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Les Droits Subjectifs Jacques Leroy

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LES DROITS SUBJECTIFS DE LA VICTIME D’UNE

INFRACTION

Jacques LEROY∗

RÉSUME
Les droits subjectifs de la victime d’une infraction sont nombreux. Il
est possible de les regrouper en deux catégories :
Ceux que nous appellerons des « droits-fins » parce qu’ils sont la
raison d’être de la présence de la victime devant le juge répressif.
Ceux que nous nommerons« droits-moyens » parce qu’ils permettent
techniquement, d’atteindre les buts que la partie civile s’est fixée.

MOTS-CLÉ
Droits subjectifs, le droit à réparation, le droit à la déclaration de
culpabilité, le droit d’option, les droits procéduraux

Toute infraction donne naissance à deux rapports de droit : l’un de


nature publique entre l’auteur de l’infraction et la société; l’autre,
exclusivement privé, entre cet auteur et la victime. Afin de distinguer ces
deux rapports juridiques sous l’angle de leur réalisation judiciaire, le
législateur emploie les termes d’« action publique » et d’« action civile ».
C’est l’action civile qui retiendra ici notre attention. Plus précisément, il
s’agit de voir quelles sont les prérogatives dont dispose la victime d’une
infraction pour obtenir la satisfaction qu’elle estime avoir droit.
La victime de l’infraction a toujours été associée à la répression. Le
fait est indiscutable dans les civilisations ayant précédé la nôtre. A l’origine,
à défaut d’un pouvoir politique apte à s’arroger le monopole du châtiment,
c’est par la vengeance privée et familiale qu’était assurée la cohésion entre
les communautés familiales; Puis, l’exercice de la vengeance sera limité : le
pouvoir politique jouera le rôle de médiateur en imposant à la victime une
composition pénale, c’est-à-dire le moyen pour l’offenseur de racheter le


Prof., Ph.D., Doyen honoraire de la Faculté de Droit d’Orléans, France.

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prix de la vengeance en versant à l’offensé une somme d’argent. L’offensé


deviendra, ainsi, créancier. A cette époque, cette somme d’argent servait à la
fois de peine et de réparation.
Pour ce qui concerne le droit français, c’est au XVIème siècle que
commencent à être distinguées la partie publique et la partie civile au moyen
du but poursuivi par celui qui agit, même si la victime, dénommée partie
civile, joue toujours un rôle prépondérant dans le déroulement du procès.
L’ordonnance criminelle de 1670 consommera la séparation des actions
publique et civile. Jousse, l’un des commentateurs de l’ordonnance
écrit : « à l’égard de l’accusation, elle ne se dit que des procureurs du Roi,
n’y ayant qu’eux qui soient les véritables accusateurs (…) »1. Puis, à propos
de la victime, dénommée partie civile, Jousse observe : « elle est appelée de
ce nom parce qu’elle ne peut poursuivre que l’intérêt civil ».Certes, la
victime conserve des prérogatives procédurales de nature pénale.
Cependant, celles-ci ne s’expliquent que parce que l’institution du ministère
public est loin d’être achevée et que le pouvoir judiciaire a encore besoin
des particuliers pour suppléer, le cas échéant, le parquet. Après la
Révolution française, le code d’instruction criminelle de 1808 et, plus
récemment, le Code de procédure pénale de 1959 recueilleront l’héritage de
l’ordonnance criminelle et maintiendront la présence de la victime dans le
procès qui naît de l’infraction. Le droit français, à cet égard, n’a jamais
voulu faire correspondre la compétence juridictionnelle et la finalité de
l’action civile. Pourtant, la victime, titulaire d’un droit à réparation de nature
civile, devrait ne pouvoir le faire reconnaître que devant le juge civil, le juge
pénal se limitant à l’action publique. Ce n’est pas la réalité du droit positif :
grâce à la tradition historique (ou à cause d’elle !), la Cour de cassation
attribue à la victime beaucoup plus de prérogatives que celles qui sont
nécessaires pour satisfaire ses intérêts civils.
Les droits subjectifs de la victime d’une infraction sont nombreux. Il
est possible de les regrouper en deux catégories :
Ceux que nous appellerons des « droits-fins » parce qu’ils sont la
raison d’être de la présence de la victime devant le juge répressif (I).
Ceux que nous nommerons« droits-moyens » parce qu’ils permettent
techniquement, d’atteindre les buts que la partie civile s’est fixée (II).

