Partie 5 Chap 4
Partie 5 Chap 4
Partie 5 Chap 4
4
CHAPITRE
Comment peut-on
optimiser l’accompagnement
des femmes
entrepreneurs et
des repreneurs d’entreprises ?
Résumé
L’entrepreneuriat des femmes demeure à un faible niveau en France et la
reprise d’entreprises commence à intéresser à la fois les pouvoirs publics
et les chercheurs. Ces deux réserves de créateurs de valeurs nouvelles ou
d’évitement de disparition de valeurs existantes, doivent être mieux connues
et stimulées pour provoquer le passage à l’acte. Une des voies pour accroître,
d’une part, la part des femmes au sein de l’entrepreneuriat et, d’autre part,
la réussite des reprises d’entreprises, notamment par des tiers, est l’ac-
compagnement. L’article propose un examen de l’existant en la matière et
une réflexion destinée à augmenter la performance des organismes d’aide
des femmes ayant l’intention de créer et à favoriser le suivi des phases
les plus cruciales de la reprise dont, plus spécialement, la phase de coha-
bitation du repreneur avec le cédant. Une formalisation dans les deux cas
retenus est proposée en fin d’analyse.
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Introduction
Deux catégories de personnes plus particulièrement peuvent être stimulées
pour développer l’entrepreneuriat en France. Il s’agit des femmes créatrices
d’entreprise et des repreneurs (hommes ou femmes). En effet, d’une part,
le taux de femmes créant de nouvelles entreprises reste faible dans notre
pays avec, selon les sources, de 23 à 30 % de l’ensemble des créations
alors qu’elles représentent plus de 50 % de la population française. D’autre
part, compte tenu de la démographie des responsables d’entreprises, un
nombre très élevé de TPE/PME saines sont ou seront à reprendre dans les
prochaines années pour sauver des emplois et des savoir-faire, notamment
locaux et régionaux.
Si le constat est clair, la question qui se pose est de savoir si on fait tout
le nécessaire pour favoriser, stimuler les personnes ciblées. Autrement dit,
l’accompagnement proposé dans les deux situations et pour les deux publics
est-il adapté et à la hauteur du débat ? C’est cette interrogation que nous
essaierons de traiter à partir d’un terrain constitué de femmes porteuses
de projets de création et de repreneurs.
On perçoit assez aisément l’intérêt théorique des résultats de tels travaux
pour optimiser un accompagnement encore balbutiant dans les deux cas
privilégiés et longtemps resté dans l’ombre. En effet, cela permettra à terme
de formaliser, voire théoriser, des tendances issues d’empilage de travaux
aux résultats convergents. De même, pour les praticiens de l’accompagne-
ment, ces résultats se rapportant à leurs performances actuelles amélio-
reront leurs orientations et façons de faire. Les pouvoirs publics seront aussi
interpelés afin de proposer des cadres encore plus adaptés aux objectifs
de développer à la fois l’entrepreneuriat des femmes et l’entrée dans les
affaires par la reprise.
Nous proposons donc de nous intéresser à l’entrepreneuriat des femmes
et à leur accompagnement afin d’évaluer ce dernier pour stimuler la créa-
tion d’entreprise par ce public particulier. Nous insisterons, ensuite, sur la
place essentielle que représente la reprise dans notre société et, notam-
ment, sur le rôle privilégié que joue le cédant dans la réussite de l’opéra-
tion, avec un accent mis sur la phase de transition lors de la reprise par
une personne « hors métier » de l’affaire en vente.
Dans les deux exemples retenus, nous évoquerons quelques travaux ou
fondements théoriques à la base de nos propres réflexions, avant d’expo-
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1. Sur la première thématique, nous nous référerons au travail doctoral que nous encadrons
de Typhaine Lebègue qui sera soutenu début 2010 alors que sur le deuxième sujet, nous
nous baserons sur les recherches de Julien Defreyman, professeur à l’ESC Troyes qui a
soutenu avec succès sa thèse en septembre 2009.
