Histoire Generale Du Congo Des Origines A Nos Jours Tome 3 Le Congo Au 20e Siecle 2296136281 9782296136281 Compress
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L’HARMATTAN
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-13628-1
EAN : 9782296136281
PREFACE
-9-
cycle d’instabilité institutionnelle de la vie politique post-
indépendance, caractérisée, comme l’observe judicieusement
Denis Sassou Nguesso, par une logique de violence politique
qui se résume en termes de « Construction-destruction »2.
- 10 -
suivant un processus étagé, et dont l’évolution a connu une
accélération au lendemain de la Seconde Guerre mondiale,
notamment avec les Constitutions françaises de 1946
(Quatrième République) et de 1958 (Cinquième République).
3
-Pour l’Afrique occidentale française (AOF) : Guinée, Côte-d’Ivoire,
Dahomey, Sénégal, Haute-Volta, Togo, Mali, Mauritanie, Niger ;
- 11 -
l’indépendance en 1960, s’est vu conférer successivement le
statut de :
-Territoire décentralisé, dans le cadre de l’Union française
(1946-1957) ;
-République-Etat fédéré, dans le cadre de la Communauté
française (1958-1960) ;
-République-Etat indépendant, dans le cadre de la
décolonisation (à partir du 15 août 1960).
- 12 -
conférence africaine française tenue à Brazzaville du 30
janvier au 8 février 1944. Sans attendre la fin de la guerre, le
Général Charles de Gaulle prit sur lui le risque de réunir à
Brazzaville, les Gouverneurs des colonies de l’AEF et de
l’AOF pour échanger sur l’avenir des colonies. Cette tribune
que Laurent Gbagbo6 appréciait comme « un dialogue des
sourds, dans la mesure où elle n’a débouché que sur des
déclarations d’intention, sans cadrage programmatique sur
l’évolution du statut des colonies », a quand même constitué
l’un des déclencheurs de cette évolution progressive.
6
Laurent Gbagbo, 1978, Réflexions sur la conférence de Brazzaville,
Yaoundé, CLE, p. 32.
7
Charles de Gaulle, Allocution prononcée à l’ouverture de la Conférence
africaine française le 30 janvier 1944 à Brazzaville.
- 13 -
Autour de cette idée, s’est opéré un distinguo entre les
intérêts de la Métropole et ceux des colonies. Avant ce décret,
il était difficile de dissocier les intérêts de la Métropole de
ceux des Colonies. Les deux entités étaient liées par un
mariage de raison qui les mettaient dans un régime de « biens
communs », et donc indissociables. La doctrine «d’intérêts
propres » permet donc d’instituer un domaine public et un
domaine privé, ainsi que des institutions propres aux colonies.
- 14 -
session appelée session budgétaire s’ouvre entre le 1er juillet et
le 31 août, soit une durée d’un mois à toutes les sessions.
Les décisions de l’assemblée sont rendues sous forme de
délibérations ou d’avis, tel que stipulé à l’article 33 du décret
suscité. L’assemblée délibère sur plusieurs matières qui
touchent à la vie du territoire (acquisitions, aliénations et
échanges des propriétés mobilières et immobilières du
territoire affectées ou non à un service, etc.…). Il s’agit donc
de la mise en place d’une véritable administration
décentralisée, embryon qui préfigure la future administration
post- indépendance.
- 15 -
De la composition de l’Union française
L’article 60 de ladite constitution dispose:
De l’organisation
L’Union française comprend trois organes centraux (article
63) : la Présidence, l’Assemblée et le Haut conseil d’office
assuré par le président de la République française.
L’assemblée est composée, par moitié, des membres
représentant la France métropolitaine, et par moitié de
membres représentant les départements et territoires d’outre-
mer. Les membres de l’assemblée de l’Union sont élus par les
assemblées territoriales en ce qui concerne les départements et
territoires d’outre-mer.
- 16 -
premier par le renforcement des compétences des assemblées
territoriales ainsi que par l’élargissement de leur
représentativité. Elle introduit clairement en son article 1er, les
notions de décentralisation et de déconcentration
administratives, ce qui permit aux colonies de prendre des
initiatives propres à la gouvernance des affaires locales.
En outre, les nouvelles assemblées instituées se sont
substituées aux assemblées créées par les décrets du 25 octobre
1946 et par la loi du 31 mars 19488. C’est donc à travers la loi
susvisée qu’il a été décidé du changement d’appellation des
assemblées représentatives en assemblées territoriales.
8
Voir Journal Officiel de la République française du 7 février 1952, p.
1587
9
Les premières et deuxièmes sections correspondent aux chambres
françaises et africaines
- 17 -
France d’outre-mer, que de profondes réformes tendant à
renforcer les compétences des institutions territoriales furent
entreprises. C’est donc au travers de cette loi que la politique
de décentralisation s’est rendue véritablement manifeste. Les
institutions territoriales devaient bénéficier des pouvoirs
d’initiative étendus. En substance, la loi suscitée visait quatre
objectifs principaux :
- modifier le rôle des pouvoirs d’administration et de
gestion des gouvernements généraux en vue de les transformer
en organismes de coordination ;
- instituer dans tous les territoires des conseils de
gouvernement ;
- doter d’un pouvoir délibérant élargi notamment pour
l’organisation et la gestion des services territoriaux, des
assemblées de territoire et des assemblées représentatives ;
- déterminer les conditions d’institution et de
fonctionnement, ainsi que les attributions des conseils de
circonscriptions administratives et des collectivités rurales et
les modalités d’octroi de la personnalité morale à ces
circonscriptions sans que cela puisse faire obstacle à la
création de nouvelles municipalités.
Par ailleurs, la loi cadre de 1956 introduit pour la première
fois la fonction publique territoriale d’outre-mer avec
l’africanisation des postes. De même, il est institué un suffrage
universel dans les territoires relevant du Ministère de la France
d’outre-mer, en ce qui concerne les élections à l’assemblée
nationale, aux assemblées territoriales, aux assemblées
provinciales de Madagascar, aux conseils de circonscription et
aux assemblées municipales.
- 18 -
institués par le décret n°57-458 du 4 avril 1957 fixant les
conditions de formation et de fonctionnement des Conseils de
Gouvernement dans les territoires de l’Afrique occidentale
française et de l’Afrique équatoriale française, et qui se
présentent en outre comme des territoires d’outre-mer dotés de
la personnalité civile et de l’autonomie financière.
- un chef de territoire ;
- un conseil de gouvernement ;
- une assemblée territoriale.
L’article 2 dispose :
- 19 -
constitutionnelle qui vit l’adoption de la loi constitutionnelle
du 3 juin 1958.
L’institution de la Communauté
Pour la première fois, les rapports de tutelle entre les
territoires d’outre-mer et la Métropole seront transformés et
refondés à l’intérieur d’un nouveau cadre juridique associatif
appelé « Communauté ».10 L’Union française qui institua une
autonomie « conditionnelle » fera place à la Communauté ou
la fédération d’intérêts entre Etats égaux en droit, et partant, la
consécration de la fédération des « souverainetés ». C’est au
titre XII qu’a été instituée la Communauté. L’article 76
dispose :
10
Voir : Projet de Constitution française, Journal officiel de l’AEF du 13
septembre 1958, p 1431-1441
- 20 -
Les territoires d’outre-mer peuvent garder leur statut
au sein de la République. S’ils en manifestent la
volonté par délibération de leur assemblée territoriale
prise dans le délai prévu au premier alinéa de l’article
91, ils deviennent soit départements d’outre-mer de la
République, soit groupes ou non entre eux, Etats
membres de la Communauté.
- 21 -
Le Général de Gaulle, qui est l’un des architectes de la
Communauté, entreprit en août 1958 des campagnes actives à
travers les colonies d’Afrique, pour les inviter à se prononcer
pour ou contre la Communauté, à travers un référendum. Le 24
août 1958 au Stade Eboué à Brazzaville, de Gaulle prononça
un discours mémorable en guise d’ouverture de la campagne
référendaire sur la nouvelle Constitution du 4 octobre 1958. Le
Congo se prononça en faveur de la Communauté après la
consultation référendaire du 28 septembre 1958, par 339.436
voix contre 2.133.
- 22 -
- Fulbert Youlou, leader de l’Union pour la Défense des
Intérêts Africains (UDDIA).
- 23 -
Le premier gouvernement congolais dirigé par des Congolais
fut ainsi conduit par Jacques Opangault. L’Abbé Fulbert
Youlou y assuma les charges de Ministre de l’agriculture.
Dans le contexte actuel du « devoir de mémoire », Il serait
juste et bon, de dater la gouvernance du Congo par les
Congolais à partir de Jacques Opangault, et non de Youlou. Ce
dernier est le deuxième Chef du Gouvernement congolais
après avoir renversé Jacques Opangault après un « cafouillage
électoral » organisé par Christian Jayle, Président de
l’Assemblée territoriale, le 28 novembre 1958.11 La gestion
congolaise de ses propres affaires court à partir du 6 juin 1957
et non du 15 août 1960, date de l’indépendance. C’est par
excès de familiarisation à la conception présidentialiste de la
gouvernance, que les Congolais ont tendance à ignorer la
première gouvernance congolaise des affaires par Jacques
Opangault. Premier congolais, Chef de Gouvernement élu,
quoique sous l’appellation générique de Vice-président du
Conseil de Gouvernement, Jacques Opangault jouissait, dans
le cadre du régime parlementaire d’antan, des mêmes
prérogatives que celles d’un président de la République. Le
Chef de territoire n’assumait plus que des fonctions
honorifiques de liaison entre le territoire et la métropole, ce
jusqu’au Gouvernement Youlou de 1958 à 1960.
11
Cette page d’histoire a besoin d’être restituée à sa juste place.
Beaucoup de passions ont dû prendre le pas sur la vérité. Il s’agit
maintenant de faire parler l’histoire. Un certain nombre d’éléments
d’éclairage sont apportés plus loin à ce propos.
- 24 -
sont demeurées en l’état. Il est du reste affirmé à l’article 2
que :
12
C’est en 1950 que la capitale du Moyen-Congo fût transférée à Pointe-
Noire, de manière à différencier le siège commun aux groupes de
territoires composant l’Afrique équatoriale française(AEF) qui reste à
Brazzaville, du siège du Moyen-Congo. C’est le 28 novembre 1958, par
la loi constitutionnelle n°2 que la capitale fut précipitamment transférée à
Brazzaville, à la suite du « cafouillage électoral » qui vit le renversement
d’Opangault par Youlou, comme on le verra plus loin.
13
Voir : Recueil des comptes rendus, session budgétaire 1958-1959,
première partie, pp. 1 à 110
- 25 -
Cet avènement du statut de « République » est souvent
l’objet supputations. Pour une certaine opinion, ce n’est qu’à
partir du 15 août 1960, date de l’indépendance, que l’on peut
valider le statut de « République » du Congo, et non avant.
A la question de savoir, comment un Etat non indépendant
pouvait-il avoir le statut de « République », on peut opposer le
commentaire ci-après : quand bien même proclamé sous le
statut d’Etat membre de la Communauté le 28 novembre 1958,
par la délibération n°112/58 du 28 novembre 1958 de
l’Assemblée territoriale congolaise érigeant le Territoire du
Moyen-Congo en Etat membre de la Communauté et portant
création de la République du Congo14, le Congo avait bel et
bien acquis le statut de « République », sur la base des
dispositions pertinentes prévues au titre XII de la Constitution
de 1958. Son adhésion à la Communauté est la matérialisation
juridique de ce statut auquel ne peuvent être parties que des
Etats égaux en droit.
- 26 -
obligations fédérales, la République du Congo a pu prendre
des initiatives significatives qui lui ont permis de :
-acquérir ses propres symboles (drapeau, devise, hymne) ;
-mettre en place sa propre assemblée territoriale ;
-former son propre gouvernement ;
-partager avec son ancienne métropole, une nouvelle
relation de partenaire associé et non de Territoire sous tutelle.
16
Aimé Emmanuel Yoka ; 2008, Eloge à la République, Brazzaville,
Cripol éditions, p.12
- 27 -
territoriale du Moyen-Congo. Au cours de cette séance qui
commença à 9 heures 30 et prit fin à 17heures 15, après
plusieurs interruptions,17 l’Assemblée territoriale du Moyen-
Congo a adopté une série de délibérations qui vont de la
proclamation de la République à l’organisation des pouvoirs
publics, ainsi que la formation du deuxième gouvernement
congolais dirigé par l’Abbé Fulbert Youlou.
Cette séance qui fut ouverte par le Président de l’Assemblée
territoriale Christian Jayle a été précédée par l’allocution
d’orientation prononcée par Paul Charles Deriaud,18 Chef du
territoire du Moyen-Congo. C’est en vertu de l’article 76 de la
Constitution de 1958 qui donne blanc-seing aux Assemblées
territoriales de se prononcer librement sur le statut d’Etat
membre de la Communauté, que Paul Charles Deriaud, Chef
du territoire du Moyen-Congo, a invité l’Assemblée territoriale
à donner son avis sur les différentes options, c'est-à-dire,
« pour ou contre la proclamation de la République et
l’adhésion à la Communauté ? ».
17
Recueil des comptes rendus, session budgétaire 1958-1959, op.cit, .p.2
18
La présence de Christian Jayle à la tête de l’Assemblée territoriale et
de Paul Charles Deriaud comme chef du territoire du Moyen-Congo
montre également cette volonté délibérée de la Métropole de contrôler la
gestion des affaires locales.
19
Voir la discussion sur l’ordre du jour dans Recueil des comptes rendus,
op.cit., p.2
- 28 -
En dépit de son évidence avérée, l’Ordre du jour a été voté
par 23 voix pour, 20 absentions et 1 absent en la personne
d’Henri Itoua, conseiller MSA, qui s’était curieusement
arrangé à être absent à tous les votes de l’historique journée du
28 novembre 1958, sans motif réel : une attitude qui cachait un
embarras qui se révèlera plus tard comme le masque
d’infidélité et de trahison vis-à-vis de son groupe MSA qu’il
quitta à son tour - comme le fit avant lui le conseiller Georges
Yambot - pour intégrer l’UDDIA.
20
Afin d’éclairer davantage cette recherche de manifestation de la vérité,
nous avions, en date du 17 avril 2010, recueilli le témoignage de
Kikhounga-Ngot sur cette journée qui, après de belles éclaircies
favorisées par la proclamation de la République, s’est brutalement
obscurcie à la faveur de la sortie du groupe MSA-PPC de la
salle. «Youlou, se croyant tout permis, a renversé le gouvernement
d’union nationale dirigé par Jacques Opangault, en débauchant le
député Yambot, fils bakouélé (ethnie de la Sangha), adopté par une
femme ombamba (ethnie de Mossendjo), ceci, avec le concours de
Christian Jayle. Yambot que j’ai habillé de la tête aux pieds, a été élu
- 29 -
Jayle, Président de l’Assemblée territoriale d’organiser
l’embarrassant vote sur un ordre du jour qui nécessitait plutôt
une adoption consensuelle, a entraîné cette première humeur
qui traduit l’expression d’un malaise qui tachera le reste du
processus de proclamation de la République.
député MSA sur la liste que je conduisais. Les membres du MSA ont
décidé de boycotter la séance en signe de protestation de cette situation
de débauche. »
21
Conseillers ayant participé au scrutin n°1 sur l’option en faveur de
l’érection du Moyen-Congo en Etat membre de la Communauté. Ont voté
pour (44) : MM..Abele–Bany-Batchy-Bazinga-Bokangue-Boungou-
Djouboué-Fourvelle-Ngamissimi-Gandzion-Garnier-N’goyi-Ibalico-
Jayle-Kerhervé-Kiafoula-Kibanghou-Kibath-Kikhounga N’got-
Koumbou-Langevin-Lheyet Gaboka-Mahe-Makaya-Malanda-Malonga-
Nkounkou-Mampassi-Mobambi-Mougany-Mounada-Nardon-
Niamankessy-Obongui-Okomba-Opangault-Pouy-Sevely-Tchichelle-
Tsoumou-Vial-Yambot-Youlou-N’zonzi.
Excusé : M. Itoua.
- 30 -
à une harmonieuse coordination. L’article 3 et l’ensemble de
la délibération qui portera le n°112/58 sont adoptés à
l’unanimité (applaudissements).
22
Arrêté n°4107/CAB3 du 28 novembre 1958 promulguant la délibération
n°112/58 du 28 novembre 1958 de l’Assemblée territoriale du Moyen-
Congo par laquelle celle-ci déclare opter pour le statut d’Etat membre de
la Communauté et proclamant la République du Congo.
- 31 -
Suspendue à 12 heures 30, la séance est reprise à 15 heures
30 avec comme objectif, « la prise de décisions nécessaires et
suffisantes pour savoir dans quelles conditions pouvaient être
exécutées et fonctionner les institutions qui découlent de cette
option»23, d’où le projet de loi constitutionnelle n°1.
23
Propos prononcés par Christian Jayle, Président de l’Assemblée
territoriale à la reprise de la séance du 28 novembre 1958.
24
Quoiqu’assimilé à une constitution provisoire, la loi constitutionnelle
n°01 a constitué la première norme fondatrice et régulatrice des
institutions de la nouvelle République. Elle est assimilée à une
constitution à part entière à partir de laquelle s’est bâti l’ordonnancement
institutionnel du nouvel Etat.
- 32 -
de Gouvernement en Premier ministre, Chef du Gouvernement
provisoire. Par ailleurs, il est institué un Comité
constitutionnel consultatif, chargé de donner des avis sur les
projets de lois constitutionnels (article 8). Les membres de
l’Assemblée législative portent le titre de « députés » et non de
Conseillers comme à l’Assemblée territoriale (article 1er ;
alinéa 2). Le pouvoir judiciaire est du ressort de la
Communauté, ainsi que la politique étrangère et la défense.
Au regard de la pratique parlementaire de cette Assemblée
législative, ce projet de loi devait être préalablement examiné
en Commission élargie. La Commission ainsi constituée, a été
présidée par Mahé.
25
Voir : Intervention de Jacques Opangault, dans Recueil des comptes
rendus de l’Assemblée législative du Congo (1958-1959), p.8
- 33 -
Objectant vivement contre l’intervention de Jacques
Opangault, Stéphane Tchichelle26 répliqua qu’il n’était pas
question « d’exclure un certain nombre de personnes qui font
partie intégrante de cette Assemblée ». Ce point de vue avait
été partagé par Sevely27 qui avait soutenu « qu’en vertu de
l’article 77 du titre 12 qui fixe la Communauté, il n’existe
qu’une citoyenneté de la Communauté et que cette citoyenneté
reconnaît à tous et à chacun les mêmes actes ». Appuyant
l’intervention de Jacques Opangault, Fourvelle (un métis de
père français et de mère mbosi, originaire d’Abala), avait
estimé fondées les paroles du Vice-président Jacques
Opangault. Selon lui, il existait une Communauté à deux
vitesses, « l’une pour les Blancs, et l’autre pour les Noirs,
surtout en matière de soldes et d’indemnités où les Africains et
les Européens ne sont pas sur le même plan »28.
26
Voir : Intervention de Tchichelle dans Recueil des comptes rendus de
l’Assemblée législative du Congo (1958-1959), p.8
27
Voir : Intervention de Sevely dans Recueil des comptes rendus de
l’Assemblée législative du Congo (1958-1959), p.8
28
Voir : Intervention de Fourvelle, un député MSA, dans Recueil des
comptes rendus de l’Assemblée législative du Congo, op.cit.
- 34 -
C’est à partir de ce moment qu’il convient de saisir
réellement ce qui a occasionné la sortie du groupe MSA des
débats. Du compte rendu de Mahé, il ressort que c’est au cours
de la réunion de la commission élargie, que le groupe MSA a
« refusé l’examen du projet de loi constitutionnelle et a
demandé que soit reprise la proposition discutée au cours de
la séance de la matinée et tendant à fixer la composition du
gouvernement. Cette proposition ayant été rejetée par 22 voix
contre, le groupe MSA a quitté la salle des séances ».
29
Recueil des comptes rendus de l’Assemblée législative, op. cit.
- 35 -
l’équilibre institutionnel acquis avec l’Assemblée Territoriale
formée le 31 mars 1957.
Excédé par la procédure de poursuite des travaux engagée
par Christian Jayle, Jacques Opangault avait cru bon d’opposer
une riposte violente en lançant le téléphone qu’il tenait en
mains sur ce dernier, avant de sortir définitivement de la salle
et organiser une résistance politique à l’extérieur.
Cela s’était traduit par une vague d’agitations qui
justifieront le déménagement précipité du siège du
Gouvernement et de l’Assemblée de Pointe-Noire à
Brazzaville.
- 36 -
proclamation de la République du Congo en matinée, s’est
éteint comme un feu de paille avec l’absence du groupe MSA
de la validation d’autres points inscrits à l’Ordre du jour.
30
Georges Mazenot, 1996, Le dernier commandant ; mémoires d’outre-
mer, Paris, L’Harmattan, p.92
- 37 -
politique, aurait plutôt entraîné l’invalidation du siège, et sa
remise à concurrence par l’organisation de l’élection partielle
dans la circonscription de Mossendjo. La reprise de l’élection
partielle dans cette circonscription aurait permis d’éviter
certainement la cristallisation d’un contentieux lourd de
conséquences, et qui déboucha, quelques mois seulement après
la proclamation de la République, sur une honteuse guerre
civile, le 16 février 1959 à Brazzaville. Tout au plus, la classe
politique aurait dû exploiter le précédent de 1957, par la
formation d’un Gouvernement d’union nationale. Elu en effet
avec une voix d’avance comme Vice-président du Conseil du
gouvernement à l’issue des élections du 31 mars 1957, par 23
voix contre 22, Jacques Opangault avait pu former un
gouvernement de coalition nationale MSA-UDDIA : dans ce
gouvernement, l’UDDIA avait occupé cinq portefeuilles
ministériels.
31
Discours de Fulbert Youlou après son investiture en qualité de Premier
ministre, Recueil des comptes rendus, op.cit.
- 38 -
Dans ce jour d’allégresse, messieurs, rien ne devrait
nous diviser. La République du Congo est ouverte à
tous et elle serait incompatible, si tous n’y avaient pas
leur place (…) depuis Ouesso et Fort Rousset, jusqu’à
Pointe-Noire. Un même esprit, un même sentiment,
doivent grouper dans la même communion, tous les
hommes, toutes les femmes de ce même peuple.
32
Voir : Décret n°01 du 28 novembre 1958 portant nomination du
Ministre de l’Intérieur.
- 39 -
Avec l’appui des troupes de la Métropole, le nouveau
Premier ministre et les conseillers UDDIA s’embarquèrent
furtivement dans le train qui les ramena à Brazzaville.
C’est dans le bâtiment tenant lieu de dortoirs du Lycée
Savorgnan de Brazza à Bacongo, que fut réinstallé, à titre
provisoire, le siège de l’Assemblée législative.
33
L’Abbé Fulbert Youlou a conclu, pour le compte du Congo, des
accords avec la France, représentée par Jean-Foyer, Secrétaire d’Etat aux
relations avec la Communauté, un mois avant l’indépendance du 15 août
1960. Cette procédure a été la même avec tous les Etats de l’AEF et de
l’AOF.
34
Cameroun (1er janvier) ; Togo (27 avril) ; Madagascar (26 juin) ;
Dahomey (1er août) ; Niger (3 août) ; Haute-Volta (4 août) ; Côte d’Ivoire
(7 août) ; Tchad (11 août) ; Oubangui-Chari (13 août) ; Moyen-Congo
(15 août) ; Gabon (17 août) ; Mali (22 septembre) ; Mauritanie (28
novembre).
- 40 -
Cette indépendance s’est opérée en trois phases :
- la phase de la révision constitutionnelle et de la loi
constitutionnelle du 4 juin 1960 ;
- la phase des accords particuliers du 12 juillet 1960 ;
- la phase de la proclamation de l’indépendance le 15 août
1960
- 41 -
les autres Etats membres de la Communauté. L’article 86 a
aussi fait l’objet d’un amendement par l’ajout de trois alinéas
déterminants, ainsi libellés :
- 42 -
la France, des accords particuliers. C’est en Mai 1960 que les
quatre Etats de l’Entente (ex-AEF), représentés par leurs Chefs
de gouvernement, se sont retrouvés à Fort Lamy et à Paris
pour arrêter une stratégie commune.
Il importe toutefois de relever que le débat sur la
« décommunautarisation » des ex-colonies ne faisait pas
l’unanimité au sein de l’opinion française. A l’Assemblée
nationale, cette question qui opposa « colonialistes » et
« indépendantistes », fut débattue dans une atmosphère
particulièrement tendue.
- 43 -
Dix autres accords particuliers, paraphés le 12 juillet 1960,
ont été signés dans les domaines variés, le 15 août 1960. Ils
ont aussi fait l’objet d’une approbation par l’Assemblée
nationale congolaise suivant la loi n° 60-44 du 15 août 1960,
sur le rapport de la Commission élargie présenté par Maurice
Lheyet-Gaboka (Rapporteur de l’Assemblée nationale). Il
s’agit des accords ci-après :
- 44 -
soi. Les deux années passées dans la Communauté avec
l’Abbé Fulbert Youlou, auxquelles s’ajoute la gouvernance de
Jacques Opangault, ont permis au Congo de goûter aux
prémices de la gouvernance de ses propres affaires.
Toutefois, ayant pris son destin en mains, la première
préoccupation du nouvel Etat indépendant consista à donner de
la visibilité à sa souveraineté tant au plan interne qu’externe.
Son avènement intégral dans le concert des Etats impliquait
une démarche diplomatique de reconnaissance vis-à-vis des
partenaires bilatéraux et multilatéraux.
Pour une meilleure visibilité du nouvel Etat à l’extérieur, le
président de la République Fulbert Youlou promulgua la loi n°
60-16 du 19 septembre 196035 confiant au Gouvernement
pleins pouvoirs pour défendre l’appellation internationale de la
République du Congo.
35
Voir : Journal officiel de la République du Congo du 15 septembre
1960, p.663. Compte rendu intégral de la 2ème séance du mercredi 20
juillet 1960.
- 45 -
démarches y relatives permirent au Congo d’adhérer à l’ONU
le 20 septembre 1960. Par ailleurs, cette action diplomatique
s’était étendue au plan bilatéral, par l’ouverture d’une série de
missions diplomatiques à Paris, Washington, New York, et
dans certains pays africains. Le Congo prit part à la création
des organismes panafricains de coopération tels que : l’OUA,
l’OCAM.
36
Voir : Brochure sur les symboles de la République, Journal officiel du
Congo, Brazzaville, 2007.
- 46 -
dispose que les timbres et cachets de la République du
Congo sont circulaires au diamètre 0 m 04.
5- Le cinquième symbole est représenté par les armoiries,
instituées par le décret 63-262 du 12 août 1963.
37
H. Diata, 2010, « Le développement économique du Congo, de 1960 à
2010 », Histoire Générale du Congo, vol. IV, pp. 9-38.
- 47 -
remaniements ministériels intervenaient en moyenne tous les
six mois.
- 48 -
augmente au détriment de celle d’Opangault qui enregistre des
défections au sein de sa formation politique. Les deux députés
blancs du MSA, Albert Fourvelle et André Kerhervé, sont
membres du Gouvernement Youlou. L’on sait que l’arrestation
d’Opangault à la suite des événements du 16 février 1959, a
été préjudiciable à l’émergence politique du MSA qui
connaîtra d’autres défections. Fulbert Youlou règne en maître
absolu devant une opposition affaiblie. Ce dernier saisit cette
occasion pour redessiner la carte électorale dans laquelle
Abala par exemple sera rattachée à la circonscription du Pool-
Djoué. Cette stratégie électorale permit à l’UDDIA de sortir
largement victorieuse des élections du 14 juin 1959 avec 51
sièges contre 10 pour le MSA.
- 49 -
2-La conséquence politique du contentieux du 28
novembre 1958 et de la guerre civile du 16 février 1959
La guerre civile du 16 février 1959 est la résultante d’un
défaut de « solutionnement » de la situation politique du 28
novembre 1958, dont la mauvaise humeur se cristallisa en
contentieux fatal. C’est la première tâche noire de la gestion
congolaise des affaires ce, quelques mois seulement après la
proclamation de la République du Congo et l’investiture du
Premier ministre Fulbert Youlou. En effet, cette guerre civile
est la pire des choses qu’un peuple ne peut commettre contre
lui-même.
Cette guerre qui coûta la vie à une centaine de Congolais à
Brazzaville, prit fin grâce à l’intervention musclée des forces
de l’ordre. Accusés d’instigateurs de cette violence, Jacques
Opangault et quelques militants du MSA furent arrêtés et jetés
en prison. Ils furent libérés cinq mois après.
- 50 -
L’ensemble de ces mesures eurent pour conséquences, le
démantèlement de l’opposition. Affaibli par cette épreuve,
Jacques Opangault se contenta de jouer les seconds rôles aux
côtés de son « frère ennemi » ce, pour favoriser l’unité
nationale. A la suite des tournées que les deux « frères
ennemis » entreprirent à travers le pays, Fulbert Youlou réussit
à rallier son adversaire à sa cause, en l’associant étroitement à
la gestion des affaires, respectivement en qualité de Vice-
président, Ministre d’Etat, Ministre, jusqu’à son départ de la
tête de l’Etat le 15 août 1963.
38
Voir : Message de Jacques Opangault à la Nation, dans la compilation
de ses Ecrits et discours, publiée par Théophile Obenga.
- 51 -
allons, le Chef du Gouvernement et moi-même, faire
incessamment une tournée commune dans les
préfectures du Nord, nous y affirmerons notre Union
sur les grands problèmes d’ensemble.
- 52 -
acte une stratégie « youliste » pour briser l’expression plurielle
et, partant, pour l’affaiblir le mouvement syndical.
- 53 -
de l’Abbé Président Fulbert Youlou, remise au Capitaine
Mouzabakani, Chef d’Etat-major des Forces Armées
congolaises. Le témoin fut passé à Alphonse Massamba-Débat
en qualité de Premier ministre, Chef du Gouvernement,
Ministre des armées39, après l’organisation du référendum
constitutionnel le 8 décembre 1963.
CONCLUSION
- 54 -
défaut de « solutionnement » déboucha sur une guerre civile le
16 février 1959. La situation révolutionnaire des13, 14,15 août
1963 a été également un mauvais présage plutôt qu’un bonheur
dans la stabilité institutionnelle du paysage politique
congolais.
C’est donc autour de ces péripéties que vint la République :
par un parcours historique visiblement chargé d’épreuves.
- 55 -
CHAPITRE 2
INTRODUCTION
I - La genèse
- 57 -
système multi partisan dans notre pays, un Parti Unique
innomé non sanctionné par un Congrès Constitutif est institué
par la loi numéro 14-63 du 13 avril 1963. Ces deux moments
constituent le point de départ des dérives constitutionnelles qui
désacraliseront le respect de nos constitutions, contribuant dès
le départ à fragiliser lourdement la démocratie par la suite.
Il est connu de tous que les insurgés des 13, 14, 15 août 1963,
chantant tous « l’hymne à la liberté », auraient pu faire du
retour à la démocratie pluraliste leur exigence inconditionnelle.
Ce qui n’a jamais été le cas. Nous savons tous également que
sur le plan international, après la Seconde Guerre mondiale, le
Parti Unique a eu mauvaise presse. Il rappelle tristement Hitler
et Mussolini ainsi que toutes les grandes destructions de la
guerre. Si on identifie le Parti Unique comme étant le parti
fasciste par excellence, on commence à découvrir que le Parti
Unique c’est aussi le stalinisme et le goulag. Rien n’y fit.
Il y a quelque part une idée plus forte et décisive que la
forme des partis qui inonde la conscience de nos jeunes
dirigeants. L’indépendance a ressuscité la nation. Et la nation
est un appel pressant, un impératif à l’édification de l’Etat-
Nation. Ce qui suppose : briser toutes les barrières qui
jonchent la route de son édification, les groupes sociaux, les
différences ethniques ou religieuses. Tout est à unir. Et le Parti
Unique est le lieu privilégié de cette unité. C’est l’instrument
d’accélération non seulement de l’Etat-Nation, mais du
développement pour sortir « nos compatriotes » de la misère et
favoriser la modernisation du pays. C’est la pensée politique
dominante du moment.
- 58 -
Pour la jeune classe dirigeante qui se heurte déjà à des
difficultés quasi insurmontables, l’institution du Parti Unique
comme parade à cette situation devient une priorité.
Nonobstant le fait que derrière le Parti Unique se dessinent
également des véritables enjeux de pouvoir, il s’impose à tous
comme un acte patriotique, non seulement au Congo-
Brazzaville, mais dans tous les jeunes Etats Africains de la
même génération. Cet instantané peut nous emmener à penser
que l’émergence du monopartisme que traduit la création du
MNR est sans racines. Qu’il s’agit tout simplement d’un effet
de mode. C’est en réalité l’aboutissement des mutations
politiques diverses qui a façonné notre espace politique depuis
l’installation du système colonial en rupture de ban avec le
modèle de notre société traditionnelle. Plusieurs phases
caractérisent l’évolution politique de la société colonisée : la
première est celle de l’administration directe, ignorant les
autochtones ramenés au rang de simples sujets sans statut,
corvéables à merci ; la deuxième traduit la collaboration dans
un rapport de maîtres à subordonnés bien établi entre les
colonisateurs et leurs anciens sujets ; la troisième est celle qui
a ouvert la voie à la gestion par les autochtones devenus
citoyens de l’Union Française depuis la fin de la Seconde
Guerre mondiale de leur territoire, des sociétés demeurant
colonisées dans leur essence, leurs principes et leurs règles.
En effet, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la
puissance coloniale est obligée de constater que le territoire du
Moyen-Congo, notre pays, a participé à l’effort de guerre,
donc à la reconquête de la liberté des peuples du monde,
comme il est obligé de se rappeler que Brazzaville capitale de
l’AEF a été aussi celle de la France Libre, la France
Combattante. C’est dans cette ville précisément qu’en 1944 au
cours de la Conférence dite de Brazzaville que sont jetées les
bases des rapports nouveaux qui s’établiront entre la France et
ses colonies. La France de la colonisation directe est donc
- 59 -
derrière nous. C’est une page qui est définitivement
tournée, celle qui a débuté depuis les années 1940 qui
marquent une évolution par rapport à l’époque de
« l’administration directe » à laquelle e succède. Les années
1940 avancent, triomphantes, promues et soutenues par les
nouvelles valeurs et les nouvelles règles de l’Union Française.
C’est donc dans la première moitié de la décennie 1940-1950
qu’interviennent les valeurs de liberté et l’usage du modèle
représentatif dans la gestion du territoire qui a modifié
notamment le régime de l’indigénat. Toute cette œuvre nous
ramène au gouverneur général Eboué. Et lorsqu’en 1946, au
niveau de chaque Territoire, les citoyens de l’Union français
obtiennent le droit de participer aux diverses élections ouvertes
à leur profit, un pas décisif vient d’être franchi. C’est dans ce
contexte que Félix Tchicaya est élu député du Territoire du
Moyen-Congo et du Gabon à l’Assemblée Nationale
Française. Le mouvement amicaliste d’André Matsoua qui voit
le jour en 1926 dénonce l’indigénat et se prononce pour
l’émancipation et l’accès aux libertés. Il contribue sans
conteste à la prise de conscience de nos compatriotes qui
aboutira aux évolutions des années 1940 dont les vestiges
marqueront de façon indélébile la vie politique dans le Pool et
à Brazzaville. L’abstentionnisme matsouaniste massif aux
élections coloniales, notamment des années 1946 jusqu’à
l’année 1959 dans les zones précitées, demeure encore vivace.
Les rapports tendus, voire conflictuels, entre l’Abbé Fulbert
Youlou et les Matsouanistes orthodoxes, sont la preuve de
l’existence d’un courant politique matsouaniste persistant.
Force est de reconnaître que André Matsoua est le seul leader
autochtone d’envergure relevant de l’époque coloniale. Il a
laissé un impact vivant dans notre imaginaire collectif.
Malheureusement ce mouvement, pour des raisons diverses,
souvent inavouées, ne va pas organiquement traverser les
frontières du Pool sa région natale. A qui profitait le crime ?
- 60 -
La fin tragique et dissimulée d’André Matsoua peut être un
début d’explication au phénomène matsouaniste qui est
demeuré énigmatique. Il n’y avait aucune raison que la
demande d’émancipation présente dans tous nos districts et
dans toutes nos ethnies ne sût répondre à la seule offre
politique qui allait dans le sens de leurs intérêts, celle de
Matsoua. Nous connaissons tous la confusion qui s’en est
suivie. Matsoua, dont le rôle de précurseur dans notre lutte
pour l’émancipation ne fait l’ombre d’aucun doute, subit un
traitement posthume qui a fait le jeu des colonisateurs, qui
n’avaient pas besoin que le Congo eût un prophète indigène ou
un leader de référence nationale dès cette époque. Une telle
éventualité pouvait compliquer davantage la mission
civilisatrice. N’oublions pas « une étincelle peut mettre le feu
à la plaine ». De ce point de vue, André Matsoua illustre bien
le martyre qu’ont subi tous les leaders africains qui étaient en
avance sur leur temps. Le pays devenu indépendant, nous ne
pouvons que réhabiliter sa mémoire et le restituer dans sa vraie
dimension historique : «André Matsoua s’inscrit dans la lignée
des patriotes connus et inconnus qui ont accepté le sacrifice de
leur vie parce qu’ils avaient foi dans l’avenir de leur pays ».
Outre cette chevauchée qui va d’André Matsoua au député
Félix Tchicaya et après lui, les pères de l’Indépendance,
Jacques Opangault, Fulbert Youlou, Stéphane Tchichelle,
Kikounga-Ngot, Emmanuel Dadet, pour ne citer que ceux-là,
nous assistons à l’émergence d’un système politique multi
partisan généré sous l’Union Française, et que ces mêmes
hommes animeront et représenteront. C’est en cela qu’ils
comptent parmi les bâtisseurs de notre histoire commune,
histoire qui sous la colonisation, prend un sens nouveau. Dès
1946, le système électoral territorial comprend deux collèges :
selon qu’on est autochtone ou européen, on siège au premier
ou au deuxième collège. Cet apartheid qui ne dit pas son nom
et que rien ne justifie a priori, semble déconcertant. Que fait-
- 61 -
on du principe de la majorité dans un même pays où les
électeurs ont le même statut ?
Pour revenir aux partis politiques, le décor planté, Félix
Tchicaya « ouvre le bal » en créant le Parti Progressiste
Congolais (PPC), parti affilié au Rassemblement
Démocratique Africain (RDA) qui est l’œuvre de Félix
Houphouet-Boigny, Félix Tchicaya lui-même, D’Arbousier et
d’autres leaders ouest –africains, au cours d’un Congrès qui se
tint à Bamako du 19 au 21 octobre 1946.
Houphouet-Boigny en assure la présidence et Félix
Tchicaya, la Vice-présidence. Le RDA est proche du Parti
Communiste Français. C’est une nouvelle phase dans la prise
de conscience des leaders africains pour l’émancipation de
leurs peuples qui s’amorce.
- 62 -
caractérisera notre système politique jusqu’ en 1962 après
l’indépendance avec la fin du multipartisme avec la loi n°14-
63 du 13 avril 1963.
- 63 -
du gouvernement, chargé de l’Agriculture et des Eaux et
Forêts.
En effet l’Abbé Fulbert Youlou qui côtoie les milieux
politiques depuis 1946 au moins, est un homme de l’ombre qui
a pris le temps de s’affirmer avant qu’il ne crée l’Union
Démocratique pour la Défense des Intérêts Africains
(UDDIA), qui intervient après son échec à la députation en
1957. Son itinéraire est marqué par son échec aux élections à
l’Assemblée territoriale du Moyen-Congo en 1946, par sa
collaboration avec le Docteur Samba Delho du RPF*aux
élections à l’Assemblée territoriale en 1952 et son échec aux
élections à l’Assemblée nationale française en 1956. Pendant
toute cette période, il a su se faire une place dans l’électorat
plutôt passif et abstentionniste du Pool de cette époque. Il est
un des animateurs du Conseil Coutumier de Brazzaville. Son
élection triomphale comme maire de Brazzaville n’est donc
pas une surprise. L’UDDIA se révèle comme un instrument
efficace, une machine électorale qui ouvre à ses amis et
militants les mairies de Dolisie et de Pointe-Noire. A la fin de
la première décennie, le paysage politique congolais se
caractérise ainsi : un bipartisme dominant dans la première
phase représentée par le PPC de Félix Tchicaya et la SFIO de
Jacques Opangault en 1952 et en 1957. Ces partis subissent
une mutation qui entraîne un reclassement de forces,
notamment avec la fin des collèges électoraux et le déclin
politique du PPC. Il se dégage un face à face du « bloc MSA »
avec comme partis alliés le PPC de Félix Tchicaya et le
GPES* de Kikounga-Ngot et l’UDSR* comme
parti «européen ». Du côté de l’UDDIA comme partis alliés,
l’UMC et les groupes des dissidents du PPC animés par
Stéphane Tchichelle. La qualité des campagnes électorales et
le vote individuel parasité par les clans et les familles
notamment dans les milieux ruraux, laisse encore à désirer
même si un progrès net apparait à l’occasion des élections à
- 64 -
l’Assemblée Territoriale consécutive à la loi Deffere. C’est
dans la foulée qu’intervient la Constitution Française du 5
octobre 1958 qui ouvre la voie à l’autonomie des territoires, en
dépit des soubresauts politiques qu’entraîne cette nouvelle
évolution. « Le bipartisme plie, mais ne rompt pas ». Il porte la
1ère République et les Républiques suivantes jusqu’au
changement de régime le 13 avril 1963 avec la loi portant
création du Parti Unique sous le Président Fulbert Youlou. Ce
qui apparait comme un saut périlleux dans la mesure où rien ne
justifie de façon indubitable le Parti Unique qui vient d’être
créé. Il paraît plutôt évident d’admettre que le maintien du
bipartisme de fait conjugué avec un scrutin de liste à un tour
comme c’est le cas, pouvait être un facteur de consolidation de
ce système bipartisan et de stabilité politique indéniable, si
toutes les précautions étaient prises pour écarter les parodies
d’élection. Les élections à l’Assemblée Territoriale de 1946 à
1956 sont une expérience qui méritait notre attention d’autant
plus que nous nous trouvions dans une période d’apprentissage
et de balbutiement. Les étapes décisives qui nous conduisent
droit au monopartisme peuvent se résumer ainsi :
– en 1957, la crise provoquée par la démission du député
Yambot du MSA ne trouve sa solution que par un concours de
circonstance indépendant de la volonté des partis en présence :
l’avancée vers l’autonomie suite à la constitution de 1958, ce
qui est de mauvais augure ;
– en 1959, la guerre civile de Brazzaville est une autre crise
qui interpelle la conscience des dirigeants congolais. Il n’est
pas surprenant dans ce cas de constater la « discrétion
juridique » qu’utilise le Président Youlou pour accéder dans un
premier temps à la Primature en 1958 et dans un deuxième
temps à la magistrature suprême en 1959. Il n’affronte le
suffrage universel qu’en 1961, parce qu’en définitive
s’assurant qu’il est le candidat unique. On aperçoit de la part
du président Youlou, une méfiance vis-à-vis du peuple
- 65 -
difficilement à peine dissimulée, qui contredit le prestige et la
popularité incontestable dont il jouit dans une partie
significative de l’électorat. A la fin de 1961, le Président
Fulbert Youlou se retrouve face à lui-même, l’opposition étant
en réalité mise en déroute, ceci d’autant plus que le
gouvernement d’Union Nationale à répétition ouvre la porte à
tous ceux qui affichent de façon ostentatoire leurs ambitions
nationales, même si cela n’a duré que le temps que cela devait
durer.
C’est dans ce contexte équivoque avec l’esprit partisan
totalement émoussé, les partis politiques ne jouant plus que les
figurants, qu’intervient le coup de grâce à la démocratie avec
l’adoption en urgence à l’Assemblée nationale de la loi
numéro 14-63 du 13 avril 1963 portant institution du Parti
Unique. Cette loi précise en son article premier que le Parti
politique unique est l’expression de la volonté du peuple
congolais, qu’il garantit l’unité nationale, œuvre pour le
progrès, la promotion sociale et économique du pays.
- 66 -
souhaitaient un Président plutôt « saint », c'est-à-dire en
harmonie avec l’Eglise, schéma duquel le Président Youlou
s’écartait de plus en plus, elles n’étaient pas en reste. Les
activistes communisants ou communistes ne voyaient en
l’Abbé Youlou qu’un anti communiste primaire et répressif.
- 67 -
Le Congrès est une instance de principe dans la mesure où
ne siégeant que tous les 3ans, ses prérogatives reviennent en
réalité au Comité Central et aux autres instances telles que le
Conseil National de la Révolution (CNR). Comme le tout est
une question de rapport de force à l’intérieur des instances, en
définitive c’est un groupe au sein du Bureau Politique,
permanence du Comité central, qui détient la réalité du
pouvoir. Le Congrès du MNR n’ayant connu d’autre existence
que celle du Congrès constitutif, ne nous permet pas de tirer
des leçons à ce niveau.
Le Bureau Politique était la permanence du Comité Central :
à ce titre, il était l’inspirateur des décisions qui régentaient la
vie du Parti, s’il ne les prenait pas lui-même. Il assurait
également l’exécution des missions dévolues au Comité
central par le Congrès. Il était censé lui en rendre compte.
Les instances intermédiaires et de base étaient en réalité des
courroies de transmission des décisions du Bureau politique.
Elles étaient plutôt des caisses de résonance de la politique du
Comité Central traduite par le Bureau politique mais aussi les
gardiens de l’orthodoxie doctrinale à la base. Dans un tel
contexte, le militant, outre toutes les vertus dont on l’affublait,
devait savoir ce qu’il voulait : « faire ou ne pas faire carrière »,
ce qui l’amenait « s’il voulait faire carrière, à être chaque fois
au bon endroit et au bon moment » et d’éviter des sorties
intempestives de nature à obstruer la quiétude politique ou les
intérêts de la faction la plus déterminante du Bureau politique.
C’était une véritable vie d’initié qui s’y déroulait.
Cet appareil dirigeant était d’autant plus puissant qu’il se
reposait sur un tissu d’organisations couvrant tout le champ
social et politique. N’oublions pas que le Parti dirigeait
l’Etat, « ses désirs étaient des ordres ». L’appareil dirigeant
était le seul interprète qualifié pour exprimer la volonté du
peuple.
- 68 -
Ici, apparaît une dualité fondamentale entre les
préconisations de la Constitution du 8 décembre 1963 et celles
de la Charte du MNR du 26 mars au 26 avril 1966. Cette
dualité voit la suprématie de la Constitution du 8 décembre
1963 battre en retraite devant la toute-puissance du Parti qui
est censé diriger l’Etat, incarné par sa Charte. Il est par
conséquent admis que le Comité Central est le seul interprète
de la Constitution et de la Charte.
Quant aux fonctionnaires, ils avaient désormais une double
casquette, comme le Maire dans sa ville. Ils étaient « cadres
rouges » au service de la cause du Parti et également
fonctionnaires au service de l’Etat. Il en était parfois résulté
des confusions et des abus qui avaient amené un jour le
Secrétaire général du Parti, le Président Massamba-Débat, à
interpeller l’ensemble du Parti en disant : « Quand la politique
empêche l’administration de tourner, le pays stagne ». Ce cri
d’alarme était en soi un signe annonciateur du déclin de notre
administration. On assistait ainsi à un affaiblissement
progressif de l’Etat dont les prérogatives glissaient jour après
jour dans les mains d’un parti qui n’était ni organisé ni préparé
à les assumer. Ainsi allait s’asseoir un appareil dirigeant du
parti surdimensionné, bureaucratique, inefficace et
irresponsable dans la mesure où il était le commencement et la
fin du pouvoir « révolutionnaire » auto proclamé. Et, au-delà
de cette mainmise sur l’Etat, toutes les forces vives de la
nation, contre-pouvoir potentiel nécessaire à l’établissement
des équilibres utiles au bon fonctionnement de la démocratie,
étaient tout simplement apprivoisées.
Les syndicats fusionnèrent conformément à la loi du 17
décembre 1964. Ils formèrent un syndicat unique, dénommé
Confédération Syndicale Congolaise (CSC). C’est un
instrument au service du pouvoir dans sa relation avec les
travailleurs. Les enjeux du pouvoir étaient tellement
importants qu’on assista à une instabilité organisée de sa
- 69 -
direction. Dès la première année, Idriss Diallo premier
secrétaire général de la CSC, avait été remplacé sur fond de
tam-tam par Paul Bantou qui, lui-même, ne résistera pas à la
bourrasque qu’entraîna le coup d’Etat du 31 juillet 1968.
Quant aux associations féminines rassemblées désormais au
sein de l’Union Révolutionnaire des Femmes du Congo
(URFC) qui tint son Congrès constitutif du 4 au 8 mai 1965
sous la direction du Parti, congrès cautionné par la loi 12-65
du18 juin 1965, celles-ci acquéraient de ce fait une présence
plus nette et plus significative sur le plan politique national.
Cette ascension pourtant utile n’était malheureusement qu’une
forme d’embrigadement des organisations des femmes au
service du parti, même s’il favorisa l’émergence politique des
militantes comme Céline Eckomband, première présidente de
l’URFC.
Il se posa également au niveau du pays un problème
important : celui du chômage des jeunes, chômage qui avait
augmenté rapidement, notamment depuis l’autonomie interne.
La délinquance juvénile qui en était la conséquence logique,
devint un sujet de préoccupation de plus en plus important
pour les pouvoirs publics. C’est dans ce contexte qu’était née
la Jeunesse du Mouvement national de la révolution (JMNR)
qui était en fait la fusion de toutes les organisations de
jeunesse existantes. La première action symbolique
qu’entreprit la JMNR en construction était la réalisation des
opérations de salubrité publique de grande envergure dites
«opération retroussons les manches ». Ce fut un signe qui ne
trompait pas sur les motivations profondes du lancement de la
JMNR. En même temps, était né le Conseil National de la
Jeunesse (CNJ) qui regroupait toutes les organisations de
jeunesse existantes au Congo, indépendamment de leurs
orientations religieuses, ethnique, philosophique et sociale. Le
Conseil National de la Jeunesse (CNJ) allait peser lourdement
sur la balance pour faire évoluer la « révolution » vers le
- 70 -
socialisme mieux que ne l’avaient fait le mouvement des
travailleurs en réalité divisé. L’inféodation de la JMNR au
MNR ne posa aucune difficulté particulière. Elle épousa quant
à sa structuration, la même configuration que le parti ; elle
était organisée en cellules, sections, fédérations : un émaillage
des quartiers dans les villes et districts, dans les régions. Face au
remue-ménage et aux troubles graves et répétés à l’ordre public
consécutifs à la démission du Président Youlou, la jeunesse
avait été chargée dans chaque quartier, chaque cellule, chaque
district d’une mission de vigilance par le CNJ. Cette mission
avait été en soi mal définie, mais elle était en réalité de l’ordre
du renseignement. Il ne fut pas rare qu’elle ne déviât
malheureusement vers la délation. L’affaire Biyaoula * fut
illustrative sur ce point. C’est cette vigilance qui rendit
impossible le renversement de la « révolution » à partir des
complots ourdis de l’extérieur.
- 71 -
Au-delà de cette guerre des tranchées mal définie, il y avait la
relation entre la JMNR et le Corps National de la Défense
civile, qui mérite d’être clarifiée.
Quand les menaces contre le régime révolutionnaire étaient
devenues de plus en plus violentes, le gouvernement créa un
Corps National de la Défense Civile sous la direction effective
du MNR par la loi 12-65 du 18 Juin 1965. Ses membres étaient
recrutés pour l’essentiel dans les fédérations de la JMNR. Ils
recevaient un encadrement militaire et une instruction
idéologique de la part des instructeurs cubains qui avaient
succédé aux instructeurs égyptiens présents dans la phase
précédente dite des « quartiers jeunesses ». Les miliciens
étaient casernés dans des camps spécialisés. Contrairement aux
membres de la JMNR qui vivaient dans les quartiers et dans
les districts parmi les populations. Le Corps National de la
Défense Civile avait été placé sous la direction d’Ange
Diawara, 2ème Vice-président de la JMNR (André Hombessa
était Président et Mbéri Martin 1er Vice-président de la
JMNR).
Il avait existé donc au service du MNR deux organisations
distinctes dans leur mission : la Défense civile, « force
combattante » appelée à compléter les effectifs de l’armée
dans l’éventualité où le pays venait à être déstabilisé de
l’extérieur et assurant exceptionnellement, les missions de
maintien de l’ordre public à l’intérieur, et la JMNR qui était
une association politique qui participait à la vigilance et à la
propagande du Parti.
- 72 -
pas toujours considérer ce passif comme le résultat d’une
politique pensée et délibérée de toute la classe dirigeante de
cette époque.
Et pourtant, l’histoire telle qu’elle est racontée a toujours
omis de relever que l’appareil dirigeant du MNR était en
réalité un champ clos des luttes de pouvoir à peine dissimulées
qui l’entraîneront jusqu’à sa perte le 31juillet 1968, juste le
temps d’un mandat.
En effet, au cours du Congrès constitutif du MNR, on vit
déjà apparaître les premières fissures, qui allaient
grandissantes avec le temps. La députée Aimée Gnali avait
pris la parole pour faire une objection de principe sur le cumul
des fonctions, suite à une intervention du Premier ministre
Pascal Lissouba relative à la formation de la liste des
congressistes devant accéder au Comité Central. Remarquons
en passant que l’intervention de la députée Gnali fut très
applaudie et entraîna des remous dans la salle. Dans un souci
d’apaisement, le Premier ministre Pascal Lissouba sollicita du
Bureau du Congrès le retrait de son nom de la liste des
congressistes postulant au Comité Central et proposa son
remplacement par Augustin Nkombo, ingénieur et agronome.
Par solidarité, les membres du gouvernement présents au
Congrès adoptèrent la même posture que le Premier ministre,
alors qu’ils ne manquaient ni de bonne volonté ni de mérite.
Cet épisode eut pour conséquence de vider le Comité Central
d’une partie significative des cadres qui avaient contribué à
l’avènement du MNR. C’est ainsi que dès le départ, on s’était
installé dans une dualité Parti-Gouvernement à peine
perceptible.
Il faut retenir que le Président Massamba-Débat n’avait pas
été présent au Congrès au moment de l’élection des membres
du Comité Central, voire durant tout le Congrès, excepté à
l’ouverture. Sur proposition des délégués de la JMNR au
Congrès, il avait été élu membre du Comité Central et
- 73 -
Secrétaire général du Parti, cumulativement avec ses fonctions
de président de la République. Cette absence inopportune
explique probablement le caractère définitif que prendra l’auto
exclusion du Premier ministre Lissouba du Comité Central aux
conséquences jusque-là insoupçonnées. Ce précédent ne
pouvait à terme que préjudicier la cohérence qu’exigeait
l’animation des rapports nécessaires entre le Gouvernement et
le Comité Central, par le président de la République, Secrétaire
général du Parti, dans la mesure où Pascal Lissouba était
demeuré Premier ministre après le Congrès.
Ambroise Noumazalaye, ancien militant de la FEANF*,
récemment rentré au Congo en compagnie de Claude Ernest
Ndalla et de Jean Baptiste Lounda qui allaient se révéler
comme des militants éminents par la suite, avait été élu 1er
Secrétaire du Comité Central, secondant ainsi le Président
Massamba-Débat au niveau du Parti. Le 1er Secrétaire du
Comité Central du Parti Ambroise Noumazalaye et le Premier
ministre chef du Gouvernement Pascal Lissouba qui se
connaissaient bien, étaient entrés rapidement dans un conflit de
compétence qui impliqua l’éclaircissement des rapports entre
le Comité Central du Parti et le Gouvernement. Alors que le 1er
Secrétaire soutenait que le Parti dirigeait l’Etat, le Premier
ministre affichait par contre une indifférence déconcertante.
Sûrement qu’il n’en pensait pas moins. Cette divergence de
principe dégénéra très vite en un conflit de personnes qui allait
laisser des traces indélébiles. C’est dans ce contexte que le
Premier ministre Pascal Lissouba finit par démissionner. Il
laissa derrière lui un lourd contentieux, l’affaire de l’assassinat
de Matsokota, Pouabou et Massoueme, hauts fonctionnaires de
l’Etat, présumés être des « traîtres à la Révolution ». Affaire
rendue inextricable par le silence du Bureau Politique et par
l’inertie du Gouvernement qui n’avaient jamais engagé la
moindre poursuite à ce sujet. L’opinion de la rue avait fini par
s’identifier à la vérité dans cette affaire. Le flou qui en ressortit
- 74 -
même à la Conférence nationale souveraine de 1990 en dit
long. Cet incident malheureux qui a défrayé la chronique
pendant près d’un quart de siècle et qui est à l’origine de
divisions ethniques restées tenaces, a porté préjudice à l’Unité
de la nation. Ce que l’on aurait pu éviter si le Bureau Politique
du MNR avait su prendre ses responsabilités.
Le Premier ministre Lissouba, démissionnaire avait été
remplacé par le 1er Secrétaire du Parti Ambroise Noumazalaye.
Cette transmutation donna lieu à des divisions de tendances au
sein du MNR à peine voilées. Dans ce jeu de rapports de force
permanent, le Premier ministre Pascal Lissouba n’étant pas
membre du Comité central ne pouvait à terme que subir le sort
qui fut le sien, même si ses rapports avec le Président
Massamba-Débat étaient plutôt cordiaux, quoique nourris par
des non-dits souvent pernicieux. Quant aux rapports du
Président Massamba-Débat avec le 1er Secrétaire, nouveau
Premier ministre leurs rapports furent entendus, mais tendus.
C’est dans cette atmosphère délétère qu’eut lieu le 2e Congrès
ordinaire de la JMNR qui n’avait laissé personne indifférent,
dans la mesure où le MNR et la JMNR se tenaient. La JMNR
était considérée à cette époque comme « le fer de lance de la
révolution ». Les principaux protagonistes de ce Congrès
furent André Hombessa, Président sortant et Ministre, réputé
être proche du Président Massamba-Débat et Martin Mbéri 1er
Vice-président sortant et Commissaire du gouvernement dans
les Plateaux dont les accointances avec l’ancien Premier
ministre Pascal Lissouba étaient de notoriété publique, Ange
Diawara, 2e Vice-président sortant et chef de la Défense Civile
qui attendait discrètement son heure au bord politique peu
explicite même si aux yeux de l’opinion militante, son
intégrité révolutionnaire restait sans faille.
Les luttes pour le pouvoir et les stratégies personnelles
internes au Bureau politique s’entrecroisaient, se mêlaient et se
démêlaient. Ce qui avait empêché cette instance de jouer son
- 75 -
rôle d’orientation des travaux du congrès de la JMNR qui
relevait bien de sa compétence. C’est donc un congrès qui se
tint hors de l’orthodoxie statutaire. Et comme par un heureux
concours de circonstance, le congrès de la JMNR se trouva
libre de choisir ses dirigeants.
Le choix du congrès se porta largement sur la candidature
du 1er Vice-président sortant Martin Mbéri, au détriment du
Président sortant André Hombessa présumé être surchargé par
sa fonction de Ministre, selon l’opinion qui avait prévalu au
sein du congrès. La logique semblait être respecté : contre
toute attente, le Bureau politique du MNR sous la présidence
du Secrétaire général du Comité Central et président de la
République, Massamba-Débat, et en présence du 1er Secrétaire,
Premier ministre Ambroise Noumazalaye, en violation
flagrante des statuts et du principe de la primauté de l’Unité
Révolutionnaire, mit fin aux travaux du Congrès et annula les
résultats des travaux. Ce qui entraîna ipso facto la non élection
de Martin Mbéri à la tête de la JMNR, alors que le congrès
venait de reconduire « debout et par acclamation » toute
l’équipe sortante composant la direction de la JMNR, sur
proposition du président nouvellement élu. Cette décision
insolite et anti statutaire fut renforcée par un transport des
unités armées de la Défense Civile sur les lieux du Congrès. Si
cela n’avait pas été un coup d’Etat, c’était au moins un coup de
force à n’en point douter. Il se solda, après une vague tentative
de réconciliation dont personne ne voulait, ni le Président
Massamba-Débat, ni Ambroise Noumazalaye, par la
nomination du chef de la Défense Civile à la tête de la JMNR,
en remplacement de Martin Mbéri, celui-ci ayant rejeté tout
compromis mettant en cause la souveraineté du Congrès de la
JMNR, ceci d’autant plus que le Bureau politique avait trahi
son devoir, n’ayant donné préalablement aucune orientation au
Congrès.