1
Traité de justice criminelle, 1753, Partie III, Livre II, titre IV, n°1.

12
LES DROITS SUBJECTIFS DE LA VICTIME D’UNE INFRACTION

I. LES DROITS-FINS

Ils sont de deux ordres : D’abord, un droit à la réparation du


préjudice subi (A). Ensuite, un droit à la déclaration de culpabilité (B).

A. Le droit à réparation
Comme tout dommage, le préjudice causé par l’auteur de l’infraction
donne lieu à une réparation. De ce point de vue, la victime ne se distingue
pas de celle qui serait atteinte dans son corps ou ses biens par un acte qui ne
serait pas constitutif d’une infraction. Dans les rapports entre l’auteur et la
victime, l’infraction n’est qu’un fait générateur de responsabilité civile. Ce
qui est le fondement de l’action civile ce n’est pas l’infraction, c’est le
dommage issu de cette infraction. Il y a un lien étroit entre le droit
substantiel, soit la créance en réparation,(1°) et le droit processuel qui donne
la possibilité d’obtenir en justice le respect de cette créance, soit l’action
civile (2°).
1°) Le rapport juridique qui s’instaure entre l’auteur de l’infraction
dommageable et la victime est un rapport classique d’obligation : celui qui a
causé le préjudice est tenu d’une dette de responsabilité s’exprimant à l’actif
du patrimoine de la victime par une créance. Cette dette a pour objet la
compensation du préjudice. Cette créance en réparation devrait être le seul
droit subjectif de nature patrimoniale à la disposition de la partie lésée
depuis que lui a été retiré le droit de punir. Lui reconnaître un droit subjectif
à la vie ou à l’intégrité corporelle ne paraît pas nécessaire, la protection de la
victime étant assez assurée par le devoir mis à la charge de quiconque de ne
pas causer de dommage à autrui. Il suffit qu’en cas de violation de ce devoir
naisse un droit à réparation au profit de la victime. La question de
l’existence de ce droit originaire à l’intégrité corporelle a pu se poser à la
suite d’une décision du Conseil constitutionnel rendue en 1982 qui a évoqué
au-delà de la créance en réparation un droit fondamental à indemnisation :
« nul n’ayant le droit de nuire à autrui ,en principe, tout fait quelconque de
l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il
est arrivé à le réparer. Sans doute, en certaines matières, le législateur a
institué des régimes de réparation dérogeant partiellement à ce principe
(par exemple en substituant la responsabilité d’une personne physique ou
morale à la responsabilité de l’auteur du dommage). Cependant, le droit
français ne comporte en aucune manière de régimes soustrayant à toute
réparation les dommages résultant de fautes civiles imputables à des

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personnes physiques. Il ne peut, même pour réaliser les objectifs qui sont les
siens, dénier dans son principe même le droit des victimes d’actes fautifs à
l’égalité devant la loi et les charges publiques (…). 2 Les victimes
n’auraient-elles donc pas un droit automatique à indemnisation ? De là à
conclure qu’en amont de ce droit il y aurait un droit à la protection de la vie,
le pas est vite franchi. Si l’on accepte l’analyse, il faut situer ce droit hors du
champ de la responsabilité civile parce que les systèmes d’indemnisation de
dommages technologiques ou collectifs se fondent, en réalité, sur la
solidarité nationale. Ce n’est plus à proprement parler de la responsabilité
civile.
Si nous restons dans le domaine de la responsabilité civile, la
victime dispose plus classiquement d’une action en justice à l’encontre de
l’auteur de son préjudice.
2°) L’action en justice se définit généralement comme la faculté
d’obtenir d’un juge une décision sur le fond de la prétention qui lui est
soumise3. Cette action est un droit pour la victime. Ce droit n’existe, dans
un contentieux privé, que pour la protection de la créance en réparation
C’est un droit, par hypothèse abstrait, qui a besoin d’être concrétisé. Il
prendra ultérieurement la forme visible d’une demande en justice,
dénommée, devant le juge pénal, citation directe ou constitution de partie
civile. Il existe, donc, un lien logique et chronologique entre la créance en
réparation, l’action civile et le demande en justice, ces deux dernières étant
conditionnées par le droit substantiel à réparation. La demande en justice
n’est que l’expression procédurale de l’action .D’où les conditions
d’existence de l’action civile (ou de recevabilité de la constitution de partie
civile, si l’on se maintient sur un terrain procédural) que sont l’intérêt et la
qualité pour agir. Tout se tient et est dominé par la finalité du droit à
dommages-intérêts invoqué par la victime.
Malheureusement, la Cour de cassation joue les trublions en
ajoutant au droit à réparation, celui d’obtenir la seule déclaration de
culpabilité de l’auteur de l’infraction.

