Cours Droit Administratif Local
Cours Droit Administratif Local
Cours Droit Administratif Local
Introduction :
Aborder l’étude du droit administratif local suppose sa mise en parallèle avec le droit
administratif général qui est défini comme le droit applicable à l’administration, c’est-à-dire à
l’ensemble des règles juridiques relatives à son organisation, à son activité et au contrôle qui
s’exerce sur elle. De manière générale, le droit administratif est le corps de règle qui présente
la particularité d’être différente des règles applicables aux particuliers et soumises au contrôle
d’une juridiction administrative1. Ce corps de règles s’applique à l’administration qui est
regardée comme « un ensemble organisé de service destiné à satisfaire les besoins d’intérêt
général ».
Le terme administration recouvre une réalité juridique complexe. Elle est composée
d’un certain nombre de personnes publiques. Au sommet se trouve l’État qui n’est pas
seulement une personne administrative, mais assume une fonction législative et
juridictionnelle. En dessous de l’Etat, on trouve les personnes publiques à caractère territorial.
C’est le cas des communes et des départements. On trouve également des services possédant
une autonomie, spécialisés et rattachés : ce sont les établissements publics.
Aussi, le droit administratif général englobe le droit administratif local qui lui, est
regardé comme partie intégrante du premier. Il peut être défini comme un ensemble de règles
applicables à l’administration locale et cette dernière correspond à un ensemble composé de
personnes publiques à caractère territorial. Avec la loi n°2013-10 du 28 décembre 2013
portant Code général des Collectivités locales, deux catégories de collectivités sont
consacrées : ce sont les départements et les communes.
1
Là, il faut nuancer en ce qui concerne le cas du Sénégal, car il n’existe pas une juridiction spécialisée dans le
contentieux administratif.
PARTIE I :
LES CARACTERISTIQUES DU DROIT ADMINISTRATIF LOCAL
Le droit administratif local présente un certain nombre de caractéristiques. La première est
que c’est un droit qui est né et a évolué avec la décentralisation (Chapitre I). C’est aussi un
droit dont l’autonomie est contestée (Chapitre II).
Avec la loi de 1972, naissent les communautés rurales. Elles regroupent un « certain
nombre de villages appartenant au même terroir unis par une solidarité résultant notamment
du voisinage, possédant des intérêts communs et capables de trouver les ressources
nécessaires à leur développement ». Le pouvoir de l’époque en créant la communauté rurale
avait souhaité traduire son idéologie du socialisme par une démocratisation de l’usage du sol
(loi 64-46 du 17 juin 1964 relative au domaine national).
Cette volonté de faire entrer la décentralisation dans le monde rural était mise en échec
par le fait que la fonction d’administration de crédits et d’ordonnateur des budgets des
communautés rurales était confiée au sous-préfet. Il a fallu attendre une de 1990 (loi 90-73 du
8 octobre) pour que ce pouvoir, jadis confié au représentant de l’Etat, revienne aux autorités
rurales. Cette loi supprime aussi le statut spécial qui était conféré aux villes chef-lieu de
région. Le processus de décentralisation va faire un grand bond avec les lois de 1996 et de
2013.
Malgré l’importance de cette réforme, la pratique effective a révélé qu’elle n’a pas
permis de réaliser les souhaits escomptés d’où une nouvelle réforme de la décentralisation
intervenue en 2013.
Cette nouvelle phase que ses initiateurs ont baptisé faussement d’ailleurs « acte 3 de
la décentralisation » a apporté quelques innovations principalement sur le plan
institutionnel :
1. D’abord, c’est l’érection du département en collectivité locale.
Le département qui était jusque-là qu’une simple circonscription administrative est élevé au
rang de collectivité locale. Désormais, il est considéré comme un échelon intermédiaire
favorisant une gouvernance locale et un développement territorial.
2. Deuxième innovation de la loi de 2013, c’est l’érection des communautés rurales et des
communes d’arrondissement en communes.
L’acte 3 pose le principe de la communalisation intégrale en supprimant les communautés
rurales créées en 1972 et les communes d’arrondissement instituées en …. Selon le discours
officiel, le clivage urbain/rural est porteur d’une faiblesse structurelle et fonctionnelle de la
décentralisation en entrainant un déséquilibre dans la distribution des ressources. Aussi, dans
l’esprit des initiateurs de la réforme, la suppression des communautés rurales répond-elle à un
double impératif : favoriser l’équité dans le traitement entre les différentes collectivités
locales. En effet, eu égard à leur statut, les communautés rurales étaient marginalisées surtout
dans l’allocation des ressources. Le second impératif s’inscrit dans une perspective de
rééquilibrage des fonctions territoriales. Cet objectif devait passer par une politique
d’aménagement globale et intégrée faisant de la commune le levier de développement local.
