse de l’enseignement des
langues et de(s) langue(s) d’enseignement, au niveau du supérieur, n’apporte aucune
solution. Au contraire, elle ne fait qu’ajourner les risques et les dangers de ne pas faire
face à une problématique fondamentale dans tout le système et dans toute la société.

4.3.5 La Biographie langagière : pluralité linguistique et culturelle

Aujourd’hui, nous assistons à une mouvance internationale à élaborer des programmes


universitaires de formation conçus dans le cadre de partenariats entre les universités du
Nord et du Sud. Ces dits programmes sont encouragés et financés par les instances
mondiales (programmes : Tempus, Erasmus plus, Erasmus mundus, Ares …). D’autres
programmes, pour encourager la recherche scientifique à l’échelon national ou pour
encourager la mobilité des enseignants, du personnel de l’éducation et des étudiants ont

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 113
commencé aussi à voir le jour35. Nous considérons que ces initiatives et les diverses
opportunités offertes, constituent une excellente occasion pour mettre en œuvre le
portfolio des langues (PL), notamment l’outil biographie langagière. Le cadre de travail,
mis en place par ces programmes, favorise l’échange, l’enrichissement mutuel en
expériences scientifiques et professionnelles, mais au-delà des objectifs académiques
assignés à ces programmes, c’est la valorisation de la pluralité linguistique et culturelle
qui trouve son compte.
A cet égard, les différents programmes de partenariats et d’échanges entre l’Université
Hassan 1er et la Haute Ecole de Namur-Liège-Luxembourg, constituent sur les plans
scientifique, académique et professionnel des domaines d’enrichissements mutuels en
expériences et en expertises. Prenons à titre d’exemples le programme « français langue
étrangère » (FLE), le « programme Mader », le partenariat « Simulation en soins de
santé » (pour la catégorie paramédicale) et le programme « sport et éducation
physique »36, tous ces programmes d’échanges et de partenariats sont devenus en un
mot l’emblème de coopération réussie. Cependant, les objectifs qui sont réalisés
dépassent le cadre purement technique qui leur a été tracé au départ. Les participants à
tous ces programmes sont quasi unanimes sur les valeurs interculturelles, du vivre
ensemble qui sont développées dans le cadre de ces projets. Prenons aussi le cas de la
première « quinzaine de la langue française » organisée au sein de la Faculté de Droit de
Settat. Le test de satisfaction des étudiants effectué à la fin de ce programme montre la
grande satisfaction des étudiants bénéficiaires des cours et des activités, mais aussi leur
sensibilité aux aspects interculturels, et aux valeurs universelles du vivre ensemble
inhérentes à ce rendez-vous. Ces dits aspects et valeurs ne sont pas le souci majeur des
organisateurs de cet événement, qui au départ avaient tablé sur des objectifs purement
linguistiques, en témoigne l’intitulé du programme : « la quinzaine de la langue

35 Il s’agit ici d’un certain nombre de programmes nationaux pris en charge par les structures nationales de
recherche à l’instar du Programme Ibn Khaldoun.

36Tousces programmes sont le fruit du partenariat réussi entre l’Université Hassan 1er et la Haute Ecole de Namur
(Hénnalux).

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 114
française » ou de « la francophonie ». A partir de ce programme d’échanges et de cette
expérience du terrain, nous considérons que la biographie langagière est l’outil de base,
le mieux approprié, pour la canalisation des objectifs du vivre ensemble et de
l’interculturalité. En effet, cet outil permet substantiellement de contourner à la fois les
objectifs linguistique et interculturel de manière équilibrée. Les valeurs interculturelles de
la citoyenneté universelle ou du savoir-vivre ensemble ne passent pas inaperçu dans le
cadre de la biographie langagière.
4.3.6 La biographie langagière, l’interculturel l’autre versant du linguistique
Comme nous l’avions spécifié dans ce qui précède, lors du déroulement des cours
intensifs assurés par l’Uh1 et son partenaire l’Hénallux, les activités linguistiques
programmées avaient pour objectif principal le renforcement de la compétence
linguistique des étudiants nouveaux arrivants. Cependant, avec du temps et du recul, les
deux équipes des enseignants-chercheurs impliquées dans le projet se sont rendu
compte que les valeurs interculturelles véhiculées dans le cadre de ce rendez-vous
linguistique sont ipso facto une composante incontournable de l’action pédagogique. Ils
ne constituent nullement l’arrière-fond des activités linguistiques, même si, au départ,
elles n’ont pas été clairement définies et explicitement déclinées en termes d’activités
pédagogiques. C’est pourquoi, nous conseillons les équipes pédagogiques travaillant
dans de pareils programmes internationaux à prendre en considération la composante
interculturelle, comme vecteur de valeurs partagées et du vivre ensemble effectif. Nous
citons le cas, anecdotique, d’une jeune professeure stagiaire belge, participant à ce
programme et assurant un cours de français. Face à un étudiant marocain de première
année, voulant répondre à la question de son professeur, mais n’arrivant pas à trouver
ses mots en français, il fond en larmes. Touchée par la situation de blocage et
d’incapacité dans laquelle se trouve l’étudiant, la jeune professeure n’arrive pas
également à empêcher ses larmes de couler.37

37
Cette jeune professeure-stagiaire de l’Hénallux, promotion de (2014-2015), a expliqué à notre collègue Aphrodite
Maravellaki, son professeure encadrant, que ce stage linguistique et contextuel au Maroc, l’a marquée dans sa
carrière professionnelle et l’a beaucoup aidée à faire face aux clichés sur l’altérité et l’interculturel.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 115
4.3.7 Le dossier sélectif de documentation

C’est un outil qui donne à l’étudiant l’occasion de choisir les matériaux qui servent à
« documenter » et « illustrer » les acquis ou les expériences signalés dans la biographie
langagière. Le dossier est considéré de manière globale comme une sorte de carte visite
de l’individu apprenant les langues. En plus de la possibilité de regrouper et de classer
des documents de nature différente, le dossier sélectif constitue un outil de
communication pédagogique par excellence. Il donne l’opportunité de communiquer par
les différentes réalisations de l’étudiant et les travaux entrepris. Ainsi, cette
communication prend la forme d’ : « une collection de travaux sélectionnés afin de
montrer ses connaissances et son savoir faire dans une ou plusieurs disciplines. »
(Jalbert, 1997 : 31)
Il est clair que nous ne pouvons mettre n’importe quel document dans la collection
sélectionnée, sinon nous serions en présence d’un document fourre tout, une sorte de
placage de données sur des activités pédagogiques réalisées « ça et là ». Les supports
retenus doivent à la fois être représentatifs du travail engagé et cohérent avec le sens
global de la collection. Certes le dossier d’apprentissage facilite l’apprentissage, dans la
mesure où l’apprenant participe lui-même à l’élaboration de critères de choix de
documents qui garnissent son portfolio, mais il expose ses réalisations et entre en
communication avec son entourage (ses pairs, ses parents et plus tard avec les
opérateurs professionnels …).
Afin de rendre l’appréciation du dossier de documentation plus explicite, nous retenons
ce tableau synoptique figurant dans le Rapport canadien des ressources didactiques du
Ministère de l’Education du Québec38.

38
Ministère de l’Education du Ministère de l’Éducation du Québec, Direction des ressources didactiques (MEQ),
mai, 2002, portfolios sur support numérique, p. 21.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 116
Synthèse des trois types de dossiers
Description Buts Personnes Façon de faire
concernées
-Suivre le - Choisir des productions
cheminement de l’élève - Ajouter des commentaires
-Elève /Etudiant
-Mieux comprendre le et des réflexions
-Enseignants
-Collection de processus - Analyser la collection
Dossier -Parents
travaux de l’élève d’apprentissage de -Reconnaître les
d’apprentissage faisant foi de ses l’élève améliorations possibles
progrès sur une -Apprendre à l’élève à -Se fixer des buts
période s’auto évaluer -Présenter la collection à
-aider l’élève à prendre l’enseignant et aux parents
conscience de ses
apprentissages

-Collection des -Apprendre à l’élève à - Elève - Choisir les meilleures


Dossier de
meilleures s’auto évaluer. - Autre élève productions
présentation productions d’un -Aider l’élève à parler - Enseignant - Ajouter des commentaires
élève de ses apprentissages - Etablissement et des réflexions
d’enseignement - Analyser la collection
supérieur - Choisir le média de
- Employeur futur présentation
Parents - Choisir le public ciblé
- Présenter le dossier

Choisir les productions


- Choix de - Faire la preuve du -Ajouter des commentaires et
a) Enseignement
productions niveau de des réflexions
Dossier b) Commission
accompagnées de développement d’une -Analyser la collection
scolaire
d’évaluation commentaires compétence ou de -Interpréter et porter un
c) MEQ
plusieurs compétences jugement
d) Elève
e) Parents -Communiquer le jugement

Tableau 2 : typologie des dossiers

L’on a mis l’accent sur le type de pédagogie expérimentale à l’épreuve dans le cadre du
portfolio. Celle-ci est aussi de nature heuristique du fait qu’elle met l’apprenant-acteur
dans des situations-problèmes d’apprentissage réel et effectif. C’est une pédagogie qui
interpelle les facultés, les habiletés et les réflexes situationnels liés au développement
des compétences linguistiques et communicatives. Par cette pédagogie novatrice, l’on
passe du paradigme de l’enseignement à celui de l’apprentissage. Evidemment,
l’enseignant est toujours présent, mais son rôle n’est plus celui d’exposer le savoir sinon
d’orienter l’apprenant et de soutenir l’apprentissage. Ainsi, le portfolio des langues paraît
comme l’outil privilégié d’une compétence plurilingue et :

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 117
« [il] tire sa force du fait qu'il garantit la prise en considération de l'évolution de l’élève,
de sa trajectoire par rapport au développement de ses compétences et de la construction
de ses connaissances.» (Bibeau et al. 2002 : 8)

4.4 Le Portfolio et l’analyse réflexive


Il est très important de souligner que le portfolio introduit une analyse innovante en
matière de pédagogie. Sa popularité s’explique aujourd’hui par le fait :
« de trouver des instruments de régulation et d’évaluation liés aux nouvelles pratiques
pédagogiques et aux nouvelles approches en éducation.» (Bibeau et al. 2002 : 5)
Parmi les innovations majeures de l’introduction du portfolio dans le curriculum, le
renouvellement méthodologique et pédagogique de l’acte éducatif. Aussi serait-il
judicieux de s’arrêter un moment sur la nature de ce changement et les implications
méthodologiques qu’il introduit. En effet, la plupart des chercheurs se mettent d’accord
sur la méthode d’analyse réflexive comme vecteur du portfolio et comme moyen
privilégié de sa mise en œuvre.
Il est à préciser que l’analyse réflexive est une pratique qui relève du domaine de la
formation de formateurs, en tant que « retour sur l’expérience acquise » afin de pouvoir
constituer une source de modèle pour les activités futures. La démarche réflexive se base
sur la compétence de communication et sur le principe de l’intercompréhension en
didactique des langues. Ce sont ces aspects là qui nous intéressent dans la mise en
œuvre du portfolio, surtout que le public cible de notre recherche est à l’étape de
l’enseignement supérieur, c'est-à-dire au seuil du monde professionnel.

4.4.1 L’approche réflexive, de l’intercompréhension à l’agir professionnel

Nous pouvons partir de deux hypothèses : la première consiste à centrer le travail


réflexif sur le capital langagier qui facilite la prise de conscience du profil plurilingue. Ce
qui permet par la même occasion, une prise de distance nécessaire à la maîtrise des
enjeux de mise en œuvre de la didactique de l’intercompréhension. La seconde
hypothèse consiste à mettre en place un suivi métacognitif qui permet le développement
des mécanismes de régularisation et de consolidation des schémas d’action qui
permettent d’inclure et de rentabiliser les apprentissages dans les pratiques
d’enseignement futures.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 118
Ces changements ne font que renforcer la place de l’école et rendre son intervention
prégnante et compliquée. Contrairement à ce que d’aucuns défendent (Dubet, 2002),
(Caillé, 2013) le rôle de l’école se renforce de plus en plus. Même si les ressources de
l’environnement vont croissant, l’apprentissage peut s’effectuer en dehors de l’école et
s’étale le long de la vie, l’école n’a aucun intérêt à réduire son implication et son
investissement. Une des premières responsabilités de l’école est de contribuer justement
au développement d’une compétence plurilingue.

4.4.2 Mise en place de la compétence plurilingue

Nous essayons d’aborder la notion de compétence plurilingue qui est aujourd’hui au


centre d’attraction didactique. Elle est sujette à une forte demande sociale avant d’être
l’apanage de la didactique des langues et des cultures. Cela est dû au fait que l’attrait de
l’école, aujourd’hui, est situé aux niveaux de la diversification de l’offre linguistique, de la
diversité des langues enseignées et des langues d’enseignement, même si cette
demande concerne plutôt telle(s) langue(s) plutôt que telle(s) autre(s). Ainsi, nous
pouvons entrevoir l’émergence de situations d’enseignement précoce de langues, de
filières bilingues ou de section d’enseignement international ou encore les sections
internationales du baccalauréat au Maroc (Baccalauréat international option langue
française BIOF…) et autant de formules innovantes en réponse à cette demande sociale à
vocation linguistique.
Pour Coste, la notion de « compétence plurilingue » est une notion clé, elle est centrale
parce qu’elle ouvre des perspectives épistémologiques sur une notion « jouant à la fois
sur le plurilinguisme comme compétence et […] comme valeur… » (Coste, 2009 : 45).
Comme compétence parce qu’elle désigne la capacité à mettre en œuvre un répertoire
de « ressources langagières ». Ce répertoire, comme l’a pertinemment souligné Coste,
est :
« à la fois multiple et un : multiple dans sa composition (plusieurs variétés à des degrés
variables de maitrise), un dans sa gestion (alternances codiques, restructurations de
contacts, traduction).» (Coste, ibid.)
Le répertoire langagier a l’avantage de regrouper l’ensemble des langues et des variétés
maîtrisées à des degrés différents. Il permet aussi de prendre en considération les
différents codes linguistiques en contextes scolaires et extrascolaires, c'est-à-dire que le

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 119
répertoire valorise aussi bien les apprentissages linguistiques prodigués par l’institution
éducative que les éléments qui l’alimentent en dehors de l’école à l’instar de la famille,
l’environnement, les mobilités, etc.
A préciser que la notion de compétence plurilingue a été reprise et revisitée par les
didacticiens au cours des deux dernières décennies qui ont suivi sa mise en place. Parmi
les chercheurs qui ont probablement consacré un intérêt particulier à cette notion et à
son évolution nous retenons Coste (Coste, 1997, 2009). Ce dernier a non seulement
peaufiné la notion de « compétence » et ses composantes, mais a proposé des pistes de
réflexions novatrices en illustrant les déplacements de paradigmes lors du passage de la
compétence communicative (Hymes, 1984) à la compétence plurilingue. Ces
déplacements de paradigmes de réflexion ainsi que les différentes orientations en
matière de didactique du plurilinguisme ont suscité l’intérêt d’autres chercheurs,
notamment (Moore et Castellotti, 2008 ; Castellotti, Cavalli, Coste et Moore, 2009).

4.4.3 Compétence plurilingue et processus d’acquisition des langues

La compétence plurilingue se caractérise par la complexité et l’hétérogénéité. Elle est la


résultante de processus d’acquisition et d’apprentissage « variés » et « multiples ». En
effet, l’acquisition de deux langues ou plus dans un milieu bi-plurilingue, par exemple,
peut être simultanée ou successive. Nous parlons d’acquisition simultanée
d’apprentissage de langues quant l’enfant, avant l’âge de trois ans, apprend deux
langues ou plus. Après trois ans, l’apprentissage de langues s’effectue de manière
successive, soit dans l’environnement familial (apprentissage en milieu naturel ou
social), soit dans le contexte scolaire. Nous pouvons également introduire la distinction
d’apprentissage « guidé » et d’ « apprentissage non guidé » (Lüdi, 2004).
Cette question d’acquisition simultanée ou successive ainsi que la notion d’apprentissage
guidé vs non guidé revêtent un intérêt particulier dans le contexte marocain
actuellement. En effet, le débat houleux qui dépasse parfois le cadre de la concertation
objective et profonde pour donner lieu à toutes sortes d’emportement dans la discussion
provient d’une part de la méconnaissance des questions linguistiques et socio
linguistiques ainsi que de la volonté de politisation et d’idéologisation de la question. Et
d’autre part, cela explique la non-réussite des politiques linguistiques à mettre en place
un enseignement des langues efficace et efficient dans le cadre de l’enseignement,

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 120
notamment dans l’enseignement « préscolaire ». Il n’y a pas de « modèle »
d’enseignement préscolaire capable de répondre de manière scientifique à la demande
sociale et institutionnelles en matière des langues.

4.4.4 Forme de la compétence plurilingue

A partir du moment où l’on a affaire à des individus plurilingues se pose la question de la


forme de cette compétence. La composition de la compétence plurilingue ne se reflète
pas par l’adjonction de deux ou plusieurs compétences unilingues. Il ne s’agit pas d’une
stratification de compétences qui s’opère de manière linéaire et hiérarchique. En effet,
l’individu apprenant une langue étrangère ne part pas du néant ou du vide, son
expérience de locuteur en langue maternelle lui servira toujours à développer ses
facultés de communication en langue étrangère. Le développement des facultés
linguistiques, de la compétence plurielle et de l’ensemble du processus linguistique
s’effectue selon une conception du plurilinguisme qui :
« ne relève justement pas d'une option quantitative, qui se matérialiserait par l'addition
ou la juxtaposition d'un grand nombre de langues (la "multiplicité"), mais bien d'une
option fondamentalement qualitative et processuelle, se traduisant par la compétence
plurielle et située des acteurs sociaux amenés à agir, communiquer et s'identifier dans la
pluralité et la diversité des contextes européens. » (Castellotti, 2010 : 5)
Cette sorte de compétence « procédurale » pèse lourdement dans les processus cognitifs
d’acquisition en langue(s) étrangère (s), non pas selon un mode de fonctionnement
« additionniste », mais déclenchant un processus intégratif des deux langues dans un
tout. Et cet ensemble permet des allers-retours de façon harmonieuse. Nous pouvons
étayer cette argumentation par les résultats de recherches en sciences
neurolinguistiques (Franceschini & al., 2003), (Zappatore, 2004). En fait, et
contrairement à ce que l’on pourrait croire, les neurolinguistes ont mis en évidence la
réalité des compétences linguistiques. Elles ne sont pas séparées et clairement visibles
ou localisables dans le cerveau. Plus même, les zones du cerveau mobilisées et
« exploitées » par les différentes langues sont pratiquement les mêmes.
Cependant, si certains individus sont – ou deviennent – bi/plurilingues, ils ne le sont pas
tous au même degré, et la différence entre eux, comme le précise Georges Lüdi, n’est
pas liée :

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 121
« au fait que certains apprenants ne seraient pas suffisamment doués. La capacité des
enfants normaux d’apprendre des langues est pour ainsi dire illimitée. Apprendre une
deuxième, une troisième, une quatrième langue ne représente, pour eux, aucune
surcharge cognitive. » (Lüdi, 2004 : 128)
Cette précision théorique, nous aidera mieux à comprendre les différentes raisons
d’échec de l’apprentissage des langues et des pratiques linguistiques dans le système
éducatif marocain, notamment l’apprentissage de la langue française et ses pratiques en
tant que langue universitaire. En effet, les aspects d’achoppement et : « […] du manque
d’équilibre sont plutôt à chercher dans les conditions d’acquisitions et d’emploi des
langues ainsi que dans leur valeur sur le marché linguistique respectif. » (Lüdi, ibid.).
Par ailleurs, il est inutile de rappeler, ici, les liens solides et les recoupements cognitifs
apparents entre la compétence plurilingue et les modes d’acquisition des langues
étrangères. Les conceptions didactiques et méthodologiques basées sur la séparation et
la compartimentation linguistiques nourrissent le rejet, l’antagonisme et l’adversité
« véhémente » des langues dans le système, l’une par rapport à l’autre. Bref, la
continuité, la complémentarité et les recoupements sont les maitres mots d’une
compétence linguistique en perpétuelle évolution et dynamique.

4.4.5 Dynamisme et évolution de la compétence plurilingue

La théorie linguistique et par la suite la didactique des langues avaient tendance à


considérer la compétence de communication comme quelque chose de statique et son
développement s’effectue par stratification. Ce qui laisse entendre une sorte de
« compartimentation » en matière d’acquisition de compétences. Dans le cadre de ces
considérations théoriques, l’acquisition de la compétence linguistique et
communicationnelle en langue étrangère (LE) viendrait s’adjoindre aux compétences
acquises en langue maternelle. Et ainsi de suite pour l’apprentissage d’une deuxième ou
d’une troisième langue étrangère. Cependant, avec le Cadre européen, les conceptions
de compartimentation et de stratification de la compétence s’amenuisent. En effet, il
n’est plus question de parler : « [de] superposition ou juxtaposition de compétences
toujours distinctes, mais bien existence d'une compétence plurielle, complexe, voire
composite et hétérogène […] » (Coste et al. 2009 : 11). La définition de la compétence
plurilingue est on ne peut plus explicite. Elle désigne : « la compétence à communiquer

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 122
langagièrement et à interagir culturellement possédée par un acteur… ». Cette mise à
contribution de la compétence plurilingue, outre son caractère double (elle est à la fois
linguistique et culturelle) implique une mise en exercice et une gestion globale de « ce
capital langagier et culturel ».
Par ailleurs, la compétence plurilingue jouit d’un dynamisme et d’une évolution qui
rendent l’exercice d’apprentissage des langues une activité attrayante. Elles s’étalent sur
les différentes étapes de vie du citoyen apprenant. En effet, comme le précisent Coste,
Moore et Zarate : « La compétence plurilingue et pluriculturelle n’est pas ici considérée
comme stabilisée et (dés)équilibrée de telle ou telle manière une fois pour toutes. »
(Coste et al. op.cit. :12). Cette compétence en perpétuelle mutation est à la fois
« malléable » et « évolutive ». Elle est aussi capable d’adaptation et de
modifications : « selon la trajectoire de l’acteur social, la configuration de cette
compétence évolue, s’enrichit de nouvelles composantes, en complète ou transforme
certaines autres, en laisse encore certaines autres dépérir. ». Actuellement, les individus
sont exposés aux langues étrangères soit de manière « directe », soit « médiatisée », et
ce dès leur jeune âge.

4.4.6 La notion du « locuteur idéal » revisitée à la lumière de la compétence


plurilingue

Ainsi, les compétences en langues (maternelles et étrangères) sont voisines et


présupposent théoriquement les mêmes exigences. Le locuteur idéal serait dans ce
contexte, celui qui entre dans un processus de développement de compétence plurilingue
le long de sa vie. Le parcours peut certes s’étaler sur des années, mais le mécanisme
d’acquisition des langues et des variétés de langues ne s’effectue pas de manière libre et
spontanée. Il est inutile de rappeler ici le type de locuteur natif idéal préconisé par la
linguistique structurale du siècle passé, notamment dans le cadre de la grammaire
générative chomskyenne. Celui-ci est le cas d’un locuteur apprenant la langue maternelle
dans son environnement naturel et capable d’intérioriser ses règles de manière implicite.
Le profil du locuteur plurilingue (polyglotte), développé aujourd’hui -et tant souhaité-
devrait au contraire, passer par des étapes d’apprentissage explicites et formalisées. Il
revient aux autorités compétentes de créer les espaces publics d’apprentissage des
langues et de veiller au bon déroulement des dispositifs linguistiques mis en place.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 123
C’est dans cet ordre d’idées que l’instance qui s’occupe des réflexions et des propositions
en matière de politiques linguistiques est sensée adopter cette vision dans la conception
des curriculums39. L’avantage des curriculums plurilingues et des portefeuilles
plurilingues est de mettre en place une approche cohérente et prégnante qui répondrait,
certes aux demandes sociales en matière d’apprentissage des langues, mais qui
dépasserait aussi les handicaps linguistiques que tout le monde critique aujourd’hui.
Aussi est-il judicieux de préciser que le terme « politique » dans le cadre de « politiques
linguistiques » ne devrait pas être pris dans son sens restreint, le fait de défendre une
vision partisane ou une orientation doctrinale ou idéologique. 40
Il ne s’agit pas non plus de compétition entre les différents acteurs dans le champ
politique. Compétition qui encouragerait l’adoption d’un discours imprégné de
subjectivisme et caressant le moi social au risque de porter atteinte à la pluralité
linguistique et la diversité culturelle. Le terme « politique » devrait plutôt être pris dans
le sens de gestion des affaires publiques en tant qu’organisation de la direction de la Cité
et des citoyens. Cette précision est importante pour orienter le débat sur les langues au
Maroc vers les caractéristiques d’objectivation et de scientificité, qui ont toujours été le
grand absent. En tout cas, c’est ce que soutiennent et défendent solennellement les
auteurs de Tremplin : « loin de toute considération socio-politique, et tout en affirmant
l’intérêt de préserver la grande richesse du caractère multilingue du Maroc […] »
(Moussafir et al, 2016 : 9).
Dans cet ordre d’idées, nous trouvons que la conception de Jean-Marie Klinkenberg est
pertinente pour rappeler « un grand principe d’action » souvent marginalisé ou relégué
au second plan. En effet, pour l’académicien belge : « la langue est pour le citoyen et
non le citoyen pour langue. Ce n’est pas lui qui est fait pour elle, mais elle qui est faite
pour lui. » (cité dans Moussafir et al. op.cit : 19). L’acharnement à mettre le citoyen au
service de la langue s’explique par la persistance du principe puriste, même si

39
Au Maroc c’est le Conseil supérieur de l’enseignement et de l’éducation …, notamment son Conseil national des
langues … qui s’occupe des questions linguistiques

40
C’est pourquoi en matière de politique linguistique, nous avons montré la conception judicieuse d’un
aménagement basé sur une vision anthropologique. Ce sont les spécialistes des questions linguistiques,
sociolinguistiques et didactiques qui s’occupent de telles conceptions dans le cadre d’institutions officielles (cf.
2.3.3.3).

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 124
aujourd’hui personne ne se reconnait comme tel. Pourtant, et là nous empruntons la voie
de la métaphore ingénieuse de Klinkenberg, le courant dominant la scène des débats
linguistiques tente de nous « persuader que nous sommes les locataires de nos langues
[…] et non leurs propriétaires. »
Paradoxalement, la situation linguistique a évolué au Maroc, mais les débats et les
attitudes sur les langues enseignées et la/les langue(s) d’enseignement n’ont pas évolué
depuis la période de l’indépendance jusqu’à aujourd’hui. Dans le deuxième chapitre,
notamment la sous-section (2.2.3) consacrée à l’aménagement linguistique, Elgherbi
avait distingué trois orientations majeures et influentes en matière de politiques
linguistiques au Maroc (Elgherbi, 1993). Les discours tenus dans le cadre de ces
orientations à savoir le discours « traditionnalisant », le discours moderniste dit
« anthropologique » et le discours dit « technocratique » sont toujours de mise. Et les
propositions faites au sujet de la / des langue(s) d’enseignement tournent dans un cercle
vicieux. Elles n’échappent guère à la vision unique et unilatérale d’adopter soit la langue
arabe comme langue d’enseignement (discours traditionnalisant), soit la langue française
(moderniste et technocrate).
Ceci dit, la question que nous pouvons poser est : pourquoi la situation tend à la
stagnation alors qu’on aborde la problématique du plurilinguisme et de la compétence
« plurilingue », qui elles se caractérisent par l’évolution et la malléabilité ?
La solution peut être trouvée dans une position entre les deux, c'est-à-dire adopter du
moins à un certain niveau d’études, le collège par exemple, un enseignement bilingue ou
trilingue des matières scientifiques et techniques. Ici encore les points de vue divergent
et l’on assiste aujourd’hui à une autre position qui appelle à l’adoption de l’anglais
comme langue d’enseignement. Les arguments érigés en faveur de la langue de
Shakespeare sont multiples. Par exemple, elle est la « langue numéro un » de la
publication scientifique, et l’on doit publier en anglais ou « périr » (publish in englich or
perish). De plus, « la langue française ne peut pas remplacer l’anglais dans ce rôle».
Par ailleurs, « les politiques linguistiques dans plusieurs pays, y compris la France,
réservent une place primordiale à la formation des individus en anglais pour leur donner

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 125
plus de chance de succès et de compétitivité dans le marché international du travail ».
(Elfassi Alfihri, A. : 2019), (C’est nous qui traduisons). 41

Dans cette perspective, « le choix de la langue anglaise serait pour le Maroc un choix
judicieux et cadre avec les choix des pays forts dans le monde », ceux de l’Union
européenne et de l’Asie, qui ont opté pour la langue anglaise.
Deux mois plus tard, nous pouvons lire sur la même tribune électronique, dans un
entretien avec un autre académicien, en l’occurrence Hassan Aourid42, critiquant la
posture traditionnalisante, qui comme pour détourner le débat, commence à parler de
l’anglais comme alternative, ce qui ne constitue à nos yeux que l’arbre qui cache la forêt.
Les tenants de ce discours aujourd’hui ont été, du moins sur les plans symbolique et
métaphorique -la donne a changé de nos jours et les personnes aussi- les initiateurs de
l’arabisation de l’enseignement des matières scientifiques au niveau de l’enseignement
primaire et secondaire durant les années 1980.
Ceci dit, l’intégration de l’anglais comme langue d’enseignement des disciplines
scientifiques ne devrait pas être une sorte de prise de position contre la langue de
Molière. La situation n’est pas aussi simple. La première question qui saute aux
yeux peut être formulée de la manière suivante : avons-nous les moyens humains et
matériels pour permettre ce choix et cette ouverture ? Ou encore notre système éducatif
est-il suffisamment préparé est ouvert à cette stratégie d’enseignement ? Déjà le
processus d’arabisation a mis des décennies pour prendre place dans le système, sans
jamais aboutir à des résultats concrets et probants.
Avant de se lancer dans ce débat sur les langues étrangères et laquelle est porteuse de
solutions et d’horizons, l’heure est aux bilans des choix de politiques linguistiques. Le

41
Elfassi-Alfihri, réagit dans le cadre de ce débat par un article publié en arabe dans Hespress,
https://www.hespress.com/orbites/420604.html A (2019-05-13), Y a-t-il une tierce solution à la problématique des
langues d’enseignement au Maroc. (c’est nous qui traduisons). A rappeler que ce chercheur a occupé le poste de
Directeur de l’Institut des Etudes et des Recherches pour l’Arabisation

42
Le chercheur Hassan Aourid est connu par ses positions critiques à l’égard de tout ce qui a tendance au
conservatisme et au regard passéiste de l’histoire. Cet ex-porte-parole du Palais Royal participe à ce débat houleux
sur la question linguistique. Ici, il préfère la même tribune choisi par « l’arabisant » Alfihri pour exprimer sa position
et répondre aux « traditionnalisants ».

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 126
bilan de l’arabisation de l’enseignement n’échappe nullement à cette situation. A cet
égard, Aourid introduit une distinction fondamentale entre le processus d’arabisation en
tant que tel et la manière dont il a été appliqué dans le système éducatif. Il soulève pour
ainsi dire cette question : « Faudrait-il rendre responsable la langue arabe ? L’objectivité
présuppose la distinction entre la langue arabe et la méthode préconisée dans
l’arabisation. (C’est nous qui traduisons de l’arabe)» (Aourid, 2019 : 166)
Il va sans dire que la position « conciliatrice » que nous proposons dépasse cette vision
et ne s’inscrit nullement dans une perspective d’adversité et d’antagonisme. Elle est
plutôt orientée vers la stratégie de continuité, d’intégration et d’intercompréhension, une
stratégie de la complémentarité dans la diversité.
Il reste à la fin, à préciser que l’approche plurielle avec la didactique intégrée et
d’intercompréhension sont les maîtres mots du portfolio. Nous avons pu mesurer
combien l’introduction du portfolio dans le cadre socio-éducatif est judicieuse, et ce à
plusieurs égards. Primo, cela renforce la place de l’école dans la mise en œuvre de la
pluralité linguistique et culturelle. Secundo, l’usage du portfolio assouplit en quelque
sorte l’acte pédagogique par l’inscription de l’apprentissage des langues dans un
processus qui peut s’étaler le long de la vie du sujet apprenant. Tertio, ce sera une
révolution douce des méthodologies d’apprentissage des langues mises en place par
l’introduction de notions et de composantes qui rattachent l’institution pédagogique à son
environnement social et économique.
Le type de compétence convoquée et engendrée par le portfolio est de type multiple et
pluriel. Elle met en œuvre une didactique spécifique. Quelle est-elle ? Quels enjeux
sociaux et pédagogiques mobilise-t-elle ? Et selon qu’elle vision articuler les différentes
langues en usage dans le système ? Les réponses à ces questions constituent les
grandes lignes du chapitre qui suit.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 127
Chapitre 5

Didactique du plurilinguisme

5.1 Didactique du plurilinguisme, éléments contextuels et repères


méthodologiques

La didactique du plurilinguisme est une appellation récente. C’est une notion en rapport
étroit avec les orientations nouvelles en matière de politiques linguistiques. Elle est
également à l’origine de notions novatrices centrées sur le développement de la
compétence plurilingue, dont nous venons d’analyser les tenants et aboutissants. Nous
commencerons ce chapitre par la présentation de la notion de didactique du
plurilinguisme, avec des éléments de définition et des repères contextuels et
méthodologiques qui influencent ses enjeux pédagogiques et sociaux. Ensuite, il sera
question des approches plurielles comme pièce maitresse de la didactique du
plurilinguisme. Celles-ci ne sont pas seulement une mise en perspective de la didactique
du plurilinguisme, mais elles ont l’avantage d’introduire des notions novatrices comme la
didactique intégrée, l’éveil aux langues, l’approche interculturelle et la didactique de
l’intercompréhension. Tout cet arsenal conceptuel fera l’objet de notre analyse et nos
développements à venir.

5.1.1 Genèse d’une notion

Plusieurs chercheurs en didactique et en sociolinguistique s’accordent pour désigner


Jacqueline Belliez, parmi les premier(e)s auteur(e)s à avoir utilisé ce concept ou, en tout
cas, à avoir souligné le passage de « la didactique des langues à la didactique du
plurilinguisme ». (Blanchet, 2004), (Candelier, 2008), (Candelier et Castelloti, 2013).
Loin de décourager les chercheurs et les didacticiens soucieux de remonter aux origines
du concept, Candelier et Castelloti considèrent l’entreprise de chercher à définir la
didactique du plurilinguisme comme une « quête difficile » et que le chemin à parcourir
« n’est pas simple ». En fait, d’un côté plusieurs auteurs ont participé à l’élaboration de
la didactique du plurilinguisme, de l’autre, les ouvrages qui constituent les

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 128
soubassements théoriques et méthodologiques se complètent sur la question. Pour
Belliez, la didactique du plurilinguisme est celle qui permet de : « cheminer sur la voie du
plurilinguisme. »
C’est dire combien ce chemin est ambigu. Cependant, pour jeter une lumière utile sur le
bien-fondé de la didactique du plurilinguisme (désormais DPL), nous retenons ici cette
précision introduite par Gajo, pour qui :
«La didactique du plurilinguisme au sens fort recouvre plutôt les méthodologies relevant
d’approches comparatives (didactique des langues voisines, didactique intégrée, certains
aspects de l’éveil aux langues) et de l’enseignement bi-plurilingue.» (Gajo, 2006a : 63).
A préciser que l’enseignement bi-plurilingue peut se présenter comme : «un
enseignement complet d’une ou de plusieurs disciplines non linguistiques (DNL) dans une
langue seconde.»
Sur le même registre définitoire et avec la même précision d’ordre méthodologique pour
tracer les contours de cette didactique nouvelle, Candelier et Castellotti insistent sur
l’aspect cognitif et intellectuel mis en œuvre dans le processus d’acquisition des langues
étrangères, dans le cadre de cette approche. Celle-ci peut être considérée comme :
« […] la volonté de favoriser, par l’intervention didactique, des démarches
d’apprentissage des langues dans lesquelles l’apprenant peut s’appuyer sur ses
connaissances linguistiques préalables, dans quelque langue que ce soit. […] on peut
considérer que cette définition ce situe au niveau du processus d’apprentissage que l’on
cherche à développer. » (Candelier et Castelloti, 2013 : 3)

5.1.2 Didactique du plurilinguisme transferts des connaissances linguistiques et


amélioration des apprentissages

La DPL désigne toute orientation ou approche en didactique qui se borne à relier les
différentes langues entre elles. Il s’agit de la tendance à exploiter les possibilités de
transferts de connaissances linguistiques et de compétences développés d’une langue à
une autre. Ce passage s’effectue par les procédés de sensibilisation aux ressemblances
et divergences entre les langues et par le biais de méthodes et d’études comparatives.
Parmi les objectifs phares de la DPL, nous pouvons citer entre autres les facultés
d’améliorer l’apprentissage des langues étrangères et de permettre aux apprenants
d’investir substantiellement les compétences langagières qu’ils ont développées afin

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 129
d’arriver au stade d’une compétence complexe qui est l’apanage de la compétence
plurilingue et pluriculturelle. Naturellement, le processus d’enseignement/apprentissage
s’effectue de manière douce et efficace et fait en sorte que les règles similaires soient
enseignées et reprises autant qu’il est nécessaire et sans que les élèves ne sentent l’effet
ou le poids.

5.2 La didactique du plurilinguisme et les enjeux pédagogiques et


sociaux
La DPL est une composante incontournable dans la mise en place du « plurilinguisme
scolaire », qui lui-même est à mettre en relation d’inter-influence avec le
« plurilinguisme social ». Ce rapport d’influence mutuelle, notamment la question des
effets des contacts de langues, est prégnant dans la motivation de l’individu à apprendre
ou non les langues étrangères. En effet, la psychologie cognitive et la sociolinguiste
accordent un intérêt particulier aux dimensions culturelle et contextuelle dans le
processus d’apprentissage des langues étrangères. Il n’y a pas, eu égard, à montrer
l’intérêt et l’impact de l’environnement d’apprentissage, de la culture d’enseignement, du
rôle des médias et de la vision des parents sur la conception des langues.
L’école et l’institution pédagogique, en général, jouent un rôle déterminant dans la mise
en place et la diffusion du plurilinguisme. Elles mettent en évidence les représentations
positives de la pluralité linguistique et de la diversité culturelles ainsi que les moyens et
les outils favorables aux apprentissages des langues. Le plurilinguisme diffusé demeure
peu présent dans les dispositifs linguistiques didactiques et pédagogiques mis en œuvre
par les établissements de l’enseignement supérieur. En fait, les universités sont encore
loin de cette vision novatrice en matière de didactique d’enseignement/apprentissage
des langues.

5.2.1 Rôle des enseignants

Une DPL ne peut faire l’impasse sur le rôle central que joue l’enseignant dans l’opération
pédagogique. Tout le monde est conscient aujourd’hui que ce rôle est incontournable,
notamment les rapports de l’enseignant avec les autres opérateurs dans le champ
scolaire et académique. Ce qui pousse Dominique Macaire à souligner que « le rôle
incitateur et valorisant des enseignants est déterminant. » (2008 : 11). Dans cet article

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 130
Macaire rappelle les trois épisodes didactiques d’Altet publié dans son étude statistique
de 199443. Ces épisodes coïncident avec ce que l’on pourrait appeler les trois scenarii
d’enseignement que nous présenterons comme suite :
- Les épisodes « inducteurs » : ce sont des épisodes qui n’accordent pas de
l’intérêt aux échanges, ils sont fermés car l’enseignant est soucieux de
suivre son objectif. Les échanges sont normalisés et induisent la
modélisation des rapports aux savoirs. D’après cette étude les épisodes
inducteurs constituent le scénario qui occupe le devant de la scène avec
67,1 %.
- Les épisodes « médiateurs » : ce sont des épisodes qui occupent 27,3 %, et
dont l’intérêt consiste à faire agir les apprenants. Cependant, malgré la
sollicitation des participants et leurs réactions, qui sont parfois prises en
compte, tout ce qui se déroule en classe doit être inscrit dans la stratégie
de l’enseignant et converge vers l’atteinte des objectifs prédéfinis.
- Les épisodes « adaptateurs » : ce sont les épisodes qui accordent plus
d’intérêt aux apprenants et donc, plus de marge de manœuvre pour que
l’enseignant soit à leur écoute. Le projet pédagogique est certes préétabli,
mais avec plus de souplesse et de flexibilité afin qu’il soit soumis aux
ajustements et adaptations nécessaires. Celles-ci proviennent de ce que
l’enseignant lui-même sait de ces étudiants ou émanent des attentes des
apprenants, de leurs demandes explicitement formulées. C’est un scénario
d’enseignement/apprentissage qui demeure quand même rare, avec 5,6
%d’après cette étude.
Nous considérons que dans le cadre de stratégies de mise en œuvre de dispositifs
linguistiques à l’Université, ce dernier scénario présente des aspects qui peuvent être
utiles et qui sont les plus appropriés à l’enseignement des langues à l’université. D’un
côté, ce scénario est élaboré selon une vision d’interaction et de feed-back, en ce sens
qu’il encourage les étudiants à participer au projet pédagogique avec plus d’activité et de
motivation, de l’autre, l’étudiant a plus d’autonomie et de liberté de choix, quant aux

43
Altet, M. (1994). La formation professionnelle des enseignants. Paris : PUF. - 264 p.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 131
tâches à effectuer. Autrement dit, dans le cadre de cette perspective pédagogique, les
cours et les modules de langues sont ouverts aux nouvelles tendances et méthodologies
pédagogiques, et sont aussi le terrain favorable à l’utilisation de la technologie et du
numérique comme vecteurs de formation et de développement personnel.
Dans le cadre d’une vision socio-cognitiviste par exemple, la centration de l’action
d’apprentissage sur les interactions collectives et sociales donne non seulement sens aux
activités et tâches d’apprentissages à réaliser, mais participe à l’ancrage dans la réalité.
Cette dernière dimension, absente dans les autres méthodes résumées, ici, sous
l’étiquette « épisodes inducteurs » et « épisodes adaptateurs », a toujours été le parent
pauvre dans le système éducatif. Elle a été à l’origine des critiques les plus sévères,
auxquelles on a soumis l’institution pédagogique. C’est pourquoi la prise en compte du
milieu socio-éducatif, de l’environnement socio-professionnel et économique et de
l’ensemble des interactions potentielles, auxquelles fera face l’apprenant à l’aide du
dispositif ou plus précisément, par le truchement de la biographie langagière, constitue
un enjeu majeur dans la valorisation de la formation. L’on doit savoir que les cours de
langue, surtout dans l’enseignement précoce, sont des lieux de socialisation, peut être
plus importants que le rôle que peut jouer dans ce sens la famille. C’est dans cette
perspective que l’intervention des enseignants, derrière eux l’institution comme le
précise Forlot est prégnante, car selon lui : « c'est en partie l'institution d'enseignement
elle-même, par ses acteurs (notamment les corps enseignants, d'inspection ainsi que les
concepteurs de programmes scolaires et de manuels de cours...) et ses philosophies
d'enseignement, qui produit et reproduit les stéréotypes sur les langues étrangères,
régionales ou anciennes. » (Forlot, 2006 : 137). En fait, l’institution pédagogique est le
lieu de diffusion de conceptions, de valeurs et de représentations sur les langues et les
cultures qui pourront être capitales dans l’orientation et la tendance au plurilinguisme.
C’est dans ce cadre que nous pouvons comprendre la pertinence de la remarque de
Macaire :
« On ne peut attendre des élèves une posture plurilingue si les enseignants ne sont pas
eux-mêmes en mesure de valoriser une telle posture. » (Macaire, 2008 : 16).

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 132
5.2.2 La didactique du plurilinguisme et les orientations récentes

Nous attirons l’attention sur le fait que la DPL ne se distingue pas de la didactique des
langues et constitue en cela, une évolution naturelle. La didactique des langues a abordé
la question de l’apprentissage des langues de manière indépendante et morcelée. Il n’y a
aucune « relation de circulation » et aucun effort de capitalisation sur ce qui est acquis
dans l’autre langue. Or, l’on sait aujourd’hui que l’investissement des connaissances
linguistiques et les interconnexions entre les langues jouent un rôle de premier ordre
dans le développement du capital linguistique et culturel. Dans la même lignée, Macaire
ne manque pas de souligner que l’un des traits saillants : « […] qui caractérise le
plurilinguisme relève davantage des articulations entre les langues et les langages et des
circulations ou interrelations entre les cultures et l’interculturel ». (Macaire, ibid.). C’est
une caractéristique centrale qui situe la problématique didactique et le processus
d’apprentissage au niveau de l’apprenant qui sera amené à investir ses pré-requis
linguistiques afin d’effectuer les transferts nécessaires en matière d’apprentissage de
langues, notamment le passage de L1 à L2 et ainsi de suite.
La notion d’articulation des apprentissages entre les langues est une orientation
fondamentale dans la DPL. Plusieurs auteurs ont consacré un intérêt particulier à cette
notion, nous retenons particulièrement les travaux du didacticien germanophone
Meissner (Meissner, 2005). D’après cet auteur, l’acte d’apprentissage s’effectue sur la
base du transfert et d’une mise en réseau intégrative (transferbasiertes und ein
integrativ vernetzendes). La notion d’articulation des apprentissages est une notion
onéreuse et laborieuse en matière de productions scientifiques, de recherches et de
publications. Les travaux entrepris dans ce cadre ont donné lieu à d’autres approches et
d’autres outils et dispositifs de mise en perspective des orientations du Cadre CECRL.
Parmi ses approches et orientations, nous pouvons citer les approches plurielles, la
didactique de l’intercompréhension et le CARAP.

5.2.3 Les approches plurielles

Sous la houlette du Conseil de l'Europe, notamment les travaux retenus dans le cadre du
CARAP, l'appellation approche plurielle voit le jour. Ce sont des approches qui ont pour
caractéristique commune, la faculté de faire travailler les apprenants simultanément
sur/avec plusieurs langues et plusieurs variétés de cultures. Dans le cadre des approches

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 133
plurielles, l'apprenant se trouve face à des activités qui le mettent directement et
simultanément en rapport avec plusieurs langues. Pour Candelier :
« Les approches plurielles sont des approches didactiques qui mettent en œuvre des
activités impliquant à la fois plusieurs variétés linguistiques et culturelles.» (Candelier
2003 : 8).
Les approches plurielles introduites dans le domaine didactique par Candelier concernent
quatre approches distinguées qui sont : l'éveil aux langues, la didactique intégrée,
l'approche interculturelle et la didactique de l'intercompréhension des langues parentes.
Ces approches se sont construites de manière relativement autonome et indépendante.
La notion d'approches plurielles joue un rôle fédérateur dans la mise en place et en
perspective d'une didactique plurilingue. Pourtant, elle soulève plusieurs questions qui
méritent une attention particulière. Les approches plurielles retenues par Candelier et qui
sont au nombre de quatre soulèvent un certain nombre de questions que nous pouvons
formuler de la manière suivante : quelle est leur pertinence ? N’y a-t-il pas d'autres
approches qui étudient les mêmes problématiques ? Qu’est-ce qui caractérise chacune
d'entre elles ? Comment se distinguent-elles les unes des autres ? Nous commençons de
prime abord par introduire la distinction pertinente du cadre CARAP à propos des
approches plurielles, et qu'on peut différencier de celles :
« que l'on pourrait appeler singulières dans lesquelles le seul objet d'attention pris en
compte, dans la démarche didactique, est une langue ou une culture particulière, prise
isolément. » (Candelier et al, 2012 : 6).
Remarquons en fait que trois de ces approches, à savoir la didactique intégrée (DIt), la
didactique de l'intercompréhension (DIc) et l’éveil aux langues(EAL) sont d'ordre
linguistique alors que la 4ème, l’approche interculturelle, relève du domaine de
l’interculturel. Cette dernière, appelée au départ « l'intégration entre les langues et les
disciplines dans les enseignements bilingues », a tendance à bien établir les liens entre
les langues elles-mêmes et entre les langues et les disciplines. Ce qui autorise Moore à
souligner que :
« le développement des concepts est favorisé lorsque celui-ci se fait par le biais de deux
langues, qui ont facilité l'abstraction et la généralisation. » (Moore, 2006 : 209).
A cet égard, dans ses travaux sociologiques et épistémologiques Abdelkbir Khatibi,
notamment dans son ouvrage Maghreb pluriel avait tôt souligné qu’ : « une pensée

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 134
n'est possible que dans deux langues » (Khatibi, 1983). Pour Jean-François de Pietro, les
approches plurielles peuvent être distinguées entre elles, au point de vue de leur finalité
ainsi :
« La (DIc) et la (Dit) ont fondamentalement pour but, sous des modalités et avec des
objectifs distincts, l'enseignement/apprentissage des langues prises en compte, alors que
l'(EAL) n'a pas cet objectif, ou du moins pas directement - et des procédés didactiques
mis en avant (transfert, appui, comparaison, détour ... » (De Pietro, 2014 : 230).
De plus, et afin d'établir une distinction claire et nette entre les quatre composantes des
approches plurielles, Candelier propose les deux critères qui suivent :
- le nombre de langues/cultures prises en compte dans chaque approche,
- leur place sur un continuum reliant, à un extrême, les approches visant
l'acquisition d'une compétence communicative/culturelle, à l'autre, celles
centrées sur le développement de capacités et la réceptivité envers la
diversité.
De ce qui précède, nous pouvons percevoir une sorte de déséquilibre entre les approches
centrées sur le linguistique et celles qui portent sur l'interculturel.
En didactique germanophone, on attribue généralement aux approches plurielles le
statut de catégorie supérieure. C'est une catégorie ‘‘englobante’’. Meissner indique que la
catégorie supérieure consiste justement à regrouper des concepts apparentés et ayant
un lien étroit entre eux en matière de didactique (Meissner, 2010). Parmi ces concepts,
nous trouvons la didactique intégrée et l’approche interculturelle. En effet, ces deux
domaines ont marqué la scène didactique, ces deux dernières décennies et ont joué un
rôle important dans l'apprentissage des langues ainsi que dans la mise en œuvre de :
« liens entre un nombre limité de langues, celles dont on cherche l'apprentissage dans
un cursus scolaire. » (Candelier et al, 2012 : 6). Alors que les deux autres notions à
savoir la didactique de l’intercompréhension et l’éveil aux langues, domaines récents en
didactique, et surtout moins connus des enseignants, offrent des opportunités
importantes. La didactique de l’intercompréhension tend à tirer profit de l’appartenance
des langues à une même « famille » pour favoriser l’ouverture sur les langues
étrangères. L’EAL accorde une place valorisante aux différentes variétés linguistiques en
proposant aux apprenants des activités dans les langues qui relèvent de leur répertoire
langagier.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 135
Ceci dit, le caractère intégratif de la didactique du plurilinguisme (DPL) semble faire la
part belle à cette catégorie supérieure dans les propositions « curriculaires » en Europe :
(Hutterli, 2012) en Suisse ; (Reich et Krumm, 2013) en Autriche ; (Coste, 2013) et
(Blanchet, Chardenet, 2011) en France. A noter quand même, la différence d’angles
d’attaque chez les auteurs français. Coste adopte plutôt une « conception holistique des
enseignements linguistiques ». Ce qui fait que le transfert des connaissances est facilité
par la didactique intégrée, mais aussi par les autres approches d’où l’appellation
« plurielles ». De leur côté, Blanchet, Chardenet et Belliez retiennent le principe plutôt
socio didactique du plurilinguisme. Celui-ci prend en compte le plurilinguisme de
l’apprenant dans le cadre de la mise en œuvre du plurilinguisme social. La dimension
sociolinguistique est prégnante, dans la mesure où l’apprentissage des langues ne
s’effectue pas en dehors du contact des langues et du plurilinguisme social (Blanchet,
2011, 2015, 2018), (Chardenet, 2004), (Belliez, 2000).

5.2.4 La didactique intégrée

Les chercheurs et les commentateurs semblent se mettre d’accord sur les premières
orientations et les premières façons à concevoir un enseignement intégré des langues,
cela remonte en fait, aux années 1970. Cette conception a été introduite sous forme de
recommandations dans le cadre des travaux du Conseil de l'Europe à Turku. Les travaux
de symposium portaient sur l'enseignement de la langue maternelle et des langues
étrangères ou vivantes. Les participants à cette rencontre ont adopté la position
suivante : « les similitudes entre les langues devraient être jugées beaucoup plus
importantes que les différences ». Le principe de base qui fait office de l'enseignement
des langues étrangères doit être celui « d'intéresser les élèves à la nature et à la fonction
des langues qu'ils apprennent » et que les professeurs doivent « coordonner leur activité
pédagogique et fonder leur enseignement sur les principes linguistiques commun ».
Cependant, l'on reconnait à Eddy Roulet son rôle péremptoire dans la mise en place de
réflexions sur la didactique intégrée des langues (DIL). De son côté, Louise Dabène
(Dabène, 1990) a introduit une question importante qui se rapporte au décloisonnement
des enseignements linguistiques. Ces travaux et bien d'autres ont eu l'intérêt et le
privilège d'introduire la notion de la DIL, mais il a fallu attendre le Cadre européen,
notamment le chapitre 8 (Diversification linguistique et curriculum) pour que la

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 136
didactique intégrée se voit redorer son blason et occuper une place de premier choix
dans le cadre des approches plurielles.
Sur le plan méthodologique, les développements qu'a connus cette approche ont trouvé
dans les projets européens sur la didactique des langues et des cultures un terrain
favorable pour que l'acte d'enseignement linguistique soit le plus décloisonné possible.
Aussi, l'orientation des programmes et des projets européens à mettre en place une DPL
régie par : «le rapprochement comme base commune du développement des
compétences en langue des enseignements, des langues nationales, régionales ou
minoritaires, étrangères et des langues classiques ». De même, le Conseil de l'Europe ne
manque pas de souligner l'articulation entre les composantes des répertoires plurilingues
visés, en fonction des répertoires des apprenants et des réalisations didactiques
multiples adaptées à des contextes spécifiques. Cela dit, les parcours et les scenarii
d'apprentissage, ainsi que les programmes et les actions pédagogiques basés sur ces
réflexions méthodologiques approfondies ont cherché surtout un juste équilibre entre la
prise en compte des divergences existantes entre les processus d'acquisition en langue
maternelle et étrangère.
Les influences cognitives entre L1 et L2 sont réciproques, au point de vue didactique.
Cela peut être illustré chez l'enseignant de langue qui, dans le cadre de son propre
enseignement, mobilise les compétences et les connaissances de la langue enseignée,
tout en étant ouvert et favorable à une autre langue étrangère. Dans de telles situations,
c’est le développement de la stratégie sur laquelle un autre enseignant, d'une autre
langue peut s'appuyer pour assurer un enseignement linguistique parallèle.

