Extrait
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La gloire de Thalès :
la prédiction des éclipses
1. Voir Paul Couderc, Les éclipses, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 1961
(réimpr. 2e éd. 1971), p. 108-110.
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1. En Grec ancien cosmos signifie ordre. Ainsi, les pythagoriciens cherchaient à présenter les
planètes de notre Univers selon un certain ordre : la Terre, la Lune, la Mercure, la Vénus, le Soleil,
Mars, Jupiter, Saturne et la sphère des étoiles fixes.
2. Le mot « mathématiques » a été formé à partir du grec μάθημα « mathêma » ou plus exactement
μάθηματα « mathêmata » qui est son pluriel et qui expliquerait peut être pourquoi aujourd’hui
encore la discipline se désigne par son pluriel. Le mot « mathêma » signifiait le fait d’apprendre
tout comme sa résultante : la connaissance et la science. On le traduit aussi par « ce qui peut
être appris » ou « ce qui peut être enseigné ».
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Au cours des millénaires, les civilisations ont toujours été fascinées par les
éclipses de Soleil et de Lune qui ont fait l’objet de toutes sortes d’interprétations
mythologiques, symboliques ou religieuses même après qu’une explication
rationnelle ait été proposée par le philosophe grec Anaxagore. Originaire de
Clazomènes, aujourd’hui près d’Izmir en Turquie où il serait né vers 500 avant J.-C.,
il fournit la première explication exacte des éclipses de Lune. D’après Théophraste qui
vécut au IVe siècle avant notre ère et qui fut le premier « élève » du Lycée d’Aristote :
« Anaxagore attribue aussi la défaillance de la lune à ce que parfois il y aurait
interposition de corps situés au-dessous d’elle. » Il ajoute : « Les défaillances de,
la lune sont dues à l’interposition de la terre et parfois à celle de corps inférieurs
à la lune ; le soleil s’éclipse aux nouvelles lunes, par suite de l’interposition de la
lune. » L’enseignement d’Anaxagore semble avoir enthousiasmé ses disciples aux
premiers rangs desquels se trouvaient Périclès, Démocrite, Empédocle et peut-être
même Socrate. Mais son approche qui consistait à vouloir expliquer par des causes
physiques des phénomènes dont on attribuait l’origine à des divinités inquiéta les
autorités. Anaxagore fut alors condamné à mort pour « impiété » vers 431 av. J.-C.
précédant ainsi de plus vingt siècles Giordano Bruno et Galiléo Galiléï. En effet, les
Grecs avaient fait voter un décret de loi selon lequel on poursuivrait tous « ceux
qui ne croient pas aux choses divines ou qui enseignent des théories au sujet des
choses Célestes ». C’est sur la base de ce même chef d’accusation, appelé depuis
« loi d’impiété », que Socrate fut condamné à boire la ciguë quelques décennies
plus tard. À la différence de Socrate, Anaxogore put, semble-t-il, échapper à la
mort grâce à l’amitié que lui portait Périclès. Cependant, il dut fuir la cité et cet exil
volontaire constituait pour un philosophe grec un bien pire châtiment que la mort.
Néanmoins, comme le souligne l’astronome Paul Couderc, son explication des
éclipses « constitue la première théorie d’un phénomène astronomique par un
rapport entre astres1 ». Aussi, après avoir tenté de ramener ce phénomène dans
le giron de la rationalité, les Grecs cherchèrent ensuite à déduire des éclipses
la dimension de la Lune et sa distance par rapport à la Terre. Concernant cette
1. Voir Paul Couderc, Histoire de l’Astronomie, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que
sais-je ? », 1945 (réimpr. 6e éd. 1974), 128 p.
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Dans la longue liste de ceux qui ont marqué l’histoire des « Grandes Expéditions »
on ne retient généralement que celui du « découvreur du Nouveau Monde »,
Christophe Colomb. Et pourtant, presque vingt siècles avant que le marin génois
ne pose le pied sur le continent américain, un navigateur grec faisait route vers
l’Islande. Son nom : Pythéas de Massalia, un philosophe contemporain du grand
Aristote et originaire de la cité phocéenne de Massalia (Marseille). Entre 330 et
320 av. J.-C., Pythéas entreprit un grand voyage maritime à la découverte des îles
Britanniques, de l’île de Thulé et de la mer Baltique1. À son retour, il décrivit dans un
livre son Voyage autour de la Terre. Bien que cet ouvrage ait été perdu, peut-être
dans l’un des incendies de la bibliothèque d’Alexandrie, il nous est connu grâce à
plusieurs auteurs antiques dont le géographe Strabon.
Pythéas décida de naviguer vers l’ouest à la découverte de l’Armorique – le nom
donné dans l’Antiquité à une large région côtière de la Gaule, allant grosso modo de
Pornic à Dieppe. À bord d’un bateau d’une vingtaine de mètres de long voguant à
une vitesse moyenne de trois ou quatre nœuds, il franchit les colonnes d’Hercule
(le détroit de Gibraltar) en quelques jours, et met ensuite trois jours pour traverser
le golfe de Gascogne et atteindre la péninsule armoricaine. Il fait alors route vers le
nord et rallie le cap Kantion situé au sud-est de l’Angleterre avant d’atteindre le cap
Orcas (aujourd’hui Dunnet Head en Écosse), faisant du cabotage autour de ces îles
qu’il nomme Prétaniques et qu’on appellera plus tard Britanniques. Apprenant des
autochtones l’existence d’une île du nom de Thulé, Pythéas poursuit son voyage
vers le nord. Les historiens considèrent que cette ultima Thulé, terre ultime du
poète Virgile, est vraisemblablement l’Islande ou peut-être le Groenland. Arrivé
en ce point extrême de son voyage, « Pythéas nous dit au sujet de Thulé que l’on
n’y rencontre plus la terre proprement dite, ni la mer, ni l’air, mais à leur place un
composé de ces éléments, semblable au poumon marin, et dans lequel tous les
éléments sont tenus en suspension et comme réunis à l’aide d’un lien commun,
sans qu’il soit possible à l’homme d’y poser le pied, ni d’y naviguer. » Ce poumon
marin, c’est-à-dire la banquise que nous décrit Strabon, a probablement contraint
Pythéas à faire demi-tour. Et si le chemin de retour jusqu’à Massalia se fait sans trop
1. Voir Hughes Journès, Yvon Georgelin et Jean-Marie Gassend, Pythéas, Explorateur et Astronome,
Les Éditions de la Nerthe, 2000.
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