- 76 -
Le Bureau Politique venait de créer un précédent contraire à
ses principes mettant en cause le fondement de sa propre
légitimité. Après ce congrès le Capitaine Marien Ngouabi, qui
s’était déjà signalé avec l’affaire du saccage du Bureau
politique du MNR attribué à des activistes présumés être
d’origine koyo comme lui, avait repris du service. Ses entrées
dans les cercles politiques et la désinvolture qu’il affichait
ostensiblement face au pouvoir établi, ne laissaient pas les
services indifférents. Le Capitaine Ngouabi se trouvait en
réalité dans une posture de rébellion caractérisée. Les
connivences du Premier ministre Noumazalaye avec ces
milieux troubles existaient… Telle avait été la conviction
profonde du Président Massamba-Débat.
Cette situation équivoque ne pouvait pas durer plus
longtemps. Il valait mieux prévenir que guérir. Par un coup
d’Etat constitutionnel sans équivoque, le Premier ministre
Ambroise Noumazalaye fut déchu de ses fonctions.
En effet, le président de la République, en violation
flagrante de l’article 40 de la Constitution du 22 juillet 1964,
cumula la fonction de Premier ministre avec sa fonction de
président de la République.
Après la grande fracture intervenue au niveau du Comité
Central du Parti avec l’adoption de la charte du MNR, intervint
cette fois-ci la rupture fatale avec le coup d’Etat
constitutionnel qui fortifia le président de la République
comme leader du Parti et remit en cause, à son profit, les
fragiles équilibres qui existaient encore depuis le départ du
Premier ministre Pascal Lissouba. Cette mesure visait à passer
l’éponge sur la fin calamiteuse du 2ème Congrès de la JMNR.
Le Bureau politique n’était plus qu’une coquille vide ayant
perdu toute sa légitimité aux yeux des militants de la gauche
du Parti qui comptaient parmi les activistes les plus
chevronnés. C’est sans surprise qu’intervint, dans les mois qui
suivirent, le coup d’Etat du 31 juillet 1968 perpétré par une
- 77 -
coalition Armée-Défense Civile sous la conduite du Capitaine
Marien Ngouabi et tous ceux qui avaient des comptes à régler
avec le Bureau Politique du MNR, tant par son orientation que
par les mesures graves qu’il venait de prendre : le coup d’Etat
constitutionnel et l’annulation des résultats des travaux du
Congrès de la JMNR.
Le coup d’Etat du 31 juillet 1968 réhabilita la Charte du
MNR, consacra une transition préparant l’avènement du PCT
qui représentait le prolongement de la charte du MNR et la
naissance sur cette base, du premier parti marxiste-léniniste de
l’Afrique centrale, conformément à son auto proclamation le
31 décembre 1969.
- 78 -
Massamba-Débat qui était une vision pragmatique et
humaniste de l’action révolutionnaire. C’était la vision
dominante qui avait entraîné la création du Parti et l’adoption
de la Charte du MNR et, en face, l’orthodoxie révolutionnaire
assise sur l’application stricte du Socialisme Scientifique.
Pascal Lissouba et Ambroise Noumazalaye apparaissent
comme les chefs de file de cette tendance. Il convient donc de
signaler dès le départ que la révolution avait été le lot commun
de tous les partisans du MNR. Ils se divisaient dès lors qu’il
s’agissait de répondre à la question : « quelle révolution,
comment la faire et avec quels instruments ? »
- 79 -
socialisme, même si sur le plan économique, ces étapes
n’avaient pas été clairement définies. L’étape de la démocratie
nationale par exemple, resta un concept aux contours mal
définis au moins dans sa corrélation avec l’évolution
économique.
Il y eut derrière tout ce discours des sous-objectifs comme
l’accès au plein emploi et la fin du chômage endémique et
l’amélioration accélérée des conditions d’existence des
populations. La production devait s’asseoir sur quelques
principes d’action :
- 80 -
d’autres secteurs comme le secteur coopératif, le secteur privé
qui sont envisageables.
C’est sur la base de ces fondamentaux qu’avait été bâti le
programme de développement du MNR, qui pouvait être
configuré dans ces grandes lignes selon les axes rapportés et
précisés dans les paragraphes qui suivent.
La terre et l’agriculture
La terre est la propriété du peuple tout entier, chacun
dispose librement du produit de la terre, fruit de son propre
travail. L’Etat, au nom du peuple, réglemente la propriété
collective de la terre.
L’agriculture est le support de l’industrialisation dont
dépend le développement. L’agriculture crée l’industrie et lui
offre son débouché. La production agricole, étant donné la
sous-alimentation, ne doit pas seulement s’orienter vers
l’exhortation mais viser aussi l’organisation et le
développement du marché intérieur. La diversification des
cultures, la transformation et la conservation des produits
agricoles, le développement de l’agriculture en général doivent
permettre de couvrir la consommation nationale et servir de
base à la fixation des populations rurales.
- 81 -
L’industrie
L’indépendance ne sera assise, le socialisme ne pourra se
développer que sur la base du développement de l’industrie.
En d’autres termes, le socialisme se construit en s’appuyant
sur une puissante industrie. Dans tous les cas, la sidérurgie,
l’industrie lourde et légère sont sous contrôle de l’Etat. Le plan
définit l’utilisation et les limites de l’intervention du capital
privé.
- 82 -
L’effort dans le domaine sanitaire doit s’orienter avant tout
vers la prévention des maladies reléguant au second plan la
médecine curative considérée dès lors comme un simple
maillon de la prophylaxie en général. L’éducation sanitaire, la
lutte contre les grandes endémies et les vastes compagnes de
vaccination constituent une priorité dans le cadre de cette
médecine préventive. Les mesures urgentes à prendre
consistent en l’installation de centres pré-hospitalisation de
protection maternelle et infantile pour les grandes villes, et
dans la création d’unités chirurgicales médicales pour les sous-
préfectures. Le pays constitue encore, en ce qui concerne les
produits pharmaceutiques, un grand marché pour l’exploitation
capitaliste. Le gouvernement est tenu d’ouvrir le marché avec
tout pays dont le prix de revient des médicaments est plus
avantageux. Enfin, il faut accélérer le processus de création
des pharmacies populaires. L’Etat doit progressivement tendre
à prendre entièrement à sa charge la production, l’achat et la
vente des médicaments. Enfin, des études systématiques seront
entreprises pour revaloriser les facteurs positifs de notre
médecine traditionnelle. Le médecin congolais ne doit faire
montre d’une inculture étroite et d’une absence d’esprit
scientifique en affichant un souverain mépris à l’endroit des
acquisitions positives de cette médecine traditionnelle. Le
développement de cette branche de la production, la
fabrication des produits scientifiques, affirmera dans ce
domaine notre indépendance vis-à-vis de l’étranger.
- 83 -
déficit inadmissible. Si le projet du MNR pour le Congo
n’avait pas été la solution idoine pour nous sortir du carcan de
la domination coloniale, ce fut ce qu’il fallait chercher à
comprendre. Ce projet avait néanmoins le mérite d’exister et
d’avoir vu le jour au moment que nous croyions opportun,
caractérisé par la manifestation d’une volonté de changement
sans conteste : les 13, 14 et 15 août 1963.
Sigles et indications
*PPC : parti progressiste congolais
*UDDIA : union démocratique de la défense des intérêts
africains
*MSA : mouvement socialiste africain
*SFIO : section française de l’internationale ouvrière
*RPF : rassemblement du peuple français
*GPES : groupement pour le progrès économique et social
*UDSR : union démocratique socialiste de la résistance
*UMC : union du Moyen-Congo
*Affaire Biyahoula : Biyahoula fut un syndicaliste
d’obédience catholique de la Confédération Africaine des
Travailleurs Croyants (CATC), fortement impliqué dans
l’action révolutionnaire des 13, 14, 15 août 1963. Se sentant
- 84 -
menacé par la Révolution, il se déguisa en dame congolaise
pour rejoindre l’autre rive du Congo. Il fut rattrapé par les
militants de la JMNR au cours de leur mission de vigilance la
nuit. Présumé « contre-révolutionnaire », son arrestation sera
au niveau d’un exploit héroïque sublimant la JMNR élevé au
rang « d’ange gardien » de la Révolution. Cette affaire restera
célèbre jusqu’au coup d’Etat du 31 juillet 1968 qui marque une
nouvelle étape dans le processus révolutionnaire.
*8 février 1964 : fête de la jeunesse remémorant la mise en
fuite des mercenaires revenus de Kinshasa dans le but de
renverser le régime révolutionnaire au profit de l’ancien
régime
*FEANF : Fédération des étudiants de l’Afrique noire en
France
- 85 -
CHAPITRE 3
INTRODUCTION
I- Eléments d’histoire
- 87 -
Les anciens combattants, les employés en affinité marquée
avec leurs patrons, les stagiaires de tous les niveaux, les
étudiants, les artistes et les sportifs de renom ont vécu en
France pour une longue période et y ont connu tous les
mouvements et courants politiques à la mode : ceux venus de
l’Ouest influencés par la construction du modèle libéral
américain ; ceux venus de l’Est prolongeant l’influence de
l’U.R.S.S et des démocraties populaires d’alors ou encore ceux
crées au sein même de la France à partir des causes internes.
Les valeurs de la république telles qu’elles avaient été
énoncées par les révolutions françaises, notamment celles de
1789 et de 1848, constituaient le socle de la culture politique
au Congo. Les compétitions électorales se basaient sur le
modèle français. Les partis politiques avaient épousé la
typologie de ceux de la métropole dont ils étaient issus. Le
P.P.C. (Parti Progressiste Congolais), l’U.M.C. (l’Union du
Moyen-Congo) et la S.F.I.O (devenue M.S.A en 1946) se sont
identifiés comme des partis de gauche, l’U.D.D.I.A.- R.D.A
comme parti de droite et même d’extrême droite, au regard de
la sympathie et de la collusion avec des vichystes repentis
(Christian Jayle et Albert Fourvelle) assagis lorsque le rapport
de force avait changé de camp à la Libération de la France.
Au moment d’accéder à l’autonomie interne dans le cadre
de la Communauté franco-africaine et sur le modèle de la
Quatrième République française, la Constitution de la
première République du Congo est rédigée par les seules
forces politiques de droite. La coalition des forces de gauche
quitte l’hémicycle et la confrontation des deux camps prend le
chemin de la conflictualité politique et sociale, en 1958 à
Pointe-Noire et en 1959 à Brazzaville. C’est alors que le
président de la République, contrôlant l’appareil de l’État, use
de la ruse pour instaurer un parti unique de droite, le 10 avril
1963.
- 88 -
L’impopularité du régime permet à l’intersyndicale,
soutenue par les organisations de jeunesse (A.S.C.O, U.J.C,
J.O.C, J.E.P, J.E.C) et par la mobilisation populaire, de
renverser le régime trois ans seulement après l’indépendance
du pays. Ce fut, à l’image de certaines pages de l’histoire
française, les « trois glorieuses » à la congolaise. Le président
avait mis en avant l’unité nationale pour justifier la création de
son parti unique de droite. La manœuvre ayant échoué, les
forces de gauche se sont saisies de cette opportunité pour
prendre en main les changements qui allaient s’opérer.
La chute du régime de droite, provoquée par les courants de
natures diverses, dominés cependant par les forces de gauche,
débouche sur la création du Mouvement national de la
révolution (M.N.R) qui proclame son orientation socialiste.
Les courants politiques de droite entrent en clandestinité et
développent des formes de résistance variée (messianisme,
« syndicat » des élèves et étudiants, syndicat des travailleurs,
sectes et ordres secrets…).
Cependant, au sein du M.N.R, les contradictions naissent et
se développent sur le contenu idéologique à donner au régime,
la modération de la ligne politique du parti. Quatre
intellectuels, et pas des moindres (Pascal Lissouba, Edouard
Sathoud, Henri Lopes et Jean-Pierre Thystère Tchicaya)
écrivent une lettre au Président Massamba-Débat pour lui
demander de mettre le socialisme entre parenthèses.
Pour s’affirmer, le courant dominant engage une lutte
implacable contre les autres tendances à l’intérieur et à
l’extérieur du parti unique dont la coalition des forces de
gauche renverse l’aile au pouvoir et crée un nouveau parti, le
Parti congolais du travail (P.C.T.) en décembre 1969.
- 89 -
II-Considérations idéologiques
- 90 -
moyens en nombre très insuffisant, administration publique
tenue par les fonctionnaires coloniaux, armée nationale
embryonnaire (une compagnie).
En ce qui concerne la politique sous-régionale, l’isolement
est presque total. Au Congo Kinshasa, Lumumba en difficulté
est assassiné avec la complicité de ses compatriotes, et sur
ordre des services secrets extérieurs. L’Angola et l’enclave de
Cabinda, sont occupés et dominés par la plus féroce dictature
européenne de l’après grande guerre, celle d’Olivera Salazar
du Portugal. Le Gabon opte pour un alignement sans faille sur
l’ancienne puissance coloniale. En Oubangui-Chari, le prélat
nationaliste Barthélemy Boganda perd la vie dans des
conditions pour le moins troubles et suspectes. Le Cameroun
est en rébellion sous la direction de l’Union des Populations du
Cameroun (U.P.C) de Ruben Um Nyobé.
Au plan international, les forces politiques de gauche ont
perdu le pouvoir en France, et les services secrets français se
chargent de traquer tous les nationalistes indépendantistes
partout dans le continent, particulièrement dans les anciennes
colonies françaises. Par contre, les forces du progrès dans le
monde constituent des alliés sûrs pour tous ceux qui aspirent à
la libération totale du continent.
Les idées révolutionnaires sont diffusées par les pays de
l’Est (U.R.S.S, Chine, autres pays socialistes) comme jamais
auparavant. Elles embrasent le Tiers monde, et la Conférence
de Bandœng scelle l’alliance entre les opprimés du monde et
les pays indépendants désireux de donner la main aux
indépendantistes des pays sous domination coloniale. Pour
survivre, se donner des chances de durer et de voir leurs rêves
se réaliser, participer effectivement au combat pour la
libération de l’ensemble du continent africain aux côtés des
forces sûres, engagées depuis longtemps sur cette voie avec
des résultats probants, les révolutionnaires congolais ont choisi
le socialisme scientifique comme guide de leur action.
- 91 -
Se rendant bien compte que sans industrie, sans agriculture
modernisée, sans système de transports efficaces, sans un
système éducatif de bon niveau (donc des cadres performants),
sans armée, sans police digne de ce nom, sans organisation
politique bien structurée, sans mobilisation très large des
forces populaires, sans système de production performant, il
est impossible d’aller droit au socialisme. Il fallait bien passer
par une étape de transition, celle de la révolution nationale
démocratique et populaire tel que défini par le 2è congrès
extraordinaire de décembre 1972.
- 92 -
Pendant ce temps, l’agressivité des forces opposées au
P.C.T. redoublait d’intensité pour culminer le 23 mars 1970
avec l’attaque perpétrée par des éléments armés venus du
Congo Kinshasa, après avoir subi un entraînement intensif du
côté de l’Angola de Salazar. La complicité au sein de l’armée,
les suspicions parmi les cadres commencent à miner la sécurité
et l’espoir de l’après-congrès constitutif.
On a alors assisté à une bataille sourde entre les membres du
parti au sein même du P.C.T. Rappelons que le gros des forces
en son sein était constitué par des éléments jeunes issus du
mouvement qui a renversé le M.N.R du Président Alphonse
Massamba-Débat, le 31 juillet 1968.
D’un côté, les motivations qui les ont conduits à s’engager
dans la lutte politique continuaient d’inspirer leurs pratiques,
les débats, les réformes, la mobilisation pour imposer la ligne
qu’ils croyaient juste. De l’autre côté, on militait pour la
prudence, l’efficacité technique, le changement mesuré, réalisé
à cadence raisonnable. Si le débat idéologique, les reformes
dépassant l’ordre ancien agacent les uns, la tiédeur dans
l’engagement, une certaine résistance aux changements,
exaspèrent les autres.
D’autres forces à l’extérieur du parti, mais qui tenaient les
rennes de l’Etat, se manifestent pour appuyer le courant qui
pourrait garantir leurs intérêts, tandis que les forces d’origine
étrangère rivalisent d’ardeur pour arrêter le processus
révolutionnaire, pour les uns lui donner plus de consistance et
plus de force, pour les autres dans un contexte général de
guerre froide et de rivalité Est-Ouest.
C’est dans cette conjoncture de tension permanente qu’un
mouvement de grève des élèves et étudiants est déclenché et
prend une allure de contestation des institutions, de
dénonciation de certains dirigeants.
L’impétuosité des jeunes révolutionnaires se heurte à la
résistance résolue des aînés expérimentés, qui redoutent
- 93 -
l’incertitude du changement. La machine s’emballe, et c’est la
rupture le 22 février 1972. L’aile des anciens dirigeants de la
jeunesse qui perd la partie est frappée durement avec pour
conséquence la disparition tragique de certains de ses éminents
dirigeants dans des conditions non encore élucidées.
- 94 -
Bernard Mougounga-Nguilla…,à l’occasion du 2è congrès
extraordinaire du P.C.T.
Ce courant modéré propose un avant-projet de programme
du P.C.T et une redéfinition politique de l'étape débaptisée :
Révolution Nationale, Démocratique et Populaire, publié sous
la forme d’un opuscule intitulé Vers un Programme du P.C.T.
Ces changements politiques entraînent des réformes au plan
constitutionnel. Il s’agit de :
- 95 -
Face à cette crise politique, l'équipe des compagnons et
fidèles, formée autour du Président Marien Ngouabi, ne se
présente pas de façon homogène au plan idéologique. Les
proches du Président Marien Ngouabi profitent du procès du
M22 pour affaiblir la gauche modérée. Henri Lopes est choisi
pour présider une « Cour révolutionnaire » qui doit juger ses
propres compagnons comme Pascal Lissouba.
En 1975, le P.C.T. organise pour la première fois une
conférence des entreprises publiques qui reconnaît
officiellement, dans la célèbre déclaration du 12/12/75, l'échec
du programme triennal au début de son exécution, ainsi que le
gouffre financier généré par les entreprises d'État. Le Président
Marien Ngouabi, pourtant attiré par les universitaires et
technocrates (Jean-Pierre Thystère Tchicaya, Théophile
Obenga, Jean-Baptiste Taty Loutard, Rodolphe Adada, Joseph
Elenga Gamporo, Marius Mouambenga, Alphonse Boudo
Nesa, Daniel Abibi, Antoine Ndinga-Oba, Dr Antoine Ossebi-
Douniam, ...), durcit paradoxalement la ligne politique du
P.C.T en proclamant la radicalisation de la révolution et crée
un « Etat-major révolutionnaire ».
Les réformes politiques et institutionnelles interviennent
dans un environnement économique plus favorable, marqué
par le premier boom pétrolier. Sur cette base, l'État adopte un
programme triennal (1975-1977) de 75 milliards de F CFA,
dont l'exécution se révèle catastrophique au plan financier.
L’application des réformes touchant à la gestion collégiale des
entreprises se traduit par des résultats qui aggravent les
difficultés financières de l'État.
Un nouveau gouvernement est formé sous la direction du
commandant Louis Sylvain Goma, avec une entrée remarquée
des universitaires (Rodolphe Adada, Théophile Obenga, Jean-
Baptiste Taty Loutard, François Okobo...).
L'unité des exclus du système est automatiquement
constituée dans un climat politique dominé par la préparation
- 96 -
d'un 3è congrès extraordinaire du P.C.T pour consacrer la
volonté de renouvellement du personnel politique. Profitant de
la déclaration du Premier ministre Louis Sylvain Goma sur le
sombre état des lieux, le syndicat organise une grève générale
en mars 1976, sous l'instigation des principaux déchus, à la
suite de la déclaration du 12.12.75. Cette grève échoue et ses
instigateurs sont arrêtés et dispersés dans les administrations et
unités de production de l’intérieur du pays.
L'atmosphère politique est de plus en plus surchauffée. Une
conférence du P.C.T est convoquée la même année (1976)
pour essayer de trouver un compromis politique à cette crise.
L'aile dure du P.C.T incarnée par Pierre Nzé, persiste dans sa
position de rigueur idéologique. Cette conférence se termine
en queue de poisson (démission de Pierre Nzé du P.C.T). Le
Président Marien Ngouabi accélère alors la préparation du 3e
congrès extraordinaire du parti, en vue du renouvellement du
groupe dirigeant. L’issue de ce processus politique sera
dramatique.
La tentative de réconciliation avec les compagnons
politiques s’est soldée par un échec à la conférence du P.C.T
en 1976. Le Président Marien Ngouabi est en difficulté et
procède à des consultations politiques avec :
- 97 -
Et le 18 mars 1977, il est assassiné dans sa résidence en
pleine journée. Un comité militaire du parti voit le jour et se
compose comme suit : Joachim Yhomby Opango, Denis
Sassou Nguesso, Louis Sylvain Goma, Jean-Michel Ébaka,
Raymond Damase Ngollo, François Xavier Katali, Martin
Mbia, Pascal Mbima, Pierre Anga, Nicolas Okongo et Florent
Ntsiba.
- 98 -
Quelques indications chronologiques des événements, de
1969 à 1977
Evénements Dates/Périodes
- 99 -
Création de l’État-major Spécial 12 décembre 1975
Révolutionnaire
- 100 -
imposait de l’avis des principaux acteurs de ce temps, des
mesures transitoires à durée limitée pour sauver le pays qui
sombrait dans l’incertitude.
Le C.M.P. a relevé plusieurs défis : celui de la conjuration
de l’éclatement annoncé de la nation, celui de l’unité du parti,
celui de la partition du pays, celui du contrôle efficace contre
l’éventuelle scission au sein de l’armée, celui du maintien de la
ligne politique du parti, celui de l’organisation pacifique des
obsèques du Président assassiné, celui de la remise au travail
des Congolais désireux, sous n’importe quel prétexte, de se
montrer plutôt enclin à pratiquer la politique du moindre
effort.
Le C.M.P n’a donc pas manqué de mérite, mais il devait
tous ses succès en grande partie à la dynamique développée
depuis quelques années par les forces révolutionnaires. Ces
forces en effet tenaient, avant toute chose, à l’unification du
pays. Toute la formation politique et idéologique entreprise et
réalisée à marche forcée, martelait à souhait le caractère
indispensable de l’unité du pays, de son intégrité et de la
nécessaire mise en commun des énergies pour vaincre tout
ennemi extérieur, tout perturbateur intérieur et contourner les
menées subversives de toutes natures.
- 101 -
célèbre slogan du Président Denis Sassou Nguesso « vivre
durement aujourd’hui pour mieux vivre demain ».
Il est difficile de penser et de dire que les contradictions au
sein du Comité Militaire du Parti ne relevaient que de la lutte
pour le pouvoir, ainsi que des contradictions, des inimitiés
interpersonnelles, ni même des oppositions interethniques.
Elles relevaient surtout des dysfonctionnements que le
Président Marien Ngouabi avait déjà relevés et dénoncés, et
qui lui avait indirectement coûtés la vie. Toute tentative de
laisser de côté ce qu’il avait envisagé et qui caractérisait sa
ligne politique (qui ne manquait pas de partisans), était
interprétée comme de la trahison post mortem.
Les tenants de cette ligne se réclamant du Président Marien
Ngouabi, conduits par le colonel Denis Sassou Nguesso, non
seulement voulaient la tenue du 3e congrès extraordinaire afin
de normaliser la vie politique et en revenir à la légalité au sein
du parti en lui rendant son rôle dirigeant, mais aussi voulaient
rassembler le maximum de forces pour s’attaquer aux
problèmes brûlants du moment qui se posaient au pays.
Cependant au plan économique, le Congo connaissait une
situation très difficile. Les salaires se payaient avec des grands
retards. Les avancements étaient bloqués et les tentatives de
mettre les personnels du secteur d’État au travail à marche
forcée, apparaissaient plus comme relevant des méthodes
dictatoriales que du désir de faire aller de l’avant dans un
contexte de crise et de pénurie.
La tenue du 3e congrès extraordinaire devait rétablir le rôle
dirigeant du parti, restaurer la démocratie en son sein en
procédant à la remise en place des échelons intermédiaires et
de base par des voies démocratiques, revenir à la démocratie
au sein du peuple par la remise en place des pouvoirs
populaires, se réessayer dans la planification économique par
l’amorce d’un programme intermédiaire avant d’aller plus
avant dans la remise en ordre de l’économie par la
- 102 -
planification, enfin renouer avec le soutien constant et
conséquent à la lutte pour la libération de l’Afrique.
Il convient de dire que la propagande avant la tenue du 3e
congrès extraordinaire était allée peut être trop loin dans la
fustigation de certains aspects de l’action du Comité Militaire
du Parti, outrepassant les limites du raisonnable.
- 103 -
avec un concept clé : la « démocratie dirigée », concept très
difficile à rendre intelligible. Une première étape de remise en
ordre pour le retour à la démocratie avait été ainsi un peu ratée.
C’est ainsi que lors de la mise en place des conseils
populaires, certains dirigeants ne se sont pas montrés à la
hauteur de la tâche administrative qu’imposait la gestion de
l’État dans les régions.
Rappelons qu’après le 3e congrès ordinaire de 1984, une
tentative de correction a été entreprise. Elle a commencé par
un travail d’enquête dans toutes les régions pour déceler les
dysfonctionnements.
Cette vaste enquête fut menée par le parti lui-même et par le
ministère dont les fonctionnaires maîtrisaient la règle de l’art
en matière d’administration du territoire. L’enquête consistait
à observer physiquement sur l’ensemble du territoire national
le fonctionnement du parti à la base et à l’échelon
intermédiaire, déceler les anomalies, proposer des remèdes.
Cette opération de grande envergure a permis de déterminer
les causes des maux qui minaient le parti à tous les niveaux.
Les expériences d’animation concrète sur le terrain, sous le
pilotage direct des dirigeants au niveau national ont été
effectuées sur des échantillons (entité territoriale) de ville et de
campagne. Après avoir tiré des leçons, l’expérience a été
étendue à l’ensemble du pays.
Pour renforcer le pouvoir populaire, de concert avec le
ministère de l’intérieur qui en assurait la tutelle, un travail
similaire s’est opéré en même temps grâce à la formation
assurée avec compétence par des hauts fonctionnaires
spécialisés en la matière. Et enfin, sous l’autorité du Président
du comité central, un vaste déploiement de l’ensemble de la
hiérarchie du parti a clôturé en apothéose cette grande
opération de rectification.
Profitant de ces moments de grande mobilisation et
d’enthousiasme populaire, le Président du Comité central, chef
- 104 -
de l’État, a indiqué la liaison à faire entre le fonctionnement
régulier et réglementaire du parti avec celui du pouvoir
populaire d’une part, et entre ce dernier et la mise en ordre des
forces populaires pour promouvoir la production, but ultime du
projet politique d’autre part.
- 105 -
3-L’économie au centre du projet politique P.C.T
A propos de l’économie, le Parti Congolais du Travail, dans
sa volonté de contrôler les richesses nationales, s’était attiré
tous les ennemis du monde. Les nationalisations des
entreprises, la prise en main des services de contrôle de
certains secteurs de l’économie qui avaient été délégués à des
tiers, lesquels lésaient les intérêts du peuple congolais, tout
comme la mise en place par l’État lui-même des entreprises
devant moderniser le pays, créer des richesses et consolider
l’indépendance nationale, n’étaient pas du goût de ses
adversaires.
Quand on parle de crise à cette époque, il faut entendre aussi
et surtout l’asphyxie de l’économie congolaise par ceux-là
mêmes qui en ont été les seuls vrais bénéficiaires depuis le
temps colonial et qui entendaient demeurer dans cette position
au mépris des ayants droit.
Pendant la période allant de 1979 à 1989, le Parti congolais
du travail ne considérait pas les questions économiques
comme relevant de la seule compétence des économistes. Elles
faisaient partie du débat général, et la méthode pour les prises
de décisions fondamentales ne différait pas de celle visant à
résoudre les autres problèmes de société.
Au sortir de la période administrée par le Comité Militaire
du Parti, le pays semblait plonger dans l’abîme. Les ressources
s’étant considérablement amoindries, il était désormais très
difficile de faire face aux obligations de l’État tant pour son
fonctionnement que pour les ressources allouées au personnel.
Le pays manquant cruellement de moyens, l’investissement
n’était plus à l’ordre du jour.
Comme beaucoup d’autres pays de la sous région, le Congo
s’était appuyé sur une seule ressource, le pétrole, pour bâtir
son avenir et cette ressource connaissait des fluctuations sur le
marché mondial, précarisant les moyens de l’État.
- 106 -
Cette situation ne pouvait que perturber le fonctionnement
de l’État. Il fallait, pour maintenir le calme dans le pays,
expliquer longuement les causes réelles des difficultés que
connaissait le pays. Toutes les forces, toutes les autorités
étaient mises à contribution.
Quelques embellies pointant à l’horizon, le comité central
du Parti congolais du travail s’est empressé de définir les
priorités, d’engager l’ensemble du parti dans le débat pour la
réorganisation de la politique économique, que se soit pour le
programme intermédiaire ou pour le premier plan quinquennal,
la base et l’échelon intermédiaire devaient suivre et, dans
certains cas, débattre des options à prendre. Cette transparence
n’autorisait pas des actions d’éclat en matière de paix sociale,
les citoyens étant désormais plus conscients des difficultés du
pays.
Le processus qui a conduit à la mise en place du plan
quinquennal a constitué une véritable école pour l’ensemble
des cadres du parti et de l’État. S’écartant de la condition de
réformateur en chambre, la direction politique a imaginé et
soumis les grandes orientations au débat et recueilli des avis de
toute sorte. Elle a ensuite fait mettre au point les documents
techniques de guidage avant de faire discuter à nouveau les
actions arrêtées pour ce programme de cinq ans, tant au niveau
national qu’à celui des régions.
Ce fut un grand moment de démocratie interne, de reprise
en main générale des Affaires par le Parti congolais du travail,
et l’on pensait que de grandes avancées étaient à sa portée.
Par la reconquête de l’espace national, l’alliance avec la
paysannerie était en bonne voie. Cette reconquête, qui
consistait à construire les routes, ponts, ports, aéroports et à
assurer le transport de l’électricité vers l’intérieur, mettait en
place les structures de desserte et créait par là même les
conditions d’enlèvement des produits paysans, de création
d’entreprises agropastorales, de contention de l’exode rural, de
- 107 -
contrôle même des frontières. Le sang pouvait alors circuler
dans les veines du pays et remettre en marche son économie.
- 108 -
ni désirable, revenait à abandonner le pays au bon vouloir de
certains agents économiques expatriés, eux- mêmes ne
disposant point d’une grande marge de manœuvre : c’est ce
qu’on appelait, en ce temps-là, la démission nationale.
Dans le débat sur le sujet au niveau international, la crise
récente ne donne déjà pas raison aux thuriféraires de Von
Hayek et autres Friedman. Au contraire, les États ont dû voler
au secours pour que l’économie mondiale ne s’effondre pas.
Le G 20, malgré la réticence persistante des milieux de la
haute finance, étudie la régulation des grandes économies du
monde tout comme il recommande au niveau national, le
recours à l’État pour épargner la tempête aux paisibles
populations.
Une large part du reproche fait à la gestion des
révolutionnaires qui ont gouverné le Congo, relève plus de
l’insuffisance de compétence technique, de l’inexpérience dans
des domaines où les partenaires en face avaient une expérience
« millénaire » et jouaient avec l’ignorance naïve des décideurs
nationaux. L’État colonial lui-même, pour résoudre la question
d’un certain développement à l’intérieur des colonies, avait bel
et bien fait appel aux capitaux publics et à la compétence des
agents de l’État pour poser quelques actes relativement positifs
en faveur des populations des colonies (Cf. FIDES). Au départ
était l’Etat. C’est indéniable.
L’autre point c’est la trilogie déterminante que l’on a
présentée comme bouc-émissaire de l’échec des entreprises.
Elle consistait à mettre en place, pour la prise des grandes
décisions au sein des entreprises ou des administrations, un
comité composé de représentants du patronat, du syndicat et
du parti. Ces codécisions se rencontrent partout, y compris
dans la gestion capitaliste des grandes entreprises, pourvu que
tout le monde parle en connaissance de cause.
Le principe paraît inimaginable à ceux qui croient détenir la
science infuse, alors qu’à bien y regarder, eux-mêmes devaient
- 109 -
être écartés de la direction de l’entreprise pour incompétence,
cupidité et indolence.
Il est de bonne guerre de rejeter sur autrui, surtout quand il
est adversaire, tous les torts pour cacher les siens propres et
discréditer un projet politique qui ne va pas dans le sens qu’on
aurait souhaité, si l’on avait le choix de faire autrement. C’est
pour une large part à l’incompétence technique de certains
cadres de la bureaucratie, que l’on doit les plus grands échecs
connus, et les plus grandes dérives en matière économique.
Le lecteur trouvera le bien-fondé de ces affirmations dans
les vingt et un points du rapport au congrès de 1969, dont la
substance est résumée dans une citation de la conclusion du
rapport au congrès constitutif, à savoir :
40
Conclusion du rapport au congrès constitutif du P.C.T., citée par Jean
François Obembé dans « Principaux problèmes liés à l’édification du
Parti congolais du travail, Premier Parti marxiste-léniniste au pouvoir
en Afrique », pp. 86-87.
- 110 -
VII-Le PCT (1989- 1991)
- 111 -
initiée en prévision de l'ouverture démocratique. C’est dans ce
cadre que Isidore Mvoumba fut élu « à la loyale », président
du comité régional du Kouilou, en battant Faustin Liem, à
l’issue d’une compétition électorale au sein du comité.
- 112 -
des transports, des forêts, des hydrocarbures à partir d'octobre
1990, le gouvernement céda et par panique, accorda des
augmentations inconsidérées de salaires aux fonctionnaires.
Toutes ces grèves ne furent pas réprimées par la force
publique, à cause de la conjoncture internationale favorable
aux changements démocratiques.
- 113 -
Avant comme après, ce qu’on peut appeler ce haut fait de
politique étrangère congolaise, la Chine a représenté et
représente encore un partenaire avec qui la coopération a porté
des fruits au-delà des attentes du temps où la révolution
congolaise prenait la courageuse décision de reconnaître le
plus grand peuple du monde : le peuple de la République
Populaire de Chine.
Charité bien ordonnée commence par soi-même, disent les
sages, pour avoir la paix au Congo, il fallait soutenir la cause
des frères africains en lutte contre le colonialisme. L’Angola
occupé, le Congo était en situation précaire dans sa condition
de pays ayant affiché clairement sa volonté de bouter hors du
contient toutes les forces coloniales. Les bombardements
portugais contre le Kouilou et le Niari, le débarquement
d’éléments armés à Brazzaville, avec occupation de la
télévision et de la radiodiffusion nationale le 23 mars 1970,
n’ont pas eu raison de la solidarité avec le peuple angolais en
lutte. Cette solidarité est allée croissante jusqu’à la libération
totale de l’Angola.
Tous les mouvements en lutte d’Afrique ont eu leurs
représentants à Brazzaville. Ceux qui l’ont voulu ont bénéficié
des temps d’antenne dans les média audiovisuels ou des
espaces dans les journaux hebdomadaires tels que « Etoumba »
ou « Mweti ». Ce fut notamment le cas du Mouvement
Populaire pour la Libération de l’Angola (M.P.L.A) et de la
South West People’s Organization (S.W.A.P.O.) de la
Namibie.
- 114 -
– recruter les hauts cadres ayant la formation requise à
l’Université de Brazzaville ;
– inscrire gratuitement dans les établissements
d’enseignements primaire et secondaire et accorder des
bourses d’études aux enfants des martyrs des autres peuples
refugiés au Congo ;
– prendre en charge leurs soins de santé et frais de
d’hospitalisation ;
– payer les loyers à leurs familles.
- 115 -
concrète du désir des révolutionnaires congolais d’appuyer le
panafricanisme.
CONCLUSION
- 116 -
CHAPITRE 4
INTRODUCTION
- 117 -
Après 26 ans de monopartisme, dont 21 ans de règne du
PCT (1969-1990), le Congo s’est ouvert ainsi au multipartisme
par le biais de la Conférence Nationale convoquée par décret
présidentiel n° 91-015 du 5 février 1991.
42
« La Conférence Nationale » : la paternité de cette appellation revient à
Me Robert Dossou, ancien Doyen de la faculté de droit de Cotonou,
ancien ministre du plan et ancien ministre des affaires étrangères. Il
l’aurait « vendue » à Mathieu Kérékou (1972- 1991 et 1996- 2006). Cité
par B. Camara et C. Diallo, « Le processus d’élaboration des
constitutions dans les pays ayant en partage la Conférence Nationale »,
Séminaire en Master 2006-2007, Science politique, département de droit
public et science politique, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, p. 5
- 118 -
Ce chapitre se propose donc de restituer le déroulement de
la Conférence nationale souveraine, ainsi que la gestion de la
transition, autour de la déclinaison suivante :
- 119 -
La chute du mur de Berlin et la réunification des deux
Allemagnes symbolisèrent en quelque sorte l’échec du
monopartisme, celui du monolithisme d’Etat.
Cette faillite de l’idéologie marxiste-léniniste, que les
Occidentaux souhaitaient depuis très longtemps, est un
mouvement qui bouleversa toute la donne internationale. C’est
dans cet esprit que certains auteurs comme Fukuyama ont
qualifié l’avènement de cette démocratie de la « fin de
l’histoire»
43
Discours du sommet France-Afrique du président français François
Mitterrand. Cité par le Président Denis Sassou Nguesso, in Le manguier,
le fleuve et la souris, Paris, JC Lattès, 1997, p. 72
- 120 -
2- Les facteurs internes
Dès 1989, les membres de Comité Central du PCT sont
convoqués par leur président afin de mettre en place une
commission ayant pour mission l’examen de l’ensemble des
événements qui affectaient l’Europe et l’Union soviétique, en
analysant particulièrement les répercussions de ces
bouleversements politiques sur le Congo. C’est en juin 1990
que la commission ad’ hoc du PCT remit le rapport au Général
Dénis Sassou Nguesso, président du Comité Central, Chef de
l’Etat et président de la République.
En même temps, les membres du PCT avaient été invités à
réfléchir sur les solutions pacifiques pour la restauration de la
démocratie. Le débat s’était alors ouvert au sein de la
commission ad’ hoc, pour savoir si les membres du parti
voulaient ou non la fin du système de parti unique.44 En
définitive, la commission eut à conclure que le multipartisme
était incontournable ; que les Congolais devaient s’y engager
sans atermoiements pour coller à la dynamique internationale.
44
D. Sassou Nguesso, in Le manguier, le fleuve et la souris, op. cit., p.
72
45
La lettre ouverte de Bernard Kolélas en 1988, cité par. Quantin, 1997,
« Congo : Transition démocratique et conjoncture critique », in
- 121 -
novembre 1989, Kolélas revint à la charge en soutenant ce qui
suit :
- 122 -
églises chrétiennes demanda, quant à lui, la mise en place d’un
organisme neutre chargé d’élaborer les bases des institutions
démocratiques. Différentes personnalités politiques
annoncèrent la création des partis politiques.
En novembre 1990, le PCT était confronté aux défections en
son sein. La centrale syndicale unique, la Confédération
Syndicale Congolaise(CSC), dirigée par le membre du Bureau
politique du PCT, Jean-Michel Bokamba-Yangouma,
réclamait l’organisation d’une Conférence Nationale, ainsi que
la refonte de la Fonction publique. Une grève générale
déclenchée par la CSC finit par paralyser tout le pays,
contraignant le pouvoir à des négociations. L’option d’aller à
la Conférence Nationale fut retenue.
A la suite de la démission de Souchoulaty Poaty de son
poste de Premier ministre, Denis Sassou Nguesso décida de le
remplacer par le Général Louis Sylvain Goma, à qui fut
confiée la mission de présider les travaux d’ouverture de la
Conférence Nationale. La Conférence Nationale s’ouvrit le 25
février 1991, sous les auspices du Président Dénis Sassou
Nguesso.
- 123 -
Le Présidium
Après l’ouverture de la Conférence Nationale par le
Président Denis Sassou Nguesso le 25 février 1991, il fallut
attendre le 12 mars pour que le collège électoral mît sur pied le
Bureau de la Conférence Nationale. Le Bureau fut mis en
place par un collège électoral présidé par le « doyen d’âge » de
la Conférence Nationale, Hyacinthe Bakanga. Monseigneur
Ernest Kombo, évêque49 d’Owando, fut élu à l’unanimité
président du présidium ; la vice-présidence fut confiée à
Antoine Letembet Ambily, membre du Mouvement congolais
pour la démocratie et le développement intégral (MCDDI).
Sept postes furent confies à l’opposition regroupée au sein
d’un front uni, et enfin quatre postes restants furent confiés
aux associations.
Le secrétariat
Le Secrétariat de la Conférence avait pour mission,
l’élaboration de l’ordre du jour, qui fut adopté le 8 avril 1991.
49
Les évêques catholiques furent à l’honneur au niveau continental dans
la mesure où presque toutes les conférences furent présidées par eux :
Bénin, RDC, Congo…
- 124 -
Les Commissions
Sept commissions avaient été mises en place :
1) la commission d’élaboration de l’avant-projet
constitutionnel et des libertés ;
2) la commission politique, défense et sécurité ;
3) la commission santé, affaires sociales et
environnement ;
4) la commission éducation, affaires culturelles, arts,
sciences et technologies ;
5) la commission ad hoc sur les assassinats ;
6) la commission ad hoc sur les biens mal acquis ;
7) la commission ad hoc sur le rapatriement des fonds.
50
« Aucun délégué ne peut avoir effacé de sa mémoire le moment du
franchissement des trois ceintures de sécurité, avant de pénétrer dans la
- 125 -
L’armée avait la charge de la coordination des opérations de la
sécurité nationale.
salle du Palais des Congrès. Même les officiers étaient soumis aux
fouilles ». Cf J.M.M. Mokoko, 1997, Le Congo : le temps de devoir,
Paris, L’Harmattan, p.30
51
Voir Acte n° 030 portant débaptisation de l’Armée populaire nationale
en Forces Armées Congolaises, Journal Officiel, éd. spéciale, 1991, p. 17
- 126 -
des conférences nationales souveraines, à l’opposé de la
conférence nationale gabonaise qui était plutôt « douce ».
Ainsi qu’il est dit plus haut, la sécurité des délégués de la
Conférence Nationale leur avait donné une prétention
autoritaire en transformant la Conférence Nationale en une
assemblée constituante. De simple tribune de concertation, la
Conférence Nationale s’était arrogé une souveraineté illimitée.
Après des débats qui frisaient à un certain moment
l’éclatement, la Conférence Nationale était parvenue à se
donner une légitimité plus ou moins consensuelle à travers son
règlement intérieur proposé par la commission ad hoc de 26
membres qu’avait présidé Maître Martin Mbemba.
Soumis pour avis et considérations aux délégués le 6 mars,
le règlement intérieur ne sera adopté que le 11 mars 1991,
autour d’une disposition fondamentale définie à l’article
premier du règlement intérieur qui dispose :
- 127 -
d’authentification de tous les actes sont revenues au président
du présidium, Mgr Ernest Kombo, seule autorité habilitée à
engager l’administration54 pendant cette période. Les articles
1er et 40 du règlement intérieur de la conférence placent le
présidium au plus haut sommet de l’Etat, dans la mesure où ce
dernier accumule tous les pouvoirs en son sein. L’article 40 du
règlement intérieur donne la forme des actes de la Conférence
nationale souveraine :
54
Article 40 du règlement intérieur de la Conférence Nationale.
55
Article 40, Idem
56
M. de Villers et A. Le Divellec, 2009, Dictionnaire du droit
constitutionnel, 7e éd., Paris. pp. 38-40
- 128 -
Une « souveraineté sans peuple »
Du point de vue de la doctrine, on peut se demander si la
légitimité de la Conférence Nationale était fondée. La
souveraineté, c’est le caractère d’un pouvoir originaire et
suprême au-dessus duquel il n’y a pas d’autres57. Le peuple est
le titulaire de la souveraineté, c'est-à-dire le seul détenteur de
la puissance suprême de l’Etat.
- 129 -
Cette résolution s’apparentait à un véritable coup
de force puisque la conférence, devenue souveraine,
s’arrogeait le droit de décider au nom du peuple
sans en être formellement le représentant.60
60
D. Sassou Nguesso, La manguier, le fleuve et la souris, op. cit., p. 72
- 130 -
commission qui est chargée d’entériner les directives de
l’Assemblée constituante (la Conférence Nationale) qui n’est
autre qu’un pouvoir constituant61, un organe qui a pour rôle
d’élaborer la constitution.
Le pouvoir constituant est composé de deux organes, à
savoir : le pouvoir constituant dérivé et le pouvoir constituant
originaire ; le premier détruit pour reconstruire un nouvel Etat,
après une instabilité politique62 ou une crise, au préalable.
Alors que le second est un organe chargé de réviser la
constitution.
Il est dérivé ou constitué parce qu’il est prévu par le
premier. Dans le cas d’espèce, c’est le pouvoir constituant
originaire63, qui est chargé de détruire l’ancien régime de parti-
unique (le PCT) pour créer un nouvel ordre constitutionnel
démocratique. Car dans le contexte, la Conférence Nationale
fut une révolution ou encore « un coup d’Etat civil »64. C’est le
moment de rupture avec l’ancien régime.
61
L M. Kamto, op. cit., p. 183 : l’existence de deux pouvoirs, le pouvoir
constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé.
62
Idem
63
Ibidem
64
Ibidem
- 131 -
Le projet constitutionnel consacra notamment : le
multipartisme libéral, c'est-à-dire la création des partis et
mouvements politiques et associations ; des droits et libertés
fondamentaux65 ; la séparation et l’équilibre66 des pouvoirs
publics ; l’instauration des élections au suffrage universel
direct.
65
Voir le titre II, des droits fondamentaux, de l’Acte fondamental de juin
1991
66
Voir, le titre III, du président de la République et titre IV, du Premier
ministre et du Gouvernement et enfin, le titre V, du Conseil supérieur de
la République.
67
Voir le préambule de la Constitution française, article 16 de la
Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
- 132 -
et lui substitua une loi fondamentale. La Conférence
Nationale apparaît ainsi comme une entreprise de
déconstitutionnalisation et de reconstitutionnalisation68.
68
L M. Kamto, 1997, « La Conférence Nationale africaine ou la création
révolutionnaire des constitutions », Création du droit en Afrique, Paris
Karthala, p. 183.
69
Voir « Les Actes de la Conférence Nationale », Journal Officiel, éd.
spéciale de juin 1991, pp. 1-7
70
D. Sassou Nguesso, in Le manguier, le fleuve et la souris, p. 81
- 133 -
et je l’assume à titre collectif et individuel, au nom de
tous les dirigeants de ce pays qui ne sont plus. Moi,
j’assume, pour nous tous, tout notre passé, toute cette
histoire commune dans ses errements comme dans ses
mérites. Je dis à notre peuple que, si de graves erreurs
ont été commises, seule la volonté de faire bien
toujours nous guidait.
71
Acte n° 027 portant débaptisation de la République populaire du
Congo, « Les Actes de La Conférence nationale souveraine », Le journal
officiel, éd. spéciale, 2001, p. 16
- 134 -
2)-la devise de la République du Congo définie par « la loi
constitutionnelle n°9 du 3 novembre 1959 » ;
3)-l’hymne national de la République du Congo adopté par
« la loi constitutionnelle n° 10 du 12 novembre 1959 » dit « La
Congolaise » ;
4)-le sceau de la république du Congo fixé par « la loi n°5-61
du 11 janvier 1961 » et les timbres et cachets déterminés par la
même loi72.
72
Voir, Article 1er, actes n° 002-91-PCN-RG, portant restauration des
symboles de la République, « Les Actes de La Conférence nationale
souveraine », in Le journal officiel, éd. spéciale 2001, p. 9
73
Actes n° 012 portant réhabilitation des anciens présidents Fulbert
Youlou, Alphonse Massamba-Débat et Joachim Yhomby-Opango, supra,
p. 11
74
Voir : le préambule de l’Acte de la transition de juin 1991
- 135 -
Par conséquent, le peuple congolais :
75
Charte internationale des droits de l’homme des Nations unies de
1948 ; Charte africaine des droits de l’homme et des peuples adoptée en
1981 par l’Organisation de l’Unité Africaine ; Charte des droits et
libertés adoptée en 1991 par la Conférence nationale souveraine.
- 136 -
régime autoritaire jusqu’à l’élection de nouvelles autorités
selon une procédure d’élections multipartites ».76
Du pouvoir exécutif
L’acte fondamental avait consacré un pouvoir exécutif
bicéphale, partagé entre le président de la République, Denis
Sassou Nguesso, et le Premier ministre, chef du gouvernement,
chef suprême des armées, André Milongo.
Le président de la République n’avait qu’un rôle
honorifique, celui d’incarner l’unité nationale, le symbole de la
76
O’Donnel (1986, p. 6). Sur la problématique de la libéralisation et de la
démocratisation appliquée plus spécifiquement aux cas africains, voir
également, Breton (1994), op. cit. ; P. Quantin, « Congo : transition
démocratique et conjoncture critique », Transition démocratiques
africaines, dynamiques et contraintes (1990-1994) , p. 140
77
Les élections fondatrices sont celles qui sont libres et transparentes et à
l’occasion desquelles l’ensemble de la population ayant le droit de vote
peut se prononcer sur l’ensemble des candidats ; aucune personne ne doit
être exclue du scrutin si elle remplit des critères juridiques fixés dans la
loi électorale.
78
Voir, les Actes de la Conférence Nationale n° 004, constatant
l’élection des membres du Conseil Supérieur de la République, Journal
officiel, éd. spéciale 1991, p. 8.
- 137 -
République, la politique extérieure et l’accréditation des
ambassadeurs. Il régnait, mais ne gouvernait pas.
Le Premier ministre, chef du gouvernement79, était le
détenteur du pouvoir de nomination. Il déterminait et
conduisait la politique de la nation ; il nommait les membres
du gouvernement et mettait fin à leurs fonctions ; il présidait le
conseil des ministres. Il était le chef suprême des armées. Il
nommait le haut commandement militaire. Il était responsable
devant le Conseil Supérieur de la République 80.
79
Titre III, du président de la République, de l’Acte fondamental de 1991
80
Article 71 de l’Acte fondamental de 1991
81
L’élection du Premier ministre. « Sur 21 candidatures à la primature,
deux seulement ont été retenues au 4e tour du scrutin à savoir : la
candidature de Pascal Lissouba et la candidature de André Milongo. Le
dépouillement de ce scrutin mettant en lice Monsieur Pascal Lissouba
aux côtés de monsieur André Milongo, a donné les résultats suivants :
inscrits = 958 ; Votants = 887 ; Bulletins nuls = 14. Ont obtenu : - Pascal
Lissouba = 419 voix, - André Milongo = 454 voix. Il est à noter que la
majorité absolue des votants est égale à la moitié des votants plus une
voix soit 444. André Milongo, ayant obtenu plus de la majorité absolue
des votants du 4e tour, conformément à l’article 41 de notre règlement
intérieur, a été proclamé par le Bureau de vote, élu Premier ministre du
gouvernement de Transition issu de l’historique et inoubliable
Conférence nationale souveraine ». Voir le Procès verbal, des élections
des membres du bureau du conseil supérieur de la république et du
Premier ministre du gouvernement de la transition issu de l’historique et
inoubliable Conférence nationale souveraine, Journal officiel, Actes de
conférence nationale, éd. spéciale 1991, p. 10
- 138 -
Lissouba, qui avait pourtant bénéficié du soutien des partisans
du PCT et de son leader Denis Sassou Nguesso.
82
Titre V, CSR, de l’acte fondamental de 1991
83
Article 51 de l’Acte fondamental de 1991
- 139 -
car sa responsabilité ne pouvait être engagée, ni devant le
président, ni devant le gouvernement de transition.
L’acte fondamental disposait dans son article 71 que : « le
Conseil Supérieur de la République met en cause la
responsabilité du gouvernement de transition par le vote d’une
motion de censure lorsqu’il constate que celui-ci s’est
gravement écarté des décisions et recommandations de la
Conférence Nationale84».
2- Du Gouvernement de Transition
En douze mois, la transition avait connu quatre
gouvernements, ainsi que le montrent les actes ci-après :
- décret n° 91-675 du 15 juin 1991 ;
- décret n° 91-1101 du 30 décembre 1991 ;
- décret n° 92- 002 du 26 janvier 1992 ;
- décret n° 92- 299 du 21 mai 1992.
84
Article 7,1 op. cit.
- 140 -
3-Les élections démocratiques
Le retour au suffrage universel direct souligne l’importance
des élections fondatrices, libres et transparentes, à partir
desquelles l’ensemble de la population en âge de voter devrait
exercer son droit de vote. En dépit de ses ratés, les institutions
de la Transition organisèrent tous les scrutins dans le temps
imparti, à savoir : les élections locales et sénatoriales, le
référendum sur l’avant-projet de Constitution, les élections
législatives et les élections présidentielles.
Le Référendum constitutionnel
Voici le contenu du projet constitutionnel :
- 141 -
Consécration des droits et libertés publiques ;
démocratie pluraliste et décentralisée ; élection du
président de la République au suffrage universel ;
séparation des pouvoirs (parlement bicaméral, exécutif
bicéphale, pouvoir judiciaire indépendant) ; libre
administration des collectivités locales ; Conseil
économique et social ; Conseil constitutionnel ;
Conseil de la communication.
- 142 -
Le premier tour et le deuxième tour avaient fidèlement
reproduit les mêmes tendances politiques déjà observées
pendant les élections locales et régionales.
- 143 -
alliance entre le PCT et l’UPADS85 entre les deux tours, pour
que Pascal Lissouba fût élu président de la République avec
61, 32 % des suffrages exprimés, contre 38,68 % pour Bernard
Kolelas.
CONCLUSION
85
Le 11 Août 1992, un accord électoral et de gouvernement est conclu
entre l’UPADS et le PCT, avant le second tour de l’élection
présidentielle Cf. T. Obenga, 1998, L’histoire sanglante du Congo-
Brazzaville (1959-1997). Diagnostic d’une mentalité politique africaine,
Paris, Présence Africaine, p. 165.
86
C. Z. Bowao, op.cit, p 55
- 144 -
CHAPITRE 5
87
Accord du 11 août 1992.
88
La tradition des « régimes d’exception » est généralement marquée par
un Acte fondamental qui fait office de Constitution provisoire pour
légitimer les institutions en place.
- 145 -
mission, le rétablissement de la paix et de l’ordre institutionnel
(période de 1997à 2002) ;
la phase de normalisation de la vie démocratique, régie
par la Constitution du 20 janvier 2002 qui met en place tous
les leviers institutionnels favorables au retour et à l’exercice du
jeu démocratique et permet de relancer le processus électoral
(période 2002 à nos jours).
- 146 -
octobre de la même année par une victoire de l’opposition
rassemblée cette fois-ci au sein d’un commandement armé,
crée pour la circonstance, dénommé « Forces démocratiques et
patriotiques » (FDP). La capitulation des forces politiques et
militaires fidèles au Président Pascal Lissouba, avait laissé un
vide institutionnel qui avait dû être très vite comblé par les
nouveaux locataires du « Palais du peuple » sous la conduite
de Denis Sassou Nguesso, nouveau président de la
République.
- 147 -
tribunes internationales. Les pays amis avaient accompagné
cette dynamique en rouvrant leurs missions diplomatiques et
consulaires à Brazzaville. La vie administrative avait repris
progressivement du service.
89
Voir à cet effet, l’Acte Fondamental du 24 octobre 1997, Titre V,
article 50.
- 148 -
transition (CNT) qui était le Parlement de transition. Ces deux
instances du pouvoir d’Etat avaient des rapports simples.
L’autonomie et l’absence de moyens réciproques entre les
deux étaient les éléments caractéristiques de cette
collaboration en vue de la stabilité de ce régime exceptionnel.
Ce jeu d’équilibre est institué par le Titre VI.
- 149 -
tendue du président de la République aux anciens du régime
déchu, afin de recréer une dynamique sociétale apaisée.
Cette idée se présentait comme l’une des solutions idoines
pour permettre aux Congolais de dissiper leurs frustrations
générées par cinq mois de guerre. Les stigmates laissés par cette
guerre étaient si profonds, qu’il revenait aux locataires du
« Palais du peuple » de faire preuve de dépassement et
d’humilité pour recoudre le tissu social en large
dégénérescence.
- 150 -
La paix dans le Pool et les accords de cessez-le feu et
de cessation des hostilités de 1998-1999
A peine les bases de remise en ordre institutionnel jetées, un
incident banal de simple police administrative, va dégénérer en
une guerre opposant « milices ninjas »90 à l’armée régulière.
En effet, le 29 août 1998, les premières attaques des « Ninjas »
sont lancées dans les localités de Mindouli et Missafou
entrainant la mort du commissaire de police de Mindouli et
bien d’autres. C’est à partir de cette date que plusieurs localités
du Pool sombrent dans des attaques incessantes.
Chronologiquement : le 3 septembre 1998, une attaque est
lancée contre la localité de Kibouendé ; le 11 septembre de la
même année Kindamba est touchée ; trois jours après, c'est-à-
dire le 14, Missafou n’est pas épargnée ; les deux jours
suivants, c’est Vindza ; le 19 septembre Mayama ; le 25
septembre Goma Tsé-tsé et Kibossi, etc. Le 18 décembre
1998, toute la partie sud de Brazzaville est touchée.
La sauvegarde et la protection des populations du Pool, de
la Bouenza, de la Lékoumou et du Niari relevaient dès lors de
l’urgence.
Nombreux sont ces Congolais qui ne croyaient plus en
l’unité d’un peuple capable de partager les même valeurs.
Ainsi, les 16 novembre91 et 29 décembre 199992,
respectivement à Pointe-Noire et à Brazzaville, ceux qui
90
C’est la dénomination des milices du Pasteur Ntoumi.
91
Les Accords de Pointe- Noire avaient rassemblé 9 signataires : le Haut
commandement de la force publique ; les Cobras ; le MNLC, le
MNLCR ; Bana DOL, Résistance Sud –Sud ; les Ninjas ; le Comité de
suivi de l’appel de Douala ; le Conseil mondial de la Paix-Zone
Afrique/ Fédération Congolaise des ONG de développement.
92
-A Brazzaville, les accords comptaient 2 signataires dont le Haut
Commandement de la force publique et le Haut commandement des
forces d’autodéfense de la résistance. Depuis ces accords, une véritable
compagne de démilitarisation a pris du terrain.
- 151 -
avaient accepté de prendre les armes décidèrent de tirer un trait
sur un passé douloureux, en signant des accords de cessez-le
feu et de cessation des hostilités. Un Comité de Suivi fut mis
en place afin de renforcer les initiatives en faveur de la paix.
Ce comité était structuré en 5 commissions de travail :
- la commission du ramassage des armes ;
- la commission de la réinstallation des déplacées et exilés
dans leurs lieux de résidence habituels ;
- la commission d’insertion et de réinsertion des anciens
miliciens ayant déposé les armes ;
- la commission de la communication ;
- la commission de la logistique et des finances.
Ces accords avaient pour objet de mettre un terme à la
culture armée et prônaient ainsi le règlement des différends par
le dialogue. Ces accords avaient consigné « toutes les clauses
de l’arrêt des hostilités et de leurs effets induits ». Les parties
signataires avaient la charge d’encourager et d’inciter le
peuple à contribuer à la préservation de la paix dans le pays.
Cette démarche se présentait comme un apport à la
reconstruction d’une paix durable ; c’est ce qui a du reste
motivé l’opération généralisée de ramassage des armes.
Il était ainsi fait interdiction aux partis ou autres
associations politiques de disposer de branches armées. Cet
objectif avait bénéficié de l’appui de la communauté
internationale et des organisations non gouvernementales
compétentes, par la mise sur pied des micro-projets afin de
faciliter la réinsertion et la reconversion des miliciens en les
incitant à s’investir dans la vie active à travers le programme
DDR (Démobilisation-Désarmement-Réinsertion). Aux termes
des dispositions finales desdits accords, « les parties
signataires s’engagent à former un bloc solidaire capable de
s’opposer à toutes les forces hostiles à la paix et à la
réconciliation nationale, ainsi qu’aux adeptes de la violence
sous toutes ses formes ».
- 152 -
L’axe d’effort de cette période de transition s’était traduit à
travers les indicateurs de paix, de sécurité et de stabilité ci-
après :
– le rétablissement de la paix et de la sécurité par la libre
circulation des personnes et des biens sur l’ensemble du
territoire ;
– la réactivation des leviers de puissance de l’Etat
(rétablissement de l’administration ; restauration de la force
publique, des cours et des tribunaux) ;
– la relance de l’économie ;
– la garantie et la sécurisation du retour des exilés et autres
déplacés ;
– la réouverture des établissements scolaires et sanitaires ;
– le renouement du dialogue avec les bailleurs de fonds
internationaux ;
– la restauration de l’image du Congo à l’extérieur.