5.2.5 La didactique intégrée et les principes d'anticipation et de


rétroaction

Une précision à introduire quant aux principes d'anticipation et de rétroaction est celle
relative aux influences réciproques entre L1 et L2. En effet, dans une vision
Vygotskyenne, (Vigotsky, 1997) « l'apprentissage d'une langue étrangère s'appuie [...]
sur la connaissance de la langue maternelle ».
Le principe d’anticipation ou de pro-action en DIL consiste à prévoir des moments
spécifiques lors de l'acquisition linguistique. Autrement dit, les apprentissages et les
connaissances mis en place dans le cadre de la première langue constituent un terrain

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 137
favorable aux apprentissages parallèles des autres langues. Le principe de rétroaction ou
de (feed-back) consiste, en fait, en l'exercice contraire. Toute connaissance ou
compétence travaillée dans le cadre de L2 ou L3 est censée par un effet de retour
influencer L1. Dans la vision de Vygotsky, les apprentissages acquis préalablement
permettent de restructurer ou de revoir ceux déjà acquis dans la première langue. Il
s'agit de prendre en considération les modifications et les différences que ces nouveaux
apprentissages peuvent introduire par rapport aux langues acquises. La prise en compte
de ces deux principes dans les influences réciproques par les enseignants de langues
étrangères permet à l'apprenant d'investir, dans le cadre d'une pédagogie heuristique,
les éléments transférables d'une langue à l'autre et de développer des stratégies
contrastives qui permettent de s'arrêter sur les spécificités de chaque langue.
Ceci dit, dans les contextes d'apprentissage plurilingues, les principes de pro-action et de
rétroaction, conçus de manière souple et malléable, facilitent l'échelonnement des
apprentissages, en ce sens que certaines activités pédagogiques et didactiques peuvent
avoir lieu, d'abord en L1, et ensuite en L2. La DIL met en évidence les fondements
communs des systèmes linguistiques, elle met en œuvre les différents atouts pour
rentabiliser ces fondements communs et afin de faciliter, par la suite, l'apprentissage
linguistique. De plus, l’orientation à comparer les langues dans l’acte d’apprentissage,
aussi superficielle soit-elle, ne pourrait être que bénéfique et valorisante. Pour Teyssier :
« La comparaison des langues révèle leur fonctionnement, dévoile une partie de leur
histoire et projette une vive lumière sur la façon dont les hommes, à travers elles,
appréhendent le monde. La connaissance d’une seule d’entre elles, même approfondie,
trouve vite ses limites. » (Teyssier, 2010 : 95)
Sur les plans didactico-cognitif, la DIL introduit une double optimisation en termes
d’économie et de rentabilisation des efforts, l'une ayant trait aux apprentissages et
l'autre en rapport étroit avec les enseignements.

5.2.5.1 Didactique intégrée et principes de coopération

La didactique intégrée des langues (DIL) en tant que discipline de la complexité et


d’interaction se base essentiellement sur le principe de coopération comme élément
incontournable entre les différents intervenants afin de réussir le processus
d’apprentissage. En effet, la coopération intervient au niveau des enseignants de langues

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 138
et de disciplines non linguistiques, des enseignants et des étudiants et des étudiants
entre eux. Il va sans dire que la coopération n’a de fonctionnement efficace que si les
enseignants intervenants dans l’action de collaboration sont incessamment tenus en
information sur les programmes précis de leurs collègues. L’ensemble de l’équipe
enseignante devrait aussi impliquer les étudiants et leur indiquer exactement comment
réinvestir les différentes compétences et stratégies d’apprentissage développées dans le
cadre d’une langue donnée. De même, les acquis antérieurs des étudiants constituent à
cet égard une ressource onéreuse que les enseignants utiliseront à loisir. Ils veilleront à
les rattacher aux nouvelles connaissances linguistiques et disciplinaires. Le tout doit
fonctionner dans un ensemble cohérent.
La réalité des pratiques pédagogiques au Maroc, au niveau du supérieur comme dans les
autres cycles d’apprentissage est encore loin de la réalisation du principe de coopération
et de cette orientation didactique en général. Cela ne veut pas dire que les équipes
enseignantes n’entrent pas en collaboration dans l’exercice de leur fonction. Il y a certes,
ici et là, des projets et des expériences d’action commune, mais elles ne s’effectuent pas
dans l’état d’esprit développé ci-haut. Ce sont, en fait, des initiatives isolées peu
représentatives de la réalité des pratiques courantes et ne reproduisant pas les
soubassements théoriques et méthodologiques de la didactique dite intégrée.

5.2.5.2 Didactique intégrée et niveaux de coopération

La DIL se base pour ainsi dire sur la concertation l'échange et la négociation entre les
enseignants. L’exercice de la collaboration peut s'effectuer selon différentes façons et
modalités. C'est un exercice qui nécessite l'engagement personnel de la part des
enseignants. Bertocchi (dans Bertocchi, 98) distingue les niveaux de coopération :
maximal et intermédiaire. Nous les présentons de la manière suivante :
a) le niveau maximal c'est le niveau le plus avancé et le plus ambitieux qui soit. Il
consiste en l'élaboration d'un curriculum intégré des langues. C'est un dispositif
à l'intérieur duquel chaque enseignant est invité à :
- formuler les objectifs dans le cadre d'une séquence d'apprentissage
commune,
- préciser les modalités d'exploitation des stratégies d'acquisition
linguistiques et en souligner les transferts,

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 139
- s'accorder de façon explicite avec ses collègues sur les modalités
d'évaluation,
- prévoir et préciser les plages horaires et les moments de recours aux
activités plurilingues en valorisant l'alternance codique (code switching),
- repérer les éléments proches et les éléments distants dans les langues et
proposer des activités métalinguistiques comparées comparatives,

b) le niveau intermédiaire : c'est un niveau où la coopération se situe au plan de


planification. Ceci présuppose le travail préparatifs de moments ou de séquences du
curriculum bien définies selon des objectifs communs et des contenus élaborés
à cette fin. Aussi, serait-il opportun de préciser les méthodes et les modalités
d'intervention et d'évaluation de chaque intervenant.
C’est pourquoi, nous encourageons les équipes de recherches, les enseignants-
chercheurs, les autres enseignants, aussi, dans les différents cycles d’enseignement, à
s’ouvrir sur le bien-fondé de la didactique intégrée, à rentabiliser ses atouts.

5.2.5.3 Didactique intégrée ou intégrative ?

Dans certains contextes éducatifs et même dans des ouvrages officiels de politiques
linguistiques des pays, on utilise délibérément les deux termes : didactique intégrée et
didactique intégrative. Au sens large, nous pouvons définir la didactique intégrative ou
intégrée comme synonyme de didactique du plurilinguisme c'est-à -dire la didactique qui
porte sur les démarches liant les enseignements linguistiques mais aussi les
enseignements disciplinaires.
Dans le contexte germanophone, on utilise également et indifféremment les deux
concepts, mais ce double emploi est assumé. Au sens restreint, la didactique intégrative
renvoie uniquement à la dimension translinguistique (sprachübergreifend). Pour
Berthele, le terme didactique intégrative introduit également la notion de compétence
inter-linguistique. C’est une notion-clé dans les approches plurielles et qui présente
l'avantage de : « Jeter des ponts entre les langues en prenant appui sur les régularités
qui se dégagent du niveau du lexique, de la syntaxe, de la morphologie et ou de la
phonologie, et la compétence translinguistique qui est une compétence générale qui n'est
pas liée à une langue en particulier qui comprend par exemple la compétence en lecture
les connaissances sur différents types de textes et leur structure. » (Berthele, 2009 : 6)

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 140
Remarquons que la terminologie didactique en matière d’approches plurielles propose
plusieurs appellations. Nous avons mis le point sur les aspects « translinguistique » et
« inter-linguistique » des langues, mais d’autres auteurs ont eu recours à d’autres
appellations. En effet, sous l’impulsion du Cadre européen d’autres concepts à l’instar de
la didactique tertiaire, le curriculum intégré, le répertoire linguistique plurilingue ont vu
le jour. Nous avons également pu identifier d’autres appellations à l’instar de
« pédagogie intégrée des langues » ou « pédagogie inter-langues » ou même « gestion
coordonnée des langues » (Prudent, 2005), (Wokusch, 2007), et (Cathomas, 2003). Il
semble que ces termes désignent tous le même concept sans qu’il y ait vraiment de
différences épistémologiques.
Dans sa présentation à Göttingen aux travaux des « Regards croisés européens sur le
plurilinguisme/pluriculturalisme et l'apprentissage des langues : textes officiels, supports
didactiques et empirie », De Pietro considère que son prédécesseur Roulet était un vrai
visionnaire, surtout quand ce dernier avance dans sa conception du rapport entre la
langue maternelle et la langue seconde ou étrangère que : « Pour faire progresser les
pédagogies de langue maternelle et de langues secondes, il est nécessaire de considérer
l’étude de la langue maternelle et l’apprentissage des langues secondes à l’école comme
un processus intégré » (Roullet, 1980 : 27). Dans un contexte didactique orienté vers
l’essor des approches communicatives, surtout pour l’enseignement des langues
étrangères, l’idée de l’ouverture de la langue maternelle sur la langue seconde,
notamment le fait que : « La langue maternelle ne constitue plus, comme pour les
partisans d’une approche structuraliste de l’enseignement des langues secondes, une
source fâcheuse d’interférences, qu’il faut neutraliser par tous les moyens (refus de la
comparaison explicite, de la traduction, etc.) » (Roulet, ibidem.). L’idée de l’action
didactique intégrée consiste justement à faire de la langue maternelle un «auxiliaire
précieux » dans le processus d’apprentissage des langues étrangères, selon la vision de
Roulet. La langue maternelle, la langue seconde et les langues étrangères entrent dans
une interrelation et une interconnexion caractérisées par la diversité mais surtout par la
richesse de perspective et des approches adoptées.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 141
5.3 Verticalité curriculaire et horizontalité méthodologique
En plus de l’attention particulière des chercheurs et de la prise en compte des éléments
liés à la complexité de la compétence introduite par la didactique intégrée, nous relevons
également le même intérêt accordé à la cohérence des curriculums et des méthodologies
d’enseignement adoptées. Nous empruntons les notions de verticalité et d’horizontalité à
Wokusch dans (Wokusch, 2008). Afin de faciliter aux concepteurs de programmes, aux
enseignants et aux différents intervenants dans le domaine de langues qui ambitionnent
adopter et mettre en œuvre la didactique intégrée, Wokusch propose les six principes
suivants :
- diversification et coordination des curriculums,
- efficacité et développement des compétences fonctionnelles dans chaque
langue,
- cohérence et continuité des démarches proposées aux élèves,
- éveil aux langues : diversité linguistique et culturelle,
- exploitation du potentiel de transfert des savoir-faire langagiers généraux et
des processus de haut niveau,
- développement de stratégies de communication et d’apprentissage
efficaces.
Il est clair que ces principes permettent un ancrage à la réalité des pratiques
linguistiques au niveau de chaque pays, mais surtout ils assurent la cohérence sur les
plans curriculaire (verticale) et méthodologique (horizontale). La question de
l’horizontalité méthodologique recèle des démarches d’enseignement privilégiées ou
appropriés pour chaque langue. Nous avons pu retenir deux démarches qui semblent les
mieux appropriées à l’enseignement intégré des langues et qui font l’unanimité des
chercheurs. Il s’agit de l’enseignement par tâches et de l’enseignement basé sur les
contenus. Soulignons au passage que ces deux démarches visent, en premier lieu, le
développement de la compétence communicationnelle. Objectif qui jusqu’alors constitue
l’épine dorsale de tout enseignement linguistique. Cependant, les compétences énoncées
sont de type fonctionnel pour chaque langue. Ces dites compétences dépendraient du
profil visé dans chacune d’entre elles ainsi que le rôle qui lui est réservé.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 142
5.3.1 Didactique intégrée et typologies des langues

Le type d'approche poursuivie dans ce cadre empreinte la voix d'une démarche réflexive
sur la langue, l'un des principes fondateurs de la didactique intégrée et le principe
d'interdépendance entre les langues. Il s'agit de faire émerger les fondements communs
(compétences communes sous-jacentes et système opérationnel commun). C'est le
travail sur ces fondements qui détermine les processus d'apprentissage. Les différents
systèmes linguistiques sont abordés dans une vision de renforcements réciproques. Dans
le cadre de cette approche, le travail d'intégration s'effectue selon la typologie des
langues enseignées. L'orientation poursuivie dépend alors du fait que les langues sont
typologiquement proches ou éloignées, et pour utiliser une expression chère aux
didacticiens, selon « les paires typologiques ». La métaphore de l'iceberg (Cummins,
1980) avait théorisé la manière dont les deux compétences langagières d'un individu
bilingue entrent en jeu, au niveau de la structure profonde de la compétence commune.
Il s'agit en fait d'un système opérationnel qui renvoie à la fois au CALP (de l’anglais
‘‘Cognitive Academic Language Proficiency’’, littéralement : compétence linguistique
académique cognitive) et au BICS (‘‘Basic Interpersonal Communicative Skills’’, c'est-à-
dire Compétences de base en communication interpersonnelle’’). De son côté, Baker
a proposé une schématisation revisitée de l'iceberg de Cummins (Baker, 2001). La
conception de la compétence langagière dans la vision de Baker mobilise les différents
processus cognitifs au niveau des BICS et CALP, autrement dit au niveau de la structure
de surface et des compétences cognitives et académiques. Nous empruntons à Becker
(Figure 8) cette illustration pour reprendre les différents niveaux et les différentes
possibilités d'intégration selon les associations et les typologies des langues.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 143
Caractéristique de Caractéristique de
surface de L1 surface de L2
de L2

Compétence
sous-jacente
commune

Figure 8 : Théorie de l’Iceberg de Cummins. Processus sous-jacents entre L1 et L2.

5.3.2 Continuum linguistique et entrée graduelle des langues

L’entrée des langues dans le parcours de l’apprenant surtout au niveau de


l’enseignement primaire, devrait s’effectuer dans un continuum linguistique marqué par
la graduation et l’harmonie, c'est-à-dire par les langues typologiquement proches,
quoique cette possibilité n’est pas offerte dans le système éducatif marocain actuel
(arabe ; français). Il s’agit en fait, d’un système éducatif qui met en contact des langues
éloignées et où les différences typologiques jouent à plusieurs niveaux. Au niveau de
l’écrit par exemple, les différences abyssales agissent par le type d’alphabet utilisé ainsi
que par les processus et modes cognitifs de lecture requis. Cela ne veut nullement dire
que l’approche intégrée est impossible dans ce contexte particulier, au contraire, cette
didactique est justement fondée sur la nature des défis à relever et qui sont à l’origine de
sa genèse à savoir le plurilinguisme, le décloisonnement disciplinaire et les démarches
intégrées. En un mot c’est une approche de la complexité.

5.4 Didactique de l’intercompréhension


Partie prenante de la didactique intégrée (DIL), efficace aussi dans l’opérationnalisation
des considérations théoriques, la didactique de l'intercompréhension (DIc) a pour
principes fondateurs, l'idée que chacun possède des capacités plurilingues. Cette
conception bat en brèche l'idée communément admise selon laquelle nous ne pouvons
apprendre les langues que séparément. De manière générale, la didactique de
l'intercompréhension présuppose que l'apprenant peut facilement s'orienter vers la

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 144
compréhension des langues voisines en mobilisant des stratégies de compréhension
développée dans le cadre de cette didactique, ses stratégies sont bâties sur les transferts
et les similitudes linguistiques. Escudé et Janin considèrent que la visée principale de
l'intercompréhension est : « de se donner les moyens d'apprendre à apprendre les
langues. » (Escudé et Janin, 2010)
L'on voit bien ici que l'intercompréhension favorise l'apprenant dans l'autonomisation et
l'efficacité de l'apprentissage. De plus, ces mêmes auteurs ajoutent que l'avancée
didactique qu’offre l'intercompréhension est l'une des plus prometteuses parce qu'elle est
fondée sur le décloisonnement de l'apprentissage, sur la prise en compte de la continuité
des familles de langues et le décloisonnement entre elles. Plusieurs auteurs ont soulevé
les aspects positifs de l'intercompréhension sur les plans didactique, politique et
individuel. En effet, cette didactique a donné lieu à plusieurs concrétisations, sous forme
d'outils et de méthodes pour ne pas dire modèles. Ces dites concrétisations se partagent
les principes théoriques que nous pouvons formuler comme suit :
- l'accès à la langue s'effectue par le biais de la compréhension des énoncés
(écrit/oral),
- l’éveil des apprentissages s’effectue selon un continuum des langues
- l’apprentissage simultané de plusieurs langues à la fois est possible par
explicitation des invariants,
- l’autonomie de l'apprenant le pousse à mobiliser toutes ses ressources
cognitives,
- le développement de la compétence linguistique transversale est
transposable d'une langue à une autre.

5.4.1 Processus de l'intercompréhension

Le processus de l'intercompréhension met en relation le système linguistique en


présence (deux ou plusieurs langues). Sur le plan didactique, le fait d'adopter et de
faire valoir l'intercompréhension constitue un enjeu majeur de la didactique du
plurilinguisme pour lutter contre la tendance au clivage et à l'isolement linguistique,
« forme de cécité linguistique ». L'intercompréhension ne porte pas uniquement sur
l'ouverture à des langues reconnues comme proches. Le processus de
l'intercompréhension porte sur les tâches communicatives concrètes et reconnues
socialement comme telles. Nous nous basons sur l'article de Gajo

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 145
« L'intercompréhension entre didactique intégrée et enseignement bilingue » pour
déterminer les principes majeurs qui entrent en jeu lors du processus de
l'intercompréhension. Pour Gajo, ce processus a pour base deux principes
fondamentaux qui sont :
- le phénomène du contact de langues et son exploitation,
- les stratégies convergente et divergente, ou « fusion et dissociation » et
leur appui simultané, selon l'expression de Gajo.

5.4.2 Principes et niveaux de l’intercompréhension

Le principe lié aux phénomènes de contact de langues peut être envisageable à deux
niveaux. Le niveau « micro-linguistique » qui permet d'identifier les marques trans-
codiques lors de l'exploitation des ressources linguistiques et communicatives.
A préciser que ces dites marques sont : « moins directement observables en
compréhension qu’en production ». Au niveau « macro-linguistique » ou
« translinguistique », des tâches particulières sont attribuées à l'une ou l'autre
langue. Avec la précision que ces tâches sont définies dans le cadre d'une
compétence fonctionnelle de manière monolingue. Ce qui se répercute sur le degré
de légitimité et de fonctionnalité de la langue, éléments nettement observables en
production. De son côté, le principe de « la fusion/dissociation » constitue un principe
majeur sur lequel la construction de l'intercompréhension se base pour rapprocher et
fusionner à la fois les systèmes linguistiques en usage. C'est un principe qui fait appel
à des stratégies de « contraste ». A ce niveau, c'est également la tâche préconisée
qui détermine le point d'ancrage nécessaire à l'équilibre entre « fusion » et
« dissociation ». Cela influence d'une manière ou d'une autre l'apprentissage et les
conditions de l'interaction sociale de façon générale.

5.4.3 Intercompréhension : critères de réussite

La réussite dans l'apprentissage et dans les interactions sociales par le biais des
langues en interrelation nécessite la prise en compte de quelques aspects
didactiques. Suite à Hufeisen (dans Hufeisen, 2005), nous pouvons ramener ses
aspects didactiques à cinq critères de réussite qui se présentent de la manière
suivante :
- Le degré de maîtrise de L1,

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 146
- La motivation des apprenants,
- Les stratégies d'apprentissage,
- Les interrelations et les interactions cognitives,
- La conscience des langues-objets.
L’ensemble de ces critères entre dans une dynamique d'apprentissage, pour à la fois,
valoriser l'apprentissage des langues et faire valoir le profil de l'apprenant. Pour le
premier critère, à savoir le degré de maîtrise de la langue étrangère L1, l’ont sait bien
que l'apprenant qui présente généralement des difficultés d'apprentissage en cette
première langue aura des difficultés en L2. Cependant, cela ne constitue nullement
une règle générale pour tous les apprenants, les autres critères sont aussi décisifs
dans ce cadre.
Pour ce qui est du second critère, à savoir la motivation. Elle est prégnante dans le
processus d'apprentissage des langues. En effet, la motivation et l'ouverture aux
langues influencent largement l’ambition et l'orientation à l’apprentissage
linguistique. Le troisième critère, quant à lui, permet de vérifier le degré de
prédisposition et d'utilisation de stratégies variées, à la fois dans l'apprentissage des
langues, mais également dans le processus de comparaison de ces langues. Le
quatrième critère permet d'introduire la prise en compte des interrelations et des
interactions cognitives et leur impact sur les différentes étapes d'apprentissage.
Enfin, le cinquième critère, en rapport étroit avec les langues objet d’étude, permet
de réfléchir sur les structures linguistiques, les similarités et les différences entre les
langues et surtout l’orientation à construire des séquences d'apprentissage à la base
de tâches et de scénarii à accomplir et à réaliser.

5.4.4 Didactique intégrée et dispositifs d'enseignement des langues

Sur cette question nous pouvons entamer notre réflexion par un questionnement avec
Cavalli : « Comment donc concrètement mettre à profit cette richesse de possibilités
dans le curriculum et à quelles conditions ? » (Cavalli, 2008 : 16).
La pertinence de ce questionnement permet de prime abord, de mettre en place un
dispositif efficace et efficient dans sa conception et son élaboration. C’est aussi l’occasion
de présenter le « scénario curriculaire finalisé ». Celui-ci devrait selon Cavalli « faciliter

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 147
la mise en place de politiques linguistiques éducatives à différents niveaux (national,
régional, local, de classe) ». (Cavalli, ibid.)
Nul ne peut prétendre que les langues enseignées dans l'institution pédagogique jouent
le même rôle et ont le même statut. Si dans le cadre d'une vision intégrée, les dites
langues se côtoient, entrent dans des relations entre elles, c'est justement parce que les
approches d'enseignement visent une cohérence à la fois dans le système et dans la tête
de l'apprenant. L’approche intégrée en didactique utilise des outils connus, et allons nous
dire anciens, à l'instar du portfolio européen des langues, l'approche par compétences,
l'enseignement par tâches… . Ce qui est, en revanche nouveau, c'est la conception et la
mise en commun de ces éléments et de ces outils. C’est un travail qui s'effectue dans le
cadre d'un dispositif d'enseignement des langues. En effet, le dispositif est la pièce
maîtresse de la didactique intégrée des langues. Il constitue la trame de fond de cette
nouvelle didactique. Ce dispositif nécessite quand même, du côté des instances
officielles, la définition d’une feuille de route ou d'un plan d'action qui détermine le rôle
et la place dévolus à chaque langue. Ce document, nécessaire à la mise en synergie de
l'ensemble des interventions dans le cadre des langues à étudier, permet aussi de fixer
les compétences qui seront travaillées de manière prioritaire au niveau de chaque
langue. On pourrait, par exemple travailler plus les compétences de production de l'écrit
pour la première langue étrangère, et insister plus sur les compétences de
compréhension de l’écrit ou de l'oral dans la langue étrangère L2. Les stratégies
d'utilisation des langues sont transférables d'une langue à l'autre, ce qui présuppose, le
développement d'une compétence implicite ou « sous-jacente » (Cummins, 2000). Il
faudrait, aussi, veiller au continuum des démarches proposées. On peut par exemple,
aborder l’aspect « vocabulaire » ou les « structures de langue » par des démarches
similaires se référant aux difficultés linguistiques analogues dans les deux langues. Ceci
passe par l'harmonisation du jargon didactique utilisé. La compétence plurilingue visée et
une compétence globale qui pourrait être subdivisée en compétences plus précises ou
sous compétences. Ces dernières constituent des compétences fonctionnelles au niveau
de chaque langue. Nous pouvons aussi la considérer comme une compétence stratégique
centrale, qui met en œuvre la conception d'un enseignement intégré.
Dans l’état actuel de la question, la définition du type de compétence en DIL et son
opérationnalisation par des curricula mis en pratique et des programmes réalisables

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 148
demeurent des objectifs que la dite didactique ambitionne toujours développer. En fait,
ce que Merkelbach conçoit comme : « […] notions et concepts constitutifs de ce que l’on
décrit sous Didactique intégrée des langues demeurent toutefois encore très abstraits et
les exemples qui les illustrent ne sont pas légion ! » (2009 :50). Cette réalité a beaucoup
évolué et les exemples pour mettre à l’épreuve à la fois la didactique qui la sous-tend et
les compétences requises ne manquent pas aujourd’hui.
Nous ne manquons pas de souligner, au terme de la fin de ce chapitre, que la
présentation de la notion de didactique du plurilinguisme comme pièce maitresse du
dispositif a reçu tout notre intérêt. Nous avons focalisé notre attention sur les éléments
définitoires ainsi que les repères contextuels et méthodologiques ayant un rôle capital
dans les enjeux pédagogiques et sociaux. De plus, nous avons mis le point sur les
approches plurielles en tant caractéristique principale de la didactique du plurilinguisme.
Celles-ci ont introduit des notions novatrices comme la didactique intégrée, l’éveil aux
langues, l’approche interculturelle et la didactique de l’intercompréhension. Toutes ces
innovations font émerger des concepts judicieux, la compétence plurilingue à titre
indicatif, renforcent le processus d’acquisition des langues et facilitent le fonctionnement
du dispositif. Situation que nous nous attacherons à démontrer dans le chapitre qui suit.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 149
Chapitre 6

6. Dispositif d’enseignement des langues : enjeux


sociolinguistique et socio didactique
Après avoir présenté dans les deux chapitres précédents le portfolio et la didactique du
plurilinguisme, c'est-à-dire les outils et les méthodes préconisés dans le cadre du
dispositif d’enseignement des langues, le présent chapitre sera consacré au dispositif en
tant que tel. En effet, cet espace à la fois physique et virtuel a un fonctionnement
particulier, nous nous attachons dans un premier moment à tracer les contours de
l’ingénierie du dispositif aux points de vue terminologiques et fonctionnels. Ensuite, il
sera question du rapport entre le dispositif et le centre des ressources en langues (CRL).
Ce dernier est considéré comme une structure de pratiques linguistiques transversales.
La réception des centres CRL au sein des universités n’a pas été de bon augure, nous
allons étudier le cas de l’Université Hassan 1er. Enfin, le dispositif a généré des
ressources de différents ordres (ressources linguistiques, numériques …), nous allons
consacrer la dernière section de ce chapitre à l’étude critique du Manuel Cap Université,
élaboré dans le cadre du dispositif intégré d’enseignement des langues.

6.1 Ingénierie du dispositif


6.1.1 Eléments de terminologie

Nous commençons par introduire une précision concernant le concept de dispositif qui
est pour Michel Bernard : « Un construit d'éléments en fonction des demandes des
situations des contextes pour une action de formation donnée dans un contexte
d'organisation et des institutions. » (Bernard, 1999 : 263). En didactique intégrée des
langues, le dispositif peut être défini comme l'ensemble de procédures variées, mettant
en œuvre des moyens linguistiques et des supports didactiques, élaborés selon des
objectifs déterminés et en fonction d'un public particulier.
En ingénierie classique de formation, on utilise les termes plus anciens de structure,
système pour désigner ce que l’on pourrait appeler aujourd’hui dispositif. D’autres
auteurs notamment (Demoyer, 1999), (Peeters et Charlier) introduisent d’autres

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 150
précisions en plus des aspects terminologiques. En effet, le dispositif met en œuvre un
processus plus complexe caractérisé par une dynamique (dimension absente dans la
structure) et valorisant le sujet (grand absent dans la vision du système).

6.1.2 Structure, système et dispositif

a) Structure :

Pour Albero, le concept de structure « renvoie à l'architecture des hiérarchies et des


relations entre éléments d'une entité ou d'un ensemble organisé, ainsi que les règles qui
la gouvernent dans des conditions données.» (Albero, 2010 : 47). Dans la perspective de
l’approche structurale, ce sont les « cadres institutionnels » de l'action éducative qui sont
mis en relief, avec tout ce que peut apporter l'organisation académique des curricula et
les « organigrammes d'acteurs» au bon fonctionnement de la structure. Au point de vue
synchronique, l’analyse structurale est de caractère purement statique, c'est-à-dire
« incapable par définition, de rendre compte de la dynamique des actions et de leur
évolution dans le temps » (Albero, 2010).

b) Système

L’autre concept qui est aussi emprunté aux disciplines des sciences humaines et sociales,
et qui, d’une manière ou d’une autre influence les pratiques de formation est le concept
de système. Ce dernier introduit également la notion d’ « organisation structurée », mais
contrairement à structure, il réserve un intérêt particulier à la « dynamique des relations
et des interactions » entre les éléments pour lesquels, il s’évertue à dégager des lois
d’ensemble supérieures et non seulement celles reliées aux propriétés de chaque
élément. A ce propos, il ne faudrait pas manquer de souligner que la « composante
ingénierique » constitue la base du modèle systémique. Un modèle qui valorise et met en
avant, surtout les relations constitutives du système et les interactions entre les acteurs
en termes de rationalité, d’équilibration et d’autorégulation. Cependant, le système ne
vit pas en dehors de l’environnement et du contexte social avec les organisations
spatiales et temporelles spécifiques. Ce qui fait que les bases qui restent essentiellement
structurales enferment le système dans : « un modèle mécaniste qui nuit à son
adaptation et à son développement. » (Albero, 2010).

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 151
c) Dispositif

Nous pouvons définir le dispositif comme une configuration et un agencement d’éléments


rationnels, orchestrés de manière à faciliter l’atteinte d’objectifs précis. L’emploi
systématique de ce terme traduit la notion de mesure, de calcul ayant pour but
l’adaptation des moyens au contexte et aux opérateurs dans le dispositif. Ainsi, l’on voit
bien que le système ne devrait pas être articulé en termes d’éléments successifs,
juxtaposées ou superposé les uns aux autres, mais il obéit à un mode de fonctionnement
caractérisé par les interactions et les interrelations entre les opérations cognitives,
linguistiques et sociales.
Le dispositif est la résultante d’une organisation complexe d’éléments, d’objets ou
d’outils ayant en commun la réalisation de buts explicitement formulés. Il se base sur
l’élément humain mais aussi sur les ressources numériques. C’est un espace à la fois
physique et virtuel, il comporte aussi des éléments techniques dans le cadre
d’apprentissages médiatisés des langues. En ce sens, il met en perspective une approche
complexe. Pourtant, la complexité et du dispositif n’est pas synonyme de rigidité. Un
dispositif opérationnel ne laisserait-il pas planer la souplesse, la liberté et la flexibilité ?

6.2 Le dispositif et les modalités de souplesse, de flexibilité et


de liberté …
Parmi les aspects les plus prégnants du dispositif, nous pouvons citer la souplesse, la
flexibilité, l’ouverture et la liberté. Celles-ci permettent l’adaptation des tâches à
accomplir et des activités à réaliser aux réalités rencontrées par les acteurs. Elles
permettent également la mise en cohérence et en concordance des interventions des
opérateurs officiels du dispositif avec les attitudes et les comportements du public-
apprenant. Ce sont des caractéristiques qui font du dispositif le centre d’attraction de
divers agents et d’accueil de projets différents et d’activités multiples.
Les buts d'un dispositif sont multiples. Ils permettent de mieux répondre à des
demandes variées. Ils facilitent également les apprentissages par individualisation des
activités grâce à la flexibilité du système et la variété des supports (utilisation des TICE)
et des modalités (travail personnel, tutorat, séances en groupe).
Le dispositif est conçu pour répondre à des besoins effectifs dans une perspective
personnalisée du travail, rendue possible par la souplesse du système et la diversité des

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 152
contenus. La flexibilité du dispositif est une notion clé dans le processus d'apprentissage
aujourd'hui. Elle est rendue, encore, possible par les notions d'ouverture et de liberté,
grâce à la technologie et à l'utilisation des TICE, nous assistons à des espaces ouverts
(des universités ouvertes, des sources ouvertes « open source »). La notion de liberté
couvre les aspects de rythme, de fréquence d'apprentissage et d’enseignement non
présentiel. La souplesse et la flexibilité du dispositif sont susceptibles d'introduire des
modifications dans le temps, en fonction du changement ou de l'évolution des besoins.
Cependant, ces changements n’altèrent nullement la présence de l’institution
pédagogique et universitaire, ils prolongent même la culture et l’image de la dite
institution. Tout compte fait, le dispositif renferme sans doute des procédures, mais il est
d’abord l’expression d’une vision, d’une orientation et d’une méthodologie.
Par ailleurs, la question de liberté introduite dans le système risque d’être mal
interprétée, surtout pour des étudiants qui sont habitués à une présence permanente de
l’enseignant et à une totale prise en charge dans le cadre d’une classe de langue
ordinaire. En définitive, le manque de cadrage des activités et des tâches à réaliser, le
déficit de gestion et de structuration du temps outre l’absence d’identification de repères
demeurent à la fois source d’ennui et de rejet du côté des opérateurs. Cependant, cela
donne lieu à une profonde réflexion et constitue un terrain d’investigation fertile pour les
chercheurs. Surtout, pour ceux qui tablent sur le mot à venir de ce type d’enseignement
à l’ère du numérique.

6.3 Dispositif d’enseignement des langues et centres des


ressources en langues (CRL) :
Les centres de ressources en langues sont des espaces qui ont développé de nouvelles
modalités d’apprentissage des langues étrangères. Ces dites modalités sont tantôt
qualifiées d’informelles, tantôt désignées comme nomades. La raison principales des ces
désignations résident dans les principes d’autoformation guidée et d’accompagnements
spécifiques qui prévalent dans le cadre de ces centres. Ajoutons à cela, la nature des
ressources numériques et le potentiel des apprentissages par les pairs. Les centres (CRL)
ont, aussi, introduit une distinction quant à la nature des cours poursuivis, cours en
présentiel vs à distance (visioconférences, télé tandem …). Et en cela, ils ont brisé
l’organisation temporelle classique d’un centre qui fonctionne à un horaire bien précis.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 153
6.3.1 Classification des CRL

La désignation de ces espaces varie : centre de langues (CL) ou centre de ressources en


langues (CRL), selon qu’il constitue une structure universitaire ou non, qui organise les
cours de manière générale (CL) ou que cet espace pédagogique soit plus restreint et
comporte des ressources numériques (CRL). Mais ce n’est pas seulement en raison de la
nature de ses ressources qu’on pourrait désigner tel ou tel centre, la question est plus
profonde et il semble que ces structures ont introduit des considérations prégnantes en
matière de politique de langues d’enseignement. En effet, la question des langues pour
spécialistes d’autres disciplines (LANSAD) constitue l’épine dorsale en matière de(s)
langue(s) d’enseignement au niveau universitaire. De plus, ces espaces jouissent
d’enjeux majeurs qui les prédisposent à jouer un rôle de premier ordre dans la mise en
œuvre de politiques linguistiques novatrices. Dans cette perspective, Rivens Mompean et
Celia Scheer considèrent que :
«les CRL sont les espaces qui semblent le mieux répondre aux préconisations
européennes, qui mettent en avant des notions telles que l'autoformation, le
développement de l'autonomie, l'apprentissage médiatisé ou encore la centration sur
l'apprenant. » (Rivens Mompean et Celia Scheer, 2014)
Sur ce plan, ces chercheures semblent parfaitement convaincues que les : « les enjeux
linguistiques européens semblent valoriser les pratiques développées dans les CRL ».
Par rapport au système de crédits (les ECTS : European Credit Transfer System), mis en
avant par les autorités européennes et incarné par le processus de Bologne, c'est-à-dire
un système de diplômes lisibles et comparables, les CRL offrent l’opportunité de travail
dans cet esprit et en conformité avec cette orientation.
Le travail dans ce cadre sur les compétences spécifiques constitue une réponse adéquate
à la difficile question d’individualisation de la connaissance dans un contexte global de
plus en plus massif. Nous pouvons également citer le cas des certifications en langues
comme l’apanage des CRL, les diplômes en langues. Les certifications ont été à l’origine
d’un débat houleux en France, notamment les certifications accordées par les organismes
qui ne travaillent pas sous l’égide des universités. La solution est l’émergence de
Compétences Linguistiques en Enseignement Supérieur (CLES). Ce sont des
certifications accordées par les structures universitaires, en conformité avec les

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 154
tendances du Conseil de l’Europe à valoriser les compétences linguistiques de
l’apprenant et à faire valoir son profil.

6.3.2 Les Centres CRL, l’expérience du Maroc

Pour ce qui est du Maroc, nous avons souligné la mise en place du dispositif intégré pour
l’enseignement des langues à l’Université, dans le cadre du programme d’Urgence, et ce
à partir de l’année académique 2009/2010. Naturellement, ce dispositif a donné lieu à
l’apparition de centres (CRL) au sein des universités marocaines. Ces centres ont
bénéficié de budgets importants dans le but de les équiper convenablement. Ce qui ne
laisse pas de prétexte aux tenants de « rien ne marche, s’il n’y a pas de moyens
matériels ». Cependant, ces structures (CRL) ont fonctionné tant bien que mal, selon les
cadres universitaires, les volontés politique et pédagogique et selon les équipes de
langues, leurs motivations et leurs prédispositions favorables ou défavorables à ce genre
d’enseignement.

6.3.2.1 Le centre CRL de l’université Hassan 1er


Pour ce qui est de l’université Hassan 1er, en particulier la faculté de Droit, objet de notre
recherche, il est vrai que certains efforts ont été déployés dans ce sens, mais il n’y a pas
eu de fonctionnement du Centre de ressources en langues, en bonne et due forme, et
surtout tel qu’il a été présenté. D’abord, parce que cela n’a pas été une demande qui
émane du terrain. Et à ce propos, les didacticiens et les instigateurs de ces structures
sont on ne peut plus clairs, sur la portée locale et contextuelle des CRL. Autrement dit, le
centre n’a d’existence que par rapport au contexte universitaire auquel il se rattache, en
ce sens qu’il répond aux besoins et aux attentes du public local et de son environnement
académique et socioprofessionnel en matière de langues.

6.3.2.2 L’ « éclatement » du Centre (CRL)


Un autre point n’a pas été en faveur de ce centre universitaire. Il s’agit de
« l’éclatement » et non du regroupement de cette structure. Chaque établissement de
l’université a été équipé d’une salle de langues au lieu d’un bâtiment unique dédié à cet
enseignement spécifique, à un CRL, comme c’était le cas pour certaines universités
marocaines. Celles-ci ont adopté dans le cadre des enseignements transversaux, la mise
en place d’un centre pour l’enseignement des langues. Cependant, il ne suffit pas de

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 155
réserver un local pour l’enseignement des langues pour prétendre avoir le
fonctionnement d’un CRL. Si la consécration d’un local dédié à un CRL constitue un
critère important pour le fonctionnement d’un centre, il ne garantit pas automatiquement
sa réussite. En plus des précisions apportées ci-dessus, le CRL est un élément
incontournable du dispositif d’enseignement des langues. Il traduit certes la philosophie
des politiques linguistiques poursuivies en matière d’enseignement des langues à
l’université, mais il doit fonctionner dans un système de diplômes lisibles et comparables.
Il assure le développement de compétences spécifiques des étudiants et, surtout, il offre
des réponses concrètes et personnalisées aux demandes formulées. Ceci bien entendu,
sans rappeler l’arsenal de notions didactiques qui pivotent autour de ce type
d’apprentissage à l’instar de « l'autoformation », le « développement de l'autonomie »,
« l'apprentissage médiatisé » ou « le tutorat » ou encore la « centration sur
l'apprenant » et « l’enseignement à distance… ».
Le fait d’avoir laissé à chaque établissement de l’université la liberté et la latitude de
fonctionnement du Centre, sous la bannière de l’autonomie de gestion, a été mal
interprété. En fait, et comme l’ont pertinemment constaté Rivens Mompean et Celia
Scheer :
« On laisse au CRL la responsabilité formative en langues sans nécessairement lui
octroyer la place institutionnelle dont il a besoin, le laissant en marge de la formation, »
(Rivens Mompean et Celia Scheer, 2014).
Cette remarque pertinente de la place institutionnelle du centre, sur laquelle insistent les
auteurs, est vitale. En effet, l’appui institutionnel est vivement recommandé dans toute
initiative et activité universitaires. Ce qui n’a pas été le cas dans l’expérience que nous
étudions. Les salles « super équipées », destinées à l’enseignement des langues sont
tout simplement restées fermées.

6.3.2.3 Des pratiques pédagogiques « hors-jeu »


Sur le plan pédagogique, il n’y avait également pas de stratégies claires et efficaces à
exploiter ces espaces, un peu particuliers. En effet, le type d’enseignement proposé par
le CRL s’avère étranger pour des établissements comme la faculté de Droit ou la faculté
des Sciences et des Techniques. Les ressources pédagogiques et didactiques introduites
par le Centre sont des ressources numérisées. Or, ces établissements sont-ils habitués à

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 156
des pratiques pédagogiques pareilles ? Les fondements pédagogiques et l’architecture
des formations proposées dans ces établissements à titre d’indication sont-elles vraiment
soucieuses de la qualité des formations linguistiques ou même plurilinguistiques ? Et
puis, qu’est-ce qu’on a mis de spécial pour faire de la composante linguistique un credo
majeur de la formation universitaire ?
Toutes ces questions soulevées par la mise en place du Centre (CRL) ont été, en fin de
compte, les obstacles majeurs à la mise en marche de cette structure, qui est restée
isolée dans un contexte orthodoxe à la rénovation et peu habitué à ce mode de
fonctionnement interactif.
Dans d’autres contextes universitaires, Barbot et Rivens Mompean nous expliquent
clairement la réticence manifeste à l’égard des Centres (CRL). En effet, celle-ci est
beaucoup plus liée aux pratiques pédagogiques dominantes dans ces structures avec
tout le risque encouru, et que : « ce risque [est] d'autant plus fort que les pratiques
auto-formatives ont du mal à s'intégrer dans le contexte hétéro-formatif prédominant
dans le monde universitaire. » (Barbot & Rivens Mompean, 2011)
C’est ce qui explique en partie l’attitude nettement négative à l’égard des (CRL) que
d’aucuns ont taxés de diverses déficiences pour ne pas dire tares, en fait : « les CRL sont
eux-mêmes des espaces dont les missions sont parfois ambiguës ».

6.3.3 L’autonomisation pour faire face à la massification ?

Un autre aspect a été sévèrement critiqué en rapport étroit avec la capacité


d'autonomisation, mais ce côté ne concerne pas uniquement les centres (CRL). Il porte
sur le changement introduit en matière de modes d'apprentissage et de modalités
d'enseignement par rapport à toutes les matières et à toutes les spécialités. Des auteurs
comme (Boltanski 2008) et (Carré et Pearn, 1992) craignent que l'évolution du monde
universitaire ne transforme la « connaissance en marchandises » et « en produits
rentables ». Ils s'interrogent sur la véritable visée du développement de l'autonomisation
qui est, selon les termes de Carré et Pearn une sorte "d'escroquerie pédagogique". Dans
cette vision des choses la principale mission de l'institution universitaire sera détournée
de son rôle principal, celui de forger les esprits et construire les personnalités. Et sous le
poids de l'enveloppe budgétaire, de plus en plus serrée, l'autonomisation devient une
obligation à « se motiver seul » et à « déléguer la tâche de tutorat » à des personnes

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 157
vacataires, « peu qualifiées ». Face à la massification de plus en plus lourde,
l'encadrement et le suivi seront réduits au minimum « l'institution se dégage de sa
responsabilité citoyenne en formation », en substituant la « logique de compétences, en
logique de qualification ». (Monpean, 2014).

6.3.4 Les centres (CRL) et le secteur LANSAD :

Le contexte qui vient d'être décrit se démarque par l'évolution des objectifs langagiers.
Orienté vers le travail de compétences partielles, dans le cadre d'une vision valorisant le
plurilinguisme, le centre CRL offre l'opportunité de développer ses compétences en
fonction de ses besoins et ses objectifs ; ceci évidemment, en lien étroit et en conformité
avec le projet professionnel de l’étudiant. Ce qui participe naturellement à la
consolidation de l'acte d’autonomisation dans le processus d'apprentissage, mais cela
contribue surtout à la création d'une ambiance de sécurité linguistique et de motivation
puisque l'étudiant voit que ses objectifs sont concrets et réalisables. Il est aujourd'hui
clair que le statut de la langue d'enseignement constitue un élément prégnant dans le
contexte universitaire. La question n'est pas neuve, elle a toujours été soulevée, nous la
trouvons chez les auteurs du secteur LANSAD, notamment, (Baissus, 1976), Costa,
Perrin, Mémet et Van der Yeught (2006, 2013). Seulement avec les centres CRL, nous
commençons aujourd'hui à percevoir une montée en puissance du secteur LANSAD et à
une forte demande sociale sur l'apprentissage des langues. De même, la question du
statut de la langue d'enseignement à l'université a été aussi favorable à faire émerger le
secteur, c'est un renforcement des liens avec la recherche en didactique.

6.4 L’essor des centres (CRL), le « Mégadispositif »:


L'évolution des centres CRL a connu plusieurs étapes, nous pouvons les ramener suite
à Rivens Monpean en trois phases essentielles :
- la première phase coïncide avec la naissance de ces structures pendant les
années 1970. L’objectif principal des centres d'alors était orienté vers la
formation continue, auprès un public composé particulièrement de
professionnels. Ce contexte particulier et les attentes de ce public spécifique
ont fait que l’élément clé de la formation se réduit au domaine
professionnel. L'accent a été mis essentiellement sur les ressources
nécessaires à la formation.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 158
- la seconde phase est celle de l'implantation dans les universités. Cette
phase a connu un développement important des centres, au niveau des
outils et de l'apprentissage médiatisé, c'est à dire au niveau du dispositif
mis en place et des modalités d’intervention.
- La troisième, et la dernière, est la phase actuelle. Elle coïncide avec l'essor
des (CRL). Cette phase marque un tournant décisif dans la philosophie des
centres et dans leur bien-fondé, qui semblent aller plus vers la multiplicité
des dispositifs au sein d'un même centre.

6.4.1 Fonctionnement des (CRL) et modalités d'apprentissage

Il semble que deux orientations majeures se sont partagées l'action pédagogique au sein
des centres, à savoir le courant de l'autoformation et l'apprentissage médiatisé. Rivens
Monpean remarque pertinemment que ces centres fonctionnent de manière séparée et
parallèle. Dans cet ordre d'idée, il n'est pas surprenant de trouver qu'un centre privilégie
une orientation plutôt que l'autre. L'apprentissage médiatisé ou l'approche par l'outil
consiste à introduire la technologie numérique dans les cours de langue tandis que le
courant de l'autoformation vise davantage la modification du paradigme pédagogique,
c'est-à-dire la centration de l'action pédagogique sur l'apprenant. Cependant, il ne suffit
pas de réserver un espace d’apprentissage et de l’équiper de matériel informatique pour
prétendre mettre en œuvre l’approche par l’outil ou l’apprentissage médiatisé. Nous
l’avons vu, pour rendre opérationnel et efficace ce type d’enseignement, il faudrait
l’inscrire dans une vision cohérente et dans une stratégie pédagogique appropriée, une
sorte de gouvernance linguistique universitaire.
6.4.2 Approche méthodologique du CRL, l’approche ‘‘techno centrée’’

C’est une approche qui semble convenir à des centres à ouvrir dans l'urgence. Il semble
plus commode et facile d'ajouter l'outil technique à des pratiques de classe
déjà existantes que de révolutionner l'action pédagogique tout entière. C’est ce que nous
avons pu relever dans le cas des centres (CRL) des universités marocaines. Pourtant,
l'outil devrait quand même être adapté au contexte d'apprentissage existant.
Le problème majeur des centres (CRL), implanté de manière urgente et dans le cadre
national du Programme d’Urgence (PU) est celui d’adaptation de ces structures aux
universités. C’est plutôt le contraire qui s’est produit, ou si nous le voulons l’inadaptation
des centres dans le contexte universitaire. Le changement radical envisagé dans la

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 159
stratégie du (PU) a non seulement introduit l’outil technologique, mais a révolutionné les
pratiques de classe par l’introduction de contenus et de méthodologies nouveaux.
6.4.3 La question de l'autonomie

Nous pouvons définir, en termes psychologiques, l'autonomie comme la capacité ou la


conduite d'un apprenant au sein d'un dispositif censé être évolutif. Seulement, il faudrait
préciser que le dispositif a des effets sur le développement cognitif, socio-affectif et
conatif de l’apprenant. Francis Carton définit l’étudiant autonome comme étant : «
capable de prendre en charge son apprentissage, il a des compétences (ensemble de
savoirs et savoir-faire) qui lui permettent de décider de ses objectifs, de choisir des
supports et des activités, d’évaluer et de gérer son apprentissage. » (Carton, 2012 : 12).
Ceci dit, l’autonomie demeure le point fondamental dans l’action d’un centre CRL, c’est
sa raison d’être. Cependant, l’étudiant réceptif, c'est-à-dire ayant évolué dans un
système transmissif et centré sur l’enseignant ou l’enseignement, basé aussi sur le cours
magistral, serait-il prédisposé à travailler dans cet esprit ? D’après Rivens Monpean, des
études révèlent que : « l’étudiant qui n’est pas préparé à une formation en autonomie
aura du mal à changer de paradigme et cherchera toujours à reproduire des situations
d’enseignement connu auparavant. ». L’étudiant n’est pas expert en auto-apprentissage
puisqu’il apprend à le devenir. L’aide de l’enseignant, du tuteur, du conseiller est de
nature à lui faciliter la tâche et à y voir plus clair. Le rôle du tuteur, du moniteur ou
encore du conseiller est celui d’accompagnateur, non celui de l’enseignant. Ainsi, il
faudrait savoir écouter, analyser ce qui est dit et proposer les solutions nécessaires et
non pas les réponses justes. C’est une sorte de soutien psychologique proposé qui est
demandé dans ce genre de situations. Cela aide l’étudiant à prendre l’initiative et les
décisions nécessaires. Dans un cours de langue classique, l’enseignant donne des
informations sur la langue, alors que le rôle du conseiller consiste essentiellement à
suggérer des ressources dans une démarche heuristique, et c’est à l’étudiant de
découvrir le fonctionnement langagier.
Dans ce contexte universitaire auto-formatif, valorisant l’autonomisation de l’étudiant, il
faudrait mettre en place un système d’encadrement et de supervision afin de :
« préparer l’apprenant, l’accompagner et en quelque sorte le déconditionner pour qu’il
puisse s’engager dans ce parcours autonomisé. » (Rivens Monpean, 2013 : 134).

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 160
Pour ce qui est des modalités de l’accompagnement, les théoriciens et les concepteurs de
centres CRL ont mis en œuvre un certain nombre d’actions et d’interventions. Clénet et
Poisson ont répertorié des notions (comme suivi, conseil, tutorat, guidances, médiation
et direction…) qui renvoient toutes à la notion d’accompagnement et d’encadrement de
l’étudiant.
Nous pouvons aussi, introduire la précision suivante quant au moment et au type
d’’intervention préconisée : le guidage en amont et en aval. Le premier type de guidage
est opérationnel au moment de l’élaboration de ressources et de la médiatisation. Alors
que le second, le guidage en aval, prend place au moment de suivi et
d’accompagnement, c'est-à-dire qu’il intervient au moment de remédiations.
6.4.3.1 Autonomie et médiation/médiatisation pédagogiques

En parallèle avec l’autonomie se développe un autre concept pédagogique important, à


savoir le concept de « médiation pédagogique ». Cette dernière est connue par sa nature
complexe, car elle emprunte plusieurs voies et ne passe pas forcément par l’enseignant.
En effet, séances d’initiations aux stratégies d’apprentissage, tutorat, ressources
numériques sont autant de méthodes et d’initiatives pour promouvoir l’autonomisation
des apprenants et où la médiation pédagogique constitue l’outil incontournable aux
étudiants peu habitués à travailler en autonomie.
Par ailleurs, outre le rôle primordial de la médiation dans le développement de
l’autonomisation de l’apprenant, elle occupe une place centrale dans la cohérence du
dispositif d’enseignement. Une approche efficiente pour la réflexion sur le rapport entre
l’homme et « l’outil » se basant sur les notions de médiation et de médiatisation. En
effet :
« la médiation se réfère à l’action humaine pour le choix des supports ou l’approche
méthodologique (dans une perspective communicative par exemple, plutôt que
behavioriste) ou encore l’accompagnement humain qui sera proposé. La médiatisation
quant à elle, se réfère à la façon dont le contenu langagier est proposé à l’apprenant via
les TIC. De ce fait, la médiatisation change le rapport au contenu d’apprentissage auquel
les apprenants auront accès, en dehors du temps de face à face, de façon à décaler d’un
point de vue temporel et spatial. » (Rivens Monpean, 2013 : 83)
Toutefois, Linard n’oppose pas ces deux notions qui lui semblent tout à fait
complémentaires puisque pour elle : « la qualité de la médiatisation technique de

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 161
l’apprentissage ne vaut que ce que vaut la médiation des hommes qui l’interprète et la
font vivre sur le terrain. » (Linard, 1996 : 116)
En tout état de cause, la médiation pédagogique et une médiation particulière à la fois
complexe et ambitieuse. Elle est complexe parce qu’elle fait appel à plusieurs
intervenants et à différentes méthodes. De plus, elle est ambitieuse puisque les objectifs
de la médiation vont au-delà des progrès linguistiques requis.
6.4.3.2 Écueil à la médiation du côté de l’enseignant

La résistance des enseignants à l’égard du centre CRL, à l’intégration du numérique dans


leurs cours et au dispositif d’enseignement des langues de manière générale s’explique
par la crainte de voir le (CRL) prendre la place de l’enseignement en ‘‘présentiel’’. Cela
introduit certainement des changements de pratiques pédagogiques et administratives et
participe également à des modifications au niveau du rôle de l’enseignant, ayant lui-
même plus tendance à l’autonomie, c’est-à-dire la capacité et la volonté à : « aider les
apprenants à prendre en charge leur propre apprentissage. » (Thavenius, 1999)
Ceci dit, il faudrait savoir que la notion de médiation constitue une compétence à
acquérir. C’est une compétence de type de transmission de contenus et de pensées. Elle
est en rapport étroit avec les compétences linguistiques plurilingues et met en activité
les quatre compétences, à savoir compréhension/production de l’écrit et de l’oral.
L’essentiel de ces activités peut être ramené aux capacités des domaines de la
compréhension et de la production. Dans ce sens, les tâches ou les activités à effectuer
passent de la langue maternelle à la langue étrangère et vice versa. Les capacités
mobilisées relèvent des deux domaines (compréhension/production).
Nous avons souligné l’importance de l’adaptation de l’outil technique au contexte
pédagogique en place pour faciliter l’intégration de cet outil. Et nous avons montré que
cela n’a pas été le cas dans le cadre universitaire marocain, notamment à l’Université
Hassan 1er. En parallèle avec l’implantation des (CRL) au Maroc, le (PU) a introduit
également le Manuel CAP Université, conçu et élaboré, comme nous pouvons le lire dans
la présentation de ce livre : « dans le cadre du dispositif intégré de l’enseignement des
langues ».
Cet ouvrage, comme les (CRL), a suscité un débat acharné. Nous allons lui consacrer une
section à par entière pour contourner les différentes facettes de la didactique du Manuel

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 162
dans la classe de langue et surtout pour présenter cet outil et son fonctionnement dans
le milieu universitaire marocain.

6.5 L’enseignement des langues et la question du manuel


Dans cette section de notre présentation du dispositif didactique, notamment le volet
relatif aux ressources pédagogiques, nous allons mettre en perspective trois aspects
fondamentaux de la problématique de l’enseignement de la langue étrangère à travers
les programmes et les manuels élaborés à cette fin. D’abord, la conception elle-même de
ces documents, ensuite, dans la perspective la dimension interculturelle, nous analysons
les traces de la culture étrangère et son rapport avec la culture locale. Nous passons en
revue également les éléments typographiques de cet ouvrage ainsi que les indications
didactiques et méthodologiques qui situent ce support pédagogique dans le cadre
universitaire marocain. Nous terminons notre présentation par les contenus thématiques
et le type de pédagogie qui fait office dans le choix du manuel CAP Université, désormais
C.U.

