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Rapport du Comité intergouvernemental d’experts

sur le financement du développement durable


14-64818

United Nations
Nations Unies
Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur
le financement du développement durable

asdf
Nations Unies
New York, 2015
Publication des Nations Unies
Copyright © Nations Unies, 2015
Tous droits réservés
Préface

L’Assemblée générale a créé le Comité intergouvernemental d’experts sur le


financement du développement durable en juin 20131. Sa décision faisait suite à
l’ambitieuse mission définie dans le document final de la Conférence des Nations
Unies sur le développement durable tenue en 2012 (Rio +20), durant laquelle les
dirigeants de la planète ont demandé une concertation intergouvernementale
aboutissant à la présentation d’un rapport proposant des options stratégiques
efficaces pour financer efficacement le développement durable. Le Comité a donc
été chargé d’évaluer les besoins de financement, de déterminer l’efficacité, la
cohérence et les synergies des instruments et cadres existants et d’évaluer les
initiatives envisageables.2
Les groupes régionaux d’États Membres de l’Organisation des Nations
Unies ont nommé au Comité 30 experts représentant un large éventail disci-
plinaire et géographique (voir annexe). À sa session inaugurale, en août 2013, le
Comité a adopté son programme de travail et élu ses deux Coprésidents, l’Ambas-
sadeur finlandais Pertti Majanen et Mansur Muhtar du Nigéria.
Comme le prescrit son mandat, le Comité a choisi de traiter la question
générale du financement du développement durable au lieu de faire des analyses
par secteur ou objectif. Il a décidé d’organiser ses travaux selon trois groupes
thématiques : groupe 1, Évaluation des besoins de financement, recensement des
flux actuels et des tendances émergentes, impact du contexte national et inter-
national; groupe 2, Mobilisation et utilisation efficace des ressources; et groupe
3, Dispositions institutionnelles, cohérence des politiques, synergies et questions
de gouvernance.
Le Comité a en outre décidé d’asseoir ses travaux sur quatre piliers, à savoir
les valeurs universelles portées par la Déclaration du Millénaire; les principes
inscrits dans la Déclaration de Rio sur l’environne ment et le développement et
le document final de Rio +20; le Consensus de Monterrey sur le financement du
développement, qui met l’accent sur l’utilisation intégrée et globale de toutes les
sources de financement (ressources nationales publiques et privées, ressources
internationales publiques et privées); et une démarche multipartite intégrant la
société civile, les entreprises et autres acteurs majeurs.
Quatre autres sessions de cinq jours chacune se sont tenues au Siège de
l’ONU en 2013 et 2014. Le débat s’est poursuivi dans le cadre de nombreux
échanges intersessions informels, de visioconférences et de forums de discus-
sion en ligne. Le présent rapport a grandement bénéficié des vues d’autres États
Membres et d’acteurs extérieurs. Le Comité a estimé que l’information du public
faisait partie intégrante de sa mission. Ses sessions ordinaires se sont tenues à huit
clos conformément à sa méthode de travail, mais il a multiplié les consultations
externes. Il a tenu par ailleurs cinq réunions publiques multipartites au cours

1 Assemblée générale, décision 67/559.


2 A/CONF.216/16, chap. I, résolution 1
iv
Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

desquelles il a écouté attentivement les vues des représentants de la société civile


et des entreprises, qui lui ont recommandé de faire preuve à la fois d’audace et
de pragmatisme dans ses propositions. Les experts du Comité ont également
puisé dans un riche corpus de documents de fond produits dans le système des
Nations Unies.
Les consultations régionales ont aidé le Comité à prendre en compte les
perspectives régionales et propres à chaque pays et ont fait ressortir la nécessité
de faire preuve de souplesse. Dans ce contexte, les commissions économiques
régionales des Nations Unies et les banques régionales de développement ont pu
organiser des réunions publiques à Santiago; Helsinki, Addis-Abeba; Djeddah
et Jakarta.
Conscient de la nécessité de coordonner ses travaux avec ceux du Groupe de
travail ouvert sur les objectifs de développement durable, le Comité a également
eu un échange de vues avec le Groupe pour faire le point sur les progrès accomplis.
Son rapport final tient compte du projet d’objectifs et de cibles de développement
durable présenté par le Groupe, en particulier de l’objectif 17 concernant les
moyens de mise en œuvre.
À l’issue d’une année de délibérations, le Comité a estimé qu’il avait accom-
pli son mandat et, à la clôture de sa cinquième session le 8 août 2014, a adopté son
rapport final publié comme document de la soixante-neuvième session de l’Assem-
blée générale des Nations Unies3. Les débats ont puisé dans les notes de synthèse
et autres documents établis par l’équipe spéciale du Groupe de travail des Nations
Unies sur le financement du développement durable. Le Département des affaires
économiques et sociales et le Département de l’Assemblée générale et de la gestion
des conférences ont apporté un appui technique et administratif tout au long de
cette entreprise. Le rapport est le résultat d’une année de débat sur le financement
du développement durable, et chaque membre y a apporté sa contribution unique
et indispensable. Il a été adopté dans un grand élan d’optimisme et dans l’espoir
qu’il contribuerait utilement aux futures négociations intergouvernementales sur
le financement du développement durable dans la perspective du programme de
développement des Nations Unies pour l’après-2015.

3 A/69/315.
Table des matières

Préface iii

Résumé des Coprésidents vii

I. Introduction 1

II. Le contexte mondial 5


A. Un contexte mondial en pleine évolution. . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
B. L’ampleur des besoins de financement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
C. Structures nouvelles des flux de ressources. . . . . . . . . . . . . . . . . 9

III. Approche stratégique 17

IV. Modes de financement dans le cadre d’une stratégie intégrée


de financement du développement durable 21
A. Financement public intérieur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
B. Financement privé intérieur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
C. Financement international public . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
D. Financement international privé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
E. Financement mixte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

V. Gouvernance mondiale en vue du financement du


développement durable 45

VI. Conclusions 53
vi Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

Page

Annexe 55
Composition du Comité intergouvernemental d’experts sur le
financement du développement durable. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55

Figures
I PIB par habitant de certains groupes de pays par rapport à
celui des pays avancés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
II Ordre de grandeur des investissements nécessaires selon les
études disponibles dans divers secteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
III Flux de capitaux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
IV Apports de capitaux au développement durable provenant de
sources internationales et nationales de financement. . . . . . . . . 19
V Objectifs indicatifs de financement international public
en fonction des niveaux de développement des pays et des
différents besoins en matière de développement durable . . . . . . 36

Tableau
I Instruments de financement mixte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
Résumé des Coprésidents

En 2015, la communauté internationale adoptera un nouveau programme de


développement pour s’efforcer d’éliminer la pauvreté et de faire prévaloir le
développement durable dans le monde et dans chaque pays. Ce gigantesque
défi ne peut être relevé qu’avec des moyens financiers suffisants. Le Comité
intergouvernemental d’experts sur le développement durable a été chargé de
proposer des options pour une stratégie de financement propre à faciliter la
mobilisation des ressources et leur utilisation efficace au service des objectifs
de développement durable 4.
Notre rapport apporte une triple contribution à l’accomplissement de ce
mandat : il présente un cadre d’analyse détaillé, propose une corbeille de plus de
115 mesures possibles soumises au choix des décideurs et indique les domaines
qui se prêtent à des partenariats mondiaux au service du développement durable,
à savoir entre autres le commerce, la fiscalité, la stabilité des marchés financiers,
la dette et la coopération pour le développement.
Nous recommandons à tous les pays de mettre pleinement en œuvre les
stratégies de financement du développement durable qui leur sont propres, dans
un contexte de politiques nationales et internationales porteuses. Ces stratégies
de financement devraient tenir compte de toutes les sources (capitaux publics
et privés, nationaux et internationaux), dont chacune a son rôle propre fondé
sur ses caractéristiques particulières; nous considérons que, avec la volonté
politique nécessaire, la communauté internationale peut répondre aux besoins
de financement correspondant à un programme évolutif de développement
durable. Les difficultés sont énormes mais, moyennant un effort collectif, elles
ne sont pas insurmontables.

Besoins de financement
Nous avons commencé notre analyse en évaluant les besoins de financement
durable, les flux de financement existants et leur efficacité, ainsi que les sources
possibles de financement. Depuis l’adoption de la Déclaration du Millénaire en
2000, beaucoup de pays en développement ont enregistré une forte croissance
économique, et la disponibilité de tous les types de financement a augmenté.
Malgré ces bons résultats, on note des différences entre et dans les pays, et les pro-
grès n’ont pas été suffisants pour atteindre tous les objectifs du Millénaire pour le
développement. Les risques et les facteurs de vulnérabilité — dont la dégradation
de l’environnement et le changement climatique, ainsi que les aléas inhérents au
système financier international — sont devenus plus évidents.
Sur cette toile de fond, nous donnons un ordre de grandeur des besoins
de financement du développement durable. Nous savons que le calcul de ces
besoins est un exercice complexe et nécessairement imprécis, puisqu’il repose sur

4 ACONF.216/16, chap. I, résolution 1.


viii Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

toute une série d’hypothèses de travail concernant notamment la conjoncture


macroéconomique et les politiques économiques, de sorte que les estimations
peuvent varier considérablement. De plus, l’agrégation des chiffres risque d’être
trompeuse car elle ne tient pas compte des synergies entre les secteurs. Toutes les
études montrent cependant que les besoins sont énormes. Par exemple, l’inves-
tissement supplémentaire correspondant aux scénarios de développement durable
climato-compatible est de l’ordre de plusieurs milliers de milliards de dollars par
an, venant s’ajouter aux 5 000 à 7 000 milliards de dollars annuels nécessaires
pour les infrastructures.
L’épargne mondiale — environ 22 000 milliards de dollars par an — serait
suffisante pour couvrir ces besoins si les ressources étaient affectées correctement,
ce qui n’est pas le cas actuellement. Il s’agit donc pour les décideurs de mieux
canaliser l’investissement provenant de diverses sources de financement dans
les régions du monde où il est nécessaire d’améliorer la qualité des politiques,
approches et instruments actuels, de s’attaquer aux subventions inefficaces et
nuisibles ainsi qu’à la corruption, à l’évasion fiscale, aux sorties de fonds illicites
et à l’inertie, en particulier dans le domaine de l’environnement où elle s’avère
souvent plus coûteuse que les mesures correctives. L’exercice ne sera pas facile: il
nécessitera de revoir de fond en comble les modalités de financement, dans les
sphères publiques comme privées.

Démarche stratégique
Pour mener à bien cette transformation, le Comité a mis au point une démarche
stratégique dérivée d’une analyse complète des flux de fonds, depuis les sources
jusqu’aux utilisations finales, sans oublier les intermédiaires qui acheminent les
flux en question. Cette démarche s’appuie sur le Consensus de Monterrey en y
ajoutant de nouveaux éléments qui correspondent aux problèmes d’aujourd’hui :
elle intègre de nouvelles problématiques telles que la lutte contre le changement
climatique dans le cadre d’action; elle traite comme un tout les dimensions éco-
nomiques, sociales et environne mentales du développement durable; elle montre
aussi la voie à suivre pour formuler de nouvelles politiques propices à l’investis-
sement en tenant compte de la complémentarité des différentes sources et en
analysant les missions et les motivations de différents intermédiaires.
L’analyse procède de neuf grands préceptes. Premièrement, chaque pays
est responsable de son propre développement, mais il incombe à la communauté
internationale de mettre en place des conditions favorables et d’apporter son sou-
tien. C’est là un facteur primordial étant donné qu’un deuxième précepte, à savoir
l’efficacité des politiques gouvernementales, forme la clef de voûte de la stratégie
de financement du développement durable. Tous les acteurs, dont ceux du secteur
privé, opèrent dans le cadre et l’environnement porteurs créés par les politiques
publiques, d’où l’importance de la qualité des grands choix d’orientation, de la
transparence et de la bonne gouvernance.
En troisième lieu, les différents types de financement doivent être utilisés
dans une optique intégrée et se compléter au lieu de se substituer les uns aux
autres. Ainsi, alors que le secteur de la finance est mû par la recherche du profit
et se prête particulièrement bien à l’investissement productif, le retour sur inves-
tissement du développement durable est souvent moins attrayant que les autres,
surtout à court terme, et les fonds publics deviennent indispensables dès lors qu’il
Résumé des Coprésidents ix

est question de besoins sociaux et de biens collectifs. Les stratégies de financement


du développement durable doivent être conçues de manière à optimiser les syner-
gies entre les filières de financement, en tenant compte du jeu entre les différentes
sources, mécanismes et instruments ainsi que de leurs forces et de leurs faiblesses
au regard des solutions propres aux pays.
Quatrièmement, les instruments de financement doivent correspondre aux
besoins et utilisations les plus appropriés. La qualité du financement a son impor-
tance. Ainsi, l’investissement dans le développement durable à long terme doit
être financé par des capitaux eux aussi à long terme, car le court terme ne convient
généralement pas aux projets de longue haleine. Cinquième ment, les finance-
ments publics internationaux restent indispensables, en particulier pour les pays
où les besoins sont les plus grands et où la capacité de mobilisation des ressources
est la plus faible. Leur impact doit être exploité au maximum.

Préceptes de l’approche stratégique du Comité


S’assurer que les pays s’approprient et contrôlent la mise en œuvre des stratégies nationales de
développement durable, dans un environnement international favorable
1

Adopter des politiques publiques propres à étayer efficacement une bonne


stratégie de financement du développement durable 2

Utiliser de façon cohérente tous les flux de financement 3

Corréler les flux financiers aux besoins et aux utilisations 4

Maximiser l’impact du financement public international 5


Inscrire systématiquement des critères de développement durable dans les stratégies de
financement et les budgets nationaux ainsi que dans les décisions d’investissement privé 6

Exploiter les synergies entre les dimensions économiques, environnementales


et sociales du développement durable 7

Adopter une approche multipartite sans exclusive et participative pour obtenir des résultats
tangibles sur le terrain
8

Faire prévaloir le principe de financement transparent et responsable aux niveaux national,


régional et international 9

Les autres préceptes sont l’intégration de critères de développement durable


dans les stratégies de financement, y compris dans les budgets publics et les déci-
sions d’investissement privé; l’exploitation des synergies entre les trois dimensions
du développement durable; l’adoption d’une approche multipartite, inclusive et
anthropocentrée; ainsi que le principe de financement transparent et responsable
à tous les niveaux.

Options pour une stratégie de financement intégré du


développement durable
L’approche stratégique du financement sous-tend plus de 115 recomman-
dations de mesures allant dans ce sens. Le Comité a constaté qu’il n’y
avait pas de solution simple et toute faite et qu’une corbeille de mesures
allait s’imposer. Le présent rapport n’a pas valeur prescriptive, mais entend
x Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

plutôt proposer un menu d’options et de choix. Nous estimons qu’un pana-


chage de mesures peut globalement avoir un impact puissant en réorientant
les f lux de financement vers le développement durable.
Les options s’articulent autour des différentes sources de financement (fonds
publics ou privés d’origine nationale, fonds publics ou privés d’origine internatio-
nale, fonds mixtes). Dans chaque cas de figure, nous avons d’abord étudié les
facteurs qui entravent les flux de capitaux, puis proposé des solutions et des
mesures correctives assorties de recommandations, à savoir : a) mobiliser de nou-
velles ressources additionnelles; b) réaffecter les ressources existantes à l’investis-
sement dans le développement durable et les utiliser efficacement; c) faire jouer
les synergies entre les trois dimensions du développement durable; d) élaborer des
règles et règlements qui concilient accès au financement et stabilité des marchés
financiers; e) créer des environnements porteurs; et f) renforcer les capacités et
mettre en place des plateformes qui encouragent les pays à échanger leurs données
d’expérience.

.. mobiliser des ressources nouvelles additionnelles

.. réaffecter les ressources existantes au développement durable


Plus de 115 et les utiliser efficacement
recommandations .. faire jouer les synergies entre les trois dimensions
de fond concernant du développement durable
le financement
(intérieur et international,
.. élaborer des règles et règlements appropriés qui concilient
l’accès à la finance et la stabilité des marchés financiers
public et privé,
mixte) . . .. créer des environnements porteurs

.. renforcer les capacités et mettre en place des plateformes


qui encouragent les pays à échanger leurs données d’expérience

Financement intérieur public


• Le financement du développement durable appelle impérativement
la mobilisation de fonds publics d’origine nationale. Le présent rap-
port insiste à la fois sur la réforme de la fiscalité dans les pays et sur
l’approfondissement de la coopération internationale. Les régimes
d’imposition doivent être équitables, efficaces et transparents. Les
mesures prises dans ce sens par les pays doivent cependant s’accom-
pagner d’un effort de coopération internationale en matière de lutte
contre l’évasion fiscale et les flux de capitaux illicites. L’aide publique
au développement peut jouer un rôle important de renforcement des
capacités de mobilisation des ressources nationales. Les plateformes
de dialogue peuvent faciliter l’échange des données d’expérience.
• Le présent rapport insiste sur la notion de bonne gouvernance finan-
cière. La lutte contre la corruption et l’obligation de transparence
sont deux éléments cruciaux de toute gestion budgétaire efficace.
Les critères de développement durable devraient être pris en compte
dans l’ensemble du processus budgétaire, avec par exemple des achats
Résumé des Coprésidents xi

responsables. Il faut supprimer les subventions contre-productives et


prévoir des compensations pour les pauvres.
• Le présent rapport préconise en outre le renforcement supplémentaire
des capacités de gestion de la dette et encourage les décideurs à réflé-
chir à la création de banques de développement nationales capables
de proposer des financements à long terme pour le développement
durable et de mobiliser des capitaux privés.

Financement intérieur privé


• Le rapport aborde la question des fonds privés d’origine intérieure
sous l’angle du terrain en étudiant les mesures qui facilitent le finan-
cement inclusif et l’accès des ménages et des petites et moyennes
entreprises au crédit, ainsi que le développement des marchés finan-
ciers. Les institutions financières de tous ordres ont un rôle à jouer,
qu’il s’agisse des banques de microfinance, des banques postales ou
coopératives, des banques de développement ou des établissements
bancaires classiques. Le rapport préconise des méthodes innovantes
pour financer les PME et notamment l’utilisation de fonds communs
et de dispositifs de sécurisation par surveillance attentive des risques.
• Il faut par ailleurs que le climat soit favorable à l’investissement. Le
renforcement des politiques nationales, de l’arsenal des lois et règle-
ments et de l’environnement institutionnel donne aux gouvernements
un moyen efficace d’encourager les investisseurs privés. De manière
plus générale, la réglementation et la politique choisie doivent conci-
lier d’une part l’accès au crédit et aux services financiers et d’autre part
la bonne gestion des risques et la promotion de la stabilité des mar-
chés financiers, étant donné que tous les dispositifs réglementaires,
mê me ceux qui visent essentiellement à encourager la stabilité, ont
des répercussions sur les incitations et les décisions d’investissement.
• Le Comité demande aussi la prise en compte des considérations et
des critères de développement durable dans l’investissement intérieur,
signe qu’il faudra peut-être aller au-delà des normes existantes, qui
sont souvent facultatives.

Financement international public


• Les fonds publics d’origine internationale — y compris les aides, les
fonds climatiques et autres types d’assistance — resteront détermi-
nants pour financer le développement durable. Les États Me mbres
des Nations Unies devraient honorer leurs engage ments intégrale-
ment et dans les meilleurs délais.
• Compte tenu de ces engagements, le Comité a estimé dans le présent
rapport que la concessionnalité des flux devait être fonction du type
d’investissement et du niveau de développement du pays concerné.
Il faudrait soutenir suffisamment les services publics de base dans
xii Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

les pays les plus démunis et proposer des aides pour des projets d’in-
frastructure, des projets climatiques et autres domaines à aider. Le
rapport souligne la nécessité d’accroître l’efficacité de la coopération
pour le développement, y compris par exemple en réduisant la frag-
mentation du paysage de l’aide.
• Le rapport explore la possibilité de concevoir des modes de finance-
ment innovants qui contribuent au développement durable. Il explore
aussi les possibilités de la coopération Sud-Sud, qui peut venir com-
pléter les financements classiques du développement.

Financement international privé


• Les fonds privés internationaux ont un rôle important à jouer. Des
mesures s’imposent pour lever les obstacles qui entravent l’investis-
sement privé, notamment par des investisseurs institutionnels à long
terme tels que les fonds de pension et les fonds souverains, et pour se
prémunir en même temps contre les risques liés à certains types de
flux financiers.
• Les flux de capitaux privés doivent être gérés dans une optique d’in-
vestissement à long terme, et les politiques publiques pourraient jouer
dans ce sens. Le rapport souligne la nécessité de gérer les flux de capi-
taux instables et de coordonner l’action internationale de manière à
mieux gérer les liquidités mondiales.
• Le Comité demande que les financements privés aillent à l’investis-
sement à long terme dans le développement durable. Il recommande
aussi aux investisseurs d’appliquer les normes du travail fondamen-
tales établies par l’Organisation internationale du Travail, de com-
muniquer au sujet des indicateurs économiques, environnementaux
et sociaux et de la gouvernance, et de faire des critères du développe-
ment durable un élément essentiel de leurs stratégies.

Financement mixte
• Le secteur public et le secteur privé ne pourront ni l’un ni l’autre satis-
faire à eux seuls tous les besoins de financement. Mais on peut envi-
sager des financements mixtes associant capitaux et moyens publics
et privés dans le cadre de partenariats innovants. Le rapport constate
l’énorme potentiel de la formule, sans cacher que, dans certains cas,
le secteur privé a récolté les bénéfices, alors que le secteur public avait
pris les risques. Il en conclut qu’il faut mettre au point des méca-
nismes appropriés de juste partage des risques et les utiliser.
• Le Comité préconise aussi un effort de renforcement des capacités
centré sur le développement des compétences locales et l’échange des
données d’expérience des pays, qu’il s’agisse de succès ou d’échecs.
• Entre autres options, le rapport recommande des approches inno-
vantes qui encouragent l’investissement à long terme, particulière-
Résumé des Coprésidents xiii

ment dans les infrastructures, avec par exemple la création de fonds


d’équipement nationaux et régionaux et de plateformes de fonds
mixtes d’investissement public-privé et de mutualisation des risques.
Les banques nationales de développement peuvent également jouer
un rôle important dans ce domaine.