2. Étude Accompagner autrement, à l’initiative de la Délégation Régionale aux Droits des
Femmes et à l’Égalité de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, réalisée par Elixir, 2008.
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le FGIF (Fonds de Garantie à l’Initiative des Femmes) qui garantit les prêts
bancaires des femmes à hauteur de 70 % de la somme des emprunts deman-
dés. Une récente étude3 met en exergue sa trop grande méconnaissance,
malgré une utilité avérée. Les campagnes de communication ne produisent
pas l’effet escompté et le FGIF est en mal de notoriété. La multitude
d’acteurs engagés dans le développement de la création d’entreprise rend
aussi difficile l’accès à l’information, « chacun détenant une partie de l’in-
formation ».
« Les femmes sont moins bien préparées dans la phase de démarrage de
leur entreprise que les hommes, alors que, paradoxalement, elles sont plus
diplômées qu’eux. […] 68,2 % ne suivent aucune formation préparatoire à la
création d’entreprise. D’autre part, 48,2 % ne bénéficient d’aucun accompa-
gnement »4.
Les écrits académiques insistent sur la discrimination de genre évidente
sur le marché du travail qui amène les femmes à se lancer en affaires. La
conséquence de ce comportement des employeurs (salaires inférieurs,
promotions plus rares pour les femmes) est qu’il réduit le coût d’opportu-
nité de se lancer en affaires pour ces dernières (Rosti, Chelli, 2005).
Un article récent (Gupta et Bhawe, 2007) conclut que la menace du stéréo-
type de genre diminue de façon significative l’intention entrepreneuriale des
femmes les plus proactives alors qu’en général, elles font preuve d'initia-
tive, savent identifier les opportunités, agir sur elles et persévérer jusqu'à
atteindre leur objectif. Elles savent aussi solutionner les problèmes, antici-
per les changements dans leur environnement et tirer profit des possibili-
tés qu'elles rencontrent pour faire progresser leur entreprise. Ces personnes
aident encore leurs proches collaborateurs à tirer le meilleur d’eux-mêmes
afin d'influencer leur contexte. La recherche menée par Gupta et Bhawe
montre, une fois de plus, la puissance des stéréotypes négatifs sur les
femmes. Les femmes les plus proactives sont les plus touchées par cette
menace du stéréotype, sans conteste du fait de leur sensibilité au regard
extérieur. Le modèle de l’entrepreneur étant toujours dépeint dans les médias
3. Étude des bénéficiaires 2006 du FGIF, commandée par la Caisse des dépôts, le Service
Droit des Femmes et France Active, réalisée par Annie Ducellier, Laurence Langer, Claire
Morandeau.
4. Charte de l’égalité, Ministère de l’égalité et de la parité, Nicole Ameline, 8 mars 2004.
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à travers l’image d’un homme, ces femmes sont les plus sujettes aux effets
négatifs des stéréotypes décrits précédemment.
Les résultats d’une étude menée par Marlino et alii (2007) sur les relations
entre le genre, l’efficacité personnelle et l’intention entrepreneuriale des
jeunes femmes corroborent cette idée. Ces chercheurs révèlent que leurs
résultats, dans la lignée de ceux d’études préalables sur l’auto-efficacité et
les intentions de carrière, postulent que les jeunes femmes limitent leurs
aspirations professionnelles parce qu’elles perçoivent qu’elles n’ont pas
les compétences requises. Des différences concernant l’efficacité person-
nelle entrepreneuriale persistent entre les hommes et les femmes, même
chez les jeunes femmes en MBA qui se destinent à une carrière dans le
management. Ces conclusions sont à rapprocher de celles de l’étude de
Boissin et Emin (2006) qui mettent en lumière une moindre intention entre-
preneuriale des étudiantes par rapport aux étudiants : les jeunes filles se
déclarant moins capables de créer.