6.5.1 Précisions conceptuelles :

Avant d’entamer notre étude du manuel C.U, commençons par cette précision
conceptuelle, relative au concept qui s’impose « genre du discours ». En effet, «
Chaque sphère connaît ses genres, appropriés à sa spécificité, auxquels correspondent
des styles déterminés. Une fonction donnée (…) et des conditions données, spécifiques
pour chacune des sphères de l’échange verbal, engendrent un genre donné, autrement
dit, un type d’énoncé donné, relativement stable du point de vue thématique,
compositionnel et stylistique. » (Bakhtine, 1984 : 269)
Il faudrait savoir que la production discursive et langagière s’inscrit, selon cet auteur,
dans le cadre d’une activité sociale. En effet, chaque genre de discours est caractérisé
par des structures formelles et fonctionnelles, des contenus et des conditions de
production qui lui sont propres. Dans cette perspective, nous proposons de considérer le
manuel de langue étrangère comme un genre discursif ayant des spécificités et des
fonctions intrinsèques et inhérentes à la nature de ce genre de production. Le manuel
pour l’enseignement d’une langue étrangère peut être conçu comme un outil
« polyvalent », car il s’agit d’un outil destiné à l’enseignement et à l’apprentissage de la

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 163
langue étrangère. Il assume plusieurs « fonctions liées à sa nature et ses messages
politique, programmatique et didactique. » (Choppin, 1999 : p.19)

6.5.2 Le manuel CAP Université, du renouveau dans les champs


linguistique et didactique marocains
Plusieurs chercheurs se sont intéressés à la question des manuels spécialisés en
enseignement des langues étrangères. Mais rares sont les études qui, à notre
connaissance, ont été consacrées au manuel dans le contexte universitaire, notamment
au Maroc. Dans le champ de l’Université marocaine, le livre C.U a fait couler beaucoup
d’encre. Primo, c’est la première fois que l’institution universitaire recours à ce genre
d’outil linguistique pour enseigner la langue. Secundo, ce choix pédagogique a suscité
des discussions à plusieurs niveaux et provoqué des réactions de différentes natures.
Rappelons que le manuel renvoie à un produit social et historique. Il préfigure différents
contextes se rapportant à la conception, à la médiation ou la transposition didactique et
à celui de l’interprétation du profil de l’apprenant. Ce dernier point attire notre attention
de manière particulière dans le cadre de notre recherche. Ajoutons à cela que ce support
pédagogique réunit une variété de matériaux et de contenus qui configurent des
relations signifiantes. En effet, la sélection des textes, la conception des exercices et des
activités ainsi que l’élaboration de situations visent un public d’apprenants plus ou moins
défini.
Ceci dit, l’élément qui requiert une importance de premier ordre, mais qui généralement
passe sous silence, c’est le flux de représentations, plus ou moins réussies, qui circulent
dans et à travers le manuel. A ce niveau, le manuel en tant que discours d’autorité,
véhicule des imaginaires, ou – comme le préfère le discours de l’histoire des idées,
notamment la critique marxiste – des idéologies qui appartiennent à un contexte
socioculturel déterminé.
Comme nous le savons, le discours didactique est un discours ouvert à plusieurs
discours, ceci étant, la didactique est une discipline au carrefour des autres disciplines.
Nous retiendrons quelques concepts utilisés dans différentes disciplines et qui permettent
d’étudier les représentations sociales et cognitives dans le discours des manuels. A ce
propos, nous nous référons à Jodelet qui définit les représentations sociales comme :

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 164
« (…) une forme de connaissance socialement élaborée et partagée, ayant une visée
pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social. »
(Jodelet, 1994 : 36)
A ce titre, les représentations sociales renvoient à un univers partagé, fortement marqué
par la présence de l’autre. En définitive, les représentations relèvent de perceptions et de
croyances ; elles permettent d’orienter l’environnement socioculturel et affectif. Elles sont
à l’ origine des systèmes de pensées, des opinions et des valeurs adoptés par les
groupes sociaux. Selon Jodelet, ces représentations : « circulent dans nos discours, sont
portées par les mots, sont véhiculées dans les images médiatiques, bref, elles sont
cristallisées dans les conduites et les agencements matériels ou spatiaux. » (Jodelet
op.cit : 32)
Pour compléter l’appareillage conceptuel de notre analyse, nous faisons appel à la
théorie de l’analyse du discours, qui met à notre disposition le concept d’« imaginaires
socio-discursifs». Celui-ci peut être défini comme suit :
« Ce sont des représentations sociales qui « construisent le réel en univers de
significations, selon un principe de cohérence » (Jodelet, ibid.), répondant à des formes
variées, et sont « sémantiquement regroupables ». Les imaginaires socio-discursifs «
circulent à l’intérieur des groupes s’instituant en normes de référence pour ses
membres.» (Charaudeau, 2005)
Bornons-nous à illustrer les marques de représentations et les signes de l’imaginaire
socio-discursif de l’apprenant dans le (C.U) à partir de certaines entrées sémiotiques et
discursives de ce livre, c'est-à-dire au travers du discours préfacier, de la présentation
matérielle du livre, l’avant-propos, l’ouverture des unités en double page et le support
audio.

6.5.2.1 Eléments de typographie


Le titre donné à ce livre, en grosses typographies blanches, sur fond rouge (Filières de
droit/économie), vert (filières scientifiques) et violet (filières littéraires), nous indique le
contexte universitaire, surtout avec la désignation (Université). Le mot (CAP) traduit
l’élan et relève du défi. C’est un appel au dépassement de soi, pour être en mesure de
réaliser des performances. C’est comme s’il s’agit de « changer de Cap », ou « mettre,
franchir et passer » le Cap. En effet, le bachelier marocain nouvellement inscrit à

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 165
l’université se trouve dépaysé dans cet univers qui lui est nouveau et ce, à plusieurs
niveaux. L’un des premiers signes de dépaysement est la carence en matière de
compétences linguistique et communicative. Plongé dans un univers francophone,
surtout pour les filières juridiques et économiques, objet de notre étude, l’étudiant se
trouve dès le départ, en situation de besoin et de manque. Il a besoin de comprendre les
cours en langue française, qui auparavant étaient assurés en langue arabe. Il a
également besoin de faire tout son travail en français : prises de notes, recherches,
résumés, synthèses… les examens et les tests aussi, écrits et oraux, il les passera en
langue étrangère.
Les indications « Renforcement en langue française » et « Niveau B1 du CECRL » font
office, à la fois d’objectifs affichés dès le début et de représentations que l’ont se fait sur
le profil d’apprenants. D’un niveau linguistique critique, généralement le niveau A1 ou
A2, comme l’indique la quatrième de couverture les étudiants sont invités à franchir le
cap est atteindre le niveau B1 après une année de cours universitaires.

6.5.2.2 Du « renforcement linguistique » en question


La mention « renforcement en langue française » joue un triple rôle. Elle nous renseigne
premièrement, sur la nature des activités linguistiques proposées. Celles-ci portent
essentiellement sur le renforcement de la compétence linguistique par le recours aux
leçons de grammaire, de vocabulaire, etc. Deuxièmement, sur le plan didactique, cette
précision dénote l’intérêt accordé par l’autorité de tutelle à l’enseignement de la langue
française. Précision nécessaire à rappeler face au débat stérile sur l’inanité de
l’enseignement du français et des langues en général dans le contexte universitaire,
surtout par les tenants du discours « traditionnalisant ». Ceux-ci ne manquent pas
d’occasion à faire prolonger les débats sur les politiques linguistiques dans les milieux
universitaire en guise de d’attrait et de polarisation. Enfin, cette mention risque d’être
mal reçue et catégorise pour ainsi dire, le cours de langue, et la totalité du module
(langue, communication et terminologie), sous la bannière du « bricolage » et de la
« confection pédagogique », car tout éventuel échec du système d’enseignement, serait
imputé, globalement ou partiellement à la non maîtrise linguistique. Autrement dit, la
« non efficacité » des cours assurés dans le cadre dudit module justifie l’échec total des

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 166
étudiants et leur incapacité à poursuivre leurs cours de spécialité. La même remarque
nous pouvons la souligner dans les propos de Mgharfaoui qui se demande :
« si on ne surestime pas l’impact de la question linguistique dans l’échec des
enseignements d’une manière générale. Le faible niveau en français est ainsi désigné
comme la cause principale de la baisse générale du niveau des étudiants et partant de
leur échec. » (Mgharfaoui, 2018)

6.5.2.3 L’échelle des niveaux :


La mention « niveau B1 du CECRL » avait tôt d’introduire la classification des étudiants
selon la répartition établie par la Cadre européen (Voir l’illustration ci-dessous, Figure 9)
en niveaux selon le degré de maîtrise des quatre compétences (Compréhension/
Production de l’Ecrit/l’Oral, représentées schématiquement par (CE/CO, PE/PO) allant du
niveau A1 (débutant), le plus facile, au niveau C2 (expert), le plus difficile. Les niveaux
A1/A2 décrivent un utilisateur élémentaire, B1 et B2 indépendant et C1/C2 expérimenté.

Figure 9 : L’échelle des niveaux selon le CECRL


Source : https://www.google.com/search?q=l%27%C3%A9chelle+des+niveaux+de+comp%C3%A9tence+du+Cadre+CECR

6.5.2.4 Choix des couleurs et représentations « sociales »


Un autre aspect se rapportant aux choix des couleurs attire notre attention. En effet, les
couleurs choisies pour chaque spécialité ne relèvent point de l’arbitraire et du fortuit. Le
rouge traduit la fascination et l’ambigüité tout à la fois, contrairement au vert qui est une

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 167
couleur apaisante. Alors que le violet est la couleur de l’étonnement et de la spiritualité.
Remarquons que le rouge réservé aux filières (droit/économie) le vert choisi (pour les
filières scientifiques/techniques) et le violet pour les filières (littéraires) laissent entendre
une certaine représentation sociale. Les juristes et les scientifiques sont en gros
« conformistes ». Les littéraires prennent une certaine distance critique. En termes de
culture chromatique, le violet est aussi une couleur difficile à marier. Alors que le rouge
et le vert, couleurs officielles connotent une certaine rigueur qui, si elle n’est pas réelle,
du moins souhaitée. Le vert est la couleur de la nature, de la science qu’on trouve dans
certains domaines de la santé (la pharmacie, la médecine).
L’arrière-fond des manuels est en couleur noir, avec des indications de date et de
numéro d’authentification, que nous trouvons dans le cachet, au milieu de la forme
ronde, laissent entrevoir le mot « air » qui rappelle le voyage. Ce qui fait penser à un
visa, ou à une invitation (autorisation) à voyager au-delà des « frontières » linguistiques.
Cette notion de voyage nous interpelle à convoquer l’outil « Europass », largement
présenté dans le cadre du portfolio, document d’auto-évaluation par excellence, qui
renseigne sur les compétences et les qualifications linguistiques.
La mention « Module transversal » spécifie la nature même du module. Sans entrer dans
les détails d’ordre didactique et méthodologique, le module est inscrit sous le signe de la
transversalité et de l’oblique, regard inhabituel et « perçant » sur une langue avec
laquelle le jeune marocain entretient un rapport difficile, quand même. Par ailleurs, il
serait judicieux d’étudier les représentations de l’étudiant sur la langue française, les
contenus thématiques choisis… , dans le cadre de notre questionnaire. Et pourquoi ne
pas élargir l’étude pour couvrir toutes les représentations des étudiants sur la totalité du
programme et les modalités d’enseignement ?
En définitive, ce qui nous intéresse c’est l’étude de la transversalité selon le double
objectif poursuivi : doter l’étudiant d’outils linguistiques nécessaires pour suivre de
manière aisée les contenus disciplinaires et le conforter dans son attitude d’autonomie
par le développement des réflexes d’analyse.

6.5.2.5 La quatrième de couverture, de la dynamique « interactionnelle »


Pour ce qui est de la quatrième de couverture, elle reprend quelques indications données
dans la première : le titre donné au manuel, le niveau des étudiants, le public ciblé.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 168
D’autres indications viennent s’adjoindre à celles-ci pour compléter le discours du para-
texte. Comme le texte au milieu, qui donne un bref aperçu sur l’élaboration de ce livre. Il
l’inscrit fortement dans une démarche didactique interactive et rationnelle, basée sur le
travail empirique (test de positionnement, concertations, séminaires, etc.). En bas de
page, à droite, nous pouvons identifier les indications sur l’établissement chargé de la
diffusion du C.U au Maroc à savoir « la Librairie et Papeterie Nationale ». Dans la partie
gauche, dans un encadré blanc, le code barre inscrit la production de l’ouvrage dans les
standards internationaux en matière de conception de manuels. Ce qui augure d’une
rigueur en matière de conception et de production de ressources pédagogiques.
Par ailleurs, l’indication de l’éditeur Didier a provoqué plusieurs réactions que nous
mettons sur le compte des « socio-discours » et que nous pouvons classer en deux
orientations majeures diamétralement opposées. L’une voit en ce choix de l’éditeur
français, Didier, une « maison professionnelle et spécialisée » surtout dans le domaine
de publication universitaire. En plus, cette maison est « d’une renommée retentissante
dans le monde ». Ce qui témoigne de la réelle volonté des « concepteurs » d’inscrire le
manuel dans cette tradition de publication et faire de C.U : « un manuel rigoureux,
original, attrayant et fiable que d’aucun ne manquera pas d’apprécier les qualités. »
(Fatima SKOURI, 2012) (1). Aux antipodes de cette lecture, nous avons l’autre
orientation qui pose avec véhémence des questions : « pourquoi avoir choisi un éditeur
français ? » ou « n’y-a-t-il pas d’éditeurs marocain en mesure d’éditer des manuels de
français ? » pour arriver à des remarques comme la suivante « avec un professionnel
marocain le produit n’aurait pas été moins réussi. » (7) (Abdellah KRIKEZ, 2011).
Ces discours opposés, comme les divergences de points de vue, nous paraissent
importants et décisifs dans la vie de chaque production pédagogique. C’est en tout cas
un signe, qui augure d’un bon état des discussions et de l’intérêt que le livre a suscités,
malgré tout. Le débat scientifique est de nature à améliorer la production pédagogique.
Ainsi, et à la lumière des « imaginaires socio discursifs » développés précédemment,
deux univers de représentation de l’usage de la langue étrangère se profilent. Un
imaginaire socio discursif « ouvert », « moderniste » et « modernisant » tel que Elgherbi
l’a décrit. Cette tendance moderniste présente la langue française comme étant « le seul
moyen d’accès à la culture moderne et technique.» (Elgherbi, 1993). Cependant, l’autre
orientation, ésotérique et « traditionnalisante », elle est plus repliée et empreinte de

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 169
«véhémence». Elle voit dans les langues étrangères, malgré son « ouverture » affichée à
l’égard de l’anglais, l’ennemi juré de la langue arabe, la langue de l’identité et du sacré.
En fait, ce qui est et approprié à la langue, ce sont les « usages sociaux » que l’on fait et
que celle-ci véhicule, car « les rapports de communication sont aussi des rapports de
pouvoir » (Bourdieu, 1982).
L’on voit bien d’après les éléments qui précédent que les antagonismes et les polémiques
traduisent une lutte des rapports de force, sachant bien que les usages sociaux
composent le modèle social et culturel approuvé. Les usages de la langue reproduisent
différentes « valorisations sociales ». En ce sens, il y a des discours qui sont destinés à «
créer une certaine autorité » et qui ont évidemment des effets sur les locuteurs.

6.5.3 L’avant-propos, les thèmes et les dossiers : du pacte pédagogique à la


pédagogie « actionnelle » :

Passons maintenant à l’avant-propos. Dans cette brève présentation, rédigée par M.


Essaouri, ex-Président de l’Université Ibn Ibn Tofaïl à Kénitra, le message est adressé
directement aux utilisateurs, c'est-à-dire l’ensemble des étudiants inscrits en semestre
(I) de la première année de la licence. Notons qu’il s’agit ici d’un outil fondé
essentiellement sur l’échange direct avec le destinataire (l’étudiant). Afin de souligner
que le manuel réponde aux attentes langagières des apprenants, les concepteurs
expliquent que ce « produit » est publié suite à un travail laborieux d’études de terrain.
Celles-ci ont été effectuées avant de se lancer dans l’exercice de conception et
d’élaboration proprement dit du manuel.
Pour la chercheure Skouri, « l’importance didactique » du texte de la préface réside dans
« le fait qu’elle est […] élaborée par une autorité académique le président d’une
université », d’une part, et d’autre part, « parce qu’elle répond à un principe didactique
fondamental : c’est le principe du contrat avec l’apprenant. » (Skouri, 2012)
Bref, le texte de la préface témoigne d’une certaine circulation et se relance dans le
marché éditorial à partir d’un certain accueil du public.
Par ailleurs, le discours de la préface met l’accent sur l’importance de l’enseignement des
langues dans le cursus universitaire et même au-delà. C’est ce qui explique l’intégration
des « modules de renforcement en langues » dans le cycle fondamental de la licence,
toutes filières et spécialités confondues. Par la suite, l’auteur de la préface rappelle les

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 170
différentes étapes qui ont précédé l’élaboration du C.U, la préface rend compte de la
hiérarchisation des priorités engagées par la méthode dans une vision stratégique qui
place ce support dans « le dispositif » d’enseignement des langues, au même titre que
les outils pédagogiques qui accompagnent l’étudiant durant tout son parcours
universitaire.
L’approche préconisée, les activités de grammaire explicite, la pertinence des documents
choisis ainsi que leur caractère disciplinaire actuel, tous ces aspects font état de la
méthode didactique développée. Elle prend appui sur la réalité marocaine, dans son
histoire et son avenir, dans son cadre scientifique, ses aspirations technologiques et ses
soucis sociaux. C’est un livre fortement « contextualisé », dans la mesure où les
thématiques choisies relèvent du contexte du pays, sans oublier l’ouverture à
l’international, à la fois comme stratégie et comme signe d’engagement universel.
Il est à remarquer que les contenus thématiques « inspirés du contexte marocain » et en
rapport avec « les champs disciplinaires » des étudiants répondent parfaitement aux
exigences de la méthode didactique poursuivie. Celle-ci permet, d’abord, de faciliter
l’acquisition des quatre compétences (la compréhension orale et écrite / la production
orale et écrite). Ensuite, le discours « péri textuel » adopté est considéré comme la
vitrine de la méthode privilégiant l’action. Même si le mot « approche actionnelle » n’est
pas dit explicitement, l’on sait que cette approche est fortement sollicitée et mobilisée
par le Cadre européen, qui lui, est indiqué à plus d’un titre.
En ce qui concerne les destinataires, le discours préfacier tente de rallier les étudiants au
projet et ce, le long de l’année académique pour atteindre le niveau B1. Cette fonction
programmatique de la préface joue aussi le rôle d’un pacte didactique (Skouri, 2012). Le
contrat s’établit dès le départ pour relever le défi linguistique et pour expliquer les
modalités de travail « mettre l’apprenant dans des situations authentiques
d’apprentissage ». L’ensemble des activités place l’étudiant au centre de l’action en lui
assignant des tâches précises. A noter aussi que l’appréhension de la langue « réemploi
des points de grammaire », et du « lexique » s’effectue en relation avec le « discours de
spécialité ».

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 171
6.5.3.1 Pratique linguistique et action sociale
La mise en scène des contenus thématique et pédagogique se déroule de manière à
satisfaire les échanges sociaux et les besoins effectifs. Ce qui place ce manuel comme un
outil « pratique », « communicatif », « concret » et « réaliste ». Il s’inscrit dans une
stratégie qui se veut efficace et efficiente, dans la lignée du Cadre européen (CECR).
Cette vision nous incite à nous interroger sur la place de la culture dans la classe de
langue. Autrement dit, peut-on enseigner une langue sans enseigner sa culture ? Et
quelle place accorde-t-on au culturel et à l'interculturel dans le cadre de l'enseignement
des langues étrangères ?
Le concept de culture est porteur d'une nébuleuse de signifiés s'actualisant dans le
discours didactique en syntagmes de types « didactique de l'interculturel »,
« management de l'interculturel », « approches de l'interculturel »... . Autant
d'orientations qui embarrassent les auteurs et concepteurs de programmes et de
dispositifs didactiques, quant aux choix d'un enseignement "dépendant" ou
"indépendant" de la culture. En effet, l'enjeu culturel de représentations de l'autre et de
sa culture, selon une approche socio - cognitive des manuels de FLE n'obéit pas au
principe de l'immanence, en ce sens que les innovations et évolutions en matière de
conceptions et élaborations de programmes ne sont pas seulement d’ordre
méthodologique. Elles sont le reflet de fluctuations et effervescences survenant sur les
plans politique, social et économique.
A vrai dire, les projets de société et les facteurs liés aux événements historiques pèsent
lourds sur les programmes pédagogiques, les pratiques de classes et déterminent les
rapports langues/cultures. Aussi, les dispositifs d'enseignement des langues sont
tributaires de la problématique de l'identité nationale, ils sont mobilisés, pour ne pas dire
manipulés par le politique. Ce qui nous met face au choix de l'enseignement de la langue
indépendamment de sa culture. Au Maroc, et dans les pays du Maghreb en général,
l'enseignement du français est fortement inscrit dans une sorte d « 'indépendance »
linguistique, c'est à dire l'autre versant de l'indépendance politique et économique.
En parallèle, des expressions comme "identité nationale", "authenticité", "valeurs
religieuses"... sont la confirmation du repli sur soi et le rejet de la culture de l'autre. En
matière de culturalité, le rejet de l'altérité se traduit par le parti pris d'enseigner la
langue sans culture. D'aucuns voient dans la marocanité des thématiques et contenus du

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 172
CAP un choix judicieux. KRIKEZ réitère sa position à ce propos et souligne que : « Les
thèmes retenus sont en rapports avec des aspects socio-économico-éducatifs du Maroc
du présent début du 3ème millénaire. C’est une décision d’une importance capitale. »
Dans la même perspective, Morsly attire notre attention sur le fait que : « l'attitude à
l'égard de la langue française nous semble être le reflet d'un antagonisme profond entre
deux forces : attraction et répulsion. Tout se passe en effet, comme si on voulait à la fois
dévaloriser, (voire rejeter) la langue française, cette dévalorisation permettant « de
régler ses comptes avec elle » et conditionnant par là même la promotion et la
revalorisation de la langue nationale ». (1984 : 23)

6.5.3.2 L’ouverture à l’international comme signe de pluralité


La conception unidimensionnelle du culturel, qui sous-tend les pratiques didactiques
repose essentiellement sur l'acception du terme culture, comme relevant d’une identité́
vécue, partagée comme collectivement ‘‘homogénéïsante’’. Ce qui n'est pas le cas, pour
Martine Abdallah-Pretceille qui précise qu’ :
« [au] sein de chaque groupe voire au sein de chaque individu, on constate une
pluralisation de plus en plus forte. L’hétérogénéité est devenue le dénominateur commun
de tous les groupes, que ceux-ci soient nationaux, sociaux, religieux ou ethniques. »
(2011 : 90)
Dans le manuel C.U, chaque dossier se solde par la double-page : « Ici et ailleurs ».
L’intérêt de ce choix pédagogique ne réside pas seulement dans l’ouverture à
l’international, pour enrichir les connaissances de l’étudiant par les informations et les
pratiques courantes chez les autres pays sur les faits et les thèmes étudiés, mais
d’inscrire l’action pédagogique dans la diversité linguistique et la pluralité culturelle.
Pluralité et diversité devant être prises comme synonyme d’enrichissement et valeur
ajoutée.
Par ailleurs, la mondialisation, contrairement à une idée reçue, ne participe pas à la
globalisation du modèle unique. Elle :
« favorise et multiplie les contacts, les lectures, les rencontres et entraîne une ouverture
des identités. Chaque individu, même le plus casanier, est, par ses lectures, par la
télévision, par internet, etc. en contact avec le monde entier. L’étrangéité est devenue
quotidienne et proche. Chaque individu construit son identité selon des modalités de plus

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 173
en plus différenciées en s’appuyant sur des exemples extérieurs à son groupe de
naissance » (M. A. Pretceille, ibid.)
Rappelons que l'individu ne possède pas une, mais plusieurs identités. Cependant, dans
la conception réductrice de l'identité́, souvent confondue avec appartenance, l’approche
didactique basée sur le socioculturel focalise sur le singulier, le même et ignore les
dimensions liées à l’universalité́, à l’altérité et « à l’interculturalité » à faire valoir. Les
représentations des langues sont liées aux réponses qu'on est censé donner aux
questions : quels rapports y a-t-il entre l'ici et l’ailleurs ? Comment définir les relations
entre le soi et l’autre ? Comment résoudre les écarts entre les attentes et la réalité ?
En fait, il n’y a de réalité sociale qu’à travers les représentations que l'on se fait de cette
réalité, et que celle-ci nous induit à élaborer une construction « sociale » du monde. Elle
ne peut être basée que sur les réalités du multilinguisme et du multiculturalisme.
Construction qui, rappelons-le, devrait être conçue dans la vision de J.J Rousseau par le
choix de supports d’illustrations qui ne se prêtent ni la confusion ni à l’ambiguïté, car
« Quand vous leur donnez [c'est-à-dire les apprenants] des préceptes qui se
contredisent, quel fruit espérez-vous de vos soins ? » (L'Émile, livre second)
Sur cette précision rousseauiste prend fin ce chapitre et toute la deuxième partie. Cette
dernière a été consacrée au dispositif d’enseignement des langues, notamment le
portfolio (quatrième chapitre), la didactique du plurilinguisme (cinquième chapitre). Ces
deux éléments constituent l’outil et la méthode du dispositif. Nous avons survolé, sur les
plans théorique et méthodologique, la nature et le fonctionnement du dispositif pour
vérifier sur le terrain sa mise en place et son opérationnalisation. Nous l’avons soumis
aux règles de l’analyse et de la critique objectives. Cela nous a permis d’avoir une idée
précise sur le contexte de notre travail afin de préparer notre enquête. Cette dernière
fera l’objet de notre développement dans la dernière partie que nous présenterons dans
les lignes qui suivent.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 174
Partie III

L’ENQUETE AU SEIN DE LA FACULTE DE DROIT :


ANALYSE DE DONNEES SOCIOLINGUISTIQUES ET
SOCIODIDACTIQUES

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 175
Chapitre 7

Ce chapitre introduit la troisième partie qui est consacrée à notre enquête du terrain.
Avant de procéder aux analyses quantitative et qualitative, objet des chapitres suivants,
nous commençons par situer le cadre de la recherche ainsi que les outils mobilisés pour
atteindre nos objectifs : étudier le dispositif en place et tenter de comprendre les
obstacles aux compétences linguistiques requises dans la poursuite des cours de
spécialité. Le choix du questionnaire d’enquête semble répondre à la réalité du terrain,
nous avons pensé également qu’un entretien semi-directif destiné aux enseignants de
langue de la faculté de droit constitue un outil efficace dans la compréhension et
l’analyse de la problématique linguistique dans ce cadre universitaire. Ainsi, nous
donnerons une idée détaillée sur l’organisation et l’architecture de nos outils en fonction
des éléments que nous jugeons prégnants dans l’élaboration des variables à retenir.

7.1 La Recherche-Action
Afin de pouvoir ramener les réponses souhaitables et les éclaircissements utiles à nos
questions de recherche, nous adoptons une perspective heuristique, renforcée par
l’exercice de « l’observation réflexive » dans le cadre d'une recherche-action, désormais
(RA). Ce cadre méthodologique permet de mieux saisir toutes les difficultés du terrain,
d’analyser les différentes situations d’enseignement/apprentissage du français à
l’université et de pouvoir, par la suite, évaluer les différents dispositifs didactiques mis
en place.
Nous tenons vivement à souligner que la (RA) obéit aux règles d’une double orientation.
Fournir, d’une part, des connaissances nouvelles, utiles et « pragmatiques » sur une
situation d’enseignement donnée. Et d’autre part, transformer cette même situation
pédagogique.
Notre étude, et comme il a été précisé, porte sur le cours de « langue et
terminologie »(LT), ou au préalable « Langues, Communication et Informatique » (LCI)
des étudiants de la 1ère année universitaire, et principalement, ceux inscrits en 1ère année
de la faculté de Droit de l’Université Hassan 1er.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 176
Commençons d’abord par la présentation de l’outil de recherche avec toutes les
précisions et considérations sur le bien-fondé de la (RA). Nous signalons de prime abord
que celle-ci s’approprie les outils de la recherche empirique, dans la mesure où elle
accorde une place prépondérante à l’action du terrain. La plupart des chercheurs
s’accordent sur le fait que la (RA) est l’outil de recherche le mieux adapté au domaine de
la didactique des langues (J.P, Narcy-Combes, D. Montagne-Macaire, Hess, R.)
« De nombreux travaux de type qualitatif utilisent cette forme de recherche pour peu
qu’ils concernent les dispositifs éducatifs » (Montagne-Macaire, 2007 : 94).
Aussi, il serait judicieux d’interroger le répertoire terminologique qui pivote autour de la
notion (RA). Nous trouvons des concepts comme « « co-apprentissage », « méthodologie
éducative » ou encore « ingénierie didactique », dans la tradition francophone (Catroux,
2002). Pour cette didacticienne, il paraît que la terminologie anglophone est beaucoup
plus précise et « témoigne d’une créativité impressionnante». En définitive, nous
trouvons en parallèle à la classique appellation d’« action research » d’autres concepts
comme « teacher research » (recherche des enseignants), « classroom research »
(recherche en classe), « co-learning » (co-apprentissage), « co-operative inquiry »
(enquête coopérative), « critical reflection » (réflexion critique), ou encore « practical
inquiry »( enquête pratique).
Dans le domaine de la didactique des langues et des cultures (DDLC), Jean-Paul Narcy-
Combes, rattachant cette discipline à son contexte social, souligne avec beaucoup de
conviction le lien étroit entre la RA et la DDLC, car :
« L’objet qu’étudie la didactique des langues, même s’il semble plus pertinent de parler
de L2, est une pratique sociale, et dont la recherche-action se révèle être la
méthodologie de recherche la plus adaptée à cet objet. » (Narcy-Combes, 2005 : 7).
La recherche-action, toujours selon Catroux, constitue« un champ grandissant » et fertile
« de la recherche éducative » ; le but final et principal n’étant pas uniquement la
jonction de la recherche à l’action, mais surtout les réponses apportées aux «demandes
des enseignants pour passer de l’étape de la réflexion organisée à la pratique de classe».
Les chercheurs et les spécialistes des questions didactiques s’accordent également sur
l’aspect « mouvant » et non achevé de la nature de la recherche-action. Cela est dû
principalement à l’ambigüité qui réside dans ses implications méthodologiques. Les
termes mêmes d’implication et d’intervention sont sujets à caution. En effet, dans le

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 177
domaine des sciences exactes, ces termes laissent entendre l’absence de neutralité et de
recul du côté du chercheur. De plus, l’instabilité du mode d’intervention de la (RA) lui
confère un statut variable : elle n’est ni recherche fondamentale, ni recherche appliquée.
Ce qui explique en quelque sorte l’incompréhension injuste et la tendance à la
dégradation dévalorisante du statut scientifique de la (RA) à l’égard des autres
disciplines comme l’a pertinemment souligné Dominique Montagne-Macaire, pour qui
cette méthodologie :
« [a] fréquemment [été] considérée comme simple instrumentalisation pragmatique, la
recherche-action ne jouit guère d’un statut très favorable dans le monde universitaire. »
(MONTAGNE-MACAIRE, 2007 : 94).
De toute façon, ces critiques formulées à l’égard de la (RA) témoignent plus d’une
attitude de réticence au sujet de tout ce qui est généralement nouveau, que d’une prise
de position objective et scientifiquement justifiée. Et chaque fois qu’il y a un
renouvellement d’ordre méthodologique et épistémologique en matière de recherche
scientifique, l’on assiste à ce genre de réactions. Cependant, nous ne manquerons pas de
souligner, ici, que c’est justement cette ouverture inconfortable de la (RA) qui explique la
place privilégiée dont elle jouit aujourd’hui dans le domaine de la didactique.

7.1.1 Un processus collectif

En définitive, la (RA) peut aussi être définie comme un processus collectif. Ce dernier
met en cohérence et en action un groupe de chercheurs qui visent à produire un
dispositif articulé en savoir, savoir-faire et savoir-être en rapport étroit avec les
pratiques des acteurs sociaux. Une fois cette définition établie, nous pourrons adopter et
autoriser par la suite toutes les variations éventuelles. Aujourd'hui, la RA dans les
domaines didactique et pédagogique est extrêmement variée, mais très utile. Elle
conduit chacun des participants dans le cadre de l’action commune à expérimenter des
« méthodes originales ». Cela impacte positivement son expérience et participe à
l’enrichissement des pratiques pédagogiques des autres membres du groupe. Cela peut
être aussi illustré dans le travail d’élaboration et de production d’outils et de ressources
pédagogiques se rapportant à des situations thématiques et problématiques
particulières, dont l’apport est indéniable sur les plans individuel, collectif et
institutionnel.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 178
7.1.2 Origine de la Recherche-action

Héritée de Dewey, puis développée par Lewin (1943), la recherche-action (RA) est née
dans les années 1940 aux Etats-Unis (Thirion, 1980, Goyette et Lessard-Hebert, 1987).
Son origine impliquée dans le cadre des phénomènes sociaux, plus précisément la
psychologie sociale, autour de la dynamique de groupes reste prégnante dans ses
modalités de mise en œuvre en sciences humaines et sociales. Elle est ainsi domaine
d’intervention sur des problèmes générés dans des groupes constitués. Dans la logique
de la recherche-action, les chercheurs sont impliqués et peuvent agir à côté d’autres
acteurs d’un dispositif. Cette proximité de l’action confère une source de savoirs pour la
recherche en termes d’aides au changement.
Pour Arthur Gélinas et Raymonde Brière :
« la recherche-action est une approche à l’étude des phénomènes sociaux liés au
changement, à partir de la mise en acte dans des situations sociales concrètes, avec les
acteurs concernés, d’où émerge un processus d’enrichissement, de développement, de
réorientation des actions et des connaissances» (1985, cité par Poellhuber & Boulanger,
2001 :19).
Dans le cadre de cette définition, nous pouvons déceler « un double but ». D’un côté,
l’accent est mis sur l’intention qui vise le changement ou la transformation, c’est le pôle
action ; de l’autre, la production de connaissances sur le phénomène étudié, c’est le pôle
recherche. L’intérêt plus ou moins pertinent relève du choix de focaliser l’attention sur
l’un ou l’autre aspect de la RA. En effet, cette dernière relève généralement de la
pratique dont elle vise la compréhension. Elle permet l’observation de l’enseignement/
apprentissage des langues dans des contextes institutionnels et pédagogiques effectifs
ainsi que lors des situations et des actions de formation ponctuelles. Sa visée principale
est la compréhension de la complexité des situations de recherche. En cela, elle permet
non seulement d’introduire des changements au niveau des pratiques mais elle participe
à l’explicitation des situations d’apprentissage afin de les rendre fortement conscientes et
compréhensibles. Soulignons au passage que ces considérations sont quasiment
absentes dans nos systèmes éducatifs. En effet, les différentes réformes du système ont
toujours été verticales et n’arrivent guère à mobiliser les opérateurs du terrain, soit dans
le cadre d’une approche participative, soit par le recours à la stratégie des cahiers ou du
contrat-programme.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 179
Pour aboutir à ces objectifs et être opérationnelle sur le terrain, nous retenons les cinq
niveaux d’intervention listés et établis par Montagne-Macaire (voir Montagne-Macaire,
2007) se présentant de la manière suivante :
- Le niveau intrapsychique (niveau des personnes) : ce niveau concerne les
représentations de l’enseignement/apprentissage, le profil des apprenants
et les styles d’enseignement ;
- Le niveau des interrelations : il porte sur l’analyse des relations établies
entre les opérateurs dans le domaine de l’éducation ;
- Le niveau microsocial (le groupe) : il analyse les besoins du groupe, leurs
attentes ainsi que les rôles qui incombent aux acteurs selon une dynamique
appropriée. Il est à préciser que les membres du groupe peuvent être des
apprenants ou même des enseignants travaillant dans le cadre d’un projet
pédagogique commun ou même en cession de formation ;
- Le niveau méso-social (niveau intermédiaire) : c’est le niveau qui se
caractérise par la présence et l’implication des différentes instances de prise
de décision dans le processus de l’éducation s’agissant d’établissement
éducatif, de département de l’éducation, de la commune, de la région…
- Le niveau institutionnel ou organisationnel : il s’agit d’un macro-niveau, en
ce sens qu’il engage la société entière par la définition des valeurs globales,
des finalités ultimes et de la mise en place de « théories de référence ». A
préciser que ce niveau se distingue aussi par sa tendance largement
prescriptive. L’élaboration de programmes et de recommandations officielles
constituent l’illustration parfaite de l’aspect contraignant de ce niveau,
même si parfois on tente d’en atténuer la portée (ex. le cadre européen
commun de référence pour les langues et son aspect plutôt incitatif).

Ce sont des niveaux qui entrent en interrelations et sont amenés à interagir et à faire
l’objet de modifications et d’ajustements selon leurs évolutions respectives et lors des
tensions qui apparaissent. En ce sens, la RA peut mobiliser plusieurs niveaux à la fois.
Pour rendre compte de la complexité de l’action entreprise, elle doit conjointement :
« faire émerger et analyser les divers niveaux et les mettre en relation par le biais des
liens et des tensions qui les animent et des ajustements qui les caractérisent »
(Montagne-Macaire, op.cit. :110).

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 180
7.1.3 Connaissance préalable du terrain

La recherche-action peut s’effectuer à titre individuel ou collectif. Autrement dit, un ou


plusieurs chercheurs peuvent mener des actions de recherche au sein de l’établissement
d’intervention. Il n’y a pas d’autres préalables à la (RA), hormis la connaissance du lieu
d’investigation empirique, pourtant un engagement dynamique et intransigeant de la
part de(s) (l’) intervenant(s) s’avère une obligation de premier ordre.
Cette connaissance du terrain s’explique par les spécificités et le caractère unique de
chaque situation ainsi que les acteurs du terrain. Parfois, le chercheur se heurte à des
difficultés liées essentiellement à des modes de fonctionnement ad hoc et à une certaine
culture administrative, qui risquent de bloquer l’action si l’on ne comprend pas les enjeux
pour contourner les écueils. L’échec subi ne saurait être imputé à la qualité du travail qui
a été mené, mais justement parce que les chercheurs et les intervenants n’ont pas pris
une connaissance suffisante du terrain. Nous citons à titre d’exemple, le grand chantier
national de la pédagogie d’intégration en 2009 44.
Ce programme de manière générale, et plus précisément la pédagogie de l’intégration
ont été la cible des critiques les plus acerbes pour plusieurs raisons. Cependant, la
principale raison qui nous intéresse scientifiquement et objectivement parlant, relève de
la non prise en compte de la nature scientifique de la (RA). Les instigateurs de ce
programme ainsi que les différents intervenants dans le cadre de ce projet pharaonique
n’ont pas su impliquer et ce, dès le départ, l’élément clé de toutes opérations de réforme
pédagogique à savoir l’enseignant, c'est-à-dire le praticien et l’opérateur du terrain. En
effet, la recherche-action ne peut être établie sans « […] la collaboration entre les
différents partenaires et ne peut se concevoir sans la négociation en commun du plan
d’action. Son efficacité dépend de l’accord et de l’implication de tous ceux qui seront
affectés par sa mise en place. » (Catroux, 2002). D’ailleurs, la (RA) n’a d’efficacité et
d’efficience que si les participants prennent connaissance « de tous les aspects de

44
Ce méga-projet lié au Programme d’Urgences (PU) a en fait ouvert plusieurs chantiers dans le domaine de
l’éducation. Au niveau de l’école primaire, il a surtout été marque par la promotion de la pédagogie de l’intégration.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 181
l’action » et être parties prenantes du processus de négociation et de décision,
notamment dans les phases de « négociation, observation et prise de décision ».
En somme, le chercheur a bien de l’intérêt à être un bon analyste des différentes
situations et problématiques rencontrées, et des contextes réels sur lesquels il est invité
à agir et à faire réagir les apprenants. Il use de son savoir faire pour mieux les motiver
et les observer tout en croisant les différents outils dont il dispose, afin de pouvoir
ramener des éléments nouveaux au fil de la recherche. De plus, et là aussi nous nous
arrêtons sur l’un des points les plus prégnants de la RA à savoir ‘‘ l’attitude
intransigeante’’ du chercheur dans le cadre de ce travail d’investigation. En effet, la
démarche (RA) exige selon Jean-Paul Narcy-Combes :
« une préparation, une organisation, un suivi, et donc des prises de mesure,
d’éventuelles réorganisation, un bilan et une publication » (Narcy-Combes, 2005 : 112-
113).
Ceci évidemment, pour mener à bon escient les analyses et, par la suite l’ensemble des
actions à entreprendre. Par ailleurs, la recherche-action est soumise au critère de
faisabilité. Elle est, pour ainsi dire, applicable et réalisable par le(s) chercheur(s) et entre
en conformité avec son (leurs) profil(s) et ses (leurs) compétences. A noter qu’elle ne
doit être alourdie ni par un arsenal théorique ni par un encombrement d’ordre empirique.
Pour ce qui est de la durée de la recherche-action, elle est relativement courte. D’abord,
parce que les intervenants risquent à un certain moment, et compte tenu des difficultés
du terrain, de manifester un certain relâchement, et qu’il est rare qu’une même équipe
peut mener sa recherche avec le même dynamisme et les mêmes motivations du départ.
En outre, il y a le facteur administratif qui y est pour beaucoup. Ce genre de recherche,
nécessite une certaine souplesse administrative. Chose encore rare, compte tenu des
changements qui surviennent avec le changement de responsables.

7.1.4 La recherche action : forme collaborative

La (RA) a une forme collaborative lorsque l’on tient compte de l’avis des apprenants.
C’est un travail d’équipe qui exige un suivi rigoureux par les acteurs afin de garder des
traces de ce qu’ils ont fait évidemment avec leur consentement. En fait, la (RA) : «
débouche sur un produit validé, que ce soit dans un contexte isolé, ou mieux de manière

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 182
large. Le produit pouvant être une tâche, un dispositif, une publication, un rapport, des
outils de cours, etc. » (Montagne-Macaire, 2007 : 98).
Reconnue en tant que démarche qualitative, la recherche-action mobilise des outils
spécifiques pour sonder le terrain. Parmi ses instruments privilégiés dans son
fonctionnement et son travail d’investigation, on retient les outils de communication
directe : entretiens semi-dirigés et observations participantes. Ces outils créent une
situation de confiance et d’échanges afin d’alléger les dispositifs. De plus, la recherche-
action s’adapte efficacement aux différentes situations de réactions, de feed-back et
même d’incidents critiques. Ces éléments de réticence et de blocage constituent en fait,
des opportunités à partir desquelles le chercheur peut adapter son travail et proposer de
nouvelles pistes de travail. A préciser qu’il n’est nullement dévalorisant que le mode de
réaction peut s’effectuer de manières ludique et heuristique dans une perspective
pédagogique. Le but final étant l’amélioration de la situation par l’apprentissage et la
formation dans une ambiance humaine décontractée. Cette faculté d’adaptabilité et cette
capacité de conversion à n’importe qu’elle moment du déroulement de la recherche est
un credo majeur de la (RA) dans le cadre de la démarche qualitative. Et, ce sont ces
aspects probants qui nous ont poussé à choisir cette démarche de recherche.

7.2 Recherche-Action en didactique des langues


Depuis déjà deux décennies, la didactique des langues a commencé à emprunter la voie
de la (RA) en soumettant à l’analyse le bien fondé de cette démarche, bien entendu sous
l’influence des études anglo-saxonnes. En effet, dans des travaux comme l’ « Action-
Research » (Ellis, 1997) ou (Narcy-Combes, 2005), le chercheur en ingénierie didactique
peut déjà entrevoir les modalités du déroulement de situations d’observation à l’aide de
catégories préétablies et donnant lieu à la participation du chercheur et de ses
collaborateurs. Il y a également des approches ethnographiques qui mobilisent des outils
de supervision à l’instar de l’observation participante 45 (Dausendschön-Gay, 2005 ;

45
Cette technique d’enquête implique l’intégration du chercheur du terrain et l’immersion, pour tenter de saisir le maximum
d’informations. Le risque majeur est le fait de manquer de prise de distance, et par là, la perte de son objectivité. L’observation
participante permet de vivre la réalité des sujets observés et de comprendre les mécanismes difficilement déchiffrables pour l’intervenant
externe.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 183
Montagne-Macaire, 2006). Le principe de base de ces opérations d’investigation prend
appui sur tout ce qui se déroule sur le terrain, sur la nature du contact avec les
informateurs et les opérateurs ainsi que la compréhension de leurs actions.
En adoptant la RA, à la fois comme outil de recherche et en tant que modalité d’action et
d’intervention sur le terrain, l’ingénierie didactique sera confrontée à une panoplie
d’interventions allant de l’évaluation de dispositifs à la refonte de programmes, en
passant naturellement par la résolution de problèmes ponctuels. Ce dernier mode
d’intervention, nous paraît le mieux adapté au travail des équipes au sein des universités
afin d’agir sur les pratiques pédagogiques universitaires locales. Encore une fois, cet
aspect demeure sous-exploité. En définitive, le but final étant l’intention d’introduire un
changement dans le système ou à la limite participer à la modification des pratiques de
classe. De manière synthétique, la RA intervient selon trois principales modalités. Celles-
ci font état d’un glissement de l’objet de la recherche vers l’action (Montagne- Macaire,
2007) :
- des formations destinées aux enseignants de langues, aux équipes
participants à des projets dans les établissements d’enseignement supérieur;
- des programmes de recherche portant sur des innovations pédagogiques et
didactiques ;
- des actions ponctuelles consacrées à des tâches ou à des dispositifs de
cours de langues, à l’instar des cours de renforcement en langue préconisés
par l’Université Hassan 1er et destinés aux étudiants inscrits en première
année de licence.

Nous proposons le schéma suivant pour donner une idée approximative sur les modalités
d’intervention de la (RA) au niveau du système :

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 184
Programmes de
recherche /
formations
innovation
enseignants
pédagogique
participants à
actions des projets
ponctuelles: d'Université
tâches ou
dispositifs de
cours

Figure 10 : Processus de la recherche-action et glissement de la recherche vers l’action

Cette philosophie de la recherche-action correspond à notre orientation de recherche


parce qu’elle est considérée, d’une part, comme une approche pertinente pour aborder
les pratiques effectives et immédiates de l’enseignement-apprentissage en langue. Et
d’autre part, elle s’inscrit dans un contexte social particulier. A noter que dans notre
démarche heuristique, ce contexte doit être perçu dans sa complexité :
« La conception de la recherche-action demande la prise en compte d’un degré plus
élevé de la complexité sociale que la recherche seule ou que l’action seule. » (Liu, 1997 :
137).
De plus, l’ensemble des éléments composant le contexte sont considérés dans leurs
interrelations et interactions. Ce qui nous oriente également à nous ouvrir sur un outil
privilégié du CECRL à savoir la perspective actionnelle.
7.2.1 Perspective actionnelle
La perspective actionnelle est une approche pédagogique et didactique d’analyse des
situations pédagogiques caractérisées par leur complexité. Elle permet d’approcher le
processus d’apprentissage comme un système ou une suite de tâches à accomplir. Il
s’agit de composantes qui entrent en interaction (enseignant, apprenants, ressources
matérielles et humaines, institution). Selon cette perspective, l’apprenant est un membre
actif dans son environnement d'apprentissage car il construit ses connaissances par un

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 185
investissement actif et les co-construit par un engagement social en interagissant avec
les autres membres de son environnement (enseignants, pairs…) ainsi que les outils
utilisés lors de son apprentissage.
Dans une perspective actionnelle, la recherche-action se présente comme un moyen
d’action pour faciliter l’intégration de l’apprenant dans son milieu d’apprentissage. Elle lui
permet de tirer le meilleur parti du contexte d’apprentissage en optimisant les ressources
et en canalisant les efforts. En ce sens, elle peut être considérée comme un
développement pragmatique du fait que sa méthodologie et ses analyses ainsi que ses
réflexions sont axées sur les actions. Dans cette optique, elle favorise la détermination
des tâches à effectuer lors de formations relevant du contexte universitaire actuel,
marqué surtout par l’esprit d’autonomisation de l’étudiant.
D’après François Mangenot (2000), ces variables sont l’institution, les enseignants, les
apprenants, les logiciels disponibles et le dispositif spatial et humain. Il s’avère
nécessaire de tenir compte des variables pour comprendre comment les TICE
s’implantent sur le terrain et quels effets elles produisent sur l’apprentissage, sur les
pratiques enseignantes, sur la motivation des enseignants et des apprenants ainsi que
sur l’autonomie de ces derniers.
Etant donné que notre objectif de recherche est d’étudier la situation linguistique et
didactique l'enseignement de français à l’université Hassan 1er, de participer à
l'introduction de modifications au niveau des pratiques pédagogiques au sein de cette
même université, nous procédons à la collecte de données qui porteront sur le terrain de
l’expérimentation. L’étude de la situation linguistique et le degré de maitrise de la langue
française, langue d’enseignement universitaire, au tout début du parcours des étudiants
de notre échantillon de travail et à l’analyse et l’interprétation des résultats.

7.2.2. Collecte de données préalable à l’expérimentation


Pour analyser la situation de la langue française comme langue d’enseignement et
langue enseignée dans le cycle de la licence de l’enseignement supérieur et pouvoir
répondre à des questions de recherche à propos de l’ingénierie didactique, il est très
important d’étudier les effets de nombreuses variables qui entrent en jeu dans le
processus d’enseignement/apprentissage. Ces variables sont intimement liées au triangle
didactique dont les principales composantes sont les enseignants, les étudiants, les

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 186
contenus, les ressources exploitées et tout ce qui permet d’interagir entre les
intervenants pour déclencher le processus (Cf. figure : ci-joint). Il est aussi judicieux
d’analyser l’environnement de la recherche, sachant bien que dans le cadre de notre
intervention nous avons œuvré dans le sens d’intégration de notre travail de recherche
et l’ingénierie didactique du français langue universitaire comme axe majeur dans la
stratégie du Laboratoire LIDEALL de l’Université Hassan 1er. Naturellement, cela n’a été
possible qu’avec l’appui et le soutien des enseignants-chercheurs.

Figure 11 : Le triangle didactique et le processus d’acquisition du


savoir.

Le recours au questionnaire de départ, destiné aux membres de notre échantillon, vise la


collecte des données axées sur le parcours des étudiants, leur niveau linguistique,
l’utilisation de la langue comme instrument d’accès au savoir scientifique et aux contenus
disciplinaires. Bref, ce sont les connaissances du degré de compétence et de maîtrise de
la langue française ainsi que le potentiel qu’ils auront à acquérir dans le cadre de la
formation de licence qui constituent l’objectif ultime de notre action. Ajoutons à cela,
l’apport indéniable de l’enquête menée via l’entretien semi-directif auprès des
enseignants de langues de la faculté de Droit.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 187
Pour commencer la collecte de données, une prise de contact avec la Direction de
l’université, notamment la personne responsable du service des affaires pédagogiques de
la dite faculté a été nécessaire afin d’avoir le consentement pour la mise en place de
l’expérimentation et la collecte de données. Nous avons dû présenter brièvement l’objet
de notre recherche, le lieu et la période d’intervention ainsi que les différents outils de
collectes utilisés et les publics ciblés. Ainsi, une série de réunions informelles et de
discussions avec les responsables ont été déclenchées au fur et mesure que la recherche
avance. Nous avons expliqué l’objectif de notre intervention, le travail d’enquête à
effectuer et les modalités d’action à introduire. Nous avons remarqué l’intérêt accordé à
notre intervention et l’attitude favorable à notre recherche. Des réactions appuyées
surtout par le débat national sur la question linguistique au Maroc et surtout par le tohu
bohu accompagnant la « Loi-cadre »46 relative aux langues d’enseignement des
disciplines scientifiques aux niveaux primaires et secondaires.
Notre démarche poursuivie a emprunté plus les voies de la convivialité et des échanges
fructueux avec les responsables de l’Université que les démarches et procédures
administratives routinières. Nous avons voulu surtout attribué le caractère officiel à notre
action dans une vision optimale et conviviale. C’est un élément indispensable à toute
intervention de ce genre, notamment quand il s’agit d’intervenir sur le terrain. C’est une
orientation qui permet, d’une part, de faciliter la tâche au chercheur, étant donné que le
public enquêté s’implique, pour ainsi dire, mieux dans les actions envisagées. Et d’autre
part, le cadre légal et non-contraignant de l’activité se trouve assuré.
Par ailleurs, le travail de mobilisation des étudiants à participer de manière objective,
dynamique et efficace a été assuré par nos collègues enseignants de langues. Sur ce
plan, ils étaient efficaces. Non seulement, ils nous ont aidé à présenter les objectifs de
notre recherche, mais ils sont arrivés à inciter leurs étudiants à répondre, avec un
maximum d’objectivité et de précision à notre questionnaire. Ils leurs ont expliqué que
notre intervention s’inscrit dans le cadre de la recherche académique et que l’exploitation

46
Il s’agit du projet de loi n°51.17 notamment l’article 31 portant sur l’enseignement des matières scientifiques
et techniques en langues étrangères, et particulièrement en français.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 188
des données recueillies n’a d’autres fins que la recherche et la publication. Ce qui a
participé à la création d’une ambiance positive autour du travail entrepris.
En ce qui concerne le traitement des données recueillies par le questionnaire destiné aux
étudiants, nous avons utilisé le logiciel d’analyse statistique SPSS, un Ensemble des
programmes statistiques pour les sciences sociales (Statistical Package for the Social
Sciences). Il est, donc, largement diffusé en sciences sociales, notamment dans les
départements de gestion et d’économie. C’est un logiciel performant dans l’analyse de
données statistiques. Il présente les avantages de saisie, de traitement et d’analyse de
données tout à la fois, et ce de manière performante. A signaler que l’analyse peut-être
uni/bi et multi-variée(s), c'est-à-dire l’étude de la distribution d’une ou de plusieurs
variables, l’étude du degré de liaison et/ou de corrélation entre deux ou plusieurs
variables et leur analyse causale. Il permet également le traitement graphique des
résultats. De plus, l’insertion des données dans le logiciel, à nécessité l’attribution, lors
de l’opération du codage, d’un titre à chaque question et un code à chaque réponse.

7.3 Questionnaires de départ

Pour éviter l’influence négative des étudiants, les uns sur les autres, ou une influence
externe sur les enquêtés lors de la formulation des réponses à fournir, nous avons
programmé avec la collaboration des enseignants une séance de travail avec les
étudiants pour leur permettre de répondre à notre questionnaire. Ce choix nous a permis
de fournir, encore une fois, les précisions nécessaires sur l’objectif du questionnaire, de
répondre à toutes les questions des étudiants et de lever toute ambigüité liée à la
compréhension des items/questions.
Il est à préciser que notre questionnaire est composé de vingt (20) questions réparties
en cinq parties (Annexe 1). Celles-ci concernent les informations personnelles sur
l’enquêté avec des éléments d’identifications (civiles et linguistiques), le parcours
scolaire de l’enquêté, c'est-à-dire sa scolarité antérieure et actuelle, les études en
français à l’université et la spécialité (économie, droit), l’environnement de l’enquêté et
son degré d’exposition à la langue française, les interactions en langue française au sein
de l’université et en dehors du contexte universitaire et les perspectives futures de
l’utilisation du français.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 189
Par ailleurs, le choix des questions fermées est une stratégie à mettre les étudiants
devant la réalité de choisir la réponse jugée convenable ou d’effectuer un choix entre des
réponses formulées au préalable en leur laissant parfois la possibilité de proposer
plusieurs réponses. Autrement dit, les items prenant la forme de « questions à choix
multiples » ainsi que les listes de réponses suggérées donnent à l’étudiant la possibilité
de choisir parmi les réponses alternatives celles qui lui paraissent les plus conformes à sa
situation. Ce qui nous a évité les problèmes d’écueils rencontrés dans de pareilles
situations.