- 153 -
1999, le Dialogue National Sans Exclusive qui a été précédé
par des débats décentralisés, s’est ouvert le 17 mars 2001 au
palais du parlement à Brazzaville. Aboutissement d’un long
processus, le Dialogue National Sans Exclusive avait bénéficié
de la sagesse du Président gabonais Omar Bongo, agissant en
qualité de Médiateur.
Après plusieurs négociations, le Président gabonais était
parvenu, par la décision n° 00003 du 9 mars 2001, à nommer
cinq personnalités gabonaises94 pour la supervision dudit
Dialogue. Le même jour par la décision n° 00005, il désignait
les membres du bureau du Dialogue National.
Ainsi, un Comité technique avait été mis en place par la
décision n° 00001 du 15 mars 2001. Ce cadre de diplomatie
parlementaire consacré à l’exorcisme de la Nation, dont les
conclusions avaient jeté les fondements de la nouvelle vision
apaisée de la vie nationale, au nombre desquels, la relance de
la démocratie, l’une des valeurs cardinales d’un Etat
républicain.
Le décret n°2001-67 du 16 mars 2001 nommait les membres
de la commission d’organisation du comité technique du
Dialogue National Sans Exclusive. Les délégués nationaux au
débat décentralisé dans les régions et dans les communes
avaient été nommés par le décret n° 2001- 70 du 21 mars
2001.
- 154 -
Les travaux du Dialogue National Sans Exclusive avaient en
fait préparé l’ossature de la future constitution du 20 janvier
2002. Le redressement de l’ordre politique du Congo s’était
joué à cet instant-là. Des amendements avaient été apportés à
la Constitution de 199295.
95
Ces amendements prévoient l’instauration d’un régime présidentiel et
abroge les dispositions qui ont conduit aux dérives du précédent régime.
96
Voir article 92 de la Constitution du 20 janvier 2002.
- 155 -
reconnu le droit de dissolution. En l’occurrence, il peut mettre
fin à la fonction parlementaire de l’Assemblée nationale.
A l’Assemblée nationale, il est reconnu le pouvoir de
contraindre le gouvernement à la démission, grâce notamment
à l’existence de la motion de censure et de la question de
confiance97. En plus de cela, généralement le régime
parlementaire est caractérisé par l’existence du bicéphalisme.
97
Voir la Constitution de la Cinquième République Française de 1958
dans ses articles 49 et 50.
98
Voir Article 80 de la Constitution du 15 mars 1992.
- 156 -
octobre 1958. Mais, il s’agit d’une copie déformée qui
comporte des failles. En effet, alors que l’article 8 de la
Constitution française se borne à indiquer que « le président de
la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses
fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du
gouvernement », l’article 75 de la Constitution du 15 mars
1992 spécifie que le président de la République nomme le
Premier ministre issu de la majorité parlementaire se
dégageant à l’Assemblée nationale.
La faille de cette disposition résidait dans la notion de
« majorité parlementaire » dont la Constitution elle-même ne
donne aucun élément de clarification. Il avait fallu
l’intervention de la Cour suprême faisant office de juge
constitutionnel, pour comprendre que la majorité visée à
l’article 75 signifiait 50% de députés, plus un député. Compris
de cette manière, la majorité était donc manifestement
fluctuante puisqu’elle pouvait changer à n’importe quel
moment.
- 157 -
des mouvements et associations politiques. Cette situation
couveuse de conflits politiques avait été ainsi prise en compte
par les concepteurs de la Constitution du 20 janvier 2002, qui
avaient alors plutôt opté pour un régime de type présidentiel.
- 158 -
Le 20 janvier 200299, le peuple congolais fut appelé à opter
pour une autre orientation politique. Le référendum
constitutionnel qui avait acquis les faveurs des suffrages
institua la Cinquième République et son présidentialisme.
99
- N. Mayetela, 2002, « Contribution à l’analyse de la Constitution
congolaise du 20 janvier 2002 », Annales de l’Université Libre du Congo
(Brazzaville), vol. 1, pp. 91-119.
100
La loi n° 5 – 2003 du 18 janvier 2003, porte attributions, organisation et
fonctionnement de cette commission.
101
En instituant ces institutions, le législateur de 2002 permet de faire un
jeu d’équilibre avec les nouveaux pouvoirs du président de la
République.
- 159 -
S’agissant de la Cour constitutionnelle 102, sa fonction
juridictionnelle, notamment celle du contrôle de la
constitutionalité des lois lui attribue la dénomination de
« Cour ».
Une nouveauté est apportée à l’article 54 de la Constitution
de 2002, qui ajoute une disposition qui n’existait guère dans
celle de 1992, notamment sur le financement des partis
politiques par l’Etat.
Il y’a lieu de relever par ailleurs une avancée significative
en matière de droits humains. La Constitution de 2002 s’est
alignée à travers son article 11103 sur les conventions
internationales en matière de répression des crimes de droit
international. Les crimes commis avant, pendant et après le
conflit de 1997, ont incité le législateur de 2002 à reconsidérer
certaines valeurs. Ainsi, l’article 167, en respect des
conventions internationales dont le Congo est signataire, met
en place une commission chargée de la promotion et la
protection des droits de l’homme. La répression des crimes de
droit international s’aligne dans la logique du maintien de la
paix tant interne qu’internationale.
- 160 -
sécurité dans le pays, le Président Denis Sassou Nguesso
adhéra à la dynamique de normalisation de la vie politique. La
première opération porta sur la maîtrise du corps électoral et la
mise en place d’une Commission nationale d’organisation des
élections (CONEL).
- 161 -
Jean-Félix Demba-Ntelo ; Ernest Bonaventure Mizidy
Bavoueza ; Côme Manckassa ; Denis Sassou Nguesso. Le
candidat Denis Sassou Nguesso fut élu président de la
République à l’issue de ce scrutin.
Les élections législatives eurent lieu le 12 mai 2002, soit
deux mois après.
CONCLUSION
- 162 -
CHAPITRE 6
INTRODUCTION
- 163 -
glorieuses) qui conduisent à la chute du régime du Président
Fulbert Youlou.
- 164 -
le multi syndicalisme qui fait décliner le prestige de la
Confédération syndicale congolaise (C.S.C).
A propos de la dernière période, celle allant de la
Conférence nationale souveraine à nos jours, quel est
l’environnement institutionnel qui régit les partis politiques
dans notre pays ? D’abord, qu’est-ce qu’est, en fait, un
système multipartite ? Ensuite, comment a-t-il fonctionné au
tout début de l’ère démocratique et effectivement
aujourd’hui ?
- 165 -
1-Les causes d’origine externe
Il s’agit de deux événements autour desquels s’est ordonnée
la fin du XXe siècle : la Perestroïka dans l’URSS et la Chute
du Mur de Berlin en Allemagne.
La Perestroïka, qu’institue en URSS Mikhaïl Gorbatchev,
vise à moderniser le système communiste par l’introduction
d’un certain nombre de réformes. La plus importante de ces
réformes consiste en la démocratisation du système
communiste.
Il faut souligner le paradoxe dans lequel culmine la
Perestroïka. En effet, la Perestroïka, qui travaille à
l’amélioration du système de gestion communiste en vue de la
pérennisation du communisme, a paradoxalement conduit à
l’effondrement du communisme. Car, le communisme est ainsi
constitué que le moindre changement d’une partie du système
provoque l’ébranlement et, par suite, l’effondrement de la
totalité du système. Et c’est le résultat par lequel se conclut la
Perestroïka. Car dès lors que, rompant avec la pratique du
système communiste, Mikhaïl Gorbatchev annonce la fin du
recours à la force , c’est-à-dire à l’Armée Rouge et aux troupes
du Pacte de Varsovie pour lutter contre toute révolte
susceptible d’advenir dans les pays communistes, c’est le
système communiste tout entier qui s’écroule. Pareil
écroulement dont témoigne la fuite massive des personnes vers
l’Occident, s’achève en 1990 par la Chute du Mur de Berlin.
Ce Mur, que les autorités soviétiques et est-allemandes avaient
érigé en 1963 sur la ligne de démarcation séparant les zones
d’occupation soviétique et « occidentale » (USA, France,
Grande-Bretagne) afin d’empêcher le départ massif des
Berlinois de l’est pour Berlin-Ouest, est détruit pierre après
pierre par les Berlinois.
Si la Perestroïka et la Chute du Mur de Berlin produisent
des effets politiques dans le monde, puisque la carte du monde
s’en trouve changée, la fin du système du parti unique obéit
- 166 -
malgré tout au Congo à une série de motifs d’ordre interne.
Sans doute le Parti congolais du travail annonce-t-il lors du
Congrès de 1990 l’instauration du multipartisme. Mais, il
s’agit d’un multipartisme limité, qui est loin de satisfaire
l’ensemble des forces vives du pays.
De fait, le mouvement qui mène au multipartisme s’adosse à
deux séries de motifs qui apparaissent du reste liés. La
première série de motifs renvoie à l’effondrement économique
et financier du Congo en 1985.
En effet, le pays étant en cessation de paiement, la nécessité
s’impose alors aux autorités congolaises de passer par les
fourches caudines du Fond Monétaire International (FMI). Le
Congo sollicite l’assistance du FMI, qui lui impose en retour
un Programme d’Ajustement Structurel (PAS). Le PAS, qui
enjoint à l’Etat congolais la réduction de toutes ses dépenses –
à l’exception du service de la dette – conduit le gouvernement
à cesser tout recrutement à la Fonction publique et à geler les
effets financiers qui accompagnent généralement tout
avancement dans la Fonction publique. La crise économique et
sociale s’installe et se développe au Congo à la fin des années
1980.
- 167 -
leader de la Confédération Syndicale Congolaise – Jean-
Michel Bokamba-Yangouma – siège en effet au Bureau
politique du Parti congolais du travail. Le syndicat unique est
donc à l’origine de la fin du système du parti unique et, par
voie de conséquence, du syndicat unique.
Si en 1964, les syndicats congolais, dans un geste de suicide
collectif, approuvent (à l’exception notable de la Confédération
Autonome des Travailleurs Chrétiens) l’institution du syndicat
unique consécutive à l’établissement du parti unique, en 1989,
c’est l’inverse qui se produit. Le syndicat unique – la
Confédération Syndicale Congolaise – qui, au moyen de la
grève générale met fin au système du parti unique et du syndicat
unique, détruit son propre monopole syndical pour faire droit au
multipartisme et à la liberté syndicale.
Il y a donc un paradoxe politique congolais dans la mesure
où les changements politiques, loin de provenir des forces
extérieures et hostiles au pouvoir, procèdent des organes
internes du pouvoir. Ainsi, la fin de la liberté syndicale et du
multipartisme en 1964 est-elle l’œuvre des syndicats eux-
mêmes. Et, la fin du système du parti unique et du syndicat
unique en 1990 est-elle le fait du syndicat unique lui-même
avec l’appui des forces en aigreur politique.
Toutefois, le multipartisme qui s’instaure à partir de 1990 au
Congo ne résulte pas seulement de l’action du syndicat unique,
mais aussi du travail politique clandestin des exclus du Comité
central du parti unique (Jean-Pierre Thystère Tchicaya,
Christophe Moukouéké, Victor Tamba-Tamba, Pierre Nzé …)
et des adversaires de longue date de ce système (Bernard
Kolélas notamment).
Un tel multipartisme s’articule, une fois mis en œuvre,
généralement autour de trois types de partis politiques : les
partis centraux, les partis périphériques et les partis
intellectuels. Les partis centraux apparaissent comme des
partis autour desquels s’organise le jeu politique, alors que les
- 168 -
partis périphériques tout en s’affirmant comme des partis
relativement importants ne font pourtant que graviter autour
des partis centraux. Enfin les partis intellectuels sont des partis
qu’anime l’élite intellectuelle et dont le poids politique est
inversement proportionnel au poids électoral.
- 169 -
ils ont, à travers leurs candidats, recueilli lors de l’élection
présidentielle de 1992 environ soixante-dix pour cent de
l’ensemble des suffrages exprimés. De même, lors des
élections législatives de 1992, ces trois partis ont réussi à
obtenir les trois quarts des députés élus.
Afin de cerner le système d’organisation du multipartisme
actuel, on pourrait, d’abord, définir ce qu’est le multipartisme,
ensuite analyser l’environnement institutionnel du système
multipartite à travers les textes des constitutions successives et
des lois réglementant les partis politiques, et enfin examiner
les partis politiques en présence dans notre pays et s’interroger
sur leur impact dans la vie publique nationale.
Le parti politique
On pourrait définir le parti politique par rapport aux
questions auxquelles celui-ci souhaite apporter les solutions et
aux objectifs qu’il se propose d’atteindre.
En fait, un parti politique est un groupe de personnes qui
partagent les mêmes intérêts, les mêmes opinions, les mêmes
idées et qui s’associent dans une organisation structurée et
institutionnalisée ayant pour objectif de se faire élire, d’exercer
le pouvoir et de mettre en œuvre un projet politique ou un
programme économique et social commun. Le parti peut être
défini aussi comme une entreprise politique au sens où elle
recherche une clientèle fidèle.
Il conviendrait de mentionner que l’objectif de gouverner
ensemble spécifie les partis politiques en les distinguant
d’autres organisations comme les groupes de pression, les
associations confessionnelles et les syndicats qui poursuivent
un intérêt et un but corporatifs.
- 170 -
Le multipartisme.
Le multipartisme est la caractéristique d’un régime politique
qui admet, du fait de la liberté d’association dans le pays,
l’existence de plus de deux partis politiques (bipartisme) dans
la vie politique et parlementaire.
Dans le régime multipartite, les autorités politiques
acceptent la présence de plusieurs sensibilités dans les débats
politiques et dans les élections, ainsi que la possibilité d’être
remises en question et critiquées. C’est, avec la liberté de la
presse, l’une des garanties qu’ont les citoyens du contrôle
effectif du pouvoir exécutif.
Offrant aux électeurs la possibilité de voter pour les
candidats dont les idées sont plus proches de leurs convictions,
le multipartisme est l’un des fondements de la démocratie. Il
s’oppose au monopartisme qui symbolise les régimes
autoritaires et dictatoriaux.
- 171 -
Dans la première situation, en dehors du fait que,
physiquement, les dossiers sont éparpillés en divers endroits,
donc introuvables, il parait impossible d’opérer le tri entre les
associations de la société civile et les partis politiques à partir
des registres établis sur la base de la loi de 1901, les
dénominations étant souvent les mêmes pour les deux
catégories d’organisations : Mouvement de, Rassemblement
de, Renaissance de, etc.
Les seules statistiques disponibles sont celles des partis
politiques qui, ayant participé aux scrutins électoraux de 1992,
ont obtenu au moins 1 élu. C’est ainsi qu’il a été enregistré
pour les résultats des élections des conseils de districts,
d’arrondissements, de régions et de communes du 3 mai 1992 :
34 partis politiques et pour les résultats des élections
législatives des scrutins du 24 juin et juillet 1992 : 17 partis
politiques .
Dans la deuxième situation, l’immatriculation est
évidemment l’objet fondamental de la loi n° 21- 2006 du 21
août 2006 sur les partis politiques. Ainsi, le fichier du
ministère de l’Administration du territoire et de l’Intérieur fait
ressortir les chiffres d’enregistrement des partis politiques ci-
après :
- 172 -
leur situation par rapport à la nouvelle réglementation. Voici le
libellé du texte de l’article 36 qui n’aurait été appliqué, à ce
jour, par aucun des partis politiques fondés antérieurement à
ladite loi :
- 173 -
Ainsi donc à gauche, la social-démocratie est la doctrine de
l’UPADS (Lissouba), du RDD (Yhomby-Opango), du RDPS
(Thystère-Tchicaya), du PCT (Sassou Nguesso), des Forces
démocratiques nouvelles (codirigées par le docteur Léon
Alfred Opimba et Jean-Marie Tassoua) et du Pcr (Lefouoba).
Il convient de remarquer que dans le champ politique
congolais, seul le Parti républicain et libéral de Nicéphore
Fylla de Sainte-Eudes affiche jusque dans sa dénomination
l’idéologie libérale et donc, un enracinement politique et
économique de droite. Tous les autres partis politiques, à
l’exception du MCDDI, se disent de gauche et revendiquent
par conséquent l’idéologie social-démocrate.
Mais si la quasi-totalité des partis congolais proclament
leur appartenance à la social-démocratie, comment les
distinguer ? Autrement dit, quel est alors le principe de
discrimination des partis politiques congolais, si on abandonne
le critère idéologique, puisque ces partis sont presque tous
sociaux-démocrates ? La seule réponse possible, s’agissant des
partis centraux et des partis périphériques, consiste à avancer
le critère de l’ancrage régional comme élément de
discrimination non seulement des différents partis sociaux-
démocrates, mais encore de tous les partis politiques
congolais.
A l’orée de la Conférence nationale souveraine, deux partis
sont, idéologiquement, l’un à l’antipode de l’autre : le PCT à la
gauche marxiste et le MCDDI à la droite libérale. A l’issue de
la Conférence nationale souveraine, le PCT abandonne
l’idéologie marxiste-léniniste et opte pour la social-
démocratie. C’est la même idéologie dont s’est auparavant
réclamé le RDD à sa naissance le 2 décembre 1990. L’Upads
se présente, à la fois, sous la bannière du panafricanisme et
d’un parti socialiste de type occidental. La même tendance
socialiste semble être également l’option idéologique du
RDPS.
- 174 -
En fait, dans le fonctionnement du système politique
congolais, tous les clivages idéologiques, s’il en existe en
réalité, se trouvent, à chaque fois, relégués au second plan.
Dans l’esprit du commun des mortels (congolais), ce sont des
histoires de simples papiers à remplir pour obtenir le sésame,
le récépissé du ministère de l’Administration du territoire et de
l’Intérieur, qui autorise de se réunir. Les regroupements des
partis politiques à idéologies politiques souvent opposées,
dites alliances contre nature, à l’instar de celle scellée entre le
P.C.T et le M.C.D.D.I en 1992, le prouvent et illustrent
suffisamment ce constat désolant.
Par rapport aux options idéologiques, les positions
théoriques semblent suffisamment claires mais, concernant le
fonctionnement pratique, les choses semblent moins évidentes.
En tête de ces formations politiques gagnantes se trouvent à
chaque fois cinq principaux partis politiques : l’Union
panafricaine pour la démocratie sociale (U.PA.D.S), le
Mouvement congolais pour la démocratie et le développement
intégral (M.C.D.D.I), le Parti congolais du travail (P.C.T), le
Rassemblement pour la démocratie et la paix sociale (R.D.P.S)
et le Rassemblement pour la démocratie et le développement
(R.D.D).
- 175 -
partis politiques congolais se réclament de la social-
démocratie, comment expliquer alors les alliances qui se
tissent entre eux ? Il est facile de répondre que c’est
l’opportunisme politique ou l’opportunisme domestique
communément appelée « la politique du ventre » qui régissent
les différentes alliances politiques au Congo. Pareille réponse
se révèle non seulement injuste en ce qu’elle n’est avancée que
pour disqualifier toute forme d’alliance politique au Congo,
mais encore arbitraire en ce qu’elle repose sur la
méconnaissance des alliances conclues entre les partis
politiques congolais. Or une recherche sur la structure du
champ politique congolais permet, au-delà de la typologie des
partis politiques, de reconnaître trois principes d’explication
des alliances politiques au Congo : la conquête du pouvoir, la
participation au pouvoir et la constitution d’une alternative au
pouvoir établi.
- 176 -
se clive en 1990. Ce critère s’entend comme la proximité ou la
distance à l’égard du Parti congolais du travail.
A la lumière du critère de la proximité ou de la distance à
l’égard du Parti congolais du travail, on constate que le champ
politique congolais s’ordonne à l’époque de la Conférence
nationale souveraine autour de deux forces politiques :
l’Alliance nationale pour la démocratie (AND) et les Forces
du changement. Si l’Alliance nationale pour la démocratie
regroupe sous l’impulsion de Maurice Stéphane Bongho-
Nouarra les partis favorables au pouvoir incarné par le Parti
congolais du travail, en revanche les Forces du changement,
dont le porte-parole est Lecas Atondi-Monmondjo, rassemble
les partis hostiles au pouvoir.
L’Alliance nationale pour la démocratie regroupe autour du
Parti congolais du travail l’Union nationale pour la
démocratie et le progrès (UNDP) de Pierre Nzé, le Mouvement
africain pour la République et la solidarité (MARS) de Jean
Itadi, l’Union panafricaine pour la démocratie sociale
(UPADS) de Pascal Lissouba et l’Union patriotique pour le
redressement national (UPRN) de Mathias Dzon. Les Forces
du changement, dont le socle est le Mouvement congolais pour
la démocratie et le développement intégral (MCDDI) de
Bernard Kolélas, sont constituées par le Rassemblement
démocratique pour le progrès social (RDPS) de Jean-Pierre
Thystère Tchicaya, le Rassemblement pour la démocratie et le
développement (RDD) de Joachim Yhomby-Opango, l’Union
pour le progrès (UP) de Jean-Martin Mbemba, l’Union
démocratique pour le progrès social (UDPS) de Bokamba-
Yangouma, le Mouvement pour les libertés démocratiques
(MOLIDE) de Patrice Yengo et la Cause de Grégoire
Mavounia. Pour l’essentiel, ces deux alliances politiques se
maintiendront jusqu’à l’élection de Pascal Lissouba à la
magistrature suprême du Congo en août 1992.
- 177 -
Il faut souligner, au regard des alliances politiques conclues
lors de la Conférence nationale souveraine de 1990, un
nouveau paradoxe qui participe du reste des paradoxes sur
lesquels se fonde le jeu politique congolais. Ce paradoxe se
fixe sur la démarche politique de l’Union panafricaine pour la
démocratie sociale. Pareille démarche a consisté, lors de la
Conférence nationale souveraine, à défendre systématiquement
le Parti congolais du travail des attaques dont il fait l’objet de
la part des Forces du changement sur son bilan à la tête du
Congo de 1968 à 1990. Comment comprendre qu’un parti, en
l’occurrence l’Union panafricaine pour la démocratie sociale
(UPADS), dont les principaux dirigeants ont lutté avec
d’autres leaders politiques pour remettre en cause et
finalement ruiner le pouvoir du Parti congolais du travail
(PCT), puisse soutenir de toutes ses forces ce dernier et donc
son bilan à la tête du Congo ? Une telle démarche, qui peut
paraître à première vue incompréhensible, s’éclaire pourtant
lorsque l’on pense à l’objectif de l’Union panafricaine pour la
démocratie sociale (UPADS), à savoir la conquête du pouvoir
politique. Car des deux autres partis centraux susceptibles de
conquérir le pouvoir du fait de leur enracinement dans des
fiefs électoraux importants – le Mouvement congolais pour la
démocratie et le développement intégral (MCDDI) et le Parti
congolais du travail (PCT) – l’adversaire majeur semble
devoir être pour l’Union panafricaine pour la démocratie
sociale (UPADS) le Mouvement congolais pour la démocratie
et le développement intégral (MCCDI). D’autant plus que le
Parti congolais du travail est apparu pendant la Conférence
nationale souveraine relativement affaibli. Non seulement en
raison de l’usure d’un pouvoir qu’il détient depuis plus de
vingt ans, mais surtout en raison des critiques incessantes qu’il
subit de la part des Forces du changement. L’Union
panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS) réussit,
pour reprendre les termes de Carl Schmitt, à transformer l’ami
- 178 -
d’hier (le Mouvement congolais pour la démocratie et le
développement intégral – MCCDI) en ennemi et l’ennemi
d’hier (le Parti congolais du travail – PCT) en ami. Cette
démarche politique se révèle payante, puisque le candidat de
l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS),
Pascal Lissouba, est élu contre Bernard Kolélas, le candidat du
Mouvement congolais pour la démocratie et le développement
intégral (MCDDI) à la magistrature suprême avec le soutien
du Parti congolais du travail (PCT) et les suffrages de ses
électeurs.5
Paradoxalement, c’est à partir de l’élection de Pascal
Lissouba que les alliances éclatent et qu’une restructuration du
champ politique congolais se fait jour. Car les forces politiques
qui ont travaillé à l’élection de Pascal Lissouba, se montrent
incapables de s’entendre sur le partage du pouvoir.
Lors des discussions politiques qui précèdent la constitution
du gouvernement, le Parti congolais du travail revendique six
à sept postes ministériels, dont deux ministères de
souveraineté. L’Union panafricaine pour la démocratie
sociale ne propose que trois ministères au PCT, parmi lesquels
ne se trouve aucun ministère de souveraineté. C’est la rupture.
Une rupture qui intervient à l’Assemblée nationale où le Parti
congolais du travail (PCT) présente André Mouélé à la
présidence du Parlement contre le candidat officiel de la
Mouvance présidentielle, Ange-Edouard Poungui (qui n’est
pas à l’époque membre de l’Union panafricaine pour la
démocratie sociale). Contre toute attente, André Mouélé, qui a
bénéficié du vote des députés des Forces du changement, est
élu. La crise politique s’installe dans le pays, puisque les faits
montrent que le Président Pascal Lissouba ne dispose pas
d’une majorité au Parlement pour mettre en œuvre le
programme politique pour lequel il a été élu par les Congolais.
La dissolution de l’Assemblée nationale à laquelle procède le
Président Pascal Lissouba et l’annonce de nouvelles élections
- 179 -
législatives ne font qu’exacerber la crise politique à laquelle le
pays est en proie. C’est le coup d’envoi de la violence
politique que le Congo va connaître pendant une décennie.
- 180 -
redressement national (URN) de Gabriel Bokilo. De son côté,
l’ERDDUN rassemble autour de l’Union panafricaine pour la
démocratie sociale (UPADS) le Mouvement congolais pour la
défense de la démocratie et le développement intégral
(MCDDI), le Rassemblement démocratique pour le progrès
social (RDPS) de Jean-Pierre Thystère Tchicaya, l’Union des
forces démocratiques (UFD) de David-Charles Ganao, le
Rassemblement pour la démocratie et le développement
(RDD) de Joachim Yhomby-Opango, le Parti congolais pour
renouveau (PCR) de Grégoire Lefouoba.
- 181 -
Il faut attendre l’élection présidentielle de 2002 pour assister
au retour de la démocratie. A la faveur de ce retour, de
nouvelles alliances politiques voient le jour. Il s’agit du côté
du pouvoir des Forces démocratiques unies (FDU) auxquelles
se rallie le Rassemblement démocratique pour le progrès
social (RDPS) de Jean-Pierre Thystère Tchicaya jusque-là
proche du Mouvement congolais pour la démocratie et le
développement intégral (MCDDI) de Bernard Kolélas. Aux
Forces démocratiques unies (FDU) s’oppose une coalition de
partis politiques qui s’est constituée autour de l’Union pour la
démocratie et la République (UDR-Mwinda) et de son leader
André Ntsantouabantou-Milongo. Ce dernier, qui s’est déclaré
candidat à la présidence de la République et dont la
candidature rencontre un succès certain, retire curieusement sa
candidature la veille de l’élection présidentielle, permettant
ainsi la facile victoire du Président Denis Sassou Nguesso.
- 182 -
Moukouéké ou Victor Tamba-Tamba qui contribue non
seulement à la décrispation quasi-définitive du jeu politique,
mais encore à l’établissement de nouvelles alliances. Ainsi, le
Mouvement congolais pour la démocratie et le développement
(MCDDI) et le Rassemblement pour la démocratie et le
développement (RDD) se rapprochent-ils du Parti congolais du
travail (PCT) avec lequel ils concluent une alliance politique.
Face à ce renforcement de la Majorité présidentielle, qui se
dote d’ailleurs de nouvelles plates-formes – le Rassemblement
pour la majorité présidentielle (RMP) d’une part et l’Initiative
nationale pour la paix (INP) d’autre part – l’opposition se
réorganise. Cette réorganisation signifie en réalité son
morcellement. En effet, deux plates-formes se constituent
respectivement autour de l’Union patriotique pour le
redressement national (UPRN) de Mathias Dzon et l’Union
panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS) de Pascal
Gamassa et de Pascal Tsaty-Mabiala.
- 183 -
s’explique essentiellement par la faiblesse de l’opposition. En
effet, le jeu politique apparaît depuis 2002 complètement
déséquilibré entre un pouvoir disposant d’une majorité plus
que confortable au Parlement, et une opposition exsangue dont
le nombre d’élus dépasse de peu la dizaine. Un tel déséquilibre
s’avère préjudiciable à la démocratie. Car, ne pouvant
s’exprimer au Parlement, l’opposition vit sous la tentation
permanente du recours à la rue pour se faire entendre.
- 184 -
Suivant en cela l’exemple du P.C.T qui a conservé, malgré
les débats internes controversés, son ancien étendard rouge,
chaque parti politique souhaite se distinguer par des emblèmes
singuliers. Le M.C.D.DI, le R.D.P.S. et le R.D.D. se sont eux
aussi dotés de symboles particuliers : des drapeaux et des
hymnes du parti.
Toutes les conditions semblent être réunies pour l’entrée en
scène, le passage à l’action politique effective par les partis
politiques.
- 185 -
cette période. C’est la source essentielle de l’instabilité
congénitale de la législature de 1992, car aucun des principaux
partis politiques n’a atteint la majorité absolue lors des scrutins
législatifs. Sur 120 sièges à l’Assemblée Nationale,
l’U.PA.D.S a obtenu 40 députés, le M.C.D.D.I : 29, le P.C.T :
19, le R.D.P.S : 9 et le R.D.D : 5.
- 186 -
Celui-ci disparaît avec la fin de la guerre et le départ en exil de
ses principaux leaders.
A la suite de la victoire militaire, le F.D.P s’est mué en
Forces Démocratiques Unies (F.D.U) qui soutiennent l’action
du gouvernement d’union nationale et de salut public.
C’est vers la fin de la transition, à partir de l’année 2001 que
les partis politiques dits de l’opposition, ou ce qu’il en reste,
tentent de reprendre du souffle pour se réorganiser en créant,
un regroupement dénommé d’abord, « Collectif des 6 » et
ensuite, « Collectif des 11 ». Après le Dialogue National Sans
Exclusive, avec le retour d’exil d’un certain nombre de leaders
politiques, une plateforme politique plus structurée –
dénommée Convention pour la Démocratie et le Salut
(CODESA) – est mise en place. Cette dernière constitue le
cadre indiqué permettant aux partis politiques de l’opposition
d’aborder, dans la cohésion, les élections législatives de 2002.
Mais hélas, tel n’a pas été la réalité.
- 187 -
A partir de la fin de l’année 2004, les querelles internes du
P.C.T. remontent en surface, des remises en question qui
s’extériorisent par le célèbre concept de « refondation » qui
met le feu aux poudres.
- 188 -
importance. L’ambition de départ des F.D.N. est de se
constituer en un parti politique.
CONCLUSION
- 189 -
personnelles du ou des fondateurs et les risques d’entreprise
sont prises à titre personnel.
La puissance publique a bien prévu le cadre d’évolution des
partis politiques par une réglementation conséquente. Le
nombre des partis politiques devrait normalement
s’autoréguler – comme dans toute société libérale, de
démocratie pluraliste – à travers cette sorte d’écrémage :
l’organisation d’élections libres et transparentes, sous-entendu
que le nombre de sièges au parlement n’est pas du tout
extensible.
L’ethnocentrisme figure en bonne place dans le lot des
griefs qui sont formulés à l’endroit des partis politiques. On
pourrait regrouper sous ce concept toute la litanie de
terminologies usitées dans le vocabulaire politique national
pour exorciser la maladie incurable : népotisme, tribalisme,
ethnisme, régionalisme, villagisme, etc.
La loi n° 21-2006 du 21 août 2006 sur les partis politiques
se préoccupe essentiellement du phénomène de l’ethnisme
qu’elle doit conjurer par une vaine imposition de la diversité
des membres de la direction du parti et de l’implantation des
sièges dans tous les départements du pays (article 9). Or, elle
devrait se préoccuper de l’articulation de la démocratie dans
un pays archaïque au plan de la pensée politique.
En fait, s’il est vrai qu’aux premières heures des
indépendances africaines, la création des partis uniques a été
motivée par la préoccupation de lutter contre le phénomène de
l’ethnocentrisme, on peut en déduire qu’il s’est agi alors des
grands groupes ethniques.
Mais au Congo, un parti politique qui se fonderait sur une
base électorale aussi restreinte que la famille parentale, le clan
ou la tribu ne serait-il pas, véritablement, un mort-né ? En
réalité, le phénomène de l’ethnocentrisme pourrait être analysé
comme une sorte de pathologie, faire l’objet d’un diagnostic
correct et d’une thérapie adéquate qui débarrasserait le
- 190 -
système multipartite de cette véritable gangrène, et cela dans
l’optique du pouvoir exécutif, à travers une bonne
gouvernance publique, électorale particulièrement. Le
multipartisme se construit au Congo avec en majorité du
personnel qui a animé le Mouvement national de la révolution
(MNR) et le Parti congolais du travail (PCT), tous les deux des
partis uniques. Il est pertinent de se poser la question suivante
afin de comprendre les difficultés de construction nationale :
est-il possible de promouvoir des valeurs pour lesquelles on
n’est pas assez formés ?
La plupart des leaders politiques qui occupent la scène
congolaise ont été membres du Parti congolais du travail à un
moment ou un autre de leur vie, et leur parcours s’explique,
pour une bonne part, à travers l’histoire de leurs démêlés avec
l’ex-parti unique. Au total, le multipartisme au Congo reflète
en grande partie l’histoire tumultueuse du Parti congolais du
travail et se vit à la fois comme menace des positions acquises
et aussi comme vengeance des personnes qui ont été
longtemps marginalisées.
Dans cette confusion à identifier la dynamique des
véritables enjeux de la Nation, faute de prégnance idéologique
sur les masses et les élites, la tribu et le clan parasitent avec
force le discours du renouveau politique. La démocratie,
comme hier le socialisme scientifique, devient un slogan vidé
de tout contenu. Le multipartisme mériterait une réflexion
saine, débarrassée de toute passion ruineuse afin de construire
un lendemain aux fondations solides. Autrement dit, le risque
du surplace est plus que manifeste.
- 191 -
CHAPITRE 7
INTRODUCTION
- 193 -
Etat : Présidence de la République, Sénat, Assemblée
nationale, ministères, etc. Les institutions administratives
englobent les structures permettant aux institutions politiques
de mettre en œuvre leur programme. En cela, l’administration
relève du seul pouvoir exécutif.
La présente étude tend à présenter l’évolution de certaines
institutions administratives congolaises qui sont soit nationales,
soit locales. Ne pouvant les présenter toutes, un choix a été
opéré ; il porte sur l’histoire des ministères, de la
décentralisation, des régions et de l’administration économique.
Une place a également été consacrée aux institutions
administratives actuelles.
- 194 -
ministères sont, comme on le constate, à caractère économique
et social. Enfin, on note la présence de Français dans ce
gouvernement d’avant indépendance : André Kerherve,
Charles Vandelli, Jean Nardon, Joseph Vial (soit 4 ministres
sur 10). Le second Gouvernement qui date du 8 décembre
1958 compte 16 ministères, avec la particularité d’être dirigé
par un Premier ministre (l’Abbé Fulbert Youlou). Les autres
particularités résident en l’apparition des ministres d’Etat sans
portefeuille (Albert Fourvelle et Valentin Thombe), des
secrétaires d’Etat (Victor Sathoud à la Fonction publique,
Hilaire Mavioka à l’enseignement, Valentin Moubouh aux
finances, Jean Biyoudi à la jeunesse et aux sports, Germain
Samba à la Santé publique), d’un vrai ministère de l’intérieur
(Stéphane Tchitchelle). Le 3 juillet 1959, une autre équipe
gouvernementale est mise en place par le Premier ministre
Fulbert Youlou. Sa particularité est la naissance de ministres
qui sont délégués soit à une mission précise (secrétariats d’Etat
à la Présidence du Conseil, délégués à l’information pour
Christian Jayle, à la fonction publique pour Victor Sathoud)
soit à un lieu déterminé (Secrétariat d’Etat dans la métropole
pour Philippe Bikoumou, Vice-Président du Conseil, ministre
de l’intérieur, délégué du Premier ministre à Pointe-Noire :
Stéphane Tchitchelle).
On note une instabilité institutionnelle au niveau
ministérielle, puisque le 17 février 1960, le Congo connaît une
quatrième équipe gouvernementale réduite à 10 ministères ; on
note le départ des hommes politiques français du
gouvernement. L’approche et la préparation des festivités
marquant l’indépendance du pays peuvent expliquer ce
changement radical qu’on n’observe pas au niveau local
puisque certaines préfectures étaient encore administrées par
des citoyens français. C’est ce gouvernement qui assure la
gestion des affaires publiques au moment de l’indépendance.
- 195 -
La cinquième équipe gouvernementale est constituée par le
Président Fulbert Youlou le 11 janvier 1961. Il compte 13
ministères. Il est créé les ministères de la Justice (Jacques
Opangault), des affaires étrangères (Stéphane Tchitchelle). Une
vice-présidence de la République subsiste depuis 1961, occupée
cumulativement à ses fonctions de ministre de la justice, Garde
des Sceaux par Jacques Opangault, puis le 25 juin 1962, par
Stéphane Tchitchelle cumulativement à ses fonctions de
ministre des affaires étrangères et maire de Pointe-Noire. Le 20
mai 1963, la nomination de Jacques Opangault comme ministre
d’Etat fait réapparaitre une institution qui avait disparu.
Au lendemain de la chute du Président Fulbert Youlou, un
« gouvernement provisoire » dont Alphonse Massamba-Débat
devient le Premier ministre, est constitué. Il n’est composé que
de 7 ministres : le chef du « gouvernement provisoire » lui-
même, l’information et l’Office du Kouilou sont rattachés au
ministère de l’intérieur (Germain Bicoumat), l’éducation
nationale, les sports, la jeunesse sont rattachés au ministère de
la santé (Bernard Galiba), le plan, les travaux publics, les
mines, les transports et l’Agence Transéquatoriale de
Communication relèvent du ministère de l’économie ( Paul
Kaya), les finances, les Postes et Télécommunications et
l’ASECNA sont sous l’autorité de Edouard Ebouka-Babakas,
le ministère de la justice et de la fonction publique est placé
sous l’autorité de Jules Nkounkou, alors que Charles Ganao
conduit les affaires étrangères.
Après l’élection d’Alphonse Massamba-Débat comme
président de la République le 19 décembre 1963, le 24 du
même mois, un nouveau gouvernement conduit par Pascal
Lissouba en qualité de Premier ministre est publié. Il est
semblable au précédent ; mais on observe l’entrée, pour la
première fois, des syndicalistes qui ont joué un rôle important
dans la chute du régime de l’Abbé Fulbert Youlou : Aimé
Matsika est nommé ministre du commerce, de l’industrie , des
- 196 -
mines, chargé de l’ASECNA et de l’aviation civile, Pascal
Okiemba est nommé ministre de la justice, garde des sceaux,
tandis que Gabriel Betou est placé à la tête du ministère du
travail et de la fonction publique.
Le 28 octobre 1964, le gouvernement subit un léger
réaménagement ; deux nouveaux ministres et deux secrétaires
d’Etat complètent le gouvernement du 24 décembre 1963 :
Pierre Mafoua devient garde des sceaux, chargé de la justice et
de la fonction publique, Grégoire Boukoulou est quant à lui
ministre de l’Education nationale, de la culture et des arts. Les
deux secrétariats d’Etat sont rattachés à la Présidence : André
Hombessa, après son élection à la tête de la Jeunesse du
Mouvement national de la révolution (JMNR) le 06 août 1964,
devient secrétaire d’Etat à la présidence, chargé de la jeunesse
et des sports, tandis que Bernard Zoniaba est nommé secrétaire
d’Etat à la présidence, chargé de l’information et de
l’éducation populaire et civique.
L’instabilité gouvernementale constitue la maladie infantile
du Congo indépendant puisque moins d’un an après la
constitution du gouvernement d’octobre 1964, le 6 avril 1965
est mis en place une nouvelle équipe gouvernementale, dirigée
par le même Premier ministre, Pascal Lissouba. La
constitution de cette équipe semble traduire la volonté du
Président Massamba-Débat de mieux affirmer son autorité, car
on note que André Hombessa (un proche du chef de l’Etat)
devient ministre de l’intérieur et des postes et
télécommunications et, un secrétariat d’Etat à la présidence,
chargé de la défense nationale (dirigé par Claude Da Costa) est
crée pour la première fois, tandis que Claude Ernest Ndalla est
nommé secrétaire d’Etat à la présidence, chargé de la jeunesse
et des sports.
- 197 -
ministre, en remplacement de Pascal Lissouba. Tandis que
David Charles Ganao (Affaires étrangères), Edouard Ebouka-
Babackas (finances), André Hombessa (intérieur), François-
Luc Makosso (justice) et Aimé Matsika (commerce et
industrie) conservent leurs postes, on note la disparition du
secrétariat d’Etat à la présidence, chargé de la défense
nationale (Da Costa étant nommé ministre de la reconstruction,
de l’agriculture et de l’élevage). Mais le 12 janvier 1968 est
publié un autre gouvernement amputé du poste de Premier
ministre. On observe la résurrection du secrétariat d’Etat à la
présidence, chargé de la défense nationale à la tête duquel est
placé le Lieutenant Poignet.
Le poste de Premier ministre ne réapparaît que le 30 août
1973 dans le gouvernement Henri Lopès ; entre temps, il était
remplacé par celui de Vice-Président du Conseil d’Etat
(successivement occupé par le Commandant Alfred Raoul en
1970, Aloïse Moudileno-Massengo en 1971, et Ange-Edouard
Poungui en 1973).
Le gouvernement, du fait des changements politiques et
idéologiques intervenus en 1968, est désormais remplacé par
un « Conseil d’Etat ». Mais trois Premiers ministres en trois
ans révèlent l’échec du bicéphalisme au sein de l’exécutif. Ce
bicéphalisme subsistera de manière continue jusqu’en 1997.
Autres observations : l’éducation nationale est éclatée en
deux ministères dans le gouvernement Moudileno-Massengo :
celui de l’enseignement primaire et secondaire est dirigé par
Christophe Moukouéké et celui de l’enseignement technique,
professionnel et supérieur est placé sous l’autorité de Jean-
Pierre Thystère-Tchicaya. De plus, l’urbanisme et l’habitat
(Victor Tamba-Tamba) sont érigés en ministères à part entière
dans le gouvernement Poungui de 1973 ; la même année
l’énergie connait aussi cette mutation (Antoine Kaine) dans le
gouvernement Lopès.
- 198 -
Le poste de Vice-Premier ministre a fait son apparition dans
le gouvernement Lopès de 1975 (Charles Ngouoto). Il ne fera
pas long feu, puisqu’il n’a plus existé. Par contre, le
département de l’environnement apparu la même année dans le
gouvernement Louis-Sylvain Goma survivra, comme
survivront le tourisme et la recherche scientifique apparus dans
le gouvernement du 5 avril 1977. Les gouvernements
successifs ne font que reprendre, mutatis mutandis, les mêmes
structures, associant des compétences verticales (Défense,
industrie, commerce, etc.) à celles de nature horizontale
(finances, fonction publique, intérieur, etc.). Enfin, il faut
signaler la création d’un ministère chargé des droits de la
femme, dans les années 1990.
- 199 -
préfets et à l’organisation des services administratifs dans les
préfectures, traduit une forte concentration des pouvoirs. Ce
décret est lui-même pris sur le fondement de l’ordonnance
n°07/63 du 3 octobre 1963 instituant les conseils de préfecture
et de sous-préfecture. A cette date, il n’existait pas de services
préfectoraux en tant que tels ; les services administratifs
comme les régions sanitaires ou les subdivisions des travaux
publics n’étaient que des subdivisions de l’Etat. En 1965, sous
l’ère du socialisme dit « africain », les préfets sont remplacés
par des commissaires du gouvernement (décret n°65/81 du 10
mars 1965 portant création des commissaires du
gouvernement). Cette organisation est maintenue dans ses
grandes lignes par le décret du 14 janvier 1968 relatif aux
pouvoirs des Commissaires du gouvernement et des chefs de
districts. Mais en réalité, le schéma de l’organisation
administrative territoriale demeure inchangé ; le passage de la
région à la préfecture et, inversement, ne change pas
fondamentalement cette organisation.
Il y avait 15 préfectures et 44 sous-préfectures. Les
premières correspondaient respectivement au découpage
suivant : Kouilou (Pointe-noire), Niari (Dolisie), Nyanga-
Louessé (Mossendjo), Bouenza-Louessé (Sibiti), Letili
(Zanaga), Niari-Bouenza (Madingou), Pool (Kinkala), Djoué
(Brazzaville), N’Kéni (Gamboma), Léfini (Djambala), Alima
(Boundji), Equateur (Fort-Rousset), Sangha (Ouesso),
Mossaka (Mossaka), Likouala (Impfondo).
L’organisation administrative régionale actuelle remonte
dans ses grandes lignes au décret du 25 août 1967 fixant
l’organisation territoriale de la République ainsi que les chefs-
lieux des régions. Ce texte crée neuf régions selon le
découpage suivant : Kouilou (Pointe-Noire), Niari (Dolisie),
Bouenza (Madingou), Pool (Kinkala), Plateaux (Djambala),
Lékoumou (Sibiti), Sangha (Ouesso), Cuvette (Fort-Rousset),
Likouala (Impfondo). Trois autres entités régionales ont été
- 200 -
créées (Cuvette-ouest dans les années 1990, Brazzaville et
Pointe-Noire en 2003).
- 201 -
fixaient alors les règles d’organisation et de fonctionnement de
ces conseils.
La décentralisation à « l’occidental » n’est instituée qu’en
1992, sous la constitution du 15 mars 1992. Des élections
locales sont effectivement organisées au niveau des régions,
des districts et des arrondissements. Il faut signaler que les
collectivités locales de moyen exercice créées par une loi
furent annulées par la Cour suprême le 30 janvier 1997 au
motif que la constitution de 1992 ne reconnaissait qu’un seul
type de collectivités locales : les collectivités locales à
compétence pleine et entière.
- 202 -
Nous sommes prêts à formuler toutes garanties pour
que s’investissent sans crainte, et dans la plus grande
confiance, les capitaux publics et privés sans lesquels
il n’est pas possible de concevoir la mise en place de
grandes sources d’énergie et des usines de
transformation.
- 203 -
du capitalisme libéral et son incapacité à résoudre des
difficultés économiques héritées du régime colonial » ; la
motion préconise une politique économique « ayant le
socialisme scientifique pour principe fondamental », afin de
« réaliser aussi rapidement que possible l’indépendance
économique de la nation ». Quelques mois auparavant, le
Premier ministre Pascal Lissouba avait annoncé dans une
conférence de presse que le Gouvernement se proposait de
socialiser les transports routiers, les activités portuaires, la
production de l’énergie et la distribution de l’eau ; le 4 mars de
la même année, l’Assemblée nationale demandait à
l’unanimité la nationalisation des entreprises opérant dans ces
secteurs.
Annoncée donc après la chute du Président Fulbert Youlou,
les nationalisations entrent dans la phase pratique en 1966-
1967, pour se poursuivre et s’accélérer les années suivantes.
L’Etat congolais voulait s’occuper de toute l’économie. Il
nationalise le 14 juin 1967 la Compagnie Africaine de Services
Publics (C.A.S.P.) qui avait le monopole de distribution de
l’eau et crée la Société nationale de distribution d’eau
(SNDE) et l’Union électrique coloniale (UNELCO) pour créer
la Société nationale d’énergie (S.N.E.). Dans le domaine des
hydrocarbures, les sociétés étrangères distribuant ce produit
sont également nationalisées par ordonnance du 4 juin 1973
pour créer Hydro-Congo ; dans celui des transports, l’Agence
Transéquatoriale des communications est transférée dans le
giron de l’Etat pour devenir l’Agence Transcongolaise des
Communications en 1969 ; la société Air-Congo est aussi
nationalisée et devient Lignes nationales Aériennes du Congo
(Lina-Congo), etc.
Parallèlement, l’Etat crée ex-nihilo d’autres entreprises
publiques : Complexe textile de Kinsoundi à Brazzaville,
Cimenterie de Loutété, Hôtel Cosmos à Brazzaville, Société
nationale d’élevage (SO.N.EL.), Société congolaise de
- 204 -
recherches et d’exploitation des mines de M’fouati
(SO.CO.R.E.M.), etc. Plusieurs offices sont aussi crées :
Office national du commerce (OF.NA.COM.), Office des
cultures vivrières (O.C.V.), Office congolais de l’informatique
(O.C.I.), Office national des postes et télécommunications
(ONPT), Office national du cinéma (ONACI), etc.
- 205 -
président de la République. A la tête du cabinet, se trouve le
directeur de cabinet (qui a rang de ministre d’Etat) qui dirige et
coordonne les services de la Présidence de la République. Des
conseillers exercent au sommet du cabinet : les conseillers
spéciaux, les conseillers chefs de département et les conseillers
techniques. Les premiers sont placés sous l’autorité du
président de la République et se voient confier un secteur
particulier de l’action présidentielle, tandis que les autres sont
sous l’autorité du directeur de cabinet.
Le directeur de cabinet a autorité directe sur le secrétariat
général de la Présidence de la République ; ce dernier dirige le
personnel de la Présidence et gère le patrimoine immobilier et
mobilier de la présidence (logements, bâtiments, véhicules
administratifs et matériels divers). Il a en charge les logements
des autorités politiques et administratives ainsi que ceux des
hauts fonctionnaires de l’Etat.
- 206 -
– il est conseil juridique du gouvernement, notamment en
matière constitutionnelle. Il rédige les circulaires d’application
des lois et décrets qui sont ensuite signés par le président de la
République ;
– il veille à l’application des lois et décrets, notamment en
les diffusant, à travers le Journal Officiel dont il assure la
production et la diffusion ;
– enfin, il assure et garantit l’archivage des actes du conseil
des ministres et des réunions interministérielles.
- 207 -
certaine indépendance. Leur action a largement contribué au
rétablissement de l’ordre public à la fin des années 1990.
- 208 -
où ils prennent et signent les actes de gestion de leur
département et participent de droit au conseil des ministres.
S’agissant du découpage gouvernemental, il faut dire de
façon générale que le nombre de départements ministériels a
une tendance sur le long terme à croitre : de 10 ministres en
1957, le gouvernement compte de nos jours entre 30 et 35
ministres. Au fur et à mesure qu’augmentent les compétences
étatiques, se créent des ministères. Aux ministères d’origines
(affaires étrangères, justice, intérieur, agriculture, etc. .), se
sont ajoutés, souvent par détachement, d’autres ministères
devenus trop importants : l’intégration de la femme au
développement, l’environnement, la reconstruction, l’action
humanitaire, l’intégration économique sous régionale.
D’une façon générale, le découpage ministériel se fait
verticalement, c’est-à-dire par secteur d’activité (agriculture,
industrie, équipement, santé, etc.), soit horizontalement, c’est-
à-dire par fonctions (finances, fonction publique,
communication). Ces secteurs sont divisés en direction
générale, elles-mêmes scindées en directions centrales. Autre
précision : le ministère est un ensemble de services
administratifs dont l’action conjuguée tend vers une même
spécialité.
- 209 -
socialement ou même politiquement sensibles. S’agissant par
exemple du contrôle de la régularité des élections, contrôle de
la concurrence dans un secteur où l’Etat est un des principaux
opérateurs, ou encore du respect de certaines libertés
fondamentales des citoyens, l’administration classique ne
dispose ni de la souplesse nécessaire, ni de l’impartialité et de
l’objectivité requises pour apporter des solutions qui soient
acceptées par l’administré. C’est pour cette raison qu’ont été
créées les autorités administratives indépendantes. Ces
institutions sont qualifiées d’ « autorités » parce qu’elles
prennent des décisions administratives, générales ou
individuelles ; elles sont qualifiées d’ « administratives » car
elles relèvent du pouvoir exécutif et non des pouvoirs législatif
et judiciaire ; elles sont « indépendantes» parce qu’elles sont
soustraites à la hiérarchie ministérielle.
Les autorités administratives indépendantes congolaises
présentent la particularité d’être consacrées par la constitution,
même si celle-ci ne les qualifie pas expressément ainsi. Ces
autorités sont : le conseil supérieur de la liberté de
communication, la Commission nationale des droits de
l’homme et le Médiateur de la République. Leur
constitutionnalisation traduit la volonté des autorités politiques
de garantir leur indépendance.
- 210 -
par le Président de l’Assemblée nationale : un parmi les
professionnels de l’information et de la communication et un
parmi les membres des associations culturelles. Deux sont
désignés par le Président du Sénat : un professionnel de
l’information et de la communication et un représentant des
consommateurs. Siègent encore deux professionnels de
l’information et de la communication, dont l’un doit émaner de
l’université. Ils sont désignés par leurs pairs.
Le mandat des membres du CSLC est de trois ans,
renouvelable une fois. Le CSLC dispose d’un pouvoir de
police qui se traduit par l’attribution ou le retrait des
fréquences radiophoniques et télévisuelles et de la carte
d’identité professionnelle des journalistes. Il peut suspendre ou
ordonner l’arrêt d’une programmation audiovisuelle ou d’une
publication, non conforme aux dispositions du cahier des
charges.
- 211 -
La CNDH est saisie par toute personne s’estimant victime
d’une violation d’un droit fondamental. Elle rend des avis et
des recommandations.
Le Médiateur de la République
Le Médiateur de la République, désigné en conseil des
ministres par le président de la République pour trois ans, est
chargé de simplifier et d’humaniser les rapports entre les
administrés d’une part, et les administrations étatiques ou
locales, les établissements publics et les organismes investis
d’une mission de service public d’autre part. Il s’agit donc
d’un intermédiaire entre les pouvoirs publics et les citoyens,
saisi de toutes revendications des seconds relatives au
fonctionnement ou plutôt aux dysfonctionnements des
premiers.
Il ne tranche pas les litiges entre l’administration et
l’administré ; mais il a un pouvoir de médiation. Lorsqu’une
réclamation lui paraît justifiée, il peut émettre une
recommandation proposant un règlement en équité ou toute
réforme tendant à l’amélioration du fonctionnement de
l’administration.
- 212 -
législatif, en émettant un avis sur les projets de décrets ayant
trait à des questions économiques et sociales.
Le CES participe ainsi à l’élaboration de la politique
économique et sociale de l’Etat. La saisine du CES appartient
au président de la République, aux présidents du Sénat et de
l’Assemblée nationale. L’auto-saisine est possible. Il est
composé de 75 membres choisis parmi les catégories socio-
professionnelles censées représenter l’ensemble du tissu
économique et social congolais : syndicats des salariés,
syndicats patronaux, associations paysannes, chambres de
commerce et d’industrie, professions libérales, organisations
religieuses, etc.
CONCLUSION
- 213 -
CHAPITRE 8
INTRODUCTION
104
Entre 2000 et 2010, la littérature est déjà abondante sur le passé
colonial de la France. On citera, entre autres, P.Weil et S.Dufoix (sous la
direction de), 2005, L’esclavage, la colonisation et après… Paris, PUF ;
P. Blanchard, N. Bancel et S. Lemaire (sous la direction de), 2005, La
fracture coloniale : la société française au prisme de l’héritage colonial,
Paris, La Découverte ; M. Ferro (sous la direction de), 2003, Le livre
noir du colonialisme (XVIe et XXIe siècles) : de l’extermination à la
repentance, Paris, R. Laffont ; G. Manceron, 2003, Marianne et les
colonies. Une introduction à l’histoire coloniale de la France, Paris, La
Découverte ; E. Snarese, 1998, L’ordre colonial et sa légitimation en
France métropolitaine. Oublier l’autre, Paris, L’Harmattan ; Boubacar
Boris Diop, Odile Tobner, François-Xavier Vershave, 2005,
Négrophobie, Paris, Les arènes ; N. Blanchard et F. Vergès, 2003, La
République coloniale : essai sur une utopie, Paris, Albin Michel.
- 215 -
L’étude de l’évolution de la justice congolaise depuis
l’acquisition de l’indépendance est d’une importance
indéniable dans la mesure où elle s’inscrit dans une
philosophie traditionnelle qui fait de chaque date anniversaire
un événement particulier, et qui lui donne tout son sens et sa
raison d’être : la nécessité d’un bilan, le positionnement dans
l’instant présent, la projection dans les défis du futur.
105
G.Cornu, 2005, Vocabulaire juridique, PUF, (7e éd.) V° justice.
106
Le Petit Robert, Dictionnaire de la langue française, V° justice.
107
G.Cornu, op.cit.
- 216 -
juridique congolais proprement dit. Qu’il s’agisse de l’un ou
de l’autre modèle, l’histoire de la justice congolaise restera à
jamais marquée par le mimétisme, la dualité, voire la trilogie,
ou la juxtaposition des modèles, à l’instar d’autres systèmes
juridiques africains façonnés par le fait colonial. La
particularité de cette histoire tient à l’existence de ces deux
systèmes qui se sont succédé dans le temps. Leur étude
chronologique nous conduira par la suite à nous interroger sur
l’état actuel de la justice congolaise.
108
P.Weil et S .Dufoix, op. cit., p. 3.
- 217 -
1. la justice aux périodes précoloniale et coloniale
Loin d’être une génération spontanée, le modèle juridique et
judicaire colonial a été transposé au Congo au terme d’un
processus dont le rappel s’impose ici avec force.
- 218 -
impersonnelles de la justice moderne, la justice traditionnelle
oppose des critères discrétionnaires personnalisés comportant
le risque d’abus ; la neutralité et l’indépendance de la justice
moderne contrastent avec la partialité et la dépendance vis-à-
vis du pouvoir politique dans la justice traditionnelle
précoloniale ; à l’homogénéité et l’unité d’un système
juridique occidental codifié, le droit précolonial traditionnel
oppose la pluralité et la diversité des solutions indigènes 111.
Même si l’évolution historique n’a pas remis en cause la
justice traditionnelle en la remplaçant purement et simplement
par la justice moderne, la colonisation de l’Afrique dans la
seconde moitié du XIXe siècle et l’organisation administrative
qu’elle impose dans les territoires conquis, va bouleverser en
profondeur l’organisation judiciaire. Le premier fait
caractéristique de cette période fut la politique indigène. Cette
politique qui visait, entre autres, l’implication des chefs
traditionnels dans l’œuvre de justice, avait été redéfinie par le
gouverneur Félix Eboué à la suite de la conférence de
Brazzaville de 1944 :
111
Pour un inventaire exhaustif de ces critères de distinction : V.E Le Roy,
op.cit., p.25.
112
F.Eboué, 1945, La nouvelle politique indigène, cité par E. Le Roy, op.
cit, p.102.
- 219 -
faculté de concilier en matière civile et commerciale. Sa
compétence en matière pénale n’est pas reconnue113.
Le régime de l’indigénat fut remplacé par le décret du 19
novembre 1947 ayant introduit le code pénal d’outre-mer114.
Dans certaines colonies, les tribunaux indigènes s’étaient déjà
transformés en tribunaux coutumiers à partir de 1903115.
D’une manière générale, on remarquera qu’entre 1900 et
1960, la politique coloniale française s’était caractérisée par la
mise en place progressive d’une administration judiciaire de
type métropolitain, après la création des juridictions indigènes.
Pareille stratégie lui a permis d’assurer un meilleur contrôle
des colonies. Aussi, a-t-elle maintenu l’ordonnancement
judiciaire à trois niveaux. Au sommet de la pyramide se
trouvaient la cour de cassation et le Conseil d’Etat situés à
Paris. Les pourvois en cassation exigeaient donc des
justiciables des colonies des frais de voyage dont seuls les plus
nantis, donc les colons, pouvaient s’autoriser. Au deuxième
niveau, venaient les cours d’appel, l’une à Dakar, l’autre à
Brazzaville. Au troisième niveau se trouvaient les tribunaux de
première instance. Au plus bas niveau de l’échelle, se situait la
justice de paix abrogée en 1958.
Cet ordonnancement constitua l’étape la plus décisive de la
conquête coloniale française en Afrique dans le domaine
judiciaire. Il a marqué de son empreinte indélébile l’institution
judiciaire congolaise. Il est curieux, voire paradoxal, de
113
E. Le Roy, op.cit., p. 103. On rappellera, pour mémoire, que par
décret en date du 17 mars 1903 réorganisant la justice au Congo, la
législation métropolitaine était applicable au Congo français en matière
civile, commerciale et pénale. Voir, codes d’audiences, recueil de
codes et textes usuels, Ministère de la justice, République du Congo
Brazzaville, Ed. GIRAF et Agence intergouvernemental de la
Francophonie, 2001, p. 171.
114
E. Le Roy, op.cit., p. 105.
115
Ibid., pp.155-156.
- 220 -
constater à quel point cinquante ans après l’accès du Congo à
la souveraineté internationale, l’outil privilégié de la
domination coloniale reste un modèle fascinant.