B. Le droit à la déclaration de culpabilité


Voici ce qu’a jugé la chambre criminelle de la Cour de cassation, le
16 décembre 1980 : « Ayant pour objet essentiel la mise en mouvement de
l’action publique en vue d’établir la culpabilité de l’auteur présumé d’une

2
Cons.const. 22 oct.1982, D.1983.189, note F.Luchaire.
3
Art.30 N.C.P.C.

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LES DROITS SUBJECTIFS DE LA VICTIME D’UNE INFRACTION

infraction ayant causé un préjudice au plaignant, ce droit constitue une


prérogative attachée à la personne et pouvant tendre seulement à la défense
de son honneur et de sa considération indépendamment de toute réparation
du dommage par la voie de l’action civile »4. La solution est aujourd’hui
reprise par l’article 622-9 du Code de commerce dans le cas particulier du
débiteur en faillite qui entend se constituer partie civile contre l’auteur d’un
crime ou d’un délit. Bien entendu, ce droit ne s’exerce que dans la mesure
où la victime entend saisir le juge pénal. Mais le droit français le permet et
la Cour européenne des droits de l’Homme entérine cette distinction entre
l’action civile et la constitution de partie civile dans un arrêt Hamer
c/France en date du 7 août 1996 (ce qui ne veut pas dire qu’elle approuve
cette audace)5. Depuis l’arrêt Laurent-Atthalin6 la victime détient le droit
exorbitant de déclencher les poursuites contre la volonté du procureur de la
République. Cependant, jusqu’au milieu du XXème siècle, ce droit ne
pouvait être utilisé qu’au service du droit à réparation. Aujourd’hui, le droit
de demander réparation est distinct du droit de poursuivre. La victime
devient un contre pouvoir du parquet. Conscient des abus engendrés par
cette prérogative, le législateur prévoit aujourd’hui un filtrage7. Mais ce
filtrage ne retire rien à l’existence même de ce droit. Voilà bien une
prérogative étonnante : instrumentaliser le droit pénal pour le mettre au
service d’un intérêt particulier de nature extra-patrimoniale ! Qu’on en
juge avec cet exemple pris en matière d’accident du travail : selon le droit
social français, la victime d’un accident du travail n’a aucune créance en
réparation contre l’employeur. Elle bénéficie d’une indemnité forfaitaire
pouvant, toutefois, être augmentée en cas de faute inexcusable de ce dernier.
Pourtant, selon la Cour de cassation8 la victime peut se constituer partie
civile contre l’employeur afin de corroborer l’action publique et chercher à
prouver cette fameuse faute. Mais atteindre ce but s’avère bien aléatoire : en
effet, seule la juridiction sociale est habilitée à dire qu’il y a faute
inexcusable ; le jugement pénal ne peut donc avoir une quelconque autorité
sur le juge social. Voici une bien curieuse manière d’agir que de permettre à
la victime d’espérer tirer parti de la chose non jugée ! En réalité, la partie
civile espère qu’en raison d’un prétendu prestige de la juridiction répressive,
le juge social s’inclinera devant la décision qu’elle aura rendue ; et si une

4
Bull.crim., n°348.
5
JCP 1997.I.4000,n°16,obs.F.Sudre.
6
Cass.crim.8 déc.1906, DP1907.I.207, rapport Laurent-Atthalin.
7
Cf.al.2 de l’art.85 C.proc.pén (ajouté par la loi du 5 mars 2007).
8
Cass.crim.16 mars 1964, JCP1964.II.13744; 9mars 1994, Bull.crim.n°91.

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faute pénale est retenue, la victime est persuadée que le juge social n’osera
pas dire que cette faute n’est pas inexcusable. Pure conjecture que tout ceci !
Qui ne voit le détournement de la finalité de l’action civile ! En définitive,
on s’aperçoit que ce droit « hors réparation » est un droit à la vengeance
publique, c’est-à-dire un droit subjectif à la déclaration de culpabilité, c’est-
à-dire un droit contre le ministère public. Nous sommes bien loin de ce
qu’avaient imaginé les rédacteurs du code de procédure pénale. Que la
victime soit un contre pouvoir du parquet, soit ; mais qu’elle devienne un
pouvoir concurrent est regrettable dans une société démocratique où la
justice pénale a quitté les mains des particuliers pour être attribuée à
l’autorité étatique. Dans le droit français, c’est le parquet qui apprécie
l’opportunité des poursuites. L’action civile n’est que l’accessoire de
l’action publique.

