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Belgeo 49110

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Belgeo

Revue belge de géographie


2 | 2021
Dynamiques des campagnes et adaptations aux
enjeux contemporains (Nord et Sud)

Patrimoine, désenclavement et tourisme rural dans


l’Anti-Atlas marocain
Heritage, opening up and rural tourism in Moroccan Anti-Atlas

André Humbert

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/belgeo/49110
DOI : 10.4000/belgeo.49110
ISSN : 2294-9135

Éditeur :
National Committee of Geography of Belgium, Société Royale Belge de Géographie

Référence électronique
André Humbert, « Patrimoine, désenclavement et tourisme rural dans l’Anti-Atlas marocain », Belgeo
[En ligne], 2 | 2021, mis en ligne le 11 juin 2021, consulté le 14 juin 2021. URL : http://
journals.openedition.org/belgeo/49110 ; DOI : https://doi.org/10.4000/belgeo.49110

Ce document a été généré automatiquement le 14 juin 2021.

Belgeo est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution 4.0
International.
Patrimoine, désenclavement et tourisme rural dans l’Anti-Atlas marocain 1

Patrimoine, désenclavement et
tourisme rural dans l’Anti-Atlas
marocain
Heritage, opening up and rural tourism in Moroccan Anti-Atlas

André Humbert

Introduction
1 Pour les campagnes déprimées du sud de la Méditerranée, comme celles des montagnes
marocaines, le tourisme culturel – et de nature – est peut-être un levier de
développement. Le tourisme n’est pas un phénomène récent au Maroc et il faut
remonter bien au-delà des dernières décennies pour l’observer, sinon massivement, du
moins de façon significative et ancienne. Plusieurs questions se posent néanmoins à
propos des flux touristiques qui atteignent ce pays. Comment faut-il comprendre les
flux globaux recensés et surtout comment interpréter les réorientations et les
déséquilibres régionaux observés ? Le « Sud » du pays – compris dans son acception
ancienne – a évidemment bénéficié des tendances nouvelles plus orientées vers la
« nature » et plus indépendantes des grands tours opérateurs. L’Anti-Atlas oriental
autour des vallées du Dadès et du Draa a profité largement de l’ouverture du territoire
et des liaisons électroniques, mais la partie occidentale de la même montagne, en dépit
d’une richesse patrimoniale indiscutable, n’a pas connu le même succès alors qu’elle se
trouve à proximité d’Agadir, un des plus grands centres touristiques du pays. C’est ce
paradoxe qui va être démontré en nous appuyant sur quelques recherches mais surtout
sur des observations ponctuelles, nombreuses et prolongées effectuées au cours des
deux ou trois décennies passées. Ce travail de restitution d’un journal de terrain va se
faire en trois temps. Il semble utile de rappeler d’abord que le Maroc est une
destination touristique méditerranéenne importante et que la tradition du tourisme y
est ancienne. Si cet article s’intéresse essentiellement aux problèmes du
développement touristique de l’Anti-Atlas occidental, il est néanmoins intéressant

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Patrimoine, désenclavement et tourisme rural dans l’Anti-Atlas marocain 2

d’évoquer aussi l’autre extrémité de la même chaîne pour souligner le déséquilibre de


développement entre les deux espaces. Mais l’essentiel de cet article est consacré à
l’Anti-Atlas occidental pour examiner ses forces et ses faiblesses à proximité d’un pôle
majeur du tourisme mondialisé.

Le Maroc : destination touristique régionale en


Méditerranée
Le tourisme : un poids économique non négligeable

2 Le Maroc n’est pas la France, ni l’Espagne pour les flux touristiques enregistrés,
néanmoins ce pays affiche une bonne santé évidente – et une stabilité relative – en
comparaison de certains autres pays arabes de la façade méditerranéenne. En dépit
d’inflexions passagères, le pays présente une augmentation régulière des flux
touristiques, atteignant environ 13 millions de visiteurs en 2019. Quelques données
statistiques1 mettent en évidence la croissance régulière de cette activité au cours des
dernières années et son importance dans l’économie du pays.
3 • Flux de touristes non-résidents2 :
- 2019 : 13 millions environ
- 2018 : 12,3 millions
- 2017 : 11 millions
- 2015 : 10 millions dont 50 % MRE
4 • Recettes du tourisme des non-résidents : env. 7 Md € en 2018 (11 % PIB)
5 • Emplois directs : 548 000 (2018) soit 5 % des emplois totaux
6 • Trafic-voyageurs des principaux aéroports (2019) :
- Casablanca : 10 millions
- Marrakech : 6 millions
- Agadir : 2 millions
7 On remarquera l’importance relativement forte des Marocains Résidents à l’Etranger
(MRE) dans le volume total (50 % en 2015). Ces émigrés qui « rentrent »
saisonnièrement au pays, sont évidemment des touristes particuliers qui n’ont pas les
mêmes modes de consommation touristique que les étrangers visiteurs, notamment
pour ce qui est des modes d’hébergement.
8 La nature du tourisme a varié au cours des dernières décennies mais le Maroc, s’il a
tenu à développer l’équipement de la double façade balnéaire a aussi mis à profit sa
grande diversité naturelle et architecturale, de même que l’histoire déjà lointaine de
son tourisme.