Pourtant ce modèle imposé par la colonisation sera
abandonné quelques années après l’indépendance, au profit du
système marxiste. Ce dernier aura vécu jusqu’à la Conférence
nationale souveraine en 1991, avant de disparaître à son tour,
pour céder à nouveau le terrain au modèle issu de la
colonisation.
- 221 -
coutumier), il en existera désormais trois, dont le système
colonial.
116
Accord particulier portant transfert à la République du Congo des
compétences de la Communauté, Paris, 12 juillet, J.O.R.C.1960, p.553.
- 222 -
formés contre les décisions rendues par les juridictions
congolaises de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire, ces
recours continueront d’être portés devant les formations
spéciales du conseil d’Etat et de la cour de cassation » à Paris.
Cet accord avait par ailleurs maintenu la réciprocité entre les
deux pays en matière d’exécution des décisions de justice. En
vertu de son article 2, « Les décisions rendues par les
juridictions siégeant sur le territoire de la République du
Congo continueront, jusqu’à la fin de la période transitoire
prévue à l’article premier, à être exécutées sur territoire de
l’autre Etat… »117. L’ensemble de ces accords fut entériné par
la loi du 28 juillet 1960 portant ratification des accords de
transfert de compétences passés entre la République française
et la République du Congo118.
Le transfert intégral des compétences en matière de justice à
la République du Congo ne devint effectif qu’après la création
de la cour suprême, comme l’exigeait l’article 1er de l’accord
sus-indiqué. Pour la première fois dans l’histoire de la
République, cette juridiction fut créée par la Constitution du 2
mars 1961, en son article 58.
Conformément aux prévisions de ce texte, elle devait
comprendre quatre chambres : la chambre constitutionnelle, la
chambre judiciaire, la chambre administrative et la chambre
des comptes.
La détermination de sa composition, son organisation, ses
attributions et son fonctionnement était du domaine de la loi.
Celle-ci intervint le 20 janvier 1962119. Aux termes de cette loi
la cour suprême était compétente en matière constitutionnelle,
judiciaire, administrative et électorale. Elle fut installée le 20
117
Accord relatif aux dispositions transitoires en matière de justice entre la
République française et la République du Congo, J.O.R.C. 1960, p554.
118
Ibid.
119
Loi n° 4-62 du 20 janvier 1962 portant création de la cour suprême,
J.O.R.C. 1962, p149.
- 223 -
janvier 1962 et assure son service dès cette date, à la suite du
décret du 12 juin 1962 portant application de la loi du 20
janvier 1962 relative à la création de la cour suprême120. A
partir de cette date les pourvois en cassation formés contre les
arrêts de la cour d’appel de Brazzaville n’étaient plus portés
devant la cour de cassation à Paris, mais au Congo. C’est donc
à la suite de la création et de l’organisation de la cour suprême
que le cordon ombilical a été définitivement rompu entre la
France et la République du Congo dans le domaine de la
justice, tout au moins au niveau de la prise en charge et de la
gestion de ce domaine.
On relèvera toutefois que cette évolution n’est pas exclusive
aux juridictions de l’ordre judiciaire. En effet, pendant la
longue épopée coloniale au Congo, les juridictions
administratives en tant qu’entité judiciaire à part entière n’ont
jamais existé. La création de la justice administrative remonte
à un décret du 30 juin 1959 relatif aux contentieux
administratifs121. A la suite de ce décret, le tribunal
administratif fut créé à Brazzaville pour la première fois.
Pourtant l’organisation judiciaire de la période post-coloniale
n’en a jamais tenu compte. La loi du 11 janvier 1961 fixant
l’organisation judiciaire n’avait pas reconnu le tribunal
administratif dans sa fonction de dire le droit au même titre
que la cour d’appel, la cour criminelle, les tribunaux de grande
instance, les tribunaux d’instance et les tribunaux de
commerce122. C’est par la loi n°06/62 du 20 janvier 1962
fixant la compétence de la cour d’appel et des tribunaux de
grande instance que « fut formellement établie la justice
120
Décret n°62-165 du 12 juin 1962 portant application de la n°4-62 du 20
janvier 1962 portant création de la cour suprême, J.O.R.C. 1962, p543.
121
A. Iloki, 2006, Le recours pour excès de pouvoir au Congo,
L’Harmattan, p.19.
122
A. Iloki, Ibid.
- 224 -
administrative »123. Cette émergence douloureuse des
juridictions de l’ordre administratif est symptomatique des
balbutiements du début de l’indépendance. Faute d’avoir pu
inventer son propre système judiciaire au lendemain de son
indépendance, sans doute en raison de l’impréparation, le
Congo restera tributaire du modèle français pendant quelques
années.
En dépit de son instabilité tenant aux circonstances
politiques de l’époque, ce modèle a néanmoins connu un
certain essor avec la création d’autres juridictions de type
français dans le paysage judiciaire congolais, et leur
organisation s’est perfectionnée progressivement. Il en fut
ainsi de la création de la Haute Cour de justice par la
Constitution du 2 mars 1961 (art. 64-66), maintenue par la
Constitution du 8 décembre 1963 (art. 75-80). Elle est
compétente pour juger les membres du gouvernement en
raison des crimes ou des délits accomplis dans l’exercice de
leurs fonctions. La responsabilité du président de la
République peut être engagée devant cette juridiction en cas de
haute trahison. Pour la première fois, son fonctionnement et sa
composition furent organisés par une ordonnance du 24
décembre 1963124. Depuis cette date jusqu’à nos jours, toutes
les constitutions successives ont toujours institué cet organe.
Pendant les cinquante années de l’indépendance du Congo, la
haute cour de justice n’a jamais siégé.
123
Iloki, op. cit.
124
Ordonnance n°63-26 du 24 décembre 1963 portant organisation de la
Haute cour de justice, J.O.R.C. 1964, p12.
- 225 -
Cette période politique agitée a abouti à la création en 1964
d’un parti unique, le Mouvement national de la révolution
(M.N.R), par une loi du 20 juillet 1964125. Ce climat politique
nouveau fut déterminant pour une nouvelle orientation de
l’institution tournée vers le socialisme. Par une loi en date du 9
septembre 1964, le tribunal populaire fut créé126. Dans la
tourmente, le Congo venait ainsi de tourner une page de
l’histoire de son système juridique. Cette séquence, sur
laquelle nous reviendrons, consacre la disparition du modèle
juridique hérité de la colonisation, pour faire désormais la part
belle au modèle importé des pays communistes. Cependant, à
y regarder de près, cette disparition n’est qu’apparente. La
réalité des faits laisse plutôt penser à une absence de rupture et
à un attachement au modèle français127. Sous un autre angle, la
résistance du droit traditionnel et coutumier est si tenace que
rien ne permet de conclure, ici encore, au triomphe absolu du
modèle marxiste.
La persistance du modèle français est perceptible à bien des
égards. On rappellera, entre autres, que les tribunaux congolais
étaient devenus certes des juridictions populaires d’inspiration
marxiste, mais la cour suprême de type français, qui n’avait
pas changé d’appellation, a continué à jouer son rôle d’organe
régulateur de l’ensemble du système juridique national. De
même, les juges non professionnels appelés à siéger dans ces
tribunaux, n’avaient qu’un rôle purement symbolique dans les
125
Loi n° 25-64 du 20 juillet 1964 portant institution du Parti unique,
J.O.R.C. 1964, p 637.
126
Loi n° 24-64 du 09 septembre 1964 portant création du Tribunal
populaire, J.O.R.C. 1964, p753.
127
J.-M. Breton, 1997, « Portée et limites de la réception des modèles
exogènes : réflexion sur la socialisation du système juridique dans
l’expérience marxiste congolaise (1963-1991) », in La création du droit
en Afrique, sous la direction de D. Darbon et F. du Bois de Gaudusson,
Paris, Karthala, p.247 et p.253.
- 226 -
affaires importantes en raison de leur absence de qualification,
laissant ainsi aux juges professionnels, formés selon le modèle
français, le rôle le plus important128.
Quant à la survivance du droit traditionnel et coutumier, elle
se manifeste de manière éclatante par la prise en compte de
certaines institutions congolaises qui échappent à la conception
juridique des modèles importés. Il en est ainsi de la répression
de la sorcellerie. L’article 264 du code pénal congolais
incrimine les pratiques de sorcellerie, magie ou charlatanisme.
Ce texte punit de peines d’escroquerie « quiconque aura
participé à une transaction commerciale, ayant pour objet
l’achat ou la vente d’ossements humains ou se sera livré à des
pratiques de sorcellerie, magie ou charlatanisme … ». De
même, mutatis mutandis, la loi du 25 juin 1964 réprime les
sociétés secrètes dites « Andzimba » et toutes autres sociétés
secrètes assimilées, au titre de l’association de malfaiteurs129.
Son article 1er dispose : « les sociétés sécrètes dites
« Andzimba » et toutes autres sociétés secrètes similaires ayant
pour but de préparer ou de commettre les crimes contre les
personnes, sont des associations de malfaiteurs au sens des
articles 265, 266 et 267 du code pénal ». La perception
cultuelle de la gravité du phénomène « Andzimba » dans la
société congolaise est perceptible à travers les dispositions de
ce texte. Sa sévérité est telle que le législateur a privé les
auteurs de ces crimes du bénéfice des circonstances
atténuantes prévues à l’article 463 du code pénal congolais.
Ces dispositions qui ont coexisté avec le système colonial
d’abord, marxiste ensuite, témoignent de la vitalité du droit
coutumier. Sous un angle différent, la reconnaissance de la
polygamie par les articles 135 et 136 du code congolais de la
famille, participe à la même logique.
128
J.-M. Breton, op.cit., p.254.
129
Codes d’audiences, op.cit., p.245.
- 227 -
L’ensemble de ces facteurs a fait du système juridique
congolais un modèle syncrétique. Son mérite est sans doute
d’avoir fait coexister sur un même territoire des courants
contradictoires et antagonistes. Faute de pouvoir les concilier,
il n’a pas su trouver la voie médiane, laissant ainsi libre cours
à une confrontation dans laquelle seul le modèle français a eu
raison des autres. Il n’a connu une longue période d’éclipse
que pour réapparaître à la suite de l’échec du modèle marxiste.
130
J.-M. Breton, op.cit., p. 264.
131
Acte fondamental portant organisation des pouvoirs publics durant la
période de transition, J.O.R.C. juin 1991.
- 228 -
Toute une série de réformes se succédera par la suite, dans le
domaine des juridictions de droit commun et en matière de
juridictions politiques.
Sur le terrain des juridictions de droit commun, il importe
de rappeler que ce mouvement de réformes commence avec
l’acte n°076 de la Conférence nationale en date du 21 juin
1991 portant changement des appellations des juridictions132.
A partir de cette date, les tribunaux populaires d’obédience
marxiste ont été supprimés au profit de dénominations
anciennes héritées de la colonisation. Ainsi, l’appellation cour
d’appel remplaçait celle de tribunal populaire de région ou de
la commune autonome de Brazzaville, le tribunal de Grande
Instance se substituait au tribunal populaire d’arrondissement,
le tribunal d’instance reprenait ses droits sur le tribunal
populaire de quartier ou tribunal populaire de village-centre.
La loi du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir
judiciaire133, ainsi que les lois postérieures qui l’ont modifiée
ou complétée134, ont définitivement entériné cette évolution.
La cour suprême dont l’appellation n’a jamais changé, n’a
connu que quelques aménagements successifs au gré des
reformes. Son rôle a été déterminant pendant les
tergiversations politiques du début des années 90. Pendant
longtemps, on se souviendra de son avis en date du 3 avril
1993, émis à propos du sens et de la nature de l’article75 de la
Constitution du 15 mars 1992, notamment sur le concept de
132
Acte n°076 du 21 juin 1991 portant changement des appellations des
juridictions, Codes d’audiences, p.158.
133
Loi n°22-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir
judiciaire en République du Congo, in Recueil des lois, de1991à1994,
par J.C. Mavila et G. Longombe (Eds.), Mission française de
coopération et d’action culturelle, p.147.
134
Loi n°19-99du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines
dispositions de la loi n°022-92du 20 août 1992 portant organisation du
pouvoir judiciaire, Codes d’audiences, p.648.
- 229 -
« majorité parlementaire à l’Assemblée Nationale », et sur la
nature et le contenu de l’obligation présidentielle qui en
découlait dans le choix du Premier ministre.
Du point de vue des juridictions politiques, on fera observer,
sans prétendre à l’exhaustivité sur ce bilan, que la présence du
conseil constitutionnel dans le paysage judiciaire congolais,
rappelle avec force, l’attachement de notre système juridique
au modèle français. Sous tous les angles, leur identité est
parfaite : identité dans la composition (neuf membres) et le
mode de désignation des membres, similitude dans les
compétences, l’organisation et le fonctionnement.
L’on se souviendra aussi, pendant longtemps encore, de sa
décision du 19 juillet 1997 135 relative à la prorogation des
délais de l’élection présidentielle de 1997 et, subséquemment,
du mandat du président Pascal Lissouba.
Depuis la Constitution du 20 janvier 2002, la cour
constitutionnelle s’est substituée au conseil constitutionnel. Ce
changement de nom, sans incidence sur la nature et le rôle de
cette institution, ne comporte aucune originalité par rapport au
modèle français.
L’attrait de ce modèle est en partie le témoignage de
l’enracinement congolais dans la culture de l’ancienne
puissance coloniale. Les effets psychologiques de ce lien
historique et culturel entretenu depuis plus d’un siècle seraient,
pensons-nous, l’une des explications de l’inadaptation et, par
conséquent, de l’échec du système juridique marxiste.
135
Cons. const., Décision n°001/97 du 19 juillet 1997.
- 230 -
longue expérience marxiste au cours des trois premières
décennies de son indépendance, expérience qui s’est achevée,
on le sait, avec la Conférence nationale en 1991.
Cette expérience permet désormais, avec le recul du temps,
une observation exhaustive, parce qu’elle est achevée et
enfermée dans un espace de temps clos 136. A ce titre, plus que
le modèle français qui a refait surface, elle se prête aisément à
une analyse qui permet d’en dresser un bilan définitif à travers
sa genèse, son développement et la survenance de son terme.
Dans ce voyage à travers les cinquante ans de l’histoire de
la justice congolaise, il importe donc de marquer un temps
d’arrêt sur cette séquence qui semble, selon toute prévision,
révolue à jamais. Un indicateur retient notre attention à cet
effet : la disparition des juridictions de droit commun et
d’exception d’obédience marxiste. A la différence des
juridictions du modèle français qui n’avaient connu qu’une
suspension momentanée et apparente, et qui sont réapparues
par la suite, celles de type marxiste ont disparu sans laisser la
moindre trace. Les conditions de leur disparition après la
Conférence nationale ayant déjà été abordées, nous n’y
reviendrons que pour insister sur leurs particularités et leur
fonctionnement.
136
J.-M Breton, op.cit., p. 248
137
Loi n° 53-83 du 21 avril 1983 portant réforme de la justice en
République Populaire du Congo.
- 231 -
Cette loi témoignait de la volonté du gouvernement de
l’époque d’élaborer un droit socialiste de type marxiste-
léniniste138. Elle fut complétée par celle du 21 avril 1983
portant code de procédure civile, commerciale, administrative
et financière139. Force est de préciser que la dénomination
tribunal populaire s’appliquait aux seules juridictions de fond,
à l’exception de la cour suprême. Suivant leur niveau dans la
hiérarchie judiciaire, on trouvait les tribunaux populaires de
village ou de quartier, les tribunaux populaires de district ou
d’arrondissement, les tribunaux populaires de région ou de
commune.
Dans le paysage judiciaire congolais de l’époque, ces
tribunaux populaires ont été confrontés, eux aussi, à la
résistance du modèle judiciaire traditionnel et coutumier. On
assiste, comme à l’époque du modèle français au lendemain de
l’indépendance, à la coexistence du système soviéto-marxiste
et coutumier. Mais au-delà de cette dualité, la situation était
plus complexe dans la mesure où le système français
continuait à opposer sa résistance. Cette cohabitation à trois, si
invraisemblable qu’elle pût paraître, ne laissait guère augurer
un avenir meilleur au modèle marxiste. A une époque où la
propagande marxiste était à son apogée, on a connu,
paradoxalement, des procès retentissants mettant en cause les
membres des sociétés secrètes « Andzimba ». Dans le même
temps, les tribunaux coutumiers continuaient à défier, sur leurs
terres congolaises, le modèle judiciaire importé des
républiques socialistes soviétiques.
L’une des illustrations la plus saisissante de cette situation
fut, le tribunal coutumier du chef Ta-Nkewa situé à Bacongo.
On rappellera, en effet, que ce tribunal avait émergé sur la base
138
J.-M. Breton, op.cit., p. 250.
139
Loi n°51-83du 21 avril 1983 portant code de procédure civile,
commerciale, administrative et financière, Codes d’audiences, p.127.
- 232 -
d’un décret du 26 juillet 1944. Cette juridiction coutumière qui
recourait à la conciliation, mais aussi à des condamnations
sans textes, « fonctionnait ainsi hors du dispositif officiel mais
avait une légitimité si forte que le Parti congolais du travail,
parti unique de type soviétique, avait bien du mal à en
contrôler le fonctionnement selon les critères populaires »140,
autrement dit selon des critères marxistes. A tous les points de
vue, elle fonctionnait exclusivement sur la base des principes
du droit coutumier, sans la moindre référence aux critères du
système juridique dit moderne.
Comme précédemment indiqué, c’est par acte n°076 du 21
juin 1991 que la Conférence nationale a définitivement mis un
terme aux juridictions de droit commun de type marxiste.
Mais, l’aventure judiciaire marxiste a été surtout marquée par
les abus et les dérives des juridictions d’exception.
140
E. Le Roy, op. cit., p.29 et sv.
141
Sous le parti unique marxiste, le terme « réactionnaire » désignait
l’opposant ou l’adversaire politique.
- 233 -
Compétence
La création des juridictions d’exception de type marxiste
variait au gré des circonstances et de la nature des affaires. On
a vu apparaître tour à tour la cour martiale, la cour
révolutionnaire de justice, la cour révolutionnaire d’exception.
Elles étaient compétentes pour connaître toute les affaires
relatives aux atteintes à la sûreté intérieure et extérieure de
l’Etat. L’une de leurs particularités était d’être des juridictions
sui generis qui n’appartenaient ni aux juridictions de l’ordre
judiciaire, ni aux juridictions de l’ordre administratif. L’autre
trait caractéristique, qui témoignait de leur extrême sévérité,
était l’interdiction de toute voie de recours contre leurs
décisions.
La première juridiction du genre, après l’indépendance, a
été instituée par la loi du 9 septembre 1964 portant création du
tribunal populaire142. Suivant son article 2, « en cas de
menaces graves contre la révolution ou de trouble portant
atteinte à l’ordre publique ou à l’autorité de l’Etat, le président
de la République, après avis du bureau politique du parti,
devra par décret pris en conseil des ministres, décider de
l’installation du tribunal populaire pour réprimer les crimes et
délits spécifiés aux articles 3, 4, 5 et 6 et ceux commis depuis
le 15 août 1963 ». Du point de vu de la répression, on notait,
entre autres, la référence à la peine de mort et aux travaux
forcés.
Dans le même ordre d’idées, le régime provisoire de 1969
avait créé par l’ordonnance du 7 février 1969 la Cour
révolutionnaire de justice143 dotée des mêmes attributions que
le Tribunal populaire sus-indiqué. Mais, à la différence de
142
Loi n°24-64 du 09 septembre 1964 portant création du tribunal
populaire, J.O.R.C. 1964, p.753.
143
Ordonnance n°02-69 du 7 février 1969 portant création de la cour
révolutionnaire de justice, J.O.R.C. 1969, p.386.
- 234 -
celui-ci, la peine de mort ne figurait pas dans l’arsenal
répressif. La première session de la Cour révolutionnaire de
justice fut convoquée par décret en date du 6 mars 1969144; un
autre décret en date du 16 décembre de la même année en a
mis fin145.
Par ordonnance du 10 novembre 1969, la Cour martiale fut
installée pour juger toutes les personnes, auteurs, co-auteurs,
complices, prévenus d’attentat contre la sûreté de l’Etat
intérieure comme extérieure146. L’un des traits caractéristique
des abus de cette juridiction était l’impossibilité d’exercer
toute voie de recours contre ses décisions.
Pour les mêmes motifs, à une semaine d’intervalle, une
Cour révolutionnaire d’exception fut créée147.
Le 23 mars 1970, un coup d’Etat dirigé contre le régime du
Président Marien Ngouabi échoue. Par décret en date du 18
avril 1970, une commission criminelle exceptionnelle du
comité central du Parti congolais du travail (PCT), parti
unique, prononce des sanctions contre les fonctionnaires
inculpés indirects de ce coup d’Etat148.
Les sessions de ces juridictions se sont succédé jusqu’en
1978 lorsque, à la suite de l’assassinat du Président Marien
Ngouabi, une ordonnance du 2 janvier 1978 crée une Cour
144
Décret n° 69-114 du 6 mars 1969 portant installation de la Cour
révolutionnaire de justice, J.O.R.C.1969, p.143.
145
Décret n° 69-410 du 16 décembre 1969 mettant fin à la session de la
Cour révolutionnaire de justice, J.O.R.C. 1970, p.5.
146
Ordonnance n° 22-69-CNR du 10 novembre 1969 portant création de
la Cour martiale, J.O.R.C. 1969, p.571.
147
Ordonnance n° 24-69 du 18 novembre 1969 portant création d’une
Cour révolutionnaire d’exception, J.O.R.C. 1969, p 586.
148
Décret n° 70-119 du 18 avril 1970 prononçant des sanctions contre les
fonctionnaires inculpés indirects du coup d’Etat manqué du 23 mars
1970, J.O.R.C. 1970, p.207.
- 235 -
révolutionnaire d’exception149 chargée de juger les personnes
impliquées dans ce crime. Suivant les dispositions de son
article 2, « la Cour révolutionnaire d’exception est compétente
pour juger toutes les personnes, auteurs, co-auteurs et
complices d’attentat contre la sûreté intérieure et extérieure de
l’Etat. Elle est également compétente pour juger les personnes
qui ont concouru, facilité, aidé à la préparation et à la
consommation de l’assassinat du président du comité central
du Part Congolais du Travail, président de la République, chef
de l’Etat, le camarade Marien Ngouabi ». A la même date, un
décret portant nomination des membres de la Cour
révolutionnaire d’exception150 organise la composition de cette
juridiction. Le siège de Président est confié à Charles
Assemékang, celui de Vice-président est occupé par Richard
Eyeni. Le siège de commissaire du gouvernement et celui de
Vice-commissaire du gouvernement sont respectivement
occupés par Jacques Okoko et Gilbert Mampouya. Sept
membres sont également nommés. L’extrême sévérité de cette
juridiction apparaît également dans les dispositions de l’article
2 de l’ordonnance : « les décisions rendues par la Cour
révolutionnaire d’exception ne sont susceptibles d’aucun
recours ». Des condamnations à la peine capitale furent
prononcées à l’issue de l’audience.
La succession d’événements politiques de 1960 à 1977,
année de l’assassinat du Président Marien Ngouabi, fut telle
que ces juridictions d’exception eurent le vent en poupe. Sans
être exhaustif, on ne saurait toutefois terminer ce tableau sans
évoquer la Cour de sûreté de l’Etat créée par une ordonnance
149
Ordonnance n° 01-78 du 02 janvier 1978 portant création de la Cour
révolutionnaire d’exception.
150
Décret n° 78-01 du 2 janvier 1978 portant nomination des membres de
la Cour révolutionnaire d’exception.
- 236 -
du 29 août 1978151. Elle était compétente pour connaître des
crimes et délits relatifs aux événements du 14 août 1978 :
affaire Dieudonné Miakassisa, Félix Mouzabakani, Bernard
Kolelas, Robin Wamba et autres.
Extension de compétence
Sur le plan politique, la période qui précède l’assassinat du
Président Marien Ngouabi se caractérise par la radicalisation
de la pensée marxiste-léniniste. Cette prise de position extrême
conduit les instances du parti unique à traiter avec fermeté tous
ceux qui, même en son sein, seraient tentés de s’écarter des
principes et des orientations marxistes. Aussi, la menace
politique ne vient plus seulement de l’extérieur, mais de
l’intérieur. La meilleure manière d’y faire face était l’extension
de la compétence de la Cour révolutionnaire de justice à des
actes qui lui échappaient traditionnellement, et dont certains
auteurs appartenaient à l’élite du Parti. Tel est le sens de la loi
du 5 août 1976, qui donne compétence à la cour
révolutionnaire de justice en matière d’ « infractions pénales
de nature à porter atteinte directement au crédit du parti et de
ses organisations de masse, les infractions pénales de nature à
porter atteinte directement au crédit de l’Etat, à entraver son
développement économique ou nuire à son équilibre
financier »152. Au nombre de ces infractions figuraient, entre
autres, la concussion, la corruption de fonctionnaire, le
détournement de deniers publics, etc.
151
Ordonnance n° 33-78 du 29 août 1978 portant création de la cour de
sûreté de l’Etat.
152
Loi n° 30-76 du 5 août donnant compétence à la Cour révolutionnaire
de justice et organisant la procédure applicable en matière de crimes et
délits de détournement de deniers publics, d’escroqueries au préjudice
du parti et des organisations de masse, de l’Etat, de sabotage
économique.
- 237 -
Ces juridictions d’exception ont pu siéger jusqu’au milieu
des années 80. La Conférence nationale de 1991, en sonnant le
glas du régime politique d’obédience marxiste, les a du même
coup entraînés dans l’abîme. L’expérience juridique du
marxisme aujourd’hui close, n’a eu qu’un caractère éphémère
dans un paysage socio-culturel congolais marqué par son
attachement à l’ancienne puissance coloniale.
- 238 -
des réformes les plus récentes déjà réalisées, et d’autres qui
restent à entreprendre.
1. Diagnostic
C’est un constat unanime suivant lequel la justice
congolaise est malade. De l’avis de tous, elle n’a connu aucune
évolution notable depuis les premières années de
l’indépendance du Congo, jusqu’à nos jours. On notera
toutefois que ses maux se situent à deux niveaux : le premier
niveau est celui des structures, le second est relatif aux acteurs
de la justice.
Structures
On rappellera que le texte de base qui fixe l’organisation du
pouvoir judiciaire en République du Congo est la loi du 20
août 1992, modifiée et complétée par celle du 15 août 1999153.
Aux termes de l’article 1er de cette dernière loi, et en vertu des
dispositions de la Constitution du 20 janvier 2002 relatives au
pouvoir judiciaire, de même que les constitutions qui l’ont
précédée, « la justice est rendue au nom du peuple congolais »
par un seul ordre de juridictions.
D’une manière générale, la carte judiciaire congolaise
compte 103 juridictions réparties comme suit : une cour
suprême ; une cour des comptes et de discipline budgétaire ;
cinq cours d’appel situées à Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie,
Owando, et Ouesso ; quatorze tribunaux de Grande instance,
dont douze sont fonctionnels, notamment à Brazzaville,
Pointe-Noire, Dolisie, Owando, Ouesso, Impfondo, Ewo,
Sibiti, Madingou, Mouyondzi, Djambala, et Kinkala, étant
précisé que les deux situées à Gamboma et à Mossendjo ne
153
Loi n° 022/92 du 20 août 1992 ; Loi n° 19-99 du 15 août 1999
modifiant et complétant la loi n° 022-92 du 20 août 1992 portant
organisation du pouvoir judiciaire.
- 239 -
sont pas fonctionnels faute de cadre de travail et de personnel ;
soixante-quatorze tribunaux d’instance dont six tenus par les
magistrats sont fonctionnels : quatre situés à Brazzaville (Poto-
Poto, Makélékélé-Bacongo, Mfilou et Talangaï ), deux à
Pointe-Noire (Tsié-Tsié et Tchinouka). Certains tribunaux
d’instance sont animés par des greffiers tandis que d’autres
n’ont d’existence que sur le papier ; deux tribunaux de travail,
dont un situé à Brazzaville et l’autre à Pointe-Noire ; deux
tribunaux de commerce situés à Brazzaville et à Pointe-Noire ;
quatre tribunaux pour enfants situés respectivement à
Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie et Ouesso.
En raison d’énormes difficultés que connaît l’ensemble du
système judiciaire, le Congo, soucieux de consolider l’Etat de
droit, n’a eu d’autre choix que de solliciter l’aide de ses
partenaires extérieurs. C’est dans ces conditions qu’au cours
de l’année 2004, un accord dénommé ACP COB 8 est
intervenu entre le gouvernement congolais et l’Union
Européenne. L’unité Technique de mise en œuvre en est le
projet d’appui à l’Etat de Droit (PAED), installé à Brazzaville.
Au nombre d’études et de projets déjà réalisés, on retiendra ici
le diagnostic de la justice sur l’ensemble du territoire154. Le
constat général dressé à cet effet est accablant.
De cette étude, il ressort que les différentes juridictions
auxquelles il est fait allusion sont confrontées à de graves
difficultés de fonctionnement. A quelques exceptions près,
indique le rapport, les juges des tribunaux d’instance par
exemple, « lorsqu’un bâtiment existe, sont rarement sur place.
Ils élisent domicile au siège du tribunal de Grande Instance,
alors que des fonds sont attribués chaque année dans le budget
de l’Etat pour le fonctionnement des Tribunaux d’Instance155.
Les dysfonctionnements de ces juridictions évoquées dans les
154
PAED, Diagnostic du secteur de la justice (inédit).
155
Rapport précité, p.5.
- 240 -
lignes qui précèdent, sont autant d’indices révélateurs de la
mauvaise santé du système judiciaire congolais.
On n’omettra pas de mentionner les conséquences des
troubles socio-politiques que le Congo a connus de 1993 à
2003 sur l’infrastructure judiciaire. La destruction des
bâtiments et des équipements (matériels et outils de travail,
mobilier de bureau, documentation, machines à écrire, etc.),
ont considérablement ruiné le fonctionnement d’un système
judiciaire déjà fragile. S’il est vrai par ailleurs, outre le fait des
violences que le pays a connues, que les infrastructures et les
équipements des juridictions varient en fonction du lieu et de
la structure juridictionnelle, la situation n’est guère
satisfaisante dans l’ensemble. Aussi, l’état de vétusté des
infrastructures, la pénurie et le délabrement des équipements
sont, sans excès de langage, la règle dans la plupart de nos
juridictions.
Cet état de délabrement est souvent la conséquence de la
pénurie des ressources financières, une autre plaie de la justice
congolaise. En effet, les ressources financières des juridictions
et de l’ensemble des services judiciaires, sont essentiellement
constituées des dotations budgétaires de l’Etat, des provisions,
des frais de levée de grosses, de la vente des casiers judiciaires
et certificats de nationalité, de l’immatriculation au registre de
commerce et crédit mobilier. Les cours et tribunaux disposent
d’une partie des recettes des services judiciaires rendus par les
greffes. On s’accorde toutefois à reconnaître que les ressources
provenant des greffes ne sont pas toute enregistrées, et le
manque de contrôle des greffes donne lieu à des abus dans
l’emploi des recettes156.
L’administration pénitentiaire est rattachée désormais,
depuis plus de quinze ans, au ministère de la justice et des
droits humains, à l’instar de l’administration pénitentiaire
156
Rapport du PAED précité, p.5.
- 241 -
française. Elle dispose de 15 maisons d’arrêt, dont trois ou
quatre sont à peine fonctionnelles, suivant le rapport du projet
d’appui à l’Etat de droit (PAED) : ce sont celles situées à
Brazzaville, Owando, Madingou, et Pointe-Noire. La capacité
d’accueil de l’ensemble des maisons d’arrêt est de 1000
détenus. Elles emploient plus de 250 agents dont une partie
relève de la force publique. En l’état actuel des choses, il
n’existe encore ni corps de fonctionnaires pénitentiaires, ni
filière de formation spécifique.
En 2007, la maison d’arrêt de Brazzaville, le plus important
établissement pénitentiaire du pays, était proche des limites de
sa capacité d’accueil qui est de 400 détenus, à en croire le
rapport sus-indiqué. Elle regroupait 381 personnes, parmi
lesquelles une dizaine de mineurs, 321 prévenus et 60
condamnés. Avec une capacité d’accueil de 200 personnes, la
prison de Pointe-Noire comptait la même année 140 détenus
dont 80 personnes en détention préventive. A Dolisie,
troisième ville du pays, l’inexistence d’une maison d’arrêt est
préoccupante. Les personnes poursuivies sont détenues dans
les cachots des locaux de la police et de la gendarmerie, en
principe réservés aux personnes gardées à vue, ce qui entraine
pour conséquence le non-respect des délais en matière de
garde à vue.
Outre la surpopulation carcérale, et en dépit de quelques
efforts de rénovation, les établissements pénitentiaires
congolais sont vétustes et sous équipés. Avec une ration par
jour dans la plupart des cas, le régime alimentaire des
prisonniers est déplorable. La durée des détentions préventives
est excessive, faute d’audiences criminelles régulièrement
organisées. Dans ces conditions de dysfonctionnement général,
l’objectif de réinsertion sociale des détenus est un vœu pieux.
Les maux qui affectent les structures judiciaires et
pénitentiaires sont aussi dénoncés en ce qui concerne les
acteurs judiciaires.
- 242 -
Acteurs judiciaires
L’un des problèmes majeurs auquel la justice congolaise est
confrontée est celui des ressources humaines. Depuis son
accession à l’indépendance, le Congo accuse un déficit
chronique en personnel judiciaire. Loin de connaître la
moindre amélioration, la situation ne cesse de s’aggraver au fil
des années. Pour une population estimée à 3,5 millions
d’habitants, le pays ne dispose que d’un effectif de 254
magistrats. Ce chiffre dérisoire peut paraître rassurant eu égard
à la situation des autres pays de la sous-région. Le Cameroun,
avec une population de 12 millions d’habitants, ne compte que
552 magistrats ; le Gabon, avec une population de 1.011.710
habitants, dispose d’un effectif de 266 magistrats ; la
République centrafricaine, peuplée de 3 millions d’habitants,
compte, elle, 72 magistrats seulement ; de même, le Tchad
avec une population de 6.288.261 habitants, ne dispose que
d’un effectif de 105 magistrats157. On serait donc tenté de se
réjouir de cette comparaison, tant il est vrai que la similitude
entre notre pays et nos voisins pourrait constituer un motif de
satisfaction, sauf vis-à-vis du Gabon dont l’effort est plus
considérable dans ce domaine.
Mais, comparaison n’étant pas raison, le déficit chronique
du personnel de la magistrature au Congo est préoccupant à
plus d’un titre. On observe avec constance des écarts
considérables dans la répartition du personnel par juridiction.
Alors que dans certaines juridictions, on enregistre des
effectifs pléthoriques, dans d’autres le système est
dysfonctionnel faute d’une composition suffisante. Sur le
terrain, fort malheureusement, certains professionnels, sont
157
E. Le Roy, op.cit., p. 199. Ces chiffres que nous reprenons à notre
compte sont avancés ici sous réserve des changements éventuels
intervenus dans ces pays depuis la date de leur publication par l’auteur
cité.
- 243 -
contraints de cumuler plusieurs fonctions, au détriment des
principes essentiels des procédures en vigueur. Pour parer au
plus pressé, des recrutements des bénévoles ou des
contractuels, notamment au niveau des greffes, sont observés à
une échelle non négligeable et tendent à devenir légion.
A la fin des années 80 et au début des années 90, la
nomenclature des acteurs judiciaires s’est considérablement
renforcée grâce à une meilleure organisation de certaines
professions libérales et l’apparition de nouvelles professions
dans le paysage judiciaire congolais. C’est ainsi que, par une
loi en date du 29 septembre 1989, la profession du notariat a
été instituée158. La profession d’avocat, qui a longtemps
fonctionné sans cadre légal, est désormais régie par la loi du
20 août 1992159. Pendant longtemps également, la profession
d’huissier de justice n’était pas partie intégrante du système
judiciaire congolais. C’est à la faveur de loi du août 1992
qu’elle a été instituée160.
On dénombre actuellement 37 notaires au Congo. Leurs
études sont concentrées à Brazzaville et à Pointe-Noire.
L’ordre national des avocats compte environ 155 avocats dont
131 titulaires sont répartis entre le barreau de Brazzaville (57
avocats) et le barreau de Pointe-Noire (74 avocats). La
profession d’huissier de justice compte 77 membres concentrés
à Brazzaville et à Pointe-Noire.
L’ensemble de ces professions est confronté à des sérieuses
difficultés susceptibles de compromettre leur efficacité. On
relève notamment une insuffisance de formation, la
concurrence d’autres acteurs dans l’exécution des décisions de
justice - policiers, magistrats -, réduisant ainsi à peu de choses
158
Loi n° 17/89 du 29 septembre 1989 portant institution du notariat.
159
Loi n°026-92 du 20 août 1992 portant organisation de la profession
d’avocat.
160
Loi n°027-92 du 20 août 1992 portant institution de la profession
d’huissier de justice.
- 244 -
près le domaine d’intervention des huissiers de justice. On
note également l’inefficacité, voire l’inexistence des mesures
disciplinaires, etc.
La situation est d’autant plus préoccupante que seule une
partie des acteurs judiciaires (magistrats, avocats, greffiers)
bénéficie d’une formation professionnelle initiale. Celle-ci est
assurée par l’Ecole nationale de l’administration et de la
magistrature (ENAM), et par l’Ecole nationale moyenne
d’administration (ENMA). Toutefois, le problème de la
formation à l’ENAM en particulier nécessite une étude
poussée en vue de la révision des programmes, afin de
permettre leur meilleure adaptation aux besoins du marché de
l’emploi.
On indiquera néanmoins que la formation initiale dispensée
aux acteurs de la justice a été complétée depuis quelques
années, au niveau inter-Etats, par la formation au droit
OHADA. Celle-ci est assurée sous la forme de sessions
organisées par l’Ecole régionale supérieure de la magistrature
(ERSUMA), dont le siège est situé à Porto-Novo (Benin). Les
séminaires de restitution sont organisés au niveau des Etats
(parties au Traité OHADA) par les commissions nationales
OHADA.
Déontologie
Au-delà des difficultés relatives aux infrastructures et aux
ressources humaines, la justice congolaise reste marquée par
des problèmes d’éthique et de déontologie dont il serait aussi
imprudent qu’irresponsable de tenter d’en minimiser la portée.
A en croire le constat unanimement dressé par les institutions
nationales et internationales, mais aussi par les voix les plus
autorisées de la vie publique nationale, la justice congolaise est
malade du comportement de certains de ses acteurs.
Dans un paragraphe consacré à la gouvernance
administrative et judiciaire intégré dans le Document de
- 245 -
Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP), le comité
national de lutte contre la pauvreté insiste sur quelques
faiblesses déontologiques de la justice congolaise. Il estime
que la « gouvernance judiciaire » se caractérise, entre autres,
par « le développement de la fraude, de la corruption et de la
concussion…, la confusion des rôles entre les services de la
justice et ceux de l’ordre public ; les arrestations arbitraires et
les gardes à vue abusives »161. Renchérissant dans le même
ordre d’idées, il soutient, sous la forme d’une formule
péremptoire, que « les causes principales de la corruption, de
la concussion et de la fraude sont l’absence de contrôle dans
l’administration, et le bas niveau des rémunérations et
l’inefficacité du système judiciaire »162.
Ce diagnostic général de la justice congolaise a suscité de
multiples réflexions. Il importe donc d’exposer, aussi
synthétiquement que possible, la nature et le contenu des
solutions déjà apportées, et celles qui font encore l’objet de
réflexions.
2. Solutions
« Aux grands maux, les grands remèdes ». Dans l’histoire
de la justice congolaise, il est temps, plus que jamais, de faire
de cet enseignement de la sagesse populaire le leitmotiv de la
réforme du système judiciaire. Quoique dans certaines
circonstances il y a loin de la coupe aux lèvres, dans le
domaine de la justice, nombreuses sont les solutions ou les
tentatives de solution qui sont apportées ou en voie de l’être,
même si par leur manque de rigueur, elles s’apparentent
souvent à des velléités.
161
Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté, DSRP 2008-
2010, Ministère du plan et de l’aménagement du Territoire, p.28.
162
Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté, op.cit., p.29.
- 246 -
On indiquera, pour illustration, que l’une des réformes les
plus importantes de cette première décennie du XXIè siècle est,
sans doute, la réforme de la carte judiciaire congolaise. En
effet, dix lois votées le 25 juin 2008 ont porté création de
certaines juridictions, ou modification du ressort d’un certain
nombre de tribunaux et cours d’appel. Il en est ainsi de la loi
n°12-2008 du 25 juin 2008 portant création de la cour d’appel
de Ouesso, des lois n°13-208, n°14-2008, n°15-2008 du même
jour créant respectivement les tribunaux de grande instance de
Kindamba, d’Oyo et de Mossaka. De même, les lois n°s 16-
2008 à 19-2008 de la même date ont respectivement modifié
les ressorts des tribunaux de grande instance de Gamboma, de
Kinkala, Brazzaville et Owando. Celles votées sous les nos 20-
2008 et 21-2008 ont porté modification du ressort des cours
d’appel de Brazzaville et d’Owando163.
Si la réforme est salutaire, en ce sens qu’elle vise, entre
autres, le rapprochement entre les justiciables et la justice, et le
désencombrement de certaines juridictions, il y a cependant
fort à craindre qu’elle soit confrontée à de graves difficultés en
raison du déficit du personnel judiciaire.
Parmi les avancées les plus significatives, on mentionnera
également la mise en place de la commission nationale de la
lutte contre la corruption164. Grâce à la loi du 22 septembre
2009 sur la corruption, la concussion, la fraude et les
infractions assimilées165, cette forme de délinquance est
désormais soumise à un régime juridique d’une grande
sévérité. Sévérité dans la qualification, car certains délits ont
163
J.O.R.C., 3 juillet 2008, pp. 1128-1129.
164
Décret n°2007-155 du 13 février 2007 portant réorganisation de la
commission nationale de lutte contre la corruption, la concussion et la
fraude.
165
Loi n° 5-2009 du 22 septembre 2009 sur la corruption, la concussion,
la fraude et les infractions assimilées, J.O.R.C. 1er octobre 2009,
p.2449.
- 247 -
été transformés en crimes ; sévérité également dans la
répression en ce sens que le maximum de certaines peines a été
considérablement relevé.
Cette loi appelle un certain nombre d’observations, car en
dépit de l’objectif très louable poursuivi par le législateur, il y
a fort à craindre qu’elle se révèle inefficace, voire inutile, tout
comme la commission de lutte contre la corruption chargée de
l’appliquer. On fera observer à cet effet que les infractions de
corruption, de concussion, de fraude et les infractions
assimilées qui relèvent soit du droit pénal spécial commun
(extorsion, trafic d’influence, vol, escroquerie, recel, etc.), soit
du droit pénal des affaires (abus de biens sociaux, favoritisme,
blanchiment) font déjà partie de la nomenclature traditionnelle
du code pénal. Naturellement, il appartient aux juridictions
répressives d’appliquer les dispositions pénales y relatives. Il
est donc étonnant de voir le législateur extraire du dispositif du
code pénal une catégorie d’infractions pour prétendre en faire
une loi à part entière, sans le moindre souci d’innovation. La
loi n°5-2009 du 22 septembre 2009 apparaît ainsi comme un
doublon inutile.
Sous l’angle procédural, on pourra déplorer l’étonnant
transfert de compétence des organes judiciaire répressifs,
notamment la juridiction d’instruction et les organes chargés
de l’enquête préliminaire, vers un organe sui generis, la
commission de lutte contre la corruption, dont certaines
attributions sont contestables sur le plan juridique166. Certes, la
pression de la Banque mondiale et du Fonds monétaire
international a sans doute contraint le législateur congolais à
aller dans ce sens, mais dans un pays indépendant et souverain
166
Aux termes des articles 11 et suivants du décret du 13 février 2007, la
commission de lutte contre la corruption est compétente pour mener
des investigations ; elle est habilitée à saisir les autorités judiciaires et
reste soumise au respect du principe du contradictoire.
- 248 -
depuis cinquante ans, la réponse au problème de la corruption
est la répression pénale traditionnelle, sans pression des
institutions internationales.
Dans le système judiciaire comme ailleurs, le problème de
la corruption relève de l’éthique et de la déontologie. Dans
cette hypothèse, il appartient au Conseil Supérieur de la
magistrature, dont l’une des attributions est de veiller à la
discipline des magistrats, de se prononcer167. C’est dans ces
conditions que lors de sa session ordinaire du 4 mai 2009, il a
prononcé la révocation de onze magistrats des cours et
tribunaux168. Le motif de la révocation généralement évoqué
est exclusivement à connotation déontologique. Il s’agit du
« manquement grave aux devoirs de son Etat, à l’honneur, à la
délicatesse, et à la dignité de sa charge ».
Dans l’histoire de la justice congolaise, le fonctionnement
de cet organe n’a pas été régulier. Au cours de sa session
ordinaire sus-indiquée, il avait formulé une recommandation
relative à l’institution d’un code de déontologie du magistrat.
Dans la circulaire du 18 septembre 2009 relative à la feuille de
route du Gouvernement169, le président de la République avait
prescrit des mesures en ce sens.
167
Loi organique n°22-2008 portant organisation, composition et
fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature, J.O.R.C, 31
juillet 2008, p.1627.
168
Procès-verbal de la session ordinaire du Conseil Supérieur de la
Magistrature du 4 mai 2009, inédit.
169
Circulaire n° 436 du 18 septembre 2009 relative à la feuille de route
du Gouvernement (inédit).
- 249 -
CONCLUSION
- 250 -
en raison de l’ampleur de la tâche, le but à atteindre est encore
hors de portée.
Toutefois, dans le ciel brumeux de la justice congolaise, on
peut y percevoir quelques éclaircies. Tel est notamment le cas,
on l’a vu, de la réforme de la carte judiciaire et de
l’informatisation de certains greffes. Mais ces efforts sont
encore si timides que la sagesse et la prudence n’autorisent
pas, en l’état actuel des choses, un optimisme béat. Gageons
néanmoins que la célébration du centenaire de l’indépendance
de notre pays sera placée sous le signe de l’espoir.
- 251 -
CHAPITRE 9
LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET
TECHNOLOGIQUE AU CONGO (1960-2010)
INTRODUCTION GENERALE
- 253 -
Quel regard peut-on, très objectivement avoir en direction
de la science et de la technologie au Congo sur le plan de leur
histoire, de leurs forces et de leurs faiblesses ?
I- Histoire
1-Avant l’indépendance
Les documents qui s’efforcent de faire le point sur la
recherche scientifique au Moyen-Congo sont assez épars.
Abraham Constant Ndinga Mbo170 en a fait une recension
exhaustive. Il en ressort qu’une abondante documentation
écrite sur l’activité scientifique au Congo date surtout de
l’après Seconde Guerre mondiale. Elle est à prendre dans
France Outre-mer et dans Industrie et Travaux d’Outre-mer.
De 1947 à 1959, plus de 130 numéros du Bulletin
d’Informations Economiques et Sociales, puis à partir de
janvier 1957 du Bulletin de Statistiques de l’Afrique
Equatoriale, ont été diffusés régulièrement par les services
statistiques de Brazzaville.
On peut citer comme publications proprement scientifiques,
qui peuvent être considérées comme des périodiques
africanistes ou tropicalistes : Cahiers d’Etudes Africaines
(elles continuent de paraître aujourd’hui), Cahiers d’Outre-
mer, Bulletin de la Société de Pathologie Exotique, Bois et
Forêts des Tropiques, L’Agronomie Tropicale, la Revue de
Botanique appliquée.
Il faut ranger dans cette catégorie de périodiques africanistes
le Bulletin de la Société des Recherches Congolaises avec 28
numéros parus à Brazzaville, de 1922 à 1941. Son relai a été
pris, après la Seconde Guerre mondiale, par le Bulletin de
l’Institut d’Etudes Centrafricaines, dont la série initiale (de
170
A. C. Ndinga Mbo, 2003, Pour une histoire du Congo. Méthodologie
et réflexions, Paris, L’Harmattan, pp.72-79
- 254 -
1945 à 1947) compte trois fascicules, et la nouvelle publiée de
1950 à 1960 sous l’égide de l’Office de la Recherche
Scientifique d’Outre-mer (ORSOM), puis l’Office de la
Recherche Scientifique et Technique d’Outre-mer (ORSTOM)
vingt. Cette collection s’achève avec les deux tomes (1962 et
1963) du Bulletin de l’Institut de Recherches Scientifiques au
Congo.
L’Institut d’Etudes Centrafricaines, créé en 1946, a été
jusqu’en 1959, un organisme du Gouvernement Général de
l’AEF, chargé des mêmes tâches que l’IFAN (Institut
d’Afrique Noire) en AOF, notamment l’inventaire scientifique
de l’AEF, l’étude de ses problèmes généraux et spéciaux, et le
rassemblement de la documentation. Il comprenait trois
centres :
- 255 -
aussi de nombreux travaux en sciences humaines ou sociales
publiés par les africanistes français dans le cadre de
l’ORSTOM, ou de sa filiale à Brazzaville, l’Institut d’Etudes
Centrafricaines. L’entreprise rentrait dans les préoccupations
du Haut-Commissaire de l’AEF Bernard Cornut-Gentille dans
son souci d’identifier et de classifier les problèmes de
développement de la Fédération. Cette production scientifique
africaniste comprend notamment des résultats d’enquêtes
publiés sous forme d’articles ou d’ouvrages de :
171
R. Dumont, - 1961, Terres vivantes. Voyages d’un agronome autour
du monde, Paris, Terre Humaine ;
- 1962, L’Afrique noire est mal partie, Paris, Le Seuil.
- 256 -
Il convient de mentionner comme autre centre de recherches
créé à cette époque coloniale, plus précisément en 1939,
l’Institut Pasteur de Brazzaville (IPB) à l’issue de la mission
d’étude de la maladie du sommeil. L’Institut Pasteur se
consacrait à des recherches d’où devaient nécessairement
découler des applications pratiques utiles pour le bien-être des
populations. Les missions de cet institut ont porté surtout sur la
protection de la santé publique par le dépistage des maladies
endémiques, la préparation des vaccins assurant une lutte
efficace contre ces maladies et l’exécution de toutes les
analyses de laboratoire. Elles ont permis la poursuite de
certaines recherches ; par exemple la rage a pu être identifiée
par isolement et l’étude du virus rabique a été amorcée à
Brazzaville.
Il faut dire que l’IPB était l’un des creusets de la recherche
biomédicale et des actions de santé publique. Cet institut
appartenait au Réseau International des Instituts Pasteurs
rattachés à la communauté pasteurienne.
- 257 -
- Institut des Etudes Centrafricaines (IEC), devenu par la
suite, Office de Recherche Scientifique et Technique d’Outre-
mer (ORSTOM) ;
- Centre Technique Forestier Tropical (CTFT).
Jusqu’en 1962, l’Institut d’Etudes Centrafricaines (I.E.C.)
regroupait les chercheurs de l’ORSTOM travaillant dans les
anciennes colonies françaises en Afrique équatoriale, à savoir
le Moyen-Congo, le Gabon, l’Oubangui-Chari et le Tchad. La
direction de l’I.E.C. était située à Brazzaville mais les
laboratoires étaient localisés à Brazzaville, Pointe-Noire,
Bangui, Libreville et Fort Lamy.
En 1960, ces laboratoires sont tous devenus des Centres
autonomes de l’ORSTOM. Le Centre ORSTOM de
Brazzaville était dénommé « Institut de Recherches
Scientifiques au Congo » (I.R.S.C.) entre 1961 et 1963.
En 1962, un second laboratoire souterrain a été ouvert à
Bitori, dans le district de Kindamba et ce, pour certaines
études d’entomologie médicale.
2-Après l’indépendance,
Au lendemain de l’indépendance, les pouvoirs publics
congolais ont commencé à doter le pays de textes permettant
l’intégration de la recherche et du développement expérimental
dans le développement économique et social. Les textes ci-
après peuvent être cités :
- 258 -
Ces structures créées entre 1960 et 1966, n’ont pas
malheureusement donné à la recherche l’impulsion
escomptée. C’est ainsi que seront publiés les textes mettant
en place certains organismes:
- 259 -
- décret n°82/856 du 18 juin 1982 portant création
attribution et fonctionnement d’un Conseil scientifique et
technique au sein du ministère de la recherche scientifique
- décret n°83/011 du 11 janvier 1983 portant création du
Centre national de semences améliorées(CNSA) placé sous la
tutelle du ministère de l’agriculture et de l’élevage;
- décret n°83/782 du 19 octobre 1983 portant création
attribution et organisation de la Direction générale de la
recherche scientifique et technique ;
- décret n°84/858 du 13 août 1984 portant création du
ministère de la recherche scientifique ;
- décret n°85/882 du 6 juillet 1985 réorganisation du
Conseil national de la recherche scientifique et technique ;
- loi n°028/85 portant création du Centre d’étude sur les
ressources végétales (CERVE) ;
- arrêté n°9535 MRSC Cab du 7 novembre 1985
déterminant le taux et les modalités d’attribution de la prime
de recherche allouée aux chercheurs de la DGRST;
- loi n°02/86 du 22février 1986 portant création du
Centre de recherche géographique et de production
cartographique ;
- loi n°11/86 du 19 mars 1986 portant création du Centre
de recherche vétérinaire et zootechnique(CRVZ) ;
- loi n°12 du 19 mars 1986 portant création du Centre de
recherche agronomique de Loudima ;
- loi n°12/86 du19 mars 1986 portant création du Centre
de recherche et d’initiation des technologies ;
- décret n°86/932 du 2 septembre 1986 approuvant les
statuts du Centre de recherche agronomique de Loudima ;
- décret n°86/936 du 2 septembre 1986 portant
organisation et fonctionnement du Centre de recherche
vétérinaire et zootechnique
- décret n°86/856 du 27 juin 1986 portant attribution et
organisation du ministère de la recherche scientifique ;
- 260 -
- loi n°008 du 7 février1987 portant création du Centre
hospitalier et universitaire de Brazzaville (CHU) placé sous la
tutelle du ministère de la santé ;
- décret n°88/622 du 30 juillet 1988 portant organisation
et fonctionnement du Centre hospitalier et universitaire de
Brazzaville (CHU).
Au lendemain des troubles sociopolitiques des années 1992
et 1993 qui ont entraîné la fermeture du Centre ORSTOM de
Brazzaville (devenu entre-temps Institut de recherche pour le
développement, IRD ) du fait de la destruction de nombreuses
infrastructures publiques et privées, pour faire face à un certain
nombre d’exigences, une nouvelle impulsion a été donnée à la
politique scientifique congolaise. Celle-ci s’est traduite par
l’adoption et la publication des textes ci-après :
- 261 -
biologique de Mossaka (CRHM) ; Centre de recherche
forestière d’Ouesso (CRFO).
- 262 -
en matière d’élaboration de leurs politiques scientifiques et
technologiques.
Dans le cadre des organismes des Nations unies et dans le
but de réduire la dépendance de l’Afrique dans le domaine de
la science et de la technique par rapport aux anciennes
métropoles coloniales et de renforcer les capacités
scientifiques et technologiques endogènes des pays de ce
continent, de nombreuses actions entreprises ont revêtu
principalement la forme de conférences ou de colloques. Le
Congo y a pris une part active et il peut être rappelé :
- 263 -
nécessité d’établir des passerelles entre l’université et les
centres de recherche ;
4- le colloque OUA/CEA/PNUD sur les perspectives de
développement de l’Afrique à l’horizon 2000, Monrovia
(Liberia), février 1979 ;
5- la conférence régionale africaine du Caire (Egypte) de
1978 organisée dans le cadre de la préparation de la
conférence des Nations unies sur la science et la technologie
au service du développement (CNUSTD), prévue à Vienne
(Autriche) en août 1979 ;
6- la conférence des Nations unies sur la science et la
technique au service du développement, Vienne (Autriche),
tenue du 20 au 31 août 1979 et dont l’objectif principal était
la recherche des voies et moyens devant permettre de
combattre le fossé économique entre le tiers monde et les
pays industrialisés ; l’approfondissement de cette question,
soulevée et à peine esquissée à Vienne, devait se poursuivre à
travers de nombreuses conférences spécifiques au niveau de
chaque région ;
7- le 16ème sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement
de l’OUA, (Monrovia, juillet 1979) qui a abouti à l’adoption
de la « déclaration de Monrovia » dans laquelle les Chefs
d’Etat et de gouvernement expriment leur volonté de mettre
la science et la technologie au service du développement en
renforçant la capacité autonome de leur pays dans ce
domaine ;
8- le 1er sommet économique des Chefs d’Etat et de
gouvernement de l’OUA (Lagos 28-29 avril 1980)qui a
abouti à l’adoption du « plan d’action de Lagos », dont
notamment le chapitre V, consacré à la science et à la
technologie ;
9- le colloque de OUA, organisé en coopération avec
l’UNESCO, sur le thème « Science et culture comme base du
développement africain » tenu à Libreville (Gabon) du 23 au
- 264 -
27 janvier 1981.Une résolution de ce colloque demande à
l’OUA d’organiser une rencontre des « Hommes de science
en Afrique » ;
10- la 6ème réunion du Conseil Scientifique Africain, tenu à
Libreville du 28 janvier au 1er février 1981 ;
11- le 16ème congrès international sur histoire de la science
tenu à Bucarest (République Socialiste de Roumanie) ;
12- le congrès mondial de la confédération des
organisations internationales scientifiques et techniques pour
le développement (CISTOD), tenu à Tunis du 11 au 15 avril
1983 ;
13- la conférence des ministres de la recherche scientifique
et de l’enseignement supérieur des pays membres de l’agence
de coopération culturelle et technique, tenue à Yamoussoukro
( Cote d’Ivoire) du17 au 22 octobre 1983 ;
14- la 1ère réunion consultative intergouvernementale du
réseau africain des institutions scientifiques et technologique
(RAIST), tenue à Nairobi (Kenya) du 11 au 13 juillet 1983 ;
15- la réunion des organismes directeurs de la politique
scientifique et technologique nationale dans les pays
d’Afrique Intertropicale, tenue à Dakar (Sénégal) du 8 au 12
juillet 1985 ;
16- le 21ème sommet des chefs d’Etat et de gouvernement
de l’OUA, tenu à Addis-Abeba (Ethiopie) du 10 au 20 juillet
1985 qui a abouti à l’adoption du programme prioritaire de
redressement économique de l’Afrique (1986 – 1990) dont le
paragraphe 34 stipule : « L’expérience montre qu’aucun pays
n’a connu de percée économique sans la création d’une base
minimum en matière de science et de technologie ». Au cours
de ce même sommet, les Chefs d’Etat et de gouvernement de
l’OUA ont adopté la Résolution OUA (AHG) 146 (XXI)
demandant à l’UNESCO l’élaboration d’un programme
spécial d’aide à l’Afrique dans le domaine de la recherche
scientifique et technique pour le développement et destiné à
- 265 -
développer les capacités scientifiques et techniques des pays
africains dans les domaines de la géologie, la microbiologie,
l’agriculture, l’alimentation, la santé, les eaux superficielles et
souterraines ;
17- la 44ème session du conseil des Ministres de l’OUA,
tenu à Addis-Ababa en Juillet 1986. au cours de laquelle il
fut adopté la résolution CM/1048 (XLIV) autorisant le
secrétaire général de l’OUA et le pays hôte (République
Populaire du Congo) à organiser, avec l’appui de
l’Unesco, le 1er congrès des Hommes de science en
Afrique à Brazzaville en juin 1987 ;
18- le 1er congrès des hommes des sciences en Afrique,
tenu à Brazzaville, en juin 1987. Au cours de ce congrès,
fut créée l’Union panafricaine pour la science et la
technologie (UPST), avec siège à Brazzaville. Le
Professeur Levy Makany fut désigné Secrétaire général de
la structure ;
19- la 2ème Conférence des ministres chargés de
l’application de la science et de la technologie au
développement en Afrique (CASTAFRICA II ) tenue à
Arusha,( Tanzanie ) du 6 au 15 juillet 1987 ;
20- la Conférence mondiale de l’Unesco sur la science au
XXIe siècle, tenue à Budapest (Hongrie) du 26 juin au 1er
juillet 1999 ;
21- la première Conférence ministérielle africaine sur la
science et la technologie, tenue à Johannesburg (Afrique
du Sud) en novembre 2003 ;
22- la conférence sur « le partenariat scientifique avec
l’Afrique », tenue du 3 au 7 mars 2008 à Addis-Abeba
(Ethiopie).
- 266 -
II. Les forces
- 267 -
- l’Institut international sur les cultures des zones
tropicales semi-arides (ICRISAT), Patancheru (Inde) ;
- le Centre international d’agriculture tropicale (CIAT),
Cali (Colombie) ;
- l’Institut international de recherche en élevage (ILRI),
Addis Abeba (Ethiopie).