Partenariat mondial pour le développement durable


Au sujet du troisième mais non moins important pilier, le présent rapport indique
les possibilités de mieux mobiliser le partenariat mondial pour favoriser le déve-
loppement durable et s’attaquer aux problèmes systémiques. Il propose des ini-
tiatives dans le domaine de la gouvernance économique mondiale et du com-
merce et préconise des régimes d’investissement équitables et plus favorables au
développement durable, un système financier international stable, la réforme des
réglementations, une entraide internationale renforcée en matière de fiscalité et de
lutte contre les flux illicites, des mesures renforcées de prévention et de règlement
des crises de la dette souveraine, la coopération régionale, l’harmonisation des
systèmes de contrôle et de comptabilité et une coopération pour le développement
plus efficace.
Compte tenu de la nécessité de renforcer la cohérence systémique et la
gouvernance économique mondiale, l’ONU peut être le pôle mondial capable
de fédérer les institutions spécialisées et les autorités internationales sans entamer
leurs mandats respectifs et leurs modes de gouvernance. Le système des Nations
Unies lui-même doit mieux mettre en cohérence les cadres de financement issus
des deux grands débats sur le développement — sur l’après-Monterrey d’une part
et sur les moyens de mise en œuvre de Rio +20 de l’autre. Plus généralement, il
importe d’accentuer l’intégration et l’harmonisation des mécanismes, cadres et
instruments internationaux existants des Nations Unies.
Le rapport plaide en faveur d’une coopération internationale fiscale ren-
forcée en matière fiscale par des moyens tels que l’échange d’information, les
rapports de pays, l’encadrement des prix de transfert, les listes de paradis fiscaux
et les normes de divulgation des données non économiques. Il faut pour ce faire
élargir le dialogue participatif sur l’entraide fiscale internationale afin de lutter
contre les flux illicites, dans le cadre à la fois de mesures nationales visant à réduire
les sorties de fonds vers des juridictions pratiquant le secret et d’initiatives de
coopération internationale pour une meilleure transparence financière.
Le Comité signale par ailleurs l’énorme impact des crises de la dette sou-
veraine sur les efforts que font les pays pour financer le développement durable
ainsi que sur la stabilité du système financier international. Il réclame une gestion
efficace de la dette dans une optique de prévention des crises et souligne que la
communauté internationale doit continuer à consolider l’architecture actuelle de
restructuration de la dette souveraine.

Conclusions
Nous espérons que la multitude des moyens d’action possibles présentés dans les
pages qui suivent, l’orientation stratégique des travaux du Comité et les recom-
mandations appelant à un partenariat mondial renforcé pour le développement
xiv Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

durable, de même que le rapport du Groupe de travail ouvert, apporteront autant


d’éléments utiles aux négociations intergouvernementales sur le programme de
développement pour l’après-2015 et à la troisième Conférence internationale sur
le financement du développement.

Pertti Majanen Mansur Muhtar

Les Coprésidents du Comité intergouvernemental d’experts


sur le financement du développement
I. Introduction1

À la Conférence des Nations Unies sur le développement durable, la communauté


internationale avait décidé d’entreprendre un effort majeur pour promouvoir, à
l’échelle mondiale et dans chaque pays, le développement durable, et pour mettre
l’humanité à l’abri de la pauvreté et de la faim (voir le document issu de la
Conférence, résolution 66/288 de l’Assemblée générale, annexe). L’Assemblée,
par sa décision 67/559, a établi le Comité intergouvernemental d’experts sur le
financement du développement durable et lui a donné pour mission d’élaborer
des options pour une stratégie de financement du développement durable, afin de
faciliter la mobilisation de ressources et leur utilisation efficace dans la réalisation
des objectifs du développement durable2.
À la Conférence, les États Membres ont réaffirmé tous les principes de la
Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, et notamment le
principe des responsabilités communes mais différenciées, que l’on trouve for-
mulé au Principe 7 de celle-ci.
Dans son travail, le Comité s’est inspiré des principes exprimés dans le
document issu de la Conférence et des valeurs universelles exprimées dans la
Déclaration du Millénaire,3 constatant que l’existence de sociétés pacifiques et
inclusives, le respect de l’égalité des sexes et des droits de l’homme de tous, et
notamment du droit au développement, sont des facteurs qui contribuent puis-
samment au développement durable. L’élimination de la pauvreté est le plus
grand défi auquel l’humanité doit faire face aujourd’hui et est une condition
indispensable du développement durable.
Le Consensus de Monterrey de la Conférence sur le financement du déve-
loppement4 tenue en 2000 a servi de base aux travaux du Comité car ce document
met l’accent sur l’utilisation de toutes les formes de financement, publiques, pri-
vées, intérieures et internationales de façon globale et affirme que c’est à chaque
pays qu’incombe la responsabilité première de son développement, la commu-
nauté mondiale étant de son côté responsable de la mise en place de conditions
favorables au plan international. Cependant, le Comité a également reconnu qu’il
fallait mettre à jour ces principes pour répondre aux exigences du programme de
développement pour l’après-2015.
À ce sujet, le Comité avait à l’esprit les travaux du Groupe de travail ouvert
sur les objectifs du développement durable et était guidé par le souhait des États
Membres que le programme de développement pour l’après-2015 renforce l’en-

1 Ce rapport est publié comme un document de la 69ème session de l’Assemblée générale


(A/69/315). Le document officiel contient des différences éditoriales mineures en raison
des règles d’édition de l’Organisation des Nations Unies.
2 Voir document final de la Conférence, résolution 66/288 de l’Assemblée générale, annexe.
3 Résolution 55/2 de l’Assemblée générale.
4 Rapport de la Conférence internationale sur le financement du développement, Monterrey
(Mexique), 18-22 mars 2002 (publication des Nations Unies, numéro de vente: F.02.
II.A.7), chap.1, résolution 1, annexe.
2 Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

gagement pris par la communauté internationale en faveur du développement


durable sur la base d’une démarche cohérente assurant l’intégration de ses dimen-
sions économiques, sociales et environnementales. Cette démarche suppose que
l’on s’emploie à établir un ensemble d’objectifs mondiaux, de nature universelle
et applicable à tous les pays, tout en tenant compte des caractéristiques nationales
différentes et dans le respect des politiques et priorités de chaque pays.
S’inspirant des modalités et de l’esprit qui ont permis l’adoption de la
Déclaration de Rio et du Consensus de Monterrey, le Comité a procédé à de
larges consultations avec tout un ensemble de parties prenantes, notamment des
représentants de la société civile, des milieux d’affaires, et d’autres grands groupes.
Cette volonté d’ouverture est représentative du travail du Comité et elle s’est tra-
duite par des consultations avec de nombreuses parties prenantes, des réunions
régionales et des appels à contribution sur son site Internet. Le Comité est recon-
naissant des contributions reçues.
Le Comité a commencé son analyse en évaluant les besoins de financement
du développement durable, les flux financiers actuels et les sources possibles de
financement. Il a constaté que les besoins étaient énormes, tout comme les dif-
ficultés que l’on éprouverait à les satisfaire – énormes mais non insurmontables.
En fait, l’épargne publique et privée mondiale devrait suffire pour satisfaire ces
besoins de financement. Pourtant il est manifeste que les structures actuelles du
financement et de l’investissement n’engendreront pas un développement durable.
En particulier, bien souvent, le rendement attendu des investissements associés
au développement durable n’est pas aussi attrayant que celui offert par d’autres
possibilités, en particulier dans le court terme. Les ressources publiques sont sol-
licitées de toutes parts et les gouvernements n’ont pas été en mesure de mobiliser
un financement public suffisant pour entreprendre les investissements nécessaires
auxquels renoncent les investisseurs à la recherche de profits.
La solution passe par une meilleure concordance des incitations privées et
des objectifs publics, et par l’adoption de politiques qui encouragent dans ces
domaines des investissements à but lucratif, tout en mobilisant des ressources
publiques pour des activités essentielles de développement durable. L’aspect qua-
litatif du financement importe aussi. Les efforts faits pour réduire la corruption
et pour adopter des politiques publiques plus efficaces sur le plan économique et
social sont donc importants. Les politiques et les incitations doivent également
rechercher une meilleure concordance entre les préférences des investisseurs et
les besoins d’investissement de façon que, par exemple, les besoins à long terme
de développement durable ne soient pas financés par des crédits à court terme.
Le Comité parvient à la conclusion qu’il n’y a pas de politique toute indi-
quée à suivre. Au contraire, il faut une corbeille de plusieurs mesures, c’est-à-dire
un ensemble d’options, de réglementations, d’institutions, de programmes et
d’instruments dans lequel les gouvernements pourront choisir un mélange appro-
prié de politiques à suivre. Le Comité recommande une démarche cohérente, la
stratégie nationale de financement devant faire partie intégrante de la stratégie
nationale de développement durable. Alors que la conception et l’application des
politiques relève du niveau national, la réalisation du développement durable
suppose une aide et une coopération internationales. La démarche suivie par le
Comité repose sur le principe de l’appropriation nationale, s’appuyant sur un par-
tenariat mondial renforcé visant le développement durable. Le Comité constate
qu’un effort concerté de tous les acteurs, mobilisant toutes les ressources de façon
Introduction 3

cohérente, tout en maximisant leurs effets, permettra de financer les investisse-


ments nécessaires à la réalisation du développement durable pour tous.
Le Comité entame la partie analytique de son rapport par un examen
des besoins de financement et des tendances récentes des flux financiers. Il pré-
sente ensuite une «démarche stratégique» pour l’acheminement des fonds depuis
leur source jusqu’à leur utilisation. L’essentiel du rapport (sect. IV) examine les
diverses options possibles pour renforcer les quatre principales catégories de res-
sources financières qui seraient disponibles pour le développement durable, à
savoir les fonds publics d’origine intérieure, les fonds privés d’origine intérieure,
les capitaux publics internationaux et les capitaux privés internationaux, avec un
complément d’analyse portant sur les moyens de doser diversement ressources
publiques et privées et d’assurer la collaboration entre les divers acteurs. Dans
l’ensemble de cette section, le Comité montre l’interaction des divers types de
financement et leurs synergies possibles. Dans la section V, le Comité examine
les conditions internationales à remplir pour aménager un environnement éco-
nomique international vigoureux et pour en assurer la gouvernance, sans oublier
jamais que les failles de l’architecture économique mondiale compromettront le
projet mondial de développement durable. Le Comité conclut son travail par un
examen des options qui se présentent pour l’avenir.
II. Le contexte mondial

A. Un contexte mondial en pleine évolution


Depuis l’adoption, en 2000, de la Déclaration du Millénaire, de nombreux pays
en développement ont connu une croissance économique notablement plus rapide
que les pays développés. Par exemple entre 2005 et 2012, le produit intérieur
brut (PIB) a augmenté de 1,2 % par an dans les pays développés mais de 6,1 %
dans les pays en développement5, et cela a eu pour effet de réduire l’écart entre le
PIB par habitant des pays développés et des pays en développement (voir fig. I).
Dans ces circonstances la pauvreté, dans le monde, a notablement diminué, et
la cible relative à la réduction de la pauvreté relevant de l’objectif du Millénaire
pour le développement 1 a été atteinte avec cinq ans d’avance. Plusieurs autres
cibles ont également été atteintes en avance, notamment l’amélioration de l’accès
à l’eau potable, la parité entre garçons et filles dans l’enseignement primaire et
la participation des femmes à la vie politique, tandis que d’autres seront sans
doute atteintes à temps, comme par exemple la cible relative à la lutte contre le
paludisme et la tuberculose6.
Malgré ces résultats, il subsiste des différences entre pays et dans les pays, et
il reste encore beaucoup à faire pour réaliser tous les objectifs du Millénaire pour
le développement. Près d’un milliard d’hommes vivent toujours dans l’extrême
pauvreté. Beaucoup d’autres vivent un peu au-dessus du seuil de pauvreté et
risquent d’y retomber en cas d’événement malheureux imprévu. Cette vulné-
rabilité est souvent associée à des caractéristiques comme le sexe, l’incapacité,
l’appartenance ethnique, l’appartenance à une population autochtone et la loca-
lisation géographique. Mais d’autres problèmes de développement se posent : la
montée du chômage en particulier chez les jeunes et les problèmes posés par
l’hypertrophie des villes.
L’insuffisance des progrès accomplis s’explique par plusieurs facteurs, et
notamment les différences de taux de croissance entre régions et la montée des
inégalités. Alors que la réduction de l’écart entre le PIB par habitant des pays
développés et en développement s’explique par les gains impressionnants réalisés
en Asie de l’Est et dans les pays émergents et en développement d’Europe, cer-
tains pays n’ont pas encore retrouvé les taux de croissance qu’ils connaissaient
avant les années 80, malgré les améliorations constatées depuis 2000. En fait,
l’écart entre le PIB par habitant en Amérique latine, en Afrique subsaharienne,
au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, et celui des pays développés est plus
large aujourd’hui qu’il ne l’était il y a plus de 30 ans (voir fig. I). La croissance de

5 À prix constants : voir Situation et perspectives de l’ économie mondiale 2014 (publication


des Nations Unies, numéro de vente : F.14.II.C.2).
6 Voir Rapport sur les objectifs du Millénaire pour le développement 2014 (Nations Unies,
New York, 2014).
6 Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

la productivité dans certains pays en développement et pays émergents demeure


trop lente pour réduire notablement l’écart avec les pays développés7.
En même temps, les inégalités de revenu ont augmenté dans beaucoup de
pays; les inégalités sociales et l’absence d’égalité des chances demeurent frap-
pantes. Il y a des exceptions : par exemple l’inégalité des revenus a diminué dans
certains pays d’Amérique latine, ce qui montre que le choix de politiques judi-
cieuses est souvent décisif 8.

Figure I
PIB par habitant de certains groupes de pays par rapport
à celui des pays avancés
Amérique latine 45%
et Caraïbes
Pays émergents et en 40%
développement
d’Europe 35%
Moyen-Orient
et Afrique du Nord 30%
Communauté d’États
25%
indépendants
Afrique subsaharienne 20%

Asie du Sud 15%


Pays émergents et en
développement de 10%
l’Asie de l’Est et
du Pacifique 5%

Source: Calculs effectués à 0%


partir des Perspectives de 1980 1983 1986 1989 1992 1995 1998 2001 2004 2007 2010 2013
l’économie mondiale – la
reprise s’affermit, mais reste
inégale (Washington, Fonds Les risques et les facteurs de vulnérabilité se sont également aggravés. La
monétaire international, dégradation de l’environnement, le changement climatique, des catastrophes
avril 2014).
naturelles et d’autres menaces contre l’environnement mondial (océans, forêts,
diversité biologique), compromettent toujours plus la capacité de tous les pays et
des pays en développement en particulier de réaliser le développement durable.
L’économie mondiale et la crise financière ont révélé les failles cachées du système
financier international, ainsi que la vulnérabilité des pays aux traumatismes finan-
ciers extérieurs, ce qui amenuise leur capacité de mobiliser des ressources pour
le développement. Manifestement, en l’absence d’un système financier stable, le
programme de développement pour l’après-2015 risque d’être compromis par une
crise financière régionale ou mondiale soudaine.

7 Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Perspectives


on Global Development 2014: Boosting Productivity to Meet the Middle-Income Challenge
(Perspectives du développement mondial 2014 : accroître la productivité pour relever le défi
du revenu intermédiaire) (Paris. Éditions OCDE, 2014) (rapport complet en anglais
seulement).
8 Report on the World Social Situation 2013 (Rapport sur la situation sociale dans le monde
2013): Inequality Matters (publication des Nations Unies, numéro de vente : 13.IV.2)
(rapport complet en anglais seulement).
Le contexte mondial 7

B. L’ampleur des besoins de financement


Dans cette situation d’ensemble, le financement à trouver pour éliminer la pau-
vreté et assurer le développement durable demeure très important. Ces besoins
comprennent : a) les moyens financiers à trouver pour éliminer la pauvreté et la
faim, améliorer la santé publique et l’éducation, assurer l’accès à des ressources
énergétiques à un prix raisonnable et promouvoir l’égalité des sexes; b) les besoins
de financement pour l’investissement national de développement durable, notam-
ment pour les infrastructures, le développement rural, l’adaptation au change-
ment climatique et un développement résistant à celui-ci, et l’énergie; et) c) le
financement des biens collectifs mondiaux, notamment la protection de l’envi-
ronnement mondial et la lutte contre le changement climatique et ses effets.
Quantifier ces besoins est une tâche complexe et nécessairement impré-
cise car les estimations dépendent de tout un ensemble d’hypothèses de travail,
notamment concernant la conjoncture macroéconomique et l’ensemble des
politiques économiques suivies — au niveau sectoriel et de l’ensemble de l’éco-
nomie — ainsi que l’appareil normatif international. Le coût du développement
durable dépend aussi d’une utilisation efficace des ressources. Les estimations
des fonds nécessaires varient donc considérablement. Les estimations données
dans le présent rapport sont uniquement indicatives, et se bornent à proposer un
ordre de grandeur des besoins de financement plutôt que les chiffres précis. En
outre, le Comité n’a pas tenté d’agréger les estimations des besoins par secteur
économique, par type de demande, par catégorie de pays, en une seule estimation
mondiale, car une telle agrégation ne tient pas suffisamment compte des diverses
synergies et influences mutuelles qui caractérisent le développement durable.
S’agissant des besoins sociaux, une estimation grossière du coût d’un filet
de sécurité sociale mondiale dont le but serait d’éradiquer l’extrême pauvreté
dans tous les pays (coût pris comme égal aux sommes à trouver pour porter les
revenus des plus pauvres au seuil de 1,25 dollar par jour) est de l’ordre de 66
milliards de dollars par an9. Pour répondre aux besoins liés à la lutte contre la
faim, à la santé publique et à l’éducation, il faudrait également de très impor-
tants investissements10. En fin de compte, l’éradication de la pauvreté suppose
une croissance économique soutenue profitant à tous avec la création d’emplois.
À ce sujet, les estimations des investissements annuels nécessaires dans l’infras-
tructure — adduction d’eau, agriculture, télécommunications, électricité, trans-
ports, bâtiments, secteur industriel et forêts — se situeraient entre 5 000 et 7 000
milliards de dollars à l’échelle mondiale11. Or, tout indique que bien souvent les
très petites, petites et moyennes entreprises qui assurent l’essentiel de la création

9 Voir Laurence Chandy et Geoffrey Gertz, « Poverty in Numbers: The Changing State
of Global Poverty from 2005 to 2015 », collection Global Views, no 18 (Washington,
The Brookings Institution, 2011).
10 Les estimations des besoins sont les suivants : 50,2 milliards de dollars par an pour
éliminer la faim en 2005 au plus tard, 37 milliards de dollars sont dispensés à tous les
soins de santé, 42 milliards de dollars pour assurer un enseignement primaire universel
et élargir l’accès au collège; voir Romilly Greenhill et Ahmed Ali, « Paying for progress:
how will emerging post-2015 goals be financed in the new aid landscape? », document
de travail no 366 (Londres, Overseas Development Institute, 2013).
11 Voir le document de référence 1 de l’Équipe spéciale des Nations Unies chargée du pro-
gramme de développement pour l’après-2015 et le rapport de la Green Growth Action
Alliance, « The Green Investment Report: the ways and means to unlock private finance
for green growth » (Genève, Forum économique mondial, 2013).
8 Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

d’emplois ont du mal à obtenir des crédits. On estime le besoin de crédit non
satisfait des petites et moyennes entreprises à 2 500 milliards de dollars dans les
pays en développement et, dans le monde, à 3 500 milliards de dollars environ12.
Il faut compter aussi les vastes besoins de financement qu’entraîne la pro-
duction des biens collectifs mondiaux. L’ordre de grandeur des investissements
supplémentaires nécessaires pour réaliser un scénario de « développement durable
» qui soit « compatible avec le climat » (qui comprenne donc les objectifs et cibles
liés au climat) ajouterait encore aux besoins plusieurs milliers de milliards de
dollars par an (voir fig. II)13. Dans l’évaluation de ces besoins de financement, il
faut bien voir que les coûts de l’inaction seraient plus élevés encore que ceux de
l’action, en particulier pour l’action menée en faveur des plus pauvres et dans le
domaine du changement climatique. Par exemple, le fait de retarder les mesures
visant à atténuer les effets du changement climatique, en particulier dans les pays
qui émettent les plus vastes quantités de gaz à effet de serre, se traduiraient par
une augmentation très importante du coût du passage à une économie sobre en
carbone à moyen et à long terme14.
Figure II
Ordre de grandeur des investissements nécessaires selon les études disponibles
dans divers secteurs
Ordre de grandeur des investissements nécessaires
dans divers secteurs
Océans

Forêts

Biodiversité
Atténuation du
changement climatique
Adaptation au
changement climatique
Accès universel
à l’énergie
Énergie renouvelable
Source: Équipe spéciale du Efficacité énergétique
système des Nations Unies
chargée du programme Terres et agriculture
de développement pour
Infrastructure
l’après 2015, document
(hors énergie)
de référence 1; échelle
logarithmique en abscisse (voir Millennium Objectifs du
: sustainabledevelopment. millénaire pour
un.org/index.php?menu=897). le développement 10 100 1 000 10 000
Investissements
Les besoins de financement annuels
diffèrent également (milliards
nécessairesentre paysdeetdollars
entrepar an)
régions.
Alors que les besoins de financement sont dans beaucoup de pays en développe-
ment disproportionnellement importants par rapport à la taille de leur économie,

12 Peer Stein, Tony Goland et Robert Schiff, « Two trillion and counting: assessing the
credit gap for micro, small, and medium-sized enterprises in the developing world »
(Washington, International Finance Corporation et McKinsey & Company, 2010).
13 Voir le document de référence 1 de l’Équipe spéciale des Nations Unies chargée du
programme de développement pour l’après-2015.
14 Voir la contribution du Groupe de travail III au cinquième rapport d’évaluation du
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, « Climate Change
2014: Mitigation of Climate Change », résumé à l’intention des décideurs (Cambridge
(Royaume-Uni), Cambridge University Press, 2014).
Le contexte mondial 9

les pays les moins avancés ont des besoins spécifiques tout comme les petits États
insulaires en développement et les pays en développement sans littoral, les pays
d’Afrique et les pays qui sortent d’une situation de conflit. Il faut également se
pencher sur les problèmes qui se posent aux pays à revenu intermédiaire.