3. Troisième innovation : la suppression de la région comme collectivité locale.
La région, créée en 1996 comme collectivité locale, devient avec la nouvelle loi une simple
circonscription administrative. Ce changement de statut de la région s’inscrit globalement
dans un échec relatif de la politique de la décentralisation initié en 1996. La suppression peut
se justifier par la persistance de la confusion des rôles entre la région et les collectivités de
base que sont la commune et la communauté rurale ; ensuite par l’impossibilité pour la région
d’assurer ses fonctions de coordination et d’action de développement ; enfin par l’absence de
maitrise du territoire régional et d’un pouvoir financier propre.
Le législateur de 2013 a maintenu le statu quo ante par rapport aux principes posés par
le législateur de 1996. Ces principes sont l’égalité entre les différentes collectivités locales, la
forme unitaire de l’Etat, le transfert des moyens en même temps que les compétences et
l’équilibre entre la décentralisation et la déconcentration. C’est la première phase de l’« Acte
3 » de la décentralisation. Une deuxième phase est prévue pour parachever ce processus : elle
consistera en la mise en place des pôles territoriaux économiques dont l’objectif est
l’harmonisation et la mutualisation des potentialités économiques des collectivités locales. En
effet, l’Acte III vise généralement le renforcement des responsabilités des collectivités locales
en consacrant la territorialisation des politiques publiques. La territorialisation signifie inscrire
ces politiques publiques de manière coordonnée et complémentaire au sein des territoires et
doit aboutir à une appropriation de celles-ci par les acteurs concernés au niveau local.
S’inscrivant dans une perspective de clarification, de rationalisation et de simplification,
l’Acte III doit faire émerger les collectivités locales vers des territoires viables, compétitifs et
porteurs de développement.
Le service public local est soumis aux règles de droit commun du droit administratif.
La distinction traditionnelle entre SPA et SPIC est applicable au niveau local. Le régime des
biens des collectivités locales est également régi par le droit commun de l’administration. Les
collectivités locales sont tenues au respect des principes d’inaliénabilité, d’imprescriptibilité
et l’obligation d’entretenir les biens de leur domaine.
L’influence du droit administratif général est encore plus perceptible dans le régime
juridique de la police municipale. Dans l’exercice de ses compétences comme toutes autres
autorités administratives, le maire est soumis aux mêmes règles que les autres autorités
administratives de police. Dans l’exercice de ses pouvoirs de police, le maire ne doit pas
porter atteinte aux libertés individuelles et publiques. Les décisions du maire doivent être
motivées ….
Les dommages résultant de l’activité des collectivités publiques sont soumis aux
mêmes conditions d’engagement de la responsabilité des autres personnes publiques. Dans le
même sens, la responsabilité des collectivités locales peut être engagée en cas de faute même
en l’absence de faute.
Les actes administratifs locaux sont soumis en principe aux mêmes modalités
d’élaboration ou d’édiction. Ils prennent aussi fin dans les mêmes conditions. L’élaboration
des actes locaux est subordonnée aux mêmes conditions de légalité externe et interne que les
actes pris par les autres personnes morales de droit public. L’acte pris par une autorité locale
est soumis aux règles relatives à la compétence de l’auteur de l’acte, aux procédures et aux
formes. Par ailleurs, il doit respecter les conditions de légalité interne (motifs, but et objet).
L’acte local a la même force juridique que les autres actes administratifs. Ils sont soumis au
principe de non-rétroactivité. L’acte local prend fin dans les mêmes conditions que les autres
actes administratifs unilatéraux c'est-à-dire par retrait, abrogation ou la modification de l’acte.
Au niveau du contrôle des actes administratifs unilatéraux locaux, ce sont les mêmes
règles juridiques qui président la formation et les conditions de recevabilité du recours pour
excès de pouvoir. En matière de contrat, les conventions locales sont soumises au Code des
Obligations de l’Administration dans leur formation, leur exécution et leur contentieux. Les
marchés passés par les collectivités locales sont soumis au Code des marchés publics.
Au total, il apparait que le droit administratif local est fortement imprégné du droit
administratif général dans tous ses domaines. Il n’en demeure pas moins que le droit
administratif local présente un certain nombre de particularités qui ne fondent pas son
autonomie mais lui confèrent un caractère spécifique.