Le Congo dispose aujourd’hui d’un plan national de
développement scientifique et technique (PNDST) 2009-2013
Comme on l’a déjà indiqué, « s’assurer de l’intégration de la
science et de la technologie au plan national de
développement » est l’une des fonctions essentielles de
l’organe directeur de la politique scientifique et technologique
nationale. Celle-ci ne peut se réaliser aisément que dans les
pays où un tel organe existe et fonctionne. Le Congo dispose à
cet effet de deux mécanismes de coordination et de
concertation assez fonctionnels : le Conseil supérieur de la
science et de la technologie et le Comité interministériel de la
science et de la technologie. Il faut aussi signaler l’existence
du Conseil d’administration de la Délégation générale à la
recherche scientifique et technologique, même si celui-ci ne se
réunit que de manière épisodique.
- 268 -
S’agissant des centres sous la tutelle de la DGRST, il
convient de citer :
- 269 -
- le Centre de recherche forestière de Ouesso (CRFO) ;
- l’UR2PI : Unité de Recherche sur la Productivité des
Plantation Industrielles., devenu Centre de recherche sur la
durabilité des plantations industrielles(CRDPI) ;
- la Station de recherche bioécologique et forestière de
Dimonika, qui est installée dans les bâtiments délaissés par le
colon belge Vigoureux ;
- le Centre régional de recherche agronomique et
forestière d’Oyo (CRRAFO), qui est en cours d’installation.
- 270 -
- le Centre de vulgarisation des techniques agricoles
(CVTA) ;
- le Centre national de semences améliorées ;
- le Centre de vulgarisation des techniques d’élevage;
- l’Institut congolais d’appui au développement.
Voici les services techniques des entreprises publiques
ayant des activités techniques importantes :
- 271 -
- AGIP société pétrolière installée à Pointe-Noire ;
- Chevron – Texaco, société pétrolière installée à Pointe-
Noire ;
- ENI-Congo société pétrolière installée à Pointe-Noire ;
- AMOCO société pétrolière installée à Pointe-Noire ;
- Eucalyptus et Fibres du Congo, installé à Pointe-Noire ;
- les Brasseries du Congo, installées à Brazzaville.
- 272 -
1979, à 10,5 milliards en 1994. Une inflexion a été notée au
niveau des ressources provenant de l’extérieur, notamment de
la France et de l’Union soviétique. Elle est surtout due :
- au ralentissement de la coopération scientifique avec
l’Institut de recherche pour le développement ( IRD, ex
ORSTOM) et le ministère de l’Agriculture de la Russie ;
- aux programmes d’ajustement structurel signés avec les
Institutions de Breton Woods.
Un Fonds national de développement de la science et de la
technologie a été créé en 1997, mais il n’est pas encore très
fonctionnel. D’autres arrangements particuliers qui
garantiraient le financement suivi des activités dans le
domaine de la science et de la technologie, restent à mettre au
point afin d’accroitre les fonds alloués à la Recherche-
Développement dans le budget national et atteindre l’objectif
de 1 % du produit national brut recommandé par Castafrica I
(1974) et le plan d’action de Lagos (1980).
- 273 -
L’évolution des crédits mis à la disposition du ministère de
la recherche par l’Etat congolais et les partenaires au cours de
la période 1979-1985 est donnée au tableau I.
Il est à souligner que la France a apporté la plus grande
contribution financière. Cette contribution a englobé le budget
de fonctionnement des deux centres ORSTOM installés à
Brazzaville et à Pointe-Noire, les charges de personnel de
nationalité française évoluant au Centre forestier tropical
Congo. Dans les dépenses prises en charge par la France sont
incluses les aides apportées par le Fonds d’aide et de
coopération (FAC) dans le cadre du projet « relance de la
recherche agronomique appliquée », les aides sectorielles du
ministère français de la coopération.
En ce qui concerne la contribution de l’Etat congolais aux
dépenses de recherche du ministère de la recherche, on
constate qu’elle a amorcé aujourd’hui une substantielle
augmentation.
- 274 -
1984 737,982 1.041,500 115,985 30,989 2.126,456
1985 746,510 1.422,700 177,508 41,619 2.388,337
- 275 -
Pendant plusieurs années, après l’accession du Congo à
l’indépendance, les crédits consacrés à la recherche au niveau
des centres de recherche du ministère de la recherche
scientifique, provenaient de deux sources : le budget de l’Etat
congolais et les aides extérieures à travers la coopération
scientifique bilatérale et multilatérale.
Depuis fin 1992, les appuis extérieurs accusent une baisse
croissante puisqu’ils sont passés de 1.642.000.000 Franc CFA
en 1985 à 0,5 milliard de F.CFA en 2004. Depuis lors les
appuis financiers extérieurs sont quasiment nuls.
Cependant, la subvention de l’Etat congolais aux centres de
recherche du ministère de la recherche et à l’Université Marien
Ngouabi a accusé une progression constante. Au niveau des
centres de recherche elle est passée de 746.000.000 en 1985 à
2.160.850.455 en 2010.
Il importe de noter que le plus grand financement est
consacré à la recherche agronomique qui représente près de
80% des activités de recherche.
- 276 -
- En sciences de la santé
-Bernard Galiba (premier professeur agrégé en médecine
congolais, spécialiste en anato-pathologie), Christophe
Bouramoué (cardiologue), Jean-Louis Nkoua (cardiologue),
Grégoire Kaya Ganziami (ophtalmologue), Jean-Roger
Ekoundzola (gynécologue), Hervé Fortuné Mayanda
(pédiatre), Georges Moyen (pédiatre), Prosper Senga
(pédiatre), Samuel Nzingoula (pédiatre), Charles Gombe-
Mbalawa, (cancérologue), Assori Itoua-Ngaporo (gastro-
entérologue), Jean Rosaire Ibara (gastro-entérologue),
Armand Moyikoua (traumatologue), Fidèle Yala (biologiste),
Bernard Pena-Pitra (traumatologue), Raoul Massengo
(chirurgien), Antoine Ange Abena (pharmacologue), Martin
Diatewa (biochimiste).
- En sciences sociales
-Théophile Obenga (philosophe, égyptologue, linguiste et
historien), Abraham Constant Ndinga Mbo (historien),
Dominique Ngoie-Ngalla (historien), François Lumwamu
(linguiste), Paul Nzete (linguiste), Charles Zacharie Bowao
(logicien), Bonaventure Maurice Mengho (géographe),
Marie-Joseph Samba-Kimbata (climatologue), André-Patient
Bokiba (critique littéraire), Bernard Nganga (angliciste).
- 277 -
2- l’absence ou la faible intégration de la science et de la
technologie au plan national de développement résultant en
particulier de la pénurie du personnel capable de traduire en
programmes scientifiques et technologiques les objectifs de
développement économique et social ;
3-l’insuffisance des ressources financières affectées au
développement scientifique et technologique national et
l’inadéquation du système de budgétisation existant à la
spécificité de la science et de la technologie ;
4- la pénurie des cadres scientifiques et techniques de
différents niveaux et l’inexistence d’une planification
équilibrée de la formation des différentes catégories de ce
personnel ;
5- la faiblesse des infrastructures de recherche et l’absence
ou l’insuffisance des services scientifiques et technologiques,
notamment dans le domaine de l’information scientifique et de
la valorisation des produits de la recherche et leur
vulgarisation ;
6-l’absence d’un statut particulier des travailleurs
scientifiques, en harmonie avec celui de l’Université. Pourtant,
CASTAFRICA I recommande l’établissement des passerelles
entre l’université et les centres de recherche ;
7-l’irrégularité dans les financements des projets de
recherche. On sait en effet qu’il faut en moyenne sept ans
d’efforts financiers soutenus pour que la création d’équipes de
chercheurs produise des résultats exploitables. Faute de
continuité dans le soutien budgétaire, entraîne généralement la
dissolution des unités de recherche et, en fin de compte, le
gaspillage des investissements initiaux ;
8-une faiblesse des données sur le potentiel scientifique et
technique du Congo. En effet au cours de ces cinquante
dernières années, le taux des scientifiques et d’ingénieurs
employés à la Recherche-Développement représente encore
une trop faible proportion de scientifiques. La conférence
- 278 -
ministérielle africaine sur la science et la technologie tenue à
Johannesburg en 2003, insistait d’ailleurs sur le renforcement
de la base des compétences humaines en augmentant le
nombre des scientifiques, ingénieurs et techniciens, la
promotion de l’application de la technique pour réaliser les
« objectifs du millénaire pour le développement » (OMD).
L’évaluation des ressources humaines affectées à l’activité
scientifique depuis l’accession du Congo à la souveraineté
internationale, n’est pas une tâche aisée, eu égard à la faiblesse
des statistiques, et ce particulièrement pour la période 1960
à1984. Quelques éléments ont pu être réunis pour l’Université
Marien Ngouabi et les centres placés directement sous la
tutelle de la délégation générale à la recherche scientifique et
technologique.
- 279 -
Tableau IV : Répartition par grades du personnel placé sous la
tutelle du ministère de la recherche scientifique au 31
décembre 1985
- 280 -
Faute d’un recrutement régulier des personnels scientifiques
et techniques, depuis plus de deux décennies, les structures de
recherche nationale souffrent d’un manque déconcertant de
personnels scientifiques de haut niveau. Ainsi, les chiffres
disponibles sont éloquents en la matière (tableaux IV et V). En
effet, à la Délégation générale à la recherche scientifique, on
compte moins de 20 maîtres et maîtres principaux de
recherche. Au niveau de l’Université Marien Ngouabi, la
même tendance à la baisse vertigineuse des effectifs est
enregistrée depuis plus de cinq ans.
- 281 -
plus déconcertant est celui de la Délégation générale de la
recherche scientifique et technologique dont les bâtiments
censés l’héberger sont toujours inachevés depuis le plan
quinquennal 1982-1986.
Certes le potentiel du Congo en matériels scientifiques et
techniques a été en grande partie détruit au cours de la période
de troubles qu’a connus le pays et qui ont affecté les activités
scientifiques en compromettant leur fonctionnement, mais il
faut dire que le pays n’a pu consentir, en faveur de la science
et de la technologie, les efforts requis pour en assurer le
renouvellement ou le renforcement des infrastructures
scientifiques et techniques.
CONCLUSION
- 282 -
une nouvelle logique de partage de la science, notamment en
centrant la coopération sur la construction commune des
connaissances.
Les moyens consacrés à la recherche et à l’enseignement
supérieur devraient augmenter au cours des prochaines années
afin de marquer ainsi la priorité que le gouvernement entend
donner à la recherche. Cette augmentation devra être
accompagnée de la volonté de renforcer l’attractivité de la
recherche et sa réactivité face aux attentes de la société. Ces
moyens devront être mis au service de trois priorités :
l’augmentation du potentiel scientifique des organismes ;
l’attractivité de la recherche auprès des jeunes chercheurs ; une
plus grande réactivité de la recherche financée plus largement
sur projets.
Au cours des prochaines années des mesures devraient être
prises en faveur des fondations ou sociétés savantes, afin que
celles-ci soient mieux mobilisées et qu’elles renforcent
l’activité de recherche en vue d’un développement
économique et social plus équilibré du Congo. Il n’est pas
aussi exagéré de dire que c’est un gâchis d’envoyer très tôt à la
retraite des scientifiques de haut niveau qui peuvent encadrer
des jeunes chercheurs et animer plusieurs équipes de
recherche.
- 283 -
CHAPITRE 10
1. L’enseignement missionnaire
Tout au début, l’enseignement est une affaire des
confessions religieuses : catholique, protestante et salutiste.
L’église catholique particulièrement s’est illustrée dans cette
œuvre. Les missionnaires catholiques suivent dans la foulée les
premiers explorateurs français. Ils prennent l’initiative de créer
les premières écoles. Viennent ensuite la mission protestante
suédoise et, dans une moindre mesure, la mission salutiste.
L’administration se borne à prendre les mesures nécessaires
pour contrôler et subventionner les premiers établissements
ouverts.
Organisation
L’école catholique
Le secteur de l’enseignement catholique est animé par le
Révérend Père Augouard et le. Révérend Père Carrie. C’est
ainsi que sont créées les missions catholiques de Linzolo et de
- 285 -
Loango en 1883, puis celles de : Brazzaville en 1887, Liranga
en 1889, Bouansa en 1892, Sainte-Radegonde en 1897,
Boundji en 1899 et Lékéty en 1900. Ces prêtres sont secondés
par les congrégations du Saint-Esprit, du Saint Sacré-Cœur de
Marie, de Saint Joseph de Cluny et des Franciscaines
missionnaires de Marie.
Aux religieuses sont confiées à Brazzaville des écoles de
filles : Sainte Thérèse à Poto-poto, Sainte Claire à Moungali,
Sainte Agnès à Bacongo et le couvent Javouhey au Centre-
ville. Parfois, elles dirigent un pensionnat pour enfants blancs.
Aux religieux (frères des écoles chrétiennes, frères
marianistes…), est réservé l’enseignement des garçons dans
les centres ou les postes de mission d’une certaine importance.
Ils dirigent des écoles primaires, secondaires, normales et des
centres de métiers.
- 286 -
Ces écoles vont produire les premiers moniteurs qui seront à
la fois des catéchistes d’abord, puis des enseignants. Il faut
donc relever que ces derniers n’auront reçu au préalable
aucune formation pédagogique pour exercer leur profession. Il
leur suffisait tout simplement de savoir lire, écrire et calculer.
Suivant, précédant même souvent la pénétration
administrative, les missionnaires catholiques intensifient leur
action. Outre un séminaire, un noviciat pour frères indigènes et
un autre pour sœurs à Loango, chaque mission est généralement
doublée d’une école dirigée par le missionnaire tandis qu’un
frère, chargé des travaux matériels, formera aussi des apprentis.
D’autres écoles sont ouvertes dans les villages les plus
importants et les missionnaires parcourent les environs pour
recruter quelques écoliers.
En 1904, il y a 30 à 40 centres dans tout le Congo, en
dehors des écoles établies près des missions elles-mêmes. En
1911, les écoles catholiques ont 15.000 élèves avec 22
instituteurs européens. L’apostolat reste assez réduit, les
missionnaires cherchant surtout à « civiliser », à diffuser la
culture française
De 1930 à 1936, beaucoup de moniteurs de l’enseignement
privé ne sont que des catéchistes avec le niveau de cours
élémentaire 1ère année et cours élémentaire 2ème année.
En 1936, deux sections de formation des maîtres de
l’enseignement catholique fonctionnent parallèlement, l’une à
Mindouli sous la direction de l’Abbé Auguste Nkounkou,
l’autre à Boundji sous la direction de l’Abbé Eugène Nkakou.
André Davesne, premier inspecteur de l’enseignement
primaire en AEF le reconnait et déclare :
- 287 -
l’administration cumulaient les fonctions de maîtres
d’écoles primaires et d’interprètes. Ils n’avaient pas
acquis la moindre notion de pédagogie théorique ou
pratique.
L’école protestante
La mission protestante suédoise est arrivée au Congo en
1909. Considérée comme étrangère dans la colonie,
contrairement au catholicisme qui est censé incarner et
172
Prosper Ngakéni, 1985, Problèmes d’éducation en République
Populaire du Congo, Heidelberg, Editions bantoues, p.58.
- 288 -
pérenniser l’idéologie des colonisateurs français, elle est à
peine tolérée.
Les missions protestantes seront plus longues à s’installer.
Les évangélistes suédois s’établissent à Madzia en 1909, à
Musana (actuellement dans le district de Louingui) en 1910, à
Brazzaville en 1911. Ils ne pourront toutefois pas créer
d’écoles avant 1911, la loi française exigeant que
l’enseignement soit donné en français.
Malgré tout, les missions protestantes ont créé plusieurs
écoles dont les plus importantes sont celles installées dans les
localités de Musana, Madzia, Kolo, Indo et Lubétsi173.
Le séminaire théologique de l’église évangélique suédoise
de Ngouédi, créé en 1942, dans la Bouenza, est en même
temps un centre de formation des moniteurs de l’enseignement
protestant ; il forme des évangélistes, catéchistes et pasteurs
autochtones. Il n’est pas en réalité un établissement
d’enseignement secondaire dans la pure tradition française.
L’école salutiste
L’armée du salut s’implante au Moyen-Congo à partir de
1937, particulièrement à Brazzaville et à Yangui, localité
située à environ 15 km de Kinkala, sur la route Kinkala-
Mindouli.
Les activités salutistes sont l’œuvre des missionnaires
suisses, français, suédois et sud-africains. Ces missionnaires
dirigent des écoles primaires, ainsi qu’une école de formation
des moniteurs ouverte à Brazzaville, puis transférée à Yangui à
partir de 1955.
Tout comme chez les catholiques et les protestants, dans ces
écoles salutistes, la première discipline enseignée est l’étude
de la bible, complétée de l’enseignement général prescrit par le
173
Rapport sur l’enseignement privé en AEF, 1936, Archives de
Brazzaville, GG 485, p.10.
- 289 -
programme de l’école laïque : les enfants apprennent le
français, le calcul, la géographie de l’AEF, l’histoire de
France, l’agriculture, l’hygiène.
Finalités
Qu’il s’agisse des écoles publiques ou des écoles
confessionnelles, les finalités de cette école coloniale restent
les mêmes. C'est-à-dire, celles fixées par l’administration
coloniale, à savoir :
174
Journal officiel, 1911, pp. 294-295.
175
Journal officiel, 1917, p. 327.
- 290 -
2. L’enseignement public au Congo (1911-1960)
Le vicariat de Loango signale que l’enseignement public
démarre en 1905 au Congo français par une école d’adultes. Le
7 septembre 1907, Martial Merlin commissaire général au
Congo-Français, étend et généralise l’enseignement public sur
tous les territoires de son ressort. La réorganisation des services
publics, qui accompagne la création du gouvernement général
de l’Afrique Equatoriale française le 15 janvier 1910, se traduit
par l’organisation du service de l’enseignement en 1911.
Organisation
C’est l’arrêté du 4 avril 1911 qui organise l’enseignement
public au Congo. L’enseignement comprend trois degrés :
l’enseignement primaire élémentaire ; l’enseignement primaire
supérieur ; l’enseignement professionnel.
- 291 -
Les écoles urbaines sont dirigées par un instituteur qui
prend le titre de Directeur d’école. Les écoles de
circonscription sont dirigées par les soins de l’officier ou du
fonctionnaire commandant la circonscription, ou l’un de ses
subordonnés. L’enseignement professionnel est placé sous la
direction d’un agent technique, désigné par le lieutenant-
gouverneur.
La circulaire du 8 mai 1925 réorganisant l’enseignement,
s’inspire de deux principes suivants :
– donner dans un délai très court les connaissances du
français parlé au plus grand nombre possible d’enfants ;
– renvoyer ces enfants dans leur milieu, avant qu’ils ne se
soient déshabitués des travaux agricoles et manuels.
Finalités
Des finalités de ce système scolaire, découle la politique
éducative coloniale qui avait pour objet principal, le maintien
et le développement du système colonial.
Les programmes étaient tournés vers les besoins de
l’économie. Les Européens craignaient surtout que
l’enseignement ne devienne un pervers, permettant aux
« indigènes » de s’élever dans la hiérarchie sociale et,
éventuellement, de devenir la source d’une contestation de
l’ordre établi et de la domination blanche.
L’enseignement devait permettre à l’indigène d’assimiler
les fondements de la culture occidentale, de les respecter et
d’en reconnaître la supériorité. Il devait également permettre
de fournir à l’économie les hommes dont elle avait besoin :
techniciens, employés, auxiliaires, contremaîtres…
- 292 -
secondaire, supérieur), mais également adaptées aux besoins
de la colonie et aux réalités du terrain. L’enseignement public,
créé et géré par l’administration coloniale, est encore jeune.
L’œuvre scolaire est encore timide, retardant ainsi la formation
d’une élite moderne. Avant 1935, le Moyen-Congo ne
disposait que des écoles de village, avec un niveau primaire
élémentaire telles, l’école de Bacongo et la grande école de
Poto-Poto, créées respectivement en 1921 et en 1930.
En 1933, on dénombre au Moyen-Congo 42 enseignants et
2411 élèves, comme le montre le tableau n° 1.
Bas-Congo 1 9 595 0
Bouenza-Louesse 0 3 309 0
Chemin de fer 0 1 20 0
Haut Ogooué 0 1 27 3
Mvouti 0 0 0 0
Kouilou 2 5 222 0
Alima-Léfini 0 2 94 0
Likouala- 0 3 124 10
Mossaka
Ngoko-Sangha 0 1 198 3
Haute-Sangha 0 2 191 6
- 293 -
Bas-Oubangui 0 0 0 0
Total 7 35 2384 22
T = 2411
Source : Archives Brazzaville, 150, IGE.
- 294 -
En dix ans, de 1946 à 1956, le nombre d’élèves ne fit plus
que décupler dans l’enseignement primaire, comme le montre
ce tableau176.
176
Marcel Soret, op.cit., p. 183.
- 295 -
Champagnat de Makoua (1957), ces deux derniers pour
l’enseignement privé subventionné.
L’enseignement du second degré réorganisé en 1959,
correspond à celui de la Métropole. Il est donné dans des cours
secondaires, lycées, collèges modernes aux élèves européens et
africains.
Avant l’indépendance, le Congo compte six centres de
formation des maîtres : Mouyondzi, Dolisie, Makoua,
Brazzaville (Chaminade ; Javouhey) et Ngouédi.
Il n’y a aucune école normale devant former les professeurs
de l’enseignement de second degré.
- 296 -
L’enseignement qui est gratuit, est dispensé dans les
établissements publics et privés. Cette gratuité s’étend aux
fournitures scolaires. Les enseignants des établissements
assimilés sont pris en charge par l’Etat.
Le tableau ci-après montre l’évolution de la situation
scolaire de l’enseignement primaire, de 1960 à 1965.
La nationalisation de l’enseignement
Elle intervient deux ans après la « Révolution des 13, 14 et
15 août 1963 ». Les confessions religieuses sont écartées de
tout enseignement. Seul l’Etat congolais a désormais le
monopole du système éducatif.
D’autres facteurs ont également contribué à la
nationalisation de l’enseignement. Il s’agit notamment des
conférences africaines sur l’éducation, la conférence de
Brazzaville de 1944 et celle d’Addis-Abeba de 1961.
- 297 -
La Conférence de Brazzaville avait déjà fait un certain
nombre de recommandations, dont les points essentiels sont :
- l’amélioration de la qualité de l’enseignement aux fins
d’aboutir à la formation d’une élite vouée à la cause de la
Métropole ;
- la création des écoles dans les villages présentant plus
de 50 enfants ;
- la facilitation de la scolarisation des jeunes filles ;
- la formation en nombre suffisant des instituteurs et
institutrices ;
- l’ouverture en nombre suffisant d’écoles
professionnelles, d’écoles primaires et d’établissement
d’enseignement spécialisé indispensables à la formation d’une
élite africaine.
- 298 -
engendrer des changements sociaux nécessaires et impulser
l’évolution vers le progrès, la justice et la liberté.
Les objectifs de la nationalisation
La nationalisation de l’enseignement s’assigne les objectifs
ci-après :
– éduquer les jeunes Congolais en éveillant en eux la
conscience critique de la condition de leur peuple, tout en
développant en chaque individu les valeurs du travail ainsi que
les valeurs culturelles de la société congolaise ;
– inculquer et renforcer le sens patriotique et le dévouement
pour toutes les causes d’intérêt national ;
– conférer des savoirs généraux, scientifiques et techniques
de façon à promouvoir la nation congolaise ;
– dispenser une nouvelle forme d’éducation de façon à créer
des liens étroits entre l’école et le travail ;
– participer à l’élévation du niveau intellectuel ;
– employer les langues nationales comme véhicule de la
pensée et de la science ;
– contribuer au développement économique du pays en
fournissant en quantité voulue et dans la qualité convenable
des cadres, non pas au rabais, mais nécessaires à l’activité
nationale ;
– démocratiser les structures et les contenus de
l’enseignement en les adaptant aux réalités du pays ;
– articuler convenablement les opérations d’éducation ; de
formation et d’emploi en liaison étroite avec l’environnement
ou le milieu local de vie.
- 299 -
Les résultats obtenus
La nationalisation de l’enseignement a réalisé un bond
spectaculaire sur le plan de la démocratisation, des
infrastructures scolaires, des effectifs scolaires et du personnel
enseignant.
La période qui court après la nationalisation de
l’enseignement a largement contribué à la création des
établissements scolaires, en grand nombre, conformément aux
objectifs fixés par la loi n°32/65 du 12 août 1965. L’article 1er
de cette loi stipule : « Tout enfant vivant sur le territoire de la
République du Congo a droit, sans distinction de sexe, de
croyance, d’opinion ou de fortune, à une éducation ».
- 300 -
Cycle Enseigne- Enseigne- Enseigne- Enseignement Enseigne-
d’ensei- ment ment ment 2ème degré ment
gnement primaire secondaire secondaire (lycée secondaire
1er degré 1er degré général) 2ème degré
(CEGP) (CET) (lycée
technique)
1971 241.101 27.099 1.089 3.272 597
1972 262.111 32.875 1.363 4.555 943
1973 277.384 43.894 1.378 6.090 1.186
1974 293.138 58.308 1.900 8.402 1.433
1975 307.194 69.334 2.121 12.207 1.748
1976 319.101 80.534 2.854 13.742 2.490
1977 330.456 98.138 4.009 16.203 2.952
1978 345.736 108.632 5.036 18.578 2.498
1979 558.761 118.958 5.598 19.567 4.035
1980 383.018 129.636 4.927 19.221 4.180
1981 390.676 145.638 8.534 23.080 4.083
1982 6.835 154.653 9.088 2.976 4.185
1983 419.000 165.000 9.845 35.000 4.685
Source : INRAP, 1983, opt.cit., p.18.
- 301 -
Tableau n° 5 : Évolution du personnel enseignant de 1965 à 1983
- 302 -
Le colloque de novembre 1970177 sur l’enseignement fait un
diagnostic sur l’école en ces termes :
177
Revue mensuelle, « Ecole du peuple », n° 3, p.17, décembre 1976 ;
Revue mensuelle, « Ecole du peuple », n° 4, p. 28, novembre 1977.
- 303 -
2ème cycle : Fixation
Le contenu des programmes prévoit : les mathématiques, la
géographie, les sciences physique et chimie, les sciences
naturelles, l’histoire contemporaine, la langue, les arts
ménagers.
La formation politique sur le marxisme-léninisme entre dans
le corps des disciplines comme l’histoire, la géographie.
A. Ecole d’agriculture
B. Ecole de santé
C. Ecole des travaux publics
D. Ecole des instituteurs
E. Ecole de mécanique et d’électricité
- 304 -
La loi 008/90 du 6 septembre 1990 répond aux
conclusions du colloque-bilan de 1988 et au vent de la
démocratisation qui souffle dans le monde. Elle libéralise
l’enseignement.
- 305 -
préoccupations idéologiques du Parti congolais du travail
(PCT) ;
– orienter et innover les activités pédagogiques des écoles
normales et autres établissements de formation dont il assure la
tutelle ;
– assurer la formation permanente des enseignants par le
biais des cours par correspondance et des séminaires
pédagogiques ;
– doter les écoles de manuels et matériel didactique
conformes à l’esprit de « l’école du peuple » ;
– coopérer avec les autres institutions qui poursuivent un
but similaire ;
– promouvoir l’enseignement rural ;
– développer les méthodes et techniques nouvelles,
notamment celles de l’audio-visuel ;
– parfaire et publier les travaux d’enquêtes réalisés au
niveau des régions 178.
3. L’Enseignement supérieur
Parallèlement, l’enseignement supérieur connaît un
développement progressif. L’histoire de l’enseignement
supérieur au Congo est liée au fil du temps à celle des relations
entre la France et le Congo d’une part, et à celle de la
promotion de celui-ci en Afrique Centrale d’autre part.
178
Historique de l’Institut National de Recherche et d’Actions
Pédagogiques, Brazzaville, Imprimerie Nationale, n° d’impression 115, n°
d’édition 13.
- 306 -
En 1958, est créé l’Institut d’Etudes Supérieures à
Brazzaville par la France. Le 3 décembre 1959, cet Institut se
transforme en Centre d’Etudes Administratives et Techniques
Supérieures (CEATS) avec siège à Brazzaville.
En 1960, est signé le premier accord entre la France et le
Congo en matière d’enseignement supérieur. Cet accord est
relatif à la création du Centre d’Enseignement Supérieur de
Brazzaville (CESB), né sur les cendres du Centre d’Etudes
Administratives et Techniques Supérieures (CEATS). Le
CESB est « un établissement public de droit français géré par
la République française et dont les terrains, les bâtiments et les
installations sont propriété française »
- 307 -
par ordonnance n° 29/71 du 4 décembre 1971 et ouvre ses
portes en octobre 1972.
En octobre 1973, l’ENSAC devient l’Institut Supérieur des
Sciences de l’Education (INSSED).
Le 28 juillet 1977, l’Université de Brazzaville change de
nom et devient Université Marien Ngouabi, en reconnaissance
de l’action très remarquable de ce président de la République
(1968-1977) en milieu universitaire.
- 308 -
Ce bilan abordé sous l’angle de la politique globale du
système et de la politique sectorielle est jugé insatisfaisant. En
effet, le projet de l’Ecole du Peuple n’a pas été réalisé dans son
orientation et son contenu.
C’est sur la base de ce bilan que la Conférence nationale
souveraine a dégagé une nouvelle politique en vue d’améliorer
la qualité de l’éducation. L’acte n° 068/91 de la Conférence
nationale souveraine, publié le 21 juin 1991, charge le
Gouvernement de transition de réviser la loi scolaire n° 008/90
du 6 septembre 1990 portant réorganisation de l’enseignement.
C’est bien plus tard, cinq ans après, que la loi scolaire 25/95
du 17 novembre 1995 est publiée. Elle modifie la loi scolaire
n°008/90 du 6 septembre 1990 et réorganise le système
éducatif en République du Congo. La nouvelle loi scolaire
définit les finalités, les buts, les objectifs et le fonctionnement
de l’éducation. Elle confirme les dispositions de la précédente
loi en ce qui concerne la libéralisation de l’enseignement et
l’existence des établissements privés.
- 309 -
augmenter et mieux équiper les structures éducatives à tous les
niveaux, multiplier les écoles d’excellence pour former les
élites, généraliser l’usage des nouvelles technologies de
l’information et de la communication, promouvoir la
formation qualifiante et l’apprentissage, faire passer le taux
des enfants ayant accès à l’enseignement primaire de 80 %
aujourd’hui à quasiment 100 % en 2016.
CONCLUSION
- 310 -
CHAPITRE 11
INTRODUCTION
- 311 -
Ces écosystèmes sont propices à l’éclosion de nombreuses
maladies tropicales, notamment les maladies infectieuses et les
maladies parasitaires.
- 312 -
montré que ce réseau de formations sanitaires ne fonctionnait
pas comme un ensemble efficace et cohérent : la répartition
géographique n’était pas équitable, il y avait de longues files
d’attentes des patients en milieu urbain, un mauvais accueil
des malades par les personnels de santé et une pénurie
chronique en médicaments et fournitures …
De ce fait, la recherche d’un niveau d’équité et de
satisfaction des besoins les plus importants des populations en
matière de santé devenait la préoccupation majeure. Pour ce
faire, le Congo a adopté le même scénario de développement
sanitaire que les autres pays africains. Plusieurs expériences
ont été initiées dans tous les pays, en collaboration avec les
agences de coopération internationale. Ces expériences étaient
caractérisées par des coûts abordables pour les populations, la
gestion et la planification des services et le recouvrement des
coûts récurrents, etc.
179
PNDS 1992-1996
- 313 -
– le renforcement des services de santé de base (dispensaires,
centres de protection maternelle et infantile, infirmeries, postes
de santé, centres de santé intégrés) par l’intégration
progressive des activités curatives, éducatives et
promotionnelles ;
– le développement des soins hospitaliers spécialisés, avec
la création des hôpitaux régionaux dans les chefs-lieux de
régions, des hôpitaux de base dans les chefs-lieux de district,
des hôpitaux secondaires urbains, des hôpitaux généraux ;
– l’approvisionnement et la distribution des médicaments.
- 314 -
– la déclaration des soins de santé primaire (Alma Ata,
1978) ;
– la Charte de Développement Sanitaire en Afrique (Lagos,
1980) ;
– la Scénario Africain de Développement Sanitaire (Lusaka,
1985) ;
– la Déclaration sur l’Initiative de Bamako (Bamako,
1987) ;
– la Déclaration des Chefs d’Etat et de Gouvernements de
l’OUA intitulée « Santé : base du développement en Afrique »
(Addis-Abeba, 1987) ;
– la ratification de la Convention Internationale sur les
Droits de l’enfant (1990.
- 315 -
santé, ont contribué à priver une grande partie de la population
d’un de ses droits fondamentaux à savoir, le droit à la santé.
Depuis 2000 et à l’issue de la guerre de juin 1997, le Congo
a adopté une Politique Nationale de Santé qui a été déclinée en
un Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) pour la
période 2007-2011. De ce PNDS, il a été conçu un programme
de développement sectoriel à moyen terme (2008-2012) appelé
Programme de Développement du Système de Santé (PDSS)
Ce programme découle d’un Programme de travail holistique
et détaillé qui a été élaboré en étroite collaboration avec les
principaux partenaires au développement du Congo,
notamment la Banque Mondiale, l’UE, l’AFD, l’OMS, le
FNUAP, le PNUD et l’UNICEF.
En 2007, une feuille de route nationale pour l’accélération la
réduction de la mortalité maternelle, néonatale et infantile a été
adoptée pour lutter contre la mortalité élevée de la mère et de
l’enfant.
3. La formation du personnel
La majorité du personnel de santé est formé sur place. On
compte comme structures de formation :
– la Faculté des Sciences de la Santé, qui forme des
médecins, des licenciés en sciences infirmières, en santé
publique et en laboratoire.
– l’École Nationale d’administration et de Magistrature, qui
forme des agents de développement social et des
administrateurs civils ;
– le Centre Inter-états d’Enseignement Supérieur en Santé
Publique d’Afrique Centrale (CIESPAC), qui forme le
personnel de santé publique dans le domaine du laboratoire et
des médecins spécialistes en santé publique ;
– des écoles de formation paramédicale et médico-sociale
qui forment des assistants sanitaires, infirmiers diplômés
d’Etat, des sages femmes, des assistants sociaux, des assistants
- 316 -
de laboratoire, des préparateurs en pharmacie et des agents
techniques ;
– des centres de formation professionnelle féminins qui
forment des auxiliaires puéricultrices ;
– une autre partie du personnel est formé à l’extérieur du
pays (URSS, Cuba, France, Sénégal, Roumanie…)
180
PNDS 1992-1996.
- 317 -
d’odontologie notamment en milieu urbain. Le centre de santé
intégré représente actuellement la base, le premier niveau de
soins de notre système de santé ;
– l’hôpital de base (exemple Hôpital de base de Tié-Tié à
Pointe-Noire, Hôpital de base de Tala-Ngai à Brazzaville,
Hôpital de base de Mouyondzi, Hôpital de base de
Makélékélé, Hôpital de base de Djambala, etc.). Il est implanté
au chef-lieu du district et assure à la fois des activités de
dispensaire et les hospitalisations pour enfants et les femmes
(maternité et accouchements), la médecine adulte et la
chirurgie ;
– l’hôpital régional ou communal, implanté soit au chef-lieu
du département, soit dans une commune. Il assure la
couverture de toutes les maladies médicales et chirurgicales.
Toutes les grandes spécialités médicales et chirurgicales y sont
représentées. Le plus souvent, on y pratique de la chirurgie
générale, de la médecine générale et la maternité. Sa capacité
d’accueil varie entre 100 et 200 lits ;
– l’hôpital général (exemple : hôpital général d’Impfondo,
hôpital général de Zanaga, hôpital général Adolphe Sicé de
Pointe-Noire, etc.), qui assure la prise en charge de toutes les
spécialités. La capacité d’accueil varie entre 200 et 800 lits ;
– l’hôpital universitaire. C’est l’établissement de soins au
sommet de la pyramide des formations sanitaires. Trois
missions lui sont assignées : la dispensation de soins médicaux
d très haut niveau, la recherche biomédicale, l’enseignement.
Le Centre Hospitalier et Universitaire de Brazzaville est le seul
établissement de ce type.
II - Situation épidémiologique
- 318 -
maladies non infectieuses, principalement les maladies
cardiovasculaires et le diabète.
Le profil épidémiologique est marqué par la prédominance
des maladies infectieuses, la recrudescence des maladies
transmissibles (tuberculose, trypanosomiase, schistosomiase)
et la progression inquiétante du VIH/SIDA.
1. Maladies transmissibles
Paludisme
En 2006, le paludisme a été la première cause de morbidité
avec 55,1 % des motifs de consultation. Au total, 157.757
cas181 ont été notifiés pour 253 décès enregistrés, soit un taux
de létalité égal à 0,16 %. Les enfants de moins de 5 ans,
représentent 41,6% des cas, avec un taux de létalité de 74,3 %.
La situation du paludisme au Congo est préoccupante.
Plusieurs facteurs sont incriminés :
– la résistance du plasmodium aux antipaludiques usuels
observée dans tout le pays (chloroquine : 80 à 90 % ;
sulfadoxine-pyriméthanine : 15 à 30 %), a conduit à changer le
protocole de traitement du paludisme en 2006 ;
– la pénurie fréquente de médicaments dans les formations
sanitaires ;
– le non-respect des schémas thérapeutiques basés sur les
dérivées de l’artémisinine, préconisés par la politique nationale
de lutte contre le paludisme ;
– la faible utilisation de la moustiquaire et des matériaux
traités à l’insecticide ;
– la non application des autres orientations de la lutte
intégrée contre les vecteurs, notamment celles en rapport avec
l’assainissement du milieu.
181
EDSC – 1 Congo CNSEE, 2005.
- 319 -
Tuberculose
En 2005, au total 9.959 cas ont été détectés, soit un taux
d’incidence annuelle de 350 cas pour 100 000 habitants, dont
40,6% de Tuberculose pulmonaire à bacilloscopie positive
(TPM+). La couche de la population la plus atteinte est celle
âgée de 15 à 44 ans, avec 75 % de tous les malades. Cette
incidence élevée serait attribuée à de multiples facteurs,
notamment :
– la co-infection avec le VIH : le taux de séroprévalence du
VIH chez les malades chez qui on a trouvé le bacille dans les
crachats est de 17 %182 ;
– la faible capacité de détection des cas, étant donné que les
centres de diagnostic et de traitement ne sont situés pour la
plupart de cas que dans les chefs-lieux des départements ;
– la forte proportion des personnes qui abandonnent le
traitement, évaluée à 27 % en 2004 ;
– la précarité des conditions de vie de la population dont 50
% vit en dessous du seuil de pauvreté ;
– la faible intégration du programme de lutte contre la
tuberculose dans les activités des formations sanitaires
ambulatoires.
182
Rapport PNLT/DLM 2005.
183
Rapport de l’enquête CREDES/ CNLS 2003.
- 320 -
taux de prévalence par chefs lieux de départements et
communes.
12
10,3
10 9,4
Taux 6
5
4,7
4 3,6
3,3
2,6 2,6
2 1,5
1,3
0
Bzv PNR Dis Sbti Mgou Nkyi Kla Djbla Owdo Ipfdo
Localités
- 321 -
réfugiées, les personnes handicapées, les malades mentaux, les
toxicomanes et le personnel de santé ;
– et une propagation de l’infection à VIH dans les
communautés favorisée par la pauvreté, le faible niveau
économique de la femme, la résistance à l’utilisation du
préservatif, le vagabondage sexuel et la prostitution, le déni de
l’existence du SIDA et la recrudescence des violences
sexuelles.
- 322 -
Maladies diarrhéiques
En 2002, au total 19 411 cas de maladies diarrhéiques ont
été notifiés, comprenant 55,4 % de diarrhées simples, 22,6%
de gastro-entérites, 14,7 % d'amibiases et 7,4 % de shigelloses.
En outre, les maladies diarrhéiques arrivaient au cinquième
rang des principales causes de décès dans les hôpitaux en
2002.
La thérapie de réhydratation par voie orale constitue
l’essentiel du traitement de ces maladies. Son utilisation au
niveau des ménages est passée de 41 %, en 1994, à 64% en
2000184. Ce qui est encourageant.
Schistosomiase urinaire
Elle sévit dans plusieurs foyers avec des taux de prévalence
qui varient entre 5 et 35 % en milieu scolaire. Au total, 2018
cas ont été enregistrés en 2002, répartis entre les départements
de la Bouenza (62,9 %), du Kouilou (19,1 %), de Brazzaville
(10,4 %) et du Niari (6,2 %). Une recrudescence de la
schistosomiase a été observée dans les anciens foyers du Niari,
de la Bouenza, du Kouilou et s’accompagne d’une extension
184
Ministère de la santé, 2002, Rapport annuel d’activités du Programme
National de lutte contre la tuberculose.
- 323 -
de la maladie dans d’autres départements, notamment ceux de
la Lékoumou.
Lèpre
Fin 2005, au total 215 cas ont été enregistrés, soit un taux de
prévalence de 0,67 % pour 10.000 habitants. Les enfants
représentent 9,1 % de ces nouveaux cas. Par ailleurs, 207 cas
ont été détectés, qui représentent un taux de détection de
0,64 % pour 10.000 habitants. Le pourcentage des personnes
qui sont atteintes par plusieurs bacilles de cette maladie parmi
les nouveaux cas est de 79,2 %.
Ulcère de Buruli
L'Ulcère de Buruli a fait son apparition au Congo en 2000
dans les Départements du Kouilou, du Niari et de la Bouenza.
En 2005, au total 293 cas cumulés ont été enregistrés dont
77,8 % dans le Kouilou, 12,3 % dans le Niari et 12,1 % dans la
Bouenza.
Onchocercose
L’onchocercose, maladie responsable de la cécité, sévit
principalement dans trois foyers : le bassin du fleuve Congo
avec son affluent le Djoué, le bassin du fleuve Kouilou-Niari
et le bassin de l’Oubangui. Les deux premiers sont hyper
endémiques.
Environ 700.000 personnes sont exposées à l’onchocercose
dans les deux grands foyers. Chez les adultes, les taux de
cécité de type 1 et de type 2 sont respectivement de 1,7 % et de
3,4 % en zone d’endémie, contre 0,5 et 0,7 % en zone non
onchocerquienne.
L’adhésion des populations au traitement par le médicament
appelé Ivermectine est en évolution ; elle a concerné 65 % des
personnes atteintes de la maladie au cours de ces dix dernières
années.
- 324 -
La couverture géographique correspondant au pourcentage
des villages à traiter, couverts par la distribution de
l’Ivermectine, était de 92,3 % en 2002. L’objectif annuel de
traitement de la population éligible visée étant de 435.565
personnes, la couverture thérapeutique correspondant au
pourcentage de la population totale de la zone cible hyper et
méso endémique, traitée n'était que de 22,8 %.
Rougeole
Depuis l’année 2005, un net recul de l’incidence de la
maladie est observé. Cette évolution résulte des effets
conjugués des activités de vaccination de routine et des
campagnes de vaccination organisées en 2005. C’est ainsi que
le taux de couverture vaccinale contre la rougeole est passé de
55,6 % en 2005 à 63,3 % en 2006. En 2006, 183 cas de
rougeole ont été notifiés sur l’ensemble du territoire, dont 5
décès185.
185
Rapport de la Direction de l’Epidémiologie et de la Lutte contre la
Maladie, 2006.
- 325 -
Poliomyélite
Le Congo, comme beaucoup de pays d’Afrique noire, a
adopté la stratégie appelée « initiative éradication de la
poliomyélite » et, depuis 2001, aucun cas de poliovirus
sauvage n’a été signalé. Toutefois, le Congo reste un pays à
haut risque d’importation du virus parce qu’il est entouré de
pays où ce virus circule (Tchad, Centrafrique, Angola,
République Démocratique du Congo).
Fièvre jaune
En 2006, 99 cas ont été notifiés dont 2 décès. Il faut noter
que depuis l’introduction du vaccin antiamarile, la régression
de la maladie est perceptible en milieu hospitalier. Ici
également, des faiblesses de la surveillance épidémiologique
sont observées.
Méningites
En 2006, au total 163 cas, dont 27 décès dus à la méningite
purulente, ont été enregistrés dans les formations sanitaires. En
dépit de ce que la méningite cérébro-spinale fait partie des huit
maladies à potentiel épidémique, sa surveillance n’est pas
encore organisée. Les laboratoires de plusieurs hôpitaux de
districts ne disposent pas toujours de techniciens de laboratoire
ayant une formation appropriée ; le plateau technique, les
réactifs et consommables requis font également défaut.
- 326 -
Choléra
Après les épidémies observées en 1998 (160 cas, dont 11
décès), 1999 et 2001 à Brazzaville et à Pointe-Noire, aucun cas
n’a été notifié sur l’ensemble du territoire depuis lors.
Monkey pox
Une épidémie de Monkey pox a sévi dans le département de
la Likouala en juin 2003. Au total, 10 cas ont été notifiés et
- 327 -
confirmés par le Centre de Contrôle des Maladie (CDC)
d’Atlanta aux Etats Unis. Aucun décès n'a été enregistré.
186
Situation nutritionnelle au Congo Brazzaville, MSP, URNAH,
Médecins d'Afrique; Rapport d'enquête 2000.
- 328 -
plus touchés sont la Likouala (19,1 %), la Cuvette (15,8%) et
la Sangha (13,3 %).
Par ailleurs, les taches de Bitot, symptôme de la carence en
vitamine A, sont observées en milieu urbain chez 6,2 % des
enfants et 9,7 % des femmes. En milieu rural, ces taux
s'élèvent respectivement à 12,6 % et à 10,1 %. Ces
observations indiquent que la carence en vitamine A est un
réel problème de santé publique au Congo, notamment dans
certaines zones écologiques (Cuvette Ouest, Plateaux, Pool,
Lékoumou et Niari).
Hypertension artérielle
En 2006, au total 4586 cas d’hypertension artérielle (HTA)
ont été enregistrés. L’hypertension artérielle reste la première
maladie cardiovasculaire observée chez l’adulte au Congo.
Une enquête187 sur l’hypertension artérielle et les autres
facteurs de risque cardiovasculaires réalisée à Brazzaville en
2004 auprès de 2095 sujets, a montré que 32,5 % d’entre eux
étaient hypertendus, plus particulièrement les sujets âgés de
54-65 ans (68,2 %). La maladie atteint aussi les sujets jeunes
de 25-34 ans (19 %), touche toutes les classes sociales, aussi
bien dans les zones urbaines que rurales.
Diabète sucré
En 2004, 491 cas ont été enregistrés, dont 6 décès dans les
registres des services hospitaliers. On estime que cette maladie
toucherait environ 20.000 personnes.
Cancers
En moyenne, 80 à 90 nouveaux cas sont notifiés par année
dans le registre des cancers du service de cancérologie du
187
G: Kimbally Kaky, 2004, ¨ Enquête sur HTA et les autres facteurs de
risque à Brazzaville, juin (ronéo).
- 329 -
CHU de Brazzaville. Le cancer du col de l'utérus arrive au
premier rang, suivi respectivement par celui du sein (17 %) et
le cancer primitif du foie. La plupart des malades arrivent à un
stade très avancé de la maladie et très peu d’entre eux ont
accès à un traitement.
Drépanocytose
Une étude, effectuée en 1986 sur le sang du cordon
ombilical de nouveau-nés, a montré que 22,25 % des sujets
étaient hétérozygotes et 1,25 % homozygotes188.
La drépanocytose est l'une des principales causes des
hospitalisations enregistrées dans les services de pédiatrie. Les
manifestations de cette maladie sont souvent déclenchées par
une autre maladie (paludisme, infections respiratoires aiguës,
malnutrition, diarrhées, …). C’est pourquoi les décès dus à la
drépanocytose sont difficiles à recenser, car ils surviennent
souvent dans un tableau d’anémie sévère ou d’infection.
3. Santé de la reproduction
Le taux de mortalité maternelle reste élevé, estimé à 781
pour 100.000 naissances vivantes, malgré le fait que les
grossesses sont suivies dans 88 % des cas de femmes
enceintes189 et que 86 % d’entre elles accouchent en présence
d’un personnel de santé 190. Ce taux de mortalité maternelle
figure parmi les plus élevés des pays africains à
développement humain moyen. Elle est attribuée
principalement aux avortements provoqués, (41 %) aux
complications infectieuses des césariennes, (31,6 %) aux
hémorragies (10 %), et à l’hypertension artérielle en rapport
avec la grossesse (8,5 %).
188
Rapport annuel DLM/DGS 2002.
189
EDSC 1 2005 Congo/CNSEE.
190
EDSC 1 2005 Congo/CNSEE.
- 330 -
Cette mortalité élevée s’explique par la faible qualité des
soins et services fournis aux femmes pendant la grossesse et au
moment de l’accouchement. D’autres facteurs sont incriminés :
la faible utilisation du traitement préventif intermittent du
paludisme pendant la grossesse (3 %), la faible utilisation des
moustiquaires imprégnées d’insecticides (7 %) et des méthodes
contraceptives (13 %).
5. Santé bucco-dentaire
L’enquête réalisée par la Direction de la Santé de la Famille
en 2002 en milieu scolaire, avait révélé que 30% d’élèves
interrogés et examinés ont reconnu avoir souffert de la carie
- 331 -
dentaire. Malheureusement, cette étude n’avait pas permis
d’apprécier la prévalence des autres affections bucco-dentaires
telles que la stomatite gangreneuse, le noma, le cancer de la
bouche, les manifestations bucco-dentaires de l’infection à
VIH, les traumatismes et les kystes des maxillaires.
6. Santé mentale
Les pathologies mentales les plus courantes dans la Région
africaine de l’OMS191 comprennent des troubles mentaux
courants : la dépression, la schizophrénie, l’épilepsie, les
problèmes de santé mentale des enfants, les troubles mentaux
d’origine organique, les troubles dus aux stress post
traumatiques, l’usage et l’abus des substances psycho actives.
En l’absence de données fiables, l’ampleur de ces pathologies
est encore mal connue au Congo.
Toutefois, des facteurs aggravant la mauvaise santé mentale
sont bien présents. Il s’agit notamment : des stress post
traumatiques qui ont suivi les conflits sociopolitiques
récurrents que le Congo a connus, l’augmentation du chômage,
l’accroissement de la pauvreté au sein de la population, le
manque de structures sociales pour assister les plus
vulnérables, l’augmentation de la consommation des
substances psycho-actives, l’augmentation des actes de
violence en particulier les viols de femmes et d’enfants, les
ravages du VIH et du SIDA.
Afin de mieux faire face aux problèmes de santé mentale, le
Congo dispose depuis 2002 d’une stratégie nationale de santé
mentale.
191
OMS, 1999, Stratégie régionale de la santé mentale, 49ème réunion
du Comité régional pour l’Afrique, Windhoek, septembre.
- 332 -
7. Handicaps et réadaptation
Une étude réalisée en 2002 à Brazzaville et à Pointe- Noire
montre qu’on retrouve un pourcentage élevé de handicaps
auprès des sujets âgés de 10 à 39 ans. Trois types de handicaps
majeurs sont notés dans 80 % des cas : surdité (37,3 %),
paralysies (32,8%) et cécité (27,9 %).
- 333 -
– améliorer l’état de santé des populations des zones
endémiques par la réduction des cas de maladie ;
– faire que la maladie ne soit plus un problème de santé
publique ;
– amener la population, par la sensibilisation, à se prendre
en charge.
Les activités de ce programme sont intégrées dans celles des
centres de santé. A côté, des équipes mobiles d’agents sont
déployées dans les zones hyper endémiques. Le programme
dresse la carte des points de transmission de la maladie. Il fait
une surveillance épidémiologique régulière des foyers
sentinelles et le traitement sélectif des cas positifs. Il assure le
contrôle de l’extension de la maladie avec la participation de la
population. Il fait la sensibilisation de la communauté pour
l’assainissement de l’environnement afin d’éviter le contact
des populations avec le parasite responsable de la maladie ;
- 334 -
santé. Des agents vaccinateurs sont constitués en équipes
mobiles pour rattraper les enfants qui ont manqué des vaccins.
- 335 -
CHAPITRE 12
INTRODUCTION
- 337 -
thèse de Doctorat en histoire de Scholastique Dianzinga192 et le
livre de Catherine Coquery-Vidrovitch193 qui sont d’une valeur
inestimable quant à l’éclairage qu’ils apportent sur la situation
de la femme congolaise.
En effet, la thèse de Doctorat de Scholastique Dianzinga est
d’une grande richesse sur les rôles et les statuts de la femme
ainsi que les pouvoirs qu’elle a détenus et assumés dans la
société congolaise, depuis les origines jusqu’à l’indépendance
du Congo. Mais, cette recherche ne couvre pas la totalité des
périodes et des situations, du fait de leur hétérogénéité.
En conséquence, l’une des tâches urgentes aujourd’hui
consiste à lancer un mouvement de recherche historique avant
l’œuvre de restauration de la confiance de la femme congolaise
en elle-même, confiance perdue assurément lors des chocs
engendrés, mais souvent imposés par les processus de
conditionnement, d’évangélisation et de colonisation. Aussi,
écrire l’histoire des femmes, c’est chercher à rendre visible ce
qui a été oublié ou perdu ou même jamais discerné. La
nécessité pour les femmes congolaises de connaître leur
histoire n’est plus à démontrer. C’est une démarche qui
éclairera leur conscience et leur restituera le rôle d’actrices de
l’histoire de leur peuple et de leur pays.
La célébration, le 15 août 2010, du Cinquantenaire de
l’accession du Congo à la souveraineté nationale, fournit une
occasion en or à la Nation pour inscrire dans son histoire
quelques pages dédiées à la femme congolaise.
- 338 -
I- La situation de la femme dans les sociétés précoloniale et
coloniale
L’histoire de la femme congolaise de manière générale, se
confond avec l’histoire des femmes du monde. Les femmes, à
travers le monde, ont souvent été méprisées, sous-estimées,
marginalisées, exploitées et maltraitées par leurs partenaires,
les hommes, qui ont longtemps jeté l’anathème sur leurs
pouvoirs, les rôles qu’elles ont joués et les places qu’elles ont
occupés dans leurs communautés respectives.
En interrogeant l’histoire ancienne de la société congolaise,
en écoutant ce qui reste de la tradition orale, principale source
d’information de cette époque précoloniale et coloniale, on
fera remonter des profondeurs, les richesses enfouies dans les
consciences et le subconscient de l’humanité congolaise sur la
condition de la femme. Après cette maïeutique, on pourrait
alors commencer l’œuvre de « déconstruction » des préjugés
élaborés patiemment dans différents domaines, autour de
l’infériorité de la femme et de son incapacité à exercer les
pouvoirs et à occuper des postes de haut niveau et lui redonner
alors toute la considération, toute la dimension que les sociétés
congolaises « dites masculines » ont pourtant accordées à la
femme, fruit d’une reconnaissance tacite de la suprématie de
celle-ci sur l’homme, à certains égards. Suprématie perçue et
captée à travers la division du travail. Les femmes ont, en
effet, reçu plusieurs responsabilités dans leurs sociétés. Leur
analyse en dit long sur la place qui leur revenait dans l’univers
familial, économique et socioculturel.
1-Pouvoirs et rôles des femmes dans la société congolaise
Dans les sociétés précoloniale et coloniale, les femmes
détenaient des pouvoirs réels qui apparaissent à travers la
division du travail opérée par les hommes. Des pouvoirs
politiques, juridiques, et magico-religieux ; des pouvoirs
- 339 -
économiques et sociaux, (productrice et génitrice, éducatrice et
gardienne des valeurs ancestrales) aux pouvoirs de médiatrice
et de régulatrice en cas de conflits, que de responsabilités pour
des personnes que l’on traite d’inférieures et d’incapables !
- 340 -
Combiabéka est une corpulente personne à cheveux
gris, à l’air digne et à la bouche impérieuse ; elle est
très obéie de ses esclaves et des hommes de son
village, très connue aussi des indigènes qui
commercent dans la rivière et qui ne manquent
jamais de s’arrêter chez elle. Elle se livre elle-même
activement au commerce de l’ivoire et des esclaves
et ses pirogues, toujours bien équipées, sont sans
cesse en route sur la Sangha ou la Likouala. Outre
Bonga, Combiabéka possède dans l’intérieur, le
long de la crique, un autre village entièrement
peuplé de ses esclaves”.
- 341 -
Les femmes se dressèrent aussi contre les missionnaires
catholiques. En 1933, des femmes fréquentant la mission
catholique de Linzolo refusèrent les petites médailles qui leur
avaient été offertes196.
Pendant que leurs aînées se battaient pour arracher des
victoires au plan politique dans les années de pré indépendance
(1953 -1955), des jeunes filles de 10 à 13 ans, livrèrent un
autre combat contre un système inégalitaire à Brazzaville au
niveau de l’institution religieuse Saint Joseph de Cluny,
d’Anne Marie-Javouhey, où filles noires et filles blanches
évoluaient dans deux systèmes de séparation, aux conditions
de vie différentes. Marie-Françoise Dambendzet, Jeanne
Dambendzet et Mabel Seshie (togolaise), résistèrent jusqu’au
changement radical, c’est à dire la suppression des barrières
entre les communautés noires et blanches 197.
Il faut noter au passage qu’avant la colonisation, le royaume
teke réservait à la femme une place de choix. La Reine
Ngalifourou (1864-1956) fut intronisée au terme de l’initiation
de « Ousson Liss » ainsi que le prévoyait la tradition. La Reine
surmonta toutes les épreuves de l’initiation. A la mort de son
mari, elle prit la relève et régna pendant 45 ans. Les dignitaires
ne jugèrent pas l’opportunité de choisir un autre roi. Lors de
son initiation, elle reçut les douze nkobi, des pouvoirs
surnaturels. Elle mourut le 8 juin 1956, après avoir été une
Reine crainte et vénérée.
Depuis 2008, l’actuelle Reine Ngalifourou est la conseillère
spéciale du Roi. Elle participe :
- à la détermination des choix qui président à l’état des
rapports avec les voisins ;
196
Scholastique Dianzinga, op. cit., pp. 153-154.
197
Micheline Ngolengo, 2005, Itinéraire politique de la femme
congolaise, de la pré indépendance à nos jours (inédit). .
- 342 -
- à l’accroissement du prestige royal ;
- au développement du sens de la justice chez le Roi.
Dixième dignitaire du Royaume, la Reine assure un rôle
essentiel dans les cérémonies d’intronisation. C’est elle qui,
après la cérémonie, présente au nouveau Roi les dignitaires
présents, les chefs de terre et le peuple.
Dans la Lékoumou, Mapila joua un rôle important pendant
la colonisation : elle s’occupait de rendre la justice, gérait les
questions foncières et l’administration coloniale sollicitait
souvent son concours dans le règlement des questions
économiques et sociales. Très respectée, elle faisait régner
l’ordre dans sa localité.
Dans de nombreuses groupes ethniques de la Cuvette, les
femmes étaient depuis bien longtemps dépositaires de grands
secrets qu’elles ne livraient pas au public, sauf en cas de
menace d’intérêts majeurs en jeu. Lorsque, par exemple, des
esclaves introduits dans des familles voulaient s’arroger les
droits des héritiers, c’était encore les femmes qui, avec
beaucoup de finesse, passaient par les magistrats locaux
(twere) pour informer la communauté villageoise sur les
origines véritables des uns et des autres afin de permettre aux
« kani » de mettre fin à l’usurpation. Mais, pour des raisons de
cohésion sociale et de protection de l’unité au sein de leurs
communautés, les principes établis n’autorisaient pas
l’humiliation ni des condamnations péremptoires des
infortunés en public. Cette sagesse était transmise aux hommes
par les femmes, soucieuses de préserver la dignité humaine car
« un homme blessé et humilié était un fauve en liberté, capable
de tout », affirmaient les femmes.
Il est aussi important de signaler que dans ces groupes
ethniques de la Cuvette congolaise (Mbosi, Koyo, Akwa,
Ngare, Mboko, Ngare, Likuba, Likwala…, l’otwere, c'est-à-
- 343 -
dire le pouvoir de régler les conflits était à l’origine une affaire
de femmes qui avaient la responsabilité de gérer, en relation
directe avec le kani, les conflits et de rechercher l’apaisement
social. Elles le faisaient si discrètement et si bien qu’elles
s’étaient imposées et, très souvent, on recherchait leurs
compétences dans le règlement des conflits et des
réconciliations entre les familles, individuellement ou
collectivement. Alors les hommes, jaloux de cet immense
pouvoir détenu par les femmes, mirent tout en œuvre pour le
récupérer et établir leur domination. Ils mirent en place des
mécanismes pour s’entremettre dans l’espace « lorgné » pour
en prendre le contrôle.
Dans le cas d’otwere, ce sont les « twere » (assesseurs du
kani, chef couronné dans la Cuvette congolaise) qui ont pris
subtilement la place des femmes afin de régenter tous les
protocoles et déroulements des affaires jusqu’à effacement
total des femmes de cette sphère.