À la faveur de ces études, nous saisissons donc la pertinence d’une foca-
lisation sur l’accompagnement des femmes et de l’évolution de ce dernier
selon le modèle de performance des « 3 F » (Paturel, 2007) déjà largement
testé quant à son applicabilité et fortement adaptable, grâce à l’ouverture
qu’il laisse aux critères à retenir dans chacune de ses catégories de perfor-
mance que sont l’efficacité (F1), l’efficience (F2) et l’effectivité (F3). On
l’aura compris, le choix des critères pour chacun des F du modèle est fonc-
tion de ce que l’on veut mettre en place comme système d’information et
de gouvernance dans l’organisme suivi.
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Nous avons circonscrit notre territoire afin de limiter les biais liés aux parti-
cularités régionales. Trois structures bretonnes ont donc été identifiées en
raison de leur caractère pertinent pour la recherche. Il s’agit de la Boutique
de Gestion du Morbihan, Entreprendre au féminin et Ouest Pionnières.
La création d’entreprise en Bretagne
En 2004, 12 500 entreprises ont été créées ou reprises. La hausse
de 2003 se poursuit donc en 2004 (+ 8,8 %) et fait suite à une période
de stabilité de 1995 à 2002. Parmi l'ensemble des créations, 7 800
entreprises sont entièrement nouvelles, soit une augmentation de 13 %
par rapport à 2003. La Bretagne représente 4 % des créations d'en-
treprises en France métropolitaine et 5 % de la France hors Ile-de-France.
La hausse concerne le commerce, la construction, les services aux
particuliers et les services aux entreprises qui concentrent à eux seuls
80 % des créations d'entreprises5.
Alors que l’association Entreprendre au féminin et Ouest Pionnières accom-
pagnent exclusivement des porteuses de projet, la Boutique de Gestion du
Morbihan n’opère pas de distinction entre les publics accueillis.
Nous avons procédé à des entretiens semi-directifs et à des observations
non participantes d’un plan d’action régional visant à réunir tous les acteurs
concernés par l’entrepreneuriat des femmes. Deux entretiens d’environ
1 h 30 ont été menés avec chacune des structures durant les années 2008
et 2009. Les six entretiens ont été retranscrits intégralement.
En outre, nous avons conduit des observations non participantes du travail
engagé en Bretagne qui réunit les organismes d’accompagnement, la région
et l’État autour d’un plan d’action régional destiné à promouvoir le déve-
loppement de l’entrepreneuriat féminin.
En décembre 2006, le ministère délégué à la Cohésion sociale et à la Parité
a impulsé un nouveau plan d’actions visant à accroître, de façon significa-
tive, les connaissances sur le sujet par la signature de trois accords cadres.
5. Ces données sont issues de l’étude de 2004 « Les créateurs d’entreprise en Bretagne »,
François-Xavier Dussud, Insee, Direction régionale de Bretagne, dans Octant n° 96, Janvier,
p. 4-9.
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France Active, France Initiative et la Caisse des dépôts, trois partenaires privi-
légiés de ce projet, ont été invités à engager des actions en direction du déve-
loppement de l’entrepreneuriat féminin durant trois ans. Ainsi, doivent-ils :
- promouvoir les projets d’entreprises portés par les femmes ;
- favoriser l’accompagnement des femmes entrepreneures ;
- développer l’esprit d’entreprise chez les femmes.
C’est donc dans ce contexte que nos travaux ont été réalisés.
Fonction de la personne
Structures Public accueilli
interrogée
Boutique de Gestion
Directrice Tous publics
du Morbihan (BG)
Entreprendre au féminin
Directrice Femmes
(EF)
Incubateur entrepreneuriat
féminin Ouest Pionnières Déléguée régionale Femmes
(OP)
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Ouest Pionnières qui est une structure naissante, souhaite suivre 6 créa-
tions en 2009.
Au regard des critères de mesure et des objectifs fixés, la Boutique de
Gestion se révèle donc être la plus efficace.
L’efficacité de l’accompagnement en nombre de créations
et de personnes accompagnées
BG Pour 1 200 personnes reçues en information collective, il y a environ 800 ac-
compagnements et 250 entreprises créées par an.