Une tradition des « tours »

9 Le Maroc a été une destination touristique bien avant que la bourgeoisie française ne
colonise la médina de Marrakech (Oujamâa, 2012). L’administration du Protectorat a
encouragé systématiquement des voyageurs aisés métropolitains à visiter le pays tout
en régulant très largement leurs déplacements. Ainsi ont été mis en place des circuits
standards, orientés vers les ressources culturelles des principales villes. Très tôt se sont
développés les « tours » organisés sur le circuit dit « des villes impériales » : Marrakech,

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Patrimoine, désenclavement et tourisme rural dans l’Anti-Atlas marocain 3

Fès, Meknès, Rabat (ibid., p. 290). Ces « tours » de la période coloniale reprenaient
d’ailleurs une pratique ancienne de la noblesse européenne mais plus limitée dans le
temps et dans l’espace. Les Français ne sont pas les seuls à s’intéresser à la richesse
culturelle des villes marocaines et, pour ne citer qu’eux, dès la fin du XIX e siècle, les
Allemands publient des guides qui encouragent les voyageurs à visiter le Maroc
(Scherle, 2012).
10 Evidemment, les « tours » proposés n’intéressaient pas seulement les métropolitains
attirés par l’exotisme colonial. Ils étaient aussi proposés aux résidents français du
Maroc. De la même façon, leur a été proposé un tourisme intérieur saisonnier et
climatique. Des stations d’altitude « alpines » ont été créées sur la bordure du Moyen-
Atlas, à Ifrane ou à Azrou en particulier, pour accueillir la bourgeoisie fuyant la chaleur
estivale dans un environnement architectural européanisé (Marzouk, 2012).
11 Mais toutes les formes touristiques au Maroc, encouragées et soutenues par les
autorités coloniales, n’ont longtemps concerné que le « Maroc utile », c’est-à-dire celui
de la Meseta et des bordures montagneuses qui la dominent, à l’exclusion du Sud
demeuré un « Bled siba », sous la menace des tribus turbulentes, jusqu’au milieu des
années 1930. Mais dès que les dernières révoltes ont été matées, dans le Sud-Est, les
touristes ont été invités à découvrir l’exotisme du Sud en visitant la « Route des
Kasbahs » (Oujamâa, 2012). Nous le verrons, ce mouvement précoce, a donné un
avantage décisif à l’Anti-Atlas oriental sur la partie occidentale de la même chaîne de
montagnes.

Le déséquilibre touristique de l’Anti-Atlas


L’engouement pour le Sud-Est atlasique

12 Pour des géographes (Dresch, Joly, Riser, Raynal, Troin, Weisrock), des géologues (Ball,
Hecker) ou des voyageurs (Lenz, Wrage), l’Anti-Atlas est un long bourrelet de presque
700 km qui s’étend au sud du Haut-Atlas ; sa partie orientale et le versant sud de la
partie occidentale ont des caractères déjà sahariens. Très tôt, après la pacification, la
partie orientale autour de Ouarzazate et au long de la vallée du Dadès a profité de
l’engouement pour ce Sud « authentique » (fig. 1). A. Oujamâa (2012) signale que dès
1937, Ouarzazate est équipée de 2 hôtels, d’un gîte d’étape, de 4 café-restaurants et de
divers commerces appartenant à des Européens. Dès la reprise de l’activité touristique
après la Seconde Guerre mondiale, les guides attirent les touristes vers la « Route des
Kasbahs » au long de la vallée du Dadès, entre Ouarzarate et Boumalne-Dadès 3 (Wrage,
1967). Progressivement tout ce sud atlasique est gagné par ce tourisme à dominante
culturelle, jusqu’à Errachidia et Erfoud vers l’est, et vers Zagora, au long de la vallée du
Drâa. La « locomotive » de ce tourisme culturel est la « Route des Kasbahs » (Popp,
2008). Elle est reprise systématiquement dans les guides, notamment le guide Michelin
de 1978 (fig. 2).

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Figuere 1. Guide touristique de Ouarzazate, en 1938.

Très tôt des guides sont publiés avec la collaboration de photographes et même d’artistes réputés
comme Jacques Majorelle (Oujamâa, 2012, p. 301).

Figure 2. La route des kasbahs (province de Ouarzazate).

Cette route jalonnée de grandes demeures aristocratiques a, très tôt, attiré les touristes en quête
d’exotisme culturel et d’images oasiennes (Oujamâa, 2012, p. 302).