PARTIE II
Le droit administratif local : droit de l’organisation des
Collectivités Territoriales
L’aspect institutionnel renvoie aux compétences des collectivités locales (chapitre I) ainsi
qu’aux structures (chapitre 2).
La décentralisation repose donc sur deux idées essentielles : la première signifie que les
administrés sont liés par un destin commun. La seconde signifie que la gestion des affaires les
concernant ne peut être réussi que localement. Se pose alors un certain nombre de question :
qu’est-ce qu’une affaire locale ? qu’est-ce qu’une affaire propre ? mais la loi ne le précise pas.
Cette absence de définition introduit quelques difficultés pour la délimitation des compétences
dévolues aux Collectivités Territoriales. La formule « règle par ses délibérations les affaires »
appartient à la catégorie des notions floues et incertaines. A partir du moment où cette
compétence n’est pas donnée, il faudrait donc la construire.
Certains auteurs ont fait des propositions et ont mis en avant un certain nombre de
critère pour identifier une affaire locale.
1. Le critère de la territorialité : Les CT ne peuvent intervenir au-delà de leurs
compétences territoriales. C’est dans ce sens qu’il faut situer la décision du Conseil d’Etat
français du 11 juin 1997, Département de l’Oise. Dans cette affaire, le juge administratif a
estimé que le département ne pouvait légalement ou valablement subventionner la rénovation
d’une commune située dans un autre département.
2. Le critère de la finalité de l’acte : l’acte local doit viser un intérêt local. Ainsi, il a été
décidé que les actes des collectivités locales dont le but est un intérêt privé ne peuvent être
regardés comme des affaires locales. L’intérêt local est complexe parce qu’évolutif dans le
temps et l’espace. Il est comme l’intérêt général, une notion évolutive.
Au total, il existe une difficulté de donner un contenu précis à cette notion. Il existe une de
donné un à la notion d’affaire locale. Par exemple, il est difficile de distinguer une affaire
locale et une affaire nationale. Une affaire est dite nationale quand elle concerne toute entière,
l’État dans son ensemble. La sécurité des citoyens est une affaire nationale alors que le
ravitaillement en eau potable d’une localité sénégalaise est une affaire qui peut être regardée
comme une affaire locale. En réalité, sera considérée comme une affaire nationale ou locale
celle que le législateur qualifiera comme tel et cette qualification peut varier à l’image de
l’intérêt général.
La question de savoir si le pouvoir règlementaire local peut s’exercer en lieu et place que
celui du premier ministre a fait l’objet de débat en France. Mais c’est une loi de 2003 relative
à la constitution qui précise que « dans les conditions prévues par les lois, les collectivités
s’administrent librement par des conseils élues et disposent d’un pouvoir réglementaire pour
l’exercice de leurs compétences ». L’article 102 de la constitution sénégalaise
s’emble s’inscrire dans ce même sens, il dispose que « les CT constituent le cadre
institutionnel de la participation des citoyens à la gestion des affaires publiques. Elles
s’administrent librement par des assemblées élues au suffrage universel direct. Elles
participent à la territorialisation des politiques publiques, à la mise en œuvre de la politique
générale de l’État ainsi qu’à l’élaboration et au suivi des programmes de développement
spécifique à leur territoire ».
A l’occasion des débats posées en France relatifs à la décentralisation, plusieurs auteurs ont
affirmé l’existence d’un authentique Pouvoir Règlementaire Local.
Comme le note Jean Éric SCHOELT « les compétences des autorités décentralisées ne
se réduisent à la capacité d’effectuer des opérations matérielles, de passer des contrats ou de
prendre des décisions individuelles. L’exercice de la compétence transférée réside souvent
dans le pouvoir de fixer des règles générales. »
A l’occasion des débats de 2003, certains parlementaires ont repris à leurs comptes cette
conception en proposant une nouvelle rédaction de la constitution en son article 21 en
proposant la formule suivante : « sous réserve des dispositions de l’article 72, le PM exerce le
pouvoir réglementaire. » Certains amendements mettaient ainsi sur le même plan les deux
pouvoirs réglementaires (Premier Ministre – autorités locales) comme le relève le rapport
Garrec, la disposition du projet n’apportait rien au « droit existant si elle ne s’accompagnait
pas d’une modification de l’article 21 de la constitution » destiné à permettre au CT de se voir
confier un pouvoir réglementaire d’application des lois exclusif de celui du premier ministre.
Finalement, le problème est resté entière (on n’a pas tranché). Et la question est toujours de
savoir si les CT disposent d’une compétence réglementaire de principe (première thèse) ou
d’une compétence résiduelle (deuxième thèse). A cette question la jurisprudence a apporté
une réponse.