- Un accompagnement correspond parfois à 10 entretiens, mais quelques fois ce sont
2 ou 3 entretiens avec des chèques conseils ou l’ANPE.
- « Au départ c’était 60 % de femmes qui étaient reçues pour 40 % d’hommes. À la fin,
les femmes créaient pour 40 %. Ce qui est un taux un peu plus élevé que la moyenne et
la plupart des entreprises sont des entreprises individuelles. Comme beaucoup de femmes
s’installent dans les services ou dans des professions libérales, elles ne sont pas toujours
accompagnées par les structures consulaires, ce qui explique un taux un peu plus élevé.
Mais il n’y a pas d’actions spécifiques pour les femmes ».
EF 7 formations de 20 personnes sur 5 ans soit 140 personnes concernées.
50 femmes en accompagnement de 8 heures.
1 200 personnes ont assisté aux conférences.
- Certaines femmes ont bénéficié de la formation et de l’accompagnement et 165
femmes ont été accompagnées sur 5 ans.
- 55 entreprises ont été créées par des femmes formées et accompagnées. Parmi les
femmes formées, on constate 26 % de créations d’entreprise et pour les femmes
accompagnées, le taux se monte à 65 %.
OP - Pour 100 créatrices potentielles, seulement 5 vont être suivies, ce qui est peu en
valeur absolue.
- Mais les objectifs pour 2009 sont de suivre 5-6 personnes incubées et le double
en pré-incubation. Au total, 15 pré-incubées et 5 incubées avec le glissement d’un
stade vers l’autre avec le temps, sont les normes de l’institution compte tenu de ses
ressources.
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L’efficience de l’accompagnement
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BG - Le discours des conseillers est de plus en plus orienté vers ceux qui sont prêts à
créer. Ceux qui ne sont pas prêts doivent mûrir leur projet avant de prétendre à une
aide quelle qu’elle soit.
- « C’est vrai que nous ne pouvons pas toujours savoir si un projet va être viable ou pas.
La preuve est qu’il y a des gens qui n’ont pas passé le premier entretien à la BG et qui ont
créé leur entreprise. D’autres dont les conseillers étaient certains que tout était bien pour
créer n’ont pas créé. Les conseillers confondent leur rôle d’experts sur différents points avec
le droit de juger le projet… alors qu’eux-mêmes n’ont jamais entrepris ! ».
- « Quand ce sont des profils classiques (cas d’une commerçante), il n’y a aucun souci.
Ces projets sont plus mis en avant et montrés en exemple par rapport à un projet de
quelqu’un qui s’installe pour faire des massages ». En effet, il est plus certain de voir le
premier projet dans la zone de cohérence A du modèle des « 3 E » (Paturel, 2007)
que le second…
EF - La sélection est la date d’entrée. Les premières inscrites sont les premières à
intégrer la formation. Après ce sont des critères liés aux financeurs qui jouent. Les
femmes seules avec enfants sont aussi privilégiées. Ce ne sont pas du tout des critères
de réussite liés au projet qui priment. Autrement dit, les projets peuvent ou non se
situer dans la zone de cohérence A du modèle des « 3 E ».
- Le principe est de pouvoir accueillir tout type de femmes, quels que soient leur
statut et leurs origines pour favoriser la mixité sociale.
OP - La sélection est faite par deux personnes qui regardent « l’allure » et l’innovation
du projet.
- « Les critères sont donc que le projet soit piloté par une femme, exploite une innovation
pérenne viable, pour que la porteuse soit prête à créer sa boîte. Nous avons un engage-
ment de résultat vis-à-vis des institutionnels qui allouent des fonds uniquement si des
emplois sont créés (critère de mesure de l’efficience de OP) ».