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13 Plus récemment, de nouvelles pratiques touristiques sont venues renforcer l’attrait de


cette région auprès des touristes étrangers. C’est spécialement la découverte de sites
naturels qui attire vers les splendides gorges du Dadès ou du Todra ou, pour les plus
sportifs, la pratique du trekking à travers le massif du jbel Saghro (Leesmeister, Scherle,
2008). Plus à l’est encore, le massif dunaire de Merzouga (Erg Chebbi) a subi une
avalanche calamiteuse de touristes depuis le début des années 2000 (Bouaouinane,
Beckedorf & Popp. , 2008 ; Biernest, 1998 ; Gagnol, Landel, 2016).
14 Les tours opérateurs se sont emparés de cette aubaine et prennent en charge les clients
depuis Marrakech en leur offrant des « aventures » de quelques jours dans le Sud. Ces
« excursions » étant impossibles à concevoir depuis Marrakech, distante de 200 km de
Ouarzazate, et à quatre heures de route, un circuit de quatre ou cinq jours au moins est
donc pratiquement obligatoire, pour justifier un éloignement à une distance aussi
grande, avec franchissement du Haut-Atlas, de surcroît. La puissance de ces opérateurs
est tellement grande qu’ils ont réussi à stériliser l’aéroport de Ouarzazate qui pourrait
accueillir beaucoup plus de vols qu’il ne le fait. Une enquête menée auprès des
responsables de l’aéroport et des contrôleurs du trafic permet de souligner cette
indigence par rapport aux possibilités techniques des installations. Certes, avec 136 000
passagers enregistrés en 2019 par rapport aux 86 000 de 2018, l’aéroport est sur une
pente ascendante, comme le trafic d’ensemble des aéroports marocains ; néanmoins, il
ne représente que 0,54 % du trafic total national4. Cependant, un certain nombre
d’initiatives individuelles, favorisées par Internet, réussissent à attirer directement les
amateurs de ce Sud, dans des hébergements souvent installés dans des kasbahs
authentiques rénovées ou dans des simili-kasbahs hôtelières. Des travaux récents
(Oussoulous, 2019) montrent d’ailleurs que les hébergements touristiques se sont
multipliés dans ce Sud-Est à l’initiative de résidents étrangers. Ainsi, dans le Jbel
Sarhro, le village de N’kob s’est spécialisé dans la location, par internet, de ses
nombreuses kasbahs rénovées ou imitées. Plus au nord, sur la « Routes des kasbahs »,
l’oasis de Skoura offre de nombreuses kasbahs encore exploitables pour le tourisme
(Popp, El Fasskaoui, 2017).
15 Cette région du Dadès et du Drâa, prolongée jusqu’au Tafilalet, à l’est, bénéficie
indiscutablement d’une antériorité touristique qui lui a été très profitable. Mais les
déplacements touristiques ont été aussi facilités par un réseau de voies de circulation
mises en place dès l’époque du Protectorat, ces routes empruntant les couloirs naturels
que sont les grandes vallées, ou utilisant l’aération du relief, particulièrement
pénétrable. Depuis longtemps, des guides et des ouvrages (Wrage, 1967) sont publiés
sur toute cette région et plus récemment des universitaires en ont fait la promotion à
l’aide de cartes touristiques (Ait Hamza, Popp, 2004) et d’un ouvrage sur les kasbahs
(Popp, El Fasskaoui, 2017)

Le décollage touristique difficile de l’Anti-Atlas occidental

16 Même si l’on ne dispose pas de statistiques sûres et détaillées (tableau 1), il apparaît
clairement que, compte tenu de l’indigence des équipements à l’ouest de l’énorme
édifice volcanique du jbel Siroua, l’Anti-Atlas occidental, pourtant très proche d’Agadir,
n’a connu jusqu’à maintenant qu’un médiocre et ponctuel développement touristique
(fig. 3).

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Tableau 1. Capacités d’hébergement dans les différents secteurs de l’Anti-Atlas occidental.

(*) Emplacements de tentes


D’après H. Popp et al., Carte touristique de l’Anti-Atlas occidental, 2012.

Figure 3. L’Anti-Atlas occidental : quelques sites et phénomènes touristiques cités.

Réalisation personnelle

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17 Deux secteurs restreints de la montagne sont concernés par une relative activité
touristique. Il s’agit d’une part, d’un foyer ancien et actif situé au cœur de la montagne
qui bénéficie d’une ancienneté évidente, d’un environnement physique attractif et
d’une communication difficile mais ancienne avec Agadir et la plaine du Souss : le petit
foyer de Tafraoute et la vallée des Ammeln. La « mise en tourisme » de ce secteur doit
sans doute beaucoup à la présence d’un gîte d’étape édifié dans les années 1940 et dont
la réputation a été établie par une visite royale (fig. 4). Le second secteur de quelque
importance a la forme linéaire d’un chapelet de ressources modestes qui s’étire sur
environ 200 km, dans un sillon présaharien, pourvu d’une route goudronnée
stratégique, d’ouest en est, entre Tarjijt et Tata, et se prolonge ensuite, vers l’est,
jusqu’à Foum Zguid.

Figure 4. Le gîte rural des « Amandiers » à Tafraoute (Tiznit).

Au début des années 1940, cet établissement a été le germe du développement ultérieur de la seule
concentration touristique de l’Anti-Atlas occidental. Il a été agrandi et modernisé pour être aujourd’hui
le plus grand hôtel de Tafraoute. (Humbert et Popp, 2016, p. 5).
Source : carte postale ancienne

18 Quelles sont les raisons de cette différence ? Cela tient-t-il à une pacification plus
tardive de la montagne ? L’est de la chaîne est-il incomparablement plus riche
culturellement que la partie occidentale ? La faiblesse relative d’Agadir par rapport à
Marrakech en fait-il un réservoir insuffisant pour entraîner des flux significatifs ?
Autant de questions – et sans doute à d’autres – auxquelles il convient de répondre
pour apporter un début de réponse à ce déséquilibre.