C. Structures nouvelles des flux de ressources


Malgré l’importance de ces besoins, les structures nouvelles des flux de ressources
qui apparaissent montrent qu’il est possible de mobiliser les moyens de finan-
cement nécessaires pour concourir à la réalisation du développement durable.
L’épargne mondiale demeure robuste, elle est de l’ordre de 22 000 milliards de
dollars par an (si l’on ajoute épargne privée et épargne publique), malgré un flé-
chissement temporaire dû à la crise15. Le stock d’actifs financiers mondiaux — qui
capte une faible portion seulement de l’épargne accumulée chaque année dans le
monde — est estimé à 218 000 milliards de dollars environ (voir A/68/357). Une
modification même modeste de la façon dont ces ressources sont allouées aurait
un impact énorme.
Depuis 2002, on observe une augmentation des quatre catégories de moyens
financiers : publics et privés, intérieurs et internationaux. Les moyens financiers
d’origine intérieure ont fortement augmenté ces dernières années, et, pour la plu-
part des pays, demeurent, de loin, la première source de fonds. Dans beaucoup de
pays en développement, en particulier dans les pays les moins avancés, les fonds
officiels internationaux demeurent d’importance essentielle16.
Les flux de capitaux internationaux allant aux pays en développement ont
rapidement augmenté au cours des dernières années, en raison principalement de
la croissance des apports de capitaux privés et des transferts des travailleurs
migrants, mais l’aide publique au développement (APD) s’est également accrue,
comme le montre la figure III.
Figure III
Flux de capitaux
(En milliards de dollars)
Allant aux pays en développement Allant aux pays les moins avancés
900 90

600 60 Transferts des


Capitaux privés travailleurs Source: Statistiques du Comité
Capitaux privés d’aide au développement de
migrants
l’Organisation de coopération
300 30 et de développement
Transferts des économiques (OCDE) et
travailleurs migrants APD et autres données de la Banque
APD et autres flux officiels mondiale sur les migrations et
0 flux officiels 0 sur les transferts de travailleurs
2000 2002 2004 2006 2008 2011 2000 2002 2004 2006 2008 2011 migrants.

15 Calcul effectué à partir des Perspectives de l’ économie mondiale — la reprise s’affermit,


mais reste inégale (Washington, Fonds monétaire international, avril 2014), aux taux de
change de la parité des pouvoirs d’achat.
16 Voir les documents de référence 2 et 3 de l’Équipe spéciale du système des Nations Unies
chargée du programme de développement pour l’après-2015 et le résumé des travaux
des réunions régionales du Comité, à consulter à l’adresse suivante : sustainabledeve-
lopment.un.org/index.php?menu=1558.
10 Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

Mobilisation des ressources publiques d’origine intérieure


Les capitaux publics d’origine intérieure, dans les pays en développement, ont
plus que doublé entre 2002 et 2011, passant de 838 milliards à 1 860 milliards
de dollars17. En valeur absolue, cette croissance reflète pour l’essentiel la situation
dans les pays à revenu intermédiaire. Les capitaux publics d’origine intérieure ont
également doublé dans les pays à faible revenu, mais demeurent insuffisants pour
répondre aux besoins du développement durable. Les recettes fiscales représentent
entre 10 % et 14 % du PIB dans les pays à faible revenu, soit environ un tiers
de moins que dans les pays à revenu intermédiaire et nettement moins que dans
les pays à revenu élevé, où le rapport des recettes publiques au PIB se situe entre
20 % et 30 %18.
Dans beaucoup de pays l’évasion et la fraude fiscales compromettent la
mobilisation des ressources intérieures. En outre, les sorties illégales de capitaux,
notamment du fait de la fraude fiscale à travers les frontières, compromettent la
perception de l’impôt. Les estimations du volume de ces flux illicites, clandestins
par nature, varient considérablement, mais seraient très substantielles19.
Les ressources publiques d’origine intérieure sont amenuisées par les sub-
ventions. Par exemple, les subventions énergétiques accordées avant impôt repré-
sentent 480 milliards de dollars, surtout dans les pays en développement, et,
après impôt, elles ont atteint 1 900 milliards de dollars, surtout dans les pays
développés20. De même, dans l’agriculture, les subventions à la production agri-
cole dans les pays membres de l’OCDE ont atteint 259 milliards de dollars en
201221. L’élimination de ces subventions dégagerait des ressources publiques qui
pourraient être affectées à d’autres mesures prioritaires. Dans toutes les décisions
relatives aux subventions, cependant, il faut tenir compte des répercussions éven-
tuelles sur les pauvres ainsi que sur l’environnement, en prévoyant des mesures
appropriées de compensation ou un meilleur ciblage.
Depuis la Déclaration du Millénaire, la situation de la dette souveraine des
pays en développement a considérablement changé. La dette extérieure représen-
tait 22,6 % du PIB des pays en développement en 2013 contre 33,5 % 10 ans
auparavant22. Les difficultés d’endettement des pays pauvres très endettés (PPTE)
ont pour l’essentiel été résolues dans le cadre de l’initiative PPTE et de l’initiative
d’allégement de la dette multilatérale.
Certains pays couverts par l’initiative PPTE ont commencé à émettre des
obligations sur les marchés internationaux, leur tâche étant facilitée par la fai-

17 Voir les données sur le financement du développement à l’adresse : http://capacity4dev.


ec.europa.eu/ffd/document/data-2000-2012-delinked.
18 Banque mondiale, Financing for Development Post-2015, 2013.
19 Document de référence 2 de l’Équipe spéciale du système des Nations Unies.
20 Selon la définition du Fonds monétaire international (FMI), les subventions à la
consommation ont deux composantes : une subvention avant impôts (si le prix payé
par les entreprises et les ménages est inférieur aux coûts d’approvisionnement et de dis-
tribution), et une exemption fiscale (si les taxes sont en dessous de leur niveau optimal).
FMI, Réforme des subventions à l’ énergie : enseignements et conséquences (Washington,
2013).
21 OCDE (2013), Politiques agricoles : suivi et évaluation 2013 : pays de l’OCDE et économies
émergentes, Éditions OCDE.
22 The State of the Global Partnership for Development — MDG Gap Task Force Report 2014
(publication des Nations Unies, numéro de vente : E.14.I.7).
Le contexte mondial 11

blesse générale des taux d’intérêt. Les émissions de titres publics libellés en mon-
naie nationale (ce qui, contrairement à la dette extérieure, n’impose pas au pays
émetteur un risque de change) ont également augmenté, sous l’effet du dévelop-
pement des marchés financiers locaux. Par exemple, la dette émise en monnaie
locale par des pays subsahariens est passée de 11 milliards de dollars en 2005 à 31
milliards de dollars en 201223. Cependant, ces nouvelles émissions se font surtout
à court terme. La croissance excessive de la dette intérieure et internationale fait
peser des risques sur la viabilité économique à terme, ce qui rend d’autant plus
nécessaire une gestion prudente de la dette.
Néanmoins, ce tableau d’ensemble dissimule des problèmes d’endettement
de plus en plus lourd dans certains pays. Actuellement, deux pays à faible revenu
sont considérés comme surendettés, 14 comme exposés à un risque élevé de suren-
dettement, et 28 à un risque modéré24. La viabilité de la dette à terme est particu-
lièrement problématique dans certains petits États. En 2013, le ratio moyen de la
dette publique au PIB des petits États en développement était de 107,7 %, contre
26,4 % pour l’ensemble des pays en développement22. En même temps, quelques-
uns des pays développés souffrent également d’une dette souveraine excessive.

Financement privé d’origine intérieure


Dans beaucoup de pays en développement, le secteur financier dépend avant tout
de l’activité des banques. Dans beaucoup de ces pays, si, au cours des 10 der-
nières années, le crédit intérieur a considérablement augmenté, c’est en raison
avant tout des prêts accordés à court terme par les banques. Par exemple dans
certains pays d’Afrique, les crédits à court terme représentent jusqu’à 90 % du
financement accordé par les banques25, contre 50 % à 60 % dans l’ensemble des
pays en développement26. En outre, dans plusieurs des pays les moins avancés, les
taux d’épargne intérieure brute sont loin de suffire pour entraîner durablement
l’investissement intérieur.
Les marchés nationaux des obligations ont également connu un essor
appréciable, étant entraînés surtout par les émissions de dette officielle. Les
marchés des obligations des entreprises sont en augmentation mais demeurent
faibles. En moyenne, la dette privée ne représente que 5 % environ du PIB dans
les pays à revenu intermédiaire, contre 30 % dans les pays à revenu élevé en
2010. L’absence de marché des obligations à long terme limite, dans beaucoup
de pays, les montants disponibles pour un financement à long terme. De même,
les marchés des actions représentent près de 60 % du PIB dans les pays à revenu
élevé, mais 20 % et 28 % seulement respectivement dans les pays à faible revenu
et à revenu intermédiaire19.

23 Ce chiffre correspond à un échantillon de 29 pays d’Afrique subsaharienne inscrits dans


la base de données de l’Initiative des marchés financiers africains pour 2013.
24 Analyse du FMI sur la soutenabilité de la dette des pays à faible revenu pouvant bénéficier
de l’aide du Fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (5 juin
2014), consultée le 28 juillet 2014 (www.imf.org/external/Pubs/ft/dsa/DSAlist.pdf).
25 Kangni Kpodar et Kodzo Gbenyo, « Short- Versus Long-Term Credit and Economic
Performance: Evidence from the WAEMU », document de travail no WP/10/115
(Washington, FMI, mai 2010).
26 Base de données de la Banque des règlements internationaux, consultable à l’adresse
www.bis.org/statistics/.
12 Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

Les investisseurs institutionnels sont cependant de plus en plus présents


dans les pays en développement et pourraient donc dégager des ressources plus
importantes pour des investissements à long terme dans le développement durable.
Les fonds de pension, dans les marchés émergents, gèrent, selon les estimations,
2 500 milliards de dollars d’actifs et ce chiffre devrait notablement augmenter27.
Une fraction importante de ces portefeuilles est investie en titres publics natio-
naux. Dans certains pays en développement, les fonds de pension ont également
investi directement dans l’équipement national ou régional : c’est le cas en Afrique
du Sud, au Chili, au Ghana, au Mexique et au Pérou.
Les effets des investissements sur l’environnement, la société et la gouver-
nance retiennent de plus en plus l’attention. Les entreprises sont toujours plus
nombreuses à publier des rapports sur leur action sur ces trois plans et à signer
des instruments tels que les Principes pour l’investissement responsable et le Pacte
mondial de l’ONU. Pourtant, la part des investissements respectueux de ces trois
considérations reste faible dans l’ensemble de l’activité des marchés financiers
mondiaux, puisqu’à 611 000 milliards de dollars cela ne représente que 7 % du
volume traité par les marchés financiers mondiaux qui a atteint 12 143 milliards
de dollars en 201028.

Financement public international


La contribution de l’aide publique au développement (APD) s’est améliorée depuis
l’adoption en 2002 du Consensus de Monterrey, et on se soucie à la fois d’amé-
liorer son volume et son efficacité. L’APD, après avoir diminué en 2011 et 2012,
a atteint un niveau record de 134,8 milliards de dollars en termes nets en 201329.
Pourtant, cinq pays donateurs membres du Comité d’aide au développement de
l’OCDE seulement y ont consacré plus de 0,7 % de leur revenu national brut,
l’objectif international retenu.
Pour beaucoup de pays en développement, l’APD représente l’essentiel de
la coopération financière et technique (voir fig. III) et, parmi ces pays, figurent
plusieurs des pays les moins avancés et beaucoup de pays africains, de pays en
développement sans littoral, de petits États insulaires en développement et de pays
affectés par un conflit. Dans la plupart des pays où les dépenses publiques n’at-
teignent pas 500 dollars en parité de pouvoir d’achat par personne par an, l’APD
représente en moyenne plus des deux tiers des apports de capitaux internationaux
et environ un tiers des recettes publiques.30 Environ 40 % de l’APD va actuelle-
ment à des PMA 31. Cependant, l’aide publique au développement accordée aux

27 Georg Inderst et Fiona Stewart, « Institutional Investment in Infrastructure in Develo-


ping Countries: Introduction to Potential Models », document de travail consacré à la
recherche sur les politiques no 6780 (Washington, Banque mondiale, 2014).
28 L’initiative Principes pour l’investissement responsable est menée par des investisseurs
en partenariat avec l’Initiative de collaboration du Programme des Nations Unies pour
l’environnement avec le secteur financier et le Pacte mondial. Source des chiffres : Prin-
cipes pour l’investissement responsable, Report on progress 2011.
29 OCDE, « Rebond de l’aide aux pays en développement en 2013, qui atteint un niveau
sans précédent », 2014. Consultable à l’adresse www.oecd.org (consulté le 15 août 2014).
30 Development Initiatives, 2013, Investments to End Poverty, p. 44.
31 En 2012, 32 % de l’aide publique au développement, y compris l’APD bilatérale et utile
multilatérale nette versée aux pays les moins avancés, leur a été allouée directement, et
on estime que 52 % de l’APD non répartie par pays pourrait également être attribuée
Le contexte mondial 13

pays les moins avancés, en particulier en Afrique subsaharienne, a diminué ces


dernières années, selon des résultats préliminaires provenant des enquêtes des
donateurs, cette tendance persistera sans doute30.
Le Groupe pilote sur les financements innovants pour le développement
a lancé à titre facultatif et expérimental un certain nombre de mécanismes de
financement pour trouver des ressources additionnelles, notamment par un pré-
lèvement de solidarité internationale sur les billets d’avion32, dont les recettes
sont versées à UNITAID pour aider à acheter des médicaments pour les pays en
développement. Actuellement, 11 pays de la zone euro envisagent de prélever à
partir de 2016 un impôt sur les transactions financières, sans affecter pour autant
pour le moment les recettes correspondantes au financement des biens collectifs
mondiaux. Certains pays, comme la France, ont mis en place au niveau national
un impôt sur les transactions financières, dont une partie des recettes sont utili-
sées pour financer des programmes d’aide publique au développement33.
Il se produit aussi une multiplication des fonds internationaux visant le
développement durable et des mécanismes d’acheminement correspondants. Il
faut citer les fonds sectoriels mondiaux, qui reposent sur des partenariats mul-
tipartites, des gouvernements, le secteur privé, la société civile et les donateurs
traditionnels et nouveaux, tels que le Fonds mondial pour la lutte contre le sida,
la tuberculose et le paludisme, l’Alliance mondiale pour la vaccination et l’immu-
nisation (GAVI) et le Partenariat mondial pour l’éducation.
Il y a 10 ans encore, les fonds multilatéraux pour l’action climatique étaient
distribués par un petit nombre de fonds internationaux importants, associés à
la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. On
compte actuellement plus de 50 fonds publics internationaux. Au cours de cette
période, les gouvernements ont créé ou réformé des institutions telles que le Fonds
pour l’environnement mondial (FEM), le Fonds pour l’adaptation, les fonds d’ac-
tion climatique et, tout récemment, le Fonds vert pour le climat, et de nouveaux
instruments financiers effectuent des versements en fonction des résultats obte-
nus dans la réduction des émissions dues au déboisement, à la dégradation et la
conservation des forêts. Néanmoins, un très large écart subsiste entre les besoins
et les ressources dans la lutte contre le changement climatique. En particulier,
les progrès faits dans l’accomplissement des engagements financiers pris au titre
de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques ont
été lents.
La coopération Sud-Sud, qui complète la coopération Nord-Sud, continue
à se développer rapidement, puisqu’elle a plus que doublé entre 2006 et 2011.
Alors que les données sur les flux Sud-Sud concessionnels sont incomplètes, on
estime qu’ils se situaient entre 16,1 et 19 milliards de dollars en 2011, soit plus de

aux PME, ce qui porte le total à 40 % (document de synthèse du Comité d’aide au déve-
loppement, « Targeting ODA towards countries in greatest need » (Cibler l’APD vers les
pays qui en ont le plus besoin), à consulter à l’adresse suivante : http://www.oecd.org/
dac/externalfinancingfordevelopment/documentupload/DAC(2014)20.pdf).
32 Ce prélèvement est en vigueur depuis 2013 dans les pays suivants : Cameroun, Chili,
République du Congo, France, Madagascar, Mali, Maurice, Niger et République de
Corée (par ailleurs, le Brésil n’impose pas ce prélèvement mais fait une contribution
budgétaire équivalente au montant qu’il aurait représenté).
33 Certains pays ont choisi de ne pas mettre ces instruments en application pour le
moment.
14 Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

10 % des flux financiers d’aide publique mondiaux. Les apports de capitaux non
concessionnels Sud-Sud, tels que les investissements directs étrangers ou les prêts
bancaires ont également fortement augmenté ces dernières années34.

Commerce international et financement privé transfrontière


Le commerce mondial continue aussi son essor, quoique plus lentement qu’avant
la crise financière et économique internationale, et les courants commerciaux ont
acquis une importance nouvelle dans la mobilisation de ressources dans beaucoup
de pays en développement. Pour les pays les moins avancés, la valeur moyenne
du rapport des échanges au PIB est passée de 38 % en 1990 à 70 % en 201135. La
montée en puissance des chaînes mondiales de valeur dans les échanges mondiaux
a resserré le lien entre commerce et investissement.
Les flux bruts d’investissement direct étranger allant aux pays en dévelop-
pement ont atteint 778 milliards de dollars en 2013, soit plus que l’investissement
direct étranger allant aux pays développés. L’investissement direct étranger est la
source la plus stable et la plus durable d’investissement étranger du secteur privé.
Cependant, les pays les moins avancés n’en reçoivent qu’une faible fraction (moins
de 2 %)36. En Afrique subsaharienne, cet investissement est réalisé surtout dans
le secteur minier, dont le lien avec le reste de l’économie du pays est très fragile.
En outre, la contribution de l’investissement direct étranger au développement
durable n’est pas uniforme. Ces dernières années, sa composition semble évoluer.
Par exemple, à l’échelle mondiale, l’investissement dans le secteur financier et le
secteur immobilier est passé de 28 % en 1985 à près de 50 % de l’investissement
direct étranger total en 2011, alors que l’investissement dans l’industrie manu-
facturière est, dans le même temps, passé de 43 % à 23 %37.
La nature des investissements internationaux de portefeuille dans les pays
émergents a évolué au cours des 15 dernières années à la faveur de l’approfondis-
sement et de l’intégration mondiale des marchés financiers de beaucoup de pays.
En particulier, avec le développement de marchés où se négocie la dette publique
intérieure, les investisseurs étrangers ont pu accroître leurs achats de titres libellés
en monnaie locale et jouent désormais un rôle prépondérant dans certains mar-
chés émergents. Cependant, ces flux de capitaux sont fébriles, en raison de l’orien-
tation à court terme des marchés internationaux des capitaux 38 (voir A/68/221).
Aux États-Unis, par exemple, la période moyenne de détention des actions est
tombée de huit ans environ durant les années 60 à six mois environ en 201039.

34 Nations Unies, 2014, Tendances et progrès en matière de coopération internationale pour


le développement, Rapport du Secrétaire général, E/2014/77.
35 Il s’agit de moyennes sur trois ans calculées à partir des statistiques de la Conférence des
Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), que l’on peut trouver
à l’adresse http://unctadstat.unctad.org/EN/ (page consultée le 8 août 2014).
36 CNUCED, Rapport sur l’ investissement dans le monde 2014 (publication des Nations
Unies, numéro de vente : F.14.II.D.1).
37 Base de données de la CNUCED sur les investissements directs étrangers (http://unc-
tadstat.unctad.org/EN/).
38 Nations Unies, 2013, Système financier international et développement, Rapport du Secré-
taire general, A/68/221.
39 LPL Financial Research, Weekly Market Commentary, 6 août 2012, à lire à
l’adresse http://moneymattersblog.com/login/login/wp-content/uploads/2012/08/
WMC080712.pdf.
Le contexte mondial 15

Les transferts transfrontières privés de capitaux par des individus et des


ménages ont également fortement augmenté. On estime à 404 milliards de dollars
les transferts des travailleurs migrants vers les pays en développement en 2013,
soit une multiplication par plus de 10 des transferts connus depuis 1990, date
où on les estimait inférieurs à 40 milliards de dollars40. En outre, le financement
philanthropique par des particuliers, des fondations ou d’autres organisations
dans les pays en développement a atteint environ 60 milliards de dollars en 2013,
l’essentiel venant de donateurs privés de pays développés41. Cette philanthropie
est particulièrement appréciable dans les fonds sectoriels mondiaux tels que le
Fonds mondial pour la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et
l’Alliance GAVI.
Une partie de ces apports de capitaux internationaux est utilisée par certains
pays pour constituer des réserves de devises, qui deviennent alors une sorte d’auto-
assurance contre la fébrilité des flux de capitaux internationaux. Les réserves de
devises sont ainsi passées de 2 100 milliards de dollars à 11 700 milliards de dol-
lars entre 2000 et 2013. Les pays en développement et surtout les pays émergents
à économie de marché, en détiennent près de 8 000 milliards de dollars, les cinq
premiers en en détenant 65 %42.