- Un comité de sélection décide si la porteuse du projet peut être incubée ou pas,
si elle est suffisamment avancée. La pré-incubation peut être reconduite, si elle le
souhaite, sinon elle retravaille par elle-même son projet avant de repasser devant le
comité de sélection. OP va donc aider les projets hors zone A du modèle des « 3 E »
à entrer dans cette zone de cohérence du projet. Dès que le comité de sélection
donne son feu vert (projet ayant intégré la zone A du modèle), elle peut passer dans
la phase d’incubation.
- Comme il s’agit de créer des emplois, OP doit prendre des projets qui y contri-
buent, même s’ils sont au départ hors zone A. C’est le potentiel en matière d’em-
plois nouveaux qui sera à déceler au sein du projet à retenir, sous réserve qu’il soit,
bien entendu, opérationnel.
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C’est la structure Ouest Pionnières qui est la plus sélective. Sur 100 créa-
trices, 15 ont été pré-incubées et 5 suivront la phase d’incubation, soit 5 %.
La Boutique de Gestion du Morbihan accompagnera environ 66 % des
personnes reçues en information collective.
Entreprendre au féminin se dissocie de ses homologues en ce qu’elle consent
l’inscription dans le processus d’accompagnement en fonction de la date
d’entrée.
Les organismes qui affichent une plus grande efficacité et efficience sont
ceux qui pratiquent la sélection et choisissent les projets à « accompagner »
en fonction de critères qu’ils pensent pertinents pour évaluer l’espérance
de réussite du projet. Une question se pose alors : quelle est la valeur ajou-
tée de ces organismes ?
En fait, elle est forte pour les projets hors zone A du modèle des « 3 E » qui,
sans aide, auraient dû être abandonnés, et faible pour ceux situés en zone
de cohérence du même modèle, car ces derniers auraient été pérennisés
sans accompagnement. Le problème est que les statistiques disponibles
ignorent ce distinguo utile pour y voir clair en la matière. Il conviendrait à
l’avenir de bien classifier ces projets suivis selon ces aspects, pour cerner
l’intérêt des prestations proposées par les organismes d’accompagnement.
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BG - « Je pense et c’est mon opinion personnelle que nous avons trop affaire à des guerres
de structures. Chacun voulant récupérer la part du gâteau, chacun essaie de garder les
créateurs. C’est ainsi que les experts-comptables essaient de prendre de plus en plus les
gens en amont et de tout faire. Les BG se sont spécialisées beaucoup plus au départ dans
l’amont et prennent des gens qui n’étaient pas encore tout à fait prêts et donc les suivent
en amont des chambres consulaires. Et maintenant, elles font aussi du financement et
sont habilitées à faire du prêt à la création d’entreprise. L’ADIE (Association pour le
Développement de l’Initiative Économique) qui ne faisait que du financement se met à
faire de l’accompagnement. Tout le monde essaie de faire de tout et cela n’améliore rient
du tout. Le problème est à qui va crier le plus fort pour récupérer des aides, des finance-
ments ou des créateurs.[…] C’est cela qui ne va pas quelque part. Il faudrait davantage
de lisibilité ».
EF L’accompagnement ne peut pas être complet puisque EF n’intervient que sur l’as-
pect développement personnel. « Cela serait nettement plus intéressant si nous arri-
vions à se mettre d’accord pour que nous arrivions à formaliser un parcours intéressant
pour les gens sans qu’il y ait de notion de structure derrière. Je trouve que dans ce monde
d’accompagnement à la création d’entreprise, il y a trop ces notions de structures qui
viennent empêcher une réflexion sur l’accompagnement en lui-même. Il n’y a pas de re-
cherche d’amélioration de l’accompagnement ou de mutualisation des choses pour mettre
en place un parcours cohérent pour tout le monde ».
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OP OP lance des partenariats avec des structures qui ne font pas la même chose qu’elle,
mais qui se rapprochent dans la création d’entreprise pour pouvoir mutualiser et
proposer une approche afin que toutes les personnes qui ont envie de créer trouvent
la bonne structure au bon moment et se sentent soutenues par la structure idéale
pour elle.
Ainsi, il est maintenant temps de définir une stratégie collective, pour obte-
nir des progrès en matière de présence des femmes à la tête d’entreprise.
