Thse - K Zarrouk
Thse - K Zarrouk
Thse - K Zarrouk
Khaled ZARROUK
soutenue le : 17 novembre 2011
RAPPORTEURS :
DENIEUIL Pierre-Noël Directeur de Recherche au CNRS (IRMC Tunis)
MISPELBLOM BEYER Frederick Professeur de sociologie, Université d'Évry-Val-d'Essonne
JURY :
BEVORT Antoine Professeur de sociologie, CNAM (Paris)
MADOUI Mohamed Professeur de sociologie, CNAM (Paris)
Je dédie ce travail à Mehdi et Skander.
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Remerciements
Pour la réalisation de cette recherche et son aboutissement, je souhaite tout d’abord remercier
l’ensemble du personnel de la banque « BMTP » que j’ai pu interviewer, mais également les
chercheurs du Laboratoire Interdisciplinaire pour la Sociologie Economique (LISE) et du CNRS
qui m’ont permis de faire ressortir des points communs de réflexion inhérents aussi bien au
monde du travail qu’à celui des universités.
Je souhaite également remercier tout particulièrement mon directeur de thèse, Marnix Dressen,
qui m’a orienté, soutenu et encouragé durant ces travaux, en me rappelant toujours l’importance
de pouvoir démontrer les choses et d’avoir un avis aussi bien détaché que personnel par rapport
aux résultats mis en évidence par le travail empirique.
Ainsi, il m’a donné la liberté de choisir le champ de travail tout en m’aidant dans la confection
(utilisation de la méthode de l’observation directe et participante avec insertion de témoignages
parlant en ma qualité d’insider) et l’assemblage ( en m’invitant à une analyse approfondie du jeu
des acteurs et des intérêts existants de part et d’autre, entre supérieurs hiérarchiques et
subalternes, mais également entre salariés eux-mêmes) pour permettre au lecteur d’avoir une
compréhension aussi claire que possible des éléments qui ressortent.
Cet exercice assez nouveau pour moi répond également à mes attentes dans la mesure où mon
souci a toujours été de mettre en lumière cette réalité souvent camouflée par les stéréotypes sur
les banquiers et l’image externe qu’ils laissent se diffuser à défaut de permettre à tout un chacun
d’en connaitre les contours.
Aussi, cette immersion dans le monde du travail bancaire, réputé comme étant très hermétique,
m’a été très bénéfique.
Je souhaite aussi remercier Sarra Karoui, qui a fait l’effort de lire et de recadrer mon travail en
m’invitant toujours à respecter la problématique initiale (cela m’a permis d’évacuer certaines
parties trop approximatives et de me concentrer sur les éléments les plus opportuns) tout en
gardant à l’esprit que ce travail de recherche prend en charge aussi bien des éléments théoriques
que pratiques.
Je souhaite aussi remercier Anissa Zarrouk, mon épouse, pour son soutien inconditionnel et ses
conseils méthodologiques, ainsi que ma mère et mes deux enfants pour leur encouragement.
Je souhaite aussi remercier aussi bien mon père qui m’a permis d’avoir une vision des rapports
hiérarchiques et socioprofessionnels entre salariés et patrons, (étant donné le poste de DRH qu’il
avait occupé dans une entreprise pétrolière de renommée internationale), que mon défunt beau-
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père, pour sa vision diamétralement opposée à celle de mon père, avec ses récits, ses
témoignages et ses conseils issus du terrain.
Ces deux visions qui peuvent s’inscrire dans le domaine des sciences humaines et sociales m’ont
permis de relativiser mes propos en étant plus objectif.
Je remercie également d’une manière particulière Sélim Karoui pour ses conseils techniques et
son savoir faire en informatique qui m’a énormément aidé dans la réalisation et la finalisation de
ce travail.
Enfin, je souhaite remercier tout lecteur de cette thèse en espérant qu’elle lui permette d’avoir
une idée plus précise des banques et des interactions socioprofessionnelles en interne entre le
management et les salariés, jeunes et seniors, dans un domaine noble celui de la formation et de
la transmission intergénérationnelle des connaissances.
J’espère qu’il pourra y retrouver quelques pistes ou tout au moins des données lui facilitant une
compréhension du monde du travail, à travers le secteur bancaire et les banques qui s’inscrivent
plus largement dans la lignée des entreprises de service.
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Résumé
La transmission intergénérationnelle des connaissances au sein de la banque tunisienne fait traditionnellement partie
de la culture de branche inhérente au secteur bancaire, poids lourd du secteur des services marchands.
La formation sur le tas utilisée par les seniors pour transmettre leurs connaissances aux jeunes était réalisée dans un
élan patriotique de solidarité. Ce mode de formation est aujourd’hui jugé archaïque mais il n’a pas disparu, même si
la banque tunisienne a intégré de nouveaux modes de formation plus modernes. Cette mutation est d’autant plus
nécessaire à étudier que la banque tunisienne se trouve aujourd’hui confrontée à une situation critique, celle du
remplacement d’une partie de ses effectifs plutôt qualifiés par leur expérience et appelés à prendre leur retraite, par
des jeunes plutôt qualifiés par leurs diplômes.
Mais, les institutions universitaires et académiques (institution d’enseignement privées et publiques) ne peuvent pas
tout enseigner et de fait, le management de la banque souhaite que les seniors partants à la retraite procèdent à la
transmission de certaines de leurs connaissances clés avec le même enthousiasme que celui des premières années
d’après indépendance pour pouvoir à terme réaliser une codification de ces mêmes connaissances clés ce qui
permettrait de pérenniser les différents métiers et savoirs faire de la banque. Toutefois, le management ne tient pas à
une transmission intégrale de la culture traditionnelle des différentes catégories de personnels bancaires. Selon lui, la
mondialisation et l’exacerbation de la concurrence internationale qui l’accompagne, imposent l’introduction de
nouvelles pratiques gestionnaires, comme l’individualisation des performances, qui a pour effet de modifier assez
rapidement la culture professionnelle des banques. Cette dernière va de plus en plus dans le sens d’un éclatement
des collectifs, d’une désolidarisation, avec l’accroissement des divisions internes aussi bien entre les salariés
qu’entre les salariés et la hiérarchie.
La comparaison avec la situation des banques allemandes permet de mettre en relief l’avènement d’une
entrouverture au recrutement externe de jeunes diplômés issus de l’université.
Ceci, alors même que l’Allemagne est un pays reconnu comme étant un précurseur dans le domaine de la formation
professionnelle et surtout de la formation duale ou en alternance et que ses établissements bancaires étaient, comme
les banques tunisiennes, fermées au marché externe de l’emploi.
De plus, malgré le développement et l’adoption par les banques tunisiennes de ce mode de formation allemand censé
créer davantage de synergies entre les salariés d’une part, et entre les salariés et le management d’autre part, on
observe, au contraire une dégradation de la culture interne. Cette dégradation est à imputer à l’introduction de
pratiques gestionnaires qui donnent la priorité à une maximisation de la rentabilité des banques et à la recherche
d’une compétitivité accrue, qui se traduisent dans les faits par une sur-exploitation des salariés.
Mots-clés
Banque, institutions financières, transmission des connaissances, transfert de savoirs, culture interne, hiérarchie,
cloisonnement, partage, divisions internes, désolidarisation, reconnaissance, administration du personnel, service.
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Résumé en anglais
The technical and professional knowledge within the Tunisian banking system has been passed down from
generation to generation and belongs actually to the traditional culture of the financial sector, which is a huge and
important body of the merchant field.
The training on the job provided by seniors to the young generation has been realised in a patriotic surge of
solidarity. Even if that kind of training is nowadays considered as archaic, it hasn’t totally disappeared. The Tunisian
banks have as well already integrated new and modern ways of training. That change needs to be seriously analysed
as the Tunisian bank is now facing a critical situation: How to replace a part of the qualified and experienced
workforce which is going to be retired, by young people highly skilled through theorical studies and diplomas.
Thus, given that academic institutions (public or private) can’t teach everything, the banking management would
like from the seniors heading for retirement to proceed to the transmission of some of their key knowledges with the
same will and enthusiasm than the first years of independence, permitting that way to settle down a codification of
these matters in order to perpetuate the different works and knowhows of the banking system.
However, the management doesn’t want a simple and full transmission of the traditional culture of the different
categories of workforce within the bank. It puts forwards the fact that the globalisation along with the intensification
of the international competition, impose the use of new managing practises, such as the individualization of the
tasks, which leads, as a result, to a rapid change of the professional culture of the banks. The path taken here shows
the bursting of the work team, a separation within the group, an increase of internal divisions between employees
themselves and even in the hierarchy.
Therefore, the employees more and more follow a self-governing policy that they don’t show to their leaders in
order to avoid retaliation and disciplinary measures.
The international comparison with German banks allows to underline the external recruiting of young graduated
people from universities. Germany is something of a trail-blazer in the field of professional trainings, dual or in
alternation trainings, eventhough if the German banks were in the past closed to any job market, just like the
Tunisian banks.
Moreover, and despite the fact that the Tunisian banking system is following the German training example which is
due to lead to more synergies between employees and hierarchy, we notice that the internal culture is deteriorating
more and more because of the introduction of managing practises which only take into account the maximisation of
the banks profitabilities even if it leads to exploit their employees more and more.
Key-words
Bank, financial institutions, knowledge transmission, knowledge transfert, management and internal culture,
hierarchy, compartmentalization (the fact that the departments work in isolation –from one another.), sharing,
internal divisions or separations, gratitude, staff management, service.
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Table des matières
Remerciements ................................................................................................................................3
Résumé ............................................................................................................................................5
Résumé en anglais ...........................................................................................................................6
Table des matières ...........................................................................................................................7
Liste des tableaux ..........................................................................................................................14
Liste des figures ............................................................................................................................15
Liste des annexes...........................................................................................................................15
Introduction ...................................................................................................................................16
Chapitre1 : La force de travail dans les banques Tunisiennes et Allemandes ..............................34
1.1 La population active employée au sein des banques maghrébines et étrangères .........37
1.1.1 Historique des banques tunisiennes...........................................................................38
1.1.2 Description globale de l’emploi, et de la population bancaire en Tunisie ................40
1.1.3 Présentation des banques allemandes........................................................................42
1.2 Evolution de l’effectif de la population bancaire tunisienne (1971-2007)....................44
1.2.1 Structure de la population bancaire par catégorie socioprofessionnelle ...................44
1.2.2 Structure de la population bancaire par catégorie d’âge et par genre .......................45
1.3 Contexte et organisation du secteur bancaire allemand ...............................................54
1.3.1 Présentation du secteur bancaire allemand................................................................54
1.3.2 Répartition bancaire par type d’objet ........................................................................55
1.3.3 Une segmentation bancaire par type d’activité .........................................................56
1.3.4 Particularité des associations de banque ...................................................................57
1.3.5 Avènement d’une modernisation du secteur bancaire qui conserve le principe des
trois piliers.............................................................................................................................58
1.4 Particularités des secteurs bancaires : tunisien et allemand ..........................................60
1.4.1 Une culture de branche proche de celle de la fonction publique ..............................60
1.4.2 Des relations interprofessionnelles complexes .........................................................62
1.5 L’emploi des jeunes et l’intérêt porté sur les rapports professionnels et
intergénérationnels ....................................................................................................................64
1.5.1 L’impulsion des autorités locales et les premières mesures de départs anticipés dans
le secteur bancaire tunisien....................................................................................................64
1.5.2 L’intérêt inhérent à une transmission des connaissances entre les générations dans le
cadre du secteur bancaire tunisien.........................................................................................70
7
1.5.3 La gestion des âges au sein de la banque publique tunisienne..................................72
1.6 Une intégration croissante de jeunes diplômés dans les banques tunisiennes et
allemandes .................................................................................................................................74
1.6.1 La gestion traditionnelle de l’emploi dans les banques allemandes et tunisiennes.....74
1.6.2 Existence d’une division du travail et d’un recrutement qui favorise la promotion
interne....................................................................................................................................77
1.6.3 Ouverture du marché interne à travers l’offre d’emploi des diplômés........................80
1.7 Convergence inhérente à une homogénéisation des facteurs d’évolution des deux secteurs
bancaires respectifs ...................................................................................................................84
1.7.1 Un Ticket d’entrée qui ne permet pas de piloter sa carrière.........................................87
1.7.2 Un renouvellement des générations commandé par diverses contraintes ....................90
1.7.3 L’exigence d’une élévation du niveau de diplôme.......................................................94
1.7.4 Répercussion de l’élévation du niveau sur les recrutements et les rapports
socioprofessionnels ...............................................................................................................98
1.8 Conclusion du chapitre....................................................................................................105
Chapitre 2 : Le système de formation bancaire en Tunisie et en Allemagne..............................108
2.1 Vers une clarification des concepts de formation, d’apprentissage et de formation
continue : .................................................................................................................................108
2.2 Historique et organisation de la formation des banques tunisiennes et allemandes..........116
2.2.1 Historique de la formation des banques tunisiennes et allemandes ..........................116
2.2.2 Organisation interne et régime des études du centre.................................................119
2.3 Organisation des banques tunisiennes et allemandes ........................................................121
2.3.1 Adaptation des salariés des banques allemandes et tunisiennes à travers la formation
professionnelle ....................................................................................................................124
2.3.2 Recrutement de diplômés de l’Université Tunisienne ...............................................127
2.4 Les pratiques de formation et de transmission des connaissances ....................................130
2.4.1 Anciennes caractéristiques générales de la formation.............................................131
2.4.2 Les nouvelles caractéristiques générales de la transmission des connaissances .....135
2.4.3 Une prise de conscience progressive.......................................................................136
2.4.4 Les nouveaux modes de formation ne sont pas exclusifs des anciens ....................136
2.5 La formation professionnelle dans le secteur bancaire tunisien........................................140
2.5.1 La transmission intergénérationnelle des connaissances ........................................145
2.5.2 La conception et la mise en œuvre d'une formation par métier ..............................146
8
2.5.3 Spécificité des systèmes de formation interne des banques allemandes et tunisiennes
147
2.6 Diagnostic et évaluation empirique du système de formation de la banque publique
tunisienne ................................................................................................................................150
2.6.1 Un écart entre les formations programmées et leurs déclinaisons sur le terrain ....150
2.6.2 La formation diplômante : Dernières évolutions.....................................................154
2.6.3 Des retombées qui imposent une concurrence entre établissements et salariés ......161
2.7 Obsolescence des connaissances des seniors en rapport avec la politique de formation
interne 165
2.7.1 La domination et la peur comme système de management.....................................170
2.7.2 Regain de taylorisme et nouvelle régulation imposée.............................................171
2.7.3 Disparition progressive de l’identité professionnelle et affaiblissement des anciennes
régulations ...........................................................................................................................174
2.7.4 La remise en cause des mécanismes de reconnaissance au travail..........................176
2.8 Une nouvelle expérience identitaire avec remise en question des sociabilités acquises
179
2.8.1 Nouvelles considérations humaines et trajectoires professionnelles.......................181
2.8.2 L’avènement de changements imposés se répercutant sur le cognitif.....................183
2.9 La force du pouvoir hiérarchique limite le transfert de savoirs ..................................185
2.9.1 Une transmission intergénérationnelle définie par la hiérarchie .............................187
2.9.2 Un management archaïque qui entrave le transfert des connaissances ...................192
2.10 L’ancrage du « modèle réglementaire » : nouvelle valeur culturelle en interne .........194
2.10.1 Des règles contraignantes qui compliquent la transmission intergénérationnelle
des connaissances ................................................................................................................200
2.10.2 Volonté apparente de casser les modèles communautaires et collectifs .............202
2.11 Conclusion du chapitre................................................................................................210
Chapitre 3 : Etude de la transmission intergénérationnelle des connaissances...........................213
3.1 Recrutement, intégration, et progression de carrière...................................................220
3.1.1 Affectation et formation en interne (Formation non diplômante)...........................221
3.1.2 Inscription aux formations diplômantes prévues par la convention collective des
banques................................................................................................................................224
3.1.3 Les formations non diplômantes et/ou « informatives » (séminaires internes, etc…)
229
3.2 La pratique courante de la tournée des différents services de la banque ...................231
9
3.2.1 Place accordée à la pratique de la formation sur le tas...............................................233
3.2.2 Une formation au poste de travail dépendante du test de recrutement....................235
3.3 Le profil des animateurs varie selon le type de formation ..........................................241
3.3.1 Caractéristiques démographiques, qualité des formateurs, durée et type de formation
246
3.3.2 Evaluation des points forts et des points faibles du système de formation .............247
3.4 Une organisation des services internes assez hétérogène et/ou en rapport avec
l’importance de la structure.....................................................................................................251
3.4.1 Un bouleversement psychologique inhérent à la globalisation des économies ......253
3.4.2 Mise en exergue d’un déséquilibre des pouvoirs au profit d’une domination
patronale ..............................................................................................................................254
3.5 Des attributions jugées souvent plus complexes ........................................................258
3.5.1 Des attributions à l’avantage des supérieurs hiérarchiques.....................................260
3.5.2 Un sentiment fort de frustration et de fragilité ........................................................280
3.5.3 Description du type d’échange entre les effectifs en rapport avec la formation .....282
3.6 Nomination et affectation du personnel selon des normes aléatoires .........................286
3.6.1 Arbitrage pour l’affectation à un poste d’après les pré-requis et les caractéristiques
démographiques ..................................................................................................................287
3.6.2 Le recrutement et l’affectation des effectifs répondent t-ils à des critères objectifs ?
290
3.6.3 Existence de facteurs qui favorisent une affectation plutôt qu’une autre................291
3.6.4 Recensement des données sociodémographiques de l’effectif................................292
3.7 Niveau et formation des effectifs en rapport avec l’âge et le genre (plafond de verre)
294
3.7.1 La formation professionnelle, et l’apprentissage des effectifs ................................297
3.7.2 Les rapports qu’entretiennent les jeunes effectifs avec le système de formation après
la titularisation.....................................................................................................................298
3.7.3 Quid par rapport à l’expérience professionnelle et l’apprentissage ........................300
3.8 Les avantages et les inconvénients des formations diplômantes.................................301
3.8.1 Une appréhension négative par rapport aux formations diplômantes qui tient compte
de l’effet génération ............................................................................................................303
3.8.2 Une priorité absolue pour la « nécessité de service » face à la formation
professionnelle ....................................................................................................................306
3.8.3 La notion d’apprentissage et la formation sur le tas................................................308
10
3.9 La perception par les différentes générations de cette phase d’apprentissage ............312
3.9.1 Une facilité d’apprentissage du fait de l’effet générationnel, et un rôle multi activités
dévolu aux seniors ...............................................................................................................312
3.9.2 Diversité des facteurs intervenant dans ce processus d’apprentissage....................313
3.10 Les sentiments des jeunes et des seniors dans ce processus d’apprentissage .................315
3.10.1 Un système d’apprentissage autrefois paternaliste..............................................319
3.10.2 Des perspectives d’avenir floues dans un secteur d’activité protégé ..................320
3.11 Conditions de travail et effet de génération : compatibilité ou conflit ? .....................322
3.11.1 Des effectifs qui travaillent en situation de tension, concurrence, et stress ........323
3.11.2 Existence de disparités au niveau des conditions de travail................................325
3.12 Réussite ou échec de la transmission des connaissances : quel bilan ?.......................326
3.12.1 Appréciation du transfert intergénérationnel prodigué par les seniors ...............329
3.12.2 Généralisation du self made ou du phénomène des « autodidactes »..................331
3.13 L’emploi bancaire, un métier sous l’emprise bureaucratique .....................................332
3.13.1 Une mobilité et des projections d’avenir limitées ...............................................336
3.13.2 Un regard rétrospectif sur la carrière, la formation et le choix de l’emploi ........338
3.14 Evaluation de la formation entre les banques Allemandes et Tunisiennes .................342
3.14.1 L’avènement d’une nouvelle régulation entre marché interne et système de
formation continue ..............................................................................................................348
3.14.2 Modification des stratégies de formation et de recrutement des banques
allemandes et tunisiennes ....................................................................................................348
3.14.3 L’adaptation aux facteurs de changement cristallise des différences.....................353
3.15 L’impact de la modernisation et de la restructuration des secteurs bancaires allemands
et tunisiens sur la formation interne ........................................................................................356
3.15.1 Système dual allemand et système d’enseignement obligatoire en tunisie ..............356
3.15.2 Unanimité sur les causes de changement et effet de l’orientation commerciale
choisie 357
3.16 Un arbitrage en faveur de la mobilité qui va à l’encontre des normes internes ..........359
3.16.1 Des formations internes presque similaires mais une valorisation différente ..........359
3.16.2 Une formation interne aux métiers de la banque.....................................................360
3.16.3 Une entrouverture au marché externe qui favorise le turnover...............................361
3.16.4 Une remise en cause de plusieurs acquis qui entraîne diverses conséquences .......362
3.17 Influence des pratiques de formation inhérentes aux institutions nationales de
formation professionnelles ......................................................................................................364
11
3.17.1 Existence de différents modèles de formation professionnelle ...........................365
3.17.2 Formation continue et affaiblissement des marchés internes..............................370
3.17.3 Rôle des établissements de formation professionnelle........................................375
3.17.4 Apprentissage, ou formation sur le tas ? .............................................................376
3.18 Synthèse de la comparaison entre l’Allemagne et la Tunisie en matière de formation
bancaire ...................................................................................................................................381
3.19 Conclusion du chapitre...................................................................................................385
Chapitre 4 : Une transmission intergénérationnelle des connaissances conditionnée par plusieurs
variables ......................................................................................................................................391
4.1 Les variables explicatives de l’existence ou non de la transmission
intergénérationnelle des connaissances ...................................................................................392
4.1.1 « La variable culturelle et socioprofessionnelle, une variable principale » ............392
4.1.2 Valeur d’« égalité-dignité » et des économies fondées sur la connaissance ...........394
4.1.3 « Le flou », une variable omniprésente et récurrente ..............................................397
4.1.4 Les réseaux socioprofessionnels, « relations et appartenances sociales » ..............398
4.2 L’existence d’autres variables sociologiques, situationnelles et managériales..........400
4.2.1 Les seniors, vus comme « une ressource professionnelle » ....................................401
4.2.2 Une banque administrée qui intègre l’individualisation des performances ............405
4.3 Des implications négatives qui freinent la transmission intergénérationnelle ..................411
4.3.1 Des conflits propres aux entreprises : Mise en jeu d’intérêts individuels ...............413
4.3.2 Les conflits collectifs au sein de la « BMTP »........................................................418
4.3.3 Le critère distinctif des conflits collectifs au sein de la « BMTP » ........................419
4.4 La variété des causes des conflits collectifs au sein de la « BMTP » .........................420
4.4.1 Les causes apparentes des conflits collectifs...........................................................420
4.4.2 Les sources socio-juridiques des conflits collectifs ................................................421
4.4.3 Les causes politico-économiques des conflits collectifs .........................................422
4.4.4 L’individualisation des performances, une source de conflits ................................423
4.5 La fibre patriotique en tant qu’accélérateur de transmission intergénérationnelle des
connaissances ..........................................................................................................................426
4.5.1 Un contexte particulier de crise : L’indépendance du pays.....................................426
4.5.2 Un élan patriotique qui s’estompe au fil des années ...............................................428
4.5.3 Un compagnonnage à coloration patriotique : Rapprochement avec la période
actuelle ................................................................................................................................429
4.5.4 Une dépendance variable et négociée par rapport aux valeurs sociales..................430
12
4.6 Une déliquescence progressive du lien social et des valeurs ...........................................434
4.6.1 Le choix d’un « management oppressif » ...............................................................437
4.6.2 Des pratiques managériales et sociales archaïques .................................................440
4.7 Appréhensions négatives des salariés, issues des exigences du travail......................443
4.7.1 Renforcement d’une culture du contrôle .................................................................444
4.7.2 Spécificités et mutations du métier de banquier......................................................446
4.8 Un retour au cloisonnement et la création de baronnies .............................................450
4.8.1 Un système d’immunité qui protège les responsables hiérarchiques ......................451
4.8.2 Apparition d’une culture de la suspicion.................................................................453
4.8.3 Inexistence d’une gestion sociale pour la transmission intergénérationnelle..........454
4.8.4 Une centralité excessive des pouvoirs.....................................................................457
4.9 Absence de méritocratie et de prise en compte des objectifs des salariés...................458
4.9.1 Le poids de l’« autorité justifiée »...........................................................................459
4.9.2 Paradoxe de la transmission intergénérationnelle des connaissances .....................461
4.9.3 Des conditions de travail archaïques au sein de la « BMTP » ................................462
4.9.4 Une absence de prise en compte de l’intérêt à agir des salariés..............................463
4.10 Influence négative d’une modernisation bancaire « imposée » ..................................464
4.10.1 Mutations et transformation des « systèmes professionnels » ............................465
4.10.2 Importance des connaissances et/ou savoirs pour la « BMTP » .........................467
4.10.3 Les connaissances et/ou savoirs ne sont plus cimentés par la solidarité .............469
4.10.4 Efficacité économique et légitimité du culturel au sein de la « BMTP » ?.........470
4.11 Des « formes identitaires », souvent jugées hasardeuses ............................................472
4.12 Conclusion du chapitre................................................................................................479
Conclusion...................................................................................................................................482
Résumé ........................................................................................................................................527
Résumé en anglais .......................................................................................................................527
13
Liste des tableaux
Tableau1:Evolution de la population active occupée (15 ans et plus) selon le secteur d’activité
(en milliers)...........................................................................................................................41
Tableau 2 : Evolution de l’effectif global des banques tunisiennes de 1971 à 1976 ....................44
Tableau 3 : Evolution de la structure de la population bancaire par catégorie socioprofessionnelle
(1971-1976) ...........................................................................................................................45
Tableau 4 : Evolution de la structure de la population bancaire par catégorie d’âges ..................46
Tableau 5 : Evolution de la structure de la population bancaire par genre (1971-1976) ..............46
Tableau 6 : Evolution des effectifs bancaires (Banques et autres membres) (1991/2007). ..........47
Tableau 7 : Structure du personnel bancaire par catégorie professionnelle au 31/12/2005 ..........49
Tableau 8 : Personnel des banques au 31 décembre 2007 ............................................................53
Tableau 9 : Structure du système bancaire allemand à la fin 2005 ...............................................59
Tableau 10 : Evolution des effectifs formés (inscrits) 1981-1992 ..............................................125
Tableau 11 : Evolution des effectifs inscrits 1989-1992 (Pour les trois cycles) .........................125
Tableau 12 : Inscriptions CFPB (toutes années) par rapport aux populations bancaires
correspondantes* (Toutes banques) ....................................................................................126
Tableau 13 : Evolution des inscriptions au cycle moyen (2004-2007) .......................................154
Tableau 14 : Répartition par métier des inscrits (2004- 2007)....................................................155
Tableau 15 : l’état des diplômés de la « formation bancaire spécialisée ....................................155
Tableau 16 : Evolution du nombre des candidats inscrits au cycle moyen 2004-2007...............156
Tableau 17 : Evolution du nombre d’inscrits à l’ITB-Paris 2004-2007....................................157
Tableau 18 : Résultats enregistrés au cours de la période 2004-2007 pour ITB 1......................158
Tableau 19 : Résultats enregistrés au cours de la période 2004-2007 pour ITB 2......................158
Tableau 20 : Tableau comparatif en matière de formation, entre les banques tunisiennes et
allemandes ...........................................................................................................................385
14
Liste des figures
Figure 1 : Evolution de la population occupée par grand secteur d'activité de 1966 à 1994 ........41
Figure 2 : Evolution du total général du personnel bancaire de 1991 à 2005 ...............................48
Figure 3 : Structure du personnel par catégories professionnelles................................................50
Figure 4 : Structure du personnel par tranches d'âge ....................................................................51
Figure 5 : Structure du personnel par sexe (année 2007) ..............................................................52
Figure 6 : Modélisation des principales variables et sources d’influence en rapport avec la
transmission intergénérationnelle des connaissances au sein de la « BMTP » ...................475
Figure 7 : Modélisation du sens de la transmission intergénérationnelle des connaissances au sein
de la « BMTP » ...................................................................................................................476
15
Introduction
16
Les banques tunisiennes jouent un rôle important dans la vie économique du pays.
Toutefois, leur force ne réside pas seulement dans le montant des dépôts, dans leurs
investissements, dans leurs avoirs, ou dans leur portefeuille de clients, mais également dans leur
savoir faire. Ceci est d’autant plus vrai que l’économie tunisienne s’oriente dans la voie de la
libéralisation avec un désengagement progressif de l’Etat et des privatisations croissantes. Ainsi,
les banques s’éloignent d’une économie administrée et entrent dans une situation plus
concurrentielle avec un contrôle a posteriori des autorités de tutelle et une influence plus directe
des bailleurs de fonds internationaux qui les obligent à respecter des ratios de solvabilité et des
normes internationales rigoureuses.
Les dirigeants de banques sont ainsi incités à veiller à l’amélioration de la productivité par agent
de leurs salariés tout en cherchant la taille optimale, ce qui les oblige à revisiter leur politique
interne de formation.
Aussi, après avoir utilisé pendant longtemps une formation sur le tas, les banques tunisiennes ont
fait le choix d’introduire d’autres modes de formation qui ont été du ressort du centre de
l’Association Professionnelle des Banques.
Chaque établissement bancaire a ainsi inscrit ses salariés à des cours de formation bancaire,
aussi bien d’ordre général que spécialisé, comme les cours de l’ITB (Institut Technique des
Banques), même si les dirigeants des banques considèrent que ces formations sont bénéfiques
mais demeurent trop théoriques et inadaptées au contexte tunisien des affaires.
Les dirigeants privilégient donc, et en tout état de cause, toujours la formation sur le tas et la
valeur de l’ancienneté sur le poste de travail, qui peut opposer les jeunes générations qualifiées
par leurs bagages académiques sans cesse croissant à celle des générations sortantes qualifiées
par leurs expériences professionnelles.
Ces réticences sont bien illustrées par le fait que le budget alloué à la formation professionnelle
est en moyenne compris entre 2% et 3% de la masse salariale pour les banques tunisiennes, alors
même que pour plusieurs banques étrangères ce taux est entre 6% et 8%1 et ce, indépendamment
de la structure du personnel et du type de banque.
Pourtant, le Ministère de la Formation Professionnelle Tunisien encourage la formation
professionnelle et préconise le remboursement des dépenses engagées pour les formations agrées
par ses services.
1
Bani Chadia, communication au colloque Finances Méditerranée, « Nouveaux besoins, nouveaux métiers,
nouveaux outils, la formation, défi majeur de la banque de demain ! Quelle coopération euro-méditerranéenne ? »,
organisé à Marseille le 27 Mai 2004
17
Or, toute chose égale par ailleurs, l’avantage dont certaines banques disposent par rapport à
d’autres, réside dans le savoir faire de leur personnel et les départs naturels, surtout les départs en
retraite, sont une des voies par lesquelles les banques peuvent perdre ces compétences.
Aussi, la question que nous nous sommes posée est de comprendre comment s’opère la
transmission des connaissances dans la banque tunisienne dans ce contexte marqué par une
concurrence accrue entre les banques qui les incite à opérer des changements organisationnels
internes pour permettre l’adaptation de leur personnel à ces nouvelles situations, tout en veillant
à conserver les savoirs faire des seniors appelés à prendre leur retraite.
Dans cette nouvelle ère, les jeunes salariés qualifiés par leurs diplômes ont fait le choix de
donner une touche pratique aux connaissances théoriques dont ils disposent et ce, à travers
l’adhésion à un apprentissage sur le terrain qui leur est prodigué par un tuteur, un senior qui
dispose de connaissances acquises par la pratique tout au long des années.
Cette faculté d’adaptation est importante dans cette nouvelle ère car la situation a beaucoup
évolué. En effet, après l’indépendance du pays, les nouvelles recrues disposaient rarement d’un
niveau de qualification aussi élevé (en termes de diplômes) et leur apprentissage allait leur servir
pour plusieurs années étant donné la stabilité économique et le contexte d’encadrement du crédit.
Cependant, aujourd’hui la fréquence des changements et des innovations financières et
technologiques conjugués à la libéralisation et la croissance de la concurrence entre les banques
font que l’adaptation et la faculté d’être facilement employable sont indispensables, voire font
partie prenante de l’apprentissage auquel doivent se conformer les jeunes nouvellement recrutés.
Ainsi, comme l’énonce Alvin Tofler2 « l’analphabète de l’an 2000 ne sera pas celui qui ne saura
ni lire ni écrire mais celui qui ne saura apprendre, désapprendre et réapprendre ».
A l’image de la profession médicale, la profession bancaire va de plus en plus exiger que les
salariés participent à des formations continues pour des mises à jour régulières.
Le métier bancaire devient plus dynamique, il est même concurrencé par l’incursion d’autres
acteurs comme la Poste, étant donné le décloisonnement de l’activité, la désintermédiation
opérée, ainsi que les dérégulations successives.
Ces différentes évolutions témoignent d’une instabilité structurelle qui a des effets sur la
formation des salariés. Ces derniers sont dans l’obligation de mettre à jour leurs connaissances,
indépendamment de la formation initiale reçue, qui est jugée nécessaire mais non suffisante.
Cela doit se faire par le biais d’un apprentissage interne archaïque mais qui a fait ses preuves en
termes d’efficacité de transmission de connaissances, la formation sur le tas.
2
Tofler Alvin, Dream Theater à Ottawa, 5 septembre 2004.
18
Aussi, il devient plausible de faire un rapprochement entre la prédominance de ce mode de
formation pourtant archaïque et les nouveaux modes de formation qui se concurrencent et se
complètent tout à la fois, sans que l’on puisse réellement parler de mutation, mais beaucoup plus
d’adaptation continue.
Ceci est confirmé par Elisabeth Brun-Hurtado3 qui indique qu’« au regard des transformations
survenues sur le secteur bancaire, on ne peut en effet selon nous ni parler de crise, ni de mutation
(le terme de mutation, comme celui de changement, suppose qu’un état stable, situation
d’arrivée, remplace totalement un autre état stable, situation de départ) », car il n’existe pas
encore d’état stable.
Norbert Alter4 a élaboré une théorie générale basée sur l’idée selon laquelle c’est désormais le
mouvement, bien plus que la stabilité, qui caractérise les situations de travail.
Pour Alter, « la permanence des transformations concernant les techniques, l’organisation, les
produits et les procédures de gestion, amène à concevoir le changement comme une situation
banale et récurrente. L’état initial, de type A demeure identifiable, mais l’état B, l’émergence
d’un nouvel état stable, résiste à toute tentative de description. Le moment du passage entre deux
états devient la situation « normale ». Tout bouge constamment : les acteurs, les situations, les
dispositifs et les politiques de gestion, les apprentissages réalisés, les leçons qui en sont tirées et
la notion même de rationalité ».
En effet, si l’environnement externe n’est pas stable et peut intervenir parfois comme une donnée
exogène, l’évolution interne du personnel de l’entreprise peut apparaître comme une donnée sur
laquelle l’entreprise peut agir, même si par leurs actions les acteurs sociaux que sont l’entreprise
d’un côté (représentée par ses employeurs), et les salariés de l’autre, participent à la construction
du contexte auquel ils ne font pas que réagir ou s’adapter dans une logique stimuli réponse.
Le changement pose aussi la question de son rythme, comme le signale Abdelwaheb Bouhdiba5,
le problème réside dans la vitesse à laquelle s’opèrent ces changements. En effet, si ces derniers
sont trop rapides cela peut générer des problèmes d’adaptation qui peuvent avoir des
répercussions socioprofessionnelles aussi bien pour les salariés que pour les employeurs.
3
Selon Elisabeth Brun Hurtado, le mot crise renvoie à l’idée d’une « rupture d’équilibre entre diverses
composantes » (Dubar, Claude, « La crise des identités. L’interprétation d’une mutation », Paris, PUF, Le lien
social, Edition, 2000, p. 10). D’après elle, il s’agit d’une phase de perturbations concernant une situation à nouveau
stabilisé, qui peut être identique ou non à la précédente, « Une crise permanente n’est pas une crise » (Dressen,
« Négociation et application de la flexibilité du temps de travail pour les cadres du secteur bancaire français », in
« Flexibilité active et nouveaux modes de négociation du temps de travail. Le cas des hautes qualifications », Dupré
Michèle, Dressen Marnix, Lallement Michel, Lefevre Gilbert, Rapport DARES du GRIOT-CNAM, mars pp.43-50
et pp.130-244, 2003d, pp165).)
4
Norbert Alter, « L’innovation ordinaire », Paris, PUF (Sociologies), 2ième édition, 2001, p. 119.
5
Bouhdiba Abdelwaheb, « Quêtes sociologiques, continuités et ruptures au Maghreb », Ed Cérès, 1995, p33.
19
La question serait alors de savoir dans un esprit wébérien, à qui profite le plus cette situation en
terme de domination ? Serait-ce aux salariés, censés être protégés par des syndicats aujourd’hui
affaiblis ou aux employeurs qui utilisent aujourd’hui beaucoup plus fréquemment l’arme du
licenciement pour des secteurs et au sein d’activités protégées comme celles des banques,
largement réputées pour une sécurité de l’emploi et une carrière assurée pour son personnel ?
Ainsi, il existe aujourd’hui une requalification des erreurs de gestion donnant lieu à une
interprétation et à une sanction beaucoup plus sévères pour des fautes tolérées autrefois.
Cette idée de dynamique soulevée plus haut est reprise par Abdelwaheb Bouhdiba6 qui
s’inspirant du modèle de la Médina arabe de Kairouan remarque que : « le passé est toujours
présent. Les gens de la ville se transmettent idéaux, valeurs mais aussi techniques, rapports
interpersonnels et souvenirs collectifs ».
La notion de dynamique de transmission intergénérationnelle relative aussi bien aux idéaux, aux
valeurs, qu’aux connaissances et savoirs des aînés envers les jeunes générations est difficile à
évaluer d’autant plus que sa forme et son contenu ont beaucoup changé.
En effet, il existait déjà un mode de transmission qui s’opérait au sein des milieux sociaux, et qui
pouvait influencer la transmission des connaissances au niveau des différents secteurs socio
professionnels.
De fait, la transmission intergénérationnelle des savoirs dans les banques tunisiennes est
souhaitée, dans une certaine mesure, par les employeurs, alors qu’elle est fortement
recommandée par les autorités publiques de part leur rôle de supervision au sein de ce secteur.
Elle a été d’autant plus mise en exergue du fait de la conjonction de deux éléments, dont le
premier consiste en la survenue récente de plusieurs incidents relevés par les structures de
supervision et de contrôle inhérentes à des opérations bancaires frauduleuses auxquelles les
banques tunisiennes ont souvent trouvé une voie de résolution grâce au rappel de certains
retraités, très expérimentés.
Quant au second élément, qui découle directement du premier, il consiste en la prise de
conscience par les dirigeants des banques de l’importance de conserver le savoir faire du
personnel appelé à prendre sa retraite pour éviter cette dépendance qui fragilise l’organisation
interne, en introduisant des stratégies qui visent la codification de leurs connaissances et
rappelle la logique de contrôle propre au model taylorien.
Toutefois, même si cette préoccupation existait déjà d’une manière officieuse entre jeunes et
seniors, elle tend aujourd’hui à prendre plus d’ampleur du fait de la réduction des effectifs en
6
Bouhdiba Abdelwaheb, ibid.
20
lien avec la notion de rentabilité économique ou de profit à laquelle sont attachés les dirigeants
de banque.
De plus, elle se trouve être en lien avec plusieurs domaines ou questions comme celle du
vieillissement et de la formation de cette population spécifique (les salariés de la banque), mais
également de la communication en interne et des rapports socioprofessionnels entre les
différentes générations et entre salariés et hiérarchie, ainsi que l’organisation du travail et
l’évolution des effectifs.
On ne comprend jamais mieux une situation qu’en la comparant. C’est pourquoi nous avons
procédé à des incursions dans la réalité sociétale allemande et notamment dans son système de
formation professionnelle que l’Ecole de la Sociologie Economique Aixoise a bien exposé7.
D’après P Caspar et P Carré8, « la comparaison internationale constitue, depuis longtemps, un
instrument essentiel de l’explication sociologique », alors même que pour E. Durkheim9,
la sociologie constitue une science comparative par définition : « La sociologie comparée n’est
pas une branche particulière de la sociologie, c’est la sociologie même. »
Cécile Vigour10 souligne quant à elle que « dans cette perspective plus généralement, la
comparaison est au fondement des sciences sociales ».
Ainsi, à partir des propos tenus par les différents auteurs, nous pouvons convenir que la
comparaison internationale est importante en matière de sociologie du travail, comme l’attestent
les deux auteurs11 et devient même de plus en plus utilisée.
Elle a également participé selon eux à diffuser la notion de « modèle productif », même si ces
derniers soulignent que « le raisonnement en termes de « modèles » a ses limites. Il privilégie
souvent de manière excessive, le cadre national. Il simplifie les configurations d’acteurs et ne
tient pas assez compte des dynamiques temporelles. Il sous estime la convergence des politiques
d’entreprises et d’institutions12.Il néglige les significations subjectives « locales » que les
individus accordent à leur parcours professionnel et, au-delà, à leur biographie personnelle ».
Mais, les deux auteurs vont au-delà d’une simple description car ils signalent que « pour
comprendre les pratiques de formation, il faut connaître les « cadres de référence, attitudes et
7
Maurice Marc, Sellier François & Silvestre Jean-Jacques, 1982, Politique d'éducation et organisation industrielle
en France et en Allemagne, Essai d’analyse sociétale, PUF (Sociologies), 382 p.
8
Caspar P, Carré P, Traité des Sciences et des Techniques de la Formation, Dunod, 2004, p141-142
9
Durkheim E., Les Règles de la méthode sociologique (1986, p.169) in Cecile Vigour, « La comparaison dans les
sciences sociales ». Pratiques et méthodes. Guides, Repères. La découverte, 2005, p16.
10
Vigour Cecile., « La comparaison dans les sciences sociales ». Pratiques et méthodes. Guides, Repères. La
découverte, 2005, p16.
11
Caspar P, Carré P, ibid.
12
Doray. P, Dubar C « La formation en entreprise », in G.Tremblay, D.Villeneuve (éds), Travail et société. Une
introduction à la sociologie du travail, Montréal, Ed. Agence d’arc, 1992, p.313-334.
21
visions du monde » des adultes impliqués dans des dynamiques qui mettent en question leur
« projet de vie ». C’est pourquoi les comparaisons ne peuvent se limiter à un cadre national : il
faut tenir le plus grand compte des contextes locaux comme des dynamiques globales ».
En termes de formation, l’Allemagne est souvent considérée comme pionnière notamment avec
son mode de formation en alternance (ou formation duale) dont s’inspire la Tunisie, et plus
spécialement aujourd’hui les banques tunisiennes.
Il serait alors intéressant :
- d’en identifier les principales modalités et répercussions au sein de la banque tunisienne.
- de mettre en exergue la manière dont est appréhendée cette question par les directions des
ressources humaines des banques, qui se trouvent également confrontées (selon plusieurs
auteurs) à la gestion d’un véritable choc démographique à venir.
Dans notre recherche nous ne nous concentrons pas outre mesure sur la question du genre, mais
cette question tout à fait intéressante surtout pour un pays qui s’oriente aujourd’hui vers la
démocratie peut nous interpeller dans la mesure où elle pose la question de la nouvelle place de
la femme au travail et dans la société.
Problématique :
Nous nous proposons d’analyser le processus d’émergence et de construction des nouvelles
connaissances professionnelles au sein de la banque tunisienne et allemande. Plus précisément, il
s’agira de rechercher tout d’abord, s’il y a encore aujourd’hui une transmission
intergénérationnelle des connaissances entre seniors et jeunes, étant donné que les nouvelles
façons de faire ne sont pas exclusives des manières traditionnelles de transmettre les
connaissances de génération en génération, tant il est vrai que la notion de tabula rasa est un
stéréotype. Il s’agira ensuite d’observer dans quelle mesure et au terme de quelles transactions
les anciennes manières de former le personnel se maintiennent et pourquoi et dans quelle
direction ou dans quel sens elles se transforment.
Hypothèses de recherche :
L’hypothèse principale sur laquelle nous basons ce travail considère que les entreprises sont
aujourd’hui prises entre deux exigences contradictoires : d’un côté conserver et donc favoriser la
transmission de ce qui est le plus précieux pour elles comme les savoirs, et/ou connaissances
tacites clés de leurs personnel et d’un autre côté, la nécessité de transformer la culture
22
professionnelle interne afin de pouvoir affronter une concurrence internationale, plus vive
qu’auparavant.
Cette hypothèse principale introduit deux hypothèses secondaires : la première suppose que cette
nécessité de transformation de la culture professionnelle passe par l’intégration de nouveaux
modes et outils de formation. Elle ne peut ignorer l’ancien mode d’acquisition des connaissances
à savoir, la formation informelle sur le tas.
La seconde sous-hypothèse renvoie à l’existence potentielle d’un conflit de génération entre des
seniors, plutôt qualifiés par leur expérience professionnelle sur le terrain, et des nouvelles
recrues, plutôt qualifiées par leur parcours universitaire préalable à l’embauche.
Une comparaison internationale avec les banques allemandes pionnière en matière de formation
professionnelle est prévue pour permettre de situer l’expérience tunisienne.
Au-delà de ces hypothèses, il subsiste la question clé de la modernisation de la banque,
modernisation entendue comme une adaptation à un contexte qu’elles contribuent à construire
avec d’autres entités (comme les différentes autorités de tutelles et les bailleurs de fonds
internationaux) et sur lequel elles ont un rôle à jouer en tant qu’acteur à part entière en ce
qu’elles imposent aux différentes générations l’adoption d’une nouvelle culture, imprégnée du
nouvel esprit du capitalisme au sens de Luc Boltanski et Eve Chiapello13.
Cette question se traduit au niveau des banques tunisiennes par un paradoxe qui consiste :
- d’une part à insérer un mécanisme, comme celui de l’« individualisation des
performances », qui permet de mettre en concurrence les salariés entre eux pour
augmenter les profits tout en diminuant les effectifs et les charges salariales
- et d’autre part, à vouloir en même temps conserver les savoirs faire des aînés appelés à
prendre leur retraite.
Ainsi, le management est pris entre deux exigences paradoxales dont la première consiste à
s’émanciper de toute dépendance à l’égard de cette population de salariés âgés qui lui coûtent
plus cher que des jeunes recrues, souvent plus souples et plus facilement employables et la
seconde, qui exige un historique des connaissances, dont seule cette même population dispose
afin de solutionner tout dysfonctionnement important ou toute action frauduleuse qui pourrait
survenir et occasionner des pertes à la banque.
13
Boltanski Luc et Chiapello Eve, « Le nouvel esprit du capitalisme », nrf essais, Ed Gallimard, 1999.
23
Cette thèse comporte quatre chapitres et compte cinq cent treize pages. Dans le chapitre 1 nous
présentons la force de travail dans les banques en Tunisie et en Allemagne afin de mettre en
lumière son importance et ses caractéristiques.
Le chapitre 2 donne un aperçu sur le système de formation bancaire dans les deux pays afin de
permettre une comparaison internationale.
Le chapitre 3 se focalise plus particulièrement sur l’étude de la transmission intergénérationnelle
des connaissances sur la base des interviews établis auprès d’un échantillon de la population
bancaire d’une banque de la place.
Le chapitre 4 permet de faire une synthèse des variables qui agissent dans le cadre de la
transmission intergénérationnelle des connaissances au sein de la « BMTP », dans l’esprit d’établir
une modélisation.
Pour réaliser ce travail, une phase exploratoire a été menée sur la base d’une observation directe et
participante in situ au sein d’une banque publique tunisienne, « la BMTP »14.
Cette phase d’observation a été complétée par la conduite d’interviews semi directifs menés au sein
de cette banque entre seniors et jeunes (39 salariés) afin de mettre en avant les variables qui
interviennent dans cette phase de transmission intergénérationnelle des connaissances au sein de la
« BMTP ».
Cette dernière nous permettrait tout d’abord de confirmer ou d’infirmer l’évaluation faite sur une
base documentaire mais aussi d’effectuer une comparaison internationale sur cette même question
avec les banques allemandes, pionnières en matière de formation en alternance afin de faire
ressortir les différences et les points communs.
Il convient toutefois de signaler que l’analyse de la situation allemande résulte essentiellement de
sources documentaires, étant donné que la récente crise financière ne nous a pas permis d’obtenir
l’accord des établissements bancaires allemands nécessaire pour enquêter sur le terrain.
14
La BMTP est le surnom que nous avons donné pour des raisons de confidentialité à la banque publique tunisienne
au sein de laquelle nous avons mené notre enquête, elle est classée parmi les premières banques de la place.
15
Zarrouk Khaled, « Evolution et structure de l’emploi dans le cadre de la mondialisation : cas du secteur bancaire
tunisien », DEA dirigé par le Pr Khemaies Taamallah et soutenu publiquement en 2003-2004 à la Faculté des
Sciences Humaines et Sociales de Tunis.
24
Il s’agissait d’analyser les statistiques relatives au personnel du secteur bancaire sur une période de
10 ans.
Cette analyse concernait toutes les banques de la place et permettait de comprendre l’évolution et
les stratégies de gestion des ressources humaines des divers établissements bancaires tunisiens.
Nous avons démontré le glissement d’une classe d’âge moyen des 26-35 ans à celle des 36-5016 de
1980 à 1990 et ainsi mis en évidence le vieillissement de cette population.
De plus, un phénomène nouveau est apparu dans le secteur : celui des dispositifs de préretraite et
des départs volontaires.
Ces deux éléments m’ont amené à considérer ma problématique actuelle.
Je me suis alors intéressé dans cette thèse à la première banque de la place, même si plusieurs
banques se disputent cette première place (car tout dépend des critères de comparaisons retenus).
Nous avons sélectionné la banque étudiée selon un critère quantitatif, à savoir l’importance des
effectifs conjuguée au « réseau d’agences » le plus dense sur le territoire national tunisien.
Dans la réalisation de cette thèse, j’occupe un plan particulier étant donné que je suis moi-même
salarié de cette banque, ce qui peut constituer en soi un atout.
En effet, ma qualité d’ « insider », m’a donc permis de mieux approcher le personnel et de mener à
bien ce travail. Cela m’a amené à recueillir de réels témoignages qui auraient été bien plus
difficiles à obtenir autrement, étant donné le cloisonnement aussi bien interne, qu’externe de ce
secteur et sa difficulté à s’ouvrir à l’extérieur.
Mais en même temps cela constituait en soi un aspect négatif, étant donné les risques encourus
surtout avant la révolution, et même aujourd’hui encore, car nous nous trouvons dans une phase de
transition démocratique, où le flou domine et l’on ne peut encore parler d’une visibilité claire à
terme.
16
Selon la répartition de la structure du personnel bancaire par tranche d’âge tel que présentée par les différents
rapports annuels de l’APBT et la distribution des différentes classes d’âge présentées.
17
Hall Per et Soskice David, Varieties of Capitalism The Institutional Foundation of Comparative Advantage, 2001,
Oxford University.
25
t-il de ses décisions et de ses actions, ainsi que de celles des autres intervenants (joueurs), c'est-à-
dire les seniors, les supérieurs hiérarchiques, les autres salariés, etc.
Les deux auteurs utilisent pour un juste positionnement de leurs travaux une approche en termes
de « variétés de capitalisme ». En effet, cette approche qui est centrée sur les entreprises prévoit
que pour coordonner leurs activités, ces dernières peuvent soit compter principalement sur les
marchés, soit s’appuyer sur des modes de coordination hors marchés, mais ce qui nous parait le
plus important c’est qu’il n’y a.pas homogénéité, c'est-à-dire pas une même et seule forme de
capitalisme.
Même si pour notre cas en l’espèce les banques allemandes et les banques tunisiennes peuvent
être considérées comme étant des entreprises que l’on peut intégrer dans les économies de
marché coordonnées, étant donné que la régulation n’est pas entièrement basée sur le
fonctionnement du marché mais supervisée, contrôlée, par des institutions (pour le cas allemand)
ou structures de tutelle (pour le cas tunisien).
Soskice et Hall considèrent l’approche « variétés de capitalisme » comme étant « une tentative
d’aller au-delà des trois analyses des variations institutionnelles qui ont dominé l’étude
comparative du capitalisme dans les trente dernières années et qui ont tenté chacune à son tour
de donner une réponse aux problèmes économique de son temps » et de permettre un éclairage
sur les « aspects importants du monde économique ».
En effet, pour eux la première18 précisent-ils « considère que le principal défi auquel doivent se
confronter les économies développées pour assurer des niveaux élevés de production est la
modernisation des industries où prévalent encore des pratiques de l’avant-guerre ».
Ils signalent également que « les divers pays ont été classés en fonction de leur structure étatique
en deux catégories : ceux possédant un Etat « fort », et ceux caractérisés par un Etat « faible » ».
Pour notre cas en l’espèce, les deux types de banques objet de notre analyse sont sous l’influence
d’un état fort.
Quant à la seconde qui s’est basée, selon eux sur l’inflation, alors « principal problème auquel
les économies développées devaient faire face au cours des années 1970 » et qui a permis
l’avènement d’une « seconde approche du capitalisme comparé, basée sur le concept de néo-
corporatisme ». Elle a été, affirment-ils, « associée à la capacité d’un Etat à négocier des accords
durables avec le patronat et les syndicats concernant les salaires, les conditions de travail et la
politique sociale ou économique ».
18
Soskice et Hall affirment que « la première étude comparative du capitalisme a été exposée dans l’ouvrage
magistral de Schonfield (1965), elle propose une approche du capitalisme comparé privilégiant le concept de
modernisation, élaborée dans les décennies de l’après guerre ».
26
Selon les deux auteurs, « on s’accordait ainsi à penser que la capacité d’une nation à développer
des formes de néo-corporatisme dépendait du degré de centralisation ou de concentration du
mouvement syndical, rejoignant en cela la logique de l’action collective chère à Olson (1965) ».
En revanche la troisième, indiquent-ils, « fut développée entre 1980 et 1990 et a concerné une
nouvelle approche du capitalisme comparé basée sur « les systèmes sociaux de production » ».
Par ailleurs, ils avancent qu’une autre analyse, l’analyse « néo-corporatiste » a également apporté
un éclairage qui s’articule autour de « l’organisation de la société », même s’ils relèvent tout de
même que « la priorité qu’elle donne au mouvement syndical ne rend pas justice au rôle des
entreprises et des organisations patronales dans la coordination de l’économie (Soskice 1990) ».
Ils vont ainsi tenter de remettre « l’entreprise au centre de l’analyse du capitalisme comparé, et
sans pour autant négliger les organisations syndicales, de souligner le rôle joué par les
organisations patronales et par les relations entre les entreprises dans l’économie politique ».
Selon eux, la plupart des structures institutionnelles parmi les plus importantes – notamment les
systèmes de réglementation du marché de la main d’œuvre, l’éducation, la formation
professionnelle ou la gouvernance des entreprises, dépendent de la présence de régimes
réglementaires qui sont le domaine réservé de l’Etat nation.
Par rapprochement et pour notre recherche les banques publiques tunisiennes et allemandes
s’inscrivent dans le cadre d’un secteur d’activité, le secteur bancaire qui est en grande partie du
ressort de l’Etat.
Mais les deux auteurs indiquent toutefois que « c’est sur la conception des mécanismes par
lesquels le comportement des entreprises est affecté par les institutions de l’économie politique
que notre travail diverge le plus fondamentalement de ces approches ».
Ils relèvent que trois grilles d’analyse pour la compréhension de cette relation ont dominé la
recherche sur le capitalisme comparé.
La première considère « les institutions comme des agents de socialisation, qui instillent un
ensemble bien défini de normes ou d’attitudes aux acteurs » opérant en leur sein.
La seconde suggère que « l’influence d’une institution découle du pouvoir qu’elle confère à
certains acteurs particuliers, par le moyen de sanctions formelles découlant d’une structure
hiérarchique ».
La troisième grille d’analyse « interprète les institutions de l’économie politique comme une
matrice de sanctions et d’incitations auxquelles répondent les acteurs concernés ».
Toutefois, ils déplorent que « ces approches ont tendance à laisser dans l’ombre ou à modéliser
de façon incomplète les interactions stratégiques des acteurs économiques ».
27
Or, les éléments fondamentaux de l’approche « variétés de capitalisme » qui est centrée d’après
les deux auteurs sur l’existence au sein de l’économie politique d’une pluralité d’acteurs, où
chacun cherche à optimiser ses propres intérêts de façon rationnelle dans le cadre d’interactions
stratégiques avec d’autres acteurs (Scarpf 1997), soit comme nous l’avons énoncé plus haut la
théorie des jeux.
En ce sens nous pouvons considérer à l’image des deux auteurs que l’entreprise, est un acteur
majeur dans l’économie capitaliste à côté des autres que sont les individus, les organisations
patronales et syndicales ou les gouvernements, et qu’il convient de l’analyser dans une
perspective relationnelle.
Ceci même s’il demeure que les entreprises sont avant tout et comme ils le précisent « des
acteurs cherchant à développer et à exploiter des compétences principales ou des capacités
dynamiques, définies comme la capacité de développer, de produire et de distribuer des produits
et des services en réalisant un profit (Teece, Pisano 1998) ».
La banque en tant qu’entreprise de service entre dans ce cadre et doit maîtriser cet aspect
relationnel important aussi bien au niveau interne qu’externe.
En effet, comme l’énoncent les deux auteurs « la qualité des relations que l’entreprise a été en
mesure d’établir, tant au niveau interne avec ses propres salariés, qu’externe, avec un éventail
d’autres acteurs incluant fournisseurs, clients, collaborateurs, actionnaires, syndicats,
organisations patronales et gouvernements, est d’une importance capitale. Les travaux sur les
coûts de transaction et les relations principal/agent dans l’économie des organisations ont
souligné que ces rapports sont problématiques (Milgrom, Roberts 1992) ».
Mais le problème rencontré par les employeurs est le même que celui décrit par les deux auteurs,
à savoir ; celui de « se heurter au hasard moral, à la sélection adverse et à la mauvaise volonté
des salariés », car comme ils le soulignent, « dans de nombreux cas, l’efficience opérationnelle,
même dans un environnement hiérarchique, passe par l’élaboration de contrats implicites entre
les acteurs, et il n’est pas rare que les relations d’une entreprise avec les acteurs extérieurs
requièrent une relation contractuelle incomplète (Williamson 1985) ».
Pour leurs travaux, Soskice et Hall se sont concentrés sur les cinq sphères d’activité dans
lesquelles les entreprises se voient obligées de développer certaines relations afin de résoudre des
problèmes de coordination critiques pour leur compétence principale dont nous allons énumérer
brièvement ci-après les trois principales qui sont en rapport avec notre recherche.
La première est « la sphère des relations industrielles » (savoir coordonner les négociations
salariales, etc.
28
La deuxième est celle de « la formation professionnelle et de l’éducation » (recrutement,
qualification adéquates, résolution de problèmes, etc).
La troisième est celle de « la gouvernance des entreprises » (financements, etc).
Mais, le point le plus important qui nous rapproche de ces travaux est lié au fait que les deux
auteurs mettent également en exergue l’existence d’un problème important, à savoir que « les
entreprises enfin se heurtent à des problèmes de coordination dans leurs relations avec leurs
propres salariés ; Leur problème essentiel consiste à s’assurer que leurs salariés sont dotés des
qualifications requises et coopèrent de façon satisfaisante l’un avec l’autre au service des
objectifs de l’entreprise ».
Ils vont même développer davantage cette question en précisant davantage les contours et les
déclinaisons inhérentes à ces problèmes de coordination en affirmant que « dans ce contexte
apparaissent certains problèmes familiers de sélection adverse et de hasard moral, et les
questions de partage de l’information acquièrent une importance toute particulière (Milgrom,
Roberts 1992) ».
Mais, au-delà de ces éléments, c’est surtout la mise en évidence de l’importance du rôle joué par
les salariés qui en ressortent grandit, dans la mesure où les deux auteurs reconnaissent que « les
salariés constituent de véritables réservoirs d’informations spécialisées sur le fonctionnement de
l’entreprise qui peuvent s’avérer utiles au management ».
Toutefois, ils mettent aussi en lumière les effets pervers qu’il peut en résulter, étant donné que
les deux auteurs ajoutent que les salariés ont aussi « le pouvoir de retenir cette information, ou de
ménager leurs efforts ».
D’où une remise en question importante dans la mesure où les entreprises ont à leur charge une
mission essentielle qui va selon eux conditionner « leurs propres compétences et les
caractéristiques des régimes de production au sein d’une économie », étant donné qu’elle sera
dépendante « des relations que construisent les entreprises pour résoudre ces problèmes ».
Pour notre recherche nous nous limitons, dans le cadre d’une comparaison internationale, aux
relations de formation et de transmission intergénérationnelle entre jeunes et seniors au sein de la
banque publique tunisienne avec les banques allemandes.
En effet, nous avons choisi pour cette recherche, la comparaison internationale19 en tant que
méthode, car la comparaison va nous permettre, à l’image de la définition donnée par Cécile
19
Cécile Viguour indique in « « La comparaison dans les sciences sociales », éditions La Découverte, Paris, 2005 »
que la comparaison constitue une méthode, étant donné qu’elle part du concept qu’une méthode est un « ensemble
de démarches que suit l’esprit pour découvrir et démontrer la vérité » et, plus largement, un « ensemble de
démarches raisonnées, suivies, pour parvenir à un but » (selon les définitions du Petit Robert, 1998).
29
Viguour20 « de découvrir et démontrer des vérités », mais aussi parce qu’elle est selon elle « au
fondement des sciences sociales ».
Par ailleurs, et devant la diversité des types de comparaison en sciences sociales énoncées par
Cécile Viguour21, comme la comparaison dans le temps ou dans l’espace, et celle de faits
sociaux, nous avons pertinemment choisis de nous baser sur une comparaison multi-variée.
Cette dernière prenant en compte l’aspect spatio-temporel, étant donné que notre travail s’inscrit
dans un cadre international, qui remonte aux années d’après indépendance pour le cas des
banques tunisiennes (dès 1956) et à celui des premières années d’industrialisation pour les
banques allemandes, à nos jours, (soit la première décade des années 2000) ce qui permet
d’englober l’avènement de la mondialisation.
En effet, cette dernière période est marquée selon M Lallement22 par « une prise de la main par
les marchés financiers et une interrogation sociologique qui prend un tour différent notamment
avec Le nouvel esprit du capitalisme énoncé par Luc Boltanski et Eve Chiapello23. ».
Un des phénomènes remarqué est celui d’une remise en cause des règles qui structuraient les
relations sociales dans l’entreprise, mais une autre inquiétude est tout aussi révélatrice de grands
changements, c’est celle qu’il soulève quand il énonce que Karl Polanyi24 évoquait déjà le danger
que pouvait créer un marché dégagé de toute régulation sociale et politique qui trouverait en lui-
même son centre de gravité.
Cela n’a pas tardé à créer comme nous avons pu le vivre, tout un chacun à son niveau, une crise
financière qui a nécessité l’intervention des pouvoirs publics dans leur rôle de régulation.
De plus la comparaison multi-variée, s’attache également à mettre en évidence à partir de
plusieurs variables, les facteurs les plus importants intervenants dans le cadre de la transmission
intergénérationnelle entre jeunes et seniors au sein des banques tunisiennes et allemandes.
Nous nous positionnons dans le cadre de nos travaux dans une approche beaucoup plus
culturaliste que sociétale par référence à la définition donnée par M Maurice25 selon qui « les
courants culturalistes correspondent plus aux approches « particularistes », et les approches
sociétales s’efforcent d’identifier des « cohérences nationales » tout en s’attachant aux processus
20
Vigour Cécile « La comparaison dans les sciences sociales », éditions La Découverte, Paris, 2005
21
Vigour Cécile, « La comparaison dans les sciences sociales », éditions La Découverte, Paris, 2005, p11.
22
Lallement Michel, « Capitalisme », Sociologie, Encyclopaedia Universalis, 2007
23
Boltanski Luc et chiapello Eve «Le nouvel esprit du capitalisme »Edition Gallimard, 1999.
24
Polanyi Karl, La grande Transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Gallimard,
« NRF », « Bibliothèque des sciences humaines », Paris, 1944.
25
Maurice M, « Méthode comparative et analyse sociétale. Les implications théoriques des comparaisons
internationales », Sociologie du travail, 1989, vol.2, p.175-191.
30
de construction des acteurs et de leurs espaces que la comparaison dans ce cas permet
d’identifier ».
Selon plusieurs auteurs, il est encore difficile d’identifier une société de manière exhaustive, car
tout dépend de la posture adoptée par le chercheur.
Ce dernier pouvant privilégier les ressemblances ou les différences entre les pays ou au contraire
insister sur la persistance de sentiers spécifiques.
Aussi, il convient de dresser les contours de notre recherche en nous inspirant des propos de M
Lallement26 qui souligne que « le travail du chercheur et a fortiori celui de comparatiste exige
donc un travail de déconstruction, puis de reconstruction des catégories d’analyse mobilisées par
le chercheur».
Il précise également que le champ de travail considéré a pour beaucoup été celui de la formation,
l’éducation, la protection sociale, même si l’analyse de politiques publiques a aussi souvent été
concernée.
C’est ce que nous tentons de faire dans ce travail lorsque nous déconstruisons les différentes
étapes de transmission intergénérationnelles tout en établissant par la suite une modélisation en
guise de reconstruction et d’explicitation pour le lecteur.
Par ailleurs, et comme l’indique Cécile Vigour27, « les recherches fondées sur la notion de
« configuration sociétale » ont été développées au LEST (Laboratoire d’économie et de
sociologie du travail) à l’initiative de Marc Maurice, François Sellier et Jean Jacques Silvestre28,
à partir de leur recherche sur la politique d’éducation et organisation industrielle en France et en
Allemagne.
Ainsi, notre approche se situe entre celle de Philippe d’Iribarne29 qui a réussi selon Cécile Vigour
à mettre en place « une cristallisation organisationnelle des rapports sociaux en s’appuyant sur
les travaux de Norbert Elias30 dans la civilisation des mœurs », qui démontre d’après lui une
« différence de structuration de la société avec son influence sur les valeurs d’un pays », et celle
de Pierre Bourdieu31 qui met en lumière, à l’inverse, « une différence de pratique ».
26
Lallement et spurk, « Stratégie internationale de la comparaison », Editions du CNRS, Paris, 2003, cité in Cécile
Vigour « La comparaison dans les sciences sociales », éditions La Découverte, Paris, 2005, p254.
27
Vigour Cécile « La comparaison dans les sciences sociales », éditions La Découverte, Paris, 2005, p84.
28
Maurice Marc, Sellier François et Silvestre Jean Jacques, Politique d’éducation et organisation industrielle en
France et en Allemagne. Essai d’analyse sociétale, PUF, Paris, 1982.
29
D’Iribarne Philippe, « La logique de l’honneur ». Gestion des entreprises et traditions nationales, Seuil Paris,
1989, cité in Cécile Vigour « La comparaison dans les sciences sociales », éditions La Découverte, Paris, 2005,
p254.
30
Elias Norbert, La civilisation des mœurs, Calmann-Lévy/Pocket, « Agora » (1ère éd. 1939, tome I de Über den
Prozess der Zivilisation), 2003.
31
Bourdieu Pierre, La distinction. Critique sociale du jugement, Minuit, Paris, 1979.
31
En effet, Philippe d’Iribarne a mis en valeur le concept de « logique de l’honneur » et la notion de
« rang », éléments que nous retrouvons au sein de la BMTP, mais qui ont été également énoncés
par Yousfi Hela32 (« Kdar » et « Karama ») mais également par Riadh Zghal33 (« dignité »
« égalité ») dans des études en rapport avec les entreprises tunisiennes et que nous développerons
dans notre chapitre 4 lorsque nous évoquerons les différentes variables intervenant dans le cadre de
la transmission des connaissances.
Après avoir délimité ci-dessus le cadre général, nous présentons ci-après, dans un premier temps,
comme indiqué précédemment, la force de travail dans les banques tunisiennes et allemandes afin
de bien cerner l’importance de cette population active. Cette description est faite en se référant à
des concepts issus d’une revue de la littérature afin d’expliciter certaines caractéristiques
organisationnelles.
32
Yousfi Hela, Filipiak Ewa, Bougault Hervé, Poulina, un management tunisien, Gestion & Société, CNRS,
Département de la Recherche AFD, 2005.
33
Zghal Riadh., « La gestion des entreprises tunisiennes : fondements culturels et défi de la globalisation », in Actes
du colloque organisé du 9 au 12 Janvier, Ed Académie Tunisienne Des Sciences, des Lettres et des Arts, « Beit
Al Hikma », Carthage, 2002, p205.
32
33
Chapitre1 : La force de travail dans les banques
Tunisiennes et Allemandes
34
Piotet Françoise, « La révolution des métiers, le lien social », PUF, 2002.
34
travail qui tend à exclure de son accès tout ceux qui pour des raisons diverses, ne possèdent pas
ou plus, les critères exigés ».
Cette question est importante car elle introduit la question des générations et la mise à l’écart des
seniors au profit des jeunes nouvelles recrues au motif d’une adaptation ou d’une obsolescence
de leurs connaissances.
Cela est de plus en plus palpable au niveau des banques publiques tunisiennes qui disposent
pourtant d’une force de travail relativement importante par rapport aux banques privées locales.
En effet, nous pouvons clairement envisager alors à l’image de plusieurs auteurs que la
génération du baby boom qui fait valoir ses droits à la retraite aura du mal à être remplacée, ce
qui n’est pas sans poser de sérieux problèmes aux entreprises.
De plus, en Tunisie la loi de 2001, introduit le principe d’universalité, qui prévoit une
généralisation du métier aux différents établissements financiers et bancaires. Cette loi rend
encore plus ardue la concurrence commerciale sur le terrain puisque toutes les banques ont
désormais la possibilité d’effectuer les différentes opérations et ce dans le cadre de la règle des
trois D (Décloisonnement, Désintermédiation et Déréglementation).
C'est-à-dire qu’à l’image du secteur des banques françaises la déréglementation, le
décloisonnement et la désintermédiation sont progressivement élargis à toutes les banques
tunisiennes pour permettre une concurrence.
Toutefois, pour le cas tunisien ces changements qui sont dictés par les bailleurs de fonds
internationaux et les pouvoirs publics ouvrent la voie à une recherche par les diverses banques
d’une rentabilité accrue dont peut bénéficier in fine le client en termes de choix de banque et de
taux.
Ainsi, les banques dites commerciales sont concurrencées par les banques de développement et
d’affaires qui jusqu’à très récemment n’y étaient pas autorisées et qui recrutent actuellement, en
vue de créer à leur tour un réseau d’agences commerciales. Aujourd’hui c’est le commercial qui
prend le dessus, les jeunes fraîchement diplômés ayant plus de bagou que les seniors.
Cependant, même au sein des jeunes faisant partie intégrante de la force de travail, une
préférence est donnée à ceux issus d’autres banques de la place et justifiant d’une expérience
professionnelle spécialisée.
De même, les banques commerciales ou de dépôt pourront à leur tour s’initier au métier de ces
banques même si la tâche est plus ardue dans la mesure où il s’agit d’un métier plus complexe
qui passe rarement par un recrutement direct et externe mais beaucoup plus par une formation de
cadres déjà intégrés et ayant un profil en rapport.
35
Elisabeth Brun Hurtado indique pour le cas des banques françaises que « la segmentation du
marché bancaire crée ainsi une génération de commerciaux à forte spécialisation d’où à un type
de client doit correspondre un type de compétence » (ANACT, 1999) et ajoute même en citant
David Courpasson35 que « le découpage plus précis des tâches est un moyen, pour la banque,
d’avoir du personnel relativement standardisé et à ce titre, facilement remplaçable ».
Ceci ne contribue pas à améliorer l’esprit d’équipe, cher aux anciens, qui revient en force dans
les études managériales et socioéconomiques comme un élément permettant d’une part de faire
front à toute concurrence et d’autre part de permettre une amélioration de la productivité tant
recherchée par les décideurs.
Elle précise également que Luc Boltanski et Eve Chiapello indiquent que « l’esprit de
compétition entre groupes et entre salariés, ainsi que l’implication au travail, réduisent d’autant
les possibilités de faire corps ou de s’opposer » et souligne que la politique d’individualisation,
notamment des rémunérations, permet « d’avoir beaucoup plus de prise sur chaque salarié pris
individuellement et d’obtenir de ce fait une mise sous tension beaucoup plus efficace » 36.
Nous pouvons à ce niveau faire un parallèle avec la pratique existante au sein des banques
tunisiennes, puisque cette manière de faire permet d’exploiter la force de travail en place. En
effet, cela revient au fait de « diviser pour régner » avec une gestion des ressources humaines
assez archaïque, mais efficace.
Elisabeth Brun Hurtado ajoute même en se référant à Marnix Dressen37 que les effets négatifs de
la politique d’individualisation d’une partie des rémunérations sont loin d’être secondaires en
indiquant que pour lui « la cohésion des équipes est mise à mal par les rivalités et les entreprises
développent divers sous marchés internes de travail ».
C’est ici la mise en exergue d’un paradoxe évident qui consiste à dire d’un côté que ce que l’on
recherche c’est un esprit de groupe ou d’équipe avec un management transversal dans le sens
préconisé par Drucker lorsqu’il aborde la question de la direction participative par objectifs, où
l’on recherche à mettre à profit la matière grise de tous pour réaliser les objectifs fixés par les
décideurs. Mais, par ailleurs c’est aussi une volonté de réaliser des économies et de cibler les
meilleurs éléments, ce qui permettrait de délaisser les « maillons faibles ». Or, la force de travail
de toute entreprise et/ou banque tunisienne n’est pas dupe et s’il se prend au jeu au départ réalise
35
Courpasson David, « Les jeunes cadres face à la modernisation bancaire », Revue Banque, n°574, octobre 1996,
pp.36-39.
36
Boltanski Luc, Chiapello Eve, Le nouvel esprit du capitalisme, nrf essais, Edition Gallimard, 1999, p 337 et p 360.
37
Dressen Marnix, « Transformation d’une pierre angulaire d’un marché interne : le système de rémunération
bancaire », in Acteurs sociaux et marchés du travail, Actes des VIIIiémes Journées de Sociologie du Travail, Aix en
Provence, 21,22, et 23 Juin 2001, pp.67-80.
36
vite l’imbroglio ou « le vice caché » inhérent à cette pratique et s’en défend à sa manière,
comme par exemple en conservant le fruit de ses réflexions, ses idées et ses connaissances clés
pour lui-même, sans les partager.
38
Le recensement national intervient chaque décade, le prochain aura lieu en 2014.
39
La BMTP est le surnom que nous avons donné pour des raisons de confidentialité à la banque publique
Tunisienne au sein de laquelle nous avons mené notre enquête, elle est classée parmi les premières banques de la
place.
37
1.1.1 Historique des banques tunisiennes
Dès l’indépendance, plusieurs actions ont démontré la ferme volonté de la Tunisie de recouvrer
sa souveraineté, mais cela ne pouvait se faire sans agir sur sa monnaie, les premières années post
coloniales ont comporté plusieurs décisions.
En effet, le dinar tunisien a été émis le 18 octobre avec l’équivalent or de 2,11 grammes et le 19
septembre 1958 la Banque Centrale de Tunisie a été créée.
Par ailleurs, le détachement du dinar de la zone franc a pour sa part été réalisé en décembre 1958,
alors que la Tunisie avait déjà effectué son adhésion au Fonds Monétaire International (FMI) en
avril 1958.
Aussi, un premier noyau de banques nationales a été formé à travers la création de la Société
Tunisienne de Banques (STB) le 18 avril 1957 qui a été chargée de financer tous les secteurs
dont notamment l’habitat et les petites et moyennes entreprises, de la Banque Nationale Agricole
(BNA) le 1er juin 1959 pour financer le secteur agricole et la société nationale d’Investissement
(SNI) le 18 avril 1959 spécialisée dans le financement des investissements. En effet, à cette
époque l'agriculture était financée par l'ancien système de crédit agricole constitué par la Caisse
Mutuelle de Crédit Agricole, la Caisse Foncière et les Sociétés Tunisiennes de Prévoyance et
adapté aux structures du Protectorat.
La STB et la BNA ont été solennellement inaugurées par l'ex-Président de la République
Tunisienne Habib Bourguiba, respectivement en 1958 et en 1959.
C’est dans ce cadre que le secteur bancaire national a été renforcé par la loi bancaire de 1967 qui
a constitué le cadre réglementaire de l’activité bancaire et qui a donné naissance à l’Union
Bancaire pour le Commerce et l’Industrie en 1961, l’Union Internationale des Banques (UIB) en
1963, à la Banque du Sud en 1968, et à la Société Financière Touristique en 1969.
Cette loi a contribué d’une part à augmenter les contrôles a priori, et d’autre part à développer
une politique d’encadrement du crédit des banques.
En effet, durant les années 1970, la Tunisie a également adopté une politique de change
rigoureuse qui a permis de protéger l’économie tunisienne, en se basant sur un contrôle a priori
en rapport avec la constitution de ressources en devises40 pour favoriser le développement de
l’économie nationale.
La réforme bancaire a connu un développement relativement rapide matérialisé par la création de
plusieurs banques nationales (Crédit Foncier et Commercial de Tunisie en 1971, la Caisse
40
L’avis de change numéro 90 publié en août 1961 a adopté les principes de l’obligation de rapatriement des
recettes à la Banque Centrale de Tunisie, l’obligation de la cession des recettes à la banque Centrale de Tunisie et
toutes les dépenses en devises ont été soumises à l’autorisation de l’Institut d’Emission.
38
Nationale de l’Epargne Logement, la transformation de la SNI en la Banque de Développement
de l’Economie Tunisienne et la BIAT en 1975) et de certaines banques ou succursales de
banques étrangères non-résidentes (Citi Bank en 1975 et Union Tunisienne des Banques en
1979).
Par ailleurs, la Banque Centrale de Tunisie a effectué plusieurs réaménagements comme celui
d’une spécialisation bancaire qui a donné lieu à un cloisonnement et une intermédiation réservés
exclusivement aux banques.
De plus, il existe depuis le début des années 1980 et dans le contexte de la crise économique de
la Tunisie41, une réforme du secteur bancaire qui est allée de pair avec celle de l’économie
nationale. Deux grandes périodes sont à souligner, à savoir: la première celle de la réhabilitation
des équilibres macroéconomiques qui s’est étendue de 1987 à 1994.
Quant à la seconde, celle de l’intégration dans l’économie mondiale, elle a évolué de 1987 à
2004 dans le cadre plus global du plan d’ajustement structurel de l’économie tunisienne initié la
même année (1987) et a intégré plusieurs restructurations.
Ainsi, au niveau des banques tunisiennes une libéralisation financière et externe a évolué
progressivement et en parallèle avec le renforcement de la convertibilité courante notamment en
permettant à plusieurs entreprises tunisiennes une élévation des plafonds de plusieurs opérations.
C’est dans ce cadre qu’il a été effectué une désintermédiation financière et un contrôle a
posteriori avec une clarification du cadre réglementaire qui a été mise en place par la création de
plusieurs lois.
La loi 2001 qui a consacré le principe de la banque universelle et a donné plus de liberté à
l’activité bancaire en est un exemple patent.
Mais, d’autres aménagements ont vu également le jour, comme des fusions (au niveau des
banques publiques, cela a concerné la BDET, avec la BNDT et la STB ainsi que la BNA et la
BNDA), ou encore des privatisations (notamment celle de l’UIB en 2002 et de la BS en 2005),
voire également un élargissement du champ d’activité de certaines banques (comme la
possibilité offerte aux banques de développement d’opérer des activités de banques de dépôt, ou
de banques commerciales grâce au nouveau statut de banques universelles de ces dernières et
inversement).
Ces réformes et restructurations permettent ainsi une répartition bancaire plus équilibrée et plus
ouverte sur le secteur privé qui est de nature à donner plus d’efficacité aux banques étant donné
41
Crise qui s’est matérialisé par une diminution des avoirs en devises (22 jours d’importation en 1986).
39
que le capital du secteur bancaire est désormais détenu pour un 1/3 par le secteur public, le
second 1/3 étant détenu par le secteur privé national et le dernier 1/3 par le secteur privé étranger.
Actuellement, les banques tunisiennes abordent ainsi depuis la décennie 2000 une phase de
modernisation de leurs outils et méthodes de gestion en mettant en place des stratégies
commerciales centrées sur l'approche client/produit avec une amélioration de la qualité du
service, couplée avec le développement d’une recherche en nouveaux produits financiers.
Cette modernisation s’effectue dans un contexte de concurrence plus accrue entre les différents
établissements bancaires qui par effet de contagion exigent de plus en plus de leurs salariés.
D’après Thérèse Locoh, J-A.Grinblat et T.Kilani42 « la Tunisie a gagné par ses efforts à gérer au
mieux sa période de forte croissance démographique, celle des trente dernières années, en
favorisant une plus grande maîtrise de la fécondité en même temps que l’amélioration de la santé
et la baisse de la mortalité. Elles dessinent enfin l’un des grands défis de l’avenir, celui d’un
rapport nouveau entre les générations, avec une croissance rapide des populations les plus
âgées ».
Ainsi, le problème des relations interindividuelles et les coopérations entre jeunes et seniors, peut
être perçu comme énigmatique pour les entreprises tunisiennes qui commencent à rentrer de
pleins pieds dans une nouvelle phase de leur croissance.
Cela a été confirmé lors des dernières études effectuées par des chercheurs tunisiens43 qui ont
souligné l’aspect archaïque des rapports professionnels entre salariés et employeurs.
Par ailleurs, on assiste d’après la figure suivante à une évolution de la population active du
secteur des services, très caractéristique pour les pays émergents tels que la Tunisie.
42
Locoh Thérèse, Grinblat J-A et Kilani T, « La population tunisienne au XXIe siècle », in « Population et
développement en Tunisie, la métamorphose », sous la direction de Jacques Vallin et Thérèse Locoh, Cérès Editions,
avril 2001.
43
Zghal Riadh, Ben Kahla Karim, ibid.
40
Figure 1 : Evolution de la population occupée par grand secteur d'activité de 1966 à 199444
60
50
40
Agriculture
30 Industrie
Service
20
10
0
1966 1975 1984 1989 1994
Comme nous avons pu le constater la tendance issue de ce premier graphique est nettement
prolongée dans le tableau suivant, issu d’une étude de Zaibi Fakher45, étant donné que le secteur
des services détient le meilleur taux de croissance annuel moyen entre 2000 et 2007 avec 3,7%
mais accapare également la plus grande part de la population active occupée avec presque 50%
des effectifs globaux (1496,1 / 3085,1) pour l’année 2007.
Tableau1:Evolution de la population active occupée (15 ans et plus) selon le secteur d’activité (en milliers)
Secteur 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2007 TCAM (2000-
(2000-
2007)
Ind manufacturières 518,9 535,9 542,3 553,3 554,7 552,3 581,1 1,6%
Agric, pêche et forêts 499,5 511,1 493,3 517,9 461,3 543 565,9 1,8%
Mines et énergie 33,3 33,8 32,2 32,7 33,7 32,5 34,4 0,5%
Source : INS
44
Ce graphique relatif à la population active est extrait de l’ouvrage de T.Locoh et J.Vallin « Population et
développement en Tunisie, la métamorphose », Cérès Edition 2001.
Toutefois, plusieurs parmi les tableaux suivants, sont issus de mon mémoire de DEA « Evolution et structure de
l’emploi dans le cadre de la mondialisation : cas du secteur bancaire tunisien », dirigé par K. Taamallah, 2003-
2004, et des rapports annuels de l’APBT équivalent de l’AFB en France, ils ont été actualisé selon les dernières
données disponibles.
45
Zaibi Fakher, Ministère de l’Emploi et de l'Insertion Professionnelle des Jeunes, Direction Générale de
l’Observatoire National de l'Emploi et des qualifications, « Evolution du marché de l’emploi en Tunisie », 2008.
41
Par ailleurs et selon les chiffres communiqués par l’institut national de la statistique (INS), et
l’étude de Zaibi Fakher46 l’évolution de la structure de la population active par sexe montre que
la part des femmes a augmenté d’environ 2 points en passant de 25% en 2000 à 27,3% en 2007.
Toutefois, la part des hommes a chuté d’environ 2 points en passant de 75% en 2000 à 72,7% en
2007.
Concernant l’évolution de la population active par niveau d’instruction, il existe une évolution
contrastée de la population active (15 ans et plus) étant donné que le nombre d'actifs illettrés a
baissé de 2,2% en moyenne par an en passant de 491,4 mille en 2000 à 421,5 mille en 2007.
A contrario, les actifs ayant un niveau primaire ont enregistré une légère augmentation de 0,7%
en moyenne par an, en passant de 1252,5 mille en 2000 à 1314,9 mille en 2007. Quant aux actifs
ayant un niveau secondaire, ils ont augmenté de 4,1% en moyenne par an en passant de 994,9
mille en 2000 à 1317,8 mille en 2007. La hausse la plus prononcée a été enregistrée chez les
actifs ayant un niveau supérieur qui ont atteint 539 mille en 2007 contre 289 mille en 2000, soit
un taux de croissance annuel moyen de 9,3%.
La population active est de plus en plus instruite et la part des actifs ayant un niveau inférieur ou
égale au primaire a baissé de 9 points en passant de 57,6% en 2000 à 48,3% en 2007.
En revanche, la part des actifs ayant un niveau supérieur a augmenté d'environ 6 points en
passant de 9,5% en 2000 à 15% en 2007.
A son tour, la part des actifs ayant un niveau secondaire a augmenté de près de 4 points en
passant de 32,9% à 36,7%.
Tous ces éléments montrent que le niveau d’instruction de la population active a beaucoup
évolué mais que cela profite in fine et d’après l’évolution de la structure de la population active
par sexe beaucoup plus aux femmes qu’aux hommes.
46
Zaibi Fakher, ibid.
42
Le second concerne le problème de la rentabilité des banques allemandes, notamment des
banques privées qui jugent que leur manque de rentabilité est inhérent à la segmentation en trois
piliers et à la domination du secteur exercée par les banques publiques.
Toutefois, le système bancaire allemand se base sur une étroite complémentarité entre structures
bancaires et économiques, de sorte que les banques allemandes sont considérées par plusieurs
auteurs comme étant marquées par une culture de responsabilité collective.
Ainsi, la modernisation graduelle des banques allemandes énoncée par Markus Gabel, qui est
passée par une amélioration de leurs structures afin d’améliorer leur rentabilité et ce, à travers
des restructurations et une spécialisation de l’offre de produits, vise également à préserver le haut
degré de complémentarité et de cohésion du système économique et financier allemand dont la
notoriété n’est plus à démontrer.
D’après Swen Hildebrandt et Sigrid Quack47, « les études comparatives internationales
s’intéressent bien moins au secteur tertiaire. Pourtant ce secteur prend de plus en plus
d’importance non seulement d’un point de vue quantitatif, mais encore qualitatif, dans la
perspective des politiques de rationalisation, comme l’affirme Weltz (1991) dans le cas de
l’Allemagne ».
De plus, il n’est pas recommandé de transposer une étude comparative relative au secteur
industriel au secteur tertiaire, étant donné les différences et les particularités que rencontre
chacun des secteurs d’activité, aussi bien en termes de rapports socioprofessionnels inhérents aux
populations des deux secteurs respectifs, qu’en termes de contexte de travail.
A cet effet, Swen Hildebrandt et Sigrid Quack48 précisent que « les solutions trouvées dans le
secteur industriel ne conviennent pas forcément à l’institutionnalisation de la formation
professionnelle dans le secteur tertiaire puisque celle-ci s’est produite dans un autre contexte et
concerne d’autres groupes professionnels (Marry, 1993) ».
Christine Bruniaux49 a établi une synthèse sur les qualifications qui a permis d’une part, de
dresser des éléments de comparaison importants dans le cadre de nos travaux concernant les
éléments existants relatifs au secteur bancaire allemand et d’autre part, de permettre de dresser
un parallèle avec le secteur bancaire tunisien.
47
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, « France-Allemagne, La gestion des ressources humaines dans le secteur
bancaire », in Formation Emploi, N° 54, Avril-Juin 1996, p 55.
48
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, ibid.
49
Bruniaux Christine, « Evolution de l’emploi et des qualifications dans le secteur bancaire », Synthèse élaborée
dans le cadre de la troisième phase des travaux d’EDEX - WP3, à partir des rapports nationaux de cinq pays,
(Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France) à l’attention du Zentrum für Sozialforschung Halle,
mai 2001.
43
1.2 Evolution de l’effectif de la population bancaire tunisienne (1971-
2007)
Nous avons, d’après le premier rapport annuel de l’APBT qui retrace le volet gestion des
ressources humaines et formation du secteur bancaire tunisien, pu extraire plusieurs éléments
regardant la formation et les évolutions des effectifs durant cinq ans.
Ces cinq années sont considérées comme importantes étant donné qu’elles font parties des
premières années de la deuxième décade qui suit la constitution des principales banques
publiques tunisiennes (1958 et 1959).
Ainsi, entre 1971 et 1976, l’effectif du personnel bancaire s’est accru dans le tableau ci-après de
2286 salariés, étant donné qu’il était de 2877 en 1971 et qu’il est de 5163 en 1976. Le taux
d’accroissement annuel moyen a été de l’ordre de 12,3%.
Après avoir donné un aperçu sur l’évolution globale de l’effectif des banques tunisiennes, il
convient à présent de donner ci-dessous des indications concernant la structure de la population
bancaire tunisienne par catégorie socioprofessionnelle.
44
Personnel de service : Agents de service, huissiers.
Personnel d’exécution : Agent de bureau, secrétaires, secrétaires principaux.
Personnel d’encadrement : Chefs de section, rédacteurs.
Cadres : Rédacteurs principaux, sous chefs de service, chefs de service.
Cadres supérieurs : Fondés de pouvoirs, sous directeurs, directeurs.
Nous pouvons affirmer en confirmation par rapport à ce qui a été dit plus haut que la catégorie
des cadres et celle des cadres supérieurs sont les plus minoritaires, elles représentent environ
10% de l’effectif global des banques.
45
C’est d’ailleurs le rapport annuel de l’association professionnelle des banques de 1976 qui nous
permet d’obtenir ces chiffres.
Il nous permet également d’avoir une idée sur le nombre initial de banques à l’époque de l’après
indépendance, nombre dont nous pouvons mesurer l’évolution avec les banques présentes
aujourd’hui en Tunisie.
Pour ces cinq années, la population bancaire est composée à raison de 71 % d’agents dont l’âge
ne dépasse pas 35 ans.
De même, durant la période 1971-76, le taux d’accroissement annuel moyen de la catégorie
« 25-35 ans » a été le plus élevé (14,2 %).
Il est pertinent de voir à présent la répartition de la structure de cette population bancaire par
genre où nous pouvons remarquer que l’évolution assez importante qu’a connue le personnel
bancaire féminin s’est accru en moyenne de 14,2 % contre 12 % pour le personnel masculin.
Pour avoir une idée précise et plus actualisée quant à la population bancaire tunisienne il
convient de présenter ci-après l’évolution du personnel bancaire durant les dix sept dernières
années, soit de 1991 à 2007, tout en sachant que ce secteur compte une vingtaine de banques
46
commerciales dont environ cinq relèvent d’un caractère mixte (banque de développement et
banque commerciale) outre une banque d’affaire (la banque d’affaires de Tunisie) et environ
deux banques offshore, des sociétés de recouvrement et des organismes financiers.
Le taux d’accroissement des effectifs est négatif durant les quatre années qui précèdent l’année
2007 où s’observe une petite reprise. La croissance est de 1.03%, même si l’année 2004
enregistre un taux négatif de -2,02 %.
Si l’on fait l’hypothèse que les licenciements collectifs et même individuels au niveau de ce
secteur sont relativement rares, nous pouvons imaginer que l’origine de ces taux de croissance
négatifs est pour l’essentiel issue d’une diminution plus importante des sorties que des
recrutements.
Nous pouvons remarquer que le taux d’accroissement des effectifs qui était nul, voire même
négatif jusqu’en 2006 a repris une tendance positive dès 2007, même si cette dernière n’égale
pas les niveaux enregistrés durant les années 1991-1994 et qui correspondaient à une phase de
croissance continue avec un pic atteint en 1994 représenté par un taux de 5,28%.
47
Ce taux d’accroissement est tout de même à mettre en rapport avec les départs à la retraite
effectués dès 2003 dans le cadre de programmes de préretraite organisés au sein du secteur
bancaire.
18 500
17 500
16 500
15 500
14 500
13 500
1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005
Ce graphique met en évidence l’existence d’un pic au niveau de l’évolution des effectifs qui est
très perceptible pour l’année 2002, en confirmation de ce que nous avons énoncé plus haut pour
le tableau 1.
En effet, le niveau des effectifs avoisine les 18.500 agents, niveau qui commence à diminuer en
2003 du fait de la conjonction de deux éléments, à savoir une diminution relative des
recrutements et les départs à la retraite de plusieurs salariés.
Toutefois, il existe dès 2005 une reprise avec une tendance positive qui provient du fait d’une
légère augmentation des recrutements, cette dernière permet d’atteindre un effectif de 17.500 qui
se rapproche du niveau de l’année 2003.
Aussi, nous pouvons percevoir que la tendance globale reste positive mais variable dans le
temps.
D’après les résultats obtenus dans le cadre de mon DEA, nous avons pu remarquer qu’il existe
un déplacement de la classe d’ « âge moyen »des banques qui passe de 26-35 ans de 1976 à 1980
à 36-50 pour la période 1980-2002, ce qui permet de considérer qu’il y a un phénomène de
glissement de l’âge moyen au niveau du secteur des banques.
Il convient maintenant de présenter le tableau relatif à la structure du personnel bancaire par
catégories professionnelles dans les différents types d’établissement.
48
Tableau 7 : Structure du personnel bancaire par catégorie professionnelle au 31/12/2005
Personnel de service Personnel d’exécution Personnel Cadres Cadres supérieurs
Année Effectif Nombre (1)% (2)% Nombre (1)% (2)% Nombre (1)% (2)% Nombre (1)% (2)% Nombre (1)% (2)%
global
1993 14 323 1 385 -3,89 9,67 6 215 0,71 43,39 2 897 7,26 20,23 2 691 10,65 18,79 1 135 9,98 7,92
1994 15 110 1 451 4,77 9,60 6 393 2,86 42,31 3 181 9,80 21,05 2 873 6,76 19,01 1 212 6,78 8,02
1995 15 579 1 392 -4,07 8,94 6 438 0,70 41,32 3 246 2,04 20,84 3 195 11,21 20,51 1 308 7,92 8,40
1996 15 606 1 270 -8,76 8,14 5 834 -9,38 37,38 3 722 14,66 23,85 3 336 4,41 21,38 1 444 10,40 9,25
1997 15 924 1 055 -16,93 6,63 5 801 -0,57 36,43 3 931 5,62 24,69 3 593 7,70 22,56 1 544 6,93 9,70
1998 16 136 1 016 -3,70 6,30 5 494 -5,29 34,05 4 092 4,10 25,36 3 789 5,46 23,48 1 745 13,02 10,81
Banques de
1999 16 395 974 -4,13 5,94 5 211 -5,15 31,78 4 269 4,33 26,04 4 039 6,60 24,64 1 902 9,00 11,60
dépôt
2000 16 837 900 -7,60 5,35 5 093 -2,26 30,25 4 292 0,54 25,49 4 300 6,46 25,54 2 252 18,40 13,38
2001 16 975 852 -5,33 5,02 4 881 -4,16 28,75 4 383 2,12 25,82 4 391 2,12 25,87 2 468 9,59 14,54
2002 17 041 697 -18,19 4,09 4 568 -6,41 26,81 4 436 1,21 26,03 4 626 5,35 27,15 2 714 9,97 15,93
2003 16 917 629 -9,76 3,72 4 278 -6,35 25,29 4 291 -3,27 25,37 4 808 3,93 28,42 2 911 7,26 17,21
2004 16 542 584 -7,15 3,53 3 845 -10,12 23,24 4 290 -0,02 25,93 4 755 -1,10 28,75 3 068 5,39 18,55
2005 16 346 542 -7,19 3,32 3 601 -6,35 22,03 4 175 -2,68 25,54 4 728 -0,57 28,92 3 300 7,56 20,19
1993 871 104 -0,95 11,94 231 2,21 26,52 134 13,56 15,38 219 10,05 25,14 183 0,55 21,01
1994 886 87 -16,35 9,82 231 0,00 26,07 145 8,21 16,37 213 -2,74 24,04 210 14,75 23,70
1995 894 88 1,15 9,84 228 -1,30 25,50 150 3,45 16,78 209 -1,88 23,38 219 4,29 24,50
1996 895 81 -7,95 9,05 220 -3,51 24,58 153 2,00 17,09 214 2,39 23,91 227 3,65 25,36
1997 906 81 0,00 8,94 192 -12,73 21,19 171 11,76 18,87 221 3,27 24,39 241 6,17 26,60
1998 913 84 3,70 9,20 209 8,85 22,89 144 -15,79 15,77 230 4,07 25,19 246 2,07 26,94
Banques
1999 915 71 -15,48 7,76 213 1,91 23,28 134 -6,94 14,64 231 0,43 25,25 266 8,13 29,07
mixtes
2000 560 53 -25,35 9,46 134 -37,09 23,93 75 -44,03 13,39 130 -43,72 23,21 168 -36,84 30,00
2001 533 50 -5,66 9,38 120 -10,45 22,51 75 0,00 14,07 126 -3,08 23,64 162 -3,57 30,39
2002 528 48 -4,00 9,09 114 -5,00 21,59 79 5,33 14,96 132 4,76 25,00 155 -4,32 29,36
2003 505 41 -14,58 8,12 105 -7,89 20,79 84 6,33 16,63 133 0,76 26,34 142 -8,39 28,12
2004 528 46 12,20 8,71 105 0,00 19,89 83 -1,19 15,72 137 3,01 25,95 157 10,56 29,73
2005 568 46 0,00 8,10 109 3,81 19,19 84 1,20 14,79 154 12,41 27,11 175 11,46 30,81
2001 83 2 2,41 32 38,55 12 14,46 22 26,51 15 18,07
2002 510 49 2350,00 9,61 132 312,50 25,88 58 383,33 11,37 178 709,09 34,90 93 520,00 18,24
Autres
2003 539 51 4,08 9,46 118 -10,61 21,89 67 15,52 12,43 204 14,61 37,85 99 6,45 18,37
membres
2004 659 73 43,14 11,88 161 36,44 24,43 78 16,42 11,84 240 17,65 36,42 107 8,08 16,24
2005 682 81 10,96 11,88 158 -1,86 23,17 98 25,64 14,37 233 -2,92 34,16 112 4,67 16,42
1993 15 194 1 489 -3,69 9,80 6 446 0,77 42,42 3 031 7,52 19,95 2 910 10,60 19,15 1 318 8,57 8,67
1994 15 996 1 538 3,29 9,61 6 624 2,76 41,41 3 326 9,73 20,79 3 086 6,05 19,29 1 422 7,89 8,89
1995 16 473 1 480 -3,77 8,98 6 666 0,63 40,47 3 396 2,10 20,62 3 404 10,30 20,66 1 527 7,38 9,27
1996 16 501 1 351 -8,72 8,19 6 054 -9,18 36,69 3 875 14,10 23,48 3 550 4,29 21,51 1 671 9,43 10,13
1997 16 830 1 136 -15,91 6,75 5 993 -1,01 35,61 4 102 5,86 24,37 3 814 7,44 22,66 1 785 6,82 10,61
1998 17 049 1 100 -3,17 6,45 5 703 -4,84 33,45 4 236 3,27 24,85 4 019 5,37 23,57 1 991 11,54 11,68
Total général 1999 17 310 1 045 -5,00 6,04 5 424 -4,89 31,33 4 403 3,94 25,10 4 270 6,25 24,67 2 168 8,89 12,52
2000 17 397 953 -8,80 5,48 5 227 -3,63 30,05 4 367 -0,82 25,41 4 430 3,75 25,46 2 420 11,62 13,91
2001 17 591 904 -5,14 5,14 5 033 -3,71 28,61 4 470 2,36 25,29 4 539 2,46 25,80 2 645 9,30 15,04
2002 18 079 794 -12,17 4,39 4 814 -4,35 26,63 4 573 2,30 24,73 4 936 8,75 27,30 2 962 11,98 16,38
2003 17 961 721 -9,19 4,01 4 501 -6,50 25,06 4 442 -2,86 25,11 5 145 4,23 28,65 3 152 6,41 17,55
2004 17 729 703 -2,50 3,97 4 111 -8,66 23,19 4 451 0,20 24,76 5 132 -0,25 28,95 3 332 5,71 18,79
2005 17 596 669 -4,84 3,80 3 868 -5,91 21,98 4 357 -2,11 5 115 -0,33 29,07 3 587 7,65 20,39
49
Il est facile de constater que les effectifs les plus importants sont employés par les banques de
dépôt par rapport aux autres types de banques (banques mixtes et autres membres).
De plus, il existe un autre élément de taille, à savoir que la tendance demeure haussière en dépit
des creux dans la courbe qui sont assez faibles en pourcentage (-1,6% en 2004). Ces derniers
restent par ailleurs en deçà des diminutions d’effectifs constatées.
En effet, dès les années 2000, on constate une diminution des effectifs, qui peut beaucoup plus
être en rapport avec l’orientation stratégique choisie par les employeurs de ce type de banque et
qui consiste à ne pas remplacer automatiquement les partants (par le recrutement de jeunes).
Par ailleurs, nous pouvons facilement percevoir qu’au niveau des différentes catégories, et au
niveau du total général, les effectifs les plus importants se concentrent dans la catégorie des
cadres.
Ainsi, le secteur rassemble des salariés pour la majeure partie diplômés, alors même que les
postes fonctionnels ou à responsabilité (chefs de division, de département et de directions
centrales) sont réduits. Ce phénomène est comparable à celui d’une « armée mexicaine » formée
de plus de généraux que d’hommes de troupe et peut alors logiquement entraîner des problèmes
en matière de gestion de carrière pour ces salariés.
Sur le fond, il convient de se demander si une partie du personnel bancaire remplissant des
fonctions à faible valeur ajoutée (gardiennage, ménage, entretien, transport de fonds,
alimentation et maintenance des DAB, etc.) n’a pas été externalisée comme c’est le cas en
France.
Pour détailler davantage la structure de cette population bancaire, il convient de présenter la
structure du personnel par catégories professionnelles.
Personnel de
Cadres
service Personnel
supérieurs
3,32% d’exécution
20,19%
22,03%
Cadres
28,92% Personnel
d’encadrement
25,54%
50
Il est à préciser, avant de développer davantage l’analyse, que les banques tunisiennes étaient
organisées depuis leur création (années d’après indépendance) selon le type d’activité, à savoir
essentiellement en banques d’affaires, banques de développement et banques de dépôt (dites
également banques commerciales).
Or, ce type d’organisation avait laissé place à une grande spécialisation avec des cloisonnements
importants qui ont limité le développement d’une concurrence entre les différents établissements.
A cet effet, dès 2001 une loi est venue offrir la possibilité à chaque banque de pratiquer toutes les
opérations bancaires et a ainsi permis de généraliser l’activité bancaire à tous les établissements
pour éviter les cloisonnements, c’est le phénomène aujourd’hui très développé des banques
universelles.
Ainsi, ce tableau qui mentionne bien l’existence d’une structuration du personnel bancaire selon
cinq catégories indépendamment du type de banque qui comprend aussi bien les banques de
dépôts que les banques mixtes et les autres membres inspire deux remarques.
La première, afférente au taux d’accroissement annuel révèle une tendance négative d’évolution
d’année en année pour les catégories de « personnel de service » et « personnel d’exécution », à
l’inverse des autres catégories que sont, la catégorie du « personnel d’encadrement » et celle des
« cadres » et « cadres supérieurs ».
La seconde, relative à l’évolution du pourcentage de l’effectif global par rapport au taux
d’accroissement annuel de ce même effectif, confirme les résultats issus de la première
remarque, avec une meilleure visibilité car elle donne une vision globale par rapport aux totaux.
Aussi, ayant présenté les différences entre catégories socioprofessionnelles du secteur bancaire
tunisien, il convient maintenant de présenter la répartition par âge du personnel des banques de
dépôts par tranche d'âge, étant donné que l’objet principal de notre recherche concerne une
banque publique de dépôt.
60% 58,14%
50%
40%
30%
19,25%
20%
14,58%
10% 7,40%
0,62%
0%
Moins de Entre 25 & Entre 35 & Entre 50 & Plus de 55
25 ans 35 ans 50 ans 55 ans ans
51
Le graphique ci-dessus montre que la classe d’âge la plus importante aujourd’hui est celle des
35-50 ans, alors qu’arrive en deuxième place, par ordre d’importance, la classe d’âge comprise
entre 25-35 ans. Le poids des moins de 25 ans étant négligeable, du fait de l’étroite relation avec
le phénomène de transition démographique de la Tunisie.
Nous pouvons ainsi facilement remarquer qu’il existe un vieillissement de la population bancaire
en activité. Cela s’explique par l’allongement des études universitaires et par la difficulté
d’accéder à un emploi étant donné le déplacement de l’offre d’emploi des entreprises.
Elles recherchent des jeunes disposants d’un bagage universitaire permettant de réduire le poids
de la formation professionnelle interne et réputés comme étant plus adaptables.
Enfin pour compléter l’image de cette population bancaire, il convient de rappeler sa structure
par sexe.
Féminin
33,78%
Masculin
66,22%
Nous pouvons remarquer une très nette prépondérance de la population masculine (deux tiers des
effectifs en 2007) même si le taux de féminisation progresse depuis 2002.
Par ailleurs, concernant la variable sexe et la situation familiale, la majorité des banques est
constituée d’un personnel masculin et marié, le tableau suivant résume bien la situation pour
l’année 2007.
