Ob b76c87 Le-Mal-Rimbaud
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Eléments d’introduction: (cf introduction du “Dormeur du Val”). Le sonnet “Le Mal” a été
inspiré à Rimbaud par la guerre franco-prussienne (Nap. III déclare la guerre à la Prusse en
juillet 1870. Capitulation de Sedan le 2 septembre 1870), l’enfant sage des premières années de
collège a déjà commencé de lancer sur sa ville natale et sur l’univers de l’homme un regard
critique. Il a déjà fait des fugues. Dès la déclaration de la guerre, il gagne Paris. Il méprise le
nationalisme de ses contemporains, et la mort de jeunes hommes le révolte.
Axe de lecture : Nous montrerons comment Rimbaud dénonce différentes formes du “mal”.
II. La dénonciation d’un pouvoir qui exploite les plus faibles et qui est indifférent à leurs
souffrances
1. Les soldats qui constituent l’infanterie sont essentiellement originaire de familles
défavorisées (cf 2e tercet, la pauvreté des mères qui n’ont pas même un porte-monnaie). Ce
sont eux qui constituent la “chair à canons” car c’est vraiment un développement de cette
expression populaire que Rimbaud donne ici : ils passent dans la moulinette, avec le verbe
broyer.
2. Les soldats, les victimes, sont présentés comme des enfants à travers le deuxième tercet : il
est question de leurs “mères” plutôt que de leurs épouses.
3. Les soldats n’ont aucun contrôle de leur destin. Ils sont manipulés par une énorme machine
qu’ils ne comprennent pas “une folie épouvantable” qui renvoie à la folie des décideurs, de
ceux qui déclarent les guerres (Napoléon III).
4. Loin d’être reconnus, d’être admirés comme des héros, ils sont méprisés “le Roi […] les
raille”. Il y a une sorte de sadisme cruel du pouvoir, pour qui ces hommes ne sont que des
éléments déshumanisés de la machine de guerre. Rimbaud met sur le même plan dans sa
critique les différents camps ennemis, les représentants du pouvoir, quel qu’il soit “écarlates
ou verts”; “près du Roi qui les raille” (remarquer l’imprécision). Il n’y a donc pas de
chauvinisme. La solidarité de Rimbaud s’étend à tous les soldats opprimés, quel que soit leur
camp. D’ailleurs, les mères du dernier tercet sont confondues dans la même couleur de
bonnet “sous leur vieux bonnet noir” et la même pauvreté.
→ Le poète ne peut que plaindre ces pauvres victimes. L’exclamation « Pauvres morts ! »,
soulignée par un tiret, en plein milieu du poème, marque son émotion.
Face à ce Dieu inutile, la puissance que Rimbaud invoque, en plein centre du poème (6 vers
avant, 6 vers après), c’est la Nature, à laquelle il s’adresse au discours direct.
• Il adopte pour lui parler le ton que l’on adopte pour parler à la divinité:
tutoiement, personnification par l’absence de déterminant “Nature”, “ô”
(interjection servant à invoquer), ton et rythme d’un hymne dans
l’énumération symbolisant vie et chaleur “dans l’été, dans l’herbe, dans ta
joie,/ Nature!” On peut remarquer les connotations religieuses du mot “joie”,
et enfin l’idée que la Nature est créatrice: “O toi qui fis ces hommes
saintement”.
• La nature est aussi le seul élément paisible du tableau de bataille : « l’infini
du ciel bleu ».
• Il y a en filigrane l’idée que l’homme s’est écarté de la nature en
s’industrialisant, en inventant des machines de guerre meurtrières. Que la
Nature est une mère, une divinité protectrice qu’il ne faut pas abandonner.
Elle est consolatrice, le recours dans le désespoir. Ce rôle de la nature est
caractéristique du romantisme (influence d’Hugo sur Rimbaud); mais il
correspond aussi à un amour vrai de Rimbaud pour la nature (cf ses
escapades). On retrouve le même rôle consolateur de la Nature dans “Le
dormeur du val”.
Conclusion: Ce n’est qu’après analyse que l’on peut comprendre l’ampleur du titre.
• Le Mal, c’est l’atrocité de la guerre, bien sûr.
• Mais c’est aussi l’exploitation des plus faibles par le pouvoir.
• C’est encore l’hypocrisie de l’Église associée à ce pouvoir et qui n’intervient pas
pour demander la paix ; qui profite de cette situation de désarroi profond.
• C’est enfin que l’homme se soit écarté de la Nature.
C’est sur un ton déterminé, rigoureux, sans appel, donné par une structure grammaticale très
organisée et par des images violentes ou provocantes, que Rimbaud dénonce tout cela, en
pensant aux “Pauvres morts !” qu’il mentionne au centre du poème et pour lesquels il veut faire
partager au lecteur sa compassion.