Important 4
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Résumé :
Malgré des évolutions importantes au cours des dernières décennies, les femmes n’ont
toujours pas réussi à aller au-delà du « plafond de verre » qui les empêche d’accéder aux
postes les plus élevés. Cela est d’autant plus manifeste dans le sommet des grandes
entreprises. La mixité dans les instances de pouvoir peut-elle constituer un stimulateur de
performance au-delà des considérations sociales et éthiques ? L’argument de la
« compétence féminine » dans les sphères décisionnelles des grandes entreprises, comme
motrice de la performance financière est-il valable ?
L’objectif de cet article est d’analyser le lien entre la présence des femmes dans les instances
de contrôle et de direction des entreprises et leur performance financière.
Nous avons analysé la composition des Conseil d’Administration et des Comité de Direction
de 110 entreprises cotées des compartiments A et B du classement d’Euronext, sur quatre
années (2003-2008).
Les résultats obtenus font ressortir plusieurs éléments : le pourcentage de femmes au conseil
d’administration est en progression entre les années 2003 et 2007, car il passe de 5,56% à
7,47%. Plus d’un 1/3 des femmes présentes au conseil d’administration sont affiliées à la
famille propriétaire de l’entreprise. Par ailleurs, la proportion de femmes présentes au
comité de direction est en très faible progression car elle passe de 5,76 en 2003 à 6,2% en
2007. Nous avons en outre, révélé le constat que plus de la moitié des femmes présentes au
comité de direction exercent une fonction de direction de communication ou de direction des
ressources humaines.
En ce qui concerne nos hypothèses initiales, nos résultats indiquent que la présence des
femmes que ce soit dans le conseil d’administration, dans le comité de direction ou dans la
direction de l’entreprise a une influence positive et significative sur la performance des
entreprises mesurée par le Q de Tobin.
Plus diplômées que les hommes, mieux formées, mais toujours cantonnées dans les mêmes
secteurs, les mêmes fonctions et les mêmes niveaux hiérarchiques. Il faut bien se rendre à
l’évidence que les barrières les plus solides sont celles qui existent dans les milieux du
pouvoir, celui du pouvoir économique, tout autant que celui du pouvoir politique
Deux mondes que n’ont pas réussi à percer les femmes de façon égalitaire. En ce qui concerne
la sphère économique, et contrairement au ouï-dire voulant que les femmes ne soient pas
intéressées par les plus hauts échelons au sein des entreprises en raison des difficultés de
conciliation travail- famille, en exemple, une étude réalisée par Catalyst (2004) souligne que,
chez les cadres supérieurs, autant de femmes (55 %) que d’hommes (57 %) visent le poste de
PDG. Les femmes qui ont des enfants désirent même la fonction de présidente avec un peu
plus d’enthousiasme que celles qui n’en ont pas (55 % contre 46 %), soulignons que le cas est
encore plus accentué chez les hommes (68% contre 32%).
Malgré des évolutions importantes au cours des dernières décennies, les femmes n’ont
toujours pas réussi à aller au-delà du « plafond de verre » qui les empêche d’accéder aux
postes les plus élevés, et visiblement les hommes restent favorisés. Les statistiques sur cette
question sont éloquentes. L’intégration de la dimension de genre 2 dans l’entreprise vise à
rééquilibrer les relations hommes- femmes dans l’entreprise et à éliminer les inégalités
existantes. Mais, la mixité dans les instances de pouvoir peut-elle constituer un stimulateur de
performance au-delà des considérations sociales et éthiques ? L’argument de la « compétence
féminine » dans les sphères décisionnelles, comme motrice de la performance financière est- il
valable ?
L’objectif de cet article est d’analyser le lien entre la présence des femmes dans les instances
de contrôle et de direction des entreprises et leur performance financière. Soulignons que son
intérêt sous-jacent est d’amener une contribution empirique à cette thématique de l’intégration
des femmes dans les instances de pouvoirs et ses conséquences organisationnelles en termes
1 Sources: Sources :
- INSEE (2004), Femmes et Hommes : Regards sur la parité, Edition 2004
- www.actiondefemmes.fr
2 Le « genre » (gender) concept plus élargi que le « sexe » qui fait référence aux caractéristiques socialement
construites qui définissent le rôle et le comportement des hommes et des femmes dans un contexte historique,
institutionnel, social et culturel donné.
de performances financières, dans un contexte français. En effet, la plupart des recherches qui
examinent les liens entre la performance des entreprises et la présence des femmes au sein de
leurs instances décisionnelles, portent sur des entreprises anglo-saxonnes. Et à notre
connaissance, aucune étude en France n’a analysé le lien entre la performance financière des
entreprises cotées en bourse et la présence des femmes au sommet.
Cette communication se décompose en quatre parties. Dans une première partie, nous
reviendrons succinctement sur la théorie des ressources et compétences, à travers ses
fondements théoriques, pour présenter nos hypothèses de recherche.
Ensuite, nous présenterons notre méthodologie de recherche, nous décrirons nos données et
leur recueil ainsi que les analyses réalisées. Nous consacrerons, une partie (la troisième)
conséquente pour l’analyse descriptive des données et ses commentaires. Et enfin, la
quatrième et dernière partie aura pour objectif d’expliciter les résultats obtenus, et de les
discuter au regard des recherches antérieures qui ont été conduites sur la question.
Cadre théorique : la théorie des Ressources et Compétences
Nous mobilisons dans notre recherche un cadre théorique qui s’inscrit dans la théorie des
Ressources Based, ou théorie des ressources et compétences TRC (Tywoniak, 1998). Non pas
parce que Edith Penrose (1959), qui est à l’origine de ce courant dans les années 60, est une
femme, mais parce ce qu’elle ancra délibérément son analyse de la croissance dans un monde
réel et critiqua les perspectives de l’économie classique jugées purement théorique et
dénudées de la subjectivité humaine.