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L’Anti-Atlas occidental : forces et faiblesses


Des ressources culturelles indiscutables

19 L’Anti-Atlas occidental, ne possède pas comme à l’est d’une chaîne de demeures


aristocratiques faciles à transformer en maison d’hôtes, mais cette partie de la
montagne atlasique a été très humanisée par une société ancienne d’agriculteurs qui
ont laissé dans les paysages des formes passives – ou parfois encore actives – d’une
grande valeur patrimoniale (Humbert, Popp, 2016).
20 Dans toute la chaîne et surtout sur le versant nord, les communautés paysannes ont
modelé les versants en y édifiant des milliers de kilomètres de terrasses sèches étroites
pour y installer des terroirs productifs (fig 5).

Figure 5. Versants de l’Anti-Atlas occidental près d’Azgaïoud (Taroudant) aménagés en


innombrables terrasses « sèches ».

Cl. Humbert-Lemmel, 2009

21 Ces escaliers ubiquistes associés à diverses formes de récupération des eaux agricoles
ont été récemment étudiés par un enfant de cette montagne (Ziyadi, 2013). Il a montré
que toute une collection de formes patrimoniales étaient associées à l’aménagement
des pentes, comme de belles aires à battre le grain, et un nombre considérable de
citernes villageoises (matfia) (voir n° 7 de la fig. 8) destinées à recueillir, pendant les
brèves périodes pluvieuses, l’eau nécessaire aux hommes et aux animaux domestiques.
Sur le versant sud, dans un environnement déjà désertique, les paysans des oasis, au
fond des vallées, ont acquis la science des aménagements parcellaires qui leur
permettent de superposer les cultures et de distribuer l’eau nécessaire. Ils ont inventé
des artefacts qui leur permettent de répartir équitablement l’eau – bien précieux et
rare – au cours d’un cycle calendaire rigoureux, comme cette clepsydre appelée ici
tanast (fig. 6) ou ce spectaculaire cadran solaire horizontal (fig. 7) (Humbert, 2006).

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Figure 6. Tanast du douar Annamer (Tata).

Cette clepsydre rudimentaire était d’un usage traditionnel très répandu. Le bol de cuivre (tanast), percé
en son fond, s’enfonçait lentement (de 5 à 20 minutes) dans un réservoir fixe, ou mobile comme ici.
Une comptabilité précise des tanassin immergées était faite par l’aiguadier (amazzal) à l’aide de 10
cailloux et d’un marquage sur une pierre plate à l’aide d’un charbon de bois.
Cl. Humbert, 1993

Figure 7. Cadran solaire à Issafen (province de Tata) (Cl. Humbert, 1997).

Une technique de mesure du tour d’eau dans les oasis de la vallée des Issafen

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Patrimoine, désenclavement et tourisme rural dans l’Anti-Atlas marocain 10

22 Mais surtout, si l’Anti-Atlas occidental ne possède pas les somptueuses kasbahs de l’est,
il offre un joyau architectural avec les igoudar (plur. de agadir). Les igoudar sont des
greniers fortifiés collectifs, dont la construction s’étale peut-être sur un millier
d’années ; cependant, les formes les plus classiques et les plus récentes remontent sans
doute au XVIIIe siècle. De nombreux auteurs se sont penchés sur ce phénomène
(historiens, archéologues, architectes, géographes), ont mené les premières études
(Montagne, 1929), en ont établi le plan (Jacques-Meunier, 1951), les ont étudiés en
détail (Naji, 2006) ou en ont fait un inventaire quasi exhaustif (Popp, Aït Hamza & El
Fasskaoui, 2012). Si les formes les plus répandues sont assez simples, comme cet
exemplaire observé dans la partie septentrionale et centrale de l’Atlas (fig. 8 et 9),
beaucoup de ces greniers ont adopté des formes variées, signe souvent de leur
ancienneté ou de leur polygénisme. Ces constructions qui peuvent rassembler plusieurs
centaines de cases de stockage familial des grains et autres richesses sont aussi un
patrimoine social car les greniers étaient des lieux de rassemblement d’une partie au
moins de la communauté qui y avait une salle de prière, des citernes et parfois des
boutiques, le tout sous la vigilance d’un gardien, l’amin qui en détenait – ou détient
encore – la clé (fig. 10). Ces monuments impressionnants sont répartis dans toute la
chaîne, jusqu’aux confins sahariens même si quelques secteurs, mystérieusement, en
sont dépourvus.

Figure 8. L’agadir d’Aït Ighil (Taroudant) dans son environnement domestique proche.

