Hespéris 2 - 1922 Biblographie Tome II
Hespéris 2 - 1922 Biblographie Tome II
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HESPÉRIS
TOME II
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HESPÉRIS
ARCHIVES BERBÈRES et BULLETIN DE LINSTITOT
ANNÉE 1922
TOME II
MDCCCGXXII
PT
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i.h
S 27 07 fi
UNE NÉCROPOLE MÉRINIE>E
Boû Regrcg. Jusqu'aux années qui précèdent notre arrivée, les voya-
geurs, peu nombreux, qui parlent de Chella, sont séduits eux aussi,
par le pittoresque des ruines, mais ne songent pas à les décrire exac-
tement ni à retracer leur histoire.
(1) M. Saladin, Manuel d'art musulman, I, l'Architecture, Paris, 1907, pp. 234-^5,
fig. 170-171.
HESPÉBIS. — T. H. — 1922 I
â CHELLA
que l'on peut savoir sur le passé de Ghella musulmane; d'éditer les
de côté toutes les légendes qui se sont attachées à ses vestiges et les
(2) Villes et Tribus du Maroc; Rabat et sa région, t. I, Les Villes avant la conquête,
Paris, 1918, pp. 4i-5i.
HISTOIRE â
1,
HISTOIRE
A. — Ghella jusqu'aux Mérinides.
II est au Maroc un certain nombre d'endroits qui, par leur situation
topographique, semblent avoir été de tout temps destinés à être habi-
tés : -on y trouve, en effet, réunies toutes les conditions nécessaires
à la vie des populations primitives, de l'eau en toute saison, une
position aisée à défendre, la proximité d'une riche vallée, et parfois
d'un fleuve poissonneux. Sur certains de ces emplacements se sont
développés par la suite des centres importants : telle est, par exemple,
l'origine de Volubilis, de Fès, de Sfroû, de ïaza, de Tlemcen. Chella
fut un de ces points habités dès la plus haute antiquité : sur le plateau
qui la domine, les silex taillés d'époque chelléenne sont nombreux;
on y relève en abondance des outils moustériens et des silex
bable que la Sala romaine succéda à une cité punique assez impor-
4 CHELLA
d'abord, puis d'el-Bakrî, le site même n'ait plus été habité. Ils n'y
signalent, en effet, que des ruines, d'ailleurs imposantes, et il semble
qu'au moment où ces voyageurs passèrent en ces lieux, l'ancien cen-
la rive droite du fleuve (3). D'ailleurs, ce fait n'a rien que de très
(i) Cf. Manuel pour la recherche des antiquités dans le Nord de VAfrique, Paris, 1890,
p. i84.
(2) Cf. Pline l'Aincien, Hist. A'af., V, I. Sxw Sala romaine, cf. Gh. Tissot, Recherches
sur la géographie comparée de la Maurétanie tingitane, in Mém. Acad. Insc, i" série,
t. IX, 1878, p. 23l. — Sur la nôoropolc, cf. Henri Basset, La nécropole romaine de Chella, in
France-Maroc, 1Q19. Les premiers résultats ont été comimuniqués à l'Académie des Ins-
criptions; cf. Comptes rendus de l'Acad. des Insc, 1918, pp. 3oo-3oi.
(3) Si l'on accepte les indications données ptir Ibn Khaldoûn, 'Ibar, Histoire des Ber-
HISTOIRE 5
mer sans grand risque d'erreur qu'il faut entendre par ces noms Salé
plutôt que Chella (2).
bcres, trad. de Slane, Alger, i852-58, t. II, app. III, p. 56o et 563, il semble que dès
l'époque d'Idrîs II, Salé existait déjà, indépendamment de Chella. L'historien dit, en
effet, qu'à la mort d'Idrîs II, son fds 'Isa eut dans sa part de l'empire Salé, Chella, Azom-
moûr, Safi.
(i) La coexistence des deux noms de Châla et de Sala peut d'ailleurs s'expliquer aisé-
ment :deux toponymes ne sont que le doublet d'un même terme qu'il y a tout lieu
oes
de croire berbère, ou plutôt phénicien. Cf. en effet le traitement du phénicien dans ;!/'
les toponymes ou les mots puniques latinisés ^T1 devient nis dans Rusicnde, Rusaddir,;
Bakirî (Cf. p. 202 de la trad. de Slane, Paris, i85c)). Il est probable qu'elle se fixa défîniti-
contre le pays des hérétiques, avec des succès divers. Les Idrîsides,
puis les Andalous de Ja'far, fils de 'Alî, puis les Sanhaja de Bologgîn
ben ez-Zîrî (868/978 et années suivantes), puis de nouveau les Anda-
lous deWàdih, gouverneur d'el-Mansoûr Ibn Abî 'Amr (889/999),
le
puis les Ifranides de Salé, surtout sous le règne de Tamîm, les com-
battirent tour à tour, en attendant que des coups décisifs leur fussent
portés par les Almoravides et les Almohades. Pour toutes ces expédi-
tions. Salé, à l'abri de l'autre côté du fleuve, formait une « base y
de premier ordre.
Il est même probable que la concentration des mojâhldîn contre les
Barghoûwàta s'opérait sur la rive gauche. Nous avons' pour cette épo-
(r) Notre principale source d'informations sur cette question est la Description dr-
n'en reste pas moins assez obscur sur certains points : il semblerait,
à le lire, qu'il y ait eu deux ribât, l'un à Sala même, l'autre autour de
Châla. Mais on ne voit guère pourquoi, à si peu de distance l'un de
l'autre, ces couvents-forteresses auraient pu s'édifier, dans un but
d'ailleurs identique. Il serait peut-être plus rationnel de ne pas accor-
der au second ribàl d'Ibn Hawqal la signification qu'il donne au pre-
mier. II est certain que celui des ribàt qui entourait la ville ruinée, et
(i) Kitâb el-masâlik wo 'l-mamAlik, éd. de Goeje, i' partie, iSy^, p. 5fi :
(2) L'ancien limes romain passait en effet à très peu de distance au sud de Rabat. Son
tracé est enrore visible et a été remarqué par les indigènes qui l'appellent Sâqîat Far'oûn.
8 CIIELLA
en effet, comime une tête de pont d'où l'on pouvait constammonl sur-
veiller et menacer les Bar^hoftwàta liérétiques, avec la ressource, eu
On ignore le rôle que joua le ribàt pendant les luttes acbarnées que
les Almoravides livrèrent à la confédération du sud du Boû Regreg
et au cours desquelles 'Abd Allab, fds d'Iasîn, trouva la mort. Les
Barglioûwàta. épuisés par les attacjues dont ils étaient Tobjet depuis
(i) Cf. René Documents géographiques sur V^Ajnque septentrionale, Paris, iSqS,
Basset,
p. 25, noteCe passage a été utilisé par les auteurs de Babat et sa région, i, p. g;
I.
ils déclarent avec juste raison ip. ii) que les Banoû Târo:a étaient d'orip^inc Sanhâja et
que, par conséquent, ils purent être amenés à Rabat par les AlmoraYidcs.
HISTOIRE 9
est fondé. C'est là qu'il réunit à plusieurs reprises des troupes qui doi-
vent passer on Espagne. Mais la nouvelle ville semble avoir perdu
presque toute sa splendeur à la mort de son fondateur : après une
courte éclipse. Salé redevient la principale agglomération.
(i) Nous remercions le savant salétin Si Mohammed Ibn 'Ali ed-Dokk:>It es-Salàwî. his-
toriographe de S. M. Chérifienne, d'avoir bien voulu nous communiquer sa notice sur
Chella, intitulée ed-Dorrat el-iatima fi wasf madinat Châllat el-haditha iva'l-qadima. Cette
notice vient d'être presque intégralement reproduite dans une brochure signée d'un jettie
de Rabat, Mohammed Aboû Jandàr, sous le titre de Châlla wa-âthârohâ (Rabat, Impri-
merie officielle, i34o).
(2) Aoi témoignage d'Ibn Khaldoùn (IV, p. 38), la première soumission des habitants
de Rabat et de Salé aux Mérinides aurait eu lieu vers la fin de 646 (la^Q). Mais le texte n'est
pas clair.
(3) Sur ces événements, cf. Qirtâs, p. it)7 et surtout Ibn Khaldoùn, IV, pp. 'yi sqq.
10 CHELLA
vait alors à Taza, accourut en toute liàte, et, au bout de qual^orze jours
de siège, reprit Salé aux Cbrétiens. Pour paier à toute tenlative nou-
velle de la part de ces derniers, il fit construire le long die la rive
vailler de ses propres mains à cette œuvre pie (i). Par la prise de Salé,
le sullan Aboù loûsof la'qoûb avait accompli son premier acte de
guerre sainte.
Il me s'en tint pas là dans son activité de mojAbid, ei, reprenant les
(i) Sur ces événements cf. Qirtàs, p. 20 r et Ibn Khaldoûn, IV, p. 47 sqq. — lâ'qoûb fils de
'A.bd Allah n'attendit pas l'arrivée de son oncle et, après avoir tenu la campagne quelque
temps, il finit paj être tué près de 'Aïn Ghboùla.
{1} Cf. Qirtâs, p. 217; Ibn Khaldoûn, IV, p. 85.
(3) Cf. Qirtâs, p 23o Ibn Khaldoûn, IV.'p. no.
;
(4)
Cf. Qirtâs, p. 280 (année 68^).
HISTOIRE 11
placer au-dessus de leurs tombes des stèles (5) de marbre, sur les-
(1) Cf. Qirtds, p. 2ÎS et Ibn el-Ahmar, Ran'dat en-nisrîn, éd. et trad. Gh. Bouali et
G. Marçais, Paris, 1917, p. 16/65 Cf. également p. 61 de la trad., note 1.
(3) Cf. Ibn Khaldoûn, IV, p. ^^. Le Qirtâs, p. 197 (in fine), place ce tombeau à l'inté-
rieur de Bâb el-Jazîyîn. Ce renseignement est reproduit par el-Holal el-mawchîyya, Tuni^.
iS'ig, p. i'i2 et Ibn el-Qâdî, Jadhnat el-iqtibâs, Fès, i3o p. loa, 1. 5 ante fin.
1, Cet —
Aboû Mohammed el-Fichtâlî avait été le premier des docteurs de Fès qui reconnût l'auto-
rité d'Aboû lahiâ en rabî' II ôVVaoût 124*^): cf. Qirlâs, p. ig'i et Ibn Khaldoûn, IV, p. 38.
Le mot semble avoir ici la signification de Iiorm, c'est-à-dire « d'enceinte sacrée »
(i)
telle que le sera celle de Chella, jusqu'au début du xix* sièole. Le vorbe employé par
Ibn Khaldoûn est assez suggestif, car il signifie à il'origine « tracer un sillon pour limiter
un terrain. »
(^) Le texte arabe porte 0^-^-**^^ pluriel d'un mot qui désigne à proprement par-
>
ler « la bosse du chameau », et par extension, toute protubérance, comme celle que
l'orme la terre amoncelée sur une tombe. Il s'agit évidemment de la stèle en forme de
12 CHELLA
cien ribât avait pu ainsi prendire à ses yeux une valeur toute particu-
prisme allongé, caractéristique des sépultures môrinidcs, et dont les tombes étudiées
plus loin offjont des modèles. Ces stèles portent actuclîcmont le nom de mqâbrîyya; of
A. Bel, Inscriptions arabes de Fès, Paris,
19 19, p. i3, note 2 il remarque fort juste- :
VIII, p. 842, note 3). En tout cas, il n'estpas sans intérêt de voir fournir par Ibn
Khaldoûn le terme qui vraisemblablement au Moyen-.\ge désignait au Maroc ces sor-
légèrement inexacte.
(2) Qirtâs, p. 957. Bien que l'expression soit encore courante au Maroc, Beaumier,
trad. p. 627, traduit inexactement : « l'émir.... dota cette zaouïa de quarante paires
de bœufs de labour ».
Hère; et, d'autre part, on se rappelle qu'il y avait préparé ses propres
expéditions vers la Péninsule. Ce soi sacré convenait mieux qu'aucun
autre pour recevoir La dépouille mortelle d'un mojàhid; et l'on peut
penser qu'il y avait désigné lui-même un ennplacement : ce ne fut pa?
pourtant l'une des deux villes qui s'y élevaient déjà, et auxquelles s'at-
son corps fut transporté à Chella et placé auprès de celui de son père.
Le petit-fds d'Aboû la'^qoûb loiisof, Aboû Thàbit 'Amir, lui succéda
mais mourut e;mpoisonné au bout d'un an de règne (8 safar 708/28
juillet i3o8), à Tanger, au moment où il allait réprimer une révolte
contre les Ghomàra (3). A son tour, il fut transporté à Chella et fut
p. i33.
(3) Cf. Qirtâs, p. 271 ; Ibn Khaldoùn, IV, p. i7P ; Raadat en-nisrîn, p. 17-69; Holal^
p. i3i4.
teur du Qirtàs et Ibn Khaldoûn. Elle est placée dans l'ime des cou-
poles, aujourd'hui fort délabrées, qui s'élèvent dans la cour i)lantée
d'oliviers de la grande mosquée de Taza. Cette tombe est encore l'objet
avait refusé de répondre à l'appel des Grenadins attaqués par les infi-
dèles. Pourtant, tout au début de son règne, il avait semblé disposé
à reprendre la tradition de son père Aboû Aboû
loûsof et de son frère
la'qoûb. Il s'était rendu à Rabat pour y préparer une campagne
contre les Chrétiens d'Espagne (5), et, à cet effet, avait ordonné la
(i) Cf Qirtûs, p. 273; Ibn Khaldoûn, IV, p. 188; Rawdat en-nisrîn, p. 18/70 (ne
mentionne pas la mort) Holal, p. i3^.
;
(2) P. 19/72.
(!\) Inscr. Ar. de Fès, p. 43-44- Cet auteur pense d'ailleurs que ce tombeau est plu-
tôt celui d'Abou 'Inan. Cf. infra, p. 20, note 2.
(fi) Cf. Ibn el-Qâdî, Jadh^iat el-iqtibûs, p. 288, in fine.
(6) Cf. Qirtâs, p. 286, in fine.
HISTOIRE 15
Si Aboù Sa'ïd n'eut que des velléités de jihâd, son fils et succes-
seur Aboû 'l-Ilasan 'Adî mérita effectivement son titre de combattant
pour la foi. Ibn Khaldoûn, à plusieurs reprises, affirme qu'il avait
pour la guerre sainte une passion égale à celle de son grand-père
Aboû loûsof la'qoûb '^i). Dès le début de son règne, en 782 (i33i-32),
il accueillit avec empressement à Fès le roi de Grenade Mohammed
Ibn el-Almiar, qui venait lui demander seoours contre les Chrétiens :
1339) (3). Aboû '1-Hasan ne voulut pas rester sur cet échec et décida
de se mettre lui-même en campagne. Il rassembla cette anême année
une armée nombreuse; il réussit à lui faire traverser le détroit, après
avoir remporté une victoire sur la flotte des Chrétiens, qui essayait
de lui barrer le passage, et il vint mettre le siège devant Tarifa. Mais
il fut complètement battu sous les murs de cette ville; son camp fut
lui était soumis, Tiemcen môme était tombée deux ans auparavant;
le sultan, libre en Afrique, tournait ses regards vers l'Espagne et la
guerre sainte. C'est dans l'année qui suit celle oii fut construite cette
imposante muraille, qu'Aboù l-llasan, pour la seconde fois, lançait
contre les Chrétiens son fds Aboû Màlik. Lorsque, cette même année
740, après la désastreuse issue de l'expédition, le souverain ras
sembla pour venger son fds une importante armée dont il devait
prendre lui-même le commandement, l'ancien ribât servit-il comme
autrefois à sa concentration? La date des travaux entrepris à Chella
permettrait de se le demander; mais rien n'autorise à l'affirmer. En
tout cas, c'est là qu'il fit transporter le corps de son fils Aboû Mâlik,
du moins si l'on en croit le consul Ghénier, à l'époque duquel le
tombeau était encore visible (1). Dès ce moment, Chella était rede-
mêmes bases que l'ancien. Une porte nouvelle donna accès à la mos-
quée. Le mur qui fermait au sud-ouest le sanctuaire et dont il reste
encore une amorce fut démoli pour permettre des constructions nou-
velles. La plus importante de celles-ci fut une seconde mosquée, dont
l'oratoire était plus spacieux que celui de l'autre — il comprend en
effet trois travées au lieu de deux, mais son sahn est plus petit — (2)
(i) Chénier, Recherches historiques sur les Maures, Paris, 17S7, III, p. 287.
dont les restes subsistent sur chacune des parois. Au contraire, la mos-
verra, une grande salle funéraire enlre les deux mosquées. Et pour
lui-même, il prépara un mausolée plus somptueux que tous les au-
tTCS (i).
qui subsistent encore à Chella. Mais ce ne fut pas sur l'ordre d'Aboû' I-
Dès 7^9, sur un faux bruit de la mort de son père, Aboû 'Inân Fâris
s'était proclamé sultan dès lors, il conserva le pouvoir. Quand Aboû 1-
;
de son fds, et, dans les luttes qu'il lui livra, il fut plus souvent un fugitif
chef, 'Abd el- Azîz ben Mohammed ben 'Alî, lui était resté fidèle.
(1) Cf. Ibn ('l-Xhatib, Rciqrn cl-holal, Tunis, i3(6, p. 97 : o.>S.^\ <x-si)\ ^ L^^ CU^Là^â
(3) Un excellent récit de cette période troublée a été donné par Van Bcrchcm,
Titres califiens d'Occident, in Journal Asiatique, 10® série, IX, 1907, p. 3oC-3oS.
(k) Cf. infra, Ëpigraphie historique, inscription n° 5.
HISTOIRE lô
fliction peut-être peu sincère. Il rapporta les restes de son père dans
la capitale du Sud et leur donna une sépulture provisoire, dans la
dit à Fès sans tarder, pour y organiser une expédition contre Tlem-
cen, dont la dynastie était redevenue puissante cette campagne fut :
couronnée de succès.
Ces soins n'empêchaient pas le nouveau sultan de s'occuper du
tombeau de son père. En 755 (i354), il décidait d'affecter à l'en-
Mais quelle que fût la piété avec laquelle Aboû Inân, continuant
l'œuvre de son père, entretenait la nécropole de ses ancêtres et le
(1) Cette date, qui figure dans l'épitaphe, est également celle que donne Ibn el-Ahmar
Rawilat en-nisrin, p. 21! ~&, suivi par Ibn el-Qàdî, Jadhvat el-iqlibâs, p. 292 et en-
Nàsiri, Kitâb el-istiqsâ, Qaire, i3r>, II, p. 8'>, qui a lu lui-même l'épitaphe. Elle semble
devoir être adoptée de préférence à celle du 23 rabî' II de la même année donnée par
Ibn el-Khatîb, Raqm el-holal, p. ()6, in fine, Ibn Khaldoùn, II, p. 425-iv, p. 291 et ez-Zar-
kachi, Tà'rikh ed-da^vlalàin, Tunis, Fagnan, in Rec. Soc. arch. Constan-
ti86, p. 71, trad.
tine, 189'!, p. 159 — et à celle du donnée par Aboù '1-Mahâsin, en-A'^o/oûm
lî rabi' II,
ez-zihira, trad. partielle Fagnan, in Rec. Soc. arch. Constantine, 190!, p. 878. L'auteur
d'el llolal el-ma^Kchiyya, p. i3^, est plus près de la vérité (fin de rabî' I).
(2) Cet endroit devint par la suite la nécropole des sultans sa'diens. Cette inhuma-
tion provisoire est attestée par l'inscription funéraire de Chella (et par en-Nâsiri, loc.
cit.). D'après l'historiographe impérial Si Mohammed Ibn 'Ali cd-Dokkàlî es-Salâwî,
la première pierre tombale d'Aboû '1-Hasan serait toujours en place au mausolée des
ta'diens. Ce serait une mqàbriyya de pierre bleue portant une inscription assez fruste,
avec le lieu et la date de la mort du sultan.
(i) Ces renseignements donnés pour la plupart par Ibn el-Khatib, loc. cil., sont con-
firmés par la stèle funéraire d'Aboû '1-lIasan.
20 CHEI.Î.A
Cliella. Quatre le furent à Fès, au lieu dit el-()olla, les ()l)îi)àt Bin'
devoir infirmer son opinion que la stèle inérinide anépigraphe qu'il a relevée dans la
Jâma' el-gnâïz est probablomont celle d'Aboû 'Inàn.
(3) Cette colline, d'après cl-kaltànî^ op. cit., III, p. 168, i, 8, porterait le nom de Jabal
ez-za'faràn.
(!\) Cf. Ibn el-Ahmar, Ra^yfjat en-nisrin, p. 27/86 ; Ibn el-Qâdî, Jadhwat el-iqlibds,
p. 83; el-Kattànî, Salwat el-anfâs, III, p. 168.
(5) Cf. Ibn el-Ahmar, Ra^vilat en-nisrin, p. 36/99; Ibn el-'^^àdî, Jadhwat el-iqlibâs,
(7) Seulement d'après el-Kattânî, Salwiat el-anfâs, III, p. 167. Cet auteur croit que la
coupole funéraire de ce sultan est colle dont les restes sont connus aujourd'hui à Fès sous
le nom de Hammam el-ghoùla.
(8) Cf. Ibn el-A'.imar, Ravjat en-nisrîn, p. 2f)/*^9; Ibn el-Qàd", Jadhnat el-iqlibâs, p. il-.
HISTOIRE 21
mort le -ri rabî' II 77/i (22 octobre 1372), qui y fut transporté de
ïlemcen (i). Un autre, enfin, fut enterré à Tanger, où il fut assassi-
né : c'était un petit-fîls d'Aboû T-I.Iasan, Aboû Zaïyàn Mohammed
ben Aboû T-Fadl (2).
S'il est ainsi à peu près établi qu'aucun sultan mérinide après
Aboû T-Hasan ne fut enterré à Chella, l'enceinte put cependant re-
cevoir encore les restes de quelques membres de la famille royale :
ainsi, ceux du prince dont la stèle, encore inédite, sera étudiée plus
loin (Épigraphie historique, n" 7). Cette mqâbrîyya doit provenir de
Tun des deux mausolées anciens dont les vestiges s'élèvent sur la
pente qui domine les mosquées (3), ce qui laisse à penser qu'à cette
époque tardive, on n'enterrait plus dans les chapelles funéraires qui
leur étaient attenantes. En plus de cette pierre, il existe encore à
Chella plusieurs autres stèles mérinides : l'une, très usée et recou-
Vierte de chaux, mais présentant des traces d'inscription lisibles sur
une face, se trouve actuellement en dehors de la khalwa (épig. hist.,
n° 8); d'autres, anépigraphes, subsistent en entier ou en partie aux
abords immédiats des mosquées. Bien d'autres encore durent dispa-
raître, puisque Léon l'Africain, qui prétend avoir visité le sanctuaire
quées, une source captée ix)iir le pavillon d'ablutions, et. des vergers.
tions suivies avec les sultans mérinides Aboû '1-Ijasan, Aboû 'Inàn,
(i) Cf. Ips références données dans E. Lévi-Provcnçal, Les Historiens des Chorfa. Paris,
i9'2, p. 229, note 3.
HISTOIRE 23
tre, qu'el-Maqqarî reproduit ensuite, est d'une fort belle tenue lit-
(i) P. 97-101.
(2) P. 98, vers 23.
(3) Ed. du Caire, i3o>. III, p. îgjsqq. — Reproduite par en-Nàsirî, Isliqsâ, II, p. ^l'^ sqq
24 CIIKLLA
« teinte! »
donna des ordres pour que les biens de Lisàn ed-dîn lui fussent
restitués. Le vizir andalou, toujours du rihàl de Chella, lui envoya
une lettre de remercie/ments dont on a conservé le texte : il
y pré-
tend qu'au reçu de la lettre d'Aboû Salim, il alla se prosterner de-
sance et pria les lolba de l'endroit de réciter avec lui dans le sanc-
tuaire des fragments du Qor'an (i).
(i) Cf. Nafh et-tîb, III, loc. cit., et en-Nàsirî, Istiqsâ, II, p. ii8.
el-Maqqarî,
(2) Cf. notamment un court passage du Mi'yâr el-ikhtiyàr, description géographique en
prose rimée (imprimé à Fès, chez Ahmed lomnî, i355\ p. 4'i> reproduit par en-Nàsirî, Istiqsâ,
II, p. ir3. Malgré un fatras de rhétorique qui rend impossible toute traduction à la lettre,
on en peut dégager des renseignements assez précis qui confirment ceux qu'Ibn el-Khatîb
donne dans sa correspondance lors de son séjour à Salé.
HISTOIRE 25
(i) Cf. pour Aboû l-Hasan, Ibn Khaldoùn, texte, II, p. 3')'î-()^. Cf. aussi E. Lévi-Proven-
çal, Note sur un (Qor'àn royal du XIV' siècle, in Hespéris, tome I, 19». s pp. 83-8fi.
deux fois par an, à date fixe, on n'y pouvait rien entendre, tant il
y avait de cris et de bruit. Du moins en était-il ainsi au temps passé,
car, aujourd'hui, ce n'est plus qu'un soûq rural (soûq el-ghobâr) de
peu d'importance, tel qu'on en trouve dans la campagne. » Dans sa
avait lieu sans doute alors à l'extérieur aussi bien qu'à l'intérieur de
l'enceinte, sur l'éperon qui domine la vallée du Boû Regreg c'était :
C. DÉCADENCE ET RUINE.
(2) Mort en 792 (iSgo). Cf. E. Lévi-Provençal, Les Historiens des Chorfa, p. 3t4-
note 6.
HISTOIRE 27
(i) Édition lithographiée de Fès, 1826, p. i5; traduction Houdas, Monographie de Mé-
quinez, in Journal Asiatique, 8* série, t. V, Paris, i885, p. i44. Cf. aussi, ibia., p. 11
du texte et i33 de la trad.
(2) Nous ne saurions dire si ce fut une simple incursion ou s'il s'empara réellement de
Rabat et de Salé.
(3) Danis la partie de son ouvrage relative à la jurisprudence des biens de mainmorte
{runvâzil el-ahbâs), t. VII de l'édition lithographiée de Fès, l'îi'i, pp. n-ro.
(4) Sur ce personnage, oui mourut à Fès on 872 fi/tCiS), cf. F. Lévi-Provenç^l, les His-
toriens des Chorfa, p. 225, note 4-
28 CHELLA
hésité à profaner une n€CW[>ole uni n'rlnit pas ccMo i\c ses ancêtres,
Le même événement fut aussi rapporté dans un opuscule historique dû à la plume d'uij
savant de Salé, 'Abd el-Qàdir ben el-Hâjj el-Khayyât el-Jo'aïdî.
HISTOIRE 29
gens d'aujourd'hui, ils étaient hantés par l'idée des trésors que les
(2) Nachnchten von Marokos und Fes, éd. ail., Copenhagne, 1707, p. 82.
vaste plan par Aboû "1 Masan, une nécropole scunptueuse, digne de
la dynastie qui allait prétendre au titre éminent des khalifes, une
oeuvre d'art et ime œuvre pieuse, comme celles qu'elle éleva à Fès,
II
ÉPIGRAPHIE HISTORIQUE
A. — Inscriptions dédicatoires.
I .
— Bandeaux épigraphiqaes de la porte monumentale. Caractères koûfiques (i).
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v«5"^j^^ >^ i> c.LàJ! ,1^ c^f^ *^^ -^^ «i^^ >-^-^
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Cette construction a été ordonnée par notre Maître le Sultan, l'Émir des Musul-
mans, Aboû '1-Hasan, [fils de notre Maître le Sultan sanctifié, l'objet de la misé-
ricorde divine, l'Emir des Musulmans, Aboû Sa'ïd, fils de notre Maître le Sultan]
sanctifié, l'objet de la miséricorde divine, Aboû loûsof, fils de "Abd el-Haqq. Qu'Allah
éternise leur empire ! Cette construction fut terminée à la fin de dhoû '1-hijja de
l'an 789.
gradée et sa Jocture a été fort difficile. La restitution proposée ne saurait être donnée
comme certaine, mais à l'examen minutieux du champ épigraphique, elle apparaît comme
la pins probable.
(3) La lecture de ce qui suit (bandeau vertical descendant, bien conservé, et représente
infra) redevient, jusqu'à la fin, à tout à fait certaine.
32 CIIEM,A
,..! AïU-ii Jj>'^)l JUI Lx^V ,'lUJI l.^J.. ir,Lll LiM ïi^, .,] iii J.iL)l
^j^l! A.U-M JjLxJi J^^J' ^,II=IJI li^î^.. ^>\ ^,A\ y_\ ^,.xM ^^Jj^. ^,lJj
Aboù Sa'ïd, (ils du Sultan le très illustre. Aboù loAsof lacioùb fils de 'Abd el-llaqq,
auprès de ces tombeaux bien gardés. Qu'Allab lui réserve la plus belle des rétribu-
tions ! Qu'Allah le dirige et qu'il le place ! Qu'Allah accorde à notre Maître le
»
J^4^ À^'^ iiJLil UbJy i-w.a. l^ SJ^j éii ^.4^\
jx y^^ ,^ j.»Us:i]
(•'r'!.?-^' j':!'^ '^^ \^
^V <j'} o^ u-
\\x]\
(i) Nous devons la copie de cette inscription, ainsi que la description de la pierre à
Si Mohammed Ibn 'Ali ed-Dolvkàlî es-Salâwi. L'accès des mosquées étant, comme l'on
sait, interdit aux Européeas au Maroc, nous n'avons pu voir nous-mêmes cette pierre.
ÉPIGRAPIIIE IIISTOUIQUE 33
Traduction.
Parmi les fondations pieuses établies par notre Maître le Khalife el-mota-
wakkil
'alâ 'llah (celui qui met sa confiance en Allah), l'Émir des Croyants, le
'1-Hasan,
filsde notre Maître, l'Emir des Musulmans, le Combattant pour la Foi
dans Voie du Maître des Mondes, Aboû Sa'ïd, fils de notre Maître l'Émir
la
1922.
34 CHELLA
B. Inscriptions finéuaires.
Ligne i
.jjb l^
Ligne i
Face postérieure
Ligne 3 :
Ligne 4 *
Traduction.
Longueur : base
i —
o'",235.
',97. Largeur à
Hauteur la :
—
— Hauteur du
:
(i) Nous appelons face antérieure celle sur laquelle commence l'inscription.
r.W
Chella, Pl. I
u
ÉPIGRAPHIE HISTORIQUE 35
Face antérieure :
Ligne i :
^1 li^y ^Lo
^y
Ligne 2 :
Face postérieure :
Ligne 3 :
iju*.^l ïXsû ^J) ^ <^::^j^ùj ÏJlj> 5ï-<—j .-.-^à. ^Lc ùjJu\ s,__^a».J «jîlJÎ
Ligne 4 ^
Traduction.
La louange appartient à Allah !
confiance dans le Maître des Mondes, Aboû Tnân, fils de l'Émir des Musulmans
Aboû '1-Hasan. fils des Khalifes, les Imâms grands et nobles. Allah veuille lui réserver
une place spacieuse au Paradis et l'accueillir avec pardon et indulgence Sa mort !
(2) Solécisme pour (^-jU Lu ^\ dans la transcription donnée par Rabat et sa ré-
gion, page 47. ligne 2.
k
36 en ELLA
hommes nobles d Orient el d'Occident (jui vinrent en dépulation ponr assis^er à ses
funérailles. QuAUah très haut forlifie le pouvoir (d'/Vboù 'Inàn . rehausse sa gloire,
perpétue ses œuvres illustres el le souvenir de ses actions d'éclat Qu'il soit son !
défenseur et son aide et, par sa grâce, lui accorde également le meilleur sort dans
ce monde et dans l'autre !
Longueur : iGÔ.
•>.'", —
Largeur à la base o'",35. :
— Hauteur :
Face antérieure :
Ligne i :
Ligne 2 :
Face postérieure :
Ligne 3 :
Chella, Pl. II
I
ÉPIGRAPHIE HISTORIQUE 37
Traduction :
la Voie du Maître des Mondes, Aboû '1-Hasan, fils de notre Maître le Sultan, le Kha-
life, rimâm, l'Émir des Musulmans et le Défenseur de la Religion, le Guerrier pour
la Foi dans la Voie du Maître des Mondes Abon Sa ïd, (ils de notre Maître, le Sultan,
le Khalife. l'Imàm, l'Émir des Musulmans et le Défenseur de la Religion, le Guerrier
pour la Foi dans la Voie du Maître des Mondes, Aboù loûsof laqoûb, fds de 'Abd el-
Haqq. Qu'Allah sanctifie son àme et fleurisse son tombeau 11 mourut puisse !
—
Allah lui témoigner son agrément et en être satisfait lui-même dans la mon- !
—
tagne des Hintàta, pendant la nuit du lundi au mardi vingt-sept de rabî' I le béni
de l'an 753. Il fut enterré en face de la mosquée d'el-Mansoûr, qui se trouve à Mar-
rakech —
qu'Allah emplisse ce temple de ses louanges! puis, il fut transporté —
de cet endroit à ce mausolée béni et sanctifié, dans Chella. — Qu Allah l'enveloppe
de Sa satisfaction et le reçoive en Son paradis ! Et (juAllah inspire des prières pour
notre Seigneur Mohammed et pour sa famille et qu'il leur accorde le salut !
Face antérieure :
Jy ^^l\
Face postérieure :
Traduction :
/y
tombeau de... »
sultan Aboû 'Inân. Ces deoix derniers textes fixent de manière indis-
seize ans que les ruines actuelles de la Chella musulmane datent exac-
tement.
Des mqâbrîyya encore visibles aujourd'hui, les deux plus impor-
tantes sont à coup sûr celles que l'on a décrites sous les n"' /i et 6,
cii-nisrin d'Ibn el-Ahniar, et qui ne concorde pas avec celle que four-
nit Ibn Khaldoùn. L'inscription, spécifiant que c'est dans une des
dépendances de la mosquée d'el-Mansoùr à Marrakech qu'Aboû
T-lIasan fut provisoirement inhumé, offre un renseignement laissé
de R. Academia de
Cette inscription a déjà été publiée par Saavedra. in Boletin
la
(i)
Bulletin de Société
ht historia, Madrid, XII. 1888, p. 5o/| et traduite par Tissot, in la
II, 1876, p. 271 sqq. Cf. Van Berchem, op. cit., p. 3o4, note. Texte
de Géographie de Paris.
lecture, dans Bahat ,t
.'t traduction ont été publiés vécemmenl, avec plusieurs fautes de
sa région, p. 45-46.
40 CHELLA
quoi sur la pionc. tl(' uiauii rt* ahsolumcnl in(lul)ilal)l(\ lo noui d" Xhon
'l-Hasaii ? Cl' iTosI pas co sultau (|ui lll ramener l(> corps de son oncle
à Chella, car l'on se rappelle (]ue ce Iransl'erl esl menlionné pai" l'aw-
leur du liaird cl (jlrlàs, qui arrête st)ii réeil au rè^ne d' \l)ou Sa ïd.
Ce n'est d'ailleurs pav^ là seulenienl que réside la dil'liculté. Il exis-
dès 1876, par ïissot (3). Il est trop imj)ortaid pour \\c pas méiiter
(4) ,.^jJI j^\^^ ^j4^^^ jz"^ -^^^ -Xft'-^i' . .j^'-J' JlUl UbJyj Uj.^^ ^,J 'j*
i.xi.j^ ^ir^j *^JJ ^^ ir'-^^ ^^ "^ *^. V ?~'J.'' -f' -•^=»'4' ^^Aall (.fJ-^-^' r-='jj
souverain, le juste, rrimâm , le Combatlant pour la Foi, temartyr (> t'Kmir des ,
l'objet de la miséricorde divine, Aboû loûsof fils de 'Abd el-llaq(i. Qu'Allah sanctifie
son âme et illustre son tombeau 11 mf)urut martyr le mercredi 7 dhoû '1-qa'da 706.
!
(2) En même temps que celui de la niqàbriyya do Cliams ofl-rlohà. Cf. Charles Ricu
Supplément to the Catalogue of the Arable. Mainjuscripls in tlic Britisli Museiifti, in-/i,
fjondros, i''^94, p- SqG, n" 6o5. D'après lui, rinsKiiptioii avait :>. pieds 5 pouces sur •.>
pieds
? pouces.
(3) Op. dt., p. 269 sqq. Cf. Van Berchem, op. cit., p. 296, n" ;>, in fine.
fondée par son oncle et en fit même l'une de ses résidences préférées.
Et n'est-il pas permis de penser que, par un sentiment de jactance
personnelle dont ou retrouve tant d'exemples en ce pays, Aboû '1-Ha-
taphes, en ait dicté le texte et ait prescrit qu'elles fussent gravées sur
des mqâbrîyya, et non plus sur des tables quadrangulaires. Dans ce
cas, l'on comprendrait le duel de L*»,waaj. absolument inexplicable
sans cela, et l'on pourrait interpréter : Ceci est le tombeau de ... Aboû
42 GHKLLA
la'qoùb. Iiis do ... Aboû lortsof, lils de Vlxl ('l-ll.i(|(|, (|ui ;i ô\v ô\e\ô
sur l'ordre de ... \l)i)ù "l-'ljasan ... H était 'inoil le mercredi 7 dhou
'1-qa'da 706. dans leur pnlnis (à cu.v deux) héiii de la Matisoùra de
Tletncen la ISeuve,
Cette solution du problème é]u^''raphiqiie qui se pose» ne saurait,
en tout eas, passeï" pour définitive. Et mallieiireiisement, il est fort
(i) Un calque de cette inscription b et/ rapporté égvilement par le vice-consnl Frost
an British Mnçeum. Le texte, d'après ce oa:qiip, a été publié par Rien, loc. cit., mais
avec des lectures erronées : l'erreur de transcription la plus importante est ,jjU»J^-«**J\ '^Xi\
« ftlle du sult;!>n \boù 'Inân, pour « mère du srnltan. » Ce qui donne lieu à un grave
f'ontre-scns liistoriqiic. Cf. aussi ui.«ûlXJ\ pour iA-«.JLX)\ et ^^L,^--•.> pour ^^LL-o. — I>c texte a éga.
lement été publié en 1888 par Saavedru, dans le Boletin de la R. Academia de la
Historia, XII, p. 5o4 aqq. Une traduction en a été donnée par Tissot, loc. cit.. — On
trouvera aussi texte et traduction dans Rabat et sa région, p. 46-47.
ÉPIGRAPHIE HISTORIQUE 43
pour lui-même.
L'épigraphie historique de Chella n'apporte guère d'éclaircisse-
ments sur la politique khalifienne des sultans mérinides — qui n'aient
déj<à été mis en lumière et utilisés par Van Berchem. Dans sa récente
étude sur les Inscriptions Arabes de Fès, M. Bel a montré, avec des
documents nouveaux, que la thèse de l'auteur des Titres califiens de-
meurait exacte et se trouvait en tous points vérifiée. D'ailleurs, les
(lali\o (lu prolocolo, mais (l'un stMil tilrt», fait (\v dvM\ (]iialiliralions
(le la Kcliiiiou ". (-c lilrc doiihlc, si l'on ou jtij^t* pai' les piolocoh^s
épistolairos des soiix ciaiiis qui léjj^iitMcnl a|)i'os Aboù liiàn, soinbli^
avoir l'^é coiiscrN ('s par les deniiei-ss Nh-rinidcs. (^)ui sail si, à l'orijifiiH'.
dans l'esprit d' Ahoù l-llasan. (-(Mie doidtle (^ualiliealion n élail pas
ed-din, qui marque peul-ètre. elle aussi, mu* seconde étape de tran-
sition de l'àmir el-moslimîn à ràmîr el-moiVmiTiîn.
L'épif»rai)hie liisloiiqne de ('liella n'offre pas moins d'intérêt en ce
ont pu accomplir durani leur \\(\ c'est celle lutte contre l'infidèle,
cette obéissance à la plus importante à leurs yeux des prescriptions
orthodoxes, (|ui leur' ])aiaît la plirs méritoire de leuis actions et fera
pencher la balance en leur faveiri- air joui' suprême. Chella, terre de
(i) Cf. A. Bel, op. cit., textes des inscriptions, p. io4 (107) et 235 (207).
ÉPIGRAPIIIE HISTORIQUE 45
Jihàd, fut, avant tout, dans l'esprit de ceux qui en lircnl leur nécro-
pole et l'embellirent de chefs-d'œuvre de l'art moresque, un champ
de repos de mojâhidîn. Quand ils renoncèrent au |)i(Mi\ devoir de la
III
LES MONUMENTS
A. L'ENCEINTE U).
1. — La muraille.
L'enceinte de Chella se présente sous la forme d'un pentagone
irrégulier, dont le plus grand côlô (face nord-ouest), mesure environ
(i) Nous tenons à remercier ici M. Georges Marçais, qui voulut bien revoir les épreu-
ves de cette description archéologique et nous faire profiter de ses observations. M. .T.
Hainaut est l'auteur des plans et des dessins qui accompagnent et éclairent cette étude,
ot fut à maintes reprises, lors de nos relevés sur le terrain, le plus dévoué des colla-
borateurs : qu'il trouve ici l'expression de toute notre gratitude. Nous sommes égale-
ment redevables à M. H. Terrasse de remarques judicieuses et l'en remercions bien vi-
vement.
4v.
Vi3
(i) A l'inverse de ce qui se passe notamment à el-Mansoûra, où le dos d'âne des cré-
ntaux est perpendiculaire au mur. Cf. \V. et G. Marçais, Les monuments arabes de Tlem-
cen, Paris, 1901, p. 202, fi;;,'. 36.
48 CllELLA
la planche 'S. Au-clossoiis d'iiii iiicrlon sur deux, iiiic inoiiilrièrv est
(i) A l'exception df cellos qui sont les plus voisinos dc^s, tours de la grande porte, el
font pas saillie sur le chemin de ronde. Leurs dimensions ne sont pas
absolument régulières : elles mesurent environ 5 mètres de large sur
3'",5o à 3", 90 d'avancée (i). Cette dernière dimension est plus considé-
rable dans les tours de la face sud-ouest (2) : cela vient peut-être de ce
défense; le mur, sur cette face-là, avait à supporter une forte pression
des terres : le niveau à l'extérieur de l'onceinte est, en effet, infini-
(i) Voici quelques dimensions : face sud-ouest 4*", 80 de large sur 3™,5o d'avancée;
face nord-est : 5™. 20 sut S"", 90; la tour d*an;?!e au nord a 5", 10 sur 5°", 10; face nord-
ouest : 5™ siir 4" ;
5™ sur 3", 80.
(2) Dimensions : 5", 10 de large sur 5*" d'avancée et 5™, 10 sur 5™,20 environ. La tour
d'ang'le à l'est a 5™ ,85 de large.
T. II — 1922
5Ô ClIEMA
(i) Disposition ordinaire dans les fortifications de ce gonre. Ainsi dans les enceintes
de Rabat, de Salé, etc.
(2) L'une mesure 3™,72 sur 2"', 62; l'autre 3™, go sur 2™, 48. L'épaisseur des parois de
béton est d^ i™,25 à i™,3o.
L'ENCEINTE : REMPARTS Hl
J.HAiNA0T.I722
ne peut venir buter contre les parois : il est relié à elles, de (^ha(]U(;
j)ar l'un des propriéhiires qui cultivent le sol de Chclla. Bien d'au-
tres tours ont eu le même sort. Des ouvertures, parfois, ont été
creusées dans les parois des chand)res inférieures pour les transformer
en silos, tandis que les chambres supérieures étaient aménagées en
chambres d'habitation (i). Les laboureurs, depuis longtemps, ont
repris possession de Chella.
(i) D'où les deux ouvertures qu'on aperçoit, sur la planche 3, dans la tour au pre-
mier plan. L'espèce de poterne, au pied de cette même tour, semble aussi une ouverture
postérieure.
Chella, Pl. IV
es
L'ENCEINTE : GRANDE PORTE 53
sauf à l'intérieur d'un étroit couloir. Or, cette porte était destinée à
être vue. Sa décoration très soignée le prouve, et, nous le constate-
On peut donc supposer que les murs en question étaient fort bas,
Aboû la'qoûb, elle fut restaurée par Aboû '1-Hasan. Mais, comme
nous le verrons mieux encore en étudiant les portes, il se prêtait
2. — La grande porte.
(i) En voir la description p. 201 sqq, dans l'excellent volume de MM. W. et G. M.ir-
oais, les Monuments arabes de Tlerncen, que nous aurons encore souvent l'occasiom de
citer par la suite.
(2) C'est le nom qui est donné couramment à cette porte depuis l'établissement du
Protectorat, car il faut la pour gngnor la partie de
traverser la banlieue de Rabat occupée
par la tribu des Za'îr. Elle s'appelle en réalité Bàb el-hadîd, « la porte du fer », et non
(omme on l'a quelquefois écrit Bâb Chella : ce dernier nom s'applique à une porte non
coudée (bâb 'àdîyya), qui est percée dans le mur 'alawide de la médina de Rabat, et
A A A A
JHAINAUT l7rT
O^h
^v^
L'ENCEINTE : GRANDE PORTE 55
(t) Les figures 5 et i5 (élévation) permettront d'étudier les proportions relatives de? diffé-
rents éléments de la construction et de la décoration sur les deux faces de la porte.
56 CIIELLA
sur toute» la hauteur, une série de faux-joints qui simulaient des assi-
ses de pieire de taille. Bref, deu\ façades imposantes, et, derrière
elles, du travail hàtif, économique, assez médiocre.
Sauf cependant en ce qui concerne la voûte qui recouvre cette
porte coudée. C'est uuo Noùle d'arèle, en briques, d'une belle venue.
Elle ost pleine, v^^ans un de ces jours, fréquents dans la couvcrt/ure
quatre piliers engagés, construits eux aussi en t)el appareil; mais déjà
les massifs de maçonnerie qui les relient aux pieds-droits des ouver-
tures sont en moellons : ils étaient d'ailleurs revêtus d'un enduit
assez épais, tandis que les piliers restaient nus.
L'écartement de ces piliers donne la largeur du couloir : elle est
(i) Hauteur : 2'",Go; largeur : o'",r)0. L\mo d'entre elles seulement — du côté oppose
à la tour — est assez profonde : elle s' enfonce de i^jôo.
L'ENCEINTE : GRANDE PORTE 57
Les tours. — Les tours qui défendent l'accès de la porte sont à pans
coupés, si bien qu'elles se présentent extérieurement comme des tours
octocronales (i), mais à plate-forme supérieure quadrangulaire : les
Leur aménagement n'est pas sans rapport avec celui des tours qui
flanquent le rempart : elles ont, d'ailleurs, un saillant sensiblement
égal au leur. Au-dessus d'une chambre intérieure, dans laquelle on
ne pénètre pas, sont deux étages de défenses : au niveau du chemin
de ronde, une chambre; et au-dessus, une terrasse crénelée. Les
marions (2) sont semblables à ceux des remparts, mais de dimensions
plus considérables (3). Ils ont, eux aussi, bel aspect, paraissant, de
l'extérieur, édifiés en pierres de taille disposées par assises alternées.
Mais ce n'est encore qu'apparence : ces pierres, posées de champ dans
les assises larges, ne forment que le parement d'une construction de
briques (4).
ses les photographies de M. de la Martinière reproduites dans Sakdin, op. cit., p. 234 et
235.
(3) Voici ces dimensions : i™,5o de hauteur environ, 0^,74 de largeur, o™,4o d'épais-
seur. o'",54 d'écartement (largeur des créneaux). Les merlans d'angle ont la tnièin/p
(4) Le mur postérieur de ces tours, n'étant pas visible du dehors, est construit en
béton, à l'exception cependant de quelques parties dans le bas. Dans la tour nord, con-
tre laquelle s'ouvrait la poterne, et dont 'e pied, de ce fait, était dégagé avant la cons-
truction de l'hôtellerie dont il sera question plus loin, urne série d'assises régulières de
pierres de taille montait presque jusqu'au niveau de l'arc de la poterne — à peu près
jusqu'au niveau de la terrasse actuelle de l'hôtellerie. Au pied de l'autre tour, un frag-
ment, i^rég^llier, de mur en gros appareil vient s'encastrer dans le béton.
58 CHELLA
(i) Les dimensions de ces briques sont de o"',25 de longueur sur o™,i2 de largeur et
o^joSS à o'^,oA d>^pai?seur. Ce sont les dimensions ordinaires des briques employées
dans cet édifice. — La dorniène voûte est sensiblement oblique : cela vient de ce que
les deux branches entre lesquelles se divise l'escalier dans sa partie supérieure ne sont
pas exactement en face l'une de l'autre : il y a là un décrochement d'environ o",3o
(cf. le plan, fig. 7).
c
M
•\
^"
:i
c
a
eu
60 CIIKII.A
la porte. C'est une large plate-forme de ii"\,Ho sui- 9"\r)o; elle est
rieure en briques.
fira d'indiquer ici ceux, très comparables, que l'on trouve sur les
portes de Rabat : à la porte de la qasba des Oùdàïa et à Bàb er-Roûàh,
notamment.
(i) A l'article précédemment indiqué, joindre des mêmes auteurs, le Bastioun de Taza,
in Archives Berbères, 1918. On trouve gravés sur les murs de cette forteresse des arme?
aussi bieai que des vaisseaux.
(2) Cf. notamment au minaret d'el-Mansoûra, étudié par W. et G. Marçais, op. cit. ,
p. 217.
62 CIIËLLA
Chella, Pl. V
#-
La grande porte ; Ouverture extérieure.
Chklla, Pl. VI
(i) On consultera sut cette porte l'excol lente étude de M. H. Tenrasse. qui paraîtra
prochainement dans Hespéris.