52
Tableau 8 : Personnel des banques au 31 décembre 2007
At A C S
Banques Bna Stb Biat Bh Bank Uib Bank Bt Ubci Atb Bft Bank Bts Abc Bfpme Btk Bank Bte Btl Tqb Total
Effectif Global 2665 2461 2317 1884 1384 1310 951 857 1115 796 238 46 209 107 55 157 133 140 134 89 17048
Catégorie Professionnelle
Personnel de service 27 50 116 97 14 5 41 34 1 10 9 0 5 6 2 9 25 5 7 1 464
Personnel d'exécution 486 337 480 396 278 268 150 197 216 206 60 7 53 15 7 22 14 35 20 18 3265
Personnel d'encadrement 563 378 527 541 369 368 262 244 233 186 64 8 29 16 2 30 6 13 23 15 3877
Cadres 815 997 682 471 480 449 312 313 515 165 75 16 84 54 21 44 55 49 44 37 5678
Cadres supérieurs 774 699 512 379 243 220 186 69 150 229 30 15 38 16 23 52 33 38 40 18 3764
Catégorie d'âge
moins de 25 ans 4 9 67 0 14 7 2 8 74 0 9 0 4 1 0 0 4 4 0 0 207
Entre 25 & 35 ans 322 325 523 332 350 185 177 189 445 152 85 24 97 79 28 35 43 53 33 34 3511
Entre 35 & 50 ans 1680 1436 1293 1227 758 756 470 452 438 534 115 19 89 26 19 86 57 62 89 34 9640
Entre 50 & 55 ans 504 520 313 242 214 238 269 123 106 83 22 3 14 0 5 21 19 17 6 14 2733
plus de 55 ans 155 171 121 83 48 124 33 85 52 27 7 0 5 1 3 15 10 4 6 7 957
Sexe
Masculin 1892 1549 1571 1191 921 742 710 633 693 492 130 30 130 72 38 90 79 85 82 49 11179
Féminin 773 912 746 693 463 568 241 224 422 304 108 16 79 35 17 67 54 55 52 40 5869
Situation familiale
Mariés 2380 2122 1910 1655 1128 1179 799 722 699 704 165 32 134 57 33 129 85 86 110 67 14196
Non mariés 285 339 407 229 256 131 152 135 416 92 73 14 75 50 22 28 48 54 24 22 2852
53
Nous pouvons noter d’après le tableau ci-dessus que ce sont les banques publiques
tunisiennes ou à majorité étatique qui regroupent les plus grands effectifs, comme la BNA
avec 2.665 personnes et la STB avec 2.461 personnes, et la BH avec 1884 personnes.
Cette dernière arrive en quatrième position en termes d’importance d’effectifs après la BIAT,
première banque privée tunisienne.
Ainsi, au total ces trois banques disposent d’un effectif de 7.100 personnes ce qui représente
presque la moitié de l’effectif total des banques tunisiennes.
50
Richert Philippe & Riedmaier Théresia., « Le système bancaire allemand », Guide pour les entreprises
françaises de l’espace PAMINA (Palatinat, Mittlerer Obberrheim et Nord-Alsace), forum de Wissembourg,
1997.
51
Deutsche Bundesbank, « Die Ertragslage der deutschen Kreditinstitute », Rapport mensuel, septembre, 2006.
54
Commerzbank. Toujours selon cette même source il apparaît que les établissements de crédit
de droit public regroupent environ 500 caisses d’épargne (Sparkasse) et les banques centrales
de Land (Landesbank). Pour ce qui est des coopératives de crédit elles comprennent (d’après
le même document) environ 1200 banques populaires et de crédit mutuel agricole (Volks- und
Raiffeisenbank) ainsi que les deux établissements centraux que sont la DZ Bank et la WGZ-
Bank.
Toutefois, la plus grande part du marché revient au secteur bancaire de droit public, avec
environ 45%, il est suivi par le secteur bancaire privé, avec 42 % et le secteur des banques
coopératives qui n’accapare que 13%.
Concernant l’objet des différentes banques allemandes nous pouvons remarquer que pour les
banques privées il s’agit de maximiser le profit alors que pour les banques coopératives
l’objet est celui de « favoriser le gain de ses membres ». Les établissements de crédit de droit
public sont également chargés de missions publiques.
Alors que les grandes banques privées se consacrent essentiellement aux marchés financiers,
les caisses d’épargne et les banques coopératives s’adressent davantage à une clientèle privée.
En dehors des objectifs, il existe aussi des différences pour ce qui est du statut car les banques
de droit public jouissent d’une garantie de l’Etat.
Or, sous la pression de la Commission européenne, les garanties publiques pour les caisses
d’épargne et Landesbanken ont disparu le 18 juillet 2005. Ces garanties étaient basées sur le
principe que les fondateurs d’un établissement bancaire public doivent toujours veiller à doter
l’établissement des moyens financiers requis par ses missions. Ainsi, on peut déduire de la
disparition de ces garanties la nécessité d’un changement du statut juridique des caisses (et
ainsi de leurs structures capitalistiques).
55
1.3.3 Une segmentation bancaire par type d’activité
Concernant l’organisation du secteur bancaire allemand par type d’activité et/ou d’opérations
effectuées, nous retrouvons au niveau des banques allemandes, comme nous avons pu le noter
plus haut pour les banques tunisiennes, une répartition entre banques universelles et banques
spécialisées.
Nous pouvons d’ores et déjà donner un aperçu relatif aux banques qualifiées d’universelles
(Universalbanken) avant de nous intéresser dans un deuxième temps aux banques spécialisées
(Spezialbanken).
Ainsi, il ressort d’après plusieurs auteurs52, que les banques multiservices (Universalbanken)
concernent trois catégories de banque. Nous pouvons compter parmi elles, tout d’abord, les
banques commerciales privées (private Geschäftsbanken) qui englobent à leur tour les quatre
« grandes banques » (Bayerische Hypo- und Vereinsbank AG, Commerzbank AG, Deutsche
Bank AG, Dresdner Bank AG), ainsi que les banques régionales, les banques d’affaires, les
filiales de banques étrangères et d’autres banques de crédit.
Viennent ensuite les coopératives de crédit ou banques coopératives (genossenschaftliche
Kreditinstitute), telles que les banques populaires (Volksbanken), banques de crédit mutuel
agricoles (Raiffeisenbanken), et caisses centrales de coopératives de crédit, spécialisées dans
le crédit à court terme.
Et enfin, les banques de droit public (öffentlich-rechtliche Kreditinstitute), à savoir, les
caisses d’épargne (Sparkassen) et les centrales de virement (Gironzentralen ou Landesbanken)
qui sont les banques centrales des caisses d’épargne. Ces établissements sont sous le contrôle
de l’Etat.
A l’image des banques publiques tunisiennes, les coopératives de crédit et caisses d’épargne
n’ont pas pour but principal de faire du profit, mais plutôt de financer l’économie nationale à
travers les crédits accordés aux clients.
52
Gabel Markus et Philippe Richert & Théresia Riedmaier, ibid.
56
Quant aux banques spécialisées, elles se divisent en deux catégories, à savoir, tout d’abord,
les organismes de crédit immobilier qui accordent des crédits à long terme garantis par une
hypothèque, à savoir les banques hypothécaires (Realkreditinstitute), les caisses d’épargne-
construction (Bausparkassen), les banques de crédit maritime (Schiffsbanken), les banques
directes ainsi que les sociétés de placement de capitaux (Kapitalanlagegesellschaften).
Ces établissements spécialisés sont pour la plupart liés par contrat ou par des participations
financières aux banques multiservices.
Viennent ensuite les banques spécialisées de droit public comme le crédit foncier
Grundkredit) et les centres de chèques postaux (Postscheckämter).
De plus, et à l’image de la banque centrale de Tunisie, la banque centrale allemande
(Deutsche Bundesbank) reste considérée comme la banque des banques, elle a la charge de
superviser les banques et dispose à cet effet d’un rôle de tutelle au niveau du secteur bancaire
allemand.
57
1.3.5 Avènement d’une modernisation du secteur bancaire qui conserve le
principe des trois piliers
D’après Markus Gabel53 « le secteur bancaire allemand est sorti de la forte crise du début du
millénaire grâce à des restructurations et à des compressions d’effectifs sévères, ainsi qu’à
l’embellie générale de l’économie ».
Ainsi, nous pouvons remarquer que les salariés des banques aussi bien tunisiennes
qu’allemandes constituent toujours pour les employeurs des deux types de banque une
variable d’ajustement structurelle.
Aussi, et après que les banques allemandes ont surmonté la crise, Markus Gabel précise tout
de même que « les grandes caractéristiques du secteur sont toujours là : dispersion en trois
piliers (public, privé, coopératif) avec une prépondérance des banques publiques et une
rentabilité médiocre même si ces dernières conservent le financement des entreprises ».
Cet aspect inhérent aux banques allemandes est à rapprocher des banques publiques
tunisiennes où la rentabilité n’est pas la finalité ultime, même si elle demeure somme toute
recherchée par les employeurs pour afficher la réussite d’une gestion financière et
managériale, toutes deux efficaces, leur permettant ainsi de prétendre à d’autres fonctions
encore plus importantes.
Toutefois, pour les banques allemandes, cette rentabilité médiocre est selon Gabel
« étroitement liée à la caractéristique de fond du système bancaire allemand », que nous avons
cité plus haut en ce qu’elle repose toujours sur « une structure qui reste basée sur trois piliers :
public, privé et coopératif ».
Pour lui « cette structure, où deux acteurs (publics et coopératifs) pratiquent une forme de
socialisation des bénéfices (les premiers pour des fins d’intérêt public, les deuxièmes envers
leurs membres), est partiellement garantie par la loi, car la législation bancaire n’autorise pas
le rachat de banques publiques par des acteurs privés », comme cela est également pratiqué en
Tunisie.
Cette « socialisation des bénéfices » est également palpable au niveau des banques
tunisiennes où nous pouvons remarquer que ce sont les banques publiques qui accaparent la
part du lion, au détriment des banques privées.
53
Gabel Markus, « Modernisation graduelle du secteur bancaire allemand », Regards sur l'économie allemande
[En ligne], 79 | décembre, document 3, mis en ligne le 01 décembre 2008, Consulté le 15 mars 2010. URL :
http://rea.revues.org/index725.html.
58
Par ailleurs, Gabel souligne que « le secteur bancaire allemand a davantage de difficultés à
exploiter l’important potentiel d’économies d’échelles de l’industrie bancaire et à réduire le
niveau élevé de coûts fixes » et ce, du fait selon lui d’une « dispersion du marché qui ne
favorise guère des structures efficaces ».
Nous pouvons pour plus de visibilité reproduire ci après le tableau présenté par l’auteur et
relatif à la structure du système bancaire allemand, où il apparaît clairement que ce sont les
caisses d’épargne (locales) et les coopératives de crédit qui dominent le secteur bancaire
allemand.
Source : Deutsche Bundesbank, Rapport mensuel, septembre 2006 ; Gabel (2000). (1) Publiques et privées.
(2) Etablissements à attributions spéciales, dont la Kreditanstalt für Wiederaufbau. (3) Les
chiffres entre parenthèses renvoient à la situation en 1999 en milliards d’euros.
Les salariés des banques allemandes demeurent toutefois, comme nous l’avons signalé plus
haut, une variable d’ajustement structurelle, car comme le souligne Gabel cette
modernisation, outre le fait de « participer à resserrer les liens entre les banques et l’industrie
nationale », a eu des effets internes comme « la compression des effectifs bancaires (80 000
personnes depuis 2000, essentiellement par licenciement) ».
Ces compressions d’effectifs ont été selon lui motivées par « une rationalisation de
l’organisation bancaire (externalisation des activités du back-office) » qui passe
inéluctablement par « une réduction des coûts ».
59
1.4 Particularités des secteurs bancaires : tunisien et allemand
Pour pouvoir faire ressortir les particularités des deux secteurs respectifs, il convient de
s’attacher à deux aspects le premier étant celui de la culture de branche et le second celui des
relations interprofessionnelles qui deviennent pour les banques des deux pays respectifs de
plus en plus complexes.
Nous énumérerons les différents points présentés par les deux auteurs et sur lesquels ils se
basent pour étayer leur propos, à savoir :
54
Expression empruntée à Dressen Marnix et Roux-Rossi D, in « Restructuration des banques et devenir des
salariés », Cahier Travail et Emploi, La documentation Française, décembre, 1996.
55
Dejonghe V et Gasnier C, « Pratiques salariales et gestion du personnel dans les banques et les assurances »,
Travail et emploi, n°45, Mars, 1990.
56
Dressen Marnix et Roux-Rossi D, ibid.
60
- « la gestion du personnel selon des procédures impersonnelles (pour eux, ajoutent-t-ils « la
CCN prévoit, par exemple, que tel diplôme confère telle classification, que la maîtrise d’une
langue étrangère confère tant de points de classification, selon que la maîtrise est orale, écrite
ou écrite et orale, etc. »).
- l’amélioration des rémunérations à l’ancienneté ;
- l’importance du paritarisme et de l’autorité de la négociation centralisée ;
- le calcul de rémunération comme étant le produit entre un indice et la valeur du point (le
point bancaire est réévalué au moins une fois par an) ;
- la reconnaissance et protection des droits syndicaux au delà des prescriptions du code du
travail ;
- la reconnaissance de la formation initiale, l’importance accordée à la formation continue et
qualifiante du personnel ;
- la quasi-garantie de l’emploi à vie par application de la « règle du dernier entré premier
sorti » (art.49 de la CCN) ;
- la conception très hiérarchisée de l’organisation du travail régie sur le mode de la
« bureaucratie mécaniste » au sens de Mintzberg : tâches et responsabilités définies
rigoureusement et contrôle le plus centralisé possible ;
- la possibilité de réaliser des carrières ascendantes, non négligeables pour ceux qui étaient
volontaires, patients et savaient saisir les occasions qui s’offraient à eux.
Le secteur bancaire français est régi par une convention collective qui « traite de façon précise
de toutes les étapes de la carrière des salariés de la banque, de l’embauche à la retraite, sans
oublier la formation professionnelle et l’avancement, ni les différents congés possibles ».
Les deux auteurs évoquent même « une culture enracinée » dans la mesure où malgré les
efforts des différentes directions d’entreprise pour lui substituer une nouvelle culture de
branche la plupart de ces caractéristiques perduraient lors de la rédaction de leur rapport
(depuis 2000, cependant, une nouvelle convention collective s’applique (la Convention
collective des Banques) et elle comporte de profonds changement par rapport à la Convention
collective nationale dont la base remonte à 1952.
A leurs yeux, le caractère relativement pérenne de cette culture tient à plusieurs éléments
qu’ils énumèrent, à savoir:
- à la place de la banque dans les rapports de production, de consommation et d’échange (à la
charnière des services et de l’industrie).
61
- à la surveillance des pouvoirs publics, soucieux de stabilité dans le domaine financier du fait
de la crainte de conflits qui pourraient avoir un effet « thrombose » sur l’économie ;
- au poids du secteur nationalisé à la suite des vagues de nationalisation de 1945 et de 1982,
pour le cas Français.
- à l’ancienneté de cette culture, qui plonge ses racines dans l’entre-deux-guerres et qui a été
confortée à partir des années cinquante.
Il ne paraît pas y avoir en la matière de significative exception française (sauf peut-être dans
la banques des Etats-Unis d’Amérique) ».
En tout cas, la Tunisie est également passé par ces étapes qui ont presque été calquées sur le
model français.
En Tunisie, il existe aussi une surveillance des pouvoirs publics avec des autorités de tutelle
comme le ministère des finances et une banque centrale. Mais également, et tout récemment
l’instauration, à l’image de la Commission des opérations boursières (COB) en France, d’un
conseil du marché financier (CMF) ayant globalement les même attributions.
Après l’indépendance, la recherche de compétences était à l’œuvre pour constituer les
premières banques.
A l’époque, la main d’œuvre qualifiée disponible sur le marché externe était rare, les
employeurs étaient donc incités à trouver « en interne » les ressources dont ils avaient besoin.
Cette pratique de recherche en interne de certaines compétences et profils est encore pratiquée
à ce jour, la banque ne recrute en externe qu’en dernier lieu.
Pour le cas du secteur bancaire tunisien il n’y a pas une grande différence avec le secteur
bancaire français étant donné que le secteur des banques tunisiennes s’est construit, comme
nous l’avons indiqué plus haut, sous l’influence de l’organisation des banques françaises.
Toutefois, les textes régissant le secteur sont apparus plus tard dans le cadre de négociations
générales et d’un mouvement d’organisation beaucoup plus global.
62
personnel embauchées à des époques différentes, les plus jeunes étant sortis plus diplômés du
système éducatif.
Ces tensions portent à la fois sur les façons de travailler au quotidien et les perspectives de
carrière. Mais « le choc des générations » est plus fort en Tunisie, en raison des embauches
qui ont été encouragées par la volonté politique et non basées sur une réelle gestion
prévisionnelle des emplois et des compétences.
Ainsi, le recrutement massif qui a été opéré au début des années 90 répondait beaucoup plus à
une volonté d’éponger la demande additionnelle des diplômés tunisiens du supérieur que de
parer au problème démographique du vieillissement des salariés des banques tunisiennes.
De plus, il est clair que les employeurs ne peuvent, pour les banques publiques du moins,
prendre de telles initiatives sans l’approbation des autorités de tutelle en place. En effet,
l’impact sur les charges salariales serait considérable d’autant plus qu’il n’existait pas encore
de flexibilité quant à l’emploi et que la tradition était à la sécurité et la fidélisation de l’emploi
bancaire.
Ainsi, à défaut de remplacer les seniors, le recrutement de jeunes plus employables et plus
motivés devait contribuer naturellement à assurer la relève qui n’a pas pour autant été
organisée mais beaucoup plus improvisée.
Or, la transmission intergénérationnelle des connaissances ne s’improvise pas mais se
programme en vue d’une possible codification pour la pérennité de l’activité bancaire propre à
chaque banque, même si les employeurs de banque ne tiennent pas compte d’une variable
importante qui permet d’opérer ce transfert, à savoir, la motivation des seniors.
Christine Bruniaux57 affirme qu’ « en Allemagne, on peut supposer que l’apprentissage, même
à plusieurs vitesses, homogénéise quelque peu les pratiques ; en revanche, les perspectives de
carrière ont été améliorées pour les apprentis les plus diplômés, pour remédier à un taux de
séparation très élevé des plus diplômés (cf. supra), ce qui provoque actuellement des tensions
et des pressions au sein d’une même génération (« érosion de l’équité ») ».
En Tunisie, l’embauche de jeunes d’une même génération, ne dispense pas de rencontrer des
tensions entre titulaires de diplômes différents, sur les mêmes types d’emplois, voire même du
simple fait d’une affectation réputée comme étant plus importante qu’une autre.
57
Bruniaux Christine, « Evolution de l’emploi et des qualifications dans le secteur bancaire »,
Synthèse élaborée dans le cadre de la troisième phase des travaux d’EDEX - WP3, à partir des rapports
nationaux de cinq pays, (Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France) à l’attention du Zentrum
für Sozialforschung Halle, mai 2001.
63
C’est généralement ce que pensent les cadres des départements crédit par rapport à ceux des
directions de soutien comme la formation ou la gestion des ressources humaines, réputées
comme étant beaucoup plus des activités administratives peu dynamiques.
Mais, il peut également régner un climat de tension avec l’existence d’un conflit de
générations issu du simple fait d’une difficile cohabitation entre seniors qualifiés par leur
expérience et leur ancienneté et jeunes qualifiés par leurs diplômes universitaires.
Même pour les banques allemandes, la question demeure entière étant donné que, même si
comme l’indique Christine Bruniaux, il a été « tenté de résoudre le problème en instituant un
traitement à deux vitesses pour les titulaires de l’apprentissage », cela peut ne pas suffire.
En effet, elle ajoute toutefois à ce propos que « ces apprentis somme toute « classiques »
risquent d’être concurrencés à leur tour par les titulaires de l’enseignement supérieur ayant
bénéficié de la nouvelle formation duale mise en place à leur intention, qui viendra peut-être à
terme concurrencer la formation traditionnelle des économistes de banque, pour les postes
d’encadrement intermédiaire ».
Le cas de la Tunisie n’est pas isolé, en effet comme nous avons pu le lire dans plusieurs
revues spécialisées, « le choc démographique », à savoir le départ de toute une génération et
son remplacement par une autre qui ne présente pas les mêmes attributs, a été un phénomène
anticipé par les banques.
64
En effet, comme l’annoncent certains auteurs, à l’image de Philippe Michelin58, « le choc ne
sera pas brutal », et ce contrairement à ce que l’on peut croire, car selon lui les banques
avaient déjà pris leurs prédispositions du fait de leurs propres anticipations, mais aussi du fait
de dispositions législatives.
Pour le cas Français, la loi Fillon du 4 mai 2004 a provoqué les deux principales retombées
suivantes :
- l’allongement de la durée de vie professionnelle au-delà de 60 ans.
- le départ anticipé des salariés qui ont commencé à travailler très tôt et qui étaient encore
nombreux dans les catégories d’âge.
Pour le cas Tunisien largement influencé par la tutelle du Ministère des Finances, les
directives de la Banque Centrale et les bailleurs de fonds internationaux, l’heure est également
aux programmes de départs anticipés.
Cette mesure a été retenue en 2006 pour réduire les charges alors que dans les années quatre
vingt dix la priorité était celle du recrutement de jeunes pour redynamiser les banques
tunisiennes, sans programme de préretraite.
Ceci a été fait sous l’impulsion commune des pouvoirs publics et des autorités financières en
matière d’emploi en vue de palier à diminuer le chômage des jeunes diplômés des
établissements universitaires.
En effet, d’après la note d’orientation du 11ème Plan paru en mars 2006, il apparaît que
l’emploi a bénéficié durant la décennie 1997-2006 d’un intérêt particulier et a été « érigé au
premier rang des préoccupations de l’Etat ».
Ceci provient du fait que l’on accorde à l’emploi un rôle important d’autant plus que l’on
reconnaît au facteur humain et toujours au sens de cette note d’orientation la possibilité
d’impulser « la croissance et de participer à la concrétisation des objectifs de
développement ».
Ainsi, et dans le même sens, l’on relève dans cette même note qu’il existe déjà depuis une
dizaine d’années une augmentation du nombre de demandes additionnelles d’emploi.
Leur nombre atteindrait 769 milles avec toutefois une évolution qualitative due,
essentiellement, à l’accroissement du nombre des diplômés de l’enseignement supérieur qui
est passé de 15,6 milles durant l’année universitaire 1996-1997 à près de 54 milles au cours
de l’année universitaire 2005-2006.
58
Michelin Philippe, Revue Banque, supplément « Formation », « Départ en retraite : Organiser le transfert des
connaissances », 2005, pp30-31.
65
Mongi Bchir et Jacques Vallin59 précisent quant à eux au niveau de l’évolution de la structure
par âge de la population de la Tunisie que le pays qui « achève tout juste la transition de sa
fécondité, très peu de temps après l’avoir entamée, entre déjà dans cette phase du progrès
sanitaire où les progrès ultérieurs de l’espérance de vie seront porteurs de vieillissement
démographique ».
C’est dire combien ce phénomène, encore à peine amorcé, va s’étendre avec rapidité.
Certes, le pays entre actuellement dans cet « âge d’or » où la part de la population d’âge actif
se gonfle et où la charge des classes d’âge dépendantes (jeunes de moins de 15 ans et
personnes âgées de plus de 60 ans) diminue ».
Ce taux de dépendance serait tombé de 55% en 1946 à 43% en 1994.
Toutefois, les deux auteurs précisent pour revenir à cet âge d’or, qu’ « il sera de bien plus
courte durée que celui qu’ont connu les pays à transition plus ancienne, beaucoup plus lente
(Vallin 199460 ).
Confortant cette idée deux autres auteurs, à savoir Abdessalem Dammak et Ridha Damak61,
qui s’intéressent à l’évolution de la population active par grands groupes d’âges et de sexe de
1974 à 1994, indiquent que « la proportion des actifs de moins de 25 ans montre une nette
tendance à la baisse sur toute la période aussi bien pour le sexe masculin (de 31% en 1975 à
23% en 1994) que pour le sexe féminin (de 52% à 39%) ».
Les deux auteurs expliquent cette diminution par le fait d’une « amélioration des taux de
scolarisation aussi bien dans l’enseignement secondaire que supérieur (surtout pour le sexe
féminin) ».
Mais, ils soulignent également que « la tendance à la baisse de la proportion des actifs
(masculins et féminins) de moins de 25 ans et de plus de 60 ans au profit d’une concentration
des actifs dans la tranche d’âge 25-59 ans est révélatrice à la fois du développement de
l’instruction des jeunes, de la meilleure protection sociale accordée aux personnes âgées et de
l’évolution de l’activité économique ».
59
Bchir Mongi et Vallin Jacques, « l’évolution de la structure par âge de la population », pp257-276 in
« Population et développement en Tunisie, la métamorphose », sous la direction de Jacques Vallin et Thérèse
Locoh, Cérès Edition, Avril 2001.
60
Vallin Jacques, « Réflexion sur l’avenir de la population mondiale », Les dossiers du CEPED, Paris, CEPED,
n° 26, 1994, 28 p.
61
Dammak Abdessalem et Damak Ridha, « L’emploi et l’activité économique » pp 379-398 in « Population et
développement en Tunisie, la métamorphose », sous la direction de Jacques Vallin et Thérèse Locoh, Cérès
Edition, Avril 2001.
66
Ils procèdent aussi à l’identification par secteur d’activité et précisent que « le secteur
traditionnel de l’agriculture, où l’on commence très tôt à travailler et où il n’y a pas d’arrêt de
l’activité à un âge défini, régresse au profit des activités secondaires et tertiaires ».
D’où une certaine domination des activités du tertiaire par rapport aux autres secteurs
d’activité.
En effet, en matière d’emploi, la politique poursuivie depuis 1994 et jusqu’aux années
récentes a permis d’après la note d’orientation du 11ème plan de la République Tunisienne
2007-2011 la création de 705 mille postes d’emploi.
Cette création de postes a participé à éponger environ 91,7% des demandes additionnelles
contre 89% durant le 8ème Plan et de réduire le taux de chômage de la population active âgée
de 15 ans et plus de 15,9% en 1997 à 14,2 % en 2005.
Il est même indiqué au niveau de cette même note d’orientation que pour obtenir ces résultats
« la politique de l’emploi s’est basée sur un ensemble d’axes focalisés essentiellement sur
l’accélération du rythme de la croissance, la promotion de l’investissement, l’encouragement
de l’initiative privée et de l’entrepreneuriat ».
Toutefois, il est clairement mentionné également que cela a été rendu possible du fait du
« traitement actif du marché de l’emploi à travers l’institution et le renforcement d’un
ensemble de programmes et d’instruments ».
Aussi, pour améliorer l’employabilité des demandeurs d’emploi et faciliter leur insertion
dans la vie active, plusieurs initiatives ont vu le jour. Une des plus récentes a été celle de la
création en 1998 de la Banque Tunisienne de Solidarité pour les micros projets avec la mise
en place d’un système de micro crédits.
Mais, d’autres créations ont été faites en parallèle comme celle effectuée en 2000 et inhérente
au Fonds National pour l’Emploi (le fonds 26-26) qui a bénéficié depuis sa création et jusqu’à
la fin 2006 avec les autres mesures instaurées à près de 911 mille bénéficiaires.
Ainsi la structure de la population occupée a subi une nette évolution dans la mesure où la
part des occupés ayant le niveau supérieur est passée de 8,3% en 1997 à 13,1% en 2005.
Cette augmentation a essentiellement concerné le secteur financier ainsi que les secteurs de
l’électricité, de l’enseignement, de la santé et des services orientés vers les entreprises.
De plus et dans un esprit de désengagement de l’état, plusieurs initiatives ont été portées pour
encourager l’entreprenariat privé et inciter les entreprises à recruter surtout les diplômés du
supérieur. Cela a consisté par exemple à favoriser les investissements créateurs d’emploi dans
les zones dites prioritaires, où le taux de chômage est supérieur à la moyenne nationale.
67
Ceci a permis une nette augmentation de la part des occupés dans les secteurs de l’industrie et
des services par rapport à celle des secteurs de l’agriculture et de la pêche dont la part a
encore diminué d’après le dernier recensement général de la population et de l’habitat où elle
passe de 20,9% en 1997 à 16% en 2004.
Ainsi, et en guise de prolongement, un autre élément important mérite à présent d’être
soulevé, il concerne l’évolution du chômage.
Pour ce faire et si l’on considère la variable «jeunes universitaires », il apparaît clairement une
que les demandeurs d’emploi ayant un niveau universitaire sont de plus en plus nombreux.
Leur part dans le total des chômeurs est passé de 3,6% en 1997 à 13,6% en 2005.
Pour comprendre cette évolution il convient alors de considérer la hausse continue des
diplômés universitaires qui a eu également pour effet de créer une hausse du taux de chômage
de ceux ayant le niveau universitaire et qui a atteint 14,8% en 2005 contre 8,1% en 1997.
En revanche un point positif est à souligner, à savoir la diminution des demandeurs d’emploi
dont la durée de chômage dépasse une année et qui passe de 49,1% en 1997 à 40,2% en 2005,
d’où près de 9 % en moins.
L’ensemble de ces indicateurs fait apparaître que les diplômés universitaires constituent au
sens de la note d’orientation « une pression croissante d’une période à l’autre en raison de
l’augmentation de leur nombre, d’un côté, et de l’inadéquation entre certaines spécialités et
les besoins réels du marché de l’emploi de l’autre ».
Abdessalem Dammak et Ridha Damak62 concluent ainsi « qu’en dépit du relatif essor de
l’économie et des efforts pour répondre à l’entrée des nouveaux actifs sur le marché de
l’emploi, le problème du chômage reste épineux et domine les préoccupations des autorités,
tant il est difficile de mettre en œuvre une politique adéquate, susceptible d’approcher le plein
emploi ».
Ils soulignent par ailleurs, que « durant les deux premières décennies du développement,
l’incohérence entre les objectifs en matière d’emploi et les mesures d’application de la
politique de développement a été l’un des obstacles majeurs à la réalisation du plein emploi ».
Mais, ils n’omettent pas de préciser que dans la période récente les possibilités de création
d’emploi ont été assez limitées et ce, comparé aux possibilités réelles existantes.
En effet, dans une des meilleures périodes comme 1992-1996 nous sommes à peine arrivés à
satisfaire la demande additionnelle.
62
Dammak Abdessalem et Damak Ridha, « L’emploi et l’activité économique » pp 379-398 in « Population et
développement en Tunisie, la métamorphose », sous la direction de Jacques Vallin et Thérèse Locoh, Cérès
Edition, Avril 2001.
68
Les deux auteurs ajoutent également que c’est le secteur tertiaire qui s’est développé le plus,
ces dernières années et affirment que le chômage toucherait selon eux la population jeune,
âgée de moins de 25 ans (hommes et femmes confondus).
La situation de la création des emplois est aussi fonction des régions et les deux auteurs font
observer que c’est essentiellement les grandes régions urbanisées qui offrent les meilleures
opportunités.
Par ailleurs, comme l’annonce Elisabeth Coulomb63, rédacteur en chef de la Revue Banque,
les banques doivent «intégrer des nouveaux instruments comme le droit individuel à la
formation ou la valorisation des acquis et de l’expérience qu’il faut rendre compatible avec
des actions de formation par nature centrées sur des intérêts collectifs ».
Ainsi, ce cadre législatif qui veut organiser « la formation professionnelle tout au long de la
vie » est aussi en soi une incitation à revoir les formations destinées aux seniors qui, comme
énoncé plus haut, peuvent aujourd’hui prolonger leur vie professionnelle au-delà de 60 ans.
Cela est aussi le cas en Tunisie où l’on parle d’une retraite au niveau des banques, qui serait
prévue pour un âge de 62 à 63 ans, au lieu et place des 60 ans conventionnels et une retraite
anticipée non plus à cinquante cinq ans mais cinquante sept ans.
Même si la question de la formation tout au long de la vie est inscrite dans les orientations du
11ème plan et de la décennie 2007-2016 en tant que priorité et qu’elle passe par le fait de
« renforcer la formation professionnelle de base et promouvoir la formation continue », il
demeure que le taux d’accès continue d’afficher, d’après la note d’orientation de ce même
plan, des niveaux assez bas, à savoir 23% actuellement en Tunisie alors que ce taux est de 80
% en Allemagne et de 40 % en France. Le désengagement de l’Etat n’étant plus à démontrer,
il faut souligner que le secteur privé, ainsi que le secteur productif seront appelés à apporter
une plus grande contribution à l’accroissement de la capacité de formation, à la diversification
et au développement de la formation par alternance et de l’apprentissage professionnel
homologué.
Toutes ces mesures d’encouragement peuvent paraître pour beaucoup de jeunes, vides de
sens, étant donné que pour plusieurs d’entre eux, il n’y a pas d’application réelle et palpable.
Pour le cas des banques françaises, Philippe Michelin64 précise que ces éléments « ont lissé
dans le temps les vagues de départ qui s’organisent de façon plus progressive », car comme
nous pouvons le constater cela n’est pas sans conséquence pour les générations suivantes.
63
Coulomb Elisabeth, « La formation dans la banque », Revue Banque, in Supplément « Formation », 2005, p3.
64
Michelin Philippe, « Départ en retraite : Organiser le transfert des connaissances », Revue Banque, in
supplément « Formation », 2005, pp30-31.
69
Les banques tunisiennes affrontent en ce moment des préoccupations semblables, même si le
mouvement est beaucoup plus perceptible au niveau des premières banques publiques comme
la Société Tunisienne de Banque ou la Banque Nationale Agricole, dont la première a fêté son
cinquantième anniversaire en 2008 et la seconde en 2009.
Cela est également perceptible, mais dans une moindre mesure, au niveau de la banque de
l’Habitat, troisième grande banque publique tunisienne, qui dispose quant à elle d’une
vingtaine d’années d’activité.
En effet, ceci est du en partie, et surtout pour les deux premières banques énumérées, au fait
qu’elles emploient un effectif plus important que les autres banques de la place et qu’elles ont
été créées juste après l’indépendance du pays.
Pour le cas français, Elisabeth Coulomb65, va même faire une projection en indiquant que
« même si les banques font face aux premiers départs en retraite des baby-boomers des années
1940, il est certain que le mouvement s’intensifiera dans les prochaines années ».
Toutefois, elle n’apporte aucun éclairage sur la manière avec laquelle les banques vont y
remédier précisément.
65
Coulomb Elisabeth., Revue Banque, in supplément « Formation », « La formation dans la banque », 2005,
p3.
66
Michelin Philippe, Revue Banque, in supplément « Formation », « La formation dans la banque », 2005, p3.
67
Moatty Frédéric, discutant, intervenant lors de ma communication intitulée « La transmission
intergénérationnelle des savoirs dans la banque publique tunisienne, hier et aujourd’hui » au Deuxième congrès
de l’Association Française de Sociologie, « Dire le monde social : les sociologues face aux discours politiques,
économiques et médiatiques », AFS EDITIONS-2006, Bordeaux du 05 au 08 septembre 2006.
70
de disparaître après leur départ. Il est donc important d’organiser la transmission de ces
informations aux équipes qui prendront la relève ».
L’importance de cette question de relève en termes d’effectifs commence aujourd’hui à
devenir importante pour le cas des banques publiques tunisiennes, même si elle n’a pas encore
été abordée en termes de transfert ou de transmission de connaissances.
Toutefois, il est à préciser que si les banques tunisiennes ont été amenées ponctuellement à
s’intéresser aux connaissances détenues par les seniors lors d’une procédure impliquant une
codification, comme celle inhérente à la certification de certaines procédures de départements
jugés importants du fait de la technicité élevée des opérations à effectuer, cela a rarement été
accompagné d’une volonté ferme de généralisation à tous les métiers de la banque.
Pour la banque publique tunisienne que nous avons étudiée, il s’agissait de certifier le
département étranger et ceci a montré toute sa portée lors d’un détournement de fonds opéré
par un de ses salariés chevronné sur plusieurs années.
En effet, ce dernier a procédé à des virements illicites vers des comptes choisis et sans être
inquiété car il était seul à maîtriser les détails de son métier et les failles possibles du système
des transferts.
Cela s’est fait sans que personne ne puisse le contrôler d’une manière aussi fine et découvrir
ce qui se préparait car il n’y a pas eu de transmission de connaissances. Ceci a même
contribué à le rendre indispensable, et il était même perçu comme l’homme de la situation à
maintes reprises sans que l’on se doute qu’il était aussi dangereux de laisser toutes ces
connaissances entre les mains d’une seule personne.
Mais, il est aussi important de signaler que les banques publiques tunisiennes se trouvent
actuellement dans cette configuration de départ des seniors et d’une relève qui doit être
assurée par les jeunes, sans que ce phénomène ne soit organisé d’une manière assez pertinente
qui permette une prise en compte de toutes les connaissances (implicites et explicites).
En effet, comme le rappelle Elisabeth Coulomb cette question de départ des seniors et de
relève par les jeunes « touche au vaste chantier de la gestion des connaissances »68.
En tout état de cause, ceci ne concerne pas uniquement les banques françaises, mais toutes les
banques, quelque soit leur nationalité, en témoigne le cas du secteur bancaire tunisien qui
présente aujourd’hui beaucoup de similitudes avec le cas français.
68
Coulomb Elisabeth, « La formation dans la banque », Revue Banque, in Supplément « Formation », p3, 2005.
71
De plus, même si l’on peut logiquement considérer que la technologie facilitera énormément
le travail de transmission des connaissances d’une génération à l’autre, il est clair que cela
peut aussi engendrer des problèmes.
C’est ce que confirme Philippe Michelin69, lorsqu’il indique qu’« il est illusoire cependant de
penser que cette problématique du partage des connaissances d’une génération à une autre
peut se faire par la technologie, quelles que soient les possibilités ouvertes par Internet ».
En effet, ce dernier précise par la suite, comme il a été déjà admis par Jérome Gautié70 « que le
savoir est dans bien des cas l’affirmation du pouvoir des salariés concernés ».
Il est donc très difficile de s’en séparer, car cela représenterait par voie de conséquence une
perte de pouvoir.
Dans ce cadre il admet que « les convaincre de parler de leur expérience ne se fait pas face à
une machine ! ».
Tout ceci prouve davantage qu’il n’y a pas d’automaticité en la matière et que cette question
de la transmission intergénérationnelle des connaissances recouvre plusieurs aspects, comme
le fait de la pédagogie à suivre, car selon lui « savoir-faire ne veut pas dire savoir expliquer ».
C’est d’après lui ce qui rend la tâche beaucoup plus difficile, puisque les salariés, affirme-t-il,
« dans la plupart des cas n’ont pas reçu de formation quant à la transmission des
connaissances encore moins quand il s’agit des leurs ».
Ainsi, après avoir soulevé la question démographique (intergénérationnelle) et souligné
quelques aspects importants en rapport avec notre problématique de la transmission
intergénérationnelle des connaissances au sein de la banque publique tunisienne, il convient
de présenter ci-après le problème de la gestion des âges qui en découle implicitement.
69
Michelin Philippe, « Formation », in Revue Banque, 2005, pp30-31.
70
Gautié Jérôme, « Maintenir les seniors en emploi », Connaissance de l’emploi n°15, Avril, 2005.
71
Laconde Christine et Le Coz Gildas, « La gestion des âges dans le secteur bancaire », Résumé du rapport des
membres de l’Inspection générale des affaires sociales, Juin 2004.
72
Ces derniers admettent dans leurs conclusions que « les perspectives démographiques et les
modifications du contexte législatif et réglementaire renouvellent les enjeux de la GRH dans
le secteur bancaire ».
Le cas du secteur bancaire tunisien n’y échappe pas non plus, car la Tunisie entre de plein
pied dans la mondialisation et commence à avoir les mêmes inquiétudes que les banques
occidentales, dont elle s’inspire beaucoup, notamment les banques françaises et allemandes
(surtout en matière de formation professionnelle).
Les auteurs ont, au titre de leurs conclusions, mis l’accent sur trois points qui méritent d’être
retenus pour faire un parallèle avec le cas tunisien.
Le premier point étant celui inhérent « aux risques que supposent les flux importants de
renouvellement des effectifs : perte de savoir-faire ; concurrence exacerbée entre les
entreprises sur un marché du travail tendu, turnover accru des jeunes ».
Le deuxième point important est celui relatif au « recul conséquent de l’âge de cessation
d’activité qui peut supposer que les salariés doivent se déshabituer aux départs anticipés » et
comme ils l’indiquent plus loin dans leur rapport de permettre aux employeurs de « lisser les
transferts de savoir-faire des anciens envers les jeunes ».
Le troisième point qui est tout aussi crucial, traite de « la modification de l’équilibre des
effectifs selon les âges qui pourrait selon les deux auteurs poser quelques problèmes de
cohabitation des générations ».
Ces derniers vont même ajouter que ces problèmes « peuvent être liés plus aux différences de
profil des agents en fonction de l’âge qu’aux différences d’âge elles-mêmes. Les jeunes
salariés ont un niveau de qualification nettement plus élevé que ceux recrutés en masse dans
les années 70 ».
Pour le cas des banques tunisiennes les trois conclusions énoncées et les problèmes soulevés
par les deux auteurs trouvent un échos sensiblement identique, même si les banques
tunisiennes ne se voient répercuter l’onde de choc qui touche les banques européennes et
occidentales qu’avec une atténuation et un léger retard qui leur permet en conséquence de
mieux se préparer et de ne point la subir.
Ceci est également à redimensionner dans la mesure où les banques tunisiennes ne se sont
ouvertes à la concurrence internationale que graduellement et après les accords d’association
entre la Tunisie et l’Europe signés en juillet 1995 qui prévoient une ouverture progressive
étalée sur une période de 12 ans.
Elles ont ainsi pu tirer profit de toutes les bonnes et mauvaises expériences des banques
européennes en un délai beaucoup plus court lorsqu’il s’agissait de technologie ou d’un
73
métier particulier, mais n’ont pas suivis l’expérience de leurs homologues occidentaux en
matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, voire en matière de gestion
des âges et d’équilibre des effectifs, ni même en matière de transmission intergénérationnelle
des connaissances.
Pour corroborer ces propos nous pouvons suivre pas à pas, de l’intégration jusqu’à la prise
effective de poste, l’évolution des jeunes au sein de la banque et leurs interrelations avec les
seniors.
72
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, « France-Allemagne, La gestion des ressources humaines dans le secteur
bancaire », in Formation Emploi, N°54, Avril-Juin 1996, p 55.
73
Bruniaux Christine, ibid.
74
La gestion de l’emploi dans le secteur bancaire aussi bien tunisien qu’allemand se caractérise
traditionnellement par un cloisonnement avec l’existence d’un marché interne important, qui
se caractérisait au départ par des embauches massives de débutants à faible, voire moyenne,
qualification.
En Allemagne, cela concernait les titulaires de Mittlere Reife (diplôme de l’enseignement
secondaire court), alors qu’en Tunisie, au départ, lors des premières années de constitution,
l’exigence était calquée sur le modèle français, à savoir le Brevet puis le Baccalauréat avec un
bon niveau de culture générale.
Puis, la Maîtrise (diplôme universitaire de second degré) fut exigée durant les années quatre
vingt dix et aujourd’hui pour les années deux mille, c’est désormais, un diplôme plus
spécialisé qui est recherché (Troisième cycle en finance le plus souvent) car les banques
tunisiennes et allemandes ont pris conscience de l’utilité de s’entourer de personnes ayant une
meilleure formation de base, pouvant être plus facilement employable, d’autant plus que
l’offre sur le marché externe était importante.
Ainsi, comme le fait constater Christine Bruniaux, aux premiers niveaux d’emploi, l’objectif
fixé aux jeunes recrues est toujours celui d’une assimilation par ces derniers d’une « culture »,
« culture maison » (au sens d’un mélange d’éthique et de technicité) bancaire, associé à des
mécanismes de promotion interne fondés sur l’ancienneté, et la formation continue.
Ce type de fonctionnement qui était en phase avec la mise en place des deux secteurs
bancaires correspondait initialement à un besoin de stabiliser les salariés en vue d’établir la
sécurité des transactions et la confiance au niveau des banques pour le financement de
l’économie.
Il n’est pas, comme l’indique Christine Bruniaux74, « forcément lié à un pouvoir de pression
des salariés exceptionnellement fort en Allemagne ».
En revanche et à l’opposé des salariés de la banque allemande, ce pouvoir de pression est du
reste plutôt faible en Tunisie, comme le souligne Karim Ben Kahla et Riadh Zghal.
La banque est donc un secteur où les carrières sont longues et réglées par une combinaison
variable d’ancienneté et de formation continue.
74
Bruniaux Christine, « Evolution de l’emploi et des qualifications dans le secteur bancaire »,
Synthèse élaborée dans le cadre de la troisième phase des travaux d’EDEX - WP3, à partir des rapports
nationaux de cinq pays, (Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France) à l’attention du Zentrum
für Sozialforschung Halle, mai 2001.
75
L’Allemagne intègre majoritairement ses salariés à travers l’apprentissage puis conditionne la
promotion à des acquisitions de diplômes internes au secteur à travers la formation continue,
avec de plus en plus de rigueur sur la période.
La méthode s’inspire un peu du monde industriel qui a largement fait ses preuves.
La Tunisie obéit à une logique similaire concernant la promotion interne, avec changement de
catégorie conditionné au passage de diplômes sectoriels, mais elle permet plus facilement
l’accès à des jeunes diplômés du bac et du monde universitaire, que l’Allemagne.
Par ailleurs, les diplômes obtenus aussi bien au sein du secteur bancaire tunisien que du
secteur bancaire allemand, sont reconnus par le Ministère de l’Education en termes de niveau
atteint, mais ne donnent pas droit à une équivalence pour accéder à l’université car ils restent
considérés comme des diplômes professionnels renfermant des connaissances et des savoirs
faire techniques propres à la banque.
Toutefois, pour les banques tunisiennes, la formation au départ est majoritairement attendue
du système éducatif, et les formations post-embauche sont nettement plus informelles
puisqu’elles ne donnent droit qu’à une légère amélioration salariale.
De plus nous avons constaté que ces formations acquises ne sont pas suivies d’un changement
d’affectation avec une prise en compte des nouvelles compétences acquises et attribution d’un
nouveau poste comme cela est prévu par l’argumentaire d’étude de l’ITB.
En fait, il n’y a pas de gestion des carrières, mais uniquement une amélioration salariale qui
passe par l’obtention d’un grade suite à la réussite aux examens finaux et l’obtention du
diplôme.
Ainsi, l’amélioration des compétences ne signifie pas une amélioration du statut professionnel
en interne étant donné que cela ne confère qu’un faible avantage pécuniaire du à l’obtention
d’une promotion horizontale en interne.
Pour les banques allemandes en revanche et comme le souligne Christine Bruniaux75, « la
formation interne reste considérée en tant qu’accélérateur de carrière, en particulier pour les
bank klerks (employés de banque), et reste activement encouragée par les banques ».
Ainsi il s’agit là d’une différence majeure avec le système tunisien, car pour le système
allemand la formation au départ n’était pas attendue du système éducatif.
Cependant, le système tunisien s’inspire également du système allemand en ce qu’il prévoit
comme lui la formation en alternance.
75
Bruniaux Christine, ibid.
76
1.6.2 Existence d’une division du travail et d’un recrutement qui favorise la
promotion interne
Dans les établissements de crédit allemands, et comme le mentionne Swen Hildebrandt et
Sigrid Quack76 pour le cas des relations banques–PME, « il existe une division du travail
presque exclusive entre le chargé des relations aux entreprises et le collaborateur des services
crédit ».
Selon eux, « la plupart des chargés d’affaires PME sont formés dans le cadre de processus de
promotion interne ».
Ceci conforte l’idée de l’importance du marché interne au sein des banques et le fait que ce
dernier est longtemps resté fermé aux diplômés universitaires.
En effet, par le passé plusieurs jeunes intégraient la banque allemande et tunisienne sans
disposer d’un diplôme universitaire et suivaient un apprentissage interne.
Ainsi, selon les deux auteurs, et pour le cas des banques allemandes, il faut « de deux ans et
demi à trois ans pour devenir employé de banque (Bankkaufmann) ».
Cette exigence de délai minimum est en rapport avec le niveau de connaissances à atteindre
qui se trouve être généralement assez lourde et qui est au croisement entre une formation
pourvue par une structure étatique et une autre structure externe qui peut être privée.
Pour Swen Hildebrandt et Sigrid Quack77 « il s’agit d’une formation reconnue par l’Etat qui
intervient pour un tiers dans le cadre d’une école professionnelle publique et pour les deux
tiers dans une banque qui passe un contrat d’apprentissage avec les jeunes gens concernés ».
Il existe ainsi deux volets au niveau de la formation de ces futurs employés, à savoir une
formation que l’on peut juger de formation théorique (souvent en salle) et une formation sur
le tas, au niveau du terrain, au sein des services de la banque, futur recruteur du jeune formé.
D’après les deux auteurs, « lors de leur passage sur le terrain, les apprentis transitent par les
différents services de la banque, dont notamment le service crédit qui constitue une étape
importante de cette formation. A l’issue de cette période, ils sont généralement embauchés par
la banque qui les a formés ».
Ces propos confirment l’idée selon laquelle, intégrer le corps des métiers de la banque c’est
être voué à une carrière assurée, avec un emploi stable et sûr.
76
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, « Les relations banques –PME en France et en Allemagne », RevueBanque
n°573, septembre 1996.
77
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, ibid.
77
Toutefois, aujourd’hui encore il existe un décalage entre les salariés sans diplômes
universitaires qui ont profité d’un apprentissage et d’une promotion interne et la proportion
des jeunes diplômés universitaires recrutés en externe.
De plus, si nous prenons le cas des banques tunisiennes, un autre scénario est à considérer, il
s’agit en l’occurrence du personnel sans diplôme qui ne s’est pas investi en matière de
formation et d’apprentissage interne durant sa carrière pour des raisons diverses. En fait, les
formations internes ne sont pas obligatoires mais simplement facultatives et/ou optionnelles,
elles dépendent d’un choix offert aux salariés.
Cet état de fait confirme l’existence d’une inadéquation entre programme de formation et/ou
formation continue interne et affectation au sein de la banque. Ceci souligne davantage
l’absence d’une gestion des carrières pour ces salariés.
Comme le note Swen Hildebrandt et Sigrid Quack78 pour les années 90, « la proportion des
diplômés de l’enseignement supérieur s’élève aux alentours de 15 à 20% mais elle a progressé
partout au cours de ces dernières années du fait de la complexité croissante des opérations.
Les banques allemandes les préfèrent d’autant plus s’ils sont dotés d’un apprentissage
bancaire, si possible effectué dans le cadre de la banque elle-même ».
Toutefois, il existe une différence entre les banques allemandes et tunisiennes, dans la mesure
où les jeunes diplômés universitaires tunisiens se retrouvent en grande partie dans les banques
publiques, qui recrutaient massivement dans les années 90 sous l’impulsion des autorités
politiques pour freiner le chômage et trouver une solution rapide et radicale à la demande
additionnelle, alors que ce n’était pas le cas pour les jeunes diplômés universitaires allemands.
En effet, comme l’affirment les deux auteurs, « la plus grande part des titulaires de
formations universitaires se retrouvent dans les grandes banques privées ».
Une conclusion hâtive et peu fondée pourrait alors nous mener à affirmer que les meilleurs
éléments se retrouvent alors dans les banques privées.
Or, comme ils le précisent pour le cas de la relation banque-PME, « il n’est pas évident que
ceux-ci soient les meilleurs chargés d’affaires PME ».
De plus, il n’est pas démontré également que les seniors qui disposent de connaissances
cumulées et d’une expérience acquise sur le terrain pendant plusieurs années soient plus
efficaces que les jeunes diplômés, car il y a un phénomène d’obsolescence indéniable qui peut
apparaître lorsque les connaissances ne sont pas entretenues par des formations.
78
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, ibid.
78
Cependant, l’expérience sur le terrain est importante et les seniors qui ont évolué du fait d’un
apprentissage et d’une promotion interne sans pour autant avoir de diplômes universitaires
n’ont pas rencontré de problèmes d’intégration comme les jeunes diplômés aujourd’hui.
En effet, comme l’indique Swen Hildebrandt et Sigrid Quack79, « d’une part les universitaires
ne sont la plupart du temps guère en mesure d’appliquer leurs connaissances théoriques dans
le cadre de la pratique de l’entreprise ; d’autre part, la gestion de crédits est un domaine
exigeant de l’expérience, que l’on ne peut acquérir qu’à travers une longue pratique. En
définitive, les qualités personnelles comme les capacités de communication sont des éléments
également importants ».
Ainsi, comme nous pouvons le remarquer, la transmission intergénérationnelle des
connaissances au sein de la banque a toute son importance, étant donné que le diplôme ne
suffit pas pour traiter les opérations internes, et qu’une une large expérience est requise.
Par ailleurs, l’apprentissage et la formation interne sont très relevés puisque comme le
précisent Swen Hildebrandt et Sigrid Quack80 pour les chargés d’affaire PME dépourvus de
diplôme universitaire, « outre des formations internes continues, les employés doivent suivre
et réussir des formations externes reconnues en Allemagne au titre de la formation
permanente. A condition de remplir l’ensemble de ces démarches, tous les employés de
banque en Allemagne peuvent devenir, au bout de cinq à sept années d’activité
professionnelle, des chargés d’affaires PME juniors ».
C’est l’apparition ici du tuteur, en règle générale un senior qui maîtrise les différentes
opérations qui a pour mission de superviser les jeunes recrues, mais aussi à titre
discrétionnaire de les aiguiller et de leur transmettre les connaissances clés du métier.
Comme nous pouvons le remarquer pour le cas des banques allemandes le chemin est long
pour parvenir à ce poste, car comme le précisent les deux auteurs « l’ascension jusqu’à un
poste de chargé d’affaires PME junior peut prendre jusqu’à sept ans en Allemagne ».
En revanche pour les banques tunisiennes, il est possible d’effectuer un tel parcours dans un
délai bien inférieur étant donné que pour les jeunes diplômés, titulaire d’un Bac +4 et affectés
au réseau des agences il suffit de deux ans en moyenne, voire encore moins pour ceux
disposant d’un Bac+5 ou 6 (la période pouvant être raccourcie à une année).
79
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, « Les relations banques –PME en France et en Allemagne », RevueBanque
n°573, septembre 1996.
80
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, ibid.
79
1.6.3 Ouverture du marché interne à travers l’offre d’emploi des diplômés
La mondialisation et/ou la globalisation des économies en favorisant l’orientation
commerciale de toutes les banques ont contribué à l’ouverture du marché interne à travers
l’offre d’emploi des diplômés.
Nous assistons aussi bien en Tunisie qu’en Allemagne à une évolution différente de
l’organisation des deux secteurs bancaires respectifs, même s’il existe de plus en plus une
convergence vers une homogénéité des facteurs qui poussent le secteur bancaire à évoluer
dans chacun des deux pays.
Comme le souligne Christine Bruniaux81 pour les banques allemandes « à partir des années
60, la croissance économique a provoqué une expansion sans précédent des réseaux d’agences
bancaires pour collecter l’épargne (cela correspondait à une période de prospérité). Ces
marchés ont connu une certaine saturation dans les années 80, ce qui a obligé les banques à
approcher différemment leur clientèle ».
En Tunisie, c’est après l’indépendance du pays en 1956 que le secteur bancaire s’est peu à peu
mis en place, sous l’influence de l’organisation des banques françaises qui ont laissé une large
empreinte.
Il y a eu tout d’abord la création de banques étatiques qui ont participé, à travers la création
d’un réseau d’agences, à la collecte de l’épargne et au financement de l’économie.
Actuellement, sur le plan économique, c’est l’accroissement de concurrence et la
mondialisation, ou globalisation des économies, qui a participé à provoquer les trois grands
changements perceptibles au niveau des différentes banques, à savoir, la déréglementation, la
désintermédiation et le décloisonnement.
Ces changements obligent les banques à se restructurer et se réorganiser, car la concurrence
qui se fait aussi sentir sur des marchés nationaux avec l’entrée de nouveaux concurrents non
bancaires offrant des services ou produits équivalents (grande distribution, réseaux spécialisés
dans la vente de produits financiers), ne laisse guère le choix.
Les clients qui sont également devenus de plus en plus exigeants ont les moyens de comparer
les prix et la qualité des prestations grâce à l’outil technologique et aux médias, ce qui oblige
davantage les banques à mieux former leurs ressources humaines et à veiller à une
81
Bruniaux Christine, « Evolution de l’emploi et des qualifications dans le secteur bancaire »,
Synthèse élaborée dans le cadre de la troisième phase des travaux d’EDEX - WP3, à partir des rapports
nationaux de cinq pays, (Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France) à l’attention du Zentrum
für Sozialforschung Halle, mai 2001.
80
transmission intergénérationnelle des connaissances des seniors envers les jeunes pour
préserver l’outil de production et le métier.
Christine Bruniaux82 précise à cet effet que c’est « par le biais des technologies de
l’information et de la communication, que plusieurs tâches administratives de back office,
banques de données clients et élaboration de systèmes experts d’analyse de situation et d’aide
à la décision pour le front office, ont été simplifiées (Allemagne) ».
En Tunisie, les automates (distributeurs automatiques de billets et généralisation de
l’utilisation des ordinateurs PC) ont permis de diversifier et d’enrichir les tâches réservées aux
salariés du « front office » et « du back office ».
De plus la création de nouveaux produits financiers s’appuie sur des applications
informatiques qui demeurent spécifiques à chaque type de banque et à son organisation
particulière.
Mais, l’élément le plus significatif a été de mettre en exergue certaines spécificités nationales
inhérentes au pays d’origine, qui peuvent selon Christine Bruniaux « se retrouver dans leur
gestion, en particulier celle des ressources humaines ».
En effet, c’est à partir de la mise en évidence de la politique de gestion des ressources
humaines pratiquée dans chacune des deux banques que nous pouvons comprendre davantage
le contexte particulier dans lequel s’opère ou non la transmission intergénérationnelle des
connaissances.
Christine Bruniaux précise qu’en Allemagne, une partie des banques privées en général, a
une activité internationale marquée et que les types de systèmes de retraite, le vieillissement
général de la population se traduisent différemment sur le secteur bancaire en fonction de
l’importance des régimes de retraite par capitalisation, à la différence de la Tunisie où c’est le
système de la retenue à la source qui est encore d’usage.
Toutefois, elle révèle que « ces différentes particularités conduisent tout de même à des
impacts très similaires au niveau des stratégies des différentes banques. Ainsi, on assiste
globalement à une homogénéisation des activités et un décloisonnement des marchés des
banques, favorisés par la déréglementation en matière d’activité et de statut : les frontières
entre la banque, l’assurance et les autres entreprises qui produisent des services financiers
s’estompent ».
Il n’y a plus de barrière franche entre les activités des banques qui avaient pourtant un statut
propre à savoir : banque privé, banque publique, banque mutualiste, etc.
82
Bruniaux Christine, ibid.
81
Les stratégies actuelles sont décrites sous différents vocables mais se retrouvent d’un pays à
l’autre.
Christine Bruniaux83 souligne que « la recherche de rentabilité et de réduction du risque qui
constitue l’objectif ultime des stratégies mises en œuvre passe aujourd’hui par un centrage sur
le client, désormais très sollicité par les multiples structures de financement ».
Ainsi, même si le crédit permet encore aux banques tunisiennes d’avoir de beaux jours devant
elles, ceci n’est plus aussi valable pour leurs homologues allemandes pour qui le marché est
segmenté, les produits différenciés et ciblés, étant donné que, comme le précise Christine
Bruniaux, cela ne permet qu’ « un faible retour sur investissement », d’autant plus indique
t-elle que « ce qui importe désormais, c’est de vendre du service, pour lequel on facture frais
et commissions ».
Selon elle, « cela engendre le développement en interne d’une « culture de conquête »
commerciale » qui n’est pas propre aux banques allemandes mais reste valable au niveau des
banques tunisiennes aussi bien publiques que privées.
Pour reprendre la question des répercussions sur la gestion interne et notamment la gestion
des ressources humaines des banques concernées, elle précise que pour les banques
allemandes cela amène à une « différenciation des produits associée à une recherche constante
de réduction des coûts à travers des réorganisations comme la : décentralisation de la gestion,
l’organisation des agences en centres de profits avec une spécialisation en fonction du public,
et une externalisation des activités de support ».
Cette orientation commence toutefois à être perceptible également au niveau des banques
tunisiennes qui envisagent pour le futur de procéder de la même manière en facturant les
services qu’elles produisaient gratuitement.
Ceci permet de corroborer les propos de Christian de Boissieu84 qui indique que « les
problèmes auxquels sont confrontés les banques tunisiennes sont les mêmes que ceux des
banques occidentales, seulement qu’ils interviennent après, alors que ces dernières ont pu
profiter de l’expérience et des échecs des premières ».
Cela peut s’appliquer aussi bien en termes d’évolution globale de l’emploi bancaire qu’en
terme de vieillissement de la population bancaire, qu’en matière de formation bancaire, mais
83
Bruniaux Christine, « Evolution de l’emploi et des qualifications dans le secteur bancaire »,
Synthèse élaborée dans le cadre de la troisième phase des travaux d’EDEX - WP3, à partir des rapports
nationaux de cinq pays, (Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France) à l’attention du Zentrum
für Sozialforschung Halle, mai 2001.
84
Propos recueillis lors d’un séminaire international sur « la compétitivité des banques tunisiennes » organisé
par une banque publique tunisienne à l’occasion de son 40ième anniversaire à Tunis en 1999.
82
est ce le cas pour la transmission intergénérationnelles des connaissances des seniors envers
les jeunes recrues ?
C’est à cette question que nous tenterons de répondre tout au long de notre recherche.
Dans le sens de Christine Bruniaux, qui ne contredit pas les propos de Christian de Boissieu,
il peut exister des différences de périodes, des décalages, mais les problèmes à gérer sont les
mêmes, « comme celui d’une pyramide des âges vieillissante en raison de la raréfaction des
embauches, associée au vieillissement des personnels pléthoriques embauchés dans les années
1970 ».
Toutefois, selon elle les réorganisations internes ne s’effectueront que à travers « un
investissement dans les technologies de l’information pour améliorer l’efficience globale avec
recherche d’économies d’échelle passant par des fusions acquisitions ».
Un autre élément de convergence consiste à considérer que l’évolution des besoins en
ressources humaines des deux banques respectives reste orientée davantage aujourd’hui vers
les jeunes diplômés disposant d’une certaine spécialisation (jeunes disposant d’un diplôme
universitaire de second voire de troisième cycle).
L’objectif recherché par les employeurs est double, à savoir, tout d’abord disposer de jeunes
pouvant être utilisables dans l’immédiat ou dans un minimum de temps.
Ensuite, bénéficier de jeunes pouvant être redéployés, quand le besoin se fait ressentir, vers
une autre affectation, chose que leur permet plus facilement leur niveau d’études.
Ahmed Karam, Directeur général85 d’une banque privée tunisienne relève un trait commun
que nous pouvons retrouver dans les propos de Christine Bruniaux86 concernant les banques
allemandes et tunisiennes à savoir, tout d’abord qu’il existe une évolution semblable des
métiers bancaires vers plus de spécialisation.
Cette évolution serait pour elle « liée au besoin croissant de « professionnels » et techniciens,
pour gérer l’adaptation à l’innovation technologique et organisationnelle, le développement
de nouveaux services et produits plus sophistiqués, ainsi que de l’activité sur les marchés
internationaux » (informaticiens, juristes, économistes, diplômés en marketing, etc).
Ensuite, c’est l’exigence selon elle de plus de polyvalence, essentiellement dans les réseaux
où la vente progresse aux dépends du middle et du back office, alors que cela est exigé au
85
Karam Ahmed, DG de l’Amen Bank l’une des banques privées tunisiennes (groupe Ben Yedder), ex Crédit
Foncier et Commercial de Tunisie.
86
Bruniaux Christine, « Evolution de l’emploi et des qualifications dans le secteur bancaire »,
Synthèse élaborée dans le cadre de la troisième phase des travaux d’EDEX - WP3, à partir des rapports
nationaux de cinq pays, (Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France) à l’attention du Zentrum
für Sozialforschung Halle, mai 2001.
83
niveau de toutes les structures de la banque pour Ahmed Karam, qui parle du concept de multi
spécialités.
Les deux phénomènes ont toutefois le mérite selon les deux auteurs de se traduire par un
accroissement du nombre de diplômés dans les catégories socioprofessionnelles
correspondantes.
Ainsi, pour Christine Bruniaux, on observe une augmentation de la proportion de diplômés
allemands à l’intérieur des catégories professionnelles (employés de banque, cadres) ou le
gonflement d’une catégorie : celle des techniciens ou experts, que l’on retrouve dans certaines
nomenclatures d’enquêtes de population active.
Mais, elle précise avec justesse qu’ « il n’est pas sûr par ailleurs que les nomenclatures
bancaires réservent un traitement particulier à ces « experts ».
87
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, « France-Allemagne, La gestion des ressources humaines dans le secteur
bancaire », in Formation Emploi, N° 54, 1996, p55.
84
Les deux auteurs citent également la désintermédiation et en donnent une définition en ce
qu’ils indiquent qu’elle est « le processus suivant lequel les utilisateurs de services financiers
satisfont leurs besoins en dehors des institutions et des réseaux traditionnels ».
C’est pour le cas de plusieurs pays comme la Tunisie le fait que des structures comme la
Poste ou de grands distributeurs peuvent à leur tour concurrencer la banque en offrant du
crédit, mais cela peut également prendre des dimensions internationales dans la mesure où la
concurrence est aujourd’hui mondiale.
Quand à la déréglementation elle intervient pour permettre ces aménagements et favorise une
diversification de produit, de service et de fixation de prix, tout en agissant sur les rapports
entre salariés et employeurs, dans le sens de l’attribution de plus de pouvoirs aux derniers aux
dépend des premiers.
Pour le décloisonnement en revanche il s’agit de permettre aux différentes structures internes
de la banque de lever les barrières et de favoriser la communication et le travail en équipes.
Ainsi, comme le précisent les deux auteurs, « malgré les différences dans la manière dont les
secteurs financiers des pays se transforment (en partie pour des raisons d’habitude
professionnelle et par suite de facteurs culturels), l’intensification de la concurrence et le
développement des technologies de l’information contribuent partout à un déplacement des
fonctions de production vers les fonctions commerciales, à la transformation des produits
traditionnels et au développement des nouveaux produits ».
Selon Christine Bruniaux88, « pour le secteur bancaire allemand, en dépit de l’élévation
générale du niveau de qualification du personnel bancaire, et de la résistance des marchés
internes, excepté sur le marché des « experts », il semble qu’on assiste au développement de
nouvelles catégories non qualifiées, gérées en dehors du marché interne, avec un fort turn-
over : il s’agit de nouvelles activités, comme les services à distance par téléphone pour des
opérations simples et standardisées, en cours d’expansion. L’externalisation apparaît comme
la tendance principale en ce qui concerne la gestion des emplois non qualifiés, un autre
facteur de déqualification au moins partielle pouvant être l’utilisation des nouvelles
technologies ».
88
Bruniaux Christine, « Evolution de l’emploi et des qualifications dans le secteur bancaire »,
Synthèse élaborée dans le cadre de la troisième phase des travaux d’EDEX - WP3, à partir des rapports
nationaux de cinq pays, (Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France) à l’attention du Zentrum
für Sozialforschung Halle, mai 2001.
85
Par ailleurs, l’orientation commerciale des banques allemandes et tunisiennes, participe d’une
part à disqualifier le personnel de la banque, non diplômé, et à remettre en cause, même
partiellement, les diplômes bancaires obtenus en interne.
D’après elle, pour « les banques allemandes ces tendances de fond peuvent donner lieu à des
réorganisations, via la stratégie du focused banking qui donne lieu à une nouvelle répartition
des tâches : le traitement des « petits » clients est standardisé grâce à des systèmes experts
informatiques et le conseil « qualifié » concentré dans des centres spécialisés, ce qui permet
de recruter des commerciaux non spécialisés venant d’autres secteurs, mais aussi de priver de
cette responsabilité les directeurs de petites agences ; la réforme de l’apprentissage permet
également de donner des formations plus ciblées mais moins propices à l’évolution
professionnelle ».
Pour les banques tunisiennes, en revanche cette question n’est pas encore à l’ordre du jour
étant donné que parmi les diplômés recrutés figurent plusieurs commerciaux et que la priorité
a été celle du recrutement, sans pour autant se préoccuper des postes en rapport à créer.
Ceci est peut être à mettre en lien avec le fait précisé par Christine Bruniaux que « les
commerciaux bénéficient de 80% de la formation interne » et qu’elle ajoute qu’ « il est vrai
que cela englobe les reconversions d’équipes administratives vers la fonction commerciale
(front office) ou vers l’appui technico-commercial (middle office) au même titre que la
formation visant à faire évoluer les commerciaux eux-mêmes ».
De fait, l’orientation commerciale des emplois varie suivant les pays, également en fonction
du degré de développement du système de formation et des spécialités enseignées.
De plus, comme l’indiquent Swen Hildebrandt et Sigrid Quack89 « l’abondance de l’offre de
commerciaux (diplômés bac+2) risque de provoquer des réorganisations liées à une « perte de
métier » technique des emplois bancaires de base, ce qui a tendance à donner plus de valeur
aux seniors en place détenteur des connaissances clés de ces emplois bancaires de base.
L’exemple allemand est un peu similaire, avec des interrogations sur la « déqualification » de
l’emploi de Bank Klerk (cf. supra).
En Tunisie, l’embauche de diplômés de l’université, avec des aptitudes cognitives et sociales
attestées par les diplômes peut également produire des frustrations et une « anxiété sociale »
avec des effets de démotivation des candidats, étant donné qu’il n’existe pas de gestion des
carrières pour ces jeunes recrues.
89
Swen Hildebrandt et Sigrid Quack, « Les relations banques –PME en France et en Allemagne », Banque
n°573, septembre, 1996.
86
1.7.1 Un Ticket d’entrée qui ne permet pas de piloter sa carrière
En Tunisie, plusieurs jeunes diplômés se retrouvent affectés à des emplois de base, sans
perspectives de carrière véritablement intéressante, car le diplôme, pré requis nécessaire, ne
compte pas pour la suite de l’évolution professionnelle, mais uniquement au moment du
recrutement pour départager entre les candidats.
Il n’existe pas réellement de gestion des carrières et la seule priorité demeure celle
d’embaucher des diplômés pour parer aux futurs départs à la retraite des salariés âgés sans
toutefois établir des fiches de postes précises pour ces jeunes plus diplômés qui n’acceptent
pas toujours de faire les mêmes tâches que leurs aînés, retenues comment étant avilissantes.
D’où une autre source de choc de génération supplémentaire qui ne permet pas une
transmission intergénérationnelle des connaissances entre seniors et jeunes.
En Allemagne et selon Christine Bruniaux90, « les jeunes sont généralement des titulaires de
diplômes généraux avec de faibles débouchés directs, comme les lettres ou les sciences
humaines, et leurs débuts d’employés de banque peuvent s’analyser comme la conséquence
d’un mismatch, à niveau de diplôme donné, entre les spécialités professionnelles demandées
par les entreprises et les spécialités produites par le système éducatif. Il arrive donc que des
responsables hiérarchiques soient moins diplômés que leurs subordonnés ».
Cela est à même de produire des tensions internes, et de mettre en péril la transmission
intergénérationnelle des connaissances des seniors envers les jeunes surtout quand les
employeurs tendent à mettre en avant une exigence de concurrence interne pour justifier les
évolutions de carrière des uns et des autres.
De tels phénomènes ont été également beaucoup remarqués dans les banques tunisiennes et
semblent aujourd’hui créer de grands problèmes surtout quand il devient question d’occuper
un poste fonctionnel en rapport avec son niveau de diplôme et son profil ou sa spécialité,
comme cela a été mentionné au Journal Officiel de la République Tunisienne.
Or, il peut arriver que l’on trouve un responsable de division au niveau du département des
crédits qui a à l’origine un diplôme spécialisé en journalisme.
Les problèmes de cohabitation de diplômés de divers niveaux sur des emplois de base existent
encore de nos jours.
90
Bruniaux Christine, « Evolution de l’emploi et des qualifications dans le secteur bancaire »,
Synthèse élaborée dans le cadre de la troisième phase des travaux d’EDEX - WP3, à partir des rapports
nationaux de cinq pays, (Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France) à l’attention du Zentrum
für Sozialforschung Halle, mai 2001.
87
Dans la mesure où l’offre de diplômés du supérieur est abondante dans tous les deux pays
étudiés, et que tous ne parviennent pas à trouver directement un emploi d’expert ou de cadre,
des difficultés risquent encore de se manifester, même là où la réflexion sur les recrutements
et les parcours de carrière est la plus sophistiquée.
Au sein des banques tunisiennes, malgré l’organisation du programme des pré- retraites et la
transition en douceur réalisée par l’adaptation du personnel en place, nous pouvons d’ores et
déjà envisager que les prochains ajustements au sein du secteur bancaire tunisien se feront à
travers le recrutement de jeunes diplômés encore plus spécialisés.
En effet, considérée comme variable d’ajustement selon plusieurs responsables des
départements gestion des ressources humaines, les jeunes diplômés représentent pour les
employeurs un espoir d’adéquation entre formation et emploi.
Ceci est à mettre en rapport immédiat avec le fait que plusieurs d’entre eux notent qu’il existe
encore comme le souligne Christine Bruniaux91« dans un certain nombre d’activités-clés,
malgré de nombreux programmes de formation, des écarts non négligeables entre les
ressources humaines disponibles, leur potentiel de transformation, et les ressources humaines
nécessaires ».
D’où l’intérêt de se pencher sur le rôle des seniors qui intervient en tant que moule permettant
de lier entre formation, compétence et connaissances clés nécessaires à l’exercice du métier
du fait d’une expérience et d’une ancienneté avérée.
De plus, les nombreux départs en pré- retraite qui ont été initialisés depuis 2006 ont nécessité
d’utiliser la période en cours pour réussir les recrutements nécessaires au rééquilibrage de la
pyramide des âges et au remplacement des partants.
En Allemagne, comme l’indique Christine Bruniaux, « la tendance à l’élévation du niveau des
jeunes embauchés devrait encore être accentuée par la récente tendance générale à réserver les
emplois nouveaux du type professional, qui se multiplient, à des diplômés du supérieur ».
Par ailleurs, selon elle, « l’exemple allemand est éclairant, avec le partage du marché entre
banques privées, mutuelles et publiques : la part des diplômés du supérieur, par exemple, est
très différente selon le degré d’internationalisation des activités, lui-même lié au statut des
établissements ».
91
Bruniaux Christine, ibid.
88
En Tunisie, il n’existe pas beaucoup de postes d’experts, au sens des pays occidentaux étant
donné que les opérations à l’international sont plutôt limitées et que le marché tunisien est
resté pendant longtemps un marché fermé à la concurrence des banques étrangères.
Ce n’est qu’avec l’accord d’association Tunisie-Europe signé en juillet 1995 et prévoyant la
création d’une zone de libre d’échange et le démantèlement progressif des barrières
douanières étalées sur 12 ans, avec une ouverture progressive à la concurrence internationale
au niveau des services que les postes d’experts commencent à éclorent.
Ces postes seront confiés à des diplômés du supérieur long, généralement aux diplômés de
l’IFID pour ce qui est des banques tunisiennes ou aux diplômés des grandes écoles (ENA,
HEC, etc).
Quant aux postes d’encadrement, ils sont pourvus par les diplômés généralistes, généralement
issus des bancs de la faculté et titulaires d’un Bac+4. Ils sont pour la plupart affectés au réseau
des agences après une formation interne en alternance qui comprend une année de formation
en salle suivie d’un stage au sein d’une agence avec formation sur le tas, à travers la
supervision d’un senior plus expérimenté.
Pour le cas de la banque, objet de notre étude, deux types de formation existent, à savoir la
formation « futur chef d’agence » et la formation « futur cadre d’exploitation ». Le jeune
diplômé aura à suivre soit l’une soit l’autre.
Cela dépend en fait des résultats au test psychotechnique qu’il aura passé au sein de la
banque.
De plus, pour les banques tunisiennes, la flexibilisation des embauches étant récente (elle
remonte au début des années 90), les banques ont pu développer une politique de formation
continue, notamment à travers la création d’un centre de formation intégré, en s’appuyant sur
la fidélisation des salariés qui à l’époque étaient en majorité des non diplômés.
Or, cela dépend non seulement du contexte national, mais aussi des objectifs des banques,
souvent liés à leur statut (banque publique ou privée), et leur champ d’activité (banque de
dépôt, banque d’affaire, etc..), même si leurs activités tendent à s’homogénéiser aujourd’hui
sous l’effet du concept d’universalité, aussi bien en Tunisie (avec la loi relative à
l’universalité des banques), qu’en Allemagne, avec la licence bancaire92.
92
The Van Nguyen, « Comparaison des banques allemandes et françaises », Banque stratégie, n°185-septembre,
2001.
89
Pour les banques allemandes un autre élément qui est lié, d’une part aux exigences des clients,
à leur tour de plus en plus diplômés et aux exigences des employeurs également plus
diplômés que leurs prédécesseurs est de nature à favoriser le recrutement des jeunes diplômés.
Christine Bruniaux93 précise que pour les banques allemandes et « dans un contexte de
marché interne beaucoup moins lié à la force des syndicats qu’à un intérêt bien compris des
employeurs. Ce sont les objectifs des banques liés aux missions attachées à leur statut, qui
déterminent les stratégies des banques en matière d’embauche de diplômés ».
Or, même si les objectifs des banques liés aux statuts sont importants, et qu’ils finissent par
déterminer la stratégie d’embauche des diplômés, elle souligne qu’il ne faut guère s’y fier car
pour elle « les variables discriminantes » sont plutôt « les objectifs en termes de marché,
souvent liés au degré de pression concurrentielle, et le degré de domination du marché interne
par les salariés ».
93
Bruniaux Christine, « Evolution de l’emploi et des qualifications dans le secteur bancaire »,
Synthèse élaborée dans le cadre de la troisième phase des travaux d’EDEX - WP3, à partir des rapports
nationaux de cinq pays, (Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France) à l’attention du Zentrum
für Sozialforschung Halle, mai 2001.
94
Bourguiba Habib, artisan de l’indépendance tunisienne et premier président de la république de 1956 à 1987.
95
Bruniaux Christine, ibid
90
Toutefois, elle ajoute que « même en Allemagne, le niveau de recrutement s’est élevé, et les
secteurs nationaux qui investissent fortement dans la formation continue ont été conduits à
réviser leurs stratégies de formation interne dans le sens d’une part, d’une adaptation des
salariés en place aux nouveaux besoins en compétences et d’autre part d’un allègement et
d’une adaptation à des besoins techniques de plus court terme pour les nouveaux salariés,
puisqu’ils ont un niveau de formation initiale plus élevée. Ces besoins sont générés par
l’évolution des marchés et les progrès technologiques ».
Comme nous avons pu le constater, les banques tunisiennes, ont une tradition de formation
continue propre au secteur qui est assez limitée, dans la mesure où la nécessaire adaptation
des compétences paraît peu développée.
Les besoins en compétences générés par les pressions concurrentielles et l’innovation
technologique ne peuvent être pourvus que par le système de formation initiale, ou en tous cas
par le marché externe.
De plus, comme elle le précise « l’obsolescence des compétences des salariés en place ne peut
être résolue que par des départs en retraite, dans le cadre d’une tradition de marché interne
garantissant la sécurité de l’emploi à ses salariés ».
Toutefois, en son sens, et comme elle l’affirme, « si la pression concurrentielle s’accroît et
que les modalités de régulation des marchés internes ne s’aménagent pas (reconnaissance des
compétences et des efforts de formation, progression des carrières), cela risque à terme de
générer de fortes tensions », ce qui est à même d’annuler l’« effet d’aubaine » et de mettre en
exergue l’inexistence d’une transmission intergénérationnelle des connaissances des seniors
envers les jeunes.
Mais, comme l’indiquent Swen Hildebrandt et Sigrid Quack96« les banques et caisses
d’épargne allemandes ont poursuivi avant tout deux stratégies d’adaptation. D’une part, la
formation duale au métier d’employé(e) de banque a été revalorisée par le recrutement
croissant de bacheliers, le niveau d’admission a donc été nettement rehaussé » et comme ils
le précisent par ailleurs «la formation professionnelle et l’université se sont combinées en
Allemagne d’une manière toute allemande ».
Ainsi, les banques allemandes comme les banques tunisiennes recrutent des jeunes d’un
niveau plus élevé, mais continuent à pratiquer les mêmes recettes au niveau de la formation
interne de leur personnel, même si les premières semblent prévoir une gestion de carrière
96
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, « France-Allemagne, La gestion des ressources humaines dans le secteur
bancaire », in Formation Emploi, N° 54, 1996, p55.
91
beaucoup plus transparente, (surtout pour les nouveaux bacheliers qui ont été intégrés), que ne
le font les secondes.
Elles leur permettent d’améliorer encore leur position même après le recrutement et la
formation interne en leur donnant la possibilité de renouer avec les études au sein de
l’université, car elles savent, comme l’affirment les deux auteurs que « les bacheliers ont plus
de chance d’obtenir de bons résultats de formation, d’être incorporés à des groupes de
promotion et d’évoluer plus rapidement dans leur profession ».
C’est donc là un encouragement fort qui permettra à ces jeunes d’avoir de meilleurs horizons
que leurs prédécesseurs alors même que le niveau de bachelier leur permet déjà de se
distinguer par rapport aux anciennes générations non diplômées.
Mais, comme l’ajoutent implicitement les deux auteurs, cela relève d’un choix et d’objectifs
bien personnels suivis par la majorité d’entre eux, qui leur permet d’être encore plus prisé par
les banques, étant donné que selon eux «de nombreux bacheliers (dans de nombreuses
banques, jusqu’aux 2/3) poursuivent encore après leur formation de banque des études
universitaires ».
De plus, cela représente pour les employeurs de banque une manne non négligeable car ces
salariés segmentent et affinent leur choix par rapport aux spécialités recherchées et d’avenir
qui fait dire aux deux auteurs qu’« une grande partie de ces anciens apprentis de banque opte
alors pour la gestion d’entreprise et constitue donc pour les banques au terme de leurs études
un réservoir de candidats qualifiés titulaires d’un diplôme universitaire ».
D’autres spécialités très recherchées par les banques sont également visées par ces jeunes
apprentis souvent titulaires du bac et qui essaient de se prémunir d’un bon bagage pour
l’avenir.
C’est ce que confirment les deux auteurs quand ils affirment que « le pourcentage élevé de
bacheliers parmi les apprentis procure aux banques allemandes une réserve de collaborateurs
qualifiés qui peuvent être employés ultérieurement dans le conseil à la clientèle privée et dans
le domaine exigeant du conseil aux entreprises » et ce, bien que la formation scolaire et
l’affectation à ces postes ne soient pas automatiquement liées.
Il devient alors plus compréhensible que les banques allemandes, et les employeurs donnent
plutôt l’avantage, dans le suivi de la clientèle d’entreprise, aux employés de banque diplômés
par rapport aux diplômés des universités.
Ainsi, comme l’affirment les deux auteurs, « les banques privilégient ces candidats
lorsqu’elles recrutent des diplômés de l’université, notamment quand ils viennent de leur
« propre » banque », car ils ont aussi bien une formation interne qu’une formation
92
universitaire, à la différence des jeunes universitaires recrutés qui peuvent avoir des diplômes
totalement étranger au monde bancaire.
Pour ce qui est des banques tunisiennes, plusieurs stratégies ont été suivies.
Tout d’abord, les filières de formation professionnelles existantes, organisées par branche, se
sont beaucoup orientées vers les compétences commerciales avec une exigence d’élévation du
niveau lors des recrutements des jeunes (jeunes diplômés).
Dans la majeure partie des cas les candidats doivent être au moins titulaires d’un DEUG,
voire aujourd’hui d’une maîtrise.
Il existe un lien entre le recrutement, les filières de formation, et l’affectation dans certains
services : pour les transactions avec la clientèle de particuliers, de jeunes collaborateurs
titulaires d’un bac +2 à orientation commerciale ou bancaire sont souvent recrutés.
Pour les transactions avec les grands groupes et les entreprises importantes, les banques
préfèrent embaucher des diplômés de l’enseignement supérieur (Bac+4 ou 5) qui acquièrent
au cours de leur formation des qualifications bancaires.
Ceci montre que les relations existantes entre les établissements de crédit et les universités
sont devenues de plus en plus étroites.
L’offre des universités, grandes écoles (par exemple HEC) et écoles supérieures de commerce
est plus adaptée aux besoins des banques, mais les banques recrutent également des jeunes sur
la base de contrats de parrainage, équivalent à une formation en alternance avant de les
embaucher réellement. Ces contrats de formation précèdent la titularisation effective.
C’est généralement ce qui se fait au niveau de l’Institut de Financement et développement du
Maghreb Arabe en Tunisie.
Comme l’indiquent Swen Hildebrandt et Sigrid Quack97 pour le cas des banques allemandes
«ces contrats sont essentiels pour la nouvelle politique d’embauche, non seulement en tant
que période d’essai prolongée, mais aussi parce que certaines des formations en alternance
peuvent déboucher sur un des diplômes Bac +2 requis par les banques pour les transactions
avec la clientèle de particuliers ».
Toutefois dans les deux cas et comme le signalent les deux auteurs « le système de formation
professionnelle traditionnel des banques n’est toutefois pas remplacé par cette nouvelle
stratégie de formation, il est seulement complété ».
97
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, « France-Allemagne, La gestion des ressources humaines dans le secteur
bancaire », in Formation Emploi, N° 54, 1996, p55.
93
Certes, dans le fond le système de formation professionnel traditionnel ne change pas mais au
niveau de la forme certains aménagements ont pu voir le jour.
Nous pouvons comme le précisent les deux auteurs relever que « les principales modifications
enregistrées dans la formation professionnelle initiale sont la réduction de la durée de
formation et l’accroissement de l’enseignement théorique dispensé par les banques
(enseignement interne à l’entreprise) au détriment de l’apprentissage sur poste de travail (on
the job training) ».
D’où, là encore la mise en évidence d’une perte de valeur pour la transmission
intergénérationnelle des connaissances au sein des banques qui intervenait souvent sur le
poste de travail (on the job training) et qui pourrait être remise au centre de la mire avec les
exigences de codifications des connaissances en rapport avec la perte des métiers de base et
l’approche de l’âge de la retraite des seniors.
94
Ainsi, aussi bien pour les banques allemandes que tunisiennes nous pouvons constater comme
mentionné plus haut, les deux s’orientent vers la recherche de jeunes recrues disposant d’un
niveau élevé d’instruction (généralement issus de l’université) même s’il pouvait jadis ne pas
y avoir d’exigences d’un pré requis minimal à l’embauche en termes de diplôme.
En effet, au niveau de ces deux types de banques (allemande et tunisienne) l’héritage d’une
formation interne en alternance et sur le tas participait à justifier l’existence d’un corps de
métier des banquiers, opaque aux embauches externes et qui se concentrait essentiellement sur
son marché interne.
L’ouverture des banques au marché externe a un double effet. Elle participe dans un premier
temps à casser l’héritage d’un cloisonnement et d’une fermeture du marché interne longtemps
pratiquée qui n’a pas permis de renouveler au fur et à mesure la population des salariés de la
banque, d’où un effet d’âge et un vieillissement certain aujourd’hui.
Dans un deuxième temps, elle permet également aux seniors en place de pouvoir négocier
leurs avantages avec les employeurs du fait des connaissances clés qu’ils détiennent et qu’ils
peuvent transmettre aux jeunes pour une éventuelle codification très recherchée afin de tenter
de pérenniser le cœur du métier bancaire.
En Tunisie, les banques commencent à avoir cette tendance à élever le niveau d’exigence de
diplômes pour le recrutement des jeunes même s’ils perçoivent, de par la tradition de
formation sur le tas, que les diplômes ne signifient pas toujours une compétence avérée.
Ils introduisent également des notions nouvelles comme la direction par objectif, le
management transversal pour accroître leurs profits et maintenir un rapport favorable qui leur
permet de maintenir voire d’augmenter leur pouvoir de domination sur les salariés.
Toutefois, il demeure que la majorité des recrutements qui s’est opérée depuis le début des
années 1990 montre bien que la tendance est celle relative à l’embauche des jeunes diplômés
sous l’influence des pouvoirs publics et dans le cadre de plusieurs encouragements.
Ces encouragements visent essentiellement à résoudre la question du chômage à travers
l’emploi des nouveaux diplômés qui constituent la demande additionnelle.
Ainsi, les banques de dépôt tunisiennes, contrairement aux banques allemandes, n’ont pas
encore totalement saturé leur marché même si elles ont déjà mis en place des stratégies de
réductions d’effectifs, essentiellement préconisées sous la pression des principaux bayeurs de
fonds internationaux (FMI et Banque Mondiale).
95
A la même époque, pour le niveau « de base », correspondant au guichetier de l’agence, les
banques tunisiennes sont passées d’un recrutement de titulaires du baccalauréat à un pré
requis minimum de diplôme de bac+2 (DEUG).
Récemment, elles ont encore élevé le niveau et embauchent des titulaires de diplômes bac+4 à
bac+6 (formations universitaires professionnalisées comme les DESS mais aussi écoles de
commerce, Institut de Financement du Maghreb Arabe (IFID).
Les spécialités recherchées sont variables même si une préférence est retenue pour la finance,
le droit, l’informatique, le management, ainsi que d’autres spécialités qui ont également une
part non négligeable.
Toutefois, le cadre légal, surtout pour les banques publiques tend à exiger pour la nomination
au premier poste à responsabilité, à savoir chef de division, un minimum de niveau qui a été
fixé au bac +4.
Cette exigence est officielle étant donné qu’elle a été inscrite au JORT (Journal Officiel de la
République Tunisienne).
Selon Christine Bruniaux98, « pour les banques allemandes, le mode traditionnel d’insertion
des sortants du système scolaire est l’embauche en apprentissage, au niveau de base (Bank
Klerk), dans le cadre du système dual99. Or, les pré-requis en termes de diplôme semblent
s’élever pour l’entrée en apprentissage, bien que les employeurs s’en défendent, affirmant que
ce qui compte, ce sont les compétences cognitives et les aptitudes sociales, en témoignent les
batteries de tests utilisées dans les processus d’embauche. De fait, le résultat est là : les
titulaires de Mittlere Reife (diplôme de l’enseignement secondaire court) sont de plus en plus
concurrencés par les titulaires de l’Abitur (diplôme de l’enseignement secondaire long) pour
les embauches en apprentissage de Bank Klerk (employé de banque) ; les seconds sont
actuellement majoritaires au sein des apprentis ».
Cette même tendance existe au niveau des banques tunisiennes, étant donné que le personnel
des catégories subalternes (personnel d’exécution et personnel de service) est constitué
aujourd’hui des jeunes recrues disposant en général d’un minimum de niveau, souvent le Bac
ou Bac +2.
98
Bruniaux Christine, « Evolution de l’emploi et des qualifications dans le secteur bancaire »,
Synthèse élaborée dans le cadre de la troisième phase des travaux d’EDEX - WP3, à partir des rapports
nationaux de cinq pays, (Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France) à l’attention du Zentrum
für Sozialforschung Halle, mai 2001.
99
Au début des années 1960, 50% des salariés passaient par l’apprentissage ; depuis les années 1970, cette
proportion est stable à 80%.
96
Par ailleurs, les chefs de division, qui sont de surcroit seniors partant à la retraite, sont
remplacés par des jeunes universitaires en accord avec l’exigence inscrite au JORT pour les
banques publiques, alors même que ces postes managériaux auxquels la tradition et l’usage au
sein des banques tunisiennes n’associaient aucun diplôme obligatoire, étaient souvent occupés
par des non diplômés, en particulier grâce aux mécanismes de promotion interne, et de
l’ancienneté dans le poste.
Ce même mouvement de recrutement des diplômés existe également pour les banques
allemandes, car comme le signale Christine Bruniaux100 « les banques allemandes n’ont pas
recruté de titulaires de l’enseignement supérieur avant les années 1980, mais actuellement le
rythme d’augmentation de leur part dans les effectifs est supérieur à la moyenne nationale, en
particulier grâce à l’augmentation de l’offre de diplômés en économie depuis 1985 (15% sont
constamment embauchés par le secteur) ; en informatique également, les embauches de
titulaires de l’enseignement supérieur ont fortement augmenté depuis 1990 ».
Ainsi, compte tenu de ce qui vient d’être énoncé plus haut, nous pouvons remarquer que dans
les banques tunisiennes et allemandes, les marchés internes s’affaiblissent, et les embauches
de jeunes diplômés externes, voire de personnes expérimentées issues d’autres banques
concurrentes viennent perturber les filières traditionnelles de promotion et remettre en cause
les modalités existantes d’intervention de la formation continue.
L’embauche de débutants plus diplômés a même un impact sur l’organisation pyramidale
traditionnelle dans la mesure où ils accèdent très vite à des grades importants et brûlent
souvent les étapes, soit dès l’origine en étant intégrés à des niveaux plus élevés, soit en
bénéficiant d’un avancement plus rapide dans les premières années (Tunisie, Allemagne).
Pour les banques tunisiennes, l’augmentation de la population des jeunes diplômés
universitaires a facilité la donne aux employeurs qui cherchaient à trouver des jeunes plus
qualifiés et à moindre coût et qui se trouvaient face à un problème de renouvellement des
générations.
Ceci est inhérent aux grandes lignes tracées par le Président Habib Bourguiba qui avait tenu à
rendre l’enseignement obligatoire aux enfants et élèves, dès son accès à la Présidence de la
République Tunisienne, après l’indépendance du pays en 1956.
Comme nous pouvons le constater aujourd’hui cette politique a porté ses fruits étant donné
que le remplacement des salariés titulaires ou non d’un diplôme et qui font valoir leur droit à
100
Bruniaux Christine, ibid.
97
la retraite sont remplacés par de jeunes diplômés universitaires beaucoup plus qualifiés par
leur diplôme que par leur expérience.
De plus, ces jeunes étaient assez naturellement attirés par la banque du fait des avantages et de
la position dont jouissait ce métier sur l’échelle sociale.
Pour les banques allemandes en revanche et comme le souligne Christine Bruniaux, « le
système dual, modalité traditionnelle d’embauche, s’est trouvé fortement percuté par
l’élévation du degré de diplôme des sortants du système éducatif, toujours fortement motivés
par cette modalité d’embauche aux débouchés quasi-garantis et par le secteur lui-même,
traditionnellement attirant.
Par conséquent, les embauches en apprentissage deviennent plus sélectives, même si le critère
d’embauche principal n’est pas formellement le diplôme, mais les résultats à des tests. Le
niveau de formation générale des jeunes embauchés s’élevant, la formation liée à
l’apprentissage peut être allégée; l’apprentissage traditionnel est rendu plus modulaire et une
nouvelle modalité de formation duale plus courte est mise en place pour les diplômés du
supérieur »
Ainsi, comme nous pouvons le constater cette élévation de niveau a été bénéfique aussi bien :
- pour les jeunes (diplômés allemands que tunisiens) puisqu’ils ont plus de facilité à
accéder à un emploi au sein de la banque
- que pour les employeurs qui doivent affronter : les départs à leur retraite de leurs
salariés âgés, gérer les exigences au niveau de l’emploi et au niveau d’une clientèle
devenue de plus en plus exigeante.
Les secteurs bancaires de chaque pays ont donc adapté leurs stratégies de recrutement et de
formation en fonction de l’importance qu’ils accordent au diplôme, à l’évolution de l’offre de
formation, mais aussi au contexte et aux caractéristiques particulières de la population des
jeunes.
98
problèmes d’ordre socioprofessionnels (touchant à l’interaction interne entre deux types de
population), sont mis en évidence.
C’est généralement la différence de traitement réservé par l’employeur aux uns et autres qui
est à l’origine de tensions internes d’une part entre les salariés et d’autre part entre salariés et
employeur.
Ces tensions sont à même d’affecter la motivation des seniors, véritables aînés au sein de la
banque, qui n’ont accédé au même grade et à la même position sur l’échelle pyramidale
interne qu’après plusieurs années à travers une progression à l’ancienneté.
De plus, même l’accès à des postes d’encadrement généralistes dans le réseau,
traditionnellement réservé à la promotion interne, commence à s’ouvrir à des diplômés du
supérieur long en Tunisie.
Dans les deux secteurs bancaires respectifs, les cadres « maison » généralement seniors sont
concurrencés sur les mêmes postes par de jeunes diplômés, ce qui ne facilite guère la
transmission intergénérationnelle des connaissances au sein de la banque qui doit intervenir
des premiers envers les seconds.
Dans les banques tunisiennes et allemandes, la formation continue, issue d’un long héritage,
continue à être fortement institutionnalisée.
Elle est presque exclusivement prise en charge par le secteur, même si en Tunisie l’Etat
participe grandement, à travers le mécanisme de la ristourne de la TFP (taxe à la formation
professionnelle).
Cependant, il existe également aujourd’hui une remise en cause des formations diplômantes
internes au secteur bancaire tunisien car elles ne sont plus considérées comme adaptées aux
besoins en termes de contenus mais également du fait qu’elles sont considérées comme trop
lourdes par rapport à une gestion du personnel plus tendue, plus économe en temps-salarié
(Tunisie). C’est dans ce cadre que le diplôme de l’ITB profite d’un nouveau régime sur deux
ans au lieu des trois années initiales avec un contenu qui implique plus les étudiants puisque
le travail personnel est beaucoup plus recherché (charge de travail personnalisée à domicile).
Par ailleurs, le marché externe des jeunes diplômés tunisiens permet aux banques de former et
de promouvoir à moindre coût, grâce à des formations plus légères, comme une simple
formation sur le tas.
Toutefois, aussi bien dans les banques allemandes que tunisiennes, les diplômes internes sont
reconnus par l’Etat et intégrés dans la classification nationale des diplômes, même si cela ne
permet pas pour autant de s’insérer dans le milieu universitaire pour reprendre éventuellement
des études interrompues trop tôt.
99
Ainsi, au niveau des banques tunisiennes et allemandes la préférence semble donc aller vers
des formations plus courtes, modulaires et ciblées, non obligatoirement diplômantes, tirant en
particulier profit d’un niveau de formation initiale plus élevée.
Christine Bruniaux101 signale que pour les banques allemandes, « traditionnellement, il
n’existe pas de pré requis en termes de diplômes pour avoir accès aux postes d’encadrement et
d’expertise : on y accède par la promotion interne, à travers la formation continue, et la
formation initiale ne joue pas. Or, on observe actuellement une différenciation entre les
carrières de Bank Klerks titulaires de l’Abitur, et celles des personnes de niveau scolaire
inférieur, avec un moindre accès des derniers à la formation continue en vue de promotion ».
Un parallèle existe avec les banques tunisiennes dans la mesure où l’ITB qui concernait les
bac+2 et plus ou les titulaires du diplôme interne de rédacteur, n’est plus ouvert aux diplômés
du second cycle, mais devient réservé aux titulaires du premier cycle voire toujours aux
titulaires du diplôme de rédacteur, (en tant que formation continue en interne).
Cela s’est fait dans l’esprit de freiner l’évolution de carrière des jeunes recrues qui peuvent
via ce biais monter en grade et disposer d’un poste fonctionnel beaucoup plus facilement que
leurs prédécesseurs.
En revanche pour les banques allemandes, le système dual (dont s’inspire les banques
tunisiennes), s’est comme le précise Christine Bruniaux également « adapté à l’embauche des
diplômés du supérieur : un an de stage obligatoire avant un poste de manager ou d’expert ;
mise en place au début des années 1990 d’une nouvelle formation duale pour les diplômés de
l’enseignement supérieur long, permettant de former à des coûts inférieurs et d’avoir des
salariés productifs plus rapidement à un niveau supérieur (ce dispositif a connu un succès
dépassant largement le secteur bancaire et est porteur à terme d’une perte de marché de
l’apprentissage classique) ; plus récemment encore, en 1998, réforme de l’apprentissage
traditionnel, rendu plus modulable en fonction des centres d’intérêt des banques, donc moins
coûteux, et dans lequel on trouve de plus en plus de diplômés de Fachhochschule
(enseignement supérieur court) ».
Ainsi, pour les banques tunisiennes également, même si la formation interne est toujours
indispensable pour la promotion, en raison à la fois de la concurrence des jeunes diplômés et
de la complexification des tâches de l’encadrement, il y a aujourd’hui une remise en cause
101
Bruniaux Christine, « Evolution de l’emploi et des qualifications dans le secteur bancaire »,
Synthèse élaborée dans le cadre de la troisième phase des travaux d’EDEX - WP3, à partir des rapports nationaux de cinq
pays, (Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France) à l’attention du Zentrum für Sozialforschung Halle, mai
2001.
100
pour les postes les plus élevés qui exigent aussi un niveau de diplôme universitaire minimal,
comme la maîtrise pour le premier poste à responsabilité (chef de division).
Selon Christine Bruniaux102, et concernant les banques allemandes, « les organismes de
formation bancaires délivrent des titres d’économiste de banque à deux niveaux : la moitié des
Bank Klerks obtient le premier et un cinquième le second. Jusqu’aux années 1970 ce diplôme
n’était pas indispensable à la promotion, en raison du rythme de développement des réseaux :
l’expérience suffisait ; avec l’extension du système dual et de la capacité de formation
continue, il devient progressivement obligatoire, pour les postes de directeur d’agence en
raison de la nécessité de conseiller les PME, et pour tous les postes de conseiller de clientèle
fortunée ou d’entreprises plus importantes. Entre 1985 et 1998, le nombre de candidats au
diplôme d’économiste de banque de premier niveau a triplé ; en revanche, le nombre
d’économistes de banque de niveau supérieur a diminué de moitié depuis le début des années
1990, avec la concurrence des diplômés du supérieur et l’instauration de nouvelles voies
menant à des qualifications plus élevées ».
Pour les banques tunisiennes, il existe aussi des évolutions différenciées des diplômes
bancaires spécifiques, suivant la catégorie professionnelle.
La population des salariés n’ayant aucun diplôme bancaire augmente suite au recrutement
plus soutenu de jeunes disposant d’un minimum de bac+2 qui justifie moins de passer un
diplôme bancaire, étant donné que les nouvelles recrues se trouvent déjà intégrées dans la
catégorie du personnel d’encadrement.
Aussi, à ce niveau il ne leur reste que la carte de l’ITB (diplôme bancaire français délivré aux
banquiers tunisiens), à jouer au sein d’une carrière qui se veut traditionnellement longue.
Pourtant, le diplôme fait actuellement l’objet d’une remise en cause quant à son utilité et à son
contenu, en témoigne le fait que les diplômés n’accèdent pas, comme cela est pourtant prévu
dans la plaquette des études, à un poste à responsabilité, mais seulement à une promotion de
grade avec amélioration salariale automatique.
Un élément majeur est pourtant à signaler, il consiste à dénombrer une population de gradés et
de cadres titulaires d’un diplôme bancaire en augmentation durant les dernières années malgré
la volonté des employeurs d’améliorer la formation des salariés tout en limitant l’accès à des
postes à responsabilité et à des grades élevés qui supposeraient une obligation de nomination.
102
Bruniaux Christine, ibid.
101
Cela a pu voir le jour du fait de l’existence des mécanismes de promotion interne, liés à la
formation continue en interne mais aussi au fait que plusieurs salariés ne voyaient pas d’autre
voie d’amélioration de leur situation professionnelle.
En effet, le système de formation institué au sein de la banque est institutionnalisé depuis
plusieurs années et bien organisé. Les avantages qu’il régit sont inscrits au niveau de la
convention collective des banques et des établissements financiers de 1982 (texte de référence
pour le secteur bancaire).
Toutefois, cette tendance ne va pas durer, étant donné que nous assistons aujourd’hui à l’effet
inverse, car même pour les postes placés au plus bas de l’échelle et qui correspondent aux
catégories de personnel d’exécution et personnel de service, un minimum de bac est exigé.
Ainsi, nous assistons à de moins en moins d’inscrits au niveau des cours bancaires et de la
formation qui étaient réservés au personnel ayant un niveau secondaire et qui permettait
d’avoir l’équivalent du Brevet Professionnel de Banque.
De même au niveau du diplôme de l’ITB (Institut des Techniques Bancaires), réservé au
diplômés de la formation rédacteur et aux titulaires d’un bac+2, les effectifs sont actuellement
de moins en moins nombreux étant donné que les recrutements de jeunes diplômés titulaires
d’un Bac+2 est de plus en plus réduit par rapport au recrutement de diplômés titulaires d’un
Bac+4 et plus.
Actuellement, les diplômes bancaires peuvent être contournés par les jeunes recrues dotées
d’un diplôme universitaire car ils s’insèrent déjà dans la catégorie « personnel
d’encadrement » et sont considérés comme des cadres à part entière.
Cependant, pour ceux ayant un niveau d’instruction inférieur au bac et qui sont classés au bas
de l’échelle de la pyramide interne, cela représente la seule issue possible pour pouvoir
évoluer.
En effet, le secteur bancaire tunisien et les banques tunisiennes s’orientent peu à peu vers la
voie de la suppression des avantages sociaux qui les distinguaient, et qui confirment leur
rapprochement de la logique des entreprises privées, marquées par la recherche du profit et la
diminution des charges salariales.
D’où l’avantage pour les jeunes diplômés doté d’une formation initiale élevé (Bac +4 ou
Bac+6) d’être directement propulsés dans une catégorie bien placée pour leur faciliter l’accès
à la dernière catégorie de la pyramide, à savoir, la catégorie « personnel de direction ».