Aujourd’hui, dans ces sociétés de la cuvette congolaise, les
femmes d’un certain âge - grand-mères, tantes, mères -
assistent à la palabre à proximité du lieu des délibérations, sans
prise de parole. Mais en cas de blocage, on suspend les séances
de travail pour aller solliciter la médiation féminine, qui passe
par les hommes, à différents titres.
Le kani qui ne prenait pas ses repas avec les hommes de la
communauté dans les « kanza » ou « olèbè » (lieux de
rencontres masculines) attendait d’être informé sur toute la vie
du village par son épouse ou une des épouses (dans le cas d’un
mariage polygame). Cette épouse détenait un pouvoir
d’information très important dès lors que le kani dépendait de
son épouse pour un exercice efficient de ses fonctions de chef,
notamment dans le processus décisionnel.
- 344 -
Pouvoirs et rôles économiques
Au plan économique, la femme était écrasée par ses
multiples rôles : épouse, mère, agent économique et social. Ce
fardeau la fatiguait et contribuait à son vieillissement
prématuré.
Son environnement, (sans infrastructures appropriées) la
fragilisait davantage. La pénibilité de son travail agro pastoral
était son lot quotidien. Sur sollicitée par les corvées d’eau, de
collecte de bois, d’entretien de la famille, par les longues
marches et par les maternités successives, elle subissait, en
outre, de nombreuses inégalités résultant d’une société
construite sur la prééminence de l’homme.
La perception traditionnelle du statut de la femme la
condamnait à une injustice criarde qui devenait une menace
pour elle qui était la pierre angulaire de la cellule familiale.
Cependant, lorsque du matin au soir, la femme est courbée
pour bêcher et biner son champ, l’entretenir et y faire pousser
les produits dont elle a besoin pour nourrir sa famille, nul
doute ne peut exister sur ses compétences d’ingénieur agricole.
Qui mieux qu’elle peut évoquer les questions de cycle et de
calendrier agricoles, de fertilité des sols et des différentes
sortes de techniques pour les amender ? Qui mieux qu’elle
maîtrise les différentes techniques de transformation et de
conservation des excédents agricoles, de fumage de poisson,
de chenilles et de champignons ? Qui mieux qu’elle peut
dénouer les conflits et les querelles entre clans et se poser en
juge et conseillère des chefs sur les droits des lignages dont
elle avait une parfaite connaissance ?
Les soins tous azimuts quotidiens qu’elle apportait sans
discontinuer aux enfants, aux vieilles femmes, aux personnes
malades, aux orphelins du clan, à l’époux et aux hommes du
clan, font sans cesse appel à une multiplicité de connaissances,
- 345 -
à la pluridisciplinarité de son savoir-faire, de ses savoirs qui
faisaient dire à Aloba, un homme considéré comme
« philosophe » en pays mbosi de Boundji :
198
Cf Proverbes 14, verset 1.
- 346 -
constituée qui ne sortait qu’en cas de problèmes graves :
maladies des enfants, acquisition des semences, paiement des
amendes en cas de délits jugés (achat de poulet, de cabris),
dans les affaires de sorcellerie, d’adultère, etc.
- 347 -
A la fin de cette préparation initiale, la plus difficile et la
plus subtile où sont sollicités connaissance et sagesse, amour,
tendresse, tact, patience, psychologie et pédagogie de la
femme, le jeune peut quitter sa mère pour rejoindre le groupe
d’hommes adultes où commencera son éducation aux valeurs
de puissance, de domination et de commandement, tandis
qu’aux côtés de la mère et des autres femmes du clan, la jeune
fille parachève sa formation sur ses futurs rôles d’épouse, de
mère, de productrice et de gardienne des valeurs, ainsi que du
façonnement de son esprit et de son raisonnement, en attendant
le mariage. Même lorsqu’elle était admise dans la famille du
futur époux, ce rôle d’apprentissage relevait de la belle famille
ou des autres femmes du clan.
La femme congolaise a reçu le meilleur qui la rapproche des
choses spirituelles. On parle d’élévation de la femme qui
aspire, dans son silence, dans son recueillement et son
accablement, à la rencontre avec le divin. Elle sollicite sans
cesse l’intervention des mannes des ancêtres, évoque toutes
sortes de divinités familiales - les dieux lares - pour conjurer le
mauvais sort et réussir sa mission.
Elle est sublimée par l’homme. Le sait-il ? Ou feint-il de
l’ignorer ? Alors, pourquoi tant de conspirations et de
contradictions pour la placer en arrière-plan ? Pourquoi tant de
tabous et d’interdits pour l’éloigner des postes où la
reconnaissance de son pouvoir serait sans équivoque ? C’est la
peur de se voir supplanté par une « adversaire » redoutable que
l’homme s’est mis à tisser une série de stratégies pour écraser
la femme et la soustraire du champ d’action, rejetant dans son
égoïsme le partage du pouvoir.
Il y a un proverbe chez les Mbosi qui dit : « A bâa dzaa
oyourou afi la kéna ndzo ». Ce qui veut dire : « En présence
des hommes, la femme ne peut se permettre de tuer le
serpent ». C’est là une interdiction faite à la femme de prendre
- 348 -
des initiatives pendant que les hommes sont présents. On sait
fort bien que les longues heures de travail agricole, de
cueillette, de pêche passées dans les plaines, savanes et forêts
l’ont souvent exposée aux attaques de nombreux prédateurs
auxquelles elle doit faire face.
Pour jouer ces rôles multiples et délicats, les femmes elles-
mêmes passaient par des processus initiatiques contraignants.
Au Kouilou, les structures du « tchikumbi » et dans la Cuvette
celles de « omenga » ne remplissaient pas un autre rôle que
celui de préparer l’adolescente à la multitude de ces rôles. Ce
sont les aînées qui recevaient cette responsabilité : grands-
mères, tantes, grandes sœurs assuraient aux jeunes filles
l’apprentissage des valeurs essentielles sur la préservation de
l’harmonie dans le foyer et la paix dans la communauté. Les
formatrices veillaient à faire acquérir à la jeune fille douceur et
bonté, management des relations sexuelles, ces valeurs qui
peuvent stabiliser la famille. A l’opposé, comparer une femme
à un homme était péjoratif, considéré comme une injure.
Très souvent, on impute l’échec de l’enfant, de l’adolescent,
de la femme et de l’homme à sa mère, tandis que les réussites
sont associées à l’image du père. Quelle responsabilité pour les
femmes, et quel esprit retors des hommes !
L’ambigüité qui caractérise ainsi l’attitude de l’homme dans
sa relation avec les femmes est frappante : d’un côté, il y a
sublimation, de l’autre domination et mépris.
Dans sa sagesse, la femme a dû souvent jouer le jeu avec
l’homme en acceptant son infériorité pour privilégier et
protéger la vie.
L’ambivalence de cette question des pouvoirs des femmes
peut simplement renvoyer à la nécessité de réconciliation et de
restauration des relations harmonieuses entre les hommes et
les femmes dans une approche de complémentarité.
- 349 -
Mais, par quel processus les femmes ont-elles pu perdre leur
« suprématie » sur les hommes ?
- 350 -
la société indigène, vouées à la vie privée inhérente à ses
fonctions naturelles, plutôt qu’aux affaires publiques . C’est ainsi
qu’elles ne furent pas prises en compte dans l’implantation de
l’administration coloniale. Ce qui a permis à l’homme de tirer
gloire et fierté vis-à-vis de la femme demeurée inculte et
ignorante. Dès lors, on peut imaginer toutes les stratégies
échafaudées par l’homme pour reprendre à la femme sa
suprématie, pour mieux l’opprimer.
Du coup, cette pseudo reconnaissance de l’homme lui a
permis de se revaloriser aux yeux de la société, renforçant
ainsi sa domination sur la femme.
En conséquence, l’homme s’est installé dans de fausses
croyances sur sa supériorité à l’égard des femmes, alors que
celles-ci, d’un point de vue des choses jugées nobles, celles
qui élèvent à une plus grande dimension, sont placées au-
dessus des hommes.
Dans la division du travail, les hommes confient aux
femmes les tâches subtiles liées à l’éducation et à la formation
des enfants, les citoyens de demain dans leur partie éthique,
spirituelle et morale.
Si au plan physique on peut s’imposer par la force du
muscle, il n’y a rien de plus beau que la finesse, la subtilité et
la connaissance cognitive détenues par la femme. C’est là
toute la différence entre l’homme et la femme. L’un ravalé au
niveau de l’animalité avec sa force musculaire et l’autre élevée
aux choses de l’esprit.
Ce qui n’est pas dit et discerné sur la femme, c’est tout cela.
Les choses ont été alors jugées par rapport à leur apparence.
Dans les communautés congolaises, la femme est force de
cohésion sociale et gardienne des liens communautaires.
Souvent on entendait dire :
- 351 -
Une femme qui a passé du temps dans un foyer,
devient la sœur du mari, c'est-à-dire qu’elle est
capable de connaître toute l’histoire de la famille de
son mari et d’en témoigner, même devant les
juridictions traditionnelles.
Elle devient ainsi un membre à part entière de cette famille,
surtout investie d’autorité. Cette position lui a permis de
développer beaucoup d’autres qualités, dont : la mémoire, la
rigueur d’analyse, l’écoute de l’autre, la recherche du dialogue
et du consensus.
La problématique de la femme dans l’histoire du Congo
soulève des problèmes d’une grande complexité qui
nécessitent des recherches complémentaires, selon les
localités, car l’hétérogénéité des cas mérite des études
spécifiques.
Malgré la contribution significative qu’elles ont apportée au
développement de leur société, les femmes du Congo ont subi
de la part des hommes des injustices criardes. Sont-elles
restées muettes face à l’attitude discriminatoire des hommes ?
- 352 -
Le sort réservé à Olympe de Gouges passée à l’échafaud en
1793 pour avoir osé présenter un projet de « Déclaration sur
les droits de la femme et de la citoyenne », la « Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen » le 26 août 1789 par la
France ; la déclaration de Clara Zet Kin sur le problème des
femmes devant le Congrès fondateur de la Deuxième
Internationale de Paris en 1889, l’apparition des idées
révolutionnaires en Europe, les revendications pour la
libération des peuples encore opprimés, ainsi que les luttes
pour l’accession aux droits de l’homme et aux droits
politiques, ont modifié de manière fondamentale la civilisation
humaine.
Toutes ces luttes courageuses ont abouti en 1910, à
l’occasion du Folket Hus de Copenhague au Danemark, à la
consécration de la Journée Internationale de la Femme le 8
mars, dont l’héroïne fut Clara Zet Kin, membre de l’Union
Internationale Féminine.
Plus récemment, les échos des deux guerres mondiales
(1914-1918) et (1939-1945), de la guerre d’Indochine et de
celle d’Algérie où certains de leurs parents, époux, frères ou
oncles, étaient partis au loin pour défendre les prétendus
idéaux de démocratie, d’unité et de paix proclamés par les
puissances coloniales de l’époque et celles qui luttaient contre
le communisme, leur parvenaient, certes, avec retard et
déformés mais avec leur cortège de malheurs et cristallisaient
les sentiments de révolte des femmes qui s’ancrèrent au plus
profond de leur cœur.
Les mouvements de revendications pour les indépendances
nationales des femmes affiliées à l’Amicale de André Grénard
Matsoua contre l’occupation coloniale ; la révolte qui éclata en
1928 en pays baya (Oubangui-Chari) et qui s’étendit jusqu’au
Moyen-Congo dans les circonscriptions de la haute Sangha et
du Bas-Oubangui provoquée par les populations insurgées (la
- 353 -
guerre dite de kongo-wara), déterminées à chasser les
Européens, à mettre fin au travail forcé, à l’impôt, aux
brutalités et tracasseries des miliciens, connurent la
participation active des femmes congolaises.
Après la Seconde Guerre mondiale, quelques femmes
d’Europe et d’Asie, ayant vécu directement ou indirectement
les atrocités, les affres et les conséquences multiformes
engendrées par cette terrible guerre, ont voulu crier non à ces
atrocités. Elles se sont réunies en congrès le 1er décembre 1945
à Paris, pour créer la Fédération Démocratique Internationale
des femmes. Ainsi naquit une nouvelle organisation ouverte à
toutes les femmes du monde entier, conçue pour les unir
autour d’un programme universel, posant la question féminine
d’une manière nouvelle comme un tout unique, une entité
inséparable de la lutte pour la démocratie et l’indépendance
nationale, le progrès social et la paix universelle. Ce fut le
point culminant de la lutte des femmes du monde pour
l’intégration de la femme à la vie politique, économique,
sociale et culturelle, en vue de la reconnaissance de sa dignité
en tant que mère, travailleuse et citoyenne. Des Africaines
avaient pris part à ce congrès et les informations se répandirent
partout, y compris au Congo.
2-Causes immédiates
L’agitation fébrile qui gagna l’Afrique noire francophone dans
sa quête vers la souveraineté nationale sur un fond de crise ayant
pour pères Nkwamé Nkrumah, Sékou Touré, Félix Houphouët
Boigny, Modibo Keita, Barthélemy Boganda, Patrice Lumumba,
Jean Félix Tchicaya, Jacques Opangault, et les exactions des
colons lors de leur implantation en Afrique, et au Congo, a
influencé les femmes congolaises des villes de Pointe Noire et
Brazzaville, dont certaines ont timidement commencé à
- 354 -
s’organiser, comme une réplique à leurs frères qui continuaient à
les marginaliser et à les traiter comme des mineures, dans le
même temps où ils réclamaient haut et fort l’indépendance
nationale des colonisateurs et n’hésitaient pas à associer les
femmes à toutes les révoltes menées.
Ces nouvelles venant du Congo et des contrées lointaines, se
répandaient comme une traînée de poudre. Elles parvenaient
aux colonisateurs et aux missionnaires qui les commentaient
entre eux dans leurs cercles. Les interprètes, les domestiques
ainsi que tous les relais et auxiliaires de l’administration
coloniale ramenaient dans leurs familles, les informations
qu’ils captaient des discussions de leurs maîtres.
Ce bouillonnement a provoqué une réelle prise de
conscience au sein des femmes qui s’organisèrent en
associations à caractère socioculturel d’abord et, plus tard, en
associations politiques.
- 355 -
-La Rosette, présidée par Anne Marie Ngala, mais créée par la
célèbre chanteuse Joséphine Mboale, affectueusement appelée
Joséphine Bijou, qui s’était distinguée par ses chansons
« révolutionnaires » à l’ère du MNR ;
-La Lune, présidée par Rosalie Nde ;
-L’Etoile de mer, créée et présidée par Félicité Safouesse.
Paradoxalement, la volonté d’affirmation de leur
personnalité se trouva entravée par la présence de certains
hommes qui prirent la direction de ces associations. Pourtant,
dans la même période, on pouvait noter l’existence d’un
groupe de femmes instruites qui auraient dû être sollicitées
pour conduire la destinée de ces associations.
A partir de 1952, d’autres femmes se retrouvèrent dans le
cadre des fraternités religieuses, à savoir : Sainte Rita, Sainte
Thérèse, Saint Joseph, Les femmes de l’Armée du Salut, Les
femmes Kimbanguistes, etc.…
Les femmes leaders d’associations socio culturelles, malgré
leurs limites intellectuelles, ont su mobiliser autour d’elles, de
nombreuses adhérentes, sur la base d’objectifs précis.
Certaines d’entre elles, encore vivantes, telle que Mâ Nono,
affectueusement appelée « Café Nono » du nom de son bar-
dancing (mais de son vrai nom Bankaites Noéllie), continuent
de prendre jusqu’à ce jour une part active aux activités
organisées par le Ministère de la Promotion de la Femme,
comme de véritables icônes.
Certaines de ces associations existent encore aujourd’hui,
renouvelées dans leurs effectifs du fait des décès et du
vieillissement des « Mères fondatrices ». Leurs activités sont
tournées vers le secteur économique, où, tant bien que mal, ces
braves femmes résistent à l’épreuve du temps.
- 356 -
La grande prestance et la forte personnalité qui distinguaient
ces femmes ont suscité auprès de leurs filles une ambition qui
les a poussé à s’organiser dans des associations, sous
différentes appellations, telles que : les « 12 balles », la
« Femme », etc.…
L’affirmation de leur personnalité et de leur indépendance
vis-à-vis des hommes de leur époque (les années 1950-1960
notamment), les nombreuses initiatives qu’elles prirent en
organisant tous les week-end des activités culturelles (soirées
dansantes) dans les bars dancing célèbres de Brazzaville
(Faignond, Mon pays, MACEDO, Pigalle, Cabane Bantou, La
Flottille, etc.) qui mobilisaient toute une jeunesse emportée par
ce mouvement ainsi qu’une population en quête de loisirs,
attendant les fins de semaine pour se donner à « cœur joie »
dans ces lieux de réjouissances, commencèrent à inquiéter les
autorités administratives. En tant que puissance organisatrice
de la société congolaise, ces autorités déploraient l’absence de
motivation et l’inertie de l’élite féminine, bien
qu’embryonnaire.
Dans le même temps où leurs sœurs non alphabétisées
débordaient d’une énergie qui malheureusement ne les
valorisait pas toujours, ces femmes constituant l’élite féminine
commencèrent aussi à s’éveiller. Aussi prirent-elles part à
l’histoire et firent une partie de celle-ci, sans toujours l’écrire
parce qu’à leur époque, l’instruction était une denrée rare.
Cependant, quelques-unes d’entre elles, qui avaient « franchi
le Rubicon », car ayant reçu cette précieuse denrée à l’époque
du Moyen-Congo, prirent des initiatives louables. Elles
animèrent, pour certaines, des émissions à la Radio de
l’Afrique Equatoriale Française (A.E.F), publièrent des articles
dans la Revue Liaison (organe d’expression des cercles
culturels implantés à partir de 1948 à travers les quatre
territoires de l’AEF) sur l’émancipation de la femme africaine.
- 357 -
Félicité Jeanne Safou- Safouesse, Présidente de l’Association
Etoile de mer, première présentatrice et productrice à Radio
AEF, écrivait dans la Revue qu’elle avait créée « La congolaise
dans la société ». Cet outil lui a permis d’informer l’opinion
publique nationale sur les luttes menées par les femmes à travers
le monde : Angola, Guinée Bissau, Mozambique, Afrique du
Sud, Rhodésie du Nord et Rhodésie du Sud…
Marie José Gouvéa, célèbre sous l’anthroponyme de Marie-
Josée Mathey, à la voix fluette, a rempli de joie les cœurs des
Congolais et laissé un souvenir inoubliable dans la mémoire
collective en tant que première journaliste aux dons
exceptionnels.
Mambou Aimée Gnali, l’intellectuelle rentrée de France
avec une tête pleine et bien faite a écrit dans « Présence
africaine ». Elle, la militante, l’intellectuelle formée
techniquement et politiquement dans les universités françaises
et dans les cercles des étudiants africains en France et dans la
Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France (FEANF)
qui se battaient pour les Indépendances de l’Afrique et des
Antilles, a marqué son époque. Ses prises de position tranchées
à l’Assemblée Nationale (de 1963 à 1965) ont fait d’elle une
femme de distinction qui refusait d’aliéner sa liberté.
Hélène Bouboutou, première femme enseignante intégrée
dans la Fonction Publique en 1940 est devenue la première
universitaire congolaise (docteure) et Maître-assistante de
Géographie en 1973 à l’Université de Brazzaville (débaptisée
Université Marien Ngouabi depuis le 28 juillet 1977).
Céline Claudette Yandza s’est distinguée comme une figure
de proue en publiant dans la Revue Liaison plusieurs articles
aux thèmes variés. Ses camarades de lutte de cette époque se
souviennent d’elle comme une femme de grande conviction
politique, caractérisée par un courage extraordinaire. Ses prises
- 358 -
de position vigoureuses, son attachement aux idées
progressistes, à l’émancipation politique nationale et des
femmes, l’ont couronnée de succès. Arrêtée et condamnée sans
jugement le 26 juin 1966 sous l’ère du MNR, elle purgea 25
mois de prison, à cause de ses opinions politiques. Céline
Claudette Yandza l’infatigable, participait à la plupart des
réunions politiques organisées au cours de cette période
tumultueuse de la vie politique nationale (de 1963 à 1968).
Tout en menant le combat politique pour le progrès social,
Céline n’avait pas cessé d’améliorer ses connaissances malgré
de grandes responsabilités familiales. L’institutrice avait
préparé en République Démocratique d’Allemagne une licence
et une maîtrise en sciences sociales. Elle avait réalisé un
parcours politique riche : première femme Ambassadeur,
première Présidente de l’Union Révolutionnaire des Femmes
du Congo (URFC) en 1965, première femme Commissaire
Politique.
Il est notable de mentionner ici que le 6 mars 1955, Céline
Claudette Yandza anima une causerie-débat sur l’émancipation
de la femme congolaise. Elle l’incitait à cette époque coloniale
à s’inspirer de l’exemple de ses sœurs africaines et d’autres
continents, engagées dans les luttes de libération et le combat
pour l’indépendance nationale, telles que Jeanne Martin Cissé
de la Guinée Conakry, de Caroline Diop du Sénégal, Awa
Kéita du Mali, de Marie-Hélène Leboucheux de France et
d’Eléonor Roosevelt d’Amérique, etc. Cette causerie débat fut
le détonateur de l’action de l’élite féminine. Son exposé publié
dans le n° 46 de la Revue Liaison suscita l’intérêt des
françaises dont les époux assumaient des responsabilités
importantes au Haut-Commissariat Général de l’AEF.
Madame Chauvet, épouse du Haut-Commissaire général,
face au développement du mouvement des « existentialistes »
qui, à la longue, pervertissait les mœurs, s’en inquiéta et
- 359 -
responsabilisa Madame Cabon, épouse du Secrétaire Général du
Haut-Commissariat général de l’AEF à entreprendre des
discussions avec l’élite congolaise en vue de sa sensibilisation,
conscientisation et responsabilisation ainsi que de son
implication dans la création d’associations à caractère politique,
susceptibles de jouer un rôle important dans la société
congolaise.
- 360 -
génération de Jacques Opangault, ancien Vice-président du
Conseil de gouvernement du Moyen-Congo de 1957 à 1958.
Par ailleurs, Céline Yandza avait bénéficié d’un excellent
encadrement de son époux, Gérard Yandza, qui favorisa la
promotion de son épouse d’une part, et de son mentor Antoine
Létembet Ambilly, rédacteur en chef de la Revue Liaison et
Président du Cercle Culturel de Poto-Poto d’autre part. Dans le
même temps, Dominique Nzalakanda, Président du Cercle
Culturel de Bacongo, s’occupait de l’encadrement de Firmine
Kailly, élue Présidente des femmes de Bacongo. Firmine est
une autre grande figure des militantes des premières heures de
l’indépendance du Congo.
- 361 -
En 1964, ces associations se regroupèrent pour constituer un
front de lutte pour l’émancipation et les droits des femmes
appelé « Union Nationale des Femmes du Congo » (UNFC)
qui, à l’issue d’une grande Assemblée Générale, devint
l’ « Union Démocratique des Femmes du Congo » (UDFC),
présidée par Elisabeth Ngouémo. Au Congrès de mars 1965,
l’UDFC devint « Union Révolutionnaire des Femmes du
Congo » (URFC).
Le Congrès constitutif portant création de l’URFC se tint du
3 au 5 mars 1965 après des travaux préparatoires intenses
placés sous la présidence de Céline Yandza assistée d’Odile
Tsonde, et Jeanne Dambendzet, respectivement 1ère et 2ème
Secrétaires du Bureau préparatoire.
L’URFC avait pour missions :
-l’organisation, la mobilisation, l’éducation, l’encadrement
politique des femmes en vue de leur participation effective au
processus du développement national ;
-la consolidation et l’intensification des liens d’amitié de
solidarité avec toutes les femmes du monde éprises de paix et
de justice en général, et en particulier avec les organisations
féminines nationales, sous-régionales et internationales
poursuivant les mêmes objectifs que l’URFC.
A partir de 1976, l’URFC intégra les structures
administratives dans lesquelles la femme siégeait à la Trilogie
Déterminante qui statuait sur la vie des administrations ou des
entreprises.
Dans cet élan, quatre femmes ont réussi à créer des partis
politiques. Il s’agit de : Julienne Berthe Doukoro Beguel
(l’Union pour la Démocratie et le Développement du Congo -
U.D.D.C.-), Yvonne Ngolo-Lembe (Parti Républicain pour la
Paix et le Développement - P.R.P.D-), Angèle Bandou (Parti
Africain des Pauvres -P.A.D.-) et Claudine Munari
- 362 -
(Mouvement pour l'Unité, la Solidarité et le Travail -
M.U.S.T.-)
L’absence d’un cadre institutionnel gouvernemental pour
l’orientation et la mise en œuvre d’une politique d’intégration
de la femme au développement, avait amené l’URFC à exiger
du Gouvernement la création d'un mécanisme gouvernemental,
mais seule la Direction de l’Intégration de la Femme au
Développement fut créée au Ministère du Plan en 1990. Plus
tard, cette Direction sera érigée en Ministère Délégué chargé
de l’Intégration de la Femme au Développement auprès de la
Présidence de la République, placé sous la responsabilité de
Marie Thérèse Avemeka. Ce ministère deviendra après la
guerre de 1997, le Ministère de la Famille et de l’Intégration
de la Femme au Développement, dirigé par Cécile Matingou.
Il convient de signaler que la création d’un Ministère chargé
de la Promotion de la Femme a été un long combat de l’URFC,
particulièrement des Présidentes Joséphine Mountou Bayonne
et Elise Thérèse Gamasssa qui, malgré de nombreuses
oppositions, réussirent à faire triompher l’intérêt majeur des
femmes.
- 363 -
Le statut personnel de la femme a enregistré en cinquante
ans une évolution significative, consécutive aux nombreuses
luttes menées par les femmes congolaises. L’on est passé de
l’inégalité à l’égalité juridique constitutionnellement garantie.
De la Constitution
Si la première Constitution du Congo indépendant présente
une certaine ambigüité sur le statut de la femme, celles qui
suivent reconnaissent toutes le principe de l’égalité des sexes,
avec quelques nuances.
Concernant la reconnaissance constitutionnelle de l’égalité
des sexes dans la Constitution du 2 mars 1961, l’article
premier, alinéa 2, dispose : « Elle assure l’égalité devant la loi de
tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de
religion ». L’article 4 dispose : « Le suffrage est universel,
direct, égal et secret. Sont électeurs dans les conditions
déterminées par la loi, les nationaux congolais majeurs des
deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ».
La première Constitution du Congo indépendant ne
reconnaît que l’égalité devant la loi des citoyens, c'est-à-dire
des personnes qui participent à l’élection et à l’expression du
suffrage. Mais elle ne reconnaît pas l’égalité de l’homme et de
la femme en tant qu’individu. Or, en droit l’on ne peut
assimiler le citoyen et l’individu. Et, cette égalité reconnue par
l’article premier est relative, car l’article 4 ne confère à la
femme que la qualité d’électeur et non l’éligibilité, c'est-à-dire
la femme peut voter, mais elle ne peut être élue.
C’est la Constitution du 8 décembre 1963 qui vient
reconnaître l’égalité des sexes. Dans la Constitution du 8
décembre 1963, l’égalité absolue de l’homme et de la femme
est affirmée.
- 364 -
L’article premier alinéa 2 de la Constitution énonce : « Elle
assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans
distinction d’origine, de race ou de religion ».
L’article premier alinéa 4 énonce : « Elle garantit à la
femme des droits égaux à ceux de l’homme ».
La Constitution du 8 décembre 1963 assure l’égalité absolue
de l’homme et de la femme. Ce qui permet désormais à la
femme d’être électrice et élue. Ce qui explique le fait que les
premières femmes députés ne le furent qu’à partir de cette
date.
Elle est suivie en cela par la Constitution du 30 décembre
1969 (article 11 et article 13) et la Constitution du 24 juin
1973 (article 10 et 17).
La Constitution du 24 juin 1973 proclame l’égalité dans la
vie privée, politique et sociale. Elle innove en précisant que
l’égalité de l’homme et de la femme intervient dans les
domaines privé, politique et social.
L’article 17 énonce : « La femme a les mêmes droits que
l’homme dans les domaines de la vie privée, politique et
sociale. Pour un travail égal, la femme a droit au même salaire
que l’homme. Elle jouit du même droit en matière d’assurance
sociale ».
La Constitution du 8 juillet 1979 quant à elle, proclame
l’égalité des sexes et la reconnaissance de la capacité juridique
de la femme. Cette Constitution reconnaît l’égalité de tous les
citoyens congolais en droit (article 11), la capacité juridique et
politique de tous les citoyens congolais âgés de 18 ans qui
prennent part aux élections et peuvent être élus dans les
organes du pouvoir d’Etat (article 12).
La Constitution du 20 janvier 2002 apparaît sur ce point
comme un tournant décisif. En effet, l’article 8 de la
- 365 -
Constitution du 20 janvier 2002 énonce le principe de l’égalité
juridique de l’homme et de la femme. Cet article ne se
contente pas d’une formule incantatoire, car il dispose en son
alinéa 3 que le législateur a l’obligation de garantir et d’assurer
au moyen d’une loi, la promotion de la femme et sa
représentativité à toutes les fonctions politiques, électives et
administratives. C’est notamment sur ce fondement qu’a été
élaborée la loi n°21-2006 du 21 août 2006 sur les partis
politiques dont l’article 8, alinéa 3, dispose : « Ils doivent
garantir et assurer la promotion et la représentativité de la
femme à toutes les fonctions politiques, électives et
administratives ». C’est là le résultat d’un grand et long
combat des femmes.
Du code électoral
L’article 61, alinéa 3 nouveau, de la loi n°5-2007 du 25 mai
2007 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi
n°9-2001 du 10décembre 2001 portant loi électorale, dispose :
« La présentation de la candidature doit tenir compte de la
représentativité des femmes à raison d’au moins 15% des
candidatures ».
Pendant la préparation du projet de cette nouvelle
Constitution, la résistance des hommes, farouchement opposés
à cette évolution, s’était heurtée à la détermination des
femmes, leur ténacité et leur volonté inébranlables de voir
changer les choses de manière irréversible. Sous les
orientations pertinentes de la Ministre en charge de la
promotion de la femme Jeanne Dambendzet qui suivait de près
ce débat, les juristes femmes, membres de la commission
constitutionnelle, Delphine Emmanuel Adouki, Jocelyne
Milandou, Rebecca Oba Quionie et Okouo avaient veillé
jusqu’à l’adoption finale du texte définitif avec l’article 8,
- 366 -
comme le voulaient les femmes. La reconnaissance de l’égalité
juridique de l’homme et de la femme n’implique pas
automatiquement l’uniformité du régime juridique de l’homme
et de la femme car des discriminations légales peuvent être
instituées selon que la femme soit mariée ou non.
199
Extraits du code napoléonien :
Article 213 – le mari doit protection à sa femme, la femme doit obéir à
son mari.
Article 214 – La femme est obligée d’habiter avec son mari, et de le
suivre partout où il juge nécessaire de résider…
Article 215 - La femme ne peut ester en justice sans l’autorisation de son
mari.
Article 217 - La femme ne peut donner, aliéner, hypothéquer, acquérir à
titre gratuit ou onéreux, sans le concours du mari dans l’acte, ou son
consentement par écrit.
Article 229 – Le mari pourra demander le divorce pour cause d’adultère
de sa femme.
Article 230 - La femme pourra demander le divorce pour cause
d’adultère de son mari, lorsqu’il aura tenu sa concubine dans la maison
commune.
- 367 -
L’incapacité de la femme mariée demeure la règle jusqu’à
l’adoption du code de la famille en 1984 (Loi n°073/84 du
17/10/84). Aussi, pour tous les actes de la vie civile, la femme
doit obtenir l’autorisation de son époux.
La reconnaissance de la capacité juridique de la femme
mariée apparaît donc comme une autre étape décisive dans la
lente marche des femmes congolaises vers leur
épanouissement. Elle lui permet désormais de poser des actes
juridiques de manière indépendante (sous la seule réserve du
régime matrimonial). En 1975, Agathe Mambou, Présidente du
Tribunal de Grande Instance de Brazzaville, se heurta à
l’exigence de présenter une attestation de son mari pour la
sortie du Congo, au moment d’aller participer au Congrès
Mondial des femmes de 1975 à Berlin. Sa vive réaction permit
de faire sauter cet écrou en 1976.
Malgré un environnement général marqué du sceau de
l’égalité juridique en matière de travail, d’éducation, de santé,
certains îlots de résistances demeurent, à savoir :
-l’inégalité en matière fiscale ;
-l’inégalité en matière d’adultère ;
-la prise en charge du ménage par le seul époux, etc…
Une commission mise en place pour les réformes à mener
travaille ce jour sous l’autorité du Ministère de la Justice.
- 368 -
congolaise s’est distinguée par sa participation active à de
nombreux combats.
- 369 -
viennent attiser le feu de la révolte. Et plus tard, les femmes
revendiquent leur intégration dans l’armée, brisent les
barrières et investissent un domaine qui était réservé aux
hommes.
L’ouverture de l’armée aux congolaises en 1974 mérite
d’être inscrite en lettres d’or, à l’actif de l’Union
Révolutionnaire des Femmes du Congo (URFC) qui avait
constamment proclamé que les femmes congolaises pouvaient
aussi intégrer les Forces Armées Congolaises (FAC), malgré
de grandes oppositions.
A l’issue du premier colloque de l’armée tenu en juillet
1974, une recommandation sur le recrutement de la femme
dans l’armée populaire nationale fut adoptée. C’est le 11
décembre 1974 qu’un recrutement général intégra la femme
dans l’armée nationale.
Près de 40 ans après, en 2010, on peut constater que la
congolaise a bien intégré la force publique. On trouve dans
l’armée, dans la Police, dans la gendarmerie des femmes
officiers et sous-officiers. Il s’agit notamment de : Colonel
Georgine Bendiama, Colonel Delhot Magnongou, Colonel
Emilienne Oya, Béatrice Ngondou, première femme capitaine
dans l’armée congolaise.
Il faut signaler qu’au début des années de leur intégration,
certaines ont payé le prix dans leur vie conjugale ; les époux
n’acceptaient pas toujours l’engagement de leurs conjointes. A
cet égard, à l’occasion de la célébration des 50 ans de
l’Indépendance du Congo, des femmes, premières
parachutistes, devraient recevoir l’hommage de la République.
Il s’agit notamment des sœurs jumelles Micheline et Victoire
Golengo dont on se souvient du saut de para exécuté en 1964.
- 370 -
4-Au plan de la sécurité et de la paix
Au cours de ces 50 ans d’indépendance, particulièrement
dans la période de la démocratisation de la nation congolaise -
1990 à 2010 - certaines femmes ont souvent initié de
puissantes actions à haut risque visant la prévention et le
maintien de la paix, élaboré des stratégies politiques, infiltrant
les groupes adverses, recherchant le dialogue avec les
adversaires politiques et engageant des actions secrètes de
grand courage en vue du retour des institutions démocratiques
sur la scène politique. Elles n’ont pas été en reste dans la
gestion des conflits, ont intégré des mécanismes institutionnels
pour assurer le suivi des accords de paix.
Des prises de positions tranchées aux déclarations de
soutien au Parti (MNR-PCT) pendant la « période
révolutionnaire » lorsque la révolution était menacée (1968-
1990) ; des marches pacifiques exigeant l’arrêt des assassinats
par la force publique (1993-1996), leur contribution est
inestimable.
Des femmes comme Joséphine Mountou Bayonne, Julienne
Berthe Doukoro-Beguel, Jacqueline Mamoni, Jeanne
Dambendzet, Louise Kanga, Scholastique Dianzinga, Monique
Okaka Yoka, Emilienne Lekoundzou, Emilienne Botaka, Anne
Bitsindou, Adélaïde Moundele-Ngolo, Emilienne Raoul,
Hélène Nanitelamio, Elise Thérèse Gamassa, Jeanne Yandza,
Antoinette Kebi, Jeanne Françoise Leckomba Loumeto
Pombo, Antoinette Paka, Ida Victorine Ngampolo et Yvonne
Lembe Ngolo ont réalisé des exploits dans l’ombre pour éviter
la « balkanisation » du Congo.
Toutes ces autres femmes, anonymes, qui se sont levées à
l’intérieur du pays comme au centre contre leurs propres
partis, pour éviter tantôt leur éclatement, tantôt pour défendre
la vie, se désolidarisant de leurs Etats-Majors qui fourbissaient
- 371 -
des armes contre leurs frères et sœurs, au risque de leur propre
vie, sont innombrables.
En 1968, à l’annonce de l’arrestation du Capitaine Marien
Ngouabi et du Lieutenant Gaston Eyabo, les femmes, très tôt le
matin du 31 juillet, sous la conduite de Alice Badiangana
(membre du Mouvement national de la révolution (MNR) et
grande figure du mouvement féminin congolais) se sont
retrouvées en concertation et ont décidé de rallier le
« mouvement » constitué en vue d’aller libérer les deux
officiers, en scandant les slogans suivants : « Nous ne voulons
pas de sang au Congo, nous voulons la paix ! Libérez le
Capitaine Marien Ngouabi et le Lieutenant Gaston Eyabo ».
Malheureusement, au moment de la rédaction de la motion
de contestation, certaines femmes, privilégiant les
considérations tribales, ont fait éclater leur unité au sein du
« mouvement insurrectionnel ».
Alice Badiangana et Céline Yandza, connues pour leurs
idées révolutionnaires et communistes, se sont encore
distinguées cette fois-là par leur courage et détermination.
Comme Céline Yandza, Alice Badiangana avait fait quelques
mois de prison en 1958 pour ses idées marxistes.
- 372 -
au niveau des interpellations :
- l’interpellation des parties belligérantes le 15 décembre
1993 lors du Forum national de la Femme (Appel du 15
décembre) ;
- les interpellations de la Médiation Nationale sise à
Brazzaville en 1997 ;
- les interpellations publiques des leaders politiques sur le
fait d’avoir armé les enfants ;
- le lancement d’un S.O.S. à la Médiation Internationale
de Libreville pour venir en aide Congo (1997) ;
- l’interpellation des Chefs d’Etats africains et de
l’OUA 1997 ;
- l’interpellation de toutes les femmes congolaises à
Brazzaville sur leur rôle et leur responsabilité pendant la
guerre civile de 1997 ;
- les interpellations des leaders d’opinion tous azimuts
pour qu’ils mettent tout en œuvre afin d’obtenir le cessez-le-
feu, le rétablissement de la circulation par la levée des
barricades érigées dans les zones de conflits ainsi que la
reprise du trafic ferroviaire souvent interrompu ;
- l’interpellation des autorités par le Comité Régional de
Concertation des ONGs et Associations Féminines du Kouilou
(CERCOF).
- 373 -
- la marche des « mamans catholiques », le 24 décembre
1993, avec pour point de convergence le Palais présidentiel où
elles ont revendiqué le droit, le respect et la protection de la
vie ;
- la marche mondiale des femmes en mai 2000 à
Brazzaville d’abord, à New York puis à Washington
(septembre- octobre 2000). C’était une marche pour l’espoir,
l’égalité, la paix et la démocratie. Une marche pour le respect
de leur intégrité physique et mentale. La femme congolaise
s’engageait auprès des autres femmes pour protester contre la
violence faite aux femmes. Leur slogan : « la Congolaise dit :
NON à la pauvreté et à la violence à partir de l’an 2000 ».
- 374 -
représente les femmes au niveau du « Réseau des Femmes
d’Afrique Centrale » (RESEFAC).
- 375 -
Le besoin en formation des cadres se faisant de plus en plus
sentir, le Gouvernement décida d’ouvrir l’Institut National des
Sports (INS) en 1971 et l’Institut Supérieur d’Education
Physique et Sportive (ISEPS) en 1975. Cela avait favorisé
l’intéressement de la jeune fille congolaise à intégrer ce corps
de professionnels de l’éducation physique et des sports.
Signalons que la plupart de ces dames ne se sont pas arrêtées à
la formation initiale ; elles ont accédé à la formation
supérieure pour devenir cadre de maîtrise. Le département des
sports compte actuellement : 20 inspectrices d’EPS ; 49
professeurs certifiés d’EPS ; 56 professeurs adjoints d’EPS; 30
conseillers pédagogiques d’EPS sorties de l’ISEPS; 15
inspectrices de sports ; 6 conseillères de sports ; 100
maîtresses d’EPS sorties de l’INJS (auparavant INS).
L’Office National du Sport Scolaire et Universitaire
(ONSSU), quant à lui, est l’organe qui a favorisé l’éclosion du
sport en milieu féminin. L’organisation des championnats dans
les régions, a favorisé l’engouement de la jeune fille à intégrer
les équipes de leur établissement. L’arrivée des nouvelles
enseignantes sur le terrain a fait de l’Association Sportive
Scolaire (ASS) un lieu de leur stimulation. Les après- midi du
jeudi étaient réservés aux entraînements sportifs et la
contribution des chefs d’établissements donnait de la valeur à
l’activité pour l’honneur de l’établissement. Les championnats
nationaux qui se tenaient tantôt à Brazzaville, tantôt à Pointe-
Noire permettaient un brassage des élèves de toute la
République. On a vu des établissements uniquement de filles
émerger tels que le Collège d’Enseignement général Anne-
Marie Javouhey et le Collège Normal de Mouyondzi.
De 1968 à 1969, l’organisation des semaines culturelles a
permis de découvrir des équipes avec des joueuses féminines,
notamment l’équipe de hand-ball de Fort Rousset (Owando
actuellement).
- 376 -
Concernant la participation aux différents jeux continentaux
et internationaux en athlétisme, la jeune fille congolaise a fait
sa première participation continentale en 1964 avec
l’athlétisme à la Coupe des tropiques à Yaoundé au Cameroun.
L’équipe de relais 4 x 100 dames était composée de Charlotte
Dandou, Yvonne Loufoua, Simone Maleka et Lucienne
Galiba. Ces jeunes filles avaient remporté la médaille d’or.
Pour la petite histoire, à cause de la bonne prestation de la
délégation congolaise, le Conseil Supérieur du Sport Africain
(CSSA) avait décidé de la construction du Stade omnisports
qui devait abriter en 1965 les Premiers jeux africains à
Brazzaville.
Lors des 1ers jeux africains de 1965 à Brazzaville, la jeune
fille congolaise n’était présente qu’aux épreuves d’athlétisme,
avec comme tête d’affiche Lucienne Galiba au 100 mètres.
Aux Jeux olympiques de 1976, à Montréal au Canada, les
Congolaises étaient présentes avec la sprinteuse Brigitte
Baegne ; à ceux de 1984, Françoise Mpika a participé aux
quarts de finale du 200 mètres aux Jeux Olympiques de Los
Angeles aux Etats-Unis d’Amérique.
- 377 -
en 1978, elles se classèrent 2ème aux 2èmes championnats
d’Afrique des nations au Cameroun ;
en 1979, elles se classèrent 1ère à la première édition de
la Coupe Marien Ngouabi à Brazzaville ;
en 1980, leur participation aux Jeux Olympiques de
Moscou fut nulle ;
en 1981, elles remportèrent la deuxième édition de la
coupe Marien Ngouabi à Tunis ;
en1983, elles remportèrent la troisième édition de la
coupe Marien Ngouabi au Caire en Egypte, et gardèrent
définitivement le trophée ;
en 1985, elles occupèrent la première place à la coupe
des Nations Challenge Agosthino Neto en Angola ;
en 1987, elles se classèrent 2èmes à la Coupe d’Afrique
des Nations à Brazzaville.
Les basketteuses n’ont pas connu la même évolution que les
handballeuses. Mais elles ont participé à quelques
compétitions à l’extérieur, notamment à Libreville en 1976 et à
Luanda en 1981, dans le cadre de la coupe d’Afrique Centrale.
- 378 -
7-au plan de la gestion associative
Le 26 juin 1966, la Présidente Nationale de l’URFC, Céline
Claudette Yandza ayant été arrêtée, incarcérée et jetée en
prison sans jugement, l’URFC fut confiée momentanément à la
Georgette Bouanga Taty jusqu’au Congrès ordinaire de
l’Organisation en 1971 qui porta Joséphine Bouanga à la tête
de l’Union.
En bon révolutionnaire, le Président Marien Ngouabi tenait
à l’émancipation des femmes et, pour les encourager, il
assistait souvent aux sessions du Conseil Central et se rendit
compte du « décalage idéologique » existant entre le Parti et
l’Union. Pour le Parti, l’ennemi n°1 du peuple congolais était
l’impérialisme international, français, en particulier. Pour les
femmes, leur ennemi n°1 était l’homme. Cette divergence fut à
l’origine de la destitution de Joséphine Bouanga.
On peut se poser aujourd’hui la question suivante : l’analyse
des femmes était-elle fausse ? Des décennies plus tard, la
femme congolaise se retrouve toujours face à l’homme
congolais.
Les élections législatives organisées en 2002, en 2007 ont
mis les femmes aux prises avec les camarades de leurs partis.
Chaque fois qu’il s’est agi d’inscrire les femmes sur les listes
électorales des Conseils départementaux, les Etats-majors des
partis, très subtilement, les ont portées à la fin de chaque liste,
garantissant ainsi leur échec lors des élections. Que de
combats ! Que d’opposition pour leur nomination à différents
postes ! Et pourtant, leur présence dans les sphères de
décisions influencerait certainement de manière positive la vie
de la Nation en raison de leur sens élevé de la protection de la
vie qu’elles donnent.
Joséphine Mountou Bayonne, une « cacique » du Parti
congolais du travail (PCT), Présidente de l’URFC de 1973 à
- 379 -
1979, a marqué son époque par son courage, sa ténacité et sa
fidélité à son Parti. Femme aux grandes convictions politiques,
elle a su affronter toutes les oppositions internes suscitées
contre elle au sein de l’Union, particulièrement contre sa
volonté d’élargir la base de l’URFC en y injectant du sang
nouveau au Conseil Central de 1976 qui a vu arriver des cadres
féminins de haut niveau. Sa décision d’inscrire quelques noms
de cette génération nouvelle de jeunes femmes « expertes et
rouges » sur la liste de la délégation congolaise au Congrès
Mondial des femmes à Berlin (RDA) en octobre 1975, lui a
valu des attaques virulentes des « anciennes », qui affublaient
les nouvelles d’appellations inamicales : « les intruses », « les
bics molayi ».
Son courage est encore passé à l’épreuve du feu en février
2007, à l’occasion de la deuxième session extraordinaire du
Comité Central du PCT, en pleine crise entre conservateurs et
refondateurs.
Membre du Bureau Politique, membre de la Commission
Nationale de Contrôle et de Vérification (CNCV) du Parti, elle
refusa de signer le rapport de la CNCV, ce qui aurait permis de
valider quinze ans d’inactivité du Parti. Ce refus courageux
sauva le Parti.
Ida Victorine Ngampolo (très jeune, 23 ans), prit part à la
Conférence des Femmes Africaines (CFA) en 1964 à Zanzibar.
Celle-ci devint l'Organisation Panafricaine des Femmes (OPF)
en 1968 à Alger, qui fut l'unique instrument de lutte pour la
libération politique du continent africain et pour
l’indépendance nationale des pays qui n’avaient pas encore
accédé à la souveraineté nationale, jusqu’en 1980.
Successivement, les Congolaises occupèrent des postes à
l’OPF dont le siège était basé à Alger (Algérie) jusqu’en 1981.
Il s’agit de Victorine Okotaka-Ebale, Ida Victorine Ngampolo,
Romaine Ekouya Poaty.
- 380 -
A la Fédération Démocratique Internationale des Femmes
(FDIF), (Berlin, 1977-1984), à l’UNESCO à Paris (1980-
1992), d’autres femmes représentèrent l’URFC respectivement
comme Déléguées de l’URFC auprès de la FDIF et
Représentantes de la FDIF auprès de l’UNESCO.
Dans ces institutions, le dynamisme de la femme congolaise
lui a permis de s’assurer une visibilité réelle au niveau
international. Jeanne Dambendzet, Marie-Josée Mathey,
Marie-Thérèse Avéméka et Victorine Engobo, pendant cette
longue période (1977-1992), réalisèrent un travail remarquable
qui valut à la Congolaise une reconnaissance des autres
organisations féminines. En novembre 1999 et en mars 2002,
le Congo a été élu tour à tour à la 6ème Conférence Régionale
des Femmes Africaines (Addis Abeba) pour un mandat de 5
ans et à la Présidence de la Commission de la Femme des
Nations-Unies à New York pour une durée de 4 ans.
Au Gouvernement, au Parlement, dans les institutions
constitutionnelles, dans les administrations publiques, dans
l’armée, dans le secteur privé, dans les Organisations Non
Gouvernementales, dans les associations, dans la société
civile, dans les entreprises, dans les marchés, bref, les femmes
menèrent un rude combat, avec efficacité, pour relever les
défis du développement tout en apportant la preuve de leurs
compétences dans un environnement marqué par l’âpreté, les
intrigues et des oppositions profondes.
- 381 -
tentent en réalité de se réapproprier ce que les hommes leur ont
« volé ». Ils se sont progressivement arrogé tous les pouvoirs que la
femme détenait. Même la maternité qui restait le dernier bastion de
sa puissance a été investie par les hommes. La désacralisation de
l’arrivée de l’enfant au monde, tout le mystère qui l’entourait est
tombée dès l’instant où les hommes ont été appelés à participer à ce
processus à différents niveaux en tant que maris (pères, médecins,
spécialistes, gynécologues et obstétriciens, etc.).
Mais dans cette marche ascendante vers plus de liberté et de
responsabilités, il convient de souligner l’inestimable atout
dont les femmes ont bénéficié, sans lequel leur situation
n’aurait pas connu une évolution si fulgurante, notamment au
plan constitutionnel depuis 1963.
L’appui inconditionnel de quelques hommes d’Etat et chefs
de partis a été décisif dans cette lutte des femmes, dans la
rapide évolution constitutionnelle du statut de la femme. L’un
d’entre eux s’est particulièrement distingué par un soutien plus
fort. Il s’agit de Denis Sassou Nguesso. Dans son discours à
l’occasion de la célébration du 20ème anniversaire de l’Union
Révolutionnaire des Femmes du Congo, en 1985, il déclara :
- 382 -
moitié de la société ( ) Bref, elles sont non seulement
les égales des hommes, mais elles pallient aussi leurs
défauts. Je les estime parfaitement capables d’assumer
des responsabilités de haut niveau.
Et, dans son livre Le manguier, le fleuve et la souris, il
déclare :
Je souhaite tout d’abord, donner aux femmes
congolaises la place qu’elles méritent au sein de la
société. Encore trop souvent laissées en marge de la
marche des affaires sur le plan familial comme sur le
plan social, elles souffrent d’injustices multiples. Or,
elles sont plus nombreuses que les hommes, et sont
peut-être plus dynamiques qu’eux, dans les
campagnes comme dans les villes200.
200
D. Sassou Nguesso, op. cit., p. 133.
- 383 -
été responsabilisée dans la préparation du 4ème Congrès
Ordinaire du PCT de 1989.
Même si les effectifs dans l’appareil de l’Etat sont encore en
deçà des attentes des femmes, on note une évolution positive
au niveau du Gouvernement.
Les tableaux ci-après présentent l’évolution des statistiques
de la représentativité des femmes au niveau du Parlement, au
niveau du Gouvernement, dans les hautes institutions de la
République, et dans les collectivités locales.
1991
140 92.2 12 7.8 153 100
(CSR)*
- 384 -
1 Assem-
blée
9 119 95.2 06 4.8 125 100
Natio-
9 nale
2 Sénat 56 96.6 02 3.4 58 100
1998
(CNT)**
66 88.0 09 9.0 75 100
2 Assem-
0 blée 117 90.7 12 9.3 129 100
Nationale
0
2 Sénat 51 85.0 09 15.0 60 100
2 Assem-
blée 127 92.7 10 7.3 137 100
0
Nationale
0
7 Sénat 67 89.33 08 10.67 75 100
- 385 -
Tableau n°2 : Répartition des membres du Gouvernement,
par période et selon les sexes
Hommes Femmes
Période
Nombre % Nombre %
1989 24 96 01 4
1991 20 95 01 5
1995 32 91.4 03 9
1999 23 92 02 8
- 386 -
Tableau n°3 : Présence des femmes dans les hautes institutions de la
République, de 2002 à nos jours
Conseil 48 64 27 36 75 100
Economique et
Social
- 387 -
Tableau n°4 : Répartition des gestionnaires des collectivités locales, selon le
genre, de 2002 à nos jours
Hommes Femmes
Institutions
Nombre % Nombre %
- 388 -
les faits. Et pourtant, il est admis partout que la Nation qui
néglige les femmes, se refuse les moyens de son
développement. C’est un impératif de développement que de
prendre en compte plus de la moitié de la population. La
former, la qualifier, l’éduquer, l’instruire politiquement,
techniquement, scientifiquement ouvre le chemin à l’avenir.
Bien des changements en effet sont intervenus dans les lois
et, théoriquement, les femmes ont récupéré la plupart de leurs
droits perdus tout au long de leur histoire. Cependant, il y a
encore un long chemin à parcourir au niveau de la
transformation des mentalités, des préjugés et toutes ces
anciennes manières de penser, de fonctionner qui ont souvent
la vie dure. Les Congolaises doivent s’armer de patience. Au
lieu de passer le temps à tenter de persuader les uns et les
autres de leur valeur, elles doivent travailler dans le domaine
de leur volonté pour libérer toutes leurs capacités dans une
nouvelle créativité.
CONCLUSION
- 389 -
Dans les divers rôles et fonctions qu’elles devaient assumer,
les femmes ont eu l’attitude de l’architecte, du peintre ou du
musicien face à sa création, laissant éclater son génie. Il
convient donc de rappeler qu’à cet égard, il faut un minimum
d’équité dans la société pour que chacun accepte de jouer sa
partition, avec harmonie.
Les femmes, courageusement, ont été dans tous les combats,
sur tous les fronts, sur tous les terrains, portant leur part de
responsabilité, suppléant souvent les démissions masculines.
Dès lors, l’amélioration de leur situation, la promotion de leurs
droits, l’évolution de leur statut et de leur place dans la société
passeront par la définition et l’élaboration des politiques
globales touchant aux différents aspects de la vie, sans exclure
la femme.
Il est apparu par ailleurs, au travers de cette présentation, des
priorités sur lesquelles il conviendrait de mettre un accent
particulier. Il s’agit de la nécessité pour les femmes d’être
présentes dans les sphères de décisions afin qu’elles contribuent à
influencer les décisions à prendre concernant la vie de la société.
Le renforcement de leur pouvoir politique et économique
paraît à cet égard mieux couvrir leur ambition de participer à la
construction d’un monde fondé sur les valeurs d’équité, de
solidarité, de partage, d’amour et du respect de l’autre.
Le sens élevé de leur responsabilité à préserver la vie qu’elles
donnent, qui s’est révélé tout au long de cette présentation, leur
impose des sacrifices souvent insupportables, mais supportés, en
raison de cette volonté protectrice.
Malheureusement, face aux conspirations et aux stratégies
échafaudées par l’homme pour les éloigner des postes où la
reconnaissance de leur pouvoir serait sans équivoque, les
femmes, sagement, ont dû courber l’échine pour laisser la
première place à l’homme afin de sauvegarder la vie, et
- 390 -
refusèrent ainsi de porter la responsabilité des blocages
qu’engendreraient les égos des hommes. Alors, sans
discernement, les hommes ont fini par se laisser séduire et
convaincre de leur pouvoir à refaçonner le monde tout seuls, à
le recréer sans l’apport des femmes et leur vision humaniste.
Les résultats sont catastrophiques.
A l’échelle du Congo, la pauvreté, les violences, l’immoralité,
les égoïsmes, les crises, les guerres, la déshumanisation de la
société, et tous les dysfonctionnements observés hier et
aujourd’hui, sont en partie dus à cette sécheresse spirituelle d’une
société masculinisée, où seules les valeurs fondées sur l’argent
dominent. D’où la nécessité de repenser le monde en tenant
compte de la contribution que les hommes et les femmes
pourraient apporter chacun dans un esprit de complémentarité.
C’est là où le besoin de former les femmes, de les préparer à
assumer efficacement leurs responsabilités comme le faisaient
les anciens, redevient une exigence urgente. Ne dit-on pas que
former une femme c’est former une Nation ? L’éducation au
sens le plus large, apparaît dès lors, comme la clé de voûte du
salut du Congo.
La femme congolaise attend la reconnaissance de ses droits,
mais davantage, la préparation de toute la société aux
mutations qui induisent de profonds changements de
mentalités, afin que la vision devienne réalité.
Les pouvoirs publics, à tous les niveaux, ont la
responsabilité de mieux prendre en compte la présence
féminine dans tous les espaces de décisions s’ils ont une réelle
ambition de faire avancer le Congo, de le tirer par le haut, de
refuser de le niveler par le bas et ainsi, construire réellement
une société nouvelle, fondée sur des valeurs morales sûres de
paix, de justice, de partage, d’amour, de solidarité et de
progrès social.
- 391 -
CHAPITRE 13
LA JEUNESSE DANS
L’HISTOIRE DU CONGO (1960 à 2010)
INTRODUCTION
- 393 -
Fulbert Youlou. C’est la Révolution des 13, 14 et 15 août
1963.
Une nouvelle ère est née, rompant systématiquement avec le
passé, et prônant l’unicité d’organisation dans toutes les
couches sociales et dans les différentes catégories socio-
professionnelles. C’est l’ère du « monopartisme », qui
s’étendra de 1963 à 1991, année de la Conférence nationale
souveraine (C.N.S.) laquelle exhumera le multipartisme et les
différents mouvements de jeunesse enterrés depuis des lustres.
- 394 -
leaders des différents partis politiques pour qui, le parti unique
était la solution idéale pour éviter la réédition des émeutes
intertribales de 1958 à Pointe-Noire et de 1959 à Brazzaville.
L’Assemblée nationale fut alors convoquée en session
extraordinaire le 10 avril 1963 ; elle adopta à l’unanimité et
par acclamation la loi n°14/63 du 13 avril 1963, portant
création d’un parti unique. Mais, les événements s’étant
précipités, Youlou ne put faire aboutir son projet. Faisons
observer que cette analyse des leaders politiques d’antan, a
démontré par la suite sa justesse. En effet, pendant tout le
règne du parti unique (M.N.R. et P.C.T. confondus), il n’eut
aucune émeute, aucune guerre civile. C’est après la
Conférence nationale souveraine et avec la résurgence du
multipartisme, que le Congo a offert au monde le désolant
spectacle des guerres civiles à répétition.
- 395 -
Marien Ngouabi est élu Président du P.C.T., secondé par un
cadre issu de la J.M.N.R., en l’occurrence Claude Ernest
Ndalla, élu au poste de 1er Secrétaire du Comité Central du
P.C.T.. La jeunesse comptera parmi les congressistes,
plusieurs de ses membres.
- 396 -
en session extraordinaire le Comité Central du P.C.T., en
hibernation depuis le 12 décembre 1975.
A l’issue de cette session, Joachim Yhomby-Opango est
déchu de ses fonctions et radié du P.C.T. Par la même
occasion, le Comité Central dissout le C.M.P. et met en place,
une commission préparatoire du congrès, dirigée par Denis
Sassou Nguesso. En mars 1979, le congrès se tient et le P.C.T.,
avec à sa tête Denis Sassou Nguesso, entre dans une nouvelle
dynamique, jusqu’à la Conférence nationale souveraine.
Notons que le mouvement qui amena Denis Sassou Nguesso à
la tête du Parti, fut appelé « Mouvement du 5 février », car il
rappelle la date de la réhabilitation du Comité Central du
P.C.T.
1. Le scoutisme
En 1907, en Afrique du sud, un général britannique à la
retraite, du nom de Robert Baden Powell, fonda un
mouvement de jeunesse, dont l’audience rayonnera rapidement
et progressivement dans le monde entier : le scoutisme
(scouting, en anglais).
Créé en France en 1909, le scoutisme fut institué au Congo
en 1927, sous les dénominations : Éclaireurs de France ou
Scouts de France, le Congo étant à cette époque-là, une
colonie, un territoire français d’outre-mer.
- 397 -
quelque forme que ce soit, de questions politiques. Voici les
devoirs du scout :
le scout a des devoirs envers Dieu : il doit adhérer à des
principes spirituels et religieux. Cette clause est valable
uniquement chez les scouts appartenant à une obédience
religieuse, et non chez les laïcs ;
le scout a des devoirs envers son pays, dans la
perspective de la promotion de la paix et du développement
national ;
le scout a des devoirs envers lui-même. Il doit ainsi
veiller à son développement personnel.
Les textes de base qui soutiennent son action, sont la
« Loi », code moral exposé en dix articles et la « Promesse »,
sorte d’engagement pris en public par le scout, au cours d’une
cérémonie solennelle, engagement à mener sa vie selon les
principes contenus dans la « Loi ».