Cet agadir est « classique » avec ses deux travées principales (1a et 1b) augmentées de deux travées
transversales complémentaires (1c et 1d). Si la gestion de l’agadir est collective, chaque famille est
responsable de sa case dont la couverture diffère, ici, de sa voisine (2). Les igoudar possèdent
généralement une ou plusieurs tours de vigie et de défense (borj) (3). Le grenier proprement-dit est
précédé d’une cour commune, ici assez étroite (4) et d’une enceinte symbolique (5) que l’on ne
transgresse qu’en commettant un sacrilège ; l’agadir est haram. L’environnement villageois proche est
intéressant aussi avec ses aires à battre (6), sa citerne (7) et les ruines de sa petite mosquée rurale
(8). Aït Ighil est un bon exemple de la concentration d’un patrimoine rural remarquable et facilement
accessible par une route proche maintenant goudronnée.
Cl. Humbert-Renard, 2006

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Figure 9. Intérieur d’un grenier collectif avec les cases familiales.

On y accède, ici, grâce à des dalles de pierre incluses dans la paroi principale.
Cl. Humbert, 2005

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Figure 10. Plan de l’agadir d’Oumsdikt (province de Taroudant).

L’agadir n’est pas qu’un grenier collectif. C’est un édifice de la communauté qui, autrefois, remplissait
une fonction sociale évidente avec ses va-et-vient et sa cour, à la fois lieu de prière, enceinte de
réunions, atelier et boutique.
Humbert, 2012

23 Le patrimoine dispersé, de nature variée, possède un foisonnement favorisé par


l’isolement conservateur même si ces campagnes ont été envahies par l’architecture
obséquieuse d’émigrés « enrichis » revenus au bled pour y exposer leur réussite. Tout
ne peut pas être mis en valeur pour être « mis en tourisme ». Les pièces maîtresses sont
évidemment les igoudar, mais il est possible de faire vivre autour de quelques
exemplaires bien choisis et bien conservés tout un complexe rural formé de nombreux
éléments mineurs et de savoir-faire paysans ; certains outils, des pratiques
hydrauliques ou des objets de l’apiculture si répandue peuvent être réunis dans l’agadir,
assez vaste pour cela. A proximité peut être aménagé un « vrai » terroir irrigué rendu
vivant par des fellah(s) volontaires qui y trouveraient leur intérêt. Quelques tentatives
sont observables dès maintenant, en particulier dans le sillon présaharien 5 (Aït Hamza,
Aït Saïd, 2013). Même si dans ces cas, toute la chaîne touristique n'est pas exploitée, et
quelque imparfaites que soient ces expériences, elles sont cependant encourageantes
(fig. 11 et 12).

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Figure 11. Amtoudi, vallée présaharienne (Province de Tata).

Sur le parcours du sillon présaharien, Amtoudi offre son oasis dans un cadre grandiose mais aussi
deux igoudar qui surveillaient les razzias venues du sud et en préservaient les biens des oasiens.
Cl. Humbert et Popp, 2014

Figure 12. Rucher de l’agadir Id Aïssa à Amtoudi (Tata).

Les igoudar sont des édifices où peuvent être réunis de nombreux objets patrimoniaux des
campagnes atlasiques. Ici, le rucher, in situ, témoigne de la vie sociale de l’agadir.
Cl. Humbert, 2013

24 Cette partie de l’Anti-Atlas possède donc une richesse patrimoniale indiscutable,


probablement aussi abondante et aussi variée que dans la partie orientale. Pourquoi le

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tourisme culturel – et de nature – n’y a pas eu, jusqu’à maintenant, le même succès
pour offrir une solution, au moins partielle à la déprise rurale ? Les causes sont sans
doute multiples. En voici quelques-unes.

Des communications difficiles mais une ouverture rapide

25 L’Anti-Atlas occidental, en raison de sa structure, ne se laisse pas facilement pénétrer.


Longtemps, il n’a été traversé que par deux vieilles routes coloniales. L’une permettait
de gagner Tafraoute, dans sa partie très occidentale ; l’autre de traverser la chaîne, plus
à l’est, en passant par un poste militaire installé sur le col qui fait correspondre les
deux versants : il s’agit de la bourgade d’Igherm. Pour autant, progressivement depuis
la fin des années 1990, la circulation à l’intérieur de la montagne est devenue plus aisée
et les routes goudronnées se sont multipliées à un rythme étonnant au cours de la
dernière décennie, aussi bien dans le sens longitudinal que transversal. L’Anti-Atlas
occidental est maintenant pénétrable.