40 Migration and Remittances Team, Development Prospects Group, « Migration and


Remittances: Recent Developments and Outlook », Migration and Development Brief
no 22 (Washington, Banque mondiale, 2014); Banque mondiale, Migration and Remit-
tances Factbook 2011, 2e éd. (Washington, 2014).
41 Hudson Institute, « The Index of Global Philanthropy and Remittances » (Washington,
2013).
42 Données établies à partir des rapports sur l’article IV du FMI et des Statistiques finan-
cières internationals du Fonds.
III. Approche stratégique

La figure IV illustre le cadre analytique qui a guidé le Comité dans la formulation


de la présente stratégie de financement du développement durable. Les sources
de moyens financiers peuvent être classées en quatre catégories : les fonds publics
d’origine intérieure, les fonds privés d’origine intérieure, les capitaux publics inter-
nationaux et les capitaux privés internationaux. Le problème, pour les dirigeants,
est de stimuler et d’orienter ces diverses sources de financement décentralisé vers
les investissements souhaitables dans l’optique du développement durable.
Comme le montre la figure IV, les décisions de financement dans tous les
cas, qu’il s’agisse de capitaux publics ou privés, sont influencées par la politique
économique nationale et par l’architecture du système financier international,
l’étendue de l’action des institutions assurant un financement approprié et effectif,
et la conception et le développement d’instruments propres à faciliter l’investisse-
ment, à surmonter les obstacles pour le développement durable. Dans cet esprit,
les préceptes suivants ont guidé la démarche stratégique retenue par le Comité:
1. Assurer l’appropriation et le contrôle par le pays de la mise
en œuvre des stratégies nationales de développement durable,
moyennant un environnement international favorable. Chaque
pays est responsable de son propre développement. La mise en œuvre
des stratégies de développement durable se réalise au niveau natio-
nal. Cependant, les efforts nationaux doivent être complétés par une
aide publique internationale, si nécessaire, et par un environnement
international facilitateur.
2. Adopter des politiques susceptibles de servir d’armature à une
bonne stratégie de financement du développement durable. Le
financement s’effectue toujours dans le contexte d’un environnement
politique national et international qui définit les règles, les normes et
les incitations qui concernent tous les acteurs. Ainsi, des institutions
et des politiques de qualité, une bonne gouvernance sont des éléments
essentiels de l’utilisation efficace des ressources et de la mobilisation
de ressources additionnelles pour le développement durable.
3. Utiliser de façon cohérente tous les flux de financement. Pour
répondre aux besoins de financement découlant du dévelop-
pement durable, il faut optimiser la contribution de toutes les
sources possibles de financement public, privé, intérieures et
internationales. Chaque type de financement présente des caracté-
ristiques et des atouts qui lui sont propres, qui correspondent à des
mandats différents et des incitations latentes différentes. Il est donc
essentiel de tirer le meilleur parti possible des synergies, des complé-
mentarités et de s’appuyer sur une interaction optimale de toutes les
sources de financement possibles.
4. Assurer une bonne correspondance entre les flux financiers et les
besoins et utilisations de ceux-ci. Les besoins du développement
18 Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

durable et les caractéristiques des projets correspondants sont diffé-


rents et appellent donc des types différents de financement public,
privé ou mixte. Alors que les capitaux privés joueront un rôle essen-
tiel, ils ne sont pas tous de même nature. Les investissements de
développement durable à long terme devront être financés par des
fonds à long terme.
5. Maximiser l’impact du financement public international. L’APD
joue un rôle crucial pour les pays où les besoins sont les plus
aigus et où la capacité de lever des ressources est la plus faible.
L’utilisation d’instruments de financement et leur degré de libéralité
doivent être adaptés au niveau de développement de chaque pays, à ses
caractéristiques, capacités et aptitudes, ainsi qu’à la nature du projet.
6. Intégrer systématiquement des critères de développement
durable dans les stratégies nationales de financement. La finance
doit respecter les dimensions économiques, sociales et environ-
nementales du développement durable. Cela suppose des poli-
tiques et des incitations intégrant le développement durable dans les
stratégies de financement et les modalités de leur mise en œuvre. Les
critères de développement durable doivent donc être présents dans les
budgets publics et, au besoin, dans les décisions privées d’investir.
7. Exploiter les synergies entre les dimensions économiques, envi-
ronnementales et sociales du développement durable. Les dif-
férents objectifs du développement durable se recoupent fré-
quemment. Le financement doit être conçu pour mettre en valeur
les synergies et concourir à la cohérence des politiques de développe-
ment durable, tout en tenant compte des arbitrages potentiels. Ainsi,
les instruments de financement peuvent être utilisés pour contribuer
simultanément à plusieurs objectifs. C’est dans le cadre des straté-
gies de développement durable national que cette coordination se
fera le mieux.
8. Pour obtenir des résultats tangibles sur le terrain, il faut adopter
une approche sans exclusive faisant appel à la population elle-
même et à de nombreux autres acteurs. Des consultations avec
toutes les parties prenantes et notamment la société civile et le secteur
privé, permettront aux autorités et aux hauts responsables de mieux
apprécier les différents besoins et les différentes préoccupations de la
population dans la formulation et la mise en œuvre des politiques
de développement durable à tous les niveaux. À ce sujet, l’égalité des
sexes et l’inclusion des groupes marginalisés, tels que les populations
autochtones et les personnes handicapées doivent être assurées.
9. Assurer un financement responsable transparent aux échelons
national, régional et international. Pour garantir sa légitimité et son
efficacité, le finance six ment doit toujours être responsable et trans-
parent. Les gouvernements qui fournissent une aide et les pays par-
tenaires doivent viser une responsabilisation mutuelle harmonieuse
et cohérente, avec une meilleure collecte des données et un suivi plus
attentif, tout en préservant l’appropriation nationale. Les flux de capi-
taux privés doivent être suivis de plus près et être plus transparents.
Figure IV
Apports de capitaux au développement durable provenant de sources internationales et nationales de financement*

Climat financier intérieur et politiques nationales favorables

Sources* Intermédiaires Buts et utilisations


Institutions publiques, par exemple: Instruments, Objectifs nationaux
Fonds  Gouvernements par exeemple: (par exemple, lutte contre
publics  Banques nationales et régionales  Dépenses publiques la pauvreté et besoins sociaux,
de développement intérieures
nationaux et investissement de
 Agences d’aide bilatérale et multilatérale  Dons
développement national)
 Institutions financières internationales  Subventions
Fonds  Prêts
Institutions mixtes, par exemple. - concessionnels
privés  Partenariats innovants, fonds mondiaux
nationaux - non concessionnels
pour la santé, fonds d’équipement  Partenariats
public-privé potentiels public-privé
Approche stratégique

Fonds Investisseurs privés Inverstisseurs ayant  Garantíes Économiques Environnementaux


publics Investisseurs ayant des des engagements à
internationaux** engagements à long terme, court et à moyen terme,  Prêts bancaires
par exemple: * La taille des cartouches ne
par exemple:  Marchés
 Banques représente pas le volume ou
Capitaux  Fonds de pension monétaires
 Banques coopératives Sociaux
l’importance du financement.
 Compagnies d’assurance  Obligations
privés  Fonds communs de ** Des capitaux publics
sur la vie  Actions
internationaux placement Objectifs internationaux internationaux peuvent
 Fonds souverains***  Produits dérivés
 Fonds spécultatifs (par exemple biens également concourir
collectifs mondiaux) directement à la réalisation
et investisseurs directs d’objectifs internationaux.
*** Les fonds souverains
Environnement international favorable gèrent des fonds publics
(y compris système de commerce équitable, stabilité macroéconomique, etc.) comme des investissements
privés.
19
IV. Modes de financement dans
le cadre d’une stratégie
intégrée de financement du
développement durable

Pour chaque mode de financement, la prise de décisions est décentralisée entre


les différents acteurs et institutions. Les décisions de financement dans le secteur
privé national et international sont par nature dispersées entre une multitude
d’acteurs et l’afflux des fonds publics internationaux est également extrêmement
fragmenté malgré les efforts de coordination. Aussi est-il nécessaire, pour faciliter
la coordination des diverses sources de financement, de disposer de stratégies
de financement cohérentes, fondées sur le principe de l’appropriation nationale.
Compte tenu des dimensions transversales des stratégies de financement, la prise
de décisions nationale doit être coordonnée. Les États devraient également com-
muniquer efficacement leurs cadres stratégiques.
Dans les lignes qui suivent, le Comité analyse certaines problématiques
liées aux quatre sources de financement et au financement mixte et propose
une panoplie de moyens d’action et d’instruments financiers pouvant être
mis en œuvre dans le cadre d’une stratégie nationale de développement dura-
ble cohérente. Indépendamment du vaste éventail d’options proposées dans
ce qui suit, les mesures doivent être choisies en tenant compte des réalités
politiques et autres spécificités nationales.

A. Financement public intérieur


Le financement public intérieur a trois grandes fonctions : a) renforcer l’équité,
notamment en réduisant la pauvreté; b) assurer la fourniture de biens et de ser-
vices publics que les marchés évitent de fournir ou fournissent en quantité insuf-
fisante et élaborer des mesures incitatives en direction des acteurs privés; c) gérer
la stabilité macroéconomique43. En outre, la mobilisation des ressources nation-
ales renforce l’appropriation nationale des leviers d’action et permet aux pays de
tendre vers l’autonomie financière. Les stratégies de financement public national
devraient tenir compte de ces considérations, car elles guident la mise en œuvre
des stratégies de développement durable.

43 Richard Musgrave, Theory of Public Finance: A study in public economy (New York,
McGraw-Hill, 1959).
22 Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

Promouvoir la réforme fiscale, le respect des


obligations fiscales et l’approfondissement de la
coopération internationale
La mobilisation des ressources nationales dépend de nombreux facteurs : taille de
l’assiette fiscale, capacité du pays de percevoir et d’administrer les impôts et taxes,
élasticité fiscale, volatilité des secteurs assujettis à l’impôt, prix des produits de
base, etc. Si le régime de politique fiscale optimal est nécessairement fonction de la
situation économique et sociale d’un pays, les États devraient suivre les principes
généralement admis de bonne gestion des finances publiques (équité, efficacité
et transparence de la fiscalité). Les pouvoirs publics peuvent également accorder
la priorité aux revenus réels au bas de l’échelle de répartition des revenus par des
politiques fiscales progressives (crédits d’impôt sur le revenu, par exemple) et des
exonérations de taxe à la valeur ajoutée (TVA) sur les biens et services de base.
D’une manière plus générale, l’assiette de l’impôt devrait être aussi large que
possible sans que soient sacrifiées l’équité et l’efficacité. En effet, l’élargissement
de l’assiette fiscale a fortement contribué aux récents progrès enregistrés dans le
domaine du recouvrement de l’impôt dans de nombreux pays en développement,
y compris dans les pays les moins avancés et les petits États insulaires en dévelop-
pement. Les principaux indicateurs de succès en matière de réforme fiscale sont :
une forte volonté politique à haut niveau, une réforme administrative et politique,
une direction forte dans l’administration des recettes44. L’imposition aux usagers
de frais d’utilisation socialement équilibrés pour certains services publics peut être
justifiée pour que les bénéficiaires prennent en charge une part du financement
des services, mais n’est pas encouragée pour les services sociaux essentiels.
Il y a cependant des limites à ce que les États peuvent faire seuls dans une
économie mondialisée. Ainsi, les pays se livrent parfois à une concurrence fiscale
pour attirer et retenir les employeurs, ce qui a pour conséquence d’éroder l’assiette
fiscale. Mettre un terme à la concurrence fiscale dommageable doit se fonder sur la
coopération des pays en concurrence, mais le droit souverain des États d’élaborer
leurs propres régimes fiscaux doit être respecté. Cette question se règle générale-
ment dans le cadre d’instances régionales ou internationales. Ces instances peu-
vent également stimuler la coopération pour endiguer les flux financiers illicites,
comme on le verra à la section V 45.
Alors que, jusqu’à présent, l’assistance technique au secteur des impôts et des
douanes n’a attiré qu’une très faible part de l’aide publique au développement44, il
conviendrait à l’avenir de répondre davantage aux demandes des pays qui veulent
renforcer leurs capacités de gestion des finances publiques et de mobilisation des
ressources nationales. En outre, les exemples de réformes réussies peuvent inspirer
l’élaboration des politiques ailleurs. Les avantages qu’il y a à élargir les instances
internationales en matière de coopération fiscale sont tangibles (voir sect. V).

44 FMI, OCDE, ONU et Banque mondiale, « Supporting the Development of More


Effective Tax Systems », rapport adressé au Development Working Group du Groupe
des Vingt (2011), à lire à l’adresse www.imf.org/external/np/g20/pdf/110311.pdf.
45 Bien qu’il n’existe pas de définition commune des flux financiers illicites, aux fins du
présent rapport, on entend par cette expression l’argent illicitement gagné, utilisé et,
dans l’un ou l’autre cas, transféré au-delà des frontières et comprenant des bénéfices
dissimulés aux administrations fiscales.
Options pour une stratégie intégrée de financement du développement durable 23

Les activités de renforcement des capacités devraient être élargies aux capacités
institutionnelles d’appliquer une fiscalité suffisante sur les industries extractives.
Dans les pays riches en ressources, la gestion des ressources naturelles est
particulièrement essentielle. La fiscalité des industries extractives devrait tenir
convenablement compte de l’intérêt public. Les pouvoirs publics peuvent égale-
ment se doter de politiques visant à ce qu’une part des gains soit conservée et
investie au service des générations futures, comme dans les fonds souverains. Lor-
sque les recettes fiscales prélevées sur l’extraction des ressources sont instables, les
pouvoirs publics peuvent accumuler des excédents de recettes pendant les années
où les prix sont élevés et lisser les dépenses publiques pendant les années où les
prix sont bas par le biais de fonds de stabilisation des prix des produits de base.
La coopération internationale est nécessaire pour lutter contre le trafic illicite de
ressources naturelles, notamment celles qui proviennent de pays en situation de
conflit. Les programmes en faveur de la transparence et contre la corruption, y
compris les initiatives volontaires, sont également utiles dans de nombreux cas.

Assurer une bonne gouvernance financière et une bonne


gestion des finances publiques
La lutte contre la corruption joue un rôle important en complément des efforts
déployés pour améliorer la mobilisation des ressources nationales. La corruption
peut avoir des effets néfastes sur les entreprises, les particuliers et les finances pub-
liques. On constate une forte corrélation entre indicateurs élevés de corruption
et recettes publiques faibles. Pour faire avancer la lutte contre la corruption, tous
les pays devraient ratifier et mettre en œuvre la Convention des Nations Unies
contre la corruption et renforcer leur concertation, notamment dans le domaine
de la prévention et de la répression ainsi que du recouvrement des avoirs volés
(voir sect. IV.C).
La bonne planification et exécution du budget est au cœur de la bonne gou-
vernance financière. Les principes généralement admis en matière de bonne bud-
gétisation portent sur les étapes de l’élaboration, de l’approbation, de l’exécution
et de l’audit. Ces principes devraient assurer que les dépenses publiques soient
compatibles avec les stratégies nationales de développement durable (y compris
sur les plans environnemental, social, économique et de l’égalité des sexes) et
autres objectifs. La planification et l’exécution des budgets devraient être fondées
sur la transparence, la légitimité, la responsabilité et la participation des citoyens,
en fonction des capacités et des spécificités nationales. À cet égard, les mécanis-
mes de contrôle interne et externe du secteur public national (comme les organes
suprêmes de contrôle des comptes), qui veillent à ce que les deniers publics soient
employés à bon escient, devraient être mis en place et renforcés. Par ailleurs,
la décentralisation budgétaire peut renforcer la gouvernance locale et favoriser
l’appropriation locale de la dépense.
Il est courant dans les discussions de politique budgétaire de s’interroger sur
l’opportunité de pérenniser certaines subventions. Par mesure de bonne gestion
budgétaire, les pays devraient systématiquement contrôler l’efficacité de toutes
les subventions. Les pouvoirs publics devraient envisager de rationaliser les sub-
ventions aux combustibles fossiles inefficaces qui encouragent le gaspillage en
supprimant les distorsions du marché, compte tenu des spécificités nationales,
notamment en restructurant la fiscalité et en abandonnant progressivement ces
24 Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

subventions préjudiciables afin de tenir compte de leurs effets sur l’environnement.


Ces mesures devraient prendre pleinement en compte les besoins et la situation
des pays en développement et réduire au minimum les éventuels effets nuisibles à
leur développement tout en protégeant les pauvres et les communautés touchées46.
De même, les pays devraient corriger et prévenir les restrictions et distorsions
commerciales sur les marchés agricoles mondiaux, y compris par l’élimination
parallèle de toutes les formes de subventions aux exportations agricoles et de
toutes les mesures relatives aux exportations aux effets similaires, conformément
au mandat du Cycle de développement de Doha.
Les systèmes de passation des marchés doivent encore être renforcés dans
de nombreux pays pour assurer une concurrence équitable. Dans le cadre de
l’exécution du budget, les autorités souhaiteront peut-être harmoniser les règles
de la commande publique avec les stratégies nationales de développement durable,
ce qui suppose de définir des normes environnementales et sociales minimales
pour les fournisseurs du secteur public, compte tenu des spécificités nationales.
À cet égard, les pratiques d’achat durable peuvent avoir l’avantage supplémentaire
de promouvoir les technologies durables. Les systèmes de passation des marchés
publics peuvent en outre favoriser la création d’entreprises locales durables.
L’audit et le contrôle financiers devraient être complétés par le suivi et
l’évaluation des effets économiques, sociaux et environnementaux, en fonc-
tion des moyens et de la situation des pays. Des organes d’évaluation et d’audit
indépendants nationaux renforcés pourraient être chargés de cette mission, tout
comme d’autres instances de contrôle ayant un ancrage politique et social, dont
le parlement. Les initiatives de renforcement des capacités, y compris d’échange
de connaissances et d’expériences, peuvent aider à améliorer l’élaboration des
politiques, les processus budgétaires et l’exécution des budgets.

Internaliser les externalités et assurer l’intégration


systématique de la durabilité environnementale
Les réformes fiscales peuvent jouer un rôle important dans la promotion de la
durabilité de l’environnement. Les instruments d’action tels que les dispositifs de
quotas d’émission cessibles et la fiscalité carbone visent à réduire les émissions
de carbone en augmentant le prix des émissions et permettent d’« internaliser
les externalités ». Les marchés de droits d’émission de carbone restent toutefois
limités, seuls 7 % du total des émissions mondiales étant couverts47. En outre, les
prix des permis d’émission échangés sont très instables et trop faibles pour influer
sur le développement et le déploiement des technologies propres. Les États qui
mettent en place des dispositifs de quotas d’émission cessibles doivent fixer des
plafonds suffisamment stricts, surveiller la volatilité et adopter des réglementa-
tions adaptées. Par ailleurs, 13 pays ont mis en place une forme ou une autre de
taxe sur les émissions de carbone à l’échelle nationale ou infranationale48. Bien
que les effets de la fiscalité carbone sur la compétitivité fassent débat, cette forme

46 Plusieurs États Membres ont formulé des réserves au sujet du paragraphe 225 du docu-
ment final de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable (résolution
66/288 de l’Assemblée générale, annexe) (voir A/66/PV.123).
47 Chaire Économie du climat, Climate Economics in Progress 2013 (Université Paris-Dau-
phine, 2013).
48 Banque mondiale, State and Trends of Carbon Pricing 2014 (Washington, 2014).
Options pour une stratégie intégrée de financement du développement durable 25

d’imposition dans les pays européens qui l’appliquent depuis plus de 10 ans a un
effet neutre, voire légèrement positif sur le PIB49.
Les pouvoirs publics devraient également envisager d’autres mesures pour
modifier les comportements d’investissement : restriction des investissements dans
les secteurs à émission directes, subvention de la recherche-développement dans les
technologies propres (technologies de captage et de stockage du carbone, notam-
ment), incitations fiscales, tarification préférentielle de l’électricité provenant de
sources d’énergie renouvelables, objectifs d’efficience énergétique ou d’énergie
renouvelable, droits de pollution, paiement pour services liés aux écosystèmes.
La comptabilité environnementale, qui rend compte des flux financiers liés
à l’environnement et de l’utilisation des ressources naturelles, est un autre moyen
permettant aux décideurs d’intérioriser les externalités. Le PIB est un indicateur
essentiel que les États utilisent pour mesurer la performance de leur économie, mais,
comme il ne prend pas en compte le capital naturel, il peut amener les pouvoirs
publics à ne pas tenir compte d’une répartition inefficace des investissements.
Le Système de comptabilité environnementale et économique pourrait faciliter
l’accroissement des investissements publics dans le développement durable.

Combattre les inégalités et assurer la protection sociale


Les pouvoirs publics devraient utiliser les deux leviers de la politique budgé-
taire (recettes et dépenses de l’État) pour lutter contre les inégalités, combattre
la pauvreté, améliorer l’approvisionnement en eau et l’assainissement, et soutenir
d’autres services sociaux, au profit en particulier des groupes à faible revenu, vul-
nérables et marginalisés. Il est régulièrement préconisé de donner la priorité aux
projets d’investissement public qui sont favorables aux pauvres et respectueux de
l’égalité hommes-femmes.
Les vulnérabilités structurelles, qui frappent les pauvres et autres groupes
socialement exclus (femmes, personnes handicapées, peuples autochtones,
migrants, minorités, enfants, personnes âgées, jeunes et autres groupes marginali-
sés), peuvent être réduites par la fourniture universelle de services sociaux de base50.
En plus d’offrir une protection contre les risques, la protection sociale peut
contribuer à une croissance équitable en réduisant la pauvreté et les inégalités, en
augmentant la productivité du travail ainsi qu’en renforçant la stabilité sociale. Les
pays devraient envisager des politiques visant à renforcer les « socles de protection
sociale », qui, d’après le Bureau international du Travail, peuvent être financés
par les recettes intérieures dans la plupart des pays, mais exigent une aide inter-
nationale dans les plus pauvres51. Les services d’assurance offrent d’autres moyens
de créer un filet de sécurité pour les ménages (produits d’assurance couvrant la
santé, la vie et l’agriculture). Toutefois, l’assurance privée couvre généralement

49 David C. Mowery, Richard R. Nelson et Ben R. Martin, « Technology policy and global
warming: Why new policy models are needed (or why putting new wine in old bottles
won’t work) », Research Policy, vol. 39, no 8 (octobre 2010).
50 Programme des Nations Unies pour le développement, Rapport sur le développement
humain 2014 : pérenniser le progrès humain : réduire les vulnérabilités et renforcer la
résilience (New York, 2014).
51 Organisation internationale du Travail, Socle de protection sociale pour une mondialisa-
tion juste et inclusive, rapport du Groupe consultatif sur le socle de protection sociale
(Genève, Bureau international du Travail, 2011).
26 Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

mal les plus nécessiteux, aussi les politiques publiques restent-elles essentielles. Il
est également urgent que les pouvoirs publics investissent dans l’atténuation des
risques de catastrophe et dans les systèmes de résilience face aux chocs, ainsi que
dans la préservation de l’environnement, en particulier dans les régions où les
populations locales sont tributaires des ressources naturelles.
L’emploi productif et décent constitue la forme la plus importante de sécu-
rité de revenu. Pour la plupart des gens, la rémunération du travail représente la
principale source de revenus. Les politiques macroéconomiques et budgétaires
qui favorisent le plein emploi productif ainsi que l’investissement dans le capital
humain sont donc essentielles pour réduire la pauvreté et renforcer l’équité.