Ecole de la vie, le scoutisme regroupe en son sein des
enfants et adolescents de 7 à 20 ans, et aussi des adultes. Il
répartit ses membres en trois catégories, selon l’âge des
adhérents :
- 398 -
britanniques : une chemise kaki, un short, un chapeau à larges
bords. On y ajoute un foulard attaché autour du cou. Chaque
mouvement scout, dans différents pays, choisit librement une
couleur pour son uniforme ; et au sein d’une même
association, il arrive que la couleur de la tenue diffère en
fonction de l’âge ou du sexe.
- 399 -
a pour objectifs essentiels : la défense des intérêts matériels et
moraux des élèves. Mais, sous l’influence de l’Association des
Etudiants Congolais basés en France (A.E.C.), l’Association
Scolaire du Congo s’intéresse également aux questions
politiques et prend position dans la manière dont le
gouvernement conduit les affaires du pays. Elle évolua ainsi,
sous l’œil très regardant des services secrets du Président
Fulbert Youlou, qui voyaient en elle, l’embryon d’un
mouvement communiste. C’est ce qui expliquera qu’à la veille
du 15 août 1963 (jour de la Révolution), des responsables de
l’A.S.CO. aient été arrêtés et écroués, en même temps que des
syndicalistes et des militants de l’Union de la Jeunesse
Congolaise (U.J.C.), organisation semi clandestine et proche
du communisme par ses prises de position politiques. Aimé
Matsika, fondateur et président de cette organisation, fut par
exemple arrêté.
- 400 -
acquis de la Révolution. C’est en commémoration de cette
journée que la jeunesse allait désormais fêter chaque année, le
08 février.
- 401 -
révolutionnaires, nécessaires à l’adoption, à l’éclosion et à la
propagation de l’idéologie marxiste-léniniste.
La J.M.N.R. empruntera à un parti politique sud-africain, le
slogan « UN KOTO WA SIZWE » ; ce qui signifie en langue
zoulou : « Fer de lance de la Nation ». Le mot Nation fut
remplacé par le mot Révolution ; ce qui donna : « J.M.N.R.,
fer de lance de la Révolution ». En effet, la J.M.N.R a joué le
rôle d’aiguillon, en incitant chaque fois que cela était
nécessaire, le M.N.R. à prendre des mesures révolutionnaires
et salutaires en faveur du peuple.
- 402 -
définitive nommé second de l’équipe, suivi de Claude Ernest
Ndalla, Gustave Abba-Nganzion, Nicolas Okongo, Bernard
Combo-Matsiona, Camille Bongou, Célestin Goma-Foutou,
Joseph Ludovic Samba, Marie-Albert Collelas, Simon
Massamouna, Elie Gandziami et Jean-Pierre Onanga.
En août 1969, se tint à Brazzaville le 3ème congrès de la
J.M.N.R. au cours duquel, on assista à un remue-ménage. Le
thème proposé, « les tâches actuelles de la jeunesse au regard
de la situation concrète de l’heure », sera controversé et
longtemps débattu avant d’être adopté. Malgré tout, le congrès
fut suspendu. Les délégations repartirent chez elles et revinrent
quelques jours plus tard pour reprendre les travaux. Cette fois,
le 3ème congrès de la J.M.N.R. se mua en congrès constitutif de
l’U.J.S.C. (Union de la Jeunesse Socialiste Congolaise).
- 403 -
Pour maîtriser le maniement des armes, apprendre la
discipline militaire et se familiariser avec les techniques de la
guérilla, la Défense Civile fit appel à des experts cubains et
égyptiens. Répartis sur plusieurs sites, les miliciens de la
Défense Civile recevaient de façon intensive des cours de
formation politique et idéologique, et participaient à de
nombreuses séances de tirs. On retiendra à son actif, malgré
les bavures et les dérapages observés, que la Défense Civile
inculquait à ses membres des valeurs morales telles que le
respect du Peuple et l’amour de la Patrie.
- 404 -
par des jeunes brazzavillois qui prirent d’assaut l’ambassade
du Zaïre, le Bureau Politique du Comité Central du
P.C.T. décida de relever Bernard Combo-Matsiona de ses
fonctions de président de l’U.J.S.C. et de le remplacer par
Alphonse Foungui, alors 1er Vice-président chargé de
l’éducation, de la presse et de la propagande.
Au lendemain du putsch manqué du 22 février 1972, dont le
chef de file fut Ange Diawara, se tint au « pont du Djoué » du
22 au 26 septembre de la même année, une session
extraordinaire du Conseil Central de l’U.J.S.C. qui porta Jean
Jules Okabando à la tête de l’Union et prit, contre les militants
impliqués dans ce coup, une série de sanctions allant de la
suspension à l’exclusion du Comité Central. Du 03 au 09 mai
1973, l’U.J.S.C. tint son 2ème congrès. Jean Jules Okabando fut
élu, Premier Secrétaire du Comité Central.
A la suite de la grève avortée du 24 avril 1976, initiée par la
Confédération Syndicale Congolaise (C.S.C.) et soutenue par
certains cadres du Comité Central du P.C.T., dont Jean Jules
Okabando, ce dernier fut relevé de ses fonctions de Premier
Secrétaire du Comité Central et remplacé par Jean-Pierre
Ngombé au cours d’une session extraordinaire du Comité
Central de l’U.J.S.C.
Le 3ème congrès ordinaire de l’U.J.S.C. tenu à Brazzaville,
du 23 au 27 décembre 1977 sous l’égide du Comité Militaire
du Parti (C.M.P.) élit, par acclamation, Jean-Pierre Ngombé au
poste de Premier Secrétaire du Comité Central de l’U.J.S.C.
Au lendemain du triomphe du « Mouvement du 5 février
1979 » dirigé par Denis Sassou Nguesso, alors Premier Vice-
président du C.M.P. et, dans le but d’écarter tous ceux qui
n’avaient pas favorisé ce « Mouvement », le Comité Central de
l’U.J.S.C. se réunit en session extraordinaire. Jean-Pierre
Ngombé fut remplacé par Gabriel Oba-Apounou.
Le 4ème congrès de l’U.J.S.C. qui eut lieu à Brazzaville du
09 au 14 août 1981, confirma Gabriel Oba-Apounou au poste
- 405 -
de Premier Secrétaire. Ce dernier fut reconduit au 5ème et au
6ème congrès tenus respectivement en 1985 et en 1989. Michel
Ngakala lui succéda en 1990 et s’y maintint jusqu’en 1991,
année de la tenue de la Conférence nationale souveraine.
A partir de la Conférence nationale souveraine, une
multiplicité d’organisations de jeunes étant née, l’U.J.S.C.
devint alors, une locomotive sans rames. Elle perdit son rôle
d’avant-garde et se contenta désormais d’être simplement un
appendice du P.C.T. dont dépend jusqu’à ce jour sa survie.
Dans sa nouvelle formule, l’U.J.S.C est dirigée depuis 1991
par Isidore Mvoumba.
- 406 -
Direction Nationale de la J.M.N.R. Celle-ci nomma Auguste
Bitsindou Commissaire Général du M.N.P.
Calqué sur le scoutisme d’où il tire les grands principes de
son organisation, le M.N.P. fut un mouvement d’éducation
d’enfants et d’adolescents congolais. Il éduquait ses membres
selon la morale socialiste, qui met l’accent sur la primauté des
intérêts collectifs sur les intérêts individuels, l’amour et la
défense de la patrie. Sa devise était « servir ».
- 407 -
la tête du Mouvement National des Pionniers, en
remplacement de Simon Massamouna. Le Président du
Conseil Central de l’U.J.S.C., Bernard Combo-Matsiona dut
signer le même jour le texte qui nommait Jean-Pierre Ngombé
Commissaire Général des pionniers, à la tête d’une équipe de
dix membres dont la mission essentielle était de redynamiser le
jeune mouvement, par la relance de certaines activités mises
en veilleuse.
L’année 1970, sera alors marquée par de nombreuses
activités (camps de week-end, colonies de vacances nationales
et internationales, camps de formation des cadres à divers
niveaux, etc.) et aussi et surtout, par des réformes importantes
qui élargiront le champ d’action du M.N.P. et mettront l’accent
sur l’aspect éducatif du Mouvement. Les mesures ci-après
allaient consolider l’action du M.N.P. :
- le port obligatoire d’une tenue scolaire uniforme par les
élèves des écoles primaires et secondaires (écoles primaires,
collèges et lycées). Ceci afin d’éviter de faire apparaître au
sein de l’école et à travers leur habillement, les différences
sociales des élèves. Cette mesure fut rendue publique par la
note circulaire n°16016/EN.SGE-DAAF du 24 août 1970
signée du Ministre de l’Education Nationale ;
- l’intégration officielle du M.N.P. à l’école. Pour une
éducation harmonieuse de l’enfant, il fallait désormais « mettre
l’argile entre les mains du potier » c’est-à-dire, confier l’enfant
à l’enseignant, cet homme qui a appris et exerce le métier qui
consiste à transmettre les connaissances et à modeler le
caractère de l’enfant. Grâce à l’arrêté n°4696/EN-CAB du 11
novembre 1970 signé du Ministre de l’Education Nationale,
cette intégration fut effective ;
- le salut des couleurs à l’école. Afin d’éveiller et d’élever
chez l’enfant l’esprit patriotique, il fut institué le salut aux
couleurs à l’école. Tous les matins avant d’entrer en classe, les
élèves se réunissaient autour du mât portant le drapeau
- 408 -
national, chantaient l’hymne national ainsi que l’hymne des
pionniers. Par lettre circulaire n°2459/EN-CAB du 27
novembre 1970 signé du Ministre de l’Education Nationale,
cette pratique fut rendue obligatoire ;
- l’inscription de la loi du Pionnier, parmi les disciplines
scolaires, en remplacement de la morale traditionnellement
enseignée. La loi du pionnier présentée en dix articles, est un
code moral et civique. Citons quelques articles illustrant la
portée éducative de cette loi :
- le pionnier est un militant conscient et efficace de la
jeunesse ;
- le pionnier respecte la nature et la transforme utilement ;
- le pionnier respecte les biens publics et les biens
d’autrui ;
- le pionnier accomplit chaque jour une bonne action ;
- le pionnier accomplit sa tache jusqu’au bout ;
- le pionnier dit toujours la vérité.
- 409 -
6. L’Union générale des élèves et étudiants congolais
(U.G.E.E.C.)
Créée le 15 juillet 1965 à Brazzaville à l’issue de son
congrès constitutif, l’U.G.E.E.C. regroupait en son sein les
élèves et étudiants de toutes conditions sociales, sans
distinction de sexe ni de religion. Sa devise, inspirée de celle
de la J.M.N.R., était « Etude-Discipline-Fusil ».
- 410 -
l’ouverture des internats, restés fermés depuis la rentrée des
classes, la démocratisation de l’enseignement dont les
programmes demeuraient inadaptés aux réalités congolaises.
Malgré la justesse de ces revendications, reconnue par le
pouvoir, celui-ci déplora le caractère anarchique de la grève et
surtout, la présence dans ce mouvement, d’éléments jugés
dangereux. Le 23 novembre 1971 à la place de la gare de
Brazzaville, au cours d’un « meeting-monstre », le Président
Marien Ngouabi dénonça avec véhémence le comportement
hypocrite de certains membres du PCT, prétendus
« instigateurs de ce mouvement contestataire. » Le lendemain,
24 novembre, les élèves et étudiants, reprirent le chemin de
l’école, mettant ainsi fin à la grève.
L’U.G.E.E.C. s’était aussi illustrée par sa participation à
toutes les activités tendant à élever le niveau politique et
idéologique de ses membres, à améliorer les conditions
d’étude des élèves et étudiants en vue de les orienter vers des
débouchés qui devaient tenir compte des besoins du Congo en
cadres qualifiés. Elle était de ce fait membre de la Commission
nationale des bourses. Compte tenu du souci exprimé par
l’U.G.E.E.C. d’améliorer les conditions de vie des étudiants
congolais à l’étranger et particulièrement en France, une
mission d’Etat conduite par Michel Konko, alors Secrétaire du
Comité Central de l’U.J.S.C. chargé de l’Organisation, se
rendit à Paris en février 1977 dans le but de préparer les
conditions de la création de l’O.G.E.S. (Office de Gestion des
Etudiants et Stagiaires) en remplacement de l’O.C.A.U.
(Office de Coopération et d’Accueil Universitaire) géré par les
Français. Le 16 mars 1977, l’O.G.E.S. fut créé à la suite d’un
Conseil d’Administration ayant regroupé les autorités
françaises et congolaises ainsi que leurs experts respectifs.
Ceci renforça l’autorité de l’U.G.E.E.C. sur l’ensemble des
étudiants congolais basés à l’étranger.
- 411 -
Toutes ces victoires de l’U.G.E.E.C. ont été remportées sous
la direction des différents présidents qui se sont succédé à la
tête de cette Union : Martin Adouki (premier Président de
l’U.G.E.E.C. élu en 1965), Ange Edouard Poungui, Marie-
Albert Collelas, Maurice Claude Malela-Soba, Paul Banga
Kanga, Arsène Destin Tsaty-Boungou et Paul Antillon.
Au 5ème congrès de l’U.J.S.C. (1985), l’U.G.E.E.C.
disparut et fut remplacée par deux fédérations : la Fédération
Nationale de la Jeunesse Scolaire (FE.NA.JE.SCO.) et la
Fédération Nationale de la Jeunesse Estudiantine
(FE.NA.J.EST.)
- 412 -
En 1960, l’A.E.C. désapprouva et condamna le régime de
l’Abbé Fulbert Youlou, considéré comme le valet de
l’impérialisme, le continuateur de la politique coloniale,
l’homme à la solde de la France. C’est ainsi qu’elle applaudira
plus tard, les événements des 13, 14 et 15 août 1963, qui firent
tomber le Président Youlou.
Après ce mouvement insurrectionnel, certains de ses
militants rentrèrent au Congo, pour y mener le combat
politique, au sein du M.N.R., puis du P.C.T., et aussi au sein
de la J.M.N.R. et de l’U.J.S.C., pour le triomphe des idées
progressistes. Ce fut le cas de Pierre Nze, de Justin
Lekoundzou, de Jean-Pierre Thystère-Tchicaya et d’Ambroise
Noumazalay qui sera nommé Premier ministre de Massamba-
Débat en remplacement de Pascal Lissouba.
La vie politique du Congo sous le MNR et le PCT eut une
incidence dans la vie et le fonctionnement de l’A.E.C.. ses
membres se divisèrent, à la longue, en des tendances
divergentes, « pour ou contre tel régime au pouvoir », sur des
bases tantôt tribales tantôt idéologiques.
L’A.E.C. fut invitée par Marien Ngouabi à prendre part en
juillet 1972 à la Conférence nationale organisée à Brazzaville
par le P.C.T. A cette occasion, elle fut représentée par Martin
Mbemba, Jean Opa et Paul Nzete qui marquèrent leur
présence, par un discours incisif mais constructif.
L’AEC a connu des périodes de crise (1968 à 1969, 1972 à
1973, 1982 à 1984), souvent influencées par la situation
politique à Brazzaville qui, souvent, provoquait des scissions
au sein du mouvement.
Voici quelques noms de ceux qui ont été élus au cours des
différents congrès, à la tête de l’A.E.C., en qualité de
Président : Damase Bouboutou (1er Président de l’A.E.C.),
Jean-Pierre Thystère-Tchicaya, Justin Lekoundzou, Martin
Nkiele Mbemba, Jean Opa, Mathias Ndzon, Paul Nzete, Henri
Ossebi, Joseph Milandou, Abel Kouvouama, Jean Ossibi…
- 413 -
III Les Organisations juvéniles internationales et la
jeunesse congolaise
- 414 -
Comité Central de l’U.J.S.C. La jeunesse congolaise
participait, de façon régulière, aux différentes manifestations
politiques et culturelles organisées par la F.M.J.D. Citons au
passage, le 10ème Festival mondial de la jeunesse et des
étudiants, tenu à Cuba en 1978 ainsi que le 11ème Festival tenu
à Berlin en 1982.
- 415 -
d’Afrique noire francophone puisaient leurs énergies au sein
de la F.E.A.N.F., pour les mettre à la disposition de leurs
indépendances respectives. Au Congo, on peut citer par
exemple comme cadres éminents ayant été notamment à
l’école de la FEANF : Roch Auguste Ngandzadi, Lazare
Matsokota, Ambroise Noumazalay, Henri Lopès, Martin
Mbemba, Pierre Moussa, …
- 416 -
Congolais ». Par cette décoration, le Congo reconnaissait les
mérites de cette organisation de la jeunesse africaine, dans
l’accomplissement de ses missions.
La jeunesse congolaise, représentée par l’U.J.S.C., a
participé activement et régulièrement aux différentes activités
organisées par le Mouvement Panafricain de la Jeunesse, et
notamment aux différentes conférences statutaires :
- la 3ème conférence tenue à Dakar (Sénégal) en 1970 ;
- la 4ème conférence tenue à Benghazi (Libye) en 1973 ;
- la 5ème conférence tenue à Brazzaville (Congo) en 1979 ;
- la 6ème conférence tenue à Arusha (Tanzanie) en 1985 ;
- la 7ème conférence tenue à Alger (Algérie) en 1990 ;
- la 8ème conférence tenue encore à Alger en 1996 ;
- la 9ème conférence tenue à Windhoek (Namibie) en 2003.
C’est à cette conférence de Windhoek, que le Mouvement
Panafricain de la Jeunesse changera de nom, pour s’appeler
désormais : Union Panafricaine de la Jeunesse (U.P.J.). A cette
même occasion, le M.P.J. changea le fusil d’épaule, pour se
battre désormais, sous la nouvelle appellation, sur le terrain
économique, la lutte pour l’indépendance n’ayant plus sa
raison d’être.
- 417 -
et les conférences thématiques. Son siège est à Prague
(Tchécoslovaquie).
Le M.N.P. a été pendant longtemps membre du C.I.M.E.A.
Certains de ses cadres ont occupé des postes de « permanent »
au sein de ce comité international, concomitamment avec leur
qualité de représentant à la F.M.J.D.
CONCLUSION
- 418 -
CHAPITRE 14
INTRODUCTION
- 419 -
syndicats qui menèrent l’action populaire ayant abouti
finalement au renversement de l’Abbé Fulbert Youlou, le
premier président du Congo. Mais comment le syndicat mena-
t-il sa lutte lorsque de nouveaux enjeux se présentèrent dans le
pays avec les défis de l’indépendance ?
I- Aperçu général
- 420 -
continent. Un troisième congrès se tint à Cotonou en 1956. Le
débat qui avait divisé les participants aux deux premières
réunions et qui portait principalement sur l’engagement des
syndicats aux côtés des partis politiques, ne trouva toujours
pas de solution à Cotonou. Une partie des syndicalistes avait
adhéré au principe de leur participation à la lutte pour
l’indépendance du continent. Les défenseurs de cette thèse de
l’engagement politique des syndicats avançaient que leur
combat pour les droits sociaux des travailleurs en Afrique
passait nécessairement par la lutte commune que toutes les
forces vives menaient sur le continent contre la colonisation.
Les autres arguaient qu’un tel engament émousseraient leur
combativité dont le but essentiel était avant tout le bien-être
des ouvriers.
A cette rencontre, on projeta la création d’une organisation
syndicale commune au niveau continental. Mais l’absence de
l’Afrique du Nord à ce congrès de Cotonou, ne permit pas de
mettre sur pied cet organe de combat. Il fallut attendre le
congrès de Conakry pour voir se concrétiser cette idée d’une
centrale unique de coordination syndicale. Ainsi naquit
l’Union Générale des Travailleurs de l’Afrique Noire
(UGTAN). En même temps que le syndicat militant se
structurait autour du l’UGTAN, un autre courant traversait le
monde ouvrier : la Confédération Syndicale Africaine (CSA)
restait favorable pour une séparation nette entre l’action
syndicale et la lutte politique. Elle justifiait l’apolitisme du
mouvement syndical comme une attitude de sagesse devant les
brutalités de l’administration coloniale qui avait tendance à
confondre volontairement ces deux formes de lutte.
Le congrès de Casablanca de 1961 avait fait naître beaucoup
d’espoir. Les deux courants allaient-ils trouver un terrain
d’entente pour une fusion des points de vue ? C’était bien
l’espoir de tous les participants. Mais les pressions que
l’administration coloniale et les milieux d’affaires exercèrent
- 421 -
sur certaines délégations firent qu’au lieu d’un syndicat
unique, on arriva à un simple compromis. Celui-ci donna
naissance, non pas à un syndicat panafricain, mais à un organe
de concertation collégiale entre les diverses centrales. Cette
formation baptisée, Union Syndicale Panafricaine (USPA)
dont les rôles n’étaient jamais définis de manière exacte, ne
vécut que l’espace d’un congrès. En réalité, elle n’exerça
aucune influence sur les syndicats locaux, qui gardèrent leur
mouvement d’action et leurs réseaux d’alliance. De manière
générale, le syndicalisme africain oscilla pendant longtemps
entre ces deux conceptions, celle d’une centralisation et celle
d’une autonomie des syndicats.
- 422 -
était très faible numériquement, l’influence des syndicats
devait être naturellement très faible. Jusqu’en 1960, l’action
syndicale au Congo ressemblait fortement à une activité
secrète de quelques initiés, qu’on prenait volontiers dans les
lieux ouvriers comme de simples trouble-fêtes. D’ailleurs, bon
nombre de travailleurs évitaient souvent de les fréquenter pour
ne pas avoir des ennuis avec leurs patrons d’entreprise. Bien
que cette activité fût légalement autorisée par la loi, l’action
syndicale restait encore très discrète autour de trois grands
regroupements : la CATC, la CASL et la CGAT.
1-La CATC
La Conférence Africaine des Travailleurs Croyants
(CATC) recrutait ses militants essentiellement dans les milieux
chrétiens. Il était de loin le syndicat le plus important au
Congo par le nombre de ses adhérents. Affiliée à la
Conférence Française des Travailleurs Chrétiens, (CFTC), elle
était d’obédience catholique. Par conséquent, le poids de cette
église était considérable sur ce syndicat. Ses principaux
responsables étaient : Gilbert Pongault, François Gandou,
Pascal Okyemba Morlende, Biyaoula et Eticault. Ses membres
les plus nombreux se trouvaient dans les milieux de
l’enseignement privé. Lorsqu’on connaît la place occupée par
cet ordre d’enseignement dans le pays, on comprend alors
pourquoi les maîtres des écoles catholiques furent en première
ligne dans les premières contestations du gouvernement de
l’Abbé Fulbert Youlou.
Leur grève de 1961 avait obligé l’Etat à prendre en compte
la paie de leurs salaires par le Trésor public. C’était un grand
soulagement que les églises apprécièrent positivement au
départ. Mais cela allait se retourner contre elles quelques
années plus tard lorsque la loi 15/62 du 15 février 1962 versa
tous ces maîtres dans la fonction publique comme des
fonctionnaires de l’Etat. Dès lors, les missionnaires n’avaient
- 423 -
plus d’autorité réelle ni sur leur carrière administrative, ni sur
leur traitement salarial. Au début de 1962, il se forma le
Syndicat National des Enseignants du Congo (SNEC) qui
regroupait les maîtres des établissements privés des trois
confessions religieuses qui tenaient des écoles dans le pays, à
savoir : les Catholiques, les Protestants et les Salutistes. Paul
Bantou en fut le premier secrétaire général. Le SNEC fut très
actif lors du débat national portant sur le statut de
l’enseignement au Congo.
En août 1965, lorsque le parlement congolais vota la loi
portant sur la nationalisation de l’enseignement avec l’appui
de beaucoup d’enseignants du secteur privé qui étaient des
députés, les missionnaires se sentirent trahis par leurs maîtres.
Ils tentèrent de faire échouer l’application de cette loi. Ce fut
l’Eglise catholique qui donna le ton en ordonnant le boycott de
la rentrée scolaire suivante, tout en demandant aux professeurs
qui enseignaient dans leurs deux grands établissements
secondaires, le Collège Chaminade à Brazzaville et le Collège
Champagnat à Makoua, de déserter les salles de classe tant que
certaines dispositions de la loi n’étaient pas revues. Trop tard !
La ferveur révolutionnaire de cette période était si grande que
ce dernier baroud d’honneur ne pouvait plus influer sur un jeu
politique qui avait déjà choisi sa logique et ses hommes. Ce
geste maladroit des missionnaires leur fit tout perdre.
La Révolution congolaise ayant pris en main l’encadrement
de toute la jeunesse, façonna un autre état d’esprit chez les
jeunes Congolais qui finirent par voir l’action missionnaire
avec un esprit beaucoup plus critique qu’auparavant. La percée
fulgurante des églises de réveil qu’on observe aujourd’hui
pourrait avoir quelques racines dans cet état d’esprit où l’on
cessa de considérer les anciennes églises établies dans le pays
comme les seules voies du salut.
La CATC avait aussi beaucoup de militants dans les milieux
du secteur des affaires. Ici, l’action syndicale était plus
- 424 -
difficile à mener, compte tenu de l’hostilité souvent affichée
par le patronat européen qui appréciait mal cette liberté donnée
aux travailleurs de revendiquer des droits. C’est là un détail
important quand on sait que la France avait exporté en Afrique
pendant la période coloniale les éléments de sa bourgeoisie les
plus conservateurs qui furent dans une large mesure, les
auxiliaires zélés du pouvoir des administrateurs coloniaux.
Aux colonies, l’Etat, l’Eglise et le Capital formaient un tout
indissociable. Même si dans l’ensemble, les dirigeants de la
CATC au contact avec les réalités du pays, étaient ouverts aux
idées du changement, certains parmi eux, par contre, restaient
farouchement hostiles à ce qu’ils considéraient comme la
percée du communisme dans la région. Plus tard, cette vision
puérile de la situation coûtera à ce syndicat, sa mise à l’écart
du processus révolutionnaire en cours dans le pays.
2-La CASL
La Conférence Africaine des Syndicats Libres (CASL) fut
la deuxième formation qui discutait l’adhésion des travailleurs
avec la CATC. Son chef était Léon Robert Angor. Les deux
centrales syndicales dont les fondements idéologiques étaient
pourtant différents, avaient en commun l’anticommunisme
viscéral que les milieux du clergé et ceux des affaires leur
inculquaient à doses répétées. En fait, le sigle de cette centrale
était un calque à peine dissimilé de la Conférence
Internationale des Syndicats Libres (CISL) dirigée pendant
longtemps par Irving Brown, dont l’activisme au profit de la
C.I.A. en Afrique ne faisait l’ombre d’aucun doute.
La CASL comptait parmi ses militants des hommes
honnêtes qui s’étaient engagés très vite dans le combat aux
côtés des dirigeants politiques pour la libération du continent.
Mais ces derniers, mal informés de la nature des rapports qui
liaient leur organisation à la C.I.S.L., travaillaient en réalité
pour l’offensive américaine en Afrique, devenue une proie
- 425 -
facile avec les indépendances fragiles des nouveaux Etats. La
section congolaise de ce syndicat, la CASL de Léon Angor,
allait jouer un rôle majeur dans la formation du syndicat
unique au Congo.
3-La C.G.A.T.
Le troisième mouvement syndical congolais fut la
Conférence Générale Africaine des Travailleurs (CGAT) que
dirigeaient deux figures emblématiques du syndicalisme
congolais : Julien Boukambou et Abel Thauley Nganga. Ce
syndicat était en réalité la section congolaise d’une centrale
française, la Conférence Générale des Travailleurs (CGT). Par
ce biais, la C.G.T était très proche des milieux du P.C.F et, par
le truchement de la Fédération Syndicale Mondiale (F.S.M.),
la CGAT de Julien Boukambou était liée aux pays du camp
socialiste. Ses dirigeants avaient pour la plupart eu l’occasion
de visiter l’Europe de l’Est, notamment la Tchécoslovaquie et
la Hongrie, et surtout la RDA. D’autres avaient aussi voyagé
dans certains pays socialistes d’Asie comme le Viêt-Nam et la
Corée du Nord. Par ailleurs, des liens étroits existaient entre ce
syndicat et les organisations syndicales ayant la même
orientation dans certains pays africains : Guinée, Mali, Egypte
et Congo-Léopoldville.
Parmi ses responsables, quelques-uns avaient adhéré au
marxisme-léninisme qu’ils essayaient alors de propager
clandestinement en milieux scolaires et ouvriers. C’était
évidemment un tour de passe-passe difficile, lorsqu’on connaît
l’anticommunisme viscéral du pouvoir congolais au lendemain
de l’indépendance du pays. Aussi, les responsables de ce
syndicat furent-ils très souvent poursuivis par les services de
police « pour activité subversive ». Leur activisme en milieux
scolaires avait appris à la jeunesse congolaise à se jeter très tôt
dans les arcanes du jeu politique. Deux capitales, Accra et
Conakry, avaient permis à ce syndicat de réaliser une certaine
- 426 -
coordination de son activité avec celles d’autres syndicats
ayant le même objectif en Afrique. Pendant le bref passage de
Patrice Lumumba à la tête de l’Exécutif congolais,
Léopoldville fut la voie par laquelle quelques militants de cette
centrale purent sortir facilement du Congo-Brazzaville pour
leurs voyages vers la Guinée, le Ghana, l’Egypte, le Mali ou
vers les pays socialistes d’Europe ou d’Asie. Julien
Boukambou, qui fut la plus grande figure de ce syndicat, visita
la plupart de ces pays qu’il apprit à comprendre et faire
connaître à ses partisans.
- 427 -
Leur peur commune les avait finalement unis pour la suite de
leur bataille !
Mais, après leur victoire, les trois syndicats ne purent se
mettre d’accord sur la conduite du pouvoir qu’ils venaient de
gagner. Bien que visant le même objectif, à savoir les
meilleures conditions de travail, ces trois centrales ne se
mirent pas d’accord sur la conception même du rôle qu’ils
allaient jouer dans le processus en cours. Face à l’apolitisme
des syndicats prôné par des leaders du syndicat chrétien,
s’opposait une autre conception, celle qui militait pour un
engagement politique ferme aux côtés des autres forces vives
ayant adhéré à la nouvelle logique des institutions. Ceux-là
considéraient que l’engagement syndical n’était pas
incompatible avec la lutte politique du peuple congolais. Pour
eux, ceux qui sont chargés de défendre les travailleurs, ne
sauraient restés indifférents au mouvement en cours dans le
pays, au risque d’en être écartés.
Le syndicat doit-il être engagé ou apolitique ? Cette
question de choix idéologique divisa pendant assez longtemps
le monde ouvrier. Ce conflit explique en partie les débuts
tumultueux de la Révolution congolaise. Dans cette ambiance
trouble, les trois centrales syndicales organisèrent le monde
ouvrier, en priorité dans le secteur privé, avec les
appréhensions de leurs divisons internes. Elles abandonnaient
l’administration à elle-même. Si les travailleurs de l’ASECNA
adhérèrent à la CGAT, ce fut simplement parce que quelques
dirigeants de cette centrale, comme Aimé Matsika, y
comptaient de bonnes relations. Ce fut également le cas de la
CATC, qui organisa surtout l’enseignement privé.
Le syndicat des cheminots resta une chasse gardée de la
CGTFO, exactement comme en France. Il restait alors le cas
des agents de l’Etat, les fonctionnaires. Honnêtes et très
souvent bons travailleurs, les fonctionnaires congolais
formaient des groupes non étiquetés, généralement ouverts aux
- 428 -
idées nouvelles et suivant avec intérêt l’évolution de l’Afrique
et du monde. Ils étaient très fiers de l’indépendance de leur
pays, mais ils demeuraient profondément indignés de voir des
injustices et des scandales qui éclataient sous leurs yeux et
dont ils étaient souvent des victimes expiatoires ou parfois des
auteurs inconscients.
L’africanisation des postes tardait à venir, et ils en
ressentaient une amertume face à un gouvernement dont les
conseillers, les directeurs de cabinets ministériels, parfois
même les secrétaires dactylographes, restaient encore des
cadres européens de l’administration coloniale, devenus alors
des assistants techniques par l’heureuse magie des accords de
coopération avec l’ancienne métropole. Par ailleurs, la loi
15/62 du 3 février 1962 fixant le statut général de la fonction
publique, n’intervint qu’une année après la convention
collective du 1er septembre 1960 dont l’esprit était la prise en
charge de ces cadres coloniaux par le nouvel Etat. Le cadre
commun de l’AEF ayant cessé d’exister, la France voulut par
le truchement de cette loi congolaise, trouver du travail à ses
anciens serviteurs dont le recasement en métropole était
difficile à réaliser.
Les fonctionnaires congolais formaient des noyaux non
négligeables de sympathisants, prêts à cautionner un
mouvement de changement radical et cela d’autant plus
facilement que leur adhésion à des syndicats était totalement
interdite. Aussi, allaient-ils s’organiser, sur la base coopérative
en section syndicales (Agriculture, SAF, Santé, etc.) Ce fut en
1961 que les fonctionnaires se regroupèrent pour donner
naissance à la « Conférence des Fonctionnaires », une
formation qui donna plus tard naissance à la « Conférence
Syndicale des Fonctionnaires ». Cette formation ne fonctionna
pas très bien, à cause des menaces de renvoi souvent brandies
par l’administration contre des agents de la fonction publique
qui adhéreraient à des syndicats. Les responsables des trois
- 429 -
grandes centrales syndicales utilisèrent justement cette
interdiction pour amener les agents de la fonction publique à
soutenir leur action clandestine. Souvent, la répression
maladroite et aveugle des services de police contre quelques-
uns d’entre eux pour leurs prises de position dans certains
conflits du travail, poussa davantage les fonctionnaires vers la
désobéissance civique. Ils furent également très actifs dans le
soulèvement populaire d’août 1963.
- 430 -
établissements scolaires pour inviter tous les travailleurs à
rejeter le projet d’une centrale syndicale unique du syndicat.
Au congrès de novembre, trois forces étaient en présence :
la CGAT, la CASL et la CATC qui regroupait la majeure
partie des maîtres de l’enseignement privé, très nombreux dans
la fonction publique, les agents de la santé, les ouvriers des
mairies ainsi que ceux des maisons commerciales de
Brazzaville et de Pointe Noire. La CATC était le syndicat le
plus représentatif des travailleurs congolais de tous les
secteurs. Ses responsables comptaient sur ce poids numérique
pour reprendre l’initiative du mouvement et s’imposer comme
le syndicat le plus représentatif du pays. A l’ouverture des
travaux, la lutte s’engagea dans la salle entre la C.G.A.T. de
Julien Boukambou et la C.A.T.C de François Gandou.
Chacune des deux centrales devait faire des opérations de
charme pour avoir l’alliance du syndicat de Léon Robert
Angor, la CASL, dont le nombre de militants se comptait en
réalité sur le bout des doigts. Mais ce syndicat minoritaire
avait les mains plus libres que les deux autres centrales. Cela
lui permit d’être au bout du compte le grand arbitre du jeu qui
fit tout basculer pour la naissance du syndicat unique. Au
moment de se décider sur l’orientation définitive à retenir, la
question posée dans la salle du congrès, se présentait comme
une alternative qui n’admettait pas d’atermoiements possibles.
La question qui allait être soumise au vote des congressistes
était simple : « Pour ou contre le syndicat unique ? ». Cette
question préjudicielle conditionnait la suite des travaux. Cette
question ainsi posée excluait tout débat de procédure. Il y eut
cependant des discussions sur la manière dont ce vote allait se
passer. Après d’âpres débats, Julien Boukambou et ses
partisans avaient obtenu le principe d’un vote par syndicat, qui
se ferait non pas individuellement, mais par centrale. Le
scrutin n’était pas ouvert aux délégués présents dans la salle,
mais aux trois centrales seulement qui devaient donner leur
- 431 -
voix par leur délégué. Chaque syndicat allait faire des
consultations au niveau de ses membres avant de revenir en
salle pour donner la réponse du groupe. Le scrutin se résumait
au bout du compte à trois voix que les trois responsables :
Julien Boukambou, François Gandou et Léon Angor devaient
exprimer par un vote à main levée. Après une pause de
quelques instants au cours de laquelle chaque centrale devait
faire le tour de la question avec ses militants et affiner sa
réponse, les travaux reprirent en plénière sur cette question
préjudicielle, celle du choix définitif de la forme syndicale à
retenir dans le pays. A la question du bureau dirigeant les
débats, François Gandou leva le doigt contre le projet de
syndicat unique et Julien Boukambou leva le sien pour le
syndicat unique. On attendait alors la réponse de Léon Angor.
Grand silence dans la salle ! Avec le goût du pittoresque qu’il
affectionnait souvent, Léon Angor leva alors le doigt pour
appuyer Julien Boukambou en faveur du syndicat unique. Le
verdict était donné : deux voix contre une. Le syndicat unique
était né ! Léon Angor avait créé la surprise qui, en réalité, n’en
était pas une. Tout le monde savait les accointances qui
existaient entre les deux syndicats.
Les défenseurs de la fusion syndicale avaient triomphé sur
l’autre tendance. Le vote de Léon Angor fut salué dans la salle
par de grands applaudissements qui accompagnaient de
sourdes huées contre la CATC de François Gandou et ses
camarades, qui tentèrent de s’opposer énergiquement en
demandant un autre mode de scrutin. Trop tard ! Les autres
savouraient déjà leur victoire. Malgré les vives protestations de
la CATC, plus rien ne changea le cours des évènements. Le
syndicat unique naquit dans ces conditions cocasses, mêlées
d’astuces et d’intimidations de toutes sortes. La centrale
syndicale que dirigeait Léon Robert Angor n’avait pas le poids
numérique de celui de Julien Boukambou ; encore moins de
celui de François Gandou. Mais ce fut son vote qui fit tout
- 432 -
basculer à gauche, pour donner naissance à la Confédération
Syndicale Congolaise (C.S.C) qui régnera seule sur le monde
ouvrier pendant près de trente ans. Cette façon paraissait bien
singulière, mais ceux qui avaient mis au point ce mode de
scrutin, défendirent énergiquement leur choix. En 1965, Léon
Robert Angor, devenu député, représentant de la CSC à
l’Assemblée nationale, devint le président de l’auguste
chambre. Il allait tout faire pour placer la CSC sous l’autorité
du nouveau parti unique. L’unification des syndicats congolais
en une seule centrale avait été réalisée parce que dans la salle,
on n’avait pas tenu compte du poids numérique de chaque
syndicat.
Malgré sa défaite, la CATC resta ferme sur ses positions du
départ. Non seulement elle refusa de reconnaître la nouvelle
centrale, mais encore elle rejeta également l’offre de faire
partie du Conseil confédéral, l’instance dirigeante du nouveau
syndicat. Dans le préambule de son acte constitutif, on pouvait
déjà noter cette volonté de faire jouer au syndicat des fonctions
politiques :
201
Anonyme, Histoire du syndicalisme au Congo, p. 8.
- 433 -
promesse. Le discours politique prenait le pas sur le discours
syndical. On affirmait que dans la lutte contre le sous-
développement économique du pays et pour l’émancipation
accélérée de l’homme, la CSC devait inscrire au centre de son
activité, le problème coopératif. 202 Concernant le problème
d’adhésion de la CSC au MNR, les positions des uns et des
autres furent floues.
Les radicaux du parti défendirent cette entrée au motif que
la Révolution congolaise était déclenchée par la classe
ouvrière, et que son déroulement devait incomber toujours aux
ouvriers. Mais ce point de vue fut combattu par une autre aile
du parti, pour qui le monde paysan était au Congo une force
révolutionnaire plus puissante que le prolétariat des usines,
numériquement insignifiant dans le pays. On retrouvait ici les
deux conceptions du mouvement révolutionnaire qui avaient
cours dans le monde : la thèse soviétique du prolétariat moteur
de l’histoire et celle de la révolution chinoise s’appuyant sur le
monde paysan.
Au Congo, ces deux conceptions avaient déjà chacune ses
partisans et ses contradicteurs. L’aile prochinoise, pourtant
soutenue dans le pays par des anciens étudiants congolais en
URSS comme Claude Ernest N’dalla, partageait cette thèse
avec la majorité de la population. Cette deuxième querelle qui
opposait les partisans du Livre rouge de Mao Tse Tong qui
devint à partir de 1965, le véritable bréviaire des
révolutionnaires congolais, à ceux qui prônaient la primauté de
la classe ouvrière, annonçait déjà les chaudes empoignades que
le parti allait vivre en son sein. Il fallait se déterminer : du
modèle chinois ou soviétique, lequel serait convenable pour le
pays ? Ce conflit allait connaître son point d’acuité à la fin de
l’année 1965, après la visite officielle du secrétaire général du
202
Anonyme, Histoire du syndicalisme au Congo, p 3 (inédit).
- 434 -
MNR, président de la République, Alphonse Massamba-Débat
en Chine. En effet, il y eut après ce voyage un intérêt réel pour
la révolution chinoise, que la population congolaise jugeait
plus proche de la réalité congolaise que cette théorie éloignée
de la lutte du prolétariat ouvrier.
Quelques mois après son allégeance au parti, la
Confédération Syndicale Congolaise obtint la mise au ban de
la CATC. Celle-ci fut mise hors-la loi par un acte du
gouvernement, qui interdisait toutes ses activités sur toute
l’étendue du pays. Mais ses responsables ne désarmèrent pas
pour autant. Comme certains parmi eux avaient été élus
comme députés à l’Assemblée nationale, ils tentèrent, sans
succès, de briguer le perchoir du parlement où ils avaient gardé
leurs sièges. Pour eux, cette bataille était décisive pour
conserver leur place dans les nouvelles institutions. La victoire
de Léon Angor sur le candidat de la C.A.T.C. François
Gandou montrait que, l’union sacrée qui les avait sauvés en
juillet 1963, cessait d’exister. L’élimination du syndicat
chrétien de la scène congolaise devint totale lorsque la CSC
mit sur place les premières sections et unités de base dans
lesquelles l’adhésion des militants de François Gandou fut
totalement exclue. Dans un numéro du journal Etumba ou
Combat, un autre organe du parti qui venait de naître après le
truculent Dipanda de Ndalla Graille, on pouvait lire cette
violente attaque contre le bureau de la C.S.C lorsque Pierre
Eticault de la CATC se fit élire à la tête de la fédération
syndicale des entreprises d’Etat. Pour l’auteur de l’article,
cette entrée était une infiltration intolérable, qu’il fallait à tout
prix enrayer. Voici le texte de cette dénonciation :
- 435 -
pouvaient pas appartenir à la C.S.C. qui était
politique, alors qu’eux faisaient du syndicalisme
apolitique ! Mais, voilà que ces mêmes messieurs
reprennent du service. Et où ? Dans les organismes
politiques de la Révolution. Leur apolitisme a-t-il
évolué ? Travailleurs congolais ! Sauvons la
Révolution des infiltrations des éléments de la
C.A.T.C. au sein de la C.S.C. ! 203
203
Journal Etumba, n°113 du 5 février 1966, « La C.A.T.C. renaît ! »,
p.4
- 436 -
constater, la Révolution congolaise avait donc plusieurs fronts
à soutenir !
En plaçant le marxisme-léninisme au-dessus de cette
querelle des religions, le parti unique réussit à juguler les
ardeurs des uns et des autres. Quatre années plus tard, une loi
fut votée pour fixer au nombre de 7 la liste des confessions
religieuses autorisées dans le pays. Ce point d’histoire est
capital à saisir. La Révolution marxiste du Congo-Brazzaville
n’avait jamais interdit la pratique de la religion dans le pays.
Simplement, devant la prolifération des sectes qui naissaient
malgré le discours philosophique contraire du pouvoir, elle en
fixait tout juste le nombre d’obédiences. Ce fut seulement à ce
niveau que l’Etat fit l’unique geste d’intervention en matière
religieuse.
La loi n°40-64 du 17 décembre 1964 allait consacrer la
CSC comme l’unique centrale syndicale dans le pays. Comme
le mouvement de la jeunesse, le monde du travail se dressait à
son tour comme une autre source du pouvoir révolutionnaire.
Voici un extrait de cette loi :
- 437 -
Ses responsables se plièrent devant leur défaite dans un
combat qui leur était défavorable en cette période d’exaltation
populaire. La querelle des syndicats était terminée sur cette
rancœur des uns et la grande satisfaction des autres. Le
syndicat unique devenait ainsi la seule forme d’organisation
ouvrière qui était retenue dans tout le pays pour toutes
revendications salariales et de promotion.
La CSC et le PCT
En juillet 1968, le régime congolais avait connu une grande
secousse interne. Alphonse Massamba-Débat, président de la
République et secrétaire général du MNR, avait quitté le
pouvoir et le capitaine Marien Ngouabi l’avait remplacé aux
fonctions de chef d’Etat. Le MNR avait été suspendu.
Quelques mois plus tard, un congrès extraordinaire fut
convoqué en décembre 1969, à l’issue duquel un nouveau parti
fut mis en place sur les cendres du MNR. Cette nouvelle
formation prit le nom de Parti congolais du travail (PCT).
Marien Ngouabi en devint le président et, par voie de
conséquence, le chef de l’Etat, comme le stipulaient les
dispositions du nouveau parti. Malgré ce grand changement au
niveau des hommes et de la direction politique, la nouvelle
logique des institutions installées dans le pays depuis 1964 fut
poursuivie. Dans cette nouvelle conjoncture, quelles relations
le syndicat unique, la CSC, mis en place sous le MNR, allait-il
entretenir avec le nouveau parti ? En tout cas, le climat de
confiance se renforça entre le syndicat et le parti unique. La
CSC reconnut vite le PCT et se mit sous son autorité comme
les autres organisations populaires. La figure emblématique de
cette première grande phase du syndicalisme militant, Anatole
Kondho, fut toujours un membre du comité central du PCT.
Marien Ngouabi se félicitait d’ailleurs de cette collaboration,
quelques années plus tard, lorsqu’il déclarait le 27 décembre
1974 :
- 438 -
Le Parti congolais du travail puise sa force dans le
peuple,s’éduque auprès des masses révolutionnaires
organisées, en tête desquelles, se trouve la dynamique
et historique Confédération Syndicale Congolaise dont
la lutte dans le temps et dans l’espace ne cesse
d’avancer de victoires en victoires.
- 439 -
En 1973, il fut institué au sein des entreprises d’Etat, la
Trilogie déterminante. Par ordonnance 73/26 du 10 juillet
1973, le chef de l’Etat signa un texte qui donnait à chaque
entreprise parastatale, la possibilité de fixer ses propres
avantages et ses règles de gestion. Les vannes étaient alors
ouvertes. Les entreprises confectionnèrent des conventions
spécifiques où la grille des salaires et la liste d’avantages
accordés aux travailleurs n’avaient aucune relation avec leur
santé économique réelle. Depuis longtemps, les syndicats
poussaient à cette politique avec la bénédiction des cellules du
parti à la base, instaurées dans chaque entreprise.
La Trilogie déterminante remplaça le Conseil
d’administration. Le directeur général de l’entreprise, nommé
par le gouvernement, ne pouvait rien décider tout seul sans
l’aval du parti et du syndicat. Pour la gestion quotidienne de
son unité, il devait compter sur le Tribunal des camarades pour
punir la moindre indiscipline. En fait, le directeur devait régner
sur tous ses hommes, sans jamais les gouverner réellement.
Ainsi, d’œuvres sociales qu’elles avaient été auparavant, ces
entreprises d’Etat devinrent des unités syndicales où le combat
militant remplaçait la compétence et où la prime venait avant
le rendement de l’agent au travail ou bien la santé financière
de l’entreprise.
Malgré cette confusion des rôles dont l’issue était connue, à
savoir l’effondrement du secteur économique d’Etat, le
gouvernement continua sa politique de subventions pour
renflouer leurs caisses, toujours vides. Toujours dans cette
foulée du syndicalisme triomphant, il fut créé un impôt spécial
appelé « check-off ». Il s’agit d’une retenue opérée à la source
sur tous les salaires versés au Congo, tant par le secteur public
que privé. La Confédération Syndicale Congolaise qui recevait
toutes les sommes retenues, expliquait cet impôt comme un
geste de solidarité nationale qui allait lui permettre de réaliser
des œuvres sociales pour tous les travailleurs congolais :
- 440 -
centres de repos et de vacances, crèches et jardins d’enfants,
centres médicaux, etc. On s’aperçut plus tard que l’argent
collecté n’avait rien créé, et qu’il avait plutôt grossi les
revenus des dignitaires des syndicats, qui se cachaient dans la
CSC pour arranger leur situation. Sur ces fonds, il y eut
beaucoup de malversations impunies. Et malgré cela, l’impôt
ne fut jamais supprimé. Le contribuable congolais continua
ainsi de payer à cette « canaille » jusqu’en 1992, des fonds
sans contrepartie !
Toutes ces folies « révolutionnaires » s’appuyaient
évidemment sur une éclaircie économique et financière due à
quelques retombées des prix du pétrole qu’on venait
d’enregistrer. On avait pris cela comme la fin des malheurs
dans tout le pays. Ces retombées pétrolières avaient ouvert
quelques perspectives encourageantes sur le plan des finances
publiques. Le pays aborda l’année 1974 sur cette illusion de
prospérité. Toute l’année se passa dans ce climat d’euphorie et
d’apparente stabilité. En cours d’exercice, le budget national
bénéficia d’un apport de 21 milliards de F/CFA non prévus au
départ. Cette manne venait du bonus que le pays avait obtenu
de la remontée des prix du pétrole. De quoi tourner les esprits !
Ce fut ce qui arriva. Marien Ngouabi lui-même était plus
euphorique que le peuple, et il pouvait déclarer que le
chômage se résorberait totalement au point que le Congo
pourrait importer de la main-d’œuvre.
Dans ses discours, il citait pêle-mêle les réalisations à
entreprendre dans les domaines de la santé, de l’éducation, des
infrastructures, de l’amélioration des conditions de vie de la
population, etc. Le pays avait-il trouvé ses équilibres
économiques ? En tout cas, dans les quartiers de Brazzaville,
beaucoup de personnes pensèrent cela d’autant facilement
qu’on assistait au développement dans certains cercles du
pouvoir des signes extérieurs de richesse, qui vexaient la
- 441 -
population. Voici le point de cette situation paru dans le
journal Etumba du 7 mars 1974.
204
Farine de cossettes de manioc qui est l’aliment de base de la population
congolaise.
- 442 -
mobilisateurs étaient arrêtés pour inciter la population au
retour aux travaux de la terre. Dans la foulée, le comité central
du PCT lança les champs du parti, qui s’avérèrent plus tard
être un échec cuisant.
Le gouvernement lui-même renforçait cette illusion de
richesse en lançant son plan de développement économique et
social du pays, baptisé « Programme Triennal ». L’évènement
médiatique chanté dans tous les folklores du pays, était
présenté aux populations comme le premier pas que le Congo
levait pour une nouvelle marche vers l’affermissement du
processus révolutionnaire. On promettait des décisions fermes
qui allaient remettre le pays sur les rails et relancer
l’économie. Dans ce climat d’enthousiasme, le gouvernement
et le parti invitaient surtout le peuple à suivre les directives,
afin de réussir cette nouvelle bataille du développement, de
manière ferme.
V- La période de la brouille
- 443 -
Dans cette situation politique difficile, le comité central du
PCT confia le pouvoir à un organe provisoire, chargé de
ramener le calme dans le pays. Celui-ci était appelé, Comité
Militaire du Parti. Il était dirigé par Joachim Yhomby-
Opango. La nouvelle direction politique se retrouva face à une
crise financière plus aigüe encore. De ce fait, tous les secteurs
de la vie nationale furent bloqués. Le monde ouvrier devint
très nerveux et les grèves furent courantes, malgré le discours
officiel qui dissimulait ces refus du travail et rassurait la
population sur la capacité du gouvernement à redresser la
situation. Le syndicat se retrouva alors le dos au mur, coincé
entre son allégeance au parti et son devoir de défenseur des
intérêts du monde ouvrier. Mais, habiles manœuvriers, Anatole
Kondho et ses camarades retournèrent la situation en leur
faveur en mettant les malheurs des travailleurs sur la seule
responsabilité du gouvernement, accusé d’incapacité à gérer
les affaires publiques. Ils l’accusaient également de chercher à
bloquer l’expression libre des citoyens en commençant par la
liberté syndicale. En fait, le syndicat qui avait été en partie
responsable des dérapages économiques que connaissait le
pays, était comme le pyromane qui criait à l’incendie dont il
pouvait accuser facilement le premier venu.
Ce fut dans ce contexte que se tint du 26 au 30 avril 1978 le
e
5 congrès de la CSC qui marqua la première grande brouille
entre le syndicat unique et le parti unique. A ce 5e congrès,
Anatole Kondho et ses camarades ne pouvaient pas ignorer, ni
négliger cette conjoncture tumultueuse sans se faire discréditer
par la base. Aussi, déployèrent-ils tous leurs talents pour
relancer le mouvement syndical en pleine déconfiture. A
l’issue des travaux, un programme d’action fut adopté, basé
sur l’organisation, l’éducation et la mobilisation des
travailleurs. Pour réussir cette action, un organe de
coordination, nommé Commission Confédérale Exécutive
(COCONEX), fut mis en place. C’était en fait un succédané
- 444 -
que les syndicalistes avaient pu trouver à la place du bureau
exécutif de la CSC. Car, ses activités avaient été suspendues
par le CMP, comme il l’avait fait pour les autres organes
dirigeants des autres structures de base du parti : l’URFC et
l’UJSC.
Le cahier de charges qui fut élaboré à l’intention du CMP et
du gouvernement, montrait qu’on passait de la simple lutte
ouvrière à une véritable opposition politique. Au cours de la
rencontre du 8 décembre 1978 entre le CMP et la COCONEX,
la contradiction éclata au grand jour tant les points du
document intriguaient la direction politique. Dans le climat de
ce régime militaire assez sévère, le syndicat apparut comme la
seule force vive du pays à poser clairement les problèmes,
notamment ceux du blocage des structures politiques.
Le meeting du 30 janvier 1979 à la « Place de la Gare »,
devenue depuis longtemps, « Place de la Liberté », fut une
grande occasion de dénonciation de la mauvaise gestion du
pays et de l’insécurité de l’emploi. Les syndicalistes prirent un
grand risque pour leur propre sécurité. Ils durent trouver des
« cachettes » pour leur sécurité. La pression du syndicat qui
put gagner très vite le milieu de la jeunesse, aboutit alors à la
convocation de la session extraordinaire du comité central du
PCT qui mit fin à l’existence du CMP. Une nouvelle direction
politique plaça Denis Sassou Nguesso à la tête du parti et de
l’Etat. Le bureau de Jean-Michel Bokamba Yangouma, qui
remplaça celui de Anatole Kondho, rétablit les bonnes
relations entre le syndicat, le gouvernement et le parti et cela,
jusqu’à la Conférence Nationale en 1991 à l’issue de laquelle
le syndicat unique fut abandonné au profit du la pluralité des
centrales syndicales.
- 445 -
CONCLUSION
- 446 -
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- 454 -
PARTIE VIII
HISTOIRE
DES RELATIONS INTERNATIONALES
CHAPITRE 15
LE CONGO ET LE MONDE
INTRODUCTION
- 457 -
défense, de la monnaie, de la politique économique et financière,
des matières stratégiques, de la justice, de l’enseignement
supérieur, des transports extérieurs et communs et des
communications.
Sous la conjonction de facteurs internes et externes qui créent
des conditions favorables et irréversibles, l’indépendance de la
République du Congo est proclamée le 15 août 1960206. Le
statut d’Etat, et les effets juridiques qui y sont attachés, lui
permettent d’établir des rapports de coopération, de conclure
des conventions internationales, d’exercer le droit de légation,
d’accéder à des organisations internationales et le cas échéant,
de répondre de ses actes qui causent préjudice, au niveau
international. Les accords de Matignon du 12 juillet 1960 en
effet organisent le transfert des compétences entre la France et
le Congo ; il s’agit de l’Accord particulier portant transfert à la
République du Congo des compétences de la Communauté, de
l’Accord relatif aux dispositions transitoires applicables
jusqu’à l’entrée en vigueur des accords de coopération entre la
République française et la République du Congo, de l’Accord
relatif aux dispositions transitoires en matière de justice entre
la République française et la République du Congo et de
l’Accord sur la participation de la République du Congo à la
Communauté. Ces accords sont ratifiés par la loi n° 60-43 du
23 juillet 1960 et entrent en vigueur le 14 août 1960.
La présente étude sur « le Congo et le Monde » comporte
deux axes. Il s’agit d’examiner, dans un premier temps, la
coopération bilatérale établie par le Congo avec de multiples
partenaires (I) et, dans un second temps, la coopération
multilatérale, c’est-à-dire la coopération organisée dans le cadre
de la famille des Nations unies (II).
- 458 -
I - La coopération bilatérale
207
Voir, sur ce point, N. Mayetela, « Le Congo dans les relations
internationales classiques », in J.M. Breton, J. Capiaux, M. Mabounda
(dir.), 1987, Manuel de Droit Public Congolais, Paris, Economica, p. 658.
208
Ibidem, p. 650.
209
Accord particulier sur les conditions de participation de la République
du Congo à la Communauté du 15 août 1960.
- 459 -
formation de son personnel militaire210 et le recrutement de
personnel enseignant211. Il s’agit de l’Accord particulier sur
les conditions de participation de la République du Congo à la
Communauté, de l’Accord de coopération en matière de
politique étrangère, de l’Accord concernant l’assistance
militaire technique, de l’Accord en matière d’aide, de l’Accord
en matière domaniale, de l’Accord de coopération culturelle,
de la Convention d’établissement, de l’Accord relatif au
Centre d’enseignement supérieur de Brazzaville, de l’Accord
de défense, de l’Accord de coopération en matière monétaire,
économique et financière et de l’Accord relatif à
l’enseignement supérieur.
Ainsi, par exemple, dans l’Accord relatif à la coopération en
matière de politique étrangère, plus précisément à l’article
premier alinéa 1, l’Ambassadeur de France est aussi Haut
Représentant du président de la République et Représentant
spécial de la Communauté. Il est de droit Doyen du corps
diplomatique accrédité à Brazzaville. Avant la prise de toute
décision importante en matière de politique étrangère, les deux
Etats conviennent de se concerter et d’harmoniser leurs
positions (article 4).
La relation privilégiée avec la France amène très souvent le
jeune Etat, membre du groupe dit de Brazzaville, à aligner, en
matière de politique étrangère, ses positions sur celle de
l’ancienne puissance coloniale.212.
210
Cf Article 11 de l’Accord relatif à l’assistance militaire technique
entre la République française et la République du Congo, du 15 août
1960.
211
Cf Accord de coopération culturelle entre la République française et la
République du Congo du 15 août 1960.
212
La politique étrangère de la République du Congo s’inspire, « dans
l’esprit de la Charte des Nations unies, d’un même idéal et des mêmes
principes″ ». Cf Préambule, alinéa 3 de l’Accord de coopération en
matière de politique étrangère entre la République française et la
République du Congo du 15 août 1960.
- 460 -
2. La coopération bilatérale diversifiée
Au lendemain du mouvement insurrectionnel des 13, 14 et
15 août 1963, s’installe un nouveau régime politique qui
recentre la politique étrangère de la République du Congo en
établissant une coopération bilatérale plus diversifiée. La
France n’apparaît plus, de 1963 à 1968, comme le partenaire
privilégié de la République du Congo213 qui s’attache à
observer une politique d’ouverture et ainsi « de coopérer avec
tous les autres peuples du monde dans la paix, la justice et
l’égalité »214 sur la base du « principe du non-alignement
politique et diplomatique »215. C’est ainsi que le Congo noue
des relations diplomatiques avec les Etats considérés comme
progressistes à l’instar de l’Algérie, de l’Egypte, de la
Chine216, de la Corée du Nord217, de Cuba et de l’URSS218 et
des pays de l’Europe de l’Est.
213
L’on note durant cette période notamment, le retrait de la base
militaire française de Brazzaville, Cf. N. Mayetela, « Le Congo dans
les relations internationales classiques », op.cit., p. 664.
214
Dernier paragraphe du préambule de la Constitution du 8 décembre
1963.
215
Article 4 alinéa 2 des Statuts du Mouvement national de la révolution.
216
Trois accords sont signés le 2 octobre 1964, à savoir : un traité d’amitié,
un accord de transport maritime et un accord de coopération mutuelle.
217
Trois accords sont signés. Il s’agit de l’Accord de coopération
scientifique et technique, de l’Accord de commerce et de l’Accord de
fourniture d’aide économique.
218
Le Congo a signé un accord de coopération économique et technique
avec l’URSS et procédé à l’échange d’ambassadeurs.
- 461 -
socialistes, tout en maintenant ou en réaménageant les
relations établies avec les autres Etats.