La logique de rivalité doit être supplantée au profit d’une démarche plus
collaborative, les pouvoirs publics ayant en retour « modifié les indicateurs
de performance » et « reconnaissent l’intervention ponctuelle de plusieurs
structures dans le processus entrepreneurial » avec une rétribution financière
accordée à chacune.
Le plan d’action, engagé en Bretagne depuis 2008, témoigne d’une ardente
volonté de concevoir une stratégie collective entre les structures institu-
tionnelles – type CCI et Boutiques de Gestion –, les associations – type
Entreprendre au féminin – et les clubs de femmes entrepreneures. Souhaitons
que, dans les faits, nous retrouvions très vite les effets d’un tel projet.
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Source : Lebegue T.
L’accompagnement dispensé par les organismes d’accompagnement peut-
il permettre l’essor de l’entrepreneuriat des femmes ? À l’aide de trois
groupes d’indicateurs utilisés en entrepreneuriat pour apprécier la perfor-
mance, nous avons mis en exergue, de manière très globale, une plus grande
disposition de la structure Ouest Pionnières à répondre aux critères d’effi-
cience. La Boutique de Gestion est, quant à elle, la meilleure en ce qui
concerne l’efficacité et c’est Entreprendre au féminin qui se distingue sur
le plan de l’effectivité.
Des indicateurs supplémentaires affectant la performance des organismes
d’accompagnement doivent aussi être pris en considération. Ainsi, la façon
de sélectionner les projets, le positionnement idéologique et la cohésion
entre les structures, fournissent à la performance de l’accompagnement
une dimension encore plus multidimensionnelle et dynamique.
En effet, alors que la plupart des financeurs se focalisent sur les trois critères
précédemment évoquées, ceux-ci ne peuvent révéler de résultats satisfai-
sants sans la prise en compte des nouveaux indicateurs proposés. Force
est de reconnaître le rôle prépondérant joué par la sélection des porteurs
de projets sur la mesure de la performance. La performance de l’organisme
accompagnateur est bien supérieure en cas de sélection d’un projet à bon
potentiel hors de la zone de cohérence du modèle des « 3 E », que dans le
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cas d’une aide pour un projet en zone A qui peut être concrétisé avec de
bonnes chances de succès sans aucune intervention de soutien…
Finalement, les organismes d’accompagnement ne permettent l’essor de
l’entrepreneuriat des femmes qu’à la condition de modifier leur vision et
leurs indicateurs de performances.
Notre contribution n’est pas exempte de limites. Malgré la richesse des
particularités des organismes d’accompagnement observés, ceux-ci sont
installés dans la même région et restent en nombre limité, tout comme les
entretiens réalisés qui ne concernent que quelques personnes clés.
L’exploration de territoires différents et la collecte de données auprès d’un
nombre plus significatif de responsables et de parties prenantes internes
et externes aux structures d’accompagnement paraissent constituer une
voie de recherche séduisante et indispensable pour approfondir notre connais-
sance du problème. Une recherche sur les critères concrets de suivi des
indicateurs de performance listés précédemment s’avère également perti-
nente pour encore mieux cerner à la fois sur le plan théorique et, surtout,
pratique la performance globale d’une structure d’accompagnement et sa
gouvernance.
La thématique de l’accompagnement est donc loin d’être épuisée et sera
largement investie par les équipes de recherche en entrepreneuriat durant
les années à venir.
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9. Nous retiendrons la définition de Paturel R. (1981), reprise par Morvan Y. (1995), pour
la croissance externe, car c’est la seule qui ne confond pas cette manœuvre stratégique
et ses pratiques de réalisation que sont la fusion, l’absorption, etc. et cette stratégie de
développement avec une simple restructuration interne d’un groupe. Ainsi, la croissance
externe représente tout accroissement de la zone de contrôle d’une entité sur des moyens
de production déjà combinés, donc en fonctionnement. On perçoit immédiatement à ce
niveau que la croissance externe des personnes morales correspond à la reprise d’en-
treprise des personnes physiques alors que la croissance interne des sociétés est la
création d’entreprise ex nihilo de l’individu.