Par ailleurs, même si les banques tunisiennes encouragent la formation bancaire, elles la
considèrent implicitement comme étant trop onéreuse et souvent inadaptée au niveau de
102
qualification de leurs salariés et à leurs besoins internes, et en écart par rapport à la culture
« maison ».
Les employeurs des banques tunisiennes s’orientent même davantage aujourd’hui vers
l’instauration de formations internes courtes non diplômantes au sein de leurs centres de
formation intégrée respectifs et au moyen de formateurs « maison ».
Par ailleurs, un projet qui consiste à revoir les classifications des salariés et à augmenter les
barrières pour limiter les passages d’une catégorie à une autre du fait ou non de la réussite aux
diplômes bancaires est en cours de préparation.
Il existe également des changements au sein même des catégories, de sorte que le passage
d’un grade à un autre, pourtant au sein d’une même catégorie est de plus en plus difficile, car
il requière la satisfaction à plusieurs critères subjectifs comme la notation annuelle, le
classement au sein de la direction centrale et non pas au sein de la direction de rattachement.
Mais, il doit également prendre en compte la révision des critères d’aptitude qui deviennent
plus longs (ils sont rallongés d’une année par grade) et de normes de passage comme les 40%
du personnel apte qui a pourtant satisfait tous les critères.
Ainsi, alors que cela paraissait plausible d’une catégorie à une autre notamment lors du
passage de la catégorie « personnel d’encadrement » à celle de « personnel de direction », où
certains cadres pouvaient passer jusqu’à cinq ans. Cela paraît aléatoire, voire infondé lorsqu’il
s’agit d’un passage de grade au sein d’une même catégorie.
Alors que pour Christine Bruniaux103 les salariés du secteur bancaire se forment pour
préserver leur employabilité, on remarque que pour les salariés des banques tunisiennes la
première motivation est celle de l’accès à une promotion, étant donné que le secteur jouit
encore d’une certaine sécurité de l’emploi, et demeure parmi les emplois les plus protégés.
Toutefois, pour les banques allemandes les salariés se forment selon elle pour « des raisons
défensives », car il y prédomine comme elle l’indique une « flexibilité fonctionnelle » où la
formation continue est majoritairement prise en charge par les employeurs.
C’est également le cas en Tunisie où l’on constate que certains salariés se forment de plus en
plus, à leurs frais, tout en demandant des agréments de la part de la direction.
103
Bruniaux Christine, « Evolution de l’emploi et des qualifications dans le secteur bancaire »,
Synthèse élaborée dans le cadre de la troisième phase des travaux d’EDEX - WP3, à partir des rapports nationaux de cinq
pays, (Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France) à l’attention du Zentrum für Sozialforschung Halle, mai
2001.
103
Ainsi, la formation, hors temps de travail en général, se développe très timidement et semble
motivée par le nécessaire maintien de l’employabilité de certains cadres, sinon dans de très
rares cas à la promotion.
Pour les banques tunisiennes, le plan d’ajustement structurel de 1987, et l’offre massive de
diplômés, a rendu la formation continue de plus en plus nécessaire pour améliorer son
employabilité et/ou pour bénéficier d’une promotion.
Toutefois, cela demeure insuffisant, étant donné l’affaiblissement des marchés internes,
phénomène tout à fait nouveau compte tenu de la tradition de fermeture et de cloisonnement
dont jouissaient les banques et qui était à l’avantage du personnel intégré.
Aussi, l’ouverture des banques au marché externe qui est justifiée par la recherche de
personnel expérimenté ou du moins plus facilement employable permet de faciliter le
recrutement de jeunes débutants plus diplômés et plus motivés.
Par ailleurs, il est à noter selon Christine Bruniaux104 qu’au niveau des banques allemandes,
« la formation continue s’est vu réajuster ses contenus en fonction de l’évolution des
compétences demandées et du degré de formation générale plus élevée des nouveaux
embauchés ».
Cela est également valable au niveau des banques tunisiennes, surtout depuis les années
quatre vingt dix lors de recrutements massif de diplômés au sein des banques publiques.
Mais, le problème majeur rencontré par la plupart les jeunes diplômés recrutés, qui n’arrivent
pas à évoluer du fait de difficultés dues aux nouvelles règles instituées en interne et qui
tendent à limiter l’accès aux grades et catégories supérieures, est celui de l’inexistence d’une
formation diplômante leur donnant accès à une promotion, d’où l’impasse.
En effet, aujourd’hui après le retrait de la possibilité pour eux (Bac+4 et plus) de poursuivre
les études de l’ITB, aucune formation diplômante n’est prévue mais l’APTBEF envisage de
collaborer avec certaines universités concernant des diplômes spécialisés adaptés aux besoins
des banques et qui seraient ouverts aux Bac+4 et plus.
Christine Bruniaux ajoute que « dans les pays où à la fois les marchés internes sont les plus
structurés et où la formation continue est la plus institutionnalisée, les formations diplômantes
traditionnelles ont été le moyen d’adapter le personnel ancien aux mutations de l’activité pour
éviter les licenciements ».
104
Bruniaux Christine, ibid.
104
Ceci est valable pour les banques allemandes mais l’est beaucoup moins pour les banques
tunisiennes où l’emploi est protégé et considéré comme un emploi à vie, bien que les
dernières mutations incluent désormais et très récemment la possibilité de licenciement, qui
était très rare au niveau du secteur bancaire tunisien.
Selon elle, les rapports des banques allemandes « montrent très bien comment le personnel en
place a su s’adapter, même si cela pose des problèmes de cohabitation au sein d’une même
catégorie professionnelle, entre anciens bénéficiaires de la formation continue et jeunes frais
émoulus du système de formation initiale ».
Elle va même jusqu’à préciser à propos de l’élévation du niveau de diplôme au sein des
catégories professionnelles bancaires que « cette importante proportion du personnel qui
acquiert des diplômes au cours de sa vie active, liée au fait que ces diplômes sont reconnus et
rattachés aux nomenclatures nationales, pourrait d’ailleurs expliquer, pour le secteur bancaire
en Allemagne, une partie de l’élévation du niveau de diplôme».
105
Il a également été question de mettre en relief les différentes pratiques existantes dans les
deux type de banque en matière de transmission intergénérationnelle des connaissances pour
ensuite pouvoir les comparer.
De plus, pour réaliser ce travail de comparaison il faut tenir compte des différentes catégories
ou sous-catégories socioprofessionnelles du secteur bancaire afin de les replacer aussi bien
dans le contexte des nomenclatures locales, que dans les catégories globales pour pouvoir
mener à bien notre recherche.
Il a été donc question d’essayer d’expliquer et de mettre en exergue le comportement des
employeurs dans les deux types de contexte en tenant compte des « effets sociétaux »105
décrits par Christine Bruniaux.
Dans ce cadre nous nous sommes trouvé comme elle devant plusieurs difficultés, car il
s’agissait de comparer des pratiques et rapports de travail relatifs à des populations de deux
cultures différentes, de continents différents (Europe/Afrique, voire même Afrique du Nord),
avec pour seul dénominateur commun le fait d’exercer le même travail, au sein du même
secteur d’activité qu’est le secteur bancaire.
Aussi, nous avons suivi son approche, étant donné que nous avons, à notre tour, étudié puis
utilisé des informations issues de plusieurs rapports annuels du secteur bancaire mais aussi,
comme elle le signale également, « usé de la méthode de l’extrapolation intuitive concernant
certaines autres informations ».
Plusieurs autres sources d’information avec des rapports de professionnels du secteur ont été
également exploitées.
La question de la force de travail dans les banques tunisiennes et allemandes permet de
comparer également la gestion traditionnelle de l’emploi dans les banques tunisiennes et
allemandes.
Cela a été rendu possible notamment à travers la mise en évidence des traits communs aux
secteurs bancaires des deux pays, ainsi que les différences, concernant à la fois les facteurs et
les modalités du changement de la structure, mais également le contenu des emplois en termes
de qualification (diplôme).
Ainsi, dans le cadre d’une démarche déductive (qui va du général au particulier), et après
avoir introduit la force de travail dans les banques en Tunisie, nous avons tenté dans ce
105
Christine Bruniaux qualifie les « effets sociétaux » comme étant des « interactions de la réglementation du travail, des
relations sociales, de la structuration du marché du travail en matière d’embauche et de promotion interne, du (des)
système(s) de formation initiale et continue, de la conjoncture de l’emploi…) sous l’influence de moteurs de transformation
qui sont, eux, pour la plupart transnationaux »
106
chapitre de souligner les aspects les plus importants des secteurs bancaires tunisien et
allemand.
A cet effet, nous nous sommes attardés sur les questions générales regardant aussi bien les
secteurs que les populations de salariés qui y travaillent et ce, notamment à travers leur
organisation interne, l’évolution des effectifs, le contexte particulier dans lequel s’insère aussi
bien les banques tunisiennes qu’allemandes.
Nous avons pu ainsi constater que les banques tunisiennes et allemandes procédaient
contrairement aux années de première activité à des recrutements de plus en plus importants
de diplômés émanant des établissements universitaires et externes à la banque.
Toutefois, nous avons également pu observer que la transmission intergénérationnelle des
connaissances est devenue plus problématique et complexe, car elle tient compte d’autres
motivations que celle du patriotisme du lendemain de l’indépendance ou d’un collectif
souvent assimilé à la famille.
En effet, l’avènement de la modernisation et d’autres mesures aussi bien externes qu’internes
ont participé à affaiblir cette motivation ou du moins à la changer selon de nouveaux
paramètres.
Un autre élément qui a son poids est celui du vieillissement de la population bancaire, car mis
à part la prépondérance des salariés qui vont bientôt réclamer leur droit à la retraite, les jeunes
recrues souvent bien plus diplômés que leur aînés ont également et par voie de conséquence
un âge plus reculé.
La formation intervient pour les salariés des deux secteurs respectifs beaucoup plus en tant
que moyen d’adaptation à l’évolution de l’activité bancaire, qu’en tant que moyen de
promotion sociale à travers la réussite à des formations diplômantes par exemple.
Toutefois, pour apprécier davantage la portée et l’importance de la formation interne des
banques à l’égard des salariés et des employeurs, il convient dans le chapitre suivant de
présenter le système de formation des banques allemandes et tunisiennes.
Il sera alors question d’explorer les spécificités nationales dans le cadre précis de la formation
interne et de la transmission intergénérationnelle des connaissances, avec une analyse des
interactions permettant de décrire les comportements des employeurs et des salariés.
107
Chapitre 2 : Le système de formation bancaire en
Tunisie et en Allemagne
Après avoir présenté la force de travail de la population bancaire tunisienne et allemande ainsi
que les évolutions globales, par âge, par structure socioprofessionnelle, par genre, il devient
pertinent de s’intéresser à la formation prodiguée au sein du secteur bancaire tunisien et
allemand dans le cadre de notre comparaison internationale.
Cela est d’autant plus pertinent à étudier que la formation est très étroitement liée à la
transmission intergénérationnelle des connaissances.
En effet, c’est cette dernière qui a permis aux seniors de former les premières générations de
banquiers. Il s’agissait à l’époque d’une formation sur le tas prodiguée des seniors (dont
certains étaient diplômés) envers des jeunes recrues faiblement diplômées.
106
Lallement Michel, Le travail, une sociologie contemporaine, Editions Gallimard 2007, Folio essais, inédit, P358.
107
Maroy. C. « La formation en entreprise : de la gestion de la main d’œuvre à l’organisation qualifiante » in De Coster et
Pichault, Traité de sociologie du travail, Bruxelles, De Boeck Université, 2ième édition, 1998, p 297, cité par Caspar P,
Carré P, Traité des Sciences et des Techniques de la Formation, Dunod, 2004, p. 128.
108
système scolaire initial », la formation continue peut être qualifiée de post-scolaire et ces deux
termes deviennent interchangeables 108 ».
La formation « post-scolaire » renvoie « à des dispositifs de formation continue, dont les
contours ont été progressivement tracés, en France, par une série de dispositions légales en
particulier la loi de 1971109 ». La formation permanente « désigne en même temps un idéal
éducatif global reliant formation initiale et éducation des adultes et des pratiques individuelles
de formation très variées, souvent à dominante culturelle ».
En Tunisie la formation professionnelle qui s’inspire grandement du système français, a été
définie et organisée par trois textes importants :
- la loi n°93-10 du 17 Février 1993 portant loi d’orientation de la formation
professionnelle, et le code du travail de 1982, dans son chapitre X (p. 98-99).
Dans la loi d’orientation, la formation professionnelle est définit dans ses deux premiers
articles comme contribuant « au développement des ressources humaines, à la promotion
sociale et professionnelle et à la réalisation des objectifs de la croissance » et ayant pour objet
«d’assurer l’acquisition des connaissances théoriques et des capacités et savoir-faire pratiques
que nécessite l’exercice d’un métier ou d’une profession qualifiée, et d’assurer l’adaptation de
ces connaissances et savoir-faire aux mutations technologiques et à l’évolution des
caractéristiques de l’emploi ».
Selon Michel Lallement, les jeunes allemands qui sont « issus de toutes les catégories
sociales », la majorité des élèves d’une classe d’âge (65% au milieu des années 1970) transite
par l’apprentissage pour décrocher un diplôme d’ouvrier ou d’emploi qualifié, et cela avant de
pouvoir accéder ultérieurement, en cours de carrière le plus fréquemment, à des diplômes
professionnels de niveau intermédiaire (techniciens, contremaîtres) ou élevé (ingénieurs). Le
clivage ouvriers/non ouvriers qui s’établit de la sorte structure un espace professionnel
relativement homogène au sein duquel le diplôme assure une forte reconnaissance du statut
ouvrier pour l’ensemble des travailleurs issus de l’apprentissage ».
Nous pouvons définir l’apprentissage en nous référant à la définition donnée par Pierre Carré
et Pierre Caspar110 et qui est en rapport avec l’interactivité des acteurs.
111
Zarifian P, « Le travail: de l’opération à l’action », in J.Bidet, J.Texier (éds), La crise du travail, Paris, PUF, coll. « Actuel
MarxConfrontation ».
112
Selon P Caspar et P Carré ci-dessus cités, c’est la raison pour laquelle le principal moyen qu’on utilise pour apprendre les
situations est l’apprentissage sur le tas, ou apprentissage par immersion, le learning by doing, qui est à la fois un
apprentissage par les résultats de sa propre action et un apprentissage par imitation d’autrui (professionnels experts) ».
Selon les deux auteurs, la méthode de l’apprentissage a fait ses preuves et demeure encore efficace.
110
Le second insiste sur la marge de manœuvre donnée aux employeurs, ou encore au sens de M
Crozier113 sur « la source d’incertitude » en faveur de ses derniers qui ont le pouvoir de juger
du fait d’une interprétation extensive et subjective en leur faveur qui peut être opposée à une
interprétation objective et stricto sensu du texte en cause.
Ceci a pour mérite de préciser l’importance du pouvoir dominant des employeurs par rapport
aux salariés, mettant par là même en exergue le rapport de force entre les deux parties.
Selon P. Carré et P. Caspar114 « la définition et les mises en œuvre des politiques de formation
dans les organisations (entreprises, administrations, collectivités locales, etc) se trouvent dans
une situation contrastée. En effet, on sait que la formation n’est qu’une des modalités de la
professionnalisation et de l’acquisition des compétences. Mais on sait aussi que le cadre
législatif et réglementaire (et les coutumes qu’il a contribuées à construire) impose aux
organisations de donner à leur politique de formation une place autonome et obligatoire (la
formation est un droit, la dépense minimale, une obligation légale) ».
C’est également le cas en Tunisie, aussi bien dans la loi d’orientation sur la formation
professionnelle ci-dessus énoncée, que dans le code du travail tunisien de 1982115 qui précise
même les différents types de formations en fonction des publics cibles.
De plus, les conditions formelles comme un plan annuel de formation et des avenants qui sont
des outils utilisés au sein de la BMTP trouvent leur équivalent dans le système français
duquel elles ont été héritées.
Par ailleurs, P. Caspar et P. Carré116 définissent même le plan de formation annuel comme
étant un « élément structurant et quelquefois unique du dialogue social en matière de
qualification et de développement de compétences, en sachant mettre cette politique de
formation au service des organisations et de leurs salariés ».
Le système de formation tunisien a été à l’origine largement inspiré du système français.
En effet, en Tunisie, il y a une valorisation de l’éducation (à coloration française) qui a été le
fer de lance et l’œuvre politique de Habib Bourguiba, « artisan de l’indépendance » qui a été
formé et diplômé d’établissements prestigieux français117.
Après l’indépendance, le président H.Bourguiba a rendu obligatoire l’enseignement de base,
et l’instruction, de sorte que tous les tunisiens étaient obligés de scolariser leurs enfants.
113
Crozier Michel, Friedberg Erhard, L’acteur et le système, éditions du Seuil, 2007, p91.
114
Caspar P, Carré P, Traité des Sciences et des Techniques de la Formation, Dunod, 2004, p383.
115
Le code du travail tunisien de 1982, Chapitre X, pp98-99.
116
Caspar P, Carré P, ibid.
117
Bourguiba H qui a été inscrit à la Sorbonne, il est titulaire d’une licence en droit et du diplôme supérieur d’étude politique
de l’école libre des sciences politiques en 1927
111
Il s’en suivait également une politique du développement global, dont les résultats sont
perceptibles aujourd’hui, même si nous pouvons considérer que le système de formation
professionnelle tunisien est un système hybride, étant donné qu’il s’inspire également du
modèle allemand de formation duale.
Cette formation duale ou en alternance est définie par Olivier Giraud118 comme un système
permettant aux jeunes de recevoir « une formation pratique dans une entreprise ou une
administration qui les rémunère et qui supporte seule l’ensemble des coûts induits par cette
activité. Ils bénéficient, également d’une formation de nature plus théorique dans le cadre
d’écoles professionnelles d’Etat ».
Sur un autre plan, la question du transfert intergénérationnel portant sur des connaissances
tacites a été beaucoup « moins abordée par les écrits que celle du transfert inter-
organisationnel des connaissances explicites » (L Hu119).
Aussi, et d’après une revue de la littérature sur cette question, il nous apparait important de
clarifier certains éléments permettant de justifier ces propos.
Cela peut apparaître dès la mise en évidence des caractéristiques permettant d’effectuer une
distinction entre information, connaissances explicites, et connaissances tacites.
En effet, et tout d’abord pour distinguer entre information et connaissances, il convient de se
référer aux travaux de R Blumentritt et R Johnstonainsi120 ainsi qu’à ceux de Cohen et D.A
Levinthal121 selon qui « l’information se réfère à des données qui compilées ensemble et dans
un contexte donné, peuvent véhiculer un message informatif venant d’une source émettrice à
l’intention d’une source réceptrice.
Une telle information peut englober aussi bien des données statistiques que des faits observés
ou encore des données spécifiques. Ces données alimentent l’information qui à son tour
alimente la production de connaissance ».
Ces réflexions peuvent trouver échos dans le domaine propre à la communication où il est fait
état dans le processus de communication d’un émetteur, d’un message qui sera analysé et
compris à travers un décodage par un récepteur, qui n’est autre que le destinataire de ce
message.
118
Giraud Olivier, La formation professionnelle en Allemagne entre division et unité : héritages communs, évolutions
parallèles et cohérences sociétales de la révolution industrielle à la réunification, CURAPP-CNRS-UMR 6054.
119
Hu, L. (2005). Toward a Human-Centered Knowledge Transfer in the Public Sector: Discrepancies and Communalities in
Perceptions between Different Generations of Employees, Rutgers, The State University of New Jersey.
120
Blumentritt, R. et R. Johnston (1999). « Towards a Strategy for Knowledge Management », Technology Analysis and
Strategic Management, vol. 11, nº 3, p. 287.
121
Cohen, W. M. et D. A. Levinthal (1990). « Absorptive Capacity: A New Perspective on Learning and Innovation »,
Administrative Science Quarterly, vol. 35, nº 1, p. 128-152.
112
Toutefois, et avant de devenir connaissance l’information doit selon M Lamari122 incorporer
un « additif mixant effort de conceptualisation et effort de référencement (référents concrets
issus du vécus expérientiel des acteurs en présence). Autrement dit, la connaissance ne peut
s’élaborer qu’à partir de l’information disponible sans des enrichissements provenant à la fois
du vécu concret et expérientiel des individus (avec les valeurs, les normes, les compétences
acquises, etc.) et de la capacité des abstractions impliquant des cognitions, des schèmes
d’intelligibilité et des construits permettant de faciliter la structuration conceptuelle » telle
qu’elle a été définie par I Nonaka123.
I Nonaka et H Takeuchi124 ont même établi un modèle conceptuel inhérent au processus de
création et de transformation des connaissances, à travers quatre niveaux de mutation
différents entre connaissances explicites et connaissances tacites. Deux chercheurs, à savoir M
Alavi et D.E Leidner125 insistent à propos de ce modèle sur le fait que ces transformations
s’appuient sur des mécanismes cognitifs et sociaux, comme l’a bien indiqué I Nonaka en
1994.
Selon I Nonaka et H Takeuchi, le premier niveau qui intervient dans ce processus de création
et de transformation est celui de « la socialisation » qui implique des interactions et une
convivialité mettant en lien de confiance et de réciprocité des individus qui souhaitent
partager leur expérience et leur savoir-faire.
Le deuxième niveau qu’ils appellent « externalisation », prévoit quant à lui la transformation
des connaissances tacites en de nouvelles connaissances explicites.
Il est ici important et nécessaire d’extraire les connaissances tacites notamment à travers un
échange coopératif entre les différents acteurs en place (émetteurs et récepteurs) qui se base
sur une communication collective efficace.
Pour favoriser cette opération M Lamari126 indique qu’il faut « une réflexion collective et à un
échange constructif au sujet des concepts, des modèles, des analogies ou des procédures
formelles structurantes ».
122
Lamari Moktar, La transmission intergénérationnelle des connaissances tacites : les concepts utilisés et les évidences
empiriques démontrées, in Télescope, Revue d’analyse comparée en administration publique, volume 16 n°1, Le transfert
intergénérationnel des connaissances, Hiver 2010.Vol. 16 n˚ 1 hiver 2010
123
Nonaka, I. (1994). « A Dynamic Theory of Organizational Knowledge Creation », Organization Science, vol. 5, nº 1, p.
14-37.
124
Nonaka, I. et H. Takeuchi (1995). The Knowledge-Creating Company: How Japanese Companies Create the Dynamics of
Innovation?, Oxford, Oxford University Press.
125
Alavi, M. et D. E. Leidner (2001). « Review: Knowledge Management and Knowledge Management Systems: Conceptual
Foundations and Research Issues », MIS Quarterly,
126
Lamari Moktar, La transmission intergénérationnelle des connaissances tacites : les concepts utilisés et les évidences
empiriques démontrées, in Télescope, Revue d’analyse comparée en administration publique, volume 16 n°1, Le transfert
intergénérationnel des connaissances, Hiver 2010.
113
Quant au troisième niveau que I Nonaka et H Takeuchi nomment « combinaison », il se base
selon M Lamari sur « la transformation des connaissances explicites en de nouvelles
connaissances explicites », telles que décrites par les deux auteurs, à travers « un brassage et
une synthèse entre plusieurs contenus de connaissances codifiées et formalisées, ayant une
valeur ajoutée ».
Cette conversion alterne déduction et induction pour dériver ses résultats.
Enfin, et quant au quatrième niveau inhérent à la transformation des connaissances explicites
en de nouvelles connaissances tacites, il s’effectue toujours d’après les deux auteurs, par «
internalisation », c’est-à-dire comme le précise M Lamari par « l’intériorisation de ces
connaissances et leur incorporation dans le savoir propre à chaque individu ».
L’auteur ajoute même que « cette conversion aboutit à la traduction des connaissances
formelles pouvant prendre la forme d’automatismes codifiables et reproductibles (manuel de
procédures, guide d’emploi, etc.) ».
Pour notre sujet nous nous intéressons précisément au deuxième niveau, à savoir et selon le
modèle des deux auteurs précités à ce qui correspond principalement à la phase
d’« externalisation », c'est-à-dire la transformation des connaissances tacites en connaissances
explicites.
En ce sens il est particulièrement important de nous attacher au concept de la transmission
et/ou du transfert des connaissances clés ou tacites qu’il convient de clarifier davantage dans
ce qui suit.
Liebowitz J127 qui s’est intéressé à cette question sous un angle particulier, à savoir la
rétention des connaissances critiques et ce, en formalisant celles qui sont les plus exposées au
risque de déperdition. Il a d’après M Lamari procédé à cette formalisation en décomposant le
processus en quatre niveaux successifs et interdépendants. Le premier niveau est celui qui
requiert le plus d’attention, étant donné qu’il est inhérent à l’« extraction » des connaissances.
Cette extraction qui est l’opération qui mérite la plus grande importance passe selon M
Lamari par la mise en place d’une « démarche de révélation et de documentation de ces
connaissances tacites, par entrevue, par observation et suivi auprès des experts détenteurs de
ce savoir tacite et dont le départ de l’organisation est pressenti ».
Toutefois, cette opération demeure difficile à mettre en œuvre indépendamment du secteur
d’activité et du contexte spatio-temporel.
127
Liebowitz, J. (2009). Knowledge Retention: Strategies and Solutions, Boca Raton, CRC Press.
114
Le deuxième niveau, qui n’est pris en compte qu’une fois le premier validé, est inhérent « à la
« cristallisation » des connaissances extraites ».
Cette cristallisation peut alors se faire selon plusieurs manières différentes même si le but
principal recherché demeure celui de consigner ces connaissances tacites extraites afin de les
codifier pour qu’elles revêtent une forme beaucoup plus palpable notamment dans des
supports facilitant une dynamique allant de la « mémorisation, à la conservation et à la
communication ».
Le troisième niveau relève de la mise en commun, c'est-à-dire qu’il vise « la « propagation »
et la dissémination des connaissances cristallisées entre les usagers et les utilisateurs
potentiels au profit de l’organisation dans son ensemble ».
Le quatrième niveau concerne l’« intégration » de ces connaissances par des travaux visant la
mise en application et l’apprentissage par la pratique, telle qu’énoncée par K.J Arrow128 par ce
qu’il appelle le « learning by doing ».
Ce dernier affirme que « les individus, seuls ou en collectivité, améliorent avec le temps leurs
qualifications et leurs compétences requises par l’exercice et l’utilisation des procédés et des
technologies de production ».
Au niveau des banques et dans le cadre du service offert au client, cela se fait également par le
temps, notamment à travers la mise en pratique des opérations bancaires.
Selon lui l’apprentissage par la pratique reste « très payant dans le court terme, parce que les
travailleurs ont toujours besoin d’une période de rodage avant de maîtriser efficacement les
processus productifs ».
D’après J.-F Ballay,129 qui cite A Cornet, B Lamotte et A Dupeyron130 la transmission ne doit
pas être considérée à sens unique des anciens vers les jeunes, mais à travers des formes
variées de coopération et d’échange de savoir-faire qui permettent des flux d’apprentissage
croisés.
C’est ce qui devrait idéalement avoir lieu au sein des entreprises, aussi bien industrielles que
de service, et dans le cas spécifique des banques, même si cela peut ne pas toujours être le cas
du seul fait que plusieurs attributs ou différences intergénérationnelles énoncées par M
Lamari, qui peuvent agir en tant que conditions suffisantes et nécessaires, ne sont pas réunies
128
Arrow, K. J. (1962). « The Economic Implications of Learning by Doing », Review of Economic Studies, vol. 29, nº 3, p.
155-173.
129
Ballay, J.-F. (2010). « Paradoxes de la transmission et de l’apprentissage dans un monde radicalement incertain »,
Télescope, vol. 16, nº 1, p. 1-20.
130
Cornet, A., B. Lamotte et A. Dupeyron (2006). Gestion des âges : Les échanges de savoirs au cœur de la gestion des
âges, webu2.upmf-grenoble.fr/.../CR-GT-gestionages24_ 10_06-1.doc (page consultée le 30 juillet 2009).
115
(comme la confiance, la dextérité, la reconnaissance, la motivation, la convivialité, la fluidité
des savoirs, le réseautage etc.).
J Pillinger131 perçoit même que cette coopération intergénérationnelle est aujourd’hui devenue
cruciale pour plusieurs entreprises et notamment leur « gestion des ressources humaines, dans
le cadre de ce qu’il est désormais convenu d’appeler une politique de « gestion des âges » ».
L’auteur indique qu’ « au niveau des entreprises et dans la pratique quotidienne des équipes,
le brassage de compétences intergénérationnel répond à des nécessités pragmatiques et il a des
bénéfices souvent très visibles ».
Nous pouvons retrouver une application concrète de ces dires dans les récits de B Delay132 qui
indique qu’un jeune commercial peut apporter son savoir technique sur les nouveaux produits
à l’ancien, qui en retour, lui enseigne sa connaissance des clients, de leurs demandes et de
leurs habitudes.
131
Pillinger, J. (2008). Changement démographique dans l’industrie de l’électricité en Europe. Boîte à outils pour la
promotion de la mixité intergénérationnelle et des stratégies de gestion de la question de l’âge,
www.eurelectric.org/Demographic/PDF/
132
Delay, B. (2006). « La transmission des savoirs dans l’entreprise : construire des espaces de coopération entre les
générations au travail », Caisse Nationale des Allocations Familiales / Informations sociales, n° 134, p. 66-77.
116
Le centre fut géré jusqu’à la fin de l’année 1973-1974 par la BCT puis cédé à l’APBT au
début de l’année 1974-75.
Quant à la formation au sein des banques allemandes Swen Hildebrandt et Sigrid Quack1
indiquent que « la généralisation et l’institutionnalisation de la formation professionnelle dans
de nombreuses branches du secteur tertiaire ne sont intervenues que dans les années vingt et
trente, alors que ces processus remontent à la Révolution industrielle dans le secteur
secondaire (Lane, 1995) ».
Selon eux, le système dual de formation était déjà établi dans de nombreuses branches
industrielles en Allemagne à l’époque de l’expansion du secteur bancaire dans les années
vingt et trente et s’y répandit également.
Ceci montre que des développements propres à une branche peuvent dans des conditions
purement historiques, se généraliser à d’autres secteurs d’activité à travers l’instauration
d’instituts de formation propres à la branche et donc à une division par rapport au « modèle »
national.
Selon Olivier Giraud133, la formation professionnelle en Allemagne connait depuis « le milieu
du XIX siècle les premières étapes de la fondation du modèle qui sert d’héritage commun aux
deux Allemagne concurrente de l’après 1948 ».
Il indique que la formation professionnelle « relevait à l’origine exclusivement
d’arrangements privés entre les employeurs, en grande majorité des artisans, et les jeunes
apprentis ». D’après l’auteur c’est en fait l’industrialisation, mais aussi le développement de
l’urbanisme couplé avec le développement de la démocratie dans la société allemande qui a
permis de revoir le système qui était en place134.
Il précise que « le premier des conflits qui traversent alors la formation initiale porte sur le
contrôle de la jeune main d’œuvre. En cette matière comme en d’autres, la rapidité de
l’industrialisation allemande provoque des turbulences entre artisanat et industrie ».
Mais, il souligne également que « le second enjeu directement lié au précédent, porte sur la
standardisation des qualifications qui pose la question d’un contrôle collectif et organisé sur la
formation professionnelle en entreprise ».
Toutefois, selon lui c’est dans le cadre d’un accroissement du chômage à la fin du XIXème et
la réforme de l’encadrement social et politique des jeunes que l’idée d’écoles professionnelles
publiques voit le jour.
133
Giraud Olivier, ibid.
134
Selon l’auteur ce système est hérité du moyen âge.
117
Il affirme aussi qu’« après la fusion des deux Allemagne, c’est la loi fédérale sur la formation
professionnelle de 1969 qui a institué des commissions nationales réunissant représentants des
parties patronales, syndicale, de la Fédération des Länder »135.
Pour lui, la nouvelle loi instaure la standardisation, donc la transférabilité des qualifications,
dans un contexte centralisé, au plan fédéral, et les syndicats sont directement impliqués dans
la gouvernance de la formation professionnelle.
Ainsi, l’auteur souligne deux éléments importants, le premier étant que jusqu’à la fin des
années 80 le système dual de la formation professionnelle a donné des effets positifs et permis
des performances au niveau d’un grand nombre de secteurs industriels et de services aux
entreprises. Ceci a été fait à travers des transitions entre l’école et le marché (particulièrement
efficaces, le taux de chômage en Allemagne est bas) et une homogénéisation des pratiques de
formation au sein des entreprises.
Le second est beaucoup plus nuancé car il consiste à mettre en exergue le phénomène
d’inégalité des conditions de la formation initiale entre les divers secteurs et ce malgré
l’intervention des acteurs sectoriels. Ceci ne peut que laisser transparaître des
dysfonctionnements structurels qu’il attribue à une économie capitaliste nonobstant les
pouvoirs importants dont jouissent les syndicats allemands.
Selon Swen Hildebrandt et Sigrid Quack2, les banques allemandes, « ont combiné
« apprentissage bancaire » et études universitaires », cela s’est concrétisé du fait que « depuis
le milieu des années soixante dix et notamment à partir de la première moitié des années
quatre-vingt, les banques et caisses d’épargne allemandes sont confrontées de manière
croissante à un changement structurel qui se traduit par le passage d’une politique de gestion
plutôt administrative à une politique de gestion agressive exigeant des connaissances
croissantes (Baethge et Oberbeck, 1986 ; Petit et Vernières, 1990) ».
Pour le cas Allemand, les deux auteurs indiquent également que « la formation
professionnelle aux métiers de la banque s’effectue jusqu’au milieu des années quatre vingt
dans les banques et caisses d’épargne allemandes au sein du système dual ».
Il s’agit selon eux « d’une formation initiale dispensée par les entreprises et réglementées par
l’Etat (Lutz, 1976) dont les contenus de formation font l’objet d’un processus de négociation
auquel participent les patrons, les syndicats et l’Etat.
135
Ces commissions siègent dans le cadre d’un institut fédéral de la formation professionnelle (BIBB) qui est chargé de
produire une expertise scientifique en matière de formation.
Ces commissions sont organisées sur le mode sectoriel et sont censées statuer sur les profils de formation professionnelle.
Elles constituent la principale innovation de la loi de 1969 et une avancée des positions de gauche sur deux plans.
118
Les 2/3 environs de la formation sont consacrés à un apprentissage sur poste de travail (on the
job training) et à un enseignement technique dispensé au sein de l’entreprise et 1/3 à un
enseignement théorique dispensé dans une école professionnelle publique ».
119
Pour les trois cycles, tous les candidats doivent justifier en plus, d’une année de service
effectif dans une banque ou un organisme assimilé.
L’enseignement aux deux cycles, élémentaire et moyen, est dispensé sous forme de cours
oraux pour les employés exerçant à Tunis et à Sfax (depuis le début de l’année 1976-77) et de
cours par correspondance pour les employés exerçant à l’intérieur du pays.
Les cours sont sanctionnés par deux examens, l’un au mois de février, l’autre au mois de juin.
L’enseignement de l’ITB est assuré sous forme de cours par correspondance, complétés par
des journées d’études organisées pour chaque matière inscrite au programme.
A la fin de la deuxième année est organisé l’examen final à Paris, car il s’agit avant tout d’un
diplôme français. Mais il est aussi envisagé aujourd’hui par les responsables de délocaliser
cette épreuve finale à Tunis.
Pour donner un aperçu du succès de cette formation à ses débuts nous allons nous appuyer sur
l’évolution des effectifs du centre et du type de diplômes décernés. Ces chiffres clés, qui
interviennent lors des premières années de mise en place des formations ont fait l’objet d’une
première quantification au niveau du rapport annuel de 1976, à savoir :
- l’accroissement progressif des salariés inscrits aux cours du centre. Leur nombre passe d’un
effectif de 182 en 1961-62 à un effectif de 660 étudiants en 1976-77.
- 193 diplômés du certificat de formation bancaire et 173 du diplôme de formation bancaire
depuis, la création du centre jusqu’en juin 1977.
- l’accroissement du nombre d’enseignants qui comprenait 33 professeurs au début de l’année
1975-76 et qui passe en 1976-77, avec la création de la section des cours oraux à Sfax, avec
40 enseignants.
Concernant le diplôme de l’ITB, nous passons d’un effectif de 39 inscrits pour la première
année qui a été organisée en 1971-72 à un effectif de 117 en 1976-77 toutes banques
confondues.
D’après les responsables de l’APTBEF, le conseil de cette même institution a décidé dans sa
réunion du 28/05/1976 d’accorder aux diplômés du centre les avantages de carrière suivants :
-Les employés ayant obtenu le certificat de formation bancaire bénéficient, du passage
automatique à une classe supérieure dans leur grade. Ils sont en outre autorisés à participer au
concours interne organisé pour le passage au grade de secrétaire principal.
C’est là une ouverture pour encourager les salariés à améliorer leur situation professionnelle,
même si cela dépend entièrement d’une volonté personnelle. En effet, sur le terrain c’est la
nécessité de service qui prime et les supérieurs hiérarchiques ne sont pas sensibilisés par
rapport à la réussite ou non de leurs salariés à ce genre de formation.
120
-Les employés ayant obtenu le diplôme de formation bancaire sont reclassés au grade de
rédacteurs après examen de leurs dossiers par la direction de leur banque.
Comme nous pouvons le constater, ce n’est qu’après la fin complète d’un cycle de formation
et l’obtention du diplôme que les salariés peuvent obtenir un reclassement au grade
immédiatement supérieur, mais quand il s’agit d’un simple passage de classe ou de niveau
seul un avancement d’une classe leur est alloué.
121
matière de gestion du patrimoine, de gestion financière, d’ingénierie financière et tous les
services destinés à faciliter les créations, le développement et la restructuration.
Par ailleurs et statutairement, on désigne par banques mixtes les banques commerciales ou de
dépôt dont l’actionnariat est partagé entre des actionnaires tunisiens (aussi bien publics que
privés) et des actionnaires étrangers. Il s’agit principalement des banques suivantes : BTKD,
TQB, BTE, BTL, STUSID BANK.
On désigne par Autres membres : les établissements financiers, les banques offshores (NAIB,
BEST BANK), les banques d’affaires (BAT,) et les sociétés de recouvrement.
Il reste à souligner que le secteur bancaire tunisien est passé par d’importantes mutations.
Ainsi, nous pouvons tout d’abord citer la fusion de la Société Tunisienne de Banque (STB)
avec la Banque de Développement Touristique (BDET) et la Banque Nationale de
développement Touristique (BNDT).
Il vient ensuite le partenariat récent entre plusieurs banques tunisiennes et des banques
étrangères comme l’UBCI et la BNP ou encore l’Union Internationale de Banque et la Société
Générale.
Mais, il existe également l’acquisition, tout récemment, par le groupe Banco do Santander et
Ettijari Wafa Bank d’une majorité dans le capital de la Banque du Sud (devenue récemment
la Attijari bank).
En fait, ce processus de libéralisation et d’ouverture des banques à la concurrence avait
commencé depuis plus de cinq ans, avec la promulgation d’une loi permettant aux banques de
sortir de leur cloisonnement et donc d’un système bancaire compartimenté.
Avant cette loi, il existait une répartition entre banques de dépôts, banques de développement,
banques offshore, et banques d’affaires avec d’autres institutions financières.
Actuellement, c’est le concept de banques universelles qui prévaut, car chaque institution
bancaire peut toucher à toutes les opérations bancaires et opérer dans tous les domaines, il
n’existe pas de domaine réservé et l’ancienne répartition devient caduque.
Au niveau du secteur bancaire allemand, les banques allemandes sont supervisées par la
banque centrale allemande (Deutsche Bundesbank) et classées en deux catégories.
Il existe d’une part, les « banques universelles « (Universalbanken) qui exercent une
multitude d’activités et d’opérations bancaires qui peuvent être pour certaines opérations sous
le contrôle et la tutelle de l’office fédéral de surveillance (Bundesaufsichtsamt für das
Kreditwesen).
Elles se répartissent selon trois catégories, à savoir :
122
- Les banques commerciales privées (private Geschäftsbanken), qui comptent parmi elles les
quatre « grandes banques » (Bayerische Hypo- und Vereinsbank AG, Commerzbank AG,
Deutsche Bank AG, Dresdner Bank AG), les banques régionales, les banques d’affaires, les
filiales de banques étrangères et d’autres banques de crédit
- Les coopératives de crédit ou banques coopératives (genossenschaftliche Kreditinstitute),
comme les banques populaires (Volksbanken), banques de crédit mutuel agricole
(Raiffeisenbanken), et caisses centrales de coopératives de crédit, spécialisées dans le crédit à
court terme
- Les banques de droit public (öffentlich-rechtliche Kreditinstitute), à savoir, les caisses
d’épargne (Sparkassen) et les centrales de virement (Gironzentralen ou Landesbanken) qui
sont les banques centrales des caisses d’épargne et qui demeurent sous le contrôle de l’Etat.
Mais, il y a également d’autre part, des banques spécialisées (Spezialbanken) qui se
concentrent sur des services bancaires spécifiques et qui se répartissent comme suit :
- les organismes de crédit immobilier qui accordent des crédits à long terme garantis par une
hypothèque, à savoir les banques hypothécaires (Realkreditinstitute), les caisses d’épargne-
construction (Bausparkassen), les banques de crédit maritime (Schiffsbanken), les banques
directes ainsi que les sociétés de placement de capitaux (Kapitalanlagegesellschaften). Ces
établissements spécialisés sont pour la plupart liés par contrat ou par des participations
financières aux banques multiservices.
- les instituts de crédits spécialisés de droit public comme le crédit foncier (Grundkredit) et les
centres de chèques postaux (Postscheckämter).
123
Par ailleurs, il existe un autre acteur majeur dans le secteur bancaire allemand, en l’occurrence
les associations allemandes de banques, qui s’occupent de la formation et du conseil de leurs
membres en matière économique et juridique et dont les plus importantes sont :
- la « Bundesverband deutscher Banken » (BdB) qui rassemble 280 banques privées,
- la « Bundesverband der Deutschen Volksbanken und Raiffeisenbanken » (BVR) réunissant
2.700 banques populaires et crédits mutuels agricoles,
- la « Deutsche Sparkassen- und Giroverband » (DSGV), avec 600 caisses d’épargne,
- la « Bundesverband Öffentlicher Banken Deutschland » (VÖB) rassemblant des
établissements de crédit de droit public.
Nous pouvons ici sur la base de divers sources documentaires, comme le rapport de l’année
1976, premier rapport qui donne un aperçu sur le volet social et notamment les effectifs
bancaires, dresser un état des lieux de l’évolution de la population bancaire et/ou force de
travail dans les banques tunisiennes dans un cadre diachronique. En effet, même si nous nous
sommes concentré sur les données chiffrées relatives aux premières années d’activité des
banques tunisiennes (1971-1976), nous pouvons établir un rapprochement avec des données
plus récentes (1991-2007) afin d’avoir une idée plus précise des tendances qui se dessinent,
comme il a été démontré à la page 46, soit un gonflement de la population des cadres (5115),
un vieillissement (tranche 36-50), et une prédominance de la population masculine (66,22%).
136
Etude du Conseil national de crédit, (1989), Cossalter., (1990), Hildebrandt., (1993).
124
« BMTP » en mettant en exergue les évolutions entre 1981/82 et 1992/93 dans les différents
cycles de formation.
Tableau 10 : Evolution des effectifs formés (inscrits) 1981-1992
ANNEE 1981/82 1986/87 1992/93
CYCLE Nombre Progression* Nombre Progression*
Elémentaire 322 306 -4,97 % 338 4,96 %
Moyen 340 381 12,06 % 447 31,47 %
Supérieur 128 166 29,69 % 253 97,65 %
Total 790 853 7,97 % 1038 31,39 %
*Par rapport à 1981 Sources : Rapports annuels de l’APBT de 1982, 1988, et 1994
Comme nous pouvons le constater la progression la plus importante est celle relative aux
diplômés du supérieur durant la période des premières années quatre vingt dix qui est en
rapport avec les recrutements massifs qui ont eu lieu au niveau du secteur bancaire tunisien.
Toutefois, et si nous nous intéressons au taux de réussite par rapport aux inscrits, nous
pouvons remarquer ci-dessous que l’effectif le plus important est celui du personnel inscrit
aux cours élémentaires (CFB) qui compte pour l’année 1991/92 une population de 144
personnes, même si c’est celui qui affiche le taux de réussite le plus faible, à savoir 60,7 %.
Nous pouvons également constater que le cycle de formation supérieur (DESB) est celui qui
compte le moins d’inscrits par rapport aux deux autres cycles d’études alors même que c’est
celui qui enregistre les meilleurs taux de réussite.
Tableau 11 : Evolution des effectifs inscrits 1989-1992 (Pour les trois cycles)
1989/90 1990/91
ANNEE CYCLE Inscrits 1 Abandon 2 Admis 3 Taux 3/1-2 Inscrits Abandon Admis Taux
ElémentaireCFB 62 6 44 78,6% 87 7 45 56,3%
MoyenDFB 53 2 29 56,9% 52 - 31 59,6%
SupérieurDESB 21 0 6 28,6% 31 3 13 46,4%
1991/92
ANNEE CYCLE Inscrits Abandon Admis Taux
Elémentaire CFB 144 8 84 61,8%
Moyen DFB 57 1 34 60,7%
Supérieur DESB 27 3 16 66,7%
125
Cependant, si nous considérons le nombre d’inscrits par rapport à la population bancaire,
ventilé par niveau, nous pouvons remarquer dans le tableau ci-après que durant les deux
années 1990 et 1991, ce nombre est en augmentation, même si c’est relativement la
population des inscrits du cycle moyen qui est la plus importante.
Or, c’est bien cette même catégorie qui régresse le plus par rapport aux inscriptions des autres
disciplines et en part relative entre ces deux années, étant donné que le taux de progression
passe de 14,02 % à 13,63 %.
Tableau 12 : Inscriptions CFPB (toutes années) par rapport aux populations bancaires
correspondantes* (Toutes banques)
D’après le rapport annuel de l’APBT de 1976137, « le système mis en place par la profession
bancaire a sûrement joué un rôle important en répondant aux besoins d’un secteur qui n’a
cessé de se développer depuis l’indépendance de la Tunisie ».
Au sens du rapport, le système mis en place a été d’abord géré par la Banque Centrale de
Tunisie, et a été ensuite pris en charge par l’Association Professionnelle des Banques dès sa
constitution (1974).
Il n’a donc cessé de fournir une formation bancaire à des employés issus du système
secondaire ou universitaire, qui ne leur a pas dispensé cette formation.
C’est d’ailleurs un exemple quasi unique d’une profession ayant assuré, par elle-même, la
formation qu’elle a jugé utile et adéquate, pour satisfaire des besoins quantitatifs importants.
137
Premier rapport annuel de l’APBT retraçant l’activité de formation au sein des banques
126
Par ailleurs et d’après le rapport d’activité de l’APBT pour l’année 2005, c’est dans le cadre
de la révision des conventions collectives, que le comité composé de certains Présidents de
Banques a mené avec les partenaires sociaux des négociations sociales relevant des aspects
réglementaires, qualitatifs et quantitatifs.
Ce même rapport indique que « les négociations, qui ont démarré en Avril 2005 avec les
représentants syndicaux (Fédération Générale des Banques et des Etablissements Financiers),
ont abouti à la conclusion en décembre 2005 d’un accord pour une période de 3 ans ».
Ce round des négociations est intervenu après de longues années d’attente affirment les
salariés qui jugent que les employeurs du secteur sont restés trop longtemps avant de réagir et
d’accepter ces négociations.
Selon le rapport, « cet accord a concerné notamment, une augmentation des salaires, une
amélioration des conditions d’octroi des crédits sociaux et l’institution d’une grille
complémentaire au profit des employés ayant le grade de chef de Section Hors Classe ».
138
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, « France-Allemagne, La gestion des ressources humaines dans le secteur bancaire »,
in Formation Emploi, N° 54, 1996, p55.
127
entreprises ainsi que de jeunes employés de banque qui, le cas échéant, pouvaient bénéficier
d’une formation supplémentaire ».
Ceci contribuait à diminuer les recrutements directs et permettait ainsi de consolider la
formation interne car les salariés pouvaient obtenir une promotion du seul fait de la réussite
aux formations internes diplômantes.
Dans les banques tunisiennes, le quota d’employés qualifiés était faible en raison notamment
de la politique de recrutement et de formation qu’elles avaient menée dans les années soixante
et soixante dix, mais cela a commencé à s’améliorer durant les années quatre vingt et quatre
vingt dix.
Ainsi, dans le domaine de la politique du personnel cet « héritage historique » a conduit à des
évolutions différentes que nous allons maintenant étudier en prenant, pour le cas des banques
allemandes, l’exemple des chargés d’affaires spécialisés dans le conseil aux PME.
Selon les deux auteurs, « dans la plupart des banques allemandes interrogées les chargés
d’affaires accèdent à leur poste par la promotion interne. Parallèlement, les banques recrutent
aussi effectivement des diplômés de l’université, leur part n’excède pas 15 à 20%, mais leur
nombre s’est toutefois accru ces dernières années dans tous les établissements de crédit ».
Pourtant, même si ce mouvement est réel et en voie de développement aujourd’hui, il est à
remarquer que ce phénomène de recrutement de jeunes diplômés du supérieur touche aussi
bien les banques tunisiennes qu’allemandes que ces dernières soient des établissements
publics ou privés.
Toutefois, pour le secteur bancaire tunisien très influencé par les pouvoirs publics c’est la
banque publique qui accapare la part la plus importante en termes d’effectifs bancaires
diplômés d’où un taux d’encadrement plus élevé que celui des banques privées.
Mais actuellement la même tendance que les banques allemandes prend de plus en plus de
poids en Tunisie, étant donné que les banques privées tunisiennes s’activent davantage à
recruter des jeunes diplômés du supérieur, voire également à proposer à des cadres de banques
concurrentes et publiques de rejoindre ses effectifs.
En effet, pour le cas allemand, et d’après Swen Hildebrandt et Sigrid Quack139 « ce sont
notamment les grandes banques privées qui comptent apparemment le plus grand nombre de
139
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, ibid.
128
diplômés de l’université, avec environ 30% des nouveaux chargés d’affaires qui sont titulaires
d’un diplôme universitaire (spécialement des diplômes en gestion)140.
En raison de la complexité croissante et des exigences du suivi de la clientèle d’entreprise en
matière théorique et analytique, les banques comptent sur une augmentation de la part des
diplômés de l’université.
Aussi, regardant l’intégration des jeunes recrues au sein des banques, les deux auteurs
précisent que « pour la majeure partie de ces banques, les diplômés en question ne sont pas
forcément les meilleurs conseillers. D’une part, ils sont bien souvent incapables de mettre en
pratique leurs connaissances. D’autre part, les opérations de crédit sont comme par le passé
une question d’expérience, une expérience qu’on ne peut acquérir que par une pratique de
plusieurs années ».
Ces éléments sont à même de valoriser les seniors qui peuvent transmettre leurs
connaissances et leur expérience aux jeunes débutants.
Mais, ce qui complique ces relations professionnelles et intergénérationnelles est inhérent au
rapport existant tout d’abord entre salariés jeunes et seniors, et ensuite entre salariés (jeunes et
seniors) et employeurs.
De plus, certaines qualités personnelles et relationnelles comme la capacité à communiquer et
à s’intégrer sont très prisées aujourd’hui.
Toutefois, aussi bien dans le cas des banques tunisiennes que celui des banques allemandes,
très peu de chargés d’affaires (et employés du service crédit) qualifiés et expérimentés, venant
d’autres banques, ont été recrutés.
Ceci témoigne de la grande stabilité et force du marché interne, car les salariés du secteur sont
souvent fidèles à leur banque et y détiennent souvent une ancienneté moyenne qui dépasse les
quinze ans.
Dans les grandes banques universelles tunisiennes, la part importante des diplômés
universitaires s’explique par les besoins croissants en collaborateurs hautement qualifiés
affectés au nouveau marché concurrentiel.
Il est aujourd’hui exigé d’un diplômé tunisien de l’enseignement supérieur des qualités de bon
vendeur (caractère commercial) et des qualifications bancaires acquises à l’université.
140
Les caisses d’épargne allemandes ont une part de marché importante dans les transactions avec les PME, ont une position
intermédiaire. Dans les banques mutualistes et coopératives, le pourcentage de diplômés universitaires était jusqu’à
maintenant faible, parfois seulement 5%.
129
Les programmes de stage ou « trainee programs » mis au point aussi bien par les banques
tunisiennes qu’allemandes à l’intention des jeunes diplômés de l’université ont plusieurs
points communs.
En Allemagne, le passage et la formation intensive au sein du service crédit constitue un point
fort de cet apprentissage aussi bien pour les employeurs que pour les salariés eux mêmes.
Il est également important de signaler que dans la plupart des banques allemandes, les jeunes
universitaires, au terme de leur formation sont d’abord affectés pendant un à deux ans au
service Crédit comme simples employés avant de passer chargés d’affaires de PME débutant.
Il n’en est pas de même en Tunisie où immédiatement après le « programme de stage », les
jeunes recrues ont la charge de suivre la gestion d’un portefeuille clients qu’ils assumeront
seuls après avoir été supervisés par un senior, même si cela ne leur confère aucun pouvoir de
décision pour autant, étant donné la centralisation extrême des décisions.
Ainsi, alors que les jeunes banquiers tunisiens peuvent accéder après un an à la gestion d’un
portefeuille clients, leurs « homologues » allemands doivent comme le soulignent les deux
auteurs attendre 3 à 4 ans avant d’accéder au même poste.
Pour appuyer l’idée d’un recrutement de plus en plus important de diplômés universitaires et
montrer le cheminement que poursuivent ces derniers nous pourrons produire un tableau
développé à partir d’éléments soulevés par les deux auteurs141 concernant la partie allemande
tout en le complétant par la partie tunisienne, et ce au niveau du chapitre 3, (p361).
Ceci permettra ainsi, d’établir une comparaison de l’évolution de carrière des salariés des
banques tunisiennes et allemandes depuis le niveau de recrutement jusqu’à l’affectation et la
formation.
141
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, « France-Allemagne, La gestion des ressources humaines dans le secteur bancaire »,
in Formation Emploi, N° 54, p 55.
130
2.4.1 Anciennes caractéristiques générales de la formation
Pour pouvoir établir une description de ces anciennes caractéristiques générales,
correspondant à l’ancien mode de formation et/ou de la transmission des connaissances au
sein de la banque publique tunisienne, un nécessaire retour vers le passé s’impose.
Les anciennes caractéristiques générales de la formation et/ou de transmission des
connaissances correspondent à la pratique de la formation dans les années soixante, période
de l’après indépendance, celle ci ayant eu lieu en 1956. En effet, pour comprendre le système
de transmission des savoirs entre seniors et jeunes dans la banque tunisienne, il faut revenir à
la période de l’indépendance de la Tunisie, c'est-à-dire le moment initial où ont été instauré
les premières banques publiques et leurs services de formation, soit fin 59 et début des années
60. On parle à cet effet, du mode traditionnel de formation et de transmission des
connaissances dont il convient de dresser un bref aperçu.
Les sources sur lesquelles nous nous sommes basés sont aussi bien formelles, documentaires
et issues des rapports annuels de l’Association Professionnelle des Banques de Tunisie,
qu’informelles et issues de témoignages et des différents entretiens que nous avons pu avoir
avec des anciens et seniors de la banque et du secteur en général.
Ainsi, on apprend que ce mode traditionnel de transmission empruntait les voies suivantes.
Il existait initialement, et après le recrutement, pour le personnel affecté aux structures
d’exploitation (agences), un stage de formation sur le tas en agence et dans les départements
concernés avec une tournée des différents services jugés importants pour la banque
(département crédit, et étranger, trésorerie, les métiers purement financiers et bancaires).
En revanche pour le personnel affecté aux structures de production et de soutien (directions
centrales), il n’y avait qu’une formation sur le tas.
Les formations externes comme les séminaires en Tunisie et/ou à l’étranger étaient très rares
aussi bien pour les uns que pour les autres.
Un embryon de l’Association Professionnelle des Banques, équivalent de l’AFB existait au
lendemain de la création de la banque centrale de Tunisie et ce dès le début des années 60.
Il est crée à l’initiative de cette dernière et reste géré par elle jusqu’en 1974 date à laquelle le
centre dispose alors d’une entité propre.
Toutefois, la formation au sein du centre de formation professionnelle qui avait été crée à
cette époque là, existait. Le centre prodiguait des cours au personnel non diplômé qui
souhaitait améliorer ses connaissances et sa position au sein de la banque était déjà à l’œuvre.
131
Il existait donc les cours bancaires du centre puis la formation « rédacteur » avec un grand
oral.
Ces études n’étaient pas obligatoires mais facultatives, elles dépendaient du choix de
l’intéressé, comme déjà énoncé, mais pas entièrement, dans la mesure où il devait comme le
veut encore la pratique actuelle toujours y avoir l’accord du supérieur hiérarchique et
l’autorisation de la Direction Générale.
Pour le personnel, il y a donc toujours cette pression, ce genre de « paternalisme » ou de
« souveraineté » qui implique que pour chaque action, l’on doive demander des agréments,
obtenir des autorisations qui entrent dans le cadre de règlements.
Autrement dit il n’y a pas de choix exclusivement personnel mais plutôt un choix conditionné
et dépendant du bon vouloir des supérieurs hiérarchiques.
De même pour la transmission des connaissances, il était recommandé d’entrer dans le cadre
d’un protocole interne de négociation qui favorise cette transmission.
En effet, dans les textes et règlements en vigueur il n’était indiqué dans aucun texte ou écrit,
que l’on devait assister ou former du personnel, cela ne faisait pas partie des priorités du
moment.
Donc ce sont des tâches informelles qui venaient en complément du travail quotidien pour
lequel on était responsabilisé et surtout contrôlé.
C’est d’ailleurs ce que nous indiquait un senior qui nous précisait qu’il transmettait son savoir
et ses connaissances aux jeunes beaucoup plus pour les aider à titre personnel et dans leur
insertion que pour rendre service aux responsables de la banque.
Cela nous a interpellés, car nous ressentions là le fait que ce dernier en avait après cette
construction organisationnelle, cette pyramide et surtout ses dignes représentants que sont les
employeurs et leurs représentants, les responsables hiérarchiques.
Il voulait donc se conformer aux instructions et au respect des règles formelles existantes,
mais permettait, par son attitude presque altruiste, une ouverture aux jeunes, puisqu’il se
projetait en eux et nous affirmait vouloir les aider à s’insérer.
En fait, il ne se rendait pas compte qu’en rendant service aux jeunes, il rendait également
service à la banque et par effet de retour aux employeurs.
Ces derniers souhaitant que les jeunes soient le plus rapidement opérationnels afin qu’ils les
aident à évincer les seniors, qui coûtent de plus en plus cher et deviennent de moins en moins
facilement adaptables du fait de leur aversion au changement et aux innovations
technologiques.
132
Ceci est certes honorable pour ce senior, il a même beaucoup de mérite car il pourrait
effectivement s’en tenir à ses attributions uniquement, d’autant plus que cette activité n’est
pas reconnue par la banque, et qu’elle ne sera donc pas rétribuée.
Plusieurs seniors affirment même, « c’est aux jeunes de faire des efforts, à l’image de ce que nous
avons vécu lorsque nous étions dans la même situation, et ils ne doivent pas compter sur nous pour leur
apprendre le travail ».
Ils indiquent que cela ne peut leur créer que des désagréments car les jeunes vont les retarder
dans leur travail quotidien mais aussi dans leurs projets personnels, tout en ajoutant qu’ils
n’ont pas été formés pour transmettre leurs connaissances.
Toutefois, l’idée de devenir formateur leur est plaisante, car cela leur donnerait un nouveau
statut.
De plus, certains percevaient ces jeunes comme une réelle menace étant donné que pour eux
ils étaient déjà bien gradés et diplômés, alors que ces derniers ne l’étaient pas et s’en
voulaient de ne pas être allés plus loin dans les études, même s’ils reconnaissent que ce qui
importait plus à l’époque c’était un travail sûr.
Pour eux, former ou transmettre leurs connaissances à ces jeunes ne ferait qu’augmenter la
fracture interne où le fossé entre eux et ces jeunes pour lesquels ils n’auront plus de secrets
voire plus rien à transmettre.
C’est donc en quelque sorte un enjeu de pouvoirs qu’il faut savoir utiliser avec modération.
Ainsi, il est perceptible que les connaissances clés seront gardées pour les moments difficiles,
pour une négociation gagnant-gagnant, car ils savent pertinemment que s’ils transmettent
leurs connaissances, la Direction Générale, autrement dit l’employeur (et/ou le groupe des
supérieurs hiérarchiques) peut leur demander, voire même exiger qu’ils soient aussi
performants que les jeunes.
Or, ces derniers sont plus diplômés, plus familiarisés et plus à l’aise avec l’outil informatique
qui est du reste de plus en plus exigé en entreprise, avec des programmes et des logiciels de
plus en plus sophistiqués qui exigent des pré-requis que les seniors peuvent souvent ne pas
avoir.
De plus, les jeunes sont plus enclins à accepter des tâches difficiles car ils se trouvent en
phase d’insertion, alors que les seniors feront prévaloir l’ancienneté et les acquis qu’il est très
difficile de renégocier.
En effet, le candidat qui réussissait ses études bénéficiait dans ce cadre d’une promotion et
pouvait donc plus facilement accéder à la catégorie des cadres, l’appellation exacte étant
133
« Personnel d’encadrement » qui pouvait dans beaucoup de cas entraîner un changement
d’affectation.
Toutefois, beaucoup ne changent pas et préfèrent rester dans leur affectation pour plus de
confort et de facilité puisqu’ils maîtrisent déjà le travail à faire.
La formation sur le tas, avec un apprentissage pratique, devait se faire sous la supervision de
personnes, véritables tuteurs, pouvant attester d’une certaine expérience et d’une ancienneté
significative dans le poste occupé.
Il s’effectuait très peu de rotation, étant donné qu’il s’agissait d’une période cruciale,
« d’après indépendance » du pays et de mobilisation générale pour l’intérêt général, le souci
était la maîtrise des opérations.
De plus, les évolutions financières et technologiques n’étaient pas aussi rapides et les
personnes n’éprouvaient pas de besoins particuliers de changement professionnel mais plutôt
une recherche effrénée de sécurité de l’emploi.
Aussi, il n’existait pas encore de mondialisation et l’ouverture à l’international était timide.
Pour les banques publiques, il prévalait aussi un certain cloisonnement entre les services afin
de soutenir une volonté de spécialisation par activité et type de métier avec une volonté ferme
de stabilisation du personnel en place.
Ceci fait que chaque employé était concentré sur son métier et ignorait l’étendue du métier de
son collègue du département d’à côté et cela continue à être le cas même s’il existe
aujourd’hui une volonté forte d’augmenter la polyvalence des uns et des autres pour améliorer
l’employabilité interne et faire face à cette mondialisation dans laquelle entrent
progressivement les banques tunisiennes.
Durant les premières années de création des banques tunisiennes, avant la mondialisation, la
formation n’était pas formalisée et concernait toute nouvelle recrue car elle s’effectuait sur le
tas. Les connaissances devaient être transmises « naturellement » sur le lieu de travail et de
manière informelle.
Toutefois, une distinction était faite quant au contenu de la formation, suivant que le nouveau
recruté était diplômé ou non.
Ainsi, il existait une segmentation de la formation et/ou de la transmission des connaissances
suivant la qualification et les diplômes, comme nous l’avons énoncé plus haut.
La population des « maîtrisards » (titulaires d’une maîtrise) était très prisée, car elle était
considérée comme une denrée rare à cette époque postcoloniale. Ils bénéficiaient d’une
tournée dans les différents services car ils pouvaient être amenés à prendre des responsabilités
au niveau de la banque.
134
2.4.2 Les nouvelles caractéristiques générales de la transmission des
connaissances
2.4.4 Les nouveaux modes de formation ne sont pas exclusifs des anciens
Selon les personnes interrogées, le nouveau mode de transmission des connaissances au sein
de la banque se fait pour une large part selon l’affectation prévue du personnel diplômé. Pour
le cas spécifique de la dernière décennie (2000-2010), les recrutements de personnel non
diplômés sont devenus de plus en plus rares.
Ainsi, pour les banques publiques, le personnel exploitant à affecter au niveau des agences
doit maîtriser parfaitement les diverses opérations bancaires même si la spécialisation par
poste doit s’opérer sur place.
Il doit donc être formé dans le cadre de la formation « futur cadre d’exploitation » ou « futur
chef d’agence » au sein du centre de formation intégré de la banque en question, puisque la
136
plupart disposent aujourd’hui de leur propre centre de formation intégré avec des animateurs
« maison », à plein temps ou à temps partiel.
Par ailleurs, il existe aussi une sélection parmi les types de diplômes ou d’établissements, car
pour les diplômés de l’Institut de financement et de développement du Maghreb (IFID) ;
institut regroupant les pays membres de l’UMA (Union du Maghreb Arabe) ; les diplômés qui
sont détenteurs d’un troisième cycle bénéficient d’une formation assez conséquente.
Celle-ci comprend des stages de formation pratique au niveau des départements clés de la
banque avec un rapport de stage et une affectation dans un département où le candidat pourra
faire carrière, à l’image des énarques qui ont une carrière toute tracée.
Il existe même certains encouragements de la plupart des ministères, étant donné que le
ministère de la formation professionnelle et de l’emploi effectue par exemple une ristourne
sur les émoluments versés au personnel du département formation de la banque.
Pour le secteur bancaire, il est à noter que la création de l’Association Professionnelle des
banques de Tunisie a répondu à un besoin structurant car elle regroupe toutes les banques de
la place.
Cette structure organise le débat au sein du secteur bancaire avec les différents intervenants
essentiellement en matière de formation mais aussi en rapport avec la stratégie de la branche.
C’est elle qui prodigue dans ses locaux la formation diplômante de l’ITB (du CNAM,
l’examen final s’effectuant à Paris) et les formations internes pour l’accès au grade de
rédacteur pour le personnel non diplômé de l’enseignement supérieur.
Sa dénomination sociale est devenue la Maison du banquier, qui est un peu l’équivalent de
l’AFB (ou le CFPB) en France.
Toutes les banques y sont représentées et y participent financièrement.
Le personnel de chaque banque pourra donc disposer de la même formation mais la
reconnaissance interne de chaque banque et les conditions d’accès aux formations diffèrent
d’une banque à l’autre.
L’exemple typique qui a été donné est celui des conditions d’accès pour poursuivre la
formation ITB. En effet, l’autorisation pour pouvoir poursuivre ces études n’est donnée que
par accord écrit du supérieur hiérarchique.
Elle reste également conditionnée à un critère d’ancienneté minimale de 3 à 6 mois pour les
banques privées et de 3 à 4 ans pour les banques étatiques.
Concernant la reconnaissance, c’est le fait qu’une formation diplômante de l ’ITB,
sanctionnée par une réussite et l’obtention du diplôme donnera droit à un reclassement au
grade immédiatement supérieur à chaque année de réussite pour certaines banques privées.
137
Ce qui n’est pas le cas pour les banques publiques qui offrent uniquement un grade après les
trois ans de formation réussies.
Ceci est intéressant quand on sait que le diplôme comptait trois années de formation réussies,
avant le nouveau régime qui le réduit à deux années de formation réussies. D’où des
évolutions de carrière plus rapides dans certains cas par rapport à d’autres.
Les nouvelles façons de faire ne sont pas exclusives des manières traditionnelles de
transmettre les connaissances de génération en génération, tant il est vrai comme l’indique
Marnix Dressen que « le mythe de la tabula rasa est un stéréotype » 142.
La formation sur le tas existe toujours et pour les diplômés les plus-en vue une supervision
par des anciens est toujours pratiquée, ce qui atteste de leur nécessité en tant que relais pour
un bon passage de flambeau.
D’après les répondants, il y a même manifestement un tuilage qui s’opère en interne.
C’est d’ailleurs pour cela que pour certains, les manières traditionnelles de transmission des
connaissances restent maintenues pour une grande part des nouvelles recrues même si l’on
agrémente ce transfert par l’apport des nouvelles technologies.
Par exemple, au niveau de l’ITB, lors de la préparation à l’examen oral pour l’examen final, il
a été procédé à l’introduction de la méthode audiovisuelle (avec enregistrement vidéo et
discussion relative à l’attitude comportementale).
De plus, pour les formations internes propres à chaque banque nous pouvons constater la
création de centres de formations intégrés dans les différents départements de formation en
vue de donner leur propre empreinte aussi bien en matière de formation que de culture propre.
En effet, la culture maison est censée raffermir le sentiment d’appartenance à la même
institution pour le personnel et mobiliser les troupes pour un intérêt commun, « l’intérêt de la
banque ».
En fait, le plus dur est le passage d’une culture de cloisonnement longtemps pratiquée à la
banque à une culture du partage et à des projets transversaux, où l’implication personnelle est
recherchée.
Cela ne peut pas se faire par la touche d’une baguette magique mais requiert des efforts
soutenus des différents chefs de département. Ces derniers sont porteurs du discours et de la
volonté de la direction générale dont ils ont la charge de décliner le message et la stratégie
recherchée.
142
Dressen Marnix, « Formation professionnelle & néocorporatisme dans la banque en France au vingtième siècle »,
Université Louis Lumière Lyon, HDR, 2005.
138
D’où des efforts en matière de communication interne et une réorganisation qui diminuera les
niveaux hiérarchiques et vulgarisera les rapports entre subalternes et supérieurs hiérarchiques
avec la volonté de créer des collaborateurs qui devront participer à l’intérêt de la banque.
Le système de transmission des connaissances est longtemps resté tributaire d’un mode de
communication et d’information informel, car il existe, au sens de Nonaka et Takeuchi, des
connaissances tacites et des connaissances explicites.
Le plus dur est d’identifier ces connaissances tacites ou implicites, de les classer par ordre
d’importance (connaissances clé), et de les codifier.
Ceci sous-entend la participation et le consentement des seniors qui en sont détenteurs,
véritables gardiens du temple.
Pourtant, des stratégies « qualité » ont été initiées en ce sens par les employeurs, mais n’ont
pas aboutit, car comme l’indique Jérôme Gautié, « codifier leurs connaissances équivaut pour
les seniors à perdre une grande part de leur pouvoir », c’est donc un enjeu de pouvoir entre les
uns et les autres qui se cristallise ici.
Ainsi, même s’il existe un niveau minimum, qui permet d’être rapidement opérationnel, il ne
permet pas une compréhension globale de tous les mécanismes et rouages bancaires.
Pour y parvenir, les jeunes répondants nous indiquent que les conseils prodigués par les
seniors sur le lieu même de travail sont d’une importance capitale et permettent une formation
plus pertinente et approfondie.
Or, même si les nouvelles conceptions et les nouveaux outils de la formation sont plus
sophistiqués (formation à distance, et utilisation de canaux comme l’intranet, etc…) ils ne
peuvent en aucun cas ignorer l’ancien mode d’acquisition des connaissances beaucoup plus
informel et plus personnalisé. Il permet de donner les ficelles du métier autrement dit les
raccourcis, les non dits qu’il faudrait beaucoup de temps à décrypter et décoder.
On remarque d’ailleurs que c’est lors de ces échanges que des liens se tissent entre les
différentes catégories de personnel et qu’un réseau interne de relations peut être plus
facilement entretenu.
C’est comme l’indique David Courpasson143 ce qui pousse Segrestin (1980) à avoir au fond
une vision très culturelle de la communauté professionnelle, en ce qu’il indique que « c’est
elle qui permet l’intégration du travailleur, à travers un héritage culturel, une tradition qui
peut constituer un véritable bien collectif pour les travailleurs ».
143
Courpasson David, « La modernisation bancaire », Sociologie des rapports professions marchés, L’Harmattan, Logiques
Sociales, 1995, p59.
139
2.5 La formation professionnelle dans le secteur bancaire tunisien
Selon Chadia Bani directeur de la formation à la Banque Centrale de Tunisie, « le secteur
bancaire assume une très lourde responsabilité en matière de développement de l'Économie
Nationale et il ne peut être à la hauteur de cette très importante charge que s'il se dote des
meilleurs moyens pour assurer la formation et l'épanouissement de ceux qui travaillent en son
sein pour obtenir des gains substantiels en termes de productivité et de rentabilité ».
Or, même si l’idée d’épanouissement est citée il est rare qu’elle soit au rendez-vous étant
donné l’important arsenal de règles inscrites à l’actif de l’activité bancaire et l’écrasante
domination des supérieurs hiérarchiques par rapport au reste des salariés
Par ailleurs, elle précise que « les mutations profondes que connaît l'environnement
aujourd'hui où la banque devient plus une société de services qu'une société de crédit en
passant du traitement d'opérations simples à la vente des services et des conseils complexes,
rendent impératif, la modernisation de la formation dans le système bancaire en tant que
facteur fondamental d'une stratégie de développement à trois niveaux complémentaires : le
niveau national, le niveau sectoriel et le niveau de l'Institution bancaire ». Ceci ne fait que
confirmer que l’appareil de formation au sein de ce secteur d’activité est assez archaïque et
qu’il peut ne pas répondre aux exigences des salariés à qui les employeurs demandent
davantage d’efforts sans pour autant qu’il n’y ait d’amélioration salariale ou une formation en
rapport.
Un descriptif de la formation bancaire peut être présenté à partir du rapport annuel de
l’APBT, et des actes des journées d’études sur la réforme de la formation bancaire
Maghrébine144, qui selon Chadia Bani recoure à trois grands types de formation, à savoir :
- La formation interbancaire du CFPB (avec les trois cycles d’études).
- La formation interne (au sein des centres de formation intégrés des banques)
- La formation externe locale, et étrangère (au niveau des séminaires organisés par des
cabinets de formation qui sont souvent des organismes privés).
La formation interbancaire au sein du CFPB de l’APBT
Dans le cadre de ses activités l'Association Professionnelle des Banques de Tunisie (A.P.B.T)
gère le Centre Professionnel de la Formation Bancaire (CFPB) du secteur et organise des
séminaires de formation.
144
Document APBT relatif aux actes des Journées d’études sur la réforme de la formation bancaire Maghrébine organisées
par l’APBT à Tunis, les 25 et 26 Mai 1993, édition 1994.
140
L'enseignement du Centre est organisé en trois cycles d'études ouverts aux employés titulaires
des institutions financières. Le premier cycle ou cycle élémentaire dispense une formation de
base garantissant une culture économique minimale d'une durée de 3 ans, il débute par une
année préparatoire et continue avec deux années d’études (AP, A1 et A2).
Il est ouvert aux employés du niveau de 6ème, ou 7ème année secondaire (60 à 80 %
Math/Sciences et 20 à 40% autres sections).
Il est sanctionné par le certificat de formation bancaire et donne accès au deuxième cycle
d’études (le cycle moyen) si la moyenne générale obtenue est > ou égale à 12/20.
Le second cycle ou cycle moyen consolide la culture économique avec une ouverture sur
l'environnement de l'entreprise. Il est ouvert aux employés ayant obtenu le certificat de
formation bancaire avec une moyenne supérieure ou égale à 12/20 et aux titulaires du
baccalauréat ou d'un diplôme équivalent II comprend quatre années d'études (nous passons de
la première année, dite année probatoire B1 à trois autre années d’étude, B2, B3, B4) qui sont
sanctionnées par le Diplôme de Formation Bancaire.
Quant au cycle Supérieur, il vise à développer l'esprit de conception et l'orientation
stratégique de l'activité bancaire, tout en renforçant la maîtrise des techniques bancaires.
D'une durée de trois ans, (allant de la première année ITB à la deuxième puis troisième année
ITB) il est ouvert aux diplômés du Centre ayant obtenu une moyenne générale supérieure à
12/20, ainsi qu'aux cadres titulaires d’un DEUG, ou d'une Licence de l'enseignement
supérieur ou de tout autre diplôme supérieur.
Toutefois, la durée des études est remise en question aujourd’hui du fait d’une réforme qui a
permis de réduire à deux années le nombre d’années requises pour pouvoir passer l’examen
final. De plus, la configuration, ainsi que le contenu et la méthodologie des études dispensées
ont été revues dans le sens d’un travail beaucoup plus personnel de l’étudiant.
L’accès à ces études a même été aujourd’hui rendu plus difficile, car les employeurs se sont
rendus compte que la réussite au diplôme permettait aux salariés de monter plus facilement en
grade. En effet, l’obtention du diplôme est régie par la convention collective des banques et
établissements financiers de 1982, véritable « bible » du secteur, qui organise et donne un
cadre juridique en obligeant les banques à promouvoir les diplômés au grade immédiatement
supérieur. Ceci permet aux salariés de dépasser la voie interne de l’appréciation subjective
quant à leur évolution de carrière puisqu’ils peuvent par cette voie réintégrer la voie objective
du mérite. Le Diplôme d'Études Supérieures de Banque est délivré après un procès verbal du
corps enseignant du centre, composé de hauts cadres bancaires et de professeurs
universitaires.
141
La formation interne ou intra banque
D’après la réforme de l’APBT145, « les banques assurent pour elles-mêmes une formation
interne pour répondre à des besoins spécifiques, dans le cadre de leur plan annuel de
formation ».
L’importance de ce type de formation varie d’une banque à l’autre. Certaines d’entre elles
renforcent leurs structures pour mieux l’assurer et se dotent de centre de formation intégré de
formation.
Toutefois, sa portée est encore généralement limitée aux nouvelles recrues ayant à subir un
stage statutaire, aux débutants en grade ou fonction (les chefs d’agences notamment) et à la
promotion pour certains grades (Chef Section H.C).
Quant aux formateurs, ils sont principalement choisis parmi les cadres de la banque elle-
même s’agissant de formation « maison »et de transmission de « savoirs faire » propres au
secteur, voire à la banque même (pratiques internes).
Les cours de formation sont en général organisés par « module » et donnés par du personnel
de la banque, mais il est également fait appel à des formateurs externes.
En dehors des cours théoriques et pratiques, il existe une formation importante sur le tas.
Ces centres de formation continue ont pour objectif le perfectionnement du personnel,
l'amélioration de la qualité des services rendus à la clientèle et l'adaptation de la banque aux
innovations technologiques.
La formation concerne deux catégories de population: le personnel titulaire, et le personnel
stagiaire, qui comprend les nouvelles recrues.
Le nombre des modules suivis par les employés bancaires varie en fonction de la catégorie à
laquelle ceux-ci appartiennent et de leur niveau.
La formation dispensée dans les Centres de Formation est axée essentiellement sur
l'enseignement des modules spécifiques à chaque banque et se rapporte à des disciplines
relatives aux techniques bancaires, à l'économie, à la comptabilité, etc.
Les plans de formation des banques individuelles découlent des besoins réels de chaque
banque.
Le recensement de ces besoins est effectué par l'équipe formation en collaboration avec le
personnel et les directions concernées.
145
Document APBT relatif aux actes des Journées d’études sur la réforme de la formation bancaire Maghrébine organisées
par l’APBT à Tunis, les 25 et 26 Mai 1993, édition 1994.
142
La formation externe locale
Selon la réforme, la formation externe locale à destination du personnel de la banque est
réalisée par des organismes externes à la banque tels que l'APBT, l'I.F.I.D, ou des cabinets
locaux privés spécialisés dans la formation d’un enseignement bancaire spécifique.
Les cabinets diffusent leurs programmes en vue d’obtenir les inscriptions de plusieurs
candidats proposés par la banque aux actions qu’elles ont prévues (des séminaires en général).
C’est donc pour les banques une formation limitée quant à la population touchée »
(généralement elle concerne les cadres beaucoup plus que les catégories infra, excepté pour
une formation très technique, comme l’archivage électronique, etc..).
De plus, certaines banques font participer leur personnel à des séminaires à l’étranger ou à des
stages de courte durée auprès de leurs correspondants, ou auprès d’autres institutions de
formation, mais cela reste en général limité.
L'utilisation d'organismes externes se fait principalement dans les deux cas suivants, à savoir :
pour les banques de petite ou moyenne taille, qui n'ont pas leur propre centre de formation ou,
lorsque le sujet de formation est relativement complexe et nécessite des compétences
particulières.
Enfin, selon les responsables de l’APBT, il est à noter que l’année 2007 a été marquée par le
démarrage d’un cursus de formation sous forme d’un mastère professionnel organisé en
partenariat avec l’Institut Supérieur de Gestion au profit de 45 employés titulaires de
diplômes de niveau bac+4 ou équivalent.
Ce diplôme viendrait en remplacement de l’ITB pour les titulaires d’un Bac+4 qui
souhaiteraient parfaire leurs connaissances en techniques bancaires spécialisées.
A caractère professionnel, ce mastère permettrait selon les responsables interrogés de couvrir
les besoins du secteur en compétences capables d’une meilleure appréhension du risque et
d’une bonne maîtrise des outils et techniques de couverture permettant aux banques de se
conformer aux exigences des nouvelles normes prudentielles et de gagner en compétitivité.
Ce diplôme intitulé « le mastère professionnel en Risk Management » est un cursus de deux
ans dispensé sous forme de journées d’études fondées sur des cours magistraux, des études de
cas et des simulations, il viendrait logiquement en remplacement de l’ITB pour les salariés,
qui ne disposent que d’un Bac+4.
143
Le parrainage bancaire et/ou la formation au sein de l’IFID
L'Institut de Financement du Développement du Maghreb Arabe (IFID), est un institut de
droit public international qui a été crée par la convention Tuniso-Algérienne de septembre
1981.
Il a pour objectifs d'assurer la formation de cadres supérieurs du Maghreb, dans le domaine
des Banques et des Assurances mais aussi de réaliser des travaux de recherche-action touchant
au financement du développement.
Mais, il organise également des cycles courts de formation supérieure continue et de
formation de formateurs ainsi que l’échange d'experts, et l’animation de rencontres à caractère
scientifique et technique tout en assurant la diffusion de travaux au moyen de publications
spécialisées.
L'IFID œuvre ainsi par son action à former de hautes compétences dans le domaine du
développement et du financement aussi bien national que régional en préconisant trois types
de formations.
La première qui est une formation longue est dispensée à des étudiants maîtrisards parrainés
par des institutions financières, comme la banque publique ayant fait l’objet de notre enquête.
Cette formation dure deux ans, compte trois stages pratiques, dont un qui se déroule à
l'étranger. Elle demeure sanctionnée par le diplôme de l'IFID.
A ce jour, plus de 600 cadres ont suivi cette formation et exercent aujourd'hui dans des
institutions financières en, Tunisie, Algérie, Maroc et Mauritanie.
La seconde qui consiste en une formation continue avec un volet formation de formateurs est
assurée sous forme de séminaires de courte durée.
Elle est conçue pour faire partager aux participants des expériences pointues et évoluées de
professionnels tunisiens et internationaux.
Une moyenne de 300 participants suit chaque année les diverses actions de formation
continue de l'IFID dans les divers domaines ou métiers bancaires.
L’IFID offre aussi une formation à la carte par l’organisation de séminaires inter entreprise à
l’instar d’autres structures comme les cabinets de formation et ce en étudiant les besoins de
ses partenaires et en mobilisant des experts tunisiens et/ou internationaux.
Nous avons pu voir lors du descriptif établi plus haut à l’aide des indications données par
Chadia Bani et les documents officiels de l’APBT, que la formation bancaire est assez étoffée.
Pourtant plusieurs lacunes existent et les jeunes les plus touchés sont ceux dont la formation
doit être faite essentiellement à travers la formation sur le tas, même si nous ne disposons pas
144
d’un système d’évaluation et/ou de mesure ou de contrôle qui nous permettrait d’avoir un
« feed back ».
146
Sami B, « La Tunisie un hub financier et bancaire régional en devenir », www. Africanmanager.com, 17/11, 2009.
145
de tasser les évolutions de carrières puisque la dimension et les nouveaux modes de gestion
sont beaucoup plus axés vers la rentabilité maximale au détriment des aspects sociaux ».
Le Centre de Formation Bancaire de l’APBT aujourd’hui devenu APTBEF (Association
Professionnelle Tunisiennes des Banques et Etablissements Financiers) qui fonctionne grâce à
la contribution de toutes les banques pourrait avoir pour rôles essentiels, une meilleure
définition des nouveaux métiers et leur intégration dans le système bancaire tunisien.
146
2.5.3 Spécificité des systèmes de formation interne des banques allemandes et
tunisiennes
Nous pouvons constater d’après les rapports annuels de l’APBT équivalent de l’AFB en
France, et les résultats de notre DEA147 sur une période allant de 1976 à 2002 que les deux
catégories de personnel d’exécution et personnel de service se sont affaiblies par rapport à
celle de personnel d’encadrement et de direction.
D’après le rapport annuel de l’APBT148, la catégorie personnel de service représente 2,7 % de
la population bancaire, celle de personnel d’exécution 19,2%, alors que la catégorie
« personnel d’encadrement » compte 22,7% et celle des « cadres de direction » 33,3%, la
dernière catégorie, celle des « cadres supérieurs » comprenant les 22,1% restant.
En Allemagne, Christine Bruniaux149 indique que « les « catégories intermédiaires » se sont
développées sous l’effet de deux mouvements différents : d’une part, l’augmentation des
cadres moyens « traditionnels », d’autre part, le développement de nouvelles activités
commerciales ; ces derniers entrent certainement dans le « haut » de la catégorie
« administratifs ».
Ces jeunes sont globalement plus diplômés que les titulaires des catégories en déclin », et elle
précise même que « les salariés qui accèdent directement à cette catégorie en raison de leur
qualification (très souvent universitaire) sont perçus comme étrangers au monde financier
traditionnel ».
Pour le cas de la Tunisie cela est fonction de deux éléments, à savoir, d’une part la
restructuration du système bancaire qui doit se rapprocher des normes inhérentes aux
standards internationaux, notamment à travers le plan d’ajustement structurel qui prévoit
également un assainissement des ressources humaines qui passe par des programmes de pré
retraite pour parvenir à un niveau qui puisse maintenir une productivité par agent acceptable.
D’autre part, l’offre externe qui est en surabondance, à savoir, le marché des diplômés
universitaires, associé à la volonté politique de diminuer le taux de chômage en encourageant
les banques, notamment publiques, à recruter.
147
Mémoire de Master en Démographie, « Evolution de l’emploi dans le cadre de la mondialisation : Cas du secteur
bancaire tunisien », 2003-2004 FSHST.
148
Rapport annuel de l’APTBEF au 31 Décembre 2007.
149
Bruniaux Christine, « Evolution de l’emploi et des qualifications dans le secteur bancaire »,
Synthèse élaborée dans le cadre de la troisième phase des travaux d’EDEX - WP3, à partir des rapports nationaux de cinq
pays, (Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France) à l’attention du Zentrum für Sozialforschung Halle, mai
2001.
147
Ainsi, il est clair qu’il existe au niveau des deux secteurs bancaires, tunisien et allemand, un
besoin croissant de main d’œuvre fortement qualifiée, qui a été mis en exergue pour faire face
aux besoins d’expertise générés par les évolutions récentes.
Selon Christine Bruniaux, et au niveau des banques allemandes, « ces besoins plutôt localisés
dans les services centraux : marketing, ingénierie financière, analyse macroéconomique,
informatique, voire gestion des ressources humaines, donnent lieu à une création d’emplois
qui sont pourvus majoritairement par des diplômés de l’enseignement supérieur ».
Pour elle, « il s’agit de postes de techniciens, seule catégorie professionnelle pour laquelle la
possession d’un diplôme de l’enseignement supérieur est une condition sine qua non ».
C’est en fait ces emplois et le fait qu’ils soient pourvus par des diplômés du marché externe
qui participent à dérégler le marché interne dont jouissaient les banques et que les employeurs
cherchaient à préserver.
La gestion de l’emploi sur ces types de métiers obéit d’ailleurs très peu aux règles du marché
interne devenues obsolètes et ne parvient pas à répondre à ce besoin de main d’œuvre
qualifiée et experte.
Ceci intervient d’autant plus qu’il se crée aujourd’hui, du fait de ce besoin insatisfait, un
marché professionnel intersectoriel où les salariés qui se sont rendus compte de l’existence de
meilleurs avantages dans les banques concurrentes deviennent plus mobiles.
Les banques se trouvent alors face à une situation problématique dans la mesure où elles n’ont
pas l’habitude de gérer des salariés aussi volatils.
En effet, aussi bien au niveau des banques tunisiennes qu’allemandes, la tradition est celle de
carrières longues, généralement avec très peu de mobilité à l’initiative des salariés (turnover),
mais beaucoup plus une mobilité dictée par l’employeur.
Face à cette mobilité, ce « turnover » d’un personnel qui a pris conscience qu’il était devenu
une ressource rare car dotée d’un niveau d’expertise élevé, les banques tunisiennes usent
actuellement, de tous les moyens légaux (et à la limite du légal, comme, l’intimidation) pour
freiner ce mouvement considéré comme une « hémorragie interne ».
Ainsi, l’usage d’une discipline sans faille et l’utilisation de la technique des deux poids deux
mesures sont renforcés et contribuent à diviser les salariés, voire à les déstabiliser (peur de
tomber sous le coût d’une mesure coercitive).
Toutefois, cette spécialisation est à mettre en rapport avec la recherche d’une polyvalence
dictée par la conjoncture internationale qui met en valeur le métier de vente de produits
financiers et valorise par là même les commerciaux, personnel des agences et personnel des
départements de crédit.
148
L’une ne peut ignorer l’autre, comme il ressort du concept de « multi spécialité » développé
par Ahmed Karam et il devient alors important pour éviter les déperditions de connaissances
clés dues au « turnover » de codifier les savoirs spécifiques en encadrant et en veillant à la
transmission intergénérationnelle des connaissances entre seniors et jeunes au sein de la
banque.
Dans les banques tunisiennes et allemandes, le contenu de ces emplois évolue de façon
similaire avec quelques spécificités dues à la population et son attitude (ou comportement
financier).
Cependant, les modalités d’adaptation du personnel jeune (les débutants) aux nouvelles
compétences requises du fait de la conjonction des deux facteurs que sont la conjoncture
internationale et les exigences de plus en plus pointues des clients varient suivant le pays et
leurs modalités traditionnelles d’intégration.
Cela peut se faire pour le cas des banques tunisiennes, d’une part, à travers l’embauche de
jeunes diplômés, commerciaux ou généralistes en gestion, en formation en alternance, pour
ceux destinés au réseau des agences (les futurs exploitants), soit sur le tas et en interne pour
ceux destinés aux directions centrales.
Mais, également et d’autre part, à travers l’intégration de jeunes universitaires (généralement
plus spécialisés, Bac+6 correspondant à un DEA ou un DESS) disposant d’une formation
bancaire acquise en externe (université dotée d’un programme de formation bancaire
spécialisé comme c’est le cas au niveau de l’Ecole Supérieure de Commerce et de l’IFID en
Tunisie).
Dans les deux cas le rôle des seniors est primordial, car il va permettre aux jeunes nouvelles
recrues de s’intégrer et surtout de conserver les connaissances clés de leurs aînés qui vont
bientôt faire valoir leur droit à la retraite, et ce à défaut de l’existence d’une codification
pourtant recherchée par les employeurs.
Il s’agit en fait ici d’un enjeu de pouvoir et d’une négociation implicite entre seniors et
employeurs, car ces derniers souhaitent remplacer les premiers qui leur coûtent désormais
cher, mais ne peuvent le faire, étant donné qu’ils détiennent des connaissances clés
indispensables à l’exercice du métier bancaire.
La voie intermédiaire choisie devient alors celle de l’exigence d’une collaboration entre
jeunes et seniors afin que ces nouvelles recrues (les jeunes) deviennent vite parfaitement
employables, et qu’ils s’accaparent les connaissances clés détenues par les anciens auxquelles
ils n’ont pas accès, mais qui apparaissent lors de la résolution d’un problème insoluble par les
nouvelles méthodes de gestion, et les solutions informatiques achetées sur le marché.
149
Les employeurs utilisent aussi pour pouvoir disposer des connaissances clés des seniors en
place une technique qui a fait ses preuves et qui consiste à requalifier ce personnel souvent
déclassé du fait de son âge et de son niveau de diplôme (généralement un niveau secondaire et
très rarement un niveau universitaire).
150
Le document de l’APBT dont nous nous sommes inspirés donne certains résultats probants
dans la mesure où il s’intéresse aux niveaux quantitatifs et qualitatifs de la formation bancaire
du personnel.
Ainsi, pour le premier niveau, « la population formée rapportée pour chaque cycle à la
population correspondante de l’ensemble du secteur bancaire, malgré son importance absolue
reste en proportion particulièrement faible ».
Par ailleurs, « l’impact du système de formation, par rapport à la population totale des
banques, demeure donc limité ».
D’où en guise de premier constat que le niveau de formation réservé au personnel bancaire est
encore en deçà des possibilités réelles.
En revanche pour le deuxième niveau, (niveau qualitatif) la formation diplômante aboutit,
selon les dispositions de la convention collective des banques, à la promotion des formés
ayant obtenu leur diplôme, mais elle n’aboutit pas toujours à leur mobilité et leur affectation
dans des postes nouveaux.
Les répercussions sont donc plutôt ressenties immédiatement sur l’évolution pécuniaire des
formés et non sur le rendement externe de la formation.
Il n’existe pas d’évolution de carrière dans le sens d’une augmentation des responsabilités qui
sont conférées aux salariés formés et qui témoignent d’un accroissement de leur pouvoir en
interne dû à leur nouvelle position hiérarchique.
L’employé conserve donc souvent son poste d’origine, sans que la banque n’exploite toujours
et à bon escient « le plus », c'est-à-dire les nouvelles connaissances et/ou qualifications qu’il a
pu acquérir.
Ceci ne fait qu’attester davantage qu’au niveau des banques les employeurs ne souhaitent pas
avoir une armée de généraux et augmenter les charges salariales mais préfèrent garder intact
leur pouvoir de décision et de placement des salariés qui n’arrivent à avoir qu’une progression
salariale minime non en rapport avec les efforts déployés, même si cela se fait au détriment de
l’intérêt de la banque.
En effet, la formation ITB étant inscrite au niveau de la convention collective il y est
clairement précisé que chaque diplômé doit obtenir une promotion au grade immédiatement
supérieur, mais n’explicite pas la question du poste à responsabilité en rapport avec le
nouveau niveau du salarié dont doit tenir compte la banque. Or, les employeurs peuvent jouer
de leur pouvoir discrétionnaire pour se donner la liberté de placer aux postes à responsabilité
les salariés (cadres) qu’ils jugent bon et utile selon leurs propres critères.
151
Chadia Bani150 a procédé également à la présentation d’un diagnostic de la situation actuelle
de la formation professionnelle dans le secteur bancaire tunisien.
Elle indique à cet effet, que « la formation professionnelle dans le secteur bancaire tunisien se
caractérise par son aspect transitoire entre la prise de conscience et la mise en œuvre, dans le
cadre d'une nouvelle stratégie, d'un nouveau système d’apprentissage ».
Mais elle ne manque pas de préciser qu’« alors que l'on est à la veille de nombreux
changements, rien de ce qui est nouveau n'a été réalisé », ceci est d’ailleurs confirmé pour le
cas de la banque publique tunisienne, en l’occurrence la « BMTP » dans laquelle nous avons
mené notre enquête.
Elle décrit d’une manière objective l’existant en mettant en exergue aussi bien les qualités que
les manques ou écarts qui peuvent exister. Ainsi, selon elle, il existe « une offre qui essaie de
s'adapter à une demande de plus en plus forte mais qui reste insuffisamment structurée du fait
de l'absence d'une vision globale » et ajoute même que cette offre « est peu ciblée, peu
adéquate avec les besoins » et manifeste le manque de qualité en rapport.
Par ailleurs, établissant un parallèle avec la pratique de la formation dans le passé, elle indique
que « jusque là, la formation s'est faite dans la plupart des Banques en dehors de la stratégie
globale d'avenir et sans tenir compte de l'environnement aussi bien interne qu'externe. Elle
s'est faite par à coups sur des thèmes répétitifs le plus souvent théoriques, voire même
classiques et ne revêtant pas toujours un caractère opérationnel intimement lié au métier de
banquier ». Cela s’est fait, précise-t-elle « en ayant recours le plus souvent à des organismes
de formation essentiellement à but lucratif ».
De plus, elle va même jusqu’à souligner que ces organismes de formation ne sont « d'aucun
apport pour la profession, conformément à la stratégie adoptée et dans le cadre de la
mobilisation de toutes les ressources de la Banque ».
Elle signale également, en les mettant en valeur, des Institutions telles que l'APBT, l'IFID et
l'Ecole Supérieure de Commerce qui contribuent selon elle, à subvenir aux besoins
spécifiques du secteur bancaire ».
Toutefois, elle déplore aussi que la plupart des dirigeants se plaignent de la rareté sur le
marché du travail de cadres ayant une véritable spécialisation financière et bancaire en
signalant qu’ « un institut tel que l'IFID est actuellement sous exploité alors qu'il pourrait être
davantage mis à contribution pour satisfaire des besoins nouveaux et canaliser une partie de la
150
Chadia Bani, responsable du département formation à la Banque Centrale de Tunisie.
152
formation professionnelle bancaire en son sein et à moindre frais par rapport à un scénario où
on envisagerait de créer de nouvelles structures de formation ».
Cependant, elle reconnaît que le centre de formation bancaire a rendu de grands services au
secteur et à toute l'économie en permettant la tunisification du personnel bancaire après le
départ des étrangers au cours des premières années de l'Indépendance.
Mais, elle regrette que pour l’heure « ce centre pratique toutefois un enseignement général, de
type scolaire, inadapté avec les besoins actuels et ce avec des méthodes et des outils
pédagogiques plutôt traditionnels ».
De plus, elle précise que l'APBT est consciente de ce problème et affirme qu’il a été « entamé
dès 1990 une réflexion pour réformer le Centre, réflexion ayant abouti à la mise en place d'un
système fondé sur la souplesse et la capitalisation des unités de valeur ou unités modulaires de
qualification (U.M.Q), axé sur la profession et les métiers, évolutif et individualisé par son
adaptabilité aux conditions professionnelles, individuelles et même familiales du personnel
tant masculin que féminin des banques (périodes, horaires, progressions mieux adaptées) ».
Cependant, reprenant l’épineuse question des promotions en rapport avec la formation qui
sont régis par des articles de la convention collective des établissements bancaires et
financiers de 1982 toujours en vigueur, elle précise par rapport à la législation en matière de
formation que celle-ci « a certes évolué », mais souligne qu’elle demeure encore aujourd’hui
« pénalisante par rapport aux besoins de formation interne des institutions bancaires ».
Ceci démontre bien qu’il n’existe pas encore une parfaite adaptation entre les besoins de
formation des salariés et l’offre de formation relevant de la responsabilité des employeurs,
témoignant par là d’une absence de souplesse.
Selon elle « le lien entre la formation et la promotion, dont l'esprit et le principe sont à
consolider, existe concrètement mais avec un automatisme qui risque de produire des effets
pervers nécessitant ainsi quelques aménagements ».
Elle met aussi en évidence les différents facteurs qui lui permettent cette précision, dans la
mesure où il existe selon elle « des formateurs non recyclés et peu formés à la pédagogie des
adultes. Les formateurs, mis à part les experts qui n'interviennent que d'une manière
ponctuelle dans les séminaires, sont constitués par des professionnels ou des universitaires qui
ne sont pas recyclés et sont peu formés à la pédagogie moderne et encore moins à celle
spécifique aux adultes ».
Ceci nous permet de relever une cause majeure d’absence de transmission, voire de
transmission aléatoire des connaissances aux salariés.
153
Quant à la logistique et les moyens utilisés, elle signale que « les moyens didactiques utilisés
sont très classiques (voire dépassés). Le recours à l'informatique, à l'audio-visuel, aux
méthodes de cas reste limité aux interventions des experts ».
Pour ce qui est de la récente création de divers centres intégrés de formation dont se sont
dotées plusieurs grandes banques comme la « BMTP », elle précise que ces derniers ne sont
pas « reliés au centre de formation professionnelle de l’Association Professionnelle des
Banques Tunisiennes, (APBT) ».
Mais, ce besoin de création reste légitime, chaque banque ayant une partie de la formation qui
lui est spécifique et qu'elle est la seule à pouvoir dispenser à ses salariés en la couplant de sa
propre culture interne et/ou stratégie.
En effet, les banques dispensent à leurs salariés une formation spécifique, qui ne doit pas
d’après elle « empêcher la coordination et la complémentarité avec le Centre de formation
professionnelle de l’APBT en vue de tirer profit d'une synergie positive ».
Le tableau ci-après retrace l’évolution des inscriptions au titre du cycle moyen du centre
professionnel de formation bancaire durant la période 2004-2007
Le nombre total d’inscrits au cycle moyen du CFPB a connu une chute remarquable au titre
de l’année 2006/2007 puisqu’il n’a concerné que les classes de 2éme et de 3éme année, et ce
en raison de la mise en place de la réforme engagée à cet effet qui a retardé le démarrage
d’une nouvelle promotion ; les classes de 1ére année regrouperaient en moyenne des
populations variant entre 120 et 140 étudiants.
154
Par ailleurs, la répartition par « Métier » des inscrits durant la même période est ventilée dans
le tableau suivant :
La lecture du tableau précédent montre bien que le Métier de « Chargé de clientèle » demeure
la préoccupation majeure des Banques tunisiennes pour la période en cours, étant donné la
place stratégique qu’occupe cette fonction dans les plans d’actions des points de vente du
réseau du système bancaire tunisien, notamment en termes de qualité des services.
D’après les données de l’APTBEF, il résulte que le cursus de la formation diplômante du
cycle moyen du centre Professionnel de formation bancaire a permis, depuis 2005, la sortie de
quatre promotions.
Nous pouvons présenter dans le tableau ci-après, l’état des diplômés de la « formation
bancaire spécialisée », ventilés par métier et par promotion.
Ainsi, d’après les résultats inscrits dans ce tableau, il apparaît clairement que le taux de
réussite enregistré aux « épreuves du Grand Oral » pour la collation du Diplôme de formation
155
bancaire spécialisée au titre de la 4éme promotion, (dernière promotion en date), s’est situé à
un niveau de 79 %, soit le taux le plus élevé, contre des taux de 75 %, 65 % et 69 % pour les
1ére, 2éme et 3éme promotions, respectivement.
Globalement, et excepté la formation « Financement/Engagement/Recouvrement » nous
pouvons constater que la 4ème promotion est celle qui enregistre les meilleurs pourcentages de
réussite car la formation est de plus en plus normalisée, comme le confirme l’APTBEF.
En effet, selon les responsables de cette dernière, cette amélioration du taux de réussite a été
enregistrée grâce, notamment :
*Au renforcement des systèmes de préparation et d’encadrement des candidats concernés.
*A la mise en place d’un système de notation harmonisé et généralisé à tous les modules
dispensés au titre dudit cycle ;
* A la révision des procédures de déroulement et d’appréciation des stages pratiques
organisés au terme de l’année de spécialité, par l’instauration du système de soutenance du
rapport de stage devant un jury.
Comme nous pouvons le voir dans le tableau ci-après le nombre des candidats qui se
présentent au cycle moyen est de plus en plus réduit avec un pourcentage de réussite qui varie
entre environ 38 % et 49 % c'est-à-dire qu’il demeure toujours inférieur à 50 %.
Ceci prouve bien que la population bancaire s’oriente de moins en moins vers les cours
bancaires en faisant un arbitrage entre l’accès au grade supérieur par les études ou par le
travail interne au sein de la banque.
La deuxième solution étant plus confortable que la première, car elle exige moins d’efforts
personnels et permet de jouer sur des variables aléatoires, comme l’appréciation subjective.
156
L’effectif des candidats du secteur bancaire tunisien inscrits à « l’ITB-Paris » a évolué durant
les trois dernières années comme suit :
Comme nous l’avons constaté pour le cycle moyen les cours de l’ITB également font de moins
en moins recette, étant donné que la population bancaire qui suit ces cours est de moins en
moins importante.
Nous passons d’un effectif de 372 inscrits pour l’année 2004/2005 à un effectif de 256 inscrits
en 2006/2007, ce qui prouve également que le même arbitrage peut être fait dans ce cas aussi,
d’autant plus que les cours sont majoritairement concentré pour la fin de la semaine (samedi et
dimanche) et que la tranche d’âge des étudiants postulants est de plus en plus élevée.
Les salariés sont donc moins disponibles à se former sur le temps libre, car ils ont, outre une
charge professionnelle assez consistante (charge hebdomadaire de travail de 40h/semaine), des
obligations familiales importantes, inhérentes à la culture tunisienne (culture qui considère la
famille comme une valeur centrale).
Par ailleurs, d’après l’APBT et pour l’exercice 2006/2007, le total des effectifs inscrits dans le
cursus de l’ITB organisé dans le cadre du partenariat avec le CFPB de France a enregistré une
baisse d’effectif en terme absolu de 57 étudiants par rapport à l’année 2005/2006 et de 116 par
rapport à l’année 2004/2005.
Cette baisse est ressentie essentiellement au niveau des effectifs de 1ére année, en raison de
l’entrée en vigueur du nouveau régime destiné exclusivement aux diplômés du cycle moyen du
CFPB et aux titulaires de diplôme Bac+2 de l’enseignement supérieur, et ce à partir de
septembre 2006.
157
Les résultats de fin d’année enregistrés au cours de la période 2004-2007 au titre de la 1ére et
2éme années sont détaillés dans les tableaux suivants :
158
exemple, et de la « BMTP » en particulier, l’acceptation de jeunes salariés disposant d’un
Bac +4, qui étaient présent à hauteur des 2/3 dans l’ancien régime.
Ainsi, seuls les candidats disposants d’un bac +2 ou issus de la formation interne de rédacteur
ou du diplôme de cycle moyen peuvent prétendre à cette formation.