Le Conseil d’Etat a dégagé des solutions classiques reconnaissant la primauté de la loi et les
possibilités d’édicter des décrets sans restriction. Le Pouvoir Réglementaire Local existe, mais
il n’est ni initial ni autonome. Il est résiduel, subsidiaire par rapport à celui du Premier
Ministre. Il ne saurait donc entrer en concurrence avec celui du premier ministre. Les mesures
réglementaires locales sont régulières si elles respectent les critères et les prescriptions
énoncés par la loi et si l’édiction par les autorités de l’état d’un texte réglementaire n’est pas
nécessaire (voir à ce propos CE de Décembre 1994 commune de Guers, recueil 522 ; CE 05
octobre 1998 commune de Long jumeau, petite affiche 1999 nº94.
Le maire est aussi le représentant du pouvoir exécutif auprès des populations dans sa
circonscription. Il est ainsi chargé sous l’autorité du représentant de l’Etat, de l’application et
de l’exécution des lois, des règlements et des décisions du pouvoir exécutif. Le maire est
assisté dans l’exécution de ses missions par le bureau municipal.
PARTIE III :
L’ASPECT RELATIONNEL DU DROIT ADMINISTRATIF
LOCAL
Les collectivités disposent chacune d’une administration qui assure la réalisation des missions
d’intérêt générale dont elles ont été investies. Cette action répond aux mêmes formes et
s’exerce dans le même cadre juridique que celui de l’action administrative étatique. L’activité
administrative locale obéit à une finalité (chapitre I). A cette fin, l’administration dispose de
moyens juridiques que sont les actes administratifs, les contrats administratifs dont la mise en
œuvre entraine un contentieux (chapitre II).
Chapitre I : les finalités de l’action administrative locale
Pour assurer les missions d’intérêt générale qui leurs incombent, les CT réalisent des activités
de prestation et prescription. On retrouve ici les caractéristiques du droit de l’action
administrative fondés sur la dichotomie prescription - prestation (service public - police
administrative). Le droit administratif local comporte cependant quelques particularités
relatives aux modalités de réalisations des activités …. Et des services publics des CT d’où
l’intérêt d’analyser successivement le service public local et la police administrative locale
(section 2).
A- Le critère organique
La notion de service publique local est consubstantielle à la décentralisation. Elle est devenue
une notion autonome du droit des services publics qu’il faut définir. Relativement à l’élément
organique, le SP est généralement conçu comme une activité de prestation assurée ou assumée
par une autorité publique (René Chapus). Cette définition reste valable pour tout SP à la
nuance que les services publics locaux exigent une conception plus restreinte du critère
organique. Ainsi, ne peuvent être considéré comme relevant de la catégorie des SP locaux que
les SP assurée ou assumée par les autorités locales, les CT. Cela signifie que les SP gérés par
une administration centrale ou déconcentrée ne peuvent être considéré comme des services
publics locaux. Le critère de rattachement à une CT est une exigence.
B- Le critère finaliste
Il permet de définir le SP sous l’angle de sa finalité, la satisfaction de l’intérêt général local.
Dans le cadre de la décentralisation, une distinction doit être établie entre l’intérêt Général
garantit par l’Etat et l’intérêt local qui est du ressort des CT. Lorsque les CT mettent en place
des SP, elles doivent le faire en vue de satisfaire des intérêts propres de leurs localités.
Finalement, le SP local est une activité de prestation gérée par les CT en vue de satisfaire des
missions d’intérêt général.
S’agissant de la carence de l’initiative privée, il peut s’agir d’une absence pure et simple
mais aussi d’une insuffisance qualitative ou quantitative. Quant au besoin local, il peut
regrouper des activités aussi diverses que variées comme le logement, la distribution de l’eau,
les transports ou même les loisirs.
Si ces solutions sont toujours valables à l’heur actuel, l’appréciation de la question de
l’interventionnisme des … fera l’objet d’un renouveau (voire à ce propos 31 mai 2006 Ordre
des avocats au barreau de paris). Si la jurisprudence traditionnelle exige l’existence d’un
intérêt public pour justifier l’atteinte à la liberté de commerce et d’industrie, elle prend
désormais en compte les exigences tenant aux droits de la concurrence, le but étant de garantir
une égalité des conditions d’intervention entre les personnes publiques et les personnes
privées. CE 2 juin 1972 Fédération Française des syndicats professionnels de pilote maritime ;
CE 29 Avril 1970 Société Uni Pain)