64 ClItLIA
loment quioi les letti-es elles-mêmes, avec lein^s liainpes tressées, sufli-
serrée par elle-même, un relief beaucouj) ()lus ucl. Au\ exlrétniités (>l
temps, figure une série d'arcatures aveugles. Elle est d'un dessin com-
parable à la frise de la porte des Oûdaïa — surtout à celle de la
face interne — ou à celle de la porte de la zâwîyya salétine d'en-Nas-
sâkh, qui fut construite dix-huit ans après la porte de Chella, et dont
il ne reste plus guère que ce vestige. Les arcatures (fig. 9) repo-
sent ici sur de petites colonnes torses engagées, très basses. Ces arca-
tures sont au nombre de treize, chiffre qui se retrouve sur la face
interne de la porte des Oûdâïa; mais ici, les consoles réduisent de
moitié la première et la dernière. L'intérieur des arcatures est occupé
par un motif koùfique que nous lisons el-inolk lillah : « la royauté est
à Allah. » Cette inscription se détache sur fond nu : elle est traitée
LcUlle
omette-
JHAINAUT.I7Z2
HESPERIS. — T. II — 1023
66 CHELLA
ont été traitées avec un soin particulier. Les colonnes, base, fut et
Celle-ci, en pierre, est très décorée, du moins sur la seule des deux
faces latérales qui soit visible, l'autre étant masquée par l'avancée
des tours (fig. lo). Au départ, le motif serpentiforme; au-dessus, une
série de palmes et de pommes de pin; dans l'écoinçon, la coquille,
fort allongée, entre des palmes doubles. Enfin, des stalactites complè-
tent la décoration.
(i) Il peut sembler étrange que les corbeaux, fortement engages dans la muraille,
et qui ne supportaient en rien le poids des colonnettes — puisque celles-ci sont demeu-
rées en place après la chute des corbeaux — aient disparu, de chaque côté, en lais-
sant un trou à leur place. D'autre part, on dirait que les tailloirs eux aussi ont subi
des tentatives d'arrachconent : ils sont écornes, et le haut dos chapiteaux, qui les touche, ost
fort dégradé, ce qui contraste avec la bonne conservation du
de la colonne et de reste
la console. II faut peut-être mentionnée plus loin,
rapprocher ce fait de la légende,
selon laquelle une pierre bleue s'est trouvée être "un bloc d'argent. La porte de Chella,
qui cache des objets enchantés, tel l'anneau de Salomon, a dû exciter, comme toutes ces
ruines sur lesquelles courent tant de récils merveilleux, l'imagination des chercheurs de
trésors : ils auront arraché ou tenté d'arracher ces pierres bleues, haut placées, aux-
quelles, sous l'empire de la légende, ils croyaient voir des reflets métalliques
L'ENCEINTE : GRANDE PORTE 67
est marqué par une grosse tresse sur les panneaux extérieurs, et par
Eckelle
4 2 3 4 5mètxô5.
J-HAiNAUT.iyrZ.
JHAiNAUl.l??2
(fig. 19) est comparable à celle des consoles de l'autre face, mai'*
plus simple : au départ, le motif seirpentif orme ; aux écoinçons,
o m. 47.
L'ENCEINTE : GRANDE PORTE 75
qu'elle dérive de la grappe de raisin, vieux motif qui fut adopté dès
les premiers temps par l'art musulman, et qui s'est largement
répandu sur toute la terre d'Islam (i). D'autre part, si elle apparaît
fréquemment à Chella, son emploi fut bien plus considérable encore
dans la décoration d'autres monuments mérinides, notamment dans
les medersa de Fès (2). C'est dans le plâtre surtout qu'on la trouve
sculptée : cette matière, beaucoup mieux que la pierre, permettait
le relief très accentué que les artistes de la bonne époque aimaient à
(i) La grappe de raisin stylisée, triangulaire, était d'ailleurs un motif décoratif connu
en Afrique dès avant l'Tslâm. Cf. notamment le sarcoiphage byzamtin reproduit dans Gau-
ckler Inscriptions latines découvertes en Tunisie de 1900 à igoS, Paris, 1907, (extrait
:
comme à Chelk.
Nous n'avons pas l'intention de rechercher ici si la coquille, à l'ori-
gine, est bien une coquille, ou si elle dérive de la palmctte. Remar-
quons seulement que, dans la décoration de la porte de Chella, elle
(i) Les monuments arabes de Tlenicen, p. io6 et 107, îig. 12, G, G' et H. Plus
L'ENCEINTE : GRANDE PORTE 77
Ces mêmes palmes doubles adossées, liées par leurs tiges et par
leur sommet, et laissant entre leur dos cambré un espace plus ou
moins considérable, forment un nouveau motif, dont l'extraordinaire
fortune dure encore dans l'art nord-africain : soit qu'il décore, entre-
lacé, des fonds entiers, soit qu'il s'unisse à quelque autre motif. Ce
sont ces deux palmes adossées qu'il faut reconnaître, vraisemblable-
ment, à l'origine, dans les fleurons Irilobés qui suiinonUMit les coquil-
les : cela est particulièrement visible sur la (ris(> (l(> la lace inlerne
(11g. 16, et 20, 3"). La coquille (^lle-uièuic i)eiit prendre place dans
l'intervalle laissé entre elles par deux })almes doubles adossées : tel
paraît être en bien des cas l'origine de l'encadrement sur lequel se dé-
tachent ces coquilles. C'est ainsi que les choses se présentent très net-
tement dans le motif qui remplit les lobes de l'ait inférieur sur la face
externe (fig. 8). La palme, on ce cas, tend à se compliquer : au som-
met de la feuille la plus longue se dessine une nouvelle petite palme
double qui, «'adossant à celle de la feuille symétrique, donne une
sorte de fleuron qui surmonte l'ensemble de la composition (fig. 20,
4° et 5°).
un ornement pour ainsi dire obligatoire à la base des arcs des gran-
(i)Arc3 iobés ou comportant à la fois des lobes et des redans. Ainsi, fort acicentué, à
la mosquée d'el-Hakîm au Caire : cf. S. Flury, Die Ornamente der Hakim- und AsharMos-
chee, Heidelbcrg, 1912, pi. XXXIII, fig. 4.
(2) Cf. G. Marçais : Art musulman d^Algérle, Album, de pierre, plâtre et bois sculpté,
2" fasc. Alger 1916, p. hi, fiig. 18.
(3) Cf. ibid., I*' fasc., Alger, 1909, pi. IV. Déjà, dans ces deux cas, une spirale infé-
rieure fait pressentir la naissance de l'ornement.
L'ENCEINTE : GRANDE PORTE 79
mais sous une forme plus pure, dans les arcs de la mosquée de Tin-
mel. La fig. 21 montrera l'évolution de ce motif. Les deux prewiiers
dessins représentent le départ d'arcs lobés à Tinmel : le n" i, un
arc entre deux nefs, à l'intérieur de la mosquée ; le n° 2, l'arc du
tif beaucoup plus net : il est devenu le serpent enroulé sur lui-même;
et à voir l'œil figuré au sommet, il semble que le décorateur ait
Telle est cette porte. Elle n'était pas faite pour soutenir un siège
sérieux. Le faible relief de ses tours à pans coupés, l'absence presque
complète de moyens de défense, de rares meurtrières, une voûte
pleine. au-dessus de son coude simple, des corps de garde minuscules,
tout cela ne contribue guère à lui donner une valeur militaire véri-
3. — La poterne.
rasse de celle-ci. L'arc est fort visible au-dcvsus de cette terrasse, à l'in-
térieur de l'enceinte; il a même asperl qu'à l'extérieur, et il est souligné
d'une large bande courbe, cojnbinée de manière à produire un effet
décoratif avec celles qui, sur celle face de la tmiraille, simulent les
/». L'HÔTELLERIE.
(i) Voir supra, fig. 6, le plan de ces salles, joint au plan de la grande porte (rez-de-
chaussée).
sont suivies d'une «?iande salle dounanl sur la cour par trois lai'>es
baies surmontées d'un arc brisé, en briques, qui s'ouvrent dans le
mur de moellons. Cette salle esl recouverte i)ar cinq coupoles suc-
cessives, sur pendentifs, de très belle venue. L'arcbitecte avait cru
utile de les soutenir par des arcs de briques : ceux-ci sont tombés,
bel « hospital (2) ». Mais s'il s'agit bien du même édifice, il faut sans
tloiili' ('nltM)(li(> par là iiiu' maison des li(M(>s. ('."(>sl en rIVcl ce (|U('
présentent eni^)re les (oihIik} dans les villes marocaines. I,es p(>lilv>s
salles, aux portes étroites, ser\ aient de chambres aux liomnies; les
^l'andes salles, à larges baies, de cliacine cote {\o la cour, étaient des
écuries pour b^s bêles.
Nous nous trouNons donc vraiscmblableuient devant une hôtellerie,
5. — Bàk '
Aï> Ajkmsa.
fort souffert. Sous son aspect actuel, elle se présente comme une porte
à coude simple, mais, disposition bjut à fait exceptionnelle, le coude
de la porte, et par suite la masse même de l'édifice, se trouvent non
pas au dedans, m;ais au dehors de l'enceinte. En outre, et ceci est
non moins notable dans une porte d'aussi petites dimensions, elle com-
prend quatre portails, dont deux à l'intérieur du coude. Ces deux
faits, ainsi que nous le verrons, ne sont peut-être pas sans rapport.
Face à l'intérieur de l'enceinte (fig. ?..S) — la partie la mieux conser-
vée — la porte apparaît extrêmement simple, et la facture assez négli-
gée. Dans le béton du rempart sont encastrés des pieds-droits, et de
chaque côté de l'arc, un pilier destiné à le contrebuter, en pierres de
taille médiocrement jointes. L'arc, en briques, outrepassé et légère-
ment brisé, est coupé par cette bordure. Il mesure, de la clef de voûte
L'ENCEINTE : iîAJi AIN AJENNA 85
de la boue avec une très petite proportion de chaux. Seuls les pieds-
droits des portails C et D sont appareillés avec plus de soin; ils sont
en pierres de taille, et, très dégradés, présentent encore l'aspect de
piliers destinés à supporter des arcs. Au portail extérieur (D), l'absence
Fig. 2b. — Bàb 'Ain Ajeana. — Motifs ornemeataux du portail B, à l'intérieur de la porte.
i^Ho (le la grandi' \)ov\c. Ils soiil ^m inoiilôs. de chaque coté, par un
svastika à (iiialrc branches, dcsshic à l'aidi» du incnic cndiiil (li^-. '.îf),
pas. Ainsi s'expliquent du ,même coup toutes les anomalies que nous
avons constalées : la construction du coude à l'extérieirr de l'en-
ceinte, contre toutes les rè'ifles; l'existence de quatre portails; l'appa-
reil extrêmement j^rossier des nnirs, qui sont en moellons très mal
liés, et non en béton: la couvert me pai" une senudle bétonnée et non
par une voûte; le plein cintic de l'ouverture extérieure, dont les di-
mensions ne sont pas égales à celles de l'ouverture intérieure. Des
indications précises viennent d'ailleurs confiTimer cett^e manière de
voir. Les mims du coude sont simplement appuyés nu mur d'enceinte,
et ne s'y encastrent pas : derrière eux l'enduit du rempart reste visible.
Dans la semelle de béton sur laquelle repose la porte, on voit égale-
ment un joint très net (2). On peut donc affirmer «ans risque d'erreur
(2) Le portail B semble bien avoir été repris on sous-reuvro notamment l'un 'Ia :
ses pieds-droits est en partie fait de biiques, alors qu'ailleurs à cette haTiteur l'on ne
trouve que des pierres.
L'ENCEINTE : POUTE DES JAUDLNS 89
l'un ou l'autre des événemenis dont nous avons plus haut rapporté
l'histoire.
^'-^^S'Y
rP*^-'^.:.";
::;::^^
••'^^ïîiir
ma^
verture, brisé, était délimité par une série de claveaux, dont les pro-
frise) et d'avancée légère. Leurs Fig. 28. — Porle des jardins. Console.
sur le mur (l'enceiiil«\ les paiois latérales, (]ui, nous ravons vu,
élaieni siiuplenieul a|)|)li(|uét>s à la muraille de héton, étaient elles-
Mesdames, Messieurs.
vivante et momanto qu'ils ont autour d'eux; ot je puis dire que, dès
maintenant, cet espoir n'est pas déçu.
Il convient, tout d'abord, d'indiquer le pourquoi du titre que nous
avons choisi à cet enseignement; de définir, par conséquent, l'objet
qu'il se propose, et les matières qu'il devra comprendre. Ce sera là
ment, n'est autre chose qu'un aspect de létude plus générale des phé-
nomènes sociaux. Il n'est plus à démontrer aujourd'hui que les phé-
nomènes économiques se déroulent dans des sociétés; qu'ils ne
sauraient être conçus en dehors de la vie en commun; et que, par
conséquent, étudier la vie matérielle d'un peuple est impossible si
Ton ne connaît pas, dans ses grands traits, son organisation sociale
elle-même. Si donc nous avons inclus, dans le titre officiel de cet en-
seignement, le mot d'économie algérienne, c'a été pour le rattacher de
façon officielle et patente aux enseignements économiques qui déjà
se donnent dans la Faculté de Droit; en d'autres termes, pour marquer
que l'enseignement nouveau se relie parfaitement aux enseignements
aetuels, et que ce n'est pas du tout une révolution universitaire que
nous tentons. Mais encore une fois, l'objet propre, et par conséquent
le titre naturel de cet enseignement, c'est la Sociologie de l'Algérie :
signations traditionnelles.
Nous avons voulu faire comprendre par là, que l'étude que nous
OUVERTURE D'UN COURS DE SOCIOLOGIE ALGÉRIENNE 95
sentera un triple caractère; elle sera une étude descriptive; elle sera
ensuite une étude comparative; elle sera enfin, et surtout, une étude
explicative. Notre préoccupation et notre ambition ne sera pas seule-
ment de décrire et d'observer les phénomènes qui s'offrent à nos yeux,
et des caractères originaux. Klle s'en distingue par cela surtout, qu'elle
cherche à èlre une science \éiilal)le. c'est-à-dire une méthode d'expli-
cation des laits. Si elle poinsuil la connaissance des phénomènes
sociaux, ce n'est pas en vertu de la pure et simple curiosité de les con-
naître. Ce n'est pas seulement pour les contempler, mais c'est aussi
pour les comprendre, pour les pénétrer dans leurs motifs intimes. Et
c'est là pourquoi celte étude sociologique ne saurait se borner à être
purement descriptive; j)ourquoi elle doit être surtout comparative et
enfin explicative.
Mais si nous pensons par là avoir justifié le premier tenme de cette
expression (( sociologie algérienne », il nous reste maintenant à jus-
cielle, présentent dans l'espace, selon les peuples, souvent même selon
les tribus, des variations trop originales et tro]) essentielles pour qu'il
soit possible de les négliger. Et d'ailleurs il est bien acquis mainte-
nant que ce n'est pas la race qui déteimine l'essence des institutions
sociales; et de même qu'on ne croit plus qu'il ait existé jamais un
droit aryen uniforme quels que soient les peuples de cette origine;
de même, et nous espérons le montrer, il n'est pas possible d'affirmer
riens. Un intérêt théorique, car c'est noire droit et notre devoir, par-
échanges nudtipliés.
Il y a, à cette situation, îles causes n()nU)reuses, dont la principale
fusion des groupes sociaux les uns avec les autres, la vie de société
qui bat dans toute son intensité; c'est la période des fêtes, la période
des échanges, la période des réjouissances de toutes sortes. Et ainsi
OUVI-iriURE D'UN COURS DE S0CI01.0(;iE ALGÉRIENNE tOl
à-dire qu'il faut rechercher quelle est la forme des institutions écono-
miques, quelles sont les règles suivant lesquelles s'effectue la satisfac-
tion des besoins, et quels sont les groupes sociaux qui travaillent à
la poursuite de la richesse. A ce point de vue encore la vie économi-
que algérienne offre un trait fondamental, qui est qu'elle repose
avant tout sur l'institution domestique. L'organe essentiel de l'acti-
vité économique, c'est la famille : entendons par là, non pas la famille
conjugale (i) de nos sociétés modernes, le petit groupe restreint des
époux et de leurs descendants directs ; mais le groupe beaucoup plus
vaste de la famille agnatiqae, qui réunit plusieurs souches de parents
et plusieurs générations d'individus dans une association supérieure.
Ce groupe de la famille agnatique cherche, autant qu'il le peut, à se
suffire au point de vue économique; il veut satisfaire, par ses propres
ressources, aux besoins de tous ses membres. Et c'est là une tendance
qui, aujourd'hui encore, peut être observée en Afrique du Nord,
dans sa plénitude, alors que, pourtant, des tendances nouvelles déjà
se manifestent, et qu'il se produit des atteintes à l'indépendance
ancienne de l'économie familiale. C'est ainsi que, pour certaines
tâches, la famille fait appel à la collaboration d'un groupe plus
vaste, le village, et que la construction de la maison s'effectue non pas
par l'action isolée de chaque famille, mais par la collaboration collec-
tive du village tout entier. C'est ainsi encore que des échanges se
développent sur les marchés qui se sont formés aux frontières d^es
p. r-i'i.
102 RENtl MMINÎKB
d'un même ancêtre; des groupes dont le lien social repose donc sur
la communauté de descendance. Il y a aussi et surtout des groupes
territoriaux : des groupes dont l'unité repose non plus sur la com-
munauté d'origine, mais sur la communauté d'habitation, et dont le
village, tel qu'il existe en Kabylie, nous offre le type le plus frappant;
groupes qui sont de petites sociétés fermées, de petits mondes com-
plets avec leur vie indépendante. Et enfin, il apparaît déjà dans nos
sociétés algériennes une nouvelle espèce de groupements sociaux,
qui sont des groupes supérieurs, en ce sens qu'ils n'apparaissent pas
OUVERTURE D'UN COURS DE SOCIOLOGIE ALGÉRIENiNE 103
c'est d'eux qu'on peut rapprocher les confréries religieuses. Les unes
et les autres ne sont point des groupements dont on a fait naturelle-
Les groupes sociaux, dont la diversité nous apparaît déjà très pous-
sée, sont les organes sur lesquels reposent les activités sociales, c'est-
l'art, tels qu'ils se développent dans les sociétés de l'Algérie (i). L'ac-
(i) En outre de l'activité économique, dont on sait pourquoi nous l'étudions séparé-
ment et préaJablenicnt.
(2) Lors de la conquête de la Kabvlie, les Ait bou Haddou pensaient que les pens de
lOi BKNR MAUNIKK
enfin, parmi les activités sociales, il en <'sl une aussi dont l'étude
sommaire devrait être faite, c'^'st l'activité esthétique. 11 y a chez
les peuples de l'Afrique du Nord un art littéraire et un art décoratif,
qui, l'un et l'autre, sont des phénomènes sociologiques, en ce sens
qu'ils se lelienl au caractère de la civilisation tout entière, qu'ils ne
sont pas les mêmes selon les peuples et que, par exemple, la poterie
rie mozabitc.
l'une de kurs fractions pouvaient approcher fes singes sans que ceux-ci en fussent inquiets
« car ils sont d'une même origine ». (Devaux, Les Kebaïles du Djerdjera, i6°, iSbg, p. 286:
cf. p. 220, 225, des légendes assimilant des tribus à des animaux). V. d'autres faits ch<'z
A. van Gennep, L'état actuel du problème lolémique, 8°, 1920, p. 213-276 ; et cpr. la no-
tion très nette de réincarcération dégagée par J. I)<'sparmet, Bull. Soc. Géogr. Alger, 1918.
p. i35.
(i) Les légendes arabes elles-mêmes lui prêlent une origine spéciale; cf. Lapènc, TubkMtu
historique, moral et politique sur les Kabyles, 8°, 1846, p. 65, ot Desparmef, Bull. Sor.
Géogr. Alger, XXVI, p. 477-
(2) Les Kabyles eux-mêanes, devançant une Ihrorie moderne, se sont représentes leur
société comme analogue à un organisme vivant ; (;f. Daumas, Mœurs et coutumes de
r Algérie, 16°, i855, p. Mty, ; et sur la fréquence de <'Ptle représentation dans les so
ciétés élémentaires : Westerniarck, Moral Iilms. IT. ao/j.
OUVEHTUHE D'UN COURS DE SOCIOLOC.IE \L(;F:H1E\NK 105
malgré les atteintes qui y sont portées par la pénétration des mœurs
nouvelles. Ce peuple, nous le connaissons tout particulièrement; c'est
lui qui, parmi les ppu])les de l'Algérie, a été le mieux étudié (i); c'est
lui aussi que j'ai eu jusqu'à présent l'occasion de pouvoir observer
par moi-même dans plusieurs voyages que j'y ai effectués. C'est peut-
être la raison la plus légitime que je puisse donner de l'avoir pris
comme sujet d'étude.
Mais encore faut-il que ce peuple kabyle offre à nos yeux d'autres
intérêts; et notamment celui de nous présenter des institutions tout-
à-fait typiques : nous voulons dire des institutions qui ont une valeur
particulière au point de vue de la sociologie comparée. Souvenons-
nous que notre intention n'est pas seulement de décrire les faits par-
ticuliers, mais aussi de les comparer entre eux, afin d'en dégager les
plupart des sociétés élémentaires (2). Telle était par exemple la société
(i) E. Carette, Études sur Ja Knbylie proprement dite. 1 in-8. i848. C. Devaux, Les
Kebaltes du Djerdjera, in-i6, iBSg. H«not€au et Letourneux, La Kabylie et les coutumes
Kabyles. 3 in-^°. iS-'.>. (o.^ édition, 1898).
(2) Dès 1886, Emile Alasqneray, dans sa thèse sur la Formation des cités chez les popula-
tions sédentaires de l'Algérie, marquait l'analofrie de la société kabyle avec l'état ancien
de la GrèoH" et de Rome. En 1890, Paul VioUet (Histoire des institutions politiques... i. p. 2i3-
p. io4) fut le premier h reconnaître, dans l'organisation kabyle, un tyjie de société très
répandu qu'il dénomma type segmentaire. Voyez encore, sur les institutions kabyles rap-
portées (111 iroit ccmpnré : K. Besson, Etude comparative sur la constitution de la famille
chez les Kabyles... Bull. Société de Législ. comparée. X\V. 189/i, p. 276-296; P. Huvelin,
Essai historique sur le droit des marchés et des foires. 8°, 1897 fie marché kabyle com-
me type de marrhé primitif): Esmein, Trois dn^iiments sur le mariage par vente, Nouv. Rev.
hist. de droit..., 1899, p. 620-621; Faucimnet, La responsabilité, 8°, 1920, p. 120-121.
106 lAENVl M MINIER
çoit sur les dalles grossières où siège ce Sénat en haillons, des tables
de jeux gravées au couteau; et il pense aussitôt à ces jeux gravés que
l'on a retrouvés intacts sur les dalles du forum de Timgad.
Mais encore, il est une autre impression qui se dégagera de notn-
étude : celle de V unité de la civilisation méditerranéenne, non seule-
ment dans les temps antiques, mais aussi dans les temps modernes;
unité qui se manifeste à la fois dans le mode de vie et dans les indus-
(i) Bertholon, Sociologie comparée des Achéens d'Homère et des Kabyles contemporains.
Revue Tunisienne, xx, mars 1918, p. 190-199.
(2) « Tous les villages se gouvernent de la même manière, et comme s'ils étoient indé-
pendans les uns des autres «. (Lalîtau, Mœurs des sauvages amériqu/iins..., 1, in-4, 1724,
p.463).
(3) Etudes d'ethnographie algérienne, .'•°, 191 2 <'t Recherches sur les poteries peintes de
tries, dans les institutions et dans les croyances. Nous n'en pouvons
citer ici qu'un seul exemple. Notre grand Frédéric Mistral, dans son
poème de Mireille, fait allusion à une tradition très vivante dans nos
petites cités provençales, brûlées de soleil comme des villages mau-
resques; c'est la croyance aux « jours de la vieille », cette période
riode du Hesoiim, redoutée des Arabes, période qui porte chez les
(1) Miréïo, chant vi, et note 6 : cf. chant vu, noie S sur les « jours de la vainhc » lo
Hevue Africaine, L, 1906, p. 244-252; Ben-Sedira, Cours de langue kabyle, 16°, 1887,
p. ccxxn-ccxxiii, etc.
(3) H. Basset, Essai sur In littérature des Berbères. 8°, 1920, p. 295, 3oi ;
cf. Archi-
ves Berbères, II, i, 1917, p. 91, et III, i, 1918, p. 96. René Basset, in Revue d'ethno-
graphie et des traditions populaires, LU, n° 10, 1922, p. i64-i65.
LES «
MERJAS » DE LA PLAINE DU SEBOU (0
(i) Le prcsenit article n'est qu'une inodcste contribut'irai à l'étude d'un phénomène encore
mal obsoivé et déjà sur le point de disp.Traître.
En dehors de nos observations personnelles, et des travaux de M. Pobéguin [Voir
Pobégnin, Sur la côte ouest du Maroc — Falaises, dunes et sables — Paris 1907; Pobé-
•juin : Le fleuve Sebou dans sa plaine d'alluvions (Bull. kir. fr. Rensieign. , 1907, p. 3o5-
Sog] les éléments en ont été puisés à trois sources principales : les Archives et Rap-
ports du Service de l'Hydraulique, de la Compagnie du Sebou, de la mission du Sebou.
Sans la du Service de l'Hydraulique, M. de
bienveillamce avec laquelle M. Chabert, Chef
Segonziic, de la Compagnie du Sebou; M. le Capitaine Morot, Chef de la
Directeur
Mission du Sebou ont mis à notre disposition tous leurs documents, notre travail eût été
impossible. En particulier les Rapports de MM. Rénot, Zemcrli, Journet et Roeslor nous ont
été d'un secouis précieux. Nous devons aussi à l'appui de M. Godard, Administrateur Délé.
gué et à la complaisance de M. Conte, Directeur de l'exploitation agricole de la Compa-
chés dans les hautes herbes ; ces bœufs n'ont pas, malgré la saison
Entre elle et lui se sont noués des rapports qui donnent une physio-
nomie caractéristique à l'habitat, au genre de vie, aux procédés agri-
coles dans eertaines fractions des tribus du R'arb et des Béni-Ahsen.
L'arrivée des Européens a déjà modifié et modifiera davantage enco-
re ces rapports, sans toutefois les détruire entièrement.
senté par une teinte bleutée ou par un signe spécial le domaine des
Merjas. Ce domaine a une ampleur suffisante pour appeler l'atten-
tion dès le premier coup d'œrl. Sur la carte provisoire au 1/200. ooo^
il occupe la plus grande partie de la demi-feuille ouest d'Ouezzan, le
d'étendue à peu près égale. Sur cette superficie totale de 3. 000 kilo-
mètres carrés, les Merjas occupent environ 60.000 hectares soit i/5
peut se produire, soit qu'enhardis par une série d'années sèches, les
Merja : nappe d'eau en hiver, pâturage en été, laisse place pour des
stades intermédiaires. La surface, recouverte par l'eau passe par un
maximum qui est atteint d'habitude vers le mois de mars; puis l'eau
recule peu à peu, laisse la piage complètement à sec et le minimum
peut être égal à zéro quand le Hydra lui-même n'a plus d'eau, ^insi
les limites du hydra et de la plage varient non seulement suivant le
poration.
Ces deux conditions, en principe indépendantes l'une de l'autre,
plus grandes. Mais ces cuvettes ont une forme, une ampleur et une
profondeur très variables.
(i) Nous étudierons dans un autre paragraphe les travaux effectués dans la Merktane.
Nous raisonnons provisoirement d'après !a situation de la Merja qui existait au début i\e
1918.
LES « MERJAS » DE LA PLAINE DU SEBOU 117
bian. e'eau-^ ,
Seuiî ia ^\flûUi<t
en cniii tvt>mu»fe- i
v^emrtec
S N
l'Est vers l'Ouest, mais sa topographie est très originale. Elle présente
pour ainsi dire un double hydra, dont les deux parties, orientées, l'une
l'eau se conserve, non dans une partie centrale, mais dans un chapelet
de flaques c'est d'ailleurs un fait commun à toutes les merjas. Le
:
6™, 9. 11 y a donc une pente très nette, qu'on peut rendre sensible
OueÀ tempoiot^ui-
ûuêA pe eru
f ruvfe'i. ( Pfaae )
J-4/sbt
Daoura n'existe pour ainsi dire plus. Il est réduit à une étroite dépres-
sion verdoyante, où l'eau semble avoir fait totalement défaut pendant
l'hiver 19 19- 1920. Remarquons toutefois que ces constatations, faites
en 1920, peuvent avoir un certain caractère exceptionnel l'hivernage :
1919-1920 a été très peu pluvieux et, comme il succédait à deux années
de sécheresse, les nappes d'eau ont atteint partout un niveau très
inférieur à la normale (i). Au cours de l'été qui a suivi, les rivières ont
baissé au-dessous de l'étiage officiel et du zéro des échelles. Mais cette
réserve n'infirme pas les constatations topographiques qui ont été per-
mises par la faible hauteur de l'eau. La Ras ed Daoura est morcelé
en cuvettes bien individualisées, l'importance de ces hydras successifs
semble en diminuant du Nord au Sud. En face du Segmet, on a
aller
plutôt l'impression d'un lac que d'une Merja, puis ce lac est de plus
en plus obstrué d'îles, à mesure qu'on se rapproche du seuil de Sidi
Mohammed el Mansouri; il se reforme an sud de ce marabout, puis une
dernière fois après Sidi Habichi. A l'extrémité méridionale de la Ras ei\
(i) Pendant l'ét^ 1922, la Ras ed Daoura a été comiplètement à sec même au nord, fait
absolument anormal.
120 J. CÉLÉRIER
dire, prolongée par un hydra, et cette continuité est rendue encore plus
apparente par la pente, qui est plus nette que dans le IVarb. Dans la
partie centrale, les eaux sont à deux niveaux différents, qui se rac-
cordent par une chute brusque atteignant près de deux mètres : sur
un très large front, les eaux, l'hiver, tombent en cascade de l'étage
d'ailleurs des annexes dont elle est séparée par des seuils : telles sont
la merja Bokka et la Daya Gocéa, qui sont situées à l'extrémité méri-
par un séjour prolongé de l'eau. Dans les cas douteux, la flore donne
des indications précieuses. Par exemple, les artichauts sauvages ne
se trouvent que dans la zone cultivable, même si elle est momentané-
122 J. Cl^LÉRTER
les rives ont en général une pente assez rapide : c'est pourquoi les
vable au moins sur ses bords, qui donnent pourtant l'impression d'être
LES « MERJAS » DE LA PLAINE DU SEBOU 123
près la même dans chaque cas. Le fleuve, qui avait en amont une
pente assez forte et un lit encaissé entre de hautes berges, commence
par ralentir sa vitesse et abaisser ses berges. Il décrit quelques méan-
dres aplatis; il se divise en deux ou plusitMirs branches d'importance
inégale, qui rappellent les bouches d'un lleuve dans un delta; mais
ces bras n'ont au maximum qu'une longueur de trois à quatre cents
mètres et disparaissent progressivement. En fait, la merja commence
dès la patte d'oie. On peut supposer qu'il y a un rapport entre ces
subdivisions du fleuve et les u cherket » ou « sareg » qui sillonnent
la plage et le hydra, mais la continuité n'est pas visible, et nous
essaierons de comprendre pourquoi cette continuité, si elle a existé,
n'a pu se maintenir.
Le débit de l'affluent principal est très différent suivant les merjas
et l'importance des merjas est précisément en rapport étroit avec
l'importance de ce débit. Pour chaque affluent, le débit est également
très variable, suivant la saison. Mais, dans les grandes merjas, il est
rare que ce débit tombe à zéro. Il n'en est pas de même des affluents
secondaires. Sur le pourtour de chaque merja, on constate l'existence
de lits d'oueds : leur pente est généralement faible, parfois même le
sens de cette pente est difficile à discerner. Ce sont rarement des oueds
indépendants, et la langue indigène, très riche en vocables pour bap-
tiser tous les succédanés d'oueds, les désigne sous le nom de seheb.
Ces sehebs viennent soit d'une ramification détachée de l'affluent
principal, en amont de son embouchure, soit d'une merja voisine, soit
fluent pérenne, mais son hydra mieux caractérisé lui permet de con-
server plus longtemps l'eau qui lui vient, soit du ruissellement, soit
d'une inondation exceptionnelle du Sebou, soit du Taug. Le Taug est
les deux rivières sont encore séparées par une croupe sablonneuse
d'un relief assez vigoureux, mais le niveau s'abaisse rapidement vers
le Nord, et, vers Mechra-Remla, on ne perçoit plus d'obstacle. Il faut
remarquer que l'Oued Smento, quoique moins abondant que le Tiflet,
en affluents.
c'est qu'une très faible partie de l'eau des merjas parvient à la mer.
Certaines merjas, surtout parmi les petites, n'ont pas d'émissaire;
et les émissaires connus ont un faible débit qui n'est pas du tout en
rapport avec le débit de rafiluenl principal, sans même tenir compte
des eaux amenées à la nicrja; et la quanlilé totale dos eaux reçues
par la merja mesure l'influence exercée par l'inliltration, l'évapora-
tion et la nutrition dos plantes. Mais il est difiicile de la calculer exac-
plans d'eau des deux merjas, alors que les eaux de la Bou-Khardja
s'évacuent normalement dans le Ras ed Daoura, l'inverse ne se pro-
jours à sec.
La Ras ed Daoura que l'on peut considérer dans une certaine
mesure comme un émissaire de la Bou-Khardja n'est pas un impasse.
Comme nous l'avons vu, son extrémité méridionale se prolonge par
une série de petites merjas plus ou moins indépendantes suivant la
saison; la dernière de ces merjas donne elle-même naissance vers le
grand collecteur de toute la plaine. Mais ce petit oued dont le lit col-
maté est tout couvert de végétation, est bien incapable d'écouler les
millions de mètres cubes d'eau qui s'accumulent dans les deux gran-
des merjas pendant l'hivernage.
En résu.mé, le drainage de la plaine du R'arb, quoiqu'il ait une
voie indiquée par la topographie, est tout à fait embryonnaire.
Ce caractère inachevé, comme hésitant, se retrouve sur la rive
Beitha n'a en vie qu'au drhil de quelques litres. Beaucoup plus abon-
dant est l'oued ol Iladj pour lequel on a constaté à la lin d'août 1919
un débit importanl <>! (pii pénètre ])rorondéuuMit à l'inlérieur <le la
qui est formée surtout par l'oued bou Chaala, reçoive une seule goutte
d'eau du Beht.
L'Oued Habeiri sert aussi d'émissaire partiel à la merja du Tiflet
mal établi entre les diverses origines de ces sables : alliix ions lliix iales,
longe jusqu'à l'Océan qui est dominé de plus de 100 mètres par le
lief est d'autant plus vigoureux qu'il semble reposer sur un socle
solide de grès calcarifères d'âge très récent; le socle est visible aux
deux extrémités Nord et Sud qui sont les plus élevées; la dune est
également consolidée de loin en loin par un boisement naturel de
chênes-lièges rabougris.
Il n'existe, dans cette barrière continue, aucune brèche sauf celle
que s'est ouverte le Sebou. Ce n'est donc que par le Sebou que les
R'arb et le pays des Béni Ahsen forment deux plans symétriques par
rapport au Sebou et inclinés, l'un vers le Sud-Ouest, l'autre vers le
1Zr2i
N Lveau
lidarité étroite entre le cours inférieur des rivières et leur cours su-
périeur, par conséquent, entre la plaine et les régions hautes qui la
dominent au Nord-Est et au Sud. Elles sont essentiellement une tra-
duction du climat, surtout du régime des pluies dont nous avons déjà
rappelé quelques caractères. C'est le régime méditerranéen de l'an-
Sebon et ses affluents des crues violentes qui sont encore aggravées
par la natnre dn sol et le relief.
tout à fait impermables; les couches eocènes sont aussi le plus souvent
est arrivé que les arbres charriés par l'Ouerra ont rompu ce cable.
La puissance d'érosion de ces rivières est en rapport avec la vio-
Grâce à son volume d'eau qui reste suffisant toute l'année, le Se-
bou a maintenu son lit et son accès vers la mer. Ce n'est pas sans dif-
elle rejette toujours plus au Sud le fleuve qui doit entailler sa rive
gauche pour se frayer un passage. Il est possible que l'orientation du
Sebou dans son cours inférieur soit due à l'action continue de ce
phénomène se répétant toujours dans le même sens. Le travail du
vent se trouve facilité par l'œuvre propre de la barre fluviale qui
tend aussi à obstruer le chenal; la profondeur d'eau s'y trouve, par
marée basse, inférieure de 3 ou 4 mètres au lit du fleuve en amont.
Contre ces deux forces dangereuses, le Sebou lutte victorieusement
grâce à son volume d'eau accru par la marée haute. A mesure que
son débit baisse, le chenal de l'embouchure s'affaiblit. On peut, cha-
que été, prévoir que le fleuve va être arrêté; mais en hiver il reprend
l'offensive; ses grandes crues sont comme autant de vigoureux coups
de balai qui débarrassent le chenal des sables qui tendent à l'obstruer.
Cette victoire remportée à l'embouchure se répercute en amont.
N'ayant pas été privé d'un niveau de base fixe, le Sebou a pu de mê-
me maintenir la fixité de son lit; du moins, s'il a eu — comme il est
à peu près certain — des variations, elles ont été assez lentes pour se
faire sans accident , c'est-à-dire sans divagations. Ainsi le Sebou n'a
pas été enterré sous ses propres alluvions ou barré par elles. A mesure
qu'elles se déposaient dans le fond du lit, le fleuve s'y creusait un
nouveau lit entre des berges dont la hauteur paraît singulière dans
ce pays si bas. Le résultat fut un exhaussement général et la création
est franchie à gué par une piste, il y a dans la plaine plusieurs Mechra
Bemla (gué de sable); les ornières des voitures qui y circulent main-
tenant favorisent l'épandage de l'eau. Or la piste a naturellement
choisi le point où la rivière était plate et sans profondeur. L'Euro-
péen s'embrouille dans ces pistes qui sont tantôt à sec, tantôt cou-
vertes d'eau. Les Marocains sont moins embarrassés : le riche pro-
priétaire passe sur sa belle mule trottinante, impassible devant les
gouttes d'eau boueuse qui giclent sur la selle rouge et la blancheur
du burnous; le pauvre lève un peu plus haut les pieds sur le cou de
son âne; le (( meskine » entre les meskine, tenant d'une main ses
nulle part aussi frappante que dans la merja du Beht, Elle contribue
à expliquer non plus la formation d'un simple barrage, mais cette
large chute dont nous avons signalé l'originale présence au cœur de
la grande Merja. En débouchant dans le vaste marécage, le Beht forme
par ses apports, un cône de déjection large et épais que le fleuve
pousse en avant sans doute chaque année. Mais la végétation s'est im-
plantée dans ces fines alkivions et en a changé la consistance : cette
trait progressif vers le lit du fleuve. Il n'y -a plus de lit, plus de pente
directrice. L'eau des crues reste sur place, au hasard des petites dé-
pressions : c'est la Merja au début du printemps.
On conçoit d'ailleurs que des circonstances locales, une fixation des
berges dans un sol plus résistant, aient maintenu un tronçon de lit,
de même qu'une route non entretenue continue à être marquée par
maintien d'un lit bien défini. La formation des merjas est une vérifi-
cation à rebours des lois du modelé et du drainage, précisément par
leur insuffisante application dans la plaine inférieure du Sebou.
tissage des tapis, tissage des étoffes sur les métiers à haute lisse, tout
cela est fait par les femmes. Les procédés sont presque tous très
(i) Je me permets, sut ce point, de renvoyer le Ipciteiir à mes Notes sur VAmmon
libyque, actuellement sous presse fp. 5--.)
(2) Cette cérémonie n'a pas encore fait au Maroc l'objet d'une étude spéciale : on trou-
140 HENRI BASSET
d'autres circonstances.
Une fois tondues, les toisons qui ne sont yias destinées à être ven-
dues brutes sont remises aux femmes, à qui revient le soin de les
transformer en laine prêle à être tissée. Comme tous les travaux,
celui de la laine est soumis aux nécessités des jours fastes et néfastes.
vcra cependant des rcnseipruemcnls dans E. Lévi-Ppovcnçal, Pratiques agricoles et Fêtes sai-
sonnières :'es tribus djebalah de la vallée moyenne de VOuarçjlia. Archives Berbères, t. Iir,
p. 96-97 ;
pour le Sud-Oranais, Ben Danon, Contribution à Vétude de Vindustrie pastorale
en Algérie et au Maroc, Bail, de la Soc. de Géog. et d'Arch. d'Oran, 1916, p. 3i4; pour
la Tunisie, Menouillard, La tonle du mouton en Tunisie, Revue Tunisienne, 1906, p. 117
sqq. ; Decker-David, L'agriculture indigène en Tunisie, Tunis, 1912, p. SmS : « leis
liommes tondent en chantant, tandis que les femmes, qui aident à préparer le couscous,
poussent des you-you, et que les enfants joiucnt à la agfa,, jeu analogue au jcrolf. .. n
Il s'agit sans doute d'un jeu de mcTne genre que Ifl koara, qui est notre hockey, et dont la
la laine, mais les rites n'ont malheureusememt pas retenu son attention.
(3) Laoust, Étude sur le dialecte berbère des I\Hifa, Paris 1918, p. 3o9-3io.
(A) Desparmet, Ethnographie traditionhelle de la Meltidja, Revue Africaine, 1919, p. 277.
interrogent à l'envi la laine sur le sort qui les attend. De bien des
choses, elles tirent des présages : de la façon dont se présente la toi-
son au moment oii on l'ouvre, des mottes de terre, des saletés qu'elle
faites des métiers, Les fileuses, p. 17 'Sqq. Même défense de filer ià certains jours de la
Belgique, il ne faut pas laisser apercevoir aux arhres un rouet pendaint cette nuit ils :
n'auraient pas de fruits Tannée suivante. » {ibid., p. 19). De même, dans l'Afrique du
Nord, l'interdiction de travailler la laino le jour de 'Âchoûra est presque générale. Elle
Sv^mble, dans les deux cas, devoir s'expliquer de la même manière. Noël et 'Aehoùra sont
deux- fêtes de renouvellement de l'année : il faut éviter à ce moment tout ce qui pour-
(useiaux ou ses rcuets qui tournent, et ses métiers où les fils se nouent.
I4â HENRI BASSET
Cette croyance, dans les villes, tend, comme tant d'autres, à s'effa-
ver en elle, et la mettre dans les conditions magiques les plus favo-
rables pour raccomj)lissemenl ihi travail; car une bonne partie de
celui-ci est l'œuvre des forces incluses dans la laine et dans les ins-
ici à décrire ces rites, car ils sont déjà connus: M. Doutté a rapporté
dans tous ses détails la cérémonie tlemcenienne dans laquelle le grand
peigne à carder déguisé en homjme apparaît comme le substitut magi-
que du fiancé désiré (i) ; et les croyances relatives à ces travaux prélimi-
naires de la laine ont été recueillies avec beaucoup de soin par MM. Bel
et Ricard dans leur étude sur Le Travail de la laine à Tletncen: une
enquête menée à Rabat n'a pas révélé, à propos de ces opérations, de
rite vraiment nouveau.
Je voudrais bien plutôt insister sur les pratiques rituelles du filage
croyances. Ensuite, de tous les rites de la laine, ce sont les plus im-
portants, les plus caractéristiques, et cela se conçoit : filage et tissage
Belle au Bois dormaul [\). Vax loiil cas, ce cai'aclric iuai>i{]iic (îsI Ire-,
(i) Voir des exempiles de la valeur magique du fuseau dans Sébiliot, op. cit., passini;
Frazcr, Les orifiines magiques de la royawlé, li-ad. P. II. Loyson, Paris, 1920, p. 53-54-
(2) Celui-ci symbolise vraiscmltlablement le soleil, auquel, dans certaines tribus berbftres
d<' l'Atlas marocain, on pn'îseiiti' encore l'enfant après sa naissance.
(3) Destaing, Étude sar le dialecte berbère des Ait Seghrouchen. Paris, 1920, p. XLvn,
i!\] Desparmet, Ethnographie traditionnelle de la Mettidja, Bulletin de la Société dz
Géographie d\Alger, 1919, p. 222 « ... tel de : ses organes essentiels gauchirait en gran-
dissant et prendrait une forme bistournée ». — A rapprocher de la croyance gcrmain-
que : ((si une femme, pendant les six semaines qui suivent son acoouchenicnt, file de
la laine, du lin ou du chanvre, son fils sera pendu quelque jour » ^Sébiliot, op. cit.
l-. 22).
LES RITES DU TRAVAIL DE LA LAINE A RABAT 145
Mais, quelles que soient les applications qui en sont faites, il semble
que si le fuseau possède une telle vertu magique, cela vient de ce que,
dans le rudimentaire appareil de filage, il est la partie agissante; tou-
Le rouet, qui s'est introduit à une époque assez récente, et dans les
villes seules, n'a pas eu la fortune magique de l'antique fuseau. Il
Le caractère magique du métier à tisser est plus net encore que celui
du fuseau. Mais tous les genres de métiers ne le possèdent pas. Les
femmes, dans les villes, ne sont pas seules à tisser la laine. Il s'est
même fait une sorte de partage : elles ont gardé le tissage des tapis,
tandis que les étoffes avec lesquelles on fait les vêtements sont d'ordi-
naire fabriquées par des tisserands. En Berbérie, lorsqu'une industrie
est ainsi partagée, il est normal que les techniques employées par l'un
et par l'autre sexe soient différentes : la femme a gardé la technique
ancienne, l'homme a adopté la plus perfectionnée. De ce phénomène,
la céramique offre un exemple typique : selon les régions, elle est une
industrie féminine ou masculine. Dans le premier cas, la technique est
poteries sont façonnées à l'aide du tour, cuites dans des fours, et desti-
nées à être vendues sur les marchés (i); voilà plusieurs milliers d'an-
(i) Sur les poteries nord-africaines, cf. surtout Van Gennep, in Eludes d'ethnographie
algérienne, et in Varia Africana, publication de l'Université de Harvard, t. II; J. Her.
nées que ces deux formes d'industrie persistent côte à côte. L'antago-
nisme entre les deux techniques, cmi malièrc de Lissa«^c, est moins an-
cien, mais non moins marqué. Les tisserands des villes lia\ail](Mil
étoffes, et partout pour fabriquer les tapis, est un métier à haute lisse,
ber, Technique des poteries rifaines du Zerhoun {Hespéris, 1923, fasc. 3); sur celles des
villes, A. Bel, Les industri>es de la céramique à Fcs, Alger, 1918.
(i) Voir la description de ce métier dans Bel et Bicard, Le Travail de la laine à Tlem-
cen, Alger, 19 13, p. 63-78. On trouvera aussi la description des deux sortes de métiers,
et des hypothèses sur leur origine dans Stuhlmainn, Ein kulturgeschichtlicher Ausflug in
den Aures, Hambourg, 1912, p. ii3-i2i. Cf. aussi le imétier de Figuig, in Pariel, La mai-
son à Figuig, Bévue d'Ethnographie cé de sociologie, 1912, p. 275-276; celui du Mzab,
in Marcel Mercier, La civilisation urbaine au Mzab, Alger, 1922, p. 242-2M.
(2) J'adresse ici mes plus vifs remerciements à Mlle R. Bazet, directrice de l'école ouvroir
indigène de Raibat, dont l'obligeance a facilité mes recherches, et qui, sur quelques
points, a bien vouhi enquêter elle-même d'après mes indications. Il est en effet des que»
lions sur lesquelles l'enquête est pratiquement impossible à iMi hoim'me : seule une femme
peut obtenir les renseignements désirés, et une femme qui ait su gagner l'entière confiance
des musulmanes : ce qui se rencontre rarement.
LES RITES DU TRAVAIL DE LA LAINE A RARAT 147
moitié, à laquelle il est attaché; les fils laissés libres par lui sont alter-
(i) Les tisseuses de Rabat se rendent fort bien compte de l'orig'ine mixte diu tapl<i
leurs bons offices. La jeune lille qui alleinl ses vin<il ou vingt-cinq
ans el commence donc — nous sommes chez les musulmans — h
devenir une vieille tille, emprunte à une tisseuse toutes les pièces qui
soires, elle les lave avec cette eau. Quand une femme mariée n'a pas
d'enfant, elle procède, pour en avoir, exactement de la même manière.
Cette pratique, qui a été relevée à Tlemcen, existe aussi à Rabat, et en
bien d'autres endroits de l'Afrique du Nord; on y remarquera, et c'est
loin d'être le seul exemple d'un si étrange mélange, l'uuiou iutime des
croyances magiques et des rites de l'oithodoxie musulmane.
Le peigne de fer qu'on emploie pour resserrer le tissu peut servir
au même usage magique que le peigne à carder. Mais les roseaux du
métier, surtout, semblent doués d'un pouvoir particulier. Le roseau,
d'une manière générale, joue un grand rôle dans nombre de cérémo-
nies et de pratiques magiques; en outre, ceux-ci, dont le jeu permet
l'entrecroisement des fils, sont en rapport très direct avec la vie mys-
térieuse qui, nous le verrons, anime le métier : d'oii leur puissante
(i) Wikman, Die Magie des Webens und des Webstuhls in schwedischen Volksglau-
LES RITES DU TRAVAIL DE LA LAINE A RABAT 149
Et ce n'est point la seule analogie qui se puisse constater entre les rites
d'en empêcher les tout petits qui marchent à quatre pattes; bien qu'on
ne les pense point encore menacés d'un châtiment aussi grave, cela
leur porte cependant malheur : ils sont insupportables tant que le tapis
reste sur le métier, en conséquence, reçoivent force tapes et puni-
et,
la maîtresse ouvrière lui donne un rouj) sur les reins avec un des
roseaux du métier, en disant :
leur mariage {:>.). Voici l'un des moyens iMuployés à cette fin par les
métier. Lorsque la jeune fille se marie, avant la toilette rituelle qui pré-
Ci ) On rmiarqiicra dans ce dictcm le jou de mots obtenu par l'emploi de doux subs-
tantifs sonnant de manière presque identique.