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2.1.1 Le contexte
L’offre en matière d’accompagnement repreneurial continue pourtant de
pécher en lisibilité. Les acteurs sont nombreux, ce qui nuit à la cohésion et
à la performance d’ensemble. Les candidats repreneurs trouvent du soutien
de qualité sur certaines dimensions du processus (recherche de cibles),
mais doivent aborder seuls des volets tout aussi décisifs pour la réussite
de l’opération (la prise en mains par exemple). Or, pour être performant et
améliorer les taux de survie post-acquisition, il est impératif que l’ac-
compagnement porte sur le processus repreneurial dans sa globalité. Cela
suppose que le repreneur ait, dès sa décision entérinée, une parfaite connais-
sance des acteurs et des ressources qu’il pourra mobiliser à chaque étape
de son aventure.
Le besoin est d’autant plus grand aujourd’hui que les évolutions écono-
miques actuelles, liées à la crise et aux plans sociaux, favorisent la crois-
sance des reprises « hors métier » (cadres ayant négocié leur départ et
souhaitant investir leurs indemnités, ne serait-ce que pour créer leur emploi…
même si d’autres motivations peuvent, bien entendu, intervenir). Or, au-delà
des difficultés classiques, cette nouvelle classe de repreneurs s’expose à
des risques spécifiques que la majorité des acteurs du soutien survole
dans leur programme d’accompagnement repreneurial. En effet, ces derniers
sont plutôt focalisés sur les étapes amont du rachat, beaucoup plus rentables
et difficilement évitables pour le repreneur. Une évolution des pratiques
semble donc nécessaire pour prendre en considération cette tendance
actuelle forte de reprise « hors métier »… sans modification parallèle de
l’accompagnement et même avec des résistances des accompagnateurs
actuellement sur le marché…
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comme les CCI et OSEO-BDPME. D’autre part, les organismes privés font
surtout référence à l’ordre des experts-comptables, aux notaires spéciali-
sés, aux administrateurs et mandataires judiciaires (pour les entreprises
en difficulté avérée) et aux publications spécialisées. Les intermédiaires
sont, enfin, des professionnels en mesure, de par leur activité, de présen-
ter des dossiers à des repreneurs. Il est fréquent pour des candidats sérieux
à la reprise d’avoir affaire à ces trois types d’acteurs à la fois.
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Les études de cas montrent que l’aide du cédant a été décisive sur plusieurs
plans. En conséquence, il est important que des candidats repreneurs
« hors métier » se posent la question de savoir si les cocontractants qui
se présentent à eux, seront en mesure de leur assurer un soutien de qualité
sur ces points précis (de sorte à disposer d’un accompagnement homo-
gène tout au long du processus, ce qui augmentera leur chance de réus-
site).
Le tableau suivant regroupe les principales lignes d’intervention du cédant.
Il permet de se faire une idée sur l’opportunité de négocier une période de
cohabitation. Toutefois, il s’agit en l’état de suggestions, issues de nos cas,
et rien n’est définitif dans ce tableau, car les réponses aux questions y figu-
rant sont fondées sur le seul relationnel ayant existé jusqu’ici avec le cédant,
avant même la conclusion de l’accord. L’approche est donc perceptuelle,
intuitive sur ce que pourrait faire le cédant dans la phase post-acquisition,
sur la base des échanges déjà réalisés avec lui.
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Légende : Les points les plus importants pour le repreneur « hors métier » sont en gras et
soulignés. Les points importants « hors métier » mais aussi pour le repreneur « dans le
métier » sont en italiques, gras et soulignés. Les autres questionnements sont classiques
pour tous les types de reprise, mais avec un poids peut-être plus réduit dans la prise de
décision finale en faveur d’une période de transition.