La TRC, considère la firme comme un ensemble de ressources et de compétences qui sont
traduites par le management en forces et faiblesses (Tywoniak, 1998).
Wernerfelt (1984) définit les ressources comme étant toute force ou faiblesse d’une entreprise,
à savoir à l’instant t, tous ses actifs tangibles ou intangibles. Les « compétences » désignent
les capacités à déployer les ressources pour atteindre un objectif souhaité, habituellement sous
forme de combinaison faisant appel à des processus organisationnels (Amit et Schoemaker,
1993, cité in Tywoniak, 1998).
La contribution principale de la TRC est de décliner une théorie de l’avantage concurrentiel
qui réside donc précisément dans les ressources et les compétences d’une entreprise. Lorsque
l’avantage concurrentiel repose sur des ressources intangibles cela peut être des compétences
culturelles, à savoir, la manière dont l’organisation fonctionne dans son ensemble selon Hall
(1992). Pour cela, l’entreprise doit acquérir des ressources qui permettent de maintenir ou
d’obtenir un avantage concurrentiel durable, c’est-à-dire des ressources rares, valorisables et
difficilement imitables.
Notre recherche sur les femmes et la performance s’inscrit dans ce cadre pour plusieurs
raisons.
D’une part, nous partons du postulat que la diversité et donc l’intégration des femmes dans les
instances de direction est une ressource clé. Notre étude cherche à mettre en évidence un lien
entre cette ressource et la performance des firmes. Et d’autre part, cette approche est
conforme à l’hypothèse selon laquelle les différences dans les performances des firmes
proviennent davantage de la façon de mobiliser et de nourrir ces ressources spécifiques qu’à
la munificence de l’environnement (Hansen et Wernerfelt, 1989).
La diversité des organes de décision, n’est plus une question sociale et éthique, mais cela
devient important pour les entreprises pour rester compétitives. Les recherches de Catalyst 3
montrent que les entreprises qui se préoccupent des carrières des femmes, sont plus motivées
par les impératifs des affaires que par ceux du EEO 4 ou par un souci de responsabilité sociale.
Par exemple 62% des 500 PDG interrogés ont cité «le besoin d’employer des ressources
humaines talentueuses » comme une motivation pour augmenter la représentation des femmes
(Catalyst, 1990).
Pour Schwartz (1987, 1988) soutenir les carrières des femmes, c’est la garantie d’obtenir les
«meilleures personnes » pour les positions de leadership.
Burke et Davidson (1994) soulignent que les organisations qui se préoccupent du développer
les carrières des femmes et leur accès à des postes de top management, retirent des avantages
compétitifs en termes de résultats. Il semble indéniable que les femmes et les hommes les plus
talentueux sont certainement attirés par les organisations qui récompensent le mérite. En
outre, le développement d’une culture organisationnelle basée sur le mérite, où aucun individu
n’est ni avantagé ni désavantagé, devrait accroître la qualité de management à tous les
niveaux.
Plus qu’un avantage compétitif, la diversité de la force de travail est devenue un impératif
pour les organisations (Schwartz, 1992). Selon Burke et Davidson (1994) les entreprises qui
réduisent les barrières rencontrées par les femmes managers pour accéder à des postes de
direction, récoltent des avantages en termes de performance et de productivité. Les talents des
femmes utilisés pleinement réduisent leurs sentiments de frustration et leur permettent de
focaliser leurs énergies réelles sur leur travail.
De plus, les organisations qui valorisent les talents de leurs dirigeants féminins deviennent
plus attractives pour les clients potentiels (ibid). Pour plusieurs raisons : d’une part, les
femmes elles- mêmes deviennent plus efficaces, et ces entreprises projettent une image plus
favorable auprès des clients. Et d’autre part, on peut supposer que les femmes managers
seraient plus en phase avec les clients femmes (ibid).
Plusieurs recherches ont montré l’existence d’un style de management spécifique chez les
femmes (Hisrich et Brush, 1984 ; Chaganti 1986, Helgesen, 1990 ; Buttner, 2001).
Helgesen (1990) par exemple, a constaté que les différences de style de management entre
hommes et femmes seraient principalement expliquées par les valeurs que les femmes
3Catalyst est un organisme américain à but non lucratif qui effectue des recherches sur les femmes et leur
développement dans les entreprises. Plusieurs centaines d’entreprises et grands groupes sont membres de
Catalyst. Cet organisme a été fondé en 1962 avec une double mission : aider les femmes à réaliser tout leur
potentiel professionnel et aider les organisations à tirer le meilleur parti de leurs talents féminins.
4 Equal Employment Opportunity Commission : organisme américain qui lutte contre les discriminations en
essayant de fournir aux femmes et aux minorités un meilleur accès aux opportunités d’embauche... Par exemple :
les entreprises de plus de 50 salariés doivent soumettre annuellement au EEO des rapports «Fonctionnaires et
Management administratifs » précisant leurs objectifs et leurs programmes d’action....
3
auraient intégrées de par leur socialisation et leur éducation. Rosener (1990) a proposé
l'expression leadership interactif pour décrire le style des femmes cadres et leadership
transactionnel pour décrire celui des hommes (Concept défini par Burns 5 , 1978 (in
Duchéneaut & Orhan, 2000) : échanger des récompenses contre des services dans un système
de transaction avec les subordonnés). Les femmes cadres ayant un style de leadership
interactif utilsent souvent des qualités de participation, de partage du pouvoir et de
l'information, et prennent soin de renforcer l'estime de soi des autres. Les femmes auraient
plus le souci des relations, et insisteraient plus sur les processus que sur les produits ou les
tâches (Helgesen, 1990).