(?) Cette façon de protéf^'or la vertu des jeunes filles est fort répandue dans l'Afrique d\i
Nord, jusque dans les campagtnes les plus reculées. Ainsi M. Westenmarck la note chez
les Ait Yousi : « ... la coutume veut que foute petite fille soit à un moment donné
conduite trois fois sous les deux traverses supérieuires d'un métier à tisser portant une
trame préparée, afin qu'aucun homme ne puisse la déflorer, et l'effet magique de cette
cérémonie doit évidenwnent être annulé avant les noces. « Westenmarck, Les Cérémonies
du mariage, au Maroc, trad. .T. Arin, Paris, 1921, p. i3?i. Pratique analog-ue à Tlemc«n ;
cf. Doutté, Magie et Beligion, p. 298 ; la jeune fille passe non pas à travers, mais sous
le métier on présente la jeune fille à une femme qui fabrique des tapis, des couvertiri^s
: «
ou des haïk, jour où elle doit achever l'objet qu'elle a sur le métier. Celle-ci prend
le
la fille par la main gauche, et la fait passer sept fois au dessous du métier, en lui don-
nant chaque fois un coup de balai sur les fesses au septième coup, la maîtresse ôa :
métier s'adressant à la fille doit prononcer ces mots : « Je t'ai nouée par le métier, tu
ne seras dénouée que par le métier. » — Voir ibid. p. 293-294 la cérémonie destinée à
annuler celle-ci : le métier y joue son r^!e, mais il s'y mêle d'autres éléments.
LES RITES DU TRAVAIL DE LA LAINE A RAB/VT 151
et enfin, le retient entre ses dents. Les femmes présentes coupent alors
le fil, dont les deux tronçons sont consumés dans un brûle-parfum
placé entre les deux jambes de la mariée, de façon que la fumée monte
jusqu'à elle.
(i) En Suède, où cette interdiction existe, on oroit que le garçon perdrait sa virilité.
Wickjnain, loc. cit.
Mais les fils qui oui cir en eonlacl avec ce réservoir de forces magi-
ques qu'est le métier, mieux encore, ayant joué (jiielcpie rôle dans le
vention d'un saint: sa grâce est bien plus nécessaire encore que l'ap-
prentissage manuel, dont elle dispense souvent. Chaque métier, et
rue Souïqa. On raconte que cette Lalla Zîneb était une tisseuse qui tra-
vaillait très vite: elle réussit un soir à terminer un tapis commencé le
était fort mal fait. Pourtant, c'est à ses bons offices qu'on a recours
pour délier les doigts de l'enfant. On la conduit à sa qoubba, après
s'être muni de raisins secs, que l'on mange dans le sanctuaire. En-
(i) Desparmet, Re-ue Africaine, 1919. p. 276, d'après le livre de magie d'Ibn el-Hâjj.
(a) On dit aussi : c'est un tapis des Odlad Sidi Sridi.
LES RITES DU TRAVAIL DE LA LAINE A RABAT 153
iâ làlla-zînèh
"
a^teni l-fhâma
ûftàh-li-bsçrp.
con de laine a été en contact avec elle, ou, à son défaut, avec la maî-
tresse ouvrière; il transmettra donc en outre à l'apprentie les qualités
sao^e sont de deux sortes : les rites qui se rapportent à la vie des ou-
vnèixîs, et ceux qui ont poin* but le tissaf^e Ini-même; ces derniers
sont les plus importante. Le métier vide n'est qu'un assemblage de
poutres et de roseaux; sitôt le fd de chaîne tendu, sitôt le travail
savent où réside surtout celte vie: c'est dans la n'ira; elles entendent
par là la ligne des nœnds grâce auxquels une partie des fils étant im-
mobilisée, le jeu des autres permet l'entrecroisement des fds de trame :
Une telle personnalité réclame beaucoup d'égards; elle est très sus-
ceptible. Il ne lui plaît pas de travailler pour les méchants : si celui
à qui est destiné le tapis n'a pas le cœur pur, il survient, au cours du
tissage, tontes sortes de mésaventures. L'ouvrière qui entre au ma-
tin dans la chambre où est le métier, ne manque pas de le saluer; en
sa présence, elle ne se sent pas seide; elle doit se garder de prononcer
une parole désobligeante, surtout si (*lle s'adresse à lui, et de le traiter
Une coutume qui semble avoir disparu à Rabat, mais qu'on re-
(i) Auprès de la qoubba de Lalla Zîneb ost ceUc de Sidi Mengoût. qui de son vivant,
était, dit-on, un forgeron. Il exauce toutes sortes de prières; mais on a sipécialement
rcoours à lui pour guérir un enfant de sa paresse. On Je lui conduit, les mains
liées derrière Je dos; on les détache dans la qoubba du saint, et l'enfant lui demande,
comme à Lalla Zîneb : « gô''udni f-lrëq Ihêr, conduis-moi dans le bon chemin. » Puis
il lui offre des bougies et de l'huile. Si les mains de l'enfant se délie>nt d'elles-mêmes
dans la rue avant l'arrivée à la qoaibba du saint, c'est d'excellent augure. Le "sens du
rite est clair.
LES RITES DU TRAVAIL DE LA LAINE A RABAT 155
l'on fait couler sur la nira quelques gouttes du sang d'un poulet qu'on
égorge: c'est un véritable sacrifice au métier.
Celui-ci n'est pas à l'abri des atteintes du mal. Il redoute particuliè-
rement le mauvais œil. Pour l'en protéger, on a recours aux talismans
ordinaires: on accroche sur ses montants une main découpée dans
un morceau de papier, ou un fer à cheval; parfois, les deux ensemble.
Pour ne point défier la fortune, on s'abstient de supputer le profit que
fera la laine, ce que rapportera le travail, et l'époque à laquelle il sera
n'en doit user qu'avec les pins extrêmes précautions, sinon elle ^e
retourne infailliblement contre lui. Ainsi le métier, peut devenir fu-
neste aux hôtes de la demeure où il se trouve, si l'on n'observe pas
quelques prescriptions formelles. On ne doit pas faire pénétrer dans
sqînâk fd-doniâ,
"
sqînâ J" lahrd f
du métier, et celui-ci n'est plus qu'un cadre mort (i). Mais ces rites
ont été bien observés, il reste prêt à ressusciter sitôt que l'on tendra
sur lui la chaîne d'un nouveau tapis; sans ces pirécautions, il serait
(i) On pourrait encore retrouver çà et là en Europe des vestiges de croyances très voi-
sines et de rites analogues : « Dans la Flandre occidentale, quand le tissage d'une pièce
de toile est fini, on la coupe en fil de penne. Or il est d'usage que les enfants de 'a
maison tiennent une assiette sous 'e fil de penne quand celui-ci est doupé, afin, comme
on dit, de recueillir le sang de cette pièce de toile- Le tisiserand, pendant qu'il la coupe,
tomber de sa main quelques pièces de monnaie dans l'assiette, et les enfants croient
laisse
que cette monnaie sort de la toile elle-même et en forme le sang... En Norvège, celui
qui conpe le tissu déjà prêt doit mettre sur les ciseaux des charboms airdents, sortir de In
chambre et les éteindre dans la cour. » (Sébillot, op. cit-, Les Tisserands, p. ii).
158 HKNUl BASSET
pour qu'elle ])iiisse riMiailre. De même que, dans le picinic!!' cas, c'est
iâ-sobhân-m ^l-lâ-imil^,
ou encore
mût, mut, iâfédddnna,
id-sobhân m'I-ld imut,
iahiik-mûlând,
ba^d-ma-pniit!
mhèrtûk r^àlna,
y,idérsuK tlrdnna !
LES RITES DU TRAVAIL DE LA LAINE A RABAT 159
Meurs, meurs, ô notre champ d'orge ; gloire à Celui qui ne meurt pas!
Notre Seigneur te rendra la vie, après la mort; nos hommes te
se divisent en deux grands groupes : les uns ont pour objet l'avenir
des ouvrières elles-mêmes, et concernent surtout l'amour, le maria-
ge et la fécondité ; les autres ont pour but d'aider le travail des for-
ces occultes qui participent pour une part prépondérante à toutes les
vail de la laine, qui, sans eux, pourrait cependant être mené à bonne
fin ; tandis que les autres, dans l'esprit des ouvrières, sont 1«l condi-
tion même de ce travail, plus encore que ne l'est l'œuvre de leurs
mains. Cependant, il ne faudrait pas croire qu'ils représentassent une
innovation récente. Un instrument doué d'une puissance aussi con-
sidf'n^able dut être de tout temps le centre de nombreuses pratiques do
magie. D'autre part, les rites de ce genre que nous avons observés en
Berbérie ne sont pas sans rapport avec ceux que l'on rencontre dans
des pays parfois lointains, comme la Scandinavie. Sans doute, les con-
(i) Voir des exemples de ces formules dans Westermarck, Cérémonies and Belief connec-
ted with agriculture..., Helsingfars, igiS, p. 2/1-25 ; Laoust, Mots et Choses berbères,
p. 376-379. —
On retrouve chez les Hayaïna (est de Fès) une formule toute semblable :
mût^ yâ feddànna
suhhân men là imût^
kadar mulâna yahyh
ba'den imût^
Meurs, ô notre champ; gloire à Celui qui ne meurt pas Notre Seigneur peut le
! res-
susciter après qu'il est mort. (Westermaax;k, loc. cit.) Ce® formules sont quelquefois ré-
citées par les femmes : ainsi celle que rapporte E. Lévi-Provençal, Pratiques agricoles et
fêles saisonnières des tribus djehalah de la vallée moyenne de VOuargha, Archives Ber-
bères, 1918, p. 16 du t. à p.
160 llENKl BASSET
dilioiis du lra\ail sont les mêmes: rol(>lï<' csl lissée par des l'eiuiiies,
Henri Basset
LES RUINES DE TINMEL
des renseignements pris sur les lieux mêmes, de la bouche des gens
du pays, soit à Marrakech, dans la bibliothèque du oadi Moulay Mostafa
et d'après ses conseils.
une petite ride de teirain qu'on franchit avec une extrême facilité.
(i) Les pliotopraphic-; jointes à col article sont l'œuvre du regrette Wattier,
Inspecleur des Eaux et Forêts à Marrakech, qui avait adressé en même temps à Iles-
péris une courte note sur les ruines de Tinmel. Ayant appris que la partie d'un travail du
D"" Ferriol sur le même sujet était sous presse, il retira le sien, en voulant bien autoriser Hes-
péris à publier les magnifiques documents que l'on trouvera ici. (N. D. L. R.)
grande que les autres sérail la sienne, tout près du mausolée branlant
soit ainsi —
il a dû servir à la tribu des Ait Amgliar, dont il aurait en-
core conservé le nom, et formée des parents d'Ibn ïoumert. Au reste
ces trépassés dorment aujourd'hui sous la protection de cette Lalla
llimmit "Azza. la uùivc aux deux tombes, le corps de cette sainte per-
sonne ayant fait jadis l'objet d'une dispute entre les gens de Tinmel
et les Zenaga.
Suivant toujours le chemin dans la direction Ouest, on atteint, 500
mètres plus loin, le ra\in do Talat n-Waqba: c'est une crevasse à pic
dans le plateau ; elle servait de défense naturelle aux re^nparts de la
cents mètres, en pente assez raide dans sa partie Nord, plus douce
au Sud du côté du Nfis. Il s'y trouve, tout à gauche du sentier, une ci-
terne sans âge, sur la droite, huit haouch, sur la signification des-
quels notre guide ne veut rien révéler de précis: « Ils servent, dit-il,
au jeu de balle, ce sont les enfants qui les ont élevés pour leurs jeux».
Explication peu plausible à moins que le jeu de la balle ne fasse partie
de quelque rite ancestral.
il faut, pour avoir une vue d'ensemble et situer le tout dans son cadre,
escalader l'escarpement qui surplombe, au nord, les ruines. ïaourirt
N Tidaf, la colline des vedettes: ainsi la nomme-t-on encore, expliquant
suffisamment de la sorte sa destination première. Et de fait il y a au
sommet, des vestiges de murettes en pierres sèches, comme en élèvent
encore de nos jours les berbères quand ils montent la faction.
carpée porte les trois collines où l'Imam el Mahdi allait chercher l'ins-
piration.
A l'est, le ravin déjà mentionné de Talat-n-Waqba.
TlNMEL, Pl. I
sur le rebord qui domine les haoucli, les restes d'une énorme tour
beaucoup plus massive que les autres attire la première le regard. Elle
mesure environ 8 mètres sur 4. Jusqu'à hauteur d'hoanme, les construc-
tions sont en pierre du pays retaillée et cimentée avec un mortier à la
ont placé ici un sanctuaire (ils en ont mis partout dans ces ruines),
dédié à un seyyid, Moulay Yaqoub, qui ne serait autre qu'el-Mansour,
le plus grand des bâtisseurs du Moghreb. Ils prétendent que c'est là son
tombeau. Ses fidèles, ignorants, en font un fils de ce Moulay Yaqoub
de Fès, patron des sources sulfureuses. Chose remarquable, ce prince
est le seul de sa dynastie dont le nom soit parvenu jusqu'aux grossiers
habitants de la ïinmel moderne. Abd el-Moumen lui-même n'est
gloire.
terre qui les environne, ni;»is on les roconnaîl à la liace laissée par
récroulement du pisé, les tas s>inélriqiies de terre rouge en marquent
l'emplacement ; elles devaient étie moins soignées que la tour de
Yaqoub el-Mansour.
Il y en a ainsi 7 à droite de cette dernière, puis on arrive à Bab
Ighli ou porte d'entrée. M. Doutté a pu encore admirer son arc dis-
plus marqué que par un double seuil, car c'était une poite (ui chicane
comme les portes actuelles de Marrakech, dont elle était loin d'avoir
les proportions. Les pilastres extérieurs, en [)ierre taillée, ne s'élèvent
plus qu'à un mètre et demi du sol.
Toujours à droite, après la porte, une partie du nuu' e\téri(Mir est en-
des cailloux se perd au milieu des rochers ou s'égare parmi les restes
d'autres murs dont on ne peut dire l'origine. Dans ce dédale, il est im-
possible désormais de retrouver le fil : seules, des fouilles méthodiques
pourraient donner quelques résultats.
LES RUINES DE TINMEL 165
• 1 l.r.l:
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AV\WAtCXÀÂ
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11
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Fig. 1. — Décorations de la maison du cheikh de Tinmel.
166 D^ FKRRIOL
Les vestiges de murs sur la face ouest sont à pinne visibles du côté
AT A /\
13
pis des plus bariolés ; ces points, ces crochets, ces croix, ces angles
et ces triangles sont bien à la base de ces tapis Wawsguit, communé-
ment vendus sur le souk de Marrakech sous le nom de tapis Glaoua
(fîg. I et 2),
La mosquée de Tinmel, —
Quelques pas plus loin, sur une légère
ride dominant le fossé de Talat n-vv^' Abdallah, s'élève la célèbre mos-
LES RUINES DE TINMEL 167
autres.
Des neuf carrés ainsi tracés dans cette travée, celui du milieu.
168 D-^ FERUIOL
Est tient encoi^ par un prodige d'éipiilihre, liuilre ;i\iuiL disparu de-
puis longtemps.
Chacune de ces coupoles au plafond très décoié était sui-montée
cette seule partie sud, la mieux conservée. Nous avons vu que là était le
mihrab. Tl y a quelques années, quand le caïd était à Talat n-Yaqoub,
les prières du vendredi y étaient encore dites en public. Voilà pourquoi
quelques mains pieuses ont pris soin de cette partie du vaisseau. Tandis
qu'ailleurs le sol disparaît sous l'amoncellement des moellons, des bri-
ques et des plâtras descendus a\ec les arcs ruinés et la toitme. Ici, le
170 1)^ l'KRIUOI.
sol est déblayé et im tains de deux mètres sépare cette partie du reste
lacs. Par dessus sont trois grosses fenêtres romanes en plâtre ajouré fi-
f
-r-slf^
mi .1
"•
. CATALA FRtRCI,PA.KlS
LES RUINES DE TINMEL 171
être vu.
pour mission de ramener la justice sur la terre, tandis que ses dix
compagnons, armés de leurs sabres, invitaient le peuple à lui prêter
serment de fidélité .>
fraj)[)anles, il se p<Mil (juini même architecte les ait édifiés tous deux.
El-Marrakciii, (pii écrivait à peine ceni ans après les événements
rapportés, nous lail xoir \bd el-Moumen au comble de sa gloire, ve-
nant en pèlerinage à Timnel. Obligé, en i i58, à la suite d'une sédition,
d'envoyer au supplice quelques-uns de ces \ït Arnghar, proches pa-
rents du Mahdi qui avait failli campromettre l'œuvre commune, il
La Mosquée. — Mihrab.
. CATALA FIlfllEX. p
LES RUINES DE TINMEL 173
père aux genoux, ainsi nommé parce qu'il guérit le mal aux genoux
(Yaqoub el-Mansour, par contre, coupe la fièvre). Notre guide nous
conduit vers un haouch de dimensions très honnêtes; à l'intérieur
du cercle décrit, se dressent deux pierres tumulaires; le bord supérieur
de celle placée à la tête présente une forte encoche en forme de crois-
sant, parce femmes qui viennent implorer le saint s'arment
que les
le mal aux genoux, mais nul ne sait où il est enterré. Et ceux qui ont
quelques prétentions littéraires ajoutent que le Mahdi repose sous le
D' Ferriol,
Médecin du Groupe Sanitairo Mobile
de Marrakech.
Bibliographie
Taza et de Guercif ; les résultat? en h fait de son avis, lorsqu'il dit en par-
ont été exposés dans divers articles, lant des sépultures : a Somme toute,
notamment : La grotte de Kifan bel il ne serait pas impossible cpie l'usage
Ghomari à Taza, La nécropole d» des tombeaux de ces nécropoles ait
Taza, et Stations préhistoriques à dépassé l'établissement de l'Islamis
Guercif (Bull, de la Soc. de Géog. me ». Les tombes à rebord intérieur
et d'Arch. d'Oran, 1917 et 1919). se rencontrent en Afrique, comme le
Campardou de constater que la nécro- bord est parfois formé de briques cui-
pole ancienne n'est pas limitée à l'é- tes ; et le seul mobilier rencontré en
pejon sur lequel s'élève la forteresse, abondance consiste en clous et en char-
mais qu'elle s'étend aussi de l'autre nières de fer. Plus anciennes à tout
côté de l'Oued Taza, remontant les prendie apparaissent les sépultures que
pentes des contreforts du Toumzit; l'auteur signale sur la crête de Rous
176 HESPÊRIS
dans une jvi'nsïée dont il faul lui être produit ici (|uun(' partie, puisse être
reconnaissant, il les indiiiue à ses suc- bientôt suivi.
que dans tout cela on ne signale rien ornementaux aux poignets : mais il
relevé toute une série de tombeaux verticaux sur le nez des Flitta de la
sez grandes dimensions : ce sont des la glabelle des gens d'Aflou ou des
BIBLIOGRAPHIE 177
dre la vue perçante, écarter le mau- en brossant un tableau des trois gran-
vais sort) données dans ce dernier des littératures islamiques, ne pas seu-
cas. Autre détail important : les lement présenter des noms ou des ti-
tatouages masculins sont exécutés sou- tres de livres, mais « cpielque chose
vent par des diseurs de bonne aventu- de vivant, des personnes, des types,
re ambulants originaires des Béni Ad des pensées, des caractères. »
dès, fraction des Reguibat de l'extrême On ne peut qu'applaudir à pareille
sud marocain. entreprise. Si le public français, sur-
L'auteur, qui cite le Dr. Bazin et L. tout celui qui habite l'Afrique du Nord,
Jacquot, ne semble pas avoir connu est en général, assez ignorant des cho-
les travaux plus importants de Ber- ses et des gens d'Islam, c'est surtout
thoion et surtout la remarquable sé- parce qu'il manque de travaux de vul-
rie d'études du Dr. Herber sur les garisation, qui ne soient pas d'objet
tatouages marocains, qui avait déjà trop spécial et destinés à un petit grou-
commencé à paraître à la date de cet- pe d'érudits. Depuis quelques années
te communication. Si, comme nous d'ailleurs, orientalistes, en France
les
l'espérons, il continue à s'intéresser au moins, prennent soin de combler
à ces questions, il trouvera là toute cette lacune : des manuels clairs et de
une très importante documentation. petite étendue, comme par exemple,
Henri Basset. celui que M. Gaudefroy-Demombynes
vient de composer sur les Institutions
Le plan de cettie publication, dont D'autant plus que ces deux petits
voici les deux presmiers volumes et qui volumes se lisent avec autant de faci-
en comprendra cinq, ne laisse pas d'ê- lité que d'intérêt et même d'agrément.
tre assez original. L'auteur, en un bref Ce sont des suites de récits, où les dé-
temps qu'il justiQe son projet : il quent pas, souvent entremêlés de lé-
d'apprécations sur des œuvres maî- pruntés aux oeuvres des personnages
tresses dues à la plume de penseurs étudiés.
cessivement en revue les historiens les littérature arabe n'a pas été si fjiihid
plus marquants des dynasties musul- que l'auteur, par son silence, donna
manes; quelques autres, plus récents, à le croire. Sans A^ouloir revendiquer
dont le choix paraît au reste assez pour un 'Abd el-MoiVmin, un Abou'l-
éclectique; puis des historiens turcs ol l.lasan ou un Ahmed el-Mansoûr une
teur présente en quelques pages ia lit- chapitre sur les historiens arabes, que
térature populaire, contes et proverbes. par quelques pages sur el-Maqqarî, ins-
que tient le Maghrib dans les deux part de M. Ben Cheneb), — les deux
premiers tomes des Penseurs de l'Is- premiers volumes des Penseurs de Vis-
BIBLIOGRAPHIE 179
lam laissent bien augurer des suivants L'histoire, chez les Marocains, est
à tous les historiens marocains. Cette bien que ce grand écrivain semble
première partie, remarquable effort de somme toute assez peu apprécié par
généralisation, ne s'adresse pas seule- ses confrères du Maroc.
ment aux savants : administrateurs ci- En un mot, les Marocains s'attachent
vils et militaires ne perd'ront point à l'histoire des individus beaucoup
leur temps à la méditer, car l'auteur plus qu'à celle des événements; il s'en-
y a parfois souligné heureusement cer- suit que les biographes sont parmi eux
tains traits de l'âme marocaine. bien plus nombreux que les historiens
180 IIESPÉUIS
faut-il compter, en lisant ces derniers, position, expression) insistant sur leur*
avec les rélieences et les ménagements plagiats, sur leur langue et leur style.
qui s'imposent bon gré mal gré à un A ce propos, M. L.-P. reprendra sans
auteur investi de fonctions officielles. doute plus tard l'étude des éléments
rement noté ip. 42-43), — c'est que. étude qu'il pouvait seulement annon-
hors la cour et les grandes capitales, cer dans son ouvrage (cf. notamment
rien du pays ne les intéresse : « l'his- p. 127). Nombreux sont en effet les
toire du Maroc n'a été en somme, de- matériaux que fourniront par exemple
puis le xvi' siècle, qu'une lutte du i>ou la i\ozluU-el-hadi iral-lfrànî. \^^ Bos-
voir central contre les chefs religieux... tâti d'az-Zayyànî, le Montaqâ d'Ibn-
Rien île tout cela dans ces œuvres his- al-Qàdî, chrestomathies presque au-
toriques, ou si peu, qu'il faut lire en- tant que chroniques; le Jaïch d'Aken-
tre les lignes, avec une grande atten- sous, étouffant parfois les faits histo-
tion, pour trouver quelques allusions. ;> riques sous les poésies; le Hawd-al-
On pourrait presque affirmer, sans hatoun d'Ibn Ghâzî où l'on rencon-
faire crier au paradoxe, que les vrais tre, entre autres, des vers attribués à
dans les ouvrages d'histoire propre- raire autant que document historique;
ment dits, mais épars dans les recueils les Mohadarât d'al-Yousî, précieux té
phique est très riche, et pour cause : auteurs s'isolent au premier rang :
les tombeaux des saints parsèment le Zayyânî, IfrAnî, NAciiî, Qàdirî et Kat-
Maroc et les confrériesy pullulent. tànî, les deux derniers biographes plu-
Ces œuvres si nombreuses, l^iographi- tôt qu'historiens. M. L.-P. narre pit-
que est discutable; « elles présentent car — et c'est un des mérites des His-
un aspect aussi fragmentaire que des toriens des Chorfa —les œuvres y
documents d'archives, sans en avoir sont étudiées, non pas isolément, mais
toujours la valeur » (p. 54), déclare toujours en fonction de l'ensemble.
M. L.-P. qui, afin de le démontrer, Au reste, les notices de M. L.-P.
a examiné longuement les procédés des n'excluent pas les travaux de détail
BIBLIOGRAPHIE 181
p-ostérieurs. Son ouvrage est, plus en- Kharedjiles. Les orthodoxes s'appli-
teurs sont encore inédits : M. L.-P. abandonnèrent Tiaret qui fut détruite
ris, Leroux, 1921, in-8, 306 et 74 pp.). pour parler le langage de la secte, le
Autrement dit, une étude aussi com- céda à r « état de secret » (c'est-à-
plète ne pouvait guère être menée h dire « état de détresse » ) qui dure
bien que par un des maîtres de cette encore aujourd'hui; les Abadhites cher-
jeune école. Henri Massé. chèrent un dernier refuge au Sahara
où ils s'étaient naguère ménagé des
établissements dans la région du Mzab;
Marcel Mercier. La civiUsation ur-
et les descendants des hommes de cette
baine au Mzab. Alger, imp. Pfister et
suprême émigration ne sont autres que
Paris, Geuthner; in-8, 269 pp., 12 fig.
les Mzabites, bien connus en Algérie
et 12 pi.
pour leurs rares aptitudes commercia-
Aux premiers temps de l'Islam, un les.
en même temps une «3uvre de socio- lili les deux premières créées au .wii,.
logie qui se rattache ainsi aux sciences siècle, se trouvent à l'écart de l'agglo-
nent les indigènes; en un mot, déclare licitée par les agréments du lieu, et
M. Mercier, « on peut dire sans crain- dans lesquelles s'agite une population
te qu'il y a bien peu de contrées aussi très dense. Ainsi Ghardaïa possède
déshéritées sur la terre. » Pourtant, 476 habitants à l'hectare, ce qui est
en dépit du sol rocheux ou sablonneux, considérable si l'on songp, que les mai-
malgré la sécheresse et l'intensité d", sons n'y ont qu'un étage; qu'on n'ou-
l'évaporation interrompues, rarement blie pas en effet qu'à Paris par exem-
il est vrai, par des pluies diluviennes, ple, si tel quartier particulièrement po-
on cultive sans relâche ce plateau in- puleux compte 741 habitants à l'hecta-
grat et l'on y construisit des villes. re, c'est grâce à ses maisons de cinq et
Le Mzab resta sans doute inhabité six étages. D'autre part, de même que
aux temps préhistoriques et il semble les boulevards de Paris suivent le tra-
que les Romains n'y aient jamais péné cé d'anciennes fortifications, de même
tré. Peut-être servit-il de passage aux les rues circulaires de Ghardaïa rap-
caravanes. Toujours est-il que des no- pellent les enceintes successives de li
mades y vivaient certainement avant ville. Tout au contraire des villes mu-
l'arrivée des ancêtres des Mzabites ac- sulmanes orthodoxes, la mosqi:ée y oc
tuels qui y fondèrent successivement, cupe le point culminant, de façon à
de 1011 à 1053, et à proximité les constituer à l'occasion une protection
unes des autres, El-Ateuf, Bou-Noura, matérielle autant que morale; par con-
BIBLIOGRAPHIE 183
sqq. de l'ouvrage) que la vie des vil tolha (clercs) et aouâm (illettrés) et
(décrits p. 56-57), locaux servant à des tenu par quatre piliers, et entourée
ablations rituelles, ablutions plus mi- de pièces assez petites; au-dessus, « un
nutieuses encore — il s'agit de pu- étage semi-couvert dont le toit est
ritains — que celles des musulmans or- supporté par une colonnade irrégulièr^e
thodoxes; l'accès des marchés rigou- qui délimite une partie légèrement en
reusement interdit aux femmes de con- contre-bas de celle à ciel ouvert )>
dition libre; la prédilectionMza des (voir les pi. XI et XII); entre tout cela
ques remarques sur les usages et rites tr<ut atiu de mieux surveiller la culture
tion avec les dattes et le lait aigre. A cisit)n se retrouve dans le chapitre con-
la porte s'ajoutent vers la rui\ des sacré au mobilier (cf. notamment les
« joiu's » d'aération et des avant-corps l)ages 238 sqcj. sur les lapis).
rappelant la moucharabyeh égyptienne. L'auteur de ce livre fut bien inspiré
L'étude des difR'rentes pièces de la en s 'attachant de préférence au M/.ab
maison marche de pair, dans l'ouvra- qu'il définit expressivement « une de
ge, avec celle des divers usages dômes ces rares régions de l'Algérie dont
tiques. on i)eut dire que l'indigène a su faire
droits de la tribu, tant vis-à-vis de ses membres que dans ses rap-
tribus étrangères.
HXfiPiRIS. — T. Il — 1922. |3
186 H. BRUNO
d'absents dont l'audition est jugée nécessaire, l'affaire peut être ren-
voyée à une prochaine réunion de la djemâ'â. Les parties et les té-
disent-ils.
Dans los affaires ^n^aves qui pourraient mettre aux prises deux frac-
tions et déchaîner la baroud, la djenia'à peut faire appel aux nota-
bles d'autres iljdinà'Vi (jiii s(^ réunissent en conseil n[)pelé ajeinon .
juge qui ferait l'objet de cette désignation pourrait fort bien être
l'ennemi de l'une des parties.
Les litiges se règlent donc très souvent par voie d'arbitrage, les
les affaires portées devant la djemâ'à, sont les mêmes dans la procé-
dure suivie devant l'arbitre, qui est également gratuite.
Quand l'arbitre a été désigné et les répondants choisis par les par-
ties, le jour de la cqmparution est fixé par les imasaïen. Les imasaïen
assistent aux débats, mais ne prennent pas, en principe, la parole;
ils sont là pour entendre la décision de l'arbitre et la faire respecter.
LA JUSTICE BERBÈRE AU MAROC CENTRAL 189
parties, il les renvoie devant la djemâ'â, qui doit, elle, se rendre sur
les lieux et communiquer à l'arbitre les résultats de son transport.
L'arbitre peut refuser de juger — même si les parties lui ont jeté
demandé.
Si les parties n'ont pas convenu de du pre- s'en tenir à la décision
faux témoignage.
Le nombre des co-jureurs est généralement porté à cinq, quand
les parties appartiennent à deux djemâ'â différentes; il y a toujours
parmi eux un amenqar choisi par le demandeur. L'amenqar jure
le premier. Il prend un pan de son selham et en frappe le seuil ou le
immobilier...
L'exécution des décisions est assurée par les imasaïen, qui répon-
dent de l'obéissance de ceux dont ils sont les garants.
Henri Bruno.
LE QÀNOÛN DES MÀTQÂ
est le fait de tolbâ qui ont recours à la langue arabe, non pas pour
Iranserire le texte lui-même en lettres et signes équivalents, la lan-
gue berbère n'étant pas ou n'étant plus une langue écrite, — mais
pour en exprimer le sens; en ce cas, il y a, non pas rédaction, à pro-
prement parler, mais traduction; et l'utilisation qui en est faite en-
suite par les Français s'accompagne nécessairement d'une deuxième
traduction (2). Nous ne possédons guère qu'un petit nombre de textes
(i) V. Henri Basset, Essai sur la littérature des Berbères, Thèse lettres, Alger, Carbone!,
1920, p. 83-IOO. Enumération p. S3-S'|.
(2) P. ex. les textes recueillis par Hanoteau et Letourneux, in La Kabylie et les coutu-
mes kabyles; Nehlil, h'azref des tribus et qsour berbères du Haut-Guir, Archives berbères,
1916, fasc. I.
V. Belkassem ben Sedira, Cours de langue kabyle, Alger, Jourdan, 1887, p. 296-
(3)
355, texte non traduit de 9 qânoûn kabyles; Saïd Boulifa, Le kanoun d'Adni, texte et tra-
duction in Mémoires et Texte? publiés en l'honneur du XIV* Congrès des Orientalistes par
l'École supérieure des Lettres d'Alger, Alger, 1905.
(1) Saïd Boulifa, op. cit., Adde les textes recueillis par Masqueray in Formation des cité»
sédentaires-
194 L. MILLIOT
I. — Traduction.
(3) Lire ejjj-^'- Ce terme suppose un maiidat général; mais, dans les habitudes
musulmanes, le mandat ad litem revêt souvent ce caractère.
196 L. MILLTOT
dj€(mâ'â.
Si, au contraire, le donateur se ravise avant le moment de l'exécu-
femmes, telles que filles et sœurs et autres femmes, des libéralités por-
sée par son mari du domicile conjugal, n'a droit à rien dans la suc-
à leur reprise, car ses biens sont devenus la propriété de son mari.
Cette règle ne subit d'exception que dans le cas où ces objets ont
été seulement prêtés à la fehnme ou lui ont été donnés deux, trois
jours au plus après la consommation du mariage. Alors ces biens
isont la propriété de la femme et personne ne peut les lui enlever.
11. — Lorsqu'une femme est mariée par son ouali et que ce der-
nier conformément à la coutume, s'est attribué (i) sa dot, la femme
ne peut rien lui réclamer de cette dot s'il subvient à tous ses besoins.
Mais s'il rompt avec elle toute relation, s'il ne lui fait plus rien par-
venir, la femme peut le révoquer en présence de notables et exiger
de lui la restitution de la totalité de ce qu'il s'était attribué sur le
i3. — Les femmes n'héritent de rien, pas plus de leurs parents que
de leur mari.
Cette règle s'applique aussi bien aux filles de notre tribu mariées
au dehors qu'aux filles d'autres tribus mariées chez nous, car, de tout
temps, nous n'avons ni accordé ni accepté (le droit) d'héritage.
tribu fait pression sur eux jusqu'à ce qu'ils prélèvent sur la suiccession
du père de la femme ce qui est nécessaire à cette dernière pour son
entretien, à dire d'experts.
(0 <^ J^\-
198 L. MILLIOT
ser nue, sans que personne ait le droit de s'immiscer dans son
ménage.
i6. — Celui qui tue son frère ou son 'âceb pour recueillir sa suc-
cession voit tous ses biens, réunis à ceux de la victime, attribués à
ila djemâ'â de la tribu, à titre d'amende.
II. — Observations.
de 1874.
{i) Pour plus de détails sur les caractères généraux des qânoûn, cf. H. Basset, op. cit.,
loc. cH.
(a) La Kabylie, III, 7, 8.
LE QANOUN DES M'ATQA 201
Or, des études récentes (i) poursuivies sur le droit coutumier des
Berbères marocains, viennent de montrer que le rôle de la djejmâ'â
n'y est pas de juger, mais de concilier les parties, et, faute de pou-
voir leur faire accepter un arrangement, de les renvoyer devant un
arbitre. La décision même de ce dernier ne sera exécutée que du
consentement de la partie condamnée. A défaut de cette aoceptation,
la seule ressource du demandeur est l'emploi de la force, s'il en est
(i) V. Bruno, Note sur le statut coutumier des Berbères marocains, Archives berbères,
igiB-i'Qiô, fasc. 3, p. 187; Abès, Les Izayan d'Oulmès, Arch. berbères, 1915-1916, fasc. 4,
p. 274; Bruno, Introduction à Vétude du droit coutumier des Berbères du Maroc centra!,
Archives berbères, 1918, fasc. 4. p- 3o7.
(2) Si un certain nombre de ces décisions pouvaient être considérées comme des juge-
ments, l'assertion d'Hanoteau et Letourneux se trouverait vérifiée, au moins comme règle
Nous n'avons point connaissance de décisions de ce genre. Celles rapportées par
générale.
M. Hacoun-Campredon, op. cit-, n'en ont certainement pas la valeur.
(3) H. Basset, op. cit., p. 89.
sent l'une après l'autre, coiunie dos juji^enienls anticipés. » (i). Dans
une opinion contraire (2), le qàttoûn est un ensemble de dispositions
réo-lementaires ayant leur fondement dans des conventions, dans
des accords contractuels.
On pourrait jyenser à tirer argument, en faveur de cette dernière
opinion, de l'emploi, dans l'intitulé du qànoûn des M'atqa, de l'ex-
mâles et dont les femlmes sont exclues. Le texte nous apprend même
que l'exhérédation des femmes a toujours été en vigueur chez les
donnée par les indigènes. On peut invoquer dans le même sens la mention, fréquemment
insérée dans les qdnoûn, que le texte en a été adopté d'un coniniun accord (cf. par exem-
ple le qànoûn des louadhien (Hanoteauet Letourneux, La Kabylie, III, 3^1, 3ria) d'Agouni- ;
n-tsellent (aut. cit., op. cit., III, 362); Nehlil, L'azref des tribus et qsour berbères du Haut-
G'iiir, (Archives berbères, fasc. 2, igiS, p. 88, 92, 96).
LE QANOUN DES M'ATQA 203
qu'ils affirment (2) que les Kabyles ont aboli le habous en même
(temps que la vocation successorale des femmes, et que, depuis 17^8,
il un seul habous. La règle qu'ils énoncent
n'a pas été constitué
représente seulement la coutume dominante. Encore convient-il de
;remarquer qu'ils n'ont recueilli qu'une cinquantaine de qânoûn et
qu'il en existe plus de quatre cents en Kabylie.
Il est moins exact encore de dire (3) que « les juges français ins-
titués en Haute-Kabylie n'ont plus trouvé trace de habous au sens
musulman du mot ». Un auteur écrivait récemment (4) avoir eu sous
les yeux des actes de habous passés par des Kabyles en 1879 et indi-
quait les nombreuses décisions par lesquelles les tribunaux algériens
(i) Cpr. le qânoûn d'Adni, (Boulifa, op. cit., loc. cit., p. i5i) : « autrefois, (avant
1748) les femmes héritaient ». v -
habous ?
D'autre part, nous savons que les magistrats algériens ont une
tendance fâcheuse à voir dans llanoleau et Letourneux une rédac-
tion définitive du droit coutumier kabyle. Si, au cours d'im procès,
l'une des parties demande à prouver que la coutume a changé depuis
l'époque où elle a été recueillie, cette demande peut-elle être écartée
par application de la règle Jara nov'it cuiia? ou doit-elle, au con-
traire, être admise? et quelles seront alors les règles de la preuve
applicables .^>
résoudre ces questions. Etre obligé de les poser suffit pour nous
amener à conclure que l'étude du droit coutumier berbère a été beau-
coup trop négligée, en Algérie, depuis une cinquantaine d'années. Et
nous terminerons en souhaitant la réalisation prochaine de l'idée, mise
en avant par de bons esprits, d'instituer un Comité algérien d'études
berbères.
Louis MiLLIOT,
Professeur à la Faculté de Droit d'Alger.
LE QANOUN DES M'ATQA 205
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MÛ
QAnoùn des M'âtqâ. Texte (IV).
LES • MERJAS • DE LA PLAINE DU SEBOU
(Suite et fin).
ment local. Il serait donc facile d'étendre un peu les terres laboura-
rien ;ui\ travaux de nos infrénienrs sur la fjoire! On éleva doux petits
murs hauts de i m. 5o, larges de i mètre; ils étaient faits de « mok-
dar », moites de terre grasse simplement séchées au soleil. Ces digues
en miniature suffirent pour eonlenir les crues du Hamma et pendant
quelques années les Ouled Ihuuid labourèrent en paix une terre neuve
et fertilisée. Mallveineusement ce caïd intelligent mourut; son suc-
cesseur n'hérita sans doiile pas de ses qualités; les administrés qui
a\ aient fail le lia\ail, aNaieul joui des résultats, ne surent pas entre-
tenir l'œuvre, réparer les brèches faites aux murs par chaque crue-
Et de nouveau le Hamma étendit ses eaux sur l'emplacement des
champs de blé; des témoins des murs ont longtemps subsisté dans
la merja. Il n'y a pas de spectacle plus marocain que ces traces de
travaux utiles accomplis par un homme d'initiative et disparus avec
lui.
cher et irriguer les zones plus basses : c'était une trop grosse entreprise
qui échoua.
A défaut de travaux d'assèchement, quelques douars montrent un
peu moins de passivité que leurs voisins. Lorsque la Merja, après un
hiver peu pluvieux, se retire de bonne heure, ils labourent de petites
parcelles de la plage et sèment quelques plantes à développement ra-
fit ne leur coûtait aucune initiative. N'est-ce pas une forme de res-
IH
Fig-"' — Végétation dans la grande Merja du Beht. L'européen surveille la percée faite à travers les
fourrés en vue d'un essai de nivellement. Les roseaux pointant au milieu du berdi atteignaient
5 m. de hauteur..
die n'eut qu'un demi succès. Les ouvriers indigènes, travaillant les
pieds dans l'eau par une température de 5o° au milieu de cette végéta-
tion souvent épineuse faillirent, à plusieurs reprises abandonner le
1er ni comme sur terre ni comme sur l'eau. Dans les parties les plus
profondes poussent de grands joncs qui atteignent 2 ". 5o ; les
« smar », vivent sur les bords, par grosses touffes. Entre les hautes
tiges du diss et du berdi, une végétation exubérante qui s'épanouit au
printemps forme comme un sous-bois : ce sont des plantes semi-aqua-
tiques, des carex, des sagittaires, des gaillets; des liserons enlacent le
sèches pour former dans les poches d'eau des cherkets, des masses
grouillantes. La faune terrestre est mieux représentée : ce sont sur-
sibles que pour d'iionnêtes cbasseurs. Mais les bommes qui ont un
intérêt à vivre cacliôs ont su imiter las animuuix sauvages. Pendaint
les années troublées qui ont procédé le Protectorat, la grande merja
des Béni-Alisen l'ut un incomparable repaire de bandits : on peut ai-
seaux ou de diss qui, cachés par la végétation, sont tout à fait invisi-
mité de la merja n'est donc pas toujours sans danger pour les rive-
n'a jamais été mis en doute par les riverains ni contesté par les douars
(fig. 6). Le diss est pdus important : on peut doubler en diss les nattes
de berdi qui deviennent alors très moelleuses. Son principal rôle est
de ibrmer la toiture des « noualas », buttes cylindro-coniques qui
sont comime le stade intermédiaire entre la lente du nomade et la
Les rapports avec les étrangers sont plus variés et dépendent sur-
tout des réserves existantes. Les douars qui en sont riches ne deman-
dent aucune rétribution aux étrangers qui viennent se servir dans
la merja; « car c'est une chose honteuse, disent les Ouled Riat, que
de faire payer un produit accordé bénévolement par Dieu. » Il con-
216 J. CÉLÉRIER
le don gratuit et la vente. Ces pauvres gens qui n'ont ni terres ni bê-
de « marchands de diss ».
LES « MERJAS » .DE LA PLAL\E DU SEBOU 217
bondance des points d'eau est aussi importante que le fourrage. Les
douars ont en général des puits près de ileurs installations, ces puits
ou bien l'eau y disparaît entièrement ou bien l'eau qui reste est une
cause de maladies. Les indigènes creusent alors des puits au bas des
plages et tout autour de ia merja; la nappe d'eau est peu profonde;
ces puits ne sont pas maçonnés; ce sont de simples trous qui ont au
entre les grandes crues qui renouvellent l'eau des merjas et la séche-
resse complète. Les aninjaux qui pâturent à ce moment peuvent être
les bêtes sont dans les chaumes le matin; l'après-^midi on les conduit
dans la merja : elles y trouvent non seulement de d'herbe à brouter,
mais de l'eau à boire dans les puits de la plage et elles se reposent
dans la fraîcheur des grands joncs.
Une telle nature de pâturage ne convient guère qu'aux bovins. Ce-
pendant le troupeau ovin de la plaine du Sebou est aussi nombreux
qu'estimé : il profite lui aussi, quoique indirectement, de la merja. Les
chaumes se trouvent dans une certaine mesure libérés des bovins et
chevaux à son côté et l'histoire locale disait qu'il tuait tous ses en-
fants mâles, dès qu'ils arrivaient à proximité de l'âge adulte. » (Geof-
J'roy Saint-llilaire, L'élevage au Maroc, page 108).
Le pâturage en merja, avantage précieux, pose la même question
de droit de propriété que l'affouage. Plus strictement encore que pour
la récolte du diss, le droit d'user de la merja comme terrain de par-
cours est exclusivement réservé aux riverains. En principe, disent les
indigènes, chaque douar envoie ses bêtes dans la partie de merja qui
prolonge ses terres de labour et ses pâturages ne sont limités au cen-
tre de la merja que par ceux du douar situé en face sur l'autre rive.
en cultures.
La merja se trouve ainsi jouer le rôle dévolu aux pâturages de
montagne. Ce rapprochement entre marécage et moniagne est moins
paradoxal qu'il ne semble au premier abord. Ici et là, l'impossibi-
lité de l'accès pendant une partie de l'année, l'inaptitude à la culture
empêchent l'utilisation intensive. Au contraire la grande humidité
déterminée dans un cas par la nappe d'eau, dans l'autre par la cou-
bien d'autres terres en friche qui n'avaient même pas besoin de tra-
vaux préalables pour cire labourées. L'arrivée dos Français, l'immi-
gration et reffort de colonisation ont changé la situation. Chacun sait
atteint des prix qui écartent les propriétaires pourvus seulement d'un
petit capital. Quant aux terres domaniales qui sont soustraites aux in-
sation.
res les plus recherchées dans ce pays chaud et sec, les terres suscep-
tibles d'être irriguées. Bref s'il apparaissait que la dépense serait con-
sidérable pour les débarrasser de l'excès d'eau qui les rend inutili-
sables pour les Indig-ènes, on pouvait escompter leur valcjrisation
hardis reculaient devant une revendication qui, dans le cas des gran-
des merjas, aurait porté sur des espaces beaucoup plus étendus que
leurs domaines et leurs besoins. Dans ces conditions, l'équité natu-
relle et l'intérêt général avaient plus de poids que les textes et les pré-
tentions individuelles.
Le problème était rendu plus compliqué par le fait qu'il intéressait
térêt général.
vice géographique. En attendant qu'il soit réalisé, que toutes les étu-
ce que l'écoulement des eaux par les canaux à ciel ouvert assurerait
un assèchement suffisant. ^^
D'autre part la valeur agricole des terres
libérées pouvait réserver une grande déception. Or les Français qui
critiquent sans cesse l'Administration, n'admettent pas qu'elle ne
228 J. CÉLl^niEH
soit pas infaillible. Cet état d'esprit n'encourag-e guère des fonction-
naires à risquer des essais dont le succès ne leur est d'aucun profit
et dont l'échec les compromet gravement.
La mise en valeur des merjas risquait de huler contre un obstacle
redoutable avant même d'èlre réellement commencée. Si elle était
liers. Confiée à une Société, la conquête des terres des merjas per-
dait une partie de sa valeur sociale : l'allotissement au profit de la
petite colonisation ou bien était abandonné ou du moins échappait à
solution laissait intact le sort des autres merjas. Le cahier des char-
ges annexé au contrat comprenait, outre les garanties techniques, des
clauses qui réservaient les droits des riverains et les droits de l'État.
LES (( MERJAS », iDE LA PLAINE DU SEBOU 229
^^
Fig. 9. — Émissaire principal de la merja Merktaae dans la traversée de la haute berge du Sebou.
La margelle du pont qu'on voit au premier plan est à la cote 13",?jO; so'us le pont, le plafond du
canal est à 5°,fiO.
Ras ed Daoura, mais dans l'état actuel la Ras ed Daoura reste une im-
passe à laquelle il une issue vers le Sebou.
faudrait assurer
Désormais la Merktane Bou Kharja ont cessé d'exister comme
et la
de voir le trèfle conquérir le sol évacué par l'eau et les plantes trop
dures.
Il n'est pas moins intéressant de constater les progrès réalisés au
point de vue de l'assainissement. Les moustiques qui trouvaient dans
ces marécages amphibies des conditions de vie optima ont perdu leurs
asiles. Lorsqu'on a ouvert l'émissaire de la Merktane, c'est par mil-
liards que les larves de moustiques ont été jetées dans le Sebou et
Les lra\au\ imposés dans rintérêt giéiiiéral par le cahier iivxs char-
ges sont terminés. Des passerelles permettent aux pistes de franchir
les canaux de drainage; la [)lus ini[)()rlante, posée sur l'émissaire de
la Merktanc, est utilisée par la piste qui, venant de l'ancien Poste
Fig. 10. — Passerelle sur laquelle lY*missaiie priucipal de la Merja ^lerktane est, franchi par la piste
de la rive droite du Sebou. — Sur la passerelle est installée la vanne qui empèctie les eaux de crue
du Sebou de refluer dans la merja.
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est grande pour la Merktane qui n'a pas de rivière pour l'alimenter.
Il n'existe nulk part au Maroc d'installation comparable à celle de la
berge du lleuve pourra être ainsi irriguée; elle sera occupée par des
vergers et des cultures industrielles dont le rendement est actuelle-
utile qu'agréable dans cette grande plaine nue où l'on est obligé
d'employer les carottes sauvages comiine combustible pour la bri-
réalisée dans des conditions qui ont augmenté sérieusement les dif-
Fig. li. —
Ferme du Mda.
Type de ferme de métayage ou d"embouche édifié à Tintérieur des merjas Merktane et Bou Khardja.
La maison d'habitation a été construite par des artisans indigènes avec les matériaux du pays.
236 •' (:mi:i\iKn
Fig, 15. — Centre d'élevage de l'Etoile (merja Merktane) pour 500 vaches laitières,
Au pi-emier plan, vaches « Shorthorns » importées d'Angleterre,
Fig. 16. — Vue aérienne du Sehou ot du centre de Tazi entièrement créé par la (^"dii Sebou.
Toute la boucle du Sebou est irriguée.
238 J. CÉLÉRIER
tionnées dans les miarchés de la ré<xion. Chaque soir les bêles rentrent
J. CÉLÉRIER.
Professeur de géographie
à l'Institut des Hautes-Études Marocaines.
(i) Chez les Béni Ahsen, à Sidi Yahia, une autre Société agricole organise en bor-
dure de la merja du Tiflet un très intéressant centre d'élevage. A l'aide d'une moto-pompe
élevant l'eau du Tiflet, on pourra arroser les luzernières qui seront créées de chaque côté
de la scguia d'amenée. que nous avons pu voir de près grâce à la
Mais cette installation
complaisance de M. Coeytaux, sort un peu du cadre strict des merjas et sera
mieux à sa place dans une élude d'ensemble sur la mise en valeur de la Plaine mféneure
du Sebou.