Une déficience des équipements d’hébergements touristiques

26 Si la carte établie il y a quelques années (Popp et al., 2012) montre un déséquilibre


certain, au profit de Tafraoute et d’un alignement présaharien, la situation n’a pas
évoluée depuis de façon sensible : quelques maisons d’hôtes se sont ajoutées à celles
existantes, souvent dans les mêmes secteurs et une « ville » étape comme Igherm n’a
toujours pas d’hôtel digne de ce nom sur un itinéraire de quelque 200 kilomètres. Ceci
est aussi le cas du long sillon, le seul aussi largement ouvert et amplement peuplé, celui
des Issafen qui, après Igherm, conduit à Tata et au sillon pré-saharien. Cette vallée qui
est un chapelet d’oasis, possède un riche patrimoine d’igoudar et d’artefacts ruraux de
toute sorte. Cette vallée est loin d’être capable d’accueillir autant de touristes que celle
du Dadès avec ses kasbahs. Même Tata, sur la grande rocade pré-saharienne du sud ne
possède pas un équipement d’accueil digne de sa situation. Compte-tenu de la grande
dispersion des objets patrimoniaux capables d’attirer les touristes, il semble bien que
les structures légères, telles les maisons d’hôtes, capables d’accueillir quelques familles
à la fois, soient mieux adaptées que les grosses structures hôtelières. Ce genre
d’hébergement s’est développé, en concurrence avec l’hôtellerie dans le secteur de
Tafraoute, en profitant de la réputation de l’aire touristique et des possibilités
d’activités de nature au pied d’un des massifs les plus élevé de l’Anti-Atlas, le Jbel Lkest.

Les obstacles à l’épanouissement d’un tourisme rural

27 Les exemples encourageants observés çà et là dans l’Anti-Atlas ne sauraient masquer un


certain nombre de difficultés qui s’ajoutent à la grande dispersion du patrimoine et à la
médiocrité de l’équipement d’accueil.
28 Le premier tient à la propriété collective des igoudar, contrairement à celui des kasbahs
de la partie orientale. En effet, les greniers collectifs appartiennent à la communauté
dirigée par le conseil qu’est la jmâa. Il faut un accord collectif pour entretenir et
exploiter l’édifice, ce qui ne va pas de soi. Même quand l’exploitation est confiée à un
particulier – vieux fellah ou ancien amin –, les jalousies sont inévitables et provoquent,
parfois, l’abandon de l’exploitation. La visite de nombreux igoudar, aussi bien par H.

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Popp et B. El Fasskaoui que par l’auteur de cet article, ont conduit à identifier cette
difficulté de l’exploitation des igoudar par le tourisme, en raison de leur propriété
collective, revendiquée toujours par le jmâa. La gestion de ces édifices se complique
encore quand ils appartiennent à plusieurs communautés villageoises ce qui est
fréquent car les igoudar servaient souvent d’entrepôt à plusieurs villages (fig. 13).

Figure 13. Agadir Aït Ouizzeln (province Chtouka-Aït-Baha), un des plus grands de l’Anti-Atlas (260
cases).

C’est un bon exemple du danger qui menace le patrimoine construit des campagnes s’il n’attire pas
des flux suffisants de touristes.
Cl. Humbert-Renard, 2006

29 Un autre point important est souvent sous-estimé dans la prise en charge des touristes
qui viennent pour découvrir dans un environnement culturel rural qui n’est pas – ou
n’est plus – le leur. Ce n’est pas l’information culturelle véritable mais seulement
l’ambiance culturelle que des guides mal formés proposent généralement aux groupes
de visiteurs. Malgré un effort officiel fait pour proposer des guides agréés et
marginaliser les « faux » guides qui n’ont guère que leur sympathie à offrir et
quelquefois une connaissance pratique du terrain, le niveau de la médiation culturelle
reste très médiocre. En 2018, la fédération marocaine des guides protestait contre
l’attribution à quelque 1 100 candidats de la qualification aux fonctions de Guides des
Espaces Naturels « malgré leur illettrisme »6. Même s’il est possible de voir dans cette
protestation la crainte corporatiste d’une concurrence, il est évident que la rencontre
fréquente avec ces « médiateurs » et les échanges avec eux, atteste souvent de leur
indifférence pour les objets et les pratiques culturelles. Les Guides des Espaces Naturels
(GEN) ont certes reçu une formation mais celle-ci porte davantage sur la gestion
matérielle des groupes que sur une véritable information sur les pratiques agraires et
sur tout l’environnement matériel de celui-ci. Ces guides officiels sont des urbains de la

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plaine du Souss qui ont perdu, depuis longtemps, le contact réel avec la campagne et
qui sont, le plus souvent ignorants de ce qu’ils devraient expliquer aux touristes. Cette
indigence culturelle apparaît d’ailleurs à la lecture des programmes publiés par les
officines gadiries qui traduisent plus leur intérêt commercial que leur souci culturel. Ces
médiateurs culturels devraient avoir une solide formation de naturalistes, d’historiens
et de géographes. Ce qui n’est évidemment pas le cas. Il y a une quinzaine d’années,
dans le cadre d’une coopération interuniversitaire avec l’Université d’Agadir, avait été
envisagée la création d’une section réunissant les meilleurs étudiants de géographie,
d’histoire et de sciences de la Terre, répartis en différents groupes linguistiques, pour
former de solides médiateurs culturels. Malgré une bonne volonté évidente le projet n’a
pu voir le jour, sans doute pour diverses raisons et peut-être l’opposition d’une école
locale de tourisme.
30 Les touristes intéressés en sont réduits à organiser eux-mêmes les visites vers les lieux
les plus réputés, comme le site de Tafraoute et ses environs ou quelques centaines de
camping-cars s’entassent dans quelques campings ou, en désordre, sur quelque terrain
vague (fig. 14).

Figure 14. Caravaning anarchique en bordure de l’agglomération touristique de Tafraoute.