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Il est courant de voir des repreneurs hésiter entre deux ou trois dossiers
de rachat. Le choix ne tient pas souvent à grand-chose et ils ont tendance
à se reposer sur un « meilleur feeling » pour se décider. Compte tenu de la
spécificité des repreneurs « hors métier », dans ce type de dilemme, il semble
primordial pour eux d’étendre leur analyse à la qualité de l’accompagne-
ment post-acquisition qu’ils risquent de recevoir de leur cocontractant.
La liste des questions à se poser que cette étude soulève permet de les
aider à y parvenir. La recherche tend à souligner qu’une attention sur la
performance amont du processus repreneurial est une condition nécessaire,
mais insuffisante pour juger la performance globale de la transmission
d’entreprise.
Les limites portent principalement sur la faiblesse de l’échantillon. Elle
est cependant normale. En effet, contrairement aux créateurs d’entreprises,
la population des repreneurs est connue pour être difficile d’accès (enjeux
financiers plus importants, culte du secret, discrétion des intermédiaires
pour ne pas éroder leur réputation, etc.). Elle l’est naturellement encore
plus lorsqu’on étudie une catégorie émergente de repreneurs. Un autre point
se rapporte aux biais liés aux entretiens et provenant des problèmes de
mémoire des personnes, de leur rationalisation a posteriori des situations,
etc.
Les perspectives de recherche sur le sujet sont donc nombreuses et fonda-
mentales pour mieux comprendre cette période de la reprise.
Ainsi, en s’inspirant de la « méthode des scores », une évolution logique
de cette recherche consisterait à pondérer, sur la base d’un échantillon
plus large, les différents critères de mesure perceptuelle. Il deviendrait
possible, pour le repreneur, d’évaluer plus précisément, en amont du rachat
et grâce à cet outil, la qualité probable de l’accompagnement post-acquisi-
tion que le cédant sera susceptible de lui fournir lors de son entrée opéra-
tionnelle.
On peut pousser plus loin la logique. Un cédant peut parfaitement donner
le change dans la seule intention de vendre son entreprise. Dans ce cas,
la convention de tutorat n’est pas d’un grand secours pour le repreneur
ayant fait une erreur de jugement. En conséquence, il peut être intéressant
de dépasser la « dépendance cédant » par la proposition de formations «
post-acquisition » plus poussées lors de la préparation des candidats repre-
neurs. L’objectif est de leur donner un aperçu de la période de prise en
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mains, avec des focus sur son contenu et sur des déroulements types. On
peut ainsi espérer que cet approfondissement leur permettra, le cas échéant,
de contenir les effets pervers d’un accompagnement post-acquisition
défaillant ou nuisible.
Conclusion
Comme nous l’avons vu pour deux aspects de l’accompagnement, celui des
femmes et celui des repreneurs, une refonte doit être opérée en la matière
avec l’introduction d’une coordination entre les organismes intervenant sur
le sujet. De même, le développement d’accompagnement spécifique fait
défaut actuellement et semble devoir s’imposer pour aider certaines popu-
lations (ici les femmes) ou pour faciliter certaines phases du processus
d’entrée en affaires (ici, la phase de transition entre cédant et repreneur ne
connaissant pas le métier exploité par l’entreprise rachetée). Mais le chemin
est long avant de disposer d’organismes d’accompagnement s’intéressant
à toutes les phases de l’entrepreneuriat, quelle que soit sa pratique de réali-
sation (création ou reprise) et s’adaptant aux populations très hétérogènes
d’entrepreneurs potentiels. La détermination des performances de ces orga-
nismes selon des critères simples, pertinents, doit être systématique afin
de privilégier les institutions les plus performantes et de relancer les autres
en modifiant leur façon de fonctionner. Ces orientations générales sont
aujourd’hui à respecter afin d’éviter tous les gaspillages de ressources et
compétences qui seraient susceptibles d’être affectées de façon plus produc-
tive ailleurs en cette période de crise.
Bibliographie
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représentations et de discours », in THIETART (R.A.) et alii (Eds), Méthodes
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