TECHNIQUE DES POTERIES RIF AINES DU ZERHOUN
Les Béni Touzin qui vivent sur les pentes septentrionales du Rif,
non loin de Melilla, ont apporté au Zerhoun des techniques qui leur
sont j>ersonnelles, et que l'on ne trouve chez aucun de leurs nouveaux
voisins. Leur étude est instructive en soi; elle permet aussi de colla-
(i) Ce travail a été rédigé d'après des notes recueillies dans le Zerhoun, en 1916.
M. Van Gennep, à qui je l'avais communiqué, l'a utilisé dans ses « Recherches sur les
Poteries de l'Airique du Nord (Harvard African Studies, vol. II, Cambridge, 1918, pp. 277-
278), et a déjà publié quelques-unes des figures qui illustrent cet article.
242 J. HERBER
fabrication n'est pas continue; elle est en rapport avec les besoins du
producteur, quelles que soient les raisons qui puissent le conduire h
du Zerhoun, mais chez les Béni Mtir et (les Béni Mgild; l'ouvrier,
aussi bien que l'ouvrière se met au travail l'avant-veille ou la veille
vent le même type ethnique que les savetiers et les forgerons, dont
*
les professions sont réprouvées (i).
(r) Ainsi que me le fait observer M. H. Basset, qui a étudié la céramique berbère dans
son cours de 1918 à l'École supérieure de Rabat, le métier de potier est aussi mal vu, dans
certaines que celui de forgeron. « Le potier dit aussi M. E. Laoust, dans s«s
tribus,
Mo s et Choses berbères fp. 6f)) passe pour un être misérable condamné par le destin... Tl
vit malheureux, retiré et méprisé, puisque toute sa vie se passe à battre et à piétiner notre
mère et notre père, la terre ». M. Laoust cherche la cause réelle d« cette mésestime dans le
fait que le potier « accomplit une besogne qui, chez les Berbères comme chez tous les demi-
civilisés, est uniquement réservée aux femmes n. Cette constatation n'est certaincmcint pas
étrangère aux sentiments des gens du peuple à l'égard des potiers, mais je doute fort qu'elle
en soit la cause originelle. Hommes et femmes font des poteries, selon des techniques si
nettement individualisées, qu'il me semble difficile de confondre leurs professions. D'ailleurs
les forgerons sont également honnis, sans qu'on puisse dire qu'ilsi se livrent à un travail ré-
servé aux femmes... La légende qui un grief aux potiers de battre la terre, me paraît plus
fait
pr^s de la vérité, parce qu'elle attribue une cause magique à la défaveur dont souffrent ces
artisans.
(t") a Van Gennep, Études d'ethnographie algérienne, tir. à part de la Revue d'Ethno-
graphie et de Sociologie, Paris, E. Leroux, 1911, p. 82.
244 J. HERBER
vaille devant la porte de sa maison, mais elle n'est pas assise, comme
la p()li«'Mo kalnlo roj^résentée dans los Etudes d'ethnographie algé-
lientic do M. Van Gonnop (i); ollo so li(>nl dans la position
aooroiipio (fi^. i, 2, 3).
féremment.
La cendre est destinée à empêcher l'adhérence de l'argile au
Support.
Le support (fig. 9), Iqaleb des Kabyles, est un disque plus ou moins
grand, selon la poterie à laquelle il est destiné, plus ou moins épais
isielon la matière qui le compose. A Bou Assel, c'est une sorte de
gâteau, épais de o,o/i centim. environ, fait de bouse de vache ou d'ar-
gile; à Bou Mendara, il est constitué par le fond d'un grand plat de
terre. Je ne crois pas qu'il ait un nom spécifique. Les gens cherchaient
comment ils pourraient le désigner; on a souvent dit tadokka (argile);
j'ai aussi entendu le mot de trab (terre) ou de garaz (trépied) {?) Mais
il m'a toujours semblé que ces noms étaient attribués à un objet que
la langue populaire ne désignait pas.
à-dire :
cile à obtenir (étant donné que l'un des tewnes est indépendant de la
passer la main, elle lisse l'intérieur, soit avec la main, soit avec la
chée au col par une sorte de moulure ronde, ornée parfois de petites
encoches, faites avec un morceau da bois.
Une description, quelque (minutieuse qu'elle soit, ne peut montrer
l'utilisation simultanée ou successive des deux mains. Qu'elle fît la
fil à couper la glaise dont se servent les potiers pour détacher la pote-
rie du tour.
subit un travail de lissage, très soigné pour les poteries des Ait Ou-
riaghel, simplement ébauché chez les Béni Touzin. Il est obtenu, à
(i) II en est de même pour les goulots latéraux lorsque les cruches en comportent.
248 J. HERBER
uns contre les autres, une gesaa ou plat à couscous étant au centre
d'une heure.
(i) A. Van Gennep, Reich. sur les pet. de VAf. da Nord..., etc, p. 278.
(2) A. Van Gennep, Et. d'ethn. alg., tir. à part, p, 42.
POTERIES H IF A INES DU ZERIIOUN 249
rie; je crois, pour l'avoir vu, que l'instinct d'imitation les pousse à
Formes des poteries; leur nom; leur usage. — Les poteries fabri-
quées par les Béni Touzin ne sont pas très variées et servent toutes à
Les vases creux à anses latérales (fig. i3, 19), appelés lialcb, utilisés
La g dra (pi. gdoûr) est une cruche basse, à fond large, trapue,
munie presque toujours de deux anses, et quelquefois d'oreilles creu-
ses, failes poui" être saisies avec l'extrémité des doigis; elle porte par-
taine et on la fixe ainsi : l'extrémité d'une corde passe par l'anse an-
térieure, et forme deux chefs qui prennent point d'appui sur l'épaule
gauche et retombent sur le devant de la poitrine 011 la main gauche
les saisit; l'un des deux chefs partant de cette main et repassant sur
ger les anses d'une poterie mal cuite, et par cela (même peu résistante.
Je dois encore signaler une petite cruche, à peine haute de
0,12 cm., à large ouverture, et munie de deux anses opposées, dont
l'une est établie dans l'angle d'un goulot latéral (fig 10).
Le melmâr des Béni Touzin a une forme très spéciale; il ressemble
(i) C'est un plat de ce genre qui set de soubassement au support et qui est représenté
dans les fig. i, a, 3.
POTERIES RIFAINES DU ZERHOUN 251
d'un art très inégal et que la tradition conserve, chez des groupes
ethniques d'origine différente, mais devenus voisins.
Toutes les poteries du Zerhoun sont d'usage courant; il faut faire
une exception pour celles que modèle la vieille femme des Ait Ou-
riaghel et qui semblent d'un emploi plus restreint. Le haleb repro-
duit par la figure i3, était posé sur une étagère, et bien qu'il eût un
an d'existence, n'avait servi qu'une fois, pour offrir de l'eau à un
cadi en visite (i).
M. Van Gennep ajoute que les poteries kabyles sont « tantôt nues,
tantôt peintes d'un dessin rectilinéaire ». Les poteries rifaines sont,
ou peu ornées ou très ornées, et leur décor est généralement rectili-
(i) Cette constatation n'a qu'une valeur purement locale; il se peut que dans la tribu
même des Ait Ouriaghel, ces poteries, ne soient pas comme à Bou Mendara, des produits
«xccptionnels. et qu'elles servent par suite aux usages courants.
{2) Cf. la note 2, p. 243.
(3) On pourrait, très schéma tiquement d'ailleurs, classer ainsi, au point de vue du
dt^cor, les poteries rifaines du Zerhoun :
c) poteries aux rebords et aux arêtes soulignées par des lignes noires, flanquées parfois
Le tour est ensoi « une machine sur laquelle on dispose des piè-
vaille ». Cette définition est aussi bonne pour le tour mécanique que
pour le tour du poliri- ;
[elle élablil] (jue Toulil iioininé l(/(il<'h par les
signification différente.
J. Herber.
tels que le damier, les chevrons simples ou ornés de hachures, les triangles, las quadril-
lages, les zigzags, etc.. (fig. 2^, 26, 37, 28);
d) poteries des typ<*s précédents où apparaît le décor curviligne, formé de lignes ondu-
lées entrelacées (fig. ag, 3i) ou d'arcs de cercle sécants, opposés par leur concavité, et liini
tant de petites surfaces fusiformcs (fig. i4, 16);
e) poteries à dessins nalurislcs dont la cruche (fig. iS, -m) offio l'cxoniplo le plus
typique. On trouve une ("liaurhe de dtssius do ce genre dans le mcjiuAr des Ail Onriii-
'trv^'nW
tÊM ^-^
lS%'\^
^<:^^'j*^"
^ ^W^W^
12
Poteries du Zerhoun.
PI. m.
:cj^~\.
Poteries du^Zerhoun.
PI. IV.
253
FiG. 1, 2, 3. — Confection de la poterie par l'ouvrière de Bou Assel. On voit à sa droite le petit
plancher de bois sur lequel se trouve la glaise, et le récipient d'eau où elle imbibe le morceau
de cuir. Le petit las de cendre, blanc comme le sol, n'est pas visible sur ces photographies.
FiG. 4. — Séchage des poteries; les assiettes reposent sur des supports.
FiG. 5. — Le four quelques pierres irrégulièrement disposées marquent l'emplacement
: du four où
les poteries viennent d'être cuites.
FiG. 10. — Petit pot à goulot latéral de 0",10 de haut (Bou Assel).
Fig. 11. — Extrémité d'une cuillère servant, ainsi que peigne, de calibre et d'ébauchoir.
le
Fig. 12, — Haleb modelé et décoré par la maallema des Ait Ouriaghel. La fig. 12 est destinée
13. à
montrer le dessin qui orne la base de ce haleb.
B. — L'INTÉRIEUR DE L'ENCEINTE
de Chella, l'on a devant soi un chemin, fond de ravin assez vite encais-
sé (i), couvert de petits cailloux roulés, en qui la légende voit les an-
ciens habitants de/ la cité; ce chernin, assez raide,, desciend vens
des jardins, au bas de l'enceinte, desquels émerge un minaret décoré
de faïences multicolores : celui de la mosquée d'Aboû loûsof. Les pen-
tes, de part et d'autre du chemin, sont en partie incultes, en partie des
champs de céréales ou de légumes, coupés de sentiers et de haies, der-
rière lesquelles se dissimulent quelques cabanes et quelques fermes
minuscules. De ci, de là, dos IvdoUa de ïnarabouts ruinées; de ra-
res traces de murs en pisé grossier, ne semblant pas d'une date
très ancienne, restes d'habitations pareilles à celles des laboureurs
(i) Appelé par les gens de Rabat du nom caractéristiqiie d'eî-gergdba, « l'endroit
où l'on roule »,
256 ClIELLA
restes sont-ils ceux du palais? A vrai dii^, Léon n'est pas un guide
très sûr : s'il affirme forniolleniiMit avoir visité la nécropole mérinide,
Chella, lorsqu'il y passa, était ruinée depuis un siècle; bien dea lé-
Cela (lit. (^n piMil assurémciil adnu'llrc (|u' Aboû M-lIasaii, en uiomc
temps qu'il reconstruisait sur un si large plan la nécropole de ses
guern; sainte, Aboû '1-Hasan ait résidé à Chella même, et qu'il ait
Le Sanctuaire.
sur la face nord-ouest, est la porte ancienne. Elle est fort simple:
mais son arc outrepassé et festonné ne manque pas d'élégance; il
se trouve une porte. Par elle, on pénètre dans une petite cour carrée,
et de là, par une ouverture symétrique (G), dans le sahn d'une autre
mosquée, qui occupe toute la partie nord-est du sanctuaire. C'est la
mosquée ancienne, qu'une végétation folle a tout entière envahie. La
paroi sud-ouest, par laquelle on entre, est percée, en son centre à peu
près, d'une seconde ouverture (/); elle donne accès à un espace qua-
drangulaire (J), où se trouve une grande stèle prismatique (rnqâ-
brîyya) anépigraphe de marbre blanc, et dont les inurs portent en-
core les vestiges d'une décoration de plâtre sculpté et de (mosaïque de
faïence : salle ou cour? on verra la difficulté d'en décider. De là, on
accède à une première chapelle funéraire (K), celle où se trouve la
les unes avec des chawâhid de pierre aux formes disparates, les autres
ECHELLE-
:'ii^
J.HAraAUT.isai.
loir transversal CD); nne cour (F) et une coui- ou salle (./), qui s'ou-
vre à la fois sur le sahn de la mosquée ancienne el sur Tenclos aux
chapelles funéraires. Le sol de la cour (F) est très surélevé, et d'ail-
leurs inégalement : cela tient à ce qu'on y dépose aujourd'hui des dé-
blais de toutes sortes, venant de tous les points du sanctuaire : bran-
chages, pierres, débris de fûts de colonnes; cette surélévation du sol
ne vient pas de la chute d'une toiture, l^es murs sont nus, et l'ont
Notons d'abord que ces constructions ne sont pas d'une seule venue.
L'existence du couloir D, supprimant toute perspective à qui entrait
Le sanctuaire 261
Ja pai'oi où il se lix)iive est orientée tic telle sorte qu'elle ne reçoit pas
la pluie. 11 reste une dernière ressource : les textes. Léon l'Africain
assurément s'éloniicr que cette qoubba n'ait pas Trappe Léon davan-
lage; mais jusqu'à plms ample informé, et sans nous dissimuiier les
()l)jec lions qui peuvent être faites à cette hypothèse, nous serions
disposés à considérer remplacement qui nous occupe colimne oeiui de
la grande salle funéraire dont parle Léon (i).
lui. 11 la lit élever de son vivant, ainsi que l'atteste l'inscription qu'on
y lit encore (2), derrière sa mosquée; et cette qoubba (L), dont les
(i) Si l'on en croit les indications données par celui-ci, la primitive stèle funéraire du
fondateur de Chella, Aboû loùsof la'qoûb, cojiune celle de son fils Aboù la'qoûb (cf. supra,
Epigraphie historique) n'aurait pas été une mqàbrîyya prismatique : é furongli messe duc.
lavoli di rnarmo. Vuna da capo lè ValLra da pie, nelle quali furono inlagliali molti versi
eleganiissimi, i quali contenevano i lamenii é i pianli del detto Mansor, composti da divcrsi
haomini. Sur l'exactitude absolut; de ces derniers déUiils, nous pouvons demeurer sceptiques.
Semblable en cela au plus grand nombre des musulmans de Rabat, même lettrés, d'aujour
d'hui devant les pierres tombales d'Aboû '1-Hasan ou de Ghams ed-Dchà, Léon dut lire avec
bien peu d'attention toutes en voyant celle d'Aboû loûsof la'qoûb el-
ces épitaphes. Sinon,
Mansoûr b. 'Abd el-Haqq, ildevant le tombeau d'Aboû loûsof
n'aurait pas pu se croire
la'qoûb el-Mansoûr b. Aboû la'qoûb loûsof b. 'Abd el-Moû'min l'Almohade, lequel fui
enterré à Tinmel {Qirtds) ni s'imaginer que dans la grande salle funéraire, princes almohades
;
et mérinides étaient couchés côte à côte. Bien plutôt, il dut accepter sans contrôle les
renseignements d'un guide mal informé : le sanctuaire était désaffecté depuis assez long-
temps déjà pour que dans la mémoire populaire se fussent confondues les deux dynasties
dont les grands souverains avaient porté l'^s mêmes noms.
(a) Cf. supra, Epigraphie historique, n*> 4.
LE SANCTUAIRE 263
puisque cellç d'Aboû l-Hasan n'a pas été déplacée, rien n'empêche
de croire que celle-là soit demeurée en place; tandis que le court
fragment de l'autre pierre, retrouvé dans les décombres de la grande
salle funéraire voisine, put être aisément apporté à une date plus ou
moins récente et placé au bout de la mqâbrîyya entièi-e. Aboû Inàn,
dans les premières années de son règne, révolté contre son père,
mais ayant pris, le premier des Mérinides, le titre khalilien et te-
alors qu'il ait voulu ériger pour elle aussi une chapelle spéciale. Au
reste, la mémoire populaire se souvient encore que cette qoubba
était consacrée à une femme : c'est là qu'on vient implorer Lalla
Chella.
Ces deux qoubba sont les seules constructions qui restent debout
dans cette partie du sanctuaire, dont le mur de clôture lui-même
s'est, à cet endroit, effondré sur une certaine longueur. Mais il existe
lais marocains, des parterres de fleurs séparés par des allées de mo-
saïque — sur lequel s'ouvrait la grande salle funéraire, et qui enclo-
sait les somptueux tombeaux"]d'Aboù j'1-l.lasan et de Chams ed-Dohà.
Telle ise présente, dans ses grandes lignes, la nécropole des Méri-
nides. Mais une fois retracés, autant qu'on peut tenter de le faire
grande porte, elle est une des productions les plus caractéristiques
d'un art très raffiné, mais déjà proche de l'irrémédiable décadence.
(i) Ce mol, en Orient et dans le reste de l'Afrique du Nord, désigne non pas une
chambre placée derrière la mosquée, mais l'enceinte réservée en avant du mihpàb, et dans
laquelle, par mesure de sécurité, se tient le souverain lorsqu'il dirige la prière. Cette en-
ceinte, au Maroc, s'appelle afrâg, mot qui désigne aussi, dans les camps, l'enceinte de
toile qui entoure les tentes du sultan.
aci
ment plus large que les nefs latérales; ces nefs sont séparées l'une
de l'autre par deux arcs outrepassés et fortement brisés, extrême-
ment épais dans leur partie supérieure. Arcs et piliers sont en bri-
ques, à l'exception des tasseaux, formés de pièces de bois d'un seul
tenant (pi. VIII).
mais son départ est à la même hauteur que celui des arcs qui sépa-
rent les nefs. De chaque côté du mihràb est l'ouverture, aujourd'hui
fort basse, d'un couloir large de o m. 70, qui en fait le tour : ce cou-
loir, formant deux angles droits, suit la paroi interne de la grosse
tour de béton, organe défensif de la mosquée prrmitive, dont le
tout contre le pilier engagé où vient buter l'arc qui sépare les nefs,
monte une inscription sur plâtre, verset coranique à peu près illisi-
(i) L'emplacement de tous ces restes de décoration sur plâtre est bien visible sur la
pi. VIII.
j.H/iiK*oT, tyir.
CHELLA, Pl. IX
marquent, les deux seuls de tout le décor. Les palmes sont polychro
mes : tiges et bases généralement violettes, extrémités vertes, bleues
Chella, Pl. X
iT^
encore d'un filet vert, un jeu de fond figurant des rosaces à huit
branches — lignes blanches sur fond noir, chaque rosace ^séparée de
l'autre par un point jaune. — Au centre de chaque arcatnre s'ouvre
une petite fenêtre étroite à arc polytobé.
do renholaos: il se relie, au
soniinel, au lilol (pii (li\iso do
nionio r(Muadrenionl de pierre ol
selon les faces, de manière que le mêmie dessin se retrouve sur les
tient une arcature aveugle, dont l'intérieur est décoré de deux rosa-
ces à huit branches superposées : elles sont entourées d'un fdet vert,
qui suit les contours de l'arcature. Aux écoinçons, un motif floral,
(i) II en existe de nombreux exeonples ailleurs. Ainsi à Fès, aux écoinçons de l'épitaphe,
Fig. 35. — Mosquée d'Aboù loùsof. Motif de mosaïque de faïence sur la lanterne du minaret.
(i) Cette ouverture, large de o™,55, est placée à i'",70 au-dessus du niveau de la ter-
rasse; elle empiète assez sensiblemeint sur le décor en treillis du registre inférieur.
276 CHELLA
gnes isont blanches, et les espaces qu'elles enserrent sont verts, jau-
nes, et violets-noirs.
d'un panneau central. Quant aux motifs, dont nous avons ici trois 'mo-
dèles différents, il ne semble pas, d'après le peu qu'il en reste, qu'ils
(i) Bien qu'il eût été plus logique de parler d'abord de la mosquée d'Aboù '1-Hasan,
qui, de si peu que ce soit, lui est antérieure, il nous a paru difficile de séparer l'étude de
cette salle de celle de la mosquée ancienne : car leur décoration, plâtre sculpté et mosaïque
de faïence, est assez semblable, et nous n'en trouverons plus de telle à Chella.
(2) Ce mot possède en réalité un se.is plus général. Il signifie « dessin linéaire ».
î-'-tc
Chella, Pl. XI
Q
LA SALLE FUNÉRAIRE 277
criplion était une double eulogie qui se répétait d'un bout à l'autre,
et que l'un lit encore cinq fois sur le fragment qui reste :
d'un encadrement, entre les lignes duquel des palmes doubles striées
se détachent en relief vigoureux sur un fond très creusé. Les lignes
des rosaces se rejoignant à travers l'encadrement, ce qui assure la
continuité du dessin. Au reste, ce décor n'est pas non plus fort ori-
ceux qui décorent les autres matières. Les dessins compliqués leur
plaisent: mais en imôme temps, ils se consentent aisément du passe-
partoul, du (oui fait. Ils IravailleuiL une trop docile matière, qui ne
les oblige pas assez à l'effort constant.
<
LA MOSQUÉE D'ABOU L-HASAN : L'ORATOIRE 279
sont lil)i'(>s, ol It^ iaiili"€S tMii»a«iôs (i). \ii\ nTiji^los iioimI oI oiidsl, un
lonlianL assez aociisé.
La porte dVntirée (fi^. 37), qui (hume ac^ès dans la iiei' centrale,
est surmontée d'un arc trilobé fort large, dont le lobe supérieur, dis-
proportionné, est coupé presqu'à sa naissance par un linteau formé
d'une grosse poutre de cèdre. Au-dessus de cette poutre, trois peti-
tes ouvertures, sous linttvui elles-mêmes, sont destinées à diminuer la
(i) Les arcs viennent parfois buter simplement contre le mur il en est ainsi de cha-
:
que côté du mihrnb, où ils sont même quelque peu en porte à faux au-dessus des ouvertures.
On s'en rend nettement coonpte sur la planche XII. L'aboutis&ement des arcs au-dessus des
portes qui s'ouvrent de chaque côté du mihrâb se retrouve plusieurs fois dans les mosquées
marocaines : notamment à Tinmel (cf. Hespéris, fasc. I-II, igi'i, p. 170, fig. '>, et pi. IV) ; à
la Kotobiya; à la mosquée de Hassan.
LA MOSQUÉE D'ABOU 'L-HASAN : LE MINARET 281
deux branches, très grossières, des rosaces dont les traits se poursui-
vent dans l'encadrement de la rosace suivante, et d'étranges com-
positions, ayant pour centre une rosace, entourée d'un entrelacs gros-
sier. Ces coŒnpositions semblent avoir été disposées en quinconces,
les centres espacés de 20 centimètres. Les cercles sont tracés au com-
pas, les lignes droites tirées à la règle, les autres, exécutées à pnain
levée, et au pinceau. C'est de lia véritable fresque. Le travail devait
être exécuté rapidement sur l'enduit frais; c'est ce qui explique son
caractère hâtif et négligé; sous la grossièreté des lignes, on sent ce-
pendant une certaine sûreté de main. Une telle décoration, très fra-
LA MOSQUÉE D'ABOU L-HASAN : LE MINARET 283
/.H»lx*i/T I7ZX
oe, en vert ou en bleu vif, dans les imaisons mairocaines, surtout dans
les maisons aisées de la caimpag-ne : décorcition facile, qui permet de
meubler rapidefment, et à bon compte, les surfaces nues. Il est inté-
ressant de constater, grâce à quelques exemples conservés par mira-
cle, qu'un semblable procédé décoratif était déjà employé aux belles
époques de l'art maghribin.
284 CHELLA
avait décoré le lieu oii ils donnaient cote à cote, il \u\ se ju^'^ea pas
indigne de reposer tout seul dans une chapelle plus belle encore.
Celle-ci (fig. 29, L) comportait, nous l'avons vu, uine annexe (M),
de même plan. L'annexe a disparu, mais la chapelle susbiste : seule
la coupole qui la surmontait s'est effondrée. C'est une construction
sensiblement carrée, de 6 mètres de côté, ouverte sur trois faces par
de larges baies, les murs, avant tout piliers de la coupole, formant
simplement les angles : disposition fréquente dans les chapelles funé-
raires de cette époque, et dont nous re trou veinons d'autres exemples à
Chella même; ces murs d'angles sont en pierres de taille assez régu-
lières. Sur le quatrième côté, au sud-est, le huit est plein; il faisait
d'ailleurs partie de la clôture du sanctuaire. Sa construction est
plus soignée encore. Les pierres de taille, disposées en appareil al-
:^<.
lage de palmes doubles. Les arcs sont festonnés; leur doubles rubans
enserrent entre leurs pointes de petits espaces semi-circulaires meu-
blés de palmes doubles entrelacées. L'arcature centrale est décorée d*un
motif koûfique extrêmement compliqué, aux nombreuses tresses mê-
lées de palmes doubles; dans le bas est ménagé un médaillon où
est inscrite la hamdata, en caractères d'écriture courante. Les deux
autres arcatures, à droite et à gauche, sont meublées d'un jeu de fond,
identique de part et d'autre, et devenu extrêmement banal dans la
décoration marocaine : deux palmes doubles liées par le sommet s'en-
(i) Cf. Bel, op. cit., p. 2i4, fig. 4i; 294, fig. 62; 3o8, ûg. 72.
28() CUKM.A
trouve une pelile eulogie en koùlique (lio;. /|i) aux deux colonnclles
:
^ I ^^M ^
Cct)t»f9«tr«J
Fig. 41. — Bandeaux des colonnettes (qoubba d'Aboù 'l-Ijasan, face extérieure).
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LA CHAPELLE FUNÉRAIRE D'ABOU 'L-HASAN 287
soutiennent.
Ce panneau décoratif est encadré par deux bandeaux épigraphiques,
le plus petit en caractères koûfiques, le plus grand en écriture anda-
louse; l'un et l'autre sont parsemés d'éléments floraux dont les tiges
forment des rinceaux (i). Le premier encadre le panneau sur trois
côtés seulement, et, dans sa partie supérieure, est sensiblement plus
étroit que sur les deux côtés; le but de cette disposition est de donner
à l'ensemble une allure plus élancée, d'éviter que le cadre n'écrase
le panneau central. L'inscription andalouse continuait, en une dou-
ble bande, sur le soubassement du monument; cette partie de l'ins-
cription, très dégradée, est aujourd'hui difficilement discernable.
Chacun des côtés de ces bandeaux est enfermé dans un cartouche,
dont les rubans, s'entrelaçant aux extrémités, délimitent un médail-
lon à quatre lobes, décoré d'un motif qui diffère légèrement d'un
bandeau à l'autre (fig. 52 et 53); ces médaillons sont de règle au dé-
part, à l'arrivée et aux angles des bandeaux épigraphiques : ils ser-
(2) Il existe aujourd'hui, en un point, une erreur assez grossière dans l'assemblage
des pierres. Presqu'au sommet du bandeau extérieur montant, à droite, un décalage s'est
monument. La disposition normale a été rétablie dans la fig. 53, qui représente cette fraction
du bandeau. Cette erreur provient-elle d'une remise en place récente de ces pierres, comme
l'affirment les lettrés indigènes?
288 CHELLA
Bandeau horizontal :
Fig. 42. — Qoubba d'Aboû 'l-Hasan. Erreur d'assemblage dans rinscription andalouse.
lastres de marbre blanc, dans les intervalles desquels (fig. 43) est
gnent pas : elles sont liées hampe à hampe, et lettre à lettre : l'écri-
ture n'est plus qu'un prétexte à décoration dont le sens s'est presque
entièrement perdu.
Une autre anomalie se trouve dans les pilastres : on remarquera
que la corbeille d'acanthes mauresques semble renversée : ces acan-
thes sont recourbées en effet non au sommet mais à l'astragale.
L'encorbellement soutenait un auvent, destiné à protéger et à com-
pléter l'ensemble. Il s'appuyait à chaque extrémité sur une console
290 CHELLA
Bandeau horizontal :
^^\ L^
^^> iJLîbUl ^[i/! ^»^:vJ! tSS\ j:;=ç. JULvS' ^,/l-. U
^ ^l^^
Bandeau vertical gauche :
Bandeau vertical :
Chella, Pi.. XV
u
LES MQABRIYYA 293
sur toute une ligne d'étoiles. Aux écoinçons, une très fine décoration
(1) On trouvera la reproduction d'un panneau du même genre, in Bel, op. cH.
p. 327, fig. 81.
(a) V. supra, p. ii et n. 5.
294 CllELLA
Ges deux stèles (v. \)\. 1 et 11) dilTérenl un peu par leurs di-
graphique.
Sur le socle de la stèle d'Aboù '1-Ilasan (lig. 46) est dessinée une
série d'arcatures à doubles lignes, enfermant un motif dérivé du koû-
fique, tout à fait semblable dans sa partie inférieure à celui que nous
avons trouvé à la grande porte de l'enceinte, sous l'encorbellement
des tours (lig. 12) : dessin absolument symétrique, qu'il serait vain
vénération populaire, n'estconnu que par la tradition orale. Il n'est d'ailleurs marqué par
aucune construction. Celui d'Idrîs I à Moulay-Idrîs du Zerhoûn est inaccessible; celui
d'Idrîs II, à Fès, apocryphe, et d'ailleurs moderne. Ceux des autres princes ont disparu.
Ceux des grands saints ont tous été réédifiés'à une date récente, après que l'essor des confré-
ries eût développé leur culte. Enfin, il n'existe pas, à notre connaissance, de tombeaux de
particuliers antérieurs à l'époque mérinide.
(a) En voir encore un spécimen, de la fin du xvn" siècle, à Ceuta, in Tanger et sa zone,
Villes et Tribus du Maroc, t. VII), Paris, ig^i, p. 4'>o-4îii et pi.
(3) Dimensions :
Autant qu'on en peut juger par le fragment qui subsiste, les dimensions de la stèle d'Aboù
la'qoûb étaient les mêmes que celles de '.a stèle de Chams ed*Pol.ià.
LES MQABRIYYA 295
Fig. 45. — Mqàbrîyya d'Aboû 'I-Hasan. Motif décoratif aux extrémités du prisme.
jHiiNAuf rzz.
Fig. 47. _ Mqâbrîyya de Chams ed-Pohâ. Motif décoratif aux extrémités du prisme.
long du faîte.
(i) Motif assez fréquent, et qui comporte de légères différences de détail. On en trou-
vera un bel exemple dans Bel, op. cit., fig. 94.
(2) Si Mohammed Ibn 'Ali ed-Dokkâli conclut de cette disposition que» cette stèle fut
décorée par un artiste chrétien. L'argument est curieux; mais, à vrai dire, il ne nous paraît
pas décisif.
(i) Outre ces stèles, il en reste quelques autres, anépigraphes et sans décoration. Nous
avons mentionné celle qui se trouve dans la salle funéraire. Il en est une autre dans lit
sahn de la mosquée d'Aboû '1-Hasan; et l'on voit les débris de deux autres encore à côté
de la stèle de ce souverain (v. pi. II).
LES CHAPELLES FUNÉRAIRES 299
3 J^ l\
J ^^ j^[^<^
4 M"^ ^\ I
yri^l
L'Écriture
I. — L'écriture koûfique.
vrai que l'on est ici en présence d'une épigraphie sur pierre, et
rieure —
la moitié à peu près du champ épigraphique, la ligne d'écri-
autre hampe, qu'elle rejoint, ou, après une nouvelle tresse d'angle,
accentue encore cet effet. A l'inlérieur de ces cadres issus des hampes
se développent les pointes des ha , des //a , des m', des hâ' et des lel-
Ires de môme forme, el eilles surlout drs dàl. (^)uant à Ja zone infé-
cendantes, les terminaisons, peu développées, des sîn, des 'aïn, des
fa finaux, des râ\ des wâw, des iâ' suffisent, avec quelques arcs de
liaison, à la aneubler.
gauche, ou ta-ia, fig. 5i, c, au centre. Par contre, les lettres se rap-
prochent parfois très nettement de la cursive : ainsi le hâ\ que l'ou
fï) A rapprocher des encoches obliques latérales qu'on rencontre souvent dans les mo-
tifs décoratifs dérivés de l'écriture par exemple, à Chella, fig. 12 (grande
koùfique : cf.,
porte : motifs koùfiques au-dessous de rencorbellemcnt des tours); fig. 4^ (décoration de la
stèle d'Aboû 1-Hasan ; fig. 48 (décoration de la stèle de Chams ed-Dolin).
(•2) V. notamment fig. 48, décoration de la stèle de Chams ed-Doliâ. Même motif, à
plusieurs reprises, sur celle d'Aboù la'qoùb.
L'ÉCRITURE KOUFÎQUE 303
des alîf, où il est de règle. L'extrémité des sîn, des /d' et des wâw
est presque toujours une ligne sinueuse, fort ténue, que termine un
petit cercle à hauteur du corps de la lettre. Mais dans la grande ma-
jorité des cas, l'attaque des hampes et des lettres, et très souvent leur
extrémité, forment un demi-fleuron, issu évidemment du biseau,
mais fort influencé par la palime double : «on contour orné est
souvent, sont chaque fois utilisées pour former les côtés — et les
points de départ — des rectangles successifs entre lesquels se partage
1 mscription.
Le kâf devait se prêter particulièrement à une décoration dont ral-
longement des lignes était l'élément principal. On trouvera un bel
exemple du parti qu'en pouvait tirer l'artiste, sur la fig. 5i, b, (un
peu à droite du centre).
Le 'aïn initial ou médian prend parfois des formes fort compli-
quées. Il est tout à fait remarquable à l'initiale de -^t (fig. 5i, a,
décoration; il est d'ordinaire plus simple (v. par exomplc fîg. 5i,
lière de cette lettre se retrouve quelques mots j)lus loin, tout à fait h
(i) On en verra un exemple dans la partie représentée de la seconde inscription, fig. 52,
au centre.
( «) Même
particularité au bandeau vertical de droite de cette porte. Cela se retrouve
aux meilleures époques ainsi à la porte de la qasba des Oûdàïa à Rabat, à Bàb
d'ailleurs :
jj loJ^;-^->^ ]Ân^Q
seconde, au lieu de se détacher sur fond nu, s'enlève sur fond de rin-
ceaux. Ces rinceaux sont fornu'^s par de lonp^ues tiges ténues enixDu-
lées sur elles-mêmes, assez irrégulièrement reliées entre elles, portant
à chaque extrémité ime palme : soit double; soit simple et reposant
sur une base à deux lobes. Ces palmes sont des dimensions les plus
diverses, selon l'espace h meubler. En outre, le tiges passent au tra-
vers de petites feuilles en aimande, parfois disposées symétriquement;
ou bien encore d'autres feuilles s'en détachent, minces et enroulées.
très dégradées.
308 CHELLA
tiques très sûrs en traitant très largement les finales des mots. C'est
ainsi que sur la face antérieure, le ^y finaldu groupe ^-i'^»^^ <-jj est
tracé de façon à enfermer dans sa boucle le mot ^j1 suivant.
Par contre, ou groupes isolés qui pourraient, à cause de
les lettres
leur forme, exiger une place trop grande {^, ^?), sont délibérément
rapetisses.
L'épitaphc do Chams ecl-Çohà donne lieu à des remarques sensi-
blement identiques. Là aussi, le lapicide — ou le dessinateur, si les
lettres, comme c'est probable, ont été tracées à main levée avant
d'être gravées — se révèle fort habile et versé dans l'art de la calli-
1 koùti
u andfi
e-'
jve^Ji .^^\ ^^. ^\ QL^jjiJl (jo JL %?-'
JHainauT I77Z.
en resserrant son texte sur une seule ligne par face, au lieu de le dis-
partie épigraphique de la stèle ait été peinte en trois tons — or, noir,
La chambre d'ablutions.
J HAINAUT 171 I.
on y pénétrait par l'angle ouest (pi. XVI et fig. 54). L'eau sort par
lio
u
LA CHAMBRE D'ABLUTIONS 311
côtés. L'eau, qui a envahi la cour, recouvre aussi le sol de ces petites
salles. Cette eau passe pour la plus pure que l'on puisse trouver au-
ftour de Rabat. Les âniers viennent remplir à la conduite leurs tonne-
lets ou leurs bidons, et les lavandières, les pieds dans l'eau, battent
sans trêve des toisons ou des étoffes, au milieu des lortues et des an-
guilles sacrées que de nombreuses offrandes ont rendues familières.
Telle n'était pas, évidemment, la destination première de l'édifice.
L'opinion couraote veut qu'il s'agisse d'un aménagement romain de
la source; mais cette opinion ne repose sur aucun fondement solide.
Il n'y a rien de romain dans celte construction; par contre, elle pré-
Tout concorde donc à nous faire considérer l'édifice dans les ruines
duquel coule aujourd'hui la source, comme une chambre d'ablutions,
(i) Les plus grandes n'atteignent pas i^.'x) sur i™,5o, et les plus petites n'ont pas
tout à fait i°',5o sur i™.
312 CHELLÀ
0.50
3mck€s point — elle est tout à fait
=1
ruinée, et l'on ne se gène pas
Fig. I'm. — Plan de la pelilc ([oiiltba.
pour y déposer toutes sortes
d'immondices; l'autre donna
asile à la fabuleuse Lalla Ragràga, toujours vénérée : celle chapelle
fut soigneusement entretenue, et même, semble-t-il, restaurée.
Les deux qoid)ba sont alignées sur la imcme plate-forme. Elles
sont de dimensions différentes -mais de plan analogue. Elles consis-
tent essentiellement en une coupole reposant, par l'intermédiaire de
trompes, sur des murs strictement limités aux angles, entre lesquels
s'ouvrent de larges baies.
La plus petite (fig. 56 et 67; plan, fig. 55) — la qonbba ruinée
— (mesure 3°, 75 de côté. Elle est assez profondément enterrée, et la
coupole n'existe plus. Les angles sont construits en pierres de taille,
assez mal jointes, disposées en assises alternées. Les arcs des baies,
qu'un mauvais mur de pisc a bouchés par la suite, sont outrepas-
LES QOIjBBA FAÏÉRIEURES AU SANCTUAII\E 313
L'autre mesure 5"*, 20 de côté (plan, fig. 58). Les baies sont au-
jourd'hui bouchées; la coupole paraît avoir été restaurée. Les angles,
sous la couche de chaux qui recouvre l'ensemble, sont en appareil
alterné, et renforcés. Les arcs sont moins largement coupés par la
HESPERIS. — T. II 1922 21
314 GIIKLLA
renloiil. (le près aii\ eliapi^lles l'iméraires d" Mioù l-llasaii el de (îlianis
C<l-I)()[ià, tdios ra|)pelleid J
é^al(Miienl les <( Toinheaiix des Méri-
plus petite des qoubba : il n'y aurait rien d'étonnant à ce que la stèle
(2) Ibid., n° 8.
LES QOUBBA EXTÉRIEURES AU S/VNCTUAiRE 3i5
Dans tous les cas, il semblerait, qu'à partir d'une certaine époque
— peut-être après l'ensevelissement d'Aboù 'l-llasan — on ait cessé
Erratum a la vw.v. 3 1
v»J)LI! Jslj J', « le n6r7/ béni », fui doiniée à Clicdla dès le nioniont de la
le [6iii .U. .^^M ,.)W'' ^^ «--J -^r-M A\^.^\ ,.,' 6iilj 5y (Ligne 1)
.J\ .LkL.3i UbHy JiJjU^ iy^ '-^J' ;_—• *'--j y' (Ligne 2) *Lj iJ^j J.^ Ua.--
prières] pour Notre Seigneur Mohammed et sa famille et qu'il leur accorde le Salut!
(Ligne 2) La conslruclion des rem[)arls de ce ribàl béni a été ordonnée par
notre Maître le Sultan, l'Émir des Musulmans, Aboû '1-llasan, fils de notre Maître le
H.-B. et E. L.-P.
Communications
les noms propres, elle précise les événements, elle fixe les dates (i). » On
Pièce n° io5i
(?>) (( Dieu veut nous préserver de toute souillure, ô gens de la maison, et vous purifier
complètement ». Coran, xxxiii, 33. — Le texte arabe n'a pas été développé.
(4) (' Au nom de Dieu \v rlémcnt. le niiséiicordiciix ! Le scrvilciit- de Dieu, rimaiii
Abou el-Abbas el-Mansour bi Allah, émir des Croyants ».
(61 « Fils do l'imam Abou Abdallah Mohammed ech-Cheikh le calife, fils de l'impm
El-Kaïm bi amer Allah, le chérif hassénien ».
COMMUNICATIONS 319
An loox de l'Hégire.
Au droit et au revers, deux cai-rés linéaires.
Dans le champ :
Cr-J' ,:'!
,,_^ij
rrr'^' /'-* *^' '-^^'^ Aja^ *t-*-s;. w^-^
du i4 Rbia i" loii [i" septembre 1602]. Abou Farès avait écrit précédem-
ment à son père pour lui demander s'il devait s'éHoigner de Merrakech, au
cas où qui sévissait au Maroc viendrait à se déclarer dans la ville.
la peste
devra partir de Merrakech, avant même qu'un cas de peste soit signaUé;
quant au caïd Ahmed ben Mohammed, oncle d'El-Mansour, qui a demandé
l'autorisation de quitter « la capitale mohamniédienne, Abou Farès ne
s'opposera pas à son départ; i'I lui pircscrira de rejoindre l'armée campée à
Khandoq el-Oued.
JLjJ.-.*..aE-M Sj.^.:^^ , crut devoir l'identifier dans une note avec Merrakech.
Mais celte identification est inadmissible. Il est manifeste, en effet, d'après
le contexte même de la lettre d'El-Mansour, que leAhmed ben Moham-
caïd
med, qui a demandé à quitter « la capitale mohammédienne », ne se trouvait
pas à Merrakech avec son petit neveu Abou Farès; le sultan, dans sa ré-
ponse, prend une décision spéciale à son sujet et lui assigne coniime rési-
dence Khandoq el-Oued que nous savons être dans le Sous.
H, DE Castries.
Ces courtes notes <jue nous [>résenlons aux lecteurs d' « llespéris » sont
ilues à la plume d'un de nos confrère, le reçjrellé Docteur BalU, dn corps
de santé militaire, (/(// fut, pendant plusieurs années, ttn des meilleurs pion-
niers de l'assi.Ktance médicale indiijèm' du Protectorat nmrocain.
iSous les puttliiuis avec les annol<dions et références qu'une mort préma-
turée ne diuma pas le tetnps à leur auteur d'y ajouter, et j)ctisons élre utiles
à tous ceux qu'intéressent les coatu.mes et les rites séculaires du. Marne, en
même temps que nous rendons un pieux et juste liominage à la mémoire
de notre confrère.
Le Maroc a perdu en Bulit un de ses ttieilleurs enfants d'adoption : il
était de cette race de raillants et de passionnés qjti fait les vrais apôtres de
la pénétration pacifique, et si la. mort ne nou,"? l'Oi^mit pas enlevé, il aurait
sûrement trouvé au Protectorat, dans l'assistance civile, le poste de choix
qu'il avait si dignement conquis par son activité, sa valeur professionnelle,
et son abnégation.
Le Docteur Bulit était né à Montauban, le 21 juin 1888. Quelques moia
Docteur Lucien Raynaud (i) pour d'autres, il nous a fallu recourir aux
;
semble bien qu^ ce soit un abrégé du même ouvrage que M. G. Salmon ait traduit dans lé
tome yill des Archims Marocaines et qu'il cite dans le catalogue d'une Bibliothèque pri-
vée (Arch. Mar., t. V) sous le titre de ^_jl.JucV^ 3, 0^.-^\ ^.1-f^ o* ^^-^^"^ "^^^^
qui diffèr* seulement du précédent par le motAj.L^(les fins) au lieu dei-^Atc^ca qualités)
Certains autres oignent leur crànc avec du Henné moulu, tamisé et mé-
langé d'eau froide.
Contre la toux.
a) Des pois chiches torréfiés et mouillés dans do l'eau salée; — b) Nefaâ (f\),
ou ronnaissnnco do l'ôlndo <]o M. Gallofossr sur Tes plnntra fhms In lhérn})culi(i[\e. indigène,
Cette importmle étude rendra les plus grands services à nos confrères du Maroc. Seule,
la transcription clos termes arabes, souvent défectueuse, serait h revoir.
(i) ^-^s>c^*o Gingembre, rhizome du Zingîber offic. Rose. Le terme classique est
(5) Exactement Djouldjoulan ^^'î^!si^ graine de Sésame. Cf. Tohfa, p. 65; Raynaud,
p. 167; Ibn, Bait., n° 49^-
(6) Nous n'avons pas identifié de matière résineuse portant ce nom. Les droguistei*
mdigènes à Marrakech et Casablanca désignent sous le terme d'Azgaf ou d'izgaf
^_s^3\ un mélange dans lequel entrent de l'os de seiche, Zebed el bahr; des piquants
COMMUNICATIONS 325
feu et moulu fortement. Mélangé avec ces deux derniers, se piciid tous les
matins à jeun.
Contre la fièvre.
du Carvi, Karouya; enfin du Fasoakh (voir plus loin p. 8 note 2), qui est effectivement
une résine. A Rabat la composition est différente, cl il y figure notammmit du Mica,
mais, dans l'un et l'autre cas, VAzgaf est utilisé particulièrement en médecine magique.
(i) C'est, selon toute vraisemblance, le sulfate de cuivre.
(2) «.2*ylè^ljc'est la Serghina des Ara>bes. Corrigiola Telephiifol. Pouit. dont le rhi-
zome entre dans la composition des parfums. Cf. Dozy Sappl. aux dict. arab., i, i38;
Ibn Balouta, IV, Sg/i ; Léon l'Afric, éd. Scheffer, III, 467 (Tauzarghante) ; Marmol, 111,
51 d; Ibn Bait., n° 1170. La plupart des auteurs en font un Telephium, le T. Imperati. Seul
Leared. op. cit. app. p. 3^2, qui a eu sans doute la plante entière à sa disposiion, lui a donné
sa véritable détermination que nous a confirmé le prof. Maire.
(3) D'après Le puys du mouton, Alger, 1893, i vol. in-fol., oe serait un Ranunculus,
le R. muricatus. L. Cf. également D"" Raynaud op. cit. et Leared, op. cit. qui n'a pu l'iden-
tifier. L'échantillon recueilli dans la région de Rabat et qui nous est parvenu desséché,
.i
a paru au prof. Maire ressembler davantage au R. Macrophyllus. Le terme d' ^_5^Jui\ ^.>\
vient de ce que les feuilles du collet sont couvertes de poils blancs et soyeux.
(4) >L-i-J\ i_ ^ «^ graines du Lepidium Sativ L. vulg. Cresson alénois. Cf. Tohfa
p. ik- Salmon, p. 98. Le terme clas.ssique est ««-Sj-s»- aoTj. Cf. Guignes, op. cit., p. 90; Ibn
?.° Lorsque la fièvre se déclare, <mi ildil, sans prévenir le fiévreux, pren
(Ire une mèclu* tic loilc |ti()|>rc, mise vi\ i^iiilion, et la hriiler sur sa nutjue.
L'émotion (ju il en ressent, lui l'ail oiihlier les soulïranies cl ainsi, la fièvre
disparaît promptement, mais niomentanément.
(i) J^-^^A3J\ oXJ'^\<''<'sI la IJlhnr(]c. Cf. I. I5;iil., ii" y.ii/i; (uii^nu's, o/). cit., n 353
qui orlliof/rapliii" MoiirluL- ,iX_J ^-c ; il s'a^'it <riiiic ilil]i;iri|i' iinpinc iii(''laM;,'(''c de Massicot,
(\\)ù sa coiiU'ur jaiinu don-c (ili-hbia).
(-0 <*^LXaJ\ ,iXj^\ Di-iix (•(haiililions (le (•ouleurhrniiiilri' provciiaiil l(î i^f de droguistes
indij,'èii<s de Habal, le j'' di- l'-isiiblaïKa, oui <''lt'' analysés par M. k; Pliarniacioii PiiiHÙpal
d<.' i""" classe Fronionl :
(3) |J.w> .a- bien connu, c'est le Peganum Harmala L. plante de la flore saharienne
des fumigations. Cf. la Magie des parfums in Doutté, Magie et religion, p. 72.
dont la graine est d'un emploi courant chez les Indigènes pour composer des lotions et
(4) r-^-4»jl.s(j0ninie ammoniaque impure extraite du rhizome de la Ferula communis,
appelée au Maroc Klekh ^K Cf. Leared op. cil. app. p. 345; Hookcr et Bail: Morocco
and great Atlas London 1878 p. 386; Lenz : Tombouciou trad. Lehautcourt, Paris, 1886,
COMMUNICATIONS 327
Contre l'endonéphrite
Le médicament suivant agit sur toutes les maladies rénalles, disent les
Indigèn'es.
Khobbiza et MeJsa (Guimauve lisse sauvage);
a) b) Kiklane (i), Casse, —
fleurs; c) Raeine de Maadnous (variété de pereil); d) Racine de céleri. —
Hachés fortement ou broyés, ils sont placés dans un récipient et mis sur
le feu pendant une heure jusqu'à cuisson.
Après avoir pris un bain chaud, le malade ôte son seroual et s'assied sur
le récipient. La vapeur chauffant le corps doit amener la sueur, signe pré-
1°On prend :
a) Dad (3);
-'
(i) Paraitêtre une altération de ^Nll-âiè plur. de Ai-Là Ibn Bait., n" i8i2 ; Cassia Tora
fie Forskal. Cf. égale Guigues, op. cit., n° 198. A Rabat et Marrakech les droguistes
indigènes vendent sous rf nom des graines de différentes espèces â'Acacia, notamment
de VA. Farnesiana, Willd.
(2) Cf. supra, p. 4, note 3.