Gérer efficacement la dette publique


Le financement de la dette peut constituer une option viable pour financer les
dépenses publiques dans le développement durable. Parallèlement, la dette doit
être gérée efficacement afin que le service de la dette puisse être assuré dans des
circonstances très variées. Les pouvoirs publics devraient utiliser régulièrement
des instruments d’analyse qui leur permettent d’évaluer les différentes stratégies
d’emprunt possibles et les risques qui s’y rapportent, de mieux gérer les actifs
et passifs, et de limiter les emprunts irresponsables. Les directions du Trésor
devraient chercher à accroître l’émission d’obligations à long terme en monnaie
locale, en particulier à destination des investisseurs nationaux, dans le but de
réduire le risque de change. Par ailleurs, comme convenu dans le cadre du Con-
sensus de Monterrey, les créanciers devraient avoir pour responsabilité, partagée
avec les débiteurs souverains, de prévenir et de résoudre les crises de la dette,
notamment en allégeant la dette s’il y a lieu. Ils devraient également être chargés
de bien évaluer les risques de crédit, d’améliorer la sélection des emprunteurs et
de réduire les prêts irresponsables aux pays où les risques sont élevés.
Les institutions financières internationales et les organismes des Nations
Unies travaillent à l’élaboration de normes de gestion prudente de la dette pub-
lique. Les pays qui ont déjà atteint un niveau élevé de dette doivent veiller à ce
que la croissance de la dette publique ne dépasse pas la croissance prévue du PIB
pour éviter de grandes difficultés financières. À cet égard, le cadre de soutenabilité
de la dette de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international vise à
aider les pays à faible revenu et leurs bailleurs de fonds à mobiliser des sources de
financement tout en réduisant les risques d’une accumulation excessive de la dette
en fixant un seuil. Par ailleurs, les institutions internationales fournissent une
assistance technique afin de renforcer les capacités locales dans ce domaine. Cette
assistance devrait se poursuivre, de même que les engagements pris de transférer
des financements, des technologies et des capacités pour permettre aux pays en
développement de renforcer les capacités humaines et institutionnelles nécessaires
pour gérer efficacement la dette publique (voir sect. V pour une discussion des
enjeux systémiques et des mécanismes de restructuration de la dette souveraine).

Étudier la contribution que peuvent apporter les banques


nationales de développement
Faute de financement et d’investissement à long terme du secteur privé dans le
développement durable, nombre de pays ont mis en place des banques nationales
Options pour une stratégie intégrée de financement du développement durable 27

de développement et autres organismes publics en vue d’appuyer les investisse-


ments à long terme. L’ensemble des ressources de l’International Développent
Finance Club, qui regroupe 20 institutions de développement nationales, bila-
térales et régionales, s’élevait à plus de 2,1 milliards de dollars en 201052 . Les
banques nationales de développement peuvent jouer un rôle important, notam-
ment en finançant les petites et moyennes entreprises, les infrastructures et
l’innovation. Fortes d’une connaissance spécialisée des marchés intérieurs, les
banques nationales de développement sont souvent bien placées pour fournir
une assistance et renforcer les capacités dans le domaine de la gestion des pro-
jets privés. Plusieurs études récentes montrent également que certaines banques
nationales de développement ont également joué un rôle anticyclique précieux, en
particulier en cas de crise lorsque les entités du secteur privé répugnent à prendre
le moindre risque.
Les pouvoirs publics peuvent se servir des banques nationales de développe-
ment pour renforcer les marchés de capitaux et tirer parti des investissements dans
le développement durable. Ainsi, par exemple, certaines banques nationales de
développement financent (en partie) leurs activités en émettant des obligations et
en affectant les fonds levés dans ce cadre à certains usages, comme les infrastruc-
tures vertes (obligations vertes).
Les banques nationales de développement présentent toutefois un certain
nombre de difficultés pour les décideurs. Les décideurs devraient veiller à ce que
les banques publiques de développement n’entreprennent pas des activités que
le secteur privé peut fournir dans des conditions de concurrence. Surtout, il est
nécessaire de prendre des dispositions pour éviter toute ingérence politique indue
dans le fonctionnement de la banque et pour assurer le bon emploi des ressources,
en particulier en ce qui concerne la mobilisation des investissements du secteur
privé dans le développement durable.

B. Financement privé intérieur


Pour comprendre le rôle joué par le secteur privé dans le financement du dével-
oppement durable, il est important de reconnaître que le secteur privé regroupe
un large éventail d’acteurs, allant des ménages aux sociétés multinationales en
passant par les investisseurs directs et les intermédiaires financiers comme les
banques et les caisses de retraite. Depuis toujours, les ressources privées sont des
principaux moteurs de la croissance et de la création d’emplois.
Le financement privé vise le profit, ce qui le rend particulièrement adapté
pour les investissements productifs. Mais la qualité des investissements compte. La
pénurie d’investissements à long terme nécessaires au développement durable per-
siste, alors même que les acteurs prennent de plus en plus conscience qu’il est pos-
sible de concilier les intérêts commerciaux avec les objectifs de politique publique.
Les pouvoirs publics ont donc un rôle à jouer par l’élaboration de politiques
visant à encourager davantage les investissements à long terme dans le dével-
oppement durable. Un environnement propice est indispensable pour réduire
les risques et encourager l’investissement privé. Par ailleurs, les pouvoirs pub-
lics peuvent contribuer à développer des marchés de capitaux et des systèmes
d’investissement à long terme locaux dans un cadre réglementaire solide.

52 Voir www.idfc.org/.
28 Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

Assurer un accès aux services financiers aux ménages


et aux microentreprises
Il ressort d’études récentes que des marchés financiers stables, inclusifs et efficaces
peuvent améliorer la vie des populations en réduisant les coûts de transaction,
en stimulant l’activité économique et en améliorant la fourniture d’autres avan-
tages sociaux, en particulier pour les femmes53. Élargir la portée et l’ampleur des
services financiers offerts aux pauvres, aux personnes âgées, aux femmes, aux
personnes handicapées, aux peuples autochtones et aux autres populations mal
desservies est important pour contribuer à la réalisation des objectifs de dével-
oppement durable.
Tous les ménages, quels que soient leurs revenus et même les plus pauvres,
effectuent des opérations financières de base (paiement, épargne, crédit, assur-
ance). Les pauvres, en particulier ceux des pays les moins avancés, font surtout
appel à des fournisseurs de services financiers informels. En effet, plus de la moitié
des adultes en âge de travailler dans le monde, et la grande majorité dans les pays
en développement, sont actuellement victimes de l’exclusion bancaire54. Si ces
personnes disposaient de services financiers abordables et adaptés à une distance
raisonnable, il y a tout lieu de croire qu’elles les utiliseraient55. C’est pourquoi de
nombreux États fournissent ou ont invité des prestataires à fournir des services
financiers pour les pauvres, notamment par le biais d’institutions de microfi-
nancement, de banques coopératives, de banques postales, de caisses d’épargne
postales ainsi que de banques commerciales.
Le meilleur moyen de réaliser l’inclusion financière varie selon les pays.
Néanmoins, un certain nombre d’éléments ont donné de bons résultats dans tous
les pays, notamment l’appui à la création d’agences d’évaluation de crédit qui
apprécient la capacité d’emprunt des emprunteurs. L’évolution des technologies
de l’information et des communications peut permettre aux pauvres de bénéficier
de services financiers à moindres frais sans avoir à parcourir de longues distances
jusqu’à une agence bancaire. Les services bancaires mobiles et sans agences peu-
vent être utilisés pour les paiements des pouvoirs publics aux particuliers (salaires,
pensions, prestations sociales), ce qui permet de faire baisser les coûts adminis-
tratifs et de réduire les pertes. On estime également que l’intégration d’un plus
grand nombre de personnes dans le secteur financier formel a un effet bénéfique
sur le recouvrement de l’impôt. En outre, il importe de prévoir une réglementa-
tion pour responsabiliser les banques virtuelles et éviter les pratiques abusives.
Les enquêtes montrent que la méconnaissance des produits financiers et des
institutions financières constitue un obstacle à leur utilisation, en particulier dans
le domaine de l’assurance. Le secteur public peut favoriser le renforcement des
capacités financières des particuliers, notamment leur culture financière, tout en
élargissant la protection des consommateurs. En particulier, les fournisseurs de
services financiers devraient être tenus de divulguer des informations essentielles

53 Robert Cull, Tilman Ehrbeck et Nina Holle, « Financial Inclusion and Development:
Recent Impact Evidence », Focus Note No. 92 (Washington, Groupe consultatif
d’assistance aux pauvres, avril 2014).
54 Asli Demirguc-Kunt et Leora Klapper, « Measuring Financial Inclusion: The Global
Findex Database », document de travail consacré à la recherche sur les politiques no
6025 (Washington, Banque mondiale, 2012).
55 Construire des secteurs financiers accessibles à tous (publication des Nations Unies, numéro
de vente : F.06.II.A.3).
Options pour une stratégie intégrée de financement du développement durable 29

de manière claire et compréhensible et de préférence uniforme. Les décideurs


devraient également adopter des normes claires tendant au traitement équitable
et éthique des consommateurs et mettre en place des mécanismes de recours uni-
formes permettant le règlement efficace des différends dans l’ensemble du secteur.
À cet égard, les pouvoirs publics pourraient créer des organismes de protection
des consommateurs pour veiller au respect du cadre de protection des consom-
mateurs dans le pays.
Alors même qu’il ne s’agit que d’un seul aspect de l’inclusion financière,
on a accordé beaucoup d’attention à la microfinance. Il existe un vaste réseau
mondial de forums et de réseaux de soutien internationaux dans la microfinance
publique et à but non lucratif, ce qui atteste de la vitalité du secteur. Il n’en
reste pas moins que la microfinance reste exclue des cadres réglementaires dans
de nombreux pays. Devant l’essor des établissements de microfinancement, les
cadres et les régulateurs devraient prendre garde de trouver un équilibre entre
l’élargissement de l’accès aux services financiers et la gestion des risques, y compris
les risques sociaux que pose l’endettement des ménages.

Promouvoir les prêts en faveur des petites


et moyennes entreprises
Un domaine important dans lequel l’accès aux services financiers (en l’occurrence
le crédit) est insuffisant est celui des petites et moyennes entreprises qui, dans
de nombreux pays, sont les principaux moteurs de l’innovation, de l’emploi et
de la croissance. Plus de 200 millions de ces entreprises n’ont pas accès aux ser-
vices financiers dans le monde. Généralement, les besoins financiers des petites
et moyennes entreprises sont trop importants pour les prêteurs traditionnels et
les organismes de microcrédit, mais les grandes banques ont tendance à bou-
der ce marché en raison de l’intensité administrative, du manque d’information
et de l’incertitude entourant le risque de crédit. En fournissant des renseigne-
ments sur le crédit, les agences d’évaluation de crédit, les garanties et les régimes
d’insolvabilité pourraient contribuer à étendre l’accès des petites et moyennes
entreprises au crédit.
Les marchés des obligations à long terme sont limités dans de nombreux
pays en développement et les instruments de rechange pour le financement de
jeunes entreprises novatrices (investisseurs providentiels, fonds de capital-risque)
font largement défaut dans de nombreux pays en développement. Les banques
nationales de développement peuvent avoir un rôle à jouer ici. Pour soutenir
l’amélioration de l’accès des petites et moyennes entreprises aux services finan-
ciers, il est également possible de calibrer l’intervention des banques privées et
publiques. Ainsi, par exemple, les banques de développement utilisent un modèle
consistant à fournir des fonds publics à des conditions libérales au secteur ban-
caire commercial, qui à son tour prête l’argent à un taux préférentiel à ces entre-
prises. Il existe plusieurs instruments : garanties, prêts, subventions aux taux
d’intérêt, actions et placements assimilables à des actions, accès aux services et
à l’information. De nombreux pays apportent d’autres formes de soutien aux
petites et moyennes entreprises, notamment des prêts à faible taux d’intérêt. Les
banques coopératives, les banques postales et les caisses d’épargne sont également
bien placées pour offrir des services financiers aux petites et moyennes entreprises,
notamment en élaborant et en offrant un choix plus diversifié de produits de prêt.
30 Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

De nombreuses banques estiment qu’il est très risqué de prêter aux petites
et moyennes entreprises en raison du manque d’information et de l’incertitude
entourant le risque de crédit. Le crédit est souvent insuffisant, même lorsqu’il y a
largement assez de liquidités dans le secteur bancaire. Néanmoins, un portefeuille
diversifié de prêts aux petites et moyennes entreprises peut contribuer sensible-
ment à réduire les risques. La titrisation des différents portefeuilles de prêts aux
petites et moyennes entreprises, qui pourraient être fournis par un certain nombre
de banques pour garantir une plus grande diversification, pourrait accroître les
fonds pouvant être mis à la disposition des petites et moyennes entreprises par
les prêts. Toutefois, il faut instaurer des garanties pour faire face aux risques liés
au modèle d’octroi puis de cession du crédit, comme on l’a vu pendant la crise
financière, de sorte que l’émetteur garde un intérêt à ce que les prêts restent
productifs (règles exigeant que les banques conservent une part de chaque prêt
dans leur bilan).

Développer les marchés financiers pour les investissements


à long terme et améliorer la réglementation pour assurer
l’équilibre entre accès et stabilité
L’existence d’un secteur bancaire bien capitalisé et de marchés d’obligations à long
terme permet aux entreprises nationales de se financer à long terme sans s’exposer
aux risques liés aux emprunts en devises étrangères. Les marchés obligataires
locaux peuvent donc jouer un rôle important dans le financement du développe-
ment durable à long terme. Pour parvenir à développer des marchés de capitaux
locaux, les décideurs doivent mettre en place un certain nombre d’institutions et
d’infrastructures (systèmes de contrôle, de compensation et de règlement, agences
d’évaluation du crédit, mesures de protection des consommateurs, autres mesures
de réglementation).
Les investisseurs institutionnels, en particulier ceux qui ont des engage-
ments à long terme (caisses de pension, compagnies d’assurance-vie, fondations,
fonds souverains), sont particulièrement bien placés pour offrir des financements
à long terme (même si les investisseurs institutionnels internationaux ont eu tend-
ance durant les dernières décennies à investir avec un horizon à court terme, voir
sect. IV.D). Pour favoriser le développement d’une base d’investisseurs institu-
tionnels, les décideurs doivent instaurer un cadre institutionnel, légal et régle-
mentaire (loi sur les valeurs mobilières, réglementation de la gestion des actifs,
protection des consommateurs). Les décideurs pourraient fixer des règles de trans-
parence et de bonne gouvernance et un système efficace d’application. On trouve
de nombreux exemples de cadres réglementaires efficaces dans les pays développés
et émergents, mais les décideurs des pays en développement devraient les adapter
aux conditions locales et faire preuve de souplesse pour les actualiser en fonction
de l’évolution de la conjoncture.
D’une manière générale, les marchés financiers doivent être développés avec
soin, car les marchés d’actions et d’obligations sont souvent très instables, en par-
ticulier les marchés de petite taille peu liquides. Pour limiter un excès de volatilité
susceptible de secouer l’économie réelle, une réglementation peut être adoptée en
conjonction avec des outils de gestion des mouvements de capitaux pour dissuader
les capitaux spéculatifs à court terme. Dans certaines régions, le développement
d’un marché régional pourrait permettre d’atteindre une échelle et une ampleur
Options pour une stratégie intégrée de financement du développement durable 31

qui n’est pas réalisable sur des marchés nationaux de petite taille. Les partenariats
entre les marchés naissants et les grands centres financiers mondiaux peuvent
favoriser le transfert de compétences, de connaissances et de technologies aux
pays en développement, même s’il faut veiller à les adapter aux conditions locales.
Le revers de la médaille est cependant que le secteur financier peut devenir
trop important par rapport à l’économie nationale. Or, au-delà de certains seuils,
l’expansion du secteur financier peut accroître les inégalités et l’instabilité, en
partie en raison de la croissance excessive du crédit et des bulles spéculatives. Il
importe donc que tous les pays élaborent des cadres réglementaires macropru-
dentiels solides56.
Un cadre réglementaire solide devrait encadrer tous les domaines de
l’intermédiation financière (y compris la banque parallèle), de la microfinance
aux produits dérivés complexes. Renforcer la stabilité et réduire les risques tout
en favorisant l’accès au crédit constitue un problème complexe pour les décideurs,
les deux pouvant être antinomiques. Les décideurs devraient faire en sorte que
le cadre réglementaire et politique ménage un équilibre entre ces objectifs. Par
exemple, l’Union européenne a prévu des dispositions spéciales (Directive sur les
exigences de fonds propres IV) dans le cadre de la mise en œuvre des accords de
Bâle III pour réduire le coût de financement des prêts aux petites et moyennes
entreprises. Il est également préconisé que les systèmes de réglementation du
secteur financier ne tiennent pas seulement compte de la stabilité financière mais
également des considérations de durabilité.
La finance islamique a également produit d’importants mécanismes
de nature à favoriser le financement du développement durable57. Les actifs
financiers islamiques ont progressé rapidement au cours des 10 dernières années,
notamment dans les domaines du financement des infrastructures ainsi que
des investissements sociaux et verts. Les instruments d’investissement utilisés
dans la finance islamique, qui sont fondés sur le partage des risques d’entreprise,
améliorent la profondeur et l’ampleur des marchés financiers en proposant
d’autres sources de financement. Ces structures de financement pourraient offrir
des enseignements sur la manière de mettre au point une nouvelle catégorie
d’investissement à long terme.

Renforcement de l’environnement propice


Il est de notoriété publique que le renforcement de l’environnement constitué par
les politiques, les lois, les réglementations et les institutions est un bon moyen
pour les gouvernements d’encourager l’investissement privé. Afin de mieux mobi-
liser et d’utiliser efficacement les ressources financières, les grandes orientations
adoptées doivent être axées sur le desserrement des blocages au dans le contexte
national. C’est par de tels efforts qu’au cours de la dernière décennie, de nom-
breux pays en développement se sont attaqués aux lourdeurs et coûts excessifs
imposées aux entreprises pour le lancement et le maintien de leurs opérations. La
structure des réformes entreprises varie d’un pays ou région à l’autre en fonction
du vécu historique, de la culture et des politiques de chacun mais les décideurs

56 Stijn Claessens et M. Ayhan Kose, « Financial Crises: Explanations, Types, and Implica-
tions », document de travail no WP/13/28 (Washington, FMI, janvier 2013).
57 La finance islamique repose sur les principes du droit islamique, dont les deux prin-
cipaux sont le partage des bénéfices et des pertes et l’interdiction de la collecte et du
paiement d’intérêts.
32 Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

peuvent renforcer le caractère exécutoire des contrats, la protection des droits des
créanciers et des débiteurs et les politiques du commerce et de la concurrence,
simplifier les régimes d’enregistrement des entreprises et promouvoir l’état de
droit, les droits de l’homme et une sécurité effective. L’investissement dans les
infrastructures et les services publics essentiels, ainsi que dans le capital humain,
contribuerait aussi à rendre l’environnement des entreprises plus attirant. L’insta-
bilité politique et macroéconomique et les incertitudes sur les politiques qui seront
suivies sont des obstacles importants aux affaire quel que soient le pays considéré,
d’où l’importance d’adopter des politiques saines de manière plus générale.