7.4 Le questionnaire destiné aux enseignants


Ce second questionnaire a été soumis à l’échantillon (composé de cinq (5) enseignants
de langue et communication de la faculté de Droit) sous forme écrite (annexe n°2). Le
choix de cette modalité d’administration cadre avec la volonté des enseignants qui
cherchaient plus d’autonomie et d’indépendance dans leurs réflexions et surtout plus de
liberté à formuler et reformuler leurs réponses. Attitude tout à fait compréhensible
surtout pour des personnes qui cherchent à être perfectionnistes dans leur travail. Le
document soumis à l’attention des enseignants est composé de questionnaire constitué
d’items répartis en 4 axes majeurs.
En définitive, dans l’élaboration des questionnaires, nous avons utilisé des questions
ouvertes, c'est-à-dire sans suggestion de réponses. La personne interrogée est invitée à
y répondre librement, à livrer ses opinions, ses commentaires, ses suggestions, à donner
des détails et à appuyer ses prises de position. Nous rappelons que la construction d’un
questionnaire et son interprétation nécessitent des savoirs et des savoir-faire accrus
(Demaizière & Dubuisson, 1992 : 347). Nous sommes conscient que le questionnaire et
son analyse ne recouvrent qu’une partie de la réalité dans la mesure où les questions ont
été formulées en fonction des objectifs de la recherche, des actions à mener et du public
ciblé. Il est alors probable que nous ayons, sans le vouloir, orienté les réflexions et les
réponses des enquêtés (Demaizière & Dubuisson, 1992 : 347).
Dans une perspective participative et pour répondre à notre première question de
recherche, il est important de tenir compte de l’environnement éducatif et des pratiques
pédagogiques de l’équipe enseignante pour identifier les difficultés rencontrées et y
proposer les remédiations possibles. C’est pour cette raison que nous avons décidé

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 190
d’administrer en présentiel, le questionnaire destiné spécifiquement aux étudiants. Pour
ce faire, le questionnaire vise à déterminer des éléments liés à l’apprentissage de la
langue française et à son utilisation dans les différentes situations des échanges
universitaires. Le second questionnaire, adressé aux enseignants, est en réalité un
entretien semi-dirigé. Nous lui avons donné la forme « questionnaire », comme nous
l’avons précisé précédemment, à la suite à la demande des enseignants. Ils ont privilégié
la forme écrite pour pouvoir prendre plus de liberté et de distance pour pouvoir réfléchir.
Ce questionnaire qui porte sur leur expérience pédagogique au sein de la faculté de
droit, sur leur mode d’intervention, sur les méthodologies adoptées et sur l’évaluation du
niveau de leurs étudiants, constitue pour nous une étape cruciale dans notre travail de
recherche. Il permet également de déterminer les facteurs de réussite et d’échec du
Module LCT. Pour les enseignants, c’est l’une des rares occasions qu’ils ont à s’exprimer
et exprimer leur point de vue sur leurs pratiques pédagogiques et le bien-fondé de leur
enseignement.
Avant de répondre à nos questions, nous avons entamé des discussions officieuses et
informelles avec les enseignants pour pouvoir instaurer une confiance mutuelle.
Du côté des étudiants, le choix d’administrer un questionnaire au lieu d’un autre outil
d’enquête a pour objectif de toucher un grand nombre d’étudiants et de tenter d’éviter
de tomber dans situations d’échanges informelles sans cohérence par rapport à l’objet de
la recherche avec le risque de ne pas traduire la réalité du terrain. En fait, le public des
étudiants de la faculté de droit est un public un peu particulier. Habitués surtout au
travail à partir de tâches et de consignes bien déterminées et explicitement formulées,
les étudiants des filières économiques et juridiques seront mieux prédisposés à répondre
à un questionnaire écrit.
Avec cet outil, et surtout avec la participation louable des enseignants de la faculté, nous
avons pu garantir le « sérieux » et la « rigueur », nécessaires et requises dans ce genre
d’entreprises. En fait, le questionnaire en ‘‘format papier’’ lié aux enjeux de la
communication écrite en langue étrangère dans une dimension métalinguistique. La
langue française étant à la fois objet d’études (de réflexions) et moyen d’échanges et de
communication, situation rarissime dans un établissement des sciences juridiques et
économiques. Ce qui fait qu’une attention particulière a été accordée au travail de la
recherche menée. De notre côté, nous avons été très attentif à toutes les questions

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 191
posées par les étudiants. Le but étant l’aboutissement à un document qui traduit les
éléments essentiels de leur formation et les différentes préoccupations formulées et
surtout pouvoir couvrir les différentes étapes qui composent leurs parcours linguistiques.
En termes de synthèses, le septième chapitre est décisif quant au déroulement de
l’enquête. Nous avons pu introduire les précisions sur le cadre de la recherche, les outils
utilisés ainsi que le mode d’intervention choisi pour le recueil de données. Les variables
retenues dans l’analyse de la situation linguistique, dans ce cadre universitaire
particulier, traduisent nos soucis de la recherche et articulent notre problématique en
éléments de réponses à vérifier dans le cadre de notre enquête. D’abord, du côté des
étudiants à travers le questionnaire, ensuite, à travers le point de vue des enseignants
par le moyen des entretiens semi-directifs. Ce qui a donné lieu au schéma : identification
du public, parcours linguistique et maîtrise du français, les études universitaires en
français et la spécialité choisie, l’environnement de l’enquêté et son degré d’exposition à
la langue française, les interactions en langue française au sein de l’université et en
dehors du contexte universitaire et, enfin, les perspectives futures de l’utilisation du
français. L’ensemble de ces éléments fera l’objet de notre analyse quantitative dans le
chapitre suivant.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 192
Chapitre 8

L’analyse quantitative des données recueillies


La présentation des résultats de notre travail d’investigation du terrain se borne, dans le
cadre de ce chapitre, à traiter l’identification et le parcours des étudiants enquêtés. Nous
mettrons le point sur leur scolarité antérieure et leur confrontation à la langue de
spécialité au niveau de l’université Hassan 1 er, avant de chercher à préciser le rapport à
la langue de spécialité dans les cadres des cours et autres activités universitaires.
A préciser qu’au fur et à mesure de la présentation des résultats obtenus à partir du
questionnaire administré aux étudiants, nous analyserons les données recueillies sous
l’effet de notre expérimentation sur les niveaux micro/macro-structurels. Nous les
discutons en prenant en compte les éléments constitutifs du dispositif. Cela nous aidera
à donner les réponses à notre questionnement du départ et à comprendre les difficultés
du terrain afin de pouvoir proposer les améliorations possibles.

8.1 L’enquête : difficultés du terrain et stratégies déployées


L’enquête menée au sein de la faculté de Droit de Settat a porté sur un public de quatre
cent soixante (460) étudiants de la première année des filières économiques et
juridiques et de la section du Droit français, c'est-à-dire des étudiants qui poursuivent
leurs études universitaires en langue française (un total de 2600 étudiants). Nous avons
reçu 346 exemplaires du questionnaire distribué, dont seulement 308 totalement
exploités. Les exemplaires non utilisés présentaient des défaillances, soit leurs auteurs
n’ont pas donné des réponses complètes, soit ils n’ont pas pris la question au sérieux, en
ne remplissant pas toutes les cases (en cochant le oui et le non en même temps et en
choisissant toutes les propositions de réponses, là où ils avaient à choisir). Enfin,
certains étudiants, mais ils sont rares d’ailleurs, ont préféré se retirer et ne pas remettre
leurs réponses, situations courantes dans ce genre d’activités, puisque rien ne les oblige
à participer sauf leur sens de volontarisme et de dévouement.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 193
8.1.1 Les raisons pour expliquer les difficultés rencontrées et les aléas
accompagnant le déroulement du questionnaire

Comme nous l’avons expliqué, l’implication des enseignants du module (LCT) de la


faculté de Droit a été capitale et décisive pour la réalisation de cette enquête. Ils ont
participé au déroulement de l’enquête et ont procédé au travail de motivation des
étudiants. Généralement, les jeunes chez-nous sont peu motivés à collaborer dans ce
genre de situations, avec des préjugés négatifs sur tout ce qui emprunte la voie officielle.
L’intrusion dans leur cadre « privé » collectif est mal reçue. Notre intervention
s’apparente, dans leurs perceptions et représentation collective à une « visite officielle ».
Situation devant laquelle, ils ne manquent pas de manifester leur réticence par méfiance.
Le choix de l’option d’un questionnaire anonyme s’inscrit justement dans la vision de
dissiper la méfiance et l’inquiétude des participants. Cela est susceptible de garantir la
sincérité et l’exactitude des réponses.

8.1.2 La motivation des participants

Face aux réticences des étudiants et leurs préjugés négatifs sur les actions menées dans
un cadre officiel, nous avons présumé que l’implication directe et immédiate des
étudiants n’est pas une tâche facile. Ainsi, nous avons expliqué que notre étude
constitue une opportunité non seulement pour faire l’état des lieux, de la situation de la
langue française dans les milieux universitaires, mais qu’elle offre l’occasion de réfléchir
sur la problématique de l’enseignement de/par cette langue, les éléments d’obstacles
rencontrés par les étudiants et la nature de ces obstacles linguistiques. En ce sens, les
conclusions auxquelles nous espérons aboutir, donneront lieux à des éléments de
réponses à cette problématique et déclencheront une réflexion régulière sur la question
dans le contexte de l’Université Hassan 1er.
De plus, il est rare de vivre une telle expérience dans le dit établissement qui, à notre
connaissance, ne connait guère ce genre de travaux, et que tout ce qui est en rapport
avec la didactique des langues demeure le parent pauvre de la recherche et des
initiatives enclenchées. C’est dans ce contexte peu familier à la didactique, à la
sociolinguistique et aux sciences du langage en général, que nous avons fait appel à

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 194
l’expérience des enseignants de langue de la faculté de Droit et à leur connaissance du
terrain. Cela nous a évité les écueils relevés et les éventuelles difficultés envisagées.

8.2 Identification des participants et présentation des résultats de


l’enquête
Le tableau ci-dessous, nous donne une idée détaillée sur la répartition des sujets
enquêtés en fonction de l’approche genre (masculin/féminin).

- Genre :

Effectifs Pourcentage Pourcentage valide Pourcentage cumulé

N. Valide 6 2,88 2,88


M 128 41,3 41,3 97
Valide
F 174 55,7 55,7 100,0

Total 308 100,0 100,0

Tableau 3 : Id. – Q.0

De l’examen du tableau, il ressort que seuls six (6) étudiants n’ont pas donné de
précision (masculin/féminin). Le nombre de filles s’élève à 174 avec un pourcentage de
55,7%, alors que les garçons ayant répondu à notre questionnaire sont au nombre de
128, avec un pourcentage de 41,3%. Notre échantillon demeure représentatif des deux
sexes et cette légère différence en faveur des filles s’explique par leur assiduité et leur
présence « quasi-totale dans les cours », nous expliquent les enseignants. Cela,
contrairement à leurs condisciples masculins, qui observent parfois des absences. En
définitive, la répartition (masculin/ Féminin) donne lieu à la représentation graphique ci-
joint :

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 195
Pour ce qui est de la catégorie d’âge de notre échantillon, il apparaît qu’elle représente
globalement la configuration de la pyramide d’âge de la population du Pays. La tranche
d’âge des moins de vingt-ans constitue la base élargie de la dite pyramide. Le
pourcentage cumulé de cette catégorie de notre échantillon s’élève à 87,17% et
constitue, de ce fait, la majorité écrasante des étudiants de la faculté de Droit de Settat.
Il est à préciser que la tranche d’âge 35-40, 40-45 ans et plus de notre échantillon, se
compose généralement de fonctionnaires de l’administration publique, de professionnels
et autres cadres qui sont inscrits le plus souvent dans la filière juridique. Le fait de
poursuivre des études juridiques constitue pour eux, soit une occasion de promotion
professionnelle, soit une volonté d’acquérir une culture juridique nécessaire à leur cadre
de travail. Le public des étudiants de notre échantillon expérimental peut être présenté
sous forme du diagramme circulaire qui suit :

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 196
8.2.1 Catégorie d’âge et nationalité

Les étudiants de la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Settat


sont les jeunes bacheliers qui proviennent de la Région du centre du Maroc, en
l’occurrence « Casa-Settat ». Cependant, d’autres étudiants des provinces de Khouribga
et Lafqih ben Saleh sont également inscrits dans cet établissement à accès ouvert, en
raison de l’ancienne répartition régionale, regroupant autrefois les provinces de Settat,
Khouribga et Ben-Sliman ou pour des raisons d’aménagement territorial.
Avec l’ouverture à l’international et la volonté d’établir des partenariats avec les pays de
la zone M.E.N.A (Moyen Orient et Nord-Afrique) et les pays du continent africain,
partenariats qui sont engagés comme vecteurs de développement et de valeur ajoutée
dans le cadre des politiques du pays, l’Université Hassan 1 er se trouve au centre
d’attraction de jeunes, ambitionnant poursuivre leurs études supérieures dans le giron de
cet établissement universitaire. Généralement, ces étudiants étrangers viennent de pays
sub-sahariens, le Sénégal, la Côte-d’Ivoire, le Mali, le Niger, la Guinée, le Congo … . Ces
pays constituent les sources d’affluence classiques, étant donné les relations historiques
qui les lient au Maroc. Aujourd’hui, nous pouvons également rencontrer à Settat d’autres
étudiants originaires de la Guinée équatoriale, de l’Angola, etc. Les ressortissants de ces
pays sont lusophones. Ils rencontrent des difficultés linguistiques à poursuivre leurs
études supérieures, malgré les cours de mise à niveau linguistique en français
programmés et poursuivis à Rabat, au début de chaque rentrée universitaire.
- Nationalité

Effectifs Pourcentage Pourcentage valide Pourcentage cumulé

N. Valide 5 1,29 1,29 1,29


Marocaine 258 83,97 83,97 98,71
Valide
Autre 45 14,74 14,74 100,0

Total 308 100,0 100,0

Tableau 4. Id. – Q.0


Le tableau (id. Q.0 T.2) brosse une idée complète sur la nationalité des enquêtés. En
effet, la majorité de la population de notre échantillon expérimental est de nationalité

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 197
marocaine, avec deux cent cinquante huit (258), soit 83,97%, participants à notre
enquête. Le nombre des autres nationalités qui composent cet échantillon s’élève à
quarante cinq (45), soit 14,74% enquêtés. Nous n’avons pas demandé de précisions des
autres étudiants qui ont participé à notre enquête sur leur identité et leur pays d’origine
parce que, dans les phases de dépouillement et traitement de données, la variable
appartenance ou nationalité n’a été retenue que pour donner une idée sur la présence
des étudiants étrangers à Settat, ville qui n’a pas été confrontée auparavant à cette
présence. Du reste, tous les participants présentent le même profil, la même nature des
difficultés linguistiques. D’ailleurs, toute notre attention sera focalisée sur le parcours
linguistique, la spécialité et la langue française, l’environnement linguistique des
étudiants, les interactions en langues et les perspectives. Commençons notre analyse par
le parcours linguistique.

8.2.2 L’identification et le parcours linguistiques

Sous cet intitulé, nous avons regroupé des éléments se rapportant au parcours
linguistique de l’étudiant de l’Université Hassan 1 er, en focalisant l’attention sur son
apprentissage de la langue française pour dégager une sorte d’identification linguistique
du sujet enquêté. Ce dernier doit non seulement répondre à notre questionnaire, mais
surtout pouvoir apprécier et porter un jugement sur son profil et sa formation. Nous
avons soutenu dans la partie théorique de notre thèse que les nouvelles orientations en
matière de pédagogie et de didactique des langues réservent une place prégnante pour
l’apprenant. En effet, le principe d’autonomisation de l’étudiant dans le processus
d’apprentissage présuppose une connaissance préalable de ses points forts et de ses
lacunes, sorte d’auto-évaluation du côté de l’étudiant. Il doit également être en mesure
d’adopter une attitude objective et rationnelle à l’égard de ses besoins disciplinaires et
linguistiques, pour pouvoir évoluer dans le système. Cela n’est possible que via la
technique et les modes d’apprentissage qui alimentent la vocation d’apprendre à
apprendre, de s’entreprendre à apprendre ou encore l’apprentissage par la pratique
(learning by doing). Aussi le dispositif d’enseignement du français, celui des langues de
manière générale, n’aura-t-il de fonctionnement efficient et optimal qu’avec la prise en
compte et en main effective de l’étudiant, au moins partiellement, de son propre
apprentissage au sein de l’institution.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 198
Les questions regroupées sous cette partie visent essentiellement l’étude et la réflexion
sur le parcours de l’étudiant. L’identification signalée n’a d’autres objectifs que la
connaissance du niveau linguistique de l’enquêté. Cela facilitera le choix des programmes
à proposer et stimulera l’étudiant à s’engager plus dans sa formation. De plus, la
connaissance objective du niveau de l’étudiant par des outils didactiques à l’instar du test
de positionnement favorisera l’émergence des compétences linguistiques et
communicatives du fait que chaque étudiant sera affecté, dans le groupe avec lequel, il
présente le plus d’affinités en matière de niveau et de besoin linguistiques. Ce qui n’est
pas le cas dans la répartition actuelle où nous nous sommes arrêté sur le cas d’étudiants
de niveaux hétérogènes dans des groupes, allant de deux cents à trois cents, voire
quatre cents étudiants et même plus. Ils poursuivent tous, le même cours de français en
amphi.
Le tableau ci-dessous présente une idée sur ce que les sujets enquêtés eux-mêmes
pensent de leur niveau linguistique en français :

- Niveau linguistique

Effectifs Pourcentage Pourcentage valide Pourcentage cumulé

N. Valide 4 1,24 1,24 1,24


Très bien 9 2,6 2,6 2,66
Bien 104 33,65 33,65 96,3
Valide
Moyen 178 57,36 57,36 100,0
Médiocre 13 4,2 4,2 100,0

Total 308 100,0 100,0

Tableau 5. Id. – Q.1

De l’examen du tableau (Id. Q1 – T2), il apparaît que la plupart des étudiants sont d’un
niveau moyen en français. Il est tout à fait remarquable que 58%, soit cent soixante dix-
huit (178) étudiants de notre échantillon expérimental estiment que leur niveau
linguistique est « moyen » et que 34,1%, soit cent cinq (105) voient qu’ils sont d’un
niveau « bien ». Nous tenons à souligner l’importance des représentations et des
jugements des étudiants qu’ils se font sur leurs compétences linguistiques. Cela

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 199
témoigne d’une prise de conscience relativement objective, étant donné que ces
considérations sont approuvées par la réalité, les résultats des examens en l’occurrence
(Voir annexe n°3 a et b).
Par ailleurs, ce qui attire le plus l’attention du lecteur de ce tableau, c’est la quasi
similitude des résultats des deux colonnes réservées aux degrés de maîtrise (Très bien et
médiocre). Pour les deux extrêmes, nous remarquons un faible pourcentage d’étudiants
qui voient que leur niveau est excellent « très bien », seulement 2,6%, soit huit (8)
étudiants contre 4,2%, c'est-à-dire treize (13) étudiants qui estiment être d’un niveau
« médiocre ». Remarquons aussi que seulement trois (3) étudiants n’ont pas pu se
prononcer sur leur niveau linguistique. Ce qui demeure quand même minime par rapport
à la quasi-totalité des étudiants ayant eu le courage et surtout la prise de conscience de
répondre à cette question, ingrédients nécessaires à prendre en considération dans
l’élaboration de programmes et de contenus pédagogiques.
L’ensemble de ces considérations et représentations sur « son propre » niveau
linguistique peut être présenté selon le diagramme circulaire suivant :

La détermination du niveau linguistique passe par la connaissance de soi, nous avons pu


démontrer que l’implication de l’étudiant dans le processus d’évaluation de sa propre
compétence constitue un enjeu pédagogique primordial. Cette connaissance de soi
permet également de définir les besoins spécifiques du public des étudiants afin de

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 200
ramener les améliorations nécessaires. C’est dans ce sens que nous avons proposé aux
sujets enquêtés les deux questions se rapportant au test de niveau et à la certification en
matière du niveau et de degré de maîtrise de la langue française.

8.2.3 Test de niveau et certification en langue

Sous la bannière « Test de niveau et Certification en langue », nous abordons une réalité
qui n’est plus un secret pour personne aujourd’hui. La certification en langues s’impose,
le phénomène de mobilité des personnes et le développement des entreprises mondiales,
outre l’élargissement de leur champ d’intervention qui touche plusieurs pays à la fois,
ont propulsé la tendance et la ruée envers les langues, ou plus précisément vers les
certifications en langues. La volonté de garnir son CV et de le présenter de la meilleure
façon qui existe, ont fait de la maitrise des langues un enjeu majeur, parfois décisif dans
la sélection des candidats. C’est le cas des certifications de type (DELF/DALF/TCF …) qui
se sont propagées de manière substantiellement notable ces deux dernières décennies.
8.2.3.1 Le test d’évaluation du niveau linguistique en français

Sur le plan institutionnel, le Programme d’Urgence (PU) a introduit dans le cadre du


Dispositif Intégré de l’Enseignement des Langues, le Test de positionnement. C’est un
test diagnostic du niveau linguistique des étudiants, relevant souvent de populations de
niveaux hétérogènes. Hétérogénéité nécessitant le besoin de mise à niveau chez
certains, le renforcement et le perfectionnement chez d’autres.
Parmi les résultats attendus de ce test, nous pouvons citer entre autres :
- La constitution d’une base de données complète et utile pour « définir le
profil des étudiants entrant en Semestre 1 »,47
- Le repérage et l’identification des étudiants en difficulté afin de pouvoir leur
proposer un suivi individualisé,
- La répartition des étudiants en groupes et la mise en place des
enseignements par niveau. »

47
Voir en annexe XX le document officiel mis à la disposition des responsables des universités et des
coordonnateurs des programmes de mise en place du dispositif intégré d’enseignement des langues, dont le Test de
positionnement, Rabat, le Mercredi 06 Mai 2009.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 201
L’ensemble du processus de déroulement du Test de positionnement s’inscrit dans
le cadre global de l’inscription de l’étudiant. Outre les informations administratives,
les résultats du test sont enregistrés sur la base de données ainsi que sur la carte
d’étudiant. Nous pouvons schématiser les opérations de passation du test et la
répartition des étudiants de la manière suivante :

Pour chaque filière


Apogée
TPL 1
Gr 1
Résultats Consultation Apogée Gr 2
du test en Gr 3
ligne Gr 4

Affectation automatique
des étudiants par niveau
5
4

3
2
Résultats
du test en
présentiel

Figure 12 : Test de positionnement et opérations d’inscription.

Il est à signaler que l’intégration de l’évaluation du niveau linguistique à l’occasion de


chaque réinscription annuelle assure le suivi de l’évolution du niveau de l’étudiant tout au
long de son cursus universitaire.
C’est dans cette stratégie pédagogique préconisée au niveau du ministère de tutelle que
la plupart des universités marocaines ont inscrit leurs actions à faire passer le test aux
étudiants primo-arrivants. Cependant, le déroulement de ce test et les modalités de sa
passation se sont-ils effectués selon cette vision ? De plus, quelle perspective et quelle
place a-t-il pris dans le champ universitaire ? Ces considérations ont été derrière notre
question aux étudiants : Est-ce que vous avez passé un test de niveau (Test de
positionnement par exemple) ?

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 202
Les résultats de la réponse à cette question ont été le moins qu’on puisse dire
surprenants. En effet, le tableau (Id. – Q.2 T.4) est à cet égard éloquent.

- Test de niveau

Effectifs Pourcentage Pourcentage Pourcentage cumulé


valide
N. valide 3 1,0 1,0 1,0
Oui 103 33,4 33,4 34,4
Non 202 65,6 65,6 100,0

Total 308 100,0 100,0

Tableau 6. Id. – Q.2

Comme nous pouvons bien le lire dans ce tableau, malgré les efforts déployés au niveau
de l’université, seul le tiers des étudiants a pu passer le test de positionnement. Ce qui
pose la question sur la situation des deux tiers restants, sur leur désintérêt à participer à
cette opération, c'est-à-dire passer le Test de positionnement et contribuer aux activités
universitaires en dehors des cours. Cela est-il dû au manque d’information ou au
caractère non obligatoire du test ? En tout cas, il n’est pas normal de ne pas assurer le
suivi de l’opération et essayer même d’aller chercher les raisons qui expliquent cette
problématique.
Pour ce qui est des résultats de notre recherche, notamment suite à leur examen, nous
pouvons déduire les conclusions suivantes :
1. La non généralisation du test à tous les inscrits de l’Université Hassan 1 er en première
année. Deux cent deux (202), soit 65,6%, des participants à l’enquête déclarent ne pas
avoir passé le Test de positionnement. Ce qui suscite une série de questions sur la
véritable situation du niveau linguistique des étudiants.
2. Quoique le test demeure un outil qui ne traduit pas automatiquement le réel niveau de
l’apprenant, il constitue quand même, un outil de mesure du niveau et peut être
considéré comme un premier pas de connaissance du profil d’apprenants et de
répartition des groupes d’étudiants.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 203
3. Une proportion de l’échantillon expérimental, cent trois (103), soit 33,4%, participants
ont passé le test de niveau. Un travail important de suivi et d’encadrement est à
entreprendre pour accompagner les étudiants ayant passé le Test pour poursuivre leurs
éventuelles évolutions. Ce qui donnerait le caractère sérieux du suivi pédagogique assuré
et encouragerait les autres, ceux adoptant une attitude réticente à intégrer le système et
à participer positivement dans les programmes linguistiques élaborés.
Pour donner une idée schématique sur la situation du Test de positionnement, les
enquêtés ayant ou non passé ce test au niveau de la faculté de Droit, nous proposons le
graphique circulaire qui suit :

8.2.3.2 Certification en langue française

Pourcentage valide Pourcentage cumulé


Effectifs Pourcentage

3 1,6 1,6 1,6

Oui 30 9,7 9,7 98,4


Valide
Non 277 88,7 88,7 100,0

Total 308 100,0 100,0

Tableau 7. Id. – Q.3

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 204
Pour ce qui est de la question de certification, question péremptoire dans la
détermination du profil de l’étudiant, notamment les informations et les précisions qu’elle
introduit en matière de compétence linguistiques et communicatives explicites, ainsi que
d’autres compétences transversales et implicites. Ces dernières sont surtout liées aux
qualités de développement personnel et humain. Cependant, il parait que les étudiants
de la faculté de Droit sont encore loin des attentes en matière de cette orientation.
L’examen du tableau ci-joint confirme cette réalité moins réjouissante, puisque
seulement trente (30) étudiants, soit 9,7%, de notre échantillon expérimental ont
répondu avoir passé effectivement une certification en langue française, soit un
pourcentage de 9,7% ; alors que la majorité écrasante, c'est-à-dire deux cent soixante-
dix-sept (277) étudiants, soit 89,9%, avouent ne pas avoir effectué ou avoir pensé
effectuer de certification comme en témoigne le diagramme circulaire ci-dessous :

Nous savons tous le rôle important d’un bon niveau et la valorisation du profil du jeune
diplômé traduite par un score ou une classification élevée. Ces qualités requises mettent
toutes les chances du côté de l’étudiant sur le marché du travail. Le monde professionnel
exige ces certifications et l’on ne se contente plus de mettre sur son CV les mentions
« très bon niveau », ou « très bonne maîtrise » du français ou encore français « parlé,
lu, écrit » et prétendre séduire le recruteur. Ces déclarations généralisées sur les CV ne
signifient plus rien dire et relève d’une époque révolue. Il ne suffit pas de faire valoir ses
compétences, encore transversales soit-elles, il faudrait étayer ces soi-disant
compétences, par des certifications reconnues à l’échelle internationales.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 205
Tout le travail est à entreprendre afin de généraliser et le Test de positionnement et
les formules de certifications. Ainsi, nous ne cesserons de soutenir qu’il est grand temps
d’élaborer un certificat pour les Compétences Linguistiques en Enseignement
Supérieur (CLES) dont les retombées pédagogiques positives sur l’étudiant sont
indéniables. Ce certificat validé et agréé par l’autorité de tutelle est de nature à orienter
l’étudiant dans son parcours universitaire. Il y va des attentes et des résultats aspirés de
cet exercice, mais il y va surtout de la conscientisation de l’étudiant, de sa
responsabilisation à prendre en main un volet important de sa formation. Il y va surtout
de son autonomisation dans le cadre d’une approche réflexive.

8.2.4 Le parcours de l’étudiant, sa scolarité antérieure

Avant de proposer un modèle de formation linguistique universitaire ou, si l’on veut


utiliser les termes de l’ingénierie didactique, un dispositif d’enseignement des Langues, il
est important de connaître et d’analyser le parcours d’enseignement/apprentissage des
étudiants, c'est-à-dire leur passage dans les différents cycles d’enseignement et
d’éducation. Afin de saisir les moments forts du parcours linguistique de l’étudiant de la
faculté de Droit de Settat, nous avons demandé aux étudiants participant à notre
enquête de répondre à trois questions dans la partie (I) de notre questionnaire d’enquête
et que nous analyserons de manière profonde dans ce qui suit.

8.2.4.1 La scolarité antérieure et les pré-requis

A votre avis, les cours de français que vous avez poursuivis antérieurement (lycée, collège), vous ont-ils mieux
préparé à poursuivre vos études supérieures en français ?

- Scolarité antérieure

Effectifs Pourcentage Pourcentage valide Pourcentage cumulé

N. Valide 5 2,6 2,6 2,6


Oui 138 44,87 44,87 98,4
Valide
Non 165 53,53 53,53 100,0

Total 308 100,0 100,0

Tableau 8. P. Lin Q.4

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 206
Le rôle de la scolarité antérieure est décisif dans les succès au niveau de l’enseignement
universitaire. Nul doute que l’étudiant ayant effectué des études réussies aux niveaux du
primaire et du secondaire a toutes les chances de réussir de son côté, au contraire celui
qui arrive à l’université et présente des lacunes de différents ordres, notamment en
matière de compétences linguistiques, il aura beaucoup de difficulté à intégrer le
système et évoluer dans ses études de manière aisée. Les étudiants sont conscients de
cette réalité et le nombre de ceux qui sont sceptiques à l’égard de la scolarité antérieure,
c'est-à-dire ceux qui pensent que leurs études primaires et secondaires ne les ont pas
suffisamment préparé au cycle supérieur, s’élève à cent soixante cinq (165), soit
53,53%, enquêtés.

Par contre, et comme le laisse voir les résultats statistiques, les étudiants qui voient que
leur scolarité antérieure les a, quand même, préparés au parcours universitaire sont au
nombre de cent trente huit (138), soit 44,87% de notre échantillon expérimental.

8.2.4.2 Point de vue sur le programme poursuivi actuellement et degré de maîtrise


du français de spécialité

- Maîtrise du français

Effectifs Pourcentage Pourcentage valide Pourcentage cumulé

N. valide 2 0,6 0,6 0,6


Oui 205 66,6 66,6 67,2
Valide
Non 101 32,8 32,8 100,0

Total 308 100,0 100,0

Tableau 9. PL – Q.5

La lecture des résultats de l’enquête, notamment les réponses fournies par les étudiants,
nous révèle que ces derniers sont largement convaincus que les cours poursuivis à
l’université favorisent la maîtrise du français. Deux cent cinq (205) étudiants partagent
ce point de vue, soit 66,6%, pratiquement les deux tiers. Alors que cent et un (101)
étudiants, soit 32,4% pensent le contraire. Il faudrait savoir que les étudiants qui ne
partagent pas ce point de vue, ne cachant pas de facto leur insécurité linguistique, sont
conscients des difficultés qu’ils éprouvent. Ce qui explique les problèmes qu’ils ont à
répondre à des questions nécessitant la composition dans les examens ou les travaux de

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 207
recherches sous forme de rapports ou de comptes rendus proposés par leurs
enseignants.

Par ailleurs, dans le contexte universitaire l’étudiant est exposé à la langue française
dans son usage spécialisé, et ce au plus haut niveau. Dans cet environnement, la
maîtrise de la langue impacte le parcours universitaire. L’étudiant est conscient de cette
situation et s’investit totalement afin de mettre toutes les chances de réussite de son
côté.

Ce résultat est d’une importance fondamental dans l’explication du phénomène de non


maîtrise de la compétence rédactionnelle chez les étudiants de la faculté de Droit. Il est
certes, à mettre en relation avec le thème majeur des « obstacles linguistiques », thème
que nous développerons dans notre analyse thématique qualitative ; cependant, les
explications données dans le cadre de ce thème, relèvent du point de vue des
enseignants. Ce qui nous intéresse ici, ce sont les opinions des étudiants. Pour être en
mesure de comprendre les enjeux et les facteurs derrière cette problématique, nous
avons demandé aux étudiants ayant répondu par la négative à cette question, plus de
précisions dans la question suivante, c'est-à-dire l’item (n°6) de notre questionnaire.

8.2.4.3 Le français de spécialité et la didactique des disciplines non


linguistiques (DDNL)

- Nature des obstacles ?

Si Non, pourquoi ? (Trois réponses sont possibles)


a) Le groupe d’étudiants est nombreux
b) Les cours à l’amphi ne facilitent pas l’échange
c) Vous suivez des cours mais vous n’avez pas la possibilité de faire des
exercices pratiques
d) Les thèmes choisis ne répondent pas à votre aspiration
e) Les méthodes adoptées ne vous motivent pas
f) L’ambiance générale ne favorise pas l’utilisation de la langue française

Extrait : E1 – Q.6

Dans le cadre de cette question en rapport étroit avec la précédente, nous avons essayé
de contourner les obstacles qui limitent la performance des étudiants. Ces obstacles sont
de différents ordres, pédagogiques, logistiques, méthodologiques et disciplinaires, etc.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 208
Nous avons demandé aux enquêtés de choisir jusqu’à trois réponses dans la série
proposées. Ce qui leur offre plus de liberté d’introduire les éléments qui leur paraissent à
l’origine des difficultés relevées, mais selon un ordre d’importance et de priorité.

- Les éléments d’obstacles

Effectifs Pourcentage Pourcentage Pourcentage


validé cumulé
N valide 5 1 ,3 1,3 1,3

- Groupe d’étudiants 11,86


37 11,86
Valide - Cours en amphi 14,42 62,5
44 14,42
- Cours pratiques 12,82
39 12,82
- Thèmes choisis 5,13
16 5,13
- Méthodes adoptées 9,94
31 9,94 100
- Ambiance générale 8,33
26 8,33

Tableau 10. P. Lin. Q.6

De la lecture du tableau ci-dessus, il ressort que les difficultés signalées résident dans le
contexte universitaire et les conditions de travail. En effet, les problèmes liés à la
massification des groupes des étudiants, réalité pédagogique de plus en plus épineuse,
ne favorisent nullement le développement de compétences requises, ni l’atteinte des
objectifs assignés aux cours. En plus des problèmes liés à l’arrivée massive des
étudiants, nous pouvons ajouter le déroulement des cours de langue en amphi, l’absence
d’activités interactives et pratiques ainsi que les méthodes d’enseignement adoptées.
Tous ces aspects concernant la dimension pédagogique ont attiré l’attention des
enquêtés et représentent successivement 11,86% (groupe d’étudiants), 14,42% (cours
en amphi), 12,82% (cours pratiques) et 9,94% (méthodes adoptées).

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 209
8.3 Supports spécialisés et nature des difficultés linguistiques

Dans cette partie de notre enquête, nous avons tenté d’approcher deux phénomènes
didactiques distincts mais dont le point commun est la langue française. Dans le cadre
des questions posées, nous avons adoptées la technique de l’entonnoir afin de pouvoir
cerner la problématique, mais surtout afin de canaliser les réponses et mettre le doigt
sur les éléments linguistiques qui constituent les obstacles majeurs à l’assimilation par
les étudiants des contenus disciplinaires et à la maîtrise de la langue de spécialité.

8.3.1 Spécialité et cours poursuivis

La première question dans cette partie (Q. n°7 dans le questionnaire) est la suivante :
Vous arrivez à suivre vos cours d’économie et gestion de manière…

- La langue de spécialité

Effectifs Pourcentage Pourcentage valide Pourcentage cumulé


N. valide 4 1,3 1,3 1,3
Très bonne 12 3,9 3,9 5,2
Bonne 105 34,1 34,1 39,3

Valide Assez bonne 134 43,5 43,5 82,8


Moins bonne 46 14,9 14,9 97,7
Pas du tout bonne 7 2,3 2,3 100,0

Total 308 100,0 100,0

Tableau 11. LSp. – Q.7

Dans la conception de cette question, nous avons adopté la célèbre stratégie de Likert
dans ses études psychométriques. En effet, nous avons construit l’échelle des réponses
sur une graduation de 5 points, allant de très bonne à pas du tout bonne. La lecture des
résultats de ce tableau relève deux observations. D’abord, la majeure partie des
réponses se concentrent entre les trois premiers points, à savoir très bonne, bonne et
assez bonne. En effet, douze (12) ont répondu favorablement au premier point, cent cinq
(105) au deuxième et cent trente quatre (134) au troisième. Ce qui donne
successivement un pourcentage de 3,8%, 33,6% et 42,9%. Sur le plan psychologique,
les participants à notre enquête manifestent une sorte d’assurance, de quiétude et de

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 210
sérénité « pédagogiques » dans le processus de suivi des cours. Eléments indispensables
aux pactes pédagogiques et au dispositif d’enseignement des langues à mettre en place.
Ensuite, les enquêtés présentant des lacunes linguistiques, c'est-à-dire ceux ayant
répondu moins bonne (46 étudiants) et pas du tout bonne (7 étudiants), soit 14,7% et
2,2% successivement, manifestent une inquiétude psychologique et une insécurité
linguistique ne leur facilitant pas la poursuite des cours et partant l’intégration
universitaire. Nous pouvons synthétiser ces éléments dans le diagramme qui suit :

Ici encore les résultats de la recherche jettent une lumière utile sur un aspect qui,
jusque là, demeure incompréhensible par rapport à la baisse du niveau des étudiants et
surtout leurs attitudes de repli, interprétées parfois comme manque de motivation.

8.3.2 Les supports de cours

La deuxième question de la seconde partie du questionnaire porte sur les ressources


pédagogiques des contenus disciplinaires. Elle a été formulée de la manière suivante :

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 211
Les supports de cours de spécialité sont-ils compréhensibles pour vous ?

Ici encore le principe global de l’échelle de Likert est présent dans la mesure où la
graduation introduite par les réponses multiples proposées vise essentiellement la
situation du degré d’accord ou du désaccord de l’enquêté. Sans entrer dans les détails et
les spécificités techniques et méthodologiques relatives à l’exploitation des résultats et le
traitement quantitatifs des données ainsi que leur degré d’adéquation avec les principes
fondateurs de cette méthode de classements additionnés, nous pouvons avancer que les
résultats retenus sont, à cet égard, significatifs, cela est nettement perceptible dans le
tableau ci-contre :

- Les supports de cours

Effectifs Pourcentage Pourcentage Pourcentage cumulé


valide

4 1,3 1,3 1,3


Totalement et sans difficultés 33 10,7 10,7 98,7
Globalement et avec quelques
163 52,9 52,9 100,0
difficultés linguistiques

Valide Moyennement et avec


beaucoup de difficultés 91 29,5 29,5
linguistiques

Pas du tout compréhensible 17 5,5 5,5

Total 308 100,0 100,0

Tableau 12. LSp. – Q.8

Des réponses retenues, nous constatons que globalement les étudiants arrivent à
poursuivre et à ‘‘comprendre’’ les cours de spécialité choisie, c’est-à-dire les cours
d’économie/gestion ou les cours de droit-français. Malgré les difficultés rencontrées,
force est de constater que trente-trois (33) étudiants de notre échantillon expérimental,
soit 10,5%, ont répondu qu’ils arrivent à comprendre « totalement et sans difficultés »
les cours de spécialité et que plus de 52,2%, soit cent soixante trois (163) étudiants
poursuivent « globalement » leur cours avec quelques difficultés linguistiques. La
fréquence de compréhension des contenus disciplinaires dans les deux situations
évoquées couvre à peu près les deux tiers de la population enquêtée, alors que le tiers

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 212
restant est situé entre la catégorie qui poursuit les cours de façon moyenne avec un
pourcentage de 29,1%, soit quatre vingt onze (91) étudiants et celle qui n’arrive pas du
tout à poursuivre ses cours. Cette dernière catégorie compte dix-sept (17) étudiants, soit
5,4% de l’échantillon. Ceci nous incite à introduire, en signe de synthèse, le diagramme
circulaire qui suit :

Cela dit, la question de poursuite de cours et, pour notre recherche, celle de la fréquence
de compréhension de contenus disciplinaires pose, toujours dans la perspective de la
technique de l’entonnoir, la problématique de la nature de la difficulté linguistique.
Autrement dit, les difficultés rencontrées sont-elles de nature lexicale et terminologique ?
Grammaticale et syntaxique ? Situationnelle et pragmatique ? Ou sont-elles finalement
liées à la nature du code écrit et/ou oral ? La réponse à ces questions nous induit à
introduire la troisième et dernière question de la seconde partie de notre questionnaire.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 213
8.3.3 Nature des difficultés linguistiques

Q. n°9

En cas des difficultés de langue rencontrées, celles-ci pour vous, sont liées :

a) Au lexique utilisé
b) A la langue écrite
c) A la langue orale
d) A la compréhension globale du document étudié
e) A la non maîtrise de la grammaire

Extrait E2 : Q.9
- Les difficultés de langue

Effectifs Pourcentage Pourcentage valide Pourcentage cumulé

N Valide 15 4,9 4,9 4,9


Lexique utilisé 116 37,7 37,7 42,5
La langue écrite 34 11,0 11,0 53,6
La langue orale 81 26,3 26,3 79,9
Valide
La compréhension globale du
47 15,3 15,3 95,1
document étudié

La non maîtrise de la grammaire 15 4,9 4,9 100,0

Total 308 100,0 100,0

Tableau 13 LSp. Q. 9

Ce tableau résume parfaitement la nature des difficultés telles qu’elles sont perçues par
les enquêtés. Il faudrait dire que ces résultats ne nous ont pas surpris, mais il est quand
même significatif que ce sont les composantes lexicale et orale qui se taillent la part du
lion quant aux difficultés et obstacles rencontrés par les étudiants. En effet, cent seize
(116) enquêtés, soit 37,1% ont situé le problème linguistique au niveau du lexique et
quatre-vingt-un (81), c'est-à-dire 26% au niveau de la langue orale. Le reste de notre
échantillon expérimental, c'est-à-dire quarante sept (47) enquêtés, soit 15,%, trouve
que la difficulté provient de la non compréhension globale du document étudié et que

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 214
trente quatre (34) enquêtés, soit 11%, situent la difficulté linguistique par rapport à la
langue écrite. Alors qu’enfin, quinze (15) enquêtés seulement, soit 4,8%, jugent que la
grammaire joue un rôle important dans la maîtrise du français à l’université. L’ensemble
de ces considérations linguistiques jugées, présentées et formulées par les étudiants de
la faculté de Droit de Settat, peut être illustré et schématisé par le biais du diagramme
circulaire qui suit :

8.4 L’environnement linguistique et le degré d’exposition au


français

Plusieurs études ont souligné le caractère péremptoire de l’environnement dans le


développement des compétences linguistiques chez les apprenants. Nous avons consacré
une partie de notre questionnaire d’enquête à cette problématique pour répondre à un
double objectif. Connaitre, d’un côté, le milieu universitaire et extra-universitaire dans
lequel évoluent les enquêtés. Et de l’autre, vérifier le degré d’importance accordé à cet
aspect par les enquêtés eux-mêmes. De plus, le numérique occupe également une place
de première ordre dans la vie des jeunes aujourd’hui. A travers, les items de cette partie
de l’enquête, nous allons mesurer le degré de présence et d’influence du numérique dans
la vie des sujets enquêtés. Connaitre l’impact de cet outil sur le parcours universitaire de
l’étudiant sur le plan de l’acquisition du savoir et de la formation est, à nos yeux, une
information précieuse dans l’élaboration de programmes linguistiques dédiés à ce public.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 215
8.4.1 Environnement socioculturel et équipements

La première question posée dans le cadre de cette partie est la suivante :

Q. n°11 :

À la maison, disposez-vous des équipements suivants ?

Oui Non

a) Un ordinateur à votre disposition


b) Des logiciels éducatifs
c) Une connexion Internet
d) Une bibliothèque avec dictionnaires, livres utiles à votre travail,
des romans, des ouvrages de spécialité …

Extrait E3 - Q.11

8.4.2 Etat des lieux et recours aux TICE dans l’enseignement des
langues

8.4.2.1 Ordinateur à votre disposition

Effectifs Pourcentage Pourcentage Pourcentage cumulé


valide
N. Valide 6 1,9 1,9 1,9

Oui 193 62,7 62,7 98,1


Valide
Non 109 35,4 35,4 100

Total 308 100 100

8.4.2.2 La connexion Internet

Effectifs Pourcentage Pourcentage valide Pourcentage cumulé

6 1,9 1,9 1,9

Oui 256 83,1 83,1 85,1


Valide
Non 46 14,9 14,9 100,0

Total 308 100,0 100,0

Tableau 16. EL - Q. 11.3

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 216
8.4.2.3 Une bibliothèque à la maison

Effectifs Pourcentage Pourcentage valide Pourcentage cumulé

7 2,3 2,3 2,3


Oui 165 53,6 53,6 55,8
Valide
Non 136 44,2 44,2 100,0

Total 308 100,0 100,0

Tableau 17 EL – Q. 11.4

A travers les intitulés des tableaux illustratifs présentés ci-dessus (Q.11.1 t. 12, Q.11.2,
t.13 Q.11.3 t.14 et Q.11.4 t.15), nous avons reconduit les éléments de réponses de
l’item (n°11) qui consistent à faire l’état des lieux de l’environnement dans lequel
évoluent les étudiants. Plusieurs établissements universitaires au Maroc affichent
l’ambition de se convertir en espaces intelligents, ou du moins numériques. La première
question qui saute aux yeux est la suivante : ces espaces publics de l’enseignement
supérieur ont-ils développé de manière satisfaisante tous les ingrédients nécessaires à
cette ambition ? Autrement dit, ont-ils les moyens humains et matériels, correctement
formés, appropriés et convenables à ces développements ? Quelles initiatives ont été
prises pour s’assurer, d’abord, que les étudiants ont un accès facile à la technologie ?
Ensuite, y a-t-il un accompagnement et un suivi pour assurer le bon fonctionnement de
l’outil technologique ?

Autant de questions nous hantaient lors de la phase de conception de notre


questionnaire, quant à la question de l’environnement et de l’équipement en technologie
et en informatique. A la lecture de ces tableaux, nous ne pouvons cacher notre surprise,
mais dans le sens positif. En effet, notre échantillon expérimental, composé dans sa
majorité de jeunes, déploie un effort indéniable pour l’équipement en outils d’accès au
numérique et à la technologie. Les chiffres sont éloquents à cet égard. Deux cent
cinquante six (256) enquêtés, soit 83%, déclarent avoir l’accès à Internet. Contre
quarante six (46), avec un pourcentage de 14,9%. Ce qui est quand même important et
nous donne une idée favorable de notre échantillon par rapport à l’outil Internet.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 217
Cependant, la question de savoir : quel usage réserve-t-on à cet outil ? Ne nous
intéresse pas ici, car ne nous voulons pas focaliser sur le registre, positif ou négatif, du
recours à la technologie.

Pour ce qui est de la question d’avoir un « ordinateur à sa disposition », cent quatre-


vingt-treize (193) enquêtés, c'est-à-dire 62,7% disent être équipés en cet outil. Alors
que cent neuf (109) enquêtés, c'est-à-dire 35,4% ne le sont pas.

Quand nous avons insisté sur le rôle prégnant des cours numérisés ou des ressources en
ligne dans le cadre du dispositif à mettre en place, nous avons soulevé la question de la
logistique se rapportant à l’équipement en matériels informatiques, en technologie
nomades, etc. Les résultats de notre recherche par rapport à l’université Hassan 1 er sont
probants et encourageants. En effet, les efforts à effectuer dans ce sens ne nécessitent
pas un investissement grandiose. Il reste maintenant à préciser les degrés de
prédisposition de notre échantillon à l’intégration du numérique et des Nouvelles
Technologies de l’Information de Communication les (TICE) dans le cursus universitaire
en termes d’activités pédagogiques et de ressources numériques.

8.4.3 Scolarité antérieure et recours au numérique

Sur un autre plan et avant de se lancer dans une stratégie intégrative du numérique
dans le contexte universitaire, nous devons vérifier la présence de cet outil dans la vie
scolaire des enquêtés et degré de familiarité et d’acceptation cet outil en tant que
ressource pédagogique. C’est l’objectif principal qui fait office dans l’élaboration de l’item
n° (12) :

12) Dans le cadre de vos études antérieures, avez-vous utilisé des moyens informatiques
(Internet, CD-ROM,...) pour apprendre le français ?
Oui Non

Extrait – E4 Q.12

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 218
- Moyens informatiques

Effectifs Pourcentage Pourcentage valide Pourcentage cumulé

4 1,3 1,3 1,3


Oui 224 72,7 72,7 98,3

Valide Non 79 25,6 25,6


Total 308 100,0 100,0 100,0

Tableau 18. EL – Q. 12

Il parait que le recours aux TICE est une monnaie courante dans le système éducatif.
Nous savons qu’un certain nombre de programmes nationaux ont été portés par
l’intégration des TICE dans les établissements scolaires 48. Ce qui explique en quelque
sorte, les résultats obtenus. A la lecture des tableaux, nous remarquons que deux cents
vingt quatre (224) enquêtés, soit 72% de notre échantillon expérimental, ont répondu
qu’ils avaient déjà, de par leurs études antérieures, eu recours aux TICE. Ceux qui ont
répondu par la négative sont au nombre de soixante-dix-neuf (79), soit 25,6%.

Par ailleurs, il ne s’agit pas seulement d’intégrer le numérique pour dire que « nous
avons du numérique dans nos programmes ». Toute une pédagogie du numérique est à
développer autour de programmes, de ressources en langues et de supports savamment
orchestrés et didactiquement élaborés. Selon une vision didactique qui accorde à
l’apprenant la place centrale qu’il mérite. Selon cette perspective, nous avons conçu
l’item n°(13) qui clôt cette partie de notre questionnaire.

48
Parmi ces programmes nous citons à titres indicatifs le projet N@fida, Mathématice et le programme Génie
(GÉNéralisation des Technologies d’Information et de Communication dans l’Enseignement au Maroc 2008/2009)
dans le cadre du Programme d’Urgence, etc. Le programme GENIE visait à former 230.000 personnes (enseignants,
inspecteurs, techniciens, chefs d’établissements…).

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 219
Êtes-vous favorables à des cours de langue en ligne élaborés par votre université ?

Oui Non

Extrait 5 – Q.13

8.4.4 Cours de langue en ligne

- langue en ligne :

Effectifs Pourcentage Pourcentage validé Pourcentage cumulé

7 2,21 2,21 2,21


Oui 201 64,74 64,74 96,79
Valide
Non 100 32,05 32,05 100,0

Total 308 100,0 100,0

Tableau 19. EL – Q. 13

Ce tableau brosse une idée complète sur l’attitude et les prédispositions des étudiants en
matière d’intégration des cours numériques ou des ressources numérisés. Globalement,
l’idée est bien reçue, étant donné l’importance et la consistance qu’occupe le numérique
dans l’espace universitaire. Plusieurs actions sur les plans pédagogique et administratif
sont réalisées, aujourd’hui, grâce à la technologie informatique (inscriptions
universitaires, tests de niveaux, calendriers des cours et des examens …) pourquoi ne
pas prévoir, sur les plates formes de l’université des cours en ligne ?

De l’examen du tableau EL – Q.13. T. 17, il ressort que les sujets enquêtés adoptent une
attitude favorable à l’intégration des cours numériques dans leurs cursus. En effet, la
grande majorité des sujets enquêtés ont répondu favorablement à cette question avec
un pourcentage de 64,74%, soit deux cent deux (202) participants. Alors que cent
(100), soit 32,05% parmi les participants ont répondu par la négative.

Sur le plan pédagogique, le recours au numérique et aux TICE, notamment les


technologies nomades ainsi que les réseaux numériques dédiés aux domaines
d’éducation et de formation à l’instar des murs collaboratifs sont autant de moyens

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 220
porteurs et prometteurs en matière de promotion individuelle et collective. Nous avons
expérimenté ces outils dans nos cours que nous avons assurés en dehors de notre travail
de recherche. Le bon dosage en matière d’exploitation des TICE et de la technologie
informatique, en général dans la classe des langues, constitue un levier majeur dans le
développement des compétences communicatives en parallèle avec d’autres
compétences transversales, celles liées à la maîtrise et l’exploitation de solutions,
applications numériques et autres logiciels dédiés à l’enseignement des langues. Nous
pouvons entrevoir à travers le diagramme circulaire qui suit le grand intérêt affiché des
enquêtés, aux cours en ligne et à l’usage des TICE.

Nous ne manquerons pas de souligner, ici, l’importance et l’aspect décisif de l’attitude et


la prédisposition à faire de la composante numérique un facteur prégnant et une partie
prenante du processus d’enseignement et de formation universitaire. Les résultats de
notre enquête sont à cet égard significatifs et doivent interpeler décideurs, spécialistes et
concepteurs de programmes en matière d’enseignement des langues.

8.5 Interactions en langue : maîtrise et amélioration

Le processus d’enseignement/apprentissage est un processus complexe qui met en


interaction et en interrelation plusieurs éléments. L’apprenant de la langue étrangère
n’est guère seul face à cette langue. Dans les contextes pédagogiques, notamment les

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 221
universités, cette problématique se pose avec acuité, car les modes de fonctionnement
de ces systèmes ainsi que les méthodes préconisées dans le travail laissent une place
importante à l’apprenant, au travail en autonomie et aux prises d’initiatives. La
problématique qui se pose dès lors peut être formulée comme est suit : l’étudiant a-t-il
été suffisamment initié et préparé à ce mode de formation ? Est-il vraiment capable
d’effectuer des tâches en autonomie en matière de formation en langue étrangère ? Et
quels impacts sa scolarité antérieure, marquée par une prise en charge pédagogique
quasi-totale aurait-elle sur son intégration dans ce mode de fonctionnement nouveau
pour lui ?

Toutes ces questions mettent en exergue la problématique épineuse de la transition


entre les études secondaires et le passage à l’université. Problématique sur laquelle nous
ne manquerons pas d’insister d’ailleurs, vu l’intérêt qu’elle revêt dans la cohérence du
système dans sa globalité et dans l’évolution du profil de l’apprenant, de manière plus
spécifique.

Ceci dit, et afin de compléter notre analyse du profil de l’étudiant de la faculté de Droit
de Settat, nous avons pensé également qu’il est judicieux d’analyser le rapport que
l’étudiant de la faculté de Droit entretient avec la langue française et les modes
d’interaction établis, selon une vision d’intériorité/extériorité. Autrement, l’usage de la
langue française à l’intérieur de la faculté, mais en dehors des cours et à l’extérieur de
l’institution universitaire. Ce sont autant de facteurs décisifs qui influencent l’implication
de l’étudiant dans son apprentissage. Ce rapport permet aussi de définir le regard sur la
langue étrangère avec toutes les représentations psychologiques et culturelles. Autant ce
rapport est perçu favorablement, autant le degré de motivation augmente et se
répercute sur les activités pédagogiques élaborées et les mécanismes de travail établis.

Ainsi, et afin de contourner de façon optimal la question des interactions en langue et les
possibilités d’amélioration de son propre niveau linguistique, nous avons conçu pour le
déroulement de cette quatrième partie de notre questionnaire d’enquête un scénario
équilibré. Ce dernier est composé de quatre questions. Les deux premières sont fermées.
Les deux autres laissent introduire des choix multiples. Nous avons donné à l’enquêté la
possibilité de choisir trois propositions parmi cinq pour la question (n°16) et trois

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 222
possibilités de réponse parmi huit pour la question (n°17). Cela dit, le participant à ce
questionnaire éprouve parfois, et dans de pareilles situations, des hésitations à choisir et
cocher l’une ou l’autre case. Il se trouve pour ainsi dire, à la limite du choix avec une
seule possibilité. Notre stratégie de recherche se base sur le principe de la démarche
compréhensive qui tente de diversifier les entrées afin de contourner la complexité du
phénomène étudié. Commençons d’abord par clarifier la nature du rapport des enquêtés
à la langue française.

8.5.1 Le rapport au français et la vision « intériorité/extériorité »

- Interactions en français au sein de la faculté

Effectifs Pourcentage Pourcentage valide Pourcentage cumulé

6 2,4 2,4 2,4


Toujours 38 12,18 12,18
Souvent 126 40,38 40,38 97,6
Valide
Rarement 123 39,74 39,74 100
Jamais 16 5,18 5,18

Total 308 100,0 100,0

Tableau 20. I.L. – Q. 14

De la lecture de ce tableau, il ressort que les interactions en langue française marquent


la vie et les rapports des étudiants entre eux. En effet, l’analyse des pourcentages
contenus dans le tableau nous indique l’échelle des valeurs qui suit :

1. Au premier rang, nous trouvons l’interaction « souvent ». En fait,


cent vingt-six (126) enquêtés, soit 40,3%, ont souvent recours à la
langue française.
2. Au second rang, nous repérons l’interaction « rarement » avec cent
vingt trois (123) enquêtés, soit 39,7%, qui n’ont pas tendance à
recourir régulièrement à la langue française dans leurs échanges en
dehors des cours, mais ils l’utilisent quand même.
3. Au troisième rang, nous pouvons nous arrêter sur
l’interaction « toujours » avec le nombre de trente huit (38)
enquêtés, soit 12,8% de notre échantillon expérimental, qui ont

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 223
choisi le français comme moyen d’échanges académiques au-delà des
cours.
4. Au quatrième rang, nous trouvons l’interaction « jamais » avec
seulement seize (16) enquêtés, soit le pourcentage de 5,1%.