D’autres recherches ne montrent pas de différences significatives entre le management
féminin et masculin. Par exemple, l’«approche des contributions complémentaires » (Adler &
Izraeli, 1988), ne suggè re pas que les femmes ou les hommes soient fondamentalement
meilleurs managers, mais peuvent être meilleurs respectivement dans certaines tâches
managériales.
Existe-t- il un management au féminin? La réponse à cette question dépasse largement les
objectifs de cette communication. La question qui nous intéresse ici est celle de l’intégration
des femmes dans les niveaux supérieurs du management et sa répercussion concrète en termes
de performance financières dans les entreprises concernées.
D’un point de vue compétitif, on peut considérer que les pays s’engageant dans la voie de
l’égalité professionnelle à tous les niveaux, possèdent une arme compétitive contre les pays
s’y engageant à reculons. C’est d’ailleurs l’argument proposé par Schwartz (1992) qui
suggère que les Etats-Unis possèdent un avantage compétitif sur un pays comme le Japon
dans lequel les femmes sont quasi-absentes des équipes dirigeantes. Lorsque l’entreprise
n’offre pas l’équité entre hommes et femmes, elle risque de perdre en productivité et
efficience. En effet, si des femmes compétentes doivent rendre compte de leur travail à des
hommes hiérarchiquement plus élevés mais pas forcément mieux qualifiés qu’elles, le talent
et la vision de ces employées risquent d’être étouffés par les limitations de leurs supérieurs
(Schwartz 1992).
Nous postulons donc, que la présence des femmes dans les organes de direction des grandes
entreprises, selon la théorie des Ressources et Compétences, devrait constituer une ressource
non négligeable qui se traduirait par des résultats en termes de performances financières.
4
L’étude d’Adler (2001) en portant sur 215 grandes entreprises américaines (classement
Fortune 500) entre 1980 et 1998, établit que les firmes ayant promu le plus de femmes sont
celles dont la rentabilité est la meilleure, quelle que soit la mesure de la rentabilité.
Une étude de l’organisme Catalyst (2004) entre 1996 et 2000, menée auprès de 353 grandes
entreprises (classement Fortune 500), conclut que les entreprises qui sont dans le quartile
supérieur en termes de diversité (88 entreprises), réalisent des performances financières
meilleures que celles qui sont dans le quartile le plus bas (89): ROE supérieur de 35,1% et
TRS (Total Return to Shareholders) de 34%. Cette recherche indique que la mixité dans les
comités de direction et la performance financière sont certes reliées, mais elle ne peut pas
affirmer que c’est cette mixité qui induit la performance ou l’inverse.
Catalyst réplique la même étude en 2007 sur 520 compagnies (classement Fortune 500) en
mobilisant d’autres indicateurs financiers tels que : ROS, ROIC (Return On Invested Capital).
Les résultats de cette étude montrent qu’il existe encore une corrélation entre la représentation
des femmes dans les états- majors des entreprises et la performance financière de ces
entreprises. Les entreprises qui sont présentes dans le quartile supérieur (132 entreprises)
affichent une performance financière supérieure à celle des entreprises comprises dans le
quartile inférieur (129) : ROE supérieur de 53%, ROS de 42% et ROIC de 66%.
Plus récemment, nous avons plusieurs recherches dans plusieurs contextes nationaux
différentes qui présentent des résultats similaires : la première est celle de Carter et al. (2003)
qui ont étudié 638 entreprises (classement Fortune 1000) et qui ont constaté une relation
positive entre la présence des femmes (et minorités) dans les CA et la valeur de la firme,
matérialisée par le Q de Tobin. Ensuite, celle de Francoeur et al. (2008) portant sur les 500
plus grandes entreprises canadiennes et qui cherche à mesurer si la présence des femmes
génère une rentabilité anoramale des entreprises. Leurs résultats indiquent que lorsque les
entreprises ont une activité risquée et complexe 6 , un fort pourcentage de femmes dirigeantes
génère des résultats anormaux positifs. Ils établissent donc un lien positif entre l’importance
de la présence de femmes dirigeants et la performance financière. De plus, l’absence de
résultats anormaux en présnce des femmes au conseil d’administration montre qu’elles
générent assez de valeur pour maintenir une rentabilité normale..
Il y a également l’étude de Campbell et Minguez-Vera (2008) qui a porté sur un échantillon
de 68 grandes entreprises à Madrid entre 1995 et 2000, et sur 408 observations. Cette
recherche a analysé le lien entre la mixité des comités de direction et la performance
financière des entreprises en Espagne. Le cas de l’Espagne est particulier, car réputé plutôt
masculin et donc peu de femmes dans le sommet - 3,5% de femmes au sommet contre 7,5%
en France- à cause de sa culture latine, mais qui a actuellement introduit en masse des
mesures législatives pour améliorer l’égalité des chances et la participation des femmes. Cette
recherche conclut sur un effet positif de la mixité dans les comités et la valeur de la firme,
mais souligne bien le fait que la causalité inverse n’est pas significative. Une autre étude
réalisée par Smith et al. (2005) qui porte sur un échantillon des 2500 plus grandes entreprises
du Danemark conclut également à l’existence d’un lien positif entre la présence des femmes à
6 Le risque et la complexité sont sont mesurés de 3 façons différentes : le bêta du titre (plus le bêta est élevé, plus
les variations du titres par rapport au reste du marché sont fortes, et plus l’entreprise est considérée comme étant
risquée), le ratio valeur de marché sur valeur comptable (plus ce ratio est élevé, plus la valeur de l’intangible est
forte et plus l’entreprise est risquée et omplexe), e t l’écart type des prévisions des analystes (lorsque les
prévisions sur les bénéfices futurs des entreprises ont un fort écart type, cela signifie que ces bénéfices sont
difficiles à anticiper et à « appréhender » par les analystes qui ont de ce fait, des points de vue très divergents.