Cl. Humbert, 2019

31 Les visites les plus systématiquement organisées sont le fait de quelques agences
gadiries qui proposent des sorties d’une journée avec la complicité – et l’assentiment –
des tours opérateurs qui possèdent ou contrôlent les chaînes hôtelières de la station
balnéaire. Les groupes sont conduits vers la vieille capitale saadienne, Taroudannt,
dans la plaine du Souss à 80 km seulement d’Agadir. Ce n’est pas très loin et l’on peut
laisser les touristes flâner dans les souk(s), les promener jusqu’à « l’oasis » de Tiout à
seulement 35 km de Taroudannt, et leur faire visiter une coopérative d’huile d’argan
pour leur permettre d’acheter des produits dérivés. Les mêmes officines réussissent la

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performance de proposer une seule journée d’excursion dans l’Anti-Atlas, pour les faire
passer par Tafraoute – le sanctuaire du tourisme dans l’Anti-Atlas occidental – avec un
retour par Tiznit et le sud de la plaine du Souss. C’est une virée harassante de 12 heures
et 400 km ! Le programme de cette journée, probablement traduit de l’anglais, donne
les horaires précis et les principales haltes, y compris les pauses-café (cafés ou thés
payants !). Le voyage commence à 6h30, heure à laquelle les excursionnistes sont
« ramassés » à l’hôtel. Sur le parcours, les touristes verront « des paysages
désertiques », « des pics déchiquetés », des « rochers géants », « des canyons aux murs
rouges », des « huttes de boue (sic) des berbères » et « des arbres producteurs de
pétrole (sic) d’argan ». Cette visite est une course effrénée. A 11 heures, la voiture
climatisée arrive dans la vallée des Ammeln où l’on montre aux touristes les villages au
pied du Jbel Lkest (fig. 15), puis l’on gagne Tafraoute, tout près de là, où une halte de
2h15 est prévue. C’est le temps estimé nécessaire pour déjeuner (de préférence à l’hôtel
des Amandiers, pour 15 € ou 120 Dh) et visiter le « souk », c’est-à-dire tous les
commerces qui proposent les productions « locales », notamment tous les produits
cosmétiques dérivés de l’huile d’argan. Départ pour Tiznit à 14h15 précises. Arrivée à
16h30 après un long parcours de montagne. Le groupe fatigué dispose d’une heure pour
voir les remparts de la ville et surtout visiter le quartier des bijoutiers. A la pratique
dominante de la découverte s’ajoute celle du shopping (Renard-Grandmontagne, 2017).
Le départ est donné à 17h30 pour un retour à l’hôtel vers 19h30 ! Il est évident que les
maîtres du tourisme mondialisé ne souhaitent pas perdre une clientèle « empackagée »,
avec occupation de six ou sept nuits dans la chambre d’un grand hôtel gadiri. Le circuit
proposé mériterait au moins deux jours. C’est totalement impossible : l’excursion ne
peut être qu’un supplément à un programme vendu clé en main. On voit là comment les
tours opérateurs peuvent freiner l’accueil et donc le développement touristique dans
l’Atlas occidental.

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Figure 15. La vallée des Ammeln (Tiznit).

Cette longue dépression au pied d’un des massifs les plus élevés de l’Anti-Atlas, le Jbel Lkest (2 360
m) est tout proche de Tafraoute et a profité de cette proximité. Les touristes amateurs de culture
populaire et de nature ne peuvent que s’y intéresser. Les agences gadiries la placent dans leur tour-
marathon d’une journée.
Cl. Humbert-Popp, 2014

32 Le patrimoine culturel de l’Anti-Atlas est avant tout un patrimoine rural, fait de


pratiques séculaires, d’objets et d’outils domestiques, d’une architecture vernaculaire
et surtout des pièces architecturales majeures que sont les igoudar. L’indigence
touristique a sans doute des raisons diverses. Les causes majeures viennent d’être
exposées. Rappelons simplement, dans ce tableau, les atouts et handicaps énumérés et
repérés ; il n’est sans doute pas exhaustif.

Tableau 2. Atouts et handicaps pour le tourisme rural de l’Anti-Atlas occidental.