II. LES DROITS-MOYENS

Pour exercer la plénitude de leurs prérogatives, la victime dispose


d’un premier droit : le droit d’option entre la voie civile et la voie pénale
(A). Si elle choisit la voie pénale, la victime a des droits procéduraux
spécifiques (B)

A. Le droit d’option
Etant par nature une action en responsabilité civile, l’action civile
peut naturellement être portée devant le juge civil. Mais elle peut aussi être
portée devant le juge pénal. Ce libre choix exprime le droit d’option entre
deux procédures (1°). Pour garantir l’effectivité de ce droit, il a fallu
assouplir les exigences de fond qui commandent la recevabilité de la
constitution de partie civile (2°)
1°) D’une manière générale, une option de procédure suppose une
alternative entre deux voies dont l’usage est discrétionnaire et révocable.
Nous en avons un très bon exemple avec la constitution de partie civile. Le
choix de la victime est, en effet, volontaire : la constitution de partie civile
ne se présume pas. 9 Ce choix est aussi unilatéral : la constitution de partie
civile se suffit à elle-même ; l’acceptation de l’auteur de l’infraction est
indifférente à la liaison de l’instance civile. En outre, la victime peut se
désister. La constitution de partie civile exprime ainsi la volonté d’être
9
Cass.crim.17 juin 1976, Bull.crim, n°208 : « la qualité de partie civile s’acquiert par le
dépôt d’une plainte auprès du juge d’instruction compétent contenant une manifestation
expresse de volonté du plaignant de se constituer partie civile ».

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LES DROITS SUBJECTIFS DE LA VICTIME D’UNE INFRACTION

partie civile au procès de l’infraction et non au procès pénal comme on le lit


souvent parce que le procès qui naît de l’infraction a un double objet : civil
et pénal. Il y a deux instances qui correspondent au double rapports de droit
nés de l’acte commis. En d’autres termes, ce n’est pas parce que le juge
pénal statue sur les deux actions par un seul et même jugement que l’on doit
être amené à ne voir qu’un seul rapport processuel de droit pénal. Par
conséquent, les prérogatives procédurales accordées à la victime ne
devraient lui servir qu’à satisfaire ses intérêts civils.
La question se complique lorsque se glisse un élément d’extranéité
dans la situation juridique issue de l’infraction. Par exemple, l’infraction est
commise à l’étranger par un étranger contre une victime française. Selon le
droit français, le juge français et compétent et devra appliquer la loi pénale
française10. Si la victime entend obtenir des dommages-intérêts, la question
se pose de savoir quelle est la loi applicable à l’instance civile. En matière
de responsabilité civile, la règle de conflit désigne la loi du lieu du
dommage, soit ici la loi étrangère. Mais, le juge pénal français, nous l’avons
dit, n’applique que la loi française. L’appliquera-t-il à l’action publique et à
l’action civile accessoire de l’action publique ? Ou bien divisera-t-il
l’application selon le type d’instance ? C’est la dernière solution qui est
choisie, la victime ne devant pas disposer d’un avantage exorbitant par
rapport à celle qui porterait son action devant le juge civil alors que les deux
actions sont identiques.
2°) A partir du moment où c’est le déroulement du procès lui-même
qui permet d’établir le bien fondé de l’accusation et de la demande en
réparation, il est logique, au stade de la saisine du tribunal, c’est-à-dire de la
recevabilité de l’acte de constitution, que les conditions soient appréciées
avec moins de sévérité. Ainsi, lorsque la partie lésée se constitue partie
civile au moyen d’une citation directe, le code de procédure pénale laisse à
la victime la faculté de conclure ultérieurement à des dommages-intérêts
(art.418 C.proc.pén.) ; en effet, au moment de saisir le tribunal, la victime
peut ne pas connaître exactement l’ampleur de son préjudice. Lorsqu’elle se
constitue partie civile devant le juge d’instruction, pour reprendre la formule
de la Cour de cassation, « il suffit pour qu’elle soit recevable que les
circonstances sur lesquelles elle s’appuie permettent au juge d’admettre
comme possible l’existence du préjudice allégué et la relation directe de
celui-ci avec l’infraction »11.