Plus l’écart type est élevé, plus l’entreprise est considérée comme risquée et comploexe).
5
la direction des entreprises et leur performance comptables et ce d’autant plus que la femme a
un niveau de qualification élevé.
Soulignons, la recherche de Rayan et Haslan (2005), qui se démarque par son originalité. En
effet, cette étude a porté sur les 100 premières entreprises anglaises et a analysé celles qui ont
nommé une femme dans leur le comité de direction courant 2003. Ils ont comparé les 19
entreprises répondant à cette condition avec 19 autres entreprises qui ont no mmé des hommes
à la même période. Les femmes, d’après cette étude, ont été nommées sur « une falaise de
verre » c'est-à-dire à un moment où l’entreprise traverse une crise ou une problématique
organisationnelle et donc encourent un grand risque d’échec et sans doute de critiques.
D’autres recherches ont constaté l’absence d’effet ou l’effet inverse, c’est à dire que « trop »
de mixité peut avoir un effet négatif sur la performance financière des entreprises. Citons à cet
effet l’étude de Böhren and Ström (2005, cité in de Campbell et Minguez-Vera 2008) qui
indique une relation négative significative entre la proportion des femmes dans les comités
des entreprises norvégienne et le Tobin’s Q. De même que celle de Randøy et al. (2006), (cité
in de Campbell et Minguez-Vera (2008)) qui ont analysé l’impact de la diversité des comité
sur la performance des 500 plus grandes entreprises danoises, norvégiennes et suédoises et
qui ne constatent aucun effet significatif sur la performance de marché ou sur la rentabilité sur
actif (ROA). Citons enfin, l’étude d’Adams et Ferreira (2008) qui s’intéresse d’une part, aux
effets de la présence des femmes sur l’intensité du contrôle exercé par le conseil
d’administration. Cette intensité est mesurée par exemple, par le taux de présence des
administrateurs qui sous tend l’idée que plus un administrateur est présent plus il est à même
de jouer un rôle effectif de contrôle des dirigeants. Cette étude montre non seulement que les
femmes sont plus assidues dans leur rôle d’administrateur mais également qu’elles
améliorent l’assiduité des hommes. Les femmes administrateurs renforcent donc l’intensité du
contrôle exercé sur les dirigeants. D’autre part cette étude montre également qu’il y a un lien
négatif entre la présence des femmes au conseil d’administration et la performance (mesurée
par le Q de tobin). Les auteurs justifient ce résultat par le fait que trop de contrôle des
dirigeants peut nuire à leur performance et à celle de leur entreprise, en créant trop
d’interférences et contraintes pour les dirigeants (Adams et Ferreira, 2007). Les auteurs
distinguent alors, les entreprises où le risque de comportement opportuniste de la part des
dirigeant est fort (existence de mesures anti OPA, existence de pilules empoisonnées…), des
entreprises où ce risque est faible. Ils montrent que la présence de femmes améliore la
performance des entreprises où le risque d’opportunisme est fort car elles exercent plus de
contrôle sur ces dirigeants. En revanc he, elles diminuent la performance des entreprises où le
risque d’opportunisme est faible car le surplus de contrôle qu’elles exercent serait alors contre
productif.
On peut, bien sûr, expliquer ces différences dans les résultats par plusieurs facteurs. Les
différences, dans les pays où se situent les analyses, en termes de culture, de législation et
d’implication envers la situation professionnelle femmes peuvent en être l’origine. La
diversité des méthodes et des indicateurs utilisés peut aussi constituer une explication à cette
hétérogénéité.
Ainsi, dans cette recherche, nous proposons de valider ou d’infirmer les hypothèses
suivantes :
H1 : Le ratio des femmes dans les Comités de Direction est positivement lié à la performance
financière de l’entreprise.
H2 : Le ratio des femmes dans les Conseil d’Administration est positivement lié à la
performance financière de l’entreprise.
6
Méthodologie : constitution de l’échantillon et choix des variables
utilisées
Constitution de l’échantillon : nous avons choisi les entreprises en fonction de leur
capitalisation boursière. Nous avons sélectionné les entreprises présentes au 30 septembre
2008 et qui étaient déjà également présentes en 2003 sur les compartiments A et B du
classement d’Euronext 7 . Le fait d’avoir un échantillon constitué des mêmes entreprises sur
quatre années permet de faire une analyse descriptive de l’évolution de la place des femmes
au sein des conseils d’administration et des comités de direction de ces entreprises année
après année.
Ainsi, nous obtenons un échantillon constitué de 110 entreprises sur quatre années, ce qui
représente 440 observations 8 .
Sources des données : nous avons essentiellement collecté les données sur la composition
des conseils d’administration, de la direction générale et des comités de direction à partir des
rapports annuels et des documents de référence disponibles sur les sites internet . Nous avons
également utilisé le guide des Etats Majors. Par ailleurs, nous avons utilisé Data Stream pour
la collecte des données financières.
Choix des variables utilisées : nous allons décrire les variables relatives à la présence des
femmes dans les entreprises puis les variables de performance et de contrôle.
Pour les variables représentant la mixité des organes de direction dans les entreprises, nous
avons distingué d’une part, la présence des femmes au conseil d’administration9 et d’autre
part, la présence des femmes à la direction de l’entreprise.