En revanche, même si cette formation a laissé la place à une autre formation diplômante
inscrite dans la rubrique « cycle supérieur de banque » au titre d’un master professionnel
intitulé « mastère professionnel en Risk Management », plusieurs seniors et jeunes nous ont
fait remarquer que « ce diplôme n’en est qu’à ses débuts et il existe encore un grand flou quant à la
récompense inhérente à la réussite à ces études ».
Autrement dit, une fois le diplôme réussi, les jeunes ne savent pas encore s’ils auront droit à
une promotion au grade immédiatement supérieur comme le préconise le cadre réglementaire
défini par la convention collective de 1982 pour l’ITB, ou s’ils n’auront aucune amélioration
financière.
Ceci est à même d’encourager ou de freiner l’accès à ces études qui sont d’un niveau assez
relevé pour la plupart.
D’après l’APTBEF, au cours de l’année 2007 et dans le cadre de la formation continue
plusieurs actions ont été assurées par des formateurs locaux et étrangers hautement
expérimentés et qualifiés dans différents domaines d’intervention lors de séminaires ou
d’actions ponctuelles à la demande d’un établissement pour répondre à des besoins
spécifiques, comme la lutte contre le blanchiment d’argent, formation de chargés de clientèle,
formation de caissiers sur le poste caisse et la détection du faux monnayage.
De plus, des séminaires de préparation aux épreuves du Grand Oral pour la collation du
diplôme du cycle moyen et du diplôme de l’ITB ont été réalisés au profit des étudiants du
centre de formation bancaire.
Ainsi, le nombre d’employés ayant bénéficié d’action de formation n’a cessé d’augmenter
durant les dernières années puisqu’il se situe à hauteur de 1069 en 2005, 1362 salariés en
2006, et enfin 2636 en 2007.
De ces 2636, le personnel de la « BMTP » concerné s’est élevé à hauteur de 231 salariés,
alors que la part du lion a concerné la STB à hauteur de 378 salariés concernés et 317 pour la
Attijari bank.
Aussi, au titre des dernières innovations figure même une nouvelle possibilité offerte par
l’association aux apprenants du centre professionnel de formation bancaire depuis septembre
159
2006, pour suivre à distance les mêmes programmes de formation dispensés en présentiel,
moyennant une pédagogie spécifique.
Toutefois, cette innovation n’a pas encore trouvé un succès important, étant donné que
l’ancien système demeure de loin plus adapté.
Par ailleurs, des séances de tutorat à distance ont également été mises en place (classes
virtuelles, forums, courrier, discussion) pour accompagner ce mode d’enseignement grâce à
des tuteurs ayant suivi une formation à l’encadrement à distance.
Au niveau de la « BMTP » ce mode de formation n’existe pas encore et la formation reste
calquée sur un modèle archaïque.
Cependant, selon les responsables de l’APTBEF, ce mode de formation à distance a été mis à
la disposition des programmes dispensés en 2007 pour assurer :
*Deux sessions de formation destinées à 116 caissiers du secteur au sujet du cours « poste
caisse et détection du faux monnayage ».
*Les programmes du cursus de préparation au concours d’entrée au cycle moyen du CFPB au
profit d’une cinquantaine d’apprenants dans les domaines, objet des épreuves dudit concours
soit les techniques bancaires, la comptabilité, les mathématiques financières, le droit,
l’économie et les langues (Arabe et Français).
Plusieurs réformes ont touché les cycles diplômant, certaines d’entre elles ont été mises en
œuvre en 2007 au sujet des cursus diplômant dispensés par le centre professionnel de
formation bancaire de l’APTBEF au niveau des cycles moyen et supérieur.
Ainsi, il ressort d’après les responsables interrogés qu’ « au niveau du cycle moyen du CFPB,
les réformes introduites depuis 2000 ont été axées sur le développement des apprenants dans
une logique de compétence basée sur le concept de métiers ».
Ces derniers précisent également qu’ « à la lumière des appréciations des trois premières
promotions sortantes de ce cycle, une commission ad-hoc regroupant des professionnels du
secteur a été chargée en 2007 de mener une réflexion sur l’aménagement des cursus de
formation dispensés au titre dudit cycle, et ce en vue d’élaborer des programmes
professionnels plus spécialisant, revêtant un dosage pragmatique et opérationnel et intégrant
une composante progressive en e Learning ».
Les réformes ne rencontrent pas le même succès au niveau de toutes les banques, et nous
avons pu constater qu’au niveau des banques publiques tunisiennes (STB, BH, BNA), seule la
Banque de l’Habitat (BH) offrait les meilleures opportunités de formation à ses salariés.
Ces derniers occupent même au niveau du rapport annuel de l’APBT, le premier rang en
matière de formation.
160
Par ailleurs, et selon les responsables de l’APTBEF, le projet proposé a abouti à un cursus
basé sur :
*La réduction de la période de formation de six à quatre semestres d’études ;
*Le réaménagement de la répartition de la formation par la réduction du cursus du tronc
commun et le rallongement de la formation au titre des modules spécialisés (Chargé de
clientèle Multi marchés, chargé de crédit et de recouvrement et chargé d’opération avec
l’étranger.
*La prise en compte des nouvelles exigences réglementaires et environnementales (la qualité
de services, la libéralisation des services financiers, la bonne gouvernance, etc…) et la priorité
accordée à la formation pratique, en utilisant les techniques adaptées en la matière aménagées
par le comité pédagogique du CFPB.
Ce projet de réforme a été validé par les autorités de tutelle et par les membres de l’APTBEF
et a été engagé depuis le 1er septembre 2008.
161
Le Centre de Formation Professionnelle Bancaire peut dans ce cadre là inviter de grands
spécialistes tunisiens ou étrangers et faire profiter toutes les banques de l'action de formation
organisée.
Cependant, cette initiative reste rare et peu pratiquée, elle s’est faite toutefois lors du
quarantième anniversaire de la « BMTP » dans le cadre d’un séminaire international sur les
restructurations bancaires.
Concernant la consolidation de la formation de base, elle est nécessaire pour travailler dans
les banques, et passe par la vulgarisation des techniques et la formation destinée à assurer la
polyvalence et la mobilité des employés à l'intérieur des banques.
Le développement des activités de l'IFID en tant qu'Institution habilitée à répondre à la
demande du secteur bancaire d'une manière adéquate est un scénario très probable et
prometteur, étant donné que l’élargissement des capacités d'accueil peut être étudié en vue
d’être élargi pour couvrir les besoins potentiels.
Un des principaux changements réside dans le fait que les modalités d’organisation des cours
et de la formation permettent une plus grande flexibilité, même si cela est largement critiqué
par les salariés étudiants.
En effet, même s’il est indiqué que les cycles de formation sont flexibles, avec des
programmes de formation longue alternée, formation continue, formation à la carte, formation
modulée, action de perfectionnement et de mise à niveau, plusieurs salariés étudiants tunisiens
affirment que « cela va plutôt dans le sens d’une économie vu que même les stages à l’étranger sont
supprimés et qu’il est pratiqué aujourd’hui un stage au niveau local dans les banques tunisiennes »
Pourtant il est clairement indiqué au niveau de l'IFID que l’objectif ne sera pas de faire double
emploi avec les Institutions Universitaires Tunisiennes.
Son objectif est de donner à ses auditeurs, dans les domaines de la gestion bancaire et
financière, des niveaux d'expertise professionnelle les préparant aux différents métiers
correspondants aux besoins de la banque et des autres Institutions Financières.
D’après l’APTBEF151, « l’environnement concurrentiel impose à chaque banque de jouer un
rôle de plus en plus dynamique dans le domaine de la technologie et de la formation de ses
salariés ».
Comme nous pouvons le remarquer d’après ces propos, l’APTBEF et les banques sont
conscientes de l’importance que revêt la formation des salariés.
151
Depuis 2007, nouvelle dénomination de l’APBT qui correspond à l’Association Professionnelle Tunisiennes des Banques
et Etablissements Financiers.
162
Selon cette même institution (APTBEF), chacune des banques doit ainsi pouvoir parvenir à
réaliser les objectifs suivants :
• « Former ses employés de façon qu'ils maîtrisent bien les techniques utilisées et les produits
confectionnés ou servis par leurs soins, cette formation doit s'étendre au savoir, au savoir-faire
et au savoir être ».
Ceci renforce l’importance du rôle de la transmission intergénérationnelle des connaissances
opérée par les seniors envers les jeunes, étant donné qu’une parfaite maîtrise des techniques
utilisées passe par une formation aussi bien théorique que pratique qui puisse rendre compte
des connaissances explicites et implicites.
• « Assurer le recyclage de son personnel grâce à une formation continue comprenant pour
chaque métier un ensemble de modules comportant chacun un enseignement théorique et un
enseignement pratique ».
Toutefois, cela ne s’est pas concrétisé sur le terrain, car la formation continue ne concerne pas
tous le personnel est reste tributaire des autorisations des supérieurs hiérarchiques qui peuvent
user de leur pouvoir discrétionnaire en invoquant la nécessité de service.
• « Assurer de façon permanente la formation des employés aux nouvelles technologies, aux
nouvelles réglementations et aux nouveaux produits en procédant autant que faire se peut à la
rotation, à la polyvalence et à la mobilité des employés dans le cadre d'une politique de
roulement et de développement des carrières conçue et traitée à titre individuel ».
Cette politique de roulement et de rotation qui va dans le sens d’un accroissement de
l’employabilité des salariés est rarement précédée d’une formation en rapport avec le poste à
occuper.
Elle est même rarement pratiquée, étant donné la culture de fixité au poste de travail prônée
par la banque en tant que gage de la maîtrise des tâches et attributions en rapport avec le poste
de travail occupé.
Ainsi, même si la banque commence aujourd’hui à s’orienter timidement vers cette stratégie
de redéploiement, qui se fait par décision unilatérale de la hiérarchie envers certains salariés
jugés peu productifs dans le poste qu’ils occupent régulièrement, plusieurs d’entre eux entre
jeunes et seniors nous ont précisé qu’ils devaient se former par eux-mêmes au nouveau poste
et sur le terrain.
Cela requière donc, outre un effort d’adaptation au changement, un effort personnel
supplémentaire en vue de maîtriser l’étendue des fonctions inhérentes au nouveau poste que
nous pouvons assimiler à une nouvelle mise à l’essai, qui reste difficilement acceptable pour
les uns et les autres.
163
De plus l’APTBEF précise que « le ratio frais de formation sur masse salariale doit être élevé
à 6% en un maximum de trois années », alors que ce dernier est aujourd’hui de l’ordre de 2 à
3 % selon plusieurs seniors.
Une dernière mesure évoquée concerne l'évaluation et le suivi de la formation qui serait opéré
grâce à « une évaluation systématique post-formation en collaboration avec les compétences
existantes à la Banque et dans le cadre d'un suivi rigoureux et une vérification des
connaissances acquises notamment pour les recrutés qui constituent la pépinière future et
d'avenir ».
Cet aspect, reste largement en deçà des prévisions, car il n’existe pas encore une évaluation
post formation, excepté un test de titularisation qui est effectué après les deux ans de stages au
sein de la banque où le jeune recruté travaille sur terrain avec une formation sur le tas où il
doit collaborer avec les seniors et donner du sien pour maîtriser les tâches qui lui sont
confiées.
En effet, les séminaires et/ou formations ponctuelles font rarement l’objet d’une évaluation
voire même d’une diffusion en interne, de sorte que la formation reçue demeure l’apanage
individuel, propre au salarié choisi et constitue une sorte de privilège accordé selon des
variables subjectives et inhérentes au pouvoir discrétionnaire de l’employeur et des supérieurs
hiérarchiques.
Pour donner une image de la formation interne pratiquée au niveau des banques tunisiennes,
nous pouvons prendre d’après les derniers rapports d’activité de l’APTBEF, quelques
éléments chiffrés propres aux formations les plus parlantes comme « la formation ITB ».
Ainsi, nous pouvons retranscrire d’après les statistiques recensées le fait que les salariés sont
de moins en moins tournés vers la formation professionnelle moderne, formalisée et encadrée
par les articles de la convention collective de 1982 toujours en vigueur.
Ces articles sont garants de la protection des droits des salariés diplômés en ce qu’ils
confèrent le droit pour tout salarié d’obtenir une promotion qui prend la forme d’un
reclassement automatique au grade immédiatement supérieur.
De plus, et à ce niveau deux remarques importantes méritent d’être mises en exergue.
La première qui a déjà été soulevée plus haut est celle afférente à l’effectif des salariés inscrits
au centre de formation qui était de 600 personnes dans le premier des rapports de l’APBT
(1971-1976) inhérents aux premières inscriptions aux cours de formation bancaire qui se sont
faites dès les premières années d’activité bancaire pour la Tunisie en tant que pays souverain.
164
Nous avons pu observer que cet effectif était tombé à environ 300 personnes pour l’année
2004-2005, compte non tenu des nouvelles formations intervenues entre temps (comme l’ITB,
les formations à certains métiers, etc).
D’où une tendance nette de diminution des inscriptions aux cours du centre que nous pouvons
attribuer au fait que les effectifs recrutés sont de plus en plus diplômés et participent
beaucoup plus aux cours de l’ITB, voire à des séminaires qu’à des formations diplômantes,
même s’il peut également exister pour certains un désintérêt quant au fait de suivre des
formations internes en sus des heures travaillées.
La deuxième est celle inhérente au taux de recrutement où nous pouvons observer que les
taux d’accroissement annuels étaient pour les années 71 à 76 de l’ordre de deux chiffres (entre
10, 2% niveau le plus faible et 13% en 1975, avec 15,3% pour le niveau le plus élevé en
1974) alors que ces taux peuvent être négatifs voire nuls ou très faibles pour les deux
dernières décennies.
Ainsi, d’après les derniers rapports annuels de l’APTBEF ils varient de -2% en 2004, niveau
minimum constaté, à 5% en 1994, niveau le plus élevé.
165
Cette censure interne qui intervient dans un domaine professionnel, celui de l’apprentissage des
jeunes recrues de la banque se fait à travers plusieurs éléments comme la nécessite de service
pour écourter la durée d’apprentissage ou encore la multiplicité et l’addition de tâches aux
personnes censées assurer cette formation.
Ceci permet alors de dévaloriser cette formation sur le tas et par la même la catégorie des
personnes qui l’assurent.
De plus, la formation intervient également comme une récompense aux plus fidèles et non
comme un moyen d’apprentissage.
Le concept de formation continue pourtant inscrit dans le cadre de la convention collective des
banques et établissements financiers de 1982 reste inapplicable concrètement.
Il est ainsi mis en évidence une gestion des ressources humaines à deux vitesses ou à deux poids
deux mesures, où certains ont toutes les faveurs et d’autres peinent à avancer, ou encore certains
les avantages et d’autres les obligations, comme le dit si bien un dicton issu de la philosophie
orientale.
Ainsi, de ce point de vue l’entreprise dans son choix d’organiser ne fait pas du cas par cas, mais
met en place des mesures et des règles strictes qu’elle est la première à ne pas respecter.
Tout ceci témoigne d’une confusion ressentie, par la plupart des jeunes et seniors, qui donne le
sentiment d’égarement.
Pour eux rien n’est plus acquis d’avance et tout devient aléatoire, du domaine de l’incertain, de
l’imprévisible et du potentiellement négatif et la banque est ainsi ressentie par la plupart comme
étant dangereuse et intéressante.
En effet, dangereuse car elle est de plus en plus rigoureuse d’un point de vue disciplinaire, et
statique d’un point de vue formation et apprentissage.
C'est-à-dire qu’il faut arriver à l’heure, travailler sans relâche et rester à son poste, sans essayer
de donner le plus, mais « le minimum requis » par les supérieurs hiérarchiques.
En ce sens les employeurs à travers cette politique de formation et l’encadrement de la
transmission intergénérationnelle des connaissances entre seniors et jeunes vont permettre une
déqualification de leurs salariés.
Cette déqualification touche en premier les seniors qui sont pourtant dotés d’une expérience
censée leur donner une expertise, étant donné qu’il existe une obsolescence de leur
connaissances, mais les jeunes également sont visés par ce système dès qu’ils commenceront à
avoir comme leur aînés, une ancienneté et une expérience appréciable.
Elle est aussi considérée comme relativement intéressante, car la plupart des salariés sont
encouragés à prendre des crédits, en utilisant le fonds social interne.
166
Ces éléments entrent dans le cadre de la politique interne de l’entreprise dans la mesure où ce
type de financement interne pour le personnel de la banque qui s’inscrit dans le cadre du
« paternalisme » permet à l’entreprise de fixer davantage le personnel et de l’impliquer, de sorte
qu’il ne plus quitter son emploi ou très difficilement.
Pour le personnel en revanche cela est avantageux surtout au départ, car ils perdent leurs repères
et ne font que revenir en arrière pour essayer de comprendre les évolutions, mais tombent aussi
dans la facilité et le regret par rapport aux anciennes situations de travail qu’ils idéalisent.
Toutefois, ils réalisent après réflexion et pour la plupart que c’est seulement la vitesse de ces
évolutions qui les laisse perplexes, stressés et angoissés.
Ils sont aussi confrontés à une technicité et une concurrence plus importante qui fait qu’ils
doivent assimiler beaucoup plus vite sous contrainte et avec la peur de perdre leurs emplois ou
d’être déclassés par rapport aux jeunes recrues qui sont plus diplômés et plus employables.
Or, ce qui est déplorable c’est qu’ils sont plusieurs à affirmer que « ce n’est pas notre faute s’ils ne
nous ont pas formé ou s’ils ne veulent pas qu’on bouge mais plutôt qu’on passe toute une carrière dans le même
poste, d’ailleurs ce sont eux qui créent les différentes structures et qu’ils y affectent le personnel qu’ils veulent,
nous on n’y peut pas grand chose ».
Ainsi, la plus grande part du personnel (qu’il soit jeune ou senior) vit mal son présent mais
surtout appréhende mal son avenir.
C’est un sentiment de peur qu’ils perçoivent le plus souvent, sans vouloir l’admettre pour garder
un minimum de dignité, peur de ce que peuvent réserver les changements sur lesquels ils n’ont
aucune emprise, et aucun pouvoir.
C’est donc beaucoup de fatalisme associé à du renoncement et de l’obscurantisme en interne.
Certains refusent même de voir la vérité en face, car comme l’indique un senior, cadre du
département des crédits « moi je fais de mon mieux et je ne pose plus de questions, il faut faire le moins de
vagues possibles, le moins de problèmes car on est seul et il faut assurer, c’est comme un arbitrage, une
négociation où ils ont mon silence et mon travail et j’ai un salaire, je ne veux pas faire d’excès de zèle ou
montrer que je sais des choses car tout ce que l’on dit ou l’on fait pourra être utilisé contre nous ».
Dans les propos de ce cadre on devine la posture dans laquelle se met le personnel, qui est celle
d’un accusé ou de quelqu’un qu’on présume en tant que tel.
C’est toute la différence avec d’autres entreprises où le cadre s’exprime, et ses idées sont
bienvenues, donc tout dépend du regard que l’on porte sur son personnel, et des points de vue
envisagés.
167
Un jeune cadre de la direction formation nous a même indiqué que « tout est biaisé ici car même les
nouvelles techniques de réunion et de communication en matière de qualité par exemple sont prises du mauvais
côté. C’est ainsi que les réunions relatives aux cercles de qualité sont une occasion, et une démonstration de
force où le responsable cible les gens ayant des idées, donc jugés potentiellement dangereux et les sanctionne
d’une manière parfois élégante en les mettant face aux questions et aux problèmes qu’ils ont eux même soulevés
pour l’amélioration ou la recherche d’une solution. Cela se fait en public devant les autres cadres qui
participent à la réunion. Donc on voit bien qu’une idée ou un procédé valable dans un pays et partant d’une
idée saine qui consiste à faire monter les idées et trouver des solutions d’une manière collective aboutit ici tout
à fait à l’inverse ».
Les dires de ce cadre permettent d’entrevoir que les solutions à apporter dans certaines
entreprises et certains pays doivent être propres à eux, car disait Mao Zedong, « il ne faut point
importer du poisson, mais plutôt apprendre au peuple à pécher ».
On sent bien que le personnel vit une situation psychologique difficile faite de regrets
d’égarement, de peur, parce que les changements n’ont pas donné lieu à des améliorations de
conditions de travail perceptibles ni même à des situations socioprofessionnelles meilleures pour
le personnel.
Bien au contraire, elles sont allées dans le même sens, c'est-à-dire celui d’une continuité vers
l’austérité et la rigueur, l’accroissement du contrôle, et d’une dégradation des rapports entre les
uns et les autres, car il y a une perte de repères et une absence de confiance.
Ainsi, les solidarités sont cassées, la communication est biaisée, et les sujets de conversation
autorisés sont d’ordre général.
C’est le flou qui prévaut, avec de « l’obscurantisme informationnel ».
Pour certains, cela est même perçu comme un étau qui se referme au fur et à mesure en leur
laissant le moins de liberté possible comme l’affirme un jeune ingénieur du département
informatique, « nous sommes les exécutants de la nouvelle ère, et nos avis ou nos idées, on fait bien de se les
garder pour nous, car c’est le message que les responsables nous donnent. Ainsi, l’un d’eux m’a même dit, alors
que j’avais effectué, pour éviter des pénalités de retard à la banque, un travail monstre qui devait être transmis
à une autorité extérieure, que cela ne justifiait en aucun cas une demande de congé de deux jours.
En effet, j’avais demandé après ce travail qui avait été accompli en un temps record et même en dehors de mes
heures de service légales, deux jours de congé (avec un solde de jours positif), et le responsable m’avait alors
affirmé que la roue marche aussi bien à trente à l’heure qu’à cent à l’heure ».
Cela est très décourageant, surtout venant de la hiérarchie de proximité qui est censée
comprendre au mieux le personnel, fédérer, guider et former les troupes.
Or, on s’aperçoit que ces valeurs et ces éléments sont de plus en plus rares et « négociables ».
168
Ainsi, le personnel continue de travailler, mais en essayant de préserver son capital
physiologique et psychologique, en devenant à son tour calculateur et opportuniste, mais cela est
très dur pour lui, car cela l’oblige à aller contre nature.
C’est comme si les personnes se battaient contre elle-même, car leur éducation, les valeurs
transmises à l’école, à la maison et dans l’entourage propre ne sont pas celles que l’on retrouve
dans l’entreprise d’aujourd’hui et ne vont pas à la même vitesse.
Comme le dit Abdelwaheb Bouhdiba, le problème social majeur provient du fait que ces
changements surviennent trop rapidement, que les personnes n’ont pas le temps de s’approprier
ces bouleversements et de s’y habituer.
Les propos de Christian de Boissieu152 vont dans le même sens, étant donné qu’il indique
également que les banques tunisiennes ont vécu des innovations technologiques assez rapides et
les ont dépassées, comme le minitel, les cartes bancaires, et d’autres encore.
C’est donc un grand décalage que vit le personnel et de grands défis s’ouvre à lui, peut il
devenir « une sorte de caméléon ? ».
En effet, seul les caméléons pourront tirer leur épingle du jeu, car il faut désormais avoir une
attitude et un comportement adapté aux diverses situations donc riche et à géométrie variable.
Comme l’indique une jeune dame, cadre au sein du département étrangers, elle affirme « ici on
n’aime pas les gens gentilles et qui font bien leur travail. Les personnes ayant bon cœur ou ayant une âme pure
seront mises à l’écart dans ce système qui préfère les gens sans remords, les dévoués comme des militaires qui
obéissent aux ordres sans réfléchir, car dans la jungle seul le loup survit, et il faut pour avancer apprendre à
sortir ses griffes.
C’est donc une nouvelle ère où la timidité, les gens réservés mais intègres n’ont pas leur place, et où le gentil est
considéré comme faible et naïf ».
Ainsi, cette remise en cause des valeurs bouleverse davantage la génération des seniors, qui a de
par nature une réticence au changement par rapport aux jeunes beaucoup plus adaptés et
polyvalents.
Mais, les employeurs vont même utiliser d’autres techniques pour imposer leur domination sur
les salariés.
152
De Boissieu Christian, intervention lors du séminaire international organisé à Tunis par une banque de la place, sur « La
restructuration du système bancaire dans le monde », 02 Novembre, 1999.
169
2.7.1 La domination et la peur comme système de management
La disparition de l’espoir d’un avenir meilleur fragilise les ambitions des uns et des autres
(jeunes et seniors).
Nous pouvons facilement le constater, étant donné que le personnel rencontré se plaint à l’image
du cadre du département des crédits cité plus haut du fait que le travail en lui-même n’est pas
apprécié à sa juste valeur.
Un des jeunes cadres du département étranger nous indique que « la hiérarchie de proximité et la
hiérarchie en règle générale sont d’accord pour toujours accabler le personnel de remarques désobligeantes de
telle sorte que quoique l’on fasse ce n’est toujours pas assez et on pourrait mieux faire, et faire plus. Ce sera
aussi des corrections de style ou des corrections de forme beaucoup plus que des corrections de fond comme pour
marquer son empreinte et le fait de la supériorité de la hiérarchie. Il n’est donc nullement question de
collaboration, mais de rapports hiérarchiques marqués, car même si l’on fait le travail de conception, au final
nous devrons changer ce qu’on nous demande comme si nous étions des exécutants et eux des gens de la
conception, ou plus simplement « les décideurs unilatéraux » ».
Au-delà des questions purement professionnelles ayant trait au travail qui est présenté par les
cadres aux supérieurs hiérarchiques pour signature, il y a d’autres considérations à prendre en
compte.
En effet, comme l’affirmait un senior de la direction change, « il existe beaucoup de contraintes
disciplinaires et en cas de conflit, le fait que ce soit toujours la parole du supérieur hiérarchique qui est prise en
considération désarme tout le monde. Exemple si le service du personnel indique qu’on a 25 retards et que dans
l’année on a droit uniquement à 23 alors même que rien ne prouve cela car même s’il y a une caméra il faudrait
également une photo datée ce qui n’existe pas en l’occurrence. C’est donc la parole du service de sécurité contre
la notre et nous n’avons pas « droit à la défense », donc il faut essayer de convaincre ses supérieurs que cela ne
se fera plus à l’avenir, alors même que la circulation routière et les parkings à Tunis (capitale d’un pays en voie
de développement situé au Maghreb) et en plein centre ville sont très mal organisés. C’est ce manque de
tolérance, et le fait que la banque ne cherche pas une solution qui facilite le quotidien de son personnel qui
choque ».
Il faut remarquer que tous ces éléments ne sont pas à prendre individuellement mais en bloc,
c'est-à-dire que le système interne de la banque affiche toutes ces facettes en même temps,
parfois au même moment, parfois elles seront prises tour à tour.
Un autre jeune cadre du crédit affirme, « je trouve que cela correspond à du harcèlement moral, car c’est
au quotidien que l’on a des remarques désobligeantes et cela démolit au fur et à mesure le moral et la personne
170
elle-même, sa personnalité, car on a toujours l’impression qu’il existe un préjugé défavorable contre nous et que
l’on est toujours présumé coupable donc ce sera à nous de prouver le contraire, alors même que l’on sait que cela
ne sera pas recevable.
C’est donc « une gestion primitive » ou très archaïque des ressources humaines où il n’existe pas de
reconnaissance sociale car même les activités sociales ne sont pas acquises ou automatiques.
Exemple pour pouvoir bénéficier d’un séjour estival organisé par la commission consultative d’entreprise dans
un hôtel, il faut être sorti dans le tirage au sort, donc tout est aléatoire et c’est une vie gérée au jour le jour qui
épuise. On se trouve dans un engrenage auquel il faut ajouter les préoccupations familiales avec les enfants, les
courses etc…C’est comme si la banque vivait une période de crise et que tout le monde la vivait au quotidien
mais chacun à sa manière ».
Nous pouvons le constater, l’idée de harcèlement moral est bien présente au niveau du personnel
de la banque, même si certains ne souhaitent pas ou ne lui donnent pas cette connotation pour
être irréprochable et par crainte de représailles.
171
Ceci est même inscrit dans le jargon local à travers l’idée exprimée par plusieurs qui veut que
« le temps aidant, les supérieurs hiérarchiques changeront, mais le personnel restera en place, rien n’est figé ou
immuable et il faut s’armer de patience, car rien ne vient facilement et tout vient à point à qui sait attendre »
La plupart des personnes rencontrées, seniors et jeunes, ne se représentent leur carrière qu’à très
long terme et beaucoup plus en horizontal qu’en vertical.
C'est-à-dire qu’ils envisagent une évolution au niveau des grades, mais pas au niveau de la
responsabilité et de la fonction.
Selon eux, tout est fermé, les postes sont difficiles à prendre et les perspectives assez réduites.
Cette perte d’espoir fait que ces derniers se focalisent sur le présent et l’amélioration de leurs
condition financière à venir dans le futur sur la base d’un endettement et non pas à travers une
amélioration de carrière qu’ils ne peuvent en aucun cas maîtriser.
Ainsi, la plupart vont même essayer de gérer au mieux ou de profiter de crédits à long terme.
C’est ici, comme l’affirme un senior de la direction organisation « comme si l’on ne voulait plus
s’intéresser aux « activités intellectuelles peu lucratives et « dangereuses » » au sein de la banque et que l’on
s’orientait par la force des choses vers des éléments financiers et matériels plus palpables et où il existe un
certain encouragement par l’entreprise elle-même de s’engager dans ce genre de créneau ».
C’est ce que certains responsables affirment d’ailleurs à leurs collaborateurs, en ces termes «on
vous demande pas de réfléchir mais d’agir », autrement dit d’exécuter.
Certains ressentent même cela comme de l’ingérence interne, car c’est comme s’il n’existait en
fait qu’un système et comme le dit un jeune cadre de la gestion des ressources humaines, « c’est
comme si c’était une logique soviétique, car c’est souvent, l’adage « soit on est avec eux soit on est contre
eux ».
C’est aussi comme la politique de l’autruche dans la mesure où l’on se détourne des questions
relatives à l’organisation et au travail en interne où l’on n’est au final que figurant pour se
consacrer à tout ce qui permet d’améliorer sa condition financière et matérielle, mais en temps
que véritable acteur cette fois ci.
Il se passe donc comme une régulation naturelle, voire « naturellement imposée » (car il y a un
choix limité), une sorte de rééquilibrage individuel et personnel.
En effet, le personnel va arbitrer et rapidement comprendre qu’il doit assurer son fixe, qui est le
métier principal à la banque tout en s’investissant beaucoup plus dans d’autres activités où il
pourra faire marcher sa matière grise, ses connaissances cumulées et son propre savoir faire qui
sont volontairement négligés par la banque.
172
Certes le personnel triche, mais c’est l’occasion qui crée le larron, c’est en quelque sorte en
représailles que celui-ci agit de la sorte.
Comme le dit un senior, de la direction inspection, « il ne faut pas tomber dans le panneau du travail,
car il ne paie pas dans cette banque, crois en mon expérience, moins tu en donnes et mieux tu te portes, et
mieux tu seras considéré, car ils leurs font croire qu’ils vont avoir des postes important et à responsabilité mais
ils savent que cela ne se fera pas, car ici tout est déjà planifié d’avance. Plusieurs jeunes et même moins jeunes
qui n’ont pas compris le système sont dupes. C’est donc un mensonge grâce auquel ils vont pouvoir utiliser le
personnel subalterne pour monter, sans travailler, car ce dernier sera responsabilisé uniquement pour cela, à
savoir le travail. Donc plus tu les habitues et plus tu auras des problèmes à essayer de baisser le rythme de
travail, le rythme d’exploitation. Or il faut bien se dire que dans cette banque la dernière des choses à laquelle
les supérieurs hiérarchiques pensent c’est le travail ».
On constate ainsi dans les nouvelles conceptions des uns et des autres qu’il y a l’idée générale
de perte de valeurs ou de changement de valeurs inhérente à la position du travail et des
travailleurs au sein de la banque.
Ceci est fonction de la nouvelle organisation interne du travail et des conditions de travail, avec
comme l’indique Marc Uhalde153 « un désordre ambiant » qui favorise et met en exergue de
nouveaux « rapports sociaux de pouvoir » dans les dynamiques socio identitaires.
Le plus dangereux, c’est que le personnel perd son désir d’ambition, et son enthousiasme, il
devient blasé prend tout de suite de l’âge sans être vieux pour autant, car il est comme l’indique
un senior de la succursale « dans un système sclérosé et que pour prétendre à mieux il faut changer et aller
dans une banque privée ».
C’est un peu l’idée de la fuite en avant, or pour plusieurs, il s’agit bien d’un problème de
système, mais comme l’indiquait une jeune dame d’un des comités de la banque, « c’est partout
pareil, car même si on gagne un peu plus dans le privé, le principe de gestion du personnel et de son
exploitation par les décideurs sera le même, car il y a trop de contraintes, aussi bien internes qu’externes, et
nous sommes pas en mesure de pouvoir les délimiter avec précision, puisqu’elles sont de tout ordre, économique,
politique, sociale, etc… »
En tant qu’« insider » et lors d’une de mes tournées au sein de la banque, j’ai eu à m’entretenir
avec un cadre de l’audit et nous avons énoncé le problème du changement de banque d’autant
plus que l’on dit au niveau du secteur bancaire que les cadres de la BMTP sont parmi les mieux
formés.
153
Uhalde Marc, « Crise de modernisation et dynamique des identités de métier dans les organisations »,
Revue de L'IRES, N° 47 - /1, 2005.
173
Ce dernier m’a alors affirmé que pour lui « cela ne vaut pas vraiment le coup, à moins d’avoir une
responsabilité dans la banque privée de destination, car au niveau salaire il n’y a pas un grand écart au niveau
horizontal mais c’est quand on dispose d’ « une responsabilité », c'est-à-dire dans le jargon que l’ « on a une
fonction » que l’écart est très important entre banque publique et banque privée. C’est par exemple le fait d’être
chef d’agence (dans le réseau d’exploitation) ou chef de division voir chef de département (dans les structures
centrales). A part cela cadre ici ou là bas c’est la même chose, sauf peut être qu’ici on travaillera moins que là
bas avec un salaire un peu moins bon mais avec un stress presque équivalent, surtout de nos jours. Même si, ici
le stress est surtout d’ordre disciplinaire alors que là bas il est d’ordre professionnel, c'est-à-dire en rapport
direct avec la qualité du travail ».
Une femme, jeune cadre de la direction formation, sondé aussi sur ce même sujet, affirme pour
sa part que « cela comporte un risque assez important car on sait ce que l’on laisse derrière nous, mais là où
on va c’est l’inconnue, car là encore il y a une grande part de chance qui joue.
En effet, cela dépend de l’agence ou de la direction dans laquelle on va aller, des collègues avec qui on va
travailler, et aussi et surtout des patrons que l’on aura face à nous et qui vont nous apprécier.
Il y a aussi le type de contrat que l’on devra négocier. C’est pas vraiment évident surtout dans un système qui
se caractérise par le flou et l’absence de clarté, avec une information qui circule mal et une communication
assez timide ».
174
Dans ce même ordre d’idée, les uns et les autres nous affirment que « la banque, aujourd’hui ce
n’est plus ce que c’était, c’est beaucoup plus du chacun pour soi. De plus avec les évolutions de métiers, un
banquier cela peut travailler dans n’importe quel entreprise et à ce titre cela devient un emploi généraliste plus
qu’un métier spécialisé comme dans les banques privées locales et internationales où il existe plus de détail et de
spécialités ou encore dans des corps de métiers comme les médecins, les avocats, et d’autres encore… »
Ainsi, la sociologie des identités au travail formulée par Renaud Sainsaulieu154 (1977) insiste sur
le lien spécifique entre les positions de pouvoir des individus et leur identité professionnelle.
Comme l’indique Marc Uhalde155, « la sociologie française des organisations montre que ces
positions de pouvoir sont parties constituantes des régulations sociales de l’organisation, c’est-à-
dire de la structure globale des jeux de pouvoir construits autour des incertitudes
relationnelles ». Il est ainsi intéressant de constater auprès de la plupart des personnes interrogés
et avec lesquels nous avons eu des entretiens qu’il existe un affaiblissement clair des anciennes
régulations sociales au sein de la banque.
Cet affaiblissement conjugué avec le système de gestion de ressources humaines en place qui est
axé sur le système des divisions et de la peur d’une sanction qui peut émaner du non respect de
la discipline et de la hiérarchie, avec une volonté délibérée de maintenir un flou structurel par
rapport aux droits et obligations des employés a favorisé le repli sur soi de la plupart des
personnes rencontrées.
Cela a tendance à bloquer la réflexion du personnel qui ne trouve pas de cohérence entre les
réorganisations internes et la gestion des ressources humaines.
Ils nous indiquent par exemple que l’on veut favoriser le travail par équipe pluridisciplinaire et
en transversal, c'est-à-dire en faisant intervenir des équipes d’autres départements (comptabilité
avec organisation et qualité, etc.), alors que seule une équipe va récolter le mérite et profiter de
la récompense et de la reconnaissance du travail final effectué.
Ainsi, pour plusieurs, ce système est incompatible avec la culture interne existante et plusieurs
seront pris pour dupe dans ce système qui ne vaudra que pour ceux qui ont compris la règle du
jeu.
Pour ces multiples raisons, beaucoup de cadres nous indiquent « nous on ne peut plus travailler
comme avant, c'est-à-dire sans se poser de question, car c’était pour l’intérêt de la banque. Or aujourd’hui on
s’est rendu compte que c’est beaucoup plus pour l’intérêt des supérieurs hiérarchiques et non pas pour l’intérêt
de la banque, ou peut être indirectement, alors que nous faisons le travail.
154
Sainsaulieu Renaud, « Des sociétés en mouvement », Paris, Desclée de Brouwer, 2001.
155
Uhalde Marc, « Crise de modernisation et dynamique des identités de métier dans les organisations »,
Revue de L'IRES, N° 47 - /1, 2005.
175
En effet, on est considéré comme de simples outils d’ascension et personne n’a d’égards pour nous, car ils
savent que, plus ils seront durs avec nous et plus cela leur rapportera. En fait, c’est comme si nous étions des
causes perdues, car celui qui prendra notre parti sera écarté ».
Dans ce témoignage le plus dur a été gardé pour la fin dans la mesure où la personne interrogée
nous a indiqué que « c’est dommage, car même en temps de crise, nous ne leur faisons plus confiance et il
leur sera difficile de nous mobiliser ».
C’est ce que souligne Marc Uhalde156 quand il indique que « Michel Crozier et Erhard
Friedberg157 ont insisté sur la dimension mobilisatrice des incertitudes organisationnelles,
distribuant des ressources de pouvoir de manière non prévue dans l’organisation (expertise,
information, réseaux…), les incertitudes identifiées ici tendent clairement à inhiber l’action ».
Il précise d’ailleurs en complément que « dans ces modernisations, les individus perçoivent les
multiples changements de procédés, d’organisation, d’objectifs ou de mission sur le mode du
risque non probabilisable. Ils se trouvent soudainement exposés à « l’inconnu » (Lagadec158,
1994), ne pouvant puiser dans leurs expériences passées les repères nécessaires à un engagement
dans des relations de négociation du changement.
A cette dimension sociocognitive, s’ajoute indistinctement une incertitude identitaire, qui se
traduit en termes d’interrogation sur la pérennité de son métier et de sa place dans
l’organisation ».
156
Uhalde Marc, ibid.
157
Crozier Michel, Friedberg Erhard, « L’acteur et le système », Paris, Le Seuil, 1976, 500 p.
158
Lagadec Patrick, « La gestion des crises », Paris, Ediscience, 1994, 326 p.
176
En effet, à la direction de l’audit il disposait en tant que chef de division outre de sa prime de
responsabilité d’une assurance tous risques, étant donné qu’il pouvait être souvent amené à se
déplacer.
Cette assurance lui a été retirée à son arrivée à la nouvelle division, mais le plus important c’est
aussi qu’il ne dispose plus de la même liberté d’aller et venir, car il est astreint lui aussi à
respecter l’horaire et la tension du siège.
Il doit être constamment en veille, ou encore se tenir à la disposition des supérieurs
hiérarchiques, étant donné qu’ il faudra répondre à toute demande de leur part, d’une
quelconque information et ce, dans l’urgence et le stress, car ces demandes ne sont pas
prévisibles à l’avance. Cela peut aller d’une note ou une communication sur un secteur donné
que le Directeur Général Adjoint (DGA) devra présenter à un séminaire ou une étude sur la
faisabilité d’une entreprise dans le sud tunisien par exemple, ou encore toute demande
d’information sur les PME qui serait demandé par le ministère des finances ou une autre autorité
étatique. Il est isolé dans son bureau, car avec son statut de responsable et titulaire de la fonction
chef de division, il ne doit pas être trop familier avec les cadres de la direction , parce que selon
eux cela pourrait nuire aux rapports de subordination et de hiérarchie.
De plus, il ne s’entend pas beaucoup avec le chef de département et n’est même pas informé de
ses déplacements ou des réunions auxquelles ce dernier assiste.
Il est en fait tenu à l’écart comme un simple exécutant, même à son niveau qui est pourtant un
poste à responsabilité (même s’il ne s’agit que du premier niveau de responsabilité) et reste
financièrement limité au juste nécessaire, étant donné qu’il a des crédits à rembourser et
s’informe sur les possibilités de crédit accordés et les modalités de remboursement, aussi bien
pour acquisition de véhicule que pour bénéficier d’une avance sur prime.
Il a la peur au ventre et ne signe aucune note sans l’avoir préalablement refaite, et n’accorde de
confiance à personne, il aurait selon un des jeunes du département « peur de son ombre », car
avec la nouvelle conjoncture, il y a de plus en plus de licenciement et chacun des responsables a
davantage peur pour sa place, étant donné que rien n’est plus acquis.
Par ailleurs, au sein de la division, sa situation est difficile, car il a même indiqué à la DGRH
qu’il disposait d’un cadre de direction sous ses ordres qui ne faisait strictement rien (ce qui est
assimilable à un emploi fictif) et a peur que cela lui soit reproché, raison pour laquelle il a même
fait signer une note par le chef de département, où il a été fait mention de cet élément, mais cette
note est demeurée sans suite.
177
Ce cadre de direction qui est comptabilisé en tant qu’effectif appartenant à la division, a fait un
accident de la circulation et aurait fait une victime, c’est pour cette raison dit on qu’on ne veut
pas l’inquiéter, car il serait dépressif.
Il aurait même eu des déboires avec la direction générale, et s’est même proposé en tant que
syndicaliste sur une liste individuelle lors des élections syndicales, mais c’est beaucoup plus en
raison de sa qualité de rédacteur d’un journal externe à la banque qu’il n’est pas inquiété.
En effet, les responsables de la banque craignent pour leur image, en témoigne un des cadres qui
indique que ce dernier avait même écrit une fois à propos des agissements de quelques chefs de
département et que cela avait été vite étouffé.
D’où l’existence d’une négociation implicite entre lui et les décideurs de la banque (comme si
son silence est acheté).
De plus et en accord avec ce qu’il a été dit plus en haut, il y a eu récemment la nomination d’une
nouvelle directrice au sein de la direction dont il fait partie.
Cette nomination n’a pas plu au chef de division en place, mais de plus il y a eu un grand
malaise à son niveau car il s’est rendu compte que le travail qui lui avait été demandé il y a une
dizaine de jours par l’ancien directeur sous couvert de la cour des comptes était en fait à
l’intention de la nouvelle directrice et que celui-ci ne se doutait de rien.
En fait le directeur en place lui avait alors prétexté que la cour des comptes voulait un état
détaillé des dossiers le plus rapidement possible.
Il s’était alors empressé de veiller à ce que ce travail soit effectué le mieux possible et dans les
meilleurs délais et ce n’est qu’après coup qu’il s’est rendu compte que cela était en fait destiné à
la nouvelle directrice qui était en fait au préalable comme lui chef de division dans une autre
direction et que cela constituait pour elle une promotion, alors que pour lui le sort n’était pas
aussi bon.
De plus, cette nouvelle directrice ne disposait pas, ni de son expérience ni de son ancienneté,
donc cela a très mal été vécu par ce chef de division qui a été touché, car il estime qu’il méritait
ce poste.
Ce dernier, en sa qualité de senior, affirme même que « dans cette banque ce n’est pas le mérite qui
compte mais beaucoup plus le copinage et les réseaux constitués, moi je ne suis pas un ancien du département
crédit. J’ai travaillé dans d’autres départements comme l’audit, l’inspection, les agences, donc je ne suis pas des
leurs, c’est comme cela, on ne me donnera rien ici dans ce département. Elle, elle est resté au niveau de la
direction centrale des crédits depuis son intégration et n’en est jamais sorti, donc je comprends, elle a leur
confiance ».
178
Ainsi, si l’on résume, dans cette direction qui compte deux divisions, l’ancien directeur a fait
muté un de ses deux chef de division sans un motif confirmé, étant donné que le bruit circule
qu’il n’aurait pas assuré lors d’un intérim.
Il s’est ensuite fait lui-même remplacer en obtenant une promotion en tant que directeur central
dans une autre direction centrale, celle de la trésorerie et ce en permettant une promotion à la
nouvelle directrice qui était alors chef de division.
Mais, cela a ainsi contribué à léser également son deuxième chef de division par cette
promotion, alors qu’il aurait peut être pu en dire un mot positif auprès des décideurs pour faire
en sorte qu’on le choisisse plutôt qu’elle.
Ce chef de division a craqué et a pris une semaine de maladie, car il a été touché en terme
d’amour propre et de dignité.
Il a d’ailleurs indiqué par rapport à la venue de cette nouvelle directrice, « j’appréhende mal sa
venue ici et je sens que l’on va se disputer, car elle n’y connaît rien, et vraiment je trouve que la direction
générale nomme n’importe qui et n’importe où sans que l’on vérifie le bagage et les compétences en rapport ».
Un des jeunes cadres de la division m’a alors affirmé « cela va se répercuter sur la qualité des relations
mais aussi sur le travail lui-même et les rapports au niveau de la division et de la direction vont être encore
plus tendus ».
C’est ici une consécration du phénomène voulu par les décideurs et d’un mouvement assez
généralisé qui consiste à vouloir éradiquer les acquis, comme l’un des plus importants, à savoir
l’ancienneté.
Cette dernière n’est autre que le reflet de l’intégration par l’expérience au travail, elle est issue
d’un long apprentissage et/ou transmission intergénérationnelle des connaissances au sein de la
banque.
179
beaucoup de conflits, c’est de plus en plus une administration comme à la municipalité ou dans les ministères,
c’est comme si ce n’était plus une banque ».
En effet, ces entités organisationnelles obéissent à des objectifs d’ordre administratif et social, et
visent à établir de grands équilibres, c’est le logement, la santé, la défense, l’environnement,
l’économie du pays, et d’autres principes fondamentaux où l’aspect rentabilité existe, mais passe
après, l’essentiel étant de parvenir aux objectifs.
Ce ne sont donc pas des entreprises, mais des institutions publiques à la différence de la banque
qui est considérée comme étant une entreprise.
Mais cette nuance émise par le cadre est assez parlante dans la mesure où étant une banque
publique, cette dernière se rapproche plus des institutions publiques que des entreprises où la
priorité est la rentabilité et le profit et où l’organisation est fonction de cet objectif majeur.
Le paternalisme existant au sein de la banque n’est que le prolongement de cette idée inhérente à
certains équilibres sociaux, sans pour autant qu’il n’y ait d’amélioration salariale conséquente
comme le veut la profession.
Un senior, directeur et responsable de la direction change, affirme même à regret qu’il n’a pas
bénéficié d’une bonne transmission intergénérationnelle des connaissances de la part de ses
aînés , qui n’étaient pas, à son sens, très coopératifs et affirme que « si les choses sont ainsi c’est que
l’on a pas vraiment le choix car une personne seule ne peut changer un système qui a marché durant des années
et qui continue de marcher, il a fait ses preuves, et quiconque essaierait de le changer se heurterait à un mur.
C’est structurel et beaucoup plus profond qu’on se l’imagine, les racines sont bien en place et les branches ne
peuvent changer le cours des choses. Tout ce que je peux dire c’est qu’occuper une responsabilité dans ces
conditions est devenu trop lourd à porter car il faut au quotidien se battre contre sa conscience et son bon sens.
Pour cela des fois je me dis que si je n’avais rien dans la tête cela irait beaucoup mieux ».
Ainsi, comme nous pouvons le constater, cela revient à dire que si la hiérarchie de proximité ou
la hiérarchie tout court, se conduit comme elle le fait, c'est-à-dire d’une manière autoritaire,
souvent incompréhensible, car contre le bon sens des uns et des autres, c’est que ce rôle lui est
imposé et qu’elle ne doit en aucun cas être conciliante.
Mais, elle doit être aussi le plus flou possible pour ne point permettre une compréhension
parfaite qui ouvrirait la porte à des doléances ou requêtes de la part du personnel.
Certes, cet argument de rôle imposé permettrait de justifier les attitudes et les comportements
des décideurs dans le cadre de cette nouvelle gestion des ressources humaines qui se veut
autoritaire.
180
En effet, le recours à la domination et à l’autorité est souvent pratiqué pour faire accepter des
mesures organisationnelles et professionnelles assez contraignantes pour la plupart du personnel
de la banque.
Par ailleurs, ce que l’on voit dans ce système, c’est toujours des conditions d’ordre social qui
priment sur les rapports professionnels.
Il n’y a pas de situation qui soit prise d’une manière totalement objective, mais beaucoup plus
subjective, avec la situation extra professionnelle, les affinités et le réseau d’appartenance.
181
Ceci peut paraître donc décourageant pour le reste des troupes qui travaillent et se mettent en
concurrence les uns et les autres, alors même que d’autres paramètres entrent beaucoup plus en
jeu.
Cette femme, jeune cadre, m’a même indiqué qu’elle voulait changer d’affectation et qu’elle
voulait aller dans une agence proche de son domicile, mais le Président directeur général a
indiqué en présence de la chef d’agence qui devait l’intégrer dans son équipe que « non elle a
retiré sa demande de mutation et ne veut plus changer », ce qui, m’assurait la personne en question,
était faux, mais comme il s’agissait du premier responsable il valait mieux s’en tenir là.
C’est donc une sorte de négociation implicite, une démonstration de pouvoir qui paralyse, c'est-
à-dire qu’elle doit rester là où elle est et implicitement on la fera avancer dans sa carrière et elle
pourra même prendre des congés quand bon lui semble.
Le jeune cadre avait lui aussi tenter de bouger en faisant actionner des gens influents, mais le
Président Directeur Général le connaissant en personne a indiqué aux personnes en question
« non il est bien là où il est », autrement dit et comme l’a expliqué ce même jeune cadre en ces
termes, « on ne doit pas bouger, car le PDG sait qu’on maîtrise le job et qu’on le fait bien donc il n’a pas
envie que ça bouge ou si ça devait se faire ce sera après lui ».
Il apparaît ainsi que la banque est à deux vitesses avec un système de peur et de divisions qui a
pour effet de paralyser le personnel ou de ne créer, pour les plus réactifs, que des frustrations ou
« une révolte silencieuse et passive ».
Ainsi, ce même jeune cadre affirme « moi j’aimerai qu’ils me fassent un problème car là je vais porter
plainte et je vais voir un psychiatre, qui dira que je suis aussi malade, ils seront obligés de payer et je ne serai
plus dans la banque, ou encore j’aurai aussi un régime spécial comme les deux collègues. J’irai pas voir le
syndicat, car il est à leur botte».
On le voit bien les règles existent, mais ne sont pas appliquées de la même manière et pas pour
tout le monde.
Elles sont souvent contournées et l’on oublie que les vraies valeurs à faire respecter sont celles
de l’équité et du mérite.
En fait, les règles n’existent que pour ceux qui veulent bien y croire et ceux là même se les
verront infligées à leur encontre, car la vraie problématique devient humaine et sociale, c'est-à-
dire que c’est des considérations de vécu et de personnalité qui entrent aussi en jeu, beaucoup
plus que le mérite et le dévouement à l’entreprise.
Ce que j’ai pu relater ici n’a rien de propre à cette division ou ce département, car au niveau de
toutes les divisions et de la grande majeur partie des départements c’est le même climat social
182
qui y règne, à savoir un état de tension où tout le monde contrôle tout le monde d’une manière
active ou passive, avec une peur flagrante de la hiérarchie et une division ou l’inexistence
flagrante de solidarité.
C’est le chacun pour soi, et le règne des divisions qui facilitent à leurs tour le règne d’une
direction générale qui a tous les pouvoirs et tous les honneurs.
Ainsi, et comme le dit le premier des deux jeunes cadres avec lequel nous nous sommes
entretenus, « dans la banque il y a beaucoup d’injustice, je n’ai vu personne de content, tout le monde est
énervé, tout le monde est mal dans sa peau, il y a une tension qui épuise et rend malade et qui fait que la
plupart broient du noir du matin jusqu’à la fin de la journée. C’est d’ailleurs ce qui fait que le soir on est tous
hors circuit et qu’on a des problèmes au niveau des obligations familiales comme par exemple l’obligation de
s’occuper des enfants en bas âge, alors même que la patience et la sérénité ne sont plus de mise. Drôle de vie ».
183
Ils vont essayer de trouver le juste milieu, qui comme le dit un jeune cadre de la direction
gestion du réseau « à la banque la meilleure place c’est le frigo » c'est-à-dire le placard.
Celui ci vient tout juste d’être nommé chef de division à la direction du marché financier, et a eu
beaucoup de problèmes d’incompatibilité d’humeur avec son supérieur, une directrice.
Il nous précise d’ailleurs que le frère de cette dernière à usé de son pouvoir d’influence en tant
qu’administrateur de la banque, pour la promouvoir de la direction de la formation où elle était
formateur permanent, à « chef de département » responsable de la direction du marché financier.
Ceci ne fait que confirmer l’inexistence d’une gestion prévisionnelle des emplois et des
compétences et souligne l’aspect très important dans cette banque publique tunisienne des
variables aléatoires comme la recommandation et l’influence.
Le modèle des anciens fait désormais partie du passé, où il existait de fortes traditions
collectives et une identité forte.
C’était comme l’affirment beaucoup d’anciens et de seniors, l’esprit de famille, ou encore
l’esprit maison qui caractérisait l’identité de l’entreprise.
Or, actuellement nous constatons une remise en cause de ces modèles, avec un effritement
progressif de la communauté traditionnelle.
La banque d’aujourd’hui n’est plus celle d’hier, étant donné que le modèle communautaire
n’existe pratiquement plus et que les divisions et la logique individuelle soutenue et encouragée
par les décideurs prend le relais.
Ceci est d’autant plus problématique pour le cas des banques tunisiennes que l’inexistence de
syndicats puissants favorise ce changement et le rend plus facile, car il se fait sans une réelle
opposition.
C’est, comme l’indique un jeune cadre de la Direction gestion des ressources humaines, « un
signe de résignation, étant donné que si personne ne parle, au sens de revendiquer, c’est que cela est approuvé,
alors même que l’on sait pertinemment que les vrais bénéficiaires sont les décideurs ».
Le vécu collectif se traduit aussi par une appréhension et une réticence au changement.
C’est l’aversion au risque de perdre ses acquis ou de devoir être constamment sous tension du
fait de nouvelles prérogatives.
Il y a un sentiment d’incompréhension et de perte de vision par rapport au bon sens qui en
devient même un leitmotiv.
184
Ainsi, comme l’indique Marc Uhalde159 c’est l’« incompréhension des politiques et des pratiques
de gestion. Les individus perçoivent surtout le caractère désordonné et contradictoire des
changements. Non seulement ils identifient des contradictions entre les différentes règles de
gestion, mais ils ne saisissent plus le fondement des décisions qui les régissent. Stricto sensu, la
gestion n’a plus de sens pour eux, alors que la pression qu’elle exerce sur leur situation de
travail se renforce. Par conséquent, l’organisation, comme totalité technique et humaine, devient
à la fois source de contrainte et objet fondamentalement non maîtrisable ».
D’où, souvent une déconnexion qui les oblige à vivre au jour le jour comme les gens du
bâtiment (maçons) en Tunisie, corps de métiers auquel il est souvent fait référence.
159
Uhalde Marc, « Crise de modernisation et dynamique des identités de métier dans les organisations », Revue de L'IRES,
N° 47 - /1, 2005.
185
Tout le monde est en concurrence avec tout le monde, les cadres entre eux et le personnel
d’exécution et d’encadrement également, cela se passe aussi bien entre mêmes catégories
qu’entre catégories différentes, et sans distinction de sexe ou d’âge.
C'est-à-dire aussi bien au niveau horizontale que verticale, voire même beaucoup plus au niveau
vertical, car il y a un problème d’opposition hiérarchique forte envers le personnel de la banque.
En effet, il y a une forte opposition ou une forte dualité sociale au sein de la banque, la
négociation est rare, et c’est plutôt l’imposition de nouvelles règles internes qui démontrent
l’inexistence de capacité d’acteurs autour d’un projet commun, et l’absence d’un véritable
consensus autonome.
« C’est la surenchère qui ne s’arrête pas » nous dit un employé de la salle de tirage du siège, lieu où
se font tout les tirages et les photocopies.
Il nous signale d’ailleurs qu’un des directeurs centraux des ressources humaines et des services
administratifs avait pris une décision négative à leur encontre et qui n’a pas été digérée à ce jour,
c’est même affirme t’il « l’incompréhension totale, car ce directeur central en passant à notre local qui est
encombré de photocopieurs et qui se situe à la cave du siège de la banque, lieu où nous ne disposons pas d’assez
d’air, nous a réduit notre dû en bouteille de lait de 6 à 5 bouteilles ».
Ceci est très instructif, car cela montre le degré de médiocrité de gestion des ressources
humaines, la valeur de l’humain dans cette banque, sous couvert d’économie de bouts de
chandelle.
En effet, sachant les répercussions de l’ammoniac et les maladies que peuvent engendrer ces
pénibles tâches, surtout après une longue période de travail.
D’ailleurs et à ce jour, il n’y a eu aucune attaque en justice connue pour maladie ou pour
pénibilité de travail, car il y a une difficulté de preuve, mais aussi parce que la plupart ne sont
pas conscient de leurs droits, ni même assez informés.
De plus, les honoraires d’un avocat sont assez élevés et il n’est pas dans l’ère du temps en
Tunisie de réclamer des dédommagements de cet ordre, contrairement à des pays développés
comme les Etats Unis où tous les moyens sont bons pour attaquer son entreprise en justice et en
récolter des fonds.
De même pour la responsable du comité de la communication de la banque lors d’une réunion
relative à la mise en place du schéma directeur stratégique du système d’information et qui
indique, lors d’une question relative à l’adhésion ou non du personnel qu’ « il n’a pas le choix, c’est
marche ou crève ! ».
186
Cette même responsable qui habite pourtant un quartier huppé à Tunis, et qui s’affiche comme
étant « très humaine » pour le personnel, et qui l’a même été un temps lors de sa carrière dans
son passage en temps que directeur à la direction gestion des ressources humaines, a changé vis-
à-vis de son attitude par rapport au personnel.
Les causes de son changement sont peut être issues des décisions qu’elle avait prise en faveur du
personnel et qui ont joué contre elle, étant donné que la direction générale ne l’avait pas
maintenue longtemps dans ce poste, car ce n’est pas dans la politique choisie par la banque.
Nous pouvons faire l’hypothèse que cette dame a changé du fait du contexte dans lequel elle
s’est trouvée et auquel elle n’a trouvé d’autre solution que de se résigner en y adhérant à son
tour, selon l’adage bien connu, « à Rome, il faut faire comme les romains ».
En ce sens nous pouvons concevoir qu’il y a eu transmission intergénérationnelle des
connaissances des seniors envers les jeunes, car plusieurs jeunes, à l’image de cette directrice a
beaucoup plus bénéficié d’un transfert négatif que positif.
En effet, la directrice en question a refoulé le mode de gestion des ressources humaines qui lui
avait été enseigné à l’université pour adhérer à celui pratiqué au sein de la banque et qui lui a été
transmis par ses aînés qui occupaient des postes à responsabilité où il fallait avant tout montrer
une aptitude à pouvoir dominer les salariés subalternes.
De même, aujourd’hui à son tour elle reproduit cette fracture et transmet aux jeunes beaucoup
plus un savoir faire que nous pourrions juger « négatif » plutôt que des connaissances positives
clés porteuses d’améliorations socioprofessionnelles, d’où une transmission intergénérationnelle
des connaissances pour le peu raté ou incomplète.
Pour autant, cette directrice n’est pas entièrement responsable de cet état de fait, car comme
nous l’avons déjà énoncé plus haut et à travers les écrits de Jean Jacques Rousseau « l’homme
né naturellement bon mais c’est la société qui le corrompt ».
Cela, provient en fait et pour grande partie, d’un rapport de pouvoirs fort qui vise à dominer les
salariés en exploitant leur labeur et en cassant leur personnalité, de sorte qu’ils se comportent
tous en tant que « mouton ».
A la « BMTP », le cœur du problème peut être appréhendée du fait que l’autorité est légitimée
par le pouvoir et non pas par le savoir, ce qui peut conduire à de nombreux dysfonctionnements
internes et perturbe les rapports entre les uns et les autres induisant une paralysie.
Une question peut être posée ici, à savoir : Dans le cadre énoncé ci-dessus qu’en est il de la
formation, du rapport au savoir professionnel ?
187
Comme nous avons pu le remarquer lors des entretiens, la hiérarchie définie elle-même les
connaissances à maîtriser et ne tient pas compte de l’avis de son personnel à cet égard.
Ce dernier n’est pas consulté quant à sa vision ou aux possibles améliorations qu’il pourrait
donner lors de nouvelles organisations à mettre en place ou de nouvelles pratiques
professionnelles à adopter, seule la hiérarchie est apte à proposer.
C’est comme si nous étions encore à l’époque de Taylor, et qu’il existe encore de nos jours ceux
qui pensent et ceux qui exécutent, mais aujourd’hui cela se passe au niveau des entreprises de
services, comme la banque.
De plus et nous avons pu le noter, l’aspect formation ou transmission des connaissances est
assez pauvre dans le cadre de cette banque, étant donné que plusieurs personnes n’ont pas été
formé ou n’ont pu bénéficier d’aucune action de formation des années durant, sans que cela
inquiète leur chefs de département.
Françoise Hatchuel160 indique que c’est en 1977 que Marcel Lesne161 s’interroge sur les
différents types de savoirs, à partir de la définition suivante : « Le rapport au savoir concerne les
conceptions et les options relatives aux contenus que véhicule tout acte de formation : savoir au
sens large du terme et recouvrant l’habituelle trilogie des savoirs, savoir-faire et savoir-être. Ce
rapport au savoir, peut être conçu soit comme un rapport avec la connaissance produite par la
société savante, et qu’il convient de diffuser dans la société, soit comme un rapport avec le
savoir partagé d’une certaine façon par toute la société dont il faut mettre en relation les
différents dépositaires, soit comme un rapport de production personnelle du savoir par
l’appropriation de constructions théoriques empruntées à la société savante pour favoriser les
ruptures et les constructions dans l’univers personnel de la connaissance ».
Ainsi, comme elle l’ajoute d’ailleurs, Marcel Lesne162 « aborde l’ambivalence de la notion de
savoir, lien entre le sujet et la société », pour notre cas en l’espèce et même s’il s’agit du rapport
entre savoir et entreprise le problème demeure entier, car la formation véhicule en elle-même
une certaine conception de l’ordre des choses, un rapport avec les autres au sein de l’entreprise,
de la banque en particulier.
Or, comme l’indique Françoise Hatchuel, « du moment où on ne peut plus se contenter
d’ « application », la notion de rapport au savoir devient tout à fait concrète pour les formateurs
160
Hatchuel Françoise, « Savoir, apprendre, transmettre », Editions La Découverte, Paris, 2007, p24.
161
Lesne Marcel, « Travail pédagogique et formation d’adulte », PUF, Paris, 1977, p.35-36.
162
Lesne Marcel, ibid.
188
et les formatrices, au moins pour nommer leurs difficulté à transformer les représentations et les
imaginaires ».
Mais, le problème est d’autant plus important, que les apprenants n’ont pas la possibilité de
signifier leur manque et leurs besoins de formation, comme c’est le cas dans ces grandes
entreprises que sont les banques et où les effectifs sont assez nombreux.
Cela peut générer une grande frustration de la part des salariés, à laquelle s’attache une grande
résignation qui oblige ces derniers à se ranger et à « ne point être plus royaliste que le roi ».
Autrement dit, le personnel finit par comprendre que le plus important pour ne point être mis au
placard, consiste à donner ce qu’on lui demande et ne pas essayer d’en faire plus qu’il n’en faut.
Pour certains, cela peut être apprécié comme étant « un nivellement par le bas », étant donné
que seul un minimum est exigé et que ce minimum ne permet pas d’avancer ou de s’améliorer,
mais tout au plus, de vivre au jour le jour comme de simples manœuvres.
De plus, cela est très difficile à accepter pour des banquiers qui se considèrent comme étant des
intellectuels, des scientifiques, et qui pratiquent un métier noble et bien classé sur l’échelle
sociale.
Au-delà de ces réflexions, ce qui est inquiétant c’est que cela, comme l’affirme Françoise
Hatchuel163 « nous incite à questionner la place et le rôle du savoir dans une époque qui prône,
au moins depuis la fin des années 1960, une certaine libération de l’individu. On peut alors se
demander si le rapport au savoir ne viendrait pas prendre la place ou masquer le rapport à
l’autorité, le savoir devenant le représentant « rationnel » d’une autorité passée de mode mais
qui ne se laisse peut-être pas si facilement dépasser. On ne se soumettrait plus à un statut, mais à
un savoir, ou un individu sachant ».
Or, le grand problème intervient quand le personnel remet en cause tout son héritage
éducationnel et académique pour s’adapter à un nouveau type de savoir ou d’ « individus
sachant ».
Cela peut être facile, même si ce n’est pas toujours automatique, pour ceux ayant le moins de
bagage comme le personnel exécutant, car ils aspirent à améliorer leurs connaissances.
Mais, cela est d’autant plus difficile pour des cadres qui ont du, pour être intégré et recruté au
sein de la banque, montrer qu’ils disposaient d’un certain niveau de base assez élevé, cela était
même exigé en tant que critère de sélection, ce n’était plus « le Bac » mais « la Maîtrise ».
163
Hatchuel Françoise, ibid, p25.
189
Pour elle, Claude Lefort164, définit l’autorité comme « le masque mystifiant de la violence »,
alors que pour lui « l’autorité consiste en un mécanisme psychique qui s’appuie sur la
culpabilité pour obtenir d’un individu une certaine action qu’il n’aurait pas mise en œuvre de
lui-même. Ceci est particulièrement caractéristique dans la relation adulte- enfant ».
Comme nous pouvons le constater ce n’est pas dans ce cadre « d’adulte et enfant » qu’elle est
utilisée ici, mais plutôt dans des rapports professionnels entre salarié et hiérarchie.
Nous pouvons ici rejoindre les propos de Riadh Zghal165 lorsqu’elle parle de paternalisme, car au
niveau de la banque, les décideurs peuvent user de ce sentiment pour faire autorité.
Toutefois, Françoise Hatchuel166 indique aussi que « l’autorité fonctionne aussi entre adultes, où
elle pose la question du vivre ensemble et de la prise de décisions qui affecteront la collectivité :
« autorité » dérive de la même racine qu’ « auteur » et « autoriser ».
Pour elle, « le ou la dépositaire de l’autorité sera donc celui ou celle qui autorisera et
s’autorisera dans et par ses actes, et deviendra auteur de son destin et de celui des autres ».
Elle indique également que « le savoir, réel ou supposé, et donc le rapport à son propre savoir et
à celui des autres joueront un rôle essentiel dans la légitimation de l’autorité. Celui ou celle qui
sait décide, les autres appliqueront ».
Nous pouvons réaliser que ce qui se passe au sein de la banque dans le secteur publique est
totalement différent et guidé par d’autres paramètres qui se veulent être d’un tout autre ordre,
aussi bien sociologique, idéologique, que politique, managérial, etc…
Ce n’est donc pas cette logique du mérite qui fonctionne.
Toutefois, elle ne manque pas d’ajouter « que nul ne puisse plus, face à la complexité du monde,
s’arroger le droit de décider pour les autres, et que l’autorité ne puisse donc plus être un mode
de régulation sociale satisfaisant et efficace n’empêchent pas que les autres modes de régulation
soient encore à construire ».
Elle précise même à cet effet, que « les travaux de la psychosociologie nous montrent chaque
jour davantage le coût en temps et en énergie psychique de la construction de collectifs
véritablement démocratiques. Dans ce cadre, la notion de rapport au savoir, lorsqu’elle émerge
dans les années 1970, peut contribuer à cette construction de processus démocratique ».
164
Lefort Claude, « Autorité et savoir dans l’organisation universitaire » (conférence), stage de sociologie des
organisations, 16-20 février, dactylographié, 1970.
165
Zghal Riadh, « la gestion des entreprises tunisiennes : fondements culturels et défis de la globalisation », in « La Tunisie
d’un siècle à l’autre », Actes du colloque organisé à Tunis (Beît El Hikma) par l’Académie Tunisienne des Sciences, des
Lettres et des Arts, du 09 au 12/01, 2001.
166
Hatchuel Françoise, « Savoir, apprendre, transmettre », Editions La Découverte, Paris, 2007, p26-27.
190
Ce que nous pouvons soulever ici c’est la question de démocratisation au niveau du travail au
sein de la banque.
En effet, cette question est importante, car plusieurs des personnes interrogées laissent
transparaître un manque de démocratisation flagrante qui fait que la transmission
intergénérationnelle des connaissances a du mal à se faire, étant donné que celle-ci doit, pour se
faire, jouir d’un contexte particulier.
Or, si celle ci devient commandée par la hiérarchie, cela devient plus difficile et moins naturel.
Selon elle, et d’après Philippe Carré167, qui s’appuie sur les théories de la motivation d’Albert
Bandura, psychologue américain, le rapport au savoir est conçu comme une structure
psychologique triple, car il réunirait trois types d’éléments : des représentations, des affects et
des « conations ».
C'est-à-dire des caractéristiques qui se placent dans le registre de la motivation.
Le rapport au savoir de la personne se construit alors dans une interaction dynamique entre la
pensée, l’action et l’environnement du sujet social, et la notion de sentiment d’efficacité
personnelle à apprendre, serait au cœur de cette construction.
Ce ne sont donc pas les savoirs en eux-mêmes qui sont ou non émancipateurs, mais bien la
posture avec laquelle on les aborde, la façon dont on se situe par rapport à eux et ce qu’on peut
en faire.
C’est pourquoi la question du rapport au savoir nous interpelle aussi bien en tant que chercheur
dans le cadre de notre thèse qui s’inscrit dans la sociologie du travail qu’en tant que citoyen.
Françoise Hatchuel ajoute même à cet effet qu’« un système dominateur se servira des savoirs
pour maintenir sa domination, tandis que les savoirs peuvent être des outils pour ceux et celles
qui sont sur un chemin d’émancipation sans pour autant y suffire.
C’est un pari personnel mais aussi une question sociale, car les savoirs produits et enseignés
trahissent, bien évidemment, les enjeux et l’idéologie de ceux et celles qui les portent ».
Au niveau de notre recherche cela cristallise le type de rapport qui existe entre les salariés entre
eux, aussi bien d’un point de vue générationnel entre seniors et jeunes, mais également entre la
population des salariés et celle des responsables ou supérieurs hiérarchiques censés représenter
la Direction Générale de la banque, donc l’employeur.
167
Carré Philippe, « De la motivation à la formation », L’Harmattan, coll. « Savoirs et formation », Paris, 2001.
191
2.9.2 Un management archaïque qui entrave le transfert des connaissances
La pratique d’un management que nous pouvons qualifier d’archaïque au sein de la « BMTP »
ne favorise pas la transmission intergénérationnelle des connaissances, mais beaucoup plus le
système de baronnies, de cloisonnement et de repli sur soi.
C’est par exemple au niveau de la banque, la pratique de la recherche d’un bouc émissaire qui
doit payer pour les autres.
Cette pratique existe bel et bien, comme nous avons pu le remarquer avec le remplacement du
directeur du département de l’étranger à qui on a fait assumer la faute relative au détournement
de fonds effectué par un de ses agents.
Ce mécanisme est ancien et provient du « mythe de la caverne ».
Aujourd’hui encore, il est repris sous la coupe de méthodes organisationnelles, avec mesures
disciplinaires et sanctions pour montrer que tout écart socioprofessionnel sera puni et ce, en vue
de maintenir un équilibre dans un système où les décideurs vont jouer la règle « du bâton et de
la carotte ».
C’est l’un des aspects négatifs de la responsabilité dans des banques, où il n’existe pas
réellement des gardes fous et surtout où la nomination à un poste n’est pas en rapport avec les
compétences et les qualifications, mais plutôt issue d’éléments extra professionnels comme les
affinités et l’appartenance à un réseau de connaissances.
Cela s’appelle communément « le copinage », il peut aussi, comme nous l’indique un senior,
ancien directeur de la direction trésorerie, « prendre beaucoup plus d’ampleur dans des entreprises et des
sociétés que dans d’autres ».
Ce dernier affirme même pour le cas de la banque que « certes ce n’est pas la majorité des cas mais une
grande proportion des postes occupés et des nominations se font sur cette base, en témoigne le cas de ce
directeur d’un des départements de l’étranger qui a pris ce poste sans avoir les qualifications en rapport mais
qui a su uniquement faire jouer « le capital confiance » que la direction générale lui accordait ».
Ceci prouve encore que l’aspect formation qui est pourtant primordiale est occulté dans le cas
présent.
Nous pouvons d’ailleurs remarquer qu’au niveau de cette expérience cela peut avoir des
répercussions négatives et assez dramatiques aussi bien pour le personnel que pour la banque.
En effet, un des cadres du département étranger nous a indiqué pour corroborer ce que nous
venons d’annoncer, que « cela n’est pas juste car ils font sortir du département les techniciens et nous
imposent des gens qui n’y connaissent rien en bancaire étranger et puis ces derniers veulent qu’on leur transmet
tout pour qu’ils montent encore plus vite. Alors, on n’est pas dupe, et franchement moi je commence à penser
192
qu’il faut que je trouve un poste dans une banque privée où le mérite est mieux rétribué. Ils finiront par voire
qui va leur rester ».
Cela a d’ailleurs des conséquences néfastes au niveau de l’organisation interne de la banque et
de la prise de responsabilité, car comme nous l’a indiqué un cadre de la direction de l’audit a qui
la direction générale a proposé un poste de chef de division à la direction gestion des ressources
humaines, (dans la division du contrôle comptable), il a affirmé « j’ai demandé à la direction générale
de me laisser là où j’étais car je n’étais pas intéressé, en effet je voulais garder ma liberté d’aller et venir et ne
pas être cloîtré dans un bureau au siège à faire de la comptabilité, et où on va me reprocher d’être arrivé en
retard et d’avoir quitté le bureau à telle heure ou de ne pas avoir bien fait un état comptable ou oublié des
écritures.
Alors que là je suis dans un autre bâtiment loin du siège, loin du bunker et du radar de la sécurité qui nous
surveille comme si nous étions des petits moutons ».
En fait, ce qui est aussi assez parlant c’est le sentiment qu’on les uns et les autres, lors de mon
passage à la direction formation le personnel se sentait mal dans sa peau, car pour lui les
directions importantes et celles qui bénéficiaient de plus de formation étaient le département
étranger et le département crédit, avec l’informatique, le reste étant resté au cas par cas.
Le personnel se disait que dans une banque ce sont ces métiers là qui étaient valorisés et par là
même leur personnel.
A mon passage au comité de la communication c’est le même sentiment, nous avons
l’impression, étant donné que l’on ne sert pas le personnel de la banque, que l’on est encore plus
inutile donc encore moins bien classé sur l’échelle interne et socioprofessionnelle de la banque.
D’ailleurs, la plupart de son personnel se considère comme étant au placard, ou à la disposition
exclusive de la direction générale pour quelques actions ou services ponctuels.
Au niveau de la direction de la qualité et du marketing, on ne fait pas de qualité au sens propre,
mais du bricolage, car l’essentiel de l’activité de la division qui porte le nom de la structure,
c'est-à-dire la division qualité, fait de la gestion des réclamations.
De plus, ces réclamations étant assez rares (du fait d’une culture verbale couplée avec la langue
de bois), la structure répond aux doléances émanant du citoyen contrôleur qui remarque pour
l’essentiel des manquements ou des défaillances d’ordre matériel (drapeau, passage pour
handicapé, etc) que d’ordre qualitatif.
La plupart de son personnel se considère également comme étant mal reconnu, et ne se sent pas
valorisé.
Au niveau du crédit, c’est le même sentiment, mais avec plus de contrôle et beaucoup moins de
possibilité de souplesse, mais également avec très peu de formation, en témoigne que, sur
193
bientôt deux ans personne (de cette division qui fait partie intégrante du département des crédits)
n’a assisté à aucun séminaire.
Aussi, j’ai demandé si quelques temps avant c’était aussi comme cela et si le directeur les avait
réunit une fois pour discuter avec eux du plan de formation de la banque ou des formations dont
la direction avait besoin, il m’a répondu par la négative.
C’est ainsi que je me suis rendu compte que la vision que l’on pouvait avoir sur les autres
directions était fausse.
En effet, le personnel des crédits était tout aussi mal loti que les autres structures, mais avait en
plus, un surcroît de stress pour le même salaire.
Tout ceci permet d’entrevoir que c’est uniquement la direction générale qui travaille ou qui a
réellement un rôle d’acteur, les autres ayant un rôle de figurant, de simples exécutants ne
comprenant rien aux décisions importantes, car n’étant pas éclairés, informés et formés à bon
escient.
194
De plus, cette affirmation rappelle un peu l’époque féodale des parrains, où nous pouvons
obtenir la protection d’un noble à condition de travailler sa terre.
Au niveau de la banque, cela permet d’obtenir également une protection.
En effet, les erreurs incombent à des personnes précises que l’on sacrifiera pour sauver sa
structure en cas d’apparition d’une défaillance. Il n’y a donc aucune responsabilité collégiale,
mais plutôt une responsabilité individuelle comme tout bon système capitaliste et libéral.
Ceci a pour effet de cristalliser la volonté claire d’instaurer un rapport instrumental au travail et
l’idée qu’il n’y a qu’une faible socialisation au sein du travail.
En effet, car si « le responsable », le supérieur hiérarchique, qui est censé former son personnel
et le guider pense de la sorte, c’est qu’il y a déjà une cassure assez forte, qui n’est que le reflet
d’une déclinaison de la stratégie GRH adaptée « top to down » au sein de la banque.
En règle générale, et comme l’énonce un cadre de la direction du juridique, « il y a toujours une
peur des représailles et « la pratique du fauteuil », dans le sens maghrébin de conservation de son poste à
responsabilité, qui est souvent d’usage dans la banque n’est pas exclusive à elle.
D’autres entreprises financières voire même des entreprises dans d’autres domaines comme le sport également,
où le chef d’entreprise, ou l’entraîneur, feront tout pour conserver leur poste et où la plupart des gens qui sont
contre leur programme seront, soit mis au placard soit muté pour ne pas perturber l’organisation en place, n’est
pas un phénomène nouveau ».
C’est donc ici en fonction des personnes que l’on doit choisir et non pas en fonction d’un
programme comme cela se fait dans certaines entreprises de pays développés, car là encore il
peut exister aussi des biais et il ne faut point généraliser.
De plus, les rapports entre supérieurs et subalternes sont souvent tendus, et la hiérarchie
soupçonne ces derniers de complot hiérarchique et les targue d’incompétence et les fustige de
manque d’assiduité et de motivation dans le travail.
Ceci étant inhérent aux nouvelles valeurs facilitées par la hiérarchie au sein du travail et des
collectifs de travail, comme « la délation », le fait de savoir vendre son travail, ou le fait de
« porter le couffin », qui deviennent des vecteurs et outils d’ascension professionnelle plus
efficaces que le travail lui même.
Nous passons ainsi d’une dimension collective à une dimension personnelle du travail qui
bouleverse les plus intègres.
Le personnel le mieux adapté devient calculateur et opportuniste, et il y a création d’une frange
du personnel qui utilise le travail des uns et des autres pour monter en grade.
Ceci a d’ailleurs tendance à désintéresser et démotiver le personnel qui se désengage de plus en
plus pour ne plus être dupe et qui va développer une existence sociale et socioprofessionnelle
195
hors du travail, aussi pour répondre à des besoins financiers plus importants, mais également à
une impossibilité d’évolution au sein de la banque.
C’est en fait la voie de la rationalité, ou encore de « l’homo œconomicus » qui va faire en sorte
que le rapport travail / rétribution ne soit pas disproportionné.
Cela n’est toutefois pas facilement identifiable, car cela peut concerner aussi bien des jeunes que
des seniors ou encore des anciens, le groupe d’âge est indifférencié, de même le niveau
hiérarchique.
De plus les conflits internes qui peuvent en résulter montrent selon des anciens « l’existence de
divisions beaucoup plus importantes de nos jours que jadis ».
Ces derniers affirment même que « la banque d’avant c’était la belle époque où le personnel se considérait
comme une famille et où les uns et les autres entretenaient même des relations d’amitié au sein et en dehors des
locaux de la banque. On était dévoué à la banque et pas comme aujourd’hui aux personnes ».
Tout ceci contraste avec les rapports beaucoup plus individualistes d’aujourd’hui, qui se veulent
en accord avec le nouveau type de relations sociales et de société.
Comme l’indique Françoise Hatchuel168 lorsqu’elle cite « Guizot, ministre de l’Instruction
publique de Louis Philippe », il s’agit explicitement de « domestiquer le peuple », voire au sein
de l’entreprise comme de la banque de « domestiquer le personnel ».
Elle précisera d’ailleurs qu’ « alors que l’on peut donc le considérer comme le véritable père de
l’Instruction pour tous en France, Guizot visait explicitement à maintenir le peuple dans un état
de domination. Savoir, oui, mais pas trop. C’est dans ce sens que l’on peut interpréter la
séparation radicale qui existait entre les deux systèmes d’enseignement : primaire/ primaire
supérieur et secondaire ».
Ainsi, comme en 1833, nous pouvons le voir, les connaissances et/ou savoirs peuvent être dictés
par plusieurs objectifs.
C’est d’ailleurs en ce sens que Françoise Hatchuel169 indique que « les savoirs peuvent donc être
libérateurs quand on en maîtrise la conception et l’organisation, ou au contraire instruments de
domination quand ils consistent à appliquer ce qui a été conçu ailleurs.
La libération par le savoir peut donc être une illusion et, en la matière, la vigilance est requise ».
Dans le cas de la banque cela est plutôt utilisé comme instrument de domination, étant donné
que seuls les décideurs veulent pouvoir profiter du savoir et ne souhaitent en aucun cas que
168
Hatchuel Françoise, « Savoir, apprendre, transmettre, Une approche psychanalytique du rapport au savoir », Editions La
Découverte, Paris, 2007, p30-31.
169
Hatchuel Françoise, ibid.
196
celui-ci soit transmis à tout un chacun étant donné que le modèle mis en place est celui de la
« non mobilité ».
Ceci laisse à penser qu’il existe au niveau de la banque, une nouvelle configuration du modèle
du métier, car outre le fait de fixer le personnel, il est actuellement procédé à une exigence
d’élévation du niveau des nouvelles recrues.
Ces derniers étant pour la plupart des jeunes diplômés détenteurs d’un troisième cycle de
l’Institut du Financement du Maghreb Arabe (IFID), qui est en fait une institution de formation
créée dans le cadre de l’UMA, donc marquée par un caractère publique et entrant dans le cadre
d’accords politiques avec les pays de l’Union du Maghreb Arabe.
Les diplômés de cette institution sont donc recrutés par les organismes publics comme le
ministère des finances, les banques publiques et tout autre organisme public ou même privé
justifiant d’un besoin en cadres.
En effet, il existe un encouragement au recrutement de ces diplômés qui ne doivent pas en
principe souffrir de période de chômage.
Ces quelques recrutements répondent aussi au besoin de la banque en cadres, étant donné que
cette dernière a procédé à des programmes de préretraite, et favorisé également les retraites
anticipées, tout en maintenant le parrainage de certains étudiants de l’IFID qui constitueront des
futures recrues.
De plus, il y a eu du fait de ces procédures des départs volontaires, motivés pour la plupart par
des conditions devenues de plus en plus difficiles à vivre, conjugués avec la volonté d’une
amélioration socioprofessionnelle légitime.
Ce que l’on constate facilement, c’est qu’il y a une remise en cause profonde de la conscience
professionnelle, et de la perception de « l’intérêt de la banque ».
Nous pouvons le voir dans les rapports entre les décideurs ou chefs de départements et les
cadres et/ou salariés.
Généralement les premiers, ou encore comme le décrivent Florence Osty, Renaud Sainsaulieu et
Marc Uhalde170, « le chef, tire sa légitimité de son expertise et de sa capacité à transmettre son
savoir à son équipe. Les relations hiérarchiques sont placées sous le signe de l’échange et de la
proximité sociale avec le groupe du métier ».
Mais, quand cette expertise n’existe pas et qu’il n’y a pas de transmission de connaissances pour
divers motifs, comme l’affectation hasardeuse de personnes à des postes à responsabilité et/ou
170
Osty Florence, Sainsaulieu Renaud et Uhalde Marc, Les mondes sociaux de l’entreprise, penser le développement des
organisations, Editions La Découverte, Paris, 2007, p 116.
197
encore l’existence d’un climat social en interne qui ne permet pas l’échange et la proximité avec
le groupe de métier, alors il y a là un écart et une entrave au bon fonctionnement de la « chaîne
de travail ».
L’organisation du travail devient ainsi difficile et il faut consacrer du temps pour que les équipes
de travail puissent se réorganiser et s’adapter, voire faire abstraction de ses écarts et continuer à
travailler en gardant à l’esprit qu’il y a tout de même une once de sécurité de l’emploi.
Toutefois, avec une gestion interne des ressources humaines complexe, tantôt proche du modèle
de l’entreprise familiale ou privé, où le salarié ne doit sa légitimité qu’à son labeur, et tantôt
proche d’un modèle où le réseau de connaissances et l’influence externe est beaucoup plus
importante, les salariés ont du mal à prendre leurs repères.
Dans ce contexte et en prenant en compte cet état de fait, c’est comme si la gestion interne des
salariés de la banque qui est effectuée par les employeurs est similaire à celle d’une entreprise
privée où le propriétaire jouit d’une liberté d’action assez importante.
Cela est difficile à admettre et à accepter pour les salariés de cette banque publique qui
indiquent qu’ils devraient être normalement protégés par le syndicat, par les textes de la
convention collective et l’intervention de la commission consultative d’entreprise.
Or, ces derniers déplorent que toutes ces entités ne sont là que pour de la figuration et
remplissent des conditions de forme et non des conditions de fond.
L’intervention du syndicat se fait à la carte, et les textes sont souvent sujets à interprétation,
toujours en faveur de la banque et des supérieurs hiérarchiques.
Le personnel a du mal à s’adapter, étant donné qu’il n’existe pas de ligne de conduite validée ou
de règle claire, mais des appréciations qui paraissent souvent non fondées sur le mérite.
Pis encore, ce qui est difficilement acceptable pour les salariés, et qui ne le sera également qu’au
moyen d’une période supplémentaire d’adaptation, c’est le fait du passage, au sens de certains
responsables de la banque, d’une période de « vaches grasses » à une période de « vaches
maigres ».
Pourtant, ces propos paraissent pour la plupart vides de sens dans la mesure où ils indiquent que
la crise financière n’a qu’un impact limité sur les banques publiques maghrébines, étant donné
leur orientation essentielle sur le marché interne et le peu d’ouverture sur les marchés
internationaux.
Par ailleurs, la banque par sa stratégie de gestion des ressources humaines, tend à ne laisser pour
son personnel et en tant qu’acquis indétrônable que le salaire.
198
Le reste des avantages et des acquis est en train d’être progressivement gommé, et ce aussi bien
pour les avantages financiers que pour les avantages sociaux comme nous l’avons décrit plus
haut.
Les promotions et les avancements, les postes fonctionnels, la flexibilité des horaires, les
activités associatives et sociales sont de moins en moins présentes et c’est ce qui fâche le
personnel, car le rapport au travail change en sa défaveur.
Il travaille plus, avec beaucoup plus de stress, toujours sous la menace d’une sanction possible
et avec beaucoup moins de proximité, d’échange, de communication et de formation.
C’est comme nous l’avons énoncé cette rupture assez rapide avec l’ancien modèle
communautaire et la mise en place imposée d’un modèle individualisée avec une gestion
similaire aux entreprises et banques privées qui dérange.
En effet, il est demandé constamment au personnel de faire des sacrifices et de travailler
davantage dans une ambiance d’entreprise privée, sans pour autant que l’on ne dispose ni des
conditions avantageuses des entreprises privées, aussi bien au niveau émoluments et
rétributions, qu’au niveau des moyens de travail et de la formation.
De plus, nous passons aujourd’hui en un minimum de temps pour un pays jeune comme la
Tunisie à une société de consommation avec une culture, du profit et des loisirs, qui n’existait
pas.
Même la publicité commerciale au niveau de tous les médias n’a pas une grande ancienneté.
Elle date de la fin des années quatre vingt dix alors que l’indépendance a eu lieu comme il a déjà
été mentionné plus haut en 1956.
C’est donc un réveil et l’apparition de nouveaux besoins d’équipement et de consommation que
la société tunisienne et ses salariés doivent affronter, avec un pouvoir d’achat qui diminue et des
conditions de travail et un salaire de plus en plus difficile à maintenir équilibré.
La chaîne travail, salaire, consommation, niveau et qualité de vie devient de jour en jour plus
problématique du fait de la mondialisation et de l’ouverture avec l’augmentation générale du
coût des matières premières et de l’énergie.
Seul le poste « valeur travail » diminue, et la plupart des salariés de la banque nous indiquent
que c’est uniquement « le facteur humain » qui se voit déprécié, pour le reste tout augmente, il
est alors normal que le taux de mortalité dans les entreprises et les accidents du travail
augmentent, car les cadences ne sont plus les mêmes et il y a l’apparition de nouvelles maladies.
Ces maladies qui tuent, sont considérées comme des maladies d’époque, et proviennent du stress
et de la difficile adaptation du personnel des entreprises comme la banque au nouveau rythme et
aux nouvelles exigences imposées, sans qu’il y ait une phase d’adaptation qui soit respectée ou
199
une formation et une transmission des connaissances nécessaire pour accomplir les nouvelles
tâches qui soit en rapport.
Toutefois, ce qui est à déplorer c’est l’inexistence de statistiques relatives aux causes de décès
ou aux maladies contractées au sein de la banque, même si cela est matériellement faisable, la
banque maintient ses informations sous le couvert de confidentialité.
La banque est sous l’emprise de décisions relevant des autorités de tutelle et de ses grands
actionnaires, en ce sens que la marge de manœuvre appartenant à la direction générale semble
être faible.
En effet, c’est ce genre d’argument que prétexte la direction générale lorsqu’elle veut dérouter
les personnes qui émettent une requête.
Aussi, nous sommes loin de la triade de la qualité énoncée par Joseph Kélada et qui énonce
comme mentionné plus haut, que pour un bon fonctionnement de l’entreprise, il doit y avoir la
satisfaction conjointe des trois ayants droits que sont : le client, les actionnaires et enfin le
personnel.
Or, nous pouvons constater que lors d’intervention de certaines personnalités il s’opère un
arbitrage entre les personnes très influentes et auxquelles on ne peut refuser une faveur, suivant
leur position au niveau de l’échelle sociale ,voire dans la hiérarchie ou pyramide sociopolitique.
Cela peut aller de la nomination d’un proche à un poste de responsabilité ou une mutation à un
autre poste ou encore toute sorte d’opération relevant de la gestion des ressources humaines.
Pourtant, il est inscrit dans les statuts de la banque que la direction générale et le PDG sont les
garants de la gestion interne de la banque, autrement dit ce dernier a toute latitude pour nommer,
remplacer, ou muter une personne.
En fait, les autorités ne font dans ce cas qu’approuver à posteriori les choix de la direction
générale, et il a été rarement procédé à un changement de personne qui aurait été proposée par le
PDG à un poste.
La seule réserve qu’émettent les autorités de tutelle, dont le premier ministère fait également
partie, est celle inscrite au Journal Officiel et intéressant le personnel de la fonction publique
comme celui de la « BMTP ».
200
Ainsi, d’après les textes en vigueur émis par cette entité, et pour nommer à des postes de
responsabilité, il faut que les personnes désignées disposent d’un profil de Bac+4 avec au
minimum un grade de fondé de pouvoirs.
Ceci signifie que la personne qui peut être concernée doit tout de même appartenir à la dernière
catégorie inscrite dans la pyramide donc soit, la catégorie « personnel de direction », même si ce
grade correspond au premier niveau de cette même catégorie.
Toutefois, les autorités de tutelle (Banque Centrale, Ministère des Finances et Premier
Ministère) peuvent également imposer d’autres mesures ou des changements comme la
restructuration ou encore récemment la modernisation du système bancaire.
Il en découle donc des contraintes supplémentaires et des obligations pour le personnel qui doit
se plier aux demandes de la direction générale qui sera le seul architecte de cette restructuration
ou encore de cette modernisation au niveau de la banque.
Le problème étant que sous couvert de ces grandes orientations, la direction générale a les mains
libres en interne, mais en prétextera le contraire au personnel pour fermer les portes.
En effet, c’est le langage couramment adopté pour rejeter des demandes d’amélioration de
situation émises par le personnel et que la direction générale réserve uniquement à certains.
Un des cadres que nous avons interrogé avait eu le privilège de pouvoir suivre une formation
diplômante du seul fait de ses supérieurs, il s’agissait d’une formation en organisation, ouverte
uniquement à quelques privilégiés de la direction centrale de l’organisation que l’on voulait
avantager par rapport aux autres.
Le cadre en question ainsi que son directeur nous ont affirmé que « cette formation est réservée à
certains cadres de la direction organisation et n’est pas ouverte au reste du personnel comme l’était l’ITB pour
tous les cadres disposant d’un bac +2 au minimum et/ou du diplôme interne de la formation rédacteur, avant
que ce ne soit plus réservé qu’au personnel ayant un Bac+2 pour éviter d’avoir une armée de généraux. Mais
l’existence de cette formation est censée restée discrète, car on ne veut pas créer des problèmes et ouvrir cette
porte au reste du personnel ».
Autrement dit, il ne faut pas que cela s’ébruite, car cela est bien perçu comme un avantage, une
ouverture qui ne doit pas profiter à tout le monde.
Ainsi, nous pouvons le constater, il existe une discrimination par l’appartenance ou non à une
direction et le fait d’appartenir ou non à une direction ou au sens large à une structure confère
pour certains des avantages que seuls les responsables nommés à la tête de ces structures
connaissent.
Ils ne sont pas portés à la connaissance de tout le personnel pour éviter toute demande que
pourrait émettre un cadre ou un membre du personnel.
201
C’est en quelque sorte du secret interne qui n’est pas réservé exclusivement aux chiffres ou aux
grandes stratégies de la banque, mais également aux avantages d’un autre ordre, comme la
formation et l’amélioration des compétences, et des conditions de travail qui pourraient donner
un meilleur sentiment à tout un chacun.
Par ces agissements, il résulte que plusieurs éléments sont à considérer, à savoir que dans cette
banque, comme l’affirmait le chef de la division administration du personnel lors de la demande
d’un cadre qui venait demander des comptes, étant donné qu’il avait effectué un troisième cycle
(un DESS en ingénierie financière) et qui n’a pas obtenu le grade immédiatement supérieur.
Ce dernier qui avait effectué une demande d’agrément par la direction générale et avait obtenu
un accord écrit, s’est vu répondre par le chef de division en question que « si tout le monde faisait
comme toi on aurait un problème car tu as fait uniquement deux ans d’études alors que les autres font trois ans
d’ITB pour obtenir un grade ».
Le salarié en question avait beau prétendre que ses études étaient plus difficiles au niveau de la
sélection déjà et au niveau du régime des études, étant donné qu’il avait du prendre sur ses
congés et sur ses finances propres, rien ne lui a été accordé si ce n’est une année d’ancienneté
qui ne lui servi d’aucun avantage, bien au contraire.
En effet, ce dernier affirme que cela l’a même freiné dans son évolution de carrière et ses
rapports avec les supérieurs hiérarchiques sont restés tendus, car il a été étiqueté comme ayant
d’autres intérêts, autrement dits de ne pas être entièrement disponible pour eux.
202
En effet, nous avons pu observer que les responsables se méfient de leur personnel et sont en
général contre lui, c’est généralement du cas par cas alors que l’on voulait au départ afficher une
certaine justice sociale, et une équité dans les traitements pour tous les salariés.
De plus, aujourd’hui que le syndicat est impuissant, la direction générale ne cache pas que c’est
elle qui est souveraine et qu’elle peut gérer unilatéralement, au cas par cas sans avoir de
comptes à rendre au reste du personnel.
D’ailleurs, l’intégrité des personnes et la solidarité deviennent des valeurs volatiles, car celui
que la direction nomme à un poste de responsabilité change très vite d’attitude et de
comportement.
C’est comme l’affirmait un ancien chef d’agence « un retournement de veste dû à la fonction, comme
si celle si donnait l’appartenance à une caste ou au cercle des responsables et pas à la plèbe qui est le restant du
personnel ».
Un cadre supérieur de la Direction comptabilité, ayant une responsabilité en tant que chef de
division, s’entretenant avec nous et un autre cadre supérieur du crédit nous a indiqué que la
banque ne recrutait pratiquement plus, car le personnel compte aujourd’hui un effectif d’environ
2500 personnes alors qu’il comptait il n’y a pas si longtemps un effectif dans les 3500
personnes. De plus, il nous indique qu’il existe de plus en plus de départs volontaires, ce qui
n’existait pas au préalable, donc un « turnover » croissant et inconcevable il y a des années en
arrière où l’on concevait que la banque c’était une carrière assurée, avec des avantages, un
emploi à vie, un salaire conséquent qui vaut d’occuper un bon rang sur l’échelle sociale.
Pour la direction où il travaille, il nous a souligné qu’il avait à gérer au niveau de son effectif
beaucoup d’absences dues à des maladies motivées par un certificat de maladie et que cela était
problématique pour lui, car même de bons éléments étaient touchés et auxquels il avait confié de
lourdes tâches que personne ne pouvait effectuer.
Cela cristallise encore une fois que la transmission intergénérationnelle des connaissances des
seniors envers les jeunes a du mal à s’opérer, car les conditions, ou circonstances contextuelles
sont particulières ou ne permettent que difficilement ce transfert.
Il affirme « ces éléments ne sont pas remplaçables pour moi et je dois donc faire leur travail ce qui me
surcharge et fait que je travaille aussi à la maison pour éponger le retard et ça c’est vraiment difficile pour moi
car je suis complètement débordé et la DGRH ne peut rien pour moi ».
203
C’est dans cet état d’esprit que Marc Uhalde171 avance l’affirmation de Henry Mintzberg172, qui
reprenant l’analyse de Charles Perrow173 indique que ces activités sont « complexes », dans le
sens où « l’intelligibilité » du travail, c’est-à-dire la capacité d’en prévoir et d’en rationaliser a
priori tous les cas de figure, est faible.
Cela est vrai pour d’autres activités, mais l’est également pour la banque car nous ne sommes
jamais à l’abri d’une possibilité de détournement de fonds orchestrée par des manipulations
internes, ou d’autres biais qui peuvent exister aussi fonction des connaissances cumulées
détenues par les seniors, ou des anciens et dont le contenu n’aurait pas été transmis aux
générations suivantes.
Ainsi, le jeune cadre du département des crédits, qui est également cadre supérieur, mais sans
responsabilité, c’est à dire qu’il n’a pas le statut de « chef de division » ou de « responsable de
direction » lui affirme « tu vois c’est pour cela que je dis que dans cette banque il n’est pas intéressant
d’occuper une responsabilité, car c’est trop prenant et en retour il n’y a rien que des problèmes, pas de
reconnaissance pour les efforts déployés avec beaucoup de remontrances. De plus au niveau financier cela ne
change pas ta vie, car cela représente une petite augmentation insignifiante aujourd’hui par rapport aux
augmentations des prix dans la vie courante ou de nos semblables dans les banques privées ».
Ces conclusions sont difficiles à accepter ,car le quotidien est difficile à gérer, et pour la plupart
il existe une réflexion quant au fait de monter sa propre affaire, mais rares sont ceux qui
franchissent le pas.
De plus, comme nous avons pu le constater au sein de la banque il existe un manque de
confiance flagrant, voire une « démission généralisée » et comme dit le premier collègue « c’est
la jungle et il faut, pour s’en sortir, obligatoirement devenir calculateur, ne serait ce que pour négocier son
rythme de travail et ne pas se laisser imposer les rythmes voulus par les responsables hiérarchiques.
Ces derniers imposent en fait des cadences qui sont de plus en plus courte et donc stressantes, ce qui n’est pas
fait pour avantager notre capital santé auquel il faut faire attention ».
Ainsi, les personnes préfèrent garder leur acquis et essayer de s’adapter plutôt que de changer
dans l’espoir de trouver mieux, car la déception si elle intervenait dans ce cas serait trop difficile
à digérer.
171
Uhalde Marc, « Crise de modernisation et dynamique des identités de métier dans les organisations »,
Revue de L'IRES, N° 47 – 1, 2005.
172
Mintzberg Henry, « Structure et dynamique des organisations », Editions d’organisation, 1982.
173
Perrow Charles, « Organizational Analysis: a Sociological View », Londres, Tavistock, 1970.
204
Par ailleurs, le directeur central de la direction centrale des ressources humaines et des services
administratifs avait mis en place sur ordre de la direction générale une nouvelle procédure
relative au contrôle interne des départs en congé pour les cadres de direction dont je fais partie.
Après recherche des causes d’apparition de cette procédure il m’a été divulgué que cela
provenait du fait que le chef de division de la direction formation qui avait une ancienneté
d’environ six ans dans le poste avec un grade de directeur, s’attendait lors du départ à la retraite
du premier responsable de la direction en question à être nommé en tant que responsable de la
direction en remplacement de ce dernier.
Ceci devait constituer pour lui une promotion, il avait même été rassuré quant à l’obtention de
ce poste, étant donné que son prédécesseur avait même émis un avis favorable et une
recommandation en sa faveur.
A sa grande déception, c’est un directeur qui n’a ni le profil en rapport ni même le bagage et qui
appartient à une direction en veille (la direction des services communs) qui hérite du poste.
C’est alors qu’il a fait une demande de congé qu’il a signé et transmis à la direction du
personnel, alors que le nouveau directeur n’était pas encore en place et que la direction de la
formation est restée pour un bref instant sans directeur, étant donné que l’ancien est parti à la
retraite.
Ceci témoigne encore de problèmes de coordination qui peuvent exister lors des changements de
responsables au sein des structures de la banque.
Ayant été informé de ces agissements, la direction générale a alors mis en place cette procédure
encore plus contraignante pour tout cadre de direction partant en congé, puisqu’il fallait
impérativement et désormais une approbation à travers trois signatures (celle du chef de
division, du chef de département et du directeur central) pour pouvoir disposer d’un congé en
bonne et due forme.
Ainsi, le contexte interne est devenu un contexte d’incertitude, le personnel de la banque
adoptant de plus en plus une stratégie défensive au niveau des différentes situations de travail
qui sont presque à la frontière de la rétention d’information.
Les rapports internes entre collègues et plus globalement entre le personnel sont de plus en plus
impersonnels.
Les uns et les autres se réfugiant derrière les normes organisationnelles et surtout derrière les
recommandations et les instructions de leur supérieurs hiérarchiques qui ont encore plus de
valeur et de poids dans la banque, où l’informel prend le pas sur le formel et le prescrit.
Cette mesure a été perçue par le personnel comme une mesure « policière » supplémentaire.
205
Au sein de la banque, les responsables cherchent coûte que coûte à garder de la distance avec
leurs salariés, même pour des situations humaines critiques ou joyeuses (comme un décès ou
une fête religieuse ou nationale, voire même un mariage, etc), même s’il peut y avoir des
exceptions.
En fait, cela est beaucoup plus une question d’attitude personnelle et comportementale en
rapport avec la personnalité des responsables qu’une procédure interne, car rien n’est mentionné
à ce sujet dans les textes officiels, c’est de l’informel.
Il n’y a aucune recommandation ou invitation, voire même une obligation quelconque à ce sujet
de la part de la direction générale envers les responsables qu’elle a nommé.
Mais, il est clair que ce rapprochement se voit beaucoup plus dans des structures lointaines du
siège et de la direction générale, que dans le siège où il est implicitement recommandé d’être
plus ferme et sévère pour bien tenir en place son personnel et être assuré d’une discipline sans
faille et d’une obéissance inconditionnée.
En effet, c’est avant tout le respect des règles qui s’imposent, que celles-ci soient écrites ou non,
c'est-à-dire formelles ou informelles.
Toutefois, le personnel de la structure pouvait faire une tournée et présenter ses vœux aux
responsables, cela était permis, et implicitement autorisé, voire souhaité par les responsables qui
y voyaient de l’allégeance, et de la part du personnel qui y voyait un rapprochement.
C’est en quelque sorte le fait du pouvoir souverain qui est décliné au niveau des départements,
car les responsables des directions eux-mêmes, à l’image du PDG, se tiennent à distance de leur
personnel, exceptés ceux avec qui ils ont des rapports privilégiés pour une raison ou pour une
autre (appartenance à un réseau d’influence, etc …).
Dans la banque, les cadres ne sont pas considérés comme de réels acteurs comme dans les
entreprises et banques privées, car il s’agit de la gestion des finances publiques, du financement
de l’économie, qui sont sous la tutelle d’instances publiques, comme la Banque Centrale, le
Ministère des Finances, et le Premier Ministère.