(3) Mot berbère; on trouve aussi Addad, cf. R. Basset; les noms berb. de plantes dans
Ibn Bait. Florence 1899, p. 5; Laoust, Mois et choses berb., Paris Challamel, 1920, p. 609;
Leared, op. cit.. p. 2/11 • C'est le Chardon à gin Atractylis Gummifera, en arabe Chouk
el Eulk, épine à la gomme. La racine, à l'état cru, est toxique et fréquemiment usitée
au Maroc dans un but ('rimin<"l : la glu extraite des capitules est inoffensive, UA. Gum-
mifera était connu des Anciens, c'est le Chaméléon blanc. Xa[xat).cwv >£uxo; de Diosco-
rides et Galien. Cf. Ibn Baitar trad. iLeclerc, n° 86. Léon l'Africain le cite également
III. 467 « ime drachme de son eau distillée peut exterminer un homme en moins d'une
heure ».
328 IIESPÉRIS
Broyés et mélangés.
Quand cela est prêt, le malade doil, s'étendre sur le dos, les pieds el les
nuiins allon<>os, do façon à ce que la pailie malade soit posiéo sur l'ompla-
oeme il choisi et préparé d'avance. Le palienl doit en outre rester en cette
position tant que la terre n'est pas refroidie, c'ost-i'Hdire pendant une heure
et deanie environ ot tant que l'engourdissement n'est pas complètement
dissipé.
Eniad (2).
L'Aadoua (4).
On prend : I/Kmkhcnza (5) luerbe sauvage; ce nom vient du mot Khnez,
nauséabond, à cause de sa mauvaise odeur.
(2) Jv-c. oplitalmic en général, d'après les lexiques ; le D' Sanguinetti (Quelques chap. de
Méd. et de théraip. arabe. .T. Asiat., 1866, p. 7^) fTaduit : chassie ou lippitude,
c'est-à-dire blépharito, alors que pour lui c'est le terme ^^1 , » qui signifie ophtalmie. Ici,
gène originaire du Haouz nous a dit que oc terme s'appliquait à une inflammation oculaire
caractérisée par du pTurit et du larmoiement.
(5) ij..Àsr\. — El Mekhinza, d'après le Pays du mouton (op. cit.), serait la Sarilolîna
COMMUNICATIONS 329
On la fait bouillir dans l'eau pure, puis le malade s'incline, les yeux
grands ouverts, sur la cuvette contenant la tisane, afin que la vapeur fasse
sortir les larmes.
Leblad (i).
Squarrosa Wild. (Composées). A Rabat, la plante connue sous ce nom est au contraire
Je Chenopodium Ambrosioides (déterm. du professeur Maire), plante importée d'Amérique,
et aujourd'hui très répandue.
(i) ^>l-v^)\. C'est i'Albugo ou taie cornéenne. Cf. D' Sanguinetti, op. cit., p. 83
La thérapeutique indiquée est évidemment enfantine, même quand on la compare à celle
d'El Qalioubi (xvn" siècle) ou du Kitab er rahrna, on entrent des substances bizarres
comme le fiel de corbeau et la présure de lièvre, mais où il y a un essai de traitement
rationnel.
HBSPÊais. — T. n. — 1922. 22
330 HESPÉRIS
liou-Sinara cl Sidl Mbarek à Casublaiica i^j), Sidi OuasDÙn (2), cl, en paiii-
(iilier, Moulay Bou Azza (3), sont doues d'un certain pouvoir de {j^uérir,
aussi eXlicaceinent que l'ainulletle énonccj ci-dessus, cellei aiialadie, dont la
cause est attribuée à la contrariété des Djcuonii (4).
(i) Sidi Bou Smara a son tombeau dans la rue qui porte son nom. Il y a deux Sidi
Mbarek, l'un nommé MouL el Kliarrouba situé rue El Hammam, l'autre dit Ed-Driouicli,
près de la rue £1 Farran. Cf. Villes et Tribus du Maroc. Casablaïuca et les Chaouia. Paris,
h. Leroux, iQib, t. I, p. 66.
(2) Sidi Ouasniin cr Ucgragui a sa qoubba sur le Djobel Uadid, chez les Chiadma,
entre SaH et Mogador.
(3) Le Chaikh Abou liu'zz^ enterré à Taighia (la Thagia de I^on VA.fncain), oheia les
Zaian, est un des saints les plus réputés du Maroc. Il mourut dans la seconde moitié
du XI 1® siècle, ajaiil, au dire de la Halouat cl Anjas (I, 174), vécu près de i3o ans. Il
était le disciple d'ALou Choaib ben Ouâioud eç Çiahadji, le Moulay Bouchaïb d'Azen-
mour. Cf. E. Michaux-Beliaire, Essù sur VHist. des Confréries Maroc. ^ Hespéris, 1921,
2^ trim.
(4) Ces êtres mystérieux, surnaturels cl invisibles tout toujouis, à l'exception du mois
do Kamadan, pendant lequel ils sont enchaînés, des sortilèges nocturnes, favorables ou
défavorables, suivant la conduite des êtres humains. Les indigènes pi'étendent même que
sur toute la surface de la terre il n'y a pas d'endroit qui me soit habité par eux, sauf
les mers, à cause de leur salure. Pai- conséquent, partout où l'on se trouve, le joui* comme
la nuit, on risque toujours, surtout en marchant vite, d'écraser quelques-uns de leurs
petits, ce qui alarme toute irne tribu de ce peuple invisible. La preuve en est dans la démar-
che des Tolbfkf t^oujours lente et mesurée (Note de Vauteur).
(5) Le terme de ^-5Lr»- a généralement le sens de a Sage », « Savant » et souvent de
« médecin »; le véritable sorcier est le Sehhar -S-^sr^. Cf. D"" Mauchamp, op. cit., p. ai
ot E. Doutté, op.cit., p. 36.
(6) M. Doutté, op. cit. p. i3o, emploie le terme d' 'Azirna, invocation à caractère do
contrainte ; cf. également p. lai a. s. des noms de démons invoqués dans les incantations.
COMMUNICATIONS 331
Par ce qui précède, on voit que les Marocains, en plus des imédicaments
usuels, traitent toutes les maladies qui sont d'origine vt de causes occultes,
c'est-à-dire qui ne présentent aucun symptôme sur lïequel ils puissent éta-
blir une ressemblance avec d'autres maladies connues, par des préservatifs
et par des amulettes.
Parmi ces maladies qui n'atteignent, à leur dire, que des gens de mauvaise
foi ou dénués de toute instruction coranique, à tel point qu'ils ne puissent
Quelquefois, quand la douleur est assez vive et que le malade, las d'atten-
dre les secours promis par le Fekih, perd toute patience, on llui enduit
(i) Cf. De la Martinière, Souvenirs da Maroc. Paris, Pion, s. d., p. 219. Sur Sidi ben
Abbes es Sebli (ii3o-i2oyi) le célèbre patron de la ville de Marrakech, cf. L. Brunot,
La mer dans les trad. et les indastr. indig. à Rabat et Salé. Paris, 192 1, p. 58. et les
indications bibliographiques qui y sont données ; E. Vafûer, Revue France-Maroc, sept. 1918.
332 HESPÊRIS
sur du papier, avec du safran. L'eau de ca.» bain est recueillie dans un petit
vase ou dans un récipient quelconque, puis, deux ou trois fois par jour,
on en donne une gorgée au malade.
Si ce dernier n'est pas guéri au bout d'un certain temps, comme le pré-
tendaient Iles pronostiqueurs, la cause en est attribuée à sa non croyance
et à son inlidélité, ce cjui e\pli(iuc pourcpioi le Talcb ne veut jamais déli-
vrer des amulettes aux Nsâra (infidèlles chrétiens), car, prétend-il, l'effet
sédatif n'aura pas d'action sur icux.
naoua. Ces derniers célèbrent une fête annuelle, nocturne, qu'ills ap[)ellent
la Derdba, où ils immolent en l'honneur de leurs saints patrons (2) un
certain nombre de bœufs, de moutons et de poules, choisis pour la tailPe
et pour la coulleur.
Ils font cuire la viande d'une façon particulière, sans sel (3), 'et dans la
Zaouia même, appelée la Zerlba (chaumière), tous les fidèles, après avoir
montré, par la danse, leur dévouement à la confrérie, Ile troisième jour,
malades ou non, prennent part à ce repas collectif qui les assure contre
toutes les maladies occultes pendant une année entière.
(i) Cf. Doutte, op. cit., p. 72 sur la magie des parfums. On dislingue le Benjoin blanc :
Djaouî el Abiod, du Benjoin noir : Diaoui el Akhal, qui font partie dos sept parfums :
Seba^ boukhourat.
(2) Ils se réclament du cheikh de Bagdad Sidi Abd'cl Qader el Djilani cl le fondateur
de leur confrérie sérail Sidi du prophète, mais en réalité l'inlervenlion de«
Bellal, esclave
démons y joue un rôle plus importanl que celle des sa'nls. Cf. Michaux-Bellaire, Rev.
du Monde Musulm., 1910, p. ^22.
(3) D'" Mauchamp, op. cit., p. igS; Villes et Tribus du Maroc : Casablanca, t. I, p. 64.
Les esprits n'aiment que des mets sans assaisonnements; une partie du bouillon sert
à asperger les murs et le sol, comme exorcisme. La D,erdba se tient pendant le moi»
de Chaa'ban.
COMMUNICATIONS 333
Même ceux qui sont loin, et qui ne peuvent par conséquent, participer
moyennant une
à cette fête, à causie de leur état de santé, doivent recevoir,
offrande, un peu de Ha viande de ce irepas.
Les femmes forment pllus des trois quarts des adeptes.
A cela, il faut ajouter un grand nombre de femmes, stériles pour la plu-
part, qui viennent chaque année grossir la foule des croyants. Celles-ci
font généralement des vœux surpirenants.
(2) Prononciation locale de j^ amulette. Cf. Douttë, op. cit., p. i46 et suiv. Depont
et Coppolani, Les confréries relig. musulm., Alger, 1897, p. iSg spécialement sur le
Herz Mordjàna.
334 HESPÉRIS
3. —
Lavande saiivag-e HalJial (2), très bonne aussi pour l'estomac. On
la boit dans du thé. —
Très bonne aussi pour lia maladie appelée Slassil.
avec du blé, puis on laisse sécher le blé et on Ile moud. Les femmes mettent
ensuite celte farine dans la Tchicha et la mangent trois fois de siuite. Elles
peuvent ensuite avoir des enfants.
(i) C'est la nourriture bif^n connue des pauvre» en pays berbère : blé grillé écrasé ft
bouilli avec de l'eau et un peu de beurre,
(2) Au Maghreb ce mot désigne la Lavandala Stoechas L. Cf. Ibn Bait., n" 692. Quant
im terme de Slassil, nous n'avons pas trouvé d'affection désignée sous ce nom; peut-être
(3) »y^9^>^.^ Teucrium Chamaepitys L. Cf. Tohfa, p. 22, ou Ajuga Iva Schreb.
(Il) Cf. supra, p. 325, note 3.
(5) Mot berbère, on trouve aussi Aderias et Dries. Cf. Laoust, op. cit., p. 5o5; Salmon
op. cit. p. 8 (note).
(7) Le mot d' ^^dcsigne indistinctement au Maroc les différentes sortes de Cyprès,
de Thuya el d" Genévrier. Cf. Boudy. Les Forêts du Maroc, in Rev. France-Muroc, i5 juillet
1919, p. 18G. Certaines espèces seulement comme le Juniperus Sabina sont douées des
propriétés indiquées. Le D"" Leclerc {Traité des Simples d'Ibn Baitar, n" i528), traduit
]« terme d'Arar par Juniperus.
COMMUNICATIONS 335
moine (2).
2° Pour la cataracte. se sert du merroud (fig. 3) (3), poinçon en cuivre,
lil
qu'il enfonce dans l'angle externe de l'œil pour essayer de réaliser la luxa-
tion du cristallin. Il a obtenu certains résultats.
y Pour le traitement de il'ectropion et entropion, il réalise les sutures
^^
^
*
par le mokhtaf (fig. 4) (^), sorte d'aiguille courbe, et fait des pointes de
feu au-dessus de la paupière lésée avec ïamakod (fig. 5) (5).
1? stibine elle-même, mais la pharmacopée arabe classique emploie ce terme pour diffé-
rents collyres : collyre jaune ^jl-oÎ J^siT au Curcuma ; collyre gris ^^fi\ ^J.s.^ contenant de
l'oxyde de zinc, etc. Cf. D"" Sanguinetti, op. cit., p. 124. L'antimoine ^^\ est propre-
ment le Kohi el Asouad : cf. Ibn Bait., n° 1898. Au Maroc on distingue le kohl du
Sahara de celui de la Mecque; ce dernier est appelé k_î, 3"^ J-s.^ car il contient de l'oxyde
de zinc ouLoy. Le Kohl blanc, eau berbère Tazoull, est de la Galène (sulfure de plomb).
5° 11 opère le du muscle.
strabisme par la scclion
Tous ces traitements se tenuiiicnt par une application de holh, gardé pré
cieuscment dans un bout de roseau (i). Le kolh blanc du Tafilalct, Tazou-
it, est très apprécié (mi oculistiiiue,
(i) , ^^9. On est ôvidoiiiMU'iU très loin de la riche instninienlalion de,'; chirurgiens
arabes du Moyon-Aj^c, décrite dans hi Chirurgie d'Aboul-QAsini e/.-Zalir.ioui (Abulcasis)
Ed. Channing, 1778, t. I et trad. du D"" Lcclorc. Paris, Baillière, i85i.
COMMUNICATIONS 337
Les vieilles gens racontent que El-Abd El-Medloum, turc d'origine et dont
le nom véritable est depuis longtemps oublié était boucber à Salé.
Une femme voilée s'arrêta un jour devant son étalage et sembl.a un ins-
tant convoiter du regard les tranches de foie qu'il vendait.
Quand elle fut passée, El-Abd El-Medloum, ayant deviné son désir, char-
gea un de ses apprentis de la rejoindre pour lui remettre la part de foie sur
entendre disant : « III n'y a plus dehors qu'un serviteur de Dieu, victime
d'une iniquité » (en arabe « Abd Medloum »), appellation demeurée à la
victime que l'on reconnut alors pour un saint personnage et à qui les fidè-
censée faciliter. Les visites ont lieu d'un bout de irannéc à l'autre et i\ tou-
tes Iles heures du jour. Les jeunes apprenties, élèves d'un menue atelier,
parentes ou voisines <iui \oiil en (( ziara » eniporU'iit du ruisin sec ([ui est
partagé {;ur la tombe du saint et mangé iminédiattnnont, ou bien, elles éta
lent, éga'lomont sur la pioiro nuMtuaire, une mixtuie composée de la cendre
provenant de l'incinération de brins de laine pinir les tapissières, de soie
pour les brodeuses, mèléo à du midi et que chacune lèche à tour do rôle en
adressant au saint des invocati<ms :
S. D. Ammor-Bouillot,
Directrice de l'Kcole de fillettes musulmanes de Salé.
COMMUNICATIONS 339
Ce fut tout à fait par hasard que nous les découvrîmes, le i3 octobre 1919,
au cours d'une tournée médicale dans le Sud de Demnat.
Partis de ce point, au matin, par le pittoresque Imi-n-Ifri, nous passions
vers midi la crête aride du Djebel Aori et le triste plateau qui lui fait suite.
De lia, nous redescendîmes presque à pic, dans le lit même de l'assif-n-
Oufad, branche mère de l'assif Ihouariden, llui-même affluent, et non des
moindres, de l'Oued el-Akhder (Tessaout Fouqia).
Le site, déjà sévère, s'assombrit ici, jusqu'à l'oppression ; le cours d'eau
s'est frayé un pénible chemin dans des gorges de plus en plus étroites,
striées de roches alternativement rouges et noires. Des cluses infernales
succèdent aux falaises abruptes que prennent d'assaut les troupeaux d'eu-
phorbes cactoïdes, à Ha pâlie couleur verte.
Un sentier difficile (et pourtant il est un fragment de la grande voie de
montagne, dans des endroits très accessibles; nous avons pu en voir plu-
sieurs spécimens tout le long de l'assif-n-Tighli, en remontant vers le Tizi-
n-Oualmeghra. Les mineurs se contentent de creuser une petite excavation
qu'ils abandonnent pour une autre, dès que Isa profondeur atteint deux
mètres environ. Le minerai paraît très abondant et riche en fer, com!me
nous pourrons le voir au cours de sa manipulation.
Le minerai transporté de la mine à l'usine est concassé sur le terre-plein
réservé à cet usage à droite du fourneau. Des ânes apportent le combustible :
à lia forge, qui, elle, ne diffère aucunement d'une forge berbère. Là, le
lingot est divisé en petits morceaux et le laitier en est expulsé au marteau.
Le fer, dorénavant prêt à servir, est entassé dans un coin. A l'époque des
labours, k cultivateur vient en acheter des parcelles, jour de souq ou non,
nous explique-t-on, et il le fait souvent transformer sur place en un de ces
socs de charrue connus, dans toute la contrée, sous le nom de « socs de
Demnat ».
L'outil ainsi obtenu ne peut être comp£>ré à celui que les ma'allem for-
gent avec le fer d'importation; bien que fait d'une matière très dure, il se
fendille et s'ébrèche facilement dès qu'on frappe dessus pour l'ajuster à la
A la planche inclinée à 45 degrés sur laquelle sont fixées les peaux des
soufflets : sder elkir, la poitrine du soufflet;
Au minerai : Imaaden Ihadid;
Au crochet spécial qui sert à retirer les scories : sfoud, substantif arabe
parfois berbérisé en asfoud par la préfixation d'un a.
344 HESPÉRIS
Quant aux mots berbères employés, le four s'appellle tinzert, qui signifie
« narine », et l'orifice d'éjecfion : imi-n-tinzert, <( lia bouche de la narine ».
les potiers, est bien connu. Misérables, ils sont mis à l'index: de la popula-
le fer »j nous dit-on; et comme explication à cette phrasa ambiguë, Iles gens
ajoutent ils volent le monde en pesant leur fer dans des balances falsi-
: <(
fiées. » Cette accusation est peut-être injuste, mais on ne craint pas de les
charger de tous les méfaits, tout comme s'ils étaient des Juifs, ces autres
spécialistes du travail du fer.
« Les forgerons ne sont jamais riches. — Sidna Daoud était leur Cheikh.
— En ce temps-là du monde, ils étaient comblés de richesses, et les fellah
ne voulurent plus travailler pour eux. De Heur côté, les forgerons ne voulu-
rent plus forger des socs.
COMMUNlCATiONS 345
— Pourquoi? répliqua Sidna Daoud. Ce n'est pas le temps qui vous man-
que, c''est vous qui êtes rassasiés. Alors, il ise mit en colère et Heur dit :
- I. II. — 1922. 23
Bibliographie
C'est là une coïncidence heureuse qui •/.î'.vTj marocaine y règne comme ailleurs.
permet de généraliser quelque peu, de Cependant, des particularités phoné-
déterminer certains caractères essen- tiques et une morphologie un peu
tiels communs des parlers monta- spéciale, plus que le lexique lui-même,
était difficile de procéder autrement. très délicates. Pour tous les dialectes
des marabouts notables et de Chorfa selon aussi, il faut bien l'avouer, les
installés dans chaque tribu. Cette liste aptitudes auditives des enquêteurs, du
oftie d'autant plus d'importance qu'il moins en ce qui concerne les voyelles.
s'agit d'une monographie de dialecte L'exposé d'un système de transcription
rural. On y trouve en abondance, des suffit à lui seul à donner un aperçu assez
noms berbères, qui décèlent la langue complet de l'armature phonétique d'un
originelle des Jbâla. dialecte. La phonétiquedes Jbâla n'appa-
La bibliographie, qui vient après la raît pascomme très sensiblement diffé-
toponymie, est nettement marocaine. rente de celle des villes dont le parler a
M. Lévi-Provençal restreint ses investi- été étudié, t afîriquée dentale sourde
galions au Maroc et c'est son droit ; remplace C-^ et <Jij, ;^
pour -. est une
dans un travail de ce genre, il faut spirante cacuminale sonore et est con-
comparer le dialecte étudié à d'autres sidérée comme enfin ç
lettre solaire;
caractères originaux ; établir celte com- dans les mots empruntés à T'Aroûbiya.
paraison avec tous les dialectes arabes Il est curieux de remarquer combien ce
connus comme l'a fait M. Marçais dans dialecte de montagnards est bien plus
ses textes de Tanger est une méthode près des dialectes citadins, par sa pho-
qui vise à l'étude générale des parlers nétique, comme par sa morphologie,
arabes; établir cette comparaison avec que les parlers purement arabes des
le plus grand nombre possible de dia- ruraux de la plaine, les gens de T'Aroû-
lectes strictement marocains est une biya. Il y aura un jour à éclairer cette
autre méthode qui vise à l'exploration question par un peu d'histoire et un peu
approfondie d'un domaine bien déli- de géographie humaine. 11 semble bien,
mité. L'école marocaine choisit de plus d'une part, que les Berbères, les Jbâla et
en plus la deuxième méthode, les docu- les Hifains plus particulièrement, aient
ments sur les dialectes marocains deve- été appelés à repeupler les villes après les
M. Lévi-Provençal est celui que M. W. villes tandis que les Arabes restaient in-
Marçais a forgé pour ses textes arabes défectiblement attachés à leurs douars
de Tanger avec une légère modification et à leurs troupeaux.
pour les voyelles, modification qui con- Avant ses textes, M. Lévi-Provençal
siste uniquement dans le non-emploi donne au lecteur vingt pages d'observa-
de quelques signes notant des nuances tions sur les particularités morpholo-
348 IIESPÊRIS
giques du dialecte qu'il étudie. Enten- de mettre sur le même plan des formes
dons-nous bien ; il ne donne pas une très vivantes et d'autres qui \w le sont
morphologie entière même esquissée; plus; les verbes de la IV'- forme ot beau-
il nous met simplement en face des ca- coup de la VIII'', comme le signale l'au-
ractéristiques morphologiques du dia- teur (p. 3o). sont devenus des verbes de
lecte, celles qui en font l'originalité ; il la forme fondamentale. En réalité ces
évite ainsi au lecteur la peine de faire formes n'existent plus. On ne relève pas
des recherches peut-être longues, sou- dans le dialecte des Jbâla de l'Oûargha
vent incertaines quant au résultat, dans la forme passive J.»fij obtenue par la
gie spéciale au dialecte des .Ibàla. No- on y trouve la Vil'' f. J**.! qui n'existe
tons simplement que la conjugaison du pas dans les parlers citadins. Enfin, on
verbe à l'imparfait, par la préfixation relève un j)assif obtenu par la vocalisa-
final dans les verbes sourds est un fait au Nord de faza : cf. Colin p. 100 ; on
que l'on retrouve dans tout le Maroc et ne l'emploie pas dans les villes. Les
qui s'étend également à tous les mots notes de morphologie se terminent par
des racines sourdes : ex. Rabat, Tan- une liste des principales particules;
ger, Fès. ui^âr « tiroir », plur. w^ôra, l'idée de la relever est heureuse car un
pour .ar' ciseau plur. mqô^a, dialecte se caractérise plus par ses
; mqâf « »
« mots-outils » (cf. F. Brunot, la Pensée
pour wai» ; V. également Colin, p. 55 :
de Tanger. Larache, Rabat et Fès démon- Ce petit livre, écrit surun ton aimable,
trent amplement l'existence d'une xstvri avec un esprit sans cesse renouvelé, qui
marocaine. Comme je le disais au début, le rendent attrayant d'un bout à l'autre,
M. Lévi-Provençal ne s'occupe que des n'en est pas moins une substantielle
parlers marocains et dans leur état actuel introduction à l'étude de l'arabe parlé
seulement, il ne fait aucune recherche au Maroc. Il s'adresse au grand public;
Kii dos lii^nos s.nonroiisos. il siliio ("o dans se» origines, mais il faut aussi
(lialoclf, qui est à iMiabe classitiuo ro en dresser un labloaii, car toute langue
(luiin patois fiançais osl au laliu. au forme un système barinoniouv dont il
borbi re ce (lue le picard osl au bas- est bon d'avoir la description indépen-
breton. Sans doulo, ce sont là des com- damment du système antérieur.
paraisons ; du moins parleul-elles à L'arabe magliribin s'est développé
l'esprit. sur un sol de langue berbère : pour
Abordant l'élude dos sons, il mot des raisons de civilisation, de religion,
en leliof la solidilô des consonnes, de politique, le berbère a reculé et
leur caraclère ^nillural et emplialiciue ;
recule encore devant l'arabe. Mais les
d'autre part, la faiblesse des voyelles travaux scientiticpios de ces dernières
qui se nuancent au <ivé des sous voisins années ont mis en valeur l'imixtrtance
et tendent, sauf la voyelle accentuée, du (( substrat d, et l'on s'est ajierçu (pie
à s'elTacer. IVut-étre un mot sur le rôle l'arabe a fait des emprunts au ber-
de l'accent aurait-il complété beurcu- bère. M. Brunot signale des noms
sement ce cbapitre, car la disparition arabes de profession, comportant un i
des syllabes atones semble être le fait préfixe et suffixe. Ces noms ne prennent
de l'accent d'intensité, qui serait ainsi pas l'article, ce qui les dénonce comme
un des facteurs essentiels dv l'éNolulion étrangers. Le berbère connaît la forma-
de l'arabe. tion t--t, très usitée, (Mitre autres dans
M. Brunol évite la classification tra- les noms d'action L'iiinuence berbère
dilioimcUe des formes du verbe, telle paraît incontestable. Ce genre de noms
qu'on la trouxedans les grammaires de se retrouve ailleurs dans l'Africpie du
l'arabe classique. Do ces formes, en effet, Nord. M. W. Mar(;ais en signale dans
les unes ne sont plus productives : elles le Dialecte arabe des Ultul Brâhinx de
ne subsistent que çà et là. partie in- Saïda {p. laa), dans le Dialecte arabe
dissoluble d'un mot (pii n'est plus parlé à Tlemcen (p. 96), et en affirme
senti comme im dérivé, et fait figure l'existence dans tous les dialectes algé-
de terme simple. Quant au\ autres, riens. M. F. (luay, dans les Archives
celles qui sont vivantes, M. Hrunot Berbh-es de 1918, vol. III, pp. 3i-5i,
procède à un regroupement, et, dédai- les a étudiés à Salé. La question qui se
gnant des numéros d'ordre qui ne pose est de savoir si l'on est en présence
répondent plus à rien, les nomme d'un mode de formation vivant en arabe
d'après leur emploi : forme factitive, dialectal. Il semble, jusqu'à jilus ample
passive, réciproque, d'état. Son mérite informé, qu'il s'agisse de mots arabes
est d'avoir compris que si la distance passés en berbère, berbérisés, puis reve-
est moins grande entre l'arabe dialec- nus en arabe en gardant leur forme nou-
tal et l'arabe classique qu'entre l'une velle. L'observation montre, en effet,
quelconque des langues romanes et le que si le vocabulaire, la syntaxe, s'em-
un
latin, dialecte arabe actuel n'en est pruntent aisément, que si la phonétique
pas moins une langue neuve : il ne d'une langue se modifie dans la bouche
suffit pas de l'étudier historiquement. de peuples nouveaux, la morphologie ne
BIBLIOGRAPHIE 351
s'emprunte pas ; les éléments morpho- ôtre perdus de vue : et c'est pourquoi
lofïiquos peuvent passer à la suite d'un Yallah. destiné surtout à des débutants,
mot, mais ils ne quittent jamais le mot mais œuvre d'un linguiste averti, peut-
qui les a transmis, et mcme dans ces être utile même à ceux qui savent déjà
conditions, ont peine à se maintonir. l'arabe.
sant pour donner une idée des choses unes des autres et se caractérisent sur-
dénommées, mais une étude complète, tout par l'origine de leurs emprunts.
un cadre dans lequel les vocables M. Colin, p. 45, constate que le
prennent tout leur sens. Comme com- lexicpie de la batellerie nîlotique est
plément indispensable, un index alpha très pauvre en souvenirs égyptiens ou
bétique des mots arabes et copies rele mêmes coptes ; ce lexique est surtout
vés permet de retrou\er sans peine les arabe, mais « comme les Arabes (ceux
vocables étudiés. Kn addenda, le cha- de la con(pièle), (pii n'ont jamais été
pitre nautique du Mostafref csl traduit de grands mariniers, ne disposaient
et annoté, et un couplet libertin d'une pas diin vocabulaire tcchni(pie les vo-
chanson des nautoniers est relevé à cables employés sont le plus souvent
cause des termes techniques qu il ren- des noms d'usage courant détournés de
ferme. L'étude sémantique des vocables leur sens propre et appliqués à des
n est approfondie (|uc pour ceux dont [)arties de la barque » (p. /i5). .l'avais
l'origine étrangère est à démontrer ou été amené à faire une remarque iden-
pour ceux qui, arabes, demandent un tique en étudiant le lexique maritime
conimeniaire philologique. Celte élude de Rabat-Salé (p. v).
la dynastie sa'dienne, que celles d'Es- on s'était établi en i5o6 de l'autre côté
pagne et de Portugal : la situation du cap des Trois Fourches, à Ghassasa,
géographique de ces deux États, les éta- aujourd'hui décidément identifié; mais
blissements qu'ils possédaient encore dès i533, les Maures s'y étaient réins-
sur la terre d'Afrique, les expéditions tallés. La vie, à l'intérieur, était
qu'ils entreprirent parfois, les longues fort difficile. Une organisation défec-
négociations qu'ils poursuivirent, nous tueuse : les chefs, aux pouvoirs mal
autorisent à attendre beaucoup de la définis, se querellaient; les soldats, peu
publication de ces archives. Le premier nombreux, étaient mal payés et mal
volume Espagne, qui vient de paraître, ravitaillés ; on marchandait jusqu'aux
ne nous déçoit pas. Les documents armes lés plus indispensables. D'ailleurs
qu'il contient datent de i53i à la fin une garnison peu recommandable; des
de i55o; mais ils sont nombreux sur- aventuriers ou des repris de justice;
tout dans les toutes dernières années l'Espagne, qui mit plus tard ses bagnes
de cette période. Cela a son prix; c'est dans les présides, y envoyait déjà une
un moment décisif dans l'histoire du population douteuse; les prêtres même
Maroc : celui où les Chorfa achèvent de y menaient trop souvent une vie scan-
renverser les Wattûsides, concentrent daleuse. De Melilla, mal située, mal
entre leurs mains toutes les forces de défendue, mal peuplée, l'Espagne ne
l'empire, et, pour la première fois, se sut tirer qu'un bien mince profit.
heurtent aux Turcs d'Algérie, prélude Cependant, la place, en ces années trou-
de trois siècles de lutte. blées, ne fut pas sans jouer quelque
Ces événements ne pouvaient laisser rôle. De là, on pouvait observer et
l'Espagne indifférente. Sans même négocier; et l'on vit arriver tour à tour
qu'elle y prît part directement, leurs en fugitifs, Bâ Hassoûn le Wattâside,
contre-coups devaient se faire sentir et Moulay el-Ahmar le roi de Debdou.
nécessairement sur ses places de la côte Au demeurant des hôtes que l'on dési-
africaine. Elle était installée à Melilla rait peu, car si réduite que fût leur
depuis septembre 1497 ; sur ce qu'était suite, l.eur entretien était une lourde
cette installation, le présent volume charge. Quelle misère !
de la Péninsule, poui- l'Kspaf^ne surtout seils. Peut-être fit-il aussi bien; il serait
où les Moriscos restaient prêts à se sou- vain d'en discuter. Mais il est inté-
lever. Mais le Chérif était gêné. Quell(> ressant d'observer que les grandes
que fût l'origine de sa puissance, il querelles du milieu du xvi* siècle, les
que Ion voit toujours s'alVronler en réglèrent entre les seuls Africains. L'Eu-
d'analogues circonstances : les intran- rope, qui le pouvait, n'y joua aucun
sigeants et les marchands. Les premiers, rôle : elle eut par moments, des velléi-
soutenus par tout le clergé, aflirmaient tés d'action, mais s'en tint là.
que l'on ne devait, sous aucun prétexte, Cependant, tout en restant sur une
entrer en relations avec l'ennemi le plus prudente réserve, l'Espagne suivait de
acharne de la Chrétienté ; les autres très près les événements; et les nom-
représentaienlquece serait folie d'aban- breux rapports de ses agents apportent
donner bénévolement aux commerçants des précisions sur bien des demeu-
faits
des nations rivales tant de fructueuses rés jusqu'ici fort obscurs, notamment
affaires, sans aucun profit, puisqu'aussi sur le rôle du dernier WatlAside, Bâ
bien le Chérif finirait toujours par être Ilassoûn, en i549 et i55o. Celui-ci, plus
ravitaillé. Le gouvernement, qui con- heureux que son neveu le sultan Aboû '1-
naissait officiellement les doléances des 'Abbàs Ahmed, avait pu s'échapper de
marchands, maintenait l'interdiction Fès au moment de la prise de cette
de commercer avec le Chérif. Mais sauf ville par le Chérif, en lô^g. L'événe-
en ces questions économiques, son ment avait eu une grande répercussion :
d'effectif. Ce n'est pas que l'Espagne attaque immédiate contre leurs places
ne fût sollicitée d'intervenir militaire- africaines, et même, on prit des pré-
ment; bien des gens l'y poussaient au cautions à Gibraltar et à Cadix (doc.
contraire: des illuminés et des hommes XLVIII); car on redoutait une entente
de sens rassis ; des diplomates et des entre le Chérif victorieux et les Turcs
capitaines; des religieux chrétiens et qui pouvaient lui fournir une marine .
des princes maures. Le plan qu'ils pro- Bientôt on craignît aussi pour Oran,
posaient était simple, celui-là même lorsqu'on commença à connaître les
que dom Sébastien devait reprendre préparatifs que le Chérif faisait contre
BIBLIOGRAPHIE 355
Tlemcen. L'on attendait un coup, sans Quint lui-même, qu'il alla supplier jus-
mais il aurait fallu que l'Espagne cet échec causait à Oran quelque émo-
fournît mille lances pour défendre la tion. On était alors, en effet, en trêve
place, et Bâ Hassoûn ne réussit pas à les avec les Turcs ; mais on avait tout à
où ils étaient installés, ils alVaniaient laissé à ses propres forces — et dès l'aii-
tous cas, il ne parvint même pas à documents qui nous viennent d'Europe
prendre Ta/.a, revint chercher sa famille sont donc doublement précieux,
en mai, ne cacha plus son entente avec II(Miri Basset.
les Turcs, — il est vrai ({u'ctn l'avait
(1)
LES PORTES DE L'ARSENAL DE SALE
masse puissante ne fait qu'un léger ressaut sur le front des 'mu-
railles : c'est un vaste ouvrage peu élevé mais très épais. Bâb el-
(i) Bibliographie. — L. Brunot, La mer dans les traditions et les industries indigènes de
Rabat-Salé, Paris, Leroux, 1921, p. i/Jg-iôo. Henri Basset et E. Lévi-Provençal, Chella :
une nécropole mérinide, (Hespéris, 1922). Villes et tribus du Maroc : Rabat et sa région
BE3PERIS. — T. II — 1922. 21
m H TERRASSÉ
5 milcCJ
f.AeCL "LAfLL
Kegreg. Bâb el-Mrîsa n'a pas été exempte de ses atteintes : auliefois
elle devait avoir plus fière allure car le sol actuel ne laisse voir qu'une
faible partie des piédroits et nous n'avons plus à contempler qu'un
monument à demi enfoui. Ainsi l'ampleur de cette porte, l'étrangeté
de son aspect s'expliquent sans peine si l'on en croit les traditions
locales : nous avons affaire à une porte marine.
Mais quelle est la date de ce monument unique au Maroc ? Ici la
tradition est moins précise; à Bâb el-Mrîsa on a attaché le souvenir
des fameux pirates de Salé qui restent plus grands dans la légende
l<9
Terrassf, Pl. I
•S.
LES PORTES DE L'ARSENAL DE SALÉ 359
que dans l'histoire. Le port intérieuT de Salé aurait été leur point
de départ et leur refuge et les laros immenses de ses portes auraient
encadré jadis la silhouette des vaisseaux corsaires.
Qu'y a-t-il de vrai dans cette curieuse histoire ? Soanmes-nous en
présence d'une porte marine ? Quelle est sa date ?Dans quel but fut-
elle cons truite et quelles furent ses destinées ? Répondre à ces ques-
tions serait résoudre un petit problème historique et surtout assi-
gner une date à une de ces belles portes marocaines qui, pour la plu-
été dès l'origine une porte terrestre. Un arc qui a près de 9 mètres
d'ouverture et dont le sommet se trouve encore aujourd'hui à 9°*, 60
du sol, ne fait qu'ouvrir une large brèche dans une muraille fortifiée.
L'étude du plan est plus significative encore : presque toutes les por-
9 mètres d'épaisseur et son entrée est droite (fig. 2). Les deux tours
qui l'encadrent ont une faible valeur de flanqueiment : elles pronon-
360 H. TERRASSE
cent sur lie unir iino saillie do •<"',io; à la qasba des Oudaîa, il est vrai,
les deux tonreilt's liilcialc^ oui inie saillie |)liis faible encore : mais il
s'agit (l'une [vorle tle qasha hàtie à l'intérieur d'une ville et protégée
par une pixîniière enceinte. De plus, perchée sur une crête, cette
porte occui>ait une forte position où il éliait inutile d'accumuler des
Fig. 3. — Bâb el-Mripa : en haut, plan à hauteur de l'escalier ; en bas, plan des chambres de défense.
escalier ne peut avoir aucune ouverture sur le mur de façade des tours
dont elle est séparée par toute leur saillie externe. Mais plus haut, à
o°',5o environ au-dessus du sommet de l'arc s'ouvrent sur l'escalier
de petites chambres voùtres en calottes sur pendcmtifs (fi^. 3). Trois
meurtrières ouvrent dans ces salles : l'une (A) permet de battre le
mur d'enceinte au cas où l'ennemi senait parvenu à l'occuper une :
tours qui contrebutaient cette voûte ont cédé à une poussée presque
horizontale. Cette faute mise à part, l'architecte qui conçut cette
porte marine a fait une œuvre logique : parti de la porte terrestre il
hauteur do sou laleut. Dos doux; portes, iiuo soiil(\ Bàl) el-Mrîsa, porte
rieure des porter se faire de plus en plus sobre : mais j aimais elle
on a terminé à peu de
n'atteint cette pauvreté. Ici, de toute évidence,
fraisune œuvre commencée avec luxe. Les mômes préoccupations
de sévère économie ont réglé l'emploi des divers appareils dans la
maçonnerie de la porte. Toute la façade extérieure est en pierre de
taille, un calcaire coquillier assez médiocre. La taille de ces pierres
de moyen appareil est soignée; parfois on observe une tendance à
des murs est faite de moellons dégrossis et couverts d'un enduit; sui-
vant un usage déjà cher au xii^ siècle, cet enduit est décoré par en-
(Iroils (le dessins en léger relief qui imitent l'appareil de pierre de
laillc. Sur la face intérieure des murs, on en vient à employer du
moellon brut. Les escaliers des tours et les voûtes des chambres de
défense étaient bâtis en briques noyées dans du mortier.
La deuxième porte aujourd'hui ruinée ne possède plus que son
mur de façade entre deux tours réduites à leur saillie externe (fig. 5).
Elle avait été conçue aussi largement que la première : entre les deux
tours, elle a la môme largeur (12™, 68). Mais, de cette deuxième porte,
toute décoration est absente. Un fait nous montre qu'on avait bien
renoncé à toute parure : le bandeau qui encadre l'arc est moins large
qu'à la porte sud; vide de tout décor, sa large surface morne eût trop
accusé la pauvreté de l'ensemble. De ce fait, l'arc devait avoir une
ouverture un peu plus grande que Bâb el-Mrîsa. L'appareil de cette
porte décèle aussi que les projets primitifs ne furent pas réalisés. La
pierre de taille est fort belle et de grande dimension. Au-desisus de
la porte elle-même, entre les tours, des lits de pierres de taille très
épais alternent avec des lits plus minces; ce rythme, qui est ici très
Terrasse, Pl. II
les; mais l'étroitesse du cadre fait mieux sentir les vastes dimensions
vahir les tours : les sobres bandeaux à entrelacs de Bâb el-Mrîsa an-
noncent le riche décor des tours de Chella.
Mais, rnieux que sa composition générale, c'est son décor floral
qui permet de dater Bâb el-Mrîsa et qui fait de cette porte un chef-
d'œuvre. A Bâb Agnâou et à la porte de la qasba des Oudaïa, le dé-
cor floral se construit sur un rinceau simple dessiné par une tige
épaisse et comme gonflée de sève; à Bâb el-Mrîsa (flg. G), la tige s'amincit
306 ïî. TERRASSE
les variations. Cette richesse fut éphémère : des le xiv' siècle, les
foiimes des feuilles se réduisent à quelques types. Cette pauvreté
était inévitable; l'art de cette époque aime moins la ligne que la cou-
leur : il crée de délicates symphonies d'ombre, de grisailles et de lu-
mière, mais on ne reverra plus ces beaux poèmes de lignes fermes
et souples. Jamais non plus on ne verra décor mieux adapté à la sur-
face qu'il couvre : le mouvement des larges feuililes qui se déroulent
presque horizontalement accompagne et souligne le mouvement des
éooinçons. Au xni^ siècle comme au xif l'architecture et la décora-
tion ne se séparent pas.
Ainsi à Bab el-Mrîsa, nous voyons le décor hésiter avant de s'ea-
gager dans la voie qu'il suivra désormais et montrer, avec sa force.
LES PORTES DE L'ARSENAL DE SALÉ 367
jardins arrosés par des cours d'eaux : dans les habitations charman-
tes des j€irdins d'Eden, c'est un bonheur immense!
(( Il vous accordera encore d'autres biens que vous désirez : l'as-
(i) Un cartouche situé sur le côté W. de Bàb cl-Mrîsa contient la profession de foi
islamique en caractères cursifs.
(2) J'adresse les plus vifs remerciements à M. Lévi-Provençal qui a bien voulu lire les
inscriptions de Bâb el-Mrîsa, à MM. Henri Basset et L. Brunot qui m'ont signalé l'inté-
rêt du sujet et aidé de leurs conseils et à M. J. Ilainaut qui a levé et exécuté, avec le plan
des deux portes, tous les dessins qui illustrent cet article.
368 H. TERRASSE
<( Le sultan donna ensuite l'ordre, nous dit Ibn Khaldoûn, de fer-
sur ces travaux de fortification : k C'est alors que l'émir fit bâtir les
murailles et les fortifications qui donnent sur la rivière et qui n'exis-
taient pas à cette époque où les chrétiens entrèrent justement par ce
côté ouvert ». Suivant le même historien, Aboû loûsof bâtit ces for-
tifications depuis l'arsenal jusqu'à la aner. Ces textes pourraient suf-
fire : les murailles qui bordent l'ouod n'existaient pas avant Aboû
loûsof laqoûb; on peut penser à bon droit que 'les portes dont nous
parlons faisaient partie de tout cet ensemble de fortifications. Elles
auraient donc été construites dans îles années qui suivirent 658/ 1260.
Toutes ces constructions furent sans doute achevées avant 678/1274 :
à cette date Aboû loûsof vint à Salé pour préparer la guerre sainte;
là, nous dit Ibn Khaldoûn, il fit restaurer les fortifications de la ville.
Cette fois il n'est plus question de construction mais de restauration.
Des textes tirés d'historiens marocains contemporains compté-
LES PORTES DE L'ARSENAL DE SALÉ 369
tent c€s données. Ahmed ben Khaled en-Nâçiri (i) nous apprend que
Je sulan mérinide Aboû loûsof la'qoub construisit le Dâr eç-çanâa
(l'arsenal) de Salé après avoir expulsé les Espagnols qui avaient oc-
cupé la ville. Cet arsenal servait à conslruire des navires pour la
guerre sainte; les vaisseaux étaient amenés dans l'oued par un canal.
Les meurtrières de Bâb el-Mrisâ marquent encore la direction
med ben Ali ben Abdallah ben Mohammed ben El-Hadj el-Ischbîli,
et ajoute que le bois nécessaire à la oonstructioTi ides vaisseaux était
fourni par la forêt de la Mamora. Le fqîh Ibn Ali ed-Dokkâli es-
ribâth d'où les Almohades étaient partis pour la guerre sainte était
el-Istiqçâ dit que le sultan Moulay Sliman « fit quitter aux juifs le
quartier de Bàb Hosein au centre de la ville (de Salé) pour leur éle-
ver un quartier spécial à l'ouest de la ville ». L'ensablement du port
était donc achevé depuis longtemps lorsque, à la fin du xvni' siècle,
on put bâtir, sur les sables de la dune, un quartier nouveau à l'abri
(i) Rawd el-qirtâs : trad. Beaumier, p. 5i5 et 54 1 ; Ibn Khaldooin, Histoire des Ber-
bères, trad. De Slane, t. IV, p. Brunot, op. cit., p. i5o.
loi et io4 ; L.
(2) Les Villes et tribus du Maroc (Rabat et sa région) signalent sans indiquer leur
source, une restauration de l'arsenal de Salé par le saâdien Abd el-Malek. Il s'agit sans
doute de la réfection de la voûte dont il a été question plus haut.
(3) I/. Brunot, op. cit., p. i5a et p. 19s.
LES PORTES DE L'ARSENAL DE SALÉ 3^1
forme nouvelle de la guerre sainte, en fait elle ne fut pas autre chase
qu'une œuvre de banditisme international.
Mais ces portes de l'arsenal de Salé, oommencées avec tant d'am-
pleur et de luxe, achevées en hâte et pauvrement, ne sont-elles pas
le meilleur symbole de la guerre sainte que firent les Mérinides? De
belles proclamations, des appels enflammés annoncent leurs expédi-
tions; parfois des troupes se rassemblent et passent en Espagne. Mais
bien rares sont les batailles rangées et les opérations de quelque en-
vergure : le plus souvent la ca)m pagne se ralentit vite et, peu à peu,
on glisse à la guerre de razzias et de pillage. Partout une magnifique
façade, un beau départ; mais aussi une œuvre qui s'achève avec peine
et souvent sans beauté.
Mars 1922
Henri Terrasse.
SUR LA PRÉSENCE DE FORMES GLACIAIRES
DANS LE HAUT-ATLAS DE MARRAKECH
lui de dix>ile au iNord, celui de gauche au Sud. Si les [jlacpres ck; neige
semblent parlicuiièrenient nuimbreuses sur les liaules [jcnlcs oiieii-
tées vers le xSonl, elles existent aussi à toutes les expositioins : celle
de l'Ouest est inlluencée sans doute par l'abonidance plus grande des
'
glaciaire tels qu'ils ont été analysés par M. de Mar tonne : le profil
Par rapport aux autres cirques que nous avons vus de plus loin
et observés à la jumelle, ce cirque présente cette particularité de n'ê-
tre pas une simple niche, mais d'avoir une certaine longueur, comme
s'il voulait se continuer par une vallée glaciaire. Il est donc un des
plus remarquables, quoi qu'on pourrait trouver tel ou tel détail plus
iHoino d'cssme sur sa lace orieiiléo à l'Est, un cirque vcrilable qui est
CQUinic limilé t>n axai par un \('ii\'v rolèvomcnl <ln ïam\ a|)iès l('qn<»l
Vh (Cirque de Taclulirt.
le fooid est coJimaté par les apports plins fins, le ciirque glaciaire évo-
lue vers le cirque torrentiel. Signalons à oe point de vue l'originalité
d'un cirque situé sur lia face no'rd -ouest idii Djebel Likounit. 11 semble
à demi remblayé par une masse considérable d'éboidis dans laquelle
s'est creusé un ciirque torrentiel; celui-ci est donc comme emboîté
versant nord.
lures est (Ininiiu'o, surloiil sur la v'wo candie, par imo lorrassc iinipo-
sanle eo-ni posée 'dans loiile som épaisi&eiir (ralliivions j)liis ou moins
grossières ol ilo blocs assez Aoiliuiuineiix (li<>. l\). Sur la live droilc,
C'est par cette vallée où il nous semble bien retrouver des for-
vaillée barrée par une sorte de puissante digue naturelle (fîg. 4). Vu
de près, ce barrage laisse une impression inoubliable. C'est un chaos
prodigieux de terre, de pierraiiUes et surtout de gros rochers : quel-
ques-uns de ces blocs atteignent /j à 5 mètres de hauteur. La largeiir
du barrage diminue assez régulièrement de la base au soniniet où
elle atteint encore près de loo mètres. La hauteur relative au-dessus
du thalweg est de 200 mètres environ vers l'aval; elle se réduit pres-
tude un petit lac, le lac d'Ifni. Il serait sans doute intéressaniL de com-
parer sa formation avec celle du Jac d'Arround.
Il esil donc certain que le Reraia a été barré jadis à
villanfc deTaDurirl. nom l>orl)oro oxpressif (lii>\ 5). C'(>sl l'ôiosion lor-
dans une véritable vallée qui incline sa pente vers le Reraia et qui
se rétrécit vers l'amont. Au sommet la pente est très irrégulière, elle
se morcelle pour ainsi dire en paliers reliés par de véritables casca-
des de rochers, des « séracs », pourrait-on presque dire.
d) L'érosion actuelle poursuit son œuvre dans cet ensemble pé-
trifié. Elle a concentré son action de chaque côté de la masse rocheuse,
384 T. (:i<,I,FlUKn Kl A. CIIAUTON
t'll(' la isoIiM" (l»\>< \'(M"sanls (\c la \ allée en crciisaiil deux ra\ ins paiiail
loth^s (]iii alxnilissiMil. l'un dans j'aivrirn lac d'AiToinul, raiilic aii-dcs-
(iONCLUSlON
versant Sud.
Juillet 1922
.1. CÉLERIER et A. CUARTON.
GHELLA
UNE NÉCROPOLE MÉRINIDE
(Suite et fin.)
TV
LÉGENDES ET CULTES
d'Ys. Le> liabilanLs de la eilé ruinée élaieul fort j'iches; l'excès niôine
de leur l'orluut' les |H>ussa à l'impiété, jiisipi'au jour où Dieu, irrité
céréales qu'ils n'en faisaient plus nul oas; ils allaient jusqu'à faire
leurs besoinis dessus. C'était une grande impiété, (it Dieu les e;n punit
terribleoîient. Il les transforma en pierres : aujourd'hui encoTe il est
aisé de reconnaître sur chaque pierre de Chella — tous ces petits cail-
gieux poiu^ tout ce qui se fait avec la farine, et surtout pour le pain.