En effet, d’une part, nous avons envisagé la présence des femmes dans le conseil
d’administration car il est le lieu clef de la performance de l’entreprise. La théorie de l’agence
et ses prolongements envisage notamment le conseil d’administration comme un des moyens
qui permettent de surveiller et de contrôler les dirigeants afin que ceux-ci agissent bien dans
l’intérêt actionnarial. Il est donc important dans ce cadre, d’évaluer la présence des femmes au
sein de cet organe. Pour évaluer la présence des femmes au conseil d’administration nous
avons retenu plusieurs variables. La première variable est le pourcentage des femmes
présentes au CA. Les deuxièmes et troisième variables permettent d’affiner la première
variable, car elles distinguent si la présence d’une femme est liée au fait qu’elle ou sa famille
sont partiellement propriétaires de l’entreprise (on parle alors de présence affiliée à la famille)
ou si elle n’est pas liée 10 . Cette distinction nous paraît particulièrement pertinente en France
7
où le nombre d’entreprises familiales est beaucoup plus important qu’aux Etats-Unis ou en
Angleterre (La Porta et al. (1999), Faccio et Lang (2002)). Elle permet d’évaluer le nombre
de femmes présentes dans un conseil d’administration, non pas forcément par la diversité
qu’elles apportent, mais davantage par leurs liens familiaux avec les propriétaires de
l’entreprise. Par ailleurs, nous avons créé une variable dichotomique qui prend la valeur 1, si
au moins une femme est présente au CA d’une entreprise et 0 sinon.
D’autre part, nous avons envisagé la présence des femmes dans la direction des entreprises car
la composition de la direction de l’entreprise est également un élément clef de sa
performance. Nous avons retenu plusieurs variables complémentaires. Le pourcentage de
femmes présentes dans la direction (qu’elles fassent partie du comité de direction ou pas), le
pourcentage des femmes présentes au comité de direction11 qui peut être considéré comme le
cœur décisionnel de l’entreprise. Les fonctions représentées dans le comité de direction sont
contingentes à l’entreprise. Par ailleurs, lors de la constitution de notre base de données, nous
avons constaté que de nombreuses femmes occupaient une fonction de « directrice de
communication » ou de « responsable des ressources humaines ». Afin de mesurer l’ampleur
de ce phénomène, nous avons donc également créé deux variables qui permettent d’affiner
l’analyse descriptive. En effet, la première définit le pourcentage des femmes présentes à la
direction mais qui n’occupent ni un poste de directrice de la communication, ni une fonction
de directrice des ressources humaines 12 . La deuxième définit le pourcentage des femmes
présentes à la direction et qui n’occupent pas de poste de directrice de communication, en
considérant, dans ce cas, la gestion des ressources humaines comme fonction exécutive.
Enfin, nous avons créé une variable dichotomique qui prend la valeur 1, si au moins une
femme est présente au comité de direction et 0 sinon.
Les variables financières ont été extraites de la base de données Data Stream.
indépendantes du CA car ces données ne sont pas encore obligatoirement rendu publiques pour le cas de la
France. Cependant, en distinguant les femmes affiliées par un lien familial, nous avons pu isoler un grand
nombre de femmes non indépendantes (sachant que le nombre d’entreprises cotées à caractère familiales en
France est beaucoup élevé qu’aux Etats-Unis).
11 Et ou comité exécutif. Ces données ont été collectées directement à partir des rapports annuels qui citent
systématiquement les personnes présentes au comité de direction.
12 Notons que ces fonctions font le plus souvent partie du comité de direction de l’entreprise mais pas
systématiquement car la composition du comité de direction est contingente à chaque entrepris e.
8
comptable de l’actif). Le Q de Tobin permet quant à lui de refléter les anticipations du marché
sur les profits futurs de l’entreprise et de tenir compte du risque de l’entreprise. Cette mesure
de performance de marché est, d’une manière générale, privilégiée par toutes les études qui
sont constituées d’un échantillon d’entreprises cotées et qui cherchent à établir un lien entre
une variable donnée et la performance (par exemple celles de Campbell et Minguez-Vera
(2008), Adams et Ferreira (2008)). Nous avons donc utilisé cette mesure de performance.
Pour le choix des variables de contrôle, nous nous sommes inspirés de celles envisagées dans
des études de Campbell et Minguez-Vera (2007) et Adams et Ferreira (2008) qui utilisent le
même indicateur de performance que le nôtre.
Les variables de contrôle de la performance envisagées sont la taille de l’entreprise (log du
chiffres d’affaires ou de l’actif de l’entreprise), son endettement (dettes totales sur actif ou
dettes financières sur actif qui représente un des risques économiques de l’entreprise), le
secteur (selon la classification ISB), les dépenses en Recherche et développement (qui est une
mesure du risque 13 ), le ROA (car on suppose que la performance comptable est une variable
explicative de la performance de marché) et le logarithme du nombre d’administrateurs (afin
d’être sûr qu’un éventuel effet de la présence de la femme au CA ne soit pas lié au fait
qu’elles le sont plus dans des entreprises qui ont des CA de grande taille).
Résultats et discussion
Notre analyse des résultats se fera dans un premier temps à partir des statistiques descriptives
sur la présence des femmes dans les conseils d’administrations et comité de direction des
entreprises. Dans un deuxième temps, nous chercherons à savoir si la présence des femmes
diffère significativement en fonction des variables de contrôle envisagées. Enfin, nous
présenterons les résultats de nos régressions.
Analyse des statistiques descriptives
- Les statistiques descriptives relatives à la présence des femmes :
13 Nous n’avons pas pu contrôler cette variable car les données manquantes représentaient plus de la moitié de
l’échantillon.