Renforcer la place des considérations relatives à l’économie,


l’environnement, la société, la gouvernance et la durabilité
dans le système financier
Les décideurs doivent se donner pour but de promouvoir les considérations
relatives à la durabilité dans toutes les institutions et à tous les niveaux. Il faut
aussi pour ce faire encourager l’établissement de rapports traitants à la fois des
rendements économiques et des incidences sur les plans de l’environnement, de
la société et de la gouvernance — que l’on pourrait appeler rapports sur l’écono-
mie, l’environnement, la société et la gouvernance. En outre, des réglementations
judicieuses, sur les conditions de constitution des portefeuilles et autres mesures
adaptés à la situation du pays, par exemple, peuvent également servir à renforcer
cette situation.
Les signes de recentrage plus fort sur les considérations relatives à l’économie,
l’environnement, la société et la gouvernance sont apparents sur certains marchés
financiers. Des acteurs du secteur privé de plus en plus nombreux ont adopté
les Principes de l’Équateur à l’intention des financeurs de projets, les Principes
pour l’investissement responsable et les Principes pour une assurance durable,
qui fixent des normes à l’intention des investisseurs privés. De même, l’Initiative
relative aux bourses des valeurs durables a pour objet de déterminer comment
les bourses des valeurs peuvent collaborer avec les investisseurs, les régulateurs et
les entreprises pour améliorer la transparence de celles-ci, en rendant compte des
performances touchant les questions relatives à l’économie, l’environnement, la
société et la gouvernance, et encourager les approches responsables et axées sur le
long terme en matière d’investissement. La connaissance de ces initiatives dans
nombre d’entreprises et d’institutions financières demeure limitée. Il importe
donc de porter à une plus grande échelle le travail de sensibilisation et de renforce-
ment des capacités tant dans les institutions publiques que dans les sociétés qui
interviennent sur les marchés financiers. À cet égard, les gouvernements pour-
raient encourager ces sociétés à dispenser à leurs employés une formation sur les
questions relatives à l’économie, l’environnement, la société et la gouvernance, qui
pourraient être inscrites au programme des examens et des cours donnant droit
à la délivrance de licences.
Une considération importante en matière de développement durable a trait
à l’impact des activités de financement sur le plan des émissions de gaz à effet de
serre. À ce propos, certains fonds de pension, certes pas parmi les plus impor-
tants, ont commencé, de manière volontaire58, à surveiller cet aspect de leurs

58 Voir www.rafp.fr/download.php?file_url=IMG/pdf/PR_Carbon_Audit_ERAFP.pdf .
Options pour une stratégie intégrée de financement du développement durable 33

portefeuilles, en autorisant les gestionnaires des fonds à signaler les risques dont
ces portefeuille sont d’ores et déjà porteurs. Les décideurs pourraient avoir un
rôle catalyseur dans ce domaine en incitant les fournisseurs d’indices à accélérer
le travail de conception d’indices de référence et en encourageant la transparence
concernant l’impact sur le plan des émissions de gaz à effet de serre, en particulier
dans les fonds d’investissement publics (les fonds de pension publics par exemple).
Il importe de poser la question de savoir si des initiatives dans une large
mesure volontaires peuvent changer la façon dont les institutions financières pren-
nent les décisions d’investissement. Les décideurs pourraient envisager de créer
des cadres réglementaires qui rendraient certaines de ces pratiques obligatoires.
Pour être le plus efficace possible, ces politiques devraient avoir pour socle une
vaste association du secteur privé, de la société civile, des régulateurs financiers
et des décideurs. À cet égard, plusieurs pays ont déjà rendu obligatoires certains
critères relatifs à l’environnement, la société et la gouvernance, l’Afrique du Sud, le
Brésil, la Malaisie, la France et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande
du Nord, entre autres. Davantage de travaux de recherche devraient être consacrés
à l’étude de l’impact de différents mécanismes. Les organisations internationales
peuvent mettre en place une plateforme de partage des expériences, aussi bien
réussies que ratées, concernant divers instruments et arrangements.

C. Financement international public


Le financement international public occupe une place centrale dans le finance-
ment du développement durable. À l’instar des finances publiques nationales, le
financement international public assure trois fonctions: élimination de la pauvreté
et développement; financement de l’offre de biens publics régionaux et mondiaux;
maintien de la stabilité macroéconomique mondiale dans le contexte plus large
d’un environnement propice global (voir sect. V). Le financement international
public doit compléter et faciliter les interventions nationales dans ces domaines, et
il demeurera indispensable pour la réalisation du développement durable. L’APD,
en particulier, demeurent d’une importance capitale et devrait être utilisée essen-
tiellement là où les besoins sont les plus grands et la capacité de réunir des res-
sources la plus faible.

Honorer les engagements existants


L’APD demeure une source importante de financement international public pour
les pays en développement, les pays les moins avancés en particulier. Elle a atteint
un niveau record en 2013, tout en restant nettement en deçà de l’objectif convenu
au plan international de 0,7 % du revenu national brut (RNB), s’établissant en
moyenne à 0,3 % du RNB en 2013. Dans le même ordre d’idée, en dépit des
engagements pris dans le Programme d’action d’Istanbul, à savoir consacrer entre
0,15 % et 0,20 % du RNB aux pays les moins avancés, le pourcentage effectif
n’est en moyenne que de 0,09 %.29
En 2010, à la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations
Unies sur le changement climatique, il a été convenu que les pays développés
s’engageaient, dans l’optique de mesures d’atténuation effectives et d’une trans-
parence dans la mise en œuvre, à atteindre l’objectif consistant à mobiliser ensem-
ble 100 milliards de dollars par an à l’horizon 2020 pour pourvoir aux besoins des
34 Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

pays en développement, en faisant appel à un large éventail de sources (publiques,


privées, bilatérales, multilatérales, voire alternatives).
Les États Membres de l’Organisation des Nations Unies devraient honorer
leurs engagements, pleinement et en temps voulu, et ne pas les ignorer ni les
affaiblir. Les États Membres devraient en particulier reconnaître les importants
déficits de financement dans les pays les moins avancés et d’autres pays vulnéra-
bles. Un surcroît d’efforts s’impose pour maintenir et accroître l’APD consacrée
aux pays les moins avancés et à ceux qui en ont le plus besoin.

Tirer parti de tous les instruments et sources de financement


international public
Un certain nombre de pays ont conjugué leurs efforts pour mettre au point des
mécanismes innovants de mobilisation de ressources internationales supplé-
mentaires et concessionnelles à consacrer au développement et à l’élimination
de la pauvreté. La communauté internationale devrait examiner plus avant ces
mécanismes innovants dans l’optique du financement du développement durable
à l’échelle mondiale (voir sect. IV.C).
La coopération Sud-Sud, en tant que complément à la coopération Nord-
Sud, est une catégorie diverse et de plus un plus importante de l’aide intergou-
vernementale volontaire qui peut faciliter le développement durable, conformé-
ment au Document final de Nairobi de la Conférence des Nations Unies sur la
coopération Sud-Sud (2009), que l’Assemblée générale a fait sien par sa résolu-
tion 64/222. Un certain nombre de pays du Sud fournisseurs d’aide ont décidé
de renforcer leur action en procédant notamment à une analyse objective des
expériences de coopération Sud-Sud et à une évaluation des programmes dans
ce domaine. En outre, le Comité de haut niveau pour la coopération Sud-Sud
a adopté la décision 18/1 (2014), qui contient des recommandations relatives au
système des Nations Unies, invitant notamment le Secrétaire général à inclure
dans son rapport de synthèse des mesures concrètes propres à renforcer la coopé-
ration Sud-Sud.
La coopération triangulaire est un autre complément utile, qui est suscepti-
ble d’améliorer l’efficacité de la coopération pour le développement par le partage
des connaissances, des expériences, des technologies et des ressources financières
provenant des pays émergents et des pays donateurs traditionnels.
Les fonds publics internationaux qui sont moins confessionnels que l’APD,
par exemple certains prêts du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque
mondiale et des autres institutions financières internationales et régionales, con-
stituent des sources essentielles de financement à moyen et long terme pour les
pays qui y font appel. Les modalités de financement importantes sont, notam-
ment, les prêts publics aux gouvernements, les prises de participation et le finance-
ment de la dette pour le secteur privé et toute une série d’instruments de finance-
ments régionaux, y compris des instruments d’atténuation des risques tels que les
garanties contre les risques de crédit et les risques politiques, les swap de monnaies
et les arrangements combinant le recours aux fonds publics et aux marchés des
capitaux (pour des projets d’équipements internationaux par exemple). Utilisés
en fonction des besoins de chaque pays ou secteur et de manière à tirer parti de
leurs avantages spécifiques, ils peuvent aider à atténuer les risques et à mobiliser
d’emblée davantage de ressources que lorsqu’on s’en tient aux seules ressources
Options pour une stratégie intégrée de financement du développement durable 35

budgétaires, comme on le verra dans la section IV.E sur le financement mixte. Il


importe aussi de veiller à ce que les pays les moins avancés ne soient pas, sur la base
de leur seul revenu, privés d’accès à des fonds moins confessionnels auprès des
institutions financières internationales et d’institutions de financement du dével-
oppement. Les projets financièrement viables doivent être au contraire examinés
au cas par cas, en gardant à l’esprit les considérations relatives à la viabilité de la
dette (voir fig. V).

Utiliser les ressources publiques internationales avec


efficacité et efficience
Le financement international public représente en dernière analyse l’argent du
contribuable, ce qui exerce sur les intermédiaires financiers publics une pres-
sion supplémentaire dans le sens d’une efficacité et d’une efficience plus grande
s’agissant de l’emploi de ces fonds, à des taux préférentiels ou non préférentiels.
L’APD devrait aller principalement là où les besoins sont les plus grands et la
capacité de mobiliser des ressources la plus faible, ce qui est le cas notamment des
pays les moins avancés, des petits États insulaires en développement et des pays
sans littoral, ainsi que de la population pauvre dans tous les pays en développe-
ment, en consacrant une part suffisante de cette aide à l’élimination de l’extrême
pauvreté, à la réduction de toutes les autres formes de pauvreté et à la satisfaction
d’autres besoins sociaux fondamentaux.
Le financement international public aura également un rôle important à
jouer dans le financement des investissements pour le développement national,
pour les infrastructures notamment. Certains de ces investissements sont
rentables, et le financement international public peut alors servir de cataly-
seur de l’investissement privé en faveur du développement durable dans ces
domaines (voir sect. IV.E sur le financement mixte). Parallèlement, le finance-
ment international public devrait également répondre aux besoins croissants
de financement de biens publics mondiaux, sans pour autant évincé l’aide au
développement classique.
Conscient des multiples facettes du rôle que le financement international
public aura à jouer dans la réalisation du développement durable, le Comité
recommande que le niveau de confessionnalité de ce financement soit défini
compte tenu à la fois du niveau de développement des pays (notamment leur
niveau de revenu, leurs capacités institutionnelles et leur vulnérabilité) et du type
d’investissement, comme l’illustre la figure V. Le niveau de confessionnalité le plus
élevé doit être réservé aux biens sociaux fondamentaux, y compris un financement
par des subventions pour les pays les moins avancés. Le financement à des taux
préférentiels est également d’une importance capitale pour financer nombre de
biens publics mondiaux pour le développement durable. Pour certains investisse-
ments dans le développement national, les instruments de financement des prêts
peuvent constituer un choix plus judicieux, en particulier lorsque l’investissement
a un potentiel de rentabilité économique
La communauté internationale a inscrit depuis de nombreuses années à son
programme un engagement à renforcer l’efficacité de la coopération pour le dével-
oppement, par une plus grande responsabilisation mutuelle dans la relation entre
les pays qui reçoivent l’APD et ceux qui la fournissent. C’est de ces questions que
s’occupe, entre autres, le Forum pour la coopération en matière de développe-
36 Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

ment, créé en 2007. Par des dialogues multiparties prenantes réguliers et un tra-
vail d’analyse des politiques, le Forum établit des orientations portant, entre
autres, sur la manière de gérer plus efficacement la coopération financière et tech-
nique internationale au service du développement. Cette recherche de l’efficacité
a en outre donné lieu à quatre réunions du Forum de haut niveau sur l’efficacité
de l’aide, qui se sont tenues à Rome (2003), Paris (2005), Accra (2008) et Busan
(République de Corée) (2011) et ont débouché sur la création du Partenariat
mondial pour l’efficacité de l’aide au développement. La première réunion de haut
niveau du Partenariat s’est tenue en avril 2014 à Mexico.

Figure V
Objectifs indicatifs du financement international public en fonction des
niveaux de développement des pays et des différents besoins en matière de
développement durable

Investissement dans le
développement national,
y compris infrastructures, Faible concessionnalité
innovation, PME

Biens publics mondiaux


pour le développement
durable

Pauvreté et besoins Forte concessionnalité


sociaux fondamentaux (y compris dons)

Faible ----------------------------------------------------------------------------------------------- Plus élevé


Niveau de développement
(niveau de revenus, capacités institutionnelles, vulnérabilité)

Une autre question soulevée par le Comité en ce qui concerne l’efficacité du


développement à trati à la fragmentation du financement international public et
au caractère décentralisé et indépendant des processus de prise de décisions des
donateurs bilatéraux et multilatéraux. Les pays donateurs devraient améliorer la
gestion et la coordination du soutien international public, par le développement
de la planification et de la programmation conjointe, sur la base de stratégies et
d’arrangements de coordination placés sous la conduite des pays. Ils cherchent
depuis longtemps à réduire le fardeau que représentent les exigences disparates
en matière de rapports auxquelles il n’est possible de se conformer qu’au prix de
ressources considérables dans les pays bénéficiaires. Il convient donc de rappeler
la nécessité d’opter pour la transparence et pour des conditions, procédures et
méthodes de financement harmonisées.
Afin de réduire la fragmentation et la complexité du financement en matière
d’environnement et de climat, en particulier, il faut une rationalisation effective
de l’architecture d’ensemble. S’agissant du climat, les Parties à la Convention sont
Options pour une stratégie intégrée de financement du développement durable 37

convenues de créer le Fonds vert pour le climat, en tant qu’entité chargée d’assurer
le fonctionnement du mécanisme financier prévu à l’article 11 de la Convention.
Il fera office d’instrument multilatéral par le biais duquel les gouvernements et
d’autres bailleurs de fonds pourraient accorder des dons ou des prêts à taux préfé-
rentiels pour soutenir les projets, programmes, politiques et autres activités dans
les pays en développement59. Une part importante du nouveau financement mul-
tilatéral en faveur de l’adaptation aux changements climatiques devrait transiter
par le Fonds vert, comme il a été convenu à la seizième Conférence des Parties à
la Convention.
Dans le même temps, il faut renforcer l’aptitude des partenaires à mieux
gérer une aide émanant de divers fournisseurs en l’intégrant à leurs stratégies
nationales de financement du développement durable. Les pays devraient créer
et utiliser des plateformes communes de facilitation de la coordination opéra-
tionnelle entre différents fonds et initiatives internationaux. Les fonds et pro-
grammes, ceux consacrés à l’environnement notamment, doivent favoriser les
synergies entre secteurs aux niveaux national et local. Les fonds et instruments
existants devraient être adaptés de manière à étendre la recherche des synergies à
toutes les activités pertinentes.

D. Financement international privé


À l’instar du financement privé interne, le financement international privé recou-
vre un large éventail de courants de capitaux, dont l’investissement étranger direct
(IED), les investissements de portefeuille et les prêts bancaires transfrontières.
Certains de ces courants sont mixtes et comportent des éléments de financement
public, comme on le verra plus loin (voir sect. IV.E). Les investisseurs internatio-
naux institutionnels, les fonds souverains notamment, détiennent des actifs dont
la valeur est estimée entre 80 000 et 90 000 milliards de dollars des États-Unis,
soit une source potentielle considérable d’investissement. Toutefois, à ce jour, ils
ont peu investi dans le développement durable, aussi bien dans les pays dévelop-
pés que dans les pays en développement. Les fonds de pension, par exemple,
n’investissent que 3 % de leurs actifs mondiaux dans les infrastructures60, d’où la
nécessité de faire en sorte que les politiques gouvernementales aident à surmonter
les obstacles à l’investissement privé, conjointement avec un surcroît de dépense
publique. En l’occurrence, nombre de points examinés à propos du financement
privé interne (voir sect. IV.B) s’appliquent également ici mais la présente section
est essentiellement axée sur les questions intéressant particulièrement les inves-
tissements transfrontières.

Diriger les fonds internationaux vers l’investissement à long


terme dans le développement durable
L’investissement direct étranger demeure la source la plus stable dans la durée en
ce qui concerne l’investissement étranger privé dans les pays en développement
et il a un rôle capital à jouer dans le financement du développement durable. Les

59 Voir document GCF/B.07/11.


60 Voir Équipe spéciale du système des Nations Unies chargée du programme de dével-
oppement pour l’après-2015, document de référence 3.
38 Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

décideurs doivent néanmoins surveiller la qualité de l’IED pour en maximiser les


effets sur le développement durable. Les gouvernements devraient, le cas échéant,
adopter des politiques qui encouragent à instaurer des liens entre les entreprises
multinationales et les activités de production locales, soutiennent le transfert des
technologies, offrent à la main-d’œuvre locale des possibilités de s’éduquer et
renforcent la capacité des industries locales à intégrer et appliquer efficacement
les nouvelles technologies. Les sociétés qui souscrivent aux principes relatifs aux
droits de l’homme et aux valeurs du travail, de la protection de l’environnement
et de la lutte contre la corruption inscrites dans le Pacte mondial ou d’autres
normes sociales et environnementales internationales peuvent servir de modèle à
d’autres entreprises. Parallèlement, les gouvernements des pays d’accueil devraient
exiger de toutes les sociétés, y compris les investisseurs étrangers, qu’elles respect-
ent les normes fondamentales du travail établies par l’Organisation interna-
tionale du Travail et les encourager l’établissement de rapports sur l’économie,
l’environnement, la société et la gouvernance, en faisant du développement dura-
ble un élément essentiel des stratégies d’entreprise.
Il est peu probable que les investisseurs s’engagent à long terme dans des
pays dont les politiques et réglementations sont sources de préoccupation, d’où
l’importance d’un environnement propice, comme on l’a vu dans la section IV.B
relative à l’investissement interne. En outre, les investisseurs font souvent remar-
quer que l’un des grands obstacles à l’investissement réside dans l’absence de pro-
jet finançables qui soient compétitifs face à d’autres possibilités d’investissement,
en soulignant la nécessité de développer les capacités de préparation des projets
dans nombre de pays.
Cela étant dit, les investisseurs, y compris ceux qui ont contracté des engage-
ments à long terme tels que les fonds de pension, les sociétés d’assurances-vie et les
fonds souverains, hésitent à investir à long terme dans les projets de développe-
ment durable, et ce sur un large éventail de cadres directeurs et réglementaires60.
L’une des entraves réside dans le fait que de nombreux investisseurs n’ont pas les
moyens de satisfaire au devoir de diligence nécessaire pour investir directement
dans des infrastructures et autres actifs à long terme. Lorsqu’ils procèdent à de
tels investissements, ils passent plutôt par des intermédiaires financiers dont les
engagements et les incitations tendent à être structurées à plus court terme (voir
fig. IV pour la ventilation des investisseurs entre long et court terme)61. Si les
investisseurs à long terme décident de se passer d’intermédiaires et d’investir
directement, ils pourraient adopter un horizon plus éloigné pour leurs décisions
d’investissement. Toutefois, il n’est souvent pas rentable pour les investisseurs
diversifiés de constituer ces capacités en interne. Il y a donc besoin de nouveaux
instruments dans ce domaine. À titre d’exemple, des groupes d’investisseurs pour-
raient se doter de plateformes communes, pour investir dans des infrastructures
durables, entre autres projets. C’est ce qui commence à se produire (ainsi, des
fonds de pension sud-africain ont mis en place un fonds commun pour les infra-
structures). Les acteurs publics, tels que les institutions multilatérales et bilaté-
rales de financement du développement, peuvent aussi aider à mettre en place

61 Les gestionnaires de fonds importants gèrent certes les portefeuilles les plus liquides en
interne mais la plupart des investisseurs font appel à des gestionnaires externes pour ce
type d’investissements (voir Équipe spéciale du système des Nations Unies chargée du
programme de développement pour l’après-2015, document de référence 3).
Options pour une stratégie intégrée de financement du développement durable 39

des plateformes d’investissement, comme on le verra dans la section IV.E sur le


financement centralisé.
En outre, les politiques peuvent être conçues de manière à allonger les hori-
zons d’investissement, en réduisant par exemple le recours à la comptabilisation
aux prix du marché des investissements à long terme (dans laquelle la valorisation
du portefeuille est ajustée quotidiennement, introduisant ainsi la volatilité à court
terme dans le portefeuille) et par des changements dans la mesure de la perfor-
mance et la rémunération (pour modifier les mesures d’incitation et incorporer
éventuellement des critères de durabilité), entre autres.

Gérer la volatilité des risques associés aux courants


transfrontières de capitaux à court terme
Les courants de capitaux privés en direction des pays en développement ont
certes augmenté au cours de la décennie écoulée mais certains types de courants
demeurent d’une grande volatilité. Les approches classiques de la gestion des
courants transfrontières de capitaux volatiles étaient centrées sur les politiques
macroéconomiques propres à renforcer la capacité des pays à absorber les entrées
de capitaux. Or, bien souvent, ces politiques ne sont pas suffisamment ciblées
pour stabiliser les courants financiers et peuvent avoir des effets secondaires indé-
sirables. Les décideurs doivent donc envisager tout un ensemble d’instruments
de gestion des courants de capitaux, notamment des règles macroprudentielles
et une réglementation du marché des capitaux, ainsi que la gestion directe du
compte de capital62.
En outre, la coordination internationale des politiques monétaires des
grands pays et la gestion mondiale des liquidités peuvent réduire les risques à
ce niveau. Dans le même ordre d’idée, le renforcement de la coopération et du
dialogue au niveau régional et les mécanismes régionaux de suivi économique
et financier peuvent contribuer à stabiliser les courants de capitaux privés au
niveau régional.

Faciliter les courants d’envois de fonds et l’aide privée au


développement
Les envois de fonds des migrants représentent une source importante de courants
financiers internationaux en direction de certains pays en développement. Toute-
fois, les envois de fonds diffèrent fondamentalement d’autres courants financi-
ers par le fait qu’il s’agit d’opérations privées qui reposent souvent sur des liens
familiaux et sociaux. Ils permettent aux ménages d’accroître leur consomma-
tion et d’investir dans l’éducation, la santé et le logement63. Les décideurs et les
institutions financières internationales devraient étudier les approches innovantes
propres à introduire des incitations à investir dans des activités productives, y
compris en émettant des « bons de la diaspora ».