On se le jeter, et dans les villiles mêmes, on ramasse avec
garde de
soin le morceau qui peut traîner dans la l'ue ce serait coTnane un :
sacrilège de le laisser fouler aux pieds par les passants (2). On coim-
prend donc qu'un châtiment aussi rigoureux paraisse naturel. Mais
(i) Cf. Henri Basset, Le culle des grottes au Maroc, Alger, 1920, pp. 35-37.
(^2; Cf. notemmcnt \V. Marçais, Textes arabes de Tanger, Paris, 1912, p. 127 et note i.
LÉGENDES SUR LA DESTRUCTION DE LA VILLE 387
sultan eut beau insister, il n'en put rien tirer de plus. Il eut alors re-
cours à la ruse. Il ordonna de mettre l'alchimiste en prison : ce qui
(i) Jaussen cl Savignac, Mission archéologique en Arabie, Paris, 1914-18, t. II, p. 116.
(2) Un hakirn, dit l'informateur, mot qui, dans l'espèce, implique l'idée du pouvoir
magique ou liikma. Sur cette acception, cf. Enc. Jsl., II. p. 3'i'i, s. v*.
388 CllELLA
la faim (i). Au boul dt> qiic>lque temps, il lui dit : <( Mon frère, je \iiv
dirai les miennes, à mon tour. — Voici, dit l'autre : je suis alchi-
l'autre lui enseigna son art, sans se douter qu'il l'enseignait au sul-
tan. Celui-ci fabriqua de sa main deux ou trois lingots, et sûr de bien
dit ceci, tu m'as dit cela... » L'alchimiste s'aperçut qu'il avait ré-
vélé son secret au sultan, et s'en alla fort dépité. Mais il tenait sa
(j) Il esl d'usage que les repas des prisonniers leur soient apportés par leur familli»
ou leurs amis.
LEGENDES SUR LA DESTRUCTION DE LA VILLE 389
ginaire, quoique, à notre connaiissance, elle n'y ait pas encore été
relevée. Mais, bien que l'informateur qui nous Ta contée telle qu'on
vient de la lire soit un demi-lettré (i), elle est aujourd'hui extrême-
ment populaire à Rabat. 11 en existe d'autres versions, à peine diffé-
rentes (2). Quelle que soit son origine, cette légende s'est solideiment
implantée à Chella; et ce qui le prouve bien, c'est la suite même
qu'elle compoi-te. Mais nous laissons ici la parole à l'informateur :
.sur le sol et les jours passant, la terre grandit sur le tout (3). Or, autre-
fois un porteur d'eau allait souvent à Chella, pour y travailler. De
temps en temps, il revenait chez les gens de son pays (4). Au retour
d'un de ces voyages, il trouva la ville vide; elle tombait en ruines.
Il s'en alla répétant :
msâu-nds,
û^oii-nds,
m^d'r-nml-ût^ds
mà-bqâu-nds.
(1) Si Mohammed ben Dâoùd, copiste à l'Institut des Hautes-Études marocaines, qul
la tient de sa mère.
(2) Cf. L. Brunot, La mer dans les traditions et les industries indigènes à Rabat et
Salé, Paris, 1921, p. 3i8-3i0.
(3) Croyance courante dans l'Afrique du Nord, d'après laquelle la terre croît comme
les végétaux; et l'on y voit une confirmation dans la façon dont les ruines se recouvrent
de terre. Un miracle fréqnemincnt accompli par les saints après leur mort, est
d'empêcher la terre de « pousser » sur leur tombeau. Ce qui s'explique le plus aisément
du monde par le fait qu'on débarrasse soigneusement ces tombeaux des détritus qui s'ac-
cumulent à côté.
eux,
l>art n'y a personne! — Racinde-iUioi pounjuoi. — Tu
il veux? le
ils servaient leurs invités danis iccs assiettes et sur oos tables que tu
vois. Quand le repas était terminé, les porteurs d'eau commeinçaient
à leur donner à boire et prenaient ces objets. Je suis l'un de ces
porteurs d'eau. Ma part, je la cache dans cette grotte. Et voilà pour-
quoi je chaiille la louange de ces gens. » Le sultan répondit : (( Ce
sont bien des gens sans pareil que tu loues. A part eux, il n'y a per-
sonne! »
(i) Dicton encore populaire à Fès, sous une forme à peine différente (cf. A. Bel,
Inscriptions arabes de Fès, p. 85) et qu'il est curieux de retrouver à Rabat, car il rappelle
la splendeur de la capitale au Moyen-Age.
(2) Proverbe : sâh- hain mâ-iât. Cf. E. Lévi-Provençal, Textes arabes de l'Ouargha,
Paris, 1922, pp. 118-H9, n° A5 et p. 164.
(3) Littéralement : le giron de la montagne. La montagne en question serait le Jabal
Sidi Boû-Mnîna, l'éperon aux trois qoubba qui s'élève à peu de distance au sud de Chella.
LES TRÉSOBS 391
2. — Les trésors.
un pays oii la hantise de l'argent caché sévit avec une telle intensité,
toute ruine, par le seul fait qu'elle est une ruine, est un champ de
trésors. Chella ne pouvait échapper à la loi conwnune : en outre, la
chambres funéraires; ils eurent bien des imitateurs, dont nous avons
chemin faisant noté des actes de vandalisme. On est sur qu'il y a de
l'or; on sait que d'auciuns en trouvent, et le récit de leurs découveiiies
des pèlerins l'y ont retrouvé. Ce n'est pas le seul exemple d'une telle
fortune. Il y avait dans la fontaine une dalle bleue sur laquelle depuis
longtemps les gens lavaient leur linge. Ils croyaient que c'était une
pierre — et c'était une dalle d'argent. Un matin, ils ne la trouvèrent
plus; mais l'un d'eux, en levant les yeux, vit une phrase écrite sur le
h^dr !)
(i) — Voilà donc pourquoi elle était bleue )), conclurent-
ils. De plus malins qu'eux l'avaient emportée pendant la nuit. Il
reste encore à Rabat des gens qui savent exactement oii se trouvait
(i) Phrase proverbiale à P.abal. Cf. Bruuot, op. cil., p. 819 : l'iiisloitc est sensiblement
la même; l'homme qui a enlevé le lingot est un Soùsî, ce qui est naturel, le Soùs étant la
terre classique des magiciens et des inventeurs de trésors. Le proverbe est rapporté sous une
forme légèrement différente.
392 GIIELLA
terre, le cours <le l'eau, et par\ lurent jiis([u'à une niaiison d'or oii
ment qu'il est im[)ossil)le d'arriver jus(pi'à celte maison; mais ils
n'en contestent pas l'existence: c'est la ileuieure des génies qui appa-
laissent, coimme nous le verrons, sous la forme d'anguilles et de
tortues.
Mais si ces trésors sont inaccessibles, d'autres ont été retirés de
Chella. L'on voit on certain point tie la khalwa doux trous de dimen-
sions correspondant à colles d'une caisse : il y on avait une autrefois,
en effet, que des gon« tlu Soùs ont rémssi à ompoirter. Dams un mur
est un autre trou, de lia grosseuir d' une (<i'i(ijîyfi [:>.) : encore un trésor
enlevé. On voit enfin la place dun autre, sous mie colonne.
11 en reste. Seulement, il n'est pas très facile de s'en emparer.
Car, ainsi qu'il arrive d'ordinaire, les génies veillent jailousemcnt sur
eux, et l'imprudent qui s'aventurerait à chercher un trésor sans être
versé dans cette magie spéciale risquerait fort d'y laisser la vie : bien
heureux seulement si ses reclierclios restaient vaines, ou s'il voyait
le trésor, à peine découvert, s'évanouir à ses yeux : c'est le moins
qui puisse lui arriver. On cite des chercheurs qui ont dispaini mys-
térieusement.
(i) Légende à base étymologique: 'am a/enna = la fontaine du Paradis (pour iaX^\ -.^c).
(2) Sorte de marmite ; à l'origine, la « tangéroise ». Sur ce mot et ses diverses accep-
tions au Maroc, cf. notamment L. Brunot, Noms de récipients à Rabat, Hespéris, I, p. i'.>.7.
LES TRÉSORS 393
(i) On trouvera des exemples de ces conjurations dans Doutté, Magie et religion
(4) Edw. Westermarck, The Beliejs in spirifs in Morocco, (Ada Academiae Aboensl';,
Humaniora 1), Abo, 1920, p. 107-108.
394 CIIELLA
les l)àk>ns, les lioles de /.'>///, los anneaux, les bonnets, les sandales
ofràee auxquels on peut parvenir à la /lihna. Le folk-lore mairômin
esl i(Mnj)li iriiisloires i\c lolba (jui oui découxci I (|ii(>l(|u'uu de ces
objets précieux (i), de niai,Mciens du Soùs qui ont tenté de is'en empa-
rer (2); d'ailleurs — et l'esprit berbère reprend ici ses droits — ils
(( Celui qui veut découvrir un trésor doit être très ver^sé dans la
jâwî blanc est celui dont se servent les autres gens. — Il a amené
guère d'amulette où ils ne se retrouvent. Cf. Doutté, Magie et Religion, pp. i5o-i52.
bouc à cet endroit même, afm que les génies boivent le sang, et
soient satisfaits. Puis il continue à faire des fumigations et à ré-
citer la '(ciinn, jusqu'au monieut où la terre s'entrouvre : le trésor
apparaît. Le zohrl descend dans le trou. 11 faut que ce soit lui, car
si le (magicien y descendait, la terre se refermerait sur lui. Et le :ohrî
demander ce qu'il veut. Sur l'anneau est écrit le nom d'un génie-
serviteur : s'il le met à son doigt et le tourne, ce génie apparaît et
fait de répéter pendant un nombre de fois indéterminé un des noms de Dieu {'azîma),
pratique fort usitée dans la magie nord-africaine. Les deux autres verbes constituent des
onomatopées qui représentent les formules cabalistiques prononcées par le magicien, comme
il en existe dans toutes les magies. Cf. Perdrizet, Negotium peraméulans in tenebris,
Strasbourg, igay, p. aS (parlant de la magie gréco-orientale) « La magie affectionnait pour :
— ou BepoEp —
» et les références citées. ;<>-*••"'' —
est passé dans le langage courant
avec le sens de « marmotter ». Quant à ^t-^^-^Jk, il est classique, comme son voisin
fy-*J'
396 ClIEUA
gens dans ce cas : on dit que ce sont les fils des génies qui ont été
mis dans le berceau des fils des liomnies (3) ». Voilà qui nous éclai-
re sur leur rôle : ce sont en réalité des génies; ils n'ont à peu près
rien à craindre de leurs congénères; ils peuvent descendre sous
terre pour recu(^illir le trésor, tandis que le magicien lui-même
n'oserait s'y risquer. La 'découverte des trésors exige l'union de la
science de l'un, et de l'impunité de l'autre.
(i) La nécessité d'un aide, dans ce cas, n'a aucun rapport avec le sacrifice humain
dont on accuse souvent, aujourd'hui encore, les chercheurs de trésors : la victime hu-
maine place du bouc du procédé ci-dossus. Une telle accusiation se retrouve
tient alors la
que dans l'Afrique du Nord. Ainsi, en Egypte, on sacrifierait un nègre aux gé-
;<illcurs
nies des trésors (Legrain, Louqsor sans les Pharaons, Paris-Bruxelles, iç)i4, P- 'o/|) les :
deux qualités de victime humaine et de victime noire, chères aux génies, se trouvent
réunies.
(2) La croyance à une telle substitution est en effet extrêmement répandue dans l'Afri-
que du Nord.
LES TUÉSORS 397
sior. Le qâ'ïd lui donna des mkhaznî et ee qu'il lui fallait. Magicien
et mkhaznî s'en allèrent à Chella, firent leurs ablutions, prièrent,
puis miangèrent. Lorqu'une partie de la nuit fut passée, le magicien
dit aux mkhaznî : (( Quoi que vous voyiez, gardez-vous bien de
rire ou d'avoir peur! — Sois sans crainte », répondirent-ils. Cela
dit, le magicien disposa devant lui un brasero, fit des fumigations
et se mit à parler à voix basse. Alors des génies — 'afrît — commencè-
rent à passer devant eux, sous forme de chevaux, de chameaux la
est question est Si 'Abd es-Salâm es-Sowîsî, qui fuit pacha de Rabat
au temps de Moulai el-Hasan ; et lui-même tient Thistoirc d'un nommé
el-Hâjj Jîlâlî ben Mohammed, Arabe du I.Iawz, mort malheureusement
depuis peu, et qui était l'un des héros de cette aventure.
L'autre histoire est moinis savoureuse. Elle est plus ooimpliquée
et plus banale à Conume presque tous les
la fois. récits de ce genre,
elle a pour héros un magicien du Soûs. Celui-ci vint un jour à
niLMue manière; jniis h' troisièm(\ puis tous les autres sucicossive-
ment jusqu'au dixième. R(>^tail le pèi'c, plus savant map^icicn. 11
(i) «JLjLai : sandale faite d'une simple semelle de cuir avec des cordons de palmier-nain.
LES GÉNIES 399
3. — Les génies.
ropéen qui nianifesla son is'ceplieisane eut, dit-cvn, les pieds et les
mains paralysés.
Un autre euroj)é(Mi, nous a-l-on raconté à plusieurs reprises, ne
se contenta pas de douter : <( 11 y a que'lqueis amnées, un chrétien
portant un sac, un lior.nue de ])eu, vint et se mit à saisir tortues et
anguilles. 11 y avait là des nuisulniians qui s'indignèrent et repré-
sentèrent à riiammc (pi'il conuirettait un sacrilèges : s'il persistait,
(i) Selon urio autre version, il tomba mort sitôt qu'il eût tué une tortue. On discut?
aussi sur sa nationalité. D'aiprès quelques-uns, il aurait été Français; mais la majorité voit
en lui un Espagnol.
ij:s (;]':més 40
l'anguille aux anneaux d'or; elle sauta aux pieds du tireur et déposa
devant lui ses anneaux. L'autre les rapporta à ses compagnons : ils
(2) Sur cette société de caractère sexni-religiexix, cf. notamment L. Mercier, in Arch.
Mar., t. VIII, p. 181-188.
402 CHELLA
détails du culte que l'on rend aux.anguililes et aux tortues, car, par
eux, nous pouvons nous faire une idée de ce que cette zoolàtrie,
quelle que soit son origine, représente aujourd'hui dans l'esprit des
indigènes nord-africains. On n'en saurait douter : tortues et anguilles
sacrées sont pour eux des génies, ils le disent expressément : la grosse
(i) Cf. notamment les faits recueillis par A. Cour, Le culle du serpent dans les
de l'une des chambres qui entouiient le bassin. Cette anguille éluit enceinte (sic). La
femme lui dit : « Quand les douleurs le prendront, envoie-moi clicrcher, je te d'îli-
vrerai. » La femme iientra cliez elle. Dans la nuit, on frappa à sa porte. Elle alla ouvrir
et se trouva en présence d'un homme qui lui dit : « Es-tu bien une telle ? — Oui. —
Viens alors délivrer la femme à qui tu as promis ton concours. — Qui .'' — L'anguille
qui est sortie de la chambre, dans la fontaine, et qui était enceinte. » La femme prépara
ex qu'il lui fallait. L'homme lui dit : « Ferme les yeux ! » Elle les ferma puis
;
« Ouvre :
li,« yeux 1 » Elle les ouvrit. Elle s'aperçut alors qu'elle était dans une maison où une
femme accouchait. Elle lui donna ses soins, puis reçut pour sa peine une grosse somme
d'argent et se retrouva chez elle de la même manière qu'elle en était partie. Elle raconta
son histoire à &os amies, qui s'en allèrent à leur tour à Chclla dons l'espoir d'une pareille
aventure. » — Sur les contes de ce genre, cf. René Basset, Contes berbères, Paris, 1887,
p. iG2-iG3.
LES GÉNIES 403
anguille est un génie métamorphosé, et les autres sont ses filles. Ces
génies ne sont môme pas forcés de conserver toujours cette forme
animale. '^Ç^l^
C'est le dilmanche surtout que les femmes vont leur faire leurs dé-
votions; d'autres prétendent qu'on y peut aller le dimanche, le mardi
et le jeudi, car ce sont jours de marché, et ces jours-dà, les génies
aussi vont au inarché comime les hommes ils sortent donc. De :
d'un malheur que l'on devine imemaçant ou qui s'est déjà produit.
D'aucunes font des fumigations d'encens au bord de la fontaine, aux
heures chaudes de la journée; c'est, en effet, un moment particuliè-
rement propice aux cultes démoniaques (i). Mais la pratique la plus
fréquente consiste à porter à manger aux tortues et aux anguilles :
on leur offre surtout des tripes coupées en morceaux que l'on jette
vante :
hada-hâr-n:(ël-a2l(mâ,
ûhnâ, nè^èlnâh à^lèkom !
« Reprends ton 'âr, toi que nous accusons de nous l'avoir donné !
(i) Les périodes de grande chaleur sont, tout comme la nuit, favorables à la sortie
des génies; ils sont alors particulièrement même temps plus aisé-
redoutables, mais en
ment accessibles. C'est ainsiquarante jours de canicule {es-samà'ïm du lo juillet
que les :
au 20 août du calendrier julien) son tenus généralement pour fort dangereux. Sur es-
samâ'ïm, cf. surtout Westermarck, Cérémonies and beliefs connected with.... the
solar year, Helsingfors, igiS, p. 102 sqq. Sur la valeur magique du dimanche, cf. notam-
ment J. Desparmet, Ethnographie traditionnelle de la Mettidja, inRevue Africaine, 1919,
p. 66 SKjq.
k
404 CUELLA
trer d'une façon plus claire qu(^ le mal vient d'un (( sort » (i) lancé
avec lesquels, nous l'avons vu, dans le cas présent s'identiiient les
aniniiaux ^sacrés. Pour écarter ce mal, qu'il s'agisse dune infinmibé
corporelle ou des atteintes d'une fortune adverse, le seul moyen est
de le i-eporter à ceux qui l'ont jeté, de les prier de vouloir bien le re-
est le culte rendu à la « source dos poules », ciiez les Gcttîwa, dans
la région de Domnàt, et à la source de Lalla Takerkoûzt, au sud de
Marrakech :gens ensorcelés y vont de
les même porter du pain ou
de la bouillie aux tortues sacrées (2).
mais il existe à Chella bien d'aultres génies encore. Leur forme, leurs
mœurs sont celles de tous leurs congénères : ils sont nombreux, sur-
tout dans la khalwa, qui est leur domaine propre. Là se trouve réuni
tout ce qui d'ordinaire les attire ou leur sert de demeure : l'eau, les
grands arbres, les ruines, les tombes, les trous pleins d'ombre; et
comment ne pas peupler de myriades de génies un endroit si propre
par son seul aspect à remplir les âmes simples d'une religieuse hor-
reur ?
Dans la khalwa môme, en un endroit pailiculièrement, an les
(1) Ce mot nous semble le meilleur dans le cas présent pour rendre l'arabe .It, terme
sur lequel cf. notamment E. Westermarck, 'L<^âr or the Transjerence oj Conditional Cur^
ses in Morocco, in Anthropological Essays presented to E. B. Tylor, Oxford, J907, p. 36 1 sqq. ;
BÏSPERl». — t. n.
il - 1021 27
rcncoulvQ à foison. Toiil contre^ la iiiosciiiiéu d .\Im)Ù 'l-l.lasaii, an
[)i(Ml de la iK'til(> pt>il(> (\'C la paroi siai-oiiesl, on voit coiumc un iar^^e
trou (iîg. 59), dernier vestige du passage, pailoul ailliMirs comblé par
les éhoulenienls et T'exhausseiuent des terreis, cpii uienait à la eliaiu-
«ikIjaC). \a\ penpli', (pii ignore le nom (rAboù "l-l.lasau et sciait bien
empêché de le lire sur «a pierre tondmle, ignore auissi les puérils ar-
guments grâce auxquels les historioms ofliciels du makhzen se sont
que ee prince clait le sidlan de la légende; de ces
efforcés de pix>u\er
deux personnages fabuleux, Moulai la'qoûb et le Sultan Noir, il fait
un souverain qui eomanandail an\ génies, un grand bâtisseur qui
aurait fondé pour sa Mlle Lalla Cliella une ville dont les écuries étaient
que la stèle di; (Ihams ed-iJohà devenait celle de Lalla (Ibclla. Mort
i! reste le roi des génies qu'il était de son vivant, selon la loi ordinaire.
Sans doute, encore une fois, ne s'agit-il pas d'une légende ori-
ginÊ^le; on connaît de nombreux tombeaux du Sultan Noir (2) et de
(1) 11 y a là un jeu do mots qui repose surjlc_scns propre de la racine arabe iaJ^ :
.< allacher », d'où « aUacher les bêles à l'écurie. De même, les gens de Salé prélcndenl
))
volonlicrs qu'à l'origine, l 'enceinte de Rabat était dislinéc à enfermer leurs bêle|s do
somme.
(2) Sur ce personnage et sa légende, cf. surtout Uené Basset, Psédromah et les Traras,
Paris, 1901, app. IV; A. Bel, Inscriptions arabes de Fès, p. 4i--i2 ; Henri Basset, Essai
sur la litté^^^tu^e çles Berbères, Alger, 1920, p. 252-55. L'un de nous se propose d'étudier
de plus près le cycle de Moulai la'qoûb et du Sultan Noir. — Ce personnage est (souvent
co qui, dit-on, symboliserait sa force et son impétuosité. 11 faut surtout voua idain)s
cette appellation une variante cuphémistique du terme akijal., « noir » on connaît les :
antiphrases qui désignent au Maroc les substances de couleur noire (charbon, goudron).
^ft fille. Mais elle s'est spilidciïieiit implantée à Chella, et depuis assez
l'pngleanps, pour que le culte du souveinain fabuleux y soit devenu
extrêmement populaire, et célébré comme nous le verrons.
chiffons noués : c'est l'un des rites ordinaires par lesquels les femmes
viennent se défaire de leurs maux auprès d'un sanctuaire. Le vendredi
surtout, elles sont nombreuses en ce lieu; elles descendent au bord
de la flaque d'eau et y lavent leur chevelme. Encore un rite typique
d'expulsion dn mal, lequel est essentiellement le fait des génies. Ceux-
ci s'accrochent volontiers aux longs cheveux des femmes; et c'est poui*
elles un constant sujet de crainte. Il est bien difficile de les chasser de
là; se coiffer sans précautions n'est pas sans danger. Venir laver ses
cheveux dans cette eau sacrée, c'est donc encore reporter les génies,
sion la même consonance et la même finale. On doit rapprocher cette substitution de celle*
non moins typique, d'el-arw'ar à el-asghar, à propos d Idrîs II.
(i) Cf. Henri Basset, Le culte des grottes, p. 76 et note i
i08 c\m.\.\
\\v IVrunl pas ik* dilIkulU' pour abandonner leur- in(]uiéUinl. asil(« (i).
qui eut lieu peu après l'arrivée des Fjançais. Queilque temps avant
la cérémonie, le cliéril' ivissembla une nuit quelques vieilles l'emnies
du quartier des Oudà'ia, de la ville pro[)rameni dite et des Toiiai-ga
— c'est-à-dire de toutes les parties de Rabat. Puis ils se mirent en
route, les femmes portant îles brùle-parfuims, de la résine et de l'en-
cens. Ils se rendirent au bord de la nier, à l'abattoir, puis à Ghella,
lieux entre tous liantes par les génies; ils y lirent des fuoiigations, en
prononçant cette formule :
" !lah-i:^iin-u^lèkom !
Soyez-nous propices,
El Dieu vous sera propice !
(ij On va aussi se laver les cheveux au bord «If la nier, auprès de Sidi Moùsà ed-Dok-
kâlî. L'idée est la même : la mer, elle aussi, est peuplée de génies. Les femmes affir-
ment en outre que cette pratique doit leur donner de beaux cheveux. Ces deux explications
oe a'excluent pas.
LES GÉNIES .
409
ffios qu'elles y laissent brûler : sur les braises du fourneau, elles met-
tent de l'eneens, dont l'o^lenr forle se répand et se mêle à celle des
el baisen'l Inut aiiloiir les orosses picnrcs éparses vi\ s'iurlinant pro-
foudéluicnt : loiil, dans ce lieu, est ciuptcint de sainteté. Enfin,
elles airiven'l au loud)eau. Les niaïques de respect redoublent. Elles
s'agenouillent Tune apivs Taulic, baisent pieusement le inarbre,
el à pliisieuis reprises, d'un geste; lent, passent le pan de
leur lia ïk sur la pierre. Puis, par terre, ou sur la stèle, elles
les mêmes gémi flexions, les mômes baisers, les mêanes petites lu-
qui a été préparée cette illumination. Dams l'ombre, sous les grands
arbres, parmi les vieux murs couverts de verdure, les débris épars de
marbre et -de mosiaïque, c'est, dans la kbalwa abandonnée aux génies,
un merveilleux spectacle : au ras du sol, dans les creux des murs, se
reflétant dans l'eau morte du bassin, une multitude de lumières clli-
wa, des chants arrivent, des chants étranges, des chants profanes
mêlés de psalmodies : autour de la fontaine aux anguilles sacrées, illu-
minée aussi de mille petites lumières, la vie s'est concentrée. Les hom-
mes, devant laqoubba de Sidi 'l-iMasnâwî, chanten<t les louanges du
Prophète; les femmes se rassemblent devant le mausolée de Sidi lahià,
Parmi tous les moûsaim qui se célèbrent à Chella, l'un tient une
plac€ à part (i) : car il se fait en l'honneur du Sultan Noir enterré
dans la khalwa, en tant qu'il est Moulaï la'qoûb. Celui-ci en ettet,
patron des porteurs d'eau {{jarvàbd). Ils célèbrent sa fêle chaque an-
née au printemps; elle se prépare une semaine à l'avance. Chaque
jour, pendant cette période, on voit un cortège pittoresque parcou-
rir lentement les rues de Rabat. En tête, montés sur des ânes, quel-
ques joueurs de 'ghnita s'éjTouTnonnent à tirer de leur rauque instru-
ment le plus de bruit possible. A quelques pas derrière eux, encadré
de porteurs d'eau tenant des étendards, s'avance, majestueux, un
taureau, le corps entouré d'une grande ceinture de femime, les cornes
enveloppées d'un foulard de tête. Derrière lui, quatre membres de
la corporation portent un drap largement ouvert, dans lequel on
invite les passants à déposer leur offrande : cette quête doit couvrir
les frais de la fête et, en particulier, l'achat du taureau.
Le huitième jour au matin, le cortège, dans le mêime ordre, part
pour Chella, pleine de monde. On y arrive vers dix heures. Tandis
que les joueurs do ghaïla roslont sur- Tosplariado, on dehors do la
khalwa, on fait entrer le taureau à l'intérieur de celle-ci et on l'égor-
ge juste entre le grand mur do la mosquée d'Aboû '1-Hasau et le
Le moûsàm dés porteurs d'caii ayant donné liou h quelques désordres, l'autorité l'a
1(1)
Bélqâsem, à côté de celle des Hamâdcha.
412 LES SAINTS
Li' plus vcucic' ili' CCS sainis ("si Sidi laliià. Il a la (joultha la plus
U'éré Ini aussi; r\ \\n\ accède à celles plalcroiunc pai' lui escailicr de
quelques maiclics. A l»ien des jouis de ranuée, une nurllitude de
l'einjnes se pre-^^eiil dans la qoiihha, sui la plale-rorine cl, l'escalier,
car ce sont les j'eunues siuloiil «pii oui recours à Sidi laliià. La
i^rande poric de renccinle s'a[)j)elle eonraiminenl liai) Sidi iali.ià : ce
(]ui monli'c rinipoilaiicc du eiille de vo. sainl. Une fois pai- an, nu
nioùsaini se cclèlu-e (mi son honneur. Il cul lien, eu i():>.o, au mois
de mars; mais les uardieus des vei-<T(V|s prolcslcreul conlic le ( lioix
Cl) C'i'sl ;iin*i qu'on \nit (liin"^ <o porsonnnpc un irhro <1u siiltan almnhndc Aboù loûsof
la'qoûb, I;ilii;i ; ou ciicort' Ahoù lî.ikr 1). laliii'i Il)ri Mas'ond, nô cti (j'>'>/ iar>.^, inorl en
727/ri>7, qui lui (|'iji (le Grcnad"' <-l luourui, à .Sah'-, au Lérnoi'^na'^c (riha el-Khatîb Lisàn
ed-dîn, llii'iln, U- Mairo, Hk), t. I, pp. •}.i'\ ot 3r>'i, ot d'Ibn cl-Qàdî, J)orrat. el-liijâl 'q. v. '.
L'opinion d'un écrivain marocain du xvii' si(>cle, Aboù 'Ali el-Hasan cl-Ioûsî [el-Mohâda-
rât, Fès,
il 17, p. I7), est formelle « lahiâ b. Toùnos, vénéré à Cholla et très popu-
:
laire, mais sur lequel on n'a aucun reIl^eig^lem(•nt ». Il est inlére?isant en nriêmc temps
de noter que le culte rendu à Chclla à r<> saint date de plusieurs siècles. Le sanctuaire
aurait été restauré sous le règne <Iu sultan Moulai 'Abd er-Rahmàn. Cf. la longue —
controverse sur ridentification du personnage dans Aboù landAr, op. cit., p. 67 sqq., et
la réponse de 'Abd el-Hafî/ el-Fâsî {el-Intisàr bi 'l-ii'âhid el-qahhâr..., Casablanca, i34i). —
Dans la (joubba de Sidi lahiâ est enterré un savant de Fès, de la graiule famille des
Fâsîyîn, 'Abd el-Kabîr b. el-Majdhoûb el-Fâsî, mort en i29C/i8r7-y, sur lequel cf. E. Lévi-
Provençal, Les Historiens des Chorfa, p. 346.
CÏÏKLLA 4i;
414 CliELlA
avant Mi^haïunuMl (i) ^*. i'-c sa'ml, (IrriNr (l(^ saiiil .Icaii-Hiii^lislo, (^st
tloMMUi, j)ar iin(> Noic [o\\\c noiiinalr. un (l(>s priiicipiuix inailr(>s im-
posés par rislàm aii\ ^('iiirs di^s (Mii\, un sainl s|M''("ili(iii(' ''''^ s()iirc(\s,
près d'Oujda; mais aux wu irons anènios (1(> llahal, s(> IroiiNc ihk^
Sidi '
Vnn' cl-MasnàwL <1onl la (](vid)l)a s'ôItm' à l'cxlivniilr de
res]>lanatle, de lauli-e vCAv (\\\ lt;\>^<iii, (sl en |KVSse de devenir un
fri*and saint Ineal ri' Nous avons \\\ ijuil s'ijnniiseï^ \olo'ntiers dans
les avcnluics de elicii luMir^ de lrrsor>^; d'autre ])arl c'est uii des |)rin-
cipaiix j>alr(ins des ////'' de Habal. Selon les leliivs, il aui-ait cl^é nn
savaid v\ la nxnindilni-i de son loini)cau aftiitim^ (pi'il riait (dicrif idrî-
donc. ]\îaiis la lé«>ende i«rnorc C(\s qualiliés; elle rapporte par oonlre
quelques Irails qui nronlrent la puissance de sa haiaka.
Ce saint, raconle-t-on, habitait Cbella. Son sanctuaire actue] était
sa maison; il y est, enterré, ainsi que sa foniinc, son Hls et son fière.
au sainl. Sidi "l-AIasuàwî eid pitié d'elle; il lui alla dia un mor'ceau
de ficelle auloui' de l'aile, cl le imari-cigogn'e, voyaid, qu'elle; poilail
(i) On le met aussi quelqiiofois en rapport avec Sidi boû Sedra de Salé, qui, suivant
le dicton, « adorait Allah sur un seul pied ».
(2) Si l'on en croit les textes des rescrits de protection accordés par certains sultans à
ses descendants — l'un porterait la date de 1082/1671-72, — ce saint descendrait de 'Abd
çl-Malik el-Watlàsi, patron d'Adakhsân (?) Cf. Aboù Jandâr, op. cit., p. iJS,
LES SAINTS m
qu'il suspendit sous son aile; l'année suivante, la cigogne reconnais-
sante revint avec un collier de perles qu'elle jeta sur les genoux du
saint. Ce collier serait encore entre les imains des Chorfa Ragràga
(et non chez les descendants de Sidi '1-Masnâwî). Quand une jeune
fille se marie, elle le leur emprunte pour s'en parer pendant la noce :
quenté surtout par les rniâ venus des deux villes, de la banlieue et
à leurs exercices de tir, prenant pour cibles des pierres ou des oran-
ges. On
y vient beaucoiip aussi de Salé, en barque en remontant le Boû
I^e^reg; et c'est pour les Salétins roccasion d'une fête nautique (y.)-
Au lieu d'el-Masnàwî (c'est-à-dire du Tâmo}snâ), quelques-uns
nomment cie saint eil-Misàwî. Mais il semble qu'il n'y ait là qu'un ca-
letmbour, grâce auquel les Mîsâwa, qui forment un douar dans l'Oul-
lalla-r'^ gràga,
"Ihîl- '
sfhbàgal
Lalla Ragràga,
(Semblable aux) chevanx qui Inllcnt de AÎlesse!
C^)
Aboù Jandâr [op. cit., loc. cit.) voit dans ce personnage un imàm de la Grande
I Mosquée de Rabat, petit-fils de Sidi Ahmed ech-Charif, enterré à Rabat, à Bâb Ouqàsa.
(4) Ce sont les deux qoubba mérinides dont il a été question plus haut. La qoubba
tlén entretenue est celle de Lalla Ragràga.
416 rUFLlA
et de la seconde :
l.alla Sanhàja.
(hii exauce tous les mvu.v !
refu^ail à personne; c'esl loiill, re <|ne l'on sait d'elle, (le n'est
pas li»'s original. I.e lln-nie «le la proslilnée san<liliée, si fréqneul <hnis
1 lia^io^raj)liie nord-al ieaine, est venu sans peine e;\|)liqner
i l'i'xi^^-
Na luàn lies jhn Mlîr, se conqjose de trois (|oubl)a : à h'ès, ils sont sept,
et Pha^io'ii'aphe el-Katt;"iuî donne Ions leurs noms ; chez les (Ihiyàzina.
ri) T. m, p. 237-41.
(u) Historiquement, les Hagrâga étaient une tril^u ou vint; confédération de tribus <jui
hasard ne nous permellaiL pas d'en saisir ailleurs sur le vif ini cas
absolument typique. Dans le Jabal Tigheimmi, entre l'Oued Zà et la
! (i) Ainsi, par exemple, au tombeau d'el-Aklidarî : fef. Luciaiii, Le Soullam d'eU
Aklidari, Alger, 1921, p. 17. La Icgende existe aussi sous celte forme à Chella.
m omiiik
Noit soiiMMil (jurliiurs h(>u<:i(>s hrùltM' i\c\ anl lui. Sidi 'u-^a'às a ualurel-
"
(i-sidî }i-n<ii'-as,
() Sidi n-Na'às.
|)i)niic moi le sominril, à la lucsinc noiinalc !
n'est pas déplacé à côl-é des autres protecteurs de l'enceinte. Son islam,
à tout prendre, n'est i>as de plus mauvais aloi : lui aussi a fait le gestp
(i) On compte quelquefois parmi les rijâl trois saints dont les qoubba s'élè-
do Choila
vent à une petite distance au sud de l'enceinte, sur un mamelon qui porte le npip du
plus vénéré d'entre eux, Iç Jabal Sicli boû Mnîna. Ce Sidi boû Mnîna, à en Cfoire l'kisto-
LE PÈLliiUiNAGE 4i9
5. — lij: l^";i,i:iu\A(;r:.
rien de Rabat. ed-Do'ayyif, serait mort en rajab i3o5/() Tnars-4 avril 1791, et serait ori-
ffinaire de la tribu des Swàlem ; le second saint, sur lequel on n'a aucun renseignement,
porte le nom de
't-Tâghî. Quant au troisième, Sidi 'Alî Aboû
Sicii 'ch-chakâwi
(ioMc/ic4Adn'j), ilcompté parmi les disciples du célèbre Aboù 'I-Maliàsin loùsof el-
aurait
Fàsî, mort en loiS/iCo/j. Cf. Aboû Jandâr, op. cit., p. 44-45.
(i) C'était autrefois un nommé Si .îîiâli bol-Makkî, imam de Sidi 'l-Qojîrî, dont le
sançtiiaire se trouve dans la Sowaïqa de Rabat. 11 est mort il y a environ seize ans.
420 r.HKJ.lA
à gau'ilii". !'<'> ><'|>l louis acIicM's, ils l'onl la piirrc, puis s(vpl nou-
dé[K»>c leurs olTiaudcs ;ui.\ [oud»eau\ des saiids, oui |HV[)aiv de quoi
l'aire IxMuhaiiee : (diclla [«iciul son aspecl. (|<'s joiuis 4le imoùsiami.
Irés \oienl d'ailleurs d ini loil mauxais ceil, csl de inoiins (;n imoins
sui\i; les «Mil'aids saïuiiscul à eu imiler les rilcs, oL le l'onl par |»lai-
iliverlir à Cdiella, la \eille d'rl iil r/-l;hir ; c'osl une paiiie de cailii-
(i) D'après iiiH- Iniililion jecucilljc par V. iSicajd {Guide du Maroc, Paiiis, 1919» p. i5y),
le Prophète aurait prie liii-uicnK". dans cette mosquée.
(2) Cf. ôgalcnient sur le rapport de l'eau de 'Achoûrû avec celle de Zemzettiy E. Lévi-
Provençal, Pratiques agricoles et fêtes saisonnières des tribus Djebalah, Paris, 1918, p. a3.
LE PÈLEBINACE 421
'Abd es-Salâm ben Macbîch, le grand saint des Jbâla, sur le Jahal
cl-'Ajlaim. Une cérémonie analogue se déroule au sanctuaire de Sidi
Cliachkàl, chez les Oulàd Zîd des 'Abda, saint de moindre renotm-
mée, mais dont le tombeau est au bord de la mer, sur un rocher
qui forme îlot à marée haute; cette oirconstance n'est vraisem-
blablement pas étrangère à la naissance d'un culte, auquel sont venus
se joindre ces rites de pèlerinage. C'est toujours le même travail de
que autre de ses capitales, il va visiter les rijdl el blàif, les sanctuai-
res des saints des trois vitlles. Cette ziâra dure troiis jours : le premier
est consacré à Chella, île deuxième à Rabat, le troisième à Salé. En
cette circonstance, le sultan, à cheval, se rend directement de son
palais à Chella. Il descend de monture devant le sanctuaire de Sidi
lahià et pénètre successivement dans les trois qoubba qui bordent
Tesplanade ; celles de Sidi Lahsen el-Imàm, de Sidi laliià et de Sidi'
(î) On sacrifie ce taureau en lui coupant les jarrets : c'est une t'argîba. Sur ce mode
de sacrifice, cf. G. Kampffmeyer, Texte aus Fes, in Mitteilungen des Sem. Jiïr orient.,
Sprachen, 1909, p. 3o; W. Marçais, op. cit., p. 879; E. Wcstermarck, Les Cérémonies du
mariage au Maroc, tr. J. Arin, Paris, 1921, p. 56-57; E. Lévi-Provençal, op. cit., p. 16 «.'t
note 2.
a repris la lutte sur un autre terrain; il a fait siennes toutes ces croyan-
mourut dans la montagne des HinJtâta, son corps fut transporté à Mar-
rakech; le nouveau sultan, Aboû Inàn, fit provisoirement inhujmer
la dépouille de son père dans une dépendance d'une mosquée de cette
Face antérieure :
^J
Face postérieure :
424 CHETXA
Ji^t ^il^ ij* r^ ^^U\ >J1 J iJl^J »iiî *-;.^; ^^j^^\ J>î^l ij^V
J^ Ji'j
Trapuction :
Ceci estle premier tombeau où fui enseveli nolrt^ Maître, le Sullan, l'ohj-M, (!<> la
miséricorde divine. l'Kmir des Musulmans, le (luerrier pour la Koi dans la Voie du
Maître des Mondes, Aboù l-Uasan, lils de i-.olrc Mailr(\ le Sullan, l'obj l de la
miséricorde divine, l'Émir des Musulmans, le (jU(Mrier pour la Koi dans la Voie du
Maître des Mondes, .Vboù Sa'ïd, fils de notre Maître, le Sullan, l'objet de la misé-
ricorde divine, l'Kmir des Musulmans, le (îuerrier pour la l"'oi dans la Voie du
Maître des Momies, Aboù loùsof la'<ioùb, lils de 'Abd el-l.la(|(|. 11 mourut — (pi'Al-
lab lui fasse miséricorde! — pendant la nui! du lundi au mardi vingt-sepi d\i mois
de rabî' I de l'année 7")?!. 11 fui enterré dans ce tombeau béni, à l'Iieure du 'asi du
mercredi suivant, puis fut transporté au cimclière de ses nobles ancèlres —
qu'Allah leur fasse miséricorde! — à Cbella, 1(> seize jomàdà 1 de la mênuï année.
Ce texlte est intércss.inL à plus d'un Lilre. D'abord, par les dates
qu'il reufernie : celle de la uioil, d'Aboû 'l-ljasan; celle de son iidiii-
à Ghella. La première, le 27 rabî' I 752 = 3/1 mai i35j, éLail, déjà i'oiir-
dant qu'on pût déférer à son désir d'être enterré auprès de ses ancê-
tres. Mais qui donna l'ordre de faire graver ce texte, qui constitue
H. B. &l E. L.-P.
(i) Il serait, à notre sens, difficile de vouloir, pour la datation de cette inscription,
tirer argument de la présence des mots ^r'.^-^ « tombeau
« nécropole », au lieu des
» et ^JjJ"
correspondants ^s
d une part, ^•J^i^ ou à^^^) d'autre part, qui sont employés presque
exclusivement dans l'épigraphie funéraire et monumentale de Chella.
Il
ACTES DU TROISIÈME CONGRÈS
DE
SÉANCE D'INAUGURATION
TENUE DANS L'AMPHITHEATRE DE L'INSTITUT
LE JEUDI 7 DÉCEMBRE 19S3 A 17 HEURES
On pourrait s'étonner de nous voir tenir des Congrès périodiques. Nos séances mon-
siR'lles sont parfaitement régulières et fort actives, et notre Bulletin fait apparaître, cha-
que trimestre, le résultat de nos travaux. Par ailleurs, nos Congrès sont modestes, sans
banquets ni réceptions, tout juste émaillés de quelques discours rituels. Est-ce donc par
simple esprit d'imitation que nous avons institué et que nous maintenons cette solennité ?
Non certes, et nos intentions sont bien déterminées : ce que nous cherchons sur-
tout dans le Congrèg annuel, c'est l'occasion, c'est l'obligation d'un inventaire, bien
4-28 Ar.Tl.S mi TTl- CONCRËS
mieux, d'un exarrw'n de conscience, mieux encore, d'une confession publique. Car —
nous protiondons ne point vivre dans des tours d'ivoire et nous Irouvona naturel et
juste de rendre nos eoniples.
Il suit de K\ que la sincérité représtcute notre prenùer devoir de confrressistes.
•n'II arrivait (]u'iiiie de nos cnlreprises fût inanquée ou relardée, si par liasard noire
année avait été une année s^ehe. nous serions tenus de le dire, et nous le dirions.
\insi noiis trouvons-nous autorisés A noter sans fausse modestie les parties de notre
lAeho qu'on peut i'>linuM riissic^s, et xolci, pour i()>>, ce cpio nous pouvons porter à
noire actif :
titut des Ilaiit(>s-Klu(les Mar((aiiies l'a toid à fait al)sorl)ée; l(>s ]Hofesscurs de l'école
sont devenus les direct<Mus d'études de l'Institut, l'organisation du travail scientifique
a pris ofliciellenuuit le pas sur la besogne scolaire, et, dans les ])rincipaux centres du
Maroc, des conutés locaux ont été chargés de grouper les chercheurs, de conduire les
enquêtes de détail, de tendre sur le Protectorat tout entier un rets souple et pcrmainent.
D'antre j)art. nos rapports avec les milieux savants indigènes se sont resserrés et
Iladjoui, na'ib du Grand Vizir à i'insirucliou PubTique, qui a suivi toutes nos réunions
et de q»u la science, l'activité persévérante et la cointoisie nous furent d'un secours
constant daus cette coordination <les efforts; le présent Congrès se terminera par une
séance exclusi\(Muent indigène, q»ù pron\et d'être fort intéressante et nourrie et dont
la nouveauté ne passera certainement pas inaperçue aux yeux du monde musulman.
Au surplus, cette collaboration, si désirable, va se trouver singulièrement facilitée et
consolidée par la création de notre cnseigneimcnt supérieur musulman, qui, lui aussi,
a pris celte année, au sein même de l'Institut, une forme arrêtée et fort originale et
qui permet d'espérer toute une renaissance marocaine des sciences proprement islamiques.
Le pont que nous rêvions de lancer vers la France a été inauguré par d'illustres
visiteurs : MM. Diehl, Maie, Gsell et Augustin Bernard, qui, en octobre 1921, ont
accepté d'être les hôtes de l'Institut et qui, depuis lors, n'ont cessé de lui manifester
une active sympathie. Le même pont devait, cet automne, être emprunté par une grande
caravane géographique, eoniposée de grands noms, et que la grève des inscrits a sim-
plement relardée. Il est clair, en somme, que nous avons cessé d'être des isolés.
II semble aussi que nos méthodes de travail aient franchement adopté le sens que
nous désirions : il n'est plus personne ici qui se tienne dans son coin, couvrant de
mains d'alchimistes les secrets arrachés au pays ou aux archives; un bel esprit d'cntr'aide
règne dans la maison ; sans que sa personnalité soit le moins du monde menacée, cha-
cun peut compter sur les eonwils ou les recherches accessoires du voisin, et il est tel
géographique, encore modeste, mais qui dispose d'une salle indépendante, qui est dans
.ses meubles et qui, par de menus miracles d'ingéniosité, niihile de plus en plus son droit
vice des Monuments Historiques et du Service des Arts Indigènes, un laboratoire d'his-
toire de l'art, qui échangera des documents avec les institutions similaires de la France
et de l'étranger moyens d'étudier, d'une manière vraiment scien-
et nous donnera les
tifique, les trésors de ce vieux pays d'art. Enfm, tout près d'ici, les bâtiments de to
bibliothèque générale s'élèvent dans les délais prévus, sur des plans tout modernes, et
les savants ou les simples curieux, en résidence ou de passage au Maroc, y trouveront,
linguistique et l'ethnographie gardent, sans doute, une place considérable dans l'ensemble
de nos recherches, mais les autres sciences, et notamment l'histoire proprement dite,
rarchéologie, l'histoire de l'art, la géographie, commencent à manifester une vigueur
singulière, et tout indique que nous touchons à ce rapprochement des divers domaines,
à cette association et cette confrontation des méthodes qu'en 1920 nous présentions
comme un des buts principaux de nos efforts.
Or, c'est là, à mon sens, ce qu'il y a peut-être de plus intéressant dans les nésul-
tats actuels de notre entreprise : pour établir notre bilan réel, il ne faut pas tenir
compte seulement de ce que nous bâtissons ou de ce que nous publions ; il faut y ajou-
ter des acquisitions peut-être moins apparentes, mais à coup sur plus importantes et
plus grosses d'avenir : j'entends cette volonté de réalisation, cette bôlle passion intellec-
tuelle, cette atmosphère de pure curiosité et de noble émulation, qui s'affirment davan-
tage de jour en jour et qui nous attachent les uns et les autres de plus en plfus étroi-
tement à l'œuvre commune. S'agit-il de meubler les séances du Congrès ? Les commu-
nications proposées surabondent. Veut-on dresser le plan de campagne de 1928 ? Un
quart d'heure suffit, car chacun est en quelque sorte sous pression et ne demande que
le temps de classer ses notes.
Est-ce à dire qu'il n'y ait pas d'ombres à ce chùr tableau ? En voici deux au moins :
L'une, c'est l'irrégularité de notre Bulletin : trois numéros compacts vont paraître
loup sur coup, —
ce qui est nettement regrettable, et, s'il est juste de noter que la
mise en train, par suite de quelques -svccidents, a été un peu tardive, il n'est pas moins
nécessaire de demander aux auteurs plus de régularité et de rapidité dans la correction
et la livraison de leurs chères épreuves.
L'autre, c'est la lenteur de la plupart des comités locaux à s'engager dans la voie
que nous leur avons indiquée qui pourait être si féconde en découvertes. Nous devrons,
et
en 1923, appliquer à ces parties faibles ou malades de notre organisme des remèdes
appropriés, mais je me hâte d'ajouter qu'il n'y a pas là de quoi s'alarmer.
Vous nous restez, Monsieur le Maréchal, admirablement fidèle, et je crois bien que
vous avez raison ; c'est un ardent foyer qui s'allume sur cette colline où vous vous plai-
sez à voir, montagne Sainte-Geneviève,
selon votre mot, un pur foyer qui
une petite —
ne brûle que des groupe autour de sa flamme des hommes de
essences choisies et
bonne volonté de plus en plus nombreux, français et marocains, bien décidés à s'en^
tendre et à se rejoindre dans les sereines régions de la science.
Renan s'est, un jour, ingénié à prouver qu'on pouvait travailler en province; nous
voulons, nous, montrer — montrer une fois de plus, car les devanciers illustres ne man-
quent pas — que le travail intellectuel et la vie coloniale ne sont nullement contradictoires.
Nous refusons d'admettre que l'excès de soleil coupe l'appétit de lumière, que le cli-
mat anémie l'esprit, que la nonchalance du milieu détrempe inévitablement les volon-
tés, ou que l'énormité de la tâche immédiate ne laisse nulle place aux spéculations
désintéressées. Nous ne voulons voir, sous des jérémiades si courantes, que les mau-
vaises excuses de fatigués et d'impuissants.