Le fait d’être conscient du rôle important des échanges en langue d’enseignement et ses
effets positifs sur la maîtrise de la langue et des contenus disciplinaires, place les
étudiants dans une posture positive d’acquisition et renforce leur motivation à poursuivre
même leurs cours. Le diagramme associé à cet item, nous donne une idée précise sur ce
que peuvent être les interactions des étudiants en dehors de leur cours.

Les marques d’influence de la langue d’enseignement ou de la langue de spécialité vont


au-delà des rapports académiques. Il en est de même pour les milieux professionnels où
la langue dominante dans le cadre du travail influence la vie personnelle de ceux qui la
pratique. C’est dans cette optique que nous avons essayé de comprendre la dimension et
la portée de la langue française, non seulement en dehors des cours et du contexte
académique, comme nous avons tenté de le faire dans la sous-section précédente, mais
à l’extérieur du contexte universitaire, c'est-à-dire dans la vie courante des enquêtés.
Cela nous aide à contourner les différentes interactions en langue française. Et au-delà
des considérations didactiques, les résultats de notre recherche, nous donne un aperçu
simplifié sur le paysage linguistique marocain, notamment la place de la langue de
Molière dans le vécu du citoyen marocain.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 224
- Interactions en français en dehors de la faculté

Effectifs Pourcentage Pourcentage valide Pourcentage cumulé

N. validé 5 1,6 1,6 1,6

Toujours 32 10,4 10,4 12,0


Souvent 109 35,4 35,4 47,4
Valide Rarement 136 43,8 43,8 91,2
Jamais 26 8,4 8,4 91,6
Total 308 100 100 100

Tableau 21. I.L. – Q. 15

Le tableau ci-dessus montre que l’utilisation de la langue française dans les échanges
marque la vie des étudiants en dehors de l’établissement d’enseignement supérieur. En
effet, les proportions les plus importantes sont situées autour des fréquences
« souvent » et « rarement » avec les pourcentages successifs qui suivent : 35,4% soit
cent neuf (109) enquêtés et 43,8% soit cent trente six (136) enquêtés de notre
échantillon expérimental. Les autres fréquences à savoir « toujours » et « rarement »
ont eu successivement pour pourcentages 10,4%, soit trente deux (32) enquêtés et
8,4%, soit vingt six (26) participants à notre enquête.

Tout le monde est conscient que la langue française constitue la clé de réussite dans le
parcours universitaire. Sans oublier son rôle prépondérant dans l’intégration du marché
de travail. Les participants à notre enquête ont cette prise de conscience du français
dans la promotion sociale et professionnelle, c’est pour cela qu’il est judicieux pour nous
d’analyser leur vision à l’égard des moyens pratiques et efficaces pour l’apprentissage de
cette langue et les méthodes d’amélioration du niveau linguistique.

8.5.2 La meilleure façon pour apprendre une langue, selon les étudiants de la
faculté de Droit

Il n’existe pas de modèle préétabli pour apprendre une langue et qu’il suffirait de
l’utiliser pour aboutir à des résultats performants. Il n’existe pas non plus de méthode

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 225
« passe-partout » adaptée à n’importe quel contexte et à n’importe quel apprenant.
L’objectif de cette question est, d’abord, de se faire une idée précise sur la conception de
méthodes de travail ; ensuite, étudier le degré d’accompagnement de modalités
d’actions du côté des étudiants. Ce qui participerait à la proposition de scenarii
d’apprentissage appropriés. L’accès au résultat de cette section nous a été rendu
possible par l’item (Q. 16) par lequel nous demandions aux étudiants quels étaient, pour
eux, le meilleur moyen d’apprendre une langue.

- Moyens multiples :

Effectifs Pourcentage Pourcentage valide Pourcentage cumulé

Système scolaire ou universitaire 125 40,6 40,6 100

Séjour linguistique à l’étranger 78 28,2 28,2 100

Valide Cours particuliers 34 11 11

Par des moyens informatiques 20 6,5 6,5

Voyage dans le cadre des études 21 6,8 6,8

Total 308 100,0 100,0

Tableau 22. M.M Q. 16

De l’examen de ce tableau, il ressort que la plupart des étudiants accorde plus de


l’intérêt aux cours assurés au niveau de l’institution universitaire. Les moyens
d’apprendre les langues sont nombreux, mais l’enseignement/apprentissage dans le
cadre officiel semble le plus attractif. Nous retrouvons dans ce tableau, l’orientation qui
est confirmée à plusieurs reprises et dans plusieurs occasions qui est celle relative au
rôle primordiale de l’institution scolaire dans le développement de la compétence
linguistique et communicative des apprenants. En effet, cent cinq (105), soit 40,6% des
enquêtés sont d’accord sur le rôle prépondérant de l’institution scolaire dans la
formation.

Pour ce qui est de la question de la mobilité comme moyen d’apprentissage de la langue


étrangère, nous avons remarqué que cette question commence à intéresser les jeunes
marocains. Les deux éléments de réponse proposés dans l’item (16) à savoir « Séjour

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 226
linguistique à l’étranger (Temps de vacances passé à l'étranger pour apprendre le
français) » et «voyage dans le cadre des études » ont suscité l’intérêt des étudiants,
puisque trente quatre (34) et vingt et un (21) enquêtés de notre échantillon, soit
successivement 11% et 6,8%, reconnaissent le rôle important de la mobilité dans la
maîtrise des langues et le renforcement de la compétence linguistique. Cette proportion
de jeunes étudiants qui envisagent la mobilité comme l’un des facteurs d’apprentissage
des langues est à faire valoir. Les programmes de coopération Tempus, Erasmus+ et
Erasmus Mundus à titre d’exemples, entre les universités marocaines et européennes,
doivent renforcer l’axe de formation linguistique par la prise en compte de la composante
linguistique comme axe majeur de la formation des étudiants bénéficiaires. Nul doute
que le numérique et la connectivité ont un apport indéniable dans la formation des
jeunes aujourd’hui.

L’entrée « moyens informatiques » proposée comme alternative et choix possible dans


l’apprentissage du français est située sur le même registre que le choix « des cours
particuliers » par les enquêtés. En effet, vingt et un étudiants (21) ont choisi la première
option et vingt (20) la deuxième, soit 6,8% et 6,5 successivement. Ce qui peut
globalement peut être schématisé dans le diagramme circulaire suivant :

Ici encore, les résultats de la recherche devraient interpeler décideurs et concepteurs de


programmes linguistiques universitaires afin de plancher sur la question de programmes

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 227
d’apprentissage des langues par la mobilité et les échanges avec les universités
étrangères, françaises entre autres.

Tout le monde s’accorde aujourd’hui sur le rôle important des pédagogies interactives
dans le processus d’apprentissage et dans la consolidation de la compétence en langues.
Nous avons souligné la complexité de ce processus et le rôle important des interactions
‘‘intra/extra-universitaires’’ dans la maîtrise de la langue de spécialité et plus
globalement dans la compétence communicationnelle. Nous avons également mis
l’accent sur le rôle des mobilités et des séjours linguistiques dans le développement et
l’enrichissement linguistiques et culturels des étudiants. Tout cela, nous autorise à clore
cette partie du questionnaire en jetant une lumière sur l’idée que se fait notre échantillon
des méthodes d’amélioration de son propre niveau linguistique.

8.5.3 Méthodes d’apprentissages et amélioration du niveau linguistique

- Améliorations linguistiques :

Effectifs Pourcentage Pourcentage Pourcentage


valide cumulé
127 41,2 41,2 41,2
a) Cours dans des groupes restreints à
l’université 51 16,6 16,6 57,8

b) Cours « numérisés » avec la présence d’un


professeur de langue 47 15,3 15,3 73,1

c) Cours « numérisés » à distance


10 3,2 3,2 76,3

d) Lecture en français de livres,


magazines dans votre spécialité 41 13,3 13,3 89,6

Valid
e) Participation à des concours de la
e
langue française 13 4,2 4,2 93,8

f) Participation à des événements


linguistiques organisés au sein de
9 2,9 2,9 96,8
l’université

g) Activités extra/para-universitaires
5 1,6 1,6 98,4

h) Cours de soutien et de renforcement


linguistique 5 1,6 1,6 100,0

Total 308 100,0 100,0

Tableau 23. M.M Q.17

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 228
De l’observation du tableau ci-dessus, une remarque cruciale se dégage. Celle relative à
la question épineuse de la massification. En effet, la faculté de Droit de Settat, qui n’est
d’ailleurs pas la seule, souffre du phénomène de ce temps qui se manifeste dans la
massification de ces groupes d’étudiants. A cause de ce problème, les cours de langue,
communication et terminologie (LCT) se déroulent au sein des amphithéâtres avec des
groupes massifs. Ce type de répartition d’étudiants, en groupes massifs, pénalise le
rendement pédagogique et escamote la qualité des enseignements.

C’est pourquoi, une proportion très importante de notre échantillon expérimental formule
le souhait de poursuivre les cours à l’université dans des groupes restreints.

a) Groupes restreints

Effectifs Pourcentage Pourcentage Pourcentage


valide cumulé

Oui 261 84,7 84,7 84,7


Non 47 15,3 15,3 100,0
Valide

Total 308 100,0 100,0

Tableau 24. M.M Q. 17.1

A première vue, ce tableau nous montre d’une manière évidente que les étudiants
n’apprécient nullement la tendance à assurer les cours de langue et communication dans
les amphithéâtres. Cet item en rapport étroit avec l’item n° (7) cet sur les obstacles aux
cours de langue à la faculté. En effet, nous avons vu que les obstacles d’ordre
pédagogique et logistique constituent une entrave majeure à la maitrise du français et au
développement de compétences linguistique et communicative. Cet item qui propose,
entre autres solutions, le déroulement des cours de langue, dans des groupes restreints
a trouvé un écho favorable auprès de notre échantillon. En effet, ils sont deux cent
soixante et un (261), soit 84,7% enquêtés à dire « oui » aux cours de langue dans des
groupes restreints. Ils trouvent que c’est la meilleure façon d’amélioration du niveau

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 229
linguistique. Cependant, ceux qui pensent le contraire sont au nombre de quarante sept
(47), soit 15,3% des enquêtés.

Il est vrai que la question de la massification constitue, aujourd’hui 49, le défi majeur.
L’arrivée massive des étudiants concerne non seulement l’enseignement des langues au
niveau du cycle supérieur, mais le système d’éducation et de formation dans sa
globalité50 (Annexe n°4 a et b). C’est une entrave aux approches pédagogiques basées
sur la proximité et la participation. C’est également une équation difficile à résoudre en
termes d’encadrement pédagogique des étudiants. Les nombres d’étudiants se sont
multipliés par trois, alors que les structures d’accueil n’ont pas connu la même évolution,
celle nécessaire à l’accueil de cette arrivée massive des bacheliers.

La volonté déclarée des étudiants à poursuivre des cours de langue dans des groupes
restreints, trouve sa justification dans l’absence d’échanges et d’interactions dans la
mesure où le cours emprunte la voix ‘‘royale’’ de l’enseignement unidimensionnel et du
magistral.

Sur un autre plan, l’intégration du numérique dans l’espace universitaire ne devrait pas
se limiter uniquement au déroulement d’opérations administratives. Nous avons soulevé
la présence de l’informatique, de l’Internet dans le quotidien des étudiants de la faculté
de Droit. Nous avons démontré également que l’investissement en matière du
numérique, notamment dans sa composante pédagogique et technico-pédagogique au
sein de l’Université Hassan 1er serait porteur d’opportunité d’évolution et développement
de compétences. Dans cet ordre d’idées, le public des étudiants est favorable à cette
orientation et il ne manque ni de compétence, ni de motivation à le faire travailler par le
recours au TICE.

49
A ce moment même où nous rédigeons ce travail, les résultats du baccalauréat pour l’année scolaire 2018/19
affichent un taux record de 77,96% d’après les statistiques officielles, alors qu’il tournait au tour de 30 à 40%, il y a
une décennie.
50
Le nombre des étudiants qui accèdent à l’enseignement supérieur marque une forte croissance depuis une
décennie. Il est passé de 370 000 étudiants à plus de 850 000 en 2017.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 230
b) Cours « numérisés » ou cours à distance en ligne ?

Par rapport à la question de choix de méthodes de travail et d’amélioration de son propre


niveau linguistique, soixante et un (61), soit 19,8%, des enquêtés ont jugé, comme le
précise le tableau ci-dessous (MM – Q.17. t.23) que les « cours numériques » constituent
une solution possible, et pourquoi pas efficace, dans ce contexte.

Effectifs Pourcentage Pourcentage valide Pourcentage cumulé

Non 247 80,2 80,2 80,2


Oui 61 19,8 19,8 100,0
Valide

Total 308 100,0 100,0

Tableau 25. M.M Q. 17.2

Il est à signaler que les cours numériques ou « numérisés » dont nous parlons ici, font
parti intégrante du dispositif d’apprentissage évoqués ci-haut. Ce dispositif élaboré selon
les préconisations de la didactique du plurilinguisme, selon la vision appropriée aux
politiques linguistiques de l’Université. Cette dernière vise la qualification des étudiants
et l’émergence de leurs talents en matière de compétences linguistiques et
communicationnelles. Cela rendra les tâches à effectuer par les étudiants, même celles
exercées en dehors de l’institution universitaire, dans le cadre de stages ou d’activités
para-universitaires, significatives et cohérentes.

Ceci dit, les activités pédagogiques élaborées au sein de l’institution universitaire dans le
cadre du dispositif d’enseignement des langues que nous avons présenté sous la
désignation « cours numériques » sont à distinguer des « cours à distance ». Ces
derniers consistent, comme nous l’avons expliqué aux participants à notre enquête, en
des cours de français sur le net et qui prennent parfois la forme de formation à distance
en langue (FOAD). Ce type de formation semble ne pas attirer les étudiants de la faculté
objet de notre étude. Nous n’avons pas cherché à comprendre le pourquoi de leur

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 231
réticence puisque nous nous sommes limité, dans le cadre de notre approche
quantitative, à recueillir des données chiffrées.

c) Cours « numérisés » à distance

Effectifs Pourcentage Pourcentage valide Pourcentage cumulé

Oui 10 3,2 3,2

Valide Non 298 96,8 96,8 96,8

Total 308 100,0 100,0 100,0

Tableau 26. M.M Q. 17.3

De l’observation des résultats exposés dans le tableau ci-dessus, il ressort que


seulement dix (10) enquêtés, soit 3,2%, déclarent être prêt à poursuivre ce type
d’enseignement, à savoir l’enseignement à distance via les plates formes numériques,
pour améliorer son niveau en français.

Nous assistons ces derniers temps à un foisonnement en matière de cours à distance en


ligne, rendus possibles par la connectivité et la diffusion de la formation. Les universités
du monde entier ont développé dans le cadre de leur stratégie de création d’espaces
numériques des partenariats avec des organismes spécialisés dans la mise en place de
plates formes, telles que les Moocs ( Massive Open Online Course), Moodle, Claroline,
LMS (Learning Management System) ou de plates formes de spécialisation « Coursera ».
Cependant, l’orientation à ces cours ou à d’autres devrait s’effectuer sous la supervision
pédagogique de l’université afin de proposer des contenus adaptés au niveau et aux
attentes des étudiants. Aussi serait-il judicieux que les équipes de langues s’ouvrent sur
ces plates formes, les alimentant de ressources pédagogiques et les enrichissant de
l’expérience et de l’expertise cumulées au sein de cette institution universitaire.

d) De la lecture en français « avant toute chose »

Ce titre qui rappelle le célèbre poème Art poétique de Verlaine « où l’indécis au précis se
joint » est choisi pour souligner l’importance de la lecture selon les étudiants. En effet, il
est clair pour eux que cette activité intellectuelle et pédagogique revêt un intérêt de
premier ordre, comme nous pouvons le lire dans le tableau ci-joint :

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 232
Effectifs Pourcentage Pourcentage valide Pourcentage
cumulé
Oui 86 27,9 72,1 72,1
Non 222 72,1 27,9 100,0
Valide

Total 308 100,0 100,0

Tableau 27. M.M Q. 17.4

De l’observation du tableau, il ressort que quatre vingt-six (86), soit 27,9% des
enquêtés accordent de l’intérêt au rôle de la lecture dans l’amélioration de son niveau
linguistique. La compétence de lecture occupe une place centrale dans le processus
d’acquisition d’une langue étrangère. Elle est la clé de toute autre compétence,
notamment les quatre fameuses compétences du Cadre (CECRL) à savoir
(compréhension de l’écrit/l’oral ‘‘CE, CO’’ et production de l’écrit/l’oral ‘‘PE, PO’’). Les
étudiants ont vu juste, durant le parcours universitaire, l’on est continuellement exposé à
cet exercice. L’on ne fait que lire des ouvrages et des revues spécialisées, des rapports
de recherche, des supports de cours proposés ou élaborés par les enseignants… .

Cependant, la question que nous pouvons poser dès lors est la suivante : les étudiants
ont-ils suffisamment développé les habiletés de lecture nécessaires à cette activité ?
Surtout pour ceux qui croient « que pour réussir un cours universitaire, il [n’est] pas
nécessaire d’effectuer les lectures assignées. Ces dernières sont perçues comme
simplement des données additionnelles qui ont très peu d’impact sur l’apprentissage, et
ce, même lorsqu’un professeur précise de façon explicite l’importance des textes
assignés pour la compréhension des idées ou des concepts abordés dans un cours. »
(Vézina, 2011 : 1). Nos étudiants sont pour ainsi dire « pragmatiques » et ont le
sentiment de ne pas être récompensés pour le temps investi, pour ne pas dire gaspillé,
en lecture. En effet, si les lectures recommandées ou imposées sont partie prenante du
cours, cela doit être traduit officiellement, par un certain pourcentage, sur la note finale.

De plus, il nous paraît déplacé de demander aux étudiants des lectures assignées pour le
simple exercice de lire. Ces lectures devraient être inscrites dans un projet pédagogique,

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 233
ou un projet global de recherche afin que les activités de lectures soient orientées et
canalisées. On ne pratique pas la lecture pour la lecture, on lit selon un objectif bien
défini et pour réaliser des tâches bien précises. L’activité de lecture devrait être inscrite
dans une stratégie d’apprentissage judicieuse et constitue de ce fait, un enjeu majeur
dans la vie universitaire de l’étudiant. Pour cela, il serait également pertinent d’adopter
une variété de stratégies de lecture afin de motiver les étudiants et tirer le meilleur parti
de leurs lectures (Vézina, 2011). L’exercice de lecture est certes une activité
intellectuelle porteuse de facultés et de potentiels précieux pour la formation et le
développement de compétences chez l’étudiant, cependant, le profil de l’étudiant
souffrirait de lacunes et de qualités personnelles et humaines si l’on n’intègre pas dans la
formation d’autres activités para-universitaires. Ces activités peuvent mettre en œuvre
l’élément linguistique, à l’instar de concours de la langue française ou d’événements
linguistiques au sein de l’université …

8.5.3.1 Le para-universitaire et le cours de soutien compléments de la formation linguistique

Sous cet intitulé, nous regroupons trois propositions de réponses à la question (n°17). Il
s’agit de manière précise de la participation à des concours de la langue française, de la
participation à des événements linguistiques et culturels au sein de l’université et plus
globalement d’activités para-universitaires.

e) La participation au concours

Effectifs Pourcentage Pourcentage Pourcentage


valide cumulé

Oui 44 14,3 14,3


Non 264 85,7 85,7 85,7
Validé
100,0
Total 308 100,0 100,0

Tableau 28. M.M Q.17.5

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 234
f) Participation aux événements linguistiques

Effectifs Pourcentage Pourcentage Pourcentage


valide cumulé

Oui 30 9,7 9,7


Non 278 90,3 90,3 90,3
Valide
100
Total 308 100,0 100,0

Tableau 29. M.M Q.17.6

g) Activités extra/para universitaires

Effectifs Pourcentage Pourcentage Pourcentage


valide cumulé

Oui 16 5,2 5,2 5,2


Non 292 94,8 94,8 94,8

Valide

Total 308 100,0 100,0


100

Tableau 30. M.M Q.17.7

L’ensemble de ces tableaux nous donne une idée exacte sur la perception que se font les
enquêtés sur la place des activités para-universitaires au sein de l’institution de
l’enseignement supérieur. En effet, ces dites activités n’attirent guère les étudiants qui
n’ont d’intérêt que pour ce qui se répercute directement sur leurs résultats, sur leurs
notes en l’occurrence. En définitive, de l’examen des résultats contenus dans ces
tableaux nous pouvons formuler les conclusions qui suivent :

- La participation à des concours linguistiques semble être une possibilité


d’améliorer son niveau linguistique dans la mesure où quarante quatre des
enquêtés, soit 14,3%, partage ce point de vue. Ceux qui ne sont pas
d’accord, soit deux cent soixante quatre sujets enquêtés, soit 85,7%
constituent la majorité écrasante.
- La participation à des événements linguistiques organisés au sein de
l’université n’attire guère les étudiants de la faculté de Droit. En effet,
trente étudiants, soit 9,7% acceptent participer à des événements de ce

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 235
genre, alors que deux cent soixante-dix-huit, soit 90,3% ne partage pas
cette opinion.
- Enfin les activités para-universitaires demeurent également le parent
pauvre de la formation universitaire, puisque seulement seize (16)
enquêtés, soit 5,2%, voient l’utilité de ces activités et leur rôle important
dans la formation de l’étudiant. Ceux qui soutiennent le contraire
constituent la majorité écrasante avec le nombre de deux cent quatre-
vingt-douze enquêtés.

Ces chiffres sont alarmants. La formation universitaire ne devrait nullement être réduite
à des cours, quelle que soit leur nature : en présentiel, numériques, à distance… . Le
fonctionnement du dispositif d’enseignement des langues que nous soutenons dans cette
thèse, doit être conçu dans le cadre d’une ingénierie didactique novatrice et centré sur
l’apprenant. Ce dispositif accorde certes, une place importante aux cours, mais il est
développé également autour d’activités linguistiques et culturelles, para-universitaires,
selon les principes des pédagogies actives et interactives, de la perspective actionnelle et
des tâches à accomplir. Le côté événementiel fait sortir l’étudiant des quatre murs de
classe et lui donne l’occasion de participer activement aux pratiques linguistiques
contextualisées. Il devient acteur de son apprentissage par le contact avec les autres,
par la prise de parole en public, etc.

La mise en place du portfolio européen des langues (PEL), comme nous l’avons vu et
étudié, s’inscrit dans cette stratégie globale d’autonomisation de l’apprenant, de sa
responsabilisation et surtout la volonté explicite de le mettre dans le contexte
linguistique plurilingue pour évoluer et faire valoir son profil. Dans ce cadre, les
méthodes pédagogiques et didactiques qui régissent le portfolio sont à la fois les outils et
les garants du succès de l’opération d’apprentissage et de formation dans sa globalité.

A la fin de cette section qui coïncide avec le dernier élément de la question (n°17),
élément par lequel nous avons voulu jeter une lumière utile sur la question de l’habituel
« cours de soutien », perçu dans certains contextes éducatifs comme une bouée de
sauvetage pour sauver la face du système dans sa globalité, nous avons tenté de
mesurer le degré de présence de cette question dans la perception de notre échantillon
expérimental.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 236
h) Le cours de soutien

Effectifs Pourcentage Pourcentage Pourcentage


valide cumulé

Oui 53 17,2 17,2


Valide Non 255 82,8 82,8 82,8
Total 308 100,0 100,0 100,0

Tableau 31. M.M Q.17.8

Avant d’entrer dans les détails de la nature des cours de soutien à mettre en œuvre et
des modalités de son intégration dans les curricula, commençons par analyser les
résultats présentés par ce tableau. En effet, à la lecture de ces résultats, il ressort que
cinquante trois des participants à notre enquête, soit 17,2% sont d’accord sur le rôle
péremptoire de ces cours dans l’amélioration du niveau linguistique de l’étudiant. Ceux
qui ne sont pas du même avis sont au nombre de deux cent cinquante cinq, soit 82,8%
des enquêtés.

Les cours de soutien auxquels nous faisons appel, ici, sont les cours conçus, élaborés et
assurés par l’institution universitaire, et ce conformément à son rôle pédagogique et
sociétal. Nous ne prenons pas en considération les cours de soutien assurés de manière
aléatoire et arbitraire, ayant lieu en dehors de l’institution, selon un pacte tacite entre
l’apprenant et l’enseignant51. Ces cours de renforcement linguistique peuvent être
organisés au sein des établissements universitaires de manière régulière, une ou
plusieurs fois pendant l’année, sous forme d’université d’automne, de printemps ou
d’été. Peu importe l’appellation, puisqu’elle dépend de la période programmée. Ils
peuvent également prendre la forme de stages et de sessions de formation linguistique
et culturelle, selon la stratégie de l’institution. Nous renvoyons à ce propos aux cours
assurés à la faculté de Droit dans le cadre du partenariat entre l’Université Hassan 1 er et
la Haute école de Namur-Liège-Luxembourg (Hénallux). Cette expérience a eu des

51
Ce genre de cours connait un développement phénoménal notamment au niveau de l’enseignement secondaire
(collège/lycée). Plusieurs formules se sont développées pour proposer un enseignement à la carte : cours à domicile,
cours dans des établissements privés, ‘‘spécialisés’’ dans ce type d’enseignement. Il y a même aujourd’hui des
propositions de cours accélérés focalisés sur les contenus linguistiques et disciplinaires pour préparer les bacheliers à
passer les concours des écoles et des instituts à accès limité ou sélectif.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 237
retombées positives sur les deux institutions partenaires. Sur le plan pédagogique, et
pour l’Université Hassan 1er, la réalisation des objectifs a été au-delà des attentes
formulées au départ : la contribution à la consolidation des connaissances linguistiques
des étudiants.

Des interactions en langue étrangères dans les milieux universitaires et extra-


universitaire ainsi que des outils et méthodes d’apprentissage et d’amélioration
linguistiques, nous avons pu étudier la conception des étudiants et leurs représentations
sur les modes de travail et les moyens mis en œuvre le diagramme circulaire (ci-
dessous) est significatif à cet égard. Notre objectif au-delà de l’étude est de contribuer à
l’approche du phénomène linguistique au sein de l’université, mais également dans sa
globalité, sachant bien que l’enceinte universitaire constitue une micro-image de ce qui
se passe dans la société. Une fois ces enjeux assimilés, nous pouvons attaquer la
question capitale de la place du français dans la vie future de nos enquêtés ou du moins,
ce qu’ils en pensent.

8.5.4 Le français après l’université, enjeux sociaux et professionnels

Les horizons futurs nourrissent les motivations présentes, telle est la phrase qui peut
résumer les conceptions et les préconisations que se font les participants à notre
enquête de la langue française. Dans cette partie de notre questionnaire, la cinquième,
nous avons jugé utile de sonder les représentations de la langue française dans le moi
collectif des enquêtés. L’objectif n’est pas de faire des pronostics, mais le degré de

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 238
motivation essentiel à la maîtrise de la langue étrangère et plus globalement à la
formation universitaire est déterminé, dans une large mesure, par les potentialités et les
horizons futurs probants que l’on développe, de manière individuelle et collective autour
la question.

8.5.4.1 Perspectives à venir et formation en français


- Formation future en français

Effectifs Pourcentage Pourcentage Pourcentage


valide cumulé
N. validé 2 0,6 0,6 0,6
Oui 279 90,6 90,6 91,2
Validé
Non 26 8,4 8,4 99,7
Total 308 100,0 100,0 100,0

Tableau 32. P.F – Q.18

Il semble que l’avenir de la langue française et sa position dans la formation des jeunes
au Maroc ne sont pas inquiétants, ou du moins selon la vision de nos enquêtés, qui sont
optimistes à son égard. C’est ce qui ressort de l’examen de ce tableau, dans la mesure
où deux cents soixante-dix-neuf, soit 90,6%, des participants à notre enquête ont
répondu par l’affirmative à l’item (n°18).

Il faudrait savoir que notre échantillon expérimental est composé d’individus


francophones. Ils ont choisi la langue française pour langue de spécialité et de formation,
à l’instar des étudiants de la section française de droit. En effet, ces derniers avaient le
choix à effectuer entre la langue arabe ou française. Pour ce qui est du public des
étudiants de la filière de gestion et d’économie, ils ont sciemment choisi cette filière
enseignée uniquement en langue française. Sur le plan linguistique, ils n’ont pas d’autres
possibilités. Comme nous l’avons expliqué dans la partie théorique de notre travail, et
plus précisément au (Ch.2, section : 2.1.2, p. 28). Au Maroc le français est la langue
privilégiée des milieux commerciaux, financiers, économiques et diplomatiques. Il est
certes, concurrencé en cela par l’anglais, mais rien ne présage un changement brusque,

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 239
du moins pour la décennie à venir52. C’est probablement ce qui explique le fait que la
majorité écrasante de notre échantillon expérimental prévoit la poursuite d’ « études
futures » encore en français.

De plus, il existe aujourd’hui au Maroc des domaines professionnels qui utilisent la


langue française comme le mode unique de communication et de diffusion de documents
à l’instar du domaine de comptabilité, des banques, des assurances, du notariat … Les
étudiants ont-ils cette conscience du rapport décisif du choix de la formation, notamment
de la langue de formation et la carrière future ? Arrivent-ils à percevoir le lien étroit
entre la formation poursuivie et le monde professionnel ?

Pour donner une réponse à cette question et comprendre l’impact du choix de la


spécialité sur le métier à choisir après la formation, nous avons introduit l’item (n°19),
en rapport direct avec le précèdent, et qui en constitue le prolongement dans les milieux
professionnels. Le point de vue des enquêtés nous donne une idée assez précise sur
l’état futur du français et son éventuelle place dans le monde professionnel, selon
l’optique de nos enquêtés bien entendu.

8.5.4.2 Le français dans le monde professionnel :


- Après l’université

Effectifs Pourcentage Pourcentage valide Pourcentage cumulé

2 0,6 0,6 0,6


Oui 276 89,6 89,6 90,3
Validé
Non 30 9,8 9,8 100,0

Total 308 100,0 100,0

Tableau 33. P.F Q.19

De l’observation des résultats présentés dans ce tableau, il ressort que la majorité totale
de notre échantillon, c'est-à-dire deux cents soixante-seize enquêtés, soit 89,6%,

52
En fait, la vision stratégique 2015-2030 du ministère de l’Education Nationale, de la Formation des cadres, de
l’enseignement supérieur et de la Recherche scientifique renforce la place de la langue française dans le système
éducatif. Du statut de langue enseignée, elle devient langue d’enseignement, à côté de l’arabe, des disciplines
scientifiques.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 240
considèrent qu’ « après l’université » ils vont continuer « à travailler en langue
française ».

Il ne s’agit pas uniquement d’une prédisposition subjective à vouloir utiliser cette langue
du côté du public enquêté. Nous savons bien qu’au Maroc, un certain nombre de
domaines juridiques comme dans quasiment tous les domaines de gestion et
d’économie, les opérateurs et les professionnels exigent une bonne maîtrise du français,
sinon les difficultés linguistiques et communicationnelles se répercutent négativement
sur l’individu cherchant à trouver une place et à s’imposer dans ces domaines. Par
rapport à la question linguistique, il ne s’agit pas dans cet univers d’un choix délibéré.
C’est une réalité qui s’impose par les modes de communication établis, par les pratiques
de correspondances administratives ou commerciales instaurées et par les stratégies
globales mises en place par les systèmes administratifs, politiques et économiques.

Cette double articulation du français dans la formation universitaire et dans la vie


professionnelle laisse entrevoir une vision cohérente et équilibrée entre les pratiques du
terrain et les attentes des enquêtés. Equilibre qui se traduit sur les résultats de l’enquête
comme nous l’avons vu dans les tableaux ci-haut. Il reste à la fin de vérifier le degré de
fréquence du français.

8.5.4.3 Les enjeux socio-économiques et le recours au français


- Degré de fréquence du français

Effectifs Pourcentage Pourcentage valide Pourcentage cumulé


N. validé 3 1,0 1,0 1,0
A 100% 44 14,3 14,3 15,3
A 75% 143 46,4 46,4 61,7
Validé
A 50% 102 33,1 33,1 94,8
pas du tout 16 5,2 5,2 100,0

Total 308 100,0 100,0

Tableau 34. P.F Q.20

Ici encore la réponse des enquêtés vérifie le degré de cohérence et de continuité


logiques du scénario de réponse entrepris par chaque enquêté, dans la mesure où les

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 241
résultats de réponses à cette question confirment les conclusions que nous avons
dégagées dans les deux items précédents.

L’observation du tableau, en particulier l’analyse des pourcentages, nous indique l’échelle


des valeurs qui suit :

i) Le degré de fréquence à 100% : quarante quatre enquêtés, soit 14,6%


des enquêtés pensent que le degré de fréquence du français après le
parcours universitaire sera à 100%. Cette fréquence, nous pouvons la
situer au 3ème rang.
j) Le degré de fréquence à 75% : cent quarante trois participants, soit
46,4%, situe le degré de fréquence à 75%. Avec le pourcentage le plus
élevé, cette proportion de notre échantillon occupe le 1er rang.
k) Le degré de fréquence à 50% : ici, cent deux enquêtés (102), soit
33,1%, voient que le recours à la langue française « après l’université »
est de l’ordre de 50%. Ce qui met cette proportion au 2ème rang.
l) Le degré de fréquence nul : c'est-à-dire ceux qui ont choisi l’entrée
« pas du tout » par rapport au degré de fréquence du français. C’est le
score le plus faible sur l’échelle des valeurs, dans la mesure où
seulement seize participants ont coché la case correspondant à cette
réponse, avec le pourcentage de 5,2%, ce qui fait que cette proportion
de notre échantillon occupe le 4ème et dernier rang.

Remarquons aussi que, par l’ajout de la 1ère fréquence à la 2ème, c'est-à-dire les
fréquences les plus élevées, le nombre des enquêtés s’élève à cent quatre vingt trois
(183), soit 60,7%. Autrement dit, plus de la majorité des participants à notre enquête
situent le degré de fréquence de la langue française « après l’université » à un niveau
supérieur ou égal à 75%.

8.6 Croisement des résultats

Dans le cadre de notre étude, nous avons spécifié que le choix du logiciel SPSS
(Statistical Package for the Social Science) est dicté par les qualités et les
opportunités d’analyse offertes par ce logiciel : la pertinence des résultats, l’efficacité et
la simplicité d’usage (faciles à utiliser et à manipuler). Cela bien entendu, outre le grand

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 242
nombre de procédures statistiques. De plus, SPSS est le logiciel qui nous a été
recommandé par nos professeurs-encadrant et les ingénieurs statisticiens qui nous ont
beaucoup aidé sur le plan technique de notre étude. Ce logiciel fonctionne à partir de
fenêtres et de menus. Chaque menu présente plusieurs commandes dont chacune
comprend des sous-commandes. Il a également l’avantage de regrouper et faire ressortir
les fréquences ou l’ensemble des réponses par le biais du tri à plat et du tri croisé des
données collectées.

Comme nous l’avons poursuivi, l’analyse de données recueillies par le moyen du


questionnaire s’est effectuée avant tout, en fonction de notre conception préalable du
travail et de nos hypothèses de départ, celles qui ont présidé à la conception de
l’enquête et l’élaboration de questions. Parallèlement, ces hypothèses ont contribué à la
sélection des variables pertinentes dans l’établissement des croisements. L’opération de
traitement automatique de données, apanage du logiciel exploité, n’est pas le but final
de l’analyse, même s’il faudrait reconnaitre que l’élément technique facilite le travail. La
pertinence de l’analyse dépend de la réflexion du chercheur et sa capacité de
conceptualisation en rapport étroit avec son expérience, son imagination et ses
connaissances. Ceci est d’autant plus pertinent quand on le confronte à des questions
complexes liées aux valeurs « explicatives » des croisements entre variables.

Il est à préciser que l’opération de croisement a été effectuée sur la base des questions
spécifiques de notre problématique étudiée, rattachée aux questions dites «classiques»,
c'est-à-dire, celles liées en premier lieu, aux facteurs sociaux ou culturels jugés décisifs
dans de telles situations à l’instar du sexe « masculin/féminin », l’âge, le milieu ou la
catégorie socioprofessionnelle. Ensuite, nous allons chercher le rapport entre la maîtrise
du français et la langue de spécialité. Enfin, nous confrontons les parties quatre et cinq
de notre questionnaire, en mettant en rapport l’utilisation de la langue française ou les
interactions en cette langue en dehors des cours (partie n°4) et les perspectives futures
de son utilisation (partie n°5). L’intérêt de cette opération permet de souligner la
pertinence de l’utilisation du français selon les motivations actuelles et les aspirations
futures. Dans le contexte universitaire, la langue française est l’instrument de l’accès au
savoir. Elle constitue, de ce fait, l’outil par excellence de formation et de développement
de compétences. Au-delà de l’université, elle est également la clé d’accès au marché du

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 243
travail, notamment pour un certain nombre de spécialités juridiques et quasiment pour
toutes les spécialités de gestion et d’économie.

Il va sans dire que l’opération de regrouper et de mettre en rapport les variables,


constitue un atout majeur dans l’analyse. Outre l’objectif de déterminer la distribution
d’une fréquence et ses variables en les distinguant par les modalités d'une autre
variable, les tableaux croisés permettent de vérifier s'il existe ou non un lien entre deux
questions de l’enquête. Le tri croisé permet d’introduire le comptage combiné sur la base
de deux ou plusieurs critères, la variable « sexe » par exemple, et la rattacher au niveau
linguistique.

Le processus analytique que nous avons poursuivi permet de ressortir les informations
dans le tableau qui croise deux variables supposées entrer en interconnexion et
influencer la maîtrise et la compétence en langue de spécialité. L’importance accordée
aux dimensions liées aux représentations sociales influence le niveau des apprenants. Il
importe désormais de présenter les résultats, de les commenter et de s’y référer pour
faire des propositions. Tel est donc l’objet de cette section qui se borne à croiser les
résultats.

Les deux modes pratiqués, à savoir le tri à plat et le tri croisé, sont complémentaires.
C’est en quelque sorte la présentation des résultats de notre étude quantitative en valeur
absolue (tri à plat), opération laborieusement entreprise et effectuée tout au long de ce
chapitre de présentation et d’analyse des résultats de l’enquête. Le tri croisé permet de
ressortir le lien qui existe entre les éléments des différentes parties de notre
questionnaire. Il est vrai que tous les éléments n’entretiennent pas les mêmes rapports
de cohérence ou de cause à effet, mais notre objectif est de pouvoir dégager le rapport
de corrélation et le degré de pertinence dans le rapport d’une variable à une autre. Cette
opération, nous a été facilitée et rendue possible par le logiciel SPSS. Les données ont
été représentées dans les différents tableaux que nous commenterons dans le
développement qui va suivre.

Notre analyse de données quantitatives s’acharne à faire ressortir la matrice :


maîtrise/facteurs d’influences (internes et externes) par le truchement des différents

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 244
tableaux croisés susceptibles de mieux représenter les résultats obtenus. Cependant les
difficultés matérielles et logistiques qui émergent de temps à autre, liées au traitement
des données dans les différents logiciels, ne nous ont pas empêché de continuer notre
étude afin d’atteindre nos objectifs. Le développement qui va suivre nous présente les
différents résultats auxquels nous sommes parvenus et les suggestions d’amélioration de
la situation d’enseignement/apprentissage du français langue universitaire.

8.6.1 La variable « sexe» et le niveau linguistique


a) Tableau croisé : variable « sexe » et « niveau linguistique »

Niveau linguistique Total

Très bien Bien Moyen Médiocre

1 0 3 1 1 6

Sexe M 0 2 44 74 8 128

F 2 6 58 104 4 174
Total 3 8 105 179 13 308

Tableau 35

Nous pouvons nous demander si, par rapport à ce tableau de croisement de résultats, il
existe une différence de genre, entre les filles et les garçons ayant répondu à notre
questionnaire sur la question épineuse du « niveau linguistique ». L’idée du stéréotype
de genre « masculin/féminin » pourrait être que les filles sont plus orientées à
l’apprentissage des langues étrangères, notamment le français que leurs congénères
masculins. La variable liée à l’approche genre, en ce sens, n’a pas vraiment d’impact sur
le « niveau linguistique » et ne paraît pas pertinente dans notre échantillon
expérimental. En effet, le tableau croisé (Tableau35) montre de manière claire pour la
colonne « bien » du « niveau linguistique » que le nombre de garçons ayant répondu à
cette question s’élève à quarante quatre (44) sur cent vingt huit (128), soit 34,37% ;
alors que le nombre de filles s’élève à cinquante huit (58) sur cent soixante quatorze
(174), soit 33,33%. De même, la colonne « médiocre » affiche comme résultats le
nombre de soixante quatorze(74) garçons sur le total de cent vingt huit (128), soit
57,81% et cent quatre filles (104) sur cent soixante quatorze (174), soit 59,77%.
Rapporté au pourcentage total de 33,11% pour « bien » et 57,79% pour « moyen », qui

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 245
se déclarent être d’un niveau « bien » et « moyen » sur l’ensemble de l’échantillon, les
écarts de pourcentage entre garçons et filles apparaissent trop restreints pour être
interprétables. Ce qui fait que la différence de genre n’est pas significative quant à
l’appréciation et la détermination du niveau linguistique.

L’idée que l’on se fait de son niveau linguistique peut être reliée à la question de maîtrise
de la langue française. Cependant, la langue utilisée dans le contexte de la faculté de
Droit est particulière, du fait qu’elle est liée aux domaines spécifiques de droit, gestion et
économie. C’est ce que nous avons conventionnellement désigné par « langue de
spécialité ». Ainsi, la question que l’on pourrait est la suivante : quelle dimension
linguistique maîtrisée permet-elle de le développement de compétences en langue de
spécialité ? La réponse à cette question nous induit à chercher le rapport entre la
maitrise du français et de la langue de spécialité.

De manière générale, le rapport entre la maîtrise du français et le développement de


compétences en langue de spécialité de manière particulière déborde le simple cadre des
représentations des étudiants. C’est une question structurelle qui nécessite une réflexion
approfondie. Nous avons posé cette même question aux enseignants pour pouvoir
contourner cette difficulté majeure, mais le point de vue des étudiants demeure
important. Notre objectif consiste, d’abord, à les initier à cette problématique. Ensuite,
nous analyserons leurs réactions afin de les orienter et les sensibiliser à travailler dans
ce sens.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 246
8.6.2 La variable « maîtrise du français » et la langue de spécialité

b) Maîtrise du français * partie 2 « Cross tabulation »

partie 2 Total

Tr. Bonne a. bonne moins Pas du tout


bonne bonne bonne

5 0 0 0 0 0 5
Maîtrise
oui 2 10 84 90 16 3 205
du français
non 1 2 21 44 30 4 102
Total 8 12 105 134 46 7 312

Tableau 36

De l’observation du tableau (36), il ressort que deux cent cinq (205) enquêtés, soit
65,70%, de notre échantillon expérimental établissent un rapport direct entre la maîtrise
du français et la compétence en langue de spécialité. Cependant, le nombre de ceux qui
ne partagent pas cette vision s’élève à cent deux (102) participants, avec un
pourcentage de 32,69% des enquêtés. Sur le plan didactique, Charnok précise que
« pour étudier une nouvelle matière, au niveau universitaire, en langue étrangère de
surcroît, il faut déjà être compétent en langue. » (2011 : 3). Cependant, les étudiants
participants à cette enquête, souffrent de plusieurs difficultés linguistiques. Comme nous
l’avons montré, suite aux résultats de l’analyse quantitative, les principales difficultés
rencontrées résident au niveau du lexique technique, utilisé ainsi que sur le plan de la
langue orale, notamment le manque de capacités et de facultés liées à la
compréhension-production de documents lors du passage de l’oral à l’écrit.

Cette situation paradoxale a donné lieu à deux orientations didactiques et


méthodologiques opposées. La première école ayant tendance à introduire des cours de
langues « classiques », c'est-à-dire « un programme purement linguistique, fondé
inévitablement sur la grammaire classique », ne saurait, selon les termes de Charnock :
« répondre de manière adéquate aux besoins » effectifs et spécifiques de la formation.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 247
La deuxième école privilégie la centration de l’acquisition linguistique sur la langue de
spécialité, c'est-à-dire qu’elle espère « favoriser l’acquisition par la pratique ». Cette
dernière ne réussit pas non plus à réaliser des résultats probants, étant donné que
l’enseignant de langue se voit dans l’obligation de proposer des rappels linguistiques,
sous forme de listes de difficultés grammaticales, les plus fréquentes.

L’expérience du terrain a montré que les tenants de ces deux positions, notamment au
niveau des extrêmes, n’arrivent pas à proposer des solutions efficaces, en raison des
faiblesses des méthodologies préconisées. Le cours de langue à inscrire dans le contexte
universitaire est un cours spécifique, certes, mais il demeure un cours de langue. De ce
fait, son élaboration ne devrait pas se calquer automatiquement sur la discipline
principale ou la spécialité choisie. Il se base, en définitive, sur des critères didactiques et
méthodologiques qui exploitent à loisir la spécialité et les connaissances techniques
requises par le biais de la langue spécialisée.

Ceci dit, après avoir mis en relation les aspects liés au niveau linguistique avec la
question du genre et les variables se rapportant à la maîtrise du français et la langue de
spécialité, nous passons maintenant à l’étude du rapport entre les interactions en langue
française et la perception des perspectives futures par nos enquêtés.

8.6.2 La variable interactions en langue et les « perspectives futures » de


l’usage du français

Nous avons vu que les interactions en français marquent la vie et les rapports des
étudiants entre eux, avec l’interaction « souvent » au premier rang sur l’échelle des
valeurs. Nous avons retenu également, que la majorité écrasante des enquêtés pense
encore utiliser la langue française, soit dans les formations à venir, soit dans le cadre du
travail. Ce qui nous a poussé à croiser ces deux variables pour vérifier la pertinence et
l’influence des motivations liées à la formation et à la carrière professionnelle sur les
interactions en langue.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 248
c) Partie 4 * Partie 5 : interactions en langue et utilisations
futures du français

Partie 5 Total

Oui Non 5

6 2 0 0 8

Toujours 0 35 3 0 38

partie 4 Souvent 0 118 7 1 126

Rarement 0 111 13 0 124

Jamais 0 13 3 0 16
Total 6 279 26 1 312

Tableau 37

De l’observation du tableau (37), il ressort qu’une fraction importante de notre


échantillon expérimental accorde de l’intérêt à cette question. En effet, cent cinquante
trois participants, avec un pourcentage de 49, %, c'est-à-dire la majorité des enquêtés,
situent les interactions entre « toujours » et « souvent ». Alors que le nombre de ceux
qui voient le contraire est de cent vingt quatre, soit 38% des enquêtés, avec cent onze
pour rarement et treize pour « jamais ». L’histogramme qui suit confirme nettement
cette situation :

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 249
Malgré toutes les considérations et les dimensions d’ordre politique ou idéologique qui
traversent le champ des politiques linguistiques. Considérations sur lesquelles nous nous
sommes, d’ailleurs, longuement arrêté dans notre étude théorique et méthodologique. Il
paraît que le poids des contraintes économiques et du choix de la carrière professionnelle
influence les orientations des jeunes d’aujourd’hui dans leurs orientations en matière de
spécialité et de langue d’enseignement. Cette prise de conscience et de position
nouvelles devraient être prise en considération par les décideurs et traduites, dans les
curricula, en termes de variété et de pluralité linguistique et culturelle.
Pour ce qui est de notre position scientifique, suite à tout ce que nous venons de
développer à travers notre recherche, nous pensons que cette dynamique sociale fera
émerger des programmes pédagogiques et sociaux qui nourrissent la diversité et la
pluralité. Et, il n’y a pas mieux qu’un dispositif actionnel, varié et multilingue pour
traduire cette mouvance. Celui-ci englobe, entre autres, un portfolio plurilingue qui
devrait accompagner chaque citoyen depuis sa scolarité précoce et primaire.
Ainsi, en guise de conclusion à ce chapitre, les résultats de notre enquête, notamment
dans sa composante quantitative sont importants. La matrice qui régit le questionnaire
adressé aux étudiants nous a mieux rapproché de la réalité des pratiques du français
langue universitaire. Les étapes fondamentales de notre action consistent en
l’identification et le parcours scolaire, la langue de spécialité et les études universitaires,
l’environnement linguistique et les interactions en français, les perspectives futures et
l’usage de la langue française sont autant d’éléments qui nous ont aidé à décortiquer la
réalité de la pratique linguistique des étudiants de la faculté de Droit de Settat. Dans une
étape ultérieure, l’analyse qualitative complétera l’image et nous aidera à approfondir
notre compréhension de la réalité de ce cadre universitaire. C’est le développement que
nous allons poursuivre dans le cadre du dernier chapitre que nous aborderons dans ce
qui suit.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 250
Chapitre 9.

Analyse qualitative et entretiens des enseignants


L’analyse qualitative des entretiens des enseignants est une étape cruciale dans le
déroulement de notre recherche. Par les orientations épistémologiques opérées ainsi que
les méthodologies préconisées et le mode de recueil de données textuelles adopté, nous
continuons notre analyse entreprise et la portons vers les horizons probants afin de
rendre notre approche du cadre de la recherche particulière. Cette singularité est
inhérente au cadre universitaire lui-même, soumis rarement aux études de ce genre et
par la nature de l’échantillon choisi, qui présente un certain nombre de caractéristiques
que nous allons décrire au moment opportun. Nous avons prévu deux moments forts
dans le cadre de ce chapitre qui résument l’approche catégorielle retenue ici. Le premier
moment concerne l’approche lexicale mobilisée dans le but de contourner la réalité
linguistique à la lumière des mots clés émergeant du discours des enseignants. Le
second moment se borne à effectuer une analyse thématique par l’exercice de la
catégorisation et la détermination des structures discursives du corpus des entretiens.

9.1 Orientations épistémologiques et approche méthodologique


mobilisée

Trouver les éléments de réponse à une problématique de recherche se traduit


nécessairement par l’ancrage épistémologique et le choix de l’approche méthodologique
appropriée. L’objectif principal de notre recherche est d’étudier les facteurs déterminants
dans la maîtrise de la langue française chez les étudiants de la faculté de Droit.
S’acharner à contourner ce qui constitue les écueils à la compétence linguistique et
communicative chez les étudiants de la faculté de Droit. Ensuite, nous envisageons la
possibilité de proposer un dispositif cohérent et rationnel qui favorise l’émergence des
talents et les succès en enseignement/apprentissage universitaire.
Après l’analyse quantitative des résultats des questionnaires administrés aux étudiants,
nous proposons une analyse qualitative. Celle-ci est de nature à compléter la première.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 251
Elle vise l’étude des représentations du point de vue des enquêtés sur les questions
d’ordre linguistiques et didactiques soulevées.
Sans entrer dans les détails qui distinguent l’analyse qualitative de l’analyse quantitative,
nous jugeons judicieux d’introduire un certain nombre de précisions. Nous signalons, de
prime abord, que la mention « qualitative » doit être prise dans une triple signification.
Primo, les instruments et les méthodes sont utilisés et adoptées dans une perspective
qualitative de recueil et de traitement de données (témoignages, notes de terrain,
enregistrements de différents ordres). Secundo, l’analyse de données s’effectue aussi de
manière qualitative (plutôt que de transformer les résultats en pourcentages ou en
statistiques, le chercheur s’efforce à dégager le sens de ces données, d’essayer
d’expliciter les enjeux.). Tertio, et c’est le point culminant de cette opération, l’ensemble
du processus de la recherche se déroule de manière « naturelle » sans intervention
d’agents extérieurs, ni d’artifices dans les mises en de situation. Autrement dit, le
chercheur met à contribution toutes ses qualités intellectuelles et humaines dans une
logique de proximité afin de mieux comprendre les comportements des enquêtés, leurs
attitudes afin de mieux analyser et interpréter les résultats.
Contrairement à l’analyse quantitative qui procède par la mesure de variables à
caractère mathématiques et statistiques, l’analyse qualitative privilégie l’étude des
expériences individuelles ou collectives ainsi que les pratiques courantes. Notre
démarche emprunte la voie de l’analyse catégorielle. Celle-ci regroupe les fréquences
des mots clés des entretiens et les thèmes abordés, outre le regroupement et l’inventaire
en catégories significatives des éléments caractéristiques de données textuelles. Cette
opération constitue une étape incontournable dans l’analyse qualitative et consiste en la
détermination du matériau d’analyse introduisant, par la suite, l’interprétation.
L’analyse du contenu de la représentation doit nous permettre d’accéder au cadre de
référence interprétatif des enquêtés. A préciser que notre lecture, n’est pas littérale, se
limitant au «pied de la lettre» des messages produits. C’est une lecture fouillée, qui
s’attache à élucider ce qui est caché et mettre à jour le sens implicite, il ne s’agit pas :
« de traverser des signifiants pour saisir des signifiés (déchiffrement normal) », mais
comme l’a pertinemment souligné Bardin « au travers de signifiants ou de signifiés
d’atteindre d’autres «signifiés» de nature psychologique, sociologique, politique,
historique, etc.» (Bardin, 1998 : 46).

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 252
La remise en question de la connaissance produite, du savoir et du savoir-faire mobilisés,
selon une démarche compréhensive constitue un préalable à toute recherche. De ce fait,
l’objectif de ce chapitre est de bien situer notre travail sur le plan épistémologique, de
présenter ses étapes, d’exposer les choix méthodologiques retenus dans la présentation
des résultats des données textuelles et de tirer les conclusions.

9.1.1 Positionnement épistémologique de la recherche

L’angle d’attaque choisi s’inspire largement de l’analyse qualitative. Celle-ci, nous a


amené à examiner par le truchement de la revue de la littérature les domaines de la
sociolinguistique et de la didactique et à réfléchir sur leurs présupposés
épistémologiques. Domaines qui ne relèvent pas des sciences exactes ou « dures ». L’on
sait parfaitement bien qu’en matière de recherche en sciences humaines et sociales,
nous pouvons globalement identifier trois orientations épistémologiques, à savoir la
position positiviste, à côté de la position constructiviste et celle ‘‘interprétativiste’’. Ces
choix épistémologiques constituent, en réalité, des cadres de référence pour les
chercheurs. Ils présentent un double avantage, évaluer, d’un côté, la scientificité de ses
énoncés. Et de l’autre, mener une réflexion de nature à mettre en place la validité et la
légitimité du travail.