Cette position explique que la banque publique est sous l’emprise du politique, et justifie la
place occupée par les cadres qui est teintée d’inexistence d’autonomie propre, de renoncement et
de fatalisme qui ne permettent pas un changement émanant du bas de la pyramide, car tout
changement se fait par le haut.
Ce qui est à souligner c’est l’inertie de conformité et la forte composante centralisatrice
existante au sein de cette banque publique, où l’existence de négociations entre le personnel et la
hiérarchie ainsi que la communication sont faibles.
206
C’est plutôt le phénomène du « chacun pour soi et chacun dans son coin » qui ne facilite
aucunement la résolution des problèmes inhérents aux rapports sociaux et professionnels.
Mais, ceci est d’une part et in fine dommageable pour l’entreprise, car cela ne favorise pas la
communication et le bon échange d’informations et de connaissances entre les responsables et le
reste du personnel.
D’autre part, cela instaure un climat qui n’est pas sain qui conduit les uns et les autres à prendre
pour modèle ce genre de comportement et d’attitude qui fait un peu tâche d’huile, car même
entre le personnel lui-même, c’est beaucoup plus la réserve qui est de rigueur, que l’échange, le
partage, et la transmission de l’information et des connaissances.
Le personnel peut dans ce cas ne pas jouer son rôle de levier énoncé par Chiha Gaha et Nizar
Mansour.
En revanche, au niveau du siège et même sous cette apparence de rigueur, il existe une grande
part d’attitudes parallèles autorisées, de flexibilité, c'est-à-dire que les responsables eux mêmes
avec le personnel, font appel à des coursiers internes ne relevant pourtant pas de leur structure.
En fait, il s’agit « du petit personnel d’exécution » qui fait les tâches de photocopies ou qui
distribue le courrier pour les premiers responsables des structures ou les secrétariats.
Effectivement, ces coursiers usent du système de débrouille (système D) et profitent de cette
austérité qui a pour effet de fixer le personnel pour effectuer un petit commerce interne, étant
donné qu’il leur est donné la possibilité d’aller et venir.
C’est tantôt la vente de cigarettes ou de cartes de recharge de solde téléphonique pour portable,
ou encore de montres, de chaussures importées ou non, ou tout autre commande que le
personnel aurait à acheter, mais qu’il ne peut effectuer, étant donné les horaires de travail et les
restrictions au niveau des entrées et des sorties assimilées à des horaires et des pratiques que
l’on retrouve beaucoup plus dans le secteur industriel.
Ceci fait même dire à un jeune « cadre de direction » au sein du département des crédits que « la
banque et surtout le siège, c’est semblable à la prison avec ses geôliers, version moderne car l’emploi à la banque
ne nous permet pas de nous enrichir, mais juste de reproduire la force de travail et en plus l’ambiance est
austère. Elle use le psychologique des personnes et nous passons le plus clair de notre temps entre des murs avec
beaucoup de tension, de suspicion et de méfiance les uns par rapport aux autres ».
D’où, comme il a été indiqué, c’est en fait le manque de temps conjugué à une mauvaise
ambiance ou atmosphère de travail avec la rigueur et l’austérité quant aux possibilités de
pouvoir aller et venir qui contribuent au phénomène de fixer le personnel en place, car même les
congés qui sont pourtant un droit inscrit dans le code du travail, sont difficiles à prendre.
207
Les supérieurs hiérarchiques ne les accordent qu’en période estivale et pour des périodes
courtes, exemple un maximum de deux semaines par an n’est pas exceptionnel, et seront
réticents quant à accorder une semaine durant la période printanière ou hivernale.
Cela incite donc plusieurs salariés à l’utilisation du congé maladie en tant que solution de
secours ou palliatif, même si cela est déconseillé, car il touche la note professionnelle à travers
l’assiduité et peut donc compromettre toute chance d’avancement ou toucher directement au
salaire.
Ainsi, même si la « BMTP » s’inspire de la convention collective du secteur bancaire et des
établissements financiers au niveau de la rémunération salariale et des primes servies, la note
annuelle reste conditionnée par l’assiduité.
Cette dernière peut être dans ce cas touchée par les congés de maladie et affecter les primes qui
font partie intégrante des salaires, étant donné leur niveau qui est relativement réduit par rapport
à celui des banques privées.
En effet, pour ces dernières le salaire et les primes sont, à grade identique, nettement plus élevés
que ceux des banques publiques, ce qui a pour conséquence d’agir réellement en tant que
motivation financière liée par la réalisation d’objectifs chiffrés aussi bien en agence que dans les
services centraux.
Cela n’est pas valable pour les banques publiques, car même si au niveau du réseau des agences
il y a une fixation d’objectifs, ceci n’est pas toujours valable pour les directions centrales et les
départements du siège.
De plus, pour contrecarrer cette manœuvre des congés de maladie effectués par les salariés pour
pallier à l’impossibilité d’obtention des congés légaux, les supérieurs peuvent lancer la
procédure de la « contre visite » pour contrôler la véracité de la maladie.
Cela peut, en cas de fausse déclaration du médecin, engendrer de graves problèmes
disciplinaires au personnel qui a fait parvenir ce certificat à la DGRH de la banque.
Aussi, même si l’on ne peut parler de la liberté d’aller et venir dans le cadre professionnel, nous
pouvons toutefois préciser que les autorisations de pouvoir disposer d’une heure de temps ou un
bref moment, et qui sont accordés à titre privé pour pouvoir aller payer une facture ou voir un
médecin dans les heures de service sont rares.
Elles sont accordées au compte gouttes alors qu’elles étaient jadis accordées facilement pour les
anciennes générations même si la charge de travail est presque similaire « toute chose égale par
ailleurs », étant donné qu’il n’y avait pas les moyens informatiques actuels.
Cela allait dans le sens d’une certaine flexibilité qui était bien vue par le personnel.
208
D’ailleurs, cette nouvelle pratique jugée stricte et austère est aussi valable pour les autorisations
entrant dans le cadre du travail, du métier, comme lorsque nous avons besoin de nous déplacer
pour aller chercher de l’information auprès des services de l’Institut National de la Statistique ou
dans divers ministères.
209
2.11 Conclusion du chapitre
Dans ce deuxième chapitre nous avons pu remarquer que les nouveaux modes de formation ne
sont pas exclusifs des anciens, étant donné que la formation sur le tas continue à avoir lieu
surtout pour les connaissances tacites.
Toutefois, elle ne concerne plus la même population, car les nouvelles recrues sont beaucoup
plus diplômées que les anciennes recrues issues des premières générations de recrutés de la
banque, souvent peu diplômés, mais elles sont même plus diplômés que les seniors en place
censé effectuer cette transmission.
De plus, en complément de cette transmission intergénérationnelle des connaissances
assimilée à la formation sur le tas, les formations au niveau des centres intégrés de formation,
dont plusieurs banques se sont récemment dotées ou encore au niveau de l’APBT, concernent
les connaissances explicites que tout un chacun peut détenir au moyen d’un module sur
support papier (ou sur support informatique aujourd’hui).
En fait, il existait déjà un embryon, de ces formations ou connaissances explicites, mais elles
ont été aujourd’hui davantage formalisées et organisées.
D’après l’observation directe et selon plusieurs répondants, le passage de l’ancien mode au
nouveau doit toujours se faire subtilement pour éviter qu’un changement trop brutal ne se
traduise par différents conflits internes, comme le conflit de génération.
Ce dernier n’est que le reflet d’un affrontement entre les anciens et/ou seniors, plutôt qualifiés
par leur expérience et les nouvelles recrues plutôt qualifiées par leurs parcours scolaire ou
universitaire préalable à l’embauche.
Ils précisent même que la différence entre le passé et le présent au sein de la banque réside
dans le fait de l’éclatement de la communauté, du collectif de travail, par la mise en place
d’un système de compétition interne entre jeunes et anciens, avec volonté de fidélisation des
derniers arrivés.
Même si ces derniers reconnaissent que cela ne correspond pas forcément aux vœux de la
direction générale de la banque, c'est-à-dire des employeurs et supérieurs hiérarchiques. Ils se
considèrent même en quelque sorte comme détenteurs de « la vérité révélée ».
Dans ce chapitre il a également été question d’étudier les spécificités nationales dans le cadre
précis de la formation interne et de la transmission intergénérationnelle des connaissances,
avec une analyse des interactions permettant de décrire les comportements des employeurs et
des salariés.
210
Aussi, nous avons pu à travers ce chapitre donner un aperçu du système de formation qui a
cours au niveau des banques tunisiennes et allemandes.
Il a ainsi été opportun avant tout de dresser un historique de l’avènement de la formation
interne des différentes banques du secteur en mettant en évidence le rôle et l’organisation des
structures ayant la charge de former le personnel des banques.
Nous avons également présenté le régime des études et formations internes existantes tout en
comparant entre les anciennes caractéristiques générales qui intègrent les façons de faire dont
les aînés ont pu profiter et les nouvelles pratiques à destination des jeunes nouvelles recrues
diplômés.
Mais nous avons aussi pu constater qu’il existe une évolution notable des modes de formation
couplée d’une prise de conscience progressive de l’importance de la transmission
intergénérationnelle des connaissances assimilées à une formation sur le tas qui inclut des
savoirs et connaissances difficilement codifiables.
Ces connaissances sont en grande partie basées sur l’expérience du terrain qui ne se transmet
pas selon des voies conventionnelles et normées, mais plutôt selon le bon vouloir des seniors
et d’autres variables principalement subjectives.
Aussi, même si les employeurs mettent en œuvre une nouvelle conception de la formation, à
savoir une formation par métier qui se base principalement sur des modules et des
connaissances explicites, il demeure que les connaissances implicites et tacites qui pourraient
à terme permettre une codification du cœur du métier bancaire risque de disparaître avec le
départ à la retraite des seniors.
Cette problématique des banques tunisiennes est à mettre en rapport avec celle des banques
allemandes, et notamment à travers une comparaison des modes de formation et de
transmission intergénérationnels respectifs.
C’est dans ce cadre que nous avons établi ici un diagnostic du système de formation de la
banque publique tunisienne et des banques allemandes même si nous n’avons pas pu mener
une observation directe et participative dans un établissement bancaire allemand en raison
d’un cloisonnement fort inhérent à la crise financière récente.
Par ailleurs, nous avons pu également, dans le cadre de l’observation directe et participante in
situ, mettre en évidence que la transmission intergénérationnelle des connaissances peut être
freinée par plusieurs éléments aléatoires dont nous approfondirons l’étude avec une
modélisation à la clé dans le chapitre 4.
La stratégie interne de gestion des ressources humaines fait partie intégrante de ces éléments,
car elle est jugée par les salariés comme étant trop rigoureuse, voire oppressive et instituant la
211
peur comme système de management ne permettant pas de faire circuler l’information entre
les salariés et ce, indépendamment du niveau hiérarchique.
Au contraire, elle participe même à entraver toute communication et toute transmission
intergénérationnelle de connaissances.
Dans ce sens cette stratégie fait miroiter un retour vers des anciennes pratiques semblables
aux pratiques tayloriennes avec division des tâches entre la conception et l’exécution, mais
dans une époque où la plupart des entreprises et des banques, dont le métier est souvent
assimilé à celui du traitement de l’information, pratiquent un management transversal.
En effet, à l’heure actuelle plusieurs entreprises et institutions vont même jusqu’à réduire les
niveaux hiérarchiques de la pyramide classique tout en utilisant divers moyens (financiers et
autres, comme l’intéressement) pour accroitre la motivation des salariés au travail et faciliter
par là même la transmission intergénérationnelle des connaissances, gage de pérennité du
cœur du métier de l’entreprise et des institutions par de multiples moyens.
Or, au sein de la « BMTP », nous avons constaté que c’est tout le contraire dans la mesure où
la transmission intergénérationnelle des connaissances est influencée par le mode de gestion
des ressources humaines institué en interne et qui unanimement jugé par les salariés comme
étant archaïque, car il se base sur la domination et la peur.
De plus au niveau interne, ces pratiques encouragent les cloisonnements et les divisions
internes qui réduisent les coopérations et le travail d’équipe.
Ainsi, l’introduction par les employeurs de l’ « individualisation des performances » et la
pratique d’un management archaïque basé sur la pyramide classique avec respect strict de la
hiérarchie aux différents niveaux ne permet pas des évolutions positives pour les salariés.
Au contraire, ils permettent beaucoup plus l’ancrage d’un modèle réglementaire avec des
règles encore plus contraignantes qui vont par conséquent davantage compliquer la
transmission intergénérationnelle des connaissances.
Ceci participe même à casser l’identité professionnelle des salariés, longtemps construite sur
le collectif, et remet en cause les anciennes régulations socioprofessionnelles, comme celle
inhérente à la reconnaissance ou aux acquis sociaux, en instaurant de nouvelles valeurs
culturelles en interne basées sur les divisions et la pratique du chacun pour soi.
Ainsi, il devient intéressant à ce niveau et dans le cadre de notre étude qualitative d’étudier
dans un troisième chapitre la transmission intergénérationnelle des connaissances à partir des
réponses obtenues lors des interviews établies en interne auprès de plusieurs salariés, sur la
base d’un guide d’entretien que nous reproduisons en annexe 4.
212
Chapitre 3 : Etude de la transmission
intergénérationnelle des connaissances
Dans ce chapitre nous allons étudier la transmission intergénérationnelle des connaissances des
seniors envers les jeunes à partir des interviews établies sur la base d’un guide d’entretien.
Le problème de l’existence ou non d’une transmission intergénérationnelle des connaissances au
sein de la banque tunisienne dont la « BMTP » est la digne représentante relève beaucoup plus
largement d’une question de sociologie du travail qui a déjà été soulevée en filigranes dans le
contexte des banques tunisiennes par Mansour Moalla174, ancien PDG de la BIAT (Banque
Internationale et Arabe de Tunisie), une des premières banques de la place.
En effet, ce dernier indiquait il y a vingt cinq ans (en 1985) dans un article publié dans la revue
JEA, qu’ « il y a un problème humain en Tunisie. Depuis l’indépendance, on a fait la gestion technique
(production), la gestion financière, et on a totalement négligé la gestion humaine.
Je l’ai vu dans les entreprises et les administrations : le moins bon des directeurs et des directeurs généraux est
chargé de la gestion du personnel. Les bons directeurs on les affecte aux banques, au trésor, au budget ».
C’est dire combien en Tunisie et au sein des entreprises, c’est beaucoup plus l’économique qui
prime sur le social.
Jusqu’à présent, les conceptions dominantes voulaient qu’une entreprise ne puisse marcher que
selon le principe de la bureaucratie mécaniste, de règles organisationnelles de type taylorien,
selon une organisation pyramidale très hiérarchisée.
Mais aujourd’hui, les nouvelles conceptions managériales considèrent tout cela dépassé.
Les salariés (ou tout au moins certaines catégories parmi eux) sont considérés comme étant des
ressources et l’entreprise affirme qu’elle ne compte que par eux, et qu’il faut fidéliser les
meilleurs.
Certes, cela est logique d’un point de vue financier, pour qu’une entreprise marche, c’est la
logique rationaliste qui doit être respectée, avec une certaine bureaucratie mécaniste, des règles
organisationnelles qui ont fait leurs preuves comme une organisation taylorienne axée sur une
division du travail avec une organisation pyramidale qui respecte les principes de la hiérarchie.
174
Mansour Moalla, Journal Economique Africain, Mars-Décembre, 1985.
213
Mansour Moalla, précise en tant que premier responsable de banque ce qui suit, « Ici, à la BIAT
(Banque Internationale Arabe de Tunisie), nous avons mis le meilleur à la gestion du personnel, parce que nous
travaillons avec 1.200 personnes, sans lesquelles on ne peut rien faire si elles n’adhérent pas aux objectifs de
l’entreprise.
Nous ne sommes pas les seuls à le dire, on voit des publications parlant de ce qui se passe aux Etats-Unis : le
problème de la gestion est le problème N°1. S’en préoccuper constitue le seul moyen de réaliser un consensus au
sein de l’entreprise, afin que les employés prennent en considération l’intérêt de l’entreprise : quand elle est
prospère, ils en profitent; quand elle est en difficulté, ils se serrent les coudes ».
A partir de ces précisions nous pouvons comprendre que ce chef d’entreprise mise sur la
ressource humaine pour améliorer ses résultats et il sait que sans une réelle mobilisation de son
personnel, il ne pourra y parvenir, car la banque est avant tout une entreprise de service et que
son succès réside en sa bonne qualité de service, elle-même conditionnée par la ressource
humaine de l’entreprise.
Mais, il sait que les actionnaires veulent le maximum de rentabilité et de productivité par agent,
ce qui légitime que ce schéma soit respecté, et qu’ils cherchent plutôt à diviser et faire régner
des principes hiérarchiques en administrant le personnel par des mesures disciplinaires strictes
censées mettre un climat de tension et de peur de l’incartade avec principe de la sanction.
Toutefois, ce qui est omis c’est la reconnaissance du labeur, et le mérite des plus sérieux, il sera
même refoulé par les haut responsables et caché (étouffé) au personnel comme aux membres du
syndicat pour éviter des revendications légitimes fonction des bons résultats obtenus par les uns
et les autres.
L’information et la communication relative aux résultats de l’entreprise sont filtrées et seules les
informations visées par les hauts responsables sont portées à la connaissance du personnel.
C’est ce qui cause des tensions, un cloisonnement excessif et une multiplication des baronnies
au sein de l’entreprise, où règnent la méfiance et la suspicion qui vont si bien avec le secret et la
confidentialité, qui est toujours de rigueur dans le domaine financier et bancaire.
Mais, Mansour Moalla, conscient de ces éléments, indique « or, aussi bien les entreprises que les
syndicats sont réticents. Ces derniers disent vouloir être au courant de l’état des entreprises, en fait, ils ne
veulent pas savoir; parce que s’ils savent, ils seront obligés d’être solidaires de l’entreprise, quand elle est en
mauvaise position.
Les chefs d’entreprises disent vouloir informer les syndicats de l’état de l’entreprise, mais en fait ils ne le
veulent pas, car si les résultats sont bons, on leur demanderait des augmentations. Il y a donc un cercle vicieux.
Actuellement, partout dans le monde, il y a un effort de réhabilitation de l’entreprise. Avant, tout le monde
214
critiquait l’entreprise. Aujourd’hui, on est conscient que l’entreprise est un lieu de création, une cellule vitale
de l’économie.
Même les socialistes français ont fait beaucoup plus pour l’entreprise que le gouvernement de droite du temps
de Valéry Giscard d’Estaing. En Tunisie, il y a un problème de promotion parce que l’entreprise est parfois mal
vue de l’opinion. L’entreprise est perçue comme un lieu de profit, coupable d’injustice. Le chef d’entreprise,
dans le cas d’une entreprise publique est considéré comme un incapable, et dans l’entreprise privée, c’est un
voleur.
Voilà en gros la déformation. Il s’agit par conséquent de présenter ce que fait l’entreprise et son chef, de
rapprocher les points de vue ».
L’intérêt de la lecture de ce texte est double, car il faut tout d’abord préciser que Mr Mansour
Moalla est une figure importante du secteur bancaire tunisien qu’il fait partie des précurseurs et
que ce dernier s’est toujours exprimé ouvertement sur les problèmes que rencontraient les
banques tunisiennes à cette époque.
Ceci lui a même valu, quelques années plus tard, d’être révoqué, alors qu’il s’exprimait à
l’étranger sur des questions relatives à la convertibilité du dinar.
Le deuxième intérêt relève du fait que les propos de ce dernier sont encore d’actualité
aujourd’hui dans la mesure où des chercheurs tunisiens vont arriver aux même conclusions que
celui-ci avait énoncé vingt cinq ans auparavant, ce qui témoigne du caractère archaïque encore à
l’œuvre dans les rapports professionnels entre employeurs et salariés.
L’entreprise a toujours été considérée en Tunisie, comme une représentation occidentale, or
nous le savons bien, dans une société tunisienne qui se veut unie et solidaire les uns des autres,
où c’est la primauté du collectif, l’entreprise capitaliste jette les bases de la division entre les
salariés et de la domination des salariés par le patronat.
Or, il faut adapter cette vision de l’entreprise, d’autant plus que dans la société tunisienne,
société modérée, arabo-musulmane, au carrefour de plusieurs civilisations, le changement
culturel s’opère d’une manière accélérée ce qui peut bousculer les salariés et amener à une
certaine déstabilisation pour beaucoup d’entre eux, encore non préparés à vivre des
changements aussi rapides.
Toutefois, certaines perceptions demeurent et prendrons du temps pour disparaître, si l’on veut
arriver à considérer l’entreprise comme un lieu de richesse et de création, mais aussi de partage.
Les banques tunisiennes sont issues pour la plupart, d’anciennes créations (privées) existantes
depuis le protectorat français à l’image de la banque de Tunisie qui est aujourd’hui une banque
centenaire.
215
Toutefois, d’autres banques à caractère publique et national ont été créées dès l’indépendance du
pays en 1956 à l’image de la Banque Nationale Agricole et de la Société Tunisienne de Banque.
Une convention collective des banques et des établissements financiers a même été adoptée en
1982 à l’image de celle des banques françaises et demeure, aujourd’hui encore, toujours en
vigueur pour toutes les banques. Elle constitue le seul document de référence pour toute la
branche.
Méthodologie
L’approche utilisée est qualitative. Elle repose sur des entretiens en profondeur avec les
employés de la banque sélectionnée. La banque choisie est une banque publique tunisienne. Le
nombre de personnes interrogé est de 39. Ce nombre est jugé suffisant puisqu’il permet une
saturation de l’information.
Les guides d’entretiens comportaient des questions filtre permettant de distinguer deux
catégories :
- les jeunes dont l’âge est compris entre 26 et 39 ans et qui disposent d’une expérience
bancaire relativement faible par rapport aux seniors et quadras
- les seniors dont l’âge est supérieur à 49
Le guide d’entretien (Annexe1) destiné au personnel bancaire est composé de cinq parties.
La première partie intitulée type de formation et caractéristiques des animateurs comporte deux
phases, l’une descriptive et l’autre d’analyse et d’évaluation.
La phase descriptive vise la présentation de la formation aussi bien interne (description de
parcours professionnel, type de formation suivie, profil des animateurs) qu’externe (type de
formation, type de formateur).
La seconde phase vise l’évaluation de la formation bancaire à travers la mesure de la perception
du personnel bancaire de la formation (manière, préparation, points forts, points faibles…).
Cette première partie permettra de vérifier le degré de conservation du mode de formation par
transmission intergénérationnelle des connaissances assimilée à une formation sur le tas.
La seconde partie cherche à mesurer la mise en œuvre de la formation bancaire à travers
l’organisation, l’information et la communication relative à la formation.
L’organisation de la formation a été mesurée au niveau de l’évaluation des services internes de
la banque, des rapports d’appartenance, du système, des attributions, des classifications, des
grades, ainsi que des changements organisationnels.
L’information relative à la formation a été ensuite mesurée à travers l’évaluation de la qualité de
l’information relative aux questions sociales et professionnelles, des attentes vis-à-vis de la
216
conception du système bancaire, ainsi que de l’évolution de carrière, des classifications et des
grades.
La communication a été mesurée à travers la qualité, la nature et l’objet interpersonnel en axant
sur la mesure de l’existence éventuelle de la transmission des savoirs.
Cette partie permet de vérifier dans quelle mesure les nouveaux modes de formation sont
exclusifs ou prolongent les anciennes manières de former.
La troisième partie s’intéresse à la mesure de la formation professionnelle de l’apprentissage et
de la transmission des savoirs.
Au niveau de la formation professionnelle nous avons mesuré le degré et les modalités de prise
en charge du répondant par le département formation et par les seniors.
Nous avons également évalué l’expérience professionnelle et l’apprentissage des répondants au
sein de la banque ainsi que les formations diplômantes.
Au niveau de l’apprentissage par transmission intergénérationnelle des connaissances, nous
avons cherché à mesurer la perception du personnel vis à vis de ce mode de formation : sa place,
sa priorité.
Nous avons également mesuré le rôle des seniors dans le processus d’apprentissage, ainsi que
les facteurs intervenant dans le processus d’apprentissage, aussi bien pour les apprenants que
pour les formateurs.
Enfin, au niveau du processus de transmission des savoirs. Nous avons évalué la perception de
ce processus aussi bien par les seniors que les jeunes, ainsi que les sentiments ressentis par les
uns et les autres.
Par ailleurs, nous avons mesuré auprès des jeunes et des seniors le degré de perception du
système d’apprentissage pour pouvoir en dégager les points forts et les points faibles.
Cette partie vise à valider si les nouveaux modes de formation doivent supplanter
obligatoirement les anciens.
La quatrième partie concerne la mesure des conditions de travail et l’élaboration d’un bilan.
Au niveau des conditions de travail, l’évaluation a essentiellement porté sur la perception de
l’ambiance au travail, ainsi que les rapports entre les seniors et les jeunes dans le but de
rechercher l’existence d’un conflit, d’un pouvoir hiérarchique, d’une collaboration, … en tant
que facteur favorisant ou inhibant la transmission intergénérationnelle des connaissances.
L’évaluation a également porté sur la perception des situations handicapant le processus de
transmission intergénérationnelle des connaissances, tel que les aversions, le stress… ainsi que
les conditions matérielles du travail.
217
Au niveau du bilan, nous avons évalué l’appréciation générale de la banque en termes de
formation dispensée, de transmission prodiguée de la part des seniors, de degré de réalisation de
soi et du rôle de la banque dans une telle réalisation.
L’appréciation a également porté sur la situation du répondant au sein de la banque au niveau de
sa classification, de sa situation sociale, de son grade et d’un regard rétrospectif sur sa carrière.
Cette partie vise à vérifier l’existence éventuelle de divers facteurs (conflits, ….) pouvant influer
sur la transmission intergénérationnelle des connaissances.
La dernière partie du guide concerne des informations professionnelles et la fiche signalétique.
Elle comporte la collecte d’informations relatives à l’affectation du répondant, ainsi que son
type d’emploi et sa position. Elle comporte également des informations personnelles relatives au
cursus scolaire et universitaire.
Cette partie vise la description de l’échantillon auquel nous avons administré le guide
d’entretien.
Les entretiens retranscrits ont ensuite étaient analysés selon une grille d’analyse (Annexe2).
L’analyse a été faite en 6 axes principaux : (1) Axe 1 : l’entrée à la banque : le recrutement,
l’affectation et l’intégration au sein de la banque, (2) Axe 2 : l’apprentissage : la formation
formelle et informelle (3) Axe 3 : le travail intergénérationnel : les rapports entre les
générations, le climat social et les conditions de travail, (4) Axe 4 :la stratégie de la
transmission: la transmission des connaissances et des savoirs, l’apprentissage, la coopération,
l’encadrement et le circulation de l’information, (5) Axe 5 : l’opérationnalisation de la
transmission : la communication, l’organisation interne inter structures et interpersonnelle, le
personnel lié à cette transmission, (6) Axe 6 : Prévision de la transmission : statut, bilan, feed-
back et projections.
Nous avons également effectué une observation directe et participante au sein de la banque en
question durant plus de six mois et dont les résultats sont consignés dans cette partie.
Cette phase d’observation a eu lieu dans les locaux de la banque (différents départements du
siège et agences du réseau) et pendant les heures de service.
Elle a été couplée avec les entretiens ci-dessus indiqués et effectuée in situ (sur le lieu de travail
ou le poste) pendant quarante cinq minutes, voire pour certains une heure, auprès d’acteurs
appartenant à des niveaux hiérarchiques et des tranches d’âges différentes au sein du personnel.
218
Cela a été effectué tant au niveau des structures centrales que du réseau et a permis de mettre en
exergue les différentes variables et dimensions, formelles et informelles, intervenant dans le
processus de transmission intergénérationnelle entre jeunes et seniors (ou anciens).
Pour des raisons de confidentialité nous avons établi notre enquête auprès d’une seule banque
publique tunisienne, jugée représentative (monographie) et lui avons volontairement donné un
nom symbolique « la BMTP ».
Nous avons aussi remplacé le nom et le prénom des personnes interviewés par la
correspondance qui nous paraissait plus significative, à savoir : jeune ou senior en les
numérotant, de 01 à 39.
Par ailleurs, nous avons conservé en tant que donnée confidentielle aussi bien le nom de la
banque que les vraies identités, au cas où il faudrait reprendre contact avec eux pour un
complément d’information, ou pour un éclaircissement quelconque.
Aussi, pour commencer, il convient ainsi de reproduire ci après le résultat des entretiens que
nous avons menés auprès des trente neuf répondants faisant partie du personnel bancaire encore
en activité au sein de la banque, avec les témoignages les plus significatifs et les plus parlants.
Pour ce faire nous allons procéder méthodiquement en reprenant les réponses et leur
commentaire et/ou analyse, suivant les questions posées, et le public visé par la question.
Les questions ont été codifiées selon les destinataires, nous avons donc les « Question Tous
Public (QTP) », les « Question à Destination des Jeunes (QDJ) », les « Question à Destination
des Seniors (QDS) » et ce pour plus de clarté et une meilleure traçabilité.
Pour reproduire fidèlement la pensée des uns et des autres, il a souvent été procédé à des
regroupements du résultat (contenu) des interviews par groupe de jeunes ou de seniors.
219
3.1 Recrutement, intégration, et progression de carrière
Sur les trente neuf répondants, jeunes et seniors confondus, la plupart indiquent qu’ils ont eu un
parcours assez particulier dans la mesure où dès l’intégration ils ont été pris en charge par la
direction du personnel et le service formation pour les plus anciens, « les seniors » et la
direction et/ou département GRH et la direction formation pour « les jeunes ».
En fait, le parcours des uns et des autres est très variable, certains ont eu un parcours en dents de
scie, d’autres un parcours tout ce qu’il y a de plus horizontal, alors que d’autres enfin un
parcours timide au départ, suivi d’une ascension fulgurante.
Certes, il existe une convention collective qui régie le principal des droits des salariés, mais le
parcours, ainsi que la réussite, c'est-à-dire l’ascension à travers des grades, et surtout des postes
fonctionnels, est réservée uniquement à certains. Elle n’est souvent pas exclusivement fonction
du mérite mais de plusieurs variables jugées aléatoires.
Ceci nous a même été signalé par des cadres de différentes générations.
C’est ainsi qu’un des seniors nous a affirmé « moi je suis rentré à la banque en même temps que les
actuels directeurs, c’était des amis à moi, mais nous n’avons pas eu le même parcours, car moi j’ai des principes
et puis je ne suis pas resté au même poste ».
Un autre cadre considéré comme un protégé du PDG, et qui avait une fonction de premier
responsable en tant que chef de département s’est vu affecté dans une autre direction démuni de
son titre fonctionnel de responsable, nous a indiqué «je ne comprends pas pourquoi c’est tombé sur moi,
pourtant j’étais bien apprécié, mais je pense que c’est peut être dû à l’intérim que j’ai effectué récemment, en
fait ça ne pardonne pas, quand on veut vous éjecter c’est très rapide, beaucoup plus rapide que quand on vous
fait monter ».
Un autre son de cloche nous a été donné par un des jeunes qui indique « moi je viens d’avoir une
agence après tous mes collègues qui sont entrés à la banque en même temps que moi, mais je sais que je l’ai eu,
pas parce qu’elle me revenait de droit, cela, ils auraient dû le faire depuis longtemps, mais parce qu’un poste
s’est libéré, et ça c’est assez amère ».
En guise de résultat, nous pouvons conclure que la formation et la progression de carrière ont
évolué dans le temps.
C’est pourquoi les propos tenus par les seniors se distinguent de ce que disent leurs plus jeunes
collègues, même si des éléments rejaillissent tout de même, comme le fait qu’à diplômes
équivalents les parcours des uns et des autres peuvent être différents, et ce en dépit de
l’existence de textes comme la convention collective des établissements bancaires de 1982 qui
formalisent l’activité bancaire et lui dressent certains contours.
220
Pour comprendre comment s’effectue cela au niveau des banques tunisiennes, il convient de
s’interroger sur la question de la formation en interne après l’intégration, et s’il existe réellement
« une égalité des chances ».
221
poste vu que nous n’étions pas nombreux, que les besoins étaient importants, et que nous étions quand même
assez gâtés, surtout en considération ».
Ils nous précisent même que cette affectation se fait un peu d’une manière subjective et
aléatoire, voire approximative, étant donné qu’il n’existait pas de spécialiste en gestion des
carrières, ni même de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.
Selon eux, cela se faisait suivant que l’on était bien introduit ou non, mais aussi selon l’attitude
et le comportement, suivant que le candidat disposait d’une forte personnalité ou d’une
personnalité assez réservée.
L’un des seniors nous a même indiqué que « même si on était quand même très apprécié, concernant
l’affectation ils essayaient de faire coïncider nos vœux avec les postes à occuper en nous faisant bien
comprendre que c’était le travail qui comptait, mais ils voulaient aussi camoufler qu’il y avait certains
privilégiés, et de toute manière on ne voulait pas faire de problèmes, car le sentiment de fierté nationale et la
conscience professionnelle étaient au maximum ».
Pour les jeunes que nous avons interrogés, il nous a été souligné que la formation dépendait du
diplôme que l’on avait et de notre destination, c'est-à-dire notre affectation, après le test
psychotechnique de recrutement, comme du temps de leurs aînés.
Il nous a tout de même été précisé qu’il y avait quand même de gros changements au niveau de
la formation, car il y a une évolution et des améliorations indispensables qui ont été portés à ce
niveau.
Par contre s’ils étaient destinés aux services centraux, une simple formation sur le tas suffira et
c’est peut être ici une continuité avec les anciennes pratiques.
La plupart nous ont répondu que c’est essentiellement fonction de leurs compétences, entendez
leurs diplômes et la décision de la commission de recrutement, qu’ils étaient affectés au réseau
de l’exploitation, c'est-à-dire en agence ou en Direction Centrale.
Un jeune nous a précisé que « pour nous au moins cette formation peut être monnayée puisque l’on nous
donne même, après la formation réussie, une attestation qui peut être reconnue au niveau du système bancaire,
ou des banques si on décide un jour de changer de banque, ce qui n’était pas dans l’esprit des anciens de
l’époque ».
Ainsi, si le candidat est destiné au réseau des agences, il disposera d’une double formation,
théorique et pratique, c'est-à-dire une formation en salle avec support de cours et animateur, et
une formation sur le tas au sein du service sous la supervision de personnes expérimentées et
spécialisées.
222
Après une formation formelle et théorique au sein du centre de formation intégré de la banque,
avec un support de cours et des animateurs maison, les candidats inscrits à cette formation
devaient ensuite passer des examens et disposaient d’une lettre de reconnaissance en interne
assimilée à un diplôme interne à la banque.
Ceux qui avaient les meilleurs scores étaient placés dans les meilleures agences, les agences les
mieux classées.
La formation théorique très formalisée est prise en charge par le département formation qui
dispose de deux types de formation à savoir la formation « futur chef d’agence » et de la
formation « futur cadre d’exploitation ».
Le premier palier étant celui de « futur cadre d’exploitation » destiné à tous les maîtrisards
affectés au réseau, suite à quoi le jeune formé est placé dans une agence. Il existe aussi, pour le
réseau toujours, la formation « futur chef d’agence » qui placera des futurs directeurs d’agence.
Ce deuxième palier, plus important en termes de formation et de responsabilité, est réservé à
certains en fonction d’éléments aussi bien objectifs que subjectifs.
En effet, outre le fait de disposer de connaissances spécifiques en rapport avec la fonction qui
leur sera dévolue (chef d’agence), il faut également montrer des potentialités perceptibles et être
animé, d’un esprit commercial assez développé et d’une capacité managériale à diriger les
équipes, ce qui reste difficilement décelable lors d’un simple entretien de sélection.
Cela intervient après que l’on ait donné satisfaction à la première formation (Futur Cadre
d’Exploitation ou encore FCE), c'est-à-dire après avoir obtenu de bons résultats aux examens
théoriques et avoir reçu une bonne appréciation de la part des responsables d’agence en place
lors de l’affectation en stage pour la familiarisation avec les diverses opérations bancaires. C’est
une autre formation destinée à des jeunes qui sont familiarisés avec les pratiques en agence et
qui ont donc derrière eux quelques années d’exploitation.
Les jeunes nous ont également indiqué qu’il s’en suivait alors comme pour la formation FCE un
autre test psychotechnique qui a pour but de juger cette fois-ci des aptitudes à diriger une
agence.
Ils précisent même qu’après le test théorique, avec examen et notes, le reste des appréciations
est très subjectif et arbitraire, car il est fonction d’éléments aléatoires et de jugements, voire de
recommandations parfois purement personnelles.
Un jeune nous a même affirmé « c’est comme si on redevenait un temps des étudiants, mais là c’est plus
sérieux, car on sentait que c’était notre position et notre affection au sein de l’entreprise qui en dépendait donc
223
on était motivé, très stressé, même si on était quand même assez bien armé puisque nous étions, pour la
plupart, des maîtrisards en gestion »
Ainsi, nous constatons qu’il existe un parcours professionnel variable, difficilement homogène,
et rarement cohérent ou légitimé en fonction de données objectives.
Pour les seniors, il n’existait pas encore d’accord ou de convention pour l’ITB qui n’a pu voir le
jour en Tunisie qu’en 1971-1972. D’ailleurs, le premier rapport de l’APBT concernant la
formation a été celui de 1976.
Selon eux l’ITB en tant que formation propre au secteur bancaire, donnant lieu à un diplôme
français (Diplôme de l’ITB) représentait une opportunité professionnelle pour le personnel des
banques.
De plus cette formation s’inscrivait dans une période de croissance et/ou d’édification
personnalisée d’un système bancaire qui cherchait à se rapprochait des standards internationaux.
Toutefois, il existait un paradoxe important ,étant donné que la volonté des employeurs est celle
de donner une formation semblable à celle des banques des pays développés aux salariés, avec
des perspectives différentes et beaucoup plus limitées que celles réservées aux salariés
occidentaux.
Cela répondait à un objectif clair, à savoir, donner une identité propre et caractéristique aux
salariés de la banque qui la distingue des autres banques européennes et/ou étrangères et qui
prenne également en compte le caractère maghrébin, ainsi que la spécificité tunisienne.
Cependant, même si cette formation représentait une opportunité pour le personnel, elle a été
vite encadrée par les responsables des banques pour éviter tout abus propre à toute flexibilité
et/ou souplesse dont pourrait jouir le personnel pour ce genre de formation.
Cette formation a donc été entachée d’un caractère d’ « obligation d’engagement » pour ceux et
celles qui allaient s’y inscrire, étant donné que l’inscription était facultative.
Elle était tout de même réservée aux diplômés qui justifiaient d’un bac plus deux années
d’études réussies (BTS ou Deug), donc pour la plupart aux jeunes et nouvelles recrues après une
certaine ancienneté (trois ans pour certaines banques, et 6 mois pour d’autres), voire pour
quelques seniors diplômés.
De plus, pour les rares seniors qui ont pu en bénéficier l’un d’entre eux nous a affirmé que
« c’était très intéressant à l’époque, moi j’ai passé trois fois l’examen final en France, au moins on pouvait
224
voyager et c’était pris en charge, on pouvait même obtenir des dérogations et on dépassait les trois ans requis,
c’est pas comme ça maintenant où on n’a plus le droit de s’absenter, le droit de redoubler n’est valable qu’une
fois, et nous avons très rarement droit à une dérogation ».
Les formations entreprises pouvaient jouir d’une certaine reconnaissance de la part des
responsables, étant donné qu’elles étaient très encouragées par les autorités locales et les
instances de tutelle.
En effet, parmi les objectifs il fallait créer un corps de cadres sur lesquels on pouvait compter
pour jeter les bases d’une banque dont le rôle était crucial pour l’économie (Financement de
l’économie) et qui devait contenir le secteur agricole, autrement dit des priorités nationales
d’intérêt général.
Cependant, pour les autres formations diplômantes et internes il y avait déjà un noyau qui
existait, c’était la formation interne qui donnait lieu à une attestation de réussite reconnue et
signée par les responsables de la banque, aussi bien pour les cadres maîtrisards de l’époque que
pour les non cadres (c'est-à-dire les personnes embauchées, mais qui ne disposaient pas de
diplômes de second cycle). Il s’agissait d’une sorte de mise à niveau pour des personnes n’ayant
pas forcément un bagage économique et financier, voire un profil bancaire.
Cela pouvait concerner les bacheliers, ou les non bacheliers, mais ayant au moins fait des études
secondaires, ou même primaires.
Pour les jeunes, certains nous ont affirmé qu’il existait aujourd’hui un éventail plus riche et plus
varié que pour leurs aînés, comme le certificat bancaire, le diplôme de formation bancaire et le
diplôme supérieur de banque.
D’autres en revanche, plus diplômés attestent le contraire, étant donné qu’il ne leur est proposé
que des séminaires, puisque le diplôme supérieur de banque (issue des cours de l’ITB) est
désormais réservé aux titulaires d’un bac+2 ou à ceux ayant le diplôme de formation bancaire
(DFB).
Pour les plus pessimistes cela n’est pas du tout intéressant, l’un d’entre eux nous a affirmé « ce
n’est pas une affaire, car les études se déroulent souvent les week-ends, comme les exams, tout se passe à Tunis,
on a le droit qu’à un seul redoublement, pas le droit de s’absenter pour quelque motif que ce soit, et en cas de
réussite cela ne nous donne droit qu’à un grade, sans pour autant que l’on nous promette un poste fonctionnel,
même à terme comme il est indiqué dans la plaquette de formation. De plus, pour s’y inscrire il faut avoir fait
trois ans au sein de la banque ce qui n’est valable que pour notre banque.
C’est un règlement interne très handicapant, car au niveau du secteur bancaire, d’autres banques, certes
privées, ont de meilleurs conditions et avantages pour cette formation ,comme un grade pour chaque année
réussie et ils peuvent s’y inscrire dès les six premiers mois de leur intégration à la banque ».
225
La formation a lieu dans les locaux du siège de l’APBT, équivalent de l’AFB Française. Cette
formation est aussi ouverte aux non diplômés classiques, c'est-à-dire qu’une diplômation
sectorielle et interne peut, à l’image des cours bancaires dispensés, aussi bien en interne qu’au
niveau sectoriel, donner droit à s’inscrire aux cours de l’ITB.
Pour d’autres plus optimistes, cela est tout de même intéressant, l’un d’entre eux indique même
que « c’est bien, car au moins on renoue avec des études, les profs sont bien et c’est dans le cadre de notre job,
en plus on fait des contacts, car toutes les banques sont représentées, mais bon faut être libre de tout
engagement et disponible. Au niveau carrière cela ne donne pas vraiment de l’élan, mais c’est quand même un
diplôme professionnel ».
En effet, cette formation est reconnue par la convention collective de branche et permet, à tous
ceux qui s’y engagent, en cas de réussite de bénéficier du grade immédiatement supérieur et
d’une année d’ancienneté dans ce nouveau grade.
Ainsi, pour ceux n’ayant pas un diplôme de premier cycle il faudra poursuivre une formation
interne à la branche, assimilée à des cours bancaires qui donne droit après réussite au diplôme
de formation bancaire.
Ces cours sont dispensés par des enseignants et formateurs de l’APBT dans des locaux d’un
établissement d’enseignement secondaires en plein centre de Tunis, sur trois ans pour ceux
ayant le bac et quatre pour ceux ayant uniquement le niveau bac (c'est-à-dire qui n’ont pas réussi
et obtenu le diplôme).
Ces derniers soulignent qu’ils seront astreints à passer une année préparatoire pour pouvoir
ensuite suivre le tronc commun qui durait trois ans et qui était sanctionné en cas de réussite par
le diplôme de la formation bancaire.
Mais, ils précisent aussi qu’ « outre une condition de niveau il faut aussi satisfaire une condition de grade
vu qu’après la réussite de l’année préparatoire l’on obtient le grade de chef de section hors classe. La réussite à
ces cours permet également d’obtenir une prime de 25 Dinars, équivalente à environ 10% du SMIG tunisien
(évalué à 240 dinars, soit un peu plus de 120 Euros), étant entendu qu’en Tunisie il n’existe pas encore
l’équivalent du SMIC Français et ce après le passage, chaque année, à la classe supérieure.
Le grade ultime qu’il est possible d’obtenir la dernière année en cas de succès est celui de rédacteur troisième
classe, soit la frontière de la catégorie « personnel d’encadrement », entendez cadre, voire jeune cadre, d’où une
route assez longue, car il faut avoir du souffle ».
Ils nous indiquent également que les plus motivés pourront continuer en suivant les cours de
l’ITB sur encore deux années d’études aujourd’hui, avec le nouveau régime alors que l’ancien
en comptait trois, qu’il faudra conjuguer avec le travail de tous les jours au sein de la banque et
la vie familiale.
226
Ceci contribue, selon eux, à doper la carrière en cas de réussite, du moins en avancement
horizontal et d’améliorer ainsi la situation financière des diplômés de l’ITB, car c’est surtout
dans les passages de catégorie que le personnel reste le plus longtemps dans sa carrière et peine
avant d’accéder à une promotion jugée substantielle.
Cependant, pour eux, cela ne donne pas l’obligation aux responsables de la banque de nommer
les nouveaux diplômés de l’ITB à des postes de responsabilité, comme il est indiqué dans
l’argumentaire de la brochure d’étude.
Ils affirment cependant que « toujours est il, cela contribue à réinstaurer une idée de mérite au sein de la
banque, puisque les avantages sont formellement institués dans la convention et ainsi protégés et garantis. De
plus les animateurs sont pour la plupart Français avec quelques enseignants ou professionnels Tunisiens, donc
issus d’un autre monde, celui de l’enseignement, ce qui témoigne d’une certaine objectivité ».
L’un des jeunes a même prétendu, suite à une discussion avec un de ses enseignants Français
que ces derniers estimaient que cela était très profitable pour les uns et les autres. Il précise que
l’enseignant en question lui affirmait « c’est pour moi l’occasion d’avoir aussi un retour d’information
sur le secteur bancaire tunisien et d’avoir des contacts avec de futurs responsables potentiels ».
Un autre jeune nous a affirmé que le corps des animateurs est constitué de professionnels ayant
une grande expérience dans leur domaine et d’enseignants locaux, pour les autres enseignements
comme les cours bancaires.
Il existe, précise t-il, le même principe de promotion, de garantie et de protection que celui
existant pour l’ITB, étant donné que ces études diplômantes sont inscrites dans la convention
collective des établissements financiers de 1982.
Mais, il ne manque pas de souligner qu’il existe aussi la formation rédacteur qui est une
formation interne à la banque, dont la durée s’étale sur une année d’étude, et qui est réservée au
personnel ayant le grade de chef section hors classe.
C’est dit-il « une sorte de concours interne pour l’accès au grade de rédacteur troisième classe, qui permet de
devenir cadre, et qui se passe au niveau du centre de formation intégré de la banque ».
D’autres jeunes indiquent qu’ « il existe aussi d’autres formations, en fait il s’agit pour la plupart de
séminaires externes, aussi bien en Tunisie qu’à l’étranger, sans examen, mais où les participants peuvent
bénéficier d’une simple attestation de participation, sans valeur si ce n’est en interne et encore.
D’ailleurs, pour toutes les formations diplômantes, outre la composition du dossier qui doit contenir les
diplômes et d’autres formalités administratives, les candidats doivent faire une demande qui devra rencontrer
l’accord du supérieur hiérarchique et être approuvée par la Direction Générale de la Banque, ce qui n’est pas
évident ».
227
D’où, l’existence de grandes subjectivités qui font que la formation est appréciée en tant
qu’avantage et non pas en tant que droit.
Ainsi, plusieurs affirment que « même si l’on dispose des éléments requis pour pouvoir étudier, encore faut
il être autorisé par ses supérieurs, c’est vraiment un pouvoir souverain que celui des responsables et rien n’est
jamais acquis d’avance ».
Un jeune qui a été éliminé de la liste des personnes pouvant s’inscrire aux cours au motif qu’il
n’avait pas l’ancienneté requise, étant donné qu’il lui manquait dix jours d’ancienneté pour que
sa candidature soit retenue, nous indique que « c’est à cause des responsables de la banque qui ont
introduit un règlement intérieur qui mentionne qu’avant la présentation d’une liste définitive au service des
inscriptions de l’APBT, ne seront aptes que les candidatures des personnes ayant trois années de banque le jour
de la demande.
Autrement dit, deux années pour la titularisation du candidat et une année d’expérience professionnelle, ce qui
fait une pause de trois à quatre ans si on a pas eu un autre incident de parcours comme le fait de louper la
circulaire qui devrait nous informer ou les délais, soit quatre ans minimum après l’obtention du diplôme de la
fac, y a de quoi refroidir non ?! ».
Les jeunes ont été nombreux à nous confirmer ces dires en précisant que ce règlement intérieur
n’existe pas au niveau des autres banques où toute personne ayant au minimum un diplôme de
premier cycle, ainsi que l’autorisation de son supérieur hiérarchique, peut postuler.
Par ailleurs, il nous a même été indiqué par plusieurs jeunes lors de discussions avec d’autres
confrères qu’une des banques de la place (la banque du Sud en l’occurrence, devenue
actuellement Ettijari Bank, dont un des principaux partenaires est le groupe Wafa Bank) donnait
le grade immédiatement supérieur aux membres de son personnel à chaque année de réussite,
soit trois grades alors que leur banque ne leur donnait qu’un grade lors de l’obtention du
diplôme.
Un des jeunes nous explique qu’en fait « il faut savoir que la BMTP en tant que Banque publique
applique le niveau plancher de la convention collective car, selon plusieurs seniors, elle doit rendre des comptes,
outre aux actionnaires, à des instances publiques comme le ministère de tutelle, qui est le ministère des finances
et la banque centrale. Elle n’est donc pas aussi libre que les banques privées qui ont plus de latitude et peuvent
prendre des décisions d’ordre financier beaucoup plus rapidement, comme celle d’encourager leur personnel en
dépassant largement les minima de cette même convention ».
Toutefois, cela ne justifie pas le fait que la formation soit réservée à quelques privilégiés étant
donné que l’Etat Tunisien donne des facilités et subventionne la formation, car il existe un
228
système de ristourne sur la TFP175 qui permet aux banques et aux entreprises de se faire
rembourser les frais d’inscription de leur personnel.
Ceci représente un atout de taille qui, comme nous pouvons le constater, n’est pas toujours bien
converti dans les faits.
175
Taxe sur la formation professionnelle.
229
Il y a ainsi des départements qui n’auront droit qu’à très peu de séminaires internes, tandis que
d’autres auront plus de chance, car leur activité est réputée pour être risquée, comme le
département crédit ou étranger.
Mais, en règle générale la participation des jeunes à ces séminaires ne sera encouragée que si
elle est nécessaire à l’activité.
Un jeune du département formation nous a indiqué « mes collègues du département n’ont pu avoir
droit à des formations, des séminaires et à l’ITB que quand ils sont sorti du département et ont été affectés
dans un autre département comme les crédits, autrement ils n’auraient eu aucune formation au motif pour
nous ici à la formation, que notre mission est de former alors si nous on va en formation qui va former le
personnel de la banque ? ».
D’où, une certaine discrimination par rapport à la formation inhérente au fait de l’appartenance
à une structure.
Ceci conforte l’idée d’une stigmatisation ou d’étiquette par rapport à chaque département ou
structure et par voie de conséquence à chaque salarié.
Dépité, un autre salarié de ce même département nous indique en toute logique « c’est plutôt
insensé je trouve, car pour bien orienter le personnel au niveau des formations nous devons, nous même, être
bien formés. Or nous n’y avons pas eu droit pour divers motifs, le temps, la disponibilité, mais je pense qu’en
réalité c’est plutôt la conviction et une certaine opinion qui consiste à penser que cela n’est pas indispensable
pour le travail que nous avons à effectuer mais aussi pour nous car nous sommes considérés comme de simples
exécutants. Les gens qui pensent et qui décident ce sont eux ».
Ici encore, cela dénote de l’inexistence d’une réelle gestion des carrières, des emplois et des
compétences qui peut brimer la transmission intergénérationnelle des connaissances au sein de
la banque.
230
3.2 La pratique courante de la tournée des différents services de la
banque
Pour les seniors, la plupart s’accordent pour dire que la tournée des services a eu lieu même si
certains cas isolés nous indiquent le contraire.
Ceux là même ne reconnaissent pas la direction de la formation, ils ajoutent même « quel
département formation ? Il n’y avait aucune formation, ni même une tournée des services, on a appris sur le
tas, et on s’est forgé tout seul, on a même des fois passé la nuit au boulot car tout était manuel.
Il y avait des pièces comptables à remplir sur support papier en double ou en triple pour des copies aux autres
départements, pour le contrôle, pour le client, pour nous ».
Selon la plupart il s’agissait toutefois d’une formalité d’usage qui était plus ou moins longue
pour certains, en général les diplômés, et réduite pour d’autres qui ne disposaient que d’un
bagage assez réduit (études primaires). Ces derniers n’envisageaient pas une grande carrière ou
des postes à responsabilité, sauf dans l’hypothèse d’un avenir éloigné ou du fait de l’ancienneté.
Plusieurs, nous ont indiqué que cette tournée pouvait prendre de 3 à 6 mois avant l’affectation
définitive à un poste déjà programmé en fonction des résultats du test psychotechnique et des
recommandations de la commission de recrutement, car les candidats devaient passer par
l’exploitation, (le réseau des agences), c'est-à-dire deux ou trois agences pour pouvoir avoir une
idée bien arrêtée au niveau de toutes les opérations (agricoles, commerciales, etc…).
Selon ces mêmes sources, ils passeraient ensuite par les services centraux les plus importants
aux yeux de la direction générale, comme les directions du contrôle de gestion ou le crédit où ils
passeraient d’ailleurs plus de temps que dans d’autres structures jugées plus légères comme le
marketing.
L’un des seniors nous affirme en rapport avec la transmission intergénérationnelle des
connaissances inhérente aux tournées, « je me rappelle de mon tuteur de l’époque qui était comme je le
suis aujourd’hui, un senior alors que j’étais encore jeune et très enthousiaste de travailler au sein d’une banque.
Il m’expliquait alors au niveau des pièces comptables que la pièce bleu voulait dire on gagne de l’argent et que
la rouge signifiait on perd de l’argent ».
Comme nous pouvons le constater la transmission intergénérationnelle qui pouvait s’opérer était
improvisée et pragmatique, sans pour autant revêtir une forme pédagogique classique, même si
le contenu et la finalité peuvent toutefois être atteints, car l’information est imagée et assez
facile à comprendre, en témoigne les propos de ce salarié, jeune de l’époque.
231
Pour les jeunes, ils nous indiquent que seuls les plus privilégiés c'est-à-dire les salariés les plus
chanceux, qui sont appuyés par la hiérarchie et qui jouissent d’une carrière plus dorée
permettant une évolution plus facile ont eu droit à une tournée des services.
L’un d’entre eux nous a même précisé qu’ « en fait même s’il y a une norme ou une règle pour effectuer
une tournée dans les différents services elle est laissée à la discrétion de la direction générale, car rien n’est
clair, et c’est très subjectif, par exemple pour ma titularisation la commission de titularisation a émis dans son
rapport outre le bon à titulariser le fait que je devais effectuer un stage pratique en agence or cela fait quelques
années déjà de cela et je n’ai eu droit à aucun stage à ce jour ».
D’autres jeunes nous ont indiqué qu’il n’existe pas, comme pour les seniors auparavant et lors
de leur intégration, une réglementation interne ou un quelconque texte ou note de service, voire
une volonté sans faille qui donne l’obligation, au département GRH en collaboration avec le
département formation, de programmer pour les nouvelles recrues une tournée des différents
services.
C’est généralement « la nécessité de service » qui prime, et à ce titre les stages et autres
formations requises pouvaient être reportés pour une date inconnue.
Autrement dit, les postes ou structures de soutien ne constituaient pas une priorité, comme la
mise en place du réseau d’exploitation, porteur de bénéfices et considéré par les responsables
comme un centre de profit. A la différence des structures de soutien sont considérés jusqu’à
aujourd’hui comme des centres de coût.
Plusieurs jeunes nous affirment qu’au niveau des usages, il y a une longue tradition pour les
diplômés qui seront affectés au réseau des agences, de les y affecter en agence en leur faisant au
préalable une formation théorique en interne.
En revanche, ceci n’est pas le cas pour les non diplômés ou les autres diplômés qui sont affectés
en priorité au niveau des structures de soutien, au niveau des directions centrales.
Ils nous ont également soulignés que « pour les jeunes qui ont fait certaines écoles comme l’IFID, un
institut financier qui a été créée dans le cadre de l’Union du Maghreb Arabe (UMA), il existe certaines
exigences ou obligations de leur donner le meilleur, donc formation avec tournée des services et bonnes
affectation en vue d’une carrière ascendante et rapide ».
Nous pouvons constater qu’il existe ainsi à la banque une formation et/ou transmission
intergénérationnelle des connaissances et une évolution de carrière à la carte qui obéit à des
choix socioprofessionnels comme l’accord de l’UMA176 beaucoup plus qu’à une réelle gestion
prévisionnelle des carrières et des ressources humaines.
176
Union du Maghreb Arabe (UMA)
232
3.2.1 Place accordée à la pratique de la formation sur le tas
Pour le premier poste occupé la plupart des seniors interrogés nous ont indiqués qu’ils avaient
reçu une brève formation théorique, surtout pour les départements très techniques des crédits et
de l’étranger, avec des formateurs spécialisés ou des consultants, voire des enseignants
universitaires.
Il s’en est suivi une tournée des services, puis une affectation à un poste où il y avait un besoin à
combler. C’est ainsi qu’après une formation sur le tas assez légère, ils ont du être considérés
comme immédiatement opérationnels.
L’un des seniors précise « lors de notre intégration on était beaucoup à être livrés à nous mêmes, et a
n’avoir bénéficié que d’un minimum de formation sur le tas et d’assistance mais pour des raisons ou des
circonstances particulières comme la disponibilité et le contexte. Nous nous sommes résignés et nous avons
facilement admis le fait de ne pas pouvoir prétendre à plus de supervision, d’autant plus que travailler dans
une banque était bien considéré sur l’échelle sociale ».
Nous pouvons constater que la plupart sont résignés quant à obtenir une formation ou une bonne
transmission des connaissances dans les règles de l’art, étant donné l’exigence, le volume et la
qualité de travail à fournir en agence où il faut répondre à la clientèle, priorité du moment (au
jour le jour).
D’autant plus que la tâche de la transmission intergénérationnelle des connaissances n’est pas
formellement inscrite dans les attributions des seniors et qu’elle est, à ce titre, facultative et
optionnelle.
Ils ne sont pas responsabilisés par rapport à cette mission qui n’est pas quantifiable ou
mesurable d’une manière chiffrée et comptable.
Un autre senior nous a même indiqué que cela faisait implicitement partie de l’appréciation,
c'est-à-dire que durant la période de stage ou d’essai, le personnel devait faire preuve
d’autonomie et montrer qu’il était motivé, qu’il savait se tirer d’affaire et se débrouiller tout
seul, voire de gérer des situations difficiles face aux clients. C’est, par exemple, encore le cas
aujourd’hui lors des fins de mois en agence, où le personnel des ministères vient retirer sa paye,
ils sont tous là en même temps et le personnel de l’agence doit faire face avec les moyens
existants.
D’autres seniors nous confirment ces propos et soulignent qu’ « en règle générale et paradoxalement,
il y a toujours dans ces circonstances un effectif assez léger, avec des attributions, qui même si elles sont
méticuleusement définies deviennent générales et l’agent au guichet devient, d’une manière improvisée,
233
polyvalent sans avoir obtenu la formation en rapport, mais uniquement des informations très superficielles, et
c’est parfois ce qui permet de mieux forger.
Mais c’est aussi s’exposer à des risques car en cas de déficit de caisse ou d’une autre erreur le personnel sera
tenu pour responsable et devra payer de sa poche toute somme manquante, d’où des refus de se substituer aux
autres lorsqu’aucun texte ne le prévoit.
Ceci est d’ailleurs encore plus valable pour certains caractères et personnalités jugés en tant que « grosses
gueules » aussi bien chez les seniors que les jeunes, qui se vantent même de savoir se faire respecter, et qui
légitiment leur comportement par le fait que la direction générale et donc la banque n’a aucune gratitude vis-à-
vis de ces personnes, il serait donc fou de se risquer pour eux ».
Plusieurs autres affirment que dans des activités de service comme la banque, la relation et
l’échange sur le terrain est primordiale, car les agents apprennent à gérer des situations et
développent un savoir relationnel avec la clientèle qui ne s’apprend pas dans les livres mais dans
la mise en situation réelle, c’est ce qui correspond au sens de Jean Louis Boutte177 au
compagnonnage.
Enfin, certains seniors affirment même que « c’est dans la difficulté que l’on apprend le mieux, et c’est
l’expérience qui échoue qui est plus porteuse que celle qui réussi ».
En effet, pour eux les vieux adages sont toujours d’actualité et se confirment chaque jour, mais
peut on aujourd’hui avoir droit à l’erreur par les temps qui courent ?
La plupart ne le pensent pas et en définitive pour eux la plus grande part de formation pour le
poste est informelle.
Ils indiquent d’ailleurs « pour ceux qui ont changé d’affectation au cours de leur carrière, cela s’est
beaucoup plus fait pour sortir de situations devenues trop ingérables, c'est-à-dire de problèmes comme une
incompatibilité d’humeur, soit entre collègues, soit avec la clientèle ou encore, cas le plus répandu, avec la
hiérarchie. Cela s’est rarement fait pour changer de domaine d’activité (exemple passer des crédits au
département marketing) ou de métier, pour améliorer ses compétences, sa polyvalence et son employabilité sauf
pour certains rares cas.
Ceux là ont une autre vue de l’esprit et sont considérés comme aisés ou ambitieux, chose qui nargue, qui fâche,
qui attire les problèmes et ne paie pas au sein de ce type de banque où c’est beaucoup plus les mécanismes de
progression à l’ancienneté dans le poste occupé, avec un concours de circonstances, qui priment. Autrement dit,
on ne doit pas décider par et pour nous même, même pour un changement d’affectation, mais s’en remettre à la
décision de la direction générale, au PDG car lui seul décide de notre sort ».
177
Boutte J. Louis, « Transmission de savoir-faire, Réciprocité de la relation éducative Expert-Novice », L’harmattan, 2007.
234
D’où encore une mise en exergue du phénomène de paternalisme et d’une excessive centralité
avec une pression forte et lourde sur les salariés pour qu’ils rentrent dans le moule imposé par la
hiérarchie de la banque et qui peut s’opposer aux valeurs et à l’éthique de la plupart.
C’est un peu comme une sorte de désensibilisation continue ou de renforcement de l’immunité
qui s’opère peu à peu au niveau des salariés de la banque pour qu’ils puissent trouver des
repères, même s’il demeure difficile pour la plupart d’accepter ce système qui s’apparente à un
régime militaire ou à un prolétariat moderne.
178
Mermet Emmanuel, Les cadres en Europe, in Cadres et comparaisons internationales : Les « cadres » dans les pays
d’Europe occidentale, sous la direction de Paul Bouffartigue, Les cahiers du gdr CADRES, 2002-2, p45, Actes de la journée
du 30 Novembre 2001 organisé par le LEST à Aix en Provence, Cadres, Dynamiques,Représentations,Entreprises,Sociétés
179
La notion de cadre en Tunisie est calquée, avant et depuis l’indépendance, sur celle définit en France.
180
Mermet Emmanuel, ibid.
181
Paul Bouffatigue, « Cadres » et comparaisons internationales : les incertitudes d’une catégorisation, ibid, p2.
236
cette notion demeure une particularité française, elle est même selon lui encore à géométrie
variable.
Toutefois, une relative unanimité apparait selon Mermet et Bouffartigue, lorsqu’ils affirment
respectivement que « les cadres exercent des responsabilités », ou que cette catégorie
concernerait ainsi durant les années 1980 les salariés qui « accèdent à des postes de
direction ».
De fait en Allemagne, l’équivalent de la notion de cadres en Tunisie, notion largement
calquée sur celle de cadre français, concerne ce que l’on appelle les « employés supérieurs »,
même si l’aspect de professionnalisation et/ou de qualification est souvent absent car comme
l’indiquent Michael Bechir Ayari et Eric Gobe182, dans un entretien effectué, « il ya beaucoup
de paramètres pour évoluer, autre que la compétence, le niveau d’études et l’école qu’on a
faite », ce n’est donc pas une qualification objective dont il est question, mais beaucoup plus
subjective car ils précisent qu’ « il ne faut pas être compétent au sens scientifique, il faut être
compétent au sens relationnel, c'est-à-dire avoir des relations avec des gens bien placés » d’où
la mise en exergue de la notion de réseaux qui a été traitée par Sainsaulieu.
En Tunisie, pour donner un aperçu sur l’historique de l’avènement de la notion de cadre nous
pouvons nous référer aux travaux de ces deux mêmes auteurs183 relatifs à la question de
l’ « encadrement » National au Maghreb en général, et en Tunisie en particulier.
Selon eux, cette question de l’encadrement ne se pose, en fait, que depuis les indépendances
des pays du Maghreb.
En effet, pour eux et « dans le contexte colonial, il était impensable de confier une fonction
d’encadrement et a fortiori technique à un « indigène », l’exercice d’une telle fonction
s’opérant au sein de « hiérarchies sociales » et de « réseaux susceptibles de transformer des
liens professionnels en liens de solidarité sociale ».
Le risque politique était important à l’époque et les colons « craignant de voir se transformer
des cadres en leaders d’opinion auprès des salariés « indigènes » et de les voir mener des
actions susceptibles de paralyser l’activité des entreprises ou des administrations, les autorités
coloniales n’ont guère promu la constitution d’un corps de cadres locaux ».
Cette discrimination, dont beaucoup de travailleurs ont souffert a permis de développer un
sentiment de revanche chez beaucoup de jeunes tunisiens.
182
Ayari Michael Béchir, Gobe Eric, Les cadres supérieurs de la fonction publique tunisienne : Réalité d’une condition
socioprofessionnelle, in Cahiers du Gdr Cadres, n°8, novembre 2004
183
Ayari Michael Béchir et Gobe Eric, ibid, p.87
237
Aussi, et comme le soulignent bien les deux auteurs, « la majorité des étudiants maghrébins
s’est orientée à l’époque coloniale vers l’enseignement ou les professions libérales : l’idéal de
notabilité des classes aisées maghrébines s’incarne dans les métiers de médecin, de
pharmacien ou d’avocat. A l’aube des indépendances, les jeunes États du Maghreb, portés par
l’idéologie développementaliste, entreprennent une politique de formation des cadres à long
terme dans le cadre d’une politique de planification économique et de nationalisation des
principales entreprises ».
C’est à cette époque que les cadres de différents corps de métiers commencent à prendre leurs
repères.
Anousheh Karvar184 a démontré pour sa part la trajectoire de plusieurs polytechniciens
tunisiens après l’indépendance du pays et les conditions dans lesquelles ils se trouvaient.
Michael Béchir Ayari et d’Éric Gobe185à leur tour précisent que « dans cette conjoncture, les
cadres supérieurs constituent un acteur central de la « modernisation » et du « développement
» de la société. Intervenant directement dans la définition et la conception des politiques
publiques, ils sont proches de la puissance publique et des nombreuses ressources que celle-ci
est prête à allouer pour gratifier ou coopter « ses fils et ses clients »186 ».
En Tunisie, et selon Ben Salem L187, « ils bénéficient de rémunérations substantielles et d’un
prestige certain », attesté par l’appellation que leur donne H Bourguiba les qualifiant de «
piliers de la nation ».
Dans le secteur bancaire tunisien, la notion de cadre est assez controversée dans la mesure où
sont considérés comme cadres au sens de la convention collective des banques et
établissements financiers de 1982, les salariés qui disposent d’un bagage académique de
niveau BAC+4 et d’un grade de rédacteur principal.
184
Karvar Anousheh, La trajectoire des polytechniciens dans l’espace Franco-Maghrébin : Des indépendances à
l’instauration du nouvel ordre économique, Cahiers du Gdr Cadres, n°8, Novembre 2004.
185
Ayari Michael Béchir, Gobe Eric, « Les cadres supérieurs de la fonction publique tunisienne : Réalité d’une condition
socioprofessionnelle », in Cahiers du Gdr Cadres, n°8, novembre 2004, p87.
186
L’État destourien (destourien vient de « Néo-Destour », le parti de Habib Bourguiba), les présente comme des agents du
développement. Bourguiba les appelle publiquement « piliers de la nation ».
À ce titre, cette représentation sociale du pouvoir politique constitue l’envers d’une intégration organique des cadres à
l’appareil politico-administratif. L’identification avec les visées de l’État bourguibien est totale. Cette dernière se manifeste
par une forte implication dans le parti socialiste destourien. Dans l’administration ou dans les entreprises sur lesquelles l’État
exerce sa tutelle, les postes d’encadrement technique ou de gestion constituent un débouché certain pour les stratégies de
mobilité sociale ascendante. L’État joue un rôle actif dans la transformation des structures socioprofessionnelles en créant des
emplois qui élargissent les frontières de la classe moyenne. Faire partie des cadres de la fonction publique est un gage de
réussite sociale, la certitude d’une carrière évolutive et le sentiment d’être une élite au service du progrès et du mieux être de
son peuple.
187
Ben Salem L, « Développement et problème de cadres : le cas de la Tunisie », Cahiers du CERES, série sociologique,
n°3, 1976, p. 171.
238
Il s’agit encore de la conservation du modèle de « cadre à statut », très différent de ce que l’on
peut constater dans les normes de carrière propre à chaque banque.
Ainsi, en interne au sein de la « BMTP », sont considérés comme cadres les salariés disposant
d’un BAC+4 avec un grade de fondé de pouvoirs (avec ou sans fonction de responsable
hiérarchique), premier niveau de la catégorie « personnel de direction ».
Cependant, une distinction en tant que responsable donnée à certains par voie de nomination
peut constituer en soi une caractéristique supplémentaire censée nous rapprocher de
l’équivalence allemande donnée à la notion de cadre, soit les « employés supérieurs ».
Ainsi, la notion de cadre pour la banque tunisienne est considérée comme hybride, étant
donné qu’elle relève aussi bien de la particularité française, que de celle inhérente au cas
allemand.
Actuellement, nous pouvons considérer à l’image de P. Bouffartigue qui indique que
« l’offensive néolibérale tend à affaiblir un peu partout le poids des conventions et garanties
collectives des salariés au profit de modalités individualisées de travail et d’emploi », que la
convention collective des banques tunisiennes et établissements financiers perd de son poids,
notamment à travers la dilution de la catégorie cadres et l’introduction informelle de la notion
d’individualisation des performances.
Emmanuel Mermet nous indique également qu’en termes d’évaluation statistique, des pays
comme la France, L’Allemagne l’Autriche, l’Espagne, le Danemark, la Grèce, le Luxembourg
et la Suède disposent d’un taux de cadres proche de la moyenne européenne (comprise entre
14 et 20%).
Ceci alors même qu’il précise que les deux extrêmes sont constitués de pays comme le
Portugal et l’Italie pour les taux de cadres les plus bas (inférieur à 14%) et de pays comme la
Belgique, les Pays Bas, l’Irlande et le Royaume-Uni pour les taux de cadres les plus élevés
(autour de 30%) .
L’auteur signale aussi que les différences de l’appareil productif peuvent en partie expliquer
de telles différences, notamment la plus ou moins grande importance du secteur des services,
grand employeur de cadres par rapport à l’industrie et dont la banque fait partie intégrante.
Ceux qui sont affectés au niveau des directions centrales, dans des structures de soutien comme
l’organisation, la GRH ou d’autres encore considèrent qu’ils n’auront pas une formation aussi
relevée que les premiers souvent affectés au réseau des agences.
La banque va donc les exploiter directement en fonction de leur bagage c'est-à-dire qu’ils
disposeront d’une très brève période de formation sur le tas. En fait, il s’agit de rentrer dans le
moule.
239
Il leur sera montré comment faire des dossiers ou traiter des informations avec les différents
circuits internes, et des fois externes et l’on adaptera leurs compétences à cette gestion.
Il ne leur sera pas demandé d’apporter de l’innovation ou un quelconque changement, mais
beaucoup plus de traiter le plus rapidement et le plus vite les dossiers, souvent même dans
l’urgence, car c’est la priorité qui commande.
Un jeune diplômé affecté dans une des directions centrales nous a même rétorqué « moi je n’ai
appris à faire que ces tâches qui sont pourtant partie intégrante dans un circuit. Pourtant personne n’a daigné
me montrer sa partie. Même mes patrons n’étaient pas chauds pour que je maîtrise tout le processus, donc je
m’y suis plié et je n’ai même pas cherché à en savoir davantage. Ce n’est peut être pas bien pour moi et ça
l’était pendant un bon bout de temps et puis j’ai compris que c’était ce que voulais la banque, même si pour
moi, je me dis qu’à terme je sais que ce ne sera même pas bon pour eux, étant donné qu’ils auront à me gérer
jusqu’à ma retraite. Donc pour l’instant ça va, car je ne compte pas changer de banque, étant donné que le
taux de chômage existant touche également les diplômés du supérieur. »
D’autres jeunes nous ont précisé qu’ils pensaient que ce n’était que provisoire. Or, ils se sont
rendu compte après des années que ce qui était demandé c’était que le travail soit fait, donc
encore une priorité de continuité et de stabilité.
La qualité du travail, la formation des jeunes passant toujours au second plan, car ne constituant
pas en soi la priorité.
Toutefois, affirment certains « ce qui est regrettable, c’est que cela sera toujours reporté à un autre
moment sans que cela ne se fasse quand on l’attend le plus ».
D’où une résignation et un sentiment de perte de droit, car tout un chacun a droit à une
formation en rapport avec le métier qu’il va effectuer.
Toutefois, ce droit élémentaire n’existe pas et l’on demande au jeune novice de faire l’effort de
se former tout seul, sur le tas.
C’est ce qui fait qu’il peut ne pas y avoir une bonne formation, car il peut ne pas exister et d’une
manière automatique et aussi naturelle que cela semble l’être de transmission
intergénérationnelle des connaissances entre les uns et les autres (seniors et jeunes).
Cela a même pour conséquence de transmettre souvent et en guise de représailles un sentiment
de revanche au cas où il n’y aurait pas effectivement de transmission intergénérationnelle des
connaissances.
En effet, rares sont les cadres qui s’engagent à transmettre sachant qu’ils n’ont rien eu
gratuitement et « c’est ce qui se transmet », nous rétorque un senior, en ajoutant que « moi je me suis
formé comme plusieurs, sur le tas, et je ne peux pas blâmer les collègues de ma génération qui ne transmettent
240
pas facilement leur connaissances aux jeunes. Il faut les comprendre, la fracture est encore là et elle n’a pas été
réparée, engendrant plus de dégâts que de solutions ».
241
Les formations les plus longues étant celles de la formation aux cours bancaires ou à l’ITB, qui
variait pour la première, de trois à quatre ans, selon que l’on dispose ou non du bac et du grade
de chef de section hors classe, et de deux ans aujourd’hui, pour la seconde.
L’un des jeunes ayant un bac plus quatre nous a même affirmé « pour nous l’ITB ce n’est plus une
affaire, on est épuisé, car pour les diplômes il est recommandé de les faire avant les trente ans, or nous on
rentre aux environs de vingt quatre ans et il faut encore environ quatre ans pour débuter la formation, donc
vingt huit ans, et pour peu qu’on redouble une année car on ne peut étudier qu’à la maison vu que les patrons
ne nous laissent même pas une heure pour bouquiner.
Ils nous accordent difficilement un congé en nous disant que cela ne les regarde pas si on fait l’ITB, c’est
considéré à tort comme étant une affaire exclusivement personnelle, donc on a de mauvaises conditions pour
préparer l’exam ».
De plus, nous pouvons aisément constater qu’il peut exister de grands écarts par rapport à la
règle, étant donné qu’il existe plusieurs entorses et qu’in fine ce ne sont pas les mêmes
conditions pour tous.
En effet, il peut exister un grand mouvement de copinage qui fait qu’il existe beaucoup de
privilégiés, pour qui la voie ou la carrière est toute tracée.
En revanche, pour d’autres, c’est plutôt assez mitigé, car sujet à interprétation de la part des
supérieurs hiérarchiques.
Un jeune de la direction formation nous affirme à cet effet, « je me rappelle de l’un de mes collègues
qui a eu droit à l’ITB alors qu’il travaillait à la Direction de la Trésorerie, structure où il y a énormément de
travail donc normalement peu de temps à consacrer à une autre activité ou à la préparation d’un diplôme.
Dès les premiers six mois de son intégration il a reçu un accord pour pouvoir étudier et ce par décision du PDG,
à l’initiative de sa directrice.
Sur la note où était inscrit l’accord, il a été ajouté par le PDG lui même, la mention « à titre exceptionnel ».
Donc il y a deux poids, deux mesures, autrement dit tout le monde n’est pas pareil, il n’y a pas d’impartialité
mais plutôt du favoritisme, et personne ne peut rien contre, car les décisions du PDG sont souveraines et le
pouvoir est centralisé.
Cela constitue une source de discrimination par le fait d’appartenances sociales à un réseau de connaissances
influentes, car les chefs de départements n’agissent pas tous de la sorte et ne recommandent pas leurs
subalternes.
Ceci rend l’évolution de carrière très aléatoire et dépendante de l’affectation mais aussi des supérieurs
hiérarchiques, leur poids sur l’échiquier du pouvoir interne à la banque et l’influence qu’ils ont sur le sommet de
la pyramide, autrement dit la direction générale et en ligne de mire son PDG.
242
Ainsi, il vaut mieux être dans une structure où le première responsable a une bonne cote auprès du PDG que
dans une structure où le chef de département est « mis en veilleuse » ou « au placard », car les salariés de cette
structure n’auront pas une bonne évolution de carrière du seul fait de s’y trouver affecté.
De plus, même lors de la commission du grand jury, examen final, le PDG qui intervient parfois en tant que
président de jury peut faire passer un de ses employés, un chouchou, et en faire tomber un autre qui ne serait
pas appuyé ou qu’il n’apprécierait pas.
Ainsi, pour nous, il n’est pas impossible de louper une année et là vient la déception et la frustration, et on
s’aperçoit qu’il y a un décalage entre les discours et ce qui se fait concrètement sur le terrain, ce qui fait que
c’est comme si on se faisait des ennemis, des jaloux qui peuvent cependant nous détruire notre carrière en
arguant que nous on a mis de côté l’intérêt de la banque et qu’on préfère notre intérêt privé, donc l’ITB ».
D’après ces propos, nous pouvons comprendre que la formation et la transmission
intergénérationnelle des connaissances au sein de la banque sont assez compliquées, car elles
sont calculées en fonction d’autres intérêts que celui de la banque.
Mais, cela ne vaut pas uniquement pour l’ITB, car pour la formation aux cours bancaires, un
jeune a assisté à une discussion entre son collègue, régulièrement inscrit aux cours bancaires et
relativement du même âge, d’un niveau primaire ou secondaire, et son patron.
Le collègue dont il s’agit avait le droit de se rendre à ses cours une heure avant la fin de la
séance, mais n’a pas été autorisé par son patron en ces termes « je sais que tu as tes cours, même si tu
prépare actuellement ton exam, mais tu sais bien pour moi et pour tout le monde ici c’est avant tout l’intérêt
de la banque qui prime, c’est notre priorité, car c’est la banque notre gagne pain à tous, donc apporte moi les
états et on verra comment faire pour la formation après ».
Ainsi, le premier responsable de la structure a été opportuniste, étant donné qu’il a privilégié son
intérêt personnel plutôt que l’intérêt de la banque dont le jeune en est le digne représentant, car
ce dernier aurait pu être remplacé du fait de ses conditions particulières.
Les seniors sont du même avis à ce propos, même s’ils indiquent que « quand même, c’est mieux que
pour nous, car depuis la petite formation lors de l’intégration après on a rien eu, car on n’avait pas le temps, et
il fallait mettre en place toute la structure de base pour la banque, car elle n’avait pas une grande ancienneté,
déjà maintenant on vient récemment de fêter les quarante ans, c’est donc une banque assez jeune, par rapport à
d’autres banques séculaires comme la Banque de Tunisie »
Plusieurs personnes interrogées, entre jeunes et seniors, nous ont indiquées qu’elles avaient
assisté à quelques formations externes, mais qu’en règle générale la fréquence variait d’un
département à l’autre suivant que l’on estimait que celui-ci méritait une formation et une
actualisation des connaissances acquises ou non.
243
C’est donc sur la base de critères assez subjectifs que les choix sont faits en matière de
formation. Cette démarche est teintée d’opportunisme pour les uns et d’injustice pour les autres
et il n’y a pas de norme ou de volume horaire de formation par agent même s’il existe
globalement un plan annuel de formation.
Ainsi, il est admis par tous, nous affirme un jeune que « le département étranger parce que très
technique est confronté à de très grands risques financiers, en raison de ses transactions internationales et des
correspondants internationaux. Il nécessite des compétences assez pointues et des connaissances sans cesse
actualisées. Le département informatique également nécessite des formations plus fréquentes vu que la banque
est toujours en phase de modernisation. Toutefois, ceci peut ne pas être le cas pour des départements ou
structures de soutien comme le département Gestion des Ressources Humaines où les nouveautés législatives ou
changements, voire même les risques sont plus réduits ou moins fréquents. Mais, c’est aussi en partie, parce
qu’il n’y a pas de solidarités ou de revendications de la plupart, que cela se passe comme cela. C’est du
renoncement, de la résignation ou de la tolérance déplacée, sinon au nom de quoi certaines structures seraient
plus importantes que d’autres, nous contribuons tous à un même résultat. Il faut voir que cette discrimination
est aussi valable pour les promotions, car c’est la porte ouverte, vu que personne ne réagit, et même les plus
courageux sont vite découragés ».
Ceci dénote en quelque sorte de la discrimination vis-à-vis de certaines activités et de certains
métiers au sein de la banque, cette dernière privilégiant certaines structures au détriment
d’autres, ce qui ne fait qu’encourager une rétention d’information et/ou de connaissances qui
freine la bonne transmission intergénérationnelle des connaissances.
La plupart, entre jeunes et seniors nous ont indiqués que ces formations n’étaient pas
diplômantes, car pour le département « Etranger » ou « Informatique » par exemple, il s’agit de
séminaires de formation, voire de stages dans des banques étrangères correspondantes avec la
banque.
Donc, il existe le plus souvent uniquement des attestations de participation et une
documentation en rapport.
La reconnaissance et l’évolution de carrière demeurent à la discrétion des responsables.
Un jeune nous affirme même que « cela dépendra après, des bons offices, si on est très coopératif et que
l’on va dans le sens des bons vouloirs des patrons sans les contre dire même si on sait que l’on a pertinemment
raison, autrement dit qu’on sait porter le couffin et que l’on sait rapporter tout se qui se dit ou se fait, même
les confidences des plus proches. Certes ce n’est pas toujours cela, il peut y avoir des exceptions ».
Ceci nous amène à prendre en considération l’importance des réseaux et du copinage au sein
d’organisations comme la banque et dans les rapports professionnels entre salariés et
employeurs.
244
De plus, parfois il peut y avoir des incohérences, un jeune nous a précisé qu’ « il arrive que l’on se
dise qu’il doit y avoir un problème quelque part ou que le choix pour ces séminaires ne se fait pas du tout sur
des bases de qualifications en rapport avec le poste occupé, car j’ai été à un séminaire organisé par l’Union of
Arab Banks sur un thème très général uniquement parce qu’ aucun des « chouchous » ne voulait y aller et pas
pour autre chose.
Mais, il fallait que l’on soit représenté car c’est considéré comme une association de banques arabes et chacun
devait contribuer ne serait ce qu’en faisant participer des candidats aux séminaires organisés ».
Ainsi, comme nous pouvons le constater, le choix des profils et des personnes en rapport avec
les formations est souvent approximatif et ne tient pas réellement compte des exigences
requises, notamment en fonction des postes correspondants, les bases d’une bonne adéquation
ne sont pas posées.
Ceci nous a même été confirmé lors d’un entretien avec un jeune dont l’ami travaillait pour la
direction formation, celui-ci lui a avoué qu’« une fois dans l’année on prépare le plan annuel de
formation avec la budgétisation en rapport et le nom des cabinets de formation, les dates et les structures
concernées, le programme et les thèmes de formation, bref tout était bien planifié et mon patron m’a indiqué
que ce document était requis pour les gens de la Banque Mondiale.
D’ailleurs, la plupart des formations étaient ristournables, c'est-à-dire remboursables par le ministère de la
formation et de l’emploi, comme nos salaires à nous au département formation. Je me disais alors qu’avec ce
document, qui venait d’être présenté au représentant de la Banque Mondiale, on serait tranquille toute
l’année, car cela faciliterait le travail, il n’y avait plus qu’à exécuter. Or ma surprise était grande quand mon
patron m’a demandé de classer le document, et que l’on devait retravailler comme d’habitude donc au cas par
cas et au jour le jour. Ceci signifie bien donc qu’entre le dire et le faire il y a la mer ».
Ceci ne fait donc que souligner davantage les dires du premier témoignage et cristallise
beaucoup d’éléments, comme le fait qu’il n’y a pas de gestion des carrières ni une gestion
prévisionnelle des compétences, et aucune planification valable de la formation.
Quelques seniors nous ont même affirmé avoir effectué une visite dans des banques étrangères
dans le cadre d’échange d’expérience, mais selon leurs propos, cela ne constitue que de très
rares cas.
Ils précisent d’ailleurs que l’organisation de tels échanges était banale à une époque antérieure,
il suffisait d’établir un protocole, entre la banque et une autre institution. Protocole, qui devait
être signé par les deux directions générales respectives.
Toutefois, cela est devenu aujourd’hui beaucoup plus exceptionnel et de moins en moins
transparent, même s’il existe plus de contrôle et que cela est perceptible au niveau de
l’organigramme de la banque, de part les structures spécialisées.
245
Les raisons sont multiples, comme la conjoncture internationale, la stratégie d’augmentation des
bénéfices par la diminution des charges, l’introduction progressive dans le cadre de la
concurrence internationale et de la mondialisation.
Pour eux, c’est généralement le principe de la formation en fonction de l’affectation et/ou du
poste qui prévaut même s’il existe des exceptions, et c’est le cas pour une dame senior et chef de
division qui a effectué un stage au sein de l’Union des Banques Suisses, alors qu’elle venait
d’être affectée dans une nouvelle structure.
Cette dame affirme que « le stage était exceptionnel mais on sent que cela n’a rien à avoir avec ce qui se
fait chez nous, tout est informatisé et les relations de travail sont très cordiales, tout le monde travaille dans
l’enthousiasme et la confiance. On ne sent pas le poids de la hiérarchie comme ici, c’est normal qu’ils avancent
bien et qu’ils réussissent, ils sont aussi très bien payés ».
Nous pouvons constater que c’est donc, outre les bonnes conditions de travail, la bonne
motivation financière, l’ambiance de travail associée à la confiance et la souplesse des relations
entre salariés et supérieurs hiérarchiques qui donnent de l’enthousiasme au travail.
Or, ces choses manquent cruellement dans l’environnement de la banque publique tunisienne.
Les jeunes et seniors interrogés nous ont précisé que pour les séminaires, les formateurs sont le
plus souvent des enseignants ou d’anciens praticiens qui avaient acquis au fur et à mesure de
leur activité une expertise reconnue dans tout le secteur.
Leur âge était pour la plupart compris entre 48 et 55 ans, et rarement d’un âge inférieur.
Ceci est peut être aussi du à une raison culturelle issue de préjugés, qui veulent que le personnel
à former accepte mieux une formation venant de seniors que de jeunes jugés inexpérimentés
même s’ils possèdent un grand bagage académique.
En revanche, ils nous ont indiqués pour les stages et visites, qu’il s’agissait de cadres supérieurs
donc pour la plupart de personnes très expérimentées avec au minimum un diplôme de maîtrise.
Rares sont ceux qui n’ont pas de diplômes et seulement une grande expertise.
Il arrive même que des seniors entreprennent des études pour parfaire leurs connaissances,
d’ailleurs un des seniors ajoute qu’« ils sont encouragées à le faire dans d’autres banques surtout
étrangères, car ces derniers réalisent que le trait d’union entre l’université, les structures académiques de
formation et la banque ne doivent pas êtres cassées, ce qui n’est pas le cas pour nous où les responsables jugent
ces formations souvent comme théoriques. D’ailleurs même pour des séminaires où les intervenants sont des
246
experts étrangers, ils jugent souvent que le contenu de la formation est trop théorique et de toute façon
inadapté chez nous, mais alors pourquoi participer à ce genre de séminaires, qui sont d’ailleurs très coûteux et
dans des hôtels très luxueux ? ».
Pour les stages et visites, ils précisent encore que les différentes formations durent très peu de
jours, car pour le cas des séminaires, ce sont des formations payantes et assez chères, même si
pour la majorité elles sont « ristournables » par le Ministère de la Formation Professionnelle et
de l’emploi, dès qu’il lui est présenté une demande d’agrément dans les délais impartis et selon
les normes prescrites.
Il existe en règle générale, comme mentionné plus haut, un protocole entre organismes pour un
échange d’expérience, qui n’est connu que de la direction générale et de quelques hauts cadres.
Les échanges ou visites ne concernent pas de longues périodes, elles varient entre une à trois
semaines au maximum et concernent souvent des privilégiés.
Un senior nous a même indiqué que « pour un des cadres très appuyé par son patron cela s’est même fait
sur une période d’un mois, bien que l’on ait eu aucun écho ou retour pour la banque. Mais cela a encore été
exploité par le jeune en question car son patron l’a propulsé longtemps après en tant qu’animateur occasionnel
pour des séances de formation qui lui seraient rétribuées selon un barème précis au centre de formation intégré
de la banque. Il a donc doublement gagné. Ces stages et visites sont donc source de négociations et permettent
de montrer encore plus que c’est « la règle de l’exceptionnel » qui prévaut ».
C’est par ce biais de la formation interne qu’il peut exister une transmission intergénérationnelle
des connaissances, celle-ci n’étant pas naturelle.
Elle peut être encouragée et motivée financièrement ,même si la teneur de la transmission
opérée ne peut être résumée et que l’on ne peut affirmer avec certitude que les connaissances
clés ont été transmises.
3.3.2 Evaluation des points forts et des points faibles du système de formation
Selon les seniors la formation est assez riche et variée, mais ce qui est regrettable pour eux c’est
qu’ils n’ont pas été formé aussi facilement que l’ont été les jeunes d’aujourd’hui.
En effet, ils considèrent que pour les jeunes l’infrastructure et la logistique sont déjà installées,
donc l’effort est beaucoup plus ciblé.
Cependant, pour eux c’était une époque de construction et de mise en place, une période de
grandes mutations, donc ils étaient beaucoup plus sollicités et obligés d’écourter leur période de
formation pour des raisons urgentes de « nécessité de service ».
247
Ainsi, la disponibilité pour une bonne formation aux techniques bancaires passait en deuxième
lieu, car elle ne constituait pas la priorité du moment, tout autant que la transmission des
connaissances entre les uns et les autres.
Un des seniors nous a même affirmé et c’est paradoxal, « des fois on nous dit qu’on est trop vieux
pour ce genre de formation et que cela ne va rien nous apporter, et puis on voit que l’un d’entre nous est parti.
Puis des fois on nous dit, non ce type de formation est réservé à des hauts cadres, c’est à dire une
discrimination par le grade cette fois ci, mais rarement par le fait que le candidat est très qualifié pour le poste
selon la DGRH, car les dossiers personnels et le bilan des compétences ou encore la gestion des carrières n’existe
pas ici ».
Ils nous précisent que les causes sont multiples, cela peut être la structure d’affectation, la tête
du client, le charisme et le poids du responsable de la structure en terme d’influence (s’il est
entendu et proche de la direction générale), car même s’il existe un plan annuel de formation, ils
le perçoivent beaucoup plus comme un document purement formel, sans portée.
Ils n’y voient pas le caractère objectif ou normalisé et équitable, mais uniquement un document
interne qui servira en temps que témoin d’une bonne gestion qualitative des ressources
humaines pour des instances externes nationales et internationales, contrôleurs et bailleurs de
fonds.
Un autre point faible du système de formation qui a été souligné par les seniors réside en sa
continuité.
En effet, ils indiquent que « les responsables peuvent faire en sorte que le système de formation peut vous
oublier si l’on considère que la formation que vous avez suffit ou qu’elle ne mérite pas une actualisation, alors
que d’autres pourrons profiter, beaucoup plus fréquemment, d’actions de formation ».
Cette discrimination peut provenir, précisent-ils, du fait de l’appartenance à un département jugé
important au sein de la banque comme les crédits ou l’étranger, mais aussi du fait du bon vouloir
des supérieurs hiérarchiques.
En effet, même s’il existe un plan annuel de formation, comme cité plus haut, il peut aussi y
avoir des formations non prévues dans le plan annuel et qui peuvent être demandées à
l’initiative du responsable de la structure.
Par ailleurs, un des seniors interrogé ajoute que « cela dépend aussi de la structure d’appartenance et
des rapports entretenus avec les supérieurs hiérarchiques, car pour beaucoup la formation est perçue comme un
avantage, ou un privilège donc ils préfèrent la donner à quelqu’un de leur choix même si ce n’est pas forcément
la personne qu’il faut ou qui convient pour cette formation ».
248
Cela revient au pouvoir discrétionnaire, voire souverain, des responsables, obtenu par
déclinaison, car ce sont « les généraux » du PDG (les représentants du management de la
banque).
Certes, le personnel en question peut demander à son niveau mais, nullement exiger, une
formation ou la participation à une action de formation qu’il pense être profitable pour lui dans
son travail.
D’ailleurs, aussi anecdotique que cela puisse paraître, un senior a demandé un jour au secrétaire
général du syndicat de l’appuyer pour son avancement annuel du fait de sa réussite à un diplôme
d’une institution de renommée, car il a été lésé plus d’une fois dans sa carrière, il affirme
alors « ce dernier m’a rétorqué que je faisais partie du personnel de direction et donc que je dépendais
désormais de la Direction Générale donc qu’il ne pouvait rien pour moi. Alors je lui est rappelé qu’il était
secrétaire général du syndicat de la banque et qu’il devait honorer sa fonction et pas être le porte parole de la
direction générale, car je disposais de tous les éléments pour pouvoir accéder au grade supérieur, ancienneté
dans le grade donc aptitude, note de fin d’année, appréciation par mes supérieurs hiérarchiques et pourtant
rien ».
Nous constatons donc que même le syndicat a un rôle limité et pas une réelle mission comme
cela devrait être le cas, en somme il sert les intérêts des responsables et de la Direction Générale
(management de la banque).
Ainsi, nous pouvons comprendre que cela est très frustrant et peut toucher le moral des
personnes qui se sentent en fait impuissantes, et sans aucun moyen de recours, sans avocat, sans
aucune protection interne, car même le syndicat peut faillir à sa tâche.
Ceci peut donc constituer de grandes déceptions qui peuvent ne pas partir avec le temps.
En effet, l’entaille étant trop grande, il n’y a pas d’homogénéité, car chacun peut réagir à sa
manière, cela n’est pas contrôlable, étant donné que cela relève du psychologique.
Plusieurs salariés nous ont attestés qu’ils en devenaient malades, car le coût de la vie est cher et
que s’il n’y a pas de progression et une amélioration salariale, il y a automatiquement une perte
de pouvoir d’achat assez conséquente.
Un senior nous a même précisé qu’ « en plus de perdre du pouvoir d’achat et de ne plus avancer dans la
grille des salaires je régresse vu que même le parking devient payant et cela fait une dépense supplémentaire vu
que celui existant ne suffit pas pour tout le monde et que ni moi ni mes collègues n’avons programmé cette
dépense. En revanche une place de parking (gratuite) au sous sol de la banque est même prévu pour les chefs de
département et chef de division, bref ceux ayant une fonction. Tout ceci fait qu’on se sent tout petit surtout
quand, même la formation et la transmission des connaissances qui peut nous procurer plus d’employabilité est
réservée également à certains privilégiés, cela fait rager davantage ».
249
En revanche, pour les jeunes, ils ne se disent pas mécontents de la formation professionnelle
reçue, en grande majorité sur le tas, même s’ils savent qu’il n’y a pas eu une transmission
optimale des connaissances et qu’ils ont dû, comme leurs aînés, faire également des efforts
personnels et des concessions pour pouvoir traiter les dossiers.
En effet, un des jeunes nous a affirmé qu’ « il est aussi important d’avoir une idée de la culture interne
de l’entreprise, des tenants et des aboutissants, des jeux de pouvoir, ceci est très important, d’autant plus que
celle-ci ne s’écrit pas dans les livres et qu’elle est difficilement accessible pour des personnes étrangères à la
banque, car il faut la vivre sur le tas, c’est les vraies ficelles du métier ».
Selon eux, les points forts du système de formation résident d’une part, dans la grande variété de
métiers qu’il touche et d’autre part, dans l’étendue des possibilités qui sont offertes à la banque
de recruter des formateurs.
En effet, le corps des formateurs dont elle dispose, est aussi riche que divers.
Par ailleurs, la formation peut toucher toute personne, diplômée ou non, gradée ou non, affectée
au réseau ou non.
Elle est adaptée à la personne soit en fonction de son niveau d’étude (bagage académique) et/ou
de son affectation (poste de travail), voire pour certains de son grade (position au niveau de la
banque).
C’est d’ailleurs pour eux, ce qui leur permet d’effectuer une transition douce entre le monde de
l’enseignement (Faculté et/ou Université) et le monde du travail (L’entreprise).
Quant aux points faibles du système de formation, les jeunes regrettent le fait qu’ils ne profitent
pas assez des actions de formation et sont même persuadés que la désignation pour assister
et/ou participer à des actions de formation ne s’effectue que selon des variables subjectives.
Or, ce que l’on peut voir pour certains départements, où il existe beaucoup de risques liés à
l’activité elle-même, comme le département étranger, c’est qu’il y a moins de discrimination au
niveau des formations, étant donné qu’il existe un planning annuel où tout le personnel est
concerné et que cela se fait annuellement.
Il existe donc bel et bien une continuité de la formation et peu de risques pour une obsolescence
des connaissances, parce qu’elles sont toujours actualisées, ce qui n’est pas le cas pour d’autres
structures.
De plus, les formations ont lieu à l’étranger (par exemple pour le département informatique et le
département étranger), alors que pour les autres départements, la formation se fait localement.
Toutefois, pour d’autres départements, il peut arriver également qu’il y ait des formations à
l’étranger sans que cela ne soit généralisé à tous.
250
Ceci est à même de créer des problèmes internes, car la formation et l’information n’est pas
généralisée, ce qui atteste d’un manque de transparence et un manque d’équité.
Ainsi, globalement les salariés jeunes et seniors sont satisfaits de l’existence d’un système de
formation, mais pas de sa gestion au sein de la banque.
En effet, certains seniors mécontents ne reconnaissent même pas son existence du fait des
dysfonctionnements et des inégalités qui proviennent, selon eux, du fait de variables subjectives
ou du hasard, voire de la chance d’une bonne affectation pour certains et de son inverse pour
d’autres.
En revanche, pour les jeunes c’est l’impossibilité de comprendre le fonctionnement du système
de formation au sein de la banque qui les dérange le plus.
Ils le trouvent énigmatique, voire incohérent et se posent plusieurs questions, d’une part d’ordre
qualitatif, comme celle de savoir comment est identifié le personnel à former, et à quelle type de
formation est il plus éligible ?
Mais aussi d’autre part, d’ordre quantitatif, comme celle de savoir à combien d’heures de
formation ont-ils droit dans l’année et avec quelle fréquence ?
251
Toutefois, les uns et les autres précisent que pour l’instant, seuls peuvent en bénéficier les chefs
de division et les responsables de structures, c'est-à-dire le personnel de confiance de la
direction générale.
Donc, actuellement il existe un accès à l’information interne qui se trouve être limité à certains
et qui demeure en rapport avec la position interne au sein de la banque, en termes de pouvoirs.
Ceci est considéré par les jeunes, comme par les seniors, comme étant une mesure
supplémentaire de contrôle interne, étant donné que les supérieurs hiérarchiques s’approprient
les informations ou en sont les dignes détenteurs et que pour y accéder la plupart des salariés
doivent disposer de l’aval de ces derniers.
Pour les jeunes et seniors, l’accès doit être facilité et encouragé et non pas freiné, car il permet
de disposer de plus d’information et par conséquent de faciliter le traitement des dossiers
internes.
Ils précisent d’ailleurs que « tout ceci contribue à user le personnel, car nous avons l’impression qu’il faut
remuer ciel et terre pour obtenir une information, voire également une formation dont nous devrions
normalement disposer facilement et sans trop de stress pour effectuer notre tâche avec plus de célérité. Avec le
temps on se résigne facilement à laisser faire ».
Ceci indique que le système d’information et la transmission intergénérationnelle des
connaissances au sein de la banque est assez médiocre.
Un des jeunes nous a même indiqué « on a vraiment l’impression qu’on fait cela pour nous, car tout le
monde n’en a que faire et ne se sent pas impliqué alors que nous, on se dit, il faut que ça marche, d’ailleurs on
est actif et stressé or quand on voit que même des responsables sont très « cool », ça nous refroidit. De plus, on
nous met aussi la tension et on a l’impression que l’avenir de la banque repose sur nos épaules mais on se rend
vite compte qu’avec nous ou sans nous ça marche quand même ».
Ce qui peut paraître paradoxal c’est que ce sont beaucoup plus les jeunes qui se plaignent, par
rapport aux seniors qui semblent avoir déjà digéré ces phénomènes et qui ne s’y attachent plus.
Un des seniors très indigné nous a même affirmé « moi tout cela ne m’intéresse plus, je fais mon job et
je ne vis réellement que quand je sors de la banque, comprenez cela comme de la démission ou tout ce que vous
voulez, ce qui m’importe c’est ma famille et ma vie en dehors de la banque, car ici on vous efface. Je ne réagis
plus et tout cela me paraît maintenant normal et je ne me pose plus de questions, j’ai confiance en personne, et
il faut comprendre, surtout pour les jeunes, que personne n’est indispensable dans une banque publique,
autrement j’aurai beaucoup de problèmes de santé et personne pour m’aider.
D’ailleurs, un moment ils voulaient diminuer le quota de remboursement des produits pharmaceutiques, le
quota est à sept cent dinars par an par personne, or une fois à la retraite ils ont tenté de le descendre à cinq
cent alors même que c’est à cette période là que l’on a le plus besoin de remboursement des produits
252
pharmaceutiques. Ceci est en rapport avec l’âge, et heureusement que cela a été maintenu à sept cent peut être
grâce au syndicat, mais moi je pense beaucoup plus que c’est parce que les autres banques ne descendent pas à
ce niveau beaucoup plus que grâce au syndicat ».
Nous pouvons constater qu’il s’effectue d’après le témoignage de ce senior une hiérarchisation
des évènements ou des priorités qui ont pour effet de donner une autre idée ou de façonner
l’identité de tout un chacun.
Les seniors restreignent leur centre d’intérêt en priorisant, comme s’il existait des territoires et
des frontières.
Pour eux l’intérêt premier étant la famille, la santé et le travail n’est pas une finalité en soi mais
un simple moyen de parvenir à satisfaire aux exigences de ses priorités.
Nous sommes donc loin du modèle américain où l’implication est telle que l’employé se trouve
constamment sollicité et se sent interpellé par son souci de bien faire son travail, même si celui-
ci empiète sur sa vie privée.
Ce qui est grave, c’est que nous réalisons qu’il y a au travers de ce témoignage une perte de
repères, car pour les seniors, même s’il existait une faible transmission des connaissances entre
les uns et les autres il demeurait un esprit de solidarité, de « communauté de pratique » en
quelque sorte. Ils se soutenaient les uns les autres, et se serraient les coudes dans les moments
difficiles.
253
configuration certains avantages, car certains réfléchissaient et avaient donc la conception et gagnaient
davantage alors que d’autres exécutaient uniquement, et gagnaient moins. Or aujourd’hui beaucoup font les
deux pour le même salaire ».
Par ailleurs, les seniors nous indiquent quant à eux qu’avant (lors des premières années)
l’information parvenait jusqu’à eux sans trop d’effort, « « un huissier de service188 » faisait les
photocopies et les distribuait à tous les membres de la structure pour qu’ils soient informés.
C’était l’époque où il existait encore les opératrices de saisie, donc le travail était mieux organisé car le cadre
pouvait se concentrer sur des travaux de conception.
Aujourd’hui, la donne a changé vu que les cadres font eux-mêmes les travaux de copie et de saisie alors même
qu’ils ont toujours un travail de conception à effectuer.
Ils redeviennent d’ailleurs astreints aux mêmes horaires si ce n’est pire, car s’ils se doivent d’arriver avant huit
heures tapantes le matin. Il peut même leur arriver de rentrer une à deux heures après l’horaire normal ou de
revenir le samedi, ce n’est pas exceptionnel ».
D’où, une surcharge de travail qui mêle conception et exécution inhérente à la nouvelle
organisation, qui cherche à diminuer au maximum les charges et qui freine par là même la
transmission intergénérationnelle des connaissances entre les uns et les autres.
D’ailleurs, c’est plus difficile à accepter pour eux, car ils pensaient qu’en prenant du grade ils
pourraient souffler un peu. Or ce n’est pas le cas, étant donné qu’ils ont plus de tâches, avec un
peu plus d’argent, mais cela ne compense pas, surtout quand ils font un rapprochement avec les
salaires des banques de la place et l’inflation des prix.
Toutefois, le plus dur pour eux c’est qu’ils réalisent que c’est le fait du « pouvoir souverain »,
du responsable, qui prend de plus en plus d’ampleur et crée des écarts et des inégalités entre les
uns et les autres contribuant à détériorer la conception et l’image d’équité.