430 ACTES DU IIP CONGRES
En revanche, à mesure que nous avançons dans la voie de la dôcouvcrtc, nous som-
mes de plus ^n plus stVluils par l'iMemluc ol la nouveauté d»i champ qui s'offre à notre
examen; nous ôpro\ivons cotte sorte de vertige dt^licieux, cet élan, cette exaltation do
tout l'être, qui saisit le soldat ou le colon la vue des « grands pays muels « qu'il
i\
pements sociaux, en apparence les plus figés dans les moules du passé, peuvent se
transformer brusquement et qu'il est prudent de no\is hâter, si nous voulons transmet-
tre aux générations prochaines une image à pou pr^s exacte des gens et des choses qui
nous entourent.
Pourquoi ne point avouer, enfin, notre amhilion de devenir, dans lu famille scien-
tifique, tout autre chose que tles parents ^lainresi» l^i l'rance s'est aperçue, tous ces
temps-ci, que ceux de ses enfants qui, depuis \u\ siècle, s'étaient dispersés aux quatre
coins du monde, n'élaioiil, aux jours diflicil(>s, ni les moins fidMos ni les moins utiles;
elle s'est bien trouvée des chefs militaires et <les adminislraliMirs qui avaient fait Icair
largonient employé, pour sa propre défense, ses troupes coloniales; elle a cherché et
cherchera de plus en plus, dans ses annexes lointaines, des éléments essentiels de son
ravitaillement alimentaire et industriel; elle découvre, en somme, qu'en se dépensant au
delà des mers, elle a fait, sous une forme assez imprévue, un excellent placeme(nt et
ouvert, en marge de si's inslitulions traditionnelles, une fraîche éc-ole, d'énergie, d'ini-
tiativo et d'intelligence.
Or, ce rajeunissement de la force française par l'éducation coloniale, il sera bien-
tôt tout aussi patent dans le domaine que dans
scientifique les domaines militaire, admii-
tion de la table rase, qu'il est si malaise de pratiquer à huis clos; elle mous oblige à
traiter \nic matière qui échappe ù nos habitudes, cl, par lii même, h modifier nos pro-
cédés d'investigation, à réfiéchir sur nos méthodes, à reprendre dans ses principes toute
notre philosophie dos sciences.
II me serait facile de montrer que, depuis le jour où la France a commencé d'essai-
blèmes de tout ordre que soulève l'étude de leur action ? Il semble, en vérité, que, pour
stimuler notre curiosité de chercheurs vieillissants et. remettre au point notre vision d'oc-
cidentaux, une main providentielle ait brusquement arraché le voile qui nous séparait de
tout un monde.
Le rôle des savants coloniaux serait donc éminent, et lourde leur responsabilité.
C'est dire quel devoir de persévérance et de perfectionnement leur incombe, quelle
haute idée ils doivent garder de leur mission, quel souci de réflexion et de probité doit
animer, soutenir, élargir leurs tâches d'érudition. Il leur faut les fîères vertus d'une
avant-garde l'audace, l'agilité, l'esprit de sacrifice, la résignation aux obscurs dévoue-
:
ments, —
tout ce qui, en somme, depuis l'aube du monde, permet à la vraie science
de renouveler sa force et de maintenir sa noblessse.
Monsieur le Maréchal, Excellences,
Mesdames, Messieurs,
Je déclare ouvert le troisième Congrès de l'Institut des Hautes-Etudes Marocaines.
DE L'INSTITUT DES HAUTES-ÉTUDES MAROCAINES 431
celte manifestation prouve les progrès réalisés par l'Lnstitut dans toutes les branches de
l'activité scientiiique.
Chacun de nous remercie M. le Maréchal d'avoir fondé cet Institut et de l'intérêt
qu'il ne cesse de témoigner à la diffusion de la Science au Maroc; la constitution de
comités locaux fait participer tout l'Empire Chérifien à cet effort. 11 faut le remercier
encore de l'aide précieuse qu'il apporte à la collaboration des savants indigènes et des
savants français au Maroc, car cette politique de collaboration et d'union présente des
avantages de tous ordres que la pratique a confirmés.
La collaboration des savants spécialisés et leur entr'aide dans des enquêtes commu-
nes offrent une utilité à laquelle a fait allusion l'orateur qui m'a précédé. Cette colla-
boration donnera un essor encore plus vigoureux à l'Institut, car chacun profitera de la
dialectologie arabe et berbère; chacune de ces branches offre son utilité, car la
Il est nécessaire que les savants indigènes viennent à cet Institut, en fassent par-
tie, soient au courant de ses enquêtes et de ses résultats, qu'ils voient les trésors qui y
sont accumulés, livres, manuscrits, collections et instruments de travail.
Ces savants restent encore dans l'ignorance des archives historiques et pourtant
c'est dans la conservation des vestiges du passé qu'est l'avenir de la science. 11 n'y a
pas de pays où la population s'intéresse aussi peu que le nôtre à son passé et qui témoi-
gne moins d'intérêt à la conservation de ses archives nationales.
432 ACTES DU TTl» CONGRÈS
de môme ici. Combien y a-t-il de tn^sors enfouis dans los coins de notre pays?
L'orateur qui m'a précédé a fait allusion aux laboratoires d'histoire de l'art et de.
géographie, qui sont tous doux d'une utilité incontestable. De mèn\e, il a fait allusion
il cette bibliolh^que qui. dans son noxiveau bAtinicnt, <'onstituera la plus belle colloo-
tion do livres du Maroc. Ce son! Ii\ des instrunionto de travail qui serviront à l'épanouià-
stment de la science maroeaine.
On verra bientôt les résidtats que nous procurent los réunions mensuelles et les con-
grus annuels comme celui-ci. Dans notre congrès annuel, nous faisons l'inventaire du
travail do l'année. Puis-o Dieu Juslilior nos espérances!
Monsieur Hardy a parlé de la joie q\réprouveut los maîtres français se trouver i\
réunis tous les mois pour échanger leurs idées. De môme nous formulons l'espoir que
les lettrés marocains apportent ici lo fruit de leurs labeurs et (pTils so pressent nos .\
réunions. Que l'Institut soit jiour les étudiants ol les savants dr Habal cl de Salé lo phaïc
lumineux qui éclairera leurs travaux.
Nous lançons une llèoho qui, par la grâce de Dieu, allcimlra son but et nous nous
préparons à entendre des conmuniications arabes dont l'éloquence le disputera à l'uti-
do Moulay el-llas;ui.
Vous avez dit des choses excellentes et dans la meilleure langue. Gela ne nous a pas
surpris, carnous y sommes habitués, et ce que vous venez de dire est comme tout ce
que vous dites, tout ce que vous faites, tout ("e que vous écrivez, très bien.
J'ai été très intéressi'' par le discours de Si El lladjoui. Non qu'il m'étonne je le :
connais et je sais ce qu'il vaut; mais ses parohîs ont pu surprendre un peu des auditeurs
qui ne sont pas habitués à la population imligène, et qui ont dû être frappés par tant de
précision et de documentation. Comme il s'est abstenu de les entoiuer de l'enveloppe
littéraire, dont trop souvent se parent les discours 1 C'est un véritable bilan et un véri-
table programme.
Je suis heureux de lui faire tout mon coinplinicnt. Je sais qti'il me comprend, car
s'il ne parle pas encore le français, il l'entend parfaitement.
Je remercie M. Hardy d'avoir bien voulu témoigner de l'intérêt que je porte à ce
que vous faites ici. Rien n'est plus exact. J'y attache une grande importance et je ne
puis dire combien je me réjouis de voir se créer ici, sur cette « petite montagne » œ
foyer intellectuel, déjà sipeu d'années d'existence. Ce qui me plaît avant
florissant après
tout, c'est la concordance de vos effortls, soit en matière d'histoire, d'histoire de l'art,
d'ethnologie, etc., soit en matière de recherches artistiques et archéologiques, comme
celles qui s'effectuent avec tant d'activité sous la direction de M. Châtelain. Il y a de la
J
DE L'INSTITUT DES HAUTES-ÉTUDES MAROCAINES 433
part de tous ceux qui apportent le contingent de leurs connaissances spéciales un effort
scientifique, littéraire ou intellectuel tout à fait intéressant.
Il est vraiment satisfaisant de voir ce que nous voyons autour de nous : ici à Rabat
se fait quelque chose de très grand, de très fécond : l'association de plus en plus
étroite dos indigènes à vos travaux. C'est, je croisi bien, la première fois que cela se
produit. Je ne voudrais pas avoir l'air d<; nous inetlre trop en avant et je fais appel
à tous ceux qui connaissent l'Afrique du Nord, mais je crois que nous ne sortirons pas
des limites de la modestie en disant que cet effort commun des indigènes et de nous-
mêmes n'avait jamais été réalisé d'une manière aussi constante ni aussi étroite. Et
cela a la plus grande portée.
La continuité, la durée et la fécondité de notre établissement au Maroc ont comme
condition absolue une multiplication de nos rapports avec les indigènes : association
agricole, industrielle, association d'affaires, mais surtout association intellectuelle, celle
de l'esprit et celle du cœur. J'estime que c'est la véritable sauvegarde du régime
de coopération de la Fraace et de la nation musulmane du Maroc.
C'est une action plus efficace que celle des baïonnettes et des postes. Ceux-ci ont
eu et ont toujours leur rôle, rôle essentiel, effort admirable, dont nul ici n'est plus
conscient que moi; si notre armée n'avait pas fait et ne faisait encore ce qu'elle fait tous
les jours, nous ne serions pas ici : c'est elle qui a donné à ce pays l'ordre et la sécurité
qui n'existaient nulle part; ce sont nos troupes qui ont dressé ce rempart qui nous permet
de vivre en paix. Mais cela posé, et quand ce rôle protecteur et pacificateur de notre
armée aura donné ses fruits, !a sauvegarde de notre association sera dans ces travaux
communs : pénétration de plus en plus complète û'i nos esprits et de nos coeurs ;
je
tiens à le redire.
Plus je fréquente les indigènes, plus je vis dans ce pays, plus je suis convaincu de
la grandeur de cette nation. Alors que sur d'autres points de l'Afrique du Nord nous
n'avons trouvé qu'une poussière sociale, conséquence d'anarchies antérieures et de carence
de pouvoir, ici, grâce à la permanence du pouvoir assuré dans toutes les dynasties qui
se sont succédé de manière continue, grâce au maintien, malgré les révolutions, des
institutions essentielles, nous avons trouvé un empire constitué et avec lui une belle
et grande civilisation.
Maroc, mais comme révélateurs d'un grand passé disparu, et nous ne soupçonnions
certes pas que ces beautés vivaient encore. Nous en avons un exemple frappant dans
le domaine des arts; ils étaient, disait-on, perdus ou se perdaient. Or, il a suffi de rame-
ner l'ordre pour que resurgissent ces artisans et ces maîtres de l'art. Il n'y eut pas à
ressusciterl'art marocain, il n'y eut qu'à l'envpècher de mourir. Et pareillement, dans
le domaine intellectuel, à mesure que l'ordre se rétablit, à mesure que nous pénétrons
plus intimement dans la société marocaine, nous découvrons des éruditsi, des savants,
des travailleurs, des hommes éminents qui vivaient jusqu'alors à l'écart.
Mais, peu à peu, grâce à la sympathie du contact, les esprits s'ouvrent et se pénè-
trent. Sans doute, la barrière de la langue subsiste-t-elle encore, et j'admire baucpup
des hommes comme le Ministre, le Pacha, les personnages notables ici présents, quand
je les vois assister à nos longues séances oii certainement bien des choses leur échappent ;
Les grands travailleurs qui font partie de notre Institut des Hautes-Etudes Marocaines
sont en grand nombre des arabisants, et parmi ceux qui ne le sont pas, beaucoup le
deviennent. Le français s'apprend de plus en plus parmi les notables marocains, qui
434 ACTKS DU \\V CONGRÈS
l'iLMioraient quaiul nous sommes arrm'^s. Bciucoup, qui ne parlent pas noire langue, la
un très beau et bon Maroc en resU\nt man>cain et musulman. C'est sur celte génération
que je compte pour être notre plus solide soutien dans l'effort de collaboralilon qui
conliiuuMa de s'ilïeehier ici entre musulmans et français.
Vous avez to\is conquis que j'aie tenu i\ parler, au début de ces trois jours dc séances,
de ce senlimont do collaboration iuliino, cordiale el affectueuse qui existe si profondé-
ment entre eux et nous. Nous jie ferons jamais rien sans Ces liens iuleilectJuels,
1** Sur la présence de formes glaciaires dans le Haat-Atlas de Marrakech, par MM. Célérier
et Charton.
2** Le laniernon du minaret de la Koutoubia à Marrakech, par M. Gallotti. Présentée
par M. Lévi-Provençal.
3* Souvenirs d'un prisonnier d'el-Hiba, Marrakech, 1912, par M. le D' Guichard. Présentée
par M. de Cénival.
4° Introduction à une étude sur les monnaies idrisites, par M. Mareschal. Ce dernier montre
l'importance de la numismatique marocaine pour l'histoire des premières dynastie.'»
(i) Les rapports i à 4 sont publiés en annexes aux actes du présent Congrès.
De L'INSTITUT DES HAUTES-ÉTUDES MAROCAINES 435
musulmanes du pays, s'appuie sur ceataincs monnaies pour établir la tliéoiic de-j
titres khalificns en Occident et signale des erreurs de lectures dans les catalogues de
monnaies musulmanes déjà publiés. Observations de MM. Lévi-Provençal et Ismaël
Hamet.
5" Les pierres debout de Moulay Bou Azza, par M. le Capilaiuc Odinot. Présentée \m.v
M. Lévi-Provençal. L'auteur signale quelques monuments mégalithique» situés dans
la région qu'il administre.
6° Les armes anciennes du Musée du Bar Batha à Fès, par M. de Vigy. Présentée par
M. Lévi-Provençal.
7° Tombeaux romains récemment découverts à Rabat, -pAr M. P. Ricard. Il s'agit de
sépultures du type classique, identiques à celles que M. Henri Basset a déjà mises
à jour et fouillées à Rabat, près de Chella. Celles qui sont signalées par M. Ricard
ont été trouvées à 200 mètres environ en amont de la sortie du tunnel du chemin de
fer à voie normale, vers le Bou Regreg.
8° Morphologie du pays R.ehanuia, par MM. Célérieti et Chautom.
9° Contribution à l'étude de l'art hispano-mauresque, par M. Catuerine.
La séance est levée à ig h.
« cer aussitôt que possible les recherches relatives ^ une carte lithologiquc des eaux ché-
« riliennes. Cette carte qui devait résulter de la campagne océanographique promise
« par S. A. S. le Prince de Monaco au Gouvernement chérilien mais qui n'a pu avoir lieu
« par la mort de ce Souverain, est ini document indispensable aux rechorehes scientifi-
« ques du Protectorat :
1921-1922.
Messieurs.
où presque rien n'existait d'ordonné. Reconnaissons que les grandes lignes esquissées
dès les premiers jours étaient de proportions justes, puisque nous n'avons fait que
creuser çà et là certains traits, que fouiller certains détails, pour donjner à notre
Institut une physionomie qui paraît non pas certes défmilive, mais au moins stable
et vivante. Constatons aussi que les résultats de cette année sont bien ceux que mous
faisait espérer l'année dernière. La vérification par les faits nous engage à croire qu«
la route choisie étaitla bonne route. Sans en concevoir un orgueil prématuré, voyons-
nous voyons plusieurs des revues les plus qualifiées de France et de l'étranger signaler
à leurs lecteurs nos modestes initiatives ou si quelques corps savants correspondent
;
avec nous pour nous demander des renseignements sur notre organisation ou pour nous
ofîrir leurs publications en échange d'un service d^Hespéris.
Ces relations internationales, que nous commençons à nouer par le moyen d^Hcspéris,
nous seront très profitables. Elles sont pour nous la meilleure occasion de faire con-
naître l'objet de nos communes études, ce coin d'Afrique du Nord, sa confusie histoire,
ses diverses civilisatioins, et d'assurer à nos efforts la plus large et la plus sûre dif-
fusion. Pour nous-mêmes nous en retirerons l'inappiréciable bénéfice d'un horizon élargi..
Nous ne voulons pas travailler en vase clos, remâchant des préoccupations purement lo-
cales dans un Maroc tenu, comme il a si longtemps voulu l'être, à l'écart du reste du
inonde. Nous désirons au contraire relier nos études à l'ensemble des recherches aux-
quelles se livrent à travers le monde des travailleurs qu'anime une curiosité proche de
la nôtre. Nous cherchons à nous imprégner de ce sens du relatif, qui, situant chaque
HB8PÉRIS. — T. n. — 1922. 29
438 AC'IKS DU lll" CONCinfvS
chose à sa place dans le lablcaii ilc l'uiiivcrs, miiiiiL nos nuiins U'unilés de
nicsiiio réelleâ
une centaine de revues françaises ou étrangères. Le nombre des éolniuiges pourra encore
être accru. Dès à présent nous arrive un écho de tout ce qui se dit dans le monde en
histoire, on linguistique, ci\ géographie, en histoire des religions.
Tandis que les apports réguliers dos i)ério(liques font .pénétrer les préoccuitalions
du jour dans notre bibliothèque, elle s'efforce, dans la mesure de ses moyens budgétaire»,
de combler ses principales lacunes, el surtout de imetlre en valeur et de rendre utilisables
les ressources déjà importantes qu'elle renferme. Ui plus grande partie du fonds ancien de
l'Ecole Supérieure a été invi-ntoriée cette année, et le catalogue sur liches, résultat du travail
entrepris, permet déjà de s'orienter à travers les diverses série&. Il deviendra bien plus
utile encore lors(|ue nous aurons lini de classer d'importantes acqviisilions récentes, telles
élément de tout travail relatif à la littérature maghrébine. J'ajoute qu'il n'épuise pas les
en ajouter cinq cents autres acquis plus récemment. Ce sera la matière d'un second volume.
L'année s'est d'ailleurs montrée favorable à la mise en valeur des richesses bibliogra-
phiques marocaines. C'est encore M. Lévi-Pkovençai-, qui on collaboration avec M. Bkn
Cheneb, a entrepris ce Répertoire chronolocjiqae des éditions lit}to(jraphiques de Fès, que
publie la Revue Africaine. C'est lui toujours dont la thèse réocmmcnt publiée. Les Ilisto-
riens des Chorfa va devenir l'indispensable guide journellement feuilleté par tous ceux
qu'intéresse l'histoire marocaine. qui ont appris à leurs dépens la
Ceux-là seulement
difficulté des recherches à échevcau des auteins maghrébins seront
travers l'inextricable
sources, analyse de leurs procédés, tout cela déblaie cl ordoimc un terrain semé jusqu'ici
d'erilisajntes fondrières.
Pendant qu'/Zespéris draineles communications faites aux séances de l'Institut, des
ouvrages plus considérables paraissent dans la colloction des Publicalions de VInstitut dua
Hautes-Etudes Marocaines. Quatre volumes ont vu le jour depuis notre dernier congrès.
Plutôt que vous en lire une énumération, mieux vaut je crois passer en revue en la
classant selon l'ordre des matières, la production totale de l'année, de façon à fournir
grand nonibn- d<'s ouvrages et des articles nouveaux. L<; monde berbère est le principal
objet d'enquêtes. Je signalerai dans cet ordre d'idées l.i traduction par Mme Arin, de
l'ouvrage de M. Westebmakgk : les Cérémonies du Mariaçje au Maroc, dont il faut rap-
procher la curieuse note de M. IIougein Kaci sur les Cérémonies du mariage à Bahlil; la
description du Haouach à Telouet par M. le D'' Paris; l'étude de M. Laoust sur La litlé'
DE L'IiNSTl'lUT DES HAUTES-ÉTUDES MAKOCAl.NES 439
Textes arabes de VOuarglm. Rappelons enfin que M. Laoust a. bien voulu so charger de
réunir et de résunrer les informations recueillies au cours de l'enquête préparatoire à
l'établissement d'une carte linguistique du Maroc. Le travail se poursuit. Nous aurons
l'occasion d'en reparler, lorsqu'il sera terminé.
L'histoire proprement dite n'a pas été négligée. Un autre des travaux que l'Institut
a\iMt mis l'an dernier à son programme, la publication d'un recueil de textes historiques
iv^latifs au Maroc dans l'Antiquité, verra bientôt le jour. M. Raymond Roger s'en est fait
l'éditeur et y met la dernière main.
Tout en ec^ntinuant avec une admirable activité la publication de ses Sources Inédites
de VHistoire du Maroc, dont un volume, Espagne, tome I, est paru l'an dernier, et dont
un autre volume, France, 2« série, relative à la dynastie lilalienne, l. I, doit paraître pré-
cisément ces jours-ci, comte lleiny de Castries a encore trouvé le loisir de donner à
le
cliérijs saadiens. Pour Hespéris encore, M. Micuaux-Bellaire a résumé l'histoire des Confré-
ries religieuses, qui à certaines époques evneiU une si grande influence sur l'histoire
politique générale du Maroc. L'étude d'histoire méilicale du D"" Renaud sur La peste de
1799 précise et môme rectifie en plusieure points les données de l'histoire tout court. Lj
!>"' HuGUET, enfin, évoque la figure de M. <le Chénier, consul de France au Maroc, auteur
J'un bon livre de Recherches Hiiiioriques sur les Maures, digne à ce double titre de nous
intéresser, mais dont le meilleur litre de gloire demeure d'avoir été le père d'André
Chénier. Ces études de détail préparent les Igiivaux de synthèse. En atU^^ndant que l'on
puisse leur donner l'ampleur convenable, le manuel d'histoire du Maroc, que préparc
M. Ismaël Hamet, rendra grand service aux étudiants <"n mettant à leur portée les ren-
seignements jusqu'ici épars à travers des ouvrages spéciaux.
La création à l'Institut des Hautes-Etudes Marocaines d'un centre d'études géographi-
ques et d'un centn; d'études d'histoire de l'art correspond certainement à une orienta-
lion nouvelle des trav;ni\ de certains di; nos confrères. Plusieurs articles déjà publiés,
plusieurs autres qui vc)nt l'être, attestent dans ces branches une activité digne de re-
tenir l'attention.
Avant de se consacrer aux enquêtes géographiques spéciales, telle que celle lude sur
les Merjas de la plaine du Sebon, que vous apportera le prochain numéro d'Hespéris,
M. CÉLÉRiER a fait avec M. Haruy une très utile mise au point des connaissances actuelles
^n matière de géographie maixacaine. Par ce petit livre, paru dans la collection du Bulletin
de l'Enseignement public au Maroc, les résultats acquis sont rendus assimilables aux étu-
diants. Pendant qu'ils s'en pénétreront, les spécialistes continueront leur besogne.
Nous possédons déjà depuis plusieurs années d'intéressantes et précises études sur
les arts indigènes. M. Ricard vient', encore de nous donner un article suir Les poteries
berbères à décors de personnages, et nous en promet d'autres sur la technique des tapis.
Par contre, on ne peut signaler jusqu'ici qu'un très petit nombre de travaux archéolo-
giques sur les grands monuments du Maroc. L'analyse archéologique exige entre l'his-
qu'il faut du temps pour établir. Dans ce domaine encore nous avons des résultats à coter.
440 ACTES Dl) ill' llOiNeiUtS
Hesin'iia biiiitôl ixouJia rang de revue d'art. L'article do M. G. Mauvais sur La cliaire lU
h: Cniiitic Mo.'ii]tu-e d'Alger ouvre la voie cl montre l'exoiuple. H sera suivi dès le pi\)-
vhaiii miiiu-ro ilo la revue par l'élude de MAI. Henri Uassut cl Lijvi-I'uovknval sur Chella.
M. c;.\i.i.oTTi nous envoie de Marrakech dos relevés oxacls el habiles du lanlenion <iiiii
domino le minaret de la Kouloiibia. iNous publierons aussi des notes de M. le D' l'iiiimoi,
?ur Tinniol et sa grande moscjuéc ahnohade. ICnlin M. TiiiiuASsii a déjà donné au cour* de
nos séances un aperçu dos travaux qu'il propare ol dont ce que nous conuiiissons nous
donne droit d'atlondro beaucoup.
Tiixms de tout cela, Messieurs, do favorables pixjsages. L'ôquipe de travail est désor-
mais organisée. Elle va coniimencer à recueillir dos résulUUs. La plupart d'entre .lous,
établis depuis peu d'années au Marcx-, oui dû s'adapter aux objets nouveaux de l'ours
études, se plier à un apprentissage dont les premiers moments sont toujours un peu dé-
cevants. Tout engage à penser qu'après ces préparations, voici venir la période de rende-
ment. Il est tel de nos confrères que je n'ai pas cité moins de cinci fois au cours de ce
lapporl, pour cinq travaux tous importants et oiiginaux, <|ui, prépaies au cours dos der-
nières années, sont ensemble venus au jour. Pour peu (lUC l'on suive sa trace, l'explo-
ration scientifique du Maroc promet de faire des progrès l'apides. Souhaitons que son
e.\actitudc, sa méthode et son ampleur aré>pondenl à l 'intérêt du champ qui se propose
aux recherches.
Pierre de Cunival.
LES
(191i-I92i)
arabe, à côté de l'abondance relative — on ne saurait d'ailleurs trop s'en réjouir — des
études géographiques et ethnographiques, par exemple. Il ne faut pas s'étonner outre
mesure de celte pthiuric et l'on doit ne la déplorer qu'à bon escient : car une lannée
s'écoule vite, surtout quand les spécialistes ne sont pas nombreux, et aussi quand, sur
toute l'étendue du monde islamique, tant de sujets appellent leur attention et leur'
efforts. J'ai expliqué récemment, ce qu'à mon sens il faut entendre par l'expression assez
factice de littérature marocaine. On me
au point de vue permettra de n'y pas revenir :
littéraire, Maroc ne constitue pas une unité; on peut dire tout au plus que les pro-
le
lf»nir au seul Occident musulman, il est impossible de pousser plus loin la classification
régionale, qui, en littérature arabe, n'a guère de signification et de portée qu'en ma-
tière historique.
La bibliographie arabe continue, ces dernières années, à faire l'objet d'enquêtes, qui
viennent compléter les grands répertoires des Ahlwardl, des Dercmbourg et des Brockel-
niann. Elle s'attaque — et c'est là le fait nouveau qui nous intéresse surtout — au Maroc,
dont les bibliothèques sont à peu près inexplorées ; elle y retrouve des œuvres aussi bien
occidentales qu'orientales, et un grand nombre de manuscrits inédits ou rares. En 1918.
M. M. Maillard, dans la Revue du Monde Masuhruin, donne une amorce de bibliographie
marocaine en publiant, d'après une simple liste de titres, le répertoire des livres déposés
j la Grande Mosquée de Tanger (i). La même année, un travail bien plus important voit
le jour, et sort des presses mêmes de la vieille capitale marocaine : le Calalogue des li-
uléma de celte université et publié, en arabe, par M. A. Bel, alors en mission au Maroc.
J'ai dit ailleurs (3) que, grâce à ce travail, on est en droit d'affirmer que la vénérable
librairie de la métropole intellectuelle du Maghrib-Extrèmc ne paraît plus avoir conservé
la richesse que l'on s'attendait à voir révélée ainsi dans chacun de s-cs détails. En colla-
boratjon avec M. M. Bf.ncheneb, j'ai dressa, pour Bévue Africaine, un Essui de répertoire
la
chronologique des Jdj/jons arabes de Fl's i\ do notiros sur les ouvrages litho-
so»is fornio
srraphù's ou iniprim«'s «lans »>lti' ville. K.nnn, cvWo amiu'e tarmc. paru h\ proniirrc ;»
s<'rio ilu calaloput* des Mamiscrils anihrs (/<• lUilitil , coMsi'ivt's ."i la liil)lioliir(ni(> (ii'iu'ralv
.\hoù 'AU el-Gbawtbî. a donné, tMi lO'T. nue é<lition <ritique, n\-w. iuie introduction et
tinc traduction annotée, do la finudat en-nisrin, pelilo chronique uiérinide due à la
plume d'un écrivain de naissance royale, Ibn el-Alunar {/f). M. M. nr:N<.iii:M:ii, d.ui 5 la
mémo colloclion, a piddic le l(>\le cl la tiadneli<ui <l(>s C.hinsi's dvn xniuuih dr rifrlijiyn,
par Aboù 'l-'Arab el-Tamînii et Mobanuned el-Klioelianî (.>^, et, 1 année dernière, le
texte aral)P d'une <"bronique niéiiiiido, inédite cl arionxnic, iiililuiéc i'ilh-l)li(il;lili(d cs-
sanîya. d'après un manuscrit provoîiani do liinis ((>). Le tnénie saxanl a, eu collalx)-
ration avec M. A. Bri.., pid)Iié à Alger, (>n ifc'o (7), le début de la TaLmilat es-nla d'Iltii
el-'.\bbAr qui manquait i\ l'édition donnée par K. Codera dans la liihliollicia. Araliico-liis-
potia, en iSSf). de <el important dictionnaire biojjnipbicpie andalon : c'est l'im desuléma
les i)lus en vue du Maroc, le cliérif Mohanuned 'Abd el-IIaï ei-Kall;"ini, qui f,nâee à im
manuscrit <le sa belle bil)liolbè<|uo, a jHTmis an\ dtu\ éditeurs df conddor celle
importamlo la<une. A\ant dt" <lonncr les lettres man((iian;, à l'édition Codera, ils avaient
publié et traduit la préface <le la Tiikmita, avec un comniontairo biobibliogiaphique (8).
Une version en langue espagnole, par A. lluici. du Ra'.\<l el-qir(ûs d'Ibn .\bî Zar', déjà
Les travaux d'histoire littéraire proprement dite sont bien moins nombreux que les
éditions on traductions de textes. Mais il est à noter que c'est la littérature andalouse qui
en à peu près uniquement l'objet, sous forme de «monographies relatives à des poètes
fait
du Moyen-Age. C'est d'abord M. de Aldecoa qui, dans les Archives Berbères, publie
un court article sur Lisàn ed-dîn Ibn el Khatîb le nom de ce grand personnage, vizir ;
(i) Bévue Africaine, année 1921, pp. i58-i73, 275-290; année 1922, pp. 170-175, 333-3/(7
(8) In Rei>ue Africaine, année 1918, pp. 306-335. Cf. René Basset, in Bii'ista degli studi
orientali, vol. VIII, Rome, 1920, p. 686-687.
(9) I vol. in-8°^ Paris, 1922.
DE L'INSTITUT DES H AUTES-l^.TTJDES MAROCAINES 443
hexireux piii»? proscrit, historien abondant et poète délicat, est mêlé de très près au
Maroc à l'histoire des derniers Mérinides. C'est à Fès qu'il troiiv.i la mort <t que, trois
siècles plus tard, El-Maqqarî lui consacre la plus grande partie de son Nafli el-(îb. L'étude de
M. de Aldecoa, qui sans doute est à refaire sur un plan de plus grande envergure, n'en
apporte pas moins une utile contribution à l'histoire des rapports du Maroc médiéval
et de l'Andalousie lînissanle (i).
M. M. SouALAii a étudié à la fois la vie et l'œuvre d'Ibn Sahl, ce poète espagnol d'ori-
gine juive, qui ne craignit pas d'introduire en poésie classique des anèfres populaires tels
aurait souhaité qu'il réunît d'un seul coup l'œuvre poétique entière d'Ibn Zaïdoùn.
M. II. Massé, dans Hespéris (4), consacre au inèmc poète, à propos du livre de M Coin-
quelques pages de cette psychologie pénétrante et de cette finesse de forme que l'on avait
déjà goûtées, dans son beau travail sur Saadi.
Tel est, à peu près (5), le relevé des travaux d'érudition littéraire maghribine depuis
1914. La guerre mondiale a eu, comme bian l'on pense, sa répercussion sur les produc-
tions européennes d'orientalisme : pourtant ces dernières années n'ont pas été tout à
fait infécondes. Le bilan des œuvres relatives à la littérature arabe dans l'Afrique du
Nord ne marque pas, on France, une régression on peut, d'ores et déjà, entrevoir :
pour un avenir prochain, une mise en valeur encore plus marquée du patrimoine litté-
raire du monde islamique; le Maroc, à coup sur, ne sera pas le dernier à y collaborer.
Babat, 3 décembre 1922.
E. Lévi-Provençal.
Depuis dix ans que lo Prolcolorat français <>st («labli au Maror, l<s arts marocains
ont viv(>ni<?nt attin' l'allention d\i public europi-pn. C'est qu'ils ont encore du carac-
tère, de l'originalilô, de la vie, c\ qu'ils sont dus ?i des artisans liabilos qui n'ont pas
complètemient oublié les techniques ot dôcors Il serait donc regrettable de
d'autrefois.
s'cm désintéresser, de les abandonner aux mauvaises influences qui gâtent le goût, de les
laisser succomber <levant la concurrence c\irop<'enne. C'est dans ce but. que le Résident
Général, soucieux de mettre en valeur toutes les forces vives du pays, s'en est préoccupé
dès 1912.
Si l'on jette un coup d'œil sur le passé, on constate que le Maroc a une histoire
artistique des plus honorables. Les dynasties sucrossives qui y ont rô^nic <l('pnis pins d'un
millénaire ont légué aux générations un patrimoine archéologique parfois considénvble.
Parmi les Idrissides, Zéirètes, Almoravides, Alnudiados, Mérinides, Saadiens, Alaonites,
il est <les noms fameux connus non seulement pour leurs hauts faits, mais encore pour
leur faste et Icxirs moniuments. Les Mérinides, enlie autres, ont doté certaines villes maro-
caines d'édifices rejna«]uables, témoins glorieux d'une période cxtrfimoment florissante
et raffinée. Los gens que favorise la fortune suivent encore leur oxem|)le dans la cons-
truction de leurs demeures et de huns palais.
Les industries d'art, plus périssables, ne furent pas non plus négligées. Dans un
cadre riche et somptueux, s'introduisit un ameublement qui devait être en rapport avec
l'architecture. Par ce qui en subsiste, par ce qiii s'exécute encore aujourd'liui, on peut
se faire une idée de ce qu'était le luxe marocain.
On eut, par exemple, le culte des tapis. D'abord importés d'Orient, ceux-ci ornèrent
les mosquées, les palais et les maisons. Un pou tardivement, on se mit même à les imiter
à Rabat. L'Asie Mineure fournit les modèles. Sans doute, la composition et les motifs
ornementaux subirent quelques changements. Il n'en reste pas moins que les ouvrières
rc'alisèrent des œuvres du plus haut intérêt, tant au point de vue de l'ordonnance géné-
rale que du coloris, de la solidité du tissu et des coideurs. Ce qui incita, il y a qiielques
années, le marché européen à s'intéresser à la fabrication, à l'intensifier, et à lui ouvrir
de nouveaux débouchés.
La confection du tapis est d'ailleurs très ancienne dans le pays. Pratiquée par les
Berbères des plaines et des montagnes, depuis des temps immémoriaux, elle est caracté-
risée par une très haute laine, un coloris général nettement affirmé et des dessins géomé-
triques très simples. Elle diffère ainsi nettement de celle des tapis de Rabat au poil assez
court et aux motifs plus Les plus beaux spécimens du genre
particulièrement floraux.
viennent du Moyen Atlas. Ceux des Zaïane sont justement réputés pour leur chaud ot
puissant coloris monochrome, ceux des Béni Mtir et Béni Mguild pour leur brillante
polychromie, ceux du Guigo pour leur tonalité générale blanche avec des oppositions
noires, marron ou brunes.
Les tissus des ruraux sont aussi dignes d'intérêt. Il en est même de remarquables.
De très menus dessins, blancs ou colorés, remplissant des bandes plus ou imoins larges,
mis en valeur par des surfaces nues, composent des châles, des couvertures et des ten-
tures d'une très grande originalité.
ACTES DU ITl" CONGRf:S 445
Quant iiux tissus citadins de laine, de coton, de soie et d'or, ils sont d'une variété
<»xtrêine. Destinés au vèfonient ol h ramcublement, ils prennent parfois la valeur de véri-
tables œuvras d'art. Une perfeclioii technique, un assemblage judicieux de couleurs, des
ornements appropriés font de certains d'entre eux des tentures, des revêtements, des bro-
carts d'une richesse incomparable. Fès, <\ ce point de vue, est resté un centre artistique
de premier ordre où se sont conservées les plus belles traditions orientales et hi'gpaTio-
mauresques.
Et comme si ce n'était assez, des broderies ont encore ajouté à ces splendeurs. Leur
diversité est très grande, et chaque ville a son genre particulier. Aux broderies touffues,
largement conçues de Rabat, s'opposent celles, infiniment plus fines et plus ténues, de
Fès. Au premier abord, les broderies de Salé et de Mekncs paraissent semblables; une
grande distance les sépare pourtant; d'im côté, des points nattés assez voisins de ceux de
certaines tapisseries européennes, exécutés sur toile aux fils méticuleiiscment comptés;
de l'autre, des points plus nourris, multicolores , exécutés sur étamine avec une certaine
liberté. Autrefois, Azemmour et Fès connurent des techniques différentes tombées dans
l'oubli. On est surpris de cette diversité des ouvrages du gynécée marocain. Les infiuen-
ces les plus complexes s'y rencontrent et font entrevoir de constants apportls étraingers,
que des recherches historiques expliqueront plus clairement un jour.
L'industrie artistique du cuir a aussi sa valeur. Le cuir marocain, qui a une répu-
tation séculaire, est entré dans la confection de coussins, de harnachements, de revête-
ments, de sacs d'une très grande originalité, que des incisions o)i des broderies de soie
et d'or ont magnifiquement embellis. 11 a donné, dans la reliure, des applications par-
fois splendides. Les corans, les ouvrages de droit et de jurisprudence, les recueils de
prière lont été reliés dans des écrins où les applications d'or ont créé des merveilles.
Ceci m'amène à parler de l'enluminure et de la calligraphie. On a fait des prodiges
pour la conservation et la propagation des textes sacrés. Des mains expertes ont tracé,
avec une patience et une habileté rares, sur le parchemin ou sut des papiers de choix,
avec des encres indélébiles, des caractères épigraphiques d'une étonnante souplesse. La
miniature s'est mêlée aux inscriptions. Le lapis-laznli, la pourpre, le vert du Prophète,
les laques de toutes couleurs se sont mêlés à l'or pour aniimer, de leurs charmantes har-
monies, l'extraordinaire enchevêtrement des arabesques.
Cet enchantement de la couleur, auxquels sont si sensibles les Nord-Africains, s'est
reporté dans les habitations, sur les revêtements mosaïques, les plâtres, les bois sculp-
tés et surfout sur les plafonds.
La céramique, h partir du xiv® siècle, a revêtu les soubassements des médersas et
des palais. Les Mérinides n'ont jamais été dépassés. Mais ils ont ouvert une voie qui n'a
jamais été abandonnée. La mosaïque marocaine actuelle est unique en son genre. Et le
de manger autour de tables basses, d'écrire à même sur le papier, sans autre soutien que
celui de la main, a empêché son développement. Des coffres pour serrer les bijoux et les
"/êtcments précieux, des armoires, plus souvent des placards et des étagères pour contenir
Id vaisselle, quelques bancs et fauteuils pour les coiffeurs, des chaires plus rares encore
pour l'enseignement et la prédication dans les mosquées, voilà à peu près tout ce que l'on
trouve en fait de meubles, que la sculpture, la peinture ou des incrustations ont sou-
vent enjolivés.
Les boiseries par contre, ont donné lieu à des travaux parfois remarquables. Des
portes à deux vantaux, s'ouvrant sur les portiques, des cloisons au fond des chambres,
446 ACTES DU 111' CONCRflS
dos baliislradi's lians los palcrios dos t'la;j;os. des frises sons les comblois des plafonds 5
cojipolt':» et à stalactites, (K-s auvents ont eniiehi, non seulenient les jnosciiit'es et les
lisent avec eonx de l'Alhanibra. Les levètomenls des portes de certains édifices religieux
de Fès et de Mekncs sont couverts de ciselures plus intéressantes (jue celles de Cordoue
et de Séville. Les braseros, bouilloires, bassines, aif^uières, ])laleau\-, vases et rc'cipients
divers s Mil aulanl d'ustensiles d'un véiilable iidi'-rèl.
I.a ferronnerie a trouvé d'heiuvnses applications dans la confection des grilles. L'ar-
murerie, dans cellos de sabres cl «l'armes i^ feu. La bijouterie, rtiral(> ou «iladine, en
des types variés «m'on reebercbait vainement ailW'urs.
J'arrête là cette énnmération «]ni pourrait être plus Idui^Mie mais ipii suffit à prou-
ver l'existence «l'im art aux appIi<"ations nond)r<Mises, d'un arl mar(i<ain plus coinpliît que
celui de l'Ali^érie, «liffércnt de celui de la Tunisie, très apparenté à «velui de l'Andalou
sip, sans contact direct a\ec la naturt", cl ]M\reineut imairiuatif ; en cela, foncièrement
musulman.
Voyons maintenant la situation actuelle. Art de luxe, l'art marocaiil est à peine orf^a-
nisé. Lorsqu'un propriétaire veut coii-^lniiie une maison, il s'«'nlend avec ini maître-
maçon, un maître-cbarpenlior, im maître-menuisier de son clioix, qui diriffc^nl le tra-
vail conforméuH-nl à ses vues; il fournil lui-m«*me les matéiiaux in<''cessaires, paie les
artisans, les ouvriers et les manoeuvres, <lélaisse ses proj)r(>s occupations pendant tout
le temps que diui" la construction. II est son propn' arcliilecle cl son propre entrepreneur.
I.a nn'tliode ne «-banjje «juèro lorsqti'il s'ii^^it ,),> ti;i\au\ de moindri' inipoj tance.
Les commandes sont passé«>s à lU's bomines ou d«'s femmes do métier qui travaillent iso-
lément ou en compajinie <le quelques ouvriers, l'aies sont souvent accompaj^nées d'arrhes
on de fournitures do matières premières qui en tiennent lieu. Des paicMueints partiels
s'effectuent au cours du travail s'il est de quelque durée. Le règlement définitif se fait
à la livraison. Vjxx somme, les industries de luxe se font à la commande. Elles répondent
surtout .'i des besoins locaux et cherchent rarement l'exportation.
Il n'y a pas d'enseignement proprement dit, officiel o>i privé. Il n'y a que l'appren-
tissage du chantier et «le l'atelier. C'est ce i\n\ e\|ili(]ue «pic ««Mlaines liadiliotis aient pu
se perpétuer très longtemps.
Ces traditions ne nous sont c-epondant pas to\iti>s parv«'nuos. Le Maroc a conn\i des
pt'riodes de crise qui ont causé l'oubli et la perle de certaines d'entre elles. La mode,
car elle existe, en a fait tomber d'autres et fait naître de nouvelles. Lancée dans im monde
peu averti, elle a causé de sérieux dommages. T>'art marocain arrive à un tournant de son
histoire où il peut subir de rudes atteintes.
La «oncurrcnce européenne qui a importé «le l'orfèvrerie et de la cuivrerie, des
«Iraps, cotonnades et soieries, des lapis, «le la porcelaine, de la vaisselle de iô\o émail-
lée et de fer battu, des colorants fugaces et :\ bon marché, a considérahlcmont nui aux
producteurs locaux. C'est une loi économiq\ie à laquelle le Maroc ne pouvait échapper,
'•tant donné sa situation industrielle et technique. Si elle a servi le commerce européen,
avantage incontestable, si elle a répondu à des préoccupations de aiouveauté et de bon
marché, assez légitimes de la part des autochtones, elle a n'uluit les revenus de quelques
corporations, provoqué un mélange regrett.ablc de styles, faussé le goût des artisans <t
avili certains produits. Un dévergondage ornemental, im bariolage nom, l'emploi sans
de matériaux indigentis, de coloris sans solidité, sont les principaux dommages suibis,
depuis une vingtaine d'années, par les arts marocains.
Voilà pour la concurrence. Le touriste n'a pas eu, en général, une meilleure in
Huence. Souvent, il s'est rué, avec une parfaite inconscience, et parfois une inqualifia-
ble ignorance, sur des articles de pacotille, en encourageant la fabrication d'une came-
DE L'INSTITUT DES IIAUTES-mUDES MABOCAÏNES 447
lotte du plus mauvais goût. Lo commerce a même suivi, à un moment domié, ce mou-
vement. Les arts marocains ont ainsi été gravement exposés. A un engouement inconsi-
déré pouvait succéder un mépris et une désaffection des plus préjudiciables. Ils n'ont
cependant pas snnd)ié. l'ii la circonstance, le Protectorat a fait œuvre utile. Le Service
des Arts Indigènes, qu'il a institué dès la première heure, a été son instrument.
Il fallait d'abord faire l'éducation du public européen et lui montrer ce
indigène,
qui est vraiment beau, intéressant, caractéristique, et pour le moins honorable. Des expo-
sitions en ont fourni l'occasion. L'exposition firanco-marocaine de Casablanca en I9i5,
la foire de Fès en 1916, Rabat en 1917, le Pavillon de Marsan à Paris en 1917
la foire de
à Fès. des collections ont été constituées depuis i9i5. Elles s'enrichissent chaque jour.
On y réunit, pendant qu'il en est temps encore, des spécimens anciens de tous les arts
du pays, citadins et bédouins. La faveur dont ils jouissent indique assez qu'ils répon-
dent à un véritable besoin. Ils sont très visités. La plupart des voyageurs viennent s'y
:"etfe œuvre. Bien plus, il en est qui collectionnent à notre exemple. A Fès, à Marrakech,
des notables achètent à prix fort des objets de valeur, parlieulièrenient des manuscrits.
Cf n'est qu'un commencement.
Mais h tout prendre, l'objet de la collection^ fut-il exposé au ivublic, fut-il visité
critifque, indique le parti qu'on peut en tirer tout en tenant compte du temps et des
besoins; il provoque les initiatives, stimule le savoir-faire de chacun, demande des réa-
lisations nouvelles.
Pour cela, il se conforme à la coutume. Il agit «omuie le ferait un particulier indi-
gène, en passant des commandes sur prix conveiui, mais sous promesse de majoration
df- ce prix pair un « fabor » traditionnel si l'exécution est plus que satisfaisante. Cette
clause est nécessaire pour exciter l'espriit de recherohe et le désir de bien faire.
Le procédé a donné d'excellents résultats à tous les points de vue. Il présente encore
l'immense avantage de laisser l'artisan dans son atelier d'où il faut se garder de le
faire sortir, de faire assister tous les ouvriers et les apprentis de cet atelier et des ate-
liers voisins à des travaux de choix, d'agir, par répercussion, sur la corporation entière,
de rendre productives enfin les dépenses du Protectorat, puisque chaque dépense est
ture des laines et la fabrication des tapis. Cet atelier est indispensable. La réputation des
448 ACTES DU UV CONCnf'S
tapis de Rabat risquerait fort do sombrer sous les tapis défectueux répandus dans le com-
merce et exécutés soit par dfs ffiiiiiies truvuillant chez elles, soit dans les fabriques fon-
dées par des Européens. 11 faut doue pnrer à ce dannfer t;n montrant autre chose aux ron-
naisseurs. Jo dois tlin» <rnillciiis <nic, soii\eiil, les l'jihi ii iiiils Niciiiicnl \ iniisci des ciisci-
I! livre le fruit de ses obsiMvations dans des revues appropriées, appelle l'attention
des savants, des antiquaires, et même du conumerce et de l'industrie sur les airts maro-
cfiins et leurs techniques. Ia' bruit s'en répand plus loin qu'on ne le supposerait. Les
spécialistes sont nombreux qin ont traversé les mers pour éltidier les orts marocains.
Répomlaul aux dispositions (l\i dnhirs du uo. mai i()i() et du 17 décembre 1921 sur
l;i réglementation des tapis marocains en vue de leur entrée en France avec franchise
de douane, le Service dos .\rls in<ligènes délivre l'eslampille d'Ktal et élabore un « cor-
pus » ou reevieil de motifs de lai)i>, actuellenienl l'impn'ssion. On [«'ut déjà le con- i\
sulter. Cette docunu<nlation non est (ju'à ses débuts. Avec le tenij)S, elle se complétera,
s'étendra ù d'autres objets et ccinstituera dies aixhives d« la plus haute utilité.
Les industries d'art qui sont susceptibles de se maintenir ou de se développer, de
procurer à leurs arti-ons des ressources certaines, qui sont viables en un mot, sont tou-
tes l'objet des plus grands soins. La <iéramique, la menuiserie et la sculpture sur bois,
la ciselure du plâtre, la peinture, les bronzes et les cuivres, la ferronnerie et le damas-
quinagc, le découpage des métaux, la reliure et l'enluminure, la broderie d'or et de
soie, sur étoffes et sur cuirs, la fabrication des tissus de Inine et de soie, dics tapi» et' dts
couvertures, tel est le pif>gramme entrepris.
La dernière exposition (oloiiiale do Mar<eill<' n ré\élé que les artis marocains ont
une saveur, une originalité, un<' lemi" coniplèleniont absentes dans les arts algériens
et tunisiens. Ce résultat se dou])l(> d'a\aidages économiques et moraux qui ont leur
importance. Bien des artisans, cpii vi\ aient ignorés et dans la gène, sont aiijourd'hui
aisés et en vue. Les uns ont entouré leur famille d'uTU* domesticité qu'ils n'avaient
pu entretenir jusque-là. D'autres ont épousé une deuxième fennne ce ne sont peut- —
être pas les plus sages. D'autres, plus avisés, de locataues qu'ils étaient, sont devenus
propriétaires. Quelques-uns enfin font fructifier leurs économies en s 'associant à des
jardiniers ou à dos cultivateurs. Presque tous peuvent se passer d'interprètes ils ont :
appris les quelques mots de français indispensables aux transactions. Ils aaucillent
très bien l'étranger. Le bénéfice moral d'une telle situation, est d'une valeur inappréciable.
Dans leur tâche, les agents du Service des Arts indigènes n'ont à compter que
sur leurs connaissances propres, on matièie d'art, de langue, d'us et coutumes musml-
mans, sur une liaison constante avec les autorités locales européennes et indigènes,
sur les bonnes relations qu'ils entretiennent avec les artisans d'une pari, la clientèle
d'autre part. La persuasion <'st à peu près leur seule aime. Ils ne s'appuient sur aucune
défense administrative, si ce n'est au sujet des tapis que leurs détenteurs veulent in-
troduire en fianrhiso de douane en Franco. Ils ont, il est vrai, le haut appui moral de
la Résidence et celui des amateurs éclairés. 11 senddo que cela soit suiffisant, car il n'en
Cet exposé a pour objet de rassembler les résultats déjà acquis dans le domaine de
!<• défense des sites et monuments, de préciser nos buis, nos principes d'action.
des
Aussi laisserons-nous volontairement en dehors de cet essai les considérations de détail
qui feront l'objet de communications ultérieures^
Nousi insisterons spécialement sur le fait qu'au Maroc, nous nous sommes trouvés
iclativement aux Monuments Historiques dans un cas particulier, et ce sera l'honneur
de ceux qui, au début de l'établissement du Protectorat, ont compris que ce n'étaient
pas seulement les bâtiments qu'il fallait garder, mais avant tout, les villes elles-mêmes
et leurs sites.
En conséquence, nous pensons qu'il est néces.saire pour juger de l'effort accompli
et des résultats obtenus, de laisser là l'expérience acquise en France, et de créer, à notre
usage, une table de valeurs nouvelles.
Il n'y a pas de compairaison possible entre l'état moral et social des peuples occi-
dentaux et celui des peuples orientaux.
I.e renouvellement rapide des formes esthétiques, privilège de notre esprit créateur,
tooj jours en mouvejneint, rejette dûns le passé l'œuvre réalisée, la pousse vers le musée,
et l'artiste s'élance avec enthousiasme vers d'autres conquêtes artistiques.
Ici c'est tout autre : l'esprit tjnadilionalistc évoluant au milieu de formes plus len-
tes à se modifier, a conservé par delà les siècles une survivance et maintenu jusqu'à
nous, ce qui, à l'époque où nous étionsi encore des gothiques, vivait déjà dans son
expression affirmée, substantielle.
Cette considération est essentielle ; c'est elle qui a orienté le sens de nos restaura-
tions, de notre action pour la défense des villes.
Une restauration ne peut, à notre avis, être faite sans transformer aussi peut soit-il
le (monument dont elle Iprolonge l'existence; elle fera perdue un peu du charme
particulier aux ruines et, même si l'artisan apporte à son travail infi.nimcnt de tact,
monuments livrés à nos s^oins ; aussi l'indigène ne gardc-t-il pas, aussi jalousement
que nous en France, ses trésors artistiques. Il sait qu'il retrouvera toujours prêtes à
jaillir de lui, sans apport nouveau, des formes à jamais consacrées. Les musulmans, pour
lesquels la fuite du temps n'est rien, laissent crouler leurs monuments avec autant
d'indifférence qu'ils ont mis d'ardeur à Nous nous sommes donc substitués à les élever.
eux pour garder les vestiges artistiques d'une civilisation brillante. Nous avons étendu
le manteau protecteur sur l'ensemble du site, de la ville, au milieu duquel elle surgit,
premier puissn^ mieux oompreiulre le monumenl se dressant dans son milieu original,
el enfin nous restaurons les monunienls ; c'est l'ordre que nous suivrons dans cet exposé.
RABAT
La première reconnaissance faile à Habal ne laissa aii< un doute sur les points «[u'il
ff.llail défendre.
La Casbah dos Ouiiaia et ses abords;
La Médina ;
Chella.
La Casbah des Oiulaïa, site admirable, iiniciue, oITic pour 1 liisloin' et l'aivliéologie
un grand intérêt, l-onilée par l'.Vlmohade Abd el jMoumen, ayrandie par ses successeurs,
elle représente en même temps qu'un merveilleux spécimen d'art arabe marocain, le
point de dépaiil des expéditions qui furent menées en Espagne contre les chrétiens.
(t la Médersa ».
Un arrêté portant règlement artistique enveloppe cet ensemble que nous considérons
comme Monument Historique, afin que nulle construction nouvelle ne puisse en venir
rompre l'harmonie. Le règlement autorise la consolidation des constructionsi anciennes,
IcJU" entretien ou leur réfection eu cas d'effondrement. Imi un mot, nous a\ons voulu
conserver à ce site exceptionnel son enveloppe extérieure, sans toutefois entraver la vie
qui l'anime, et fait de lui l'iinc des plus attrayantes curiosités du Maroc.
Des travaux très importants ont été faits jx)ur le dégagement de la grande
porte de la Casbah, qui dispairaissail dorrière des constructions parasites, venues s'ados-
ser aux vieux nmrs des remparts. Celle porte dont on n'apercevait qu'une partie se
révélait connue étant un ouvrage important. Des démolitions la mirent à jour mais en
très mauvais état. Les passages avaient été recloisonnés, cl les voussoirs, glissant sur
leurs joints menaçaient ruine. Ces liiavaux sont de iyi5.
H faut rendre hommage à ceux qui, avec un tacl et des soins particuliers, restau-
rèrent ce beau morceau almohade pour notre plus grande joie.
d'architecluro
Dorrière les remparts, au milieu d'éboulis, se dressait un groupe de bâtiments
ayant été, peut-être une école de pilotage, peut-être une médersa, el, sans doute, l'une
après l'autre, avec une petite mosquéj et un hamrnam. Le tout avait été aménagé —
en vue d'habitations indigènes. — Les hautes salles sectionnées en leur hauteur par
des planchers intermédiaires avaient perdu tout leur caractère, les colonnes du patio
étaient lombées; des déprédations innombrables axaient été commises par les indigènes,
avec toute l'indifférence qui les caractérise. Une à une les colonnes reprirent leur place,
les planchers intermédiaires dispacrurenl, le patio redevint un palio entouré de hautes
el belles salîts.
F'o- 1- — Haljiil, Porlc de lu caslmli des Oudaia. Face iutérieure, «Kinl c/rgnijeiiwnl.
Fig. 2. — Rabat, Porle d*' la casbah des Oudaia. Face Intérieure, après degagetnent.
I
4SI ACTES DL' 111' CONGUÊS
imporUnIs et délicats. La Modersa, une foU remise en élat, sa grande salle augmentée
sur sa face côte jardin, largo4iic«l éclairée, devint musée chérilien. IVxsonne au Maroc
n'ignore le niusé« des Oudaia, ni les jai-dius qui renlonn-nl et qui ont été créais à
cette époque 1^1917-1918).
Le grand bassin, k perron central, les inurs de soutèncmenl des allées, l'aménage-
raent des chemins de ronde et la réfection d'une partie des remparts sont de 1917.
En itfiS, dan* les jardins et appuyé à la muraille, limitant la Casbah vers le
^ouL El Ghzol, on construisit un paxillou contenant une salle d exposition, puis en
prolougemejit, quelques petites L>ouliqucs pour a^ti^an$ indigènes.
Le hanunam remis eu état fonctionne, et \ous connaisse! le café maure joliment
instalié qui dcMiiine l'estuaire du Bou-Hegreg et le panorama de 6alé.
nous a paru aussi de première nécessité de garantir la médina de Uabal qui, moins
11
ancienne que la CasLah de Oudaia, puisqu'on fait remonter sa fondation au xvii* siècle
par les .Kndalous chassés d'Espagne, n'en est pas moins intéressante el très particulière
avec ses rues blanches et ses souks violemment bigarrés.
Par dahir nous avons classé les vastes enceintes avec leurs portes. Un règlement a
été établi qui grève d'une servitude d'apect. la totalité de la médina el du niellah. Deux
rues, celle des Consuls et El Gza, depuis longtemps livrées au commerce et ayajit subi
des influences euri>péennes, ixgrellabies pour nous, L'cliap|H;nl un peu à nos règlements.
.Nous exigeons cependantque sa t<^Miue générale reste eu lianiionie avec l'aspect de la ville.
.\vec la Tour d'Hassan nous touchons au monument le plus important
Mosquée et la
vaste mosquée.
Le minaret présentait sur l'une de ses faces, une grande fissure qui fut bouchée f-t
le p'an incliné qui permet de monter au sommet, consolidé et restauré. Le sommet
même fut aménagé en plateforme.
Ces premiers travaux, quoique considérables, ne révèlent pas tout mais ils permet-
liont et faciliteront les travaux de reconstitution par l'inwge qui pourront être tentés
ultérieurement.
GHELLA
Chella aura toujours pour nous un irn-sistibic attrait. .Site dénudé, désertique, décor
simple et grandiose, tel il apparaît da seuil de la porte des Zaers. L'enceinte franchie,
DE L'1N.SHTI T DES II Al TES T: Il DES MAI\0(:AliNES 453
1 iiuprcssiuii csl dilïc'rcnlv : il ol'fn; aux rcgaiJs le <iKiiiii<' de son sol accidcnlr et de
àes magnifiques jaiJius d'orangers.
Avec ses vestiges du; consta'ucliouis romaines, miuuesquesi, bcïî manabouls et sa
source, nous l'avons trouvé t<^'l qu'il nous a semblé nécessairt', de le considérer contmc
un monument historique et nous l'avons classé. Le classement comprend toute l'étendue
comprise dans l'enceinte, mosquée, nécropole, marabouts et r<Miiceinte elle-même, avec
son admirable porte.
Le Service du Plan de Rabat a pris sur lui, pour seconder nos efforts, de réserver une
large zone de protection autour de (^hella alin que imlle construction européenne ne
vienne rompre l'harmonieuse sérénité du lieu.
En 1915, les ruines à l'intérieur do la nécropole étaient envahies par une végétation
dél)ordante qui poussjiit les vieux murs et menaçait de n'en rien laisser. D'importants
travaux de déblaiement et de terrassement dégagèrent et permirent de nettoyer les abords.
Le grand mur, dernier vestige important de la koubba de Abou el Hassane Ali qui proté-
geait les tombeaux, fort intéressant par sa décoration, luiné à sa base, était en faux
aplomb. Il fut redressé, consolidé.
L'année suivante, la salle des ablutions de la Mosquée fut nettoyée et divers sondages
pratiqués.
Los échauguettes de la porte monumentale mérinide furent remises en état.
MARRAKECH
C'est en considération de tous ces écucils que nous avons gris un règlement artis-
tique, s'étendant sur toute la ville à l'intérieur des murailles, avec des modalités qui
rendent assez souple l'arme défensive que nous avons forgée.
Ainsi, nous avons classé non aedijicandi la place Djemaà El Fna, mais nous n impo-
sons aux façades qui l'entourent qu'une servitude d'aspect, afin d'éviter les réactions
qui peuvent cire si funestes au !-ort du centre indigène nous traiterons chaque immeuble ;
de celte place comme un cas d'espèce et tenterons ainsi de satisfaire, à la fois, nos buts
esthétiques el la puissance de vie et d'évolution contre laquelle nous nous heurterons
inévitiiblemenl. Il se trouve même un quartier neuf, au sud-est de la Koutoubia, régi par
un règlement de voirie applicable aux villes nouvelies. Nous avons classé les murailles,
tout le rés«'au de murailles qui, sans létouffer, serpente autour de la ville et de l'agdal.
Deux /jones, l'une intérieure, l'autre extérieure, la protègent el, en certains point.»,
s'élargissent pour garder, au spectateur, le recul indispensable; devant la porte de
Doukkala, par exemple, afin que le minaret de la Koutoubia se présente sur la silhouette
lointaine de l'Atlas.
Une zone isole le minaret de la Koutoubia et, au delà de la zone, un dahir limite
ej] hauteur, le développement des constructions. Enfin la Municipalité a porté, sur son
plan d'extension, La création do jardins, entre la place Djemaà El Fna et la Mosquée, et
entre celle-ci el les murailles les plus proches, pour qu'aucune construction n'intercepte
uEspÊRis. — T. n. — 1022. 30
i;)4 AcrEs ni m- coincui-s
la vuo di collf pièt.o miiquc dv l'arl iu>liilooluial inusuluMii. de i|iitl<|ui' point (iiioii
v^^uille l'aborder.
nomme moniiineiils hisloriquo nous avons dasso lu Médersa Bon Yonsst-f. los fnniainps
El Mouassin'j aliénant à la mo-^^qniH', relie de Sidi El Hassano, et la fontain^^ KchiY>h nu
Choiif, toutes tioi» d'tni laraclc'rf archileclural spécial à MaiTaki\ii ; h l'oxtérirur ilr ii
villi'. If pont du Nfis «t f» ,i\dr<'s pont.?, situés sur l'oued Tssil qui participent si iparfai-
tenu'ut à renchanlement qui se dégage du sol bousculé sur lequel s'élève la palmeraie;
le mausolée des chérifs Saadiensi^ vénéroibU' monument arabe dans lequel on retrouve le
sentiment et les proportions des édifices du xvi'' siècle italien. Dans ee dernier nioiuiinent
aussi discrètement <]ne possible et avec prudence, nous restaïuons les murs, les plafoiiils.
les revêtements.
En 191S, tontes les toitures fuient reprises, charpentes et couvertures, alin de suppri-
mer les infiltrations qui détérioraient les boiseries de la Koubba. Les soubassements,
les dallafres, la toiture îles koubbas du bâtmicnt principial on! été restaurés, et nous «n-
treprenons de restituer à la salle longue, eonlif^uë ù la grande salle, le plafond en menui-
serie qui «ivait été masqué par une voût<- «mi berceau surbai&sé.
Kouioabia
Le mauvais état des voûtes dans la partie supérieuiie du minarci nous obligea, en içjyi.
a y faire immédiatement des travaux de réfection. Puis, nous avons loninicncé la ma-
lauration du lanlernon dont nous avons tout le revêlemenl e| le couronnement à repren
dre : ces travaux sont en cours.
M(hlcrs(t bel) Youssci
La toitme qui recouvre la koubba d'entrée, la terrasse qui s'étend sur la salle de prières
et divers autres travaux de détails ont été exécutés de 1916 à 1951.
Nous élendon- ee chantier, et attaquons à la fois la réfection des revêtements de zelli-
ges, les menuiseries et les plâtres grattés situés dans la grande' cour.
SALÉ
C'est une petite cité ayant conservé presque intégralement son caractère. Sur l'agglo-
mération tout entière, nous avons ét«!ndu une servitude de protection que nous avons
voulue assez souple pour ne point gêner l'indigène <lans ses habitudes ou ses aspirations,
mais suffisante cependant, pour empêcher les européens assez nombreux, qui ont choisi
Salé comme résidence, de transformer sa physionomie.
Ce règlement de voirie, prescrit « qu'en vue d'empêcher <iue des constructions euro-
péennes ne viennent compromettre le pittonsque des (piartiers de la population indigène,
aucune construction ne pourra s'y élever qu'en s»; conformant aux proportions d'ensemble
ti d'ornementation des anciennes constructions de la médina. »
D'autre part, afin que .Salé garde tout son alliail, ia sini|)licité spacieuse de ses abords,
une large bande a été réservée par le Servicr des Plarns de Villes, autjonr de ses nmrailles., à
A ce momen!, nous avons repris les travaux commencés, élayé les murs et refait la toiture
et la koubba en bois de la salle des prières. Ultérieurement, et dès que les consolidations
importantes que nous effectuons seront terminées, nous entrepiendrons la restauration
de la cour. Actuellement, elle dispairaît dans un corset de bois.
DE L'INSTITUT DES HAUTES-ÉTUDES MAIA(X:.\INKS 455
— PA&AT »=
Fie. 3. — Plan de Salé, avec iadicatioii des zoQes de proleclion el des servitudes de voirie.
456 vc.iKs 1)1 III' (:().N(;iu^:s
MAZAG\N
Noliv diiiiiiiinc est, ici. tivs liniil*', luiismi'il ii)iu|ii<'iul i'iiiuicniu' \iili' pi)itii;,MiHc qui
fSl dans l'inipossibilil»'- de se lit'wloppi r à l'inlt-riour tic ses rciuparts. Le n^^'lcmciil de
voirie «|uc nous clablisson^ pour clic, scia donc très simple.
Los remparts au.\ solidc< bastions, cl l'cj^lisc paroissiale de l'Assoiuplion, rcceiniucjit
re^Uiurcf, ont été classés.
Nous sommes arrtîtés. poui la salle d'armes du Chàlcau, par dos droits <U' propriété,
encore mal déilnis. Nous voudiious la classer aussi \ilc que possible, alin que les habi-
liints des maisons qui sont bâties, au-dessus d'elle, n'aient phis la tentation de la trans-
former en égout, ce qui un moment l'avait l'ait prendre pour une citerne.
SAFI
de la mer.
Le Château de nu-r, construit par les Forlugnis au xvi" siècle (pii domine le port, la
Kechla, le quarlioi- des jjoliers qui entoure le sancluain de Si \hd cr Kahmane. au-dcJà
du ravin de bab <l Kou'ass, sont classés.
Sont à l'élude des projets de clas>^(>nieiit pour les remparts (jui joignent la Kechla à
MOGADOR
Ne nous semble pas en danger. Datant d>i xvin"* siècle, et contruitc sur les plans et
sous les indications d'un ingénieur français, elle évoque un certain (piailier de NCisailles
qu'une colonie nmsulmaue aurait adaptée à son usage. Elle se transforme très lente-
ment, mais dans le même sens et nous n'aurons qu'à veiller, sons angoisse, sur les
constructions nouvelles pom- les maintenir eu harmonie avec l'ensemble; cependant, il
nous paraît indispensable de classer la ceinture de murailUs et la Skala, qui réunit sur
sa forme de nomb(reuscs pièces d'artillerie, tant en fer qu'en bronze,
plate et dont quel-
ques-unes sortent des ateliexs de Sé\ille et de Barcelone. La porte de la marine et
dajis laquelle des jardins sont prévus, établira la liaison entre les deux villes que les
MEKNÈS
les rues Houaiiicrziiir, de Dar Sineii i-l ra\ciiiic du Mollah, Mokiù-s «ora facile à maintenir
dans son caractère strictement indigène.
Sont donc isolés, et par conséquent à l'abri, le j,n-oiii)e des palais et jardins du Sultan
Moulay Ismaïl.
Nous avons établi, comme pour les autre» villes, un règlement de voirie approprié.
Sont classés les portes et les remparts de la ville, la place El Ilédim, le nrraud ensemble
:
de Bah Mansonr et de Djama eu Nouar, le très pur morceau d'architecture constitué par
Bab El Khémis.
Dans l'Agdal, les uiagusins de Moulay Ismaïl, le Djcnane Ben Alima, transformé
en jardin d'essai, et ses deux ravissants pavillons d'été; la grande pièce d'eau, la koubba
El Khiattine, située à l'entrée du Palais du Sultan et oii Moulay Ismaïl rendait la justice
Le Dar El Béida, résidence de Sidi Mohamed Ren Allah aménagé, par nos soins ît
dans son caractère, en école militaire pour fils de notables indigènes.
Nous avons, eu cour? d'enquête, les classements de diverses fontaines, des nombreux
msids coraniques dont les façades) en nnnuiserii's arrêtent si heureusement le regard
dans les rues de Meknès.
Egalement, les médersas de Bou Anania, de, Filala et le fondouk du Henné, près du
grand souk.
De 1915 à 1922, nous avons lia\ aillé <à Meknès.
D'abord, c'est l'admirable Bab VA Khémis dont les ruines sont complètement conso-
lidées, puis la médersa Bou Ananiu reçoit des éluiemenls urgents.
En 1916, nous commençons l'aménagement du Dar Béida qui a été à peu près terminé
dernièrement par la création d'un vaste jardin maïu'e, parsemé de chapiteaux, trouvés
dans les ruines.
Au jardin de Ben Alima les pavillons eurent leurs toitures refaites.
Bab Berdaïn, Genaoua et Bab Mansour, furent quelque peu et insuffisamment res-
taurées. En 1920, la pénurie de personnel fit abandonner tous les travaux en cours qui ne
furent repris qu'en 1921.
Bab Mansour a été. pendant les années 1921 et 1922, complètement restaurée. Le bas-
tion de droite qui menaçait de Nous lui avons rendu sa silhouette
s'éi-rouier fut redressé.
primitive, en débouchant la bénika du se<ond bastion. Nous avonsi même découvert, au
cour des travaux, imc grande salle voûtée que nous avons aménagée pour les artistes de
passage.
Le Dar Jamaï. eotivenablement restauré, sert, mainten:iut, d(> bureaux pour l'Ins-
pection des Monuiucnls Historiques, des Arts Indigènes et île l'Oftiee Economique.
FEZ
La ville de Fez apparaît a priori, comme facilement défendable du fait, que la villle
nouvelle est très notablement distante du groupe des anciennes médinas.
La [)lus ancienne, Fez ei Bal! se trouve protégée par la proxiiuilé des jardins de
Bou Dj.loud et la niasse même de Fez Djedid. Les rues (mi sont étroites, le sol accidenté
est impraticable aux voitures, ce qui pour notre action, est uu avantage notable.
.Vu point de vue site, il nous a paru eu première urgence que nous devions classer
les diverses enceintes qui ceinturent les villes et l'Agdal. les remparts intérieurs,
toutes les portes. Des zones ont été réservées autour des villes, ailu de maintenir en
son cadre original et grandiose la capitale marocaine.
Ce qui rend notre rôle si délicat, et ceci est vrai pour toutes les villes dont nous
avons la garde, c'est qu'il nous faut conserver le caractère, l'attrait des cités marocaines
458 \( IKs |)l III' CdMiUf'iS
sans (Mifraver la \ io ilu peuple «pii lis habite, (".clui-fi, désireux de bénéficier des avan-
Uigcs lie notre eixilisalion. tenir une diversion à ses habitudes esthétiques, et accueille
favorublenient. sinon nos nnvurs, du moins nos procédés d'existence. Nous avons i\ hiltor
demande ;\ être eoniplélé(> par \ine surveillance constante des villes anciennes, si nous
ne voulons pas se voir peidre le hénélic.' des premiers jias accomidis dans ce doniaiiir
de la conservation des si! es.
('<>rtaiiis quartiei>s, la (.'asbali des Cliorarda, relie des l'ilala purent être classés im-
médiatement. Mais, dans le rèirlcnient (pie nous proposons actu<'llement à la signature du
Maré<'lial. cl qui s'étend sur les deux villes aurieun*'s, nous avons dû leinr roniple des
différents degrés d'exigences qu'il nous est p<"rmis d'imposer, puisque nous ne pouvons
pas réglomenlor Fez Djedid où «erlains quartiers se transforment inéluctablement de la
rnèni(> manière que Vc/. c\ Hali <pii est resté si profoiiilénient in(lii;èiie.
D'autre part K' quartier du Donh rassem.bli". dans son milieu aimabU", une grainde
[jartie de la colonie europwnne et nous nous eontcnlnns d'exiger que les clnnstructions
qui s'édifieut, s'inspireid du milieu qui caVractérise les quartiers les plus proches.
Voici pour les sites.
Sont classés : le groupe des portes Dekaken et Bon Je.loud et la série dos médersas
m('iinides. pi'rles d'art, expression d'un»' dynastie savante et noble.
La Méviersa Seffarino, la plus ancii-nne, celle deMlarim;, de Mesbabia, de Saliridj,
construites .sous le sultanat de \bou Saïd Otmane.
Celle de Hou Anania, la phis largement conçue, dont le plan aux éléments bien
équilibrés, bien proportionnés, apparaît comme la synthèse la plus complète qui ait été
faite su;r ce programme. Son décor, débordant sur le souk, accueille bien avant l'entirée
l'étudiant.
La médersa C.berratine. la plus récente, édifiée sous les Alaf)uites.
Enfin le fondouk Nejjarine, qin forme avec la place qui le précède el la fontaine.
l'un des groupes le.- plus pittorestpics de la Médina.
Depuis i0'5. nous avons travaillé d'une manière presque ininterrompue, <lans les
médersas.
Dans aucune autre vill<'. le monument mériiiide lu» trouve plus d'expression, plus
de variété dans sa décoration.
L'arabesque, né<" de l'enroulement de fleurs el de feuilles, était apparu-^ autour dos
arcades de l'amienne mosquée d'ibn Touloun au Caire. Plus lard, l'imagination arabe
voulut se faire plus subtile cl transfoiTua la ligne vivante en une ligne purement idéolo-
gique qui définit bien le sens spirituel de cet art. Quand le polygone régulier fit son
apparition, dans le répertoire ornemental, les géomètres arabes en dégagèrent quelques
principes et constituèrent on fornmles scientifiques, ce que les maallems d'aujourd'hui
exécutent encoie. lorsqu'ils veulent décorer leurs habitations.
C'est la phalange des artis;ins encore imprégiu'-s de la tradition polygonale, si l'on
peut dire, qui nous a permis d'entreprendre lentement, mais avec la certitude d'abou-
tir. Il remise en étal de ces coffrets incomparables qui n'ont perdu ni leur atmosphère
religieuse, ni leurs hôtes. Et ce sont encore des êtn-s bien vivants qu'il nous faut soigner.
L'objet est trop vaste pour que nous puissions nous étendre sur le détail de nos
restaurations.
Nous nous contenterons de .«ignaler que, de igiS à ce jour, nous avons consolidé
les coupoles en bois des koubbas situées de part et d'autre de la cour, à la médersa Bon
Anania. Puis, la charpcnle el l'auvent de la koubba d'onlrée donnant sm le petit Taala,
l'i charpente de la toiture de la une voûte en mosquée et bois, les darbouz, plâtres isculp-
tés el zelliges à rintériein du patio; l'auvent couronnant les façades sur cour, les con-
DE L'INSTITUT DES lIXlfTES-ËTlDE^ MM'.OCMNES 459
4T60- ACTFS \)\ III' (.o\(ilU':S
«oies sculplô<'s i|iii Ir siipportonl ; nous axons icstimrr l'c<i;ilii'i- de l'onlivo principale
cl lo vostibuir ; l.i l'aviulc l'ôlé suil, l'I nous coinnicuvoiis des liinaux sur la façade de la
ni0S(jii(S>.
A la MfdcMs» \llaiin'', les couloirs ^^ le voslibiilc d'accôs sonl rcslaurés, trois faça-
iK'S sur le j)alio sont tonninéos. la «pialrii^nio est i)rosque u<"hcv(^e. Nous travaillerons,
i-elt*' année. ;\ rinlériciu" de la salle do prii'^rc».
Le /)fi;' .l(//iy<"/. affecté au Service des \rls Imligèues, a été entièronicnt, remis en
élal pendant les années 11)17-18. C'était lii demeure d'iiu uolahle indigène du xviii" siè-
cle. Elle est renianpiable par ses grandes lignes et les iieureiises proportions de son patio.
I.e BciUta fut aménagé en partie, après restauration, en musée, cl plusieurs écoles
coraniques furent l'objet de travaux de réfection.
.\ux cnviiiuis de Vv/. la koubba de S'uU Ihiruic.in fut restaurée par nos soins.
TÂZA
La grande mosquée, seul monument très import<ml de 'l'aza. est classée. En certaines
de sefj parties, elle date de l' Mmohade Abd El Moumene et est ; surtout remarquable par
sa coupole devant le mihrab, son miinbar et son formidable lustre.
Comme pour les autres villes, certaines pré>c;autions ont été prises et un règlement
d'esthétique, récemnient pronnilgué a pour effet, de maintenir la médina dans son
aspect original.
En 1918. quelques travaux ont été faits à la grande Mosquée oi à la bibliothèque.
En 1922, la coupole du mihrab qui est si joliment ajourée et la toiture la surmontant
ont été remises en état,
AGADin
Nous avons classé le quartier de Sidi Bou Knadel, groupé autour du marabout du
même nom, avec sa petite place ses escaliers et ses portiques.
La Ka.sbah des .\ït Rba, dite Casbah Tadla ainsi que h? pont situé sur l'Oum Er
Rebia, ont été classés,
MEHEDYA
Nous avons classé l'ensemble des ruines, murs d'enceinte, puits, rotonde du Com-
mandant du Port et les sites compris entre l'enceinte cl l'ou-eid Sebou.
Comme partout ailleurs une zOne de protection grève; les abords de servitudes.
DE LiiNSIITir DKS 11 \ljrKS-l';rLjl)ES m\iux:alne8 461
5 ^
3 Z
'7.
Zi rr.
-35
462 ACrKS |)l lir CONClUvS
J'ai ilil, au cours de col exposé, en parrouraiil lc> mcdvrsas do Foz, «pa' nous avious
à soitriHT (Us êtres \ivanls, —
vivanlis d'abor*! par ci" que oos inonimiciils n'dut jamais
otv désaffocUis <"l poursuiviul iulassablenn'nl leur rôlo. Leur enlrclieu u'esl donc pas
uuiquenieul eelui il un nioiuiuieiil liisloricpie. l/arl qui s'y manifeste, iniprtvgné d'al)-
solu, lie slal>ilil('' relii,'ieu-;e. n'a pas. ilepiii-; la naissance de ces niouunu'uls, renouvelé
ses forundo. \i\auls. île la \ le Irautiuille des êtres <|ui -^e seuleul éleruels, uiais (jui
toutefois n'tud eouipriuié eu eux Tinslinel qu'aux épcxpies de déeliéauee, ear l'Arabe,
en vidaid lU- formes animée-^ ^es moxeus il'vxpression. chorrlia loujours à briser la niono-
lonie de ses visions plastiques en eoinbinani, sans ropos, le>< lij^Mies fandiières qu'il tord
miracle. — Le miraele de l'esprit arabe le voici admirablcmeul délini par Llie Faurc
(( l/c mira(l." de l'espril arabe c'est qu'il fut., lui, partout, el parlout donùna sans
(( rien <réer p.ir lui-mèiue. \nareliique et un, nomade, sans pbi*; de frontii>res moralo
(( que <lc frontières matérielles, il put, |)ar oxda même, persuader aux peuples vaincus de
(. s'absorbei' ilans l'unité de son q'éni<". n
Edmond Pauty.
COMPTES RENDUS DES SEANCES MENSUELLES
DE
la Résidence Générale, assiste à la réunion. Sont présents MM. Henri Basse! , Bruno,
Louis Brunot. Célérier, do Cenival, Fleui-j, Gérenton, Ismaël llainct, Laoust, Lévi-Pro-
vençal, Marty, Ricard, le D"" Renaud, Roger, Salfranc, Terrasse, Vors.
M. Laoust étudie les mariages collectifs chez les Berbères. Quelques tribus du Maroc
et de l'Algérie ont l'habitude de célébrer à la fois, à certains jours de l'année, tous les
més, et qu'en eux survivent de vieux rites naturistes, par lesquels les Berbères s'effor-
cent d'aider au renouveau de la végétation.
MM. Basset et Lévi-Provençal présentent quelques observations sur une inscription
française et arabe placé> depuis peu à l'entrée de la ville de Rabat, et qui contient des
erreurs historiques.
La séance est levée à 17 heures 3o.
peaux. C'était son caractère primitif — il reste [)eut-ètre môme des traces de ce culte
dans les croyances actuelles relatives aux troupeaux; — ce que par son assimi-
n'est
lation avec l'Amon thébain, dieu bélier et solaire dont il nom, et avec le dieu
prit le
de la Grandi^ Oasis, qu'il devint un dieu solain^ et nMidit des oracles. Rien ne permet
d'affirmer l'origine lihycpii' du dieu ég\ptien; qiiant ;ni\ gra\nres rupeslrcs du Sud-Ora-
nais qui semblent représenlci' un bélier coiffé du (lis(|iir solaire, leur âge n'est pas déter-
miné de façon as<ez sûre poni- (|iie l'on ])nisso en tirer un ii'gumcnt dans quelque sens
que ce soil.
464 coAiriKs i;i:m)1 s dks si';\N(^,ks mknsi kli.ks
M. lltMiii Rasscl oxamiin' oiisiiili' los rapiuul^ »ini uniront rAnmion libyquc ovtc
H.ial liaiiunoii, Mt'I<|;ul cl Satiirnus.
[^a s«''ancc «.si lovi'o à lO liruros /|5.
Lo Socrotaiio (.luniu- locliiii' dos i)rooôs-\('rbaii\ <k' svauoos onvoyôs i)ar Icj^ ooinik^?^
ia<.[uolli' II'., causos soûl dôfôrôcs, n'a (pTun pouxoir do oouoiliallon. iVL Ihiiuo oxposc les
rôirli's iu\«pioll('> »onl stMiinis la noniinatian di's arbilros ol lo choix d<'s cautions,
« iiuasiicM ». (|ui irataidissiîut la coTupandion dos parties et l'oxôcutiou do la sentence.
Il ôludie la priHcdun- ol les modes de preuve admis devant les jiuidiolions berbères.
M. lo Maréchal do Franco Lyaul(>y prend onsuilo la pa-olo 11 deniaiido <|iie soit <lrcssée
une rarlo du Maroc à ré|>(X|uo lomainc, on lonant coniplc do tous les loxies connus et do
toules les découvorlos archéolosiquos faites dans ces dernières années.
Il parle ensuite île l'organisation de l'enseignement supérieur franco-musulman et
de la très haute imporlance <fue présente la formation d'uuo élite musulmane, non seu-
lement au point de vue du dévoloppenioid. du Maroc et de la politique de Protectorat,
mais aussi au point de vue de la politique islamiijue générale.
Haniol, I^'v i-ri(i\rii(al. Lnubitriiac, Marly. Monlaj^Mic, Passomard. lo h'' lU'uaxid, îîoger,
Terrasse.
M. Ismacl llauict préseuir nue coniiMunication sui les noms berbère-^ judaïsés. Il
résume, d"apn-< li's tia\aiix de M. \ahum Slouscli. rhi>loiro do l'établissoniont des Juif-
en Afrique, ot étudie la ijiie^lion des judéo-berbères. Il cite un cort;iiii uonibie do noms
d'origine berbère actuellement portés par des .luifs marocains.
M. le LieutenanI de vaisseau Mnutagne cite nu texte géogra[)liiqiii' d'Edrisi relatant
une exploration di'< îIl< t\v. la Mn dos Ténèbres. Les navigateurs partis de Lisbonne
abordèrent à plusirurs îles où M. Montagne croit reconnaître les Açores et les Canaries.
La description dos habitants de ces dernières îlos s'applique convenablement aux Guan-
ches. De môme l'apprécialion des distances concorde avec l'indication du temps qu'il
a fallu pour les parcourii-. A trois jours des Canaries, les voyageurs débarquèrent sur le
dans les Comptes Hendus de rAoadémic des Sciences. Il expose les résultats de la mission
qu'il a ae(ompli<' au Maroc pondant l'année 1921. Aucun des éléments d'information
(ju'il a pu recueillir ne permet li'élablir ilo synchronisme eidire les données de la pré-
histoire européenne ot celles que fournit r.\frique du Nord. Los lécentos découvertes do
r^E I/INS'IITIT DRS II \( rKS-|':'| l DRS M \IU)r:AlNK?5 w.\
M. Reyyusse Tnoutr<'nl qu'il y ;iiua lieu de i('!\ iscr un grand noinbic ilc uolinns admises
jusqu'ici en matière de préhistoire africaine. M. l'assemard croit que la géologie seule,
t't non pas la comparaison archéologique avt'c l'Europe, i)erinettra d'établir pour l'Afri-
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P- 9' I %•
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-2 fig.
HESi»ÉKIS. — T. a. — 1IJ22 32
48G 11E8PÉH1S
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1 lig.
UouGKu (CJiislavi'j. — Nos artistes au Maroc, avec mir Ici lie picl'acc du
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I pi., h. t.
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"
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492 IIESPriRÎS
T. Tanj^er et les îles Canaries, ds. licvnr <lrs Ih'ii.r Um/h/.'x, if) st'idcm-
bre i9'.v.i, j). •.>/|i-i^5o.
r.ABBR (P. -F.). — Sur les rives du Bou Regrej?. Chella Salé Rabat. Taris,
Bcrger-T-cvraiilt, t9>>. in-i >, i()7 p., illiistr.
— Une traversée du Haut Atlas par Tizi N'Test et/ le pays Goundafi,
ds, C.Iah Alpin français. Bnllciin de la Scciion du Maroc, i\" t, anne\(;
au Bulletin de la Soc. de Gcogr. du Maroc, f\" irim. i9'V)., p. 5r-22,
I croquis, i photo.
de Marseille, 1922, 16 p.
rédigé en l'an 85 1 de notre ère, et les maient une véritable colonie l'un d'eux ;
vers 916 Aboû Zayd Hasan de Sîrâf, juridiction sur ses coreligionnaires,
sur le golfe Persique. Ces deux opus- organisation qui rappelle quelque peu
avaient déjà été traduits par Beinaud barie; les marchandises étaient pas-
en 1845 ; mais depuis celte date, nos sibles à l'entrée d'un droit de 3o 0/0,
déjà paru, et son édition, actuellement façon dont on contrôlait les dettes et
sous presse, du recueil d'Instructions jugeait les faillites; ils louent le sys-
nautiques laissé par le pilote arabe de tème des passeports, nouveaux pour
Vasco de Gama. Nul mieux que lui eux, et qui permettait de voyager en
n'était désigné pour donner de l'ancien toute sécurité à l'intérieur du pays.
et fort important récit de Soulaymân Car, bien que le commerce arabe fût
une nouvelle édition, qui mît k profit concentré à Canton, d'aucuns s'avan-
les progrès de la science. cèrent plus loin : Ibn Wahab, quelques
Les relations étaient suivies, au années plus tard, allait rendre visite au
ix' siècle, entre les ports du golfe Per- souverain, qui résidait alors à Si-ngan-
496 HE9PÉRIS
l'ou ou lrou\oia \o récit desoii voyagr
:
phénomènes de la mer. Ces récits de
dans la seconde partie do cet ouvrage. voyage ont lout le charme des Aven-
(Quelques dizaines dannéesplus tard, tiif' s de Siiulhàd le marin.
les choses changèrent. Agilalions, ré-
Aussi ce livre ne s'adresse-t-il pas
voltes, anarchie. houioNcMsèrcnl la sage
seulement aux géographes et aux orien-
adniiiiistralidii (luc (ic.rixail Soulay- talistes. La collection dans la(piclle il a
niàn. et rendin>nt fort précaire le com- paru sj propose de faire connaître au
merce. Les niarcliands aral)es allèrent
public lettré de l'Occident (piehpies-
pins rarement à Canton, et Ion ne vil nnes des meilleures n'u\resde l'Orient.
plus arriver que de loin en loin les vais-
D'aiilies peuvent avoir une plus large
seaux et les marchandises de Chine
portée, mais peu sont d'une lecture
ilans les ports du golfe Persiiiue. Dans aussi attachante. Au reste, le volume se
celle période' iK.uhléc pourtant, les présente admirablement, comme tous
relations ne lurent pas entièrement ceux de la collection : son impression
interrompues : Itcuvre d'Aboù Zayd est fort soignée, el de nombreux bois
llasan deSiràl'. rédigée vers^iG d'après
de belle allure signés de Mlle A. Kar-
des renseignements recueillis par lui-
pelès, \iennent le rehausser.
même auprès des marins de sa ville
Henri Basset.
natale, est presque aussi volumineuse
et aussi documentée <pie le récit de
Soulaymàn. \. Ih'.L. — /.es lieni S/ious cl leurs
mosquées, (extraii du lUilleliii arcliéo-
Ces deux relations ne nous ren-
seignent pas seulement sur
iu(/i(/uc, içi'^oj. Paris. Imp. Nat., iQaa,
la Chine,
/|3 p. <S plans et fig.
mais aussi sur la route qui y menait.
L'itinéraire de Soulaymàn concorde, xM. Bel. qui citiuiaît admirablement
d'une manière générale, avec ceux que la région des Beiii Suons (Béni Suons
donnent les géographes ou les poly- et Azaïl), au sud-ouest de TIemcen, non
graphes de son siècle et du suivant, loin de l'actuelle frontière marocaine,
tels qulbn khordûdzbeh ou Mas-oùdî. a remar(iué(pie plusieurs des moscpjées
On connaissait l'existence d'une route dans lestpielles ])rierit ces cam|)agnards
de terre, par où arrivait parfois le sont des édifices anciens. 11 s'est effor-
musc, mais on ne la suivait pas. Le cé de les faire classer comme monu-
voyage par mer durait environ cinq ments historiques; et le rapport qu'il
mois; on faisait de fré(juentes escales. a établi pour appuyer cette proposi-
De leur passage en tant de pays divers, tion constitue une étude archéologique
les marins rapportaient quelques faits approfondie. Le pays est fort islamisé :
téristiques des minarets d'époque mé- ils devaient chercher dans cette ville,
rinide : décorés d'arcatures, couronnés autrefois comme maintenant, un mar-
de merlons et surmontés d'une lan- ché sur lequel écouler le produit de
terne; de fait. M. Bel estime qu'ils leurs industries rurales : et Tafessera
datent de la première moitié du était une bourgade plus importante
Quant aux mosquées, elles
xiv* siècle. qu'aujourd'hui, centre d'une industrie
sont au moins aussi anciennes, et peut- du fer qui a depuis disparu. Cepen-
être même davantage : M. Bel incline dant ces circonstances ne suffisent pas
à les croire almohades. à expliquer l'islamisation profonde du
Les lignes générales de l'architecture pays. Car, par ailleurs les Béni Snous,
de ces édifices sont les mêmes que montagnards, ont su garder leur origi-
dans les villes, Tlemcen notamment, nalité : même, ils ont conservé jusqu'à
si proche, et dont l'influence est mani- nos jours leur parler berbère Maison
feste. Mais la décoration, à l'ordinaire entrevoit, si l'on accepte les conclu-
très sobre et d'ailleurs fort maltraitée, sions de iM. Bel relativement à l'âge
apparaît différente dans le détail. On des constructions (pi'il étudie, deux
n'a pas fait appel aux artisans des grands mouvements de prosélytisme
villes ; elle est l'œuvre de campagnards, nmsulmaii, au cours du Moyen- \ge,
et cela se trahit par le choix des dans ces campagnes tlemcéniennes : à
motifs .•
on y rencontre, à Tafessera l'époque des Almohades ; et plus sûre-
surtout, toute une série de ces dessins ment au \iv' siècle, au temps de la
que l'on est accoutumé de trouver dans dynastie 'abd el-wâdide. Il serait fort
les grimoires magiques ou sur des intéressant de pouvoir faire ailleurs les
amulettes plus ou moins orthodoxes, mômes constatations. Le grand mou-
ou qui décorent les étoffes et les pote- vement de prosélytisme du xvi* siècle
ries berbères. 11 est bien intéressant nous voile les efforts antérieurs : l'étude
de connaître par ces exemples la dispo- des humbles mosquées de campagne
sition et la décoration de mosquées de pourrait parfois les faire apparaître.
campagne à l'époque brillante où s'éle- Henri Basset.
vaient les somptueux édifices de Tlem-
cen, de Fès, de Chella et de Salé.
Dupuis-Yakouba. Industries et prin-
Mais ces mosquées peuvent nous
cipales professions des habilanls de la
apprendre encore autre chose. Leur
région de Tornboaclou. (Publication du
nombre dans cet étroit canton et leur
Comité d'études historiques et scienti-
ancienneté apportent quelques préci-
fiques de l'A. O. F.) Paris, E. Larosc,
sions sur la date et l'intensité de la péné-
192 1, ig3 p. 2 pi. et nombreuses
tration de rislâm dans quelques cam-
figures.
pagnes berbères. Sans doute les Béni
Snous étaient à l'égard de Tlemcen dans Ce livre est avant tout un album,
unedépendance économique étroite, qui tout rempli de dessins et de croquis,
pouvait faciliter chez eux la diffusion des nets et typiques, où le texte, parfois
ments, très utile contribution à relhiio- même situa lion inférieure des |)otlers
soudanaises sont considérables, les in- frappantes. La tiaditlon veut ([uo les
dustries de Tombouctou présentent de cordonniers de Tombouctou d(>.scendent
très grandes analogies avec celles de des con(|uérant8 marocains venus avec
l'Afrique du Nord, surtout du sud Djoùder à la lin du xvi"^ siècle; de fait,
moitié terrasse sur laquelle on dort, d'une riv(! à l'autre du Sahara : c'est
l'été, dans des huttes de feuillages qui à Tombouctou (juc se fabriquent les
rappellent de près les constructions bracelets de perles que l'on voit arriver
légères sur les terrasses du Tidikelt dans le Sous, et ceux de pierre si
et celles qu'on élève à la même saison estimés chez les Touareg, même chez
sur les terrasses des lighremt maro- ceux du Nord, cliez qui ils parviennent
caines; les portes, munies d'anneaux comme les boites de cuir fabriquées au
BIBLIOGRAPHIE 499
mèiue endioil. Les cloflbs soudanaises rant systématique et magistrat des pro-
arrivcMit jusqu'à Kès el Tripoli, tandis blèmes posés par l'étude du sol maro-
que les cuivres marocains parviennent cain. L'on peut en dire autant de la
ce pays marocain qui est bien, pour bréviaire de ceux qui veulent prendre
notre science, l'un des plus remar- une vue exacte du Maroc.
quables carrefours naturels que l'on 11 nous fallait une vision scientifique
connaisse. 11 faut d'abord voir ici, au- du Maroc, la voici : En effet, le Maroc
delà du but immédiat que se sont pro- vu par l'esprit peu systématique de nos
posés les auteurs une mise au point géographes n'est point un ensemble
qui n'avait pas encore été faite jus- homogène, vaste canevas sur lequel il
qu'alors. En effet, le livre toujoursjeune est facile de broder des variations
et toujours \i\anl de M. Augustin Ber- coloniales, économiques et ethnogra-
nard reste le guide essentiel, le tableau phiques, l'oint de généralisations élo-
concret et complet de la terre et de la ([uentes, de discours d'apparat. Des
vie marocaines; mais dans im tel ou- faits avant toute chose et des explica-
vrage, la géographie bien que l'on tions. MM. Hardy et Gelerier ont fait
sente à chaque instant l'esprit aigu du de l'étude des régions le fond solide et
géographe, ne fournit guère que les durable de leur ouvrage. Dans l'état
éléments d une préface nécessaire pour actuel de la géographie marocaine un
bien pénétrer l'histoire, l'ethnographie tel dessein ne va point sans difficultés.
l'économie et la vie politique du Magh- La définition même de la région natu-
reb, Le Maroc physupie de M. Gentil relle est parfois insaisissable. Il est
ne veut pas être un traité de géographie souvent délicat de subordonner la
cation. l'Jos termes pii ionien l froolo- l/élude régionale est la siihstance
giiiues comme u Détioil Sud Uil'ain n mémcde l'ouvrage : mais elle estcepen-
« Mesela Marocaine » s'ils sont néces- dant cni'adrée |)ar une vue d'ensemble
saires pour comprendre l'histoire phy- et une étude de la mise en valeur qui
si(pie, ne ristpieni ils pas de inascpier en sont la préface (>t la conclusion
concrète. Knlin nesl-il pas dangereux, en cin(i chapitrt^s, sont abordées dans
Meseta cpii nous apprend ce qu'il faut [ileinc transformation comme le Maroc,
savoir de 1 histoire du sol. introduit pose des problèmes généraux qui sont
Haouz, expressément fondée sur l'obser- On pouiiait être tenté de voir dans ces
vation géographicpie. C'est ainsi, autre (juatre chapitres assez brefs un résumé
exemple, que le Sous nesl point séparé hàlif et peut-être insuffisant. Mais Fin-
heureux et qu'il reste associé à l'Atlas été fait région par région et cec^i encore
qui lui infuse Nous obtenons
la vie. est d'cxcc^llenle méthode. L'on a tant
ainsi une division régionale du Maroc abusé des éludes cursives et décisives
(pii, sauf retouches de détail et préci- sur un Maroc idéal et sans nuances
sions de limites, semble bien définitive. (ju'il n'était [las mauvais d'introduire
Dou/.echapi 1res étudient successivement dans le domaine économiciue le sens
avec ses trois parties, le seuil de Taza, croyons-nous, les chapitres sur les pro-
la région de Fes Meknés. la plaine infé- ductions, sur la colonisation, sur l'irri-
Chaque étude, substantielle cl précise, des cultures, celle des oliviers, celle
est à la fois une définition, une descrip- des cultures irriguées, celles des terres
tion et une explication de la région. collectives ou dos terrains de parcours.
Mais dans cette méthode, nul procédé, Celte trop sèche analyse ne donne
toujours le souci de découvrir, de qu'une faible idée de l'intérêt du livre.
MM. Hardy et Celerier se lit sans grand et méthodique d'une foule de travaux
effort, l'esprit retenu et satisfait. L'on épars dans les recueils techniques, les
est séduit par la netteté classique de la récits de voyages et les ouvrages de
construction, saisi par l'impression de toutes sortes qui ont traité du Maroc.
vie qui déborde de ces pages. Des titres Mais n'allons point voir ici un simple
lapidaires, des formules expressives et sec résumé; méthode rajeunit le
la
évoquent les paysages et les hommes, document, et bien j)lus, à chaque page,
fixent les faits et les idées. Des dessins l'on sent ou l'on devine, enrichissant
rapides cl vivants, empruntés à de Fou et vérifiant les données acquises par les
cauld ou exécutés par l'un des auteurs devanciers, les vues originales, les
omises. L'on voit d'excellentes raisons, lentes, mais révèlent une étude plus
financières et scientifiques, de cellecon- profonde, un sens aigu de l'observa-
damnalion. Les auteurs préfèrent le tion.
des Béni Mguild gardent une valeur Mais tel qu'il est, cet ouvrage rendra
géographique qui n'est point subjective. les plus grands services, non-seulement
Plus que ne l'indique une biblio- aux étudiants, mais encore aux admi-
graphie tiop sommaire, l'ouvrage de nistrateurs et aux géographes soucieux
MM. Hardy et Céléricr représente la de bien connaître le Maroc. Espérons
mise au point la plus récente de enfin que cet ouvrage, qui continue
nos connaissances géographiques. C est, une série déjà brillante, contribuera à
HBSrERIS. — T. H. 1922
TABLE DES MATIÈRES
I. — ARTICLES
Page»
Medloum 337
D' BuLiT. — Notes sur la thérapeutique indigène dans le Sud Marocain. . 323
IV. — BlBLIOr.RAPHlE
L'Editeur-Gérant : E. Larose
Société Française d'Imprimerie bt de Publicité. — Angers, 4, rue Garnier. Paris, 2, rub Monge,
ÂJ'a' Hesperis
181
t.
UNIVERSITY OF TORONTO
LIBRARY
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