62 Joseph Stiglitz et al., Stability with Growth; Macroeconomics, Liberalization and Develop-
ment (New York, Oxford University Press, 2006).
63 Ralph Chami et Connel Fullenkamp, « Beyond the Household », Finance and Develop-
ment, vol. 50, no 3 (septembre 2013).
40 Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

Le coût de l’envoi des fonds, à savoir 8,4 % du montant transféré, demeure


toutefois extrêmement élevé64. Une coopération accrue entre les pays d’envoi et de
réception devrait viser à abaisser les coûts de transaction et réduire les obstacles
à l’envoi de fonds. L’initiative du Groupe des Vingt tendant à abaisser le coût
des envois de fonds est un acte important en ce sens et devrait être poursuivie
et renforcée. Or, certains éléments tendent à prouver que les banques interna-
tionales sont en train de réduire leur rôle dans ce secteur65, ce qui constitue une
conséquence inattendue de la surveillance accrue des banques résultant de la lutte
contre le blanchiment d’argent. Il y a peut-être lieu de prendre des mesures pour
assurer la concurrence et surveiller l’évolution des coûts.
La philanthropie, c’est-à-dire l’activité volontaire de fondations, de particuli-
ers et d’autres acteurs non étatiques, connaît aussi une expansion importante quant
à son champ d’intervention, son ampleur et sa sophistication. Elle a apporté des
ressources non négligeables aux fonds mondiaux pour la santé en particulier (voir
sect. IV.C). Outre les ressources financières, la philanthropie apporte aussi du capi-
tal intellectuel, des capacités techniques et une longue expérience. De meilleures
données sur les courants d’origine philanthropique pourraient aider à mieux éval-
uer leur effet, améliorer leur coordination, rationaliser leur financement, réduire
leurs chevauchements et maximiser leur effet sur le développement durable.

E. Financement mixte
Les décideurs portent depuis peu un intérêt considérable à une catégorie de
possibilités de financement du développement baptisée « finance mixte » qui
centralise des ressources et compétences publiques et privées. La finance mixte
recouvre une vaste gamme d’instruments potentiels, notamment ceux fournis
par les institutions de financement du développement pour leur effet de levier
sur le financement privé (prêts, prises de participation, garanties, etc.), ainsi que
les partenariats public-privé classiques (voir tableau 1 ci-dessous). Mais la finance
mixte ne s’arrête pas à ces structures et couvrent aussi une vaste gamme de fonds
public-privé structurés et de « partenariats d’exécution » réunissant diverses par-
ties prenantes — gouvernements, société civile, institutions caritatives, banques de
développement, institutions privées à but lucratif, etc. Lorsqu’elle est bien conçue,
la finance mixte permet aux gouvernements d’utiliser des fonds publics pour lever
des capitaux privés, en partageant les risques et les rendements, tout en continuant
de promouvoir des objectifs sociaux, environnementaux et économiques nation-
aux dans des domaines d’intérêt général.
Il importe néanmoins de noter que s’ils sont mal conçus, les partenariats
public-privé et autres structures mixtes peuvent se révéler très rentables pour le
partenaire privé, tandis que le partenaire public assume tous les risques. Il faut
donc examiner attentivement la question de l’usage et de la structure appropriés
des instruments de financement mixte, et qui est examinée ci-dessous.

64 Migration and Remittances Team, Development Prospects Group, « Migration and


Remittances: Recent Developments and Outlook », Migration and Development Brief
no 22 (Washington, Banque mondiale, 2014).
65 Michael Corkery, « Banks Curtailing Cash Transfers », New York Times, 7 juillet 2014.
Options pour une stratégie intégrée de financement du développement durable 41

Évaluation stratégique du recours au financement mixte et


aux partenariats innovants
La finance mixte peut être un outil de financement utile lorsque l’intérêt global
d’un projet ou investissement est suffisamment grand pour demeurer avantageux
pour le secteur public une fois que le partenaire privé a été rémunéré. Elle peut
être utilisée dans toute une série de domaines, tels que les projets d’infrastructure
et l’innovation. Les arguments en faveur du financement mixte ne manquent
pas lorsqu’il s’agit de faciliter les investissements qui se situent juste en dessous
de la marge de viabilité commerciale, réelle ou perçue, et qu’une politique et un
environnement institutionnel favorables ne suffisent pas à les débloquer, alors
qu’ils servent aussi l’intérêt général. La finance mixte réunissant le secteur public
et le secteur privé à but lucratif convient en revanche moins lorsqu’il s’agit d’aider
à pourvoir à des besoins de développement fondamentaux qui n’offrent pas de
rendement économique.
Les projets de financement mixte doivent être conformes aux principes de
transparence et de responsabilisation. Les participants à ces projets doivent être
sélectionnés selon un processus équitable et ouvert. Afin que ces projets aient
un meilleur effet de développement durable, les aspects relatifs à la pauvreté, à
l’environnement et à l’égalité des sexes doivent être traités dans la phase de con-
ception du projet.
Les projets à financement mixte nécessitent une analyse minutieuse de leur
coût. Les investisseurs privés exigent souvent plus de 20 % à 25 % de rendement
annuel sur les « projets finançables » dans des pays en développement. Ces coûts
doivent être compensés par des gains d’efficacité ou autres pour que le recours à
cette modalité demeure avantageux. En outre, l’exécution des projets ne se déroule
pas souvent comme prévu, dans les pays en développement comme dans les pays
développés, avec dans ces derniers un taux d’échec des partenariats public-privé
de 25 % à 35 % imputable aux retards, aux dépassements de coûts et autres fac-
teurs66, les taux d’échec étant encore plus élevé dans les pays en développement. Il
importe donc que les décideurs accordent une grande attention à la planification,
la conception et la gestion des structures à financement mixte afin de trouver le
bon équilibre entre les rendements économiques et non économiques et faire en
sorte que les citoyens en retirent un avantage équitable. Des moyens importants
sont nécessaires pour concevoir des structures pratiques qui partagent équitable-
ment les risques et les avantages. L’APD et d’autres formes d’aide peuvent jouer
un rôle de renforcement des capacités des pays en développement à cet égard.
Il convient d’éviter la participation à des partenariats public-privé isolés
et à gestion cloisonnée. L’entité publique qui investit doit mener à bien plusieurs
projets simultanément et, de ce fait, adopter une approche de portefeuille central-
isant les fonds destinés à de multiples projets, tout comme le font les institutions
de financement du développement et le secteur privé pour diversifier les risques.
Dans une telle approche, les mécanismes intégrant des hypothèses de hausse des
valeurs permettraient d’utiliser les gains tirés d’investissements performants pour
compenser les pertes sur des projets ratés. Ce système serait particulièrement

66 Direction générale des politiques externes de l’Union, « Financing for Development


post-2015: Improving the Contribution of Private Finance » (Bruxelles, Union euro-
péenne, 2014).
42 Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

adapté aux investissements dans l’innovation, dans lesquelles tant les risques que
les rendements sont extrêmement élevés.
En outre, des partenariats innovants ont été mis au point pour financer le
développement durable et, plus particulièrement, les objectifs mondiaux tels que
le Fonds mondial de lutte contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme, qui
met en commun des ressources provenant de la philanthropie, du secteur pub-
lic traditionnel et de modes de financement innovants et fait également preuve
d’innovation dans ses structures de direction et ses mécanismes d’affectation de
ressources pour fournir une assistance ciblée.

Explorer les contributions potentielles des institutions


de financement du développement à l’appui des
financements mixtes
Les institutions de financement du développement, qu’elles soient multilatérales
ou bilatérales, peuvent jouer un rôle important dans les financements mixtes.
Pour ce faire, elles devraient optimiser leur bilan et mettre pleinement à profit
leur capacité de gestion des risques, notamment en utilisant l’ensemble des instru-
ments : prêts concessionnels ou prêts mixtes, prises de participation, cautionne-
ment, ainsi que des instruments novateurs et de financement non concessionnel.
Utilisés pour surmonter les obstacles financiers existants, ces instruments peuvent
nettement peser sur la mobilisation et l’utilisation des fonds privés en vue du
développement durable.
Comme indiqué à la section IV.D sur le financement privé international,
dans les domaines où des obstacles entravent l’investissement direct, notamment
ceux de l’infrastructure, de l’innovation et des petites et moyennes entreprises, il
est nécessaire de se doter de nouvelles structures de financement permettant de
mieux gérer et partager les risques d’investissement, parallèlement à l’accroissement
du financement public. Ce type de plateforme peut être national ou mondial. À
titre d’exemple au niveau national, le Royaume-Uni a récemment mis au point
une plateforme d’infrastructure des pensions qui facilitera l’investissement des
fonds de pension britanniques dans des projets publics d’infrastructures avalisés
par le Trésor du Royaume-Uni. De même, en France, la Caisse des dépôts et
consignations mobilise l’épargne que les ménages ont déposée dans un compte
précis (le livret A) pour financer des projets de logements sociaux ainsi que des
projets d’infrastructures des administrations locales.
Ce type de plateforme assure la mise en commun non seulement des fonds,
mais également de l’expertise et du savoir des investisseurs et des autorités pub-
liques, contribuant ainsi à lever certains obstacles à l’investissement direct, liés à
l’information. D’autres pays pourraient envisager de créer des plateformes simi-
laires dans le cadre des institutions de financement du développement existantes
et/ou des plateformes autonomes ou des fonds nationaux. De plus, les entités
qui ont une très bonne cote de solvabilité peuvent recourir à l’emprunt obli-
gataire à long terme (20 à 30 ans) pour mobiliser les ressources de ces struc-
tures, ce qui peut faciliter le placement de capitaux permanents qui ne peuvent
être investis directement. La Banque mondiale aussi met au point une facilité
pour l’infrastructure mondiale, afin de mobiliser des ressources supplémentaires
à l’appui des investissements dans les infrastructures, grâce notamment à des
Options pour une stratégie intégrée de financement du développement durable 43

mesures complémentaires de renforcement de l’environnement politique et régle-


mentaire et d’amélioration de la qualité des projets. Quant à la Banque africaine
de développement, elle a lancé le Fonds Africa50, qui permet de financer les
infrastructures.

Accentuer les efforts de renforcement des capacités


Les valorisations et les contrats de financement mixte sont généralement complexes
et demandent de fortes capacités du secteur public aux stades de l’élaboration, des
négociations et de la mise en œuvre. Les organismes publics ont donc besoin de
constituer et de renforcer leur expertise et leurs moyens, et c’est là que la contribu-
tion de l’aide publique au développement peut être cruciale. Il faudrait également
augmenter proportionnellement les fonds consacrés à l’élaboration des projets.
L’élaboration d’études de faisabilité solides, que les institutions de financement
du développement multilatérale et bilatérale pourraient appuyer, est indispen-
sable pour déterminer avec succès le coût, la structure et la mise en œuvre de
ces mécanismes. Il faudrait concentrer les efforts de renforcement des capacités
sur les études de faisabilité, la négociation de contrats complexes et la gestion
professionnelle des activités menées dans le cadre des partenariats. Toutefois, ces
efforts devraient viser à renforcer les compétences et les capacités locales, au lieu
de porter exclusivement sur des projets spécifiques. Il faudrait également créer
des environnements favorables. Les acteurs du développement international et les
gouvernements pourraient instaurer un dialogue sur les politiques afin de con-
stituer une base de connaissances et une « banque de compétences », et partager
les informations et les enseignements tirés du financement mixte aux niveaux
national, régional et mondial. Une coopération et un dialogue accrus avec les
investisseurs, les banquiers et les entreprises seraient également nécessaires.
44

Tableau I
Instruments de financement mixte

Catégorie Description Exemples Fréquence


Prêts • La majorité des prêts bilatéraux remplissant les conditions requises pour l’APD sont accordés à un gouvernement par un autre gouvernement à des fins Élevée
d’investissement dans les infrastructures économiques et celles de l’eau et de l’assainissement, et sont accordés à des pays à revenu intermédiaire.
• Les institutions de financement du développement accordent aussi directement des prêts au secteur privé. Nombre de ces institutions opèrent certes en
dessous du taux de rendement commercial mais la majorité de leurs activités peuvent entrer dans le cadre de l’APD.
Interventions • Transfert direct de ressources des donateurs au secteur Financement d’un déficit de viabilité Contributions financières destinées à rendre Faible
directes sur privé, par le biais de subventions ou de prises de l’investissement commercialement viable
les marchés participation
Fonds de promotion et entreprises Procédure compétitive pour l’octroi de fonds aux projets Moyenne
d’innovation innovants et le soutien des projets qui réussissent
Fonds de promotion et entreprises Transfert de ressources contre une prise de participation Faible/
d’innovation moyenne
Financement de franchises Financement généralement assimilé à une prise de Faible
participation subsidiaire
Instruments • Les donateurs assument une partie des risques liés Garanties de crédit Dispositions protégeant le bailleur de fonds contre les Faible
basés sur les à l’activité du secteur privé ou du gouvernement défauts de paiement
risques partenaire. Des crédits sont ainsi mis à disposition ou leur
coût est réduit Assurance du risque politique Protection contre certains risques (rares mais coûteux) Faible
en rapport avec les politiques
Instruments • Des gouvernements ou des donateurs s’engagent à Engagements anticipés de marché Engagements ex-ante de vente ou d’achat public Pilote
basés sur la transférer des ressources au secteur privé une fois que
performance certaines conditions décidées à l’avance sont réunies.
• Le secteur privé bénéficie d’une marge de manœuvre Bons de développement social Contrat conditionnel avec l’investisseur portant sur le Pilote
pour présenter des résultats (et non des produits) et remboursement ou la production de résultats prouvant
peut, par exemple, faciliter un engagement crédible du les effets de l’investissement
gouvernement à respecter les échéanciers lorsque des
mises de fonds initiales importantes sont requises.
Partenariats • Modalités de coopération avec le secteur privé reposant sur une combinaison d’institutions ou de résultats négociés Moyenne
public-privé • Nécessite d’autres intrants (par exemple de l’expérience et des projets finançables) en sus de l’utilisation des instruments financiers énumérés
• Les donateurs peuvent faciliter ces partenariats en:
 Fournissant une assistance technique et/ou des moyens de préparation des projets qui apportent un appui tant au gouvernement qu’au secteur privé;
 Demandant aux organisations multilatérales de renforcer leurs efforts de facilitation de ces partenariats;
Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

 Fournissant d’autres incitations financières propres à rendre ces partenariats plus avantageux.
V. Gouvernance mondiale
en vue du financement du
développement durable

Pour mobiliser les financements évoqués en détail dans la section précédente et


pour en faciliter l’utilisation effective conformément aux priorités nationales, il
est nécessaire de disposer d’un environnement international favorable et d’une
architecture de politique qui offre la marge de manœuvre nécessaire pour appli-
quer des stratégies nationales efficaces de développement durable. Cela suppose
des systèmes commerciaux et d’investissement mondiaux ouverts et dynamiques
jugés équitables par tous, qui appuient le développement durable et la réduction
de la pauvreté et qui respectent les normes sociales et environnementales. Un
environnement international favorable qui limite la fragmentation et la com-
plexité du financement international public (y compris les financements consacrés
à l’environnement) assurerait une capitalisation appropriée des fonds existants
ainsi que la simplification et l’harmonisation des règles applicables aux fonds
publics internationaux (voir sect. IV.C). Il permettrait d’élargir la coopération
internationale sur le financement novateur, en particulier en ce qui concerne
les biens publics mondiaux. Un environnement international favorable recouvre
une coopération mondiale active tendant à supprimer les sources d’instabilité
financière internationale, tout en veillant à réduire la fragilité financière mondiale.
D’autres actions sont nécessaires dans cet environnement : achever les réformes
en cours des banques de développement et du FMI, renforcer la coopération
internationale sur les taxes et les flux illicites, réguler les banques et les systèmes
bancaires parallèles et renforcer les moyens de résoudre par la coopération les dif-
ficultés liées à la dette souveraine. Bref, cet environnement suppose un partenariat
mondial renforcé en vue du développement durable.

Renforcer la cohérence systémique et la gouvernance


économique mondiale
L’environnement économique mondial est supervisé par des entités internatio-
nales distinctes et parfois non coordonnées. Conformément à son mandat actuel,
l’Organisation des Nations Unies peut constituer le forum mondial réunissant
les institutions financières spécialisées et les autorités concernées sans remettre en
cause leurs mandats respectifs ni leurs processus de gouvernance. Il est également
nécessaire au sein du système des Nations Unies de renforcer la cohérence des
cadres de financement nés de deux grandes tribunes du débat sur le dévelop-
pement : la Conférence de Monterrey sur le financement du développement et
la Conférence sur le développement durable, tenue à Rio, ainsi que les moyens
d’exécution. Plus généralement, il est nécessaire de renforcer l’intégration et
l’harmonisation des mécanismes, cadres et instruments internationaux existants,
46 Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

notamment par l’intermédiaire du Conseil des chefs de secrétariat des organismes


des Nations Unies pour la coordination, tout en évitant autant que possible la
prolifération de nouveaux instruments d’appui.
L’efficacité et la légitimité des organisations internationales doivent égale-
ment être renforcées. Les institutions financières internationales, y compris la
Banque mondiale et les autres banques internationales de développement ainsi que
les mécanismes spécialisés comme le Fonds pour l’environnement mondial et le
Fonds vert pour le climat, peuvent accentuer la mobilisation et le déploiement du
financement du développement durable et faciliter l’apprentissage et le partage de
connaissances dans le cadre de leurs mandats respectifs. Il est important que les
institutions financières internationales continuent de prendre des mesures pour
aligner leurs propres pratiques sur les objectifs de développement durable. D’autres
initiatives proposées, comme la mise en commun des réserves et les mécanismes
de facilitation des échanges ont également un rôle à jouer. La communauté inter-
nationale tirera profit de cette expérimentation et de cette innovation.
De plus, il est nécessaire d’examiner de plus près les régimes de gouvernance
des institutions financières internationales afin d’actualiser leurs procédures de
prise de décisions, leur modus operandi et leurs priorités, et de les rendre plus
démocratiques et plus représentatives. Le FMI et la Banque mondiale s’efforcent
d’intégrer davantage des voix des marchés émergents et des pays en développe-
ment, pour tenir compte de leur importance croissante dans la finance mondiale
et la sphère du développement. Ces efforts devraient porter des fruits.
Il faudrait améliorer la coordination mondiale, régionale et nationale
des activités normatives, analytiques et opérationnelles des Nations Unies, qui
devraient également redoubler d’efforts pour la mise en œuvre intégrale des dispo-
sitions de la résolution 67/226 de l’Assemblée générale sur l’examen quadriennal
complet des activités opérationnelles de développement du système des Nations
Unies et faire davantage de progrès pour réaliser le concept « Unis dans l’action ».
Dans l’ensemble, il est important d’encourager la flexibilité, l’efficacité, la trans-
parence, la responsabilisation et l’innovation au sein des cadres institutionnels
existants afin de promouvoir une coopération et des partenariats plus efficaces,
en particulier en ce qui concerne la mise en œuvre du programme de développe-
ment pour l’après-2015.

Adopter des règles commerciales et d’investissement justes


et propices au développement durable
À l’heure de la mondialisation, les économies cherchent à bénéficier de possibi-
lités commerciales et d’investissement dynamiques. Le commerce international
est placé sous la surveillance d’un système convenu au plan multilatéral censé
être universel, fondé sur les règles, ouvert, non discriminatoire et équitable. En
même temps, il y a de nombreux accords bilatéraux et régionaux qui définissent
des règles traditionnelles applicables au commerce et aux investissements inter-
nationaux.
Les négociations mondiales sur le renforcement des règles du commerce
international sont bloquées depuis de nombreuses années. La neuvième Con-
férence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), tenue
à Bali (Indonésie) en décembre 2013, a abouti à un ensemble d’accords visant à
faire avancer le programme sur le commerce multilatéral (notamment un accord
Gouvernance mondiale en vue du financement du développement durable 47

sur la facilitation des échanges et une série de décisions sur l’agriculture, le dével-
oppement et les PMA), mais les désaccords restants en ont bloqué l’adoption
officielle. D’autres questions relatives au développement durable sont incluses
dans le mandat du Cycle de Doha, notamment la libéralisation du commerce
des biens et services pour la protection de l’environnement et la mise en œuvre
de l’accès de tous les PMA aux marchés, en franchise de droits et hors quota. Les
ministres de l’OMC se sont engagés à examiner un programme de travail final
pour conclure le Cycle des négociations multilatérales de Doha qui ont com-
mencé en 2001. Il est temps de résoudre des questions politiquement sensibles
comme les subventions aux exportations agricoles et de faire comprendre qu’une
coopération internationale est encore possible sur la libéralisation des échanges
dans l’intérêt du développement à l’échelle mondiale.
L’initiative Aide pour le commerce et le Cadre intégré renforcé pour
l’assistance technique et le commerce en faveur des pays les moins avancés sont
d’une importance particulière pour faciliter davantage la participation des pays
les plus pauvres au système commercial international, en fonction des stratégies
élaborées et exécutées à l’échelon national. L’assistance technique liée au com-
merce, le renforcement des capacités et la facilitation des échanges ainsi que les
efforts visant à intégrer le commerce dans les politiques de développement sont
autant d’aspects qu’il faudrait renforcer.
De plus, la prévalence accrue des chaînes de valeur mondiales resserre le lien
entre commerce et investissement direct étranger67. Pour parvenir à un meilleur
équilibre entre les droits des investisseurs et la capacité qu’ont les États bénéfici-
aires, en tant que puissance publique, de réglementer des domaines d’intérêt pub-
lic, la communauté internationale pourrait envisager, le cas échéant, d’élaborer
davantage les normes relatives à l’investissement dans des domaines qui influent
directement sur les résultats du développement durable au niveau national, et de
faire en sorte que les investissements ne sapent pas les normes internationales des
droits de l’homme.
De façon générale, la prolifération des accords d’investissements bilaté-
raux et autres accords commerciaux englobant des questions d’investissement
rend plus difficile la prise en compte du développement durable dans les régimes
d’investissement. Les pays en développement ont de plus en plus de mal à déchif-
frer un régime d’investissement international fortement fragmenté, ce qui risque
également de réduire la marge de manœuvre des pays d’accueil. Il faudrait envis-
ager les régimes d’investissement international sous une approche multilatérale
et parvenir à un meilleur équilibre entre les préférences des investisseurs et les
besoins des résidents des pays dans lesquels ils opèrent, l’objectif étant de faciliter
une approche globale au profit du développement durable.