9.1.2 Modes de recueil de données : l’entretien semi-dirigé

Il existe plusieurs modes de collectes de données qualitatives. L’entretien individuel et


l’entretien collectif, l’observation participante… en sont les principaux modes retenus.
Pour notre étude, nous avons choisi l’entretien semi-dirigé (ou semi-directif), comme
outil de base de collecte de données qualitatives. C’est une technique efficace pour
l’analyse de données « discursives reflétant notamment l’univers mental conscient ou
inconscient des individus» (Wacheux, 1996). L’entretien semi-dirigé est un mode qui
permet d’explorer et de comprendre les manifestations non quantifiables, mais qui
jouent un rôle décisif dans le déroulement des événements humains et sociaux à l’instar
des perceptions, des comportements et des interactions sociales, évidemment à travers
les discours des acteurs.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 253
9.1.3 Méthode d’analyse poursuivie

Le corpus sur lequel portera notre analyse de contenus ou analyse de données textuelles
(ADT) est constitué d’entretiens semi-dirigés, réalisés avec les enseignants de langue de
la faculté de Droit. Ce corpus est soumis, d’abord, à l’appréhension globale de l’analyse
lexicale, selon les règles de la lexicométrie. Ensuite, nous passons à l’analyse thématique
proprement dite par le biais de la méthode d’analyse de contenus. Celle-ci consiste en
l’étude détaillée, dans laquelle chaque entretien est découpé en unités significatives afin
d’étudier les phénomènes caractéristiques et comparables.
Avant de procéder à l’analyse des entretiens, quelques précisions d’ordre
méthodologique s’imposent. En effet, l’analyse des données textuelles (ADT) se base sur
quatre approches pouvant être présentées de la manière suivante :
 L’approche lexicale, elle consiste à dégager les mots clés et de s’arrêter sur
leur degré de fréquence pour vérifier leur place dans le texte ou dans les
propos recueillies,
 L’analyse linguistique s’attache à donner une réponse à « comment parle-t-
on ? », autrement dit elle s’attache à étudier les outils, les moyens et les
contextes qui ont donné lieu au texte ou aux propos tenus,
 L’approche de la cartographie cognitive ou « comment représenter une
pensée ? »
 L’approche thématique qui se charge de trouver les réponses à « comment
interpréter un contenu ? »

Pour la commodité du travail, nous avons identifié la première approche (l’approche


lexicale) et la dernière (l’approche thématique) comme les principaux outils de notre
analyse. La première, nous permet de focaliser notre attention sur ce que pensent les
enseignants interviewés des cours de langue assurés, des contenus et des méthodes
préconisés, du niveau de leurs étudiants... . Nous cherchons en quelque sorte, à jeter
une lumière utile sur le prédicat. La seconde approche, porte notre analyse vers une
dimension plus approfondie, dans la mesure où elle nous permet de comprendre les
enjeux de l’enseignement du français à l’université, d’étudier les tenants et aboutissants
de cet enseignement. Cette analyse s’effectue dans le cadre de l’ingénierie didactique qui
cherche à clarifier les rapports entre les différentes parties prenantes, à expliquer la
nature des difficultés et les obstacles rencontrées sur les plans pratiques et théoriques.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 254
Notre objectif, ici, va au-delà de la simple stratégie d’élucidation de la problématique
pour proposer à la fin des solutions pratiques.
9.2. Démarche de l’approche lexicale
Cette approche inscrite largement dans la vision de l’analyse qualitative, est réservée à
des corpus de plus grande taille. L’approche lexicale présente principalement l’avantage
de réduire de manière considérable le volume d’information à analyser. Elle opère le
calcul des propriétés statistiques du texte de l’entretien et présente notamment la
possibilité de lectures successives. En cela, elle permet la découverte de résultats
statistiques parfois surprenants. Ce qui autorise de nouvelles interrogations et de
nouvelles remises en question théoriques.
L’approche lexicale dégage pertinemment les caractéristiques de chaque texte, nous
pouvons y repérer différentes fonctions. Parmi ces fonctions, nous nous arrêtons sur la
possibilité de fabriquer un lexique de mots du texte, grâce aux différentes occurrences, à
la richesse lexicale, au regroupement de forme lexicale identique... . A signaler que ce
lexique est présenté sans marquages morphosyntaxique et sémantique.
L’approche lexicale facilite le retour au texte à partir de certaines entrées lexicales. Ce
qui permet de porter un nouveau regard sur le texte. Aussi, la lecture du même corpus
peut s’effectuer à l’aide de logiciels spécialisés comme Alceste et Lexico. Le premier
manipule des dictionnaires spécifiques quant au second, il introduit des variables de
codification, permettant de dénombrer dans le texte des formes particulières. Dans ce
sens, le texte peut être relu avec des quasi-variables. En analyse quantitative, cela
s’apparente à des variables ayant le fonctionnement des items d’un questionnaire fermé.
En sciences de gestion, les chercheurs considèrent que les productions discursives, c’est-
à-dire les réalisations et les investigations du terrain constituent une entrée privilégiée à
leur objet d’étude. La démarche poursuivie est une démarche qui se base sur les
principes, de la statistique fréquentielle, en cherchant le degré de redondances des
traces lexicales. Son rôle principal réside dans la découverte de proximités entre les
mots employés. Cette discipline recours le plus souvent à l’outil informatique afin de
réaliser des lectures de discours assistées. Elle a l’avantage d’introduire la réflexion sur
le concept fondamental de « représentation de la réalité par le langage ».

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 255
9.2.1 « Nuages de mots », une entrée lexicale par générateur de mots clés
Pour notre approche lexicale, nous avons eu recours au générateur de mots clés
« nuages de mots » ou « tag cloud ». C’est une technique très simple qui consiste à
visualiser les mots clés d’un document écrit afin d’en faciliter la compréhension. Les mots
qui apparaissent le plus fréquemment dans le texte, sont distingués par la taille de leur
police. Certaines applications proposent des tableaux de fréquence et de répétition des
mots. C’est ce que nous avons tenté de réaliser dans la première étape d’analyse de
notre corpus d’entretiens (Annexe 5). Quelle que soit la démarche de « lecture assistée »
poursuivie, il faut garder à l’esprit, que ce qui importe le plus, c’est le découpage du
texte en unités et la possibilité du traitement des ambiguïtés.
9.2.2 L’approche lexicale et les constantes de l’analyse qualitative
Dans la recherche, l’analyse qualitative se base sur la démarche exploratoire et
compréhensive. L’objectif principal étant, l’approfondissement de la compréhension des
structures et des constances, qui caractérisent les corpus étudiés. En effet, pour étudier
le phénomène linguistique, les enjeux du français langue universitaire au Maroc et pour
comprendre les positions et les perceptions des enseignants de français dans ce contexte
particulier, nous avons élaboré des entretiens semi-dirigés à destination des dits
enseignants. Nous nous attacherons à présenter, dans ce qui suit, les modes de collecte
des données qualitatives par le biais de l’approche lexicale. La technique de nuages de
mots nous a permis de faire émerger des mots clés que nous présenterons
successivement dans les tableaux qui suivent. Notre présentation s’inscrit dans le cadre
des axes de recherche qui régissent notre analyse de données textuelles et qui sont au
nombre de quatre. Cependant, pour la commodité de l’approche lexicale, nous allons
présenter et soumettre à l’analyse les trois premiers axes.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 256
9.3. Profils des enseignants de langue : expériences pédagogiques
et contraintes du terrain

Fréquences

Questions n° Mots clés Enqêté1 Enqêté2 Enqêté3 Enqêté4 Enqêté5


(XX MM) (Ybp) (Y RJ) (X Ix M) (X DHM)
1 - Etudiant 7 3 3 0 4
- Langue 7 4 3 1 3
- Module
- … 6 0 2 3 5

Tableau 38 A.L Q.1 T.1

De la lecture du tableau ci-dessus, il ressort que le champ lexical des enseignants


participants à notre enquête est riche en vocables qui relèvent du domaine de l’action
pédagogique. Le mot clé « étudiant » est fréquent chez les enseignants sauf chez
l’enquêté4 (X IM). Il en est du même pour le mot clé « module », que nous pouvons
déceler dans les propos des enseignants selon l’ordre de fréquences qui suit : (6) fois
chez l’enquêté1, (4) fois chez l’enquêté5, (3) fois chez l’enquêté4, (2) fois chez
l’enquêté3 et absent dans les propos de l’enquêté2. Cependant, chez ce dernier, le mot
« module » est probablement remplacé par d’autres termes comme « enseignement » se
répétant (5) fois, « enseigner » (2) fois et «semestre » (2) fois. Le non recours au même
mot clé utilisé par son/ses collègue(s) s’explique par des choix lexicologiques et
contextuels, comme pour marquer subjectivement son message ou vouloir prendre
position. Par rapport aux mots évoqués dans le cadre des réponses à la première
question, cela relève plus du lexique qui fait partie du dictionnaire pratique de chaque
enseignant. L’essentiel, c’est que pratiquement tous les enseignants ont eu recours aux
mots et concepts qui traduisent à la fois leur domaine de prédilection, à savoir le
domaine pédagogique et leurs soucis professionnels à l’égard de l’action qu’ils
accomplissent.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 257
9.3.1 Degré de maîtrise du français et propositions d’amélioration

Fréquences

Questions Mots clés Enqêté1 Enqêté2 Enqêté3 Enqêté4 Enqêté5


n° (XX MM) (Ybp) (Y RJ) (X Ix M) (X DHM)
- Niveau 3 2 5 3 3
- Etudiants
2 8 1 3 3 4
- Filières/études/
cursus/cours … 9 0 2 1 3
- Difficultés 4 0 3 3 5
- Etudiants
3 6 2 1 3 2
- Compétences
6 8 4 3 3
4 - Cycles 3 2 4 2 8
d’enseignement
- …
5 - Compétences/ 7 7 4 2 3
succès

Tableau 39 A.L Q.2 T.2

Cette partie couvre les questions n°2, 3, 4 et 5 de notre entretien. L’objectif de ces
questions est de constituer une idée sur le niveau des étudiants à travers le point de vue
des enseignants, c'est-à-dire à partir de leurs jugements et leurs appréciations. Dans le
chapitre précédent, nous avons évoqué cette question de maitrise du français au point
de vue des étudiants eux-mêmes. Cependant, avec la participation des enseignants,
l’angle d’attaque est différent. En effet, le corps professoral de la faculté de Droit, nous
donne une idée précise sur le niveau des étudiants et nous explique de manière
pertinente les obstacles linguistiques rencontrés. Les enseignants sont à même de
contourner les différentes causes de la baisse du niveau de leurs étudiants. Celles-ci sont
multiples et peuvent être globalement ramenées à leur scolarité antérieure, au problème
de la massification qui pénalise les étudiants par le manque d’interactions et
d’encadrement pédagogique (pédagogie différenciée ou approche individualisée de l’acte
d’enseignement), ainsi que par le manque de cohérence et de continuum dans tout le

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 258
système, étant donné qu’il n’y a pas de pré-requis lors du passage d’un cycle à un autre,
du primaire au secondaire collégial et ainsi de suite.

9.3.1.1 Niveau des étudiants

Dans notre approche lexicale, nous avons pu ressortir les occurrences des mots :
- « Niveau », répété (5, 3, 3, 3 puis 2 fois),
- « Etudiant », répété (8, 4,3, 3 puis 1 fois),
- « Module, cours ou cursus », répété (9, 3, 2, 1 puis 0 fois).

Les vocables retenus requièrent une importance de premier ordre dans le processus
d’enseignement/apprentissage. Pour nos enquêtés, la fréquence des vocables est
significative. Elle est d’autant plus significative dans le contexte discursif, dans lequel elle
apparaît. Nous allons nous arrêter sur le contexte socio-discursif et pragmatique lors de
notre analyse thématique. Cependant, il est judicieux de signaler que le
vocable « Niveau » apparait dans le corpus accompagné de qualificatifs tantôt
« mélioratifs », avec l’adjectif « satisfaisant », tantôt « péjoratifs », avec les adjectifs
« critique », « faible » voire « calamiteux ». Parfois, l’on a recours à des qualificatifs plus
neutres à l’instar des descripteurs de l’échelle des niveaux « A1 », « A2 » ou « B1 » pour
évaluer de manière objective et rationnelle le niveau des étudiants. L’intérêt de cette
analyse permet d’enrichir la recherche par les éclaircissements ramenés. Elle permettra
également de choisir le type du test de niveau ou du test de positionnement adéquat
pour le public des étudiants de la faculté de Droit.

9.3.1.2 Compétences linguistiques et difficultés rencontrées

Le vocable « compétence » apparaît deux fois dans le contexte des réponses à nos
questions (question n°3 et question n°5), avec l’apparition des occurrences
successivement au nombre de (8, 6, 4, 3 et 3 fois) puis (7, 7, 4, 3 et 2 fois). Les
occurrences liées à la compétence sont retenues pour décrire à la fois l’ensemble des
savoirs et savoir-faire requis chez l’étudiant universitaire, ceux-ci doivent être tangibles
et observables, ainsi que les éléments, qui traduisent le degré de maîtrise de la langue
française se résumant en facultés et aptitudes (faculté de comprendre et de produire
l’écrit/l’oral).

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 259
A vrai dire, le concept « compétence » est un concept incontournable en didactique des
langues. Dans notre partie théorique, nous avons souligné l’intérêt majeur de focaliser
l’action didactique et pédagogique sur le développement de compétences linguistiques,
communicatives, nous avons même évoqué le concept de compétences « plurilingues ».
Les enseignants enquêtés témoignent d’une prise en compte de ce concept, à la fois,
pour l’analyse de la situation linguistique dans le contexte universitaire et pour la
conception et l’élaboration de leurs cours. Cette compétence ne se limite pas uniquement
aux seules connaissances des règles de grammaire et aux fonctionnements syntaxiques
et lexicaux, elle doit être traduite en comportements palpables, incarnés dans les
réalisations de tâches universitaires, de productions discursives, de prises de parole en
public dans des situations effectives d’échange au sein de l’université53, de rédaction de
travaux écrits (compte-rendu, synthèses, rapports de recherche …).
« Cursus et parcours scolaire », « niveaux des étudiants », « compétence et maitrise du
français de spécialité » sont autant de vocables utilisés par les enseignants enquêtés
pour faire l’état des lieux du contexte de travail et pour proposer des situations et des
outils didactiques d’amélioration du cadre et des activités entreprises. Il s’agit ici des
éléments clés qui expliquent l’origine des difficultés et des obstacles qui entravent
l’apprentissage du français et impactent, au niveau universitaire, le développement de
compétences en langues de spécialités.
Les précisions introduites par les enseignants confirment en quelque sorte nos
hypothèses de départ, notamment les sous-hypothèses liées à la scolarité antérieure et
aux méthodologies didactiques adoptées au niveau de l’enseignement secondaire. En
effet, ces dernières ne préparent pas suffisamment les étudiants à effectuer des tâches
essentielles dans leur formation. Ce qui fait que leurs connaissances linguistiques sont
plutôt théoriques.
9.3.2 Le Français langue universitaire : didactique, numérique et TICE
Sous cet intitulé, nous avons regroupés trois éléments constitutifs de l’axe : français
langue universitaire. Ces éléments se rapportent à la didactique, à l’utilisation du

53
Dans leur parcours universitaire, les étudiants participent à l’organisation d’événements au sein de l’université
même, sous forme d’activités pédagogiques, culturelles ou sociétales. Ils participent également à des activités
para-universitaires. Nous considérons que ces activités, outre les rôles pédagogiques qu’ils remplissent, ont une
influence directe sur l’étudiant et son développement personnel.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 260
numérique et à l’intégration des Technologies de l’Information et de la Communication
pour l’enseignement (TICE) comme vecteur de développement de compétence en
langues.

Fréquences

Questions Mots clés Enqêté1 Enqêté2 Enqêté3 Enqêté4 Enqêté5


n° (XX MM) (XY BO) (XY RJ) (XX IM) (XX DHM)
- Cours (modules, 3 2 8 3 4
supports, …)
6
- Etablissement,
faculté, … 2 2 2 7 3
- Enseignant/ 4 1 2 4 2
équipe
7 - Action péda. /
enseignement … 6 2 2 3 4

- TICE, numérique 7 8 7 5 3
- Action
8 et 9 4 5 4 3 4
pédagogique

Tableau 40 A.L Ax.3 T.3

Pour ce qui est des questions didactiques soulevées par les enquêtés, il faudrait d’abord
les rattacher au milieu universitaire où se déroule l’action pédagogique. Ensuite, c’est
l’équipe des enseignants et l’action pédagogique, elles-mêmes qui sont le centre
astronomique de considérations didactiques. Enfin, l’intégration des TICE et l’usage du
numérique constituent les défis majeurs relevés aujourd’hui.
9.3.2.1 Le milieu universitaire et le déroulement des cours
La Faculté de Droit est un lieu particulier, l’une des particularités sur laquelle nous avons
incessamment insisté est le grand nombre des étudiants inscrits dans cet établissement.
La présence massive des étudiants pose des difficultés de différents ordres, celles qui
nous intéressent sont liées essentiellement au cadre du travail et à l’encadrement
pédagogique. En effet, les vocables qui renvoient à cet établissement sont multiples et

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 261
récurrents dans les propos des enseignants participants à notre entretien. Nous avons pu
repérer les termes « établissement », « faculté », « FDS »… qui désignent la faculté de
Droit de Settat. Il est très important d’étudier le contexte pédagogique et être en mesure
de dégager les spécificités du terrain pour pouvoir poser les jalons de l’action
pédagogique appropriée.
Sur le plan du module (LCT), notamment le déroulement des cours, les enquêtés ont été
conscients de l’influence du milieu sur les modalités d’exécution des tâches
pédagogiques. Le mot clé émergent est « cours », avec des vocables de sens
approximatifs comme « module », « ressources »… . Dans le contexte des réponses à la
question n°6, l’apparition des occurrences liées à ce vocable peuvent être présentées
selon le schéma suivant : (8, 4, 3, 3 et 2 fois).
Evidemment, les cours assurés au niveau de la faculté de Droit sont largement inscrits
dans les orientations et les méthodologies préconisées par le ministère de
l’enseignement supérieur. Pourtant, ce sont des cours qui laissent observer des
particularités pédagogiques, didactiques et méthodologiques. Celles-ci sont liées à la
nature de la matière enseignée, au public cible outre les particularités du milieu en
question, selon les explications des enquêtés.
Cette conclusion confirme notre hypothèse, et surtout la sous hypothèse formulée au
sujet des conditions du travail (logistique et équipement) et leur impact sur la qualité de
l’enseignement. L’affectation des étudiants dans des groupes massifs allant de deux
cents (200) à trois cents (300) étudiants, voire plus ne permet nullement la prise en
compte de la composante qualité dans les cours assurés.
9.3.2.2 l’équipe des enseignants et l’action pédagogique
De l’examen du tableau ci-dessus (tableau A.L Ax.3 T.3), il ressort que le degré de
fréquence des mots clés liés à cette question, à savoir « équipe des enseignants » et «
action pédagogique » peuvent être présentés successivement comme suit : (4, 4, 2, 2 et
1 fois) ; (6, 4, 3, 2 et 2 fois).
Les vocables retenus, notamment leur fréquence significative, dénotent l’intérêt accordé
au travail d’équipe et son impact sur l’action pédagogique. Les enquêtés sont conscients
du rôle important du travail d’équipe, même s’ils reconnaissent que c’est une option qui
n’est pas assez développée dans le contexte de la faculté de Droit. Nous aurons
l’occasion de revenir dans la section suivante, lors de l’analyse thématique des

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 262
entretiens, sur les causes de ce manque de coordination en matière d’action
pédagogique.
9.3.2.3 Le numérique et les TICE
Le recours au numérique et l’intégration des TICE dans le système éducatif est une
ambition majeure à fructifier l’action pédagogique et tirer le meilleur parti de la
technologie. Nous avons dégagé « TICE » et « numérique » comme mots clés pour
comprendre la réalité du recours à l’outil technologique et surtout pour mesurer le degré
de prédisposition à rentabiliser son usage. Ainsi, les enseignants participants à cette
enquête ont pu utiliser, plusieurs fois, ces vocables (8, 7, 7, 4 et 3 fois). C’est le degré
de fréquence le plus élevé dans notre corpus. Ce qui dénote l’intérêt primordial, accordé
à l’intégration de la technologie dans le système. Nous vu dans le cadre de notre étude
quantitative, notamment dans la sous section (8.5.4) que les étudiants de la faculté de
Droit adoptent une attitude, également, favorable à l’intégration des TICE dans les
cursus. Cette attitude favorable peut être expliquée par le recours, de par le passé, c'est-
à-dire la scolarité antérieure des apprenants, aux TICE et la technologie numérique, nous
rappelons que 72% de notre échantillon expérimental affirment avoir déjà été exposé
aux TICE dans leur parcours.
Cependant, cet usage de la technologie est-il généralisé ? Quels usages fait-on du
numérique et des TICE ? La technologie est-elle au service de la pédagogie ? fait-elle
l’objet de réflexions pédagogiques profondes ou simplement avons-nous recours à la
technologie pour la technologie ?
Toutes ces questions, ainsi que la question de clôture portant sur les suggestions des
enseignants et des perspectives d’actions à venir, feront l’objet de notre réflexion et des
développements dans la section suivante, réservée à l’analyse thématique.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 263
9.4 L’analyse thématique
9.4.1 Préalable à l’analyse de contenu
Dans la section précédente, nous avons dégagé les principaux mots clés des entretiens.
Cela nous a permis d’étudier le processus d’enseignement du français langue
universitaire à la lumière de la vision des enseignants. Nous nous focalisons dans ce qui
suit, sur les thèmes qui émergent de ces entretiens, ainsi que sur les résultats issus de
l'analyse du verbatim.
Le chercheur en analyse de données textuelles, naturellement dans une perspective
qualitative, est confronté à une articulation de son travail en trois étapes principales qui
sont : la pré-analyse, l’exploitation du matériel et l’interprétation des résultats.
La pré-analyse est un préambule, une préparation à l’analyse. L’accent est mis lors de
cette phase sur le but, sur l’objet. Ceci peut être réalisé sous forme de lecture, de
réflexion et de recherches documentaires. Cette étape d’exploration passe par une revue
de la littérature de la question. Il est inutile de rappeler la pertinence des recherches
déjà effectuées. Celles-ci permettent d’aborder d’une façon générale la didactique des
langues. En ingénierie didactique, les études portant sur le français langue universitaire
au Maroc existent, mais elles sont souvent abordées sous un angle plus global et
théorique, survolant pour ainsi dire les caractéristiques et les aspects linguistique et
sociolinguistique. Et si elles s’orientent vers le terrain, elles n’empruntent guère la voie
de la recherche-action.
Conscient de l’indissociabilité de la dimension cognitive et disciplinaire dans l’utilisation
de la langue en contexte universitaire, nous avons combiné l’exploitation du matériel
utilisé à l’interprétation, mais sans vocation d’élucubration. Comme notre analyse est
centrée sur la dimension discursive, sur les données textuelles, fruits d’une longue
expérience des enquêtés, nous avons veillé à élaborer les règles de découpage et de
catégorisation dans la perspective d’être en mesure de traduire la richesse de cette
expérience et afin de procéder à une analyse détaillée et pertinente du corpus recueilli
(Annexe 6).
Nous avons fait appel au logiciel Atlas ti pour l’opération de codage des entretiens et
traitement de données textuelles (Annexe 7). La catégorisation ou (le codage) est une
opération essentielle dans le déroulement du processus. La catégorie (ou le code)
constitue un élément de base essentiel à l’analyse de contenu. Il correspond à « une

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 264
notion générale représentant un ensemble ou une classe de signifiés. » (Mucchielli,
1986 : 34)
C’est un regroupement d’unités de sens retenues en vue d’illustrer le message de base,
le message de l’enquêté, mais présenté d’une manière plus « condensé » et
« synthétique ».
Cela nous a permis de dégager les principaux thèmes, c'est-à-dire les notions
fondamentales dans l’étude des représentations et des points de vue sur les paramètres
contextuels prégnants et décisifs dans l’analyse du fait linguistique et didactique dans le
milieu universitaire. En effet, Bardin a pertinemment souligné que dans le cadre de
l’analyse thématique ce qui importe le plus c’est de repérer les : « ‘‘noyaux de sens’’ qui
composent la communication et dont la présence ou la fréquence d’apparition pourront
signifier quelque chose pour l’objectif analytique choisi. » (Bardin, 1998 : 137)
De plus, le thème possède une signification particulière pour un locuteur, c’est en cela
qu’il requiert toute l’attention du chercheur, car :
«Toute analyse de contenu vise, non l’étude de la langue ou du langage, mais la
détermination, plus ou moins partielle, de ce que nous appellerons les conditions de
production des textes qui en sont l’objet. Ce que l’on cherche à caractériser ce sont ces
conditions de production et non les textes eux-mêmes. L’ensemble des conditions de
production constitue le champ des déterminations des textes.» (Henry et Moscovici,
1968 : 37)
L’analyse thématique doit permettre de faire émerger les thèmes qui constituent le
centre d’intérêt des enquêtés. Tenant compte des textes produits (les entretiens), de
leurs conditions de production, des paramètres psychologiques, socioprofessionnels et de
la situation de communication, nous avons dégagé les principaux thèmes des entretiens
que nous avons pu associer aux axes majeurs de l’analyse. Ces derniers peuvent être
répertoriés comme suit :
- le profil et l’expérience des enseignants,
- le niveau linguistique : obstacles et améliorations,
- le français langue universitaire : didactique, numérique et TICE
- l’enseignement du français pour un public d’étudiants de filières
spécialisées : perspectives et suggestions.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 265
Par ailleurs, chaque nouveau thème émergeant passe par le questionnement socio
didactique du français langue universitaire au Maroc, c’est-à-dire la prise en compte dans
l’enseignement, de l’environnement social des acteurs.
Pour chaque thème, nous avons introduit les précisions inhérentes à la nature des
données discursives, de la structure et l’articulation de l’entretien afin de vérifier s’il est
évoqué spontanément, s’il est mûrement réfléchi ou s’il s’agit d’une question, d’une
suggestion ou d’une incitation exprimées par l’interviewer.
9.4.2 Analyse thématique proprement dite
Après avoir réalisé une structure thématique pour l’ensemble du corpus, nous avons
effectué une analyse spécifique pour chaque axe. La détermination des grandes lignes de
l’analyse est délimitée par les différents thèmes abordés par les enquêtés dans le cadre
des questions que nous leur avons posées. Cette démarche analytique poursuivie a pour
avantage de souligner les sujets les plus importants pour chaque informateur. Cette
phase indispensable pour l’analyse des différents entretiens est rendue possible par
l’élaboration de fiches thématiques qui regroupent tous les extraits des entretiens.

9.4.2.1 Profil des enseignants et expériences du terrain


Il s’agit ici du premier axe, intitulé (Profil et expériences), de notre enquête. L’analyse de
données textuelles, suite au traitement automatique du verbatim nous a permis de
dégager les quatre thèmes fédérateurs suivants (Figure 11, ci-dessous) :
- réforme de contenus,
- horaire,
- conditions peu favorables,
- développement de compétences.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 266
Figure 13 : traitement automatique des entretiens.

En rapport avec l’intitulé de cet axe, nous tenons à préciser que la plupart des
enseignants du module (LCT) ont bénéficié d’une formation de formateur à la faculté des
sciences de l’éducation, après une licence en littérature. Cette formation les a mieux
préparés à intégrer le domaine de l’enseignement du français et du module en question.
De plus, les enseignantes et enseignants de la faculté de Droit jouissent tous d’au moins
une douzaine d’années d’expérience et d’exercice. Ce qui les a placés dans une situation
d’expertise et de praticien expérimenté, nécessaires à notre recherche-action.

a) « Réforme de contenus »

Cet atout lié à l’expérience laborieuse de nos enquêtés est manifeste dans leur analyse
des différentes réformes engagées dans le système. La thématique de la réforme est non
seulement présente dans le discours des enseignants, sous les indications [2:3] ; [3:2] ;
[4:2] ; [4:4] ; [5:2] de la fiche thématique (Cf. Figure 11), mais elle semble marquer
leur position à l’égard de tous ce qui concerne leur métier, c'est-à-dire l’enseignement.
La réforme de 2003 a introduit le système (LMD) au niveau de l’enseignement supérieur
au Maroc. C’est une réforme qui a révolutionné les pratiques courantes par le biais du
système modulaire, un enseignement par modules en deux semestres pour l’année
universitaire.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 267
Sur le plan de l’enseignement des langues, cette année a connu la généralisation du
module « langue et communication », jusque là réservé aux établissements sélectifs, dits
à accès régulé, à tous les établissements de l’enseignement supérieur y compris les
facultés de Droits. Il faudrait dire que cette réforme n’est pas passée comme prévue et
les objectifs tracés se sont avérés en deçà des aspirations. Ce qui induit la réforme de
2009, désignée couramment par le Programme d’Urgence.
Sans entrer dans les détails du programme d’Urgence et ceux des autres réformes qui
vont le suivre. Ce n’est pas notre objectif. Nous avons remarqué grosso modo le recours
des enquêtés à la thématique de « réformes » pour témoigner des aspects positifs ou
négatifs qui influencent leurs pratiques pédagogiques et par là, le niveau de leurs
étudiants. Parmi ces réformes introduites, nous nous arrêtons sur la question des
horaires alloués à l’enseignement du module (LCT).

b) Les horaires

La question des horaires constitue en définitive le second sous-thème dans le cadre de


notre étude. Il est présent sur la fiche thématique sous les indications [2:2] et [4:3] (Cf.
Figure 11). En effet, la masse horaire, d’une enveloppe de quatre (4) heures
hebdomadaires consacrées à l’enseignement du module LC, se voit réduire à deux
heures pendant la rentrée universitaire 2014-2015. Et ce n’est pas uniquement
l’appellation du module qui se voit révisée, « Langue et Terminologie », les contenus et
les modalités du déroulement du module ont été redéfinis dans le Syllabus des
orientations (dit d’harmonisation), édité par le ministère de tutelle de l’époque dirigé par
un ministre du Parti islamiste (PJD)54.
Ces enjeux sont importants pour comprendre la tendance et la conception de
l’enseignement de la langue française en tant « qu’outil véhiculaire du savoir » dans les
diverses filières « scientifiques et techniques ». Les étudiants sont exposés au français
pour acquérir les « outils de nature à remédier à leurs difficultés linguistiques », et à

54
Le gouvernement marocain de cette période était un gouvernement à majorité ‘‘Pjdiste’’, c'est-à-dire du parti de
Justice et de Développement (PJD), arrivé en tête des élections de Novembre 2011. Rappelons qu’à cette période le
Maroc a connu une Réforme de la Constitution suite aux influences du mouvement du Printemps arabe. Cette
précision politico-historique est importante pour comprendre un certain nombre de réformes dans le pays.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 268
saisir le sens des « contenus disciplinaires » par le biais de la « terminologie et des
concepts de leur spécialité ».
La thématique des horaires est présente dans les productions discursives des enquêtés.
Ce sous-thème est considéré comme la principale cause des obstacles à l’efficacité des
enseignements et des performances des étudiants. En effet, l’enseignant n’a que peu de
temps, deux (2) heures hebdomadaires en amphi, pour, à la fois, assurer ses cours et
contribuer au développement de la compétence linguistique de ses étudiants. Equation
difficile à résoudre, mais en tout cas elle nous donne une idée proche du cadre de travail,
défavorable à l’épanouissement des différents partenaires de l’action pédagogique. Cela
nous permet également d’introduire le troisième thème de notre enquête à savoir les
« conditions peu favorables » au travail.

c) « Conditions peu favorables… »

Tout le monde est d’accord sur l’influence du contexte de travail sur les différents
intervenants et sur leur rendement. La création de conditions, sinon aisées du moins
plausibles à la réalisation et à l’exécution des tâches, est une responsabilité qui incombe
à l’institution. L’un des principaux rôles de l’institution universitaire est de chercher à
créer le contexte favorable au déroulement de l’opération d’enseignement-apprentissage.
Il y va de sa crédibilité et de sa responsabilité sociale. Cependant, avec la flambée des
pourcentages et du nombre de nouveaux bacheliers en augmentation d’année en année
et désireux poursuivre leurs études supérieures, l’institution universitaire se trouve dans
l’impasse.
Les groupes des étudiants pris en charge par les enseignants du module (LCT) atteignent
des chiffres qui se passent de tout commentaire, entre deux cents à quatre cents pour
les filières économiques et de quatre cents à plus de huit cents pour les filières arabisées
du Droit.
Il faudrait reconnaitre que cette massification pénalise le rendement des enseignants et
influence négativement l’encadrement pédagogique. De plus, la réduction de l’enveloppe
horaire des cours à deux heures hebdomadaires, comme nous l’avons signalé ci-haut, ne
fait que compliquer la tâche des enseignants et rendre leur mission presque
« impossible ». « Voilà notre contexte de travail ! Les conditions du déroulement de
notre action pédagogique » semblent nous dire les enseignants de la faculté objet de

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 269
notre recherche-action. Les « conditions sont devenus peu favorables » à l’action
pédagogique clame un enseignant enquêté, « le contexte est contraignant », précise un
autre, « par l’arrivée, d’année en année, de groupes massifs d’étudiants ». Ce qui limite
l’action pédagogique et donne lieu à un enseignement « focalisé sur les contenus et non
sur l’apprenant et le développement de ses compétences».
Cependant, ce sont les conditions difficiles qui incitent à la création. Dans notre
démarche de travail, nous ne nous limitons pas à l’inventaire des problèmes et des
obstacles rencontrés par les différents intervenants dans le processus d’enseignement-
apprentissage. Notre intervention est à la fois de nature diagnostique et préventive ou
« thérapeutique ». L’objectif ultime étant, après avoir contourné toutes les facettes et les
écueils liés à l’enseignement du français à l’Université Hassan 1 er, comme université
émergente, de pouvoir participer à mettre le dispositif d’enseignement des langues sur
de bonnes bases.
Ceci dit, passons maintenant au dernier sous-thème, émergeant du premier thème, à
savoir le «développement des compétences ».

d) « Développement des compétences »

Le processus d’enseignement-apprentissage, s’il est réalisé dans les conditions


adéquates, contribue au développement personnel des apprenants et à leur
épanouissement. En tout cas, c’est la finalité ultime de tout système d’éducation et de
formation. Il ne s’git pas uniquement de transmettre des savoirs, ni de développer des
connaissances, mais il est question de viser des savoir-faire et des savoir- être. Cela
n’est possible que par le développement de compétences procédurales (Leboterf, 2000)
et de compétences technique et conceptuelle (Katz, 1974).
La compétence permet de mobiliser des ressources internes et externes à la fois. Les
ressources internes sont liées aux connaissances, aux capacités, aux facultés et aux
habiletés de l’apprenant ; alors que les ressources externes rattachent l’apprenant à son
environnement par le biais de personnes, d’outils et de documents, auxquels il a affaire.
Le rapport de l’étudiant à son contexte et aux ressources externes est un trait décisif
dans la détermination du caractère global et transversal de la compétence qui se
manifeste dans la complexité des tâches à accomplir.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 270
Par ailleurs, les enseignants, enquêtés dans le cadre de cette recherche-action, sont
conscients de cet aspect complexe et multidimensionnel de la compétence, même s’ils ne
l’ont pas évoqué explicitement. Cette lecture nous est possible par l’insistance de nos
enquêtés sur le contexte et les conditions de travail. Ces derniers ne sont ni favorables,
ni adéquats aux développements des compétences des étudiants. Nous avons pu
développer cette vision dans la sous-section précédente, à propos l’influence du milieu
sur le mode d’enseignement préconisé. En effet, un enseignement direct et « focalisé sur
l’enseignant » ne facilite ni le développement de compétences ni l’émergence des
talents. De plus, les ressources externes marquées surtout par l’«absence d’outils
technologiques, [la] masse des apprenants élevée, [les] horaires insuffisants, [et l’]
absence de logistique pour mener à bien l’enseignement et faciliter les apprentissages »
ne contribuent pas à la mise en place d’un enseignement axé sur les compétences et
limitent de façon « notoire l’action pédagogique ». (Cf. Annexe 6, Verbatim : E5, p. 24)
Le travail des enseignants de la faculté de Droit, malgré les difficultés du terrain, est un
exercice continu, basé sur une conception dynamique de la compétence, centré sur le
processus d’apprentissages. Il met en symbiose et en synergie l’acquisition de
connaissances, le développement de capacités et l’émergence d’attitudes afin de faciliter
l’intégration des étudiants dans cet espace universitaire et leur donner confiance en leurs
propres facultés. Cette conception de la compétence mise en pratique, nous explique les
résistances du terrain, liées surtout aux entraves, pour ne pas dire blocages, des projets
et des programmes de réformes universitaires, notamment ceux en rapport avec
l’enseignement des disciplines. En effet, « Lorsque les nouveaux curricula veulent insister
sur des nouvelles expériences et des modes de travail « en situation », sans fournir les
savoirs formels correspondants, les discours sur la mobilisation de la compétence
peuvent aboutir paradoxalement à son appauvrissement. » (Dolz & Ollagnier, 2002 :
10).
Pour donner une idée plus précise sur le secret de réussite des enseignants de langue
auprès de leurs étudiants et dans la réalisation de leurs tâches, dans ce contexte peu
favorable à l’exercice pédagogique, nous rappelons les deux logiques mises en œuvre
dans l’action pédagogique. La première porte sur la logique de l’enseignement des
disciplines et la seconde porte sur la logique de « compétence associée à l’acquisition
d’une expertise complexe, transversale et exportable en dehors du champ scolaire »

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 271
(Dolz & Ollagnier, ibid.). Les enseignants de la faculté de Droit sont situés dans la
deuxième logique. Cependant, nous ne pensons pas que le rapport entre les deux
logiques est dialectique, toujours voué à l’antagonisme, une certaine complémentarité
est possible entre les deux orientations.
En définitive, le profil et les expériences des enseignants de la faculté de droit
constituent non seulement une matière à réflexion pour aborder la problématique de
l’enseignement du français langue universitaire (FLU), mais cela a été pour nous
l’occasion d’analyser l’ensemble des éléments qui interviennent dans le processus
d’enseignement apprentissage du français et impactent le niveau des étudiants. C’est ce
que nous allons analyser dans les lignes qui suivent.
9.4.2 Niveau linguistique des étudiants de la faculté de Droit : pré-acquis et
attentes pédagogiques

Les thèmes du second axe, retenus à partir des entretiens, requièrent une importance
capitale. Non seulement, ils donnent une idée sur le niveau linguistique des étudiants,
mais ils permettent aux enseignants, à partir d’analyses et de réflexions mûries,
d’exprimer leur point de vue sur les pré-acquis des étudiants et de répertorier tous les
obstacles qui entravent le déroulement du processus d’enseignement.
Faire l’état des lieux est certes un pas décisif dans la détermination du niveau
linguistique, en ce sens qu’il s’agit de souligner le degré de maîtrise de la langue et des
compétences requises pour évoluer dans le système. C’est sous cette optique que nous
avons introduit le second axe de l’entretien avec les enseignants « Niveau linguistique :
obstacles et améliorations ». Évaluer le niveau linguistique des étudiants, tenter de
comprendre la nature des obstacles et des difficultés rencontrées est aussi important
dans la démarche poursuivie. Ce sont deux étapes essentielles à la compréhension du
phénomène linguistique étudiée et à l’analyse de la situation d’enseignement retenue.
Cela nous a été possible par le biais des questions posées dans le cadre de cet entretien.
Dans la sous-section (9.3.2) de l’analyse lexicale, nous avons relevé le manque du
continuum et de cohérence dans le système du fait qu’il n’y a pas de pré-requis qui
déterminent les compétences nécessaires pour passer d’un cycle à un autre. L’opération
s’effectue sur la base de calcul des moyennes et des résultats des examens. Ce qui ne
reflète ni le niveau réel de l’étudiant ni ses compétences linguistiques. Cependant, avec
les explications laborieuses des enseignants, nous avons pu dégager les quatre thèmes

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 272
majeurs au niveau du second axe et qui sont : le cursus antérieur, les difficultés
linguistiques (l’écrit, l’oral), la préparation aux études universitaires et le caractère
indispensable de la maîtrise du français.

a) Le cursus antérieur
L’influence de la scolarité antérieure est décisive sur le parcours de l’étudiant. Cela est
manifeste à travers le niveau de l’étudiant, les compétences développées et le mode
d’enseignement poursuivi. Ce sont, en fait, les sous-thèmes que nous avons pu dégager
à partir du thème principal (Voir annexe 7.2). Ceux-ci permettent d’observer les notions
associées au thème principal « le cursus antérieur » et jouent un rôle déterminant dans
l’analyse de la situation linguistique. Le « niveau de l’étudiant » est au centre d’intérêt
des entretiens puisqu’il apparait à plusieurs reprises sur la fiche thématique réservée à
ce thème et sous diverses indications. Ce que nous pouvons retenir de ces indications,
c’est que les enseignants récusent un niveau linguistique « faible » et situé généralement
entre A2 et B1.
Cependant, ce n’est pas seulement le cursus qui explique le niveau critique des
étudiants, il ya aussi le manque de « compétence linguistique et communicationnelle » et
« le mode d’enseignement établi », autrement dit les deux autres sous-thèmes liés à ce
thème principal. Nous n’allons pas nous étaler sur la notion de compétence du fait que
nous l’avons abordée précédemment de manière détaillée (Voir 9.4.2.1). Pour ce qui est
du troisième sous-thème se rapportant au mode d’enseignement établi, il faudrait
reconnaitre que le cours magistral ne favorise nullement l’interaction entre, d’un côté,
l’enseignant et l’étudiant, et de l’autre entre les étudiants eux-mêmes. En ajoutant ces
difficultés repérées aux autres insuffisances du système répertoriées au niveau de la
sous-section précédente, nous mettons le doigt sur l’un des points saillants qui fait
tourner le couteau dans la plaie du système éducatifs.

b) Les difficultés rencontrées


Les enseignants ont fait un inventaire quasi total des difficultés linguistiques récurrentes
chez les étudiants de première année. Ces difficultés relèvent de différents ordres :
maitrise de règles grammaticales, de terminologie spécialisée, d’expression, de
communication et de rédaction.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 273
Il est vrai que les approches préconisées dans les programmes ne focalisent pas
l’attention dans les activités linguistiques sur les règles grammaticales et les structures
syntaxiques. L’accent est plutôt mis sur les fonctionnements linguistiques en situation
d’échanges et de communication. Au niveau du lycée, ce sont plutôt les œuvres
littéraires qui constituent la base du cours de français. Ce qui fait que les étudiants
arrivent au cycle d’enseignement supérieur avec énormément de défaillances sur ce
plan. En effet, les principales difficultés sont surtout liées à l’incapacité d’utiliser « les
modes de liaisons » appropriés, aux difficultés « de construction d’énoncés adéquats » et
surtout à la difficulté de « comprendre le sens d’un document spécialisé ».
Et même si les méthodologies adoptées au niveau de l’enseignement secondaire
favorisent l’interaction, les enseignants enquêtés soulignent, avec regret, le fait que les
étudiants n’arrivent pas à prendre convenablement la parole en public. Il semble qu’ils
n’ont pas « beaucoup profité de l’enveloppe horaire alloué à l’enseignement du français
durant tout leur cursus scolaire.»

c) Préparation aux études supérieures


Les réponses fournies par les enquêtés pour déterminer le degré d’adéquation entre la
scolarité antérieure et les études universitaires spécialisées semblent complexes : en
témoigne le caractère enchevêtré de la fiche thématique (Voir annexe 7.3). La
complexité du rapport entre l’enseignement secondaire et les études supérieures se situe
à pluisieurs niveaux. En effet, la marginalisation des interactions entre les apprenants, le
manque de travail en autonomie, l’encombrement des emplois du temps par des
enseignements basés sur les modes directes et les exercices de mémorisation au
détriment des tâches et des activités de productions sont autant de défaillances et
travers qui persistent dans le système, malgré les différentes tentatives de réformes.
Tous ces éléments, nous expliquent les enquêtés, posent de sérieux problèmes et ne
favorisent nullement la préparation de l’apprenant à l’intégration de manière adéquate
des études universitaires. De plus, la question des compétences linguistiques se trouve
limitée dans son développement, et l’étudiant trime avec ses difficultés en se repliant sur
le minimum de son potentiel nécessaire à valider les modules programmés.
Ceci dit, les éléments du dispositif que nous avons présentés au sixième chapitre ne
doivent pas être strictement réservés à l’enseignement du français au niveau du

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 274
supérieur. En effet, les outils du portfolio sont adaptés à un enseignement dès la petite
enfance. De plus, les approches didactiques préconisées comme la didactique de
l’intercompréhension ou la didactique intégrée sont très efficaces en matière
d’enseignement des langues surtout au niveau de l’école, du collège et du lycée. Ceci
participe au renforcement de l’atteinte des objectifs assignés et développe les
compétences et les attitudes pré requises lors du passage au niveau supérieur.
Par ailleurs, les pré-requis et les pré-acquis sollicités par l’enseignement supérieur
doivent être explicités lors des autres phases de l’enseignement et traduits en termes
d’objectifs palpables. Il ne s’agit pas de centrer toutes les opérations
d’enseignement/apprentissage sur des contenus et des savoirs pour venir au bout du
compte, et au seuil des études universitaires exiger des compétences qu’on n’a jamais
travaillées.
Les défaillances relevées au niveau du système, et dont l’élève n’est que le maillon faible
qui constitue le côté apparent de l’iceberg, doivent donner matière à réflexion dans
l’élaboration des curricula et la définition des objectifs. Et pour plus de précision et
d’efficacité, l’on devrait mettre en place un « socle de compétences », linguistiques pour
ce qui est de notre spécialité, mais aussi disciplinaires et transversale. D’un côté, nous
aurons une feuille de route sur l’ensemble des actions à entreprendre, et de l’autre, nous
aurons tout à gagner en préparation du bachelier à son parcours universitaire.

d) Le rôle du français dans la réussite universitaire


La maitrise du français est le premier pas vers la réussite et le succès universitaires.
Nous avons souligné également, lors de notre analyse quantitative, la conscience
pertinente des étudiants du rapport entre la maitrise du français et la réussite dans les
études (Voir 8.2.4.1 et 8.2.4.2). Les résultats de notre étude qualitative, c'est-à-dire
l’analyse du corpus des entretiens semi-directifs à destinations des enseignants de
langue, viennent corroborer cette donnée (Voir annexe 7.4). En effet, les enseignants de
la faculté de Droit, évoquent, non sans raison, tout le bénéfice du bon niveau en langue
française que peut tirer l’étudiant et les résultats probants de celui-ci sur les capacités et
les facultés de compréhension et d’analyse.
La fiche thématique relative au rôle de la langue française est garnie de concepts clés et
de notions pédagogiques de nature à positiver la formation. En effet, nous avons pu faire

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 275
émerger des sous-thèmes qui dénotent cette réalité à l’instar de « succès » ou qui
traduisent des facultés et des capacités comme « l’auto-évaluation de compétences » et
la « schématisation de ses cours » ou encore qui manifestent des savoir-faire et savoir-
être « communication et développement personnel » et plus tard « insertion
professionnelle ».
Si nous savons maintenant, comme le précise un de nos sujets enquêtés que la maîtrise
du français sera plus tard « la condition fondamentale pour réussir son insertion
professionnelle » (indication [5 :21]), pourquoi, alors, continuons-nous à spéculer sur le
rôle et la place de la langue française au sein de l’enseignement et la formation ?
9.4.3 Didactique du FLU, numérique et TICE
L’axe n°3 constitue l’épine dorsale des entretiens réalisés. Ainsi, les thèmes liés à cet
axe jouissent d’un intérêt particulier de notre part. Nous avons pu analyser sur la base
des thèmes dégagés dans les axes précédents l’ensemble des éléments et des facteurs
qui influencent l’enseignement du français dans le système éducatif marocain et leurs
influences sur le niveau des étudiants. Ici, notre attention sera focalisée sur la didactique
du français et les outils mis à son service pour une action pédagogique optimale.
De même, nous tenons à signaler que les précisions que nous avons introduites
appartiennent au contexte de la faculté de Droit de Settat, sachant bien que les
difficultés soulignées et les problèmes soulevés pourraient ressembler à d’autres
contextes universitaires, cependant, les éléments d’analyse que nous introduisons dans
le cadre de cet axe sont stricto sensu appropriés à cette institution universitaire.

a) Similarité des cours et méthodologies didactiques

Sous cet intitulé, nous avons regroupé deux thèmes majeurs qui nous renseignent sur la
particularité de l’action pédagogique entreprise dans le cadre des cours de langue
assurés au niveau de la faculté de Droit. Il s’agit du thème « similarité des cours »
(Annexe 7.5) et « méthodologies didactiques » adoptés (Annexe 7.6). Pour ce qui est du
public des étudiants de cette faculté, ils proviennent dans leur majorité de zones
géographiques à caractère semi-rural. L’appartenance géographique est un facteur
prépondérant dans la détermination du niveau linguistique et, comme le précise un
enseignant enquêté, ces dites zones « ne favorisent pas l’enseignement du français,
comme dans les grandes villes … ».