9
Tableau 1 : Variables descriptives de la présence des femmes au conseil d’administration et à
la direction des entreprises sur l’ensemble de l’échantillon14
Variable Moyenne
Pourcentage de femmes au CA 6, 64
Pourcentage de femmes au CA affiliées 2,08
Pourcentage de femmes au CA non affiliées 4,55
Pourcentage d’entreprise ayant au moins une femme au CA 52,5
Pourcentage d’entreprise ayant ou moins une femmes non affiliée présente au CA 39,86
Pourcentage de femmes à la direction 6,39
Pourcentage de femmes présentes au comité de direction 5,71
Pourcentage de femmes qui n’occupent ni une fonction de communication, ni de DRH 2,96
Pourcentage de femmes qui n’occupent pas une fonction liée à la communication 3,96
Pourcentage d’entreprises ayant au moins une femme au comité de direction 39,8
L’analyse de ce tableau montre que sur l’ensemble de l’échantillon, les femmes représentent
en moyenne 6,64 % des membres du conseil d’administration. Ces chiffres sont inférieurs à
ceux trouvés pour le marché américain par les études de Adams et Ferreira (2008), Carter et
al. (2003) ou Catalyst (2004) mais supérieurs à ceux trouvés par Campbell et Minguez-Vera
(2008) qui font l’étude sur le marché espagnol. Soulignons toutefois que ces chiffres se
maintiennent à la hauteur des moyennes constatées dans les études en France : l’étude menée
par l’association Action de femme en 2005 qui fait apparaître 6,46% de femmes occupant les
sièges d'administrateurs. Ou plus récemment en 2006 l’étude du réseau européen féminin
European Professionnel Women’s Network qui montre que les femmes n’occupent que 8,5 %
des sièges des conseils d’administration des 300 plus grandes entreprises européennes. La
France est à la huitième position de ce classement avec 7,6 % de femmes derrière des pays
comme l’Irlande (8,1 %), l’Autriche (9,5 %) et le Royaume-Uni (11,4 %). Et évidemment loin
derrière les pays scandinaves 28,8% pour la Norvège ou 22,8% pour la Suède 22,8 %.
Si l’on ne tient compte que de la présence de femmes non affiliées aux propriétaires de
l’entreprise, cette présence n’est alors que de 4,55%. Autrement, dit environ 1/3 des femmes
qui sont présentes dans un conseil d’administration des entreprises de notre échantillon, le
sont notamment parce qu’elles sont affiliées à la famille propriétaire de l’entreprise. Ces
chiffres sont sensiblement différents de ceux résultant de l’analyse descriptive d’Adams et
14 Les variables descriptives sont respectivement : le pourcentage de femmes au CA -mesuré comme le nombre
total de femmes présentes au CA divisé par le nombre total des membres du CA-, le pourcentage de femmes
affiliées au CA, -qui mesure le nombre total de femmes présentes au CA et qui sont affiliées à la famille
propriétaire de l’entreprise divisé par le nombre total des membres du CA- le pourcentage de femmes au CA
non affiliées, -qui mesure le nombre total de femmes présentes au CA et qui ne sont pas affiliées à une famille
propriétaire divisé par le nombre total d’administrateurs- le pourcentage de femmes à la direction générale- qui
mesure le nombre de femmes présentes à toutes les fonctions de direction (sans forcément faire partie du comité
de direction) sur le nombre total de dirigeants-, le pourcentage de femmes présentes au comité de direction, -qui
mesure le nombre de femmes présentes au comité de direction divisé par le nombre total de personnes présentes
au comité de direction, le pourcentage de femmes qui n’occupent ni une fonction de directrice de
communication ni de DRH, et le pourcentage de femmes qui n’occupent pas une fonction liée à la
communication.
10
Ferreira (2008). En effet, leurs résultats montrent que parmi les femmes présentes au conseil
d’administration 84% sont totalement indépendantes de la direction, 6,64% sont également
dirigeants et que le solde, soit près de 9% peuvent être considérés comme affiliés 15 . Sur ces
9%, seulement 26,62% ont un lien familial avec les propriétaires de l’entreprise, ce qui est
très faible par rapport aux résultats que nous trouvons. Ces différences sont certainement liées
au fait que les pays de « french civil law » dont font partie la France ou l’Espagne ont des
modes de gouvernance qui diffèrent sensiblement des pays du « commun law ». Les pays de
« French civil law » sont caractérisés par des entreprises dont les structures de propriété sont
très concentrées avec la présence d’un actionnaire de référence (souvent une famille, ou l’Etat
ou une autre entreprise) alors que les pays du « comun law » ont des entreprises dont le
capital est dispersé 16 . Dans le cadre d’un échantillon d’entreprises françaises, il apparaît
logique d’avoir un pourcentage important d’administrateurs dit « familiaux » que ce soit des
femmes ou pas. En revanche, sur un échantillon d’entreprises américaines, l’administrateur
familial est marginal qu’il soit de sexe féminin ou pas.
Par ailleurs, un peu plus d’une entreprise sur deux (52,5%) a au moins une femme à son
conseil d’administration. Si l’on considère la seule présence de femmes « non affiliées à la
famille propriétaire », ce chiffre passe à 39,86% des entreprises. Les résultats de quelques
autres études montrent dans le cas américain que 70% des entreprises ont au moins une
femmes à leur conseil d’administration (Farrell et Hersch, 2005) alors que dans le cas de
l’Espagne seulement 23,7% des entreprises ont au moins une femme dans leur conseil
d’administration (Campbell et Minguez-Vera, 2007).