Certains, auront beaucoup trop de tâches à réaliser comparé à d’autres qui ont pourtant le même
grade et la même classification au niveau de la grille des salaires, mais que l’on appellera des
laisser pour compte, ou des « gens au frigo ».
Ceci est décourageant à telle enseigne qu’un des seniors nous a indiqué « moi je préfère ne rien
avoir à faire dans ce cadre là, plutôt que d’être soit disant dans la course à un poste fonctionnel totalement
hypothétique, qui peut même ne jamais arriver ».
188
Équivalent du coursier et homme à tout faire de la structure
254
D’où un cloisonnement supplémentaire et une politique de l’autruche.
Jeunes et seniors nous précisent que cela peut varier en degré d’une structure à une autre, mais
c’est là une tendance générale.
Un jeune récemment nommé chef de division nous a même précisé après quelques mois
d’exercice et d’incompatibilité d’humeur avec sa directrice que « la meilleure place dans la banque
c’est le frigo, et je n’ai pas intérêt à faire valoir mon bon sens par rapport à elle, car il existe une solidarité au
niveau des supérieurs et il font jouer la hiérarchie. Donc, si je tente quelque chose je vais me faire griller ».
Ce qui transparaît dans ce témoignage c’est une évidente perte d’enthousiasme et une
résignation flagrante qui démontre le poids de la hiérarchie et la forme de cette organisation
pyramidale qui rappelle l’armée.
Nous avons donc réalisé que jeunes et seniors, sur ce sujet là, avaient des points de vue qui se
rapprochaient et qu’il y avait là une sorte d’« approche compréhensive ».
Toutefois, plusieurs jeunes ajoutent que selon les départements il y a des différences qui peuvent
arriver, par exemple on peut constater dans des départements comme le département
« Juridique » que les circulaires importantes seront transmises à tous les rédacteurs.
De plus, le département « Organisation » distribue une seule circulaire par structure et à leur
niveau les structures photocopient pour les responsables, mais les cadres et le personnel en
général devra faire lui-même sa copie pour pouvoir traiter un dossier en rapport ou pour
s’informer.
Ceci est motivé par l’obligation de réaliser des économies, et de diminuer les charges de la
banque.
Or, cela contribue également à freiner la bonne transmission des informations et des
connaissances entre les uns et les autres.
Mais, le plus important, c’est que c’est à eux (petit personnel et cadres n’ayant pas une fonction)
qu’il revient d’aller chercher l’information, d’ailleurs ils précisent que cela fait partie de leurs
attributions, même s’il n’existe aucun écrit en la matière ou fiche de fonction avec des
prérogatives et des attributions claires, mais beaucoup plus des pratiques et des usages internes
qu’il faut prolonger.
C’est, indiquent-ils, aussi en rapport avec la fonction exercée, car les responsables titulaires
d’une fonction se font faire les copies par les subalternes, étant donné qu’ils sont censés être les
premiers informés.
Ainsi, comme certains d’entre eux nous l’affirment en reprenant une célèbre phrase, « nul n’est
censé ignorer la loi pour autant que celle-ci soit portée à la connaissance de tous ».
255
Mais, un jeune nous affirme que « de toutes les manières, nous on ramène aussi des informations externes
sur certains secteurs d’activité et nous faisons le dossier de crédit ou l’analyse qui sera ensuite transmise, dans
le cadre d’une proposition et après signature, à la direction générale qui ne fera que remercier le responsable de
la structure si c’est bon.
Dans le cas contraire, ce dernier dira que ses cadres n’ont pas bien travaillé et qu’il a du mal à les faire
travailler vu qu’ils ne sont pas bons, entendez compétents et qu’il a trop de travail, qu’il ne peut pas tout
faire.
Autrement dit, il prend les félicitations et nous prenons les critiques, c’est souvent à sens unique, car même si
c’est bon et qu’on demande à être félicité à notre tour, on nous dira qu’on n’a fait que notre travail, « ce pour
quoi vous êtes payés » ».
Le système dans lequel se trouvent les jeunes et les seniors est jugé globalement par ces derniers
comme étant trop rigide et assez sévère, en témoigne ce qui vient d’être dit plus haut.
Il n’y a pas une grande souplesse ou latitude offerte aux uns et aux autres, l’innovation n’est pas
recherchée alors que le contrôle et la rigueur disciplinaire sont omniprésents.
Selon eux, les responsables décident et le personnel exécute, car pour les uns comme pour les
autres les nouvelles manières de gérer le personnel ne servent réellement que les responsables.
Le personnel doit donner toujours son maximum et « redoubler d’efforts » même s’il n’est pas
rétribué en retour à sa juste valeur.
Ceci contribue même à le démotiver, étant donné que les avancements et les promotions sont de
plus en plus rares au niveau du secteur en général.
Un jeune nous a affirmé que « de nos jours il existe un paradoxe qui peut souligner l’existence d’injustices,
comme le fait d’être bien noté, (une note pour l’avancement annuel parmi les meilleurs aux alentours du 19 sur
20 pour les cadres de directions et de 17 sur 18 pour les autres catégories) et être mal classé au niveau des
directions centrales, ce qui contribue à ne pas obtenir d’avancement.
De plus la priorité est donnée au personnel ayant une fonction, c'est-à-dire une responsabilité qui débute par le
chef de division, chef de département, responsable d’une direction centrale, Secrétaire Général, Directeur
Général Adjoint et enfin Président Directeur Général. D’où l’existence de discriminations fortes et d’un
système qui cultive les privilégiés tout en créant beaucoup plus d’insatisfaits. Ainsi, un chef de division
attendra uniquement un an là où il faudra attendre deux ans pour d’autres personnes n’ayant pas de fonction,
donc il ne fait que prendre du grade alors que celui qui avance horizontalement ne fait que reculer par rapport
à ce dernier ».
D’où une importante impression de régression, étant donné que les avancements représentent
tout de même une sorte de progrès social et d’amélioration sur l’échelle interne de la banque. En
256
être privé donnerait un sentiment de faute, et/ou de culpabilité, voire de remise en cause assez
difficile à dépasser.
Cependant ce qui est important à remarquer indiquent ils « c’est que ceux qui sont nommés à ces postes
fonctionnels ne pourront, en règle générale, que gravir des échelons pour des postes encore plus importants,
donc plus de pouvoir et une concurrence de plus en plus rude qui accroît les divisions internes et le pouvoir de
la direction générale.
Ils feront donc de l’hombre au reste du personnel et leur permettrons difficilement d’évoluer horizontalement
(via les grades et classes) et encore plus difficilement verticalement (via les postes fonctionnels), vu que
l’organigramme de la banque est assez réduit et que les postes sont, pour la majeur partie, déjà occupés ».
Comme nous avons pu le remarquer en interne, le mandat n’a pas de durée parce qu’il est fixé
par la direction générale.
Il arrive même que certains chefs de division qui ne sont pas beaucoup appréciés par cette
dernière, mais tout de même irréprochables, c'est-à-dire n’ayant commis aucune faute ou
incident de parcours, restent plus de 15 ans au poste de chef de division, sans évoluer.
Un senior nous a indiqué qu’ « une directrice chef de division est allé porter ses vœux de l’Aïd au PDG et
l’a informé que cela faisait quinze années qu’elle était chef de division, il lui a alors répondu qu’elle était bien
là où elle était et qu’il en était même très content ».
D’où, un paradoxe par rapport à d’autres pays où l’employabilité et la mobilité est recherchée,
alors qu’au niveau de la banque publique tunisienne la tendance est celle de « remplir sa mission
sans bouger de son poste », donc une aversion au changement, synonyme de risque.
Toutefois, les seniors confirment que les titulaires de fonction ont un traitement de faveur, étant
donné que s’il faut un minimum d’ancienneté, comme par exemple deux ans pour passer d’un
grade à un autre, pour eux une seule année sera exigée.
Ils passeront en priorité, parce qu’ils ont une responsabilité, ils sont donc les dignes dépositaires
de la confiance de la direction générale et pourront d’ailleurs bénéficier d’avantages comme la
possibilité d’obtention d’un crédit pour véhicule (plus important) et avec un meilleur taux que le
reste du personnel.
Ils sont donc appuyés par la direction générale, étant donné que c’est elle qui les nomme à ces
postes fonctionnels et que c’est aussi cette dernière qui se prononce pour les avancements et
promotions, même si la proposition est faite au niveau des différents départements et structures
opérationnelles, comme les agences pour le réseau.
Théoriquement, ceux qui sont le mieux notés seront d’office les mieux classés et pourront donc
être à même de pouvoir prétendre à une promotion.
257
Or, seuls les meilleurs classés obtiendrons la promotion et pas ceux qui sont le mieux notés.
Ceci est contradictoire, car il peut arriver que des cadres mal notés passent et obtiennent une
promotion, alors que ceux qui sont bien notés ne l’obtiennent pas, d’où une aberration et un
sentiment de tromperie ressenti par ces derniers.
Tout cela contribue à démotiver le personnel de la banque, voire pour certains seniors et jeunes,
à discréditer le mérite, et le système de notation, car tout devient aléatoire.
D’après un des seniors, et comme l’ont affirmé les jeunes plus haut, « certains responsables iront
même jusqu’à dire qu’ils sont payés pour ça et n’admettent pas par exemple de remercier un cadre pour un bon
travail effectué, ce n’est pas dans les normes ».
258
La concurrence entre les uns et les autres est monnaie courante et les rigidités sont beaucoup
plus importantes, car il existe beaucoup plus de contrôle, émanant de la tutelle de la Banque
Centrale et du Ministère des finances, ainsi que des exigences des bailleurs de fonds
internationaux.
D’ailleurs, leurs attributions ont changé depuis et sont devenues beaucoup plus floues, car
beaucoup plus larges et diluées, ce qui tend à déresponsabiliser les cadres, et à donner un
sentiment d’isolement, étant donné qu’ils sont de moins en moins sollicités par la hiérarchie qui
préfère travailler avec les jeunes.
Ils précisent même que les relations sont devenues de plus en plus impersonnelles voire, pour
certains cas assez rares, inhumaines.
En effet, selon les seniors, la direction casse la personnalité de son effectif et détruit
progressivement les collectifs de travail dans la mesure où l’on s’achemine vers la tendance du
« chacun pour soi ».
Pour eux, il est clair qu’il y a derrière une stratégie de pouvoir, une stratégie managériale, qui
vise à « diviser pour régner ».
Selon certains cas isolés, de nouvelles pratiques comme « le harcèlement moral » ont de plus en
plus cours, surtout au niveau de départements jugés critiques ou de certaines agences du réseau.
Un des seniors nous a même affirmé que plusieurs cas sont à déplorer, par exemple il affirme
que « récemment un cadre de la direction recouvrement était très stressé et n’a obtenu son congé qu’après
avoir terminé plusieurs travaux, une fois arrivé à l’hôtel dans lequel il devait passer ses vacances il a décédé dès
la première journée.
Un autre cadre très dévoué à la banque et considéré comme un employé modèle, quelques années plus tôt, a
décédé de tristesse vraisemblablement après que le PDG faisant une visite inopinée dans sa structure lui a
rétorqué avec étonnement qu’il pensait que celui-ci avait pris sa retraite. Un de ses proches a indiqué certes
qu’il était déjà malade, mais que cela lui a été fatidique, étant donné qu’il a beaucoup pleuré vu qu’il pensait
être bien apprécié et a assimilé cela comme une humiliation personnelle. Une autre a décédée alors qu’elle
venait d’une agence du sud tunisien demander au PDG de lui changer son affectation vu qu’à la DGRH ils lui
ont indiqué que cela n’était pas possible. De même un cadre, jeune informaticien s’est même jeté d’un des étages
de la banque parce que son supérieur qui l’a fait revenir de congé et a refusé d’annuler le congé, vu que le cadre
était en activité. Par ailleurs, un autre cas assez parlant, c’est celui d’un simple agent dans une agence d’ une
zone reculée qui n’ayant pas trouvé d’autre solution pour prendre du repos que de se faire remplacer, étant
donné ses nombreuses demandes de congé qui sont restées sans suite, a mis son fils à la caisse en lui faisant au
préalable une petite formation, et ce malgré ses innombrables notes à la DGRH. Il s’est alors vu sous le coup
d’une inspection et d’une commission pour licenciement ».
259
Tous ces cas, même s’ils sont isolés veulent bien dire qu’il y a des écarts (et/ou de l’injustice
flagrante) et du harcèlement vis-à-vis du personnel de la banque et contribuent à propager un
sentiment fort de frustration.
Les jeunes se prononçant sur leurs propres attributions nous ont indiqué qu’elles étaient
multiples, et jugées assez importantes en termes de volume, mais pas claires et transparentes, car
elles étaient prononcées verbalement par le supérieur hiérarchique et que ce dernier avait toute
latitude de les changer quand bon lui semblait.
D’où, une sorte d’état de soumission, étant donné qu’il faut satisfaire aux exigences de son
supérieur hiérarchique, ce qui est assez subjectif en soi s’il n’existe pas d’attribution claire et
précise.
Un jeune nous a même cité le cas d’une de ses collègues que son patron voulait promouvoir
pour des raisons de régionalisme et de liens familiaux parce qu’il connaissait les membres de sa
famille.
Ce dernier n’a trouvé d’autre solution que de la classer sur papier dans une autre division, étant
donné que dans la division où elle travaillait effectivement ses chances étaient réduites.
Il affirme alors que « ceci conforte l’idée selon laquelle quand on veut faire passer quelqu’un, c’est à dire le
promouvoir tous les moyens sont bons ».
Ainsi, la plupart des interrogés estiment en référence à ces attributions verbales et non écrites
que cela demeure flou voire même non équitable, car il arrive que certains aient plus de tâches
que d’autres, pour un même niveau de diplômes et de salaire.
D’où, une transmission intergénérationnelle des connaissances non maîtrisable, puisque
beaucoup d’éléments demeurent opaques.
Malgré tout, pour eux, la hiérarchie à tendance à vouloir immédiatement les responsabiliser en
terme d’objectif atteint, et à les mettre sous tension dés l’entrée, sans pour autant leur donner des
fonctions et les émoluments en rapport.
C’est d’après un des jeunes interrogés « la volonté de la part de la hiérarchie de montrer que l’on ne veut
plus dans l’entreprise une ascension naturelle du fait de l’ancienneté mais fonction du mérite, même si le mérite
en question est à redéfinir car même si l’on dispose d’un certain bagage académique (la norme étant au
minimum le bac +4), d’autres éléments ou variables aléatoires et subjectives peuvent intervenir ».
Jeunes et seniors indiquent que les attributions sont parfois disproportionnées sans véritable
justification valable, excepté l’existence d’un réseau interne, ou d’autres variables subjectives.
260
Un des seniors nous a même indiqué qu’« en fait si l’on appartient à tel groupe de relations ou de
personnes notre situation au travail sera assez confortable, c'est-à-dire des attributions sur mesure, sans de
contraintes réelles de résultats, ni même de délais à respecter, c’est un peu l’adage « dis moi qui tu fréquente je
te dirai qui tu es », mais aussi quelle place tu auras dans cet échiquier ».
Pour ce qui est des grades, les seniors et même les jeunes n’avaient pas une idée précise de ce
que cela signifiait, étant donné qu’il s’agissait pour eux d’un jargon assez spécial regroupant 4 à
5 catégories et qu’ils étaient perdus entre les classes et les grades, et les niveaux précis de
fixation de salaire qui comprenaient aussi des échelons lié à l’ancienneté, le tout inclus dans une
convention collective parfois difficile à obtenir et à comprendre.
Un des jeunes ayant une licence étrangère nous a même affirmé « à l’époque j’ai été recruté dans le
cadre d’un recrutement massif de maîtrisards sur proposition et encouragement du Président de la République
pour favoriser l’emploi des cadres, la plupart de mes collègues ont été classé en tant que rédacteur Principal
alors que moi j’ai été classé rédacteur troisième classe, c’est d’ailleurs un collègue qui m’a affirmé que j’étais
lésé. J’ai alors pris contact avec la DGRH et leur ai expliqué dans quel cadre j’avais été recruté, c’est alors que
l’on m’a dit que nous ici on fonctionne suivant le nombre d’année d’étude qui doit impérativement être pair,
c'est-à-dire Bac plus deux, Bac plus quatre, Bac plus six et non sur le titre, car je peux faire une maîtrise en un
an si je change d’établissement ou de régime d’étude.
On m’a alors proposé d’aller voir avec le ministère de l’éducation nationale, car mon équivalence de diplôme
stipulait le titre de Maîtrise mais avec Bac plus trois années d’études supérieures, et c’est ce que je fis.
Mais ces derniers m’ont dit que cela dépendait de la banque car c’est un classement purement interne. J’ai donc
effectué une requête à la direction générale en insistant bien sur le fait que je figurais dans un tableau
récapitulatif dont l’entête était « recrutement des maîtrisards » mais ma requête n’a pas eu le succès escompté,
et je suis resté rédacteur troisième classe ce qui correspond en fait à un Bac plus deux, car le Bac plus trois ne
donne rien, pour passer à la catégorie supérieure il faut un Bac plus quatre. Ainsi, on vous rétrograde
automatiquement au bac plus deux, car on aurait pu par exemple mettre une ou deux classe qui sépare le Bac
plus deux du Bac plus trois, or rien n’était fait pour cela, autrement dit c’est un moule et l’on doit
impérativement rentrer dedans, il n’y a pas du cas par cas ou des exceptions pourtant il me semblait que ma
cause était juste.
Ce qui m’a frustré c’est que j’ai vu des bac plus deux, des Techniciens agricoles se faire classer en tant que
« rédacteur principal » et cela je ne vous le cache pas m’a donné un réel sentiment d’injustice qui n’a pas
disparu d’ailleurs à ce jour car on a l’impression qu’il n’y a pas d’exception.
Mais en fait c’est que pour chacun il y a un discours, et en fait il y a un grand pouvoir discrétionnaire et des
exceptions à revendre que j’ai l’impression que la règle c’est l’exception. En fait pour mon cas cela m’a mis en
261
quelque sorte « les bâtons dans les roues », et jusqu’à présent même en ayant effectué une maîtrise locale je n’ai
pu rattraper ce retard, car cela vous condamne une carrière ».
D’après le témoignage de ce jeune, il ressort l’importance du pouvoir discrétionnaire et de
l’arbitraire.
Autrement dit, et d’une manière assez large, l’exceptionnel intervient presque comme norme et
aucune interprétation n’est réellement d’ordre objectif.
Aussi, tout cela nous permet de mettre en évidence la question des ficelles du métier basées
sur l’expérience et l’ancienneté professionnelle, qui constituent, selon Béatrice Delay et
Guillaume Huez-Levrat189, pour les seniors, et au regard des jeunes nouvelles recrues, un
avantage comparatif notable.
Pour autantces ficelles du métier demeurent sciemment dans un flou juridique et
organisationnel, étant donné qu’elles ne sont pas intégrées et reconnues officiellement par le
management en tant que tâche, et ne font pas partie des attributions des salariés.
Toutefois, une reconnaissance officieuse de ces connaissances tacites et/ou ficelles est
palpable chez les uns (management) et les autres (salariés).
C’est aussi cela qui contribue à faire que les jeunes nouvelles recrues de la banque cherchent à
s’approprier ces ficelles assimilées aux connaissances tacites détenues par leurs aînés, les
seniors, et ce dès leur intégration.
Ces ficelles du métier ne peuvent être décrites ou recensées d’une manière exhaustive, du fait
qu’elles font partie intégrante des personnes qui les détiennent et qui les ont conçues au fil du
temps.
En effet, comme nous l’avons énoncé plus haut « la connaissance ne peut s’élaborer
uniquement à partir de l’information disponible sans des enrichissements provenant à la fois
du vécu concret et expérientiel des individus (avec les valeurs, les normes, les compétences
acquises, etc.) »190, et il est difficile de les extraire sans le consentement de leurs propriétaires.
D’où la nécessité d’un échange dans les deux sens permettant un transfert intergénérationnel
des connaissances, aussi bien des seniors envers les jeunes que dans le sens inverse (des
jeunes vers les seniors).
189
Delay,B et Huez-Levrat G (2006). « Le transfert d’expérience est-il possible dans les relations intergénérationnelles?» in
Sociologies Pratiques n°12, PUF, p37-47.
190
Lamari Moktar, La transmission intergénérationnelle des connaissances tacites : les concepts utilisés et les évidences
empiriques démontrées, in Télescope, Revue d’analyse comparée en administration publique, volume 16 n°1, Le transfert
intergénérationnel des connaissances, Hiver 2010.
262
Cependant, s’inscrivant dans le cadre d’un effet culturel inhérent au contexte spatio-temporel,
c’est beaucoup plus le transfert des seniors envers les jeunes que l’on retient, même s’il existe
également un transfert dans le sens inverse, d’ailleurs sous-estimé.
M Lamari indique par ailleurs que certaines exigences ou conditions sont nécessaires pour
faciliter cette transmission comme par exemple un climat de confiance et une motivation
personnelle.
Alors que J Collins et M Hitt191 affirment que le capital relationnel est un préalable
déterminant dans le processus de transfert des connaissances tacites et que N Aydogan et T
Lyon192 soulignent l’importance de l’interaction directe (face to face interaction).
Au niveau de la banque ces ficelles peuvent permettre de réaliser des raccourcis dans le
traitement des différentes opérations à effectuer.
Mais, également permettre aux salariés de traiter des opérations au niveau des agences du
réseau avec le tact nécessaire, très recherché dans une relation de face à face avec des clients
peu familiarisés avec le jargon et les pratiques bancaires.
Plusieurs seniors maîtrisent ce savoir faire, et ce du fait d’une longue expérience de terrain
ayant exigé du recul et un certain détachement par rapport aux opérations effectuées.
Ces dernières ont souvent nécessité de pouvoir se contenir face à des situations complexes où
les réponses toutes faites sont absentes et les solutions souvent improvisées.
La banque, étant une entreprise dont l’activité principale est selon certains le traitement de
l’information, alors que d’autres la classe dans les activités de service et de conseil inhérente
au vaste domaine de la finance, prodigue des services aux particuliers et aux entreprises et/ou
institutions.
Concernant les agences de l’exploitation, le personnel en contact doit disposer d’un bon
relationnel et de connaissances financières confirmées.
En effet, étant donné qu’il s’agit d’un service en « front office » à présenter à un client,
plusieurs éléments inhérents à la particularité des services soulevée par P. Eiglier et
E. Langeard193 sont à considérer dans cette relation entre un guichetier et un client, comme
l’instantanéité du traitement, l’intangibilité du service, etc.
191
Collins, J. et Hitt M. (2006). « Leveraging Tacit Knowledge in Alliances: The Importance of Relational Capabilities to
Build and Leverage Relational Capital », Journal of Engineering and Technology Management, vol. 23, nº 3, p. 147-167.
192
Aydogan, N. et Lyon T. (2004). « Spatial Proximity and Complementarities in the Trading of Tacit Knowledge »,
International Journal of Industrial Organization, vol. 22, nº 8-9, p. 1115-1135.
193
Eiglier P. et Langeard E. (1996) « Servuction. Le Marketing des services », Ediscience international, coll Stratégie et
Management, 205 p
263
Ces éléments sont d’une importance capitale pour le client, ils renferment des connaissances
issues d’une grande expérience sur le terrain, que nous pouvons qualifier de tacites.
Plusieurs y sont même très sensibles et les jeunes nouvelles recrues ne peuvent se les
approprier qu’à travers un transfert intergénérationnel.
De fait, les connaissances tacites, à la différence des connaissances explicites souvent
codifiées, sont pour beaucoup liées à ce que M Lamari194 désigne comme étant les « habiletés
de faire face à des problèmes », que ces dernières interviennent dans l’industrie ou dans les
services, aussi bien en « front » qu’en « back office ».
Les seniors ont façonné ces connaissances avec le temps au travers de plusieurs expériences
sur le terrain durant plusieurs années.
Ils ont aujourd’hui la faculté, au moyen d’un historique riche, de pouvoir disposer d’un
certain recul dans la relation clientèle en « front office ».
Cette aptitude s’apprend difficilement dans les livres ou dans des établissements universitaires
dans le cadre d’une formation initiale ou dans le cadre de séminaires de formation. Elle
s’apprend sur le terrain à travers une immersion dans la pratique, appelé le « réel ».
C'est-à-dire qu’il faut vivre ces savoirs faire sur le terrain, en tant que praticien, pour pouvoir
les maîtriser, et non sur la base de simulations ou de jeux de rôle, comme il est d’usage pour
certaines formations, à l’image du « Bourse Game ».
Au niveau du « back office » plusieurs ficelles du métier existent également, elles sont
contenues dans des raccourcis qui permettent le traitement d’opérations bancaires en un
minimum de temps, du fait d’une traduction des connaissances relatives à des opérations de
plus en plus complexes en des opérations simples et faciles à mémoriser.
Au niveau du département comptabilité, c’est par exemple le fait d’indiquer aux jeunes
nouvelles recrues que les feuilles comptables bleues représentent un encaissement pour la
banque et que les rouges constituent une dépense ou une sortie d’argent.
Ces connaissances sont autant d’expériences qui facilitent la compréhension d’opérations
bancaires de plus en plus compliquées les unes que les autres et qu’il est très difficile de
recenser d’une manière exhaustive.
Pour autant, nous présentons ci-après et à la lumière des interviews réalisés et de la phase
d’observation directe et participative d’autres ficelles aussi bien inhérentes au « front office »
194
Lamari Moktar, La transmission intergénérationnelle des connaissances tacites : les concepts utilisés et les évidences
empiriques démontrées, in Télescope, Revue d’analyse comparée en administration publique, volume 16 n°1, Le transfert
intergénérationnel des connaissances, Hiver 2010.
264
concernant les agences, qu’au « back office » en rapport avec des départements parmi les
plus importants de la banque.
Il est pertinent de les classer par type de métier, étant donné qu’au sein de la banque il existe
les métiers du « front office » et les métiers du « back office ».
Les métiers du « front office » font référence à ce que les salariés appellent communément le
réseau d’exploitation, avec les agences bancaires et les opérations courantes de guichet,
comme le retrait, le versement, le traitement des chèques « omnibus » ou « de comptoir », etc.
La prospection de clientèle, la recherche et l’identification des projets rentables sont
enseignées d’un point de vue théorique aux jeunes recrues, le management de la banque ne
considérant pas à sa juste mesure la pratique sur le terrain, étant donné que le contexte récent
était celui d’une banque qui détenait un monopole et qui était protégée par l’Etat.
Or, les seniors ont développé un savoir faire qui leur a permis de démarcher davantage de
clients à travers des réseaux d’appartenance et une négociation commerciale adaptée à chaque
type de client et au contexte tunisien. L’argumentation est d’ailleurs basée sur un bagage
commercial construit au fil du temps permettant d’affecter (en temps réel) le prospect à un
segment de clientèle prédéfini et de lui proposer des arguments (en fonction d’un certain ordre
priorisé par le client, nature des arguments financiers ou qualitatifs, type d’avantage obtenu,
etc).
Cette négociation commerciale s’est longtemps appuyée sur une technique de vente de
produits tel que l’épargne étude en jouant sur le volet affectif et paternaliste cher aux
tunisiens, attachés aux valeurs de la famille, et ce en vulgarisant les différents éléments
contenus dans les dépliants de produit et en affichant leur proximité et leur disponibilité au
client.
Ces derniers maîtrisent beaucoup mieux que plusieurs jeunes diplômés qui ont pourtant à leur
actif un bagage académique comportant une formation commerciale, la facilité de contact
(prise de rendez-vous, premier contact, analyse de la gestuelle), et l’argumentaire de vente et
de négociation avec une réponse aux objections basée sur l’idée qu’un client n’est jamais
« acquis d’avance » et qu’il faut le « conquérir ».
Ce savoir faire a longtemps été motivé par la recherche d’une relation fondée sur le long
terme et une conviction profonde que le capital de la banque est fondé sur le nombre de
clients qu’elle détient, ce qui a été prolongé aujourd’hui par le total bilan attestant de
l’existant d’un nombre élevé de déposants (pour les banques dites commerciales ou de dépôt).
Pour le traitement de ces opérations les seniors disposent de connaissances clés qui sont
d’ordre technique et comptable, mais également d’ordre relationnel, comme la possibilité de
265
détecter entre un bon client et un client médiocre ou mauvais payeur en s’appuyant sur des
savoirs inhérent à la communication (verbale et visuelle).
Au niveau des connaissances clés inhérentes aux connaissances comptables et techniques,
elles sont en rapport avec des raccourcis et des abréviations permettant de comprendre et de
mémoriser la plupart des comptes indispensables et d’utilisation régulière, sans avoir à se
plonger dans la complexité globale des opérations comptables et financières.
C’est notamment la vulgarisation de l’utilisation de plusieurs comptes pour établir une
comptabilité balancée même dans l’urgence, mais aussi la facilité d’utilisation du compte
perte et profit.
Cela relève donc de la simplification et de l’abréviation dans un esprit pragmatique qui ne
nécessite pas de comprendre les tenants et les aboutissants, mais uniquement les éléments
exigés par l’activité, dans un souci d’adaptation rapide au contexte.
Ceci peut être le cas lorsqu’il se présente devant eux une clientèle abondante qui exige d’être
servie en un minimum de temps, avec un excellent niveau de qualité, c'est-à-dire avec une
célérité et un professionnalisme exemplaire (paiement des fonctionnaires des différents
ministères à la fin du mois).
Ainsi, cela reste basé sur de longues années d’expérience et un savoir faire non inscrit dans
des modules de formation, mais s’appuyant largement sur des techniques pratiques de
reconnaissance qui puisent dans les domaines de la psychosociologie.
L’une d’entre elles est inhérente au questionnement et à une approche de démarche
commerciale basée sur la connaissance des clients au travers de questions anodines visant à
avoir des informations sur la psychologie du client, ses besoins réels, ses motivations pour
obtenir un crédit ou un financement.
Mais, également le fait de pouvoir recourir à des personnalités étrangères à la banque pour
compléter un dossier client (personnalité politique, comme le maire de la commune) en
termes de solvabilité et d’honnêteté.
Ces éléments sont difficiles à obtenir pour de jeunes recrues qui ont des facilités à traiter des
données explicites, mais peu de connaissances lorsqu’il s’agit de questionner des personnes
pour obtenir des informations utiles qu’ils pourront exploiter pour se constituer une base de
données ou différencier entre un client solvable et un client ayant des problèmes financiers
sans avoir recours à des données comptables.
Dans les différents départements et directions centrales de la banque souvent définies en tant
que structures de « back office » par plusieurs banquiers, les seniors procèdent également
pour l’obtention de ces informations, de manière rapide et efficace, à leur réseau de
266
connaissances (interlocuteurs clés) dans les différentes institutions qui collaborent avec la
banque.
Ces interlocuteurs clés sont issus d’une relation de long terme entretenue avec les seniors.
D’où le recours à un système de réseau, qui peut être assimilé à un système D, auquel les
seniors ont souvent recours pour contourner des procédures mises en place par la banque et
qui sont jugées par ces derniers comme étant lourdes ou inefficaces.
Ce système D n’est pas basé sur des préalables rationnels tels qu’enseignés au niveau des
établissements de formation mais fait appel à une certaine créativité ou intelligence pratique.
Pour le département formation, l’obtention par les seniors de ce département d’un agrément
auprès du ministère de la formation sur la base d’un programme de stage qu’ils ont pu mettre
en place en collaboration avec les cadres du département étranger de la banque afin de rester
dans les délais impartis exigés en est un exemple patent.
Ceci leur permettait d’obtenir un agrément et facilitait ainsi la mise en place de l’action de
formation, alors même que le respect de la procédure prescrite à la lettre prévoit d’attendre
l’obtention du programme de stage établi par le correspondant étranger.
Or, la réception et l’envoi de ce programme aux services du ministère concerné, pour
traitement et réalisation peuvent ne pas coïncider avec l’exigence de délai requise en
compromettant ainsi l’agrément visé de sorte que le financement de cette action de formation
devient entièrement à la charge de la banque.
Pour le département étranger et le département crédit, c’est notamment et d’une part la
collaboration quotidienne et informelle tissée au fil de longues années entre les seniors de la
banque avec leurs homologues d’autres établissements de crédit au regard de la bonne ou
mauvaise moralité de clients, voire de la traduction de normes internationales d’un secteur
spécifique et des règles de change.
Mais, également la priorisation et le tri de certains dossiers et de clients par rapport à d’autres,
car les groupes et grands clients étaient classés par rapport aux autres clients selon le type et
les indicateurs chiffrés en rapport avec l’activité qui pouvaient ensemble renseigner sur la
qualité du client, groupe ou grande entreprise, ou petite et moyenne entreprise, les personnes
physiques ayant un traitement à part.
En effet, pour les entreprises certains bilans d’activité et de résultat sont requis pour pouvoir
se prononcer sur la solidité et la solvabilité de l’entreprise, ce qui n’est pas exigé pour des
personnes physiques où seul le niveau de revenu et le statut du client sont indispensables.
Les seniors peuvent pour accélérer le traitement du dossier de demande de crédit d’un grand
groupe, contraint de respecter un cahier de charge, des délais de production, et de livraison,
267
choisir d’exiger uniquement les documents les plus importants au lieu d’attendre tous les
bilans sur une période de trois ans consécutifs, comme le ferait un jeune qui respecterait les
consignes à la lettre pour éviter tout risque.
Cette célérité de traitement, qui peut être jugée par certains seniors de « risque calculé », est
un élément comparatif d’une importance capitale qui permet à tout client de différencier entre
plusieurs banques, elle intervient même pour certains patrons d’entreprise au même titre que
le niveau de taux d’intérêt pratiqué.
Aussi, pour pouvoir agir de la sorte, les seniors s’entourent d’un ensemble de garanties, afin
de ne pas mettre en péril leur emploi et la rentabilité de la banque.
A cet effet, ils actualisent sans cesse leur propre base de données d’une manière informelle, en
maintenant un contact continu et personnalisé avec leurs clients, qui repose sur un bon
relationnel et une facilité de communication. Cette dernière leur permet de rassembler aussi
bien des données chiffrées que toute sorte d’information qu’ils jugent pertinente dans une
relation basée sur le moyen et long terme.
Par ailleurs, cette collaboration leur permet d’une part d’effectuer des études sur les différents
secteurs et les différents segments de produit que peuvent choisir les clients et qu’ils peuvent
être amenés à démarcher en vue d’une offre de financement prioritaire dans un contexte de
plus en plus compétitif.
Mais elle permet également et d’autre part de résoudre des problèmes de tout ordre (technique
ou gestionnaire et comptable) auxquels le management et les jeunes de la banque n’auraient
pas trouvé de solution en interne, étant donné leur réseau de connaissance dans les autres
banques.
Ils peuvent ainsi capitaliser sur les expériences de leurs homologues pour améliorer une
situation critique, démarcher des clients importants, ou résoudre un problème du seul fait du
partage de certaines affinités et d’une tradition de réciprocité d’échange plus difficile à
instaurer aujourd’hui, étant donné les impératifs de compétitivité et de recherche de profit qui
s’appuient sur des mécanismes comme l’individualisation des performances citée plus haut.
Au niveau du département marketing, c’est le fait de démarcher d’une manière régulière une
clientèle de choix en ayant recours à des relations privilégiées avec les personnes clés (les
décideurs) notamment au moyen d’un échange de bons et loyaux services extras
professionnels (recommandations, offre de stage, etc…).
Cela, permet à la banque de gagner une clientèle sans avoir à pratiquer une politique
commerciale qui nécessiterait un investissement conséquent pour pouvoir rivaliser avec la
268
concurrence. Ce moyen utilisé par les seniors est efficace, car fondé sur des pratiques
anciennes et universelles d’entretien et de fidélisation d’une clientèle qui existent encore.
Mais, également d’élargir le champ de prospection en s’appuyant sur un réseau de
connaissances externes issues aussi bien du monde politique que des structures économiques
et sociales.
Cela se fait notamment en proposant les produits d’épargne et de placement de la banque, en
mettant en avant la facilité d’adhésion, les avantages de ces produits inscrits dans la durée en
insistant sur la sécurité des rendements.
Toutefois, plusieurs jeunes sont aujourd’hui formés aux nouvelles techniques de la
négociation commerciale et apprennent par cœur des argumentaires, alors même que
l’importation de ces nouvelles pratiques peut ne pas correspondre aux exigences culturelles du
pays et par conséquent ne font pas vendre.
Pour le département de l’inspection et de l’audit, leur activité consiste à contrôler les agences
du réseau ainsi que les départements et services de la banque d’une manière continue avec une
fréquence régulière de deux ans pour les agences et départements.
Toutefois, il peut exister également un contrôle inopiné sur simple décision du management
de la banque avec ou sans réclamation préalable.
Cette réclamation peut émaner d’un client externe à la banque ou se baser sur une simple
rumeur ou allégation émise par d’autres salariés de la banque et jugée fondée par les
responsables.
Ainsi, le contrôle s’effectue sur les opérations pratiquées et réalisées en vertu des circulaires
d’organisation et des normes internes en effectuant un rapprochement entre les différentes
opérations établies et les supports précités.
Ce contrôle est réputé comme étant long et minutieux et peut durer des mois si l’on s’en tient
à une application rigoureuse respectant les textes, sans que l’on puisse déceler réellement des
anomalies.
Or, plusieurs seniors parviennent à réaliser beaucoup plus rapidement leur mission avec de
bons résultats en utilisant un savoir faire qui consiste à faire parler les salariés tout en les
mettant en confiance afin que ces derniers leurs indiquent où il y a un problème.
Cette pratique n’est pas enseignée aux jeunes et elle ne serait même pas conseillée selon le
management qui y voit une sorte de rapprochement entre les salariés et le corps des
inspecteurs et des auditeurs censés être objectifs et détachés de leurs collègues.
269
Mais, pour les seniors pour que ce contrôle puisse être efficace il faut sonder les salariés et
prendre en compte leurs avis même si une vérification de leurs propos peut être mise en place
pour tirer le vrai du faux.
En effet, les seniors de ces deux département affirment que seuls les salariés praticiens et « les
gens du terrain » savent pertinemment mieux que tout autre personne ce qui se fait
correctement de ce qui est incorrect, car ils peuvent déceler les défaillances ou les
incorrections du fait de la pratique quotidienne de ces opérations durant plusieurs années.
Ils réalisent ainsi le travail d’inspection ou d’audit en soulevant les vrais problèmes avec toute
la pertinence requise et la justesse permise.
Ceci se fait à travers l’utilisation de l’écoute attentive des propos des salariés sondés et des
récits qu’ils peuvent récolter et qui représentent pour eux une véritable mine d’information à
exploiter et analyser.
Ils réalisent que cela est beaucoup plus efficace que de s’en tenir strictement aux règles
prescrites et préétablis par les textes et procédures d’organisation qui occasionnent souvent
d’effectuer un travail de fourmi qui peut difficilement donner de bons résultats sans la
collaboration de ces salariés qui vivent ces opérations.
Pour ce qui est du département organisation, les ficelles du métier se reflètent à travers une
démarche pertinente pour l’établissement d’une circulaire d’organisation ou d’une note de
service par les seniors. Ces derniers recourent directement aux salariés de la structure en
question en les associant à sa mise en place notamment en les valorisant.
Cette valorisation qui peut être interprétée par les salariés de la structure comme un signe de
reconnaissance de ces derniers permet aux seniors de recueillir des éléments permettant de
mettre à plat l’étendue des différentes fonctions ou activités que le département et/ou structure
englobe.
Ceci permet de faciliter ainsi une formalisation sur support papier, et plus tard sur disque
compact, permettant une large diffusion au sein de la banque qui tienne compte de la réalité
des opérations.
Aussi, pour obtenir une image fidèle des différentes attributions des uns et des autres
permettant de retracer les différentes procédures internes d’un département ou d’une structure,
des réunions informelles sont tenues entre le personnel du département organisation et les
salariés en question.
Le travail est fondé sur des petits groupes qui s’impliquent pour donner une image
d’authenticité et qui cherchent à valoriser leur activité.
270
Ils vont donner un maximum d’indications et d’informations qui vont permettre au personnel
de l’organisation de les analyser en effectuant des recoupements pour établir leurs procédures.
Cela se fait généralement au moyen d’un savoir faire propre au moyen d’une cartographie des
tâches et des fonctions des uns et des autres qui ne peut se faire sans une implication et une
participation effective des salariés de la structure en question même si cela n’est pas toujours
souhaité ou recommandé par le management.
En effet, une application concrète relative à l’établissement d’une circulaire si elle ne
considère pas l’apport de tout un chacun peut se révéler inopérante, or plusieurs cas ont
permis de mettre en évidence que la hiérarchie s’appuie sur les titres et la position
hiérarchique pour la confection de ce travail.
Plusieurs seniors nous ont montré que cette discrimination était porteuse de défaillances, étant
donné que plusieurs cas ont laissé apparaître que plusieurs procédures établies selon ce
schéma étaient incomplètes ou en constante révision.
Pour ce qui du département informatique, les seniors détiennent des connaissances clés qui
leur permettent par le maintien d’un contact permanent entre le siège de la banque et certains
de leurs interlocuteurs du réseau des agences, notamment pour les opérations de virements et
les opérations de transmission quotidiennes, de contrevenir à toute défaillance ou retard.
En effet, il est fréquent de rencontrer des retards de transmission pour des jeunes qui n’ont pas
encore eu le temps d’établir des contacts ce qui pourrait occasionner une prolongation de leur
temps de travail et l’obligation de ne quitter l’agence qu’une fois l’opération réalisée
(virement, transfert, etc…). Mais également, et c’est encore plus délicat, c’est le fait des
risques de pertes encourues et inhérentes aux échelles d’intérêt, car il s’agit aussi dans le cas
en l’espèce d’une transmission informatique sauvegardée ensuite sur disquette mais qui ne
doit souffrir d’aucune interruption.
Les journées comptables des agences et toutes les données chiffrées sont également
transmises à d’autres structures comme le contrôle de gestion qui doit disposer de toutes les
informations comptables et financières qui sont ensuite exploitées et analysées pour être
présentées au management et aux autorités de tutelle pour contrôle à postériori.
Les seniors ont connaissance de l’importance de certaines informations par rapport à d’autres
et de leur pertinence pour le personnel du contrôle de gestion, étant donné qu’ils ont une
vision globale de la chaîne de travail.
Ils parviennent ainsi à satisfaire beaucoup plus rapidement et avec beaucoup plus de justesse
les besoins de leurs collègues que ne peuvent le faire les jeunes recrues.
271
Ils s’appuient en cela sur leur ancienneté et leur expérience professionnelle sur le terrain mais
également sur un réseau d’interlocuteurs internes et de solutions toutes faites et assimilées qui
permettent d’obtenir un gain de temps.
Ces solutions, véritables recettes et ficelles internes clés ne sont pas connues du management
ni même des jeunes, car elles supposent de connaître les besoins et les attentes des uns et des
autres dans cette chaîne de travail.
Or, ceci ne peut se faire que par des contacts fréquents et continus avec des personnes qui sont
en poste depuis plusieurs années, sans une grande mobilité, ce qui correspond souvent au
profil des seniors.
Pour ce qui est du département comptabilité que nous avons cité plus haut, ce département
compte une centaine de cadres, il fait partie des départements qui occupent le plus grand
effectif.
Toutefois, les cadres de ce département sont les laisser pour compte de la banque étant donné
que la technique comptable n’a pas subi de changements et les principes qui régissent
l’établissement des documents comptables sont resté les mêmes.
Mis à part le principe de la comptabilité double, tous les écarts ou les éléments imprévus
étaient logés soit dans le compte pertes et profits, ou encore provisionnés.
Ce provisionnement s’effectuait à posteriori c'est-à-dire après le passage des opérations
comptables, mais avant la publication officielle dans les médias et avant impression définitive
du rapport d’activité annuel.
Les seniors nous ont indiqués que les jeunes et le management de la banque ne pouvaient
maîtriser entièrement le volet comptable car un historique est à prendre en compte et il a trait
aux opérations extra comptables.
Les jeunes et le management ne prenant en compte en règle générale que les opérations
finalisées et qui ressortent sur les états et extraits de compte sans considérer les dates de
valeur.
Un des seniors nous précise que lors d’une réclamation client il a mentionné cette information
à un jeune auditeur.
Il indique qu’il lui a expliqué que lors d’une opération comptable il pouvait exister un
décalage entre l’écriture comptable de l’opération effectuée et sa parution sur un journal
comptable ou un extrait qui pouvait être délivré au client.
Ainsi, le client avait établi une réclamation car il venait de déposer de l’argent sur son compte
et ayant demandé immédiatement un extrait il s’est rendu compte que le montant n’avait pas
été porté à son crédit, d’où l’étonnement de ce dernier.
272
Aucune réponse significative des uns et des autres n’était convaincante à l’exception de celle
de ce senior du département comptabilité qui a signifié au jeune auditeur que plusieurs
opérations effectuée le jour même pouvaient souffrir d’un décalage même si la mention du
crédit intervenait en back office dans les livres comptables.
Toutefois, avec le traitement informatique elle ne paraissait que la journée suivante alors que
plusieurs livraient uniquement la réponse inhérente à la date de valeur en omettant le décalage
de retranscription de l’opération qui ne pouvait être connue qu’à travers une maîtrise parfaite
des opérations comptables et notamment le volet « état de rapprochement ».
Les seniors disposent de ce savoir faire étant donné que leur apprentissage de la comptabilité
sur une base manuelle leur a permis une meilleur compréhension des opérations et de la
pratique des états de rapprochement.
En revanche, les jeunes se fient beaucoup plus au traitement informatique et n’effectuent pas
ces opérations de rapprochement sauf en cas de défaillance.
Ils n’ont donc qu’une vision parcellaire ou plus réduite des opérations, alors que les seniors
ont une vision globale qui leur permet de prendre en compte le décalage des inscriptions
comptables selon les documents.
Outre cet aspect de rapprochement comptable, c’est tout un savoir de « maquillage des
chiffres » que seuls certains seniors maîtrisent et qu’ils peuvent mettre en exécution à la
demande expresse du management de la banque pour afficher des bénéfices d’année en année.
En effet, les différentes centrales des risques (crédits et comptabilité) travaillent de concert
afin de donner aux autorités de tutelles et de supervision (Banque Centrale et Ministère des
Finances) des données qui restent en cohérence avec l’historique comptable de sorte que la
banque et son management soient toujours bien notés.
En ce qui concerne le département gestion des ressources humaines, cette structure compte
environ une cinquantaine de personnes est reste organisée sous forme pyramidale, elle
représente la direction générale dans ses décisions à l’encontre des salariés.
Les seniors de ce département ont une connaissance approfondie des textes officiels régissant
les rapports entre les nouveaux recrutés et leur employeurs sans avoir recours à des supports.
Ils peuvent mettre à profit ces informations pour certains jeunes qui s’estiment lésés et qui
réclament la régularisation de leur situation professionnelle à travers l’obtention de droits
complémentaires qui auraient été omis.
De fait, plusieurs salariés ignorent le détail du calcul de leur salaire et de leur classification
sur la grille comme leur évolution de carrière.
273
Il en est de même pour les différentes primes existantes ou celles auxquelles ils pourraient
avoir droit.
Un des seniors nous avait précisé qu’il avait indiqué à un jeune que le grade qu’il avait obtenu
n’était pas en rapport avec ses qualifications et qu’il fallait qu’il établisse une demande de
révision de sa situation professionnelle auprès de la direction générale.
Il nous a précisé qu’il lui a souligné qu’il devait s’appuyer sur des articles précis de la
convention collective des banques et établissements financier et déposer sa demande au
secrétariat de la direction générale et non au niveau de la direction gestion des ressources
humaines en gardant une copie avec le cachet « arrivé » pour pouvoir suivre l’évolution du
dossier.
Ce qui est encore plus parlant c’est la connaissance des seniors des différents circuits de la
prise de décision en insistant sur le fait de frapper aux bonnes portes et de soulever les bonnes
questions pour maximiser les chances d’obtention d’accords.
En effet, ces résultats auraient été inespérés s’ils avaient suivi des démarches classiques
respectant les différents niveaux hiérarchiques, car le département est très hermétique.
Les responsables du département en question jouent le jeu de la direction générale, ils ne
cherchent pas, pour des raisons financières et de pouvoir, à faciliter l’accès aux informations
nécessaires permettant aux salariés lésés de pouvoir formuler des demandes de révision ou
d’amélioration de leur situation professionnelle.
Bien au contraire, ils vont faire en sorte de trouver des éléments de la convention collective
leur permettant de faire une lecture restrictive des articles et sans autre interprétation pour
qu’ils déboutent les demandeurs en maintenant leur emprise sur eux.
Cela peut se faire assez facilement étant donné que les responsables du département vont
limiter en interne la diffusion de tout document créateur de droit comme la convention
collective qui sera alors « introuvable », « indisponible » ou « en stock épuisé ».
Il en est de même pour le recrutement de stagiaires bénévoles qui peuvent être rémunérés ou
non selon l’existence d’une recommandation aussi bien externe qu’interne.
Les seniors peuvent indiquer à certains jeunes comment faire pour que leur stage bénévole
devienne un stage rémunéré en les invitant à chercher une recommandation de poids.
Il en est de même pour une demande de sponsorisation, de mécénat ou de parrainage dont le
règlement ou les textes sont encore flous et sujets à interprétation.
Plusieurs seniors du département peuvent ainsi conseiller aux jeunes la voie à suivre pour
parvenir à leurs objectifs, et ce au travers des différents dossiers qu’ils ont pu traiter et qu’ils
sont parmi les seuls à connaître le secret.
274
Comme nous pouvons le constater, les seniors sont les fidèles gardiens des éléments créateurs
de droit, ils s’appuient également quand ils veulent bien conseiller certains jeunes sur la règle
de la jurisprudence en donnant le nom des personnes ayant bénéficié de certains avantages.
Ces éléments sont considérés comme cruciaux pour une demande administrative et il est rare
que de jeunes salariés récemment intégrés puissent trouver meilleur conseil voire même qu’ils
soient aussi bien protégés ou conseillés.
On le voit bien ces connaissances clés véritables ficelles sont difficiles à faire ressortir, car
elles restent dépendantes du bon vouloir de leur détenteur, les seniors, et de leur motivation.
Elles ressortent souvent lors d’incident critiques qui nécessitent leur intervention, en dernier
ressort.
Pour le département du contentieux et du juridique, ce département compte une soixantaine de
cadres.
Il englobe plusieurs opérations, allant des plus simples comme le dépôt des signatures légales
inhérentes aux responsables censés représenter la banque au niveau des différentes
municipalités lors de la signature des différents contrats de crédit, à d’autres beaucoup plus
complexes que seuls quelques uns peuvent maîtriser.
Les seniors peuvent compter parmi ceux là, ils prennent en considération la jurisprudence
mais disposent d’un carnet d’adresse et d’un réseau de professionnels privé auprès de qui ils
peuvent demander des expertises informelles.
Ces expertises leur permettent de traiter des dossiers avec une plus grande célérité et des
arguments infaillibles tenant compte de l’évolution de la législation en vigueur.
Ainsi, plusieurs seniors ont pu se forger des connaissances pratiques permettant de gagner des
litiges où la responsabilité de la banque était engagée. Mais, n’ayant eu aucun retour sur
investissement jugé à la hauteur des efforts déployés les salariés se restreignent de plus en
plus à faire des extras afin de faire profiter la banque.
Un senior du département nous a indiqué que les procédures dans ce champ de compétence
sont restées assez pléthoriques, car elles sont largement dépendantes des décisions prises par
les tribunaux et souffrent de délais assez longs.
En effet, les tribunaux ont des normes de travail qui diffèrent de celles de la banque,
l’informatisation des divers services étant récente.
Aussi, pour la réalisation de certains dossiers jugés critiques, une collaboration entre salariés
de la banque et ceux des tribunaux compétents est jugée cruciale.
275
Or, il n’existe aucun écrit ou obligation de moyen entre les deux structures d’où des résultats
qui varient selon les personnes qui traitent les dossiers et qui reposent essentiellement sur des
réseaux de connaissances.
Les seniors qui ont collaboré avec des anciens des tribunaux sont mieux placés que les
nouvelles recrues qui se basent uniquement sur le fond des dossiers, négligent souvent les
ficelles du métier auxquelles on ne peut avoir accès si l’on ne fait pas partie de ces réseaux
même si l’on dispose de connaissances théoriques pointues basées sur les textes juridiques
pourtant actualisés.
Les seniors de la banque peuvent ainsi à l’aide de leurs homologues des tribunaux faire le lien
entre les anciens textes et les améliorations apportées, et ce d’une manière pratique sur le
terrain.
Ils retranscrivent beaucoup plus facilement que les jeunes nouvelles recrues la portée des
nouveaux textes en rapport avec les anciennes pratiques et peuvent solutionner des problèmes
qui évitent à la banque de perdre des jugements et par là de payer de grandes ardoises à des
clients mieux conseillés.
Ceci est d’autant plus important que les textes officiels sont écrits en arabe littéraire comme
leur formation, alors même que la langue de travail au sein de la banque qui est basée sur un
héritage colonial est le français.
Cela engendre souvent des problèmes de traduction, car toutes les correspondances externes
sont à effectuer en arabe littéraire, alors que les correspondances internes se font en français.
Par ailleurs, cela peut engendrer parfois des erreurs au niveau de la compréhension générale
des textes ou lettres transmises dans la mesure où il faut décoder le message et pouvoir y
répondre en conséquence en respectant le sens et les non dits.
Il faut dans ce cadre précis prendre en compte les éléments implicites ou sous entendus
inhérent aussi bien à la jurisprudence qu’à la complexité de l’interprétation juridique que
seuls les seniors expérimentés peuvent déchiffrer d’une manière efficace respectant les délais
impartis.
Mais, la banque ne recrute pas des traducteurs pour ce département mais des juristes et des
personnes qui disposent d’une bonne formation en fiscalité, alors même que des experts
judiciaires seraient plus à même de pouvoir traiter les dossiers même si ces derniers, doivent
passer par une formation sur le tas en interne.
C’est ce qui peut demeurer problématique en soi, car aucun texte ne fixe clairement les
attributions des uns et des autres et notamment l’étendue des savoirs à maîtriser même à
travers une formation sur le tas.
276
De plus, pour pouvoir le faire il faudrait encore avoir la possibilité de délimiter le champ de
compétence des uns et des autres dans ce cadre assez large.
Finalement, à travers les exemples présentés dans les différents départements de la banque, il
est possible d’avoir une idée plus claire sur la notion de « ficelles du métier ». Ces dernières
peuvent se traduire par la mémoire de la banque, mémoire qui existe au sein de ses seniors.
En effet, les seniors de part le développement d’un réseau de connaissances savent qui
contacter pour résoudre rapidement des problèmes délicats.
Mais aussi, comment utiliser des raccourcis en termes de démarche afin de traiter
efficacement des opérations courantes. Ils connaissent l’historique des clients de la banque et
ont l’expérience du contact et du relationnel. Il ne s’agit pas ici d’une liste exhaustive des
« ficelles du métier », car par définition, ces dernières sont propres à chacun et sont
transmises selon le bon vouloir du senior.
Par ailleurs, ces connaissances en cachent d’autres qui apparaissent lors d’incidents critiques,
comme des pannes d’informatiques.
Les seniors seront alors invités à faire montre de leurs connaissances clés pour permettre une
continuité du service en évitant ainsi un arrêt du traitement des opérations qui coûterait très
cher à la banque. Il s’agit par exemple d’un retour à un traitement manuel des opérations
qu’ils sont seuls à pouvoir maîtriser étant donné qu’ils disposent de l’historique nécessaire et
qu’ils ont participé aussi bien à l’exécution des premières opérations qu’aux dernières
adaptations utilisant l’outil informatique, chose que ne peuvent effectuer les nouvelles recrues
même disposant d’un grand bagage universitaire.
L.C Lancaster et D Stillman195 soutiennent que les différences entre les générations portent sur
divers aspects : l’utilisation des technologies nouvelles, les approches et les styles
d’apprentissage et de communication, les façons de résoudre les problèmes, d’apprécier les
valeurs et les motivations individuelles, etc.
Il devient ainsi évident que tout senior dispose de connaissances clés propre à lui dans son
activité et qu’il est souhaitable surtout pour les employeurs que ce dernier les transmette aux
jeunes recrues censées assurer sa relève, étant donné que ce flux de départ est un mouvement
continu, même s’il est plus dense par période, car il reste en rapport avec les vagues de
recrutement et la variable âge.
195
Lancaster, L. C. et D. Stillman (2002). When Generations Collide, New York, HarperCollins Publishers Inc.
277
D Douyère196 , dans un souci de généralisation indique pour sa part que « les leviers d’action
mis en œuvre aujourd’hui dans les entreprises sont à peu près partout les mêmes, avec
quelques différences d’intensité et de discernement ».
On parle parfois de « réactiver les pratiques du tutorat et du compagnonnage » 197.
C’est que l’apprentissage par la pratique expérientielle constitue un investissement productif
qui mérite d’être pris en compte dans le management des connaissances et l’amélioration des
performances des organisations198.
Cela illustre que « les différences intergénérationnelles ont une incidence majeure sur les flux
de transfert des connaissances tacites »199.
Il s’agit, comme M. Lamari l’explique de capitaliser « la reproduction des connaissances
tacites accumulées, dont la déperdition pourrait fragiliser fortement la chaîne du transfert des
connaissances de génération en génération ».
Se pose aussi la question de la motivation à cette transmission intergénérationnelle des
connaissances.
On met parfois en avant la logique du don/ contre-don, soulignant ainsi que l’échange n’est
pas comme beaucoup pourraient le sous-entendre à sens unique, c'est-à-dire des aînés à
destination des jeunes nouvelles recrues, mais bien au contraire il peut exister aussi en sens
inverse, dans la mesure où les jeunes par leur questionnement peuvent éviter aux seniors de
sombrer dans la routine, ce qui pourrait en quelque sorte équilibrer la balance dans le sens
d’un échange équitable200. Il convient cependant de se départir d’une vision irénique de cet
échange qui peut susciter des conflits. La transmission intergénérationnelle des connaissances
repose certes sur une négociation plus ou moins informelle, mais elle « s’enracine le plus
souvent dans une situation de conflit initial que la régulation sociale et la négociation
permettent, si l’on en croit J.-D. Reynaud, de dépasser »201. Cela dit, le conflit supposerait un
engagement des acteurs, autour de cette transmission, ce qui n’est pas toujours le cas « dans la
196
Douyère, D. (2005). « TIC et partage de connaissances dans l’entreprise : une impossible injonction à l’expression ? », 3e
Journée des doctorants du GDR « TIC et société », Université Paris 10,
http://gdrtics.u-Paris10.fr/pdf/doctorants/papiers_2005/David_ Douyere.pdf (page consultée le 3 août 2009).
197
Le Boulaire, M. et S. Marsaudon (2008). « Transférer les compétences : un savoir-faire », Entreprise et Personnel, n°
272.
198
Arrow, K. J. (1962). « The Economic Implications of Learning by Doing », Review of Economic Studies, vol. 29, nº 3, p.
155-173.
199
Liebowitz, J. (2007). Social Networking: The Essence of Innovation, Lanham, MD, Scarecrow Press.
200
Le Roux D, (2000). n°12, « La face cachée des générations en entreprise », PUF, p23-36.
201
Reynaud J.-D (1989), Les règles du jeu ; l’action collective et la régulation sociale, Paris, A.Colin
278
plupart des situations, le comportement des acteurs est mixte : il correspond à la fois à des
logiques d’engagement et à des logiques de distanciation »202
Bref, « la coprésence des salariés ne constitue pas une condition suffisante pour que s’opère
un transfert d’expérience »203.
Ces connaissances restent issues « des compétences cognitives, des données relationnelles et
d’un environnement contextuel qui caractérisent ces individus. Elles incorporent intuitivement
du savoir, du savoir-faire et du savoir-être » souligne M. Lamari.
N. Alter précise à son tour les problèmes que peut poser cette relation lorsqu’il indique qu’
« il existe une grande complexité dans ces relations et ces systèmes d’échange symboliques et
sociaux » et précise qu’une situation de « coopération altruiste et gratifiante » peut en même
temps entrer dans le cadre d’une relation de concurrence qui ne fait que confirmer qu’il
n’existe pas d’automaticité dans la relation de réciprocité. .
Ainsi, les connaissances tacites demeurent propres aux individus comme le mentionnent
Béatrice Delay et Guillaume Huez-Levrat204 lorsqu’ils indiquent que « la coprésence des
salariés ne constitue pas une condition suffisante pour que s’opère un transfert d’expérience »
202
Alter N (2000), L’innovation ordinaire, Paris, PUF, p.260
203
Delay B et Huez-Levrat G (2006). « Le transfert d’expérience est-il possible dans les relations intergénérationnelles?» in
Sociologies Pratiques n°12, PUF, p37-47.
204
Delay B et Huez-Levrat G (2006), ibid.
279
3.5.2 Un sentiment fort de frustration et de fragilité
Beaucoup de salariés sont marqués par un sentiment fort de frustration et de fragilité témoignant
de l’existence d’une forte rigidité administrative.
Parmi eux, plusieurs jeunes interrogés nous ont indiqué que la plupart des personnes qui ont eu
des revendications et posé des questions au département GRH ne sont pas satisfaites des
réponses obtenues, du moins quand elles existent.
Elles leur paraissent floues et évasives et n’avaient d’autre résultat que de laisser le personnel
inquiet et non rassuré sur son évolution de carrière, étant donné que rien n’est sûr et que
d’innombrables éléments sont de l’ordre de l’incertain.
Ces jeunes nous ont précisé que même pour obtenir un exemplaire de la convention collective
du secteur bancaire dans laquelle il existe tous les articles qui régissent les droits des salariés
envers la banque, il y a avait une grande réticence de la part de la DGRH à vouloir la délivrer.
L’un des seniors nous a même signalé que si l’on lit la convention collective et que l’on arrive à
se positionner dans la grille des salaires, il serait facile de prévoir, d’un point de vue théorique,
son évolution de carrière.
Mais, il nous a vite indiqué avec humour que réellement sur le terrain personne n’est à l’abri,
c'est-à-dire que l’on peut passer 3 à 4 ans pour obtenir un grade qui nécessitait en fait au
préalable uniquement, deux ans uniquement car l’on a été muté dans un autre département où
qu’il y a plus de concurrence, (car plus de gradés), ou que la direction générale a eu des échos
par rapport à une personne.
Il affirme de plus, qu’ « il faut pour maximiser ses chances, attendre son tour, être irréprochable surtout en
matière d’assiduité et respect des horaires, plus qu’au niveau de l’exécution du travail parfois même, avec
toutefois une très bonne note pour espérer être classé parmi les premiers, sans même tomber malade ,car la
maladie touche l’assiduité, donc la note diminue ce qui contribue à déclasser l’agent en question. Mais il faut
aussi faire son travail et montrer qu’on est motivé ,même si cela ne vaudra qu’avant l’avancement, car on le
sait bien tout est devenu très aléatoire et imprévisible ».
Cette manière de présenter les choses de la part du senior nous est parue un peu humoristique
bien qu’en réalité nous avons vite compris par la suite que c’était beaucoup plus triste.
Quant aux changements organisationnels, les jeunes interrogés indiquent qu’ils sont assez
fréquents et contribuent à dévaloriser les anciens car ils sont jugés incapables de s’y adapter
280
rapidement, alors que pour eux en revanche, ils les apprécient, surtout dés le moment où ils y
sont associés.
Ils sont beaucoup plus impliqués que les anciens, entrevoient là une possibilité assez rapide
d’ascension au niveau de leur carrière et indiquent même qu’ « au fond si on a passé plus de temps
que nos aînés sur les bancs de la faculté c’est bien pour cela aussi et il est normal qu’on soit moins patients que
les seniors et beaucoup plus intéressés, mais nous sommes également moins tolérants par rapport aux écarts aux
dysfonctionnements qui pourraient subvenir dans le déroulement de notre carrière, car on a aussi trimé pour en
arriver là ».
D’après les seniors, il existe certes des changements internes issus de la volonté de la Direction
Générale et de ses actionnaires, mais il existe également des changements organisationnels qui
ne sont pas purement internes.
Ils peuvent être le fruit de directives ou de circulaires de la BCT ou du Ministère des finances
voire de décrets présidentiels ou d’accords de coopération avec l’Union Européenne ou des
Organismes Internationaux.
En effet, étant un secteur stratégique qui contribue au financement de l’économie les
répercussions en interne sont immédiates et touchent à l’organisation même de la banque et
donc en définitive à son personnel.
Pour les seniors, les changements organisationnels sont également assez fréquents mais
uniquement d’un point de vue formel, sur le papier.
En réalité, nous affirme l’un d’entre eux, « ce n’est qu’un motif supplémentaire pour un durcissement
des rapports et l’accroissement d’une rigidité, qui se manifeste du fait d’éléments internes et subjectifs ».
Ces derniers peuvent être dépendants d’éléments externes dus à un environnement global
changeant, comme la mondialisation, et les rapports avec des bailleurs de fonds internationaux
ou des autorités de tutelle, au niveau national.
Pour eux, ce ne sont que des prétextes pour une plus grande exploitation du personnel, et une
mise sous tension supplémentaire.
Un autre senior nous indique même « j’ai l’impression d’être dans une entreprise privé en difficulté et
non plus dans une banque publique cautionnée majoritairement par l’Etat et les autorités publiques, surtout
pour les nombreux aspects négatifs comme une discipline digne de l’armée avec ponctualité et impossibilité de
bouger sans demander au préalable une autorisation de sortie pour chaque personnel. Ceci est valable du simple
exécutant, jusqu’au cadre supérieur excepté bien sûr les membres de la Direction générale ,car ceux sont eux qui
fixent les règles. Il y a vraiment un contrôle interne abusif qui peut être inopiné (parfois à l’initiative du PDG
lui-même) ou programmé via des structures comme l’audit interne ou l’inspection.
281
De plus, la mise en concurrence dans le travail sans être assuré d’avoir un retour palpable en monnaie
augmente le stress, avec beaucoup plus de tâches à réaliser en un temps plus court, sans qu’il n’y ait une réelle
transmission des connaissances entre les uns et les autres, ni même une bonne circulation de l’information. Ceci
étant accompagné de risques de licenciement qui n’existaient pas avant et qui deviennent possibles même dans
le public avec des réduction d’effectif ou des programmes de préretraite alors que l’activité financière est par
définition la gestion du risque.».
Il est clair que le mécontentement issu de ce témoignage est réel, et nous avons, lors des
entretiens avec un des jeunes, entendu le même son de cloche dans la mesure où le jeune
confirmait les dires du senior, en quelque sorte, car il disait « moi en parlant avec plusieurs personnes
de la banque je suis arrivé à la conclusion que personne n’est content de sa situation, mais ne peut rien faire
non plus, soit par peur de perdre sa place dans la conjoncture actuelle, soit parce qu’il est ou elle est trop
engagés ou les deux à la fois.
D’ailleurs, j’ai entendu dire qu’un de mes collègues qui a présenté un cv auprès d’une banque concurrente, est
resté dans la banque, car le PDG de l’autre banque, qui comptait l’engager, a contacté par téléphone le notre et
ce dernier a annulé le recrutement de ce cadre. Mais, il lui a donné la responsabilité d’une agence chez nous, là
cela s’est bien passé, mais cela aurait pu être pire, c’est dire que même pour bouger ce n’est pas toujours
évident, car les PDG se connaissent.
Ils peuvent se rendre mutuellement service en demandant des infos par rapport aux cadres qui voudraient
changer de banque, c’est un peu la même technique que par rapport à un client ».
D’après ces témoignages il apparaît que ce secteur est l’un des secteurs où l’on fixe le plus son
personnel, d’où réellement plus de conviction quant à la stabilité, voulue ou non, au sein des
banques, et chaque employé dispose d’une ancienneté conséquente dans la banque et parfois
même au niveau du même poste.
Selon les répondants, seniors et jeunes, les relations qui existent entre personnel appartenant ou
non à une même catégorie sont assez normalisées, c'est-à-dire que pour des personnes
n’appartenant pas à la même catégorie, comme « le personnel d’encadrement » et « le personnel
de Direction » on peut remarquer qu’il existe un certain cloisonnement, une barrière du fait de
l’appartenance ou non à la même.
En effet, le personnel de direction est potentiellement apte à occuper un poste fonctionnel donc
pour lui, il ne serait pas recommandable qu’il soit proche du personnel subalterne c'est-à-dire
282
d’une catégorie inférieure à sa propre catégorie au niveau de la pyramide car il pourrait être jugé
comme n’ayant pas l’étoffe nécessaire ou des compétences de Leadership et de coaching.
Il doit donc mettre en avant une certaine distance et ne pas être aussi facile d’accès.
D’ailleurs un des jeunes nous a affirmé « un de mes amis a obtenu récemment un poste de chef de
division et même si on a presque le même grade, les rapports ont changé et c’est comme si il nous évitait, nous
ses amis. D’ailleurs maintenant il est toujours en costume alors qu’avant il était toujours en cravate chemise, il
se considère vraiment comme un responsable et plus comme un simple cadre comme nous ».
Des seniors nous ont indiqué que les personnes très populaires au sein de la banque, en règle
générale, ne disposent pas de poste de pouvoirs, exception faite pour le syndicat, qui a un accès
facilité au niveau de la direction générale, mais pas toujours pour l’intérêt général des salariés.
En revanche pour le personnel appartenant à une même catégorie, les relations sont assez
conventionnelles excepté si elles se font inter-département, car il existe aussi malgré tout un
autre type de cloisonnement.
Pour la communication qui s’opère entre les uns et les autres, jeunes et seniors nous ont précisé
que celle-ci est souvent purement formelle lorsqu’il s’agit d’écrits, mais souvent beaucoup plus
informelle, à travers une communication verbale.
Le personnel parle librement de généralités, de sujets de tous les jours ou d’évènements sportifs
et autres comme les investissements immobiliers ou le bâtiment.
Toutefois, pour ce qui est de l’aspect professionnel et de questions touchant de prés au travail, il
y a toujours la notion de cloisonnement, de confidentialité et de secret, même au sein d’une
même entité entre un chef de département et son chef de division.
C’est pour nous affirme un des seniors « une sorte de course à la gloire, en fait comme si tous le monde
était dans une classe avec un professeur qui évaluerait chacun à sa prestation donc chacun à intérêt à dire que
c’est lui qui a fait le travail pour décrocher les mérites et peut être obtenir un poste à responsabilité.
En fait, le mérite est personnel et ce n’est pas le travail d’équipe qui paie, même si c’est pourtant ce que l’on
voudrait faire montrer surtout aux instances internationales.
La notation est toujours personnelle, donc certains utilisent ce système hypocrite pour gravir des échelons et
glaner des postes alors que d’autres qui seront jugés naïfs, seront dupes ».
Un jeune nous a même indiqué par exemple pour le cas d’un chef de division, qu’il peut arriver,
et ce n’est pas rare, que ce dernier ne soit pas informé des réunions auxquelles assiste son
supérieur, ni même de la teneur des informations que celui-ci a pu avoir pour le bon
déroulement du service.
283
Ainsi, pour les seniors, mais aussi pour les jeunes en général, au niveau du personnel, tant que
l’on ne parle pas de travail ou de l’activité interne du service il peut y avoir discussion, mais si
ce n’est pas le cas c’est la levée de boucliers.
Certains seniors avancent même que « tout ce que l’on dit à ce propos peut être utilisé contre nous un
jour, donc pour eux, moins on en dit et mieux c’est, car ils redoutent les mouchards ».
Ainsi, pour eux et par déclinaison, lorsqu’un jeune arrive dans un département et lors de son
intégration dans le service où il devra trouver sa place, personne ne se sent obligé de lui
transmettre ses connaissances.
Selon eux, « c’est à lui de faire ses preuves autrement dit de se former sur le tas avec le temps, de s’intégrer
en montrant quelles sont ses intentions, de prouver sa bonne foi et de se faire accepter ».
Il doit donc prouver qu’il fait partie du même monde qu’eux, partager les mêmes discussions,
prendre un café avec eux si possible, car il y a déjà de la suspicion dans l’air et il ne doit pas
brûler les étapes sinon il risque de se faire des ennemis et sera considéré comme un opportuniste
qui veut percer par des moyens déloyaux et autre que le mérite.
C’est, avancent-ils, le phénomène communément appelé du « lèche bottes » ou « du porte couffin ».
En effet, ils précisent que personne n’a intérêt à lui montrer les tenants et les aboutissants
autrement ils en subiraient les conséquences.
Il s’agit de règles internes non écrites et appartenant au groupe, et admises collégialement, une
sorte de « code de bonne séance » purement interne.
Certes, des fois affirment-ils « le jeune peut trouver une âme charitable qui lui montre quelques ficelles,
mais il doit pour cela montrer qu’il est inoffensif, ou encore assez lent dans le raisonnement et qu’il ne
constitue pas une menace pour le reste de l’équipe. D’ailleurs celui qui lui montre les ficelles le fait car il a des
scrupules, ou des états d’âmes, et c’est même peut être souvent des gens empreints d’une culture religieuse,
culture qui veut que l’on doit aider son prochain ».
Ils ajoutent même que le jeune est considéré comme étranger au service donc potentiellement
dangereux et constitue par la même une menace.
En effet, le travail dans une entreprise comme la banque, entreprise de service et de traitement
de l’information selon beaucoup, a une particularité inhérente à toute activité de service, à savoir
que le travail est intangible et immatériel et donc difficilement mesurable.
Un des jeunes nous a même indiqué que s’il fait le travail en un minimum de temps il y aura un
nouveau « tempo » (chronométrage), et cela contribuera à déclasser davantage les seniors en
place, même si l’on sait pertinemment que ces derniers détiennent plus de connaissances qu’ils
ne le font apparaître.
284
Toutefois, précise le jeune « comme cela n’est pas codifié et qu’il n’existe pas de texte juridique pour les
obliger à communiquer et transmettre ce qu’ils savent ils peuvent rester sur leur réserve.
Mais les responsables et l’entreprise elle-même en sont conscient et essayent de plus en plus et par d’autres
moyens, essentiellement managériaux et organisationnels, de faire en sorte qu’ils coopèrent en transmettant
leurs connaissances tacites et clés ».
Par ailleurs, en allant dans le même sens, un des seniors nous a indiqué que « la banque n’hésitera
pas à faire miroiter la possibilité d’utiliser des moyens peu catholiques, que l’on peut assimiler à de la coercition
ou une menace qui laisse planer un sentiment d’anxiété voire pour certains de peur (exemple une mutation
d’office dans un autre département plus exposé et ce sans aucun motif valable) pour astreindre et les motiver à
travailler davantage ».
Ainsi, pour les jeunes, pour s’insérer et obtenir des informations et des connaissances, ces
derniers indiquent qu’ils ne pourront le faire que par des chemins détournés en usant de leur
pouvoir charismatique (sympathie) pour les uns, de leur appartenance à un réseau de
connaissances en lien avec une appartenance géographique (régionalisme) ou en lien avec le
partage d’affinités, voire tout simplement par la voie d’échange d’intérêts réciproques pour
d’autres.
Pour eux, un enrichissement et une transmission des connaissances peut se faire avec le temps
mais requière beaucoup de conditions comme l’intérêt pour l’autre et il faudra faire montre de
ses bonnes intentions et de sa bonne foi.
Le climat de l’entreprise bancaire étant un climat de suspicion et de secrets, de confidentialités,
ce n’est que sous ce couvert que l’on apprendra que certaines expériences ont réussi ou échoué.
Selon eux, « les seniors seront plus enclins à transmettre quand ils se trouveront en situation de le faire,
autrement dit, qu’ils se sentiront en confiance, et c’est là toute la question de la crédibilité des vis-à-vis, de
leurs convictions, de l’organisation en place et des enjeux ».
Ainsi, pour les jeunes et les seniors, rien n’est innocent ou neutre et les enjeux au sein même du travail, même si
ce sont pour beaucoup des enjeux de connaissances, sont aussi des enjeux de pouvoir.
Ceci atteste pour eux et d’une manière empirique que « celui qui a l’information ou encore la connaissance a le
pouvoir ».
Or, ils ont conscience que ce qui est problématique, encore plus que la détention ou l’obtention
de l’information, c’est la notion de partage qui est assez rare au sein de la banque.
En effet, pour eux cette notion est importante dans la mesure où il faut être soudé pour affronter
la concurrence internationale de plus en plus vive, mais par la force des choses ils ont pris acte
du fait que, dans leur système la solidarité interne est difficile à consolider.
285
C’est les intérêts privés ou personnels qui priment sur l’intérêt général des salariés et ils ne
peuvent aller contre, de peur d’être marginalisés et de devenir les grands perdants de ce jeu
gagnant-gagnant.
286
indique que pour la « BMTP », banque publique, et pour les postes fonctionnels vacants, un
grade minimum de « Fondé de pouvoirs » est exigé, avec au moins une maîtrise.
Les jeunes nous ont indiqué en accord avec les seniors que l’on ne postulait pas pour une
fonction, mais que c’est la direction générale qui décide elle seule, fonction de plusieurs
variables subjectives (réseau de connaissances, mérite, régionalisme, et d’autres encore) de vous
nommer ou non.
Autrement dit, cela ne dépend pas des jeunes ou des seniors qui se sentent passifs et considérés
comme des pions sur un échiquier.
Concernant le recrutement, la plupart des jeunes affirment qu’ils ont été recrutés par voie de
concours national sous impulsion présidentielle dans le cadre de la politique d’emploi des
diplômés du supérieur et avec une recommandation personnelle et privée presque pour chaque
cas comme il a été fait pour leurs aînés.
C’est ajoutent ils « une pratique courante et un usage qui perdure dans le secteur bancaire ».
Pour les seniors, en revanche la plupart avaient, de leur temps, été recruté sur une simple
demande manuscrite, mais toujours avec une recommandation de la part d’un notable ou d’une
personne influente.
Ainsi, les uns comme les autres indiquent que la recommandation est un principe de recrutement
pour le secteur bancaire, secteur où la confidentialité et le secret bancaire sont de mise.
Pour les seniors, il existait un minimum de niveau de connaissances à avoir mais le principe est
la recommandation, car ce que l’on recherchait c’était des gens de confiance, que l’on pourrait
éventuellement former par la suite en cas de besoin.
Pour les jeunes, il faut, outre une recommandation, qu’ils disposent néanmoins d’une maîtrise.
En effet, selon eux les banques ne recrutent plus que des jeunes avec niveau minimal de
maîtrise, le plus courant étant un troisième cycle d’une des écoles de renommée de la place
comme l’IHEC (Institut des Hautes Etudes Commerciales), l’ISG (Institut Supérieur de
Gestion), l’IFID (Institut de Financement du Maghreb Arabe), l’ESC (Ecole Supérieure de
Commerce), pour ne citer que celles-ci.
Pourtant, les seniors nous indiquent qu’il existait pour les anciens certains avantages comme le
fait de réserver une place à leurs enfants lors de leur départ à la retraite sans que les enfants ne
soient nécessairement des diplômés de l’université.
287
C’est encore ici, selon eux, la recommandation et la confiance qui rappellent que la banque peut
être assimilée à une corporation ou usine.
La disparition progressive de cette faveur ou pratique a contribué a leur donner un sentiment de
déception.
Ils vont même admettre que cet esprit de solidarité, de corporatisme tend à s’effriter étant donné
que cet avantage a progressivement disparu, car initialement, seuls les enfants diplômés
pouvaient remplacer leurs parents.
Autrement dit les partants ne sont pas remplacés dans les mêmes proportions.
De plus, pour eux, la tendance actuelle est celle de l’ouverture de ce marché du travail
longtemps fermé à la demande d’emploi externe car celle-ci dispose aujourd’hui de
qualifications de plus en plus pointues et recherchées par les banques.
Ils nous précisent que c’est encore une fois le respect du principe de la classification fonction du
diplôme à l’entrée et ajoutent qu’il existe aussi une autre spécificité liée au secteur.
En effet, c’est qu’il existait auparavant et d’un point de vue organisationnel, des opératrices de
saisies pour les ordinateurs de la banque.
Le cadre écrivait ses notes et les faisait passer à ces dernières qui se chargeaient de la frappe qui
était il n’y a pas très longtemps encore, pour beaucoup de départements, dactylographiée
(années 80).
Aujourd’hui, il n’existe que très rarement un recrutement de secrétaire opératrice de saisie, ce
corps de métier généralement féminin a disparu et le recrutement s’est déplacé vers des
informaticiens programmeurs et spécialisés en développement.
Chaque banque se constitue son propre corps d’informaticiens, il s’agit d’ailleurs d’un personnel
qui dispose de meilleurs avantages que les gestionnaires, étant donné que leur titularisation à la
« BMTP » se fait en une année alors qu’il est exigé deux années pour le reste des employés
voire plus pour certains cas particuliers.
En outre, les informaticiens disposent d’une prime de technicité alors même que les
gestionnaires qui effectuent tous leurs travaux par ordinateur, même la saisie qui était conférée
aux opératrices de saisies ne disposent pas d’amélioration financière en rapport.
De plus, un changement d’horaire a été opéré, de telle sorte qu’il n’existe qu’une heure entre les
deux séances, celle du matin et celle de l’après midi alors que ce secteur a longtemps été
considéré comme immuable, au niveau de son organisation, comme au niveau des taux du
marché monétaire ou, comme du reste, de ses horaires.
Ceci ne fait qu’engendrer plus de stress pour les jeunes car il y a de moins en moins de
personnel du fait des départs et plus de tâches avec un horaire plus serré.
288
Par ailleurs, les seniors nous indiquent que la responsabilité de chef d’agence au niveau du
réseau était réservée aux hommes.
Il n’était pas exigé de diplôme pour le personnel de l’agence le chef d’agence devait toutefois
faire preuve de beaucoup de diligence et avoir la confiance de ses supérieurs.
Actuellement, la donne a changé, car le réseau est aussi ouvert aux femmes, même si la majorité
écrasante est encore masculine, mais il faut outre l’obligation juridique qui fait que le
responsable soit maîtrisard, que le personnel soit de préférence diplômé.
Il est même souvent arrivé que l’on affecte à des agences des cadres disposant d’un troisième
cycle alors que le directeur d’agence ne disposait que d’une maîtrise.
C’est le cas de deux agences que nous avons visité, où nous avons pu noter l’existence de
problèmes de collaboration avec une incompatibilité d’humeur entre le chef d’agence et les
salariés en question.
Or, la culture interne de la banque et la pratique managériale veut que même en cas de différend
interne le supérieur hiérarchique est toujours gagnant puisqu’il dispose de l’autorité officielle et
de la confiance de la Direction Générale.
Pour les seniors, c’est un peu le retour de « la culture de l’artisan » ou de « la boutique » où l’on
considère que le confrère ou celui qui effectue le même travail que nous est par la force des
choses notre concurrent, voire dans le jargon local et si l’on traduit mot à mot, « notre ennemi ».
Cela constitue déjà pour eux, les prémisses de la concurrence intra sectorielle que l’on retrouve
dans des professions comme la banque, qui héritent de ces idées assez archaïques.
Rares sont les cas où la Direction Générale a pris le parti du moins gradé ou du personnel le
moins bien positionné dans un différend qui oppose un responsable et/ou un gradé ou personnel
de Direction à un personnel d’une catégorie inférieure.
D’où la mise en évidence d’une supériorité écrasante des supérieurs hiérarchiques qui laisse la
porte ouverte à des abus de pouvoir, étant donné l’inexistence réelle de garde fou ou de contre
pouvoir qui engendrent un sentiment d’impuissance et de soumission lourd à porter chez le reste
du personnel.
Ceci provient de ce qu’avançait Montesquieu dans son œuvre maîtresse, « De l’esprit des lois »
qui paraissait anonymement à Genève en 1748 où il met en lumière l’interdépendance de tous
les aspects de la vie sociale, et indique que « tout homme détenteur d’un pouvoir à tendance à en
abuser et qu’il faut ainsi un contre pouvoir car le pouvoir arrête le pouvoir ».
289
3.6.2Le recrutement et l’affectation des effectifs répondent t-ils à des critères
objectifs ?
Pour les seniors et les jeunes, la plupart répondent par la négative, car l’affectation ne se fait pas
d’une manière objective mais plutôt subjective en fonction de plusieurs variables, comme le
réseau d’appartenance, la réciprocité des intérêts, les affinités personnelles qui peuvent être
inhérentes à l’appartenance à une région d’appartenance, le régionalisme et peut être en dernier
lieu, les diplômes et les qualifications en rapport.
Pour les seniors, le diplôme est certes aujourd’hui l’équivalent du ticket d’entrée, c'est-à-dire un
minimum nécessaire et exigé, mais pour l’affectation la Direction Générale a une grande
souplesse et liberté d’action, une sorte de pouvoir discrétionnaire dont elle peut user comme bon
lui semble.
Cela est aussi perceptible au niveau des mouvements (mouvement de chef d’agences et
changement d’organigramme), de la mobilité ou des mutations et changements d’affectation.
En effet, il y a une dizaine d’années, l’on pouvait corriger une mauvaise affectation qui a été
faite lors de la décision de recrutement par une demande de mutation signée par le supérieur
hiérarchique et où il est indiqué par ce dernier, la mention « avec ou sans remplacement », que
le responsable devait remplir.
Donc, il existe toujours une possibilité subtile de bloquer le cadre si l’on indique que c’est
« avec remplacement » et que cela ne le nécessite pas en réalité.
Par ailleurs pour certains responsables le fait que ce soit sans remplacement peut signifier que
c’est un personnel à problème, ce qui n’encourage pas la reprise, donc ce dernier peut avoir des
difficultés à trouver preneur et l’on retombe dans le système des variables explicatives comme
les affinités, le régionalisme, la recommandation, et d’autres encore.
Aujourd’hui, généralement le personnel qui demande à changer d’affectation et qui cible une
destination particulière en rapport avec ses compétences peut se retrouver muté d’office vers
une autre affectation où il existe un besoin à combler.
C’est donc assez dissuasif et cela témoigne de l’inexistence d’une réelle gestion des carrières ou
d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences qui peuvent freiner une bonne
transmission intergénérationnelle des connaissances au sein de la banque.
Cela rappelle en quelque sorte le principe de stabilisation du personnel qui réapparaît ainsi
faisant montre au reste du personnel qu’il vaut mieux garder sa place même si l’on arrive à
saturation et que l’on se trouve démotivé.
Ceci ne fait que renforcer davantage le sentiment d’aversion au risque et/ou au changement.
290
Les jeunes indiquent que, seul le corps des ingénieurs informaticiens avec les ingénieurs en
génie civil et autres techniciens font exception, car ils sont presque tous affecté dés l’entrée au
département informatique pour les premiers et dans le département du patrimoine immobilier ou
des services communs pour les seconds.
Mais un autre corps de métier fait aussi exception il s’agit des techniciens agricoles qui sont
affectés dans certaines agences où l’on pratique le volet « crédit agricole », généralement
réparties au niveau des zones rurales pour la plupart.
3.6.3 Existence de facteurs qui favorisent une affectation plutôt qu’une autre
Selon les seniors les facteurs qui favorisent une affectation plutôt qu’une autre sont multiples et
variés, ils ont déjà été évoqués plus haut.
C’est par exemple le besoin d’une structure qui manque d’effectif, la recommandation, les
affinités, le régionalisme, les diplômes, l’attitude du candidat lors de l’entretien
psychotechnique, candidat qui peut être orienté en fonction de la réussite de ses bonnes réponses
alors que ses compétences et sa formation le prédestinaient à une autre affectation.
D’où une grande part de hasard et d’aléatoire qui fait fi des données objectives et
sociodémographiques, (telles que l’âge, le sexe, l’ancienneté, les diplômes, etc…) et qui ne
prennent que rarement en compte l’identification du profil en rapport avec le poste à pourvoir.
Ceci ne facilite guère une bonne transmission intergénérationnelle des connaissances car
beaucoup d’entre eux ne peuvent donner ou transmettre que des connaissances approximatives
étant donné qu’elles ne sont pas fondées sur des bases bancaires solides.
Pour les jeunes, ils nous précisent également que cela dépend de variables subjectives qu’il
serait difficile de cerner d’une manière exhaustive, et nous indiquent qu’il existe en fait
beaucoup d’aléatoire.
L’exemple le plus significatif pour eux est celui des gestionnaires qui pourraient être affectés
presque partout au sein de la banque car ils sont assimilés à des généralistes et cela ne les
encourage pas à transmettre étant donné qu’ils ne sont, et ne se considèrent pas toujours comme
étant des experts.
En effet, la plupart ne disposent pas d’une expérience significative sur le terrain, ce qui a pour
effet de contribuer à les frustrer davantage au sein d’une entreprise où le métier de base est celui
de l’agence avec l’octroi de crédits et la vente de produits financiers.
291
3.6.4 Recensement des données sociodémographiques de l’effectif
Le recensement des données démographiques de l’effectif des salariés concerne aussi bien le
statut que la fiche signalétique et le type de contrat de ces derniers.
En effet, la majorité des personnes interrogées sont titulaires, c'est-à-dire en CDI, excepté
quelques très rares cas, encore stagiaires, donc en CDD, qui ont eu un incident de parcours
comme un accident du travail ou la déclaration d’une maladie qui a nécessité un long arrêt
maladie avant une reprise.
Selon les seniors et les jeunes, c’est en Tunisie et pour les entreprises publiques comme la
BMTP ou les Ministères encore la règle de la titularisation qui prime.
Ils ajoutent que, ceci permet de nous différencier, encore pour quelques années du moins, des
pays occidentaux qui tendent à aller beaucoup plus vers les CDD comme les Etats Unis, apogée
du capitalisme, avec un maximum de souplesse pour l’emploi.
Cependant, il est clair que cela devient de plus en plus dur même en Tunisie, car le « publique »
se désengage au fur et à mesure et que l’Etat encourage les privatisations.
Par ailleurs, ils précisent que plusieurs banques de la place suivent ce chemin et les recrutements
sont de plus en plus rares.
En effet, même les stages bénévoles sont du ressort exclusif de la Direction Générale car ils
peuvent donner lieu par la suite, comme cela a souvent été le cas à un recrutement, d’où une
possibilité indirecte d’ouverture à l’embauche.
Pour notre recherche, et en rapport avec la classification jeunes/seniors, nous avons établis les
repères suivants : La tranche d’âge pour les seniors part de 50-55 ans, alors que pour les jeunes
il s’agit des nouvelles recrues recrutés dès 24 ans et dont l’âge est compris entre 24 et 30 ans au
maximum lors des entretiens, soit des jeunes qui peuvent disposer au maximum de 4 ans
d’expérience.
Toutefois, il y a lieu de remarquer que la plupart des seniors et des jeunes comme déjà énoncés
sont aujourd’hui des cadres, voire même des cadres supérieurs.
L’évolution de la carrière des uns et des autres est marquée par quelques accidents de passages
de grades ou de classes dus à de mauvaises notes ou de mauvais classements, voire à des
pourcentages et des quotas établis par la Direction Générale qui déclassent beaucoup de
personnes pour de multiples raisons assez subjectives.
Les variables explicatives déjà énoncées plus haut (affinités ou copinage, régionalisme,
recommandation, attitude réservée, etc) sont nombreuses et diverses.
292
Ainsi, pour les seniors, même si la note est excellente l’on peut être mal classé au niveau central
(niveau qui chapote les niveaux intermédiaires) et ne pas obtenir son grade, mais uniquement sa
prime de rendement servie à tout le personnel, dès que la note est supérieure à 14/20.
Pour eux, rien n’est acquis et le mérite ne vient pas comme jadis, essentiellement du labeur,
même s’il reconnaissent qu’il y a, presque en règle générale, une recommandation au niveau du
recrutement et de l’entrée à la banque, qui permet, selon leurs termes, « de prédestiner « un agent »
à une carrière plutôt qu’une autre, suivant le type de « parrain » dont ce dernier peut disposer et ainsi et par
voie de conséquence, le type de connaissances clés et/ou d’informations juteuse dont il peut bénéficier ».
Ils précisent, qu’en principe il existe un blocage (ou barrage) à chaque passage de catégorie, la
plus difficile étant celle de « Personnel de Direction » car elle ouvre l’aptitude à des postes
fonctionnels surtout quand les candidats sont diplômés du second degré (bac +4).
L’évolution se fait certes, en fonction de la convention collective, de la grille des salaires et des
classifications qui, pour le cas de la BMTP en l’espèce, part du niveau plancher.
En revanche, d’autres banques surtout privées partent d’un niveau plus avantageux pour le
personnel (à savoir, pour le même grade de départ, un salaire de base supérieur de l’équivalent
d’un Smig).
Toutefois, pour la BMTP toujours, ce que l’on constate c’est que l’évolution de carrière était
quasi automatique au préalable, il suffisait d’avoir une bonne note pour passer alors que l’on a
introduit, il y a environ 5 ans le classement par direction centrale qui a été suivi de nouvelles
exigences en interne, en terme de nombre d’années.
Ainsi, pour passer d’une catégorie à une autre il a été spécifié qu’il fallait un nombre d’années
plus important avec un accès différencié selon que l’on soit ou non diplômé et titulaire d’une
maîtrise.
Pour les seniors, cela répond à la volonté de la Direction Générale de faire en sorte d’éviter
d’avoir une armée de généraux et de diminuer par la même les charges du personnel, ce qui
n’est pas sans créer d’autres problèmes comme celui du passage de relais ou de la bonne
transmission intergénérationnelle des connaissances entre seniors et jeunes novices. Toutefois,
ils reconnaissent que cela ne fait qu’accroître davantage les tensions et à le mérite de diviser
davantage le personnel en augmentant beaucoup plus le cloisonnement interne car chaque
service veut maximiser ses chances de réussite de passage en brillant plus que les autres par ses
informations, la qualité et la quantité des propositions qu’il pourra faire à la Direction Générale.
Le quantitatif est ainsi privilégié pour palier au qualitatif.
293
Ainsi, toutes les voies sont possibles, même les voies les plus détournées pour arriver à ses fins
et certains s’en font même un challenge de carrière, signe d’une réussite sociale.
205
Laufer Jacqueline, « La construction du plafond de verre : le cas des femmes cadres à potentiel », Travail et emploi n°102,
Avril-Juin 2005.
206
Pochic Sophie, « Les cadres ou la pertinence de comparer l’incomparable » in Cadres et comparaisons internationales :
Les « cadres » dans les pays d’Europe occidentale, sous la direction de Paul Bouffartigue, Les cahiers du gdr CADRES,
2002-2, Actes de la journée du 30 Novembre 2001 organisé par le LEST à Aix en Provence IX, Cadres, Dynamiques,
Représentations, Entreprises, Sociétés.
207
Laufer, Fouquet, 1997
294
La situation allemande concernant ce phénomène est relativement similaire à ce que l’on peut
constater dans les banques françaises mais différente du cas tunisien, pour la raison que les
banques allemandes favorisent également l’emploi masculin.
D’après Jacqueline Laufer, « les recherches sur les organisations et sur les phénomènes liés à
l’exercice du pouvoir ont longtemps ignoré la question du genre, toutefois plusieurs d’entre
elles témoignent désormais d’une reconnaissance de l’importance des relations de genre dans
la structure des organisations et dans leur dynamique (Calas, Smircich, 1992 ; Mills, Tancred,
1992) ».
Elle souligne également en parlant de dimension sexuée du pouvoir (Laufer, 1982) dans les
organisations (avec l’idée que le pouvoir organisationnel est masculin) que c’est E.A.
Fagenson208 (1993) qui a proposé « de considérer que la situation des femmes dans les
organisations est affectée conjointement par les différences de sexe (le genre), l’organisation
et le système social et institutionnel. C.Marry209 (2001) oppose des approches centrées sur la
« demande » à celles centrées sur « l’offre » ».
Pour elle plusieurs règles sont historiquement calquées sur des modèles masculins et peuvent
se révéler discriminatoires à l’égard de ces femmes qui ne sont pas « conformes » au
modèle210 (Laufer, 2001 ; Laufer, Fouquet, 2001 211; Pigeyre-Valette, 2004).
D’où selon elle deux grandes questions : la première est liée à la capacité des femmes à
« changer les normes en vigueur au sommet des organisations » et la deuxième concerne « la
volonté des entreprises de faire évoluer les facteurs responsables de la construction de la
rareté », à travers notamment la gestion des carrières et le développement de cultures
organisationnelles ouvertes à l’égalité et à la diversité.
En Tunisie, et au sein de la BMTP, même si nous avons pu voire plus haut que les hommes
sont en surnombre par rapport aux femmes, l’existence ou non de la notion de plafond de
verre peut produire des résultats contre intuitifs dans la mesure où les femmes cadres sont de
plus en plus nombreuses et qu’elles arrivent à occuper au sein de la banque des postes
208
Fagenson E.A., Women in Management, Trends, Issues and Challenges in Managerial Diversity, 1993.
209
Marry C., « Professions et genre », journée d’études Vers une sociologie française des professions, Université de Rouen,
2001.
210
D’après Jacqueline Laufer cela peut résulter également du fait que les femmes ont des choix et des stratégies propres à
elles. Elles donnent la priorité à leur rôle familial et accorde un rôle secondaire à leur emploi, d’où un faible degré
d’investissement et d’implication dans le travail (Hennig, Jardim, 1977), avec une différence de comportements et de qualités
par rapport aux hommes (Wajcman, 2003) qui peuvent avoir plus de facilité à manager une équipe, à s’intégrer dans un
réseau, à disposer d’une mobilité professionnelle (fonctionnelle) et d’une disponibilité, à gérer un stress plus élevé, à une
prise de risque plus élevée et à négocier une situation conjugale.
211
Laufer-J, Fouquet-A, (2001), « A l’épreuve de la féminisation », in P.Bouffartigue (dir.), Cadres, la grande rupture, La
Découverte.
295
hiérarchiques très élevés, contrairement à leurs homologues de banques allemandes et plus
généralement de pays occidentaux.
En effet, au niveau de la banque ci-dessus citée, la part des femmes cadres s’élève à 32%
contre 24% pour les hommes, même si celle des cadres supérieurs est à l’avantage des
hommes en nombre (45% contre 36%), elle reste potentiellement au bénéfice des femmes en
termes hiérarchiques de pouvoir, étant donné que la notion de cadre supérieur occupant des
responsabilités est indépendante de la notion de cadre évaluée sur une base d’avancement
horizontal.
Dans notre recherche et comme nous l’avons signalé en introduction, nous n’avons pas creusé
ce sillon inhérent à une étude beaucoup plus approfondie sur le genre et le concept du plafond
de verre, mais il serait fécond de le faire dans des travaux ultérieurs surtout que le rôle et la
place de la femme tunisienne peuvent être amenés à changer dans l’avenir du fait de l’apport
de la révolution tunisienne du 14 Janvier 2011.
Pour ce qui est de la question du niveau de formation en rapport avec l’âge, la plupart des jeunes
interrogées nous ont indiqué qu’ils avaient un âge compris entre 24 et 26 ans à l’intégration de
la banque et qu’ils étaient diplômés du second degré voire actuellement pour les plus jeunes
titulaires d’un troisième cycle spécialisé en finance ou ingénieur en informatique.
Pour les seniors en revanche, ils ont un âge supérieur à 49 ans et il existe une disparité entre
diplômés et non diplômés même si la plus grande partie des diplômés ne sont pas tous des
diplômés du second degré, mais pour beaucoup du premier degré.
Selon les seniors et les jeunes, il n’existe pas pour autant de personnes ayant un Doctorat, car
pour certains responsables ce n’est pas ce genre de profil qui est recherché et que généralement
la vocation de ce type de diplôme est réservée à l’enseignement dans des établissements
universitaires.
De plus, les détenteurs de ce genre de diplômes coûtent plus chères à la banque en termes de
rémunération donc en charges sociales et par conséquent ne sont pas jugés rentables pour elle.
Des seniors nous ont même révélé, avec amertume, le cas d’un candidat titulaire d’un doctorat
qui a été recruté dans les années 80.
Ils nous ont précisé que le chef de division de la direction formation a demandé au département
gestion des ressources humaines de corriger ce qu’il pensait être une erreur, étant donné que le
candidat avait été classé en tant que chef de service principal, ce qui correspond au dernier grade
avant le passage à la dernière catégorie de personnel de direction.
Ce dernier s’est aperçu par la suite de son niveau de formation académique et a procédé à son
affectation en accord avec « le département de la GRH ».
296
Le candidat a été placé dans un bureau sans qu’on lui donne de grands dossiers, ni d’attributions
précises, c’était une sorte de « frigo » et celui-ci a fini par démissionner pour aller vers
l’enseignement.
La plupart des interrogés, jeunes et seniors, nous ont affirmé qu’ils n’ont pas été tous pris en
charge par le département formation après leur recrutement.
En effet, pour les jeunes déjà, seuls ceux affectés au réseau des agences ont été pris en charge à
travers des programmes de formation dans le centre de formation intégré de la banque au départ
avec des animateurs maison considérés comme experts ou spécialistes de leur métier.
Ils ont à suivre une formation réservée aux cadres d’exploitation, appelée « Futur Cadre
d’Exploitation ou FCE ».
Cette formation est sanctionnée par une attestation de formation, suite à la réussite aux examens
et il s’en suit une brève période de formation.
Toute cette formation s’étale sur une période maximale de neuf mois dont deux à trois mois en
agence, en formation sur le tas.
Suivant le résultat aux examens, les candidats ayant eu les meilleurs scores peuvent prétendre
aux agences les mieux classées, catégorie une par exemple (pour des catégories allant de 1 à 4).
La formation alternée dont bénéficient les jeunes exploitants, c'est-à-dire une formation
théorique en salle suivie d’une formation sur le terrain peut manifester certains problèmes, car
même si la formation théorique peut être planifiée, ceci peut ne pas être le cas pour la formation
sur le tas au niveau du terrain et au sein de l’agence par exemple.
En effet, au niveau de l’agence les priorités étant celles du client, il se peut que les seniors ou
personnel en place censés assurer la formation et/ou la transmission des connaissances aux
jeunes ne soit pas entièrement disponible, étant donné que la planification d’un service aléatoire
comme l’arrivée des clients au sein d’une agence et qui dépend du phénomène d’occurrence est
difficile à prévoir et/ou planifier.
Pour le reste des jeunes, ils nous ont indiqué qu’ils avaient été directement affectés au sein de
directions centrales et formés sur le tas, à travers des superviseurs non officialisés, pour ensuite
faire leurs preuves sur le terrain.
Pour ce cas précis, la période de stage ou de formation sur le tas est encore plus courte car c’est
la pratique de la formation par l’expérience.
Les jeunes découvrent les différents types d’opération au moment où elles se présentent à eux.
297
D’où la possibilité de manquer certaines formations du seul fait de leur non apparition et de ne
pas maîtriser certaines opérations qui peuvent surgir alors qu’il n’y a pas eu de transmission
intergénérationnelle des connaissances.
Cela a même tendance en ces cas précis de valoriser davantage les seniors et de montrer que
l’expérience et les connaissances accumulées par ces derniers sont à considérer comme
importantes voire pour certaines situations difficiles, essentielles.
Les seniors en revanche nous ont indiqués qu’ils n’avaient pas été pris en charge, si ce n’est par
une formation sur le tas avec une tournée au niveau des différents services pour certains.
La formation sur le tas a tout de même été plus assistée que celle qui est prodiguée aujourd’hui
pour les jeunes, car il s’agissait de former des personnes pour pouvoir assurer le financement du
secteur et la mise en place d’un réseau d’agences.
Selon eux il existe toutefois une différence au niveau des diplômés et des non diplômés.
Les premiers étaient prisés et représentaient pour les responsables de l’époque les potentiels
futurs chefs de départements ou d’agence.
Ils ont donc été mieux traités en termes de formation, ils ont profité du maximum de
transmission de connaissances.
C'est-à-dire qu’en l’absence de centre de formation intégré, qui n’apparaîtra d’ailleurs que plus
tard (fin des années 80), les responsables n’hésitaient pas à les inscrire à des formations avec des
animateurs externes tunisiens ou étrangers en Tunisie ou dans d’autres pays comme la France,
certains nous ont même parlé de séminaires de la CEGOS.
298
uniquement au personnel diplômé du premier degré (Deug) en nous affirmant que cela
correspondait selon eux à un blocage (barrage) de plus vers une possible carrière ascendante.
Ceci contribue, selon eux, à donner davantage un sentiment d’emprise et de contrôle car les
nouveaux maîtrisards recrutés auront encore moins de possibilités d’ouverture que leurs aînés.
Par ailleurs certains départements disposaient de « la part du lion » et se voyaient accordés des
séminaires externes en Tunisie et à l’étranger beaucoup plus que d’autres.
C’est en règle générale les départements forts comme l’étranger, l’informatique, les crédits qui
passaient les premiers, le réseau de l’exploitation également dans une moindre mesure pour
assurer la bonne gestion des agences.
Le parent pauvre étant la formation et les autres départements de soutien comme la Gestion des
Ressources Humaines et d’autres encore.
Mais, il y a aussi une discrimination par la fonction et/ou le grade au niveau de ces séminaires.
Ainsi, il arrive même que, dans des structures de soutien, les responsables, chef de division et/ou
de département sont souvent invités à participer à des séminaires et passent avant de simples
cadres, même si le séminaire ou l’activité de formation les cible davantage, car ce sont eux les
gestionnaires des dossiers.
Donc, c’est en fonction de la structure mais aussi d’éléments subjectifs et aléatoires inhérents au
personnel que la participation à ces séminaires a lieu.
Pour les seniors, ils estiment être très rarement en relation avec le système de formation.
Seuls les plus motivés qui ont su manifester leur intérêt pour participer à un séminaire y ont
accès après de multiples réclamations verbales auprès de leurs supérieurs hiérarchiques et
beaucoup de temps.
Ceci a tendance à les irriter et à les user mais contribue aussi à faire qu’ils se résignent à ne plus
s’intéresser aux actions de formation et ils éprouvent un sentiment fort d’exclusion.