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 276
Conscients des limites des facteurs géographiques et logistiques en matière
d’enseignement du français, l’équipe d’enseignants de langue a mis en place une
stratégie qui, à la fois, facilite le contact avec ce public particulier et lui propose des
contenus adaptés à ses besoins effectifs. Il parait que c’est la question du besoin
spécifique -car chaque enseignant considère que ses étudiants sont particuliers et ont
des besoins plus particuliers encore- qui est derrière la tendance à proposer des activités
linguistiques et des contenus pédagogiques différents de ceux proposés par son collègue.
Cela dit, le thème des « méthodologies didactiques » occupe une place centrale dans les
discussions des enseignants. En effet, si ces derniers ne partagent pas « les mêmes
cours et les mêmes supports », rien n’empêche que les mêmes visions et les mêmes
convictions ne soient partagées. Pourtant, ce qui est souhaitable à ce niveau, c’est que
les enseignants développent davantage leur action commune et concrétisent sur le
terrain leur solidarité pédagogique, comme le souhaite un des collègues qui lance, de
vive voix, un appel au travail de groupe : « il serait certes préférable, de travailler » au
sein de l’équipe « selon une vision commune et selon une démarche unifiée ». Tout le
bénéfice est à tirer de la mise en marche du dispositif, cohérent et actionnel,
d’enseignement des langues et de la dynamique qu’il entrainera sur le terrain.

b) Le numérique et le cours de langue

A ce niveau de notre analyse de données textuelles, la thématique émergente, en


rapport avec la didactique du « français langue universitaire », revêt une importance de
premier ordre. Quoique cette didactique soit une orientation nouvelle, elle se trouve dans
l’obligation de répondre de manière urgente aux problématiques soulevées par le recours
au numérique et aux technologies nouvelles. Les questions soulevées dans ce cadre,
comme nous l’avons précisé dans notre analyse lexicale (Cf. 9.3.2.3), sont celles se
rapportant à la généralisation de l’outil technologique, mais surtout l’optimisation de son
usage dans les milieux d’apprentissage.
De l’observation des fiches thématiques (Annexes 7.7 a.), il parait qu’il y a encore des
efforts à déployer dans ce sens. Nous avons remarqué, d’une part, le « recours non
régulier aux TICE ». Et d’autre part, celles-ci sont réservées à des activités
complémentaires aux cours assurés au sein de la faculté : « je renvoie mes étudiants
vers des sites, des liens et des supports sur le net, que ce soit pour des recherches ou

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 277
des compléments de cours » (Indication [5 : 24] de l’annexe 7.7 b.). C’est une sorte de
« complément de formation » ou même un exercice, jugé par l’un de nos enquêtés
comme une opération qui relève presque de l’impossible « avec un groupe massif
d’étudiants ».
La didactique du FLE en général, celle du FLU en particulier, est nolen volen destinée à
faire du numérique, de la technologie nomade et des TICE un outil de base dans son
fonctionnement. De ce fait, les enseignants de langue doivent, aujourd’hui plus que
jamais, être formés dans cet esprit. Parmi les sous-thèmes qui ont retenu notre attention
est justement « la formation en TICE ». A ce propos, l’indication [3 : 24] est on ne peut
plus claire et significative. Et l’un de nos enquêtés de préciser : « ce n’est pas parce que
je vois que les TICE, ce n’est pas important, mais parce que je n’ai pas été formé à
l’intégration des TICE dans mes cours.» Nous touchons dans ce cadre, une
problématique fondamentale dans la vie de l’enseignant universitaire à savoir la
formation continue. Quelles que soient les opinions sur cette question, la maîtrise du
numérique et de l’outil informatique constitue un enjeu majeur de la formation. Ce n’est
pas seulement en raison de l’aide logistique qu’ils offrent, mais également grâce aux
aides précieuses qu’ils présentent (ressources pédagogiques illimités, documents
authentiques à portée de main …).
Pour ce qui est de l’intégration du numérique dans l’enseignement universitaire, il
semble que notre corpus d’entretien est riche en propositions pragmatiques du côté de
nos enquêtés. L’une des propositions judicieuses est celle relative à « une action de
terrain bien ciblée ». En effet, l’intervention directe et immédiate est de nature à non
seulement répondre à ce besoin de tout le monde, mais contribue à « l’accompagnement
des étudiants afin qu’ils infléchissent leurs comportements quant à l’utilisation du
numérique » et afin que leurs efforts soient orientés et canalisés « pour des fins
pédagogiques.»

c) La langue de spécialité : la terminologie juridique en ligne

Contrairement à l’idée d’intégration de l’informatique et des ressources numériques dans


le cours de langue, qui attire plus les enquêtés, il semble que les « cours de terminologie
juridique » ne sont pas bien reçus. Le sous-thème émergeant et dominant est celui d’une
« vision ambiguë ». En effet, à la question : « Que pensez-vous des cours de langue et

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 278
de terminologie spécialisées en ligne ? », la plupart des enseignants ont répondu qu’ils
n’ont pas d’idées précises, à l’exception d’un enseignant. Ce dernier, rattachant sa
réponse à cette question à ce qui précède, voit qu’il s’agit : « d’une valeur ajoutée pour
les étudiants ».
Nous tenons à préciser que dans le cadre de notre conception globale, la composante
terminologique fait partie intégrante du dispositif d’enseignement des langues. Elle jouit
d’une place péremptoire dans la formation des étudiants en leur donnant plus de chance
à comprendre les domaines et sous-domaines de spécialité. Elle participe également au
développement de leur compétence en matière d’analyse terminologique. En un mot la
terminologie spécialisée en ligne ne devrait pas être réduite à de simples exercices de
dictionnaire et de traduction littéraux.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 279
9.5 Synthèse
En termes de la fin, dans ce chapitre consacré au recueil de données de notre entretien
d’enquête, nous avons précisé que celui-ci a été conçu et élaboré sous forme d’entretien
semi-directif. Nous l’avons accompagné d’un guide d’entretien composé des principaux
axes qui couvrent les thèmes de notre travail de recherche (annexe n°2). Ce document
nécessaire à notre action, nous a facilité le travail. Primo, au niveau des enquêtés pour
leur éclairer les objectifs de la recherche envisagée et, secundo, au niveau de nos
collaborateurs chargés de verbaliser les thèmes essentiels.
Pour les enquêtés, nous avons précisé que lors de l’élaboration des questions, nous
étions très attentif à ce qu’ils expriment leurs idées sans subir d’influence de notre part.
Nous avons insisté sur la dimension de l’objectivité des propos en essayant, autant que
faire se peut, de neutraliser les effets des rapports subjectifs sur le déroulement de la
recherche. Dans cette perspective, nous avons évité les questions fermées pour favoriser
la production de discours élaborés. Nous sommes également resté à la disposition des
enquêtés et à leur écoute pour qu’ils puissent parler, le plus librement possible et avoir
le temps de réflexion nécessaire avant de s’exprimer.
Ensuite, lors de la phase d’analyse de données textuelles (analyse qualitative), les divers
thèmes et sous-thèmes que nous avons fait émerger, permettent d’observer les notions
associées au thème principal et jouent un rôle déterminant dans l’analyse. Ainsi, nous
avons pu analyser le contexte de la recherche à la lumière des données recueillies sur le
terrain. La faculté de Droit est un cadre propice à la recherche. La didactique du FLU a de
nouveaux challenges à relever pour être mieux prédisposée à répondre aux difficultés
répertoriées au niveau de ce contexte universitaire. Nous avons vu que derrière les
difficultés linguistiques se cachent des enjeux matériels et logistiques, mais nous avons
montré, par notre analyse, que les enjeux liés aux méthodologies adoptées, à l’action du
terrain et surtout, celles liées à la mise en place d’un dispositif cohérent et actionnel régi
par les outils et les méthodes que nous avons développés dans cette thèse sont les
garants du succès de l’action pédagogique escomptée. Cette dernière est de nature
plurielle, alimentée par la didactique du plurilinguisme et de l’intercompréhension et par
la didactique intégrée afin de rendre l’ouverture aux langues, y compris le français, un
besoin effectif et un apprentissage tout au long de la vie de tout un chacun.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 280
L’apprentissage de la langue française et son utilisation pour accéder aux savoirs et
contenus disciplinaires au niveau de l’université seront efficaces. D’un côté, nous aurons
évité les difficultés qui entravent la maîtrise de cette langue et de l’autre les
compétences linguistiques des étudiants les aideront à réussir leurs études et atteindre
aisément les objectifs fixés.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 281
Conclusion générale

Au terme de notre recherche, nous avons pu étudier et analyser le français langue


universitaire au Maroc. C’est un sujet complexe, étant donné que les influences sur la
langue française, son utilisation et son enseignement sont déterminées au-delà du cadre
universitaire. La langue française participe, à côté des langues - nationales l’arabe et
l’amazighe -, à la formation du paysage linguistique moderne.
Au moment même où nous sommes en train de rédiger notre conclusion, la loi-cadre sur
l’enseignement des matières scientifiques, au niveau de l’enseignement scolaire
(primaire, collège et lycée) vient d’être adoptée par les deux chambres parlementaires.
Cela après plus de trente ans d’arabisation. Les débats sur les politiques linguistiques
dans le pays ont toujours été accompagnés de tensions et de prises de positions,
dépassant parfois les règles de bienséances et de respect de la différence. La véhémence
des propos, accompagnée de discours et de prises de positions frôlant l’extrémisme,
n’est que le cache-misère de l’idéologie, nourrie par les intérêts et les positionnements
sur les scènes politiques et économiques.
L’étude didactique de l’utilisation de la langue française dans le système éducatif, à
commencer même par le cadre universitaire, n’échappe pas à la question des politiques
linguistiques et sa portée historique. Nous avons vu qu’au lendemain de l’indépendance,
le pays rattachaient cette question aux orientations majeures des choix politiques et
stratégiques de l’époque, surtout que le gouvernement marocain œuvrait dans le sens de
l’ « unification », la « généralisation », « l’arabisation » et la « marocanisation » des
structures administratives et des services publiques. Cependant, nous avons montré que
les politiques linguistiques ne pouvaient être uniquement coercitives et contraignantes.
En effet, le marché « aux langues » et comme le marché commercial, une place
importante devrait être laissée à l’autorégulation naturelle des pratiques et des
comportements de locuteurs. Ce qui revient à dire que la visée des politiques
linguistiques devrait être à la fois normative et socioculturelle. Les décideurs en matière
de politiques linguistiques ne doivent pas être indifférents à tout ce qui se passe sur la

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 282
sphère publique et sociale, car, nolens volens, les médias, l’enseignement, l’action
culturelle et les entreprises sont des facteurs décisifs et prégnants dans ce cadre.
L’échec « abyssale » de l’arabisation est manifeste, non seulement au niveau des
paradoxes dans le système éducatif, avec l’impossibilité d’arabiser les disciplines
scientifiques en enseignement supérieur, mais au niveau des apprenants qui ne
maîtrisent, ni l’arabe ni le français et au niveau de tout le système avec toutes les
difficultés relevées. C’est pourquoi, nous avons souligné la pertinence des voix qui, au
moment même du commencement du processus d’arabisation pendant les années
1970/1980, mettaient en garde contre les paradoxes dans le système avec l’imposition
du modèle jacobin de l’état-nation. Ces voix clamaient au moins un bilinguisme
nécessaire au maintien de l’équilibre. Ce qui peut être traduit, aujourd’hui, par une
politique linguistique axée à la fois sur « l’unification » et « la diversification ».
Par ailleurs, la diversité linguistique et la pluralité culturelle, ne devraient pas être prises
dans le sens de l’appauvrissement et de l’exclusion. Au niveau des instances
compétentes et surtout avec les défis économiques d’intégrer des marchés plus grands
et plus vastes sur le plan régional, continental et mondial, les enjeux politiques, socio-
économiques et même juridiques deviennent plus contraignants et les tendances au
monolinguisme s’amenuisent. Ce dernier est l’exception alors le plurilinguisme serait la
règle.
Dans les domaines de l’éducation et de la formation, l’espace pédagogique est
nécessairement un espace multilingue. L’école d’aujourd’hui, et celle de demain, est sans
doute une école ouverte au plurilinguisme. Cette volonté déclarée ainsi que la tendance
officielle au plurilinguisme permettent non seulement de rattacher l’école à son
environnement, mais participent à la réalisation des orientations majeures en matière de
développement économique et sociale et contribuent à l’enracinement de la pluralité et la
diversité linguistique et culturelle dans les pratiques sociales.
L’institution pédagogique joue un rôle fondamental dans la socialisation « plurilingue »
de l’individu. Au niveau de l’enseignement supérieur, qui nous intéresse en premier lieu,
cela se traduit par l’élaboration de dispositifs d’enseignement de langues appropriés.
L’objectif ultime étant, le développement de la compétence plurilingue. Compétence qui
n’est pas travaillée suffisamment, étant donné la place minime accordée à
l’enseignement des langues à ce niveau.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 283
Notre intérêt pour la mise en place d’un dispositif multilingue, cohérent et efficace cadre
avec la tendance mondiale à formaliser l’enseignement des langues. Au sein de ce
dispositif, le français occupe une place importante et accomplit un rôle socioéconomique
fondamental. Ce dit dispositif se distingue par la particularité de sa conception. Il est
basé sur une approche réflexive et la démarche de la didactique de l’intercompréhension.
La première permet de centrer le travail réflexif sur le capital langagier en facilitant la
prise de conscience du profil plurilingue. La seconde, c'est-à-dire la didactique de
l’intercompréhension, renforce non seulement la position de la première par la mise en
place du suivi métacognitif du schéma des actions et des pratiques linguistiques, mais
contribue au transfert de compétences d’une langue à une autre dans le cadre d’une
ingénierie didactique intégrative, basée sur l’ouverture et l’intercompréhension. En un
mot, une didactique de la complémentarité dans la diversité.
Il va sans dire que la notion de dispositif va de pair avec celle des Centres de Ressources
en langues (CRL). Dans notre recherche, nous avons expliqué le contexte historique de
l’apparition de ces structures, leurs rôles ainsi que les difficultés qui ont accompagné leur
implantation dans les universités marocaines, en particulier l’Université Hassan 1 er. Les
obstacles majeurs à la mise en marche et au fonctionnement de cette structure émanent
d’une vision réductrice d’un contexte orthodoxe à la rénovation et peu habitué au mode
de fonctionnement préconisé par le CRL. Un fonctionnement qui valorise l’autonomisation
et modifie le paradigme pédagogique et le mode d’apprentissage.
L’environnement socio-éducatif est un environnement en perpétuelles mutations. Les
changements introduits peuvent être à l’origine d’évolutions considérables. Le portfolio
plurilingue est un outil privilégié pour accompagner le citoyen marocain dans son
parcours d’apprentissage des langues devrait intégrer les plates-formes existantes
(Masar au niveau du ministère de l’éducation et Apogée au niveau de l’enseignement
supérieur55). Par la suite, cette expérience pourrait être généralisée aux citoyens

55
Massar est la plate-forme numérique adoptée par le ministère de l’éducation nationale depuis l’année scolaire 2013/2014.
C’est un système de gestion scolaire regroupant trois entrées : « Massar Moutamadris » (pour élèves), « Massar Walye »
(pour les parents) et Massar pour enseignant ainsi que Massir pour les services de l’administration pédagogique. Apogée est
la plate-forme numérique adoptée au niveau de l’enseignement universitaire depuis l’année académique 2009/2010. Ces
deux systèmes offrent plusieurs services électroniques.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 284
d’autres pays voisins avec, à l’horizon, la levée des frontières et des barrières
douanières.
Toutes ces considérations théoriques et méthodologiques présentées dans le cadre
conceptuel et théorique de notre thèse, nous ont permis de préparer, en amont, le
travail de terrain que nous avons entrepris. Ce dernier, nous l’avons engagé sous forme
d’une recherche-action impliquant les opérateurs de terrains, en l’occurrence les
enseignants-chercheurs de l’Université Hassan 1er. Cette modalité de la recherche,
semble convenir au contexte particulier de la Faculté de Droit de cette Settat. D’un côté,
nous avons pu impliquer les enseignants du module LTC dans les différentes étapes de
notre recherche et, de l’autre, nous avons pu répondre ensemble aux demandes des
praticiens par le biais de la conjugaison de la réflexion collective aux pratiques de classe.
La recherche-action, en tant que démarche qualitative, nous a permis de réaliser,
notamment par ses deux outils spécifiques et performants : l’observation participante et
les entretiens semi-directifs, des résultats probants pour notre recherche.
Nous ne nous sommes pas limité à l’analyse qualitative de l’environnement universitaire
en matière de didactique du français. Nous avons jugé, et ce dès le départ, d’étudier la
place d’un élément clé dans le processus d’enseignement/apprentissage, souvent relégué
au second plan, à savoir l’étudiant. L’analyse quantitative des résultats de données
recueillies s’impose, étant donné que nous avons mobilisé un nombre important
d’étudiants au sein d’un cadre universitaire connu par la massification et le nombre
considérable de ses étudiants.
Notre questionnaire d’enquête, nous a permis d’avoir une idée plus précise sur le
parcours scolaire de l’enquêté, c'est-à-dire sa scolarité antérieure et actuelle, sur les
études en français à l’université et la spécialité (économie, droit), sur l’environnement de
l’enquêté et son degré d’exposition à la langue française. Bref, nous avons pu étudier les
interactions en langue française au sein de l’université et en dehors du contexte
universitaire outre les perspectives futures de l’utilisation du français. Tout cela a été
présenté à la lumière du point de vue de l’étudiant de la faculté de Droit.
En définitive, les résultats quantitatifs de notre enquête s’avèrent probants et leur portée
pourrait être exploitable et ce, à plusieurs niveaux. D’abord, dans la compréhension des
obstacles liés à l’enseignement/apprentissage du français. Ensuite, dans l’analyse de ces
obstacles et insuffisances. Dans nos hypothèses de recherche, nous avons rattaché, en

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 285
partie, les difficultés de maîtrise du français à l’étudiant. Les résultats de notre enquête
confirment cette hypothèse. En effet, s’agissant du profil et de l’identification
linguistiques de nos enquêtés, la plupart sont d’un niveau « moyen » d’après ces
résultats. Par contre, nous avons remarqué la non-généralisation du test de
positionnement et des certifications en français, malgré les efforts déployés dans ce
sens. Peut être faudrait-il changer de stratégie, ou chercher à motiver plus les étudiants
et à intégrer les résultats dans leurs cursus, car les étudiants ne sont intéressés
généralement que par ce qui se répercute directement sur leurs notes.
L’intérêt des résultats de notre recherche quantitative réside globalement dans les points
qui suivent :
- Les éléments linguistiques qui constituent les obstacles majeurs à
l’assimilation par les étudiants des contenus disciplinaires et à la maîtrise de
la langue de spécialité sont en rapport avec la spécialité elle-même, les
supports de cours, à la nature de la langue utilisée et aux méthodologies
pédagogiques adoptées.
- Dans la question de la langue de spécialité deux éléments fondamentaux
sont à retenir : la langue orale et le lexique spécialisé :
i. Les cours assurés prennent la forme de conférences ou de cours
magistraux, autrement dit l’étudiant qui n’est pas initié aux
techniques de prises de notes à partir de l’oral et aux différentes
opérations discursives de traitements et d’organisations de
l’information aura de grandes difficultés à poursuivre ses cours. La
grande problématique réside dans le décalage entre l’oral et l’écrit
puisque même les évaluations s’effectuent moyennant l’écrit, alors
que les contenus disciplinaires passent via l’oral (le cours magistral),

ii. L’autre grande difficulté, toujours selon le point de vue des étudiants,
réside dans le lexique technique et spécialisé utilisé. En effet, les
étudiants sont rebutés par le recours systématique à un lexique
incompréhensible pour eux. Ce qui les décourage dans la poursuite et

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 286
l’assimilation des cours magistraux.56
- Le caractère péremptoire de l’environnement dans le développement des
compétences linguistiques chez les apprenants et la place du numérique. En
effet, la grande majorité de notre échantillon expérimental, déploie un effort
indéniable pour l’équipement en outils d’accès au numérique et à la
technologie. Nous avons remarqué que les chiffres sont significatifs et
encourageants. Ce qui fait que l’investissement en matière d’équipements
et de logistique ne nécessite pas un budget « lourd » du côté de
l’université.
- Conscience et ouverture sur les interactions en français : les marques
d’influence de la langue d’enseignement ou de la langue de spécialité vont
au-delà des rapports académiques. Cela renforce la demande d’amélioration
des programmes d’apprentissage du français et l’intégration d’autres modes
et possibilités d’apprentissage, les mobilités et les activités para-
universitaires francophones, à titre d’exemples.
- La mise en place du dispositif d’enseignement des langues au niveau de
toute l’université. Celui-ci est à caractère cohérent, actionnel et efficace. Il
ne doit pas subir d’effritement et d’éclatement comme dans l’expérience
passée. Son fonctionnement, comme nous l’avons expliqué dans la partie
théorique, doit être conçu dans le cadre d’une ingénierie didactique
novatrice et centré sur l’apprenant.
- Ce dispositif doit être développé autour d’activités linguistiques et
culturelles, para-universitaires, selon les principes des pédagogies actives
et interactives, de la perspective actionnelle et des tâches à accomplir. Il se
base également sur des éléments et des concepts opérationnels qui
garantissent l’authenticité et l’efficacité de la formation linguistique à l’instar
du « Portfolio » d’enseignement des langues.

56
Malgré l’initiative d’intégrer les éléments de terminologie dans le module LCT, les insuffisances terminologique et lexicale
sont toujours apparentes. Des efforts sont à fournir dans ce cadre pour améliorer les méthodologies adoptées et chercher à
intégrer le travail de la terminologie dans les disciplines elles mêmes par les professeurs de spécialité. Un travail de
coopération et de coordination entre le professeur de langue et le professeur de spécialité pourrait aboutir à des
résultats fructueux.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 287
Le degré de motivation et de préconisations futures sur l’utilisation de la langue française
après la formation universitaire laisse profiler une représentation positive à l’égard de
cette langue. En fait, la double articulation du français dans la formation universitaire et
dans la vie professionnelle laisse entrevoir une vision cohérente et équilibrée entre les
pratiques du terrain et les attentes des enquêtés.
Notre étude quantitative, quel que soit l’apport qu’elle introduit, serait incomplète sans
l’analyse qualitative réalisée à partir des entretiens semi-dirigés avec les enseignants.
Malgré l’intérêt des statistiques réalisées et la quantification opérée sur la base du
questionnaire d’enquête, le propos n’illustrerait nullement les pratiques effectives du
français langue universitaire, car notre approche n’est pas explicative. Nous avons
préconisé les principes et les outils de la démarche compréhensive. Celle-ci passe
nécessairement par les lois de l’étude des représentations et des attitudes. Il faudrait
d’abord, comprendre les enjeux des faits linguistiques, humains et sociaux pour être en
mesure de les expliquer et pouvoir, par la suite, ramener les éléments de réponse
appropriés. De plus, l’analyse qualitative nous a permis d’agencer l’ensemble du
processus de la recherche qui se déroule de manière « naturelle » sans intervention
d’agents extérieurs, ni d’artifices.
Sur le plan méthodologique, notamment pour notre analyse de données, nous avons
appliqué à notre corpus d’entretiens l’appréhension globale de l’analyse lexicale ainsi que
l’analyse thématique. La première, l’analyse lexicale, nous a permis d’appréhender ce
que pensent les enseignants interviewés des cours de langue assurés, des contenus et
des méthodes préconisés et du niveau de leurs étudiants... tout cela par le repérage de
mots clés. La seconde analyse, c'est-à-dire thématique, a non seulement facilité la
compréhension des enjeux de l’enseignement du français à l’université, mais a explicité
de manière approfondie les expériences des enseignants de la faculté de Droit par le
biais des règles de découpage et de catégorisations du corpus des données recueillies sur
le terrain. Cette analyse est catégorielle, dans la mesure où les mots clés recensés et les
thèmes émergents retenus ont été regroupés en unités et en catégories significatives des
éléments caractéristiques de données textuelles. Nous avons pu les réunir en quatre
principaux axes fédérateurs qui sont :
- Le profil le profil et l’expérience des enseignants,
- L’environnement didactique et le niveau

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 288
- Le français langue universitaire : didactique, numérique et TICE,
- L’enseignement du français pour un public d’étudiants de filières
spécialisées : perspectives et suggestions.

L’analyse de données textuelles par le biais de la structure thématique élaborée pour


l’ensemble du corpus a permis de faire émerger les principaux thèmes spécifiques à
chaque axe. Rappelons que dans ce cadre, nous avons centré notre analyse sur la
dimension discursive et sur la structure et l’articulation des contenus des entretiens,
fruits d’une longue expérience des enquêtés. Les jugements des enseignants nous ont
permis de comprendre la nature des difficultés linguistiques rencontrées, le contexte et
l’environnement de la faculté de Droit et les ingrédients de la didactique du français
langue universitaire. Cette dernière, pour être opérationnelle dans ce cadre universitaire
spécifique, devrait accorder une attention particulière aux thèmes fondamentaux, liés
aux axes soulignés précédemment.
La prise en compte des résultats de notre étude empirique, tant sur le plan quantitatif
que qualitatif, les instruments d’analyses et les ressources théoriques et conceptuelles
que nous avons mobilisés ainsi que la conception du dispositif d’enseignement des
langues, développée tout au long de ce travail, nous met face à la réalité de la didactique
du français langue universitaire au Maroc. Réalité à inscrire dans le contexte général du
pays, celle-ci est à l’image de sa géographie, multiple, plurielle et diversifiée. Toute
tendance à approcher le fait linguistique, qu’il s’agisse du français ou des autres langues
en présence est à inscrire dans cette vision, multiple et plurielle, pour lui donner les
chances de réussite. L’histoire nous a appris que les vocations à l’univocité s’apparentent
aux expériences des « chemins qui ne mènent nulle part ».
Pour ce qui est des difficultés rencontrées, toute recherche scientifique ne peut aboutir
sans l’émergence de difficultés de différents ordres et à divers niveaux, selon chaque
étape. Toutefois, il est important de prendre conscience de cette réalité, celle des limites
de la démarche et des outils choisis. A vrai dire, les limites sont à la fois le domaine
étudié, la connaissance du domaine aux points de vues théorique et méthodologique. À
ce titre, nous souhaitons insister tout particulièrement sur les limites liées à notre
situation de chercheur par rapport au terrain.
Il nous semble important de réfléchir à notre démarche de chercheur dans le domaine
socio didactique, à la croisée de la didactique et de la sociolinguistique. Notre motivation

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 289
de départ à mener une recherche-action au sein de la faculté de Droit et avec la
participation des enseignants, nous a mis face à des difficultés de différents ordres. L’une
des difficultés majeures a été le domaine de recherche sur lequel porte notre enquête.
L’ambigüité qui plane sur l’ingénierie didactique et sur la notion de dispositif dans le
système dans la tête des différents intervenants.
Le scepticisme apparent et qui accompagne la mise en œuvre de notions novatrices qui
introduisent un changement radical, pour ne pas dire un renversement total des
habitudes de travail. Au moment où nous avons commencé à placer les jalons de notre
enquête, une réforme structurelle s’annonce dans tous le système, ce qui se répercute
sur notre travail, sous forme de réactions sceptiques par rapport à notre action.
Autrement dit, sommes-nous en train de préparer le terrain à ce changement qui
s’annonce et qui n’est pas perçu par les opérateurs du terrain, d’un bon œil ? De plus,
cela ne constitue pas un signe de bon augure pour nos enquêtés ayant vécu de
mauvaises expériences avec les réformes précédentes, comme nous l’avons pu souligner
dans notre analyse thématique. Cela nous a coûté de fastidieux moments d’échanges
avec les enseignants pour qu’ils comprennent notre posture et adhérent, par là, à notre
projet. En effet, rien ne nous anime sauf la vérité scientifique et l’objectivité de notre
entreprise qui, en principe, devraient aboutir à des résultats que nous avons promis de
formuler sous forme de conclusions didactiques.
La deuxième difficulté réside dans l’introduction de la didactique dans le milieu
universitaire marocain. En effet, rares sont les établissements universitaires au Maroc qui
sont ouverts à cette discipline. Elle est, selon la vision communément admise, un
domaine lié à l’enseignement primaire et secondaire. Elle est souvent victime de
stéréotypes et de préjugés en raison du flou et d’incompréhensions qui l’accompagnent.
En fait, les enseignants universitaires sont « des spécialistes » et n’ont pas besoin de
formation « didactique » ou « pédagogique » pour enseigner, selon une culture dominant
l’enseignement supérieur au Maroc. Lors de la phase préparatoire de notre enquête,
nous avons été exposé à différentes réactions et interrogé à maintes reprises par les
opérateurs du terrain57. Ces réactions portaient sur le bien-fondé de l’ingénierie

57
Naturellement, cette remarque ne s’applique pas aux enseignants du module (LCT), qui eux ont bénéficié d’une
formation pédagogique et didactique à la faculté des sciences de l’éducation.

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 290
didactique et son rôle dans l’amélioration de l’enseignement du français au niveau du
supérieur, sur le rôle de la socio didactique et l’apport de la recherche en
sociolinguistique et la didactique des langues pour les spécialités juridiques et
économiques et sur la volonté de réserver cette enquête uniquement aux professeurs de
langue et aux étudiants.
Notre orientation méthodologique inspire largement notre démarche à chercher la
convergence de connaissances du terrain, à identifier les besoins effectifs du public et du
système en place, afin de l’enrichir par notre expérience et notre recherche-action
engagée. Nous visons également l’amélioration de l’enseignement du français dans
l’université marocaine. L’échantillon que nous avons choisi présente l’avantage d’une
équipe d’enseignantes et d’enseignants qui assurent le cours de langue et
communication depuis au moins une douzaine d’années. Un avantage onéreux pour
notre travail. En effet, l’échantillon est stable dans son action pédagogique. Il y a aussi
une certaine familiarité instaurée entre les membres de l’équipe, ce qui nous met face à
des personnes qui ont cumulé une expérience importante et favorable à notre étude, en
termes d’évaluation des étudiants, des ressources pédagogiques et des démarches
méthodologiques préconisées. Ce qui nous aide beaucoup dans notre objectif à améliorer
l’enseignement du français dans un cadre spécialisé et pour préparer les étudiants à la
formation qui les attend ainsi qu’à leurs situations de travail futures.
Nous jugeons opportun d’introduire ces précisions, elles sont utiles pour ceux qui vont
nous suivre et travailler, soit dans ce cadre universitaire particulier, soit dans un cadre
semblable. Le chemin n’est pas parsemé de fleurs et demande un travail de longue
haleine, pour ne pas dire de longues années de travail. Cependant, les « chemins
difficiles mènent à de merveilleuses destinations » et comme l’a joliment dit U.
Eco : « les chemins les plus longs sont parfois les plus courts ».
Le public des étudiants de la faculté de Droit, malgré toutes les insuffisances relevées,
demeure perfectible par son ambition à évoluer, par sa participation effective et efficace
à notre enquête et, enfin, par son implication dans toute action bien ciblée de nature à
améliorer sa situation et lui donner confiance en soi et espoir en un avenir meilleur. Dans
cet ordre d’idée, nous espérons que notre travail ouvre la voie à d’autres travaux de
recherche dans ce cadre. D’autres questions relatives à didactique du français restent
posées comme par exemple la question de l’enseignement du français sur objectifs

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 291
universitaires (FOU), ou la question des quatre compétences en langues et leurs impacts
sur l’étudiant universitaire, ou encore le travail des compétences orales et le
développement personnel de l’étudiant. Ce dernier point est à rattacher avec la nouvelle
orientation du secteur à rattacher la question de l’apprentissage des langues avec les
« Softs skills ».

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 292
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Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 303
Table des matières

INTRODUCTION GENERALE …………………………………………………………………………………………………………………………… 5


Présentation de l’objet de la recherche ………………………………………………………………………………………………………… 7
Motivation du choix du sujet ………………………………………………………………………………………………………………………… 12
Population cible et terrain d’enquête …………………………………………………………………………………………………………… 14
Problématique ………………………………………………………………………………………………………………………………………………. 17
Hypothèse de la recherche …………………………………………………………………………………………………………………………… 19
Organisation de la thèse ……………………………………………………………………………………………………………………………….. 20
PARTIE I. CADRE THEORIQUE : CONTEXTE SOCIOLINGUISTIQUE ET DIDACTIQUE DE LA RECHERCHE
………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 23
Chapitre 1. Les langues au Maroc et le marché linguistique marocain ……………………………………………………… 24
1.5 L’arabe ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………. 24
1.5.1 L’arabe standard ……………………………………………………………………………………………………………………………… 25
1.5.2 L’arabe marocain ……………………………………………………………………………………………………………………………… 26
1.5.3 L’arabe marocain, langue des échanges sociaux …………………………………………………………………………… 27
1.6 L’amazighe ……………………………………………………………………………………………………………………………………………… 29
1.6.1 Apparentement de l’Amazigh ………………………………………………………………………………………………………….. 29
1.6.2 L’alphabet amazigh : le Tifinagh …………………………………………………………………………………………………….. 30
1.6.3 L’amazighe au sein d’un contexte multilingue ……………………………………………………………………………….. 32
1.7 Le hassani ……………………………………………………………………………………………………………………………………………… 33
1.8 Le français au Maroc et le rapport des Marocains à la langue française ……………………………………………. 34
1.8.1 Un peu d’Histoire ……………………………………………………………………………………………………………………………… 34
1.8.2 1912 : entrée officielle du français au Maroc ………………………………………………………………………………… 34
1.8.3 La langue française comme outil de pouvoir …………………………………………………………………………………. 36
1.8.4 Au-delà des conflits linguistiques et culturels, le Dahir berbère et les ambitions politiques et socio-
économiques ……………………………………………………………………………………………………………………………………. 37
1.8.5 L’enseignement du français entre les enjeux coloniaux et les exigences sociales ………………………. 38
Chapitre 2. Les politiques linguistiques et les vœux du plurilinguisme ……………………………………………………… 41
2.1 Les politiques linguistiques, essai de définition ……………………………………………………………………………………. 41
2.1.1 Politique linguistique statut et composantes …………………………………………………………………………………. 42
2.1.2 Politiques linguistiques : objectifs escomptés et catégories d’action …………………………………………… 43
2.1.3 Catégories de politiques linguistiques ……………………………………………………………………………………………. 44
2.1.4 Facteurs déterminants des politiques linguistiques ……………………………………………………………………….. 45
2.2 L’aménagement linguistique ………………………………………………………………………………………………………………….. 46
2.2.1 Composantes de l’Aménagement linguistique ………………………………………………………………………………. 47
2.2.2 L’aménagement linguistique et le volet politique …………………………………………………………………………. 48

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 304
2.2.3 L’aménagement linguistique au lendemain de l’indépendance : traditionalisme et modernité ..... 49
2.2.3.1 Le discours dit « technocrate » ………………………………………………………………………………………………… 50
2.2.3.2 Le second discours dit « traditionnalisant » ……………………………………………………………………………. 52
2.2.3.3 Le discours dit « anthropologique » ………………………………………………………………………………………… 56
2.2.4 Perspectives de l’aménagement des langues pour la première moitié du XXI° siècle ………………… …… 57
2.3 Aménagement du multilinguisme : « quand le plurilinguisme l’emporte » …………………………………………. 59
Chapitre 3. L’enseignement du français et la terminologie didactique ………………………………………………………. 61
3.1 La notion du français fonctionnel …………………………………………………………………………………………………………… 61
3.1.1 Français fonctionnel ou « enseignement fonctionnel » du français ? …………………………………………… 63
3.1.2 Limites et critiques du Niveau seuil ………………………………………………………………………………………………… 65
3.2 Les approches communicatives ……………………………………………………………………………………………………………… 67
3.2.1 Les approches communicatives, une évolution didactique ……………………………………………………………. 67
3.2.2 Les soubassements théoriques des approches communicatives …………………………………………………… 68
3.2.3 De la rénovation des curricula et des méthodes ……………………………………………………………………………. 70
3.3 Français sur objectif spécifique ou français de spécialité ? ………………………………………………………………….. 71
3.3.1 Le français de spécialité …………………………………………………………………………………………………………………… 72
3.3.1.1 Langue de spécialité ou langue spécifique ou encore spéciale ? ……………………………………………. 73
3.3.1.2 Langue de spécialité « hautement spécialisée » et langue à caractéristiques formelles
……………………………………………………………………………………………………………………………………………………. 74
3.3.1.3 Aperçu schématique des méthodologies didactiques …………………………………………………………….. 75
3.3.2 Le français de spécialité et le rôle de l’enseignant ………………………………………………………………………… 77
3.3.3 Le français sur objectifs spécifiques ……………………………………………………………………………………………….. 78
3.3.3.1 La compétence FOS ………………………………………………………………………………………………………………….. 79
3.3.3.2 FOS ou langue de spécialité ……………………………………………………………………………………………………… 80
3.3.3.3 Public spécifique ……………………………………………………………………………………………………………………….. 81
3.3.4 La théorie des besoins …………………………………………………………………………………………………………………….. 81
3.3.4.1 Qu’est-ce qu’un besoin ? ………………………………………………………………………………………………………….. 82
3.3.4.2 Besoin langagier et complexité du terrain ………………………………………………………………………………. 84
3.4 Le secteur LANSAD et le français à l’université …………………………………………………………………………………….. 85
3.5 Le secteur LANSAD et la didactique de la langue de spécialité ……………………………………………………………. 86
PARTIE II. LE DISPOSITIF D’ENSEIGNEMENT DES LANGUES A L’UNIVERSITE ENTRE CONSIDERATIONS
METHODOLOGIQUES ET PRATIQUES DU TERRAIN ……………………………………………………………………………………… 88
Chapitre 4. Le portfolio des langues, élément incontournable du dispositif ………………………………………………. 89
4.1 Le portfolio des langues : compétence plurilingue et approches réflexives ……………………………………….. 89
4.1.1 Le plurilinguisme apparentement sémantique ………………………………………………………………………………. 90
4.1.2 Plurilinguisme/ multilinguisme : quelles différences ? ………………………………………………………………….. 90
4.1.3 Pluralité et politiques linguistiques convergentes ………………………………………………………………………….. 92
4.1.4 Au-delà de l’Europe …………………………………………………………………………………………………………………………. 93

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 305
4.2 Plurilinguisme et/ou monolinguisme ……………………………………………………………………………………………………… 93
4.2.1 Monolinguisme entre stéréotypes socioculturels et enjeux sociolinguistiques …………………………….. 95
4.2.2 Plurilinguisme et éducation : « l’éducation pour tous » ……………………………………………………………….. 97
4.2.3 Pour une école ouverte au « plurilinguisme » ………………………………………………………………………………… 97
4.2.3.1 Lutter contre les résistances au multilinguisme ……………………………………………………………………… 97
4.2.3.2 Orientations majeures et positionnements socioéducatifs ……………………………………………………… 98
4.2.3.3 Environnement en mutations et renforcement du rôle de l’école ………………………………………… 100
4.3 Le portfolio plurilingue …………………………………………………………………………………………………………………………. 101
4.3.1 Structure et organisation ………………………………………………………………………………………………………………. 101
4.3.2 Typologie et classification des portfolios ………………………………………………………………………………………. 102
4.3.3 Le portfolio Européen des Langues (PEL) …………………………………………………………………………………….. 105
4.3.4 Le PEL : structure prédéfinie et panorama des choix ………………………………………………………………….. 107
4.3.4.1 Le passeport des Langues ……………………………………………………………………………………………………… 107
4.3.4.2 La biographie langagière ………………………………………………………………………………………………………… 109
4.3.5 La biographie langagière : pluralité linguistique et culturelle ……………………………………………………… 113
4.3.6 La biographie langagière, l’autre versant du linguistique ……………………………………………………………. 115
4.3.7 Le dossier sélectif de documentation ……………………………………………………………………………………………. 116
4.4 Le portfolio et l’analyse réflexive …………………………………………………………………………………………………………. 118
4.4.1 L’approche réflexive, de l’intercompréhension à l’agir professionnel …………………………………………. 118
4.4.2 Mise en place de la compétence plurilingue …………………………………………………………………………………. 119
4.4.3 Compétence plurilingue et processus d’acquisition d’une langue étrangère ………………………………. 120
4.4.4 Forme de la compétence plurilingue …………………………………………………………………………………………….. 121
4.4.5 Dynamisme et évolution de la compétence plurilingue ………………………………………………………………. 122
4.4.6 La notion du « locuteur-idéal » revisitée à la lumière de la compétence plurilingue ………………… 123
Chapitre 5. Didactique du plurilinguisme …………………………………………………………………………………………………… 127
5.1 Didactique du plurilinguisme, éléments contextuels et repères méthodologiques …………………………… 128
5.1.1 Genèse d’une notion ……………………………………………………………………………………………………………………… 128
5.1.2 Didactique du plurilinguisme transferts des connaissances linguistiques et amélioration des
apprentissages ………………………………………………………………………………………………………………………………. 129
5.2 La didactique du plurilinguisme et les enjeux pédagogiques et sociaux …………………………………………… 130
5.2.1 Rôle des enseignants …………………………………………………………………………………………………………………….. 130
5.2.2 La didactique du plurilinguisme et les orientations récentes ………………………………………………………. 133
5.2.3 Les approches plurielles ………………………………………………………………………………………………………………… 133
5.2.4 La didactique intégrée …………………………………………………………………………………………………………………… 136
5.2.5 La didactique intégrée et les principes d’anticipation et de rétroaction ……………………………………… 137
5.2.5.1 Didactique intégrée et principes de coopération …………………………………………………………………… 139
5.2.5.2 Didactique intégrée et niveaux de coopération …………………………………………………………………….. 139
5.2.5.3 Didactique intégrée ou intégrative ? ……………………………………………………………………………………… 140

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 306
5.3 Verticalité curriculaire et horizontalité méthodologique ……………………………………………………………………… 142
5.3.1 Didactique intégrée et typologie des langues ………………………………………………………………………………. 143
5.3.2 Continuum linguistique et entrée graduelle des langues …………………………………………………………….. 144
5.4 Didactique de l’intercompréhension ……………………………………………………………………………………………………. 144
5.4.1 Processus de l’intercompréhension ………………………………………………………………………………………………. 145
5.4.2 Principes et niveaux de l’intercompréhension ……………………………………………………………………………… 146
5.4.3 Intercompréhension : critères de réussite …………………………………………………………………………………… 146
5.4.4 Didactique intégrée et dispositifs d’enseignement des langues ………………………………………………….. 147
Chapitre 6. Dispositif d’enseignement du français : enjeux sociolinguistique et sociodidactique
……………………………………………………………………………………………………………………………………………. 150
6.1 Ingénierie du dispositif ………………………………………………………………………………………………………………………… 150
6.1.1 Eléments de terminologie ……………………………………………………………………………………………………………… 150
6.1.2 Structure, système et dispositif ……………………………………………………………………………………………………. 151
6.2 le dispositif et les modalités de souplesse, de flexibilité et de liberté ……………………………………………….. 152
6.3 Dispositif d’enseignement des langues et Centres de Ressources en Langues (CRL) ……………………… 153
6.3.1 Classifications des CRL ………………………………………………………………………………………………………………….. 154
6.3.2 Les Centres CRL, l’expérience du Maroc ……………………………………………………………………………………… 155
6.3.2.1 Le Centre CRL de l’Université Hassan 1 er ………………………………………………………………………………. 155
6.3.2.2 L’ « éclatement » du Centre (CRL) ………………………………………………………………………………………… 155
6.3.2.3 Des pratiques pédagogiques « hors-jeu » …………………………………………………………………………….. 156
6.3.3 L’autonomisation pour faire face à la massification ? ………………………………………………………………….. 157
6.3.4 Les (CRL) et le secteur LANSAD …………………………………………..……………………………………………………… 158
6.4 L’essor des (CRL), le « Méga-dispositif » ……………………………………………………………………………………………. 158
6.4.1 Fonctionnement des (CRL) et modalités d’apprentissage ……………………………………………………………. 159
6.4.2 Approche méthodologique du CRL, l’approche ‘‘techno centrée’’ ………………………………………………… 159
6.4.3 La question de l'autonomie …………………………………………………………………………………………………………… 160
6.4.3.1 Autonomie et médiation/médiatisation pédagogiques …………………………………………………………. 161
6.4.3.2 Ecueil à la médiation, du côté de l’enseignant ……………………………………………………………………… 162
6.5 L’enseignement des langues et la question du manuel ……………………………………………………………………… 163
6.5.1 Précisions conceptuelles ………………………………………………………………………………………………………………… 163
6.5.2 Le manuel CAP Université, du renouveau dans les champs linguistique et didactique marocains
………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 164

6.5.2.1 Eléments de typographie ………………………………………………………………………………………………………. 165

6.5.2.2 Du renforcement linguistique en question …………………………………………………………………………….. 166


6.5.2.3 L’échelle des niveaux ……………………………………………………………………………………………………………… 167
6.5.2.4 Choix des couleurs et représentations « sociales » ………………………………………………………………. 167
6.5.2.5 La quatrième de couverture, de la dynamique « interactionnelle » …………………………………….. 168
6.5.3 L’avant propos, les thèmes et dossiers : du pacte pédagogique à la pédagogie actionnelle

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 307
……………………………………………………………………………………………………………………………………………….. 170
6.5.3.1 Pratique linguistique et action sociale ……………………………………………………………………………………. 172
6.5.3.2 L’ouverture à l’international comme signe de pluralité ………………………………………………………… 173
PARTIE III. L’ENQUETE AU SEIN DE LA FACULTE DE DROIT : ANALYSE DE DONNEES LINGUISTIQUES ET
DIDACTIQUES ………………………………………………………………………………………………………………………… 175
Chapitre 7. …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 175
7.1 La recherche-action ……………………………………………………………………………………………………………………………… 176
7.1.1 Un processus collectif …………………………………………………………………………………………………………………… 178
7.1.2 Origine de la recherche-action ……………………………………………………………………………………………………… 179
7.1.3 Connaissance préalable du terrain ………………………………………………………………………………………………. 181
7.1.4 Recherche-action : forme collaborative ……………………………………………………………………………………… 182
7.2 Recherche-action et didactique des langues ……………………………………………………………………………………… 183
7.2.1 La perspective actionnelle …………………………………………………………………………………………………………… 185
7.2.2 Collecte de données, préalable à l’expérimentation …………………………………………………………………… 186
7.3 Questionnaire du départ ……………………………………………………………………………………………………………………… 189
7.4 Le questionnaire destiné aux enseignants …………………………………………………………………………………………… 190
Chapitre 8. L’analyse quantitative …………………………………………………………………………………………………………….. 193
8.1 L’enquête : difficulté de terrain et les efforts déployés ……………………………………………………………………… 193
8.1.1 Les raisons pour expliquer les difficultés rencontrées et les aléas accompagnant le déroulement du
questionnaire ………………………………………………………………………………………………………………………………… 194
8.1.2 La motivation des participants ……………………………………………………………………………………………………… 194
8.2 Identification des participants et présentation des résultats de l’enquête ………………………………………… 195
8.2.1 Catégorie d’âge et nationalité ………………………………………………………………………………………………………. 196
8.2.2 L’identification et le parcours linguistiques …………………………………………………………………………………… 198
8.2.3 Test de niveau et certification en langue ……………………………………………………………………………………… 201
8.2.3.1 Le test d’évaluation du niveau linguistique en français ………………………………………………………… 201
8.2.3.2 Les certifications en langue française ……………………………………………………………………………………. 204
8.2.4 Le parcours de l’étudiant, sa scolarité antérieure ………………………………………………………………………… 206
8.2.4.1 La scolarité antérieure et les pré-requis ………………………………………………………………………………… 206
8.2.4.2 Point de vue sur le programme poursuivi actuellement et degré de maîtrise du français de
spécialité …………………………………………………………………………………………………………………………………. 207
8.2.4.3 Le français de spécialité et la didactique des disciplines non linguistiques (DDNL)
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………. 208
8.3 Supports spécialisés et nature des difficultés linguistiques ………………………………………………………………… 210
8.3.1 Spécialité et cours poursuivis ……………………………………………………………………………………………………….. 211
8.3.2 Les supports de cours ……………………………………………………………………………………………………………………. 211
8.3.3 Nature des difficultés linguistiques ………………………………………………………………………………………………. 214
8.4 L’environnement linguistique et le degré d’exposition au français ……………………………………………………. 215

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 308
8.4.1 Environnement socioculturel et équipements ……………………………………………………………………………… 216
8.4.2 Etat des lieux et recours aux TICE dans l’enseignement des langues ………………………………………… 216
8.4.2.1 Ordinateur à votre disposition ……………………………………………………………………………………………….. 216
8.4.2.2 La connexion Internet ……………………………………………………………………………………………………………. 216
8.4.2.3 Une bibliothèque à la maison …………………………………………………………………………………………………. 217
8.4.3 Scolarité antérieure et recours au numérique ……………………………………………………………………………… 218
8.4.4 Cours de langue en ligne ………………………………………………………………………………………………………………. 220
8.5 Interactions en langue : maîtrise et amélioration ……………………………………………………………………………… 221
8.5.1 Le rapport au français et la vision « intériorité/extériorité » ……………………………………………………… 223
8.5.2 La meilleure façon pour apprendre une langue, selon les étudiants de la faculté de
Droit ……………………………………………………………………………………………………………………………………………….. 225
8.5.3 Méthodes d’apprentissages et amélioration du niveau linguistique ……………………………………………. 228
8.5.3.1 Le para-universitaire et le cours de soutien compléments de la formation
linguistique ……………………………………………………………………………………………………………………………… 234
8.5.4 Le français après l’université, enjeux sociaux et professionnels ………………………………………………… 238
8.5.4.1 Perspectives à venir et formation en français ……………………………………………………………………… 239
8.5.4.2 Le français dans le monde professionnel ……………………………………………………………………………… 240
8.5.4.3 Les enjeux socio-économiques et le recours au français ……………………………………………………… 241
8.6 Croisement des résultats ……………………………………………………………………………………………………………………… 242
8.6.1 La variable « sexe» et le niveau linguistique ………………………………………………………………………………. 245
8.6.2 La variable maitrise du français et la langue de spécialité ………………………………………………………… 247
8.6.3 La variable interactions en langue et les « perspectives futures » de l’usage du français
………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 248
Chapitre 9. Analyse qualitative et entretiens des enseignants …………………………………………………………………. 251
9.1 Orientations épistémologiques et approche méthodologique mobilisée ……………………………………………. 251
9.1.1 Positionnement épistémologique de la recherche ………………………………………………………………………… 253
9.1.2 Modes de recueil de données : l’entretien semi-dirigé ………………………………………………………………… 253
9.1.3 Méthode d’analyse poursuivie ………………………………………………………………………………………………………. 254
9.2 La démarche de l’approche lexicale …………………………………………………………………………………………………….. 255
9.2.1 « Nuages de mots », une entrée lexicale par générateur de mots clés …………………………………….. 255
9.2.2 L’approche lexicale et les constantes de l’analyse qualitative …………………………………………………….. 256
9.3 Profil des enseignants de langue : expériences pédagogiques et contraintes du terrain
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 257
9.3.1 Degré de maîtrise du français et propositions d’amélioration ……………………………………………………… 258
9.3.1.1 Niveau des étudiants ……………………………………………………………………………………………………………… 259
9.3.1.2 Compétences linguistiques et difficultés rencontrées …………………………………………………………… 259
9.3.2 Le Français langue universitaire : didactique, numérique et TICE ……………………………………………… 260
9.3.2.1 Le milieu universitaire et le déroulement des cours ……………………………………………………………… 261

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 309
9.3.2.2 L’équipe des enseignants et l’action pédagogique ……………………………………………………………….. 262
9.3.2.3 Le numérique et les TICE ………………………………………………………………………………………………………. 262
9.4 L’analyse thématique …………………………………………………………………………………………………………………………… 264
9.4.1 Préalable à l’analyse de contenu …………………………………………………………………………………………………… 264
9.4.2 Analyse thématique proprement dite …………………………………………………………………………………………… 266
9.4.2.1 Profil des enseignants et expériences du terrain …………………………………………………………………… 266
9.4.2.2 Niveau linguistique des étudiants : pré-acquis et attentes pédagogiques …………………………… 272
9.4.3 Didactique du FLU, numérique et TICE ………………………………………………………………………………………… 276
9.5 Synthèse ………………………………………………………………………………………………………………………………………………. 280
9.6 Les difficultés rencontrées au cours de la recherche …………………………………………………………………………. 281
Conclusion générale ……………………………………………………………………………………………………………………………………. 282
Bibliographie ………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 292
Table des matières ……………………………………………………………………………………………………………………………………… 303
Table des tableaux ……………………………………………………………………………………………………………………………………… 310

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 310
Table des tableaux et des figures
Tableau 1 ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………. 76
Figure 1 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………. 83
Figure 2 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………. 83
Figure 3 ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 100
Figure 4 ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 102
Figure 5 ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 104
Figure 6 ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 106
Figure 7 ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 111
Tableau 2 ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 117
Figure 8 ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 144
Figure 9 ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 167
Figure 10 ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………. 185
Figure 11 ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 187
Tableau 3 ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 195
Tableau 4 ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 197
Tableau 5 ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 199
Figure 12 ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 202
Tableau 6 ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 203
Tableau 7 ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 204
Tableau 8 ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 206
Tableau 9 ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 207
Tableau 10 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 209
Tableau 11 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 210
Tableau 12 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 212
Tableau 13 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 214
Tableau 14 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 216
Tableau 15 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 216
Tableau 16 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 217
Tableau 17 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 217
Tableau 18 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 219
Tableau 19 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 220
Tableau 20 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 223
Tableau 21 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 225
Tableau 22 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 226
Tableau 23 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 228
Tableau 24 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 229

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 311
Tableau 25 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 231
Tableau 26 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 232
Tableau 27 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 233
Tableau 28 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 234
Tableau 29 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 235
Tableau 30 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 235
Tableau 31 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 237
Tableau 32 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 239
Tableau 33 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 240
Tableau 34 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 241
Tableau 35 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 245
Tableau 36 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 247
Tableau 37 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 249
Tableau 38 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 257
Tableau 39 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 258
Tableau 40 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 261
Figure 13 ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 267

Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 312
Khalil MOUSSAFIR | Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc – 313
Annexes

1
Annexe n°1: Recueil de données quantitatives (questionnaire destiné aux étudiants)

Questionnaire
Le Français langue universitaire au Maroc

(Filières : Gestion / Economie/ Droit-Français)

(Ce questionnaire s’inscrit dans le cadre d’une recherche-action sur le Français à l’Université, vous êtes prié de répondre sincèrement aux questions. Les résultats de cette
recherche seront anonymes et n’auront d’autres fins que la recherche. Merci.)

Identification

Nationalité : …………………………………………………………….
Age : ………………………………………………………………
M F

1) Comment estimez-vous votre niveau linguistique ?

Très bien Bien Moyen Médiocre

2) Est-ce que vous avez passé un test de niveau (Test de positionnement par exemple) ?
Oui Non
3) Est-ce que vous avez passé une certification en langue française ? (de type TCF,
DELF/DALF …)

Oui Non

Partie I : Parcours linguistique


4) A votre avis, les cours de français que vous avez poursuivis antérieurement (lycée, collège),
vous ont-ils mieux préparé à poursuivre vos études supérieures en français ?
Oui Non
5) Le programme que vous suivez actuellement, favorise-t-il la maîtrise du français ?
Oui Non
6) Si Non pourquoi ? (Trois réponses sont possibles)
g) Le groupe d’étudiants est nombreux
h) Les cours à l’amphi ne facilitent pas l’échange
i) Vous suivez des cours mais vous n’avez pas la possibilité de faire des
exercices pratiques
2
j) Les thèmes choisis ne répondent pas à votre aspiration
k) Les méthodes adoptées ne vous motivent pas
l) L’ambiance générale ne favorise pas l’utilisation de la langue française

Partie II : spécialité gestion – économie et langue française.


7) Vous arrivez à suivre vos cours d’économie et gestion de manière :

a) Très bonne
b) Bonne
c) Assez bonne
d) Moins bonne
e) Pas du tout bonne
8) Les supports de cours de spécialité sont-ils compréhensibles pour vous ?

a) Totalement et sans difficultés


b) Globalement et avec quelques difficultés linguistiques
c) Moyennement et avec beaucoup de difficultés linguistiques
d) Pas du tout compréhensible

9) En cas des difficultés de langue rencontrées, celles-ci pour vous, sont liées :

a) Au lexique utilisé
b) A la langue écrite
c) A la langue orale
d) A la compréhension globale du document étudié
e) A la non maîtrise de la grammaire
10) Si vous avez des difficultés en langue française dans la compréhension des supports des
matières de spécialité, quelles sont les stratégies que vous choisissez pour les résoudre ?
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………
……………………..……………………………………………………………………………………………………………………………
…………………………………………..………………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………..…………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………..……………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………………..………………………………………
……………………………………………………………………………………………………………

Partie III : Environnement linguistique (outils et équipements)

11) À la maison, disposez-vous des équipements suivants ? (Cochez une case par ligne.)
Oui Non
a) Un ordinateur à votre disposition
b) Des logiciels éducatifs
c) Une connexion Internet
d) Une bibliothèque avec dictionnaires, livres utiles à votre travail,
e) des romans, des ouvrages de spécialité …

3
12) Dans le cadre de vos études antérieures, avez-vous utilisé des moyens informatiques
(Internet, CD-ROM,...) pour apprendre le français?
Oui Non
13) Êtes-vous favorables à des cours de langue en ligne élaborés par votre université ?

Oui Non

Partie IV : Interactions en langue : maîtrise et amélioration

14) Entre étudiants et en dehors des cours, utilisez-vous le français ?

Toujours Souvent Rarement Jamais

15) A quelle fréquence utilisez-vous le français en dehors de la faculté ?


Toujours Souvent Rarement Jamais
16) Quels sont pour vous les meilleurs moyens pour apprendre une langue ?
(Trois réponses sont possibles)

a) Système scolaire ou universitaire


b) Séjour linguistique à l’étranger (Temps de vacances passé à l'étranger
pour apprendre le français),
c) Cours particuliers
d) Par des moyens informatiques (CD-ROM, logiciels de langue, Internet ...)
e) Voyage dans le cadre des études

17) D’après vous, quelle est la meilleure façon pour améliorer son niveau en français ?
(Trois sont possibles)
a) Cours dans des groupes restreints à l’université
b) Cours « numérisés » avec la présence d’un professeur de langue
c) Cours « numérisés » à distance
d) Lecture en français de livres, magazines dans votre spécialité
e) Participation à des concours de la langue française
f) Participation à des événements linguistiques organisés au sein de l’université
g) Activités extra/para – universitaires
h) Cours de soutien et de renforcement linguistique

Partie V : Perspectives futures


18) Dans vos études futures, est-ce que vous croyez que vous allez encore étudier en langue
française ?
Oui Non
4
19) Après vos études universitaires, est-ce que vous comptez continuer à travailler en langue
française ?
Oui Non
20) A quel degré de fréquence vous comptez l’utiliser ?
a) A 100%
b) A 75%
c) A 50 %
d) Pas du tout

5
Annexe n°2 :

Guide et Questions :
Document servant de guide d’entretien lors des enquêtes sur
l’«Ingénierie didactique : le français langue universitaire au Maroc »
(entretiens semi-dirigés avec les enseignants de la Faculté de Droit)

Partie liminaire :

Après une question d’ordre général sur le sujet de notre étude, une présentation liminaire se focalisera sur le
contexte national des débats linguistiques afin de situer l’enseignement du français langue universitaire au
Maroc. Cette mise en situation permet d’une part de mettre l’utilisateur à l’aise avec le sujet. D’autre part, elle
lui donne l’occasion de s’exprimer de la manière la plus libre qui soit, sans contrainte et sans parti pris.
Par ailleurs, des précisions d’ordre méthodologique et didactique sont introduites ainsi qu’une présentation
schématique et laconique de notre stratégie de travail. Les précisions sont de nature à déterminer le type
d’enseignement du français assuré au niveau du supérieur. Elles favorisent également le débat et les
discussions avec les utilisateurs sur les retombées de cet enseignement sur le niveau des étudiants. Ce moment
d’échanges avec les enseignants de la faculté de Droit est péremptoire pour notre recherche. Au-delà des
particularités linguistiques et anthropologiques du contexte étudié, ces interactions nous permettent de nous
arrêter sur les pratiques pédagogiques afin de pouvoir les étudier, les analyser en vue d’une amélioration
possible.
Pour ce qui est de notre stratégie de travail dans le cadre de cette enquête, elle se base sur une approche
participative, dans la mesure où nous avons commencé par une concertation avec nos collègues. Ils ont été mis
au courant du sujet de la recherche et ont eu même l’occasion de s’exprimer et de formuler leurs remarques.
C’est ainsi que nous avons pu constituer notre échantillonnage des étudiants de filières des sciences
économiques et de la filière des sciences juridiques – section française.
Ce préalable, nécessaire à notre action, nous oriente aussi en matière d’étude et de constitution des éléments
de notre enquête auprès des étudiants. L’administration du questionnaire a pour vocation majeure et objectif
principal de contourner la problématique. Ce qui nous permet de ramener les éléments d’éclaircissements à
nos questions relatives à la nature des difficultés rencontrées par les étudiants et expliquer les causes des
obstacles d’apprentissage du français.
L’entretien :

L’entretien en question a pour caractéristique essentielle d’être élaboré et réalisé sous forme d’une enquête
explicite. Celle-ci élaborée à partir d’un questionnaire pré établi destiné aux enseignants de la faculté de Droit
6
afin de recueillir ouvertement leurs réponses. Il est semi-directif et constitué de questions ouvertes afin
d’assurer la liberté de répondre aux participants. Chacun jouit d’une posture importante dans la prise de
parole, contrairement au mode d’entretien directif où la marge de liberté programmée n’a qu’une place
minime. Ici on ne cherche pas la représentativité statistique de l’information, selon le principe de la saturation
de l’information, il s’agit plutôt de l’intérêt accordé à l’expérience de chaque enseignant.

Questions :
1) Vous exercez à la faculté de droit en tant que professeur de Français, parlez-nous de
votre expérience.
2) Comment vous jugez le niveau linguistique de vos étudiants ?
3) Ont-ils des difficultés linguistiques ?
4) Est-ce que vous pensez que les cours de français qu’ils ont poursuivi dans leurs cursus
antérieurs les prédisposent à mieux poursuivre leurs études universitaires? Si ce n’est
pas le cas, quelle est éventuellement la nature des obstacles ? Et à quels niveaux
exactement vous situez leurs difficultés ?
5) La maîtrise du français peut-elle aider les étudiants dans les autres matières ? comment ?
6) Les cours que vous assurez à la faculté de Droit sont-ils semblables à d’autres cours,
d’autres collègues (dans votre établissement, dans d’autres facultés) ?
7) Utilisez-vous les mêmes supports ? les mêmes méthodologies didactiques ?
8) Avez-vous recours aux TICE (PC/ Internet, logiciels, etc.) en classe ?
9) Pensez-vous que l’intégration des TICE dans vos séances de cours pourrait favoriser une
meilleure acquisition de la langue ?
10) Que pensez-vous des cours de langue et de terminologie spécialisée en ligne ?

7. CLOTURE

a) Est-ce qu’il y a d’autres problèmes que nous n’avons pas abordés et qui vous
semblent préoccupants?
b) Avez-vous quelque chose d’autre à ajouter concernant les problèmes de maîtrise de
la langue française?

7
Questions complémentaires à 2) et 3)

a) Comment avez-vous pris connaissance de ces difficultés?


b) Dans quelles circonstances ces difficultés surviennent-elles?

8
Annexe n° : 3
Résultats des exemens de fin semestre (I), session de printemps 2018/2019
(Filières gestion et économie)

a) Résultats des examens de français pour la section économique examen de fin de semestre (version n°1)

b) Résultats des examens de français pour la section économique examen de fin de semestre (version n°2)

9
Annexe n°4 :

Évolution remarquable du nombre d’étudiants inscrits en enseignement supérieur au Maroc


(P. 223)
a) Effectifs globaux :

b) Statistiques provisoires du Ministère de l’enseignement supérieur au titre de l’année universitaire (2018-2019) :

Source : site officiel du ministère de l’enseignement supérieur


https://www.enssup.gov.ma/sites/default/files/STATISTIQUES/4537/SituationStatUniver1819.pdf

10
Annexes n°5 : Traitement de données recueillies et analyse lexicale (analyse
qualitative)
- Résultats de l’opération nuage de mots pour dégager les mots clés.