L’analyse des résultats concernant les femmes présentes à la direction des entreprises fait
ressortir plusieurs points. D’une part, les femmes représentent 6,39% des effectifs des équipes
dirigeantes et 5,71% des effectifs des comités de direction. Par ailleurs, ainsi que nous
l’avions pressenti, les femmes présentes à la direction occupent en grande partie une fonction
de direction de communication ou de gestion des ressources humaines. En effet, plus de la
moitié des femmes présentes à la direction des entreprises occupent une fonction de
communication ou de ressources humaines.
Dans le tableau 2, nous présentons l’évolution de la présence des femmes année par année.
15 Pour les auteurs, les administrateurs affiliés sont soit des clients, soit des fournisseurs (les banques font partie
des fournisseurs de ressources financières), soit des entreprises qui ont une participation importante soit un lien
familial avec les propriétaires de l’entreprise.
16 Les études de La Porta et al (1999) et de Faccio et Lang (2002) montrent des différences significatives de
structure de propriété selon que les entreprises appartiennent à des pays de « French civil law » ou du « Commun
law ». Dans le prolongement de ces constats empiriques de nombreuses études ont cherché à montrer les
différences de conflits d’agence et contrôle des entreprises d’un système sur l’autre.
11
Tableau 2: Variables descriptives de la présence des femmes au conseil d’administration et à
la direction des entreprises année par année
Variable 2003 2004 2006 2007
Pourcentage de femmes au CA 5,56 5,41 7,35 7,47
Pourcentage de femmes au CA non affiliées 3,73 3,58 4,95 5,32
Pourcentage de femmes au comité de direction 5,76 5,4 5,64 6,2
17 En France : depuis la loi Roudy 1983, il y a eu une succession de mesures et de textes qui imposent l’égalité,
la négociation ou la non discrimination mais sans mesure sanctionnant (Loi Génisson 2001, Accords
Interprofessionnels 2004 et Labels Egalité 2004, Loi mai 2006 égalité salariale…)
18 En 2008, Capitalcom a fait le point sur la place des femmes dans la communication des sociétés du CAC40.
Conclusion : beaucoup de déclaration d’intention mais encore trop peu d’action. La moitié des entreprises
indiquent avoir signé un accord sur l’égalité professionnelle, mais seulement 1 sur 5 communique des objectifs
chiffrés.
12
Les entreprises qui ont des femmes à leur CA et ou CE ont-elles des caractéristiques
différentes ?
Les différences de moyenne de la rentabilité sur actif (ROA), du taux d’endettement, de la
taille et du nombre d’administrateurs des entreprises en fonc tion de la présence ou non d’au
moins une femme dans le conseil d’administration sont présentées dans le tableau suivant
Les résultats de ce tableau montrent qu’il n’existe pas de différence de moyenne significative
de la rentabilité sur actif, ni de l’endettement entre les entreprises qui ont une femme présente
à leur CA et celles qui n’en ont pas. En revanche, les entreprises qui ont au moins une femme
sont significativement plus grandes que les autres et ont également un nombre
d’administrateurs plus élevé.
Les résultats de ce tableau montrent que seul le taux d’endettement est significativement
moins élevé dans les entreprise qui ont au moins une femmes dans leur comité de direction.
En revanche, la rentabilité sur actif n’est pas significativement différente selon qu’il y ait une
femme présente au comité de direction ou pas, tout comme elle ne l’était pas pour la présence
des femmes au conseil d’administration. Nous ne retiendrons donc pas cette variable comme
variable de contrôle pour notre analyse de régression19 .
19 Notons également, que la proportion des femmes au CA ou la direction varie en fonction des secteurs auquel
appartient l’entreprise. Nous avons donc retenu, le secteur comme variable muette de contrôle.
13
Analyse multivariée : relation entre la présence des femmes et la performance mesurée
par le Q de Tobin.
Les statistiques descriptives relatives aux variables financières sont présentées dans le tableau
suivant :
Les résultats de ces régressions, ajoutés à ceux des corrélations (annexe2) font apparaître que
la présence des femmes que ce soit dans le conseil d’administration, dans le comité de
direction ou dans la direction de l’entreprise a une influence positive et significative sur la
performance des entreprises mesurée par le Q de tobin.
20 L’analyse de corrélation présentée en annexe n°2, ne fait apparaître de problème de mulicolinéarité entre les
variables.
21 L’équation 1 envisage l’influence de la présence des femmes au Conseil d’administration, l’équation 2
envisage l’influence de la présence des femmes au comité de direction et l’équation 3 envisage l’influence de la
présence des femmes dans la direction de l’entreprise (sans faire nécessairement partie du comité de direction)
14
Les hypothèses H1 et H2 sont donc acceptées.
Malgré cette relative faible importance de la présence des femmes dans le top management,
nous constatons empiriquement que leur présence influence positivement la performance
des entreprises. Ainsi, la présence des femmes dans les organes de direction des grandes
entreprises, constitue probablement une ressource non négligeable qui se traduit par des
résultats en termes de performances financières.
Ce résultat est loin d’être anodin. A la question « pourquoi se préoccuper des changement s en
faveur de l’égalité de « genre » dans l’entreprise ? », on était toujours tenté d’évoquer
l’argument éthique au début ou législatif plus récemment. Maintenant, et de plus en plus, nous
pouvons brandir l’argument économique : outre le fait que la diversité à tous les niveaux de
l’entreprise soit un atout en termes de valeur ajoutée, elle est RENTABLE.
Cette recherche a également le mérite d’être exploratoire dans le contexte français et surtout
précurseur dans ce type de méthodologie.