En illustration, le Congo établit des relations diplomatiques
avec la Roumanie et conclut avec elle un accord de coopération
économique et technique, un accord commercial et un accord
culturel. Les accords de coopération du 15 août 1960 conclus avec
la France sont dénoncés par le Congo qui sollicite leur
renégociation. Le 1er janvier 1974, onze nouveaux accords sont
conclus, à savoir : le traité de coopération, l’Accord de
coopération technique en matière de formation des cadres et
équipements techniques de l’armée nationale populaire, la
Convention en matière de coopération judiciaire, l’Accord sur
les droits fondamentaux des nationaux, l’Accord sur la
coopération culturelle, l’Accord sur la coopération scientifique
et technique, l’Accord sur la coopération économique et
technique, l’Accord sur la coopération sanitaire, l’Accord sur
le concours en personnel, l’Accord sur le transport aérien et
l’Accord sur la coopération en matière de marine marchande.
Les relations diplomatiques avec les USA, interrompues en
1965, sont rétablies en juin 1977.
La conclusion du Traité d’Amitié et de Coopération avec
l’URSS, le 13 mai 1981, fixe les conditions de développement
et d’approfondissement des relations politiques, économiques
et scientifiques entre les deux Etats qui conviennent de se
consulter sur toutes les questions internationales majeures les
concernant219, de coordonner leurs positions en vue d’éliminer
une menace contre la paix ou de rétablir la paix220, de
s’abstenir de participer aux actions et mesures dirigées contre
l’autre partie contractante221 et de développer leurs liens
219
Article 6 du Traité d’Amitié et de Coopération du 13 mai 1981.
220
Article 7 du Traité d’Amitié et de Coopération du 13 mai 1981.
221
Article 10 du Traité d’Amitié et de Coopération du 13 mai 1981.
- 462 -
d’amitié et de coopération222. En même temps, le Congo
normalise ses rapports avec la République du Zaïre, après
plusieurs phases de tension, en concluant divers accords. On
peut citer entre autres : le Manifeste du 16 juin 1970, l’Accord
du 18 août 1972 de Franceville, l’Accord de la coopération
économique, scientifique et culturel du 14 mai 1974, la
Convention d’assistance administrative mutuelle en matière de
douane du 14 mai 1971 et la Convention générale de sécurité
sociale du 28 mai 1979.
222
Article 9 du Traité d’Amitié et de Coopération du 13 mai 1981.
223
Voir, G. Conac (dir), 1993, L’Afrique en transition vers le pluralisme
politique, Paris, Economica, 516 p.
- 463 -
à participer, de manière active, à la construction de l’Union
africaine et de l’intégration de l’Afrique. A cette fin, plusieurs
initiatives seront menées, notamment l’ouverture de nouveaux
postes diplomatiques et consulaires dans tous les pays du G8 et
dans les pays émergents, la mise en œuvre de projets d’intérêt
régional retenus dans le cadre de la Communauté Economique
et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), de la
Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale
(CEEAC) et du Nouveau partenariat pour le développement de
l’Afrique (NEPAD), la gestion apaisée des relations du Congo
avec ses voisins, le soutien au processus d’intégration et de
développement de l’Afrique et l’engagement permanent sur la
scène internationale.
- 464 -
l’organisation internationale afin de participer aux différents
organes et de poursuivre la réalisation de ses buts.
226
La déclaration de la République du Congo, par laquelle elle accepte les
obligations de la Charte, figure dans le document enregistrée le 20
septembre 1960 sous le numéro 5362, in RTNU, vol. 375, p. 111.
227
Il s’agit du Cameroun, de la République du Togo, du Mali, de
Madagascar, de la Somalie, du Congo-Léopoldville, du Dahomey, du
Niger, de la Haute-Volta, de la Côte d’Ivoire, du Tchad, du Gabon, de
la République centrafricaine et de Chypre.
228
Dans l’article 6 de l’Accord de coopération en matière de politique
étrangère du 15 août 1960, la France prend l’engagement de soutenir la
candidature du Congo à l’ONU et à ses institutions spécialisées.
229
Cette question est inscrite au vingtième point de l’ordre du jour de
l’Assemblée générale relatif à l’admission de nouveaux Etats membres à
l’ONU. La décision d’admission de la République du Congo est prise
durant la 864ème séance plénière. Voir, Assemblée générale, Documents
officiels, 15ème session, 864ème séance plénière, 20 septembre 1960, 16 p.
- 465 -
Ayant reçu la communication du Conseil de Sécurité,
en date du 23 août 1960, recommandant l’admission
de la République du Congo (Brazzaville) à
l’Organisation des Nations unies,
Décide d’admettre la République du Congo
(Brazzaville) à l’Organisation des Nations unies.
230
Article 92 de la Charte de l’ONU.
231
Depuis sa création, la mission permanente du Congo auprès des
Nations unies a connu plusieurs Ambassadeurs, représentants
permanents du Congo auprès des Nations unies, à New York. Il s’agit
de : leurs Excellences Emmanuel Dadet (1960-1964), Jonas Mouanza
(1964-1968), Alphonse Ongagou (1968-1969), Nicolas Mondjo (1970-
1985), Martin Adouki (1985-1992), Daniel Abibi (1993-1997), Basile
Ikouébé (1998-2007) et Raymond Serge Bale (2008-).
232
La mission permanente du Congo auprès des Nations unies à Genève
est ouverte depuis l’année 1993. Ont été Ambassadeurs représentants
permanents de la République du Congo, leurs Excellences Messieurs
Jean Nzikou, Roger Julien Menga et Luc Joseph Okio.
233
La mission permanente du Congo auprès de l’Office des Nations unies
à Nairobi est ouverte le 31 mai 2010. La représentation est le fait du
Ministre Conseiller, Chargé d’Affaires par intérim, M. Jean Pierre
Ossey.
- 466 -
générale de l’ONU, la Mission permanente du Congo auprès
des Nations unies bénéficie de l’appui de délégations en
provenance de Brazzaville, parfois conduites par le président
de la République, Chef de l’Etat, qui prennent part aux travaux
de l’Assemblée générale de l’ONU.
La République du Congo mène une diplomatie active dans
le cadre de l’Assemblée générale des Nations unies dont
l’efficacité est reconnue par ses pairs. Son affiliation à divers
groupes de solidarité et son engagement politique sont connus.
L’on peut citer notamment le « groupe de Brazzaville » formé
par les Etats francophones, au lendemain de leur accession à
l’indépendance, et qui comprend le Congo-Brazzaville, le
Cameroun, la Côte-d’Ivoire, le Dahomey, le Gabon, la Haute-
Volta, Madagascar, la Mauritanie, le Niger, la République
centrafricaine, le Sénégal et le Tchad. Le Rwanda et le Togo
sont membres associés à partir de 1963. Ces Etats adoptent aux
Nations Unes une démarche singulière face aux Etats afro-
asiatiques. Lors du vote sur la crise algérienne, ils marquent
leur solidarité avec la France. Ils se distinguent des autres Etats
africains lors de l’examen de la question du Congo à l’ONU.
On ne saurait ne pas déplorer que cette diplomatie
remarquable ne lui ait pas valu la désignation quinquennale à
la présidence de l’Assemblée générale de l’ONU lors de la
dernière session, les Etats membres ne lui ayant confié que le
poste de vice-président234.
234
Les Etats africains ont assuré une dizaine de fois la présidence de
l’Assemblée générale de l’ONU. A ce jour, ont présidé l’Assemblée
générale de l’ONU, M. Mongi Slim, tunisien, en 1961, lors de la 16ème
session ; M. Alex Quaison-Sackey, ghanéen, en 1964, lors de la 19ème
session ; Madame Angie E. Brooks, libérienne, en 1969, lors de la
24ème session ; M. Abdelaziz Bouetiflika, algérien, en 1974, lors de la
29ème session ; M. Salim A Salim, tanzanien, en 1979, lors de la 34ème
session ; M. Paul J.F. Lusaka, zambien, en 1984, lors de la 39ème
session ; M. Joseph Nanven Garba, nigérian, en 1989, lors de la 44ème
- 467 -
La qualité de membre à part entière habilite la République
du Congo à être désigné en qualité de membre non permanent
du Conseil de Sécurité en application de l’article 23 de la
Charte. Alors que de nos jours, de nombreux Etats n’ont pas
été élus par l’Assemblée générale en cette qualité235, il faut
s’auréoler du fait que le Congo a, deux fois de suite, été élu
membre non permanent du Conseil, la première fois, en 1986
et la seconde fois, en 2006. Ce qui atteste de la confiance et de
l’estime dont bénéficie notre pays aux niveaux régional et
universel.
En même temps, il convient de déplorer le fait que l’Afrique
n’ait que la possibilité de désigner trois membres non
permanents au Conseil de Sécurité de l’ONU mais surtout
qu’elle ne dispose pas de siège permanent au Conseil de
Sécurité. Aussi, lors du dernier Sommet Afrique - France qui
s’est tenu à Nice du 31 mai au 1er juin 2010, le président de la
République du Congo, exprimant ainsi le point de vue de
l’Union africaine, a déclaré que la réforme du Conseil de
Sécurité devrait comporter deux postes de membres non
permanents pour l’Afrique. Ce à quoi, le Président français a
répondu en déclarant le soutien de la France « pour un poste
permanent au Conseil de Sécurité ». L’Afrique doit en effet
s’organiser au sein des Nations unies afin que la question de la
démocratisation avance et que sa résolution aboutisse aux
amendements de la Charte, tant attendus et si nécessaires.
- 468 -
Le Conseil économique et social est l’organe chargé des
questions relatives au développement économique, social et
culturel. Il comprend cinquante membres élus par l’Assemblée
générale de l’ONU pour une période de trois ans. Le Congo a
été plusieurs fois élu membre du Conseil économique et social,
ce qui lui a permis de contribuer utilement à la détermination
des choix de l’ONU dans le secteur déterminant du
développement économique et social.
Depuis son accession à l’indépendance, la République du
Congo est un Etat pacifique qui établit des relations de bon
voisinage avec les Etats frontaliers, procède à la prévention et
au règlement pacifique de ses différends internationaux.
En illustration, la République du Congo a notamment
conclu le Pacte de non-agression entre la République du
Congo et la République démocratique du Congo du 29
décembre 1998, l’Accord sur la création d’une commission
conjointe tripartite en matière de sécurité le long des frontières
communes entre la République d’Angola, la République du
Congo et la République démocratique du Congo du 3
décembre 1999, l’Accord sur la question des réfugiés et des
déplacés de guerre entre la République d’Angola, la
République du Congo et la République démocratique du
Congo du 3 décembre 1999, l’Accord sur l’établissement et la
circulation des personnes et des biens entre la République
d’Angola, la République du Congo et la République
démocratique du Congo du 3 décembre 1999, l’Accord-cadre
de coopération en matière de sécurité entre la République
d’Angola, la République du Congo et la République
démocratique du Congo du 3 décembre 1999, l’Accord en
matière de formation entre la République d’Angola, la
République du Congo et la République démocratique du
Congo du 3 décembre 1999 et, le Protocole d’accord sur la
paix, la sécurité et la stabilité entre la République d’Angola, la
- 469 -
République du Congo et la République démocratique du
Congo du 15 janvier 2003.
236
Cette procédure figure à l’article 38, paragraphe 5, du Règlement de la
Cour internationale de Justice.
- 470 -
que par conséquent, les circonstances ne sont pas de nature à
justifier l’indication de mesures conservatoires237. Enfin,
malgré l’existence de juristes qualifiés et chevronnés, la
République du Congo, depuis son accession à l’indépendance,
n’a pas encore bénéficié de l’élection d’un juge à la Cour
internationale de Justice.
237
Cf Cour internationale de Justice, Ordonnance du 17 juin 2003.
Certaines procédures pénales engagées en France (République du
Congo contre France). Cette ordonnance est rendue par quatorze juges
favorables et un Juge contre. Les juges Koroma et Vereshchetin
soumettent des opinions individuelles et le juge ad hoc de Cara, une
opinion dissidente.
- 471 -
l’Agence internationale pour l’Energie Atomique (AIEA)238.
Ces institutions contribuent de manière déterminante à son
développement économique et social.
Elles interviennent dans divers domaines sectoriels et
apportent des appuis multiformes à la République du Congo
sous forme de prêts, de financement de projets et d’assistance
technique. La coordination de ces activités par le Programme
des Nations unies pour le Développement (PNUD) dans le
cadre du Plan d’Action du Programme Pays 2009-2013 et du
Cadre de coopération de pays 2009-2013 évite le
chevauchement et la duplication de compétences ainsi que la
perte des ressources disponibles. C’est dans ce cadre que sont
fixées les priorités pour le Congo pour lesquelles le soutien de
l’ONU et de la société internationale est sollicité et qui font
l’objet de programmes. Il s’agit de la bonne gouvernance, de
l’appui à la lutte contre la pauvreté, de l’énergie et de
l’environnement et de la prévention des crises et du
relèvement. Auxquels s’ajoutent le genre, les nouvelles
technologies de l’information et de la communication et le
VIH/Sida239.
238
Bien qu’étant partie, par succession d’Etats, depuis le 15 octobre
1962, à la Convention sur les privilèges et immunités des Nations unies
du 13 février 1946, le Congo n’a pas ratifié la Convention des Nations
unies sur les immunités des institutions spécialisées du 21 novembre
1947 et ses treize annexes.
239
Les priorités pour le Congo ont été établies de manière concertée sur
la base des conclusions du Document de Stratégie de Réduction de la
Pauvreté (DSRP). Voir sur ce point, Conseil d’Administration du
PNUD, Projet descriptif du programme pays pour la République du
Congo (2009-2013), 16 juillet 2008, 8 p.
- 472 -
unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), de
l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), de l’Organisation
internationale du travail (OIT), de l’Organisation
météorologique mondiale (OMM) et de l’Organisation des
Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), de
l’Union internationale des télécommunications (UIT), de
l’Union postale universelle (UPU), de l’Organisation de
l’Aviation Civile Internationale (OACI) et des institutions
financières internationales (Banque mondiale, Fonds
monétaire international).
Il adhère tardivement à l’Organisation maritime
internationale (OMI), à l’Organisation des Nations unies pour
le développement industriel (ONUDI), à l’Organisation
Mondiale du Tourisme (OMT), à l’Organisation Mondiale du
Commerce (OMC) et à l’Agence internationale pour l’Energie
Atomique (AIEA).
La promotion du développement économique, social et
culturel et la lutte contre la pauvreté justifient l’adhésion de la
République du Congo aux nombreuses conventions élaborées
sous les auspices des institutions spécialisées.
Le Congo est membre de l’Organisation des Nations unies
pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), depuis le
24 octobre 1960, avec laquelle elle entretient une coopération
fructueuse dans les domaines de l’éducation, de la science et
de la culture. Le Congo a été plusieurs fois membre du Conseil
exécutif de l’UNESCO240 et il participe à de nombreux
organes subsidiaires241. Il a été, en outre, élu le 7 février 2003,
240
Il est représenté au Conseil exécutif de l’UNESCO par Levy Makany
de 1968 à 1974, Hilaire Bouhoyi, de 1985 à 1989, Antoine Ndinga
Oba, de 1998 à 2005 et Jean Marie Adoua depuis 2010.
241
Le Congo a été membre du Conseil international de coordination du
Programme sur l’homme et la biosphère, du Conseil
intergouvernemental du programme international, du Conseil
intergouvernemental du programme gestion des transformations
- 473 -
président du groupe africain de l’UNESCO par les
ambassadeurs africains réunis au siège de l’UNESCO. Dans le
cadre de cette mission, il assure la coordination des relations
entre les pays d’Afrique et l’UNESCO242.
Le Congo qui a ratifié plusieurs conventions élaborées sous
les auspices de l’organisation243, a bénéficié de l’aide post-
conflit de l’UNESCO. Il participe à l’initiative Education pour
tous (EPT)244, à l’initiative pour la formation des enseignants
- 474 -
en Afrique subsaharienne (TTISSA)245 et au projet sur la
formation pour les enseignants en sciences. L’UNESCO
contribue au Festival panafricain de musique (FESPAM) qui
se déroule tous les deux ans.
Le Congo a soumis à l’UNESCO une liste de quatre sites
soumis à la liste indicative du patrimoine mondial. Il s’agit
de l’ancien port d’embarquement des esclaves de Loango, du
domaine royal de Mbé, du Parc National d’Odzala Kokoua et
du Parc National de Nouabale Ndoki. Il dispose actuellement
de deux réserves de la biosphère à Dimonika et à Odzala
Kokoua.
245
L’initiative pour la formation des enseignants en Afrique
subsaharienne vise, sur la période 2006-2015, à améliorer l’accès, la
qualité et l’équité de l’éducation au moyen d’une qualité et une quantité
accrues du corps enseignant en Afrique.
246
Sur la genèse du Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique, voir P.
Mouhouélo, 2003-2004, De la bibliothèque manuelle à la bibliothèque
hybride : cas du Centre de documentation de l’OMS Afro, Mémoire de
Maîtrise, Faculté des lettres et de sciences humaines, Université Marien
Ngouabi de Brazzaville.
- 475 -
l’Afrique. Lors de son accession à l’indépendance, le Congo
succède à la France dans l’accord de siège qui le lie à l’OMS.
L’OMS constitue un partenaire précieux de la République du
Congo dans le cadre de la lutte contre les maladies et les
épidémies ; ce qui contribue à l’amélioration de la prise en
charge et de la santé des populations.
La coopération avec l’Organisation mondiale de la Santé
(OMS) s’exécute dans le cadre de la Stratégie de coopération
de l’OMS avec le Congo qui, pour la période 2008-2013247,
comprend cinq axes stratégiques :
247
Organisation mondiale de la Santé, Stratégie de l’OMS avec le pays
2009-2013, Congo, 2009, 49 p.
248
Avant son accession à l’indépendance, de nombreuses conventions
internationales du travail étaient applicables au Moyen-Congo
conformément à l’article 35 de la Constitution de l’OIT qui dispose que
les Etats membres de l’OIT sont tenues d’appliquer les conventions
qu’ils ratifient aux territoires non métropolitains et pour l’exécution
- 476 -
non métropolitains, a contribué à l’amélioration des conditions
de travail et à des progrès sociaux, dans les colonies. Aussi,
lors de son accession à l’indépendance, le nouvel Etat, qui
décide d’adhérer à l’Organisation internationale du travail
(OIT) le 10 novembre 1960249, se trouve-t-il face à une
alternative, succéder ou non à la France à l’égard des
conventions internationales du travail. Le premier élément de
l’alternative garantirait les acquis constitués par les travailleurs
et les organisations professionnelles, tandis que le second les
remettrait en question et pourrait être assimilé à un château de
cartes qui s’écroule250. Lors de son adhésion à l’OIT, le Congo
reconnaît être lié par les obligations découlant des conventions
internationales déclarées applicables à son territoire par la
France251, sous réserve de certaines conventions générales pour
lesquelles il recourra à l’adhésion.. Pour certaines conventions
internationales du travail, le Congo succède à la France. Il
s’agit de: la Convention n° 6 sur le travail de nuit des enfants
(industrie) du 28 novembre 1919, de la Convention n° 11 sur
le droit d'association (agriculture) du 12 novembre 1921, de la
Convention n° 13 sur la céruse (peinture) du 9 novembre 1921,
de la Convention n° 14 sur le repos hebdomadaire (industrie)
du 17 novembre 1921, de la Convention n° 26 sur les
méthodes de fixation des salaires minima du 16 juin 1928, de
- 477 -
la Convention n° 33 sur l’âge minimum (travaux non
industriels) du 30 avril 1932 et de la Convention n° 41 révisée
du travail de nuit des femmes du 19 juin 1934. Bien que la
France ait reconnu applicables au territoire du Moyen-Congo
certaines conventions internationales du travail, le nouvel Etat
décide souverainement d’y adhérer ; il s’agit de: La
Convention n° 4 sur le travail de nuit des femmes du 28
novembre 1919, de la Convention n° 5 sur l'âge minimum (cas
industrie) du 28 novembre 1919, la Convention n° 81 sur
l'inspection du travail dans l’industrie et le commerce du 11
juillet 1941, de la Convention n° 87 sur la liberté syndicale et
la protection du droit syndical du 9 juillet 1948, la Convention
n° 89 sur le travail de nuit des femmes (révisée) du 9 juillet
1948, la Convention n° 95 sur la protection du salaire (révisée)
du 1er juillet 1949, la Convention n° 98 sur le droit
d’organisation et de négociation collective du 1er juillet 1949,
la Convention n° 100 sur l’égalité de rémunération du 29 juin
1951, la Convention n° 105 sur l'abolition du travail forcé du
25 juin 1957 et la Convention n° 111 concernant la
discrimination (emploi et profession) du 25 juin 1958.
Conformément à l’article 22 de la Constitution de l’OIT, le
Congo a soumis au Bureau international du Travail (BIT) des
rapports en application des conventions auxquelles il est lié252.
Mais il n’a pas présenté, en application de l’article 19 de la
Constitution de l’OIT, de rapports relatifs aux conventions non
ratifiées, ni indiqué les raisons pour lesquelles il ne les a pas
ratifiés, ni les obstacles qui s’y opposent ou qui en retardent la
252
Les rapports concernent les conventions n° 13, 14, 26, 29, 81, 87, 89,
95, 98, 100, 105, 111, 119, 138, 144, 149, 150, 152 et 182, in
Commission de l’Application des normes, 2005, Observations et
informations concernant certains pays, troisième partie, OIT, Genève,
p. 92.
- 478 -
ratification253, malgré l’engagement pris par son représentant
de respecter ses obligations constitutionnelles254.
253
Commission de l’Application des normes, 2005, Rapport général,
Première Partie, p. 39, paragraphe 149.
254
Ibidem.
255
Voir, Organisation météorologique mondiale (OMM), 2009,
Composition de l’OMM, octobre, 296 p.
- 479 -
La participation à l’Organisation des Nations unies pour
l’alimentation et l’agriculture (FAO)256, contribue, à compter
du 9 novembre 1961, à l’amélioration des niveaux de nutrition,
l’augmentation de la productivité agricole, de la qualité de vie
des populations rurales et au développement de l’économie
mondiale. L’objectif de sécurité alimentaire pour tous est
poursuivi dans le cadre du Programme national pour la sécurité
alimentaire (PNSA). La coopération très intense menée avec la
FAO permet au Congo de bénéficier de multiples
financements de portée nationale et sous régionale. En 2010,
plusieurs projets sont en cours, il s’agit de :
- 480 -
- appui à l’évaluation des ressources en arbres et forêts –
Phase II du Projet TCP/PRC/3101 (2009-2010) d’un montant
de 90,000 millions de dollars ;
- analyse sous régionale de la flambée des prix (ISFP)
TCP/RAF/3203 BABY 01 (2008-2010) d’un montant de
115,608 millions de dollars ;
- atelier sous régional sur les biocarburants (2008-2009)
TCP/RAF/3203 BABY 02 d’un montant de 115,608 millions
de dollars ;
- appui au Comité sous régional des pêches du Golfe de
Guinée (COREP) pour la préparation d’un plan d’action
stratégique et d’un programme régional de promotion de la
pêche 2009-2010 TCP/RAF/3217 d’un montant de 123,050
millions de dollars.
- formulation d’un programme d’action et des outils de
mise en œuvre pour la gestion durable des pêches et de la
sécurité alimentaire dans le bassin du fleuve Congo
TCP/RAF/33.3 (2010-2011) d’un montant de 430,000 millions
de dollars.
- 481 -
techniques destinées à améliorer l’efficacité des services de
télécommunications.
La coopération du Congo avec l’Union internationale des
télécommunications est fructueuse. L’Union postale
universelle (UPU) assure un rôle de conseil, de médiation et de
liaison entre les Etats et les services postaux. A ce titre, elle
fixe au moyen de sa Constitution, de ses protocoles
additionnels, du Règlement général et de la Convention postale
universelle diverses règles qui lient le Congo à compter de son
adhésion le 5 juillet 1961. Il est en 2010 membre de l’UPU qui
regroupe quarante et un pays membres.
257
L’adhésion à la Convention relative à l’aviation civile internationale
(OACI) du 7 décembre 1944 s’opère en même temps que l’adhésion à
l’Accord sur le transit des services aériens et l’Accord sur le transport
aérien international.
- 482 -
(AMGI), le 5 juillet 1990 et, à la Convention pour le règlement
des différends relatifs aux investissements entre Etats et
ressortissants d’autres Etats (CRDI), le 23 juillet 1966.
Le Congo entretient une coopération intense avec la Banque
mondiale. A la date du 17 septembre 2008, le portefeuille de la
Banque de Brazzaville s’élève à 172 millions de dollars
américains dont 144 millions sous forme de don au titre de
sept projets. Il s’agit du Projet de renforcement des capacités,
de transparence et de gouvernance (projet PRCG 62) 2008-
2012 de quinze millions de dollars, du Projet d’urgence de
relance et d’appui aux communautés (PURAC) 2003-2008,
quarante et un millions de dollars, du Projet de lutte contre le
VIH/SIDA et de Santé (PLVSS) 2004-2009, dix-neuf millions
de dollars, du Projet d’appui à l’éducation de base
(PRABASE) 2005-2008, vingt millions de dollars, du
Programme national de désarmement, démobilisation et
réinsertion des ex-combattants (PNDDR) 2006-2009, dix-sept
millions de dollars, du Projet de Développement agricole et de
Réhabilitation des pistes (PDARP) 2008-2013, vingt millions
de dollars et du Projet sectoriel de développement du secteur
de la santé (PDSS) 2008-2012, quarante millions de dollars.
- 483 -
pauvreté » (DSRP) sur la base d’un processus participatif aux
niveaux local et national.
Le point d’achèvement permet à l’Etat qui a réalisé de
bonnes performances, dans le cadre des programmes soutenus
par des prêts du Fonds monétaire international et de la Banque
mondiale, d’obtenir la réduction intégrale de sa dette.
Les Conseils d’administration de la Banque mondiale (BM)
et du Fonds monétaire international (FMI) approuvent,
respectivement, les 26 et 27 janvier 2010, le point
d’achèvement après le point de décision, effectif depuis le 8
mars 2006, qui lui permet de bénéficier d’un allègement total
du service de la dette de 1,9 milliards de dollars dont 1,7
milliards, dans le cadre de l’ « ’initiative Pays pauvres très
endettés » (PPTE) et, 201,3 millions, au titre de l’initiative
d’allègement de la dette multilatérale (IADM)258.
Le Congo est le 28è Etat à atteindre le point d’achèvement.
Dans un communiqué du Fonds monétaire international
(Communiqué de presse n° 10/20 du 28 janvier 2010), il
ressort que les autorités ont exécuté intégralement les mesures
liées à la stratégie nationale de réduction de la pauvreté, à la
stabilité macro-économique, à la gestion des finances
publiques et à la gouvernance du secteur pétrolier et les
réformes dans les secteurs de l’éducation et de la santé. La
dette congolaise est passée de 9,2 milliards de dollars
américains, fin 2004, à 2,4 milliards de dollars américains.
258
L’initiative d’allègement de la dette multilatérale (IADM) est instituée
par le G8 en 2005 lors du sommet de Gleneagles en Ecosse. Elle vise
l’annulation de la dette des pays très endettés notamment africains et la
fourniture de ressources supplémentaires aux pays bénéficiaires de
l’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE) afin de les aider à
atteindre les objectifs du millénaire pour le développement (OMD).
Cette initiative d’allègement de la dette multilatérale ne concerne que
l’Association internationale de développement (AID), le Fonds
monétaire international et le Fonds africain de développement.
- 484 -
Le Congo est membre du Centre pour le règlement des
différends relatifs aux investissements entre Etats et
ressortissants d’autres Etats (CIRDI) depuis le 23 juin 1966
dont il a ratifié les quatre règlements259.
Quatre requêtes contre la République du Congo ont été
soumises au CIRDI, dont deux ont été retirées260 et deux ont
débouché sur des sentences arbitraires261. En application de
l’article 54 (2) de la Convention de Washington du 8 mars
1965 instituant le CIRDI, le Congo a désigné le Tribunal de
Grande Instance de Brazzaville comme étant la juridiction
compétente en matière de reconnaissance et d’exécution des
sentences arbitrales rendues par le CIRDI262.
259
Il s’agit du Règlement administratif et financier, du Règlement de
procédure relatif à l’introduction des instances de conciliation et
d’arbitrage, du Règlement de procédure relatif aux instances de
conciliation et du Règlement de procédure relatif aux instances
d’arbitrage.
260
Il s’agit de la requête de la Société Kufpec (Congo) Limited contre
Republic of Congo (ICSID case n° ARB/97/2) du 27 janvier 1997,
retirée le 8 septembre 1997 et de la requête de Sancem international
ANS contre Republic of Congo (ICSID case n° ARB/06/12) du 17
juillet 2006, retirée le 10 juillet 2008, après un règlement amiable.
261
La procédure initiée par AGIP S.P.A contre People’s Republic of
Congo (ICSID case n° ARB/77-1) du 4 novembre 1997 a conduit à la
constitution du Tribunal arbitral le 18 juillet 1978 formé par Jǿgen
Trolle (Danemark), R.J. Dupuy (France), Fuad Rouhanni (Iran) qui a
rendu sa sentence arbitrale le 30 novembre 1979, voir, la Revue
critique de droit international privé, 1982, pp. 92-105. La requête de
SARL-Benvenuti et Bonfant contre République populaire du Congo
(ICSID Case n° ARB/77/2) du 15 décembre 1977 donne lieu à la
formation d’un Tribunal arbitral le 9 mai 1978, reconstitué le 6 juin
1978, composé de Jǿgen Trolle, Rudolf Bystrieky et Edulberg
Razafindialambo. La sentence arbitrale est rendue le 8 août 1980. Voir
Revue critique de droit international privé, 1982, pp. 379-382 et
Journal de droit international, 1981, pp. 365-370.
262
Voir sur ce point le document ICSID/8-E, p. 2.
- 485 -
La participation à l’Union de Paris et à l’Union de Berne, au
moyen de la succession d’Etats à la France263 précède
l’adhésion à la Convention instituant l’Organisation mondiale
pour la propriété intellectuelle (OMPI) le 2 septembre 1975.
263
Le Congo succède à la France, le 8 mai 1962 à la Convention pour la
protection des œuvres littéraires et artistiques du 9 septembre 1886 et à
la Convention pour la protection des œuvres littéraires et artistiques,
révisée à Bruxelles le 26 juin 1948.
264
Ph. Bretton, 1979, « La transformation de l’ONUDI en institution des
Nations unies », AFDI, pp. 567-578.
265
Le retard dans le paiement de ses contributions au titre des années
2002 à 2005, lui vaut une suspension de son droit de vote à l’ONUDI
en juillet 2005. Après paiement desdites cotisations, le Congo est
rétabli dans son droit.
- 486 -
en œuvre de la Convention de Stockholm sur les polluants
organiques persistants et le programme intégré de relance des
activités industrielles.
- 487 -
- projet de développement rural dans la Likouala, le Pool et
la Sangha, 18,7 millions de dollars (total du montant accordé,
8,6 millions de dollars au 9 novembre 2009 ;
- projet de développement rural dans les secteurs du Niari, de
la Bouenza et de la Lékoumou, 20,8 millions de dollars, prêt
FIDA, 8,4 millions de dollars, date d’approbation, 20 avril
2006 ;
- projet de développement rural dans les Plateaux, Cuvette et
la Cuvette-Ouest, 15,2 millions de dollars, prêt FIDA, 11,9
millions de dollars, date d’approbation, 21 avril 2004.
266
Article II des Statuts de l’Agence internationale pour l’Energie
Atomique (AIEA) du 23 octobre 1956.
- 488 -
s’engagent, dans les dix-huit mois de leur adhésion, à conclure
avec l’Agence Internationale pour l’Energie Atomique (AIEA)
des accords de garantie en matière de vérification. Le Congo,
après son adhésion à l’AIEA, élabore un protocole additionnel
approuvé par le Conseil des gouverneurs de l’AIEA, le 7
septembre 2009 et qu’il a signé le 13 avril 2010, mais pas
ratifié à ce jour.
CONCLUSION
267
Voir sur ce point, D..E. Emmanuel-Adouki, 2007, Le Congo et les
traités multilatéraux, Paris, L’Harmattan, pp. 75-81.
- 489 -
CHAPITRE 16
INTRODUCTION
- 491 -
des puissances étrangères, lesquels accréditent auprès
de lui leurs ambassadeurs et Envoyés extraordinaires.
1. La coopération-parrainage
A l’accession de la République du Congo à l’indépendance
le 15 Août 1960, le domaine des Affaires Etrangères, symbole
- 492 -
emblématique de la souveraineté internationale (268), figurait au
nombre des secteurs transférés par la République française au
jeune Etat. Mais, pour de multiples raisons, la France n’en
continuait pas moins à porter une attention vigilante sur la
politique extérieure du Congo. En effet, la Constitution de la
Ve République Française, en vertu de laquelle son président
était également président de la Communauté franco-africaine,
n’était pas encore amendée(269); tandis que les esprits des
premiers dirigeants officiels du pays semblaient encore
marqués par le clair-obscur politique de l’autonomie interne,
instauré deux ans auparavant avec, à la clef, la « fatwa » (pour
délit de sécession) prononcée contre la Guinée par un Général
de Gaulle très amer, ulcéré de ce qu’un territoire sous
domination française ait pu opter pour l’indépendance
immédiate comme ne l’y avait apparemment pas autorisé,
selon lui, le référendum de 1958 ! Les propos tenus cette
année-là par De Gaulle le 24 septembre à Brazzaville étaient
en effet ceux-ci :
268
Les autres domaines de souveraineté concernés étaient ceux de la
Défense, de la monnaie et de la Justice.
269
C’est en 1995 seulement qu’intervint un tel amendement portant sur le
titre intitulé De La Communauté.
- 493 -
Or deux ans seulement avaient suffi pour que les charmes de
l’indépendance dans la Communauté se laissent ébranler par
l’irrésistible attraction de respect et d’honorabilité internationale
exercée par la Guinée sur tous les autres pays demeurés dans le
giron de l’ancienne métropole! Paris dut donc faire une
concession à l’évolution de l’Afrique, tout en tâchant de s’y
maintenir de son mieux, par le biais d’une coopération
envisagée en tant que contrepartie de l’indépendance.
Celle-ci ainsi octroyée, dans une sorte de Commonwealth à
la française, ne pouvait être exempte de conditionnalités : la
première consistant en la signature concomitante d’Accords de
Coopération, fondements d’une aide nécessairement liée, où il
y allait autant du maintien du rang et des intérêts de grande
puissance de la France dans le monde, que des prérogatives
directes des Africains eux-mêmes dans les charges
d’investissement et de gestion relevant des domaines
prioritaires de leur pays, notamment ceux du social et des
infrastructures(270). Le Président Fulbert Youlou ne s’en
formalisait pas outre-mesure qui, dans son discours à
l’occasion de la proclamation de l’indépendance, pouvait
déclarer devant André Malraux, Envoyé Spécial du
gouvernement français :
270
Dans ses Mémoires, De Gaulle révèle clairement combien un statu
quo colonial aurait bien été plus préjudiciable à la France, avec les
charges qu’il entraînait, qu’une évolution maîtrisée.
- 494 -
Premier ministre français, Michel Debré, à son « homologue »
Léon Mba du Gabon (indépendant le 17 août), où il demandait
à ce dernier de lui confirmer par écrit que sitôt l’indépendance
proclamée, le Gabon procéderait à la signature des accords de
coopération avec la France(271). Du côté congolais, la sincérité
du Président Fulbert Youlou ne pouvait être mise en doute
lorsqu’au jour de l’indépendance, à la cérémonie de lever des
couleurs du drapeau congolais, il pouvait s’émouvoir le plus
naturellement du monde du sort fait au drapeau français,
comme si un enfant pouvait, à ses premiers pas, se passer de
son tuteur (272). Pour combler ce vœu, la France, prévenante,
avait déjà fait en sorte que son dernier Haut-Commissaire au
Congo, Guy Georgy, devint également son premier
ambassadeur dans le pays273. Dans le même temps, la politique
africaine de la France se fit « domaine réservé » confié à
Jacques Foccart (et ses successeurs), Conseiller spécial à
l’Elysée pour les affaires africaines et qui, de ce fait, pouvait
échapper au contrôle du Parlement. Les formes archaïques de
la « Françafrique » étaient campées…
2. Le pied à l’étrier
André Malraux ne s’y trompait pas, qui déclarait en
substance, ce 15 Août 1960 :
271
Alfred Grosser, 1966, La Politique extérieure de la Ve République,
Paris, Le Seuil
272
Guy Georgy, 1989, Le Petit Soldat de l’Empire, Paris.
273
A Paris, pour donner évidemment la preuve que tout avait changé sans
que dans la forme des choses, rien, ou si peu n’ait changé, le Ministère
de la Coopération, logé rue Monsieur, dans les locaux mêmes du
Ministère des Colonies dont il était le prolongement, fut érigé en
interlocuteur privilégié des diplomaties africaines, en lieu et place du
Ministère des Affaires Etrangères situé Quai d’Orsay.
- 495 -
La France vous lègue des structures économiques,
administratives et financières, mais s’il n’y a pas
d’Etat, elles ne suffisent pas à en faire un.
- 496 -
l’indépendance du Congo, et le drapeau vivant de la
Communauté ! ». Chacun avait compris; et c’était l’essentiel…
274
Cf. Charles-David Ganao: Interview dans Le Regard Diplomatique, n°
1, Oct-Nov. 2008, Brazzaville.
275
Au 40e anniversaire de l’indépendance, le nombre d’instruments
juridiques de coopération auxquels le Congo était partie s’élevait à 250; et,
avec l’Afrique seulement, le nombre des Grandes Commissions Mixtes à
25.
- 497 -
internationales, ainsi que les Consulats généraux ou
honoraires276dont certains sont basés à Pointe-Noire.
276
Ainsi, dès 1960, des relations diplomatiques furent établies avec les pays
suivants : Gabon, Tchad, Centrafrique, Congo-Léopoldville, Cameroun,
France, Royaume-Uni, Portugal, Etats-Unis et Canada, mais aussi Côte
d’Ivoire, Madagascar et Mauritanie. La primeur revint naturellement à
l’Afrique Centrale, objet d’un maillage serré, avec des relations nouées
peu à peu avec tous les 10 autres membres de la CEEAC.
- 498 -
africaines, ainsi que le français et l’anglais (le
portugais ensuite).
- 499 -
Communauté Economique Africaine qui prévoient des
mécanismes bancaires et monétaires aux niveaux sous-régional
et régional, constituent plus que jamais pour le Congo les
cadres appropriés en vue des réformes qui s’imposent à cet
égard.
277
Entre les Etats concernés et les partenaires stratégiques (UTA ou Air
France), il ne semble pas y avoir eu de perspectives de coopération
fondée sur le développement autonome de la compagnie africaine.
- 500 -
En revanche, l’ACCT (Agence de Coopération Culturelle et
Technique) qui tint sa première session en 1970, prépara l’OIF
(Organisation Internationale de la Francophonie) et son
Conseil International de la Francophonie, dont l’ossature est
formée par les relations franco-africaines élargies au Canada, à
la Belgique et à la Suisse, et qui rassemble aujourd’hui des
membres d’Europe, d’Afrique, d’Asie et des Amériques. En
s’y aménageant une place progressivement affirmée, le Congo
en est devenu maintenant un des membres les plus fiables.
L’OIF se cherche toujours des marques sûres pour représenter
aux yeux du monde, davantage qu’un simple « ensemble
d’exception culturelle », mais un véritable vecteur de
développement multisectoriel (socio-politique, humain), face à
une anglophonie conquérante. La place de l’OIF chez les
Occidentaux eux-mêmes manque encore de réelle visibilité…
- 501 -
liés à la démocratisation et au développement de leur
continent(278).
278
Cette conférence est de plus en plus concurrencée par d’autres fora du
genre : Chine-Afrique, Inde-Afrique, Japon-Afrique (TICAD), Etats-
Unis-Afrique, Amérique Latine-Afrique, etc. Ce qui justifie la
pertinence d’une solidarité sous-régionale ou régionale africaine
préalable et incontournable.
- 502 -
servir de « vache à lait » des autres (279; et celle de l’ancienne
métropole qui, après le démantèlement des grands ensembles
fédéraux n’était prête à soutenir, ni l’expérience du Mali (entre
le Sénégal et le Soudan) en Afrique de l’Ouest, ni celle de
l’URAC. Il y eut aussi la mort brutale (et non encore
totalement élucidée) une année plus tôt, de Barthélémy
Boganda, dernier Président du Grand Conseil de l’AEF et
meilleur avocat de l’unité fédérale. Enfin, s’imposait un
nationalisme naissant dans chacun des pays qui se
découvraient, à l’instar de la Guinée de Sékou Touré, une
vocation à devenir membres à part entière de la communauté
internationale avec honneurs et prérogatives conséquents.
Cependant, les structures de l’Agence Trans-Equatoriale de
Communications (ATEC) comprenant le port de Pointe-Noire,
le Chemin de Fer Congo-Océan, les ports fluviaux de
Brazzaville et Bangui, ainsi que la voie dorsale Bangui-Tchad
constitueront la base physique de l’Union Douanière
Équatoriale auquel le Cameroun se joignit pour former, en
1964, l’UDEAC (Union Douanière et Economique de
l’Afrique Centrale). Lorsqu’en Août 1963, le Congo vire au
socialisme scientifique, en raison de cette singularité, il allait
être l’objet d’une méfiance confinant à un véritable cordon
sanitaire, pour risque de contagion révolutionnaire. Le bras de
fer qui s’ensuivit entre le Congo et ses voisins qu’il taxait de
« valets de l’impérialisme », créa une tension suffisante pour
justifier, en 1970, la nationalisation des infrastructures de
l’ATEC basées au Congo(280). Néanmoins, par réalisme, le
279
Attitude symétrique à celle de la Côte-d’Ivoire qui s’opposa à un
exécutif fédéral en ex-AOF.
280
En mesure de rétorsion, la RCA et le Tchad, pays enclavés,
commencèrent à privilégier, pour leur approvisionnement, le port de
Douala au Cameroun, au détriment de Pointe-Noire. Tandis que la
Société des Pétroles de l’Afrique Equatoriale (SPAE), qui se proposait
- 503 -
principe des relations de bon voisinage prévalut, s’exprimant à
travers la CEMAC et la CEEAC, auxquelles s’imposent des
préoccupations pressantes relatives à la Paix, à la Sécurité et à
l’Environnement.
- 504 -
anciennes colonies belges (R.D.Congo, Ruanda et Burundi),
des anciennes colonies portugaises (Angola et Sao-Tomé-et
Principe), ainsi que la Guinée Equatoriale. Son actuel
Secrétaire Exécutif est l’ancien Premier ministre congolais,
Louis Sylvain-Goma.
La CEEAC entend s’atteler, dans des conditions sans doute
difficiles, ne serait-ce qu’en raison des disparités spatiales et
juridiques, à une intégration physique, économique et
monétaire de ses 11 Etats membres. Ses axes stratégiques,
définis au sommet de Brazzaville en Octobre 2007, visent les
communications, et autres secteurs prioritaires, en vue de la
réalisation progressive d’une zone de libre échange, et d’un
marché commun. Dans les prochaines années, la CEEAC
s’impliquera de plus en plus dans les domaines de la paix et de
la sécurité, ainsi que dans le domaine de l’environnement au
sein du grand bassin du Congo.
Le grand projet du bassin du Congo constitue présentement
la « réponse » donnée par un grand nombre de pays aux
préoccupations d’ordre environnemental d’intérêt mondial qui
touchent autant à la conservation des écosystèmes, à la gestion
et à la préservation de la diversité biologique, qu’à l’impact sur
les changements climatiques de ce second poumon écologique
du monde, après l’Amazonie.
La gestion de ce dossier, fruit d’initiatives particulières
auxquelles se sont engagés les Chefs d’Etat d’Afrique
Centrale, en 1999 à Yaoundé et en 2005 à Brazzaville, a abouti
à la signature du Traité instituant la Commission des Forêts
d’Afrique Centrale (COMIFAC). Tout son enjeu consistera
dans la conciliation des nécessités de développement des pays
africains concernés, habilités à faire une exploitation
rationnelle de leurs ressources naturelles, tout en faisant leur
juste part aux impératifs de survie de la planète. Défi majeur
qui justifie une coopération Nord-Sud exprimée, à l’instigation
du Congo et des USA (en septembre 2002 à Johannesburg),
- 505 -
par le lancement d’une coalition mondiale intitulée
« Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo » (PFBC)
avec des enjeux hautement stratégiques nécessitant la
mobilisation de la double solidarité régionale et internationale,
avec ce qu’une telle ruée vers l’or vert implique d’éveil
d’intérêts de la part de toutes les puissances du monde. Sous
les auspices générales de la CEEAC, le bassin du Congo et la
COMIFAC s’activent à mobiliser des financements (200
millions de dollars au début), en appui aux mesures
essentielles destinées à la préservation de cet écosystème
forestier et aquatique de premier plan.
- 506 -
Affaires Politiques du Secrétariat de l’ONU. La sous-région
entreprend, en outre, depuis quelques années également, de se
prendre en charge; et de ce point de vue, elle abrite à Yaoundé,
un Centre sous-régional des Droits de l’Homme ; elle s’est
dotée en 1999, d’un Conseil de Paix et de Sécurité dénommé
COPAX, chargé de promouvoir la paix et la sécurité. Au titre
de ses préoccupations actuelles, figure la lutte contre la
prolifération des armes légères. Et parmi les autres dispositions
à son actif, figurent: un Mécanisme d’Alerte Rapide
(MARAC) et la Force Multinationale de l’Afrique Centrale
(FOMAC), chargée du maintien de la paix, actuellement
déployée en RCA avec, entre autres, l’assistance de l’Union
Européenne. Le rôle actif joué par le Congo au sein de la
FOMAC lui a déjà valu d’en assurer le commandement, avec
le Vice-Amiral Hilaire Moko.
3. Approches bilatérales
Avec tous ses voisins, le Congo a développé des relations
bilatérales intenses. Le Gabon, la RD Congo, l’Angola et le
Tchad se sont particulièrement illustrés à cet égard.
- 507 -
Congo(281). Le rôle du Gabon fut également décisif dans les
bons offices entre les belligérants congolais de la guerre civile
de 1997. Le président Omar Bongo Ondimba ne ménagea ni
son temps ni ses efforts pour réunir les Congolais à Libreville
ou se déplacer à Brazzaville pour s’impliquer personnellement
dans les délibérations, comme en 2001 au Dialogue National
sans exclusive.
281
Le Gabon mit fin à l’arrangement concernant la COMILOG suite à un
grave malentendu intervenu en 1991 lors de l’accident ferroviaire de
Mvoungouti.
- 508 -
l’interconnexion des réseaux électriques des deux villes à
partir du barrage d’Inga; le projet de liaison route-rail, etc.
- 509 -
d’échouer, leur déclarait-il, ajoutant : Vous avez le
devoir de réussir et même de réussir vite282.
282
Ce plaidoyer vibrant eut pour effet immédiat le rappel par le Portugal
de son ambassadeur à Brazzaville et la rupture des relations
diplomatiques avec le Congo.
- 510 -
Ce rôle de médiation permit par ailleurs au Congo de
clarifier sa position au sujet du Cabinda. Car, en 1975 à
Kampala, lors d’une session ministérielle de l’OUA sur
l’Angola, le Congo et le Zaïre avaient ensemble demandé que
soient prises en considération les vues des indépendantistes
cabindais du FLEC (Front de Libération de l’Enclave du
Cabinda). L’émotion suscitée était partagée par les 3
Mouvements angolais pour qui l’enclave du Cabinda faisait
partie intégrante de l’Angola. Le président Marien Ngouabi
dut se rétracter de cette alliance improbable avec le Zaïre et
déclarer devant le sommet de l’OUA de juillet 1976 en
substance:
- 511 -
du Travail et du gouvernement angolais tant qu’à Brazzaville
l’allié Parti congolais du travail gérait le pouvoir. Mais elle
bascula au profit de l’opposition UNITA de Jonas Savimbi,
sous le président Pascal Lissouba (entre 1992 et 1997).
- 512 -
le 12 juillet (283). Lorsqu’en l’an 2000, les pays africains
décident de passer de l’Organisation de l’Unité Africaine à
l’Union Africaine, l’Acte Constitutif de l’UA succédant à la
Charte de l’OUA, le Congo en est également membre
fondateur, non sans avoir formulé, au départ, quelques réserves
sur l’opportunité d’une telle mutation et surtout sur l’intérêt
d’une démarche pragmatique en vue d’un gouvernement
continental éventuel. Toujours est-il que sur un parcours global
de positionnement et d’action, le Congo a pu particulièrement
s’illustrer à travers trois domaines : l’appui aux mouvements
de libération; la conciliation, le règlement des conflits et les
questions relatives au développement.
En matière de conciliation, le Congo a fait preuve de
temporisation dans la question du Sahara Occidental qui, de ce
point de vue, constituera un cas spécifique. La République
Populaire du Congo avait, du temps du Président Marien
Ngouabi, reconnu la RASD et la République du Congo est
revenue sur cet acte, après la Conférence nationale souveraine.
2. En première ligne
Par son engagement sans réserve dans le soutien aux
mouvements africains de libération, le Congo s’est identifié
aux pays de la Ligne de Front considérés alors comme les
appuis les plus déterminés en faveur des luttes engagées contre
les régimes coloniaux et racistes. Très tôt en effet, il a pris
place au sein du Comité de Coordination pour la Libération de
l’Afrique, organe spécialisé de l’OUA, composé de 17 pays
membres et installé à Dar-Es-Salam. Le Comité de Libération
a fourni un appui considérable aux Mouvements d’Angola
(MPLA, FNLA et UNITA), du Mozambique (FRELIMO), de
Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC), de Sao-Tomé-et
283
A partir d’Août 1963, le pays passe du camp « modéré » (Groupe de
Monrovia), à celui de « progressiste ».
- 513 -
Principe (FLSTP) ; et d’Afrique australe : SWAPO de
Namibie, ANC et PAC d’Afrique du Sud, ZAPU et ZANU de
Rhodésie-Zimbabwe.
Et le Congo fut de ceux qui, parmi les Etats membres de
l’OUA, étaient les plus stricts à appliquer les décisions
continentales concernant par exemple les boycotts et les
embargos. Il suspendit ainsi ses relations diplomatiques avec la
Grande Bretagne, entrainant la fermeture de l’ambassade
britannique à Brazzaville, tandis que les Etats-Unis décidaient
eux-mêmes de partir avant que les deux ne reprennent plus
tard le dialogue direct avec le Congo.
Il en fut de même avec Israël, par solidarité avec la cause
palestinienne et arabe réputée, en partie, cause africaine.
Dans le même contexte, le Congo supprima ses liaisons
aériennes avec l’Afrique du Sud(284), et point n’est besoin de
préciser qu’il en était résulté des pertes financières très
importantes pour le Congo,
284
La mesure occasionna la fermeture de l’Agence de la compagnie
aérienne néerlandaise KLM, en 1975 également, puis la ligne
Johannesburg-Brazzaville alors exploitée par la compagnie française UTA.
- 514 -
En assumant à deux reprises les fonctions de Président en
exercice, pour l’OUA en 1986-1987, ensuite l’UA de 2006 à
2007, Denis Sassou Nguesso a pu s’identifier à certaines
initiatives, longtemps dans le dossier du Tchad, mais encore
concernant particulièrement :
- 515 -
d’importants accords de coopération touchant à des domaines
essentiels de développement tels que l’agriculture, les mines,
la pêche, les transports, etc. Et les Namibiens se souviennent
encore de leur domaine à Loudima…
A ces actions, se sont ajoutées celles menées en rapport
avec le dossier de la crise en Côte d’Ivoire en 2006, où le
Congo s’est associé, ès qualité, au GTI (Groupe de Travail
International) dans le processus de désarmement et
d’identification devant conduire aux élections. Un
Représentant de la présidence en exercice de l’UA avait alors
été nommé à Abidjan en la personne du Général Jean-Marie
Michel Mokoko.
4. Le défi du développement
Les questions à caractère économique et social ont enfin
reçu du Congo, au cours des décennies écoulées, au niveau
panafricain, une attention à la mesure de leur importance.
L’OUA qui, dans le préambule de sa Charte, s’assignait
comme devoir « de mettre les ressources naturelles et
humaines de notre continent au service du progrès général de
nos peuples dans tous les domaines de l’activité humaine »,
n’a pas ménagé ses efforts à cet égard. La stratégie africaine,
aujourd’hui articulée autour du Traité d’Abuja instituant la
Communauté Economique Africaine, adopté en 1991, et le
NEPAD (Nouveau Partenariat pour le Développement de
l’Afrique) en 2001(285), renvoie aux objectifs résumés dans
l’Acte Final et le Plan d’Action de Lagos de 1980 visant
l’instauration d’un Nouvel Ordre Economique en Afrique sur
une base endogène et auto-entretenue.
285
Si le NEPAD est pour l’UA ce que fut le Traité d’Abuja pour l’OUA,
les deux stratégies sont à tout le moins complémentaires et gagnent à
s’insérer organiquement dans la structure de l’Organisation
continentale.
- 516 -
Le Congo a naturellement participé à l’ensemble de ce
processus, aussi bien à des niveaux techniques que politiques,
en association avec la Commission Economique des Nations-
Unies pour l’Afrique (CEA), qu’avec le concours de la Banque
africaine de développement (BAD). On notera, d’une manière
générale, que sous l’égide de l’ensemble de ces institutions, de
nombreuses conférences statutaires, de niveau ministériel ou
technique (tel le Comité Directeur de l’OUA en 1986 à
Brazzaville) ont été organisées, couvrant la plupart des
secteurs de développement des pays africains (286).
C’est sur la base de ces délibérations que l’OUA ou l’UA
formulent des politiques multilatérales de coopération avec ou
sans l’ONU et ses institutions spécialisées opérant en Afrique,
ainsi que d’autres Organisations régionales comme l’Union
Européenne ou la Ligue des Etats Arabes, dans le cadre de
leurs accords spécifiques. Autant de stratégies qui ont émaillé
les décennies écoulées, et dont on espère qu’elles pourront
bien s’insérer dans les « Objectifs du Millénaire pour le
Développement » adoptés au Sommet Mondial de 2005 à New
York. Il en est ainsi d’importantes mesures et décisions de
politique globale panafricaine (287) auxquelles les Etats ne se
286
Il s’agit, entre autres des Conférences des ministres responsables du
Développement Economique et de la Planification; de l’Education; de
la Commission du Travail et des Affaires Sociales; des Conférences des
Ministres de la Santé, du Commerce, de l’Industrie, de
l’Environnement, etc.
287
Ce sont, entre autres : la Charte Africaine des Droits de l’Homme et
des Peuples(1981) ; le CARPAS (Cadre Africain de Référence pour les
Programmes d’Ajustements Structurels,1989); la Position Commune
Africaine sur le Développement Humain et Social (1994); la Position
Commune Africaine sur l’Environnement et le développement (prélude
à Rio 92); la Position Commune Africaine sur la crise de la dette
extérieure (1997); le programme Africain de Lutte contre la Pandémie
du VIH/SIDA; la Convention de Bamako sur les déchets dangereux; la
- 517 -
réfèrent pas assez alors qu’ils en sont parties prenantes, voire
directement auteurs.
A ces engagements majeurs se sont ajoutées des
préoccupations sociales et humaines interpellant le Congo et
concernant des fléaux meurtriers comme le SIDA, le
paludisme et la tuberculose. Le Congo disposait déjà, sur ce
plan, d’une institution d’envergure, le Bureau Régional de
l’Organisation Mondiale de la Santé pour l’Afrique, installé
depuis 1952 du temps de l’AEF, provisoirement délocalisé à
Harare pour cause de guerre civile au Congo en 1997, et que la
fermeté de l’OUA jointe à l’engagement du gouvernement
congolais ont permis de faire revenir à Brazzaville. Le Congo,
faut-il le rappeler, eut à bénéficier, de la part du Secrétariat de
l’OUA, de deux apports financiers symboliques de 40.000 et
75.000 dollars respectivement, remis au gouvernement par un
Secrétaire Général Adjoint, en assistance d’urgence en faveur
de victimes de ces deux guerres civiles de 1993 et 1997.
CONCLUSION
- 518 -
Enfin, une des contreparties majeures de la généreuse
contribution du Congo aux affaires internationales en général
pourrait s’évaluer soit en termes de présence humaine dans les
institutions panafricaines ou internationales, soit à l’aune
d’implantations d’activités à vocation régionale ou
internationale génératrices d’investissements ou de gains
variés sur son sol. Sur ces deux plans, l’utilisation
internationale de l’expertise congolaise reste encore en deçà
des potentialités. Les perspectives restent cependant ouvertes.
Ainsi par exemple le FESPAM (Festival Panafricain de
Musique) géré par le Congo pour le compte de l’Afrique et
dont le caractère intégré, multisectoriel, associant justement
créativité, industrie, communication, coopération, et en fin de
compte participation de partenaires divers, s’inscrit dans ce
sens. Il pourrait en effet en résulter une synergie globale, aussi
bien culturelle, scientifique, que technique et économique,
propre à mettre en valeur et à promouvoir des ressources dont
l’Afrique détient, parmi d’autres, la matrice.
- 519 -
BIBLIOGRAPHIE
- 521 -
Gayama P. et alii, 1993, Africa in the World (l’Afrique dans
le Monde), Centre Africain du Développement et des Etudes
Stratégiques (CADES), Dakar.
Gayama P., 2002, Les Conflits en Afrique: Regard particulier
sur l’Afrique Centrale, Communication au Congrès de la
JEC (Aumônerie Universitaire), Brazzaville (ronéo).
Grosser A., 1962, La Politique Extérieure de la Ve
République, Paris, Le Seuil.
Kodjo E., 1985, Et demain l’Afrique…, Paris, Stock.
Marcaillou A., 2007, Actes du Comité Permanent des
Nations-Unies sur la Paix et la Sécurité en Afrique
Centrale, Secrétariat des Nations-Unies, New York.
Ndinga Mbo A.C., 2009, L’Afrique Noire francophone dans
l’histoire des luttes de libération en Afrique Australe,
SADC Secretariat Research Project et Université Marien
Ngouabi de Brazzaville (ronéo).
Nkodia Cl., 1999, Intégration économique: les enjeux pour
l’Afrique Centrale, Paris, L’Harmattan.
Péan P., 1990, L’homme de l’ombre, Paris, Fayard.
Sékou Touré A., 1962, Expérience guinéenne et Unité
africaine, Paris, A.B.C.
- 522 -
TABLE DES MATIÈRES
PRÉFACE
DENIS SASSOU NGUESSO ............................................. 5
PARTIE VII
HISTOIRE POLITIQUE ET INSTITUTIONNELLE DU
CONGO (1958-2010) ....................................................... 7
Chapitre 1er
Naissance, indépendance, et gestion de la première
République du Congo, de1958 à 1963
Jean-Marie Melphon Kamba ........................................... 9
Chapitre 2
Le Congo sous l’ère du Mouvement national de la
révolution (MNR), de 1963 à 1968
Martin Mbéri ...................................................................57
Chapitre 3
Le Congo sous l’ère du Parti congolais du travail (PCT),
de 1968 à 1990
Camille Bongou................................................................87
Chapitre 4
La Conférence nationale souveraine et la relance du
processus démocratique au Congo (1991-1997)
Séverin Andzoka .............................................................117
- 523 -
Chapitre 5
Des événements de 1997 à la normalisation de la vie
démocratique au Congo
Ngnia Ngama Moyen......................................................145
Chapitre 6
Le multipartisme au Congo, de 1990 à 2010
Grégoire Lefouoba ........................................................163
Chapitre 7
Histoire des institutions administratives congolaises,
de1957 à 2002
Placide Moudoudou ......................................................193
Chapitre 8
L’évolution de la justice congolaise, de 1960 à 2010
Philippe Ongagna ..........................................................215
Chapitre 9
La recherche scientifique et technologique au Congo
(1960-2010)
Jean Diamouangana........................................................253
Chapitre 10
L’histoire de l’éducation au Congo
Gilbert Ibiou....................................................................285
Chapitre 11
La santé au Congo, de 1958 à nos jours
Cyriaque N’Djobo Mamadoud ........................................311
Chapitre 12
La femme dans l’histoire du Congo
Jeanne Dambendzet.........................................................337
- 524 -
Chapitre 13
La jeunesse dans l’histoire du Congo, de 1960 à 2010
Jean-Pierre Ngombe........................................................393
Chapitre 14
Histoire du mouvement syndical au Congo
Jérôme Ollandet ..............................................................419
BIBLIOGRAPHIE ..........................................................447
PARTIE VIII
HISTOIRE DES RELATIONS INTERNATIONALES .455
Chapitre 15
Le Congo et le monde
Delphine Edith Emmanuel-Adouki ..................................457
Chapitre 16
Le Congo dans l’Afrique : aperçu général de politique
extérieure
Pascal Gayama ...............................................................491
BIBLIOGRAPHIE ..........................................................521
- 525 -
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