10
Art.113-7 C.pén.
11
Cass.crim. 8juin 1999. Bull.crim. n°123.

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B. Les droits procéduraux


Il y a, à cet égard, une date capitale : le 22 mars 1921 ; c’est , en
effet, la date de la loi qui a étendu à la partie civile, les droits qu’une loi de
1897 avait déjà reconnu à l’inculpé et notamment le droit de bénéficier de
l’assistance d’un avocat. Depuis cette date, les droits de la partie civile dans
le procès se sont considérablement renforcés. Au fil des années, elle s’est
vue placée sur un pied d’égalité avec l’auteur de l’infraction, le
renforcement du caractère contradictoire de la procédure, notamment au
niveau de l’instruction, s’accompagnant logiquement d’un accroissement
des droits de toutes les parties à la procédure. Grâce à ses prérogatives la
victime pourra « surveiller » l’évolution de la procédure et corroborer
l’action publique. Par exemple, elle pourra demander au juge d’instruction
de prononcer un renvoi ou un non lieu à l’expiration de certains délais ; et
s’il ne répond pas à la requête, la victime saisira le président de la chambre
de l’instruction de la Cour d’appel, juridiction hiérarchiquement
supérieure12.
Si l’auteur de l’infraction est susceptible d’être déclaré irresponsable
pénalement pour cause de trouble mental, la victime a droit à une
ordonnance qui, certes, déclare l’irresponsabilité mais reconnaît aussi la
réalité des faits commis. La victime n’est plus laissée dans l’ignorance ; elle
doit pouvoir trouver dans la tenue d’une audience juridictionnelle une
réponse à son malheur.13
La victime peut aussi demander des expertises, interjeter appel
contre l’ordonnance du juge d’instruction en cas de refus ; elle peut
compléter les questions posées à l’expert, demander de lui adjoindre un
second expert de son choix14. La victime peut aussi réclamer un transport
sur les lieux ou une confrontation15. Elle dispose aussi, à l’évidence, du droit
de faire appel des décisions pénales au regard de ses intérêts civils.16 On voit
bien avec ces quelques exemples, que la victime est véritablement associée
au développement procédural, ce qui ne laisse pas d’inquiéter quand on sait
qu’elle peut n’être présente que pour obtenir une condamnation pénale !
L’obsession de la protection de la victime de l’infraction a même
conduit le législateur à instituer un juge délégué aux victimes « chargé de
veiller, dans le respect de l’équilibre des droits des parties à la prise en

12
Art.175-1 C.proc.pén.
13
Art.706-20 C.proc.pén. (issu de la loi du 25 février 2008)
14
Art.156 et s. C.proc.pén.
15
Art.82-1 C.proc.pén.
16
Art.497 C.proc.pén.

18
LES DROITS SUBJECTIFS DE LA VICTIME D’UNE INFRACTION

compte des droits reconnus par la loi aux victimes »17. Le principe d’une
institution judiciaire chargée spécialement des intérêts de l’une des parties
laisse perplexe surtout si le juge en question siège en même temps comme
juge correctionnel. Mais, semble-t-il, la Cour de cassation n’y trouve rien à
redire !18
Enfin, il n’est guère possible d’achever cet article sans évoquer le
rapport issu des réflexions d’une commission de réforme présidée par M.
Philippe LEGER, magistrat. Bien que les rédacteurs du rapport s’en
défendent, certaines propositions risquent, insidieusement, de revenir sur
l’un des droits fondamentaux reconnus aux victimes : celui de déclencher
les poursuites par une plainte avec constitution de partie civile. En effet, il
est prévu que la décision finale en revienne au juge de l’enquête et de la
détention, nouveau magistrat chargé de contrôler une instruction confiée
désormais au procureur de la République19. Il y a trois ans fut célébré le
centenaire de l’arrêt Laurent-Atthalin. Il est à craindre, avec ce rapport, s’il
vient à être suivi lors d’une prochaine réforme de la procédure pénale, qu’un
siècle de jurisprudence soit enterré injustement. Malgré les abus révélés par
quelques affaires récentes, cette réforme est dangereuse. Il vaudrait mieux
redéfinir les droits procéduraux de la victime et lui interdire de se constituer
partie civile à d’autres fins que celle d’obtenir une réparation réelle de son
dommage. L’action civile reste l’accessoire de l’action publique. La victime
doit pouvoir continuer de faire juger cette action civile par le juge pénal.
Pour autant, elle ne doit pas devenir un procureur bis.

17
Art. D.47-6-1 et s. C.proc.pén.
18
C.cass, avis des 20 juin et 6 octobre 2008.
19
On rappellera qu’en France le ministère public n’est pas indépendant du pouvoir exécutif.
La Cour européenne des droits de l’Homme vient de condamner la France pour cette
raison : aff. Medvedyev et autres, c/France, Cedh 10 juill.2008, D.2009.chron.600,
obs.J.F.Renucci.

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