Rappelons que la plupart des études qui étudient le lien entre la performance financière et la
présence des femmes dans le sommet sont d’essence anglo-saxonne. En effet, si nous prenons
l’exemple des Etats-Unis, pays où la législation et la préoccupation envers les carrières des
femmes est plus ancienne (reliées à l’Affirmative Action et les questions de discrimination),
le pragmatisme des entreprises (et des chercheurs) a depuis belle lurette dépassé les
considérations éthiques et sociales pour s’ancrer dans la réalité des marchés et de l’intérêt
15
managérial. Pourquoi recruter des femmes, les faire avancer dans la carrière et les maintenir
au sommet ? Parce que c’est lucratif, répondent- ils et tentent-ils de démontrer.
Néanmoins, ce travail comporte quelques limites qu’il faut souligner. Les premières limites
concernent la constitution de l’échantillon (110 entreprises cotées en France) qui en réduisent
la portée et ne peuvent permettre la généralisation et la transposabilité des résultats. En effet,
pour parler principalement du contexte français, il faudrait élargir l’échantillon et intégrer
dans l’analyse toutes les entreprises qui ne figurent pas sur les marchés boursiers. Ce qui pose
évidemment le problème de l’accessibilité aux données, qui n’est pas garantie. Une autre
limite, de substance, réside dans l’incapacité de certaines analyses statistiques de prouver la
causalité. En effet, avec le Q de Tobin, on ne peut pas affirmer avec force que ce sont les
entreprises avec un Q élevés qui attirent les femmes parce qu’elles les paient mieux, ou c’est
la présence des femmes qui cause l’augmentation du Q de Tobin. Plusieurs autres analyses
pourraient être menées pour approfondir la compréhension, nous pourrions par exemple
chercher à déterminer si les entreprises ont une performance «anormale » à court et à long
terme, consécutive à la nomination de femmes à des fonctions de directions …etc.
Toutefois, les résultats de cette étude malgré son caractère exploratoire, ont le mérite d’attirer
l’attention sur le phénomène de la rareté des femmes dans les sommets.
En France, cette question est explicitement posée par un certain nombre de chercheur(e)s en
gestion. L’égalité professionnelle est considérée comme un thème important du dialogue
social (Laufer, Silvera 2006, Laufer, 2003) et les carrières des femmes sont envisagées au
croisement de choix personnels et d’opportunités offertes par les organisations (Bender,
Pigeyre, 2008). Toutefois, la question du lien entre fé minisation et performance financière des
entreprises, n’a commencé à se poser, de manière théorique, qu’à partir des débats sur le
concept de diversité et ses enjeux en termes de business case (Bender, 2004, Landrieux-
Kartochian, 2005). Et il n’existe pas, à notre connaissance, de recherches quantitatives ou
multivariées portant sur ces thématiques en France.
Cette question mérite en tout cas, d’être repensée et réfléchie sous l’éclairage de tous ces
résultats qui démontrent que les femmes n’ont pas la place qu’elles méritent et qu’à ce titres
les entreprises, les plus grandes entre elles, ont un rôle d’exemplarité à jouer en s’en
préoccupant et en les nommant dans les postes qu’elles méritent. Soulignons toutefois, que
notre ultime souhait serait celui de ne pas contribuer à renforcer les stéréotypes sur les
femmes et de ne pas pousser, avec ce genre d’études, à sombrer dans les justifications
naturalistes, qui comme le soulignent (Cornet, Cadalan, 2009) perpetuent la guerre des sexes,
en continuant d’opposer un sexe à l’autre…
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19
Annexe 1
Liste des entreprises de l’échantillon :
ACCOR GDF TOTAL
ADP GECINA UBISOFT
AIR France GFI INFORMATIQUE UNIBAIL
AIR LIQUIDE GROUPE EUROTUNNEL VALEO
ALCATEL GROUPE PARTOUCHE VALLOUREC
ALSTROM GROUPE STERIA VICAT
ALTEN GUYENNE ET GASCOGNE VINCI
ALTRAN HAVAS VIVENDI
ARECELOR HERMES WAVECOM
AREVA IMERYS WENDEL
ATOS ORIGIN INGENICO ZODIAC
AVENIR TELECOM JC DECAUX
AXA LAFARGE
BIC LAGARDERE
BNP PARIBAS LAGARDERE ACT BRO
BOLLORE LDC
BONDUELLE LEGRAND
BONGRAIN LOREAL
BOUYGUES LVMH
BULL MICHELIN
CANAL+ NEOPOST
CAP GEMININ NEXANS
CARBONNE LORRAINE NEXITY
CARREFOUR OBERTHUR CARD SYSTEMS
CASINO PERNOD RICARD
CHARGEURS PLASTIC OMNIUM
CHRISTIAN DIOR PPR
CIC PROVIMI
CIMENTS Français PSA
CLUB MED PUBLICIS GROUPE SA
CNP REMY COINTREAU
COLAS RENAULT
CREDIT AGRICOL REXEL
DANONE RODHIA
DASSAULT AVIATION SAINT GOBIN
DASSAULT SYSTEMES SANOFI
DEXIA SCHNEIDER ELECTRIC
EADS SCOR
EDF SEB
EIFFAGE SG
ERAMET SODEXO
ESSILOR SOPRA GROUP
ESSO SPIR COMMUNICATION
EULER & HERMES STEF TFE
EURAZEO STMICRO
EURO DISNEY SUEZ
FAURECIA TECHNIP
FIMALAC TFI
France telecom THALES
FROMAGERIE BEL THOMSON
20
Annexe 2
Matrice de corrélation des variables utilisées pour la régression
La matrice de corrélation fait ressortir d’une part, un lien positif et significatif entre la
présence des femmes au conseil d’administration et la performance mesurée par le Q de Tobin
(significativité au seuil de 10%) et d’autre part entre la présence des femmes au comité de
direction et le Q de Tobin (significativité au seuil de 1%).
21