Renforcer la stabilité financière mondiale


Depuis les crises financière et économique mondiales survenues en 2007 – 2008,
la communauté internationale a pris des mesures importantes pour remédier à la
vulnérabilité du secteur financier par une réforme de la réglementation financière.

67 D’après la contribution préparée par la CNUCED sur le rôle du commerce dans le


financement du développement durable en vue des débats du Comité intergouverne-
mental d’experts sur le financement du développement durable.
48 Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

Les régulateurs doivent trouver un juste milieu entre le souci d’assurer la stabilité
du système financier international et celui de permettre un accès suffisant au
financement, dans le cadre de ces efforts et dans toute nouvelle réglementation.
Il est indispensable de se doter d’un système stable pour appuyer la croissance et
empêcher de futures crises aux conséquences économiques et sociales négatives.
Cependant, les conséquences non souhaitées de la réglementation financière
peuvent avoir des effets négatifs sur la disponibilité du financement à long terme
et devraient donc être résolues par les décideurs.
Pour améliorer la stabilité du système financier mondial, il est indispensable
de se rapprocher de la conclusion et de la mise en œuvre du programme de la
réforme. La réforme de la réglementation financière s’effectue par l’intermédiaire
d’organes internationaux qui recommandent les règles et la réglementation que
chaque gouvernement adopte par la suite dans la pratique nationale. Si le proces-
sus de la consultation a été adopté par les organes réglementaires internationaux,
comme le Conseil de l’instabilité financière, d’autres mesures doivent être prises
pour renforcer la transparence et la représentation suffisante des intérêts des pays
en développement dans les principaux organes en question.
Il est tout aussi important que le système international soit encore plus prêt
à répondre aux crises. La communauté internationale devrait continuer de revoir
les moyens dont le FMI et d’autres organisations internationales disposent pour
lancer une alerte précoce et prendre rapidement des mesures anticycliques, et
les doter d’instruments adéquats propres à améliorer leur adaptation au système
financier mondial.
En particulier, un système financier international plus stable et un filet de
sécurité mondial renforcé peuvent épargner aux pays le besoin d’accumuler des
réserves internationales. Il faudrait mener les études supplémentaires sur le mont-
ant approprié des réserves, ainsi que sur d’autres mécanismes d’assurance, tels que
ceux fondés sur la coopération régionale.

Renforcer la coopération régionale


Une coopération régionale renforcée peut jouer un rôle important dans la mobili-
sation de ressources financières destinées au développement durable. Des accords
régionaux efficaces peuvent, notamment, fournir le financement de biens publics
régionaux, faciliter des flux commerciaux et attirer des investissements dans des
secteurs clefs comme celui des infrastructures. La coopération régionale offre
également d’excellentes occasions d’échange d’informations et de transmission
du savoir entre pairs dans les domaines budgétaire, financier et économique. De
plus, la récente crise financière et économique a porté une attention nouvelle
sur le fait que les mécanismes financiers régionaux de stabilité (comme le Fonds
latino-américain de réserve ou l’Initiative de Chiang Mai) puissent constituer la
première ligne de défense contre la contagion des crises mondiales.

Renforcer la coopération internationale en matière de fiscalité


La fiscalité internationale et les lois fiscales nationales n’ont pas progressé au même
rythme que les changements intervenus dans l’économie mondiale, comme les
flux de capitaux très mouvants et la prédominance des sociétés multinationales
dans le commerce et la finance au niveau international. Les pays établissent
Gouvernance mondiale en vue du financement du développement durable 49

leur propre fiscalité pour répondre à des besoins intérieurs, généralement sans
coordination avec les autorités fiscales étrangères. Cette situation permet aux
sociétés multinationales et aux investisseurs internationaux d’échapper à l’impôt
en restructurant leurs opérations internationales de manière à tirer parti des
différences de fiscalité nationale. Même lorsque les gouvernements coopèrent et
élaborent des conventions fiscales bilatérales, leurs dispositions diffèrent selon
les partenaires, ce qui autorise les sociétés multinationales à exploiter ces dif-
férences à leur profit (recherche de l’accord le plus favorable). Les sociétés mul-
tinationales profitent également des différences de politique fiscale nationale
en falsifiant les prix des opérations intragroupe (prix erronés des transferts) et
en exploitant les disparités relevées dans la description des caractéristiques des
entités et des instruments.
Chaque pays étant responsable de sa propre fiscalité, il convient de renforcer
la coopération internationale sur les politiques fiscales, ce qui pourrait englober
l’établissement de rapports de pays, la notification des destinataires, l’échange
automatique d’informations fiscales, la réglementation sur le prix des transferts,
les listes des paradis fiscaux et les normes relatives à l’établissement de rapports
non économiques. Les dirigeants du Groupe des Vingt ont approuvé le Plan
d’action concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices,
élaboré par l’OCDE, ainsi que l’échange automatique d’informations. Du fait de
sa composition et de sa légitimité universelles, l’Organisation des Nations Unies
pourrait être un catalyseur du renforcement de la coopération internationale dans
ce domaine, en collaboration avec le Groupe des Vingt, l’OCDE, le FMI, la
Banque mondiale et les organisations régionales pertinentes. À cet égard, il faud-
rait renforcer un dialogue participatif et élargi sur la coopération internationale
en matière fiscale.
En raison du manque de ressources et de savoirs spécialisés, de nombreux
pays en développement sont pénalisés face aux pratiques visant à échapper à
l’impôt. Par conséquent, les mesures relatives au renforcement des capacités pour-
raient porter davantage sur les questions concernant la fiscalité internationale.

Lutter contre les flux financiers illicites


Outre les politiques de lutte contre la falsification du coût des transferts dans le
but d’échapper à l’impôt, comme indiqué ci-dessus, il faudrait faire un meilleur
usage des normes et des instruments internationaux existant dans le domaine de
la lutte contre le blanchiment d’argent (le Groupe d’action financière et son réseau
d’entités régionales), de la lutte contre la corruption (Convention des Nations
Unies contre la corruption) et du recouvrement des avoirs (Initiative pour le
recouvrement des avoirs volés).
L’évasion fiscale, le blanchiment d’argent et la corruption sont facilités par
des juridictions dotées d’un régime réglementaire permettant aux entreprises et
aux particuliers de bien cacher l’argent. D’où la nécessité de mesures visant à min-
imiser les flux de capitaux à destination de centres fiscaux offshore et à instituer
une coopération internationale permettant d’accroître la transparence financière.
Il s’agit notamment de l’échange d’informations, de l’établissement de rapports
sur chaque pays et de la publication du registre des sociétés et de leur propriété
réelle, de la mise en œuvre effective des normes établies par le Groupe d’action
financière et du recouvrement des avoirs.
50 Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

Renforcer la prévention et la résolution des crises liées à la


dette souveraine
Les crises liées à la dette souveraine ont sérieusement entravé les efforts déployés
par les pays pour financer le développement durable, entraînant souvent une
spirale de fuites de capitaux, de dévaluations, de hausses des taux d’intérêt et du
chômage. Une gestion efficace de la dette tendant à prévenir les crises est donc
reconnue comme une priorité. Cependant, lorsque les crises surviennent, il est
nécessaire de les régler d’urgence, de manière équitable et rapide. La communauté
internationale a adopté et renforcé à plusieurs reprises un cadre global de règle-
ment des crises de la dette souveraine du groupe des pays pauvres très endettés. En
ce qui concerne la dette publique bilatérale, le Club de Paris et l’approche d’Évian
permettent de restructurer la dette à l’égard des membres du Club. Cependant,
de façon globale, le paysage a changé : l’initiative en faveur des pays pauvres très
endettés touche à sa fin et une dette importante est due aux pays non membres
du Club de Paris et au secteur privé.
Une étude des restructurations internationales récentes de la dette montre
que l’approche fondée sur le marché pour restructurer la dette des créanciers
privés demande à être améliorée davantage68. De nombreuses restructurations
sont jugées insuffisantes et sont souvent retardées, ce qui entraîne des coûts élevés
pour la population du pays débiteur. L’évolution récente, notamment le cas des
créanciers récalcitrants de l’Argentine, suscite de grandes préoccupations quant
à l’aptitude de ce type de créanciers à faire échouer la restructuration de la dette,
tant pour les pays développés que pour les pays en développement.
Deux autres solutions sont généralement proposées pour régler la restruc-
turation de la dette souveraine : une approche contractuelle fondée sur le marché
à partir des dispositions figurant dans les contrats telles que la clause d’action
collective dans les pactes entre détenteurs d’obligations, et une approche statut-
aire proche du régime national des faillites. En 2003, en partie pour répondre
au défaut de paiement de l’Argentine en 2002, le FMI a proposé un mécan-
isme de restructuration de la dette souveraine, qui n’a guère mobilisé d’appui
politique à l’époque. Au contraire, l’utilisation de la clause d’action collective
s’est répandue dans les émissions d’obligations des marchés émergents. En 2005,
la quasi-totalité des nouvelles obligations internationales émises comportaient
une clause d’action collective, même si une proportion importante d’obligations
dépourvues de cette clause étaient encore impayées. Toutefois, certains auteurs
estiment que la présence de cette clause à elle seule ne suffit pas pour assurer une
restructuration équitable et effective de la dette dans tous les cas69. L’inclusion

68 FMI, « Sovereign Debt Restructuring — Recent Developments and Implications for the
Fund’s Legal and Policy Framework » (Washington, avril 2013).
69 Voir Ran Bi, Marcos Chamon et Jeromin Zettelmeyer, « The Problem that Wasn’t:
Coordination Failures in Sovereign Debt Restructurings », document de travail no
WP/11/265 (Washington, FMI, 2011); Michael Bradley, James D. Cox et Mitu Gulati,
« The Market Reaction to Legal Shocks and Their Antidotes: Lessons from the Sove-
reign Debt Market », Journal of Legal Studies, vol. 39, no 1 (janvier 2010); Udaibir S.
Das, Michael G. Papaioannou et Christoph Trebesch, « Sovereign Debt Restructu-
rings 1950-2010: Literature Survey, Data, and Stylized Facts », document de travail no
WP/12/203 (Washington, FMI, 2012); et Joseph Stiglitz, Globalization and its Discon-
tents (New York, W.W. Norton & Company, 2002).
Gouvernance mondiale en vue du financement du développement durable 51

de clauses d’agrégation pourrait contribuer à rendre les clauses d’action collective


plus efficaces s’agissant des créanciers récalcitrants.
Le débat sur la manière d’améliorer le cadre relatif à la restructuration de la
dette souveraine des pays surendettés se tient dans plusieurs forums officiels, au
sein des groupes de réflexion et dans le secteur privé. En particulier, des travaux
sont menés au sein du système des Nations Unies, notamment au FMI, au Dépar-
tement des affaires économiques et sociales du Secrétariat et à la CNUCED70.
En outre, il est demandé que des mesures soient prises pour une restructuration
effective et équitable de la dette souveraine et pour la création d’un mécanisme
de règlement de la dette, en tenant compte des cadres et principes existants, en y
associant largement créanciers et débiteurs, et que tous les créanciers soient traités
de façon comparable. Compte tenu du poids des crises liées à la dette souveraine
et du surendettement au regard du financement du développement durable, il est
important que la communauté internationale continue de déployer des efforts
pour améliorer l’architecture existante concernant la restructuration de la dette
souveraine. Par ailleurs, il serait indiqué de disposer, grâce à la collaboration, de
données récentes et exhaustives sur la dette souveraine, reposant sur les systèmes
de notification par les créanciers comme par les débiteurs, si l’on veut que les
évaluations de la viabilité de l’endettement d’un pays soient plus fiables.

Promouvoir des systèmes harmonisés de contrôle et de


comptabilité et une révolution des données
Pour améliorer la gouvernance mondiale ainsi que le suivi du développement
durable, il faut des données solides, pertinentes et comparables. Or, les flux d’in-
formations actuels, les normes publication des données et les mécanismes de suivi
se chevauchent, se contredisent, présentent une couverture incomplète et sont
parfois inaccessibles aux acteurs du développement. Pour améliorer la qualité des
statistiques, il est important de réduire la fragmentation des cadres et initiatives
actuels de présentation des données et de mieux les harmoniser. La communauté
internationale devrait convenir de cadres de suivi appropriés du programme de
développement pour l’après-2015, qui suivent de près les flux de financement du
développement de toutes origines, et publier de façon transparente et distincte
les engagements en faveur du financement du développement et ceux relatifs au
climat. Il faudrait également s’efforcer d’harmoniser et d’intégrer davantage les
cadres de suivi et de comptabilité afin de pouvoir examiner toutes les sources de
financement ainsi que leur interaction au niveau national. En outre, il faudrait
améliorer les mécanismes de suivi et de présentation de rapports existants pour
éviter d’encourager l’utilisation d’instruments qui n’appuient pas les objectifs de
développement durable.
En conséquence, il faudrait renforcer les capacités statistiques nationales.
Les initiatives de renforcement des capacités et les échanges d’expériences et de
pratiques devraient particulièrement appuyer, dans les pays en développement et
les PMA, le suivi, le contrôle et l’évaluation de l’impact et des résultats des diffé-
rents types de flux de financement. Des capacités nationales améliorées de suivi et
de comptabilité des flux financiers, notamment par l’adoption de normes appro-

70 Voir « Draft principles on promoting responsible sovereign lending and borrowing »,


consultable à l’adresse http://unctad.org/en/Docs/gdsddf2011misc1_en.pdf.
52 Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

priées et l’établissement de rapports à l’échelle nationale, favorisent la responsa-


bilisation mutuelle et la transparence générale. Il faudrait envisager davantage
la possibilité de combiner des mécanismes actifs (comme l’établissement de rap-
ports) et passifs (par exemple, un site Web) en la matière pour assurer divulgation
et transparence auprès des parties prenantes, des mandats et des bénéficiaires.
Pour faciliter le partage de données, par exemple sur les financements mix-
tes, les acteurs concernés pourraient établir un protocole de données de recherche,
qui s’appuierait sur les normes de notification existantes et pourrait servir à col-
lecter des données liées à des projets et les rendre publiques.
Les travaux menés récemment par la Banque mondiale constituent un bon
point de départ pour l’évaluation des besoins de développement durable, ainsi
que les priorités en matière de politique et de financement pour les résoudre, à
partir d’un outil de diagnostic fondé sur un modèle et s’inspirant d’une base de
données regroupant de nombreux pays. Appliquée à l’Ouganda comme projet
pilote, l’analyse a été étendue à 10 autres pays aux caractéristiques diverses.

Renforcer les partenariats mondiaux pour faciliter une


coopération efficace en vue du développement durable
Le partenariat mondial pour le développement, énoncé dans l’objectif 8
du Millénaire pour le développement et dans le Consensus de Monterrey,
représente un ensemble d’engagements tant des pays développés que des pays
en développement, concernant la promotion du développement. Le programme
de développement pour l’après-2015 devra reposer sur un partenariat mondial
renouvelé et renforcé en vue du développement durable, définissant un ensemble
d’engagements des États Membres de l’Organisation des Nations Unies, tout en
prévoyant l’espace et la souplesse permettant d’y associer des parties prenantes
diverses. Il existe des plateformes mondiales tendant à améliorer l’impact et
l’efficacité de la coopération pour le développement, il s’agit notamment du
Forum pour la coopération en matière de développement des Nations Unies et
d’autres initiatives (voir sect. IV.C).
Une coopération effective en vue du développement durable (y compris
les aspects de son financement) suppose un partenariat mondial prévoyant la
contribution constructive et la participation active des pays en développement et
des pays développés, des institutions multilatérales et bilatérales de développement
et des institutions financières multilatérales et bilatérales, des parlements, des
autorités locales, des entités du secteur privé, des fondations philanthropiques, des
organisations de la société civile et d’autres parties prenantes. Les efforts déployés
actuellement pour renforcer le partenariat mondial en vue de la coopération pour
le développement durable devraient tenir compte des conférences pertinentes
des Nations Unies et autres initiatives et reposer, entre autres, sur les principes
d’appropriation nationale, d’orientation vers les résultats, d’exécution dans le
cadre de partenariats n’excluant personne, de transparence et de responsabilité
réciproque. Il convient d’appliquer, dans ce contexte, le caractère complémentaire
de la coopération Sud-Sud et de la coopération Nord-Sud. Dans le cadre du
programme de développement pour l’après-2015, il faudrait poursuivre et
renforcer le processus tendant à accentuer l’impact et l’efficacité de la coopération
pour le développement.
VI. Conclusions

Le Comité a présenté dans les pages qui précèdent les conclusions tirées des
travaux qu’il a menés ces 12 derniers mois. Il espère que les grandes options
figurant dans le présent rapport et l’orientation stratégique de ses travaux consti-
tueront le point de départ du débat futur sur le financement du développement
durable et, conjuguées au rapport du Groupe de travail ouvert sur les objectifs de
développement durable, enrichiront les négociations intergouvernementales sur
le programme de développement pour l’après-2015.
Le Comité espère que les recommandations et l’analyse formulées dans le
présent rapport contribueront à stimuler le débat que mèneront toutes les par-
ties prenantes et à susciter des idées nouvelles et des solutions novatrices. Un
grand nombre de ces recommandations préconisent des échanges d’idées et
d’expériences entre pays ainsi qu’une coopération internationale accrue fondée sur
un partenariat mondial renouvelé pour le développement durable. La troisième
Conférence internationale sur le financement du développement, qui doit se tenir
à Addis-Abeba du 13 au 16 juillet 2015 (voir résolution 68/279 de l’Assemblée
générale) et ses préparatifs regrouperont l’ensemble des parties prenantes et seront
une occasion de faire avancer le débat. Le Comité se réjouit d’avance des progrès
qui seront accomplis dans ces domaines, dans le contexte de la troisième Confé-
rence internationale et au-delà.
55

Annexe

Composition du Comité
intergouvernemental d’experts sur le
financement du développement durable
Les cinq groupes régionaux ont nommé les représentants de 39 pays pour siéger
au Comité. À chaque session, 30 experts siègent en qualité de membres, les autres
étant suppléants.

Coprésidents
1. Mansur Muhtar, Nigéria (sessions 1 à 5)
2. Pertti Majanen, Finlande (sessions 1 à 5)

Groupe des États d’Afrique


1. André Lohayo Djamba, République démocratique du Congo
(sessions 1 à 5)
2. Admasu Nebebe, Éthiopie (sessions 1 à 5)
3. Karamokoba Camara, Guinée (sessions 1 à 5)
4. Ahmed Jehani, Libye (sessions 1 à 5)
5. Mansur Muhtar, Nigéria (sessions 1 à 5)
6. Lydia Greyling, Afrique du Sud (sessions 1 à 5)
7. Joseph Enyimu, Ouganda (sessions 1 à 5)
8. Ali Mansoor, Maurice (suppléant pour les sessions 1 à 5)

Groupe des États d’Asie et du Pacifique


1. Zou Ji, Chine (sessions 1, 2, 3 et 4, suppléant pour la session 5)
2. Rajasree Ray, Inde (sessions 2, 3, 4 et 5, suppléant pour la
session 1)
3. Lukita Dinarsyah, Indonesie (sessions 1 à 5)
4. Mohammad Reza Farzin, République islamique d’Iran (ses-
sions 1, 2, 4 et 5, suppléant pour la session 3)
5. Aiboshi Koichi, Japon (sessions 1 et 2), Takeshi Ohsuga,
Japon (sessions 3, 4 et 5)
6. Amjad Mahmood, Pakistan (sessions 1, 2, 3 et 5, suppléant
pour la session 4)
7. Sung Moon Up, République de Corée (sessions 1 à 5)
8. Khalid Al Khudairy, Arabie saoudite (sessions 1, 3, 4 et 5,
suppléant pour la session 2)
56 Rapport du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

Groupe des États d’Amérique latine et des Caraïbes


1. Chet Neymour, Bahamas (sessions 3 et 4, suppléant pour les
sessions 1, 2 et 5)
2. Francisco Gaetani, Brésil (sessions 1, 2 et 3, suppléant pour
les sessions 4 et 5)
3. Eduardo Gálvez, Chili (sessions 1, 2 et 3, suppléant pour les
sessions 4 et 5)
4. Saúl Weisleder, Costa Rica (sessions 4 et 5, suppléant pour les
sessions 1, 2 et 3)
5. Dulce María Buergo Rodríguez, Cuba (sessions 1 à 5)
6. Janet Wallace, Jamaïque (sessions 1, 2 et 5, suppléant pour les
sessions 3 et 4)
7. Reginald Darius, Sainte-Lucie (sessions 1, 2, 4 et 5, suppléant
pour la session 3)
8. Gaston Lasarte, Uruguay (sessions 4 et 5, suppléant pour les
sessions 1, 2 et 3)
9. Samuel Moncada, Venezuela (sessions 1, 2 et 3), Cristiane
Engelbrecht, Venezuela (sessions 4 et 5)
10. Troy Torrington, Guyana (session 3, suppléant pour les ses-
sions 1, 2, 4 et 5)
11. Jaime Hermida Castillo, Nicaragua (suppléant pour les ses-
sions 1 à 5)

Groupe des États d’Europe et autres


1. Nathan Dal Bon, Australie (sessions 1 à 5)
2. Pertti Majanen, Finlande (sessions 1 à 5)
3. Anthony Requin, France (sessions 1 à 5)
4. Norbert Kloppenburg, Allemagne (sessions 1 à 5)
5. Liz Ditchburn, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et
d’Irlande du Nord (sessions 1 à 5)
6. Antonios Zairis, Grèce (suppléant pour les sessions 1 à 5)
7. Özgür Pehlivan, Turquie (suppléant pour les sessions 1 à 5)

Groupe des États d’Europe orientale


1. Emiliya Kraeva, Bulgarie (sessions 1 à 5)
2. Tõnis Saar, Estonie (sessions 1 à 5)
3. Viktor Zagrekov, Fédération de Russie (sessions 1 à 5)
4. Vladan Zdravkovič, Serbie (sessions 1 et 3), Dragan
Županjevac, Serbie (sessions 2, 4 et 5)
5. František Ružička, Slovaquie (sessions 1 à 5)

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