Générateurs de Mots Clés (Nuage de mots)

E1 X IsM

E2 X MM°

E3 XY OB

E4 XY RR°

11
E5 X DHM

Question n°2 :

Générateurs de Mots Clés (Nuage de mots)

E1 X IsM

E2 X MM°

E3 XY OB

E4 XY RR°

12
E5 X DHM

Question 3 :

Générateurs de Mots Clés (Nuage de mots)

E1 X IsM

E2 X MM°

E3 XY OB

E4 XY RR°

13
E5 X DHM

Question n°4 :

Générateurs de Mots Clés (Nuage de mots)

E1 X IsM

E2 X MM°

E3 XY OB

E4 XY RR°

14
E5 X DHM

Question n°5:

Générateurs de Mots Clés (Nuage de mots)

E1 X IsM

E2 X MM°

E3 XY OB

E4 XY RR°

15
E5 X DHM

Question n°6

Générateurs de Mots Clés (Nuage de mots)

E1 X IsM

E2 X MM°

E3 XY OB

E4 XY RR°

16
E5 X DHM

Questions n°7:

Générateurs de Mots Clés (Nuage de mots)

E1 X IsM

E2 X MM°

E3 XY OB

17
E4 XY RR°

E5 X DHM

Questions n°8 & 9 :

Générateurs de Mots Clés (Nuage de mots)

E1 X IsM

E2 X MM°

18
E3 XY OB

E4 XY RR°

E5 X DHM

Questions n°10 & 11:

Générateurs de Mots Clés (Nuage de mots)

E1 X IsM

E2 X MM°

19
E3 XY OB

E4 XY RR°

E5 X DHM

20
Annexe n°6 : Recueil de données textuelles et Verbatim (données qualitatives)
Axes/Questions Enseignants Verbatim Interprétations
« Je suis enseignant des Techniques
d’expression et communication (TEC).

Axe I : J’enseigne à la Faculté de Droit de Settat

Profil et expérience des depuis vingt ans. Le module que j’enseigne a


été programmé au début avec deux éléments
enseignants
- L’intégration du module LC au
de module : langue et communication, en
niveau de la fac. de Droit, les
quatre heures hebdomadaire, soit deux établissements à accueil
Question 1 : ouvert.
heures pour chaque élément afin de
Vous exercez à la - Avant la Réforme 2009 :
développer la maitrise du français langue Les groupes des étudiants étaient
faculté de droit en tant universitaire et la compétence de +/- restreints, les moyens
que professeur de E1 communication. La réforme de 2009 neuf a mobilisés satisfaisants…

Français, parlez-nous introduit l’élément de module, méthodologie - Après la Réf. La massification :


arrivée massives des étudiants
de travail universitaire (MTU) à la place de
de votre expérience. nécessite le changement de
communication en semestre 1. En 2013, un stratégie
autre élément de module a été introduit à
savoir, la terminologie. Avec l’arrivée
massive des bacheliers, le module se trouve
réduit à deux heures par semaine et aux
semestres (1) et (2), au lieu des quatre
semestres au préalable. Il faudrait dire que
les conditions sont devenues peu favorable à
l’enseignement du français langue
- Le corps professoral
universitaire et au développement de la
(expérience de plus de 10 ans,
compétence de communication. » 13 ans, seize ans et 21 ans…).
- Le vécu de l’expérience avant
et après la réforme.

« J’ai commencé à occuper le poste


d’enseignant du Français auprès de la Faculté
de Droit de Settat (FDS) à partir de la
rentrée universitaire 2005/2006. Mon
expérience professionnelle peut être exposée
sous un double angle »
a-Angle de la dimension attribuée par les
responsables institutionnels au Module
Transversal du Français en milieu
universitaire :
« Le Module des Langues s’était assigné un
certain nombre d’objectifs, auxquels j’ai
adhérés et ce, en trois périodes distinctes :
E2 La première période date de 2003 (mon
recrutement auprès de la FDS coïncidait avec
une telle période) : elle instituait un module
intitulé « Langue et Communication ». C’était
un Module de renforcement visant à
améliorer les compétences langagières et
communicationnelles de tous les étudiants

21
universitaires, essentiellement ceux inscrits
en Etablissements à accès ouvert.
La deuxième période concerne la rentrée
universitaire de 2009-2010. Elle consistait en
- L’expérience a été consolidée
une revue des contenus et des dispositions par le travail de terrain, par la
formation continue et le
didactiques ayant affecté le module
partage d’expérience
transversal ; lequel prenait une autre (l’échange) avec d’autres
professeurs d’autres
appellation ; celle de « Langue et
universités (partenariats
Méthodologie du Travail Universitaire ». Le nationaux et internationaux…)
cours a introduit, en conséquence, des
outils pédagogiques appropriés (Test de
Positionnement, Supports, Centre des
Ressources Linguistiques) et ce, dans le but
de positionner les niveaux des futurs
apprenants en milieu universitaire. Ces
derniers devraient être répartis en groupes
en fonction de leur niveau d’acquisition du
français, ce qui nécessitait la mise en place
d’un programme adapté à chaque niveau ;
par les équipes pédagogiques, chargées de
dispenser le cours de Langue
La troisième période débute de l’année
universitaire 2014-2015. Avec une telle
rentrée, le Module « Langue Française » a
pris une autre dimension. Une nouvelle
appellation a été adoptée ; celle de « Langue
et Terminologie ». Les étudiants auront,
donc à acquérir des contenus tels qu’ils ont
été définis dans le Syllabus Indicatif (dit
d’harmonisation) édité par le Ministère de
l’Enseignement Supérieur, de la Recherche
Scientifique et de la Formation des Cadres.
La nouvelle conception est donc concentrée
sur la Langue Française, en tant qu’outil
véhiculaire du savoir dans les diverses filières
accréditées par le Ministère de tutelle. Ainsi,
les étudiants auront à acquérir les outils de
nature à remédier à leurs difficultés
linguistiques et à comprendre les sens des
principaux concepts de leur spécialité.
Par ailleurs, je tiens à préciser que durant
mon expérience professionnelle antérieure,
j’ai eu l’occasion de me dédier à taches ;
telles que :
-La poursuite d’un cycle de formation en E-
learning ; organisée par la Présidence de
notre Université auprès des Enseignants de
l’Etablissement (Moodle, Blackboard, Tell me
more….)

22
-La participation à l’animation de la
Quinzaine de la Langue française ; organisée
par notre Université (Hassan I Settat et la
Haute Ecole Hénallux de la Belgique) auprès
des étudiants de la FDS
b. Angle des cycles/filières pris en charge :
Tout au long de mon parcours professionnel
antérieur, j’ai été chargé de
dispenser/animer des cours au profit :
-Des étudiants du 1er cycle universitaire
inscrits en filière des Sciences Economiques
et Gestion, Droit en Arabe et Droit en
Français ;
-Des étudiants recrutés dans le cadre de la
Licence Professionnelle en domaine de la
Gestion. (le cours portait sur essentiellement
sur la communication de l’entreprise plutôt
que sur les aspects linguistiques) ;
-Des étudiants inscrits en cycle du Master et
ce, pour les accompagner dans les aspects de
la Méthodologie, du Développement
Personnel, de l’Analyse Transactionnelle et de
l’acquisition des « SOFT SKILLS » ;
-Des licenciés recrutés dans le cadre du
« Programme National de la Formation
Qualifiante des 25000 Licenciés » ; lancé par
la Présidence du Gouvernement et auxquels
ont adhéré –entre autres- les Universitaires,
l’Office de la Formation Professionnelle et de
la Promotion du Travail, la Confédération
Générale des Entreprises du Maroc….

« Je suis enseignante De langue et de


communication à la faculté de droit de Settat
depuis 2003. J’enseigne le module de
Technique d’expression et de communication
au dit établissement, […] Les contenus des
modules ont subi des réformes, ce qui

E3 introduit le fusionnement des deux éléments


du module en un : Langue et Terminologie.
Au début de mon expérience, je travaillais
dans les salles avec les groupes d’une
soixantaine d’étudiants, mais depuis 2011
notre faculté connait l’arrivée massive des
étudiants de la région. Ce qui fait que les
cours de langue et de terminologie sont
assurés en amphithéâtres dans des groupes

23
allant de 400 à 500 voire 600 étudiants. Ce
qui a tout chamboulé et limite l’action
pédagogique. »

« J’enseigne le module de français depuis


plusieurs années déjà au sein de la Faculté
de Droit (Settat). Les contenus et les
enseignements ont changé suivant les
différentes réformes universitaires. On
enseignait le module –Langue Française- en
deux heures par semaine, en plus d’un
E4
module –TEC- en deux heures également.
Puis, les deux modules ont fusionné en un
seul –LC-. Et, à présent, il est revu et
rebaptisé –LT-. Ce qui a appelé un
changement dans les contenus et les
stratégies.
Une grande contrainte pédagogique consiste
en le problème de la massification des
classes d’année en année. Et, cette
contrainte limite de façon notoire l’action
pédagogique. »

« Je suis professeur des TEC, des techniques


d’expressions et de communication en langue
française.
Mon expérience date depuis 16 ans. j’ai
commencé par enseigner la communication
comme matière.
Mon objectif était, d’une part, d’apporter un
E5
renforcement linguistique ou une remédiation
de la langue française (recours aux cours
classiques et de base en grammaire,
conjugaison, syntaxe).D’autre part, initier les
apprenants à la communication en créant des
situations de communication au sein de la
classe qui ressemblent à celles de tous les
jours.
J’ai joui d’une autonomie dans le choix des
contenus à enseigner et qui variait selon le
profil d’étudiants que j’avais (droit français
ou arabe ou sciences économiques),
J’ai utilisé les mêmes contenus (supports,
exercices, fiches) pour les deux profils et à
des niveaux différents comme par exemple
du semestre 1 jusqu’au semestre 4Mes
pratiques d’enseignement étaient les mêmes

24
et j’ai senti de l’ennui et surtout de la
stagnation dans l’acquisition du savoir ce qui
m’a poussé à chercher du nouveau pour
briser cet état canonique. Un enseignement
direct, focalisé sur l’enseignant et non sur
l’apprenant, un enseignement qui se fait et
se produit en l’absence d’outils
pédagogiques : absence d’outils
technologiques, masse des apprenants
élevée, horaires insuffisants, absence de
logistique pour mener à bien l’enseignement
et faciliter les apprentissages.
Les apprenants n’avaient pas la chance tous
de prendre la parole dans une simulation ou
improvisation ; sauf les meilleurs qui avaient
l’audace de participer.
Cet état de lieux de l’université et ce qu’elle
disposait comme moyens pour aider les
enseignants à mener à bien leurs missions
était pour moi la principale cause qui m’a
poussé à réfléchir à d’autres stratégies
convenables à l’enseignement /apprentissage
du français. »

« En ce qui concerne le niveau des étudiants


AXE II : Niveau en langue française, je trouve qu’il est
critique et va de pire en pis. Ce niveau Niveau linguistique critique des
linguistique : obstacles et
critique est dû en fait au cursus antérieur qui étudiants
amélioration
ne favorise pas la maîtrise de la langue, ni le
E1
développement de la compétence
communicationnelle outre les modes
d’enseignement-apprentissages mis en place
Question 2 :
qui ne favorise pas l’interaction et les
Comment vous
échanges au niveau de la faculté la situation
jugez le niveau linguistique
s’aggrave étant donné que le cours de langue
de vos étudiants ? - Niveau faible, critique,
est assuré dans un groupe massif.. Cela se - Il va de pire en pis
répercute sur la motivation des étudiants et - Niveau de maitrise faible,
rend leur situation délicate. ne favorisant pas le
développement de
Un bon niveau linguistique permet à compétence communicative
l’étudiant de poursuivre son cursus - Mode d’enseignement ne
universitaire avec aisance et motivation ce permet pas l’interaction et
les échanges …
qui n’est pas le cas étant donnée que les - Cette situation impacte le
étudiants sont dans la majorité d’un niveau niveau et la motivation des
A2 notamment dans les sections du droit étudiants
arabe. »

25
« Vu que j’ai été chargé d’assurer des cours à Manque de compétence
E2
plusieurs groupes relevant des cycles linguistique et communicative
d’études et des filières différents ; je me
permets de synthétiser la réponse à cette
question dans le tableau suivant :
- Niveau faible à l’écrit et à
1er cycle de la Licence Fondamentale :
l’oral
Droit en Arabe :
Les étudiants de cycle affichent un déficit - Difficulté de maitrise des
règles de grammaire, …
structurel en Langue Française
- Difficultés de rédaction
(Droit en Français) : - Difficultés de
Le niveau de ce groupe d’étudiants est compréhension de doc. De
spécialité
satisfaisant ; dans la mesure où ces
étudiants parviennent à comprendre le
discours énoncé par l’Enseignant, à participer
au cours (Questionnement) et à présenter
des exposés devant le public
Economie/Gestion :
Le niveau de ce public est moyen. La
majorité des étudiants de cette filière ont
suivi leurs parcours antérieurs en langue
arabe. La transition vers les études
universitaires dispensées en Français leur est
difficile : ont besoin d’une période
d’adaptation et de renforcement linguistique
Le niveau linguistique varie d’une
Licence Professionnelle :
filière à une autre et ce sont les
Notre encadrement au sein de ce cycle a
étudiants des filières arabisées de
intéressé seulement les étudiants en
droit qui affichent les plus grandes
Sciences de Gestion. Le cours avait plutôt
difficultés.
porté sur la Communication de l’Entreprise,
plutôt que sur la langue.
L’interaction avec les étudiants était riche
compte tenu de la taille restreinte du groupe
et de l’implication des étudiants dans les
travaux auxquels, je les ai affectés
(recherches, présentations, animations, cas
d’entreprise….....)
Master : Nous avons dispensé un cours de
Langue, Méthodologie et Communication au
profit d’un public des étudiants inscrits en
filière juridique (Droit en Arabe). Le niveau
étant toujours défaillant : nous avons eu du
mal à assurer un tel cours pointu

26
« C’est un niveau A1 pour le droit arabe et
A2 pour le droit français et les sciences
E3
économiques, B1 et B2 pour les apprenants
africains. - Niveau A2 B1
Incapacité à s’exprimer oralement (mots
isolés, phrases incomplètes et ambiguës,
agrammaticales, asémantiques, difficulté de
prononciation : i /U etc.)
A l’écrit comme à l’oral : l’écrit n’est que la
- Niveau en baisse
transposition de leurs compétences orales
avec d’autres types d’erreurs spécifiques à
l’oral : fautes d’orthographes, incohésion
discursive etc.
Le niveau des étudiants est calamiteux »

« Mes étudiants accusent un niveau faible,


voire critique notamment ceux des filières du
Droit arabe. Leurs compétences linguistiques
et communicatives ne sont pas
satisfaisantes. Ils ont un niveau faible à
l’écrit et à l’oral ils ont beaucoup de
difficultés. Ces difficultés sont apparentes
E4 aux niveaux :
-De la maitrise de la grammaire (la syntaxe,
l’orthographe …)
-De la rédaction (élaboration de compte
rendu, synthèse…)
-De la compréhension de documents
techniques
Bref, se sont des étudiants qui n’ont pas été
bien formé en matière de compétence
linguistique et communicative. Leur niveau
est situé entre A2 généralement pour - Déficit structurel en langue
quasiment tous les étudiants des filières de française,
Droit arabe, et B1 pour un certain nombre
limité des étudiants des filières francisantes
(économie et droit français). »

« Je trouve que le niveau des étudiants est


en baisse. Il varie selon les filières. Les
étudiants de DF et d’économie ont des
niveaux presque similaires. Actuellement, on
E5 peut classer, sommairement, les plus
motivés d’entre eux dans le niveau B1 ;
tandis les étudiants qui suivent un
enseignement de DA ne dépassent pas
généralement le seuil A2, pour les plus

27
enthousiastes parmi eux. »

AXE II :
Oui, nos étudiants ont des difficultés
Niveau linguistique
linguistiques évidentes, que ce soit à l'écrit
obstacles et amélioration
E1 ou à l'oral. Ils ne font pas assez des lectures
- Droit français niveau
libres et n'ont pas beaucoup profité des satisfaisant
enveloppes horaires allouées à
l'enseignement du français tout au long de
leur cursus scolaire.

- Economie/Gestion :
Question 3: - Niveau intermédiaire
Ont-ils des difficultés - Interaction riche (licence
pro …
linguistiques ? « Les difficultés linguistiques rencontrées
E2
chez nos étudiants (avec des degrés
différents) s’articulent autour de :
- Master Droit arabe : niveau
La Grammaire. défaillant …
La grammaire Il s’agit notamment des :
-Défaillances au niveau de la construction
des énoncés ;
-Faibles connaissances des divers modes de
- niveau A1 pour le droit
la liaison : préposition, mots de liaisons,
arabe et A2 pour le droit
conjonctions français
-Fautes d’orthographe lexicale quant à - incapacité à s’exprimer à
l’oral : mots isolés,
l’écriture même des mots usuels et des
phrases incomplètes,
fautes d’orthographe grammaticale,
notamment celles relatives à l’accord du
participe passé
-Faibles connaissances des valeurs
temporelles et des emplois convenables des
temps quant à la formulation de leurs
productions écrites
L’expression :
La bonne partie de nos étudiants ne se
rendent pas compte de l’importance attribuée
à l’emploi convenable des mots et
expressions dépendamment du contexte qui
se présente ; en ce sens qu’ils se permettent
d’employer :
-Des termes et des verbes « passe –
partout » : Déficit lexical ;
- Des expressions relevant du registre
familier
-Des termes spécialisés non articulés (non
prise en compte de la problématique posée)

28
- Des périphrases : .
Par ailleurs, la difficulté à ce niveau se
constate-t-elle aussi par le fait que la
majorité de ces étudiants s’avère incapable
de procéder à la reformulation des contenus
(paraphrase)
- Difficultés linguistiques
évidentes,
- Manque de lectures libres
La dissertation : - Ne rentabilisant pas les
(Les difficultés sur ce point concernent les
enseignements du français
lors de scolarité antérieure
étudiants inscrits en cycle du Master)
A ce niveau, les difficultés/défaillances
constatées concernent :

-L’incapacité à distinguer entre les plans de


la dissertation à envisager ; Défaillances grammaticales
-L’absence de cohérence et de l’articulation
multiples :
entre les parties des productions écrites de
- énoncés décousus
ces étudiants ; - faiblesses des modes
-Les hors sujets : surtout les discursifs de liaisons
d’entre- eux
- fautes de lexique,
orthographe,
-Le déficit quant aux idées avancées pour conjugaison
développer les points de son plan : les - difficultés liées aux
étudiants ne se dédient pas à la lecture. registres de langue,

Toutefois, on précise que (dans certains


cas) ; quelques étudiants avaient fait /font
preuve de satisfaction quant à leur niveau
linguistique : leurs performances nous ont
tellement séduits

E3 « Voire réponse 2 »

- les pratiques de langue ne


favorisent pas l’émergence
« Nos étudiants ont beaucoup de difficultés de leurs compétences de
linguistiques leurs compétences tant à l’écrit communication,
- difficulté de grammaire, de
qu’à l’oral sont faibles, comme nous l’avons rédaction et de prise de
expliqué ces difficultés les accompagnent le parole,
long de leur parcours scolaire jusqu’à
E4
l’université. De plus, les pratiques de langue
ne favorisent pas l’émergence de leurs
compétences de communication et leur
maîtrise du français. Nous pouvons situer ces
difficultés au niveau de la grammaire, de la
rédaction et surtout au niveau de la prise de
parole en public. En fin, un niveau
linguistique très faible voire critique veut dire
automatiquement décrochage »

29
« Les étudiants de la faculté de Droit ont
énormément de difficultés linguistiques. La
nature des difficultés diffère d’une filière à
- la nature des difficultés
l’autre. Difficulté à comprendre un document diffère d’une filière à une
spécialisé pour la filière droit arabe ou autre

maitrisé le français écrit ou encore à


E5
comprendre la terminologie juridique ou faire - difficulté à maîtriser le
lexique de spécialité, à
un simple exercice de traduction. Pour la
prendre des notes, à élaborer
filière économie, les étudiants éprouvent des une synthèse, à poursuivre/
difficultés à maitrise le lexique économique, à comprendre ses cours

pouvoir prendre des notes à comprendre le


schéma global d’un cours ou d’une
conférence, à faire une synthèse à élaborer
un plan équilibré d’une communication. Cela
outre les obstacles linguistiques. Je vois mal
comment un étudiant qui a toutes ces
difficultés linguistiques pourrait poursuivre
son cursus universitaire. »

Axe II :

Les cours de français dispensés avant le cycle


Niveau linguistique ;
universitaire visent certes plusieurs
obstacles et améliorations
compétences, orales, écrites et
communicationnelles. Mais, le constat est
Question 4 :
que le bachelier qui s'inscrit dans les
Est-ce que vous pensez que E1 établissements à accès ouvert n'est pas
les cours de français qu’ils assez prédisposé à poursuivre des études - l’étudiant primo-arrivant
(elles) ont poursuivis dans universitaires en langue française. Ses n’est pas prédisposé à
poursuivre ses études
leurs cursus antérieurs les difficultés sont multiples. On peut les
universitaires,
prédisposent à mieux formuler en une insuffisance au niveau Difficultés multiples :
poursuivre leurs études lexical, un relâchement grammatical, une
- insuffisance lexicale,
universitaires? Si ce n’est rédaction encore critique et une prise de - relâchement grammatical,
parole indécise et incertaine. À mon avis, - rédaction critique
pas le cas, quelle est
- prise de parole indécise…
éventuellement la nature l'élève essayait seulement de réussir son
baccalauréat sans beaucoup planifier la
des obstacles ? Et à quels
continuité ni trop se soucier d'une bonne
niveaux exactement vous
maîtrise et formation. En outre, ses obstacles En un mot une scolarité qui
situez leurs difficultés ?
résident dans le peu de moyens dont il ne lui donne pas le sens
dispose, notamment pour ceux qui sont issus d’être méthodique et
du milieu rural ou démuni. Il y a également développer des
la masse horaire élevée que l'élève passe en
compétences : planification
classe en plus des devoirs à préparer et des
de la formation ;
cours à apprendre, etc. Choses qui ne
favorisent pas beaucoup de lectures libres ni
de centrer sur des compétences linguistiques

30
pour les améliorer. De surcroît, la diversité
des matières accroît la difficulté de l'élève et
elle l'incite à choisir les solutions les plus
faciles, dont la fraude lors des évaluations.

« Les cours du Français dispensés à nos


étudiants lors de leurs cursus antérieurs
peuvent faire l’objet des constatations
Scolarité antérieure :
suivantes :
- cours focalisés sur la
Les cours au primaire s’articulaient autour de grammaire, l’expression
E2
l’expression orale, l’expression écrite et la orale et écrite,
-
grammaire. De tels cours n’étaient pas de la
même utilité pour tous les apprenants ;
essentiellement ceux qui proviennent du
monde rural où l’enseignant était /est chargé
en un volume horaire limité de dispenser des
cours aux classes « intégrées » ;
Les cours au cycle collégial s’explicitent
davantage dans la mesure où Obstacles à l’atteinte des objectifs
l’approfondissement de l’apprentissage et à la réalisation des tâches
devrait porter sur l’expression, la grammaire, linguistiques …
la production écrite et la lecture hors classe.
Or, il convient de préciser qu’avec la
massification des groupes, le caractère agité
des collégiens (adolescents) et la surcharge
des contenus (programmation de plusieurs
autres matières) ; rendent la tache de
l’enseignant et de l’élève difficile à aboutir à
des résultats satisfaisants (en l’occurrence en
Français ; objet de notre problématique en
cours) ;
Les cours du cycle secondaire s’articulent Au lycée le cours de français se
autour de l’étude des Romans, la Grammaire base essentiellement sur le
et la Production écrite. Cependant, le niveau français,
« élevé » de ces romans crée une certaine
distance entre les apprenants et l’Enseignant
qui se voit obligé de jouer le rôle de
Gendarme avant celui de la dispense des
cours.
A ce constat, s’ajoute le fait que l’épreuve du
Français n’est pas programmée à l’examen
national du Baccalauréat. Conséquence : les
lycéens négligent le français et se
concentrent plutôt sur l’Anglais.

En résumé, les cours du Français des cursus


antérieurs ne peuvent pas prédisposer en

31
bonne et due forme les étudiants à mieux
poursuivre leurs études universitaires.

Cours ne préparant pas les


Non, je souligne et je spécifie que les
étudiants aux études
contenus enseignés aussi bien que les
E3 universitaires.
démarches didactiques conçues au
secondaire ont amplifié et aggravé la
situation.
Les enseignants du secondaire enseignent
des contenus dit obsolètes avec des
méthodes obsolètes à des étudiants extra
connectés, la classe est coupé de leur monde
Cours de français ne favorisant pas
extérieur, ainsi ils sont démotivés,
l’enseignement par tâches et ne
inattentifs…
rattachent pas l’école à son
ils ont du mal à lire
environnement
à suivre le cours et à le comprendre
à prendre la parole
à écrire
Pourquoi ? car l’image a pris la place du mot

« Je ne pense pas que le cursus scolaires

E4 antérieurs notamment l’enseignement de la


langue française qu’ils ont poursuivi les a
mieux préparé aux études universitaires.
D’après l’expérience que j’ai avec les
étudiants et le profil qu’ils ont au départ,
c'est-à-dire comment ils arrivent dans mon
cours les prédisposent à poursuivre leurs
études universitaires de manière aisée.
D’année en année, je trouve des étudiants
ayant du mal à écrire une phrase à formuler
correctement un énoncé ou à effectuer une
Etudiants ayan t du mal à écrire
opération de lecture de documents,
correctement, à prendre des notes
d’explication de textes correcte et
ou exploiter convenablement les
convenable. Les obstacles qui entravent la
recherches documentaires.
maîtrise de langue et la compétence de
communication relèvent du peu de maîtrise
des 4 compétences à savoir comprendre
l’écrit , produire l’écrit et comprendre l’oral
produire l’oral. Je pense que c’est à ce
niveau-là qu’il faudrait travailler les
compétences des étudiants et que les cours
de langue française assurés au niveau du
primaire et du secondaire doit faire face à
cette réalité et travailler plus ses

32
compétences. Les cursus antérieurs sont
marqués par l’encombrement des devoirs de
grammaire, de conjugaison et les horaires
alloués aux activités de lecture, de compte
rendu de lecture, de synthèses et des
activités orales sont pratiquement
marginalisées. »

« D’après tout ce qui a été expliqué, je ne


vois pas que l’enseignement du français aux
Décalage entre la scolarité
cycles primaire et secondaire les a préparés
antérieure et les études
au cycle supérieur. Je vois que le français
universitaires.
enseigné au lycée n’a aucun rapport avec le
E5 français langue universitaire. Au secondaire,
tout le travail du français est focalisé sur
l’œuvre littéraire, alors le travail universitaire
nécessite d’autres compétences linguistiques
qui n’ont pas été suffisamment travaillées.
Voilà le premier obstacle, ce décalage entre
le secondaire et l’université. Il y a également
un obstacle lié aux modes d’apprentissage du
français, mais également des autres matières
au secondaire qui ne participent pas au
développement de l’autonomie de l’étudiant.
Chose qu’on lui demande à 100% à
l’université. Les cours à l’université assurés
en amphi en mode magistral ne laissent pas
de chance pour les étudiants qui souffrent de
difficultés linguistiques et méthodologiques et
en mode d’organisation d’apprentissage en
autonomie. »

33
Axe II : « La maîtrise du français est indispensable
pour les filières de DF et d'économie et

Niveau linguistique ; gestion. Et, elle est importante aussi pour la


E1 filière de DA, à l'ère de la mondialisation et
obstacles et améliorations
des échanges interculturels. Il est impossible
d'envisager un bon étudiant en DF ou en
Le français est indispensable au
sciences économiques qui maîtrise mal le
niveau du supérieur
langage qu'on lui parle. Les enseignements
Question 5 :
de ces filières, les contenus et les références
La maîtrise du français
sont en langue française. De ce fait,
peut-elle aider les
l'étudiant qui ne justifie pas d'un niveau
étudiant(e)s dans les autres probant en français ne saurait réaliser de
matières ? comment ? bons scores. »

« Compte tenu de la maitrise des langues


E2 d’enseignement, notamment qu’elle est la
condition sine qua non de l’accès aux savoirs
universitaires pour les étudiants (la langue
étant l’outil véhiculaire d’un savoir donné) ;
on peut affirmer que le français (langue
d’enseignement universitaire privilégiée au
Maroc) constitue un appui et une « aide
précieuse » à nos étudiants et ce, vu les
considérations suivantes :
-Les cours du français (de remédiation)
permettent aux étudiants de préparer la
transition des études lycéennes (dont les
La maitrise du français est la
cours étaient dispensés essentiellement en
condition de l’accès aux contenus
Arabe) aux parcours spécialisés choisis par
disciplinaires :
lesdits étudiants
- Elle permet la réussite et
-La maitrise du Français permettrait aux
le passage des concours
étudiants de réussir les concours d’accès aux de sélection,
cycles supérieurs des études ; post Licence - C’est un primordial
nécessaire à la réussite
(Master et Doctorat). Une telle maitrise est
des cours,
de nature à convaincre les Jurys des - C’est également la clé
entretiens chargés de la sélection des d’intégration du marché
candidats du travail.

-La maitrise du Français serait un primordial


nécessaire à la réussite des cours de
communication et de développement
personnel auxquels assisteront nos
étudiants : on ne peut pas communiquer si
on est incapable de le faire correctement
-La maitrise du Français est une condition
fondamentale pour réussir son insertion

34
professionnelle ; essentiellement dans les
domaines offrant plusieurs opportunités
d’intégration. Il s’agit des Métiers de l’Off
shoring et de l’Enseignement auprès des
Académies Régionales de l’Education et de la
La maîtrise du français permet de
Formation (Le Ministère de l’Education
suivre ses cours et d’effectuer les
Nationale compte recruter 200000
travaux universitaires
Enseignants dans les dix années à venir).

« Bien évidemment, la maitrise du français (


des quatre compétences) CE/CO, PE/PO est
le levier de la réussite.
- Leur permettra de suivre le cours magistral,
E3
souvent produit dans un français de
spécialité avec des débits variés.
-Leur permettra de comprendre ainsi le cours
et par la suite effectuer une prise de note
correcte, schématiser correctement le cours,
le résumer, réaliser une synthèse correcte
etc.
- cela leur permettra de s’auto évaluer dans
La maîtrise du français est
l’acquisition des dites compétences et par la
indispensable,
suite d’effectuer des décisions dans le choix
de la spécialité etc.…. »

« Je suis tout à fait d’accord que la


maîtrise du français est indispensable dans la
formation des étudiants universitaires. Pour
les filières économiques et la section de Droit
E4
français, je dirais que la maîtrise du français
est la condition du succès de l’étudiant qui,
avec un niveau critique, aura énormément de
difficultés à réussir dans les filières
économiques et juridiques, dont les cours
sont assurés en français. Nous avons
toujours été confrontés à des étudiants qui
n’arrivent pas à réussir dans leur module de
spécialité, justement à cause des difficultés
linguistiques. Les cours en amphi sont
donnés en langue française. L’étudiant qui ne
fait pas preuve de bons réflexes de prise de

35
notes et de synthèse aura du mal à
poursuivre ses enseignants. Aussi à
l’examen, l’étudiant en manque de
compétences de rédaction se voit dans la
limite de ses succès. »

« La maîtrise du français est indispensable


pour les filières de DF et d'économie et
gestion. Et, elle est importante aussi pour la
filière de DA, à l'ère de la mondialisation et
des échanges interculturels. Il est impossible
E5
d'envisager un bon étudiant en DF ou en
sciences économiques qui maîtrise mal le
langage qu'on lui parle. Les enseignements
de ces filières, les contenus et les références
sont en langue française. De ce fait,
l'étudiant qui ne justifie pas d'un niveau
probant en français ne saurait réaliser de
bons scores. »

36
Axe III : Les cours de français que nous assurons au
sein de la FD diffèrent des modules de Différences aux niveaux des cours

F. langue universitaire spécialité donnés dans le même et des activités programmées.

(FLU) + didactique et TICE établissement et ils diffèrent de ceux assurés

E1 par nos collègues qui exercent dans d'autres


établissements comme la FST et l'ENCG, en
raison des profils différents ainsi qu'au fait
que ces derniers établissements sont à accès
Question 6:
régulé.

Les cours que vous assurez


à la faculté de Droit sont-ils
semblables à d’autres cours, « Au sein de la FDS, nous (les Enseignants
des autres collègues (dans du Français) favorisons l’esprit de l’équipe et
votre établissement et/ou du travail en groupe ; en tant que corps Recours parfois à des supports et
dans d’autres…) ? pédagogique des contenus pédagogiques
Parmi les manifestations d’une telle réalité ; semblables, mais adaptés aux
on pourrait énoncer l’utilisation par les besoins des étudiants
E2 membres de l’équipe – d’un certain nombre
de supports semblables et ce, pour etre en
harmonie avec le contenu des prescriptions
pédagogiques indiquées dans les syllabus
pédagogiques édités par le Ministère de
tutelle. »

« NON, chacun fait ce qui lui semble


E3
convenable »

« Pour ce qui est des cours de langue et de


terminologie assurés au niveau de la faculté
de Droit, il faudrait dire que chaque
enseignant essaie autant que faire se peut

E4 d’adapter les contenus de ses cours au Adaptation aux besoins du public.


besoin et au niveau de ses étudiants.
Evidemment, le ministère définit le cahier de
charges de ces cours et donne les grandes
lignes, les orientations pédagogiques ainsi
que les objectifs généraux à atteindre dans le
cadre de ces cours, mais l’enseignant a un
peu de liberté d’agir afin de pouvoir choisir
les contenus pédagogiques qui répondent le
mieux au niveau et au besoin de ses
étudiants. De plus, dans les autres
établissements comme les écoles des
ingénieurs, les facultés des sciences et des
techniques, les écoles de Commerce … le

37
module est enseigné d’une autre façon et les
contenus des cours sont adaptés à ce
contexte particulier »

E5 « Voir supra »

S'agissant de nos collègues qui dispensent le


Axe III :
module LT au sein de la FD, nous n'avons pas
Fr. langue universitaire
les mêmes supports. Certes, on discute
(FLU) + didactique
E1
ensemble, on coordonne beaucoup d'actions
et TICE et on profite des remarques et expériences
des uns et des autres, mais chaque
enseignant dispose de supports distincts et
Question 7 : envisage la méthode qui lui semble la plus
adéquate.
Utilisez-vous les mêmes
supports que vos collègues?
les mêmes méthodologies
didactiques ?
« En rapport avec la réponse à la question 6
de cet essai, nous pouvons énumérer un
E2 certain nombre de supports :
Le support « Cap Université » édité par le
Ministère de l’Enseignement Supérieur et
qu’une équipe de chercheurs des universités
marocaines (de Kenitra et de Settat) ont
Action coordonnées, discussions
élaboré ;
entre collègues
Le support « Tremplin pour
l’enseignement/apprentissage du Français
Langue Universitaire au Maroc » élaboré par
une équipe composée des Chercheurs de la
Haute Ecole de Namur-Liège-Luxembourg et
des Chercheurs de l’Université Hassan I
Settat (2016)
Les supports des cours de « Terminologie
Economique/Juridique » mis à notre
disposition par le Ministère de Tutelle avec la
rentrée universitaire 2014/2015
Les supports traitant des thématiques de
l’Economie et du Droit que nous élaborons
nous même et que nous étudions avec nos
étudiants. Ce sont des supports que nous
nous efforçons à chaque fois d’actualiser e
ce, pour tenir compte des mutations des
environnements économiques et juridiques
de notre pays ;

38
Toutefois, nous précisons que chaque
Enseignant dispose de la possibilité de
rénover et de préparer ses propres supports
pédagogiques : Personnalisation de
L’action de l’enseignant consiste à
l’expérience de chaque membre de l’équipe
exploiter la marge de manœuvre
pédagogique
dont il dispose pour adapter les
S’agissant de la deuxième partie de cette
cours au niveau des étudiants.
question, nous indiquons que l’emploi des
supports semblables nous dicte de recourir
aussi à des méthodes didactiques semblables
et ce, en terme :
de travail préparatif (avant de venir dans le
cours),
de transposition didactique (nous insistons
sur la subdivision des supports à travailler en
unités didactiques ; mettant en œuvre ainsi
notre rôles de Médiateur et de Facilitateur de
l’acquisition du savoir),
des fiches utiles que nous proposons à nos
étudiants ; lesquelles leurs permettent de se
rendre compte de quelques règles de la
grammaire ; nécessaire à la formulation
correcte de leurs productions orales/écrites
des outils nécessaires à la compréhension
des contenus : la reformulation et la
démarche du questionnement.

Chaque année je change de supports,


Je garde la même méthode didactique, car je

E3 ne peux pas faire autrement avec des


groupes trop large.
Changement en fonction des
spécialités et du niveau (chaque
année introduit ses propres
changements…)
« Pour ce qui est des cours de langue et de
terminologie assurés au niveau de la faculté
de Droit, il faudrait dire que chaque
enseignant essaie autant que faire se peut
d’adapter les contenus de ses cours au
besoin et au niveau de ses étudiants.
Evidemment, le ministère définit le cahier de
E4
charges de ces cours et donne les grandes
lignes, les orientations pédagogiques ainsi
que les objectifs généraux à atteindre dans le
cadre de ces cours, mais l’enseignant a un
peu de liberté d’agir afin de pouvoir choisir
les contenus pédagogiques qui répondent le
mieux au niveau et au besoin de ses

39
étudiants. De plus, dans les autres
établissements comme les écoles des
ingénieurs, les facultés des sciences et des
techniques, les écoles de Commerce … le
module est enseigné d’une autre façon et les
contenus des cours sont adaptés à ce
contexte particulier »

« Les cours de français que nous assurons au


sein de la FD diffèrent des modules de
spécialité donnés dans le même
E5 établissement et ils diffèrent de ceux assurés
Différences au niveau des contenus
par nos collègues qui exercent dans d'autres
et au niveau des établissements…
établissements comme la FST et l'ENCG, en
raison des profils différents ainsi qu'au fait
que ces derniers établissements sont à accès
régulé.

40
Je recours rarement au TICE, en classe,

Axe III : depuis que nos interventions commencent à


se donner dans des amphithéâtres au lieu
Recours rarement aux TICE :
des classes devenues incapables de recevoir
Fr. langue universitaire + Renvoi : site, liens utiles …
didactique et TICE E1 nos groupes. Cela n'empêche pas que je
renvoie mes étudiants vers des sites, des
liens et des supports sur le net, que ce soit
Question 8 :
pour des recherches ou des compléments de
cours.
Avez-vous recours aux
TICE (PC/ Internet,
logiciels, etc.) en classe ?

« Nous évoluons dans une ère, où le recours


aux TICE s’avère une importance nécessaire
en vue dispenser ses cours. De ce fait, il
nous est commode d’en recourir. Il s’agit en
l’occurrence :
Recours régulier aux TICE
D’un Ordinateur portable : une base des
données emmagasinant les supports de
cours, les activités et exercices, les fiches de
E2
lecture et les feuille de travail
Des logiciels de traitement de texte et de
projections des présentations/exposés
De la connexion Internet (sur nos propres
frais) en vue de rendre le cours plus vivant
De la messagerie électronique avec nos
étudiants : consignes à transmettre aux
étudiants, demandes d’explications formulées
par de tels étudiants, suivi des réalisations
de nos apprenants......

E3 NON, pour le moment


Non

Personnellement je n’ai pas recours


régulièrement aux TICE dans ma classe, dans
Non recours aux TICE
mes préparations je m’inspire des TICE, je
Difficultés à intégrer les TICE en
propose aussi aux étudiants certaines
amphi
E4
adresses de ressources pédagogiques à
consulter sur le Net, mais ce sont des
activités en complément à mes cours que
j’assure en amphi et je vois mal comment
intégrer les TICE dans un groupe assez large.

41
Je n’ai pas recours au TICE. Je travaille
toujours de façon classique, c'est-à-dire le
Non recours à cause de la non
E5 tableau. Ce n’est pas parce que je vois que
maîtrise de l’outil.
les TICE ce n’est pas important, mais parce
que je n’ai pas été formé à l’intégration des
TICE dans mes cours.

Axe III :
« Oui, les TICE s'imposent à l'heure actuelle
Fr. Langue universitaire dans l'enseignement. Mais, il y aura une
E1
(FLU) + didactique et TICE difficulté d'en profiter pleinement au sein des
La masse des étudiants ne facilite
salles en surnombre. »
pas l’usage des TICE
Question 9 :

« L’utilisation des TICE ne peut être que


Pensez-vous que
bénéfique. En effet, elle permet :
l’intégration des TICE dans
E2 De rendre les cours vivats et attractifs :
vos séances de cours
réponse au souci de la motivation ;
pourrait favoriser une Avantage des TICE :
essentiellement pour les groupes massifs
- Cours attractif et plus
meilleure acquisition de la
(projections des Vidéos,- animations- vivant
langue ? - Peut aider dans
témoignages… ) ;
l’apprentissage à distance
D’exploiter des documents authentiques et
- Offre à l’enseignant plus
ce, de manière à les rendre faciles à assimiler de liberté de travail et
par les étudiants ; d’encadrement des
étudiants…
De répondre à l’impératif de la massification
des groupes que nous sommes/serons
amenés à encadrer. Les TICE permettent
dans ce sens de libérer les étudiants qui ne
peuvent assister au cours de l’obligation du
présentiel ;
D’offrir aux étudiants et à l’enseignant plus
de temps afin de se dédier aux activités
parallèles au cours (gain du temps)
De favoriser l’échange entre l’Enseignant et
ses étudiants grâce au procédé de la
messagerie instantanée (programmée en
dehors de la séance officielle du cours) ;
De faciliter à l’enseignant de procéder à des
évaluations formatives après avoir travaillé
une certaine partie du cours. Ainsi, le dit
Enseignant aura la possibilité de mettre le

42
point sur les acquis de ses étudiants et par
conséquent procéder aux ajustements
nécessaires et ce, en vue de réaliser les
objectifs pédagogiques qu’il s’assigne

Oui, « le choc des images et le poids des


mots »
Comme je viens de le mentionner dans la
question 4, l’utilisation des TICE est le moyen Les TICE = moyen idéal pour
idéal pour favoriser l’acquisition de la langue, favoriser l’enseignement du
E3
Pour cela, il nous faut : français,
Formation des enseignants au numérique,
La veille numérique
L’accompagnement des apprenants afin qu’ils
infléchissent leur comportements quant à
l’utilisation du numérique afin qu’ils puissent
canaliser leurs efforts et énergies pour des
finalités pédagogiques.

« Nous évoluons dans une ère, où le recours


aux TICE s’avère une importance nécessaire
en vue dispenser ses cours. De ce fait, il
nous est commode d’en recourir. Il s’agit en
E4
l’occurrence :
D’un Ordinateur portable : une base des
données emmagasinant les supports de
cours, les activités et exercices, les fiches de
lecture et les feuille de travail
Des logiciels de traitement de texte et de
projections des présentations/exposés
De la connexion Internet (sur nos propres
frais) en vue de rendre le cours plus vivant
De la messagerie électronique avec nos
étudiants : consignes à transmettre aux
étudiants, demandes d’explications formulées
par de tels étudiants, suivi des réalisations
de nos apprenants......

« Je crois que les TICE ont leur mot à dire


dans l’enseignement du français langue
universitaire, surtout que la génération
E4
d’aujourd’hui est très connectée, mais il

43
faudrait une décision officielle et une action
de terrain bien ciblée pour mettre en place
Besoin d’une action décisive dans
une structure qui fonctionne dans ce sens.
ce sens
Cependant, la technologie TICE n’est qu’un
outil, il ne doit pas exclure le rôle de
l’enseignant, le rôle de l’enseignant est
toujours un rôle central.

Actuellement tout le monde est conscient du


rôle des TICE dans l’enseignement supérieur
Difficulté d’exploiter les TICE
mais pour des groupes des étudiants qui vont
E5 au-delà de 400 et 500 étudiants, je vois que
la situation est compliquée

Axe III
Question 10 « Je n'ai pas une idée claire sur les cours de
E1
Que pensez-vous LT spécialisée en ligne. »

des cours de langue Ambigüité

et de terminologie
spécialisée en En plus des bienfaits de la technologie

ligne ? (énoncés dans le point « 9 » de cette


production) ; les cours de Langue et de
Terminologie Spécialisés ne pourraient que
d’être d’une valeur ajoutée pour nos
étudiants, puis qu’ils :
E2
Auront la possibilité de cerner les sens
/significations des termes employés dans
Avantages d’exploitation des cours
leurs domaines de spécialité ;
de terminologie en ligne
Seront capables de produire des
dissertations/documents en rapport avec
leurs vocations académiques ;
Animeront des « Ateliers Spécialisés » dans
des thématiques en liaison avec les contenus
disciplinaires programmés dans les cursus de
formation qu’ils sont choisis.
Développeront un profil compétitif leur
permettant d’accéder aux cycles supérieurs
de la formation et même de réussir une
intégration professionnelle

44
E3 Ambigüité
Aucune idée !!!!

Personnellement, je ne vois je n’ai pas


Ambigüité
d’idées sur les cours de Langue et
E4 Terminologie en ligne.

« Je n’ai pas d’idées sur ce genre de cours ».


Ambigüité

E5

Suggestions :
(Compléments de « Finalement, il convient d'envisager un
enseignement solide et harmonieux du
questions / propositions
français durant tous les cycles, afin de faire Enseigner dans des groupes
face aux difficultés des étudiants et restreints,
d'améliorer leur formation. En outre, il
E1
convient de penser un enseignement de
français en groupes restreints. »

« Nous signalons la nécessité de « travailler


davantage » sur la motivation des étudiants
et ce, pour plus d’implication et
d’engagement. Le but étant de corriger les Travailler la motivation des
jugements de valeurs et les fausses étudiants
conceptions véhiculées autour du Module
Transversal des Langues ;
E2
Recommandons la nécessité de programmer
le module des Langues dans tous les
Semestres de la Licence et ce, dans le but
d’atteindre systématiquement et
progressivement les objectifs assignés à un
tel module ;
Recommandons aux Enseignants de travailler
davantage la morphosyntaxe et ce, pour Travailler davantage la langue
remédier aux difficultés du structuralisme (syntaxe…)
que nous étudiants affichent clairement ;
surtout que le Français est connu pour son
caractère flexionnel ;
Exhortons (dans le cadre de l’alternance
codique), l’ouverture sur l’Anglais (langue
universelle et de la production du savoir) :
l’objectif est de produire des profils
compétitifs ;

45
Nous conseillons la nécessité de la
coordination (si c’est possible socio-
culturellement) avec les Départements
d’Economie et de Droit. La finalité étant
obtenir plus de pertinence des cours de
Terminologie Spécialisée.

« Maitriser la langue française ne consiste Enseigner la langue en rapport


pas seulement à acquérir toutes ses avec la culture
E3 composantes, il ne faut pas omettre sa
composante culturelle. Dépourvoir la langue
de sa dimension culturelle c’est lui ôter son
sens. »

« Mon idée est que les cours de langue Favoriser l’échange


devraient être assurés dans des salles avec
E4
des groupes restreints afin de pouvoir
favoriser l’échange et le développement des
compétences de communication et de
production tant à l’écrit qu’à l’oral. »

« Les problèmes du français langue


universitaire sont liés à la problématique du C’est une problématique à discuter
E5 français au Maroc, à la fois comme langue dans sa globalité dans le cadre des
enseignée et langue d’enseignement. Il politiques linguistiques
faudrait la discuter dans globalité et en
adéquation avec les politiques linguistiques
du pays, ce qui donnera plus de visibilité et
permettra de l’approcher sous un angle
linguistique et didactique probants».

46
Annexe 7 : Analyse de données textuelles (ADT) : résultat du traitement Atlas.ti
(Analyse qualitative)

1. Profil et expérience :

2. Niveau linguistique :

47
3. Nature des difficultés linguistiques :

4. Préparation aux études universitaires :

48
5. Maîtrise du français :

6. Didactique du FLU ( Similarité des cours) :

49
7. Didactique du FLU (Numérique et TICE) :
a. Supports et méthodologie

b. Recours au numérique :

50
c. Obstacles d’intégration des TICE

d. Terminologie numérique :

51
RÉSUMÉ Le Maroc est un pays au carrefour des autres pays. Trait d’union entre l’Europe et l’Afrique, ce pays de l’Ouest de
la Méditerranée connait une situation linguistique particulière. Le chercheur et l’analyste de la situation
linguistique au Maroc se trouvent face à de nombreux défis en rapport avec la diversité linguistique et culturelle.
Ainsi, toute tentative d’approche du phénomène linguistique devrait prendre en considération cette réalité
historique afin qu’elle ne tombe pas dans les généralités et les stéréotypes. Certaines analyses sont, parfois,
limitées par des enjeux idéologiques ou politiques, elles ne couvrent, de ce fait, qu’une partie de la vérité et
laissent de côté la genèse d’une histoire linguistique enrichie à travers les époques. Notre étude se focalise sur la
problématique du français langue universitaire (FLU). C’est une intervention sur le terrain (recherche-action) qui
prend pour champ d’expérimentation l’Université Hassan 1er. Les étudiants de cette université souffrent de
lacunes linguistiques apparentes, notamment au niveau des établissements à accès ouverts. Notre approche est à
la fois, quantitative et qualitative. L’étude quantitative prend appui sur un questionnaire destiné aux étudiants,
afin de déterminer les facteurs qui affectent les compétences en langue française. Après le croisement des
résultats des données recueillies par questionnaire, étape cruciale dans le processus de la recherche, notamment
dans la détermination des facteurs ayant une influence sur la maîtrise de la langue de spécialité, nous avons jugé
pertinent de couronner notre démarche qualitative par des entretiens semi-dirigés avec des enseignants de
langue. Les résultats de notre recherche seront mis à la disposition des chercheurs, des opérateurs du terrain et
des instances exécutives pour faire valoir le travail entrepris et pour participer à l’amélioration de l’enseignement
du français langue universitaire.

mots-clés : Ingénierie didactique – Français langue étrangère – Dispositif – Portfolio – Perspective actionnelle –
Autonomisation

Morocco is a country at the crossroads of other countries, a link between Europe and Africa. It is situated in
ABSTRACT

Northwestern Africa, 14 kilometers away from Spain and so Europe and has a special linguistic situation.
Researchers in linguistics in Morocco face many challenges in relation to linguistic and cultural diversity. Thus,
any attempt to approach the linguistic phenomenon should take into account this historical reality so that it
does not fall into generalities and stereotypes. Some studies are sometimes limited by ideological or political
issues as they cover only part of the truth and leave aside the genesis of a linguistic history enriched through
the ages. Our study focuses on the issue of French as a university language (FUL). It is in the framework
(research-action) which takes Hassan 1st University (Settat, Morocco) as field of experimentation.
Students at this university suffer from apparent language lacunae, particularly in open access institutions. We
chose to study the case of this establishment adopting an approach that is both quantitative and qualitative.
The former uses a questionnaire for students with a view to determine the factors that affect French-language
skills. After cross-referencing the results of the questionnaire data, which is a crucial step in the research
process, especially in determining the factors influencing the mastery of the specialty language, we considered it
appropriate to crown our qualitative approach with interviews semi-directed by language teachers. The results
of our research will benefit researchers, field operators and executive bodies to highlight the work undertaken
and to participate in improving the teaching of French as a university language.

Keywords: linguistic policy, language teaching device, pluralistic approaches, French as a


university language (FUL), language portfolio,(NTIC )…

Présidence de l'université
40 rue de rennes – BP 73532
49035 Angers cedex
Tél. 02 41 96 23 23 | Fax 02 41 96 23 00
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ENGAGEMENT
DE NON PLAGIAT
Je, soussigné(e) Khalil MOUSSAFIR
déclare être pleinement conscient(e) que le plagiat de documents ou d’une
partie d’un document publiée sur toutes formes de support, y compris l’internet,
constitue une violation des droits d’auteur ainsi qu’une fraude caractérisée.
En conséquence, je m’engage à citer toutes les sources que j’ai utilisées
pour écrire ce rapport ou mémoire.

signé par l'étudiant(e) le 21 / 09 / 2019

53
Thèse de Doctorat
Khalil MOUSSAFIR

Titre : Ingénierie didactique et enseignement du français langue universitaire au Maroc

Mots clefs : Politique linguistique, dispositif d’enseignement des langues, portfolio des langues, approches plurielle, français langue
universitaire, TICE

Résumé : Les étudiants de cette université souffrent de lacunes linguistiques


Le Maroc est un pays au carrefour des autres pays. Trait d’union entre apparentes, notamment au niveau des établissements à accès ouverts.
l’Europe et l’Afrique, ce pays de l’Ouest de la Méditerranée connait une Notre approche est à la fois, quantitative et qualitative. L’étude
situation linguistique particulière. Le chercheur et l’analyste de la quantitative prend appui sur un questionnaire destiné aux étudiants, afin
situation linguistique au Maroc se trouvent face à de nombreux défis en de déterminer les facteurs qui affectent les compétences en langue
rapport avec la diversité linguistique et culturelle. Ainsi, toute tentative française. Après le croisement des résultats des données recueillies par
d’approche du phénomène linguistique devrait prendre en considération questionnaire, étape cruciale dans le processus de la recherche,
cette réalité historique afin qu’elle ne tombe pas dans les généralités et les notamment dans la détermination des facteurs ayant une influence sur la
stéréotypes. Certaines analyses sont, parfois, limitées par des enjeux maîtrise de la langue de spécialité, nous avons jugé pertinent de
idéologiques ou politiques, elles ne couvrent, de ce fait, qu’une partie de la couronner notre démarche qualitative par des entretiens semi-dirigés des
vérité et laissent de côté la genèse d’une histoire linguistique enrichie à enseignants de langue. Les résultats de notre recherche seront mis à la
travers les époques. Notre étude se focalise sur la problématique du disposition des chercheurs, des opérateurs du terrain et des instances
français langue universitaire (FLU). C’est une intervention sur le terrain exécutives pour faire valoir le travail entrepris et pour participer à
(recherche-action) qui prend pour champ d’expérimentation l’Université l’amélioration de l’enseignement du français langue universitaire.
Hassan 1er.

Title : Didactic engineering and teaching of French as a university language in Morocco

Keywords : linguistic policy, language teaching device, pluralistic approaches, French as a university language (FUL), language portfolio, (NTIC)

Abstract : Morocco is a country at the crossroads of other countries, a Students at this university suffer from apparent language lacunae,
link between Europe and Africa. It is situated in Northwestern Africa, particularly in open access institutions. We chose to study the case of
14 kilometers away from Spain and so Europe and has a special this establishment adopting an approach that is both quantitative and
linguistic situation. Researchers in linguistics in Morocco face many qualitative. The forme ruses a questionnaire for students with a view to
challenges in relation to linguistic and cultural diversity. Thus, any determine the factors that affect French-language skills. After cross-
attempt to approach the linguistic phenomenon should take into referencing the results of the questionnaire data, which is a crucial step
account this historical reality so that it does not fall into generalities in the research process, especially in determining the factors
and stereotypes. Some studies are sometimes limited by ideological or influencing the mastery of the specialty language, we considered it
political issues as they cover only part of the truth and leave aside the appropriate to crown our qualitative approach with interviews semi-
genesis of a linguistic history enriched through the ages. Our study directed by language teachers. The results of our research will benefit
focuses on the issue of French as a university language (FUL). It is in researchers, field operators and executive bodies to highlight the work
the framework (research-action) which takes Hassan 1st University undertaken and to participate in improving the teaching of French as a
(Settat, Morocco) as field of experimentation. university language.

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