En effet, pour participer à une formation ou un séminaire non inclus dans le programme annuel
de formation, il faut que le chef de département fasse une demande au département Formation
pour que ce dernier puisse faire une proposition à la Direction Générale car toute dépense et
toute action de formation doit être approuvée par cette dernière.
Ils précisent d’ailleurs que, le département formation effectuait, vers la fin des années 80, un
additif au plan annuel de formation pour la prise en charge d’action de formation non prévues au
programme annuel et qui sont d’un grand intérêt pour la banque.
Ils regrettent aussi de ne pas être informés du contenu de ce plan de formation annuel ou de son
additif, ce qui témoigne encore, à leurs yeux, d’un cloisonnement et d’un manque de
transparence.
299
Actuellement la procédure a encore changé étant donné que l’on effectue un programme par
échéance plus réduite comme le mois.
C'est-à-dire qu’au départ, le plan annuel de formation, budgétisé et détaillé par type de
formation avec programme et curriculum vitae des animateurs était transmis au ministère de la
Formation et de l’Emploi pour agrément et retour à la direction formation de la banque.
Une fois les actions de formation agrées (séminaires externes et internes, stages et visites ou
échanges, cours bancaires et ITB, voire autre formation), le département de la formation
contactait les différents chefs de département concernés par chaque type de formation et leur
demandait de proposer des candidats.
A la suite de ces propositions de noms des candidats le département formation faisait une
proposition à la direction Générale pour accord.
Si c’était positif, le contact avec le cabinet de formation avait lieu et les candidats étaient inscrits
pour participer au séminaire.
De toute manière ce n’est qu’après réalisation effective que le ministère remboursait en fin
d’années les actions programmées pour l’année, au titre d’une ristourne sur la taxe
professionnelle.
Aujourd’hui, il n’existe plus un programme annuel sauf en interne, mais il n’est transmis au
Ministère que le programme des actions à entreprendre, et le remboursement se fait
immédiatement dès l’agrément pour favoriser l’action de formation à entreprendre et éviter les
problèmes de délais que le département de formation pouvait rencontrer.
300
En revanche pour les jeunes, ils jugent que l’expérience professionnelle et l’apprentissage ne
sont pas lourds puisqu’ils ont déjà des acquis plus importants, mais qu’ils apprennent à
connaître les relations de travail en réel et l’ambiance et/ou la culture interne de la banque.
Ils n’arrivent pas à comprendre les différents cloisonnements internes et se posent des questions
quant à l’avenir de la banque et de son personnel parce qu’ils connaissent les nouvelles
méthodes managériales et de gestion au sein d’un groupe et voient qu’il existe un biais flagrant.
Ce dernier ne favorise pas la communication et le partage mais plutôt les intérêts privés et le
repli sur soi.
Ils constatent donc que c’est tout l’inverse qui se passe et réalisent que la formation académique
est loin de la réalité de l’entreprise tunisienne, parce qu’ils constatent l’existence de baronnies,
de cloisonnements avec une absence de transparence et de partage de l’information.
De plus ils soulignent même que les tensions internes, concurrence, divisions, marginalisation
(plusieurs cadres se trouvent isolés) au sein même de l’entreprise qu’est la banque, sont monnaie
courante.
301
Pour les autres diplômes comme le DEA, il existe une meilleure reconnaissance mais les études
doivent être préalablement agrées par le responsable hiérarchique et la Direction Générale et
avoir un rapport significatif avec l’activité bancaire.
Toutefois, pour l’ITB, on n’a pas droit à l’erreur car un seul redoublement est permis, ce qui
n’était pas le cas autrefois.
De plus, il faut beaucoup de sacrifices, car les cours et examens ont lieu souvent le week-end, ce
qui n’est pas très compatible avec la vie de famille surtout quand on fait déjà 40 heures par
semaine.
Les études étaient considérées assez longues auparavant, car lors de l’ancien régime elles
duraient trois ans, alors qu’elles ne durent plus que deux ans aujourd’hui.
Ce qui est assez négatif c’est que l’on doit toutefois obtenir l’accord de son supérieur
hiérarchique pour pouvoir s’inscrire, ce qui peut être parfois problématique, car cela peut être
considéré comme une faveur ou un avantage accordé.
D’ailleurs, un chef de département qui a pourtant donné un accord écrit a même demandé au
service en question de ne pas inscrire un de ses cadres féminin prétextant que ces études
n’étaient pas importantes, qu’il ne les reconnaissait pas et qu’elles constituaient pour lui une
échappatoire pour les cadres, avec beaucoup d’entrée et de sorties.
Le problème aussi énoncé par les jeunes est que ces études favorisent l’accès à un poste à
responsabilité, ce qui n’est pas concrétisé en interne.
Les autres diplômes académiques comme les DESS ou Masters spécialisés ne sont pas bien
reconnus par la Direction Générale étant donné qu’ils ne donnent droit qu’à une bonification
d’une année d’ancienneté sans amélioration salariale, car la convention est restée floue par
rapport aux diplômes académiques en donnant toute la latitude à l’employeur.
Ainsi, ils sont traités au cas par cas et selon des variables subjectives et aléatoires déjà énoncées
plus haut, mais aussi suivant l’interprétation que la DGRH peut donner.
Pour les seniors, ils considèrent que pour l’ITB c’est toujours aussi enrichissant, même
aujourd’hui, car l’on est en relation avec d’autres collègues du secteur et des confrères de
banques privées d’où une possibilité de comparaison (benchmarking) et de positionnement,
mais aussi l’établissement de contacts utiles.
Certes, ils admettent qu’à leur époque c’était beaucoup plus avantageux que de nos jours,
car cela était plus souple à tous les niveaux et très encouragé, étant donné qu’il s’agissait des
premières promotions.
Certains nous avancent même qu’il y avait encore récemment une banque qui attribuait un grade
à chaque passage de classe, donc au final trois grades, d’où une ascension véritable au niveau de
302
la carrière (la Banque du Sud, aujourd’hui Ettijari Bank, dont un des principaux actionnaires est
le groupe Wafa Bank).
Concernant les autres diplômes, il n’existait majoritairement que des DEA, c'est-à-dire
aujourd’hui des Masters et ceux qui les entreprenaient s’orientaient vers l’enseignement.
La plupart ne choisissaient pas ce genre de diplôme, excepté de très rares cas, qui éprouvaient
par la suite des difficultés pour conjuguer travail au sein de la banque et études.
Ils admettent cependant que les conditions actuelles sont plus dures et que cela résulte du fait du
nombre croissant des demandeurs.
3.8.1 Une appréhension négative par rapport aux formations diplômantes qui
tient compte de l’effet génération
Il existe chez les seniors une appréhension négative par rapport aux formations diplômantes qui
tient compte de l’effet génération. Ainsi, ils n’envisagent pas et d’une manière unanime à
s’inscrire à ce type de formation d’autant plus que pour eux cela n’est guère encouragé par la
banque ni même reconnu à sa juste valeur.
De plus, comme ils ne prévoient pas de changer de banque, car ils ne trouvent pas que ce soit
intéressant, d’ailleurs ils nous expliquent que « les études sont de plus en plus difficiles d’accès, alors
pour nous cela doit être carrément exclu ».
Ils nous indiquent aussi que c’est de plus en plus cher alors qu’auparavant les études étaient
quasi-gratuites, excepté quelques frais administratifs insignifiants. Cela relevait de la politique
nationale de généralisation de l’enseignement instruite par le premier président de la république
tunisienne Habib Bourguiba, en 1956.
Aujourd’hui, précisent-ils, cela est en train de changer progressivement car il existe de plus en
plus de DESS, chose très rare à leur époque.
Les frais sont de plus en plus élevés, car l’on s’oriente vers une privatisation de l’enseignement,
avec de plus en plus d’établissements privés tunisiens et étrangers qui concurrencent le secteur
public au niveau des moyens et de la qualité de l’enseignement.
Un autre élément encore plus important est à souligner, il s’agit selon eux de l’orientation au
niveau de l’enseignement supérieur et public qui est décidée pour les nouveaux bacheliers, par
ordinateur avec des choix en rapport avec les scores obtenus au bac.
Ceci étant entendu qu’à un faible score est associé une possibilité limitée.
Même, pour ceux qui ne se sont pas inscrits à l’ITB, ils estiment que cela est tardif maintenant et
qu’ils ne peuvent plus reprendre les études qu’ils auraient peut être pu faire bien avant.
303
Ils sont d’ailleurs trop engagés au niveau des obligations familiales et externes que cela n’est
plus d’aucun apport pour eux.
Concernant les jeunes, la réponse est positive et unanime, car ils considèrent que c’est une voie
noble pour améliorer ses compétences et son employabilité, surtout dans le cas éventuel d’un
changement de banque.
D’où déjà une vision différente par rapport aux seniors, puisqu’ils entrevoient la possibilité de
changer.
C’est pour eux une question de maintien et d’actualisation des connaissances, mais aussi des
points supplémentaires au niveau du curriculum vitae (CV).
Ils nous indiquent que c’est à eux même de se prendre en charge, et ils trouvent que le menu
offert par la banque est assez limité, car au niveau de la banque il n’existe que l’ITB comme
diplôme reconnu et donnant droit à promotion, étant donné que c’est le seul diplôme supérieur
de banque du secteur.
Pourtant, certains préfèrent un diplôme plus général, ou d’une autre spécialité que celle des
techniques bancaires, qui permette d’ouvrir d’autres portes et éventuellement de corriger une
erreur d’orientation lors des études universitaires.
Ils nous ont même affirmé, que certains cadres de la structure organisation avaient entamés un
DESS en Organisation avec un établissement étranger, le coût des études était pris en charge par
la banque, mais il n’existait pas réellement de promotion à la clé, ou la question est demeurée
floue.
En effet, cela était considéré comme un avantage particulier exclusivement offert à certains
privilégiés de la structure, d’ailleurs, rares sont ceux au sein de la banque qui avaient une
information par rapport à l’existence de ces études.
Il semble même que c’est uniquement sur initiative des responsables de cette structure que cette
possibilité a été offerte, et il nous a été même demandé de ne pas en révéler l’existence, car les
responsables voulaient laisser cette possibilité à leur discrétion.
Pour les autres études, ils ont conscience que la banque ne les y encourage pas, car ils
considèrent que celle-ci pense qu’ils vont être détourné de l’intérêt principal pour lequel ils
devraient concentrer leurs efforts, à savoir la banque, mais aussi que ces derniers pourraient
avoir d’autres opportunités et que la formation et les connaissances qu’ils auraient acquises
profiteraient à une autre entreprise, une autre banque.
C’est d’ailleurs ce qui nous avait été révélé par des responsables du « Département Formation »
qui nous indiquaient que parmi les conditions internes pour pouvoir s’inscrire à l’ITB, il y avait
une condition d’ancienneté.
304
En effet, la banque estimait qu’au bout de ses trois ans le candidat aurait été titularisé à la fin des
deux premières années et serait beaucoup plus impliqué en interne qu’il ne pourrait plus lui
venir à l’idée de quitter la banque.
Ainsi, s’il entame des études comme l’ITB, cela sera bénéfique pour la banque, de plus elle lui
fera même signer un engagement pour l’assiduité au cours, pour qu’au cas où cette dernière
serait défaillante, c’est le candidat qui serait amené à supporter le remboursement de l’intégralité
des frais d’inscription.
Or, l’on sait que ces études coûtent environ plus de 10 fois le SMIG qui est approximativement
évalué autour des 220 Dinars tunisiens (environ 100 Euros), alors que la paie d’un jeune
diplômé à l’intégration de la banque dépasse légèrement le niveau de deux fois le SMIG.
C’est d’ailleurs pour plusieurs, une mesure assez contraignante qui repousse plusieurs candidats
qui ne peuvent être sûr de pouvoir être parfaitement assidus aux cours sur l’année à venir, car
aucune excuse n’est valable pour la banque.
Donc, il s’agit pour eux d’une grande prise de risques qu’ils préfèrent éviter pour garder une
marge de liberté et ne pas s’engager d’office avec la banque et être ainsi lié, mais c’est parfois la
seule voie toute tracée par la banque.
De plus, pour les salariés qui exercent au niveau du réseau, comme par exemple l’agence de
Jerba, les frais de transport sont coûteux, car la formation a lieu à Tunis et le directeur d’agence
ne souhaite pas trop laisser ses agents quitter l’agence pour suivre les cours, car dans l’immédiat
il n’en tire aucun bénéfice.
Ainsi, plusieurs agents procèdent par la procédure du débit de compte pour payer les frais de
transport qui seront pris en charge ultérieurement par la banque, à travers le département
formation.
Toutefois, ce remboursement des frais engagés se fera uniquement à posteriori moyennant un
certain délai qui peut varier de 10 à 20 jours, voire plus, et ce après présentation par les
candidats inscrits de justificatifs, comme le billet d’avion ou de train et des autres moyens de
transports utilisés, à la direction de la formation qui se situe à Tunis.
En conséquence, pour eux, la banque est perçue comme une sorte de moule dans lequel il faut
entrer pour être dans la norme et ne pas être considéré comme un outsider.
305
3.8.2 Une priorité absolue pour la « nécessité de service » face à la formation
professionnelle
Il est à signaler que la transmission des connaissances qui devrait s’effectuer par la voie ou au
moyen de la formation professionnelle reste tributaire de variables ou de conditions très
aléatoires, comme la volonté du supérieur hiérarchique direct, la possibilité de remplacement du
salarié en formation pour qu’il n’y ait pas un cumul de la charge de travail au retour à son poste
de travail, le remboursement des frais engagés par ces mêmes salariés pour assister aux cours,
etc...
En effet, la plupart les candidats (jeunes), sont assez réticents, car ils voient que s’il existe une
infrastructure pour la formation (textes et organisation de cours comme l’ITB ou les techniques
bancaires, voire d’autres encore) l’application sur le terrain, c'est-à-dire la déclinaison de cette
volonté n’a pas la même teneur ou force.
Deux jeunes nous ont même indiqués qu’ils avaient entrepris un DESS au sein d’un
établissement réputé, à Tunis.
Les études des deux jeunes avaient été préalablement agrées par la banque, ils avaient même
pris l’assurance auprès du personnel de la DGRH que leurs études donneraient droit à une
promotion au grade immédiatement supérieur en cas de réussite.
Le premier s’est même engagé et a pris une mise en disponibilité pour faire son mémoire de fin
d’études une fois la première année réussie avec un autre agrément pour mise en disponibilité de
6 mois.
Le second a préféré demander des autorisations de sorties pour assister à quelques séminaires et
procéder à la réalisation de son mémoire sans demande de congé prolongé comme une mise en
disponibilité.
Ces autorisations ont été déduites du congé comme lors de la première année lorsqu’il fallait
assister aux cours.
Elles ne touchent pas à l’évolution de la carrière à la différence de la mise en disponibilité qui
l’arrête et fait que l’agent ne perçoit plus ses émoluments. En fait c’est comme s’il ne faisait
plus partie de la banque pour quelques temps.
Toutefois, il nous a été précisé que la banque lui assure une place lors de la fin de cette mise en
disponibilité, mais ne garantie pas qu’il soit affecté au même poste.
Cependant, à sa grande surprise le premier des deux jeunes n’a obtenu, lors de sa réintégration et
comme le deuxième d’ailleurs, qu’une bonification d’une année de laquelle on lui avait retiré
les 6 mois de mise en disponibilité.
306
Il a donc fait une requête auprès de la direction Générale dans laquelle il a fait mention d’une
analyse de cas similaires qui avaient obtenus une promotion au grade immédiatement supérieur
et qui faisaient donc jurisprudence au niveau interne ou office d’usage et/ou de pratique interne,
qui a été toutefois classée sans suite.
C’est alors qu’il s’est alors orienté vers le syndicat, (sous entendu pour lui comme étant le seul
contre pouvoirs), pour être défendu et indique qu’il lui a été répondu après de multiples visites
que celui ci ne pouvait rien pour lui.
En effet, il lui a été rétorqué que quand il a entamé les études, il avait un grade de chef de
service principal, c'est-à-dire un grade charnière entre deux catégories, celle « du personnel
d’encadrement » et celle du « personnel de direction », dont le premier grade est celui de
« fondé de pouvoirs ».
En effet, il lui a même été précisé que la promotion à cette catégorie était assez difficile et
dépendait exclusivement de la volonté de la direction générale.
Autrement dit, il n’était pas habilité à le défendre, étant donné qu’il ne peut intervenir que
jusqu’à la catégorie de « personnel d’encadrement ».
Ce jeune nous a même affirmé que c’est alors qu’il avait compris que le syndicat était réservé au
« petit personnel », car le syndicat était, selon sa propre dénomination interne, « un syndicat de
base ».
Ainsi, il ajoute qu’ayant pris alors l’attache d’un des responsables, ancien chef de département
de la DGRH, à qui il avait demandé de revoir sa situation, il lui a été répondu par ce dernier que
pour la Direction Générale il avait était étiqueté comme ayant « suivi la voie des études », sous
entendu une voie qui est différente de celle des affaires ou de la banque, donc sans intérêt pour
les responsables de la banque.
Il savait pertinemment que s’il faisait appel à un tribunal administratif concernant le grade qui
lui incombait, ce qui lui a été d’ailleurs conseillé par des amis des départements de l’Inspection
et de l’Audit, il pouvait facilement obtenir gain de cause et obtenir le grade qui lui revenait de
droit, mais il pourrait aussi rencontrer des problèmes dans le déroulement de sa carrière au sein
de la banque, par la suite.
Conscients de cela les responsables de la banque lui ont uniquement accordé la possibilité de
bouger, c'est-à-dire de faire une mutation vers un service plus en rapport avec sa spécialisation,
mais toujours avec l’impression qu’il leur forçait la main, étant donné que la tendance est à
l’immobilisme.
307
Le second a toutefois négocié, d’une manière informelle et en faisant agir son réseau de
connaissances, il a ainsi obtenu une promotion dans le cadre de l’avancement annuel, d’une
manière assez discrète.
L’avantage pour la direction du personnel c’est que cette promotion ne sera pas vue et
interprétée comme une promotion suite à la réussite aux études, mais suite à un avancement
annuel des cadres de sorte que cela dissuade le personnel qui souhaite s’engager dans cette voie
des études.
Les salariés savent ainsi que les études ne paient pas (c’est donc également et dans une certaine
mesure une sorte de transmission de connaissances qui est faite ici) et cela intervient en tant que
mesure dissuasive.
D’où, pour certains jeunes encore un signe que les études sont à bannir, car elles représentent un
risque en interne pour leur évolution de carrière.
C’est le risque d’être classé par la banque comme quelqu’un de non engagé et de non
entièrement dévoué à la banque, quelqu’un qui a d’autres intérêts non réellement reconnus par la
banque dans la pratique.
Cependant et malgré tout, plusieurs indiquent vouloir s’inscrire pour un Master (ex DEA) en
finance, car ils estiment que la banque les reconnaît davantage, ne serait que sur le papier, et leur
donne droit à une promotion au grade immédiatement supérieur du simple fait qu’ils pensent
que le Master est plus coté que le Master spécialisé (ex DESS).
Ceci a même été vérifié pour quelques cas isolés, mais c’est oublier que le Master est à vocation
d’ « enseignement » et que le Master spécialisé est à vocation « entreprise ».
Ce qui est tout de même contradictoire pour une entreprise qui veut absolument fixer son
personnel, car le candidat peut dans ce cas s’orienter vers le monde de l’enseignement une fois
ses études achevées et réussies.
D’autres, beaucoup plus réservés, pour éviter d’être étiqueté (voire pour éviter toute
stigmatisation) préfèrent faire des études sans le révéler à la banque pour ne pas avoir de
problèmes en interne, cela ne concerne que des cas extrêmement rare.
Les seniors interrogés nous ont répondus que cette notion d’apprentissage concernait tout le
monde au sein de la banque et qu’elle signifiait pour eux le fait d’apprendre sur le tas.
C'est-à-dire qu’ils concevaient la banque comme l’entreprise artisanale de jadis avec le maître et
l’apprenti, donc un certain corps de métier.
308
Pour eux, c’est un peu comme le fait du jeune novice, aujourd’hui considéré comme un apprenti
et d’un superviseur ou tuteur considéré comme le maître, généralement assez ancien dans la
banque et très expérimenté, mais rarement très diplômé.
Ils donnent cette image en sachant qu’il existe aussi une formation théorique en interne, mais ne
considèrent pas que celle-ci s’apparente à la formation sur le tas dans son sens le plus approprié
et le plus conforme à l’esprit même d’apprentissage où il existe un rapport de dépendance du
jeune par rapport au maître, détenteur des connaissances clés et d’un réel savoir.
D’où des connaissances pratiques, validées sur le terrain par rapport aux connaissances
théoriques qui sont contrairement aux premières, ouvertes à tous, et facilement codifiables.
Ainsi, pour eux l’apprentissage est un passage obligé pour un jeune travailleur qui veut ou doit
s’intégrer dans une entreprise, cela rappelle un peu les règles internes qui peuvent contenir outre
des gestes ou réflexes mécaniques à accomplir pour une tâche, également une certaine culture
et/ou éthique du métier.
Il faudra pour se faire, assimiler cette culture interne de l’entreprise pour être parfaitement
intégré.
L’apprenti passera ainsi du « jeune bleu » au personnel portant le nom de l’institution dans
laquelle il travaille, et en deviendra à ce titre un digne représentant dans le contexte des banques
tunisiennes, il deviendra « un personnel BMTP ».
L’apprentissage est donc considéré par eux comme un processus de transformation de l’apprenti
en un jeune travailleur représentatif de l’entreprise, au moyen d’une transmission
intergénérationnelle des connaissances et savoirs faire.
Dans ce cadre le nouveau concept de formation reste très lié à cette transmission
intergénérationnelle des connaissances, voire la complète.
Pour eux l’apprenti est quelqu’un qui est sous la responsabilité du maître duquel il doit
apprendre les ficelles du métier qui sera bientôt le sien.
Le maître a une mission noble, qui consiste à lui apprendre un savoir faire qui lui assurera des
moyens de subsistance.
D’ailleurs plusieurs apprentis, au niveau de l’artisanat tunisien, payaient le maître, donc ce
dernier pouvait percevoir de l’argent de la part des apprentis qui lui étaient dévoués et
obéissants.
Une discipline sans faille et un labeur au travail devait toutefois lui être toujours démontré.
Ils nous indiquent que pour la banque l’on peut transposer certains éléments, étant donné que
que le jeune est également supervisé par un ancien, très expérimenté.
309
De plus, la banque ne reconnaît pas explicitement ce travail de formation sur le tas, même si elle
sait pertinemment qu’il est utile et important, car il représente la pratique sur le terrain, donc
l’action, qui est souvent plus appréciée par les responsables que tout élément théorique.
Ceci encourage certains seniors à dire que comme il est gratuit, il est socialement sans valeur,
sauf peut être pour certains jeunes, même s’ils indiquent avec regret que même ces derniers, à
l’image des responsables, et pour beaucoup, ne le reconnaissent pas à sa juste valeur.
En effet, selon eux, les jeunes sont pour beaucoup d’entre eux qualifiés par leurs diplômes et
classés en conséquence dans une bonne position au niveau de la grille des classifications et des
salaires.
Ils admettent aussi que, parfois cela contribue à effectuer des blocages au niveau de la
transmission des connaissances des seniors vers les jeunes, car leur position est meilleure que
celle de leurs aînés qui ont pourtant passés beaucoup d’années pour atteindre une telle position
et qui sont qualifiés par leur expérience, fruit de plusieurs années passées sur le terrain.
Pour les jeunes en revanche, cela signifie également apprendre sur le tas, mais ils pensent que le
terme convient plus pour l’industrie que pour la banque.
Selon eux, cela est réservé à un savoir faire manuel, avec une certaine culture du prolétariat
propre à chaque corps de métier.
Ils pensent que la banque, entreprise de service, est différente de l’industrie en termes de finalité
de l’activité.
C'est-à-dire que pour l’industrie il s’agira de produire un bien tangible facilement mesurable et
perceptible, alors que pour les services il s’agira de produire un service intangible et
difficilement mesurable.
Ainsi au niveau des services cela devient plus complexe, car il y a plusieurs dimensions qui
entrent en cause.
En effet, pour eux, certes il y a un savoir faire propre, mais il y a aussi des savoirs, et des savoirs
être, avec toute une culture interne de l’entreprise.
Le rôle de maître, tuteur ou superviseur, peut en ce sens être facilement dévolu aux seniors dans
la banque, seule catégorie socioprofessionnelle apte à assumer ce rôle aux yeux de la hiérarchie,
étant donné leur grande expérience et donc implicitement leur niveau de connaissances clés
inhérent à la pratique sur le terrain que ces derniers valorisent plus que toute connaissance
théorique.
C’est donc à eux qu’incombe la mission de transmettre un savoir auquel peuvent se greffer
plusieurs savoirs annexes, comme l’attitude ou le savoir être, le savoir faire faire ou déléguer,
etc…
310
Ceci dans l’objectif, selon eux, de permettre au jeune novice de s’intégrer dans la nouvelle
entreprise qu’est pour eux la banque en conservant ses vraies valeurs, ses connaissances clés
détenues par les seniors et en gardant tout l’héritage transmis de génération en génération.
Or, ils indiquent qu’ils ne sont guère motivés pour le faire, ils sont lassés et usés par le
quotidien, mais aussi par le fait qu’ils ont rarement la possibilité d’entretenir ou d’actualiser
leurs connaissances (obsolescence des connaissances) par volonté des responsables, soit de
réduire les charges ou de fixer le personnel, voire les deux à la fois.
Ils admettent toutefois que la responsabilité incombe aussi en grande partie à l’organisation
pyramidale et hiérarchique qui existe au sein de la banque, tout en déplorant un manque
d’information et de transmission des connaissances avec une volonté, certes non affichée, de les
mettre en avant, en tant que boucs émissaires.
D’après eux, les responsables ne souhaitent pas que les anciens transmettent tout ce qui
permettrait à un jeune d’être parfaitement intégré dans le sens énoncé plus haut.
Ils souhaitent même qu’il n’y ait pas de rapprochement entre les générations, car ces dernières
pourraient faire bloc et devenir une force agissante et considèrent que l’idéal pour les
responsables est de « diviser pour régner », donc de favoriser implicitement le conflit de
génération, même si cela est difficile à croire.
Ils font même en sorte, à travers des recommandations bien précises, que les anciens
transmettent uniquement le savoir et/ou savoir faire, tout en essayant par tout moyen jugé utile
de ne pas laisser filtrer les jugements de valeur de ces derniers surtout par rapport à leur carrière
ou à la hiérarchie.
La plupart des jeunes, qui veulent d’ailleurs rester dans l’anonymat le plus complet, affirment
que « l’enjeu est un enjeu de pouvoir au niveau des collectifs de travail ».
En effet, ces derniers précisent que s’il arrive que les anciens transmettent effectivement ces
savoir être ou jugements de valeur qui peuvent être négatifs, car témoignant d’une certaine
exploitation des ressources humaines de l’entreprise qu’est la banque, les responsables
hiérarchiques pourraient peut être ne plus pouvoir contrôler les jeunes, ou avoir autant d’emprise
sur eux.
Ceci, d’autant plus que la notion de service propre au métier bancaire, impose beaucoup plus de
relationnel que dans l’industrie où l’apprenti est sur un poste de travail, mais également
beaucoup plus de possibilités de biais.
Cet élément a d’ailleurs été soulevé par Fédérico Pasin, Professeur à HEC Montréal lorsqu’il a
remarqué que les ingénieurs qui élaboraient des procédures et des machines, ne pouvaient en
311
aucun cas être garant de la qualité du service qui allait être servie au client tant il pouvait exister
des biais au moment et au niveau de la réalisation de la prestation de service par la ressource
humaine.
Toutefois, ils s’accordent à dire que la banque c’est aussi une industrie étant donné que l’on tend
vers ce modèle du poste de travail, mais adapté aujourd’hui au service d’où « une industrie du
service ».
Pour les jeunes cela représente un grand moment de découverte et d’enthousiasme, car ils se
trouvent dans le réel, au sein de l’entreprise qu’est la banque, et ils ont encore une facilité
d’apprentissage.
Ils ne se considèrent plus dans le monde de la théorie, et vont bientôt faire partie du monde des
travailleurs à part entière avec un métier à la clé et une nouvelle identité et entrevoient déjà un
nouveau statut, ils se forment pour devenir banquier.
Selon eux, c’est aussi une marque de prestige, étant donné que le banquier a une bonne position
sociale, c’est un métier à col blanc et où l’on gagne normalement assez bien sa vie, on peut
même ajoutent t-ils, y mener une carrière.
C’est, aussi la sécurité de l’emploi, et ils sont avides de savoirs et prêt à démarrer une longue
carrière sans pour autant porter de jugement négatif quant aux seniors, mais sont beaucoup plus
solidaires d’eux, même si certains d’entre eux jugent ce sentiment en tant qu’émanant d’une
hypocrisie déguisée.
En effet, l’entreprise est aujourd’hui considérée comme « une jungle » où l’on doit prendre sa
place et s’affirmer, étant donné les divisions et le sentiment de peur existant.
312
Toutefois, cette solidarité qui intervient pour plusieurs jeunes comme une sorte de régulation
autonome et naturelle qui se fait par ces derniers peut déplaire aux responsables.
De plus, pour les jeunes qui se projettent dans l’avenir, plusieurs vecteurs d’influence sont à
prendre en considération comme les vecteurs culturels, religieux et sociologiques, même s’il
règne globalement et malgré tout un sentiment implicite de suspicion et de méfiance, des uns par
rapport aux autres, au sein de la banque.
Pour les seniors cela représente un moment important dans la mesure où ils passent de l’autre
côté de la barrière et qu’ils s’improvisent en tant que tuteur ou superviseur, à l’image du maître
dans l’artisanat ou de l’enseignant dans l’école ou l’université.
Ceci constitue une mission noble et valorisante pour la plupart, car ils se perçoivent comme
responsables, ne serait ce que virtuellement.
Cependant, certains ne voient pas cela du même œil et considèrent beaucoup plus cela comme
une dégradation dans la mesure où la formation dans l’entreprise est une fonction non reconnue,
car non rémunératrice, ni même productrice d’avantages et redoutent même que cela ne soit
annonciateur d’un isolement à venir et d’une vieillesse précoce et admise.
A l’image des responsables, ils considèrent la formation comme un coût et non pas comme une
ressource, d’où le département formation et le personnel qui y travaille ne sont pas considérés au
sein de la banque comme importants comparé au département crédit, car ils ont uniquement une
fonction de soutien et d’assistance.
Ils ne sont donc pas considérés comme créateurs de richesses palpables ou quantifiables, d’où
encore la mise en évidence de la suprématie de l’économique par rapport au social.
Au sein de la « BMTP », il existe une diversité des facteurs intervenant dans ce processus
d’apprentissage aussi bien pour les apprenants que pour les formateurs.
D’après la majorité des jeunes, l’encadrement, la supervision, l’assistance, le conseil et la
formation, outre un transfert d’héritage culturel propre à l’entreprise, peuvent intervenir dans
cette phase d’apprentissage.
Quant au processus de transfert intergénérationnel des connaissances entre seniors et jeunes
recrues, les points de vue des uns et des autres vont être développés ci-après.
Pour les jeunes, ils admettent que les sentiments d’acceptation et de reconnaissance sont de
mises dans ce processus d’apprentissage avec les seniors et indiquent que si ces sentiments
n’existent pas, le processus d’apprentissage et de transmission intergénérationnel des
connaissances aurait du mal à réussir.
313
Ces éléments sont indispensables pour un bon déroulement de cet apprentissage et/ou
transmission intergénérationnelle des connaissances, autrement ce serait la remise en cause de
l’expérience de ces seniors à travers un conflit de génération assez naturel.
Ainsi, la plupart sont conditionnés par ces sentiments et se projettent même dans l’avenir, ce qui
fait qu’il existe véritablement une complémentarité entre les uns et les autres et une grande
collaboration qui ne fait que renforcer le sentiment de considération pour l’expérience acquise et
le savoir faire.
Ils affirment que c’est généralement aussi le fait de récits avec des anecdotes et des solutions
improvisées et imagées qui sont très vite captées d’une manière positive.
Pour les seniors, ils sont aussi majoritairement pour tous ces rôles, mais indiquent que ce rôle
n’est pas naturel et qu’il doit être encouragé, aussi bien par les jeunes, que par les responsables,
pris séparément ou ensemble.
Pour autant, même si cela est perçu comme étant difficile, cela demeure possible.
Ils admettent que cela peut leur demander plusieurs efforts, mais précisent qu’ils peuvent
compenser du fait de leur expérience qui a été basée sur une méthodologie pragmatique, ils
indiquent que ces jeunes leur rappellent leurs débuts à la banque.
Ils éprouvent majoritairement et à l’égard des jeunes beaucoup d’empathie et leurs témoignent
de l’attention, car ils savent que ce passage est difficile et essaient dans la mesure du possible de
donner de leur personne (en temps, connaissances, assistance et formation) pour les aider
comme l’ont fait d’une manière relative certains anciens avant eux et à leur égard.
C’est une sorte de roue de la vie, un passage de témoin ou de flambeau pour un idéal peut être
utopique de valeurs nobles (justice, égalité, etc…).
Certains ne cachent pas qu’il existe effectivement de la complaisance et de la peur, parce qu’ils
se méfient de ces jeunes, généralement diplômés, alors que pour eux la plupart n’ont pas eu la
chance de pouvoir étudier pour de multiples raisons.
Ils indiquent toutefois que cela dépend du jeune qu’ils ont en face, car pour eux cela reste
conditionné par un bon comportement et une bonne attitude des jeunes qui ne doivent en aucun
cas paraître opportunistes et/ou hypocrites.
Ceci est motivé par l’appréhension et la peur que ces jeunes ne leurs prennent leur place trop
vite, affirment même certains.
C'est-à-dire que ces jeunes les « utiliseraient », et/ou « les exploiteraient » comme l’ont fait les
responsables (supérieurs hiérarchiques) et passeraient devant eux pour d’autres promotions par
exemple.
314
Pour d’autres, il y a fusion (voire confusion), l’intérêt de la banque étant assimilé à leur propre
intérêt, car il faut penser à l’avenir de la banque, aux retraites mais aussi à l’image de marque
de l’entreprise où ils ont passé le plus clair de leur vie.
Ces derniers s’identifient à la banque et à un groupe de personnes, c’est pour eux un sentiment
partagé et assez développé qui est fondé sur des convictions fortes de mérite et de labeur.
Ils sont attaché à la banque et encore dévoué, car ils y voient « l’allié de leur réussite » comme
l’indique le slogan commercial de la banque, mais aussi une partie d’eux même, c’est donc un
phénomène identitaire assez développé.
De très rares cas nous ont parlé de l’intérêt de la banque et par extension de l’intérêt général
alors que beaucoup semblaient uniquement l’admettre sans réellement y croire.
315
Selon eux, les aînés profitent donc du flou pour s’approprier à leur tour une sorte de pouvoir
discrétionnaire et ne transmettent leurs connaissances qu’au cas par cas suivant de multiples
facteurs (régionalisme, réseau de connaissances, recommandation, etc…).
De plus, cela fait partie du jeu des employeurs, dans la mesure où les responsables hiérarchiques
directs préfèrent que les jeunes se débrouillent d’eux même et affichent leur autonomie, car le
travail urgent sur le terrain, autrement dit l’action, est souvent l’affaire des personnes les plus
disponibles comme les jeunes.
Les jeunes indiquent également que les seniors les considèrent comme étant encore assez naïfs
et que toute connaissance ou information transmise pourrait se retourner contre eux, de bonne
ou mauvaise foi.
Il devient ainsi logique qu’ils préfèrent être sur leurs gardes, car ils sont conscients que cela ne
serait pas apprécié par les responsables.
Ils évitent donc de donner un maximum et s’en tiennent au strict minimum, ce qui n’est pas fait
pour faciliter la compréhension, surtout pour des dossiers où il faut avoir une certaine expertise
nécessitant beaucoup de recul.
Certains nous ont aussi affirmé que si ce processus ne marchait pas c’est aussi peut être, parce
que les seniors prennent leur revanche vis-à-vis des responsables, même si cela se fait au
détriment des jeunes qui interviennent en fait ici comme victime.
Pour les seniors, ce processus pourrait être amélioré si au niveau de la banque il y avait plus de
transparence, et de reconnaissance.
En effet, pour eux, ils ne sont pas autorisés à tout dire, ni même à révéler des expériences qui
pourraient fâcher les supérieurs hiérarchiques, même si cela n’est pas expressément dit ou
contenu dans des textes mais reste de l’ordre de l’implicite.
D’ailleurs, ils ont le sentiment de ne plus peser lourd pour les responsables de la banque étant
donné qu’on leur propose déjà des plans de préretraite auxquels ils réfléchissent beaucoup.
Certains y adhérent déjà, car ils trouvent qu’ils ont tout donné à la banque et que la nouvelle
organisation en place ne va pas les valoriser, bien au contraire.
Ils pensent même qu’ils vont être mis en concurrence avec les jeunes beaucoup plus adaptables
et fraîchement diplômés, et n’ont plus envie de redoubler encore d’efforts pour ne rien obtenir
au bout du compte et préfèrent donc terminer les années restantes sans trop de dégâts pour avoir
une retraite complète au niveau des points.
L’un des seniors nous a même affirmé qu’il n’attendait plus que ce moment là, tellement il se
sentait isolé.
C’est donc pour beaucoup, un sentiment de solitude, de marginalisation qui se met en place.
316
Pour eux, si on leur confie la tâche de superviser des jeunes, en formation sur le tas, ce n’est pas
une demande où ils pourraient répondre par oui ou par non, mais plutôt une obligation, car
personne n’aurait le temps d’assurer cette mission qui n’est pas reconnue en soi.
En effet, c’est une formation qui n’est pas mobilisée par des écrits, mais du verbal, et une
communication horizontale essentiellement entre seniors et jeunes, même si l’on peut exiger un
rapport de stage écrit.
Or, ceci est rarement fait pour une formation sur le tas sauf pour les étudiants qui viennent en
stage à la banque et doivent réintégrer la faculté après leur stage.
En fait, pour le management de la banque cela permet de vérifier et de contrôler le contenu des
informations que l’étudiant a reçu et qu’il va pouvoir diffuser en externe, hors de la banque.
Cela constitue en fait un droit de regard qui permet de censurer des données chiffrées jugées
confidentielles ou des informations internes compromettantes pour la banque et son
management.
Ainsi, les seniors considèrent que superviser et encadrer des jeunes constitue une obligation,
voire pour certains « une corvée » sans aucun apport pour eux.
Ceci, d’autant plus qu’il ne s’agit pas d’une activité normalisée, ni même jugée importante par
le personnel lui-même qui peut la considérer comme un aboutissement, une déclaration ou
l’annonce d’une « fin de carrière ».
C’est, d’ailleurs pour la plupart, à partir de là qu’ils prennent conscience d’un véritable
« sentiment de fin de vie professionnelle ».
Mais, cela ne veut pas dire qu’ils ne l’avaient pas déjà pressenti, tout au plus ils en prennent
beaucoup plus conscience concrètement à ce moment là, car la plupart ne nous cachent pas
qu’ils gardaient toujours un peu d’espoir de se voir confier un grand projet d’envergure pour la
banque.
Pour eux cela signifierait une reconnaissance des efforts déployés pendant toute une carrière
et la consécration d’une réussite professionnelle.
Ainsi, la transmission des connaissances dépend pour une grande part de l’interaction entre les
jeunes et les seniors, puisqu’il n’y a aucun texte ou aucune attribution clairement définie, ni
même une rétribution pécuniaire, qui permette de les responsabiliser à ce sujet et au sein de la
banque.
Plusieurs facteurs, internes ou externes voire les deux à la fois, peuvent intervenir en tenant
compte de la singularité des uns et des autres et en influençant le processus.
317
Ils nous indiquent que cela ne rentre pas dans le cadre de leurs prérogatives à la différence des
formateurs permanents du centre de formation intégré de la banque où là c’est réellement leur
métier.
Cela présuppose, toujours selon eux, de l’existence d’une certaine pédagogie qui doit être
requise, car il existe beaucoup de subjectivité dans ce processus de transmission
intergénérationnel qui met en jeu des personnes qui ne présentent pas les mêmes caractéristiques
démographiques, ni même culturelles ou professionnelles et que beaucoup de choses peuvent
séparer.
Toutefois, ils reconnaissent qu’ils ont tout de même une chose en commun c’est le travail au
sein de cette entreprise qu’est la banque, mais aussi le fait d’être réunis les uns avec les autres à
un moment précis de leur carrière, les uns au début, les autres à la fin.
Pour eux la transmission intergénérationnelle des connaissances dépendra presque entièrement
de la volonté des uns et des autres (jeunes et seniors) de leur position dans le processus de
communication suivant que l’on se trouve être émetteur ou récepteur, des acteurs en place, de
leur état psychologique et physiologique à ce moment là, du comportement et de l’attitude des
jeunes et des seniors.
Selon eux, les jeunes se doivent d’être très coopératifs et de présenter un réel intérêt pour les
connaissances que leurs aînés (seniors et/ou anciens) peuvent leur transmettre et pourront être
plus enclin à transmettre s’ils considèrent des facteurs comme le régionalisme, la
recommandation externe et interne, la réciprocité, la complaisance, l’empathie.
Ils peuvent être beaucoup plus réticent s’ils ont peur de représailles de la part des responsables,
si la personne entre dans un système de réseau interne non affiché dés le départ, le système des
réseaux en général ou qu’ils le ressentent imprégné d’opportunisme.
Par ailleurs, cela peut être directement lié à la personnalité du senior comme du jeune qui sont
mis en relation, à leurs traits de caractère, leurs attitudes, leurs comportements, leur sociabilité,
leurs facilité de communication et leur ouverture aux autres et au monde externe, selon qu’ils
sont extravertis ou introvertis, car ces éléments peuvent intervenir comme éléments facilitateurs
ou comme éléments handicapants pour toute action.
Ils ajoutent que cela peut également dépendre du cadre environnemental dans lequel les uns et
les autres vont se trouver et qui peut être le réseau ou les directions centrales, un bureau
individuel ou un bureau avec plusieurs personnes qui peuvent de chaque manière influer sur les
réponses ou les connaissances, les censurer, les souligner ou encore les amplifier, voire autres
encore.
318
Mais, cela peut être directement lié à la personne du jeune et sa tête (faciès ou tête du client),
c'est-à-dire son paraître et ce qu’il dégage, c'est-à-dire est il sympathique ou non, a-t-il un
pouvoir charismatique ou non, sait il se faire accepter ou non ?
Pour les seniors, les points forts de ce processus sont le fait d’une mise en relation entre deux
générations différentes avec tout ce que cela peut engendrer comme richesse, teneur au niveau
des échanges et améliorations ou actualisation des connaissances.
Selon eux, il y a entre jeunes et seniors une complémentarité, car les jeunes sont beaucoup plus
armés d’un point de vue théorique alors que les seniors sont beaucoup plus pragmatiques et
réalistes.
Ils précisent que pour eux c’est le fait d’apprendre beaucoup de choses déjà de la part des
jeunes, au niveau attitudinal et comportemental, mais aussi au niveau réflexion et psychologie.
Ces derniers ajoutent même qu’ils apprennent beaucoup, ne serait qu’en théorie, et discutent
même de certains aspects très techniques avec les jeunes ce qui leur permet de confronter
approche théorique nouvelle et pratique empirique sur le terrain.
Cela peut, même à leur sens et à certains égards, être révélateur de choses beaucoup plus
importantes, aussi bien pour les uns que pour les autres, car certaines vérités peuvent choquer
les jeunes qui proviennent d’un monde jugé innocent et assez idéaliste, que les seniors eux
mêmes ou anciens.
Plus encore, cela permet d’éviter aux jeunes de faire des erreurs voire de les minimiser, mais
également de permettre à certains de réaliser plus facilement leur rêve.
C’est donc une sorte de mise en condition ou un atterrissage en douceur pour les jeunes à
l’initiative de ces seniors ou anciens, véritables instructeurs.
Ils atténuent la chute et permettent une mise en garde, c’est en fait le « bison futé » de la banque
non officialisé.
Concernant les points faibles, pour la plupart il n’en n’existe pas.
Ils indiquent tout simplement que les conseils et les ficelles du métier ça se mérite et qu’il ne
sera transmis que peu de connaissances aux jeunes arrogants et prétentieux.
De plus, comme cela n’est pas normalisé, ils affirment qu’ils n’ont pas réellement de compte à
rendre à leur hiérarchie à propos de la formation de ces jeunes, sauf cas exceptionnel, par
exemple pour un jeune très bien recommandé par la Direction Générale (management de la
banque).
319
Mais, pour de très rares cas et qui l’avouent, c’est le fait de donner la culture interne de
l’entreprise, et d’en révéler les points positifs, mais surtout négatifs qui contribueront à donner
une image globale et réelle du travail dans une banque que les jeunes garderont en mémoire.
Quant aux sentiments éprouvés par les seniors vis-à-vis des jeunes, il n’y a pas d’unanimité en
la matière.
En effet, cela peut aller de la sympathie et de l’acceptation ou au contraire au rejet pur et simple,
car ils indiquent que cela dépend des variables que nous avons citées plus haut.
Pour les jeunes, les points forts sont la découverte et l’introduction progressive dans le monde
du travail à travers les seniors ou anciens avec la possibilité d’obtenir les ficelles du métier,
voire en bonus des secrets ou recettes qui permettent d’économiser des efforts et de faciliter une
ascension rapide aux meilleurs postes.
Les points faibles sont le fait de tomber d’une manière aléatoire, soit sur un senior enthousiaste
et fier de sa carrière et alors ils y gagnent affirment-ils, car il y a plus de conviction et d’échange
productif, ou sur un ancien complètement lassé et démotivé et là ils y perdent beaucoup
s’exclament-ils, car cela déteint sur eux.
Ainsi, selon les cas, les jeunes auront une idée positive ou négative de la banque et de leur
avenir, même s’il n’y a pas une vision unanime, car il n’existe pas à ce niveau un code de
déontologie ou des normes spéciales à respecter.
A cet effet, ajoutent-ils, les sentiments varient des uns aux autres, cela peut aller de la
compréhension, à la valorisation ou tout simplement et au contraire au sentiment de supériorité.
Pour les seniors, le système d’apprentissage était paternaliste au départ dès la période post
coloniale, la banque était même considérée comme faisant partie d’un secteur d’activité noble et
protégé.
Certains considèrent qu’il l’est encore pour certaines structures comme certaines agences ou
départements où les seniors veulent se mettre sur « un piédestal » et affirmer leur autorité, autre
que par des textes et une voie formelle qui sera limitée, mais beaucoup plus par la voie
informelle réputée plus souple et donc plus large.
En effet, un chef d’agence qui use de paternalisme pourra ainsi profiter de l’aspect de
soumission, à l’image de l’autorité parentale forte comme dans beaucoup de familles
maghrébines où règne le patriarcat des premières années d’indépendance.
Toutefois, ils font remarquer qu’aujourd’hui, dans la majorité des cas ce sentiment paternaliste
existe encore, il n’est plus l’œuvre exclusive des anciens, mais plutôt de toutes les générations.
320
En effet, toute personne ayant pris un poste à responsabilité peut en user encore pour augmenter
la rentabilité de sa structure.
C’est un outil de pouvoir, même si la tendance est à l’affranchissement de l’autorité parentale au
sein de la banque.
Ils nous affirment qu’avant cela concernait surtout les vieux clients qui avaient une certaine
notoriété. Ils entraient à l’agence et en usaient pour éviter de faire soi même des tâches ingrates
comme les photocopies ou toute sorte de corvée qui était en rapport avec une opération en
agence, pourtant à leur profit, et qu’un client normal aurait fait tout seul.
C’est, précisent les jeunes, « en quelque sorte une exploitation du fait de la fibre sentimentale qui existe en
chacun de nous et qui consiste (pour les anciens) à donner des scrupules ou un sentiment de culpabilité si l’on
ne réalise pas ce que ces derniers s’attendent de nous, car quoi de plus précieux que ses parents ou ses enfants ».
Ils agissent ainsi directement sur le psychologique des personnes qui les entourent pour
parvenir à réaliser leurs objectifs, ce qui, pour beaucoup, est répréhensible.
Toutefois, ils nous indiquent que plus personne maintenant n’est dupe, et chacun réserve ce
sentiment et l’autorité qui lui sied aux vrais parents.
Pour les jeunes, la majorité nous indique que le système d’apprentissage est encore quelque peu
paternaliste, surtout lors de l’intégration.
En effet, ils savent pertinemment que les seniors les considèrent comme étant encore bleu, étant
donné qu’ils ne sont pas encore titularisés.
Ils peuvent donc être exploités par les seniors et/ou anciens, sous couvert de paternalisme et
d’apprentissage ou de transmission intergénérationnelle des connaissances.
Toutefois, ils indiquent que c’est réellement de l’exploitation, car les seniors les utilisent pour
éviter de faire eux mêmes des tâches ingrates (comme remplir un courrier dans des enveloppes
ou aller chercher des documents d’une autre structure assez éloignée).
Cependant, une fois titularisés, donc ayant les mêmes droits et disposant d’une place à juste
titre, les jeunes affirment qu’ils ont plus d’assurance et s’affirment.
Ils perdent de leur naïveté et ce système d’apprentissage par sentiment paternaliste, sorte de
bizutage interne, est vite dépassé.
321
3.11 Conditions de travail et effet de génération : compatibilité ou
conflit ?
Les seniors interrogés nous ont répondu que leur avenir était derrière eux, et que tout était tracé.
Ils n’envisagent guère un quelconque changement de leur carrière, jugé par la plupart comme
suicidaire de nos jours et étant donné la conjoncture économique (beaucoup de chômeurs du
supérieur et un pouvoir d’achat qui diminue de jour en jour).
De plus, ils indiquent pour ce qui est de l’expertise et des connaissances acquises tout au long de
leur carrière que ces compétences pourront être utilisées dans la retraite, s’il est fait appel à eux,
mais que cela ne se fera pas gratuitement.
Ils indiquent aussi que si une opportunité alléchante se présentait à eux ils essaieront de tirer
profit de leur riche expérience et de ne pas la laisser passer.
Les jeunes, nous ont indiqué quant à eux qu’il y avait beaucoup de possibilités en tant que
consultant ou formateur dans des entreprises ou établissements privés, même s’ils précisent que
cela dépendra de la volonté et de l’attitude des seniors en question, car disent-ils, il faut savoir
se vendre.
En effet, selon eux, beaucoup de seniors arrivent au terme de leur carrière avec « un sentiment
de fin de vie professionnelle » comme énoncé plus haut, et ne sont guère prêts à vivre d’autres
expériences, ils n’ont plus le moral.
D’ailleurs, la retraite sera difficile à vivre pour eux, car le tissu associatif est difficile d’accès
s’ils n’ont pas pris le temps de s’y introduire au préalable tant qu’ils étaient encore en activité
étant donné que l’identité sociale se fait par le travail et les échanges entre les uns et les autres.
Ils soulignent également que les seniors ont souvent un sentiment d’incomplétude et
d’insatisfaction, car ils veulent profiter de la vie, et ils ont l’impression d’avoir vécu la majeure
partie de leur existence en vase clos.
Ceci est assez facile à admettre, parce que la banque est, par certains aspects, assimilée à une
industrie du service bancaire.
Ainsi, à la division traditionnelle du travail, établie par Taylor au niveau de l’industrie et
développée sous l’appellation, mondialement connu aujourd’hui, d’organisation scientifique du
travail (OST), nous assistons aujourd’hui au sein de la banque et par analogie à une division
interne entre le Front office qui peut représenter l’exécution du service bancaire et le Back
322
office, où sont développé les produits et le contrôle de toutes les opérations bancaires, donc en
quelque sorte la conception.
Ford et plusieurs autres disciples ont repris l’analyse de Taylor et l’ont complété, critiqué,
amélioré, mais il demeure que la rigueur, le système de hiérarchie, et la discipline, avec un
respect religieux de l’horaire, ont été maintenus.
Toutefois, selon les jeunes, il ne faut point généraliser et il existe quelques seniors qui ont quand
même « tiré leur épingle du jeu ».
Ce sont les plus motivés, ceux qui ont le sentiment d’avoir réussi leur carrière et qui veulent
donner davantage, ils vont sûrement pouvoir rebondir et la retraite sera vécue comme un
accomplissement et un réel épanouissement.
Pour les jeunes, l’ambiance au travail est jugée très tendue, lourde, et les rapports entre les
différentes catégories assez cloisonnés, même si entre les générations il n’existe pas d’exclusion
affichée.
Il n’existe pas de transparence, ni de fluidité de l’information et une grande méfiance entre les
uns et les autres.
Le conflit de génération est latent, il est bien camouflé, car en surface c’est comme s’il
n’existait pas, et n’est réellement bien ressenti et perceptible que dans les moments durs de
surcharge de travail, aussi bien en agence que dans les directions centrales relevant du siège et
lors des promotions de fin d’année.
Il existe une communication horizontale tout autant que verticale et les collaborations sont assez
difficiles, car elles souffrent de divisions internes, de cloisonnement, et de baronnies.
De plus, le strict respect des circulaires et des consignes comme les notes de service internes ou
de l’horaire assez rigide mettent une tension supplémentaire qui fait que les jeunes ressentent
cela comme une pression interne forte, avec trop de rigidité et de règles.
Ceci a pour effet de tuer l’initiative, de réduire l’autonomie, et d’accroître le sentiment de
dépendance vis-à-vis de la hiérarchie.
Mais, plus que tout, ce que les jeunes ressentent c’est un pouvoir hiérarchique fort et centralisé
sous l’organisation classique de la pyramide, où tout est décidé au niveau de la Direction
Générale.
323
Toutefois, les différentes structures interviennent en tant qu’aide à la décision en lui
transmettant, des propositions où sont consignées toutes les informations nécessaires pour
qu’elle puisse décider.
Pour les seniors, l’ambiance est assez tendue également et ils se plaignent des rigidités internes
qui pèsent et tendent, selon eux, à effacer la personnalité des gens.
C’est comme si on vous demandait d’exécuter sans réfléchir ou sans donner votre avis, ce qui a
pour effet, à long terme, d’user le moral du personnel.
Pour eux, la priorité pour la banque au niveau de ses ressources humaines étant de ne pas faire
du cas par cas, mais de mettre tout le monde dans le même sac et veiller à fixer son personnel
pour pouvoir le contrôler, l’administrer.
Cependant, ce qui est difficile à admettre c’est que ce n’est pas le cas, et il y a beaucoup de
privilégiés et de copinage.
Cela se faisait « en cachette » avant, mais depuis quelques temps, cela se fait « aux yeux et aux
sues » de tout le monde.
Ils indiquent que c’est aussi et surtout une tendance à l’immobilisme et l’obligation de rentrer
dans la norme qui est fixée par la Direction Générale (le management de la banque).
Certains, nous affirment même qu’au niveau du siège, où est établie le management de la
banque (la Direction Générale) c’est encore plus strict que dans les agences, car cela doit être
exemplaire, à telle idée que le personnel ne peut disposer et consommer un café que sur place,
sans bouger de son poste (phénomène du passage de chariot).
Les entrées comme les sorties de l’effectif sont très contrôlées et filtrées, donc des libertés très
restreintes voire limitées, à la différence des structures éloignées où il y a plus de souplesse.
De plus, ils ont l’impression de ne pas être écouté et savent que toute incartade par rapport aux
règles sera sévèrement sanctionnée par la hiérarchie, cela peut aller du simple rappel à l’ordre au
blâme avec inscription au dossier, voire à la rétrogradation ou la mise à pied et peut même aller,
dans de graves cas, jusqu’au licenciement.
Mais, ils déplorent aussi le cloisonnement et la méfiance en interne, le manque d’information et
de transparence, mais l’admettent plus facilement que les jeunes, car ils sont plus mâtures.
D’ailleurs, ils se sont adaptés et habitués, dans la mesure où ils peuvent disposer de
l’information qu’ils veulent, car ils ont constitué leur propre réseau interne de relations.
Ceci n’est pas encore le cas des jeunes, étant donné que pour ces derniers, cela se fera
progressivement, dés que les cohortes et les réseaux d’affinités seront constitués.
324
3.11.2 Existence de disparités au niveau des conditions de travail
Pour les seniors, ils répondent tous par l’affirmative, car pour eux le respect de toutes ces règles
internes au sein de la banque est déjà stressant si on y ajoute aussi d’autres soucis de la vie
quotidienne comme ceux inhérents à une capitale (Tunis) d’un pays du Maghreb (Tunisie, pays
en voie de développement, aujourd’hui considéré comme pays émergent212), la charge devient
très lourde.
Ceci, d’autant plus qu’ils nous rappellent que la gestion interne au niveau de la banque, qui est
basée sur le système de la peur (d’une sanction qui mettrait en péril leur emploi) et des divisions
ne facilite rien.
Elle contribue même à freiner toute bonne intention de transmission intergénérationnelle des
connaissances entre seniors et jeunes.
Même, s’ils reconnaissent que la banque fait certes beaucoup d’actions sociales assez
ponctuelles, à travers les structures sociales que nous avons cités plus haut, pour le personnel le
plus démuni, ils déplorent une gestion quotidienne assez dure, où la sanction, qui passe par les
questionnaires, est souvent de règle.
Ils affirment d’ailleurs, que cela est stressant et tend à faire comprendre que la stratégie est assez
archaïque, elle peut même remonter à l’époque romaine selon certains, qui traduisent cela par la
célèbre phrase de César qui dit que « pour régner il vaut mieux être craint qu’aimer ».
Ceci témoigne donc d’une grande méfiance et de l’absence de confiance en son personnel
auquel il est accordé un grand discrédit.
Pour les jeunes, ils répondent aussi par l’affirmative pour les mêmes raisons, auxquelles il faut
ajouter, le souci de se titulariser et de se stabiliser pour assurer son revenu à la fin du mois, en
pareille conjoncture. Ils sont d’ailleurs bizarrement un peu plus réservés que les seniors, peut
être par peur de représailles.
D’ailleurs, un jeune pourtant déjà titulaire, que nous avons interrogé nous a même demandé de
ne pas mentionner ce qu’il venait de nous affirmer verbalement, de peur d’avoir de mauvaises
nouvelles (comme un blâme ou un rappel à l’ordre ou tout autre mesure disciplinaire) à travers
la direction du personnel ou de ses supérieurs hiérarchiques.
212
La Tunisie est considérée aujourd’hui par Pascal Lamy, Directeur Général de l’OMC en tant que pays émergent dans sa
déclaration lors de sa récente visite à Tunis.
325
3.12 Réussite ou échec de la transmission des connaissances : quel
bilan ?
Pour les seniors, il existe évidemment des disparités au niveau matériel entre certaines
directions.
En effet, suivant que celles si sont plus cotées que d’autres, elles obtiendront plus facilement
leur matériel informatique, par exemple.
La cotation intervient en fonction de l’aspect ou de l’étiquette que la structure s’est vue attribuée
par les dirigeants, c'est-à-dire soit une structure de ressources, c'est-à-dire une structure générant
des profits et des gains, comme le réseau des agences, ou une structure de coûts générant des
dépenses pour la banque, comme les directions centrales véritables structures de soutien
(département formation, département organisation, département qualité, etc...).
Ils ne sont donc pas appréciés à leur juste valeur, mais plutôt considérés comme générant des
fonds perdus, car il est rare que l’on perçoive d’une manière précise et chiffrée le retour sur
investissement, d’autant plus qu’il s’agit de service et donc d’éléments immatériels difficiles à
quantifier et/ou mesurer comme l’indiquent si bien Eiglier Pierre et Langeard Eric213.
De plus, pour eux, les choses se sont compliquées depuis que la législation pour les entreprises
publiques a récemment changé et que la banque, pour acheter un matériel (exemple ordinateur)
ou fourniture (exemple papier), se trouve dans l’obligation de procéder par une procédure dite
de marché public (à travers des appels d’offres).
Cela ne fait que retarder toute acquisition et toute livraison avec généralement un décalage
minimum d’une année.
Ils indiquent que ceci occasionne même davantage de stress au personnel (les salariés de la
banque), car il est même arrivé, pour l’anecdote, que certains départements tombent en pénurie
de papier et doivent par conséquent, pour travailler, en emprunter d’une manière informelle
auprès d’autres structures de la banque, pour ne citer que ce cas.
Pour les jeunes, cela est assez problématique, car ils pensent qu’ils sont en décalage par rapport
à la technologie et donc également par rapport aux autres banques de la place (banques privées
le plus) qui ont la possibilité d’avoir plus rapidement un matériel assez performant, sans passer
par la procédure de l’appel d’offre et des marchés public.
213
Eiglier Pierre et Langeard Eric, « La qualité de service », Revue Française de Marketing, n°121-Janvier, 1989.
326
Cela se fait sur simple décision des actionnaires de la banque et de son management (la
Direction Générale), alors que pour les banques publiques elles doivent avoir l’accord du
ministère de tutelle et veiller à justifier toute dépense occasionnée.
D’ailleurs, chaque Direction Générale tentera dans le cadre d’une motivation personnelle et d’un
intérêt privé, en rapport avec une appréciation personnelle par les actionnaires, de faire mieux
que ses prédécesseurs.
Cela permet en fait d’afficher un meilleur savoir faire, témoignant d’une meilleure gestion, en
réduisant davantage les charges pour améliorer les chiffres clés de la banque, mais au détriment
de la qualité et des conditions de travail des salariés.
C’est comme si l’on sacrifiait le personnel, un des ayants droits, au sens de Joseph Kelada214, qui
indique que toute entreprise est constituée par « trois ayants droits », à savoir, le client, les
actionnaires et enfin le personnel.
Pour eux, cela représente donc une fracture externe, par rapport à leurs confrères des autres
banques qui sont mieux outillés en ordinateurs et en matériel de bureaux, mais aussi une fracture
interne, étant donné qu’il existe des inégalités de répartition entre départements et entre
personnes ou collègues parfois au sein du même département, ou de la même agence.
Plusieurs jeunes nous ont même avoués que « cela est assez humiliant de faire des démarches pour avoir
de meilleures conditions de travail ou tout au moins être aussi bien loti que ses collègues qui appartiennent à
des départements qui sont mieux cotés et considérés ».
Ils affirment que « le système interne de gestion du matériel informatique est d’ailleurs assez complexe, il
existe un comité de marché et des commissions, avec un département de gestion du patrimoine et un
département des services communs.
De plus la banque dispose, d’une direction informatique qui gère à son niveau, et selon des règles non
divulguées, le matériel informatique et l’affecte ».
Le groupe de la banque (Groupe « BMTP ») dispose d’ailleurs d’une filiale informatique, la
société « BMSIT » qui fourni du matériel informatique à la banque et en assure sa maintenance.
Ainsi, pour ne parler que du matériel informatique, les jeunes nous révèlent que la multitude
d’interlocuteurs met le flou et ils ne savent pas trop comment faire pour parvenir à renouveler
leur matériel de travail, si ce n’est que par la voie administrative de l’émission d’un bon.
Ce bon de commande doit être signé par les supérieurs hiérarchiques et se solde par une longue
attente, étant donné la procédure mise en place et décrite plus haut.
214
Kelada Joseph, « La gestion intégrale de la qualité : pour une qualité totale », ed Quafec, 1990.
327
De plus ils ne sont pas certains d’obtenir le matériel demandé, car c’est le système du premier
arrivé premier servi qui prévaut.
Un jeune nous a affirmé qu’il avait demandé un nouveau matériel avant le marché public et que
l’on avait pris en considération sa demande qui avait été au préalable visée par son supérieur
hiérarchique, mais il a été muté ailleurs entre temps dans une autre direction et le matériel a été
fourni à son département d’origine, ce qui fait qu’il est toujours sans nouveau matériel, cela fait
maintenant 4 ans.
Pour ce qui est du matériel comme les climatiseurs, la Tunisie étant un pays chaud, certains
jeunes nous ont affirmé que la procédure était la même, aussi bien pour la commande que pour
la livraison.
Ils ajoutent même que certaines agences n’ayant pas de « climatiseur Split » étaient obligées de
travailler avec des climatiseurs très anciens et vétustes qui faisaient un bruit de tracteur, car les
responsables du département des services communs et du patrimoine ne voulaient pas effectuer
d’autres dépenses.
En effet, leur budget devait être bien tenu, car cela leur donnait plus de crédit au niveau du
management de la banque (la Direction Générale), donc ils ne voulaient pas changer un matériel
en marche, et le remplacer par un nouveau, même si celui-ci est largement amorti, et devient
obsolète.
Il faut spécifier, nous ajoutent-ils, que dans certaines agences la température estivale atteint
facilement 40 °C.
Les jeunes offusqués par les dires des responsables nous ont même affirmé qu’en cela il ne
devait pas exister de gestion prévisionnelle du matériel, et donc encore moins une gestion
prévisionnelle des compétences et du personnel.
Ils nous ont même indiqué que cela était vrai pour toute sorte de matériel, et qu’il était difficile
de penser qu’il existe des normes pour l’attribution d’un certain matériel ou fourniture (par
grade ou autre), étant donné que dans la majeur partie cela se fait par un système de réseau de
connaissances et de copinage.
Ainsi, deux personnes peuvent être dans une situation tout à fait identique et pourtant ne pas
avoir le même matériel ni les mêmes conditions de travail, ce qui rend toute situation
professionnelle au sein de la banque assez aléatoire.
Certains jeunes nous indiquent même ici d’une manière ironique que « c’est le mérite qui prime ici,
c'est-à-dire que si vous faite des démarches et que vous êtes introduits et persévérants vous pourrez obtenir de
bonnes conditions de travail avec un matériel assez pointu.
328
En revanche si vous suivez les démarches à la lettre il faudra attendre beaucoup et vous risquez de ne rien
obtenir, voire de ne pas améliorer votre situation et d’être considéré comme naïf ».
Ils nous précisent que, même pour des acquis simples qui sont fonction du grade, comme les
journaux quotidiens et hebdomadaires auxquels ils ont droit selon le règlement intérieur, il faut
toujours suivre, car il peut y avoir encore d’autres biais, et considèrent donc que cela représente
un tout.
C’est un élément de plus dans un système qui favorise le stress, car il faut veiller à ce que l’on
ne se fasse pas piétiner ses droits.
Pour les jeunes, ils estiment que la banque procède beaucoup plus à une spécialisation de son
personnel par poste et selon les moyens de bord disponibles.
C'est-à-dire qu’elle vise à fixer son personnel et pas à le rendre plus employable et compétitif,
car ce dernier pourrait être amené à réorienter sa carrière en interne ou en externe, et en ce sens
il ne faut pas donner l’opportunité au personnel, à travers la formation, l’apprentissage et/ou une
transmission intergénérationnelle des connaissances assez complète, de pouvoir prétendre à
mieux ou à plus.
Un des jeunes du département crédit nous a même indiqué qu’il avait tenté de demander une
mutation vers un autre département.
C’est alors qu’ayant été interpellé par le responsable du département central des ressources
humaines, il lui a été clairement signalé que ce n’était pas à l’initiative du cadre lui-même de
demander à changer, mais que c’était la direction et les responsables qui devaient avoir cette
initiative, qui le regardait pourtant de près, étant donné qu’il s’agit de sa propre carrière.
Ainsi, les jeunes indiquent que pour le département gestion des ressources humaines et en
accord avec la Direction Générale, le moyen le plus fiable est celui de ne pas donner trop de
possibilités au personnel, voire de le limiter au maximum.
C’est donc une formation assez calculée que la banque fournie à son personnel pour que celui-ci
puisse rendre un travail assez conséquent et valable avec un minimum d’erreurs, voire sans.
Ce qui est visé ce n’est pas une gestion des carrières et un véritable développement des
ressources humaines, mais plutôt une administration du personnel.
En effet, pour eux qui sont la plupart des diplômés, la seule alternative pour renouer avec les
études ou de pouvoir entamer une formation diplômante valable agréée par la banque, c’est de
s’inscrire à l’ITB.
329
Mais, beaucoup affirment « on ne fait que rester dans le créneau assez spécialisé de la banque ce qui ne
permet pas d’ouvrir d’autres réelles opportunités pour soi ».
Ils ont même été choqué d’apprendre par échos, c'est-à-dire de « bouche à oreilles » ou « oui
dire », moyen de communication ou vecteur important d’information dans toute entreprise
maghrébine, aussi bien publique que privée, et la banque n’y déroge pas, que l’ITB était
désormais réservée au Bac + 2.
Ils ont aussi indiqué que cela était envisageable et assez logique, étant donné que les
responsables veulent réduire les charges (comme les frais d’inscription et les grades et
avancement en rapport, lors de la réussite aux examens) et ne pas avoir une armée de généraux.
Ils nous ont d’ailleurs indiqué que les autres études étaient pour eux, synonyme d’exclusion en
interne, parce que ceci ne constitue pas un critère valable pour tout poste fonctionnel.
Mais, ils nous ont également précisé que, plus qu’une formation, la participation à des
séminaires, qui est un autre volet de l’apprentissage ou de la transmission intergénérationnelle
des connaissances, n’est pas vraiment formatrice pour eux, car il s’agit en général d’animateurs
enseignants et rarement de vrais praticiens, mais aussi que la formation est assez générale.
Se prononçant pour ceux qui ont lieu en interne au centre de formation intégré ils soulignent
qu’ils ne sont pas assez développés, parce qu’il manque une certaine méthodologie, et une
pédagogie propre à de véritables enseignants.
Donc pour eux, c’est beaucoup plus une mise à jour, une actualisation, qu’une véritable
formation avec amélioration des compétences et acquisition de nouveaux savoirs et de nouvelles
connaissances durables dans le temps.
Pour les seniors, ils estiment que la banque ne les a pas formés ou très peu et qu’ils se sont
formés par eux même, sur le tas, en s’impliquant et en voulant participer à la mise en place
d’une véritable banque.
En effet, à l’époque rien n’était assuré et donc ils indiquent qu’ils avaient tout intérêt à donner
un maximum pour perdurer leur emploi et se garantir un salaire.
Cela s’est fait petit à petit, avec un fort sentiment d’appartenance nationale, un patriotisme qui a
motivé tout le personnel en place, il fallait donner sa contribution à la construction de cette
œuvre et cette institution que deviendrait la « BMTP », qui interviendrait en tant qu’outil de
financement de l’économie nationale et permettrait le développement local.
Certes, ils reconnaissent qu’il y a eu aussi entre-temps des formations auxquelles ils ont assisté,
mais c’est surtout pour eux assez récents et ils y voient la volonté d’actualiser certaines
connaissances ou encore une sorte de motivation ou de récompense, pour maintenir le personnel
330
à un certains niveau de productivité et aujourd’hui, pour faciliter les transferts et/ou une
transmission intergénérationnelle des connaissances sous contrôle.
La plupart des jeunes interrogés nous ont indiqué que la transmission des connaissances qui leur
avait été prodiguée par les seniors était intéressante à de multiples égards, mais c’est surtout au
niveau de « la culture interne de l’entreprise » que cela leur est le plus bénéfique.
En effet, pour eux, les savoirs et les connaissances strictement professionnelles sont intéressants,
mais c’est le plus qui permet d’avoir une idée globale et par là même de donner de meilleurs
enseignements.
Pour eux, les seniors sont porteurs d’un passé professionnel et culturel riche, étant donné qu’ils
ont assisté et participé aux différentes mutations du secteur et de l’économie tunisienne, ils
représentent donc la mémoire vivante de l’entreprise.
Selon eux, cet aspect est primordial pour faire un lien aussi bien pour les différents traitements
d’opérations financières et bancaires en internes que pour pouvoir se positionner au niveau du
secteur et des autres entreprises en externe.
Ils affirment en définitive que cela apporte beaucoup, mais ne répond pas entièrement à leurs
attentes, car ils ont le sentiment qu’ils auraient pu mieux être pris en charge ou encadré et d’une
manière plus normative et personnalisée, tout à la fois.
A la place de cela, c’est d’une manière aléatoire que cela a eu lieu et en fonction de variables
aléatoires et/ou subjectives.
Il y a donc pour eux, un mérite, car la transmission des savoirs n’est pas naturelle, il faut aller la
chercher.
D’autre part, ajoutent ils, c’est le fait que l’environnement ou l’ambiance interne soient entachée
de méfiance et de doute, et que tout ce qui peut être dit peut se retourner contre eux, car la
gestion des ressources humaines mise en œuvre par le management (la Direction Générale) au
sein de la banque est assez archaïque et sévère et ne laisse pas de place à une transparence et une
fluidité de l’information.
Au contraire, ils signalent que c’est un climat de suspicion et d’inexistence de liberté de
l’information, qui selon eux, n’est pas le fait exclusif de la banque, mais aussi des personnes
qui n’ont pas trouvé la possibilité de résister à cette gestion assez dure des ressources humaines
et qui finissent par se résigner à suivre l’inertie du mouvement.
Toutefois, cela a aussi engendré des changements d’attitudes et de comportement des seniors,
qui, selon eux, y ont aussi une part de responsabilité.
331
Certains jeunes affirment aussi, que le personnel est à son intégration considéré par les seniors
comme étant encore naïf, sous entendu innocent, et qu’il perdait par la suite et à leurs yeux cette
innocence, du fait de facteurs socioprofessionnels et environnementaux, pour devenir à son tour
objet de suspicion et de méfiance en interne.
De plus, les jeunes déplorent le fait que la banque demande aux seniors de s’investir beaucoup
plus et de donner, alors qu’ils ont du se débrouiller d’eux même, car ils n’ont pas eu une
formation complète en interne.
En effet, celle-ci était réservée à quelques privilégiés recommandés par le management de la
banque (la Direction Générale) ou d’autres cadres supérieurs, voire des personnes influentes et
ce, en vue d’occuper des postes à responsabilité au sein de la banque.
Ceci est à mettre en rapport avec les variables explicatives de certaines disparités en interne,
comme énoncé plus haut.
Par ailleurs, ils indiquent que pour eux aussi, l’effort est intense comme pour les seniors jadis,
car ils ont l’impression de devoir faire beaucoup de concessions et de s’efforcer à extirper,
arracher l’information utile, surtout quand ils sont dans la détresse (en agence, lors de la paie des
fonctionnaires ou au sein des directions centrales lors de dossiers réclamés par la direction
Générale et/ou d’importants clients, par exemple).
215
Karvar Anousheh, La trajectoire des polytechniciens dans l’espace Franco-Maghrébin : Des indépendances à
l’instauration du nouvel ordre économique, Cahiers du Gdr Cadres, n°8, Novembre 2004.
216
Chaque élève recruté sur concours et selon ses mérites scientifiques n’était connu que par son nom et son rang de
classement, et non par ses origines sociales. Issus eux même de milieux souvent modestes, ils ont activement participé à la
mise en place et au développement de systèmes de formation d’ingénieur en décalquant le modèle français des filières
d’excellence et de recrutement sur concours.
332
En effet, la bureaucratie ne produit pas que des effets positifs et Michel Lallement217 l’a bien
mis en évidence lors de la critique qu’il fait de cette dernière, notamment lorsqu’il cite
M.Crozier218 qui définit « l’idéal type de la bureaucratie à la française » à partir de deux
monographies (l’une consacrée à un centre de traitement des chèques postaux « l’agence
comptable » et l’autre à une manufacture des tabacs, « le monopole industriel »).
Selon lui, ce dernier effectue cette définition « en se basant sur quatre traits majeurs qui la
composent », à savoir : « le règne de la règle impersonnelle (le comportement de chaque
individu est prédéterminé par un corps précis de normes abstraites), la centralisation du
pouvoir de décision, la stratification des individus en groupes homogènes et cloisonnés, et,
enfin, la constitution de pouvoirs parallèles autour de zones d’incertitude ».
De plus, Michel Crozier219 développe davantage cette question de « source d’incertitude »
et/ou « de zone d’incertitude » qui peut être à l’avantage des salariés du seul fait de la notion
de jeu d’acteurs.
Il indique à ce propos que « chaque acteur dispose ainsi d’un pouvoir sur les autres, pouvoir
qui sera d’autant plus grand que la source d’incertitude qu’il contrôle sera pertinente pour
ceux-ci ».
Comme nous avons pu le constater au niveau de la BMTP, les seniors utilisent cette arme de
la « source d’incertitude » pour équilibrer un rapport de force avec la hiérarchie et leur
employeur.
C’est ainsi, que nous pouvons comprendre le problème interne existant inhérent à la faible
voire l’inexistence de la transmission intergénérationnelle des connaissances des seniors
envers les jeunes. Ces derniers étant considérés comme des victimes collatérales d’un conflit
interne entre salariés (seniors) et hiérarchie.
Michel Lallement220 précise en outre que « différents cercles vicieux et contradictions
structurelles entretiennent par ailleurs l’auto-reproduction de ce modèle. Par exemple, ceux
qui perçoivent les transformations là où elles apparaissent (le niveau de l’exécution en
l’occurrence) n’ont pas le pouvoir d’introduire le changement nécessaire. A l’inverse, ceux
qui détiennent le pouvoir n’ont pas accès aux informations pertinentes pour entamer les
réformes nécessaires et ne peuvent agir au mieux qu’en promouvant de nouvelles règles
impersonnelles. La crise et l’inertie font donc partie intégrante du modèle ».
217
Lallement Michel, Le travail, une sociologie contemporaine, Editions Gallimard 2007, Folio essais, inédit, p371-377
218
Crozier Michel, Le phénomène bureaucratique, Paris, Seuil, 1963
219
Crozier Michel, Friedberg Erhard, L’acteur et le système, éditions du Seuil, 2007, p91.
220
Lallement Michel, Le travail, une sociologie contemporaine, Editions Gallimard 2007, Folio essais, inédit, P371-377
333
La Tunisie est un pays considéré par plusieurs nations comme un pays émergent221 ne
disposant pas de grandes ressources naturelles par rapport à un pays comme l’Algérie mais
s’appuyant sur ses ressources humaines.
Le système tunisien de formation professionnelle comme nous l’avons montré plus haut s’est
grandement inspiré du modèle français du fait de son ouverture sur une vaste culture générale
et des connaissances théoriques développées par les grandes écoles françaises222, mais a
également introduit des caractéristiques du système allemand et de la formation en alternance
basée sur des savoirs professionnels (pragmatiques) développés en entreprise.
Maurice M, Sellier S, et Sylvestre J-J223 prenant le cas de la polyvalence indiquent que dans
l’entreprise allemande, la pratique de cette dernière « correspond à une conception particulière
de l’organisation des tâches, notamment celle des postes de travail. Ceux-ci (dans la mesure
où la technologie le permet) sont définis comme un ensemble de tâches complémentaires que
le Meister organise lui-même en fonction de la qualification des ouvriers. Leur affectation
successive à différents groupes de tâches, jointe à l’action formatrice du Meister lui même224 ,
prend ainsi valeur de socialisation professionnelle. Mais cette socialisation à son tour donne
au « groupe de maîtrise » (appellation significative d’une unité productive au sein d’un
atelier) une capacité professionnelle collective qui rend particulièrement efficace
l’organisation du travail qui le produit ».
Or, en Tunisie, au sein des entreprises et plus particulièrement au niveau de la BMTP
l’organisation du travail225 dispose d’autres paramètres dans la mesure où l’affectation aux
postes de travail est conçue selon une norme hiérarchique pyramidale de contrôle qui rappelle
les propos tenu par Maurice M, Sellier F, Sylvestre J-J226 au regard de Joan Woodward et qui
précisent pour mettre en exergue la particularité de sa démarche que «la technologie organisée
n’explique pas a elle seule la hiérarchie dans l’entreprise, mais ce sont beaucoup plus les
processus de contrôle (des tâches et des travailleurs) mis en œuvre par l’entreprise qui rendent
221
La Tunisie remplit plusieurs critères internationaux et développe des taux de croissance de 5,5%.
222
Ces grandes écoles sont définies par Karvar Anousheh comme étant « fidèles à la tradition des lumières », elle ajoute que
ces dernières « étaient censées dispenser un savoir encyclopédique qui tout en éclairant l’esprit, conduirait la nation vers
l’essor économique ».
223
Maurice M, Sellier F, Sylvestre J-J, Politique d’éducation et d’organisation industrielle en France et en Allemagne, Essai
d’analyse sociétale, Presses Universitaires de France, 1982, p261.
224
Le rôle de formateur du Meister est reconnu par le diplôme qui lui est attribué ; il incite ainsi les ouvriers sous sa
responsabilité à suivre les cours organisés par l’entreprise ou en liaison avec les chambres d’industrie. Le prestige d’un
Meister se mesure à la fois par ses qualités de formation et par le nombre d’ouvriers qu’il aura formés dans une entreprise ou
une localité.
225
L’organisation du travail en Tunisie étant largement inspirée du modèle colonial français.
226
Maurice M, Sellier F, Sylvestre J-J, Politique d’éducation et d’organisation industrielle en France et en Allemagne, Essai
d’analyse sociétale, Presses Universitaires de France, 1982, p274.
334
compte des formes de structuration du travail, fonctionnelles et hiérarchiques227. Ces
processus peuvent sans doute varier en fonction du degré d’incertitude inhérent aux différents
types de technologie et de production, mais ils sont liés également à la nature des rapports
sociaux ».
Dans le cas allemand, et si nous prenons le cas de la polyvalence, elle correspond bien sans
doute à un système de travail permettant de répondre à des exigences organisationnelles
précises (assurer la continuité du procès de travail en cas d’absentéisme ou d’incident
technique) ; mais ce système est d’autant plus efficace qu’il crée lui-même les conditions de
cette efficacité, à savoir la capacité collective du groupe de travailleurs à maîtriser un
processus de travail. En ce sens, la polyvalence constitue un fait d’organisation produit par
l’entreprise, qui contribue directement à la formation de l’identité collective des travailleurs et
des rapports sociaux qui la sous-tendent.
Toutefois, au sein de la BMTP, nous pouvons retrouver à l’image de ce qu’énoncent Maurice
M, Sellier F et Sylvestre J-J lorsqu’ils abordent la question des entreprises françaises,« une
organisation des tâches en postes de travail, avec un choix des critères d’évaluation et
d’affectation des postes aux travailleurs » qui peut intervenir selon ce qu’ils évoquent, à
savoir « une logique plus administrative que professionnelle » qui rejoint les éléments relatifs
à la bureaucratie soulevés plus haut par Michel Crozier et Michel Lallement.
L’exemple de la polyvalence soulevé par Maurice M, Sellier S, et Sylvestre J-J228 permet de
mettre en évidence comme ils le soutiennent « les conditions organisationnelles de la
formation des identités professionnelles collectives ».
Pour eux « chaque type d’organisation contient un modèle implicite de pratique ou de savoir
faire, qui repose lui-même sur des rapports sociaux spécifiques ».
Pour les seniors, la plupart se considèrent effectivement en tant qu’autodidactes, car ils
affirment qu’ils se sont formés par eux même et après beaucoup d’efforts personnels.
En effet, la formation et/ou la transmission intergénérationnelle des connaissances n’était pas
encore organisée et instituée comme actuellement, avec un centre intégré de formation, un
département formation avec deux divisions, et un personnel attitré (ou titularisé, c'est-à-dire
avec un CDI).
Certains seniors nous affirment même que la formation était un simple service anodin au service
du département Gestion des Ressources Humaines.
227
Point de vue développé par Joan Woodward dans Industrial Organization, Behaviour and control, 1970, ouvrage moins
connu que le précédent, Industrial Organization Theory and Practice, 1965.
228
Maurice M, Sellier F, Sylvestre J-J, ibid, p263-269.
335
Pour les jeunes, ils estiment aussi qu’ils sont dans une certaine mesure comme des autodidactes,
car la transmission des connaissances n’est pas naturelle, mais provoquée par eux même, parce
que les seniors ne sont pas encouragés à transmettre leurs connaissances et/ou savoirs aux
jeunes.
Selon eux, les nouvelles conditions et l’ambiance interne auxquelles il faut ajouter le fait qu’ils
sont considérés par la Direction Générale comme n’étant plus productifs, fait que les seniors
considèrent qu’ils n’ont guère d’intérêt à transmettre leurs connaissances, fruit de plusieurs
années d’expérience, car cela pourrait plus leur porter préjudice qu’autre chose (voire
difficilement les avantager).
Les jeunes nous précisent donc qu’ils sont en fait entre deux feux, et qu’ils sont poussés par les
responsables à extirper les connaissances accumulées par les anciens au fil des années.
Ils précisent même que ceci n’est pas une tâche facile pour eux, car les anciens savent
pertinemment ce que toute nouvelle recrue attend d’eux.
Ainsi, rien n’est plus neutre ou innocent, car les seniors peuvent être tentés de prendre leur
revanche par rapport à la banque, et plus précisément au traitement qui leur a été servi qui est
loin d’avoir satisfait leurs attentes.
De plus, ils ont même conscience que cela peut se faire sur leur compte, alors même qu’ils sont
censés prendre la relève, ce qui leur rend la tâche encore plus difficile, et les amène à parler
d’« une autre forme d’autodidacte ».
En effet, ils sont poussés à aller vers les seniors pour pouvoir avoir les ficelles et les
connaissances clés, véritable secret du métier, pour s’intégrer au sein de la banque ou tout au
moins assurer leur titularisation, car la plupart sont encore à l’essai.
Ces jeunes sont donc, soit contractuels, ce qui correspond au premier stade et à la première
année après le recrutement, ou stagiaires ce qui correspond au deuxième stade, deuxième année,
qui si elle est validée donne lieu à la titularisation effective.
Celle-ci est prononcée après un autre test psychotechnique et fonction des notes ou résultats
obtenus lors d’un entretien qui s’effectue, dans le cadre d’une commission de titularisation.
Pour la majorité des seniors la banque ne leur a pas permis de se réaliser, car il y a trop de
rigidités et qu’ils n’ont pas pu concrétiser un autre projet à côté, à la différence des grands
responsables affirment-ils, car ils effectuent au minimum 40 heures par semaine avec une
mobilité très réduite qui ne leur permet pas de quitter leur poste, sauf sur justification ou
autorisation accordée par la hiérarchie.
336
Ils nous indiquent, tout en laissant transparaître beaucoup de frustrations, que s’ils ont pu faire
grandir leurs enfants et veiller à leur donner une bonne éducation, c’est déjà beaucoup.
Ils se résignent à se faire une raison, car ils ajoutent aussi que pour se réaliser il faut considérer
des notions comme l’épanouissement au travail.
Or, ce n’est pas le cas, étant donné qu’ils sont pour la plupart du temps mis sous pression par la
hiérarchie, stressés par les délais et qu’ils gèrent un quotidien assez lourd, fait d’implication au
travail, de renonciations à défendre l’avis contraire (leur avis ne compte pas) et
d’investissements non payés en retour à leur juste valeur.
Tout cela freine, selon eux, les ardeurs, et à terme leur donne plutôt un sentiment d’aliénation et
de soumission difficile à évacuer et proche de l’analyse Marxiste du capital, même s’ils se
trouvent dans une banque publique où l’emploi est beaucoup plus garanti et considéré comme
un emploi à vie que dans le privé.
Pour les jeunes, la plupart estiment qu’il est intéressant de rester à la banque, car celle-ci est,
somme toute, considérée comme étant une bonne école de formation, même s’ils avouent qu’ils
ne sont pas satisfait de la gestion interne. En effet, ils estiment qu’ils peuvent apprendre
beaucoup plus que dans d’autres entreprises s’il existait réellement une bonne transmission
intergénérationnelle des connaissances.
De plus, ils se plaignent du fait qu’ils n’ont pas vraiment la possibilité de choisir eux-mêmes les
études ou la formation qu’ils souhaitent, car le système est jugé très rigide, même si leur choix
est en rapport avec le métier exercé au sein de la banque.
Ils indiquent aussi qu’il sied de mentionner dans son Curriculum Vitae (cv) un passage par une
entreprise comme la banque, car cela signifie que l’on sait se plier aux exigences du travail et de
son organisation, réputée rigoureuse.
Par ailleurs, et selon eux, au niveau rémunération et avantages sociaux, la banque est assez bien
cotée par rapport aux autres emplois, et l’on peut bénéficier de plusieurs acquis même si
plusieurs commencent à être remis en cause, comme l’avancement automatique en horizontal,
c'est-à-dire les promotions de classes et de grades fonction de l’ancienneté.
C’est, affirment-ils, désormais de plus en plus compliqué et la carrière peut ne pas démarrer.
Certains nous indiquent même qu’il est possible de faire « du sur place » pendant plusieurs
années.
Cependant, pour eux, et tant qu’il n’y a pas quelque chose de mieux, c’est jugé sous tous point
de vue, comme étant déjà assez bien pour un temps, mais pas pour la vie.
337
Pour les seniors, il ne fait aucun doute pour eux que, rester à la banque est ce qu’il leur reste de
mieux à faire, car ils peuvent toujours s’appuyer sur leur ancienneté, et le réseau de leurs
connaissances pour parvenir à profiter encore de certains avantages.
Ils ne se considèrent plus très employables ailleurs, car ils savent que la concurrence est rude,
même s’ils ont conscience qu’ils ont une expérience non négligeable et indiquent que
l’amélioration salariale qu’ils pourraient tirer d’un éventuel changement de métier est minime si
l’on considère les autres aléas qui pourraient intervenir entre temps.
Donc pour eux, c’est une certaine réticence au changement plausible ou légitime, qu’ils arrivent
facilement à justifier par des variables comme l’ancienneté, le salaire en rapport, les conditions
de travail, le réseau des connaissances et les repères qu’ils ont pu mettre en place durant leur
expérience.
La plupart des personnes interrogées sont des cadres, étant donné qu’il s’agit d’une entreprise de
service bancaire qui requière un niveau académique minimum de Bac +2, même si autrefois un
niveau secondaire pouvait suffire, étant donné la faible technicité des opérations.
Pour les nouveaux qui viennent d’être embauchés, ils appartiennent à la catégorie « personnel
d’encadrement » et, pour le reste, entre jeunes et seniors ils appartiennent pour la plupart à la
catégorie « personnel de direction ».
En effet, étant diplômé et titulaire, pour beaucoup, d’une maîtrise, les jeunes qui sont intégrés
sont immédiatement classés dans la catégorie « personnel d’encadrement ».
Tandis que pour les seniors, même s’ils n’étaient pas titulaires, pour beaucoup d’entre, d’une
maîtrise, ils accèdent à cette catégorie du fait de leur ancienneté.
La plupart des personnes interrogées sont mariées et ont des enfants (en moyenne deux enfants),
car, même pour les jeunes, c’est après 4 à 5 ans en moyenne qu’ils s’engagent socialement et
contractent leur mariage un à deux ans après cet engagement.
Les célibataires étant les jeunes les plus frais, ils sont en nombre très réduit.
Pour les seniors cela varie entre chef de service principal, et directeur avec un âge compris entre
48 et 58 ans et en moyenne, un minimum de 25 ans d’ancienneté.
Pour les jeunes cela varie entre rédacteur principal pour les plus jeunes à Directeur adjoint pour
les plus anciens d’entre eux, avec un âge compris entre 24-25 et 38-39 ans et une ancienneté
variant de, moins d’un an à 15 ans.
338
Pour les seniors, la majorité regrette de ne pas avoir choisi le secteur privé beaucoup plus payant
et valorisant même si l’emploi n’est pas garanti à vie comme à la « BMTP », étant donné que
pour le cas en l’espèce, il s’agit d’une banque publique.
Ils précisent qu’à l’époque la priorité était, pour eux, celle de trouver un emploi stable et assez
valorisé sur l’échelle sociale.
De plus, le choix de la banque n’est pas trop la question, car ils admettent que c’est un métier
qui a une bonne classification sur l’échelle sociale, donc en soi c’est assez valable, même
aujourd’hui.
Cependant, c’est le manque de souplesse conjugué avec la multitude de règles et la charge des
contraintes quotidiennes qui laisse un goût amer.
En effet, la plupart estiment que la banque, avec son caractère normatif dominant, a tendance à
uniformiser les personnes et à gommer les identités personnelles des uns et des autres pour les
transformer en matricule affecté à un poste.
Ils ont conscience qu’ils détiennent des savoirs et/ou des connaissances mais déplorent le fait
que ces connaissances et/ou savoirs ne soient trop spécialisés et adaptables qu’à cette banque.
Selon eux, cela est sans doute le fait de la gestion des ressources humaines et de la formation
propre à ce type de banque qui fixe les personnes aux mêmes postes et ne les forme que fonction
de leur affectation et du bon vouloir des supérieurs hiérarchiques, sans considérer à tort ou à
raison les enjeux de pouvoirs existants.
Autrement dit, ils n’ont pas eu la chance ou la possibilité de développer d’autres savoirs et/ou
connaissances qui participeraient au fait de les rendre plus employables et facilement adaptables
même dans d’autres types d’entreprises.
D’ailleurs, ceux qui s’y sont essayé n’ont pas pu améliorer leur situation socioprofessionnelle en
interne et ont même été implicitement avertis que ce n’était pas la voie à suivre.
Ceci a donc tendance à les fragiliser d’année en année et à les rendre beaucoup plus soumis et
vulnérables, car ils savent que les compétences acquises ne seraient peut-être pas reconnues
ailleurs.
Il y a là donc une certaine domination qui prend plus d’ampleur à mesure que les personnes sont
engagées dans la vie sociale et « rangés ».
En effet, les seniors nous indiquent que lorsque l’on est en plus engagé socialement avec femme
et enfants à charge, il existe une double fixation, c'est-à-dire des contraintes sociales
supplémentaires qui font que l’on devient incapable de bouger, car l’on a des obligations
sociales à remplir.
339
Certains se sentent donc effacés, isolés, passifs quant au déroulement de leur vie
professionnelle, alors qu’ils souhaitent piloter leur carrière librement, sans qu’on leur impose
une voie toute tracée.
Pour eux, c’est en quelque sorte un moule où il faut obligatoirement rentrer, sinon l’on risque
d’être marginalisé au niveau de l’évolution de sa carrière, mais aussi en interne, étant donné que
cela fait partie de la culture d’entreprise et de son inertie.
C’est pour certains, une sorte de conformisme assez poussé qui dérange, car cela devient
mécanique et laisse place à l’installation d’une routine qui use au fur et à mesure, où ils ont
l’impression de n’être que des pions sur un échiquier, et d’être complètement déconnecté
puisqu’ils sont comme des marionnettes, sous l’emprise d’un seul et principal
« marionnettiste », le PDG, étant donné que le pouvoir est centralisé.
Pour les satisfactions, c’est d’avoir pu quand même construire un foyer, et d’avoir pu élever
leurs enfants en leur donnant une bonne éducation, ce qui n’est pas rien de nos jours, affirment-
ils, et ils sont tout de même reconnaissants à la banque pour cela.
C’est indiquent t-ils, le fait de la gestion paternaliste qui a encore cours aujourd’hui.
Si ce choix était à refaire une première moitié se dit favorable au même choix, c'est-à-dire la
banque, mais dans le secteur privé pour palier au manque de pouvoir d’achat et au manque de
transmission intergénérationnelle des connaissances, et/ou de formation, car il n’y a plus de
pyramide.
La deuxième moitié, quant à elle, se dit beaucoup plus intéressée par d’autres secteurs d’activité
comme le tourisme, les petites et moyennes entreprises, et l’entreprenariat privé.
Pour les jeunes, qui ont une ancienneté (de deux à quinze ans) plus importante que les toutes
nouvelles recrues (jeunes novices), ils déplorent, comme les anciens, le manque de souplesse et
de choix dans l’orientation de leur carrière.
En effet, ils auraient aimé pouvoir choisir les formations à entreprendre pour éventuellement, et
selon les cas, corriger des erreurs d’orientation qui peuvent remonter à la faculté, pour s’orienter
vers une nouvelle carrière qui réponde plus à leur aptitudes et motivations, voire parvenir à une
plus grande employabilité.
Selon eux, ceci pourrait contribuer à leur assurer une sécurité en ce qu’elle accroîtrait leurs
chances de garder ou d’obtenir un emploi dans l’avenir s’ils devaient démissionner de la banque
et indiquent que la formation est appréhendée par eux comme étant un monde fermé.
C’est une sorte de temple, que seuls les supérieurs peuvent ouvrir, car affirment ils « ce sont eux
qui ont le pouvoir de vous orienter vers une formation plutôt qu’une autre, donc de choisir pour vous ».
340
Un des jeunes du département crédit nous a même affirmé « j’ai vraiment l’impression de ne pas
exister en tant que tel ou de ne pas compter. En fait, on n’a pas de poids, car même pour recommander un
stagiaire alors même que l’on est cadre de direction cela n’est pas pris en considération, en effet là aussi c’est la
direction générale qui contrôle et c’est elle qui recommande, donc pour nous la procédure est très longue et
rarement couronnée de succès. Il faut faire une proposition motivée à la direction générale.
Le cas s’est présenté dernièrement pour moi et mon collègue lors de nos réunions avec des membres de ministère
ou de centres nationaux pour des informations relatives à des secteurs d’activité. Ces responsables nous ont
demandé si nous pouvions intervenir pour faire une recommandation pour que leurs proches puissent effectuer
un stage même à titre bénévole au sein de la banque. Nous avons alors informé la direction de la formation et
les collègues que nous connaissons en pensant que c’était une question banale or loin de là. Nous avons été
surpris d’apprendre que même l’affectation des étudiants stagiaires relevait maintenant de la direction
générale, c’est elle qui décide de l’affectation et de l’acceptation ou non des stagiaires même à titre bénévole.
Bref, cela nous a vraiment touché car nous avons eu conscience que nous n’avions aucun pouvoir au sein de
l’entreprise et que nous étions considéré comme de simples prolétaires ou encore de simples exécutant même si
nous sommes pourtant des cadres de direction ».
Par ailleurs, même au niveau de la transmission des connaissances, ils ont l’impression que ce
sont des enjeux de pouvoirs mixés avec d’autres variables qui guident toute action de
transmission ou de formation, rendant ainsi honneur à l’adage , « qui a le savoir a le pouvoir ».
Toutefois, ils sont relativement satisfaits par rapport au contenu des formations théoriques
auxquelles ils ont assisté dans le cadre de séminaires externes, même s’ils indiquent que ces
derniers sont cependant assez peu fréquents.
En revanche, même pour les formations en internes dispensés par les quadras, il peut arriver que
la transmission des connaissances attendue ne soit pas au rendez vous, étant donné l’absence
d’une pédagogie du formateur choisi en interne, au sein d’une structure en rapport avec la
formation en question, en l’occurrence la direction de l’Informatique pour le cas en l’espèce.
Un jeune nous a indiqué en guise de témoignage, « je viens d’assister à une formation interne en
bureautique alors pour ne rien vous cacher, je n’ai pas appris grand chose car j’avais vraiment l’impression que
l’animateur ne voulais pas nous transmettre grand-chose seulement des banalités rudimentaires, qui m’ont fait
comprendre qu’il était assez limité en matière de technique de formation car il ne transmettait pas grand-chose
par rapport à mes attentes. Mais, il parlait beaucoup de choses et d’autres qui n’avaient rien à avoir avec le
sujet comme la cherté de la vie ou d’autres généralités, et la pause débordait sur les heures de formation. De
plus, et au niveau du département formation ce qui m’embêtait, c’est que cela allait s’inscrire dans le tableau
récapitulatif des différentes formations, où il était mentionné nommément l’effectif ayant reçu la formation
341
avec tous les détails et qu’on pouvait par conséquent me compter parmi les personnes bénéficiaires de formation
sans qu’il y ait eu de réelle transmission de connaissances, voire aucun enrichissement ».
229
Maurice M, Sellier F, Sylvestre J-J, Politique d’éducation et d’organisation industrielle en France et en
Allemagne, Essai d’analyse sociétale, Presses Universitaires de France, 1982, p263-269.
230
Nous avons pu mesurer toute l’ampleur de ces affirmations au niveau de l’étude effectuée au sein de la
BMTP.
231
Caspar P, Carré P, Traité des Sciences et des Techniques de la Formation, Dunod, 2004, p136.
342
Ces éléments de « compétences sociales » : communication, capacité de travailler en équipe,
prises d’initiative sur lesquels insistent les deux auteurs, sont de plus en plus exigés dans les
relations professionnelles, d’autant plus que l’ « industrie des services » à laquelle fait
référence Anne-Marie Guillemard devient de plus en plus importante.
Par effet de prolongement Ph d’Iribarne évoque même la notion de « best practices » pour
permettre à certaines entreprises de profiter de la réussite de certaines pratiques internes
qu’elles pourraient éventuellement imiter au niveau de leur activité.
L’organisation du travail observée au niveau des banques tunisiennes n’est pas la même que
celle des banques allemandes.
Cela provient certes, comme le signalent Maurice M, Sellier S, et Sylvestre J-J232 lorsqu’ils
analysent les entreprises allemandes et françaises du fait qu’il existe dans toute organisation
« des processus de différenciation et d’intégration des statuts et des rôles professionnels » ;
même si les trois auteurs précisent que « ces processus n’ont pas la même nature ici ou là ».
En effet, ils indiquent que ces processus restent fortement « liés à des types de rapports
sociaux différents, ou à des logiques d’action différentes » qui permettent notamment de
mettre en exergue, l’importance du rôle joué par « les conditions organisationnelles de la
formation des identités collectives et des groupes professionnels ».
Dans les deux pays et dans les banques respectives (allemande et tunisienne) les éléments
précités présentent des différences notables.
En Tunisie, le système de formation qui a été calquée sur le système français se base sur une
adéquation entre diplôme et catégorie hiérarchique, autrement dit pour un diplôme précis il
correspond une catégorie hiérarchique donnée.
Et plus généralement dans ce cas de figure, les diplômés de l’enseignement supérieur ont
beaucoup plus de facilités de se retrouver en tant que faisant partie de la catégorie
socioprofessionnelle des cadres et ce grâce à la logique administrative qui considère le critère
d’ancienneté dans le poste comme un élément important qui peut s’additionner à celui du
bagage académique.
En revanche, pour le cas de l’Allemagne et comme l’indique Michel Lallement233 c’est
beaucoup plus « la logique de l’efficacité et de la performance » qui sont conjugués « à la
reconnaissance de la valeur des diplômes d’apprentissage et des diplômes de formation
232
Maurice M, Sellier F, Sylvestre J-J, ibid.
233
Lallement Michel, Le travail, une sociologie contemporaine, Editions Gallimard 2007, Folio essais, inédit, p358.
343
professionnelle qui fait de la formation le critère essentiel de la qualification et de l’efficacité
des travailleurs ».
Ainsi, même si d’autres auteurs comme Hellmut langue234 précisent que « jusqu’au début des
années soixante dix, le niveau de formation-universitaire / non universitaire - a été considéré
comme critère suffisamment pertinent235 » dans le sens où il pouvait exister une
correspondance entre le diplôme et le poste de travail.
L’auteur considère que « ce critère est loin d'être assez pertinent, car il ne permet pas de
tenir compte de la forte croissance du groupe des salariés diplômés à partir des années 70 » et
indique que « la statistique officielle utilise comme critère de structuration une classification
de métiers (Berufsgruppen), une classification selon la position dans l'entreprise (Stellung im
Beruf) et une classification des types d'activité que les personnes exercent pendant la journée
du travail dans l'entreprise (vorwiegende Tätigkeiten). Mais ces critères sont également loin
de livrer des délimitations suffisamment pertinentes (Lefèvre, 1998).
Par ailleurs, au niveau de l’entreprise tunisienne la segmentation et la spécialisation favorisent
le cloisonnement et ne permettent pas la construction d’identités professionnelles qui
facilitent la coopération.
Ainsi, la BMTP favorisait jusqu’à peu de temps le recrutement interne (marché interne) en
utilisant le modèle bureaucratique décrit par M Crozier, mais ce mode de recrutement basé
initialement sur des règles impersonnelles a été remis en cause du fait entre autres de la prise
en compte du système de réseau d’affinités décrit par R Sainsaulieu, même si d’autres
éléments demeurent relativement importants, comme l’ancienneté dans le poste (élément qui
détermine la qualification)pour la progression de carrière, la centralisation de la gestion
interne.
Toutefois, en Allemagne et d’après M Lallement236, « les entreprises favorisent pour leur part
l’autonomie professionnelle et la polyvalence »alors qu’au niveau de la BMTP c’est plutôt la
dépendance, l’obéissance et le respect de la hiérarchie dans le cadre de la pyramide classique,
avec une polyvalence utilisée au profit de l’employeur beaucoup plus en tant que moyen de
domination qu’en tant que moyen de formation et de professionnalisation.
234
Hellmut Lange, Des employés privés aux entrepreneurs de leur propre force de travail, (Privatangestellte)
(arbeitskraftunternehmer) , in Cadres et comparaisons internationales : Les « cadres » dans les pays d’Europe occidentale,
sous la direction de Paul Bouffartigue, Les cahiers du gdr CADRES, 2002-2, Actes de la journée du 30 Novembre 2001
organisé par le LEST à Aix en Provence IX, Cadres, Dynamiques, Représentations, Entreprises, Sociétés.
235
En fait et comme l’indique Hellmut Lange, « en disposant d’un diplôme d’université on pouvait toujours espérer accéder à
un poste de gestion plus au moins élevé (Hartmann/Bock-Rosenthal/Helmer (1973): Leitende Angestellte. Selbstverständnis
und kollektive Forderungen, Luchterhand, Neuwied).
236
Lallement Michel, Le travail, une sociologie contemporaine, Editions Gallimard 2007, Folio essais, inédit, p358.
344
L’auteur, indique également qu’au sein des entreprises allemandes « les tâches gestionnaires
sont réparties plus équitablement tout le long de la ligne hiérarchique » et précise que pour le
cas de l’encadrement, celui-ci « tire davantage sa légitimité de sa professionnalité que de ses
fonctions de commandement, option sociétale qui favorise la coopération dans les ateliers
comme dans le reste de l’entreprise ».