Tableau synthétique établi par l’auteur

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Conclusion
33 La pratique du tourisme culturel est ancienne au Maroc même si les pouvoirs publics y
ont encouragé, à certaines époques, un tourisme balnéaire attirant des flux plus
importants. Dès avant la dernière guerre, le Sud pacifié et une habile exploitation du
patrimoine construit ont attiré les touristes vers les sillons ouverts autour de l’Anti-
Atlas oriental. La partie occidentale de cette chaîne n’a pas bénéficié du même intérêt,
si ce n’est dans quelques zones privilégiées, alors qu’elle possède pourtant des atouts
patrimoniaux indiscutables et une ouverture plus récente favorisée par le revêtement
de nombreuses pistes et une couverture remarquable par les moyens modernes de
communication. Il n’est pas sûr cependant, que la présence proche d’Agadir, pôle
balnéaire de réputation internationale (Berriane, 2002), n’ait pas un effet plus
stérilisant que stimulant sur le développement touristique de la montagne voisine. Le
même auteur et une collaboratrice (Berriane, Nakhli, 2011) ont montré, qu’au
contraire, le pôle touristique d’Essaouira a un dense réseau d’hébergements autour de
la ville. Mais cette mise en tourisme de la campagne s’effectue dans un rayon de 15 à 20
km. Les premiers sites de l’Anti-Atlas occidental sont à 75 km !
34 Nos observations ont porté tant sur le déséquilibre ou l’indigence touristique que sur
l’ouverture progressive de la montagne ou que sur la « mise en tourisme » de
seulement une petite partie de la richesse patrimoniale des campagnes. Cette étude,
fondée avant tout sur des enquêtes informelles et une connaissance intime de cet
espace montagnard plus que sur des statistiques, souvent fragmentaires et sujettes à
caution, sera certainement à reprendre pour étudier les conséquences sur le tourisme
de l’ouverture quasi généralisée de la montagne. Il est probable, notamment, que la
couverture de cet espace par le réseau Internet profitera aux entrepreneurs individuels
qui pourront contourner ainsi les tours-opérateurs qui agissent depuis Agadir. Il reste
que le riche patrimoine, produit par une étonnante culture paysanne, est très dispersé
et menacé par la modernité. Raison de plus pour que des médiateurs culturels, cultivés
et correctement formés, sachent le mettre en valeur et le protéger.

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NOTES
1. Les informations concernant la fréquentation touristique ainsi que son impact économique
sont consultables sur le site marocain du Ministère du Tourisme, de l’Artisanat, du Transport
aérien et de l’Économie sociale. Le trafic des aéroports est communiqué par l’Office National des
Aéroports du Maroc.
2. C’est-à-dire les touristes étrangers et les « Marocains Résidents à l’Étranger » (MRE).
3. Les kasbahs sont des maisons fortes édifiées pour les membres d’une certaine
aristocratie politique et sociale de l’entourage du glaoui de Marrakech qui, au XIX e
siècle et au début de la colonisation, régnait sur cette région. Une des plus fameuses est
une des kasbahs que le glaoui lui-même s’était fait construire sur le versant sud du Haut-
Atlas, à Télouet. Ces maisons spacieuses et isolées ont été souvent transformées en
hôtel ou maisons d’hôtes par leurs propriétaires actuels.
4. Office National des Aéroports (Maroc), Communiqué de presse n° 01/2019.
5. L’oasis présaharienne d’Amtoudi, installée au fond de gorges, est dominée par deux
magnifiques igoudar, bien conservés ou restaurés qui sont ouverts aux touristes qui
acceptent de parcourir un chemin muletier long et raide. A leur pied, l’oasis offre un

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paysage saharien que les autochtones acceptent de présenter et parfois de commenter.


Un hôtel, quelques maisons d’hôtes, et un terrain de camping-caravanning, facilitent le
séjour, pour quelques jours, des touristes itinérants.
6. Voir l’article de Wiam Markhouss (2018) « Pourquoi la fédération des guides s’oppose à
l’ouverture de la profession », La Vieeco [en ligne] du 18 mars 2018.

RÉSUMÉS
Le tourisme culturel marocain est ancien ; il remonte à l’époque du Protectorat, dès les années
1920. Il a privilégié d’abord les villes dites impériales avant de s’étendre au sud-est dans l’Anti-
Atlas oriental. L’Anti-Atlas occidental, pourtant doté d’une richesse patrimoniale certaine dans
un environnement rural et agraire, n’a pas connu jusqu’à maintenant le même engouement, en
dépit de la proximité d’Agadir, pôle touristique majeur. L’article tente d’expliquer le retard de la
« mise en tourisme » de cette partie des chaînes atlasiques et présente aussi des exemples de sites
et d’objets patrimoniaux susceptibles d’attirer les touristes. Alors que cette partie de l’Atlas n’a
intéressé que récemment quelques géographes marocains ou étrangers, cet article s’appuie sur
ces quelques recherches et surtout sur les observations ponctuelles et nombreuses effectuées par
l’auteur, au cours des deux ou trois décennies passées, jusqu’en 1999.

Moroccan cultural toursim is an old custom; it dates back to the Protectorate era, from the 1920s.
It first favored the so-called imperial cities before expanding to the south-east, in the Oriental
Anti-Atlas. The Western Anti-Atlas yet endowed with a certain wealth of heritage, in a rural and
agrarian environment, has not known, until now, the same craze, despite the proximity of
Agadir, major tourist center. The article tries to explain this delay in the tourism development of
this part of the Atlas chains and also presents examples of heritage sites and objects likely to
attract tourists. As this part of the Atlas has only recently interested a few Moroccan or foreign
geographers, this article is based on these few researches and especially on the numerous and
punctual observations made, by the author, during the last two or three decades, until 1999.

INDEX
Mots-clés : Maroc, Anti-Atlas, tourisme culturel, patrimoine rural, désenclavement
Keywords : Morocco, Anti-Atlas, cultural tourism, rural heritage, opening up

AUTEUR
ANDRÉ HUMBERT
Université de Lorraine, LOTERR, Nancy, 54000, France, tapisvolant4@gmail.com

Belgeo, 2 | 2021

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