Chapitre - 1, Element Fini
Chapitre - 1, Element Fini
Chapitre - 1, Element Fini
– CIV4160 –
Automne 2011
Introduction
1.1 Généralités
La Méthode des Éléments Finis (MEF) est une technique de résolution numérique, d’un problème physique,
formulé par un modèle mathématique. Dans le cadre de ce cours, nous nous intéresserons essentiellement
aux problèmes reliés à l’analyse des structures, aux transferts de chaleur, aux écoulements fluides, et à la
géotechnique.
Le modèle mathématique s’exprime souvent sous forme d’un problème aux valeurs limites, constitué d’une
ou de plusieurs équations différentielles, munie(s) de conditions aux frontières. Ces équations, valides sur
un domaine d’étude donné, sont obtenues à partir de lois physiques, traduisant généralement l’équilibre
des forces, la conservation de l’énergie, de la masse ou de la quantité de mouvement. Elles sont constituées
d’une inconnue du problème, dite variable d’état, de ses dérivées ainsi que d’autres paramètres caractérisant
le problème. La variable d’état peut correspondre à un déplacement, une contrainte, une température, une
vitesse d’écoulement, une pression dans un fluide, etc. Le tableau 1.1 montre quelques exemples d’équations
différentielles caractérisant des problèmes unidimensionnels classiques.
Résoudre le problème aux valeurs limites – et donc le problème physique, consiste à déterminer les va-
leurs de la variable d’état en tout point du domaine étudié. La complexité des configurations géométriques,
des chargements et des comportements des matériaux rend généralement impossible la résolution ana-
lytique exacte des équations différentielles caractérisant le problème en question. Le recours à des mé-
thodes approximatives devient alors nécessaire. La figure 1.1 montre quelques méthodes analytiques et nu-
mériques courantes. Parmi ces techniques, la MEF est actuellement la plus utilisée par les ingénieurs et
chercheurs en génie civil.
1
1.2. UNE IDÉE SIMPLE ... 1-2
MODÈLE MATHÉMATIQUE
Formulation analytique exprimée sous
forme d’équations différentielles
grecs et romains de l’antiquité avaient en effet réussi a estimé la circonférence c d’un cercle en l’appro-
chant par les périmètres d’un polygone circonscrit p sup et d’un polygone inscrit p inf . La figure 1.2 illustre
ce procédé. Nous avons d’après la figure 1.2a
où les périmètres p inf et p sup peuvent s’obtenir facilement en mesurant les longueurs des cotés de chacun
des deux polygones. Il suffit donc d’augmenter le nombre de côtés pour obtenir une bonne approximation
de la circonférence du cercle (figure 1.2b). Cette technique a été surtout utilisée pour estimer la valeur de π,
puisque
c
π= (1.2)
d
où d est le diamètre du cercle. Bien entendu, en augmentant le nombre de côtés des polygones, cette estima-
tion converge vers la valeur exacte de π.
Figure 1.2– Approximation de π en approchant la circonférence d’un cercle : (a) principe ; (b) estimation raffinée.
En suivant une démarche quelque peu similaire, des problèmes plus complexes tels que ceux illustrés sur
la figure 1.3 peuvent être résolus par la MEF. En fait, ce processus, presque naturel, se manifeste égale-
ment dans d’autres applications fréquemment rencontrées dans la vie de tous les jours, telles que les Mo-
saïques (figure 1.4), les tableaux des peintres impressionnistes (figure 1.5), ou encore la résolution d’une
photo numérique (figure 1.6).
Figure 1.3– Exemples de problèmes résolus par la MEF : (a) Contraintes au sein d’un barrage ; (b) vitesse d’écoule-
ment d’un fluide dans une conduite.
Figure 1.4– Mosaïque datant du 6ème siècle. Musée de la culture byzantine, Thessaloniki, Grèce.
Figure 1.5– La Grenouillère (1869) par le peintre impressionniste Pierre-Auguste Renoir (1841 à Limoges–1919 à
Cagnes). National Museum, Stockholm.
Compte tenu de ces considérations, il s’avère que la conception et la construction des ouvrages de génie
civil doivent généralement être solidement étayées par des analyses poussées. Dans ce contexte, les trois
dernières décennies ont prouvé que la MEF est un outil particulièrement bien adapté pour effectuer de telles
analyses. Notons cependant qu’un outil de calcul, aussi sophistiqué soit-il, ne doit pas remplacer le jugement
ni l’expérience de l’ingénieur, mais plutôt les enrichir.
Tableau 1.2– Exemples d’applications de la méthode des éléments finis en génie civil.
Discipline Exemples de problèmes à résoudre
Génie des structures Comportement statique et dynamique des structures composées générale-
ment de poutres, de plaques, de coques, et/ou de solides bidimensionnels et
tridimensionnels, etc.
La figure 1.8 schématise le rôle de la MEF dans le processus global de résolution d’un problème physique.
Une étape préliminaire consiste à choisir un modèle mathématique existant, ou à développer un nouveau
modèle plus approprié pour le problème traité. Tel que mentionné plus haut, les modèles mathématiques sont
exprimés sous forme d’équations différentielles. La MEF est alors utilisée pour résoudre numériquement ces
équations. La précision de calcul souhaitée doit être spécifiée par l’analyste 1 , et les résultats obtenus sont
jugés selon des critères de précision pré-établis. Il est important de noter que les résultats de l’analyse
reflètent les informations contenues dans le modèle mathématique, en particulier les hypothèses de base. La
connaissance de ces informations est primordiale pour une interprétation correcte et efficace des résultats.
L’analyse par éléments finis proprement dite constitue une partie du processus global de résolution d’un pro-
blème donné. Elle nécessite l’utilisation d’un ordinateur muni d’outils de calcul (programmes ou logiciels).
1. Ce terme sera employé tout au long du texte pour désigné un utilisateur de la MEF.
Figure 1.8– Rôle de la MEF dans le processus global de résolution d’un problème physique.
Généralement, le temps requis par l’exécution du modèle Éléments Finis (EF) sur ordinateur est relative-
ment court par rapport au temps que l’analyste consacre à la compréhension de la nature du problème, la
préparation du modèle EF et l’interprétation des résultats. L’encadré en pointillé de la figure 1.8 identifie les
étapes principales d’une analyse par éléments finis. Ces étapes sont aussi importantes les unes que les autres
et doivent être réalisées avec soin :
– Pré-traitement : L’analyste fournit au logiciel les données pour construire le modèle EF. Ces don-
nées incluent la géométrie, les propriétés mécaniques des matériaux, les conditions aux frontières
et les charges appliquées. L’analyste construit ensuite le maillage, en subdivisant le domaine étudié
en petits sous-domaines, dits éléments finis, connectés par des noeuds. La plupart des logiciels com-
merciaux sont dotés d’un mailleur automatique. Cependant, c’est à l’analyste de spécifier le (ou les)
type(s) d’éléments finis à utiliser ainsi que la densité du maillage.
– Traitement : L’information introduite par l’analyste est traitée par le logiciel afin de calculer auto-
matiquement les matrices élémentaires. Ces matrices sont ensuite assemblées. Les équations diffé-
rentielles du modèle mathématiques sont alors transformées en un système d’équations matricielles.
La résolution numérique de ces équations fournie les valeurs aux noeuds des champs inconnus recher-
chés (déplacements, contraintes, déformations, températures, pressions, etc.)
– Post-traitement : Des listes contenant les résultats numériques obtenus sont constituées, et sont gé-
néralement sauvegardés dans des fichiers de sortie. La plupart des logiciels commerciaux permettent
également de représenter graphiquement ces valeurs et de les manipuler pour obtenir d’autres résul-
tats.
Nous aurons l’occasion de revoir ces étapes plus en détail tout au long du cours.
L’analyse d’un problème par éléments finis nécessite souvent plusieurs itérations. Les situations suivantes
peuvent se présenter à l’issue d’une itération :
– Les résultats obtenus présentent une (ou des) erreur(s) grossières facilement décelable(s) : À titre
d’exemple, en examinant les ordres de grandeur, ou en vérifiant la prise en compte effective des
conditions aux frontières spécifiées. Il faut alors détecter la source de (ou des) erreur(s) en reprenant
les étapes de modélisation et en se servant des outils offerts par le logiciel utilisé (fichiers de sortie,
avertissements, modules d’affichage, etc.). Au delà des considérations purement logicielles, l’erreur
pourrait provenir dans certains cas d’une mauvaise compréhension du problème physique, de sa mise
en équation ou des deux. Il est donc primordial de s’assurer de la pertinence du modèle mathématique
choisi pour résoudre le problème posé.
– Les résultats obtenus ne présentent pas d’erreurs grossières facilement décelables : Cette première
appréciation doit être approfondie en vérifiant que les résultats obtenus satisfont les critères de préci-
sion pré-établis. Si tel n’est pas le cas, l’analyse doit être recommencée en raffinant un ou plusieurs
paramètres du modèle (augmentation de la densité du maillage, choix d’autres types d’éléments finis,
etc.). Ce processus doit être répété jusqu’à ce que la précision souhaitée soit atteinte.
– Les critères de précision pré-établis sont satisfaits : Dans ce cas, un raffinement supplémentaire des
paramètres du modèle numérique ne devrait avoir qu’un effet négligeable sur les résultats. L’étape
suivante consiste à interpréter ces résultats à la lumière de ceux obtenus à l’aide d’autres moyens,
tels que des essais de laboratoire, ou d’autres méthodes numériques ou analytiques. À l’issue de cette
validation, des modifications pourraient être apportées aux modèles mathématique ou numérique si
cela est jugé nécessaire.
Finalement, notons qu’il est important d’interpréter les résultats d’une analyse par élément finis en gardant
à l’esprit qu’ils sont d’abord et avant tout la solution d’un modèle mathématique, à fortiori approximatif,
d’un problème physique réel. Il n’est donc pas du ressort direct de la MEF de valider l’adéquation d’un
modèle mathématique pour un problème donné, bien que les résultats des analyse EF peuvent appuyer des
conclusions à cet égard.
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