Comme l’indique Hellmut Lange237plusieurs changements ont eu lieu au niveau des
entreprises allemandes, ils proviennent essentiellement d’une croissance des employés
diplômés238, de plusieurs réorganisations avec réduction des lignes hiérarchiques qui vont dans
le sens d’un management transversal mais également et à l’égard des responsabilités et des
compétences une décentralisation croissante.
Il précise également que cela a entraîné la nécessité de redéfinir et de restructurer les relations
de coopération et affirme que d’autres changements ont aussi été réalisés suite à une diffusion
d’innovations technologiques239.
Selon lui, tout cela a conduit à une diminution sensible, voire très importante, de la probabilité
de ne jamais obtenir un poste de direction comme le suggèrent Baethge et al240ainsi que
Kotthoff241.
Selon Maurice M, Sellier S, et Sylvestre J-J242, pour les entreprises allemandes « le système de
classification des travailleurs est relativement indépendant de la structure de l’organisation ;
ce qui se traduit notamment par la dissociation du salaire par rapport au poste de travail ».
Dans ce système il existe une recherche de la rétribution en rapport avec l’effort, ce qui
permet d’entrevoir un idéal du mérite.
237
Hellmut Lange, Des employés privés aux entrepreneurs de leur propre force de travail, (Privatangestellte)
(arbeitskraftunternehmer) , in Cadres et comparaisons internationales : Les « cadres » dans les pays d’Europe occidentale,
sous la direction de Paul Bouffartigue, Les cahiers du gdr CADRES, 2002-2, Actes de la journée du 30 Novembre 2001
organisé par le LEST à Aix en Provence IX, Cadres, Dynamiques, Représentations, Entreprises, Sociétés.
238
L’auteur précise que ce phénomène de croissance déjà bien connu dans le passé, se poursuit. Selon lui la part des salariés
rangés dans le groupe des employés s‘élève à 58%. Mais il indique que cela inclut, dès les années 70 une croissance très forte
des employés diplômés, ayant fait des études soit d’université, soit de Fachhochschule (Lundgreen, 1994; Stück 1994). Entre
1976 et 1996 le groupe des salariés diplômés a même augmenté de 158% (Schönert, 1999)20; entre 1980 et 1993 de 50%
(Wirtschaft und Statistik, 1995) . Il souligne aussi que dans le cadre de ce développement se réduit, bien entendu, la
probabibilité pour une fraction croissante de ces employés diplômés de ne jamais accéder à une fonction de haute
responsabilité au sein de la hiérarchie de l’entreprise. Donc, le problème auquel se référait déjà Kornhauser - la nécessité d’
offrir une échelle de carrière qui soit basée sur les qualifications et les fonctions de spécialiste réellement exercées plus tôt
que sur les fonctions de commandement – est de plus en plus important (Kornhauser ,1962).
239
C’est par exemple le fait que soulève l’auteur par rapport à la diffusion de l’ordinateur. Cette diffusion a affecté la division
du travail dans les bureaux de sorte qu’une grande partie de l’activité de traitement de textes n’est plus effectuée par des
secrétaires mais par leurs "commanditaires", donc par des employés de qualification élevée, la majorité des diplômés inclus.
240
Baethge et al: Das Führungskräfte-Dilemma. Manager und industrielle Experten zwischen Unternehmen
und Lebenswelt, Campus-Verlag, Frankfurt am. M. / New York, 1995.
241
Kotthoff, H: Führungskräfte im Wandel der Firmenkultur. Quasi-Unternehmer oder Arbeitnehmer? Ed.
Sigma, Berlin, 1997.
242
Maurice M, Sellier F, Sylvestre J-J, Politique d’éducation et d’organisation industrielle en France et en Allemagne, Essai
d’analyse sociétale, Presses Universitaires de France, 1982, p263-269.
345
Ils ajoutent même que les entreprises allemandes s’orientent vers une valorisation et une
rétribution en rapport de « la capacité du travailleur à maîtriser l’ensemble d’un processus de
travail » et concluent en indiquant que « ce « fait d’organisation » a un effet direct sur la
formation de l’identité professionnelle (individuelle et collective) dans la mesure où il traduit
la reconnaissance, par l’entreprise, de la professionnalité comme un attribut personnel du
travail, et non comme un attribut de sa position dans la structure d’organisation ».
Ainsi, une rétribution qui soit en rapport avec le niveau de professionnalité pour le cas
allemand s’oppose à une rétribution par le niveau de position dans la grille des salaires
comme c’est le cas au sein de la BMTP.
Par ailleurs, au niveau de la BMTP, l’existence d’organisations de représentation des
salariés243, qui sont dominées par le patronat prouve bien les limites (qui se manifestent par de
grandes divisions internes) et la faiblesse de l’action syndicale.
A cet effet, le syndicat tunisien l’UGTT se trouve aujourd’hui et depuis la révolution
tunisienne244 en concurrence avec l’arrivée de deux autres syndicats, à savoir la CGTT et
l’UTT.
A l’opposé, il existe au sein des entreprises allemandes « un syndicalisme allemand unitaire,
plus riche en adhérents et fort du quasi-monopole du Deutscher Gewerksschaftsbund
(DGB)245» mais également une « instance majeure (le betriebsrat) qui porte les intérêts des
salariés ».
De plus, il existe une autre différence, à savoir et comme l’annonce M Lallement « c’est celle
relative à la faible tradition de négociation à froid qui n’a rien à voir avec la logique de la
contractualisation et de la paix sociale initiée en Allemagne dès la fin du XIX siècle ».
Par exemple, les négociations salariales ne se passent pas de la même manière au niveau des
deux pays.
En Tunisie, c’est l’UGTT qui organise avec le patronat le round des négociations sur une base
triennale, et dans le cadre des accords de branche à l’image de ce qui se passe en France de
sorte que toute tractation ou revendication se passe en externe et n’entrave aucunement la
bonne marche du travail et ce d’un commun accord avec le patronat.
243
Comme la structure de la commission consultative, ainsi que les comités d’entreprise, les délégués du personnel, et les
délégués syndicaux
244
Révolution tunisienne dite révolution du Jasmin du 14 Janvier 2011.
245
Lallement Michel, Le travail, une sociologie contemporaine, Editions Gallimard 2007, Folio essais, inédit, p358
346
Pour le cas de l’Allemagne en revanche et comme le signale Michel Lallement246, « la co-
gestion est un premier moyen d’associer employeurs et représentants des salariés au plus près
de la réalité de l’entreprise ».
Comme nous pouvons le constater, le rapport de force est dans le cas allemand mieux
équilibré que dans le cas tunisien où ce rapport est à l’avantage des employeurs.
L’auteur précise également que « les syndicats allemands interviennent par ailleurs à l’échelle
de la région et de la branche. Les compromis négociés à ces niveaux intermédiaires imposent
à toutes les entreprises d’un même secteur le respect des mêmes normes salariales, ce qui
phagocyte d’emblée toute velléité de concurrence par les couts salariaux ».
Ainsi, étant donné que les normes salariales sont homogènes, selon lui, « pour être
performantes, les entreprises allemandes sont donc obligées de privilégier la qualité des biens
produits et celle de la main-d’œuvre employée, ce vers quoi tend précisément le système
éducatif ».
247
Toutefois, et comme le proposent M Maurice, J-J Sivestre, F Sellier « l’organisation du
travail doit être suffisamment flexible pour permettre aux travailleurs, quelles que soient leurs
classifications, d’être capables de maîtriser l’ensemble des tâches et des postes d’une unité
productive.
Ceci implique qu’une large autonomie soit laissée au Meister dans la définition des postes et
dans leur affectation, afin de recevoir l’organisation du travail comme un processus
d’apprentissage, dont la polyvalence représente alors la forme la plus achevée.
De même, dans la mesure où le salaire est davantage lié à la capacité productive du travail,
l’appréciation de cette capacité devra être le plus possible décentralisée.
Or en Tunisie et plus particulièrement au sein de la BMTP, c’est tout l’inverse et c’est
l’organisation administrative qui l’emporte en créant beaucoup de dégâts au passage.
La pratique de la formation au niveau des banques allemandes et tunisiennes a été modernisée
et a laissé apparaître de nouvelles stratégies de recrutement, aussi bien au niveau des banques
allemandes que tunisiennes.
Cela n’a pu être réalisé que du fait de l’avènement d’une nouvelle régulation entre le marché
interne et la formation continue avec une adaptation à plusieurs facteurs de changement que
nous traiterons ci-après.
246
Lallement Michel, ibid
247
Maurice Marc, Sellier François et Silvestre Jean Jacques, Politique d’éducation et organisation industrielle en France et en
Allemagne. Essai d’analyse sociétale, PUF, Paris, 1982.
347
3.14.1 L’avènement d’une nouvelle régulation entre marché interne et
système de formation continue
Les banques allemandes et tunisiennes ont été amenées d’une part, à revoir leur mode de
recrutement en s’alignant sur les autres professions et les entreprises privées pour faire face au
nouveau contexte beaucoup plus concurrentiel et plus orienté vers un libéralisme économique.
Ce dernier prenant la forme d’un désengagement de l’état des entreprises et banques
publiques, couplé avec un accroissement des privatisations.
Mais, elles ont dû également prendre en charge leur personnel à travers la généralisation du
système de la formation continue et une pratique désormais courante de la formation en
alternance, d’autre part.
248
Swen Hildebrandt et Sigrid Quack, « France-Allemagne, La gestion des ressources humaines dans le secteur
bancaire », in « Formation Emploi », N° 54, p55.
348
raison de l’unification allemande. Dans les années quatre vingt les banques et caisses
d’épargne ont embauché, dans le cadre du système dual, un nombre croissant de bachelier
pour les former au métier d’employé (e) de banque. Depuis 1992, on enregistre toutefois un
nouveau recul en raison des restructurations intervenues et des suppressions de personnel dans
les banques et caisses d’épargne».
Comme nous pouvons le constater la tendance au recrutement de jeunes diplômés est concrète
aussi bien en Allemagne qu’en Tunisie et ce, d’autant plus qu’il existe comme l’ont
mentionné en d’autres termes les deux auteurs précités, une conjonction de deux éléments, à
savoir : une offre croissante de diplômés sur le marché et l’élévation générale du niveau
d’éducation.
Un point commun fort existe également entre banques allemandes et banques tunisiennes dans
la mesure où ces dernières ont accentué durant la même période l’embauche de jeunes
diplômés du supérieur, et que cette tendance culmine au début des années quatre vingt dix
sous l’impulsion des autorités publiques.
Pour le cas des banques allemandes, Swen Hildebrandt et Sigrid Quack249 affirment que « le
pourcentage des bacheliers dans l’ensemble des apprentis recrutés par les banques privées est
passé de 47% en 1980 à 74,4% en 1990250. Ainsi, les banques forment un nombre très
important de bacheliers puisque seuls 14,5% (1992)251 des apprentis en moyenne ont passé le
baccalauréat ».
Cela confirme encore une fois, aussi bien pour les banques allemandes que pour les banques
tunisiennes que le recrutement de jeunes plus diplômés devrait permettre aux banques de
mieux affronter la concurrence nationale et internationale.
Cela étant plus envisageable, à travers un personnel plus facilement employable et plus
spécialisé, tout en usant de techniques de communication et d’un relationnel qui est
généralement beaucoup plus naturel chez les jeunes que chez leur aînés, étant donné qu’ils y
ont été formé depuis plusieurs années.
Les deux auteurs indiquent même que « grâce à cette nouvelle politique de recrutement à un
niveau scolaire supérieur, les établissements de crédit espèrent disposer de bacheliers ayant
249
Swen Hildebrandt et Sigrid Quack, ibid
250
Le recul des apprentis de banque détenteurs du baccalauréat enregistré à partir de 1991 s’explique en premier
lieu par la politique de recrutement des établissements de crédit en Allemagne de l’Est, ceux-ci disposant d’une
main d’œuvre différente de celle de l’Ouest en raison du faible pourcentage de bacheliers.
251
Le pourcentage de bachelier parmi les apprentis de banque est également bien supérieur au taux moyen des
métiers du secteur tertiaire (25,3%). Les données proviennent du document Bundesministerium für Bildung,
Wissenschaft, Forschung und Technologie, 1994.
349
beaucoup plus de compétences-clés, compétences qui sont nécessaires aux nouvelles formes
de conseil et d’organisation du travail ».
En effet, selon eux « les bacheliers sont considérés comme étant plus autonomes et plus
conscients de leurs responsabilités et on leur confie plus tôt la tâche de présenter à la clientèle
des produits d’une plus grande complexité. Ils disposent donc de compétences qui sont de
plus en plus nécessaires dans l’activité bancaire ».
En revanche, pour les banques tunisiennes, le recrutement de diplômés de l’université répond
à des exigences des pouvoirs publiques qui veulent combattre le chômage en s’attaquant à la
demande additionnel de ces jeunes pour qui, la banque est une entreprise où la carrière est
toujours assurée.
Toutefois, en Allemagne et dans le sens des deux auteurs, l’augmentation générale du niveau
d’études a produits deux effets, à savoir :
Elle a tout d’abord poussé les établissements de crédit allemands à embaucher un nombre
croissant de bacheliers, mais a permis également dans un deuxième temps de développer le
marché du travail à temps partiel des jeunes, par une offre plus importante de qualifications
supérieures, tout en maintenant l’attrait de ce secteur d’activité pour les jeunes.
Ainsi, généralement après les recrutements opérés au niveau des banques tunisiennes et
allemandes, il se mettait en place la phase relative à l’intégration et la formation de cette
population de jeunes recrues.
En principe, les programmes de formation interne de jeunes issus de l’enseignement supérieur
sont assez semblables en Tunisie et en Allemagne.
Pour les jeunes diplômés tunisiens intégrés au sein de la banque, ces programmes sont divisés
en deux types de formation en fonction de l’affectation future des nouvelles recrues, à savoir
une formation en salle d’une année et une formation sur le tas sur les lieux qui dure également
une année pour le personnel destiné au réseau des agences.
Cependant, pour le personnel affecté aux directions centrales, aux services du back office et
services administratif, il ne sera effectué qu’une formation sur le tas d’une période
relativement plus courte qui peut au maximum égaler l’année.
Pour les futurs exploitants du réseau des agences, il y a un plan de rotation organisé à leur
intention à travers les différents services administratifs et spécialisés de la banque.
L’accent est mis sur le service de l’établissement bancaire où les jeunes seront placés à l’issue
de la formation.
350
En Allemagne, et comme le précisent Swen Hildebrandt et Sigrid Quack252 « le service crédit
constitue un élément très important de ce cycle de formation, comme en Tunisie, et la
formation organisée dure environ dix huit mois.
En effet, dans le cadre du système allemand, il est important que les jeunes diplômés, à l’issue
du programme de formation en milieu bancaire, soient placés pour une à deux années dans le
département crédit avant de prendre leur poste de jeunes chargés d’affaires PME ».
En Tunisie, par contre, la banque ne donne la responsabilité de chargé d’affaire aux jeunes
diplômés qu’après le cycle de formation interne destinés aux exploitants (formation Futur
cadre d’exploitation ou futur chef d’agence) qui dure, comme nous l’avons mentionné plus
haut en règle générale une année, avec une année supplémentaire de stage en agence
également, sous la supervision d’un tuteur, un senior avisé aux différentes opérations.
Ainsi, les jeunes diplômés tunisiens accèdent à cette responsabilité bien avant leurs
homologues allemands.
Si nous observons la mobilité des diplômés du supérieur, aussi bien en Tunisie qu’en
Allemagne, nous pouvons remarquer que la tendance à la fixité et la stabilité est grande, au
sein d’une même banque et d’un même service.
Elle est issue pour les deux pays de variables socioculturelles et d’un héritage longtemps
entretenu par le secteur bancaire, qui a souvent admis que cette profession appartient à un
corps de métier dont les ficelles ne pouvaient être connues qu’après plusieurs années de
pratique.
En règle générale, les secteurs bancaires allemand et tunisien ne connaissaient que très peu de
désaffection et les carrières étaient réputées pour être longues, surtout pour les salariés qui ne
disposaient pas de diplômes universitaires et qui constituaient l’essentiel des troupes.
Pour les banques allemandes et comme le précisent les deux auteurs, « les candidats qui
entament leur carrière professionnelle dans une banque ou une caisse d’épargne allemande
sans disposer d’un diplôme universitaire, suivent un apprentissage de deux ans et demi, voire
trois ans, pour devenir employé de banque (Bankkaufmann) ».
Pour les banques allemandes, il existe un parcours de formation qui s’opère aussi bien sous la
coupe d’une institution publique que privé, mais selon des proportions différentes.
252
Hilderandt Swen et Quack Sigrid, « Les relations banques –PME en France et en Allemagne », Revue Banque
n°573, septembre, 1996.
351
Selon les deux auteurs, « il s’agit d’une formation reconnue par l’état qui intervient pour un
tiers dans le cadre d’une école professionnelle publique et pour les deux tiers dans une banque
qui passe un contrat d’apprentissage avec les jeunes concernés ».
Aussi bien pour les banques allemandes que pour les banques tunisiennes (surtout pour le
personnel qui sera affecté au niveau du réseau des agences), les jeunes ont l’obligation de
passer par le département crédit pour se former, alors que pour les autres services ou
départements une simple tournée d’information suffit.
Les deux auteurs précisent qu’« à l’issue de cette période, ils sont généralement embauchés
par la banque qui les a formés ».
Pour les banques tunisiennes, les jeunes recrues non diplômées sont intégrées sur les lieux de
leur affectation future et bénéficient d’une formation sur le tas, sous la supervision d’un
tuteur, un senior de la banque, avisé aux opérations bancaires, opérations que le jeune doit
maîtriser.
Ces jeunes peuvent suivre les cours bancaires internes, mais cela ne constituait pas en soi une
exigence, car cela demeure optionnel.
Toutefois, pour les jeunes, ces cours peuvent prendre en moyenne une période de six ans
d’études et donner lieu à l’obtention du brevet (le diplôme de rédacteur) ainsi qu’avoir accès à
la catégorie « personnel d’encadrement » et être considérés comme de jeunes cadres.
Ces jeunes peuvent alors poursuivre des études supérieures, notamment en s’inscrivant aux
cours ITB.
Ainsi, comme nous pouvons le constater, la tradition de la formation interne au sein du
secteur est très bénéfique, surtout pour les non diplômés qui peuvent s’inscrire et poursuivre
ces études reconnues par le secteur, et qui leur donnent droit à des promotions internes.
Pour les banques allemandes, et comme le signalent les deux auteurs, « après quelques années
d’activité professionnelle, ceux qui le souhaitent sont placés dans le service crédit pour au
moins deux ou trois années ».
Les jeunes nouvelles recrues intégrées au sein de la banque allemande peuvent également,
comme ils l’affirment « suivre et réussir des formations externes reconnues en Allemagne au
titre de la formation permanente », et ce « outre des formations internes continues ».
La formation interne est ainsi reconnue et valorisée aussi bien pour les banques allemandes
que pour les banques tunisiennes et permet de doper la carrière.
Toutefois, l’ouverture du marché interne et l’intégration des diplômés universitaires remettent
en cause la valorisation de cette formation interne dans le sens d’une déqualification (très
352
perceptible pour les banques tunisiennes), et d’une concurrence interne entre les titres obtenus
et les salariés entre eux (intra et inter générations) du fait des possibilités de carrière offertes.
En effet, pour le cas tunisien, les diplômés du supérieur étaient intégrés à des niveaux plus
élevés dans la pyramide interne et sur l’échelle des promotions, même si actuellement nous
assistons à un revirement du fait que les employeurs et premiers responsables de la banque,
souvent moins diplômés que ces jeunes, cautionnent l’ancien système.
Pour eux, cela émane du fait que le système de la promotion par la formation interne a
longtemps fait ses preuves, à la différence de celui mettant l’accent sur l’intégration de jeunes
diplômés du supérieur qui disposent d’une formation initiale conséquente, mais souvent
étrangère au monde de la banque, et dont les effets sont à venir.
Aussi, comme le précisent les deux auteurs, « à condition de remplir l’ensemble de ces
démarches, tous les employés de banque en Allemagne peuvent devenir, au bout de cinq à
sept années d’activité professionnelle, des chargés d’affaires PME juniors et recevoir alors, le
plus souvent sous contrôle d’un collègue plus expérimenté ».
Comme nous pouvons le remarquer, l’importance du tuteur, senior n’est plus à démontrer,
étant donné qu’il permet de transmettre les connaissances clés aux jeunes nouvelles recrues et
de lier entre les deux générations de salariés de la banque.
353
En fait, comme l’indique Christine Bruniaux253, « au niveau des banques allemandes, les
licenciements de personnel ont toujours été évités par la formation interne, couplé avec des
départs en retraite et préretraite », car l’Allemagne dispose, selon elle, « d’un degré élevé de
protection des salariés avec une forte tradition de formation interne, propre au pays ».
Pour la Tunisie en revanche, les salariés du secteur bancaire bénéficient d’une protection
inhérente au secteur bancaire (la branche), secteur réputé protégé qui donne l’avantage d’une
sécurité de l’emploi souvent à vie, à moins de faute jugée lourde.
Ce secteur est sous la tutelle du ministère des finances et de la banque centrale tunisienne, et il
existe un encadrement du crédit bien organisé.
Ces dernières années ont vu augmenter les départs à la retraite et il a même été organisé un
programme de pré retraite sous l’influence des principaux bailleurs de fond (Banque mondiale
et FMI) qui préconisaient des licenciements, car la ressource humaine demeure toujours « la
variable d’ajustement structurelle » sur laquelle les employeurs peuvent jouer.
Christine Bruniaux indique dans ce même ordre d’idée que « l’embauche de jeunes diplômés
elle-même diffère dans ses modalités entre pays, intégration originale dans le système dual en
Allemagne ».
Pour les banques tunisiennes, la force du marché interne conduit à des ajustements similaires
en termes de départ en retraite anticipée et de limitation des embauches, mais avec une plus
grande flexibilisation.
En règle générale, les jeunes débutants disposent d’une formation opérationnelle ou sur le tas,
assistée par un senior qui permet d’effectuer une transmission intergénérationnelle des
connaissances et qui participe à réduire le coût de cet apprentissage pour l’employeur.
En effet, pour le secteur bancaire tunisien, la relation d’emploi, le recrutement, la formation et
l’intégration s’individualisent de plus en plus suivant le type de banque, voire entre banques
publiques et banques privées.
De plus, la flexibilisation récente introduite au sein du secteur en matière d’emploi avec
l’autorisation du CDD ou l’allongement de la période de stage préalable à une titularisation se
généralise lentement.
Par ailleurs, le recours à la sous-traitance pour certaines activités comme le transport de fond,
ou la fourniture et la maintenance informatique est aujourd’hui acquis.
253
Bruniaux Christine, « Synthèse élaborée dans le cadre de la troisième phase des travaux d’EDEX - WP3 », à
partir des rapports nationaux pour cinq pays, à savoir l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la
France et ce à l’attention du Zentrum für Sozialforschung Halle, elle est relative à l’évolution de l’emploi et des
qualifications dans le secteur bancaire.
354
Aussi, en totale contradiction avec les premières années de mise en place du secteur bancaire
tunisien, où la tradition a toujours été d’embaucher une population de salariés, sans grande
qualification et sur qui reposait une obligation morale d’imprégnation graduelle d’une culture
maison souvent à travers une formation interne sur le tas prodiguée grâce aux aînés,
aujourd’hui plusieurs changements voient le jour.
Cela a été déjà énoncé plus haut avec la remise en cause d’une part, du marché interne, réputé
longtemps fermé à toute concurrence externe, mais également et d’autre part, de la formation
interne, reconnue comme faisant office d’école de formation au profit (toujours en grande
partie) des non diplômés.
Cette formation interne continue devient de moins en moins accessible aux nouvelles recrues
titulaires d’un diplôme du second degré, voire d’un troisième cycle spécialisé, surtout quand
celui-ci est affecté au niveau des directions centrales.
En revanche, pour ce qui est des nouvelles recrues, diplômés et affectées au réseau, la
formation interne en alternance demeure toujours aussi importante.
De fait, ces remises en cause sont à l’avantage de l’employeur qui minimise les promotions
automatiques, en cas de réussite aux examens, selon la règle inscrite au niveau de la
convention collective de 1982 pour les diplômés bac+4 et plus, qui pouvaient s’inscrire aux
cours de l’ITB peu de temps après l’embauche et gravir les échelons.
Ainsi, aujourd’hui, cela est rendu impossible et l’employeur peut, par là même, contrôler
davantage les évolutions de carrière, voire les freiner pour diminuer les charges salariales, tout
en augmentant la productivité par agent, étant donné que l’effectif de la banque va en
diminuant, car les recrutements ne comblent pas les départs à la retraite.
Aussi, dans un mouvement de regroupements bancaires et dans un marché du travail de plus
en plus flexible avec une déréglementation croissante et un syndicat de branche de plus en
plus effacé, les salariés de la banque tunisienne se sentent de moins en moins protégé quant à
la sécurité de leur emploi.
En effet, la qualification de faute lourde donnant droit à licenciement est désormais à la seule
discrétion de l’employeur, ce qui renforce l’idée selon laquelle nous sommes entrés au sein
des banques tunisiennes dans une « ère des seigneurs ».
355
Toutefois, et comme le souligne Christine Bruniaux254 pour les banques allemandes « les
modalités de restructuration sont pour beaucoup fonction de la force du marché interne et du
système de formation continue »
254
Bruniaux Christine, « Synthèse élaborée dans le cadre de la troisième phase des travaux d’EDEX - WP3 », à partir des
rapports nationaux pour cinq pays, à savoir l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France et ce à l’attention
du Zentrum für Sozialforschung Halle, elle est relative à l’évolution de l’emploi et des qualifications dans le secteur
bancaire.
255
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid « France-Allemagne, La gestion des ressources humaines dans le secteur bancaire »,
in « Formation Emploi », N° 54, p55.
356
La Tunisie et les banques tunisiennes s’inspirent en fait de ces deux modèles pour donner lieu
à un modèle tunisien qui se veut hybride, alliant importance de l’apprentissage industriel,
mais appliqué au niveau des services, tout en veillant à valoriser et maintenir une dépendance,
ou encore une passerelle, de l’apprentissage par rapport au système éducatif public.
En effet, il ne pouvait pas en être autrement étant donné la spécificité tunisienne inhérente à
l’enseignement obligatoire préconisé par Habib Bourguiba, qui institutionnalise l’école et
l’enseignement pour tous dès l’indépendance du pays, dans le signe d’un investissement qui
porte aujourd’hui ses fruits, en témoigne le fort pourcentage du personnel diplômés au niveau
des banques.
Pour les banques allemandes, et comme le souligne les deux auteurs, Swen Hildebrandt et
Sigrid Quack256, cela s’est concrétisé pour eux du fait que « depuis le milieu des années
soixante dix et notamment à partir de la première moitié des années quatre-vingt, les banques
et caisses d’épargne allemandes sont confrontées de manière croissante à un changement
structurel qui se traduit par le passage d’une politique de gestion plutôt administrative à une
politique de gestion agressive exigeant des connaissances croissantes (Baethge et Oberbeck,
1986 ; Petit et Vernières, 1990) ».
256
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, ibid.
357
Le changement structurel a globalement augmenté la pression exercée par la concurrence sur
les établissements de crédit allemands, au niveau des différents postes de travail et/ou types
d’emplois.
Par ailleurs, dans le cadre d’une orientation commerciale mondiale, pour les employeurs et
premiers responsables des banques tunisiennes et allemandes, la structure des qualifications
des salariés prend de plus en plus d’importance.
Il y a même un intérêt majeur quant au personnel en contact, c'est-à-dire que ce sont les
opérations du front office, où il est exigé d’avoir un bon relationnel, qui sont de plus en plus
valorisées.
Toutefois, chaque banque peut avoir sa propre stratégie de recrutement et de formation
interne.
C’est le cas au niveau des banques tunisiennes, où il peut exister une variation des différentes
stratégies de recrutement et de formation entre banques privée et banques publiques, même si
comme l’affirme Ahmed Karam257, la banque tunisienne est aujourd’hui une banque multi-
spécialités, attestant par là l’orientation vers une généralisation de la spécialisation de toutes
les activités de la banque et d’un accroissement de la polyvalence.
Pour corroborer ces propos, il est pertinent de savoir que les banques privées tunisiennes
recrutent des diplômés universitaires, de plus en plus spécialisés (DESS, DEA) disposant
parfois d’une expérience professionnelle dans le secteur bancaire, même si ce critère n’est pas
exigé.
Ils procèdent le plus souvent à leur titularisation dans un délai similaire aux entreprises
privées soit 6 mois, et peuvent leur offrir également la possibilité d’une formation interne au
bout de cette même période.
L’exemple des cours de l’ITB est flagrant, étant donné que les salariés des banques privées
peuvent avoir le droit de suivre ces cours après 6 mois de travail au bout desquels ils ont
obtenus leur titularisation, et qu’ils peuvent à chaque année de réussite obtenir une promotion
interne, ce qui n’est pas le cas pour les banques publiques.
En effet, en règle générale ces dernières ne titularisent leur personnel qu’après avoir satisfait à
deux ans de service et n’offrent la possibilité de se former aux cours de l’ITB qu’après une
année supplémentaire d’ancienneté au sein de la banque, soit au total trois années après le
recrutement, d’où un écart important.
257
Karam Ahmed est directeur général de l’Amen Bank, une des plus importantes banques privées de la place
appartenant au groupe Ben Yedder.
358
3.16 Un arbitrage en faveur de la mobilité qui va à l’encontre des
normes internes
Pour le cas des banques allemandes, il existe un arbitrage en faveur de la mobilité qui va à
l’encontre de normes internes comme l’ancienneté et la fixité au poste, même si l’on agit tout
de même sur les délais d’évolution de carrière.
Comme nous l’avons déjà énoncé plus haut, Swen Hildebrandt et Sigrid Quack258indiquent
que « la promotion interne au poste de chargé d’affaires demeure toujours la règle en
Allemagne ».
Les deux auteurs précisent également que les apprentis transitent par plusieurs services avant
leur affectation définitive, avec un passage particulier au niveau du département crédit.
Ils affirment que cela s’effectue « dans le cadre du système dual de formation professionnelle
au métier d’employé (e) de banque qui dure deux ans et demi à trois ans » et précisent qu’
« au terme de la formation, les « diplômés » sont généralement embauchés et affectés dans
des succursales ».
Mais, il ne s’agit pas là d’une affectation définitive étant donné que les deux auteurs, vont
même préciser qu’ « au bout de quelques années d’activités professionnelles, ils sont
obligatoirement affectés au service Crédit en tant qu’employés pour une durée supplémentaire
de deux à trois ans ».
Ainsi, la formation d’un crédit man, en tant que chargé d’affaires, est jonchée d’obstacles que
les jeunes doivent obligatoirement franchir pour pouvoir occuper le poste.
C’est dans le cadre de cette formation qui se veut complète que Swen Hildebrandt et Sigrid
Quack259 affirment que « le temps passé dans l’activité de conseil aux particuliers et au service
Crédit est complété par des cours de formation continue et externes à l’entreprise ».
258
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, « Les relations banques –PME en France et en Allemagne », Banque
n°573, septembre, 1996.
259
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, « France-Allemagne, La gestion des ressources humaines dans le secteur
bancaire », in « Formation Emploi », N° 54, p55.
260
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, ibid.
359
d’entreprises sous la direction de chargés d’affaires expérimentés » que nous pouvons
considérer en tant que seniors.
En fait, outre les formations pratiques, les deux auteurs indiquent que « beaucoup de choses
dépendent également en Allemagne des notes finales obtenues dans le cadre du système dual
de formation professionnelle initiale ».
En moyenne, les chargés d’affaires de PME allemands ont donc une promotion plus lente que
leurs « homologues » tunisiens, ce qui s’explique par la différence de politique du personnel
et de promotion existant en Tunisie et en Allemagne.
Toutefois, même en Allemagne, une souplesse est introduite dans la mesure où comme
l’affirment les deux auteurs, « certaines banques ont créé des groupes dits de promotion, ces
groupes rassemblent de jeunes collaborateurs bien notés et très motivés qui parviennent aux
postes de chargés d’affaires débutants en cinq ans plutôt qu’en sept, en raison de leurs
performances ».
Il en va de même pour la mobilité des collaborateurs déjà employés comme chargés d’affaires
de PME.
Alors que les chargés d’affaires de PME dans les banques et caisses d’épargne allemandes
gardent la même clientèle pendant cinq à sept ans (Quack et Hildebrandt, 1995), les chargés
d’affaires tunisiens en changent plus fréquemment, généralement tous les trois à quatre ans.
Cependant, selon les deux auteurs « dans les banques et caisses d’épargne allemandes, le
système dual de formation professionnelle occupe une place toute aussi centrale dans la
stratégie menée par les entreprises en matière de politique du personnel que dans le secteur
industriel ».
261
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, ibid
361
Les institutions des deux pays ont adapté leur mode de formation et de recrutement aux
nouveaux collaborateurs et les changements sont intervenus sur la forme et non sur le fond,
comme déjà mentionné plus haut.
Du fait de l’affaiblissement des marchés internes et de la remise en cause des normes de
progression des carrières, les salariés cherchent de plus en plus à améliorer leur évolution de
carrière en interne, voire même (si cela n’est pas rendu possible en interne) au sein d’une
autre banque qui offre de meilleurs avantages (phénomène du turnover).
La perte de fidélité et les désaffections de personnel sont un phénomène récent, car les
banques tunisiennes, surtout publiques, profitaient de la fidélité au poste de leurs salariés en
leur garantissant en échange une évolution de carrière à l’ancienneté et une sécurité de
l’emploi.
362
carrière rapide, non exclusivement dépendante de l’ancienneté dans le poste et des états de
service.
Plusieurs d’entre eux ayant une expérience bancaire solide cherchent même à se redéployer
vers d’autres banques, voire même d’autres entreprises en faisant valoir leur niveau de
formation et les connaissances accumulées issues de l’expérience professionnelle.
Pour ce qui est des banques allemandes, Christine Bruniaux262 mentionne que « le taux de
départ après formation des Bank Klerks, titulaires de l’Abitur, vers l’université atteignait à la
fin des années 1980 des proportions si inquiétantes que malgré la tradition de promotion sur la
base de l’« expérience et la performance », un traitement plus favorable a été instauré pour ces
derniers et ce, sans tenir compte du diplôme initial ».
Ces derniers bénéficient aujourd’hui selon elle « de plans de développement personnels et de
la possibilité de suivre des études supérieures en parallèle à l’apprentissage, leur permettant
d’avoir plus facilement accès, plus tard, aux postes les plus élevés ».
Toutefois, la tradition aussi bien pour le secteur bancaire allemand que tunisien d’une
préférence orientée vers la fixité et la stabilité dans le poste de travail n’est plus à démontrer,
même si elle ne répond pas aux mêmes motifs pour les banques allemandes que pour les
banques tunisiennes.
En effet, comme le notent Swen Hildebrandt et Sigrid Quack263, ce qui prévaut c’est une
« priorité à la stabilité en Allemagne ».
Selon eux, « la gestion du personnel prévoit une rotation systématique des chargés d’affaires
PME, mais après trois à sept ans d’activité dans la fonction ».
Comme le précisent les deux auteurs, « il n’existe qu’une très faible fluctuation du personnel
dans les services chargés de la gestion des entreprises clientes ».
Pour eux, l’importance de la relation basée sur le même vis-à-vis pour l’entreprise cliente est
importante, car il faut d’après eux « ménager une relation au client basée sur la durée ».
La stabilité et la fixation du personnel dans le poste est recherchée par les employeurs
allemands et tunisiens, elle va dans le sens d’un approfondissement de la relation d’affaire
avec le client en relation avec une connaissance parfaite de la situation financière de ce
dernier.
262
Bruniaux Christine, « Synthèse élaborée dans le cadre de la troisième phase des travaux d’EDEX - WP3 » à
partir des rapports nationaux pour cinq pays, à savoir l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la
France et ce à l’attention du Zentrum für Sozialforschung Halle, elle est relative à l’évolution de l’emploi et des
qualifications dans le secteur bancaire.
263
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, « Les relations banques –PME en France et en Allemagne », « Revue
Banque », n°573, septembre, 1996.
363
Les deux auteurs se prononcent pour le cas allemand en ces termes, « ceci génère un degré de
confiance important entre les parties, qui favorise une plus grande ouverture de l’entreprise
dans les affaires financières ».
Mais, ils vont même ajouter que « le fait que le chargé d’affaires PME finisse par trop
s’identifier à son client n’est pas perçu comme un danger » et ce, à la différence des banques
tunisiennes où il est prévu un changement et une rotation régulière du personnel du réseau des
agences (chefs d’agences) pour parer justement au risque que peut laisser miroiter une trop
grande intimité entre le client et le salarié, représentant de la banque.
Pourtant, aussi bien en Tunisie qu’en Allemagne, plusieurs procédures de contrôle existent, et
il existe même des missions d’inspection internes, mais les banques préfèrent se prémunir
contre les risques en amont.
A cet effet, et comme le précisent les deux auteurs, les banques « comptent sur une division
du travail claire entre les chargés d’affaires PME et les services en charge du crédit ».
Ainsi, cette tradition de fixité et de stabilisation des salariés en Allemagne et en Tunisie peut
être perçue en tant que stratégie de gestion des ressources humaines aussi bien pour les
banques allemandes que pour les banques tunisiennes, car selon les deux auteurs264, pour les
banques allemandes, « il doit exister une rotation systématique des chargés d’affaires PME,
mais après trois à sept ans d’activité dans la fonction ».
Nous pouvons remarquer que la pratique de la rotation du personnel joue aussi bien dans les
banques tunisiennes que dans les banques allemandes.
Cela ne dépend pas de la taille de la banque, même s’il existe toutefois une fréquence plus
affirmée pour les premières par rapport aux secondes.
264
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, ibid.
364
En effet, la formation de branche a un éventail plus réduit et plus spécialisé qui peut même
contenir une part non négligeable d’informel, comme nous avons pu le constater en interne
au sein de la banque publique tunisienne avec la formation sur le tas.
Selon Swen Hildebrandt et Sigrid Quack265 et à l’image de ce qu’avancent plusieurs auteurs
(Erbès-Seguin et alii, 1990 ; Maurice, 1993) pour l’Allemagne et la France, nous pouvons
établir en accord avec eux, que les différences existantes entre les systèmes de formation
professionnelle tunisiens et allemands, sont pour partie dues à la différence de régulation des
rapports existants entre l’Etat (à travers les établissements académiques publiques ) et les
entreprises.
En effet, le système de formation des banques tunisiennes est, à l’image des banques
allemandes, du ressort de la branche et/ou du secteur bancaire, même si pour le cas des
premières l’influence de l’état est beaucoup plus présente que pour les secondes.
265
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid « France-Allemagne, La gestion des ressources humaines dans le secteur
bancaire », in « Formation Emploi », N° 54, p55.
365
tunisiennes, l’influence étatique est encore plus importante que la seule reconnaissance des
diplômes obtenus en interne.
Cependant, il existe actuellement des ouvertures qui rentrent dans le cadre d’un partenariat
entre les établissements universitaires et le secteur bancaire, dans la mesure où certains
établissements dispensent des formations spécifiques à la banque.
Ces établissements contribuent à former le personnel bancaire et délivrent même des diplômes
spécialisés comme le « DESS gestion bancaire » ou l’option « gestion bancaire » dans
certains cursus de maîtrise en gestion.
Même, si comme l’affirment les deux auteurs « traditionnellement, l’apprentissage constitue
une exception ; il resta limité pendant longtemps à l’artisanat », la banque a longtemps formé
ses salariés en interne et l’on a souvent parlé de l’apprentissage bancaire.
Toutefois, les récentes réformes de la formation professionnelle qui sont intervenues dans le
cadre du système éducatif scolaire ou universitaire tendent à mettre en exergue, pour le cas
tunisien, que l’état joue un rôle important en matière de formation professionnelle, étant
donné qu’il participe au financement des formation et qu’il en oriente la trajectoire, voire en
contrôle parfois l’exécution effective.
Ceci est contraire à ce qu’avancent les deux auteurs à travers les propos de Lane (1989)
lorsqu’ils indiquent que pour le cas de certaines banques européennes « l’état ne joue qu’un
rôle mineur au sein du système de formation professionnelle des établissements de crédit ».
L’apprentissage et les autres types de formation en alternance ont joué dans le secteur
bancaire tunisien jusqu’au milieu des années quatre-vingt, même si plusieurs seniors
interviewés affirment, à l’image des auteurs comme d’Iribarne et Lemaître (1987), qu’« il n’y
a pas de système d’apprentissage dans le secteur bancaire ».
Toutefois, selon Swen Hildebrandt et Sigrid Quack266 « la majorité des salariés des banques
allemandes (90%) sont titulaires d’un certificat de formation professionnelle », alors même
que pour les salariés de la banque tunisienne privée ou publique la proportion des titulaires
d’un Diplôme de Formation Bancaire Spécialisé (DFBS) du Centre Professionnel de
Formation bancaire (CFPB)267, était également jugée importante lors des premières années
d’activité, mais l’est dans une moindre mesure aujourd’hui, en rapport avec les recrutements
des diplômés du supérieur.
266
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, « France-Allemagne, La gestion des ressources humaines dans le secteur
bancaire », in Formation Emploi, N° 54, p55.
267
Le CFPB, qui est une « émanation de l’Association Professionnelle Tunisienne des Banques et
Etablissements Financiers » (APTBEF) anciennement APBT jusqu’en 2007.
366
En effet, ceci est en lien avec les activités des centres de formation intégré des différentes
banques qui dispensent en interne des formations diplômantes d’un niveau presque équivalent
au cycle moyen de l’APTBEF, comme « la formation rédacteur » au sein de la « BMTP ».
De plus, la formation professionnelle bancaire tunisienne était organisée par l’Association
Professionnelle et Bancaire de Tunisie, (APBT) sous les deux rubriques principales d’une
formation diplômante et d’une formation continue.
La première comprenait le cycle moyen avec le DFBS et le diplôme de l’ITB pour le cycle
supérieur, alors que la seconde répondait à des besoins ponctuels de formation à travers
l’organisation de séminaires et de formation courtes.
Dans le cadre d’une réforme du système de formation effectuée en 2007, l’APBT devient
l’APTBEF et vise à répondre aux objectifs suivants :
• « Le développement des aptitudes professionnelles des étudiants en dispensant, dans
une logique de compétences, une formation professionnelle basée sur le concept de
métier et non une formation académique générale.
• Une organisation de l’enseignement moins contraignante fondée sur des cursus
d’enseignement individualisés.
• Un système modulaire fondé sur le principe de la capitalisation d’unités de valeur, qui
permet la mise en œuvre de cursus évolutifs permettant une actualisation constante
sous forme d’augmentation, de diminution ou d’abandon de certains modules au gré
des évolutions et des mutations qu’aura à affronter le métier de banquier.
• L’adaptation des programmes aux mutations de l’environnement : souplesse et
adaptabilité aux réalités changeantes du secteur bancaire ».
De plus, alors que les cursus de formation étaient organisés sous forme d’un tronc commun
nécessitant au minimum le niveau minimum de la 6éme année secondaire avec un concours
d’accès ou le bac, la réforme garde la formule du « tronc commun » qui dure deux ans entre
première et deuxième année, mais prévoit une année supplémentaire de spécialisation suivant
les différents métiers, et nécessite comme niveau minimal le bac.
Cela montre bien l’élévation de niveau requise pour pouvoir poursuivre des études bancaires.
En revanche, pour le cas Allemand, Swen Hildebrandt et Sigrid Quack268 indiquent qu’« en
Allemagne la formation professionnelle aux métiers de la banque s’effectue jusqu’au milieu
268
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, « France-Allemagne, La gestion des ressources humaines dans le secteur
bancaire », in Formation Emploi, N° 54, p 55
367
des années quatre vingt dans les banques et caisses d’épargne allemandes au sein du système
dual ».
Il s’agit selon eux « d’une formation initiale dispensée par les entreprises et réglementées par
l’Etat (Lutz, 1976) dont les contenus de formation font l’objet d’un processus de négociation
auquel participent les patrons, les syndicats et l’Etat. Les 2/3 de la formation sont consacrés à
un apprentissage sur poste de travail (on the job training) et à un enseignement technique
dispensé au sein de l’entreprise, et le 1/3 à un enseignement théorique dispensé dans une école
professionnelle publique ».
Pour les banques tunisiennes, la formation bancaire diplômante dont peuvent bénéficier les
jeunes diplômés intervient, soit dès le recrutement, c'est-à-dire une fois leur diplôme en poche
et après six mois d’ancienneté (cela est surtout valable pour les banques privées et concerne
aussi bien les maîtrisard que les jeunes qui ont réussi le concours d’intégration de l’IFID), soit
après trois ans voire plus pour les banques publiques.
Ainsi, les jeunes diplômés recrutés ont pour la plupart un âge compris entre 24 et 26 ans et
rarement un âge inférieur.
En revanche, pour les banques allemandes, nous pouvons remarquer que l’entrée en formation
intervient beaucoup plus tôt, car comme le signalent Swen Hildebrandt et Sigrid Quack269 « en
1990, 67% des jeunes âgés de 16 à 18 ans sont entrés dans une formation professionnelle au
sein du système dual et environ 2/3 des actifs étaient titulaires d’un certificat de formation
professionnelle correspondant (Tessaring, 1993) ».
L’intégration des jeunes allemands à la formation duale à un âge compris entre 16 et 18 ans
ne recouvre pas une exception.
En effet, et comme le rappellent les deux auteurs, « le système dual traditionnel de formation
professionnel, présent dans tous les secteurs de l’économie, est aussi le principe de base de la
qualification professionnelle dans le secteur bancaire ».
Par ailleurs, cela se concrétise par une transmission intergénérationnelle des connaissances
qui passe par des aspects de base de l’activité bancaire avant d’aborder une spécialisation par
type de métier.
Möbus indique à ce propos que « la formation bancaire consiste à transmettre des
connaissances générales de base dans tous les secteurs d’activité des banques ou caisses
d’épargne (Möbus, 1989) ».
269
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, ibid.
368
Cela est assez généralisé au niveau de la branche, car comme le soulignent Swen Hildebrandt
et Sigrid Quack270, « 90% des employés de banque sont titulaires d’un certificat de formation
professionnelle271 ou d’un diplôme supérieur (Backhaus et alii, 1994 ; Figge et Quack,
1991) ».
De plus, cela semble recouvrir un engouement de la part des jeunes allemands, étant donné
que comme l’affirment les deux auteurs272 « la formation au métier d’employé(e) de banque
est très demandée, ce qui se traduit nettement par le nombre élevé de candidats », ceci est
aussi bien valable en Tunisie qu’en Allemagne.
Ils ajoutent que « les raisons essentielles de l’intérêt profond marqué par les jeunes pour la
formation bancaire sont d’une part les indemnités de formation comparativement élevées
accordées au titre d’une telle formation ou les perspectives de salaire au terme de la formation
en question ».
Ce même principe est pratiqué au niveau des banques tunisiennes, même si les indemnités
demeurent faibles et que les perspectives sont assez limitées.
Toutefois, aussi bien pour les banques tunisiennes, que pour les banques allemandes, la
profession bancaire occupe une place élevée au niveau de l’échelle sociale et ces dernières
jouissent, comme les deux auteurs l’indiquent « depuis toujours d’un certain prestige social ».
C’est à juste titre que les employés de banque ont été appelés selon Janberg dans les années
cinquante la « crème des employés » (Janberg, 1958), et que cette même affirmation trouvait
des échos regardant les salariés des banques tunisiennes dans les années soixante dix.
Pour la formation duale pratiquée pour les futurs employés des banques allemandes les deux
auteurs signalent que « le taux d’échec est nettement en dessous de la moyenne enregistrée
dans l’ensemble des secteurs d’activité », il en était de même pour les premières années de
formation concernant les salariés des banques tunisiennes.
Les deux auteurs indiquent également en se basant sur les travaux de Stiller que le risque de
chômage est comparativement faible (un peu moins de 3%) au terme de la formation, et la
majeure partie des apprentis sont embauchés par la banque ou la caisse d’épargne qui les a
formés (Stiller, 1992).
270
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, ibid.
271
Il s’agit d’un diplôme de formation professionnelle en système dual. 90% des salariés de banque ont suivi une
telle formation professionnelle (la plupart une formation aux métiers bancaires) et réussi l’examen.
272
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, ibid.
369
Cette pratique trouve à s’appliquer également pour le cas des salariés des banques tunisiennes,
où rares sont les cas qui ne continuent pas leur activité professionnelle au sein de la
profession.
273
Swen Hildebrandt et Sigrid Quack, « France-Allemagne, La gestion des ressources humaines dans le secteur
bancaire », in Formation Emploi, N° 54, p55.
370
beaucoup plus besoin d’une formation sur le tas qui intervient en tant que mise à niveau et
complément nécessaire pour une employabilité immédiate.
Cependant, pour ceux affectés au niveau du réseau des agences, il existe la formation en
alternance qui les prépare à assumer des responsabilités au niveau des agences et où le contact
avec la clientèle externe est assez nouveau.
Ainsi, nous assistons aujourd’hui au fait que, de plus en plus de gradés et de cadres titulaires
éprouvent le besoin de préparer un diplôme universitaire spécialisé en rapport avec leur profil,
même si les employeurs y voient une porte ouverte vers un nouveau « turnover » et ne le
facilite pas.
Par ailleurs, plusieurs responsables des ressources humaines signalent qu’il n’existe pas
encore une parfaite adéquation entre les ressources intégrées et les exigences des postes à
combler en terme de qualité et d’effectifs, étant donné l’écart existant entre les modules
enseignés à l’université et ceux exigés au sein des banques.
Cependant, même si le secteur bancaire a de tout temps été très fermé à l’embauche externe,
la forte sélectivité mise en place par le secteur bancaire et le rapprochement opéré entre la
banque et l’université, au moyen de l’APTBEF, tendent à annihiler cette inadéquation.
De plus, les employeurs sont de plus en plus soucieux d’adapter l’offre de jeunes diplômés à
une structure des emplois internes en changement, mais également à des évolutions
technologiques et professionnelles de plus en plus rapides.
Ils développent donc en interne de nouvelles dénominations pour les structures, sans
reconvertir et/ou prodiguer la formation en rapport aux salariés en place.
Ces derniers se trouvent donc en déphasage avec leurs nouvelles attributions et continuent à
travailler de la même manière, alors même que les dénominations soulignent l’introduction de
nouvelles fonctions de conseil et d’expertise de plus en plus répandues.
Pis encore, les employeurs astreignent même les salariés à une adaptation rapide et une
polyvalence confirmée et ce, malgré le climat de tension interne qui ne favorise guère la
transmission des connaissances des seniors envers les jeunes.
Cela s’explique par le fait qu’il n’existe pas de reconnaissance, ni même de valorisation ou de
motivation interne envers les seniors, or comme l’affirment ces derniers, « dans ces conditions
rien n’est gratuit ».
Mais, le problème le plus urgent pour les employeurs est celui d’intégrer ces nouveaux
diplômés, tout en minimisant les charges salariales, d’où un projet de révision de la
convention collective et de la grille des salaires.
371
Par ailleurs, la centralisation des décisions participe à créer également des écarts entre le
recrutement effectué et le besoin sur le terrain, même si souvent les employeurs affirment que
les responsables opérationnels n’ont pas les qualifications requises pour déterminer leurs
propres besoins.
De fait, des « effets d’aubaine », à l’avantage des employeurs, ont été remarqués, surtout en
période de difficultés d’insertion des jeunes diplômés sur le marché du travail comme la
période relative aux années 1993-97 pour le cas des banques tunisiennes.
Cependant, les jeunes diplômés sont très vite rattrapés par une déception inhérente aux effets
limités en termes d’évolution de carrière, surtout pour les banques publiques qui commencent
au niveau plancher de la grille des salaires par rapport aux évolutions des banques privées,
généralement plus généreuses (en termes de salaires et de formation) et mieux outillées en
termes de matériel informatique et d’outils prévisionnels.
Pour les banques tunisiennes, même si les nouveaux salariés tendent à trouver un équilibre,
voire tendent à ajuster entre travail à fournir et salaire à percevoir, il existe tout de même une
démotivation qui s’installe. Cette dernière étant en rapport avec l’écart de rémunération et
d’évolution de carrière entre banque publique et banque privé, à niveau et qualité de travail
identique.
Ces éléments sont d’autant plus difficiles à admettre et tendent à amenuiser la motivation des
salariés des banques publiques, jeunes et moins jeunes, que la répartition entre banque privée
et banque publique devient fictive, étant donné la sécurité et la stabilité de l’emploi au niveau
des banques tunisiennes en général, et les éléments de comparaison dont ils disposent
(benchmark).
De plus, la tendance à poursuivre des études plus longues intervient également, presque en
tant qu’obligation, car l’exigence pour un même poste de travail est de plus en plus élevée.
Ainsi, il y a de moins en moins de choix quant à l’arrêt ou la poursuite des études, puisque
pour pouvoir postuler à un emploi au niveau de la banque, un bagage de plus en plus élevé et
de plus en plus spécialisé n’est plus aussi disqualifiant que jadis.
En effet, l’employeur dispose d’une marge de manœuvre plus importante au niveau de la
négociation salariale même si la grille des salaires du secteur bancaire, qui était réputée pour
être très détaillée et contraignante pour lui, est aujourd’hui remise en cause du fait de l’offre
des diplômés.
Cette grille était faite à l’origine selon une correspondance entre le niveau d’étude et le niveau
de salaire. Or, cette correspondance est aujourd’hui remise en cause en faveur de l’employeur
372
qui peut procéder à un nivellement de carrière ou un tassement motivé par le fait d’éviter
d’avoir « une armée de généraux ».
Ceci est inhérent selon eux, au fait de l’explosion de l’offre des jeunes diplômés, qui étaient,
il y a encore quelques années, considérés comme la denrée rare.
Pour les banques allemandes en revanche, Christine Bruniaux274 signale que « les batteries de
tests utilisées par les allemands, dont les résultats constituent le premier critère à l’embauche,
loin devant le diplôme, évaluent ces compétences, et les résultats donnés par l’étude
allemande montrant la très forte augmentation des diplômés de l’Abitur aux dépens des
titulaires de Mittlere Reife, pourraient corroborer cette hypothèse ».
Ceci nous indique bien qu’il existe une réelle élévation de niveau, très palpable au niveau des
banques allemandes, alors même que les banques ne recrutaient pas de diplômés au niveau
externe, mais formaient en interne des salariés dotés d’un niveau de base.
Ces derniers avaient une longue carrière devant eux, aussi bien en termes d’amélioration des
connaissances spécifiques du secteur, qu’en termes d’émoluments à percevoir du fait de leur
travail.
Ils réalisaient leur apprentissage au sein de la banque tout en évoluant en termes de niveau de
diplôme et de qualification, engendrant par là même une amélioration de leur position au sein
de la banque.
Mais, elle signale également que « comme indicateur de niveau de compétences, le niveau de
diplôme s’ajusterait, alors que les tests de compétences changeraient moins », car selon elle
les compétences exigées demeurent les mêmes, du moins pour un même moment.
Toutefois, elle souligne bien que « cette interprétation fonctionne dans le cadre de pays dont
le secteur bancaire forme techniquement ses salariés, et pour des postes de base : on
comprend alors que ce soient les compétences sociales et cognitives qui comptent,
puisqu’elles constituent d’une part le substrat sur la base duquel la formation technique va
être dispensée, que les aptitudes sociales constituent un élément incontournable de la réussite
de l’interaction entre le banquier et son client, et enfin que ce sont les compétences les plus
difficiles à transmettre par la formation continue ».
Elle insiste même sur l’importance des compétences sociales et cognitives et ajoute que
« cette interprétation ne vaut évidemment pas pour les postes d’experts et/ou techniciens qui
274
Christine Bruniaux, « Synthèse élaborée dans le cadre de la troisième phase des travaux d’EDEX - WP3 », à
partir des rapports nationaux pour cinq pays, à savoir l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la
France et ce à l’attention du Zentrum für Sozialforschung Halle, elle est relative à l’évolution de l’emploi et des
qualifications dans le secteur bancaire.
373
se développent, ou pour les « managers » professionnels qui sont embauchés, venant d’une
école de commerce ou de management ou recrutés sur expérience dans une autre entreprise »,
car nous pouvons faire l’hypothèse que ces dernier disposent de ces compétences.
En Tunisie, de nombreux diplômés du supérieur sont embauchés dans la banque, avec des
compétences générales qui ne correspondent pas aux besoins directs, puisque selon plusieurs
employeurs, les enseignements dispensés au niveau des établissements universitaires sont
rarement parfaitement adaptés à la banque.
Ceci provient de la longue tradition de fermeture du secteur bancaire et de l’existence en son
sein de structures internes spécialisés dans la formation des recrues qui n’étaient pas, pour la
plupart, issus des bancs de l’université, mais plutôt de l’école, avec généralement un niveau
secondaire, le plus souvent sans le diplôme du Bac.
Comme nous l’avons signalé plus haut, l’ « effet de l’offre » est bénéfique aux employeurs,
même si au départ il n’y avait pas une obligation forte de niveau qui exigeait le diplôme, étant
donné l’existence de la formation interne aux banques, et le fait que la plupart s’étaient dotés
d’un centre de formation intégré.
Toutefois, aussi bien pour les banques tunisiennes que pour les banques allemandes,
l’élévation de fait des niveaux de diplôme est inhérente à des variables culturelles et
sociologiques propre à chaque pays et non dans la tradition des deux secteurs bancaires
respectifs, qui ont souvent embauché des jeunes peu qualifiés ayant juste un niveau de base
(généralement un niveau secondaire, avec ou sans le bac).
275
Christine Bruniaux, « Synthèse élaborée dans le cadre de la troisième phase des travaux d’EDEX - WP3 », à
partir des rapports nationaux pour cinq pays, à savoir l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la
France et ce à l’attention du Zentrum für Sozialforschung Halle, elle est relative à l’évolution de l’emploi et des
qualifications dans le secteur bancaire.
374
banques mutualistes et publiques, qui desservent des marchés plus locaux, n’en ressentent pas
la nécessité, et ont même une approche volontairement plus équilibrée ».
Selon elle, ces dernières « reconnaissent l’utilité de l’expérience pour conseiller les PME,
forte part de leur marché, et obéissent aussi à des contraintes sociales : les marchés locaux
offrent moins de perspectives de carrière, la culture du marché interne a jusqu’ici été
préservée par l’absence de chocs organisationnels, et leurs liens avec les autorités locales
renforcent leur sentiment de responsabilité vis à vis des marchés du travail locaux ».
De plus, les employeurs tunisiens ont élevé leurs pré requis en termes de diplôme à
l’embauche, sans pour autant qu’il y ait une évolution de carrière claire en rapport.
Ainsi, la plupart des salariés, jeunes diplômés du supérieur, s’estiment être dans l’impasse, et
ceci est beaucoup plus ressenti au niveau des banques publiques que des banques privées
(exception faite pour les diplômés de l’IFID).
En revanche, pour les employeurs allemands, ces derniers semblent encore se fier, comme elle
le fait remarquer, « à des tests d’aptitude – même s’il semble exister une corrélation entre
résultats aux tests et niveau de formation initiale. De fait, les carrières des plus diplômés
paraissent ensuite plus rapides, quelle que soit l’importance formelle accordée au diplôme lors
du recrutement ».
276
En Tunisie, ceci est attesté par l’existence de plusieurs centres de formation intégrés aux banques publiques et
privées.
277
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, « France-Allemagne, La gestion des ressources humaines dans le secteur
bancaire », in Formation Emploi, N° 54, p 55
375
Cela est à mettre en rapport avec la nouvelle politique de recrutement qui cible des jeunes du
supérieur qui justifient d’un niveau préalable de formation universitaire axé, de préférence,
sur les métiers de la banque.
Le recours à des contrats de formation en alternance dans le cadre de la stratégie de
recrutement et d’affectation des employeurs des banques tunisiennes et allemandes va
également dans ce sens.
Ainsi, malgré les réformes et stratégies de recrutement et de formation des employeurs
inhérentes à la branche, nous assistons à une évolution qui tend à considérer l’expérience et le
savoir faire d’autres structures, comme les établissements universitaires nationaux et privés
dans leurs projections futures.
Certes, les banques tunisiennes peuvent faire également leur profit de l’expérience des
établissements de crédit des autres pays278, comme l’a indiqué Christian de Boissieu (pour les
banques tunisiennes au regard des banques occidentales), même si les décisions émanant des
structures publiques de tutelle sont toujours importantes et suivies d’effets quasi immédiats.
Nous pouvons remarquer, selon les propos de Swen Hildebrandt et Sigrid Quack279 pour le cas
des banques allemandes, et nos investigations sur le terrain pour les banques tunisiennes, qu’il
peut exister des pratiques et des modèles de formation et de transmission des connaissances
presque semblables au niveau des deux secteurs bancaires.
Toutefois, la variable culturelle, l’héritage historique et les conditions socioprofessionnelles
propres à chaque pays peuvent changer l’application et l’exécution pratique sur le terrain.
278
En l’occurrence l’Allemagne pour le cas de notre recherche
279
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, « France-Allemagne, La gestion des ressources humaines dans le secteur
bancaire », in Formation Emploi, N° 54, p 55.
280
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, ibid.
376
même si les recrutements sont impulsés par la volonté politique de combattre le chômage des
jeunes diplômés formant la demande additionnelle.
Mais, ils précisent que « parallèlement, un nombre croissant de diplômes de l’université sont
embauchés et ce dans le cadre d’une combinaison typiquement allemande entre
« apprentissage bancaire » et études universitaires ».
La même tendance de recrutement de jeunes diplômés a été vérifiée pour les banques
tunisiennes, elle est issue d’un choix des autorités publiques qui avaient misé dès 1956 sur la
généralisation de l’enseignement.
Ce choix porte aujourd’hui ses fruits, étant donné que la population des jeunes diplômés du
supérieur ne cesse de croître, et qu’il existe, comme mentionné ci-dessus, une demande
additionnelle qui a été en partie épongée au début des années 90 par les recrutements massifs
opérés au niveau des banques publiques.
Pour la formation et l’intégration des jeunes, Swen Hildebrandt et Sigrid Quack281 annoncent
que « dans la plupart des banques et caisses d’épargne, la durée de formation excède rarement
la durée de formation initiale de trois ans ».
Toutefois, un argument assez généralisé au niveau des employeurs des banques tunisiennes
tend à mettre les jeunes diplômés du supérieur en phase de « soumission282 » et de tension dès
leur intégration, dans la mesure où ces derniers peuvent être amenés à travailler directement
sur le terrain, alors même que leur formation n’est pas complétée.
Ceci est valable surtout pour les jeunes diplômés affectés au niveau des directions centrales
qui doivent pourtant disposer d’une formation sur le tas et d’une tournée d’information au
niveau des services importants de la banque, voire pour certains, d’un stage d’un mois en
agence.
En fait, il peut arriver que la tournée, voire parfois la formation en agence d’un mois qui a été
recommandée pour certains éléments lors du test de titularisation ne se fasse pas sous couvert
de nécessité de service.
Quant aux jeunes diplômés du supérieur affectés au réseau d’exploitation (réseau des
agences), le programme de formation est généralement respecté et il existe rarement des
écarts.
281
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, « France-Allemagne, La gestion des ressources humaines dans le secteur
bancaire », in Formation Emploi, N° 54, p 55
282
Terme utilisé par Riadh Zghal dans son article intitulé « La gestion des entreprises tunisiennes : fondements
culturels et défis de la globalisation », in Actes du colloque organisé du 9 au 12 Janvier 2001 à Carthage édité
par l’Académie Tunisienne des Sciences, des Lettres et des Arts, pp189-227.
377
Cependant, il est à signaler que dans certains cas, les jeunes diplômés recrutés ne souhaitent
pas prolonger la formation interne qui doit leur être inculquée, car ils peuvent vivre cette
expérience comme un test, ou une remise en cause de leur compétence issue de savoirs et
connaissances qu’ils ont accumulées au sein de l’université.
Ces derniers préfèrent se fondre au sein des salariés de la banque et être immédiatement
associés aux dossiers internes, au motif qu’ils sont assez compétents, étant donné leur niveau
universitaire.
Pour les banques allemandes, les deux auteurs indiquent également qu’« un nombre croissant
de banques et d’apprentis usent de leur droit pour diminuer la durée de la formation en faisant
valoir un niveau scolaire supérieur ».
Selon eux, « les raisons de ce phénomène s’expliquent par le fait que les apprentis disposent
de pré qualifications élevées, que les banques souhaitent réduire les coûts de formation et que
les bacheliers considèrent l’allongement de la durée de formation comme une perte de temps
(Stiller, 1992 ; Backhaus et alii, 1994) ».
Ils précisent en outre que la formation en entreprise ne consiste pas seulement à former les
apprentis directement sur le lieu de travail « on the job training » ou « sur le tas », mais aussi
à leur dispenser un enseignement théorique interne à l’entreprise.
Ainsi, ils concluent « qu’avant l’enseignement interne servait notamment à préparer et étayer
l’enseignement dispensé dans les écoles professionnelles, il a maintenant pour objectif de
transmettre un savoir spécifique inhérent à l’entreprise et à ses produits ».
Un autre élément permet également d’apprécier l’importance accordée à cet enseignement
interne et cette transmission de savoirs spécifiques dans la mesure où les banques allemandes
et tunisiennes n’attribuent pas le même poids à la formation et à cette transmission des
connaissances.
En effet, comme nous pouvons le noter d’après les deux auteurs, « les établissements de crédit
allemands dépensent environ 6% de la masse salariale pour la formation en entreprise
(Kreyenschmidt, 1990) », alors que les banques tunisiennes ne dépensent que 2% de la masse
salariale, ceci est donc assez révélateur.
A titre d’exemple supplémentaire, les deux auteurs affirment que pour l’année 1991, « la part
des dépenses consacrées à la formation professionnelle initiale représentait selon les
institutions 40 à 70% des dépenses globales de formation. Dans ce domaine, les caisses
d’épargne investissent davantage dans la formation professionnelle alors que certaines
grandes banques privées investissent plus dans la formation continue de leur personnel
(Backhaus et alii, 1992) ».
378
Il existe ainsi une différence quant à la formation et à la politique de transmission des
connaissances au sein des banques, suivant qu’il s’agisse de banque publique ou de banque
privée (établissement de crédit public ou privé).
Pour les banques tunisiennes, il peut arriver que les banques choisissent de s’investir au
niveau des deux types de formation, c'est-à-dire qu’elles vont s’orienter vers la formation
professionnelle, tout en s’outillant de leurs propres centres de formation intégrés pour pouvoir
dispenser des formations internes dans le cadre de la formation continue de leurs salariés.
C’est ce que nous avons pu remarquer pour le cas de la « BMTP » objet de notre observation
directe et participante, avec « la formation rédacteur », ou encore la formation « futur chef
d’agence » et « futur cadre d’exploitation ».
Par ailleurs, selon Swen Hildebrandt et Sigrid Quack283 , « les diplômés de l’université
recrutés par les établissements de crédit allemands sont de plus en plus souvent d’anciens
apprentis », cela provient, la plupart du temps, précisent-ils « du fait qu’entre 40 et 60% des
bacheliers, après leur formation au sein du système dual, quittent la banque ou caisse
d’épargne formatrice pour reprendre des études à l’université (Mahler, 1992) ».
Cette possibilité n’existe pas toujours, au niveau des banques tunisiennes, voire uniquement
dans de très rares cas.
En effet, il existe une mince ouverture soumise aux agréments préalables des supérieurs
hiérarchiques pour pouvoir suivre (en cours du soir) les études supérieurs spécialisées choisies
par les employeurs et premiers responsables de la banque, sans quitter la banque.
D’après eux, « les banques allemandes ont investi jusqu’à 80 000 DM dans la formation
professionnelle, et tentent par des programmes de subvention des études et des possibilités
d’embauche » offertes à ceux qui quittent la formation duale pour l’université, « de pouvoir
les employer à nouveau au terme de leurs études universitaires, cette fois-ci avec un bagage
supérieur ».
C’est cela qui permet de distinguer entre les différents diplômés universitaires, dans le sens où
les banques peuvent donc choisir de recruter ceux ayant déjà reçu une formation bancaire par
rapport aux autres diplômés du supérieur.
Ceci est même confirmé par les deux auteurs lorsqu’ils indiquent que « quand elles
embauchent des diplômés de l’université, les banques et caisses d’épargne préfèrent donc
283
Hildebrandt Swen et Quack Sigrid, « France-Allemagne, La gestion des ressources humaines dans le secteur
bancaire », in Formation Emploi, N° 54, p 55
379
ceux qui ont déjà suivi une formation professionnelle, notamment « leurs » anciens
apprentis ».
Jusque dans les années quatre-vingt, et comme il a été énoncé plus haut, les banques
tunisiennes recrutaient essentiellement des jeunes quittant l’école sans le baccalauréat ou avec
le baccalauréat seulement.
Elles affectaient assez rapidement ces collaborateurs à un poste de travail au guichet ou à des
activités de service qui ne nécessitaient pas un grand bagage académique.
Ce personnel était formé dans le cadre d’une formation sur le tas et pouvait, au bout de deux
ans d’activité professionnelle et après titularisation, suivre les cours bancaires qui lui
permettraient alors d’accroître ses possibilités d’évolution et de spécialisation dans un
domaine jusque là étranger.
En effet, cela est d’autant plus vrai qu’il n’existait pas de formation bancaire excepté au sein
de la banque, puisque la formation bancaire était cloisonnée et dépendante exclusivement de
la branche.
Dès les années quatre-vingt dix, les banques tunisiennes sous l’impulsion des pouvoirs
publics ont changé leurs critères d’embauche, car l’exigence était essentiellement ciblée sur
les jeunes et nouveaux diplômés et contribuait à éponger la demande additionnelle.
Dans les banques allemandes cette modification des critères a eu lieu durant les années quatre
vingt, soit une décade plus tôt, et visait un objectif précis à savoir, « obtenir une structure du
personnel plus conforme aux évolutions de l’activité des stratégies de recrutement ».
Selon les deux auteurs, cela répondait à un besoin qui a été manifesté par les banques de
« recruter des collaborateurs plus qualifiés et polyvalents, capables de résoudre des problèmes
de manière relativement autonome et disposant des compétences sociales nécessaires au suivi
de la clientèle et au conseil en produits ».
Comme nous avons pu le constater, même si le système mis en place a permis de jouer un rôle
important pendant plusieurs années, il est à remarquer qu’une enquête menée par l’APBT284
en 1992 auprès des banques tunisiennes a permis d’en dégager les insuffisances et les limites.
Ainsi, il est indiqué que le système affiche « une rigidité dans le temps (Année
préparatoire+cycle élémentaire (2 ans) + cycle moyen (4 ans) + ITB (3 ans) avec un contenu
des programme qui demeure depuis longtemps inchangé et des horaires contraignants ».
De plus, la finalité recherchée par les employeurs et celle recherchée par les salariés ne se
rencontrent pas pleinement, étant donné que les premiers ambitionnent d’avoir un effectif
284
Eléments inscrits au rapport annuel de l’APBT de 1976
380
formé et qui maîtrise parfaitement les opérations et divers métiers bancaires, alors que « la
formation dispensée ne répond pas directement aux besoins spécifiques de l’employeur car
elle reste uniforme et peu ciblée à chacune des banques » (donc peu personnalisée).
Pour les salariés la finalité est, comme le souligne le rapport, celle de la promotion (Certificat,
diplôme), pour le passage à un grade supérieur.
En effet, cette promotion s’accompagne d’une amélioration salariale conséquente, étant donné
que les salariés peuvent obtenir des grades d’une manière relativement objective suite à la
réussite aux examens, sans passer par le système aléatoire et subjectif de la notation et de
l’appréciation interne de fin d’année pour un passage au grade supérieur.
Au niveau de cette enquête 285nous apprenons ainsi que « la nature de ce système s’apparente
davantage à une formation académique de base beaucoup plus qu’à une formation
professionnelle proprement dite. Le système qui est très entaché d’un mode scolaire ou
universitaire reste calqué sur celui beaucoup plus institutionnalisé de l’éducation nationale,
n’est point segmenté ou personnalisé mais beaucoup trop standardisé ».
Ainsi, même si d’après les conclusions de l’enquête le « système a permis néanmoins à un
nombre de plus en plus croissant d’employés d’être préparé au métier, d’évoluer rapidement
dans la carrière, et aux banques de bénéficier de leur formation », les résultats escomptés
demeurent plus faibles que prévu.
En effet, selon cette même source « les mutations enregistrées sur tous les plans, international,
régional, et local posent un problème d’adaptation de ce système, et de sa capacité à répondre
aux besoins nouveaux du secteur bancaire », et ce d’autant plus que « le rendement interne de
ce système de formation est atténué par les contraintes horaires et les difficiles conditions de
travail, avec une hétérogénéité des apprenants ».
285
Enquête sur le système de formation bancaire, dont les conclusions sont inscrites au rapport annuel de
l’APBT de 1976.
286
Seguin Sabine Erbès, Gilain Claude, Kieffer Annick, Les interventions de l’etat en matière d’emploi.
L’exemple de la formation professionnelle en France et en RFA, in Sociétés Contemporaines, n°4, 1990, p125.
381
En effet, selon les trois auteurs en « Allemagne le système de formation générale apparaît
cloisonné, et tôt dans la vie scolaire, on note déjà une catégorisation floue des modes de
formation. Ce système impose la fréquentation d’une école professionnelle avec ou sans
apprentissage en entreprise jusqu’à l’âge de 18 ans ».
Mais, comme le soulignent les trois auteurs, et à l’image du système de formation bancaire
tunisien où il existe les cours bancaires réservés aux personnel non gradé et l’ITB réservés
aux petits cadres et/ou jeunes diplômés, le système allemand « comporte une hiérarchie, plus
implicite qu’exprimée, entre les formations duales, qui provient d’une culture nationale qui
valorise les métiers techniques et donne un rôle plus secondaire au travail féminin (Belloc,
B.et al. Les femmes et l’emploi. Données sociales, Paris, INSEE, 1987) ».
Même si nous avons pu remarquer que pour le cas tunisien la formation est inscrite dans une
logique administrative qui privilégie les trajectoires individuelles, pour le cas allemand en
revanche et d’après les trois auteurs « c’est la socialisation à la vie professionnelle qui
importe plus encore que le contenu des aspects « théoriques » de la formation, acquis à l’école
parallèlement à la formation en entreprise ».
Ainsi, alors que la formation professionnelle est dépréciée en Tunisie par rapport aux
formations générales et théoriques, les trois auteurs affirment qu’ « en Allemagne, les types
de formation duale les plus appréciées sont celles d’agent commercial de banque, et
secondairement d’industrie (Kaufmann), où le nombre de bacheliers à l’entrée est supérieur à
50%. Elles s’organisent souvent à la différence des métiers manuels, par un va et vient entre
formation duale et système universitaire, ce qui créée des relations beaucoup plus médiatisées
entre marchés de la formation et marché de l’emploi ».
Dans le cas tunisien il existe en fait peu de possibilités de pouvoir rattraper le retard entre des
salariés diplômés avant l’intégration de la banque et d’autres qui ne le sont pas, car le
glissement vers le haut est très cadré.
En revanche pour le cas allemand, ce sont d’après les trois auteurs, « elles qui profitent le plus
pleinement des glissements vers le haut grâce à l’élévation de niveau de connaissances
générales analysé par Blossfeld, H.P. Differenzierung zwischenKohorten und Karriere.
Frankfurt am Main, Campus Verlag, (1989) ».
Aussi, au sein de la BMTP, le système de formation adopté est un système hybride qui
compose entre le système de formation professionnel français et le modèle allemand de la
formation duale et/ou en alternance, sans une implication forte des syndicats, mais dans le
cadre d’accords et de la convention collective de branche de 1982 qui demeurent en faveur de
l’employeur.
382
Or, comme le mentionnent les trois auteurs, « le système dual est ancien et désormais connu
en France (Tanguy, L. & Kieffer, A)287. Mais il faut insister sur le fait qu’il repose non
seulement sur une forte implication de l’entreprise dans la formation professionnelle, mais
aussi et de façon indissociable sur un système de consultation permanente quadripartite (Etat
central, Länder, employeurs et syndicats), très sophistiqué ».
D’après Michel Lallement288 « les arguments de P Naville méritent toujours d’être entendus.
Comment ne pas être frappé par exemple par la différence pérenne des formes de construction
des qualifications d’un espace national à l’autre? Ainsi que l’ont montré M Maurice,F.Sellier
et J.-J.Silvestre la qualification des ouvriers français et allemands renvoie non seulement à des
propriétés sociales différentes observables dans l’atelier (polyvalence dans le travail, identité
collective beaucoup plus forte côté allemand) mais également à un mode de production de la
qualité des travailleurs dont on ne perçoit la singularité qu’à condition d’embrasser tout à la
fois le système éducatif (valorisation de l’apprentissage en Allemagne ), le mode de gestion
des entreprises (politique des marchés professionnels) et les relations professionnelles
(cogestion, paix sociale, etc.) ».
Pour notre recherche en revanche, l’élément qui peut être à notre sens enrichissant est qu’il ne
s’agit pas de l’atelier (avec le modèle de l’ouvrier et de l’ingénieur) mais de l’entreprise de
service qu’est la banque (avec essentiellement des cadres) et ce dans le cadre d’une
comparaison internationale entre deux banques de deux pays n’appartenant pas au même
continent et culturellement différents.
Ainsi, et pour synthétiser davantage nous pouvons concevoir que pour le cas tunisien, il existe
un maintient de la formation sur le tas, malgré l’introduction de la formation en alternance, avec
une ouverture plus affirmée du recrutement de jeunes issus des universités témoignant ainsi de
l’abandon de la fermeture des marchés internes. Ainsi, un diplômé se doit de compléter sa
formation en interne par une formation pratique sur le tas, surtout si celui-ci doit être affecté au
niveau des directions centrales représentant le « back office ».
En revanche, un diplômé qui se verrait affecté dans le réseau d’exploitation au niveau des
agences, en « front office », se doit quant à lui de suivre une formation en salle basée sur des
modules de formation avec un stage pratique de formation sur le tas.
287
Tanguy, L. & Kieffer A, « A. L’école et l’entreprise. L’expérience des deux Allemagne », Paris, La
Documentation Française, 1982.
288
Lallement Michel, Le travail, une sociologie contemporaine, Editions Gallimard 2007, Folio essais, inédit,
p112
383
Toutefois, pour des jeunes non diplômés seule une formation sur le tas sera jugée nécessaire
avant l’affectation au poste de travail, que ce soit au niveau des directions centrales ou au niveau
du réseau des agences.
Pour le cas allemand, il existe un maintient du système de la formation en alternance ou
formation duale, malgré l’introduction d’une possibilité de recrutement in fine de jeunes
diplômés universitaires.
D’où une passerelle ouverte par les banques envers le monde universitaire qui constitue un
rapprochement entre le monde professionnel et le monde de l’enseignement supérieur.
Ceci n’est pas sans rappeler à l’image de ce que présente Michel Lallement289 lorsqu’il
indique qu’« en Allemagne le rôle de l’entreprise dans la formation des élites est très
important » le rôle crucial de la formation professionnelle, mais également le fait comme il le
souligne bien que les entreprises allemandes ne se basent pas exclusivement sur la formation
scolaire initiale mais sur l’apprentissage et l’expérience professionnelle en interne.
Ceci laisse transparaître pour notre recherche que les banques des deux pays adoptent la
même voie en termes de recrutement, mais conservent leurs propres spécificités en termes de
formation.
Aussi, après ces conclusions, il devient pertinent de présenter à la fin de ce chapitre, et
toujours dans le cadre de notre comparaison internationale entre banques allemandes et
banques tunisiennes, un tableau récapitulatif des principales évolutions au niveau des banques
des deux pays.
289
Michel Lallement, ibid p361
384
Tableau 20 : Tableau comparatif en matière de formation, entre les banques tunisiennes et
allemandes
290
Au sein de la « BMTP », cela se manifeste également par la mise en place au sein de la banque et par les employeurs d’un
durcissement de la discipline avec toutefois la pratique de la logique du deux poids deux mesures, et l’absence de
reconnaissance pour le travail accompli par les seniors, instaurant ainsi un flou pour les salariés quant à leur devenir
professionnel d’autant plus qu’ils subissent ce « management par la peur ». Ceci se concrétise par l’absence de lisibilité, de
transparence dans les normes et une progression de carrière plus rapide, mais selon d’autres valeurs que celles du labeur, avec
une formation à la carte (selon les personnes et l’affectation), un intéressement par arbitrage, et l’existence d’une structure
hiérarchique encore plus contraignante.
Les valeurs et la culture de la méritocratie qui supposent une légitimité au poste de travail se font de plus rares par rapport à
celles de l’opportunisme propre au capitalisme.
386
En effet, les salariés longtemps habitués à une sécurité de l’emploi et une progression presque
automatique de leur carrière selon des normes fixées par la convention collective des banques et
établissements financiers de 1982 sont désormais contraints d’intégrer l’aléatoire en tant que
norme, de sorte que plus rien ne reste figé.
Certes, cela tient compte de plusieurs éléments endogènes et internes à la banque étudiée, à
savoir la « BMTP », comme son mode de gouvernance, et la nouvelle culture introduite mais
ceci est également largement dépendant de données exogènes comme l’influence des bailleurs
de fonds internationaux, issue de la globalisation des économies, et qui vise l’intégration
progressive et conditionnée de la Tunisie à l’économie mondiale.
Ainsi, d’après le tableau comparatif entre la formation dans le secteur bancaire allemand et le
secteur bancaire tunisien avec la synthèse établie ci-dessus, et l’analyse réalisée à partir d’une
base documentaire, il devient clair que la question de la transmission intergénérationnelle des
connaissances des seniors envers les jeunes n’est pas naturelle291, et que plusieurs entraves
peuvent la freiner.
Nous avons pu remarquer pour le cas tunisien que l’emploi bancaire n’était pas en rapport
avec l’enseignement universitaire et que les autorités et les responsables bancaires se sont
attelés à essayer de corriger cet écart, notamment en incluant des formations en finance
bancaire au niveau de plusieurs établissements universitaires.
En revanche, nous avons pu constater pour le cas allemand que la passerelle entre
l’enseignement et l’emploi a été organisée depuis longtemps292.
Par ailleurs, suite à la comparaison que nous avons effectuée dans le tableau ci-dessus, entre
le système d’enseignement et de formation tunisien et allemand, il ressort que le système
allemand assimile beaucoup plus tôt les jeunes dans le monde du travail, que ne le fait le
système tunisien qui s’inspire du modèle français.
En effet, pour ce modèle, ce n’est qu’une fois achevé les études que le jeune envisage un
avenir au sein d’une entreprise comme la banque, du fait des modes de recrutement qui
s’appuient sur des exigences de niveau de qualification universitaire devenus de plus en plus
élevés.
291
D’après Diane-Gabrielle Tremblay et Irène Le Bot « la question de la « transposabilité » du modèle allemand a fait l’objet
de plusieurs recherches ».
292
Comme le souligne Diane-Gabrielle Tremblay et Irène Le Bot « le marché des places d’apprentissage en Allemagne
fonctionne comme un maillon du marché du travail en assumant une présélection de la main-d’œuvre ultérieure ».
387
Ceci, à la différence des premières années d’exercice lors de la fondation des banques
tunisiennes où il n’était pas exigé de détenir de grands bagages universitaires, car les jeunes
devaient être formés sur le tas.
Or, de nos jours, même pour l’agence où les salariés sont généralement amenés à effectuer des
opérations courantes de retrait et de dépôts, les exigences de niveau deviennent de plus en
plus élevées, dépassant le niveau secondaire des années antérieures.
De plus, les banques tunisiennes se sont également inspirées du modèle dual allemand, dit de
formation en alternance, même si les résultats escomptées issus de cette pratique sont en
Tunisie encore limités, voire flous pour les salariés et les employeurs.
Ceci est à même de confirmer les propos de Tremblay qui indique par rapport au système dual
allemand qu’« en raison d’une plus grande adéquation avec le système d’emploi et avec
l’utilisation de mécanismes décentralisés d’autogestion du marché des places d’apprentissage,
offre de meilleurs préalables à une coordination efficace des places de formation et des
besoins à court terme de relève de la main-d’œuvre que le système français (Koch, 1998
:37) ».
Même si en Tunisie, la prise en compte du chômage et les mesures pour le combattre sont
souvent prévues dans le cadre de la planification des différents plans annuels de
développement qui se sont succédés, avec des mesures ponctuelles additives, la pratique
allemande est différente.
En effet, cette dernière préconise une intégration des jeunes dans des phases d’apprentissage
selon le domaine d’activité choisi bien plus tôt que la Tunisie et ce, grâce à la mise en place
depuis les années 70-80 d’un système éducatif conçu à la base pour faire en sorte qu’il existe
une bonne adéquation entre l’offre et la demande d’emploi sur le marché du travail.
Cette orientation à la source des jeunes est très particulière en Allemagne, et porte ses fruits
étant donné que les jeunes intègrent le métier et la phase d’apprentissage sur le terrain bien
plus tôt que leurs homologues tunisiens qui ne disposent que d’une formation générale qu’ils
auront la charge d’adapter avec les exigences requises sur le terrain.
Toutefois, et comme nous l’avons vu les évolutions de carrière peuvent être différentes entre
les deux populations, étant donné que la prise en charge d’un poste de chargé de crédit est
plus lente en Allemagne qu’en Tunisie, car la prise en compte de la formation initiale entre
également en compte293.
293
Ainsi, si nous effectuons une comparaison par rapport à la prise en charge d’un poste de crédit comme nous l’avons
entrepris plus haut, lorsque nous avons énoncé les travaux de Swen Hildebrandt et Sigrid Quack, nous pouvons remarquer, à
388
Aussi, même si les banques tunisiennes adoptent le système de formation en alternance
allemand tout en s’inspirant également du système de formation professionnelle français, nous
permettant ainsi de qualifier le système de formation professionnelle au sein de la « BMTP »
de « système hybride », il est clair que ce système reste en deçà des exigences des salariés.
Les éléments recueillis dans ce chapitre s’inscrivent dans la phase exploratoire qui comprend,
outre l’utilisation des interviews en rapport avec la transmission intergénérationnelle des
connaissances au sein de la « BMTP », la technique de l’observation directe et participative « in
situ » que nous avons utilisé tout au long de ce travail.
Ainsi, plusieurs résultats sont à considérer à l’issue de ces interviews qui ont été effectués sur la
base d’un guide d’entretien auprès d’une population de trente neufs salariés de la banque entre
jeunes et seniors, choisis à l’aide d’une question filtre qui a pu caractériser les répondants en
tant que jeunes ou en tant que seniors.
Par ailleurs, nous avons présenté les témoignages les plus pertinents et qui corroboraient nos
propos tout en restant dans le cadre de notre problématique de savoir s’il existait ou non une
transmission intergénérationnelle des connaissances et dans quel cadre cette transmission
s’opère des seniors envers les jeunes.
En effet, les employeurs n’hésitent pas à souscrire au mode de « formation sur le tas » dont ils
ont bénéficié lors de leur parcours et qu’ils valorisent du fait de son efficacité en faisant jouer
une obligation morale à l’égard des seniors pour qu’ils transmettent leurs connaissances aux
jeunes recrues, sans les éléments propres à la culture socioprofessionnelle interne à la banque.
Or, le contexte a changé (période de nationalisation faisant suite à l’indépendance du pays) et le
mode d’organisation et de gestion des ressources humaines en interne a évolué vers
l’ « individualisation des performances », et une volonté affichée de touner la page du
patrimoine culturel hérité des aînés.
D’où, un paradoxe qui va dans le sens d’une adaptation des banques publiques à l’orientation
choisie par les autorités de tutelle d’aller vers une économie de marché.
Ainsi, même si ces dernières se sont adaptées en termes d’améliorations de leur rentabilité, elles
ont négligé des aspects relationnels, notamment en abandonnant des techniques qui peuvent
jouer sur la motivation des salariés de la banque.
l’image de la transmission intergénérationnelle des connaissances, que cette prise en charge est dépendante de plusieurs
variables subjectives que nous pourrons étudier dans le chapitre 4.
Ces dernières agissent en tant qu’entrave à la réussite du système de formation duale ou en alternance comme nous l’avons
énoncé plus haut.
En revanche, en Allemagne la prise d’un poste est beaucoup plus lente, elle est fonction d’un niveau objectif de
connaissances et de pratiques requises sur le terrain, en rapport avec la formation initiale.
389
De plus, la motivation des seniors est considérée par plusieurs auteurs en tant qu’un des facteurs
ou techniques294 les plus importantes qui interviennent dans cette phase de transmission des
connaissances à destination des jeunes recrues.
Ainsi, et après avoir passé en revue les réponses aux questions administrées à partir du guide
d’entretien, et notre phase d’observation directe et participative, nous pouvons maintenant
proposer d’analyser dans un chapitre 4 les résultats issus des commentaires et témoignages
inhérents à la phase d’observation directe et participante au sein de la banque.
Ceci sera réalisé à travers la mise en place d’une modélisation qui se base sur la mise en exergue
des principales variables agissant sur la transmission intergénérationnelle des connaissances au
sein de la « BMTP ».
294
Parmi ces techniques nous pouvons compter, comme le mentionne Jacques Igalens dans ses écrits, « le bilan des
compétences » et « la gestion des carrières », qui sont absentes dans le cas de la « BMTP », laissant la place à des modes
relationnels privilégiant un système de réseau avec des modes d’influence aussi bien externes qu’internes.
390
Chapitre 4 : Une transmission intergénérationnelle des
connaissances conditionnée par plusieurs variables
Dans la culture arabo musulmane, la souffrance est admise comme faisant partie intégrante du
travail et de la vie quotidienne.
C’est comme si l’on admettait que tout un chacun n’accède au bonheur et à la réussite que par
le labeur, et par extension « la difficulté et le manque ».
Parmi les conclusions de l’étude réalisée par Franciosi Colette et Hacquemand Sonia295 ,
« l’âge apparaît comme une variable peu significative », car il n’existe pas de corrélation entre
l’avancée en âge des salariés et l’absentéisme, ou la motivation.
Le vieillissement des salariés paraît même plutôt un avantage dans les métiers de la banque et
de l’assurance où l’expertise est en grande partie liée à l’expérience sur le terrain.
Ainsi, plusieurs variables interviennent et influencent la transmission intergénérationnelle des
connaissances au sein de la banque.
Elles sont tout d’abord et pour parties inhérentes a des facteurs et/ou des spécificités humaines
et sociales (culturelles) propres aux personnes, mais également liées à des éléments
situationnels.
Mais, elles sont aussi contextuelles ou environnementales, organisationnelles, et dépendantes
du type de GRH pratiquée au sein de la banque, c'est-à-dire dépendante aussi bien de facteurs
endogènes propres au processus même de transmission intergénérationnelle intervenant entre
seniors et jeunes que de facteurs exogènes du aux différents acteurs extérieurs, comme
essentiellement les autorités de tutelle, et/ou les bailleurs de fonds internationaux, et groupes
de personnes influentes.
Ces différents états de stress, de conflits et de tension ne favorisent en rien la transmission
intergénérationnelle des connaissances au sein de la banque.
Bien au contraire, ils témoignent d’un état de mal (ou d’une crise) qui peut freiner davantage
la transmission intergénérationnelle des connaissances et savoirs des seniors envers les jeunes.
295
Franciosi Colette et Hacquemand Sonia, « La gestion des salariés « âgés »dans le secteur des banques et
assurances », Centre d’études économiques et sociales du Groupe ALPHA, article extrait d’Internet, Mars 2006.
391
Par ailleurs, même si la manifestation de l’existence de ces conflits et des différents états de
stress, de tension, résultants des interrelations entre salariés jeunes, seniors et responsables
hiérarchiques sont généralement facilement perceptibles, il existe également des états qui
peuvent être aussi latents et difficilement identifiables, prévisibles et gérables pour la banque
et son management.
Pour la banque tunisienne, qui est également une entreprise, la variable culturelle et
socioprofessionnelle est très importante, étant donné qu’elle apparaît comme étant un socle
sur lequel se basent les relations entre les différents protagonistes ou agents, aussi bien entre
salariés (ligne horizontale) eux mêmes qu’entre agents et hiérarchie (ligne verticale).
Nous pouvons même la considérer comme participant à l’identité du personnel bancaire.
C’est cette variable qui permet de discerner entre le personnel bancaire d’un pays, ou d’une
région, mais aussi d’un régime à l’autre c'est-à-dire aussi bien entre publique et privé.
Ainsi, la variable culturelle et socioprofessionnelle, (que nous pouvons considérer comme
variable mère) pour notre cas en l’espèce, englobe à son tour trois variables qui ont été
présentées par Riadh Zghal en 1994, suite à une recherche empirique sur les rapports entre la
culture et le comportement organisationnel menée au début des années 80 en Tunisie et qui
aurait une valeur explicative de nombreux comportements observables dans l’organisation.
Ces trois variables comprennent les valeurs « d’égalité-dignité », la tendance à créer « le
flou » et « l’attachement aux relations d’appartenance ».
392
Une quatrième variable toujours issue de ses travaux est inhérente aux réseaux
socioprofessionnels et concerne les interconnexions ou relations d’appartenance.
L’importance de la variable culturelle et socioprofessionnelle n’est pas à démontrer étant
donné le passé historique de la Tunisie qui a déjà été marqué par le passage de plusieurs
nations et plusieurs cultures, comme les romains et d’autres nations conquérantes.
Cela a certes favorisé un enrichissement culturel, mais a également beaucoup contribué à
favoriser l’émergence d’une identité réelle basée sur un sentiment perpétuel d’adaptation qui a
permis aux différentes générations de se passer le flambeau.
Ceci s’est fait en gardant certains principes, qui ont permis aux différentes générations de
faire front, notamment en intégrant parmi leurs valeurs la notion des défis et des difficultés et
en préconisant des voies d’adaptation, issues de la culture, de la religion, de la philosophie et
du milieu social.
Nous pouvons, en faisant un parallèle, voire que cette question est toujours à l’ordre du jour
lors de débats géopolitiques, comme l’appartenance à l’Europe pour ne citer que cette
question.
La Tunisie et les tunisiens sont toujours inscrits dans un paradoxe, celui d’une double
appartenance identitaire, ou appartenance identitaire hybride.
Ainsi, outre le fait d’être bilingue, c’est tantôt le fait de revendiquer l’appartenance à l’Europe
(laïcité, modernité, idée de progrès social, égalité homme/femme avec le code du statut
personnel, la proclamation de la république tunisienne, des orientations démocratiques
marquées) et l’appartenance aux valeurs du moyen orient, de part la religion, l’histoire,
l’aspect artisanal et les traditions.
Selon Riadh Zghal, « l’interdépendance entre les systèmes de gestion et l’environnement
culturel se traduit par la nécessité d’adapter les premiers aux comportements des hommes au
travail, culturellement déterminés ».
Ainsi, pour elle, parler de culture comme déterminant du comportement, c’est en fait parler
d’une logique interne que partagent les membres d’une société et qui paraît comme une
affaire de mœurs, une sorte de terrain d’entente tacite auquel chacun se plie, comme si cela
constitue nécessairement le gage de son appartenance à la société, et dans une moindre
mesure à l’entreprise.
Au niveau de la « BMTP », nous avons pu observer cette exigence, car comme nous l’a
clairement affirmé un senior « les salariés qui ne jouent pas le jeu de la hiérarchie et de la direction
générale sont vite écartés d’une ascension verticale, et ne pourront que difficilement progresser ».
393
Pire encore, ces salariés sont même coupés de la formation interne et externe, ils sont
également de moins en moins informés et de plus en plus exclus et isolés du reste du
personnel de la banque.
394
même d’après la plupart à détruire toute dignité, car la plupart se considèrent comme étant les
nouveaux prolétaires de ce siècle.
Nous pouvons à cet effet effectuer un parallèle avec le prolétariat de l’époque industrielle qui
nous permet d’entrevoir l’existence de deux classes, celle des « nouveaux prolétaires » qui
comprend les salariés qui ne disposent pas de fonction ou de responsabilité et celle des
« nouveaux capitalistes » qui comprend les supérieurs hiérarchiques, c'est-à-dire les dignes
représentants du management de la banque.
Toutefois, la nouveauté tient dans le fait que cela intervient /aujourd’hui dans un secteur des
services qui peut par une certaine analogie ressembler étrangement à celui de l’industrie, et ce
de part l’organisation du travail qui y est déployée (division et organisation pyramidale et
hiérarchique classique).
De plus, et d’après l’idée émise par Hubert Gérardin et Jacques Poirot296, « les économies
contemporaines sont progressivement devenues des économies fondées sur la connaissance »
ainsi, même la « valeur travail » a changé.
Un autre élément qui rend difficile l’adaptation des salariés provient de l’idée avancée par
Riadh Zghal qui précise que « la valorisation des principes d’égalité s’accompagne d’un refus
du travail soumis à l’autorité d’autrui ».
Elle indique même que « cela trouve un fondement dans la religion musulmane sunnite qui ne
reconnaît pas d’intermédiaire entre Allah et l’être humain. Le coran rappelle l’unicité de la
nature humaine, la fraternité unissant les croyants, et exige la justice. Ainsi, la seule
différence légitimant l’inégalité est celle qui concerne la piété et le savoir ».
Toutefois, plusieurs salariés ont la liberté de pratiquer la prière dans les locaux même de la
banque ce qui est à même de conforter ce que nous avons énoncé plus haut en soulignant
davantage la suprématie des valeurs culturelles et religieuses sur la valeur travail et les
offreurs (employeurs et supérieurs hiérarchiques), signifiant par la même l’appartenance à
des valeurs étrangères au milieu professionnel, mais qui s’imposent à lui et à la pyramide
classique d’organisation.
Ainsi, par la religion, les salariés reprennent en quelque sorte une part de liberté qui leur
permet de rivaliser ou de défier l’autorité professionnelle qui s’impose à eux.
296
Gérardin Hubert et Poirot Jacques, « Transfert de connaissance et éthique », in Ouverture et compétitivité des
pays en développement, T. Ben Marzouka et B. Haudeville (eds), L’Harmattan, Paris, pp. 168 - 219, 2005, p169.
395
La religion contribue ainsi à jouer un rôle de contrepouvoir, que les syndicats sont incapables
de prendre réellement en main face au pouvoir des employeurs et/ou management de la
banque.
La religion peut intervenir dans ce cadre, aussi bien en tant que ressource spirituelle (de
réconfort et d’espoir en une justice sociale à venir) mais également en tant que « refuge », car
pour Riadh Zghal, les textes sacrés exaltent la valeur d’égalité mais restent néanmoins
ambigus quant à la réalité hiérarchisée de la société humaine : différence entre riches et
pauvres, nobles et commun des mortels, savants et ignorants.
Selon elle, la justice serait la valeur régulatrice qui empêcherait l’usage abusif de privilèges,
la croyance en l’identité de la nature humaine et l’égalité de tous devant Dieu apporterait une
compensation morale aux démunis.
Par ailleurs cette valeur introduit un autre phénomène, celui du paternalisme.
En effet, Riadh Zghal indique que, « les représentations de l’être et du travail renferment une
contradiction fondamentale qu’il faudra résoudre pour agir : une structure sociale
hiérarchisée, des ressources inégalement réparties, la nécessité pour la plupart des humains de
travailler pour autrui et à l’opposé, la croyance absolue dans l’égalité pour tous, la nécessité
de sauvegarder sa dignité menacée par le travail soumis ».
Elle avance trois possibilités pour résoudre ce dilemme, à savoir :
*Une solution consiste dans la résignation, attitude soutenue par la croyance dans le destin,
autrement dit la trajectoire tracée par Dieu pour la vie de chacun.
*La deuxième solution consiste à dresser des frontières entre la durée du travail et la durée
hors travail. Chaque durée obéit à un système de valeurs et le rapport de dépendance n’est pas
total.
Ces deux solutions sont pratiquées au sein de la banque par les salariés et/ou employés, alors
que la solution qui intervient ci-après a déjà été utilisée par l’employeur mais sans réel succès.
En effet, ceci provient du fait que l’insatisfaction chez les salariés grandit et que ces derniers
indiquent que cela n’est nullement utilisé comme outil pour faire adhérer le personnel aux
objectifs de l’entreprise mais comme moyen de pression pour contenir le personnel d’une
manière souple en essayant de « l’amadouer » pour mieux le contrôler.
A ce titre la banque intervient également au niveau des loisirs de ses salariés, étant donné
qu’elle leur propose des séjours à l’hôtel en période estivale par paiement à crédit moyennant
la signature d’un engagement à payer sur plusieurs mois et des informations personnelles qui
peuvent êtres enregistrées par la banque.
396
*La troisième forme de résolution du dilemme est celle fondée sur la relation paternaliste
créée par la situation théoriquement humiliante de subordonné.
Cette dernière se base selon elle sur :
*la croyance chez les subordonnés que leurs chefs hiérarchiques nourrissent un préjugé
favorable à leur égard
*leur désir de voir leurs intérêts même hors du travail pris en charge par les chefs
*la primauté de l’affectivité dans les rapports sociaux sur la détermination objective des droits
et des devoirs de chaque partie, d’où la tendance à développer des formes de pouvoir
charismatique et des situations floues.
Ce qu’il faut bien préciser à partir de ces solutions que préconise Riadh Zghal, c’est le fait
qu’elles peuvent s’additionner.
Ainsi, au niveau de la « BMTP » il n’est pas rare comme nous l’a mentionné un senior que le
salarié de la banque « puisse tout à la fois être résigné et dresser une frontière entre la durée du travail et
la durée hors travail, tout en jouissant d’un certain paternalisme ».
Le flou est très perceptible au niveau de la banque, car comme nous l’avons vu auprès des
différents employés, l’application des différentes règles issues aussi bien des pratiques (règles
informelles) que des écrits (règles formelles) comme les articles de la convention collective
du personnel bancaire demeurent pour une grande part sujettes à discussion et appartiennent
au domaine de la subjectivité.
L’application dépend en fait souvent de l’interprétation stricte ou large qui peut en être faite,
à l’image du pouvoir discrétionnaire en matière juridique, laissant toujours les uns et les
autres dans l’inconnu et l’imprévisible et donnant toujours la latitude en dernier ressort au
premier responsable, car le pouvoir au sein de la banque est centralisé à l’extrême.
De plus le système est présenté comme étant carré, immuable, très rationnel alors que les
applications faites sur le terrain permettent de déceler plusieurs entorses aux règles et touchent
ainsi sa crédibilité.
Pis encore, ces écarts se faisaient d’une manière relativement « cachée », or aujourd’hui cela
apparait comme une épreuve de force, puisque l’on montre la suprématie du premier
responsable à pouvoir faire des entorses au règlement et des interprétations qui seront jugées
comme étant les seules valables.
397
C’est comme dit l’adage « la loi du plus fort est toujours la meilleure ». Ainsi, pour le
personnel, le flou n’est qu’une facette de cette suprématie ou cet abus de pouvoir flagrant,
destiné aux jeunes et nouvelles recrues attachés aux normes écrites et aux textes officiels, qui
comme l’indiquent les seniors « ne connaissent pas encore la musique et la pratique sur le terrain ».
Selon Riadh Zghal, les organisations assurent la coordination en instituant des règles assez
précises afin que chacun puisse s’orienter lui-même et prévoir le comportement des autres
alors que dans l’entreprise tunisienne, et plus spécialement dans la banque, c’est un certain
refus à formuler des règles précises pour traiter des problèmes particuliers.
Mais, également précise t’elle, « lorsqu’il faut formuler des règles, elles seront délibérément
ambiguës, laissant la porte ouverte à des interprétations multiples, et dans d’autres cas, les
frontières relatives aux responsabilités de chacun ne sont pas ou mal définies ».
Ceci est valable pour l’interprétation des articles de la convention collective des banques et
établissement de crédit de 1982.
Cette tendance à la déréglementation, à la soustraction aux règles lorsqu’elles existent, à la
fuite devant la nécessité de préciser les choses et d’imputer clairement les responsabilités, elle
la désigne par le concept de « flou » pour exprimer un paramètre culturel orientant les
comportements. D’après elle, il existe des correspondances entre ce phénomène et la
philosophie de la religion musulmane, qui mettent l’accent sur le pardon et la clémence
divine, dans le sens où une désobéissance n’entraîne pas nécessairement la sanction. Elle
précise même que dans le coran la clémence de Dieu est évoquée dix fois plus que sa sévérité.
Ainsi, le flou ne se manifeste pas seulement dans la vie de l’organisation mais aussi dans la
vie sociale.
La quatrième valeur qui appartient au domaine des relations sociales et de l’appartenance, est
déduite des deux autres, étant donné qu’elle intervient comme une sorte d’aboutissement.
En effet, au niveau de la banque les réseaux et/ou les relations et appartenances sociales ont
souvent cours et permettent de créer des solidarités partielles entre les uns et les autres, même
si le sentiment de confiance est fragilisé, car il devient conditionné par l’exigence de plusieurs
éléments inhérents à certains préalables en terme de lien social.
Dans une suite logique, Riadh Zghal indique que « le flou » associé au « paternalisme »
constitue un terrain favorable à l’attachement aux « relations et à l’appartenance sociale » et
398
souligne que face à l’insuffisance et à l’ambiguïté des règles, l’appartenance sociale devient la
seule garantie de confiance, de prévisibilité des réactions d’autrui.
Ainsi, elle ajoute qu’au niveau de l’organisation, les réseaux actifs de solidarité qui se tissent
entre individus appartenant à la même famille, la même région, la même école ou le même
atelier, dénotent cet attrait de l’appartenance sociale comme repère dans un environnement
flou. Ceci est largement pratiqué au sein de la banque, où l’on constate qu’il existe un certain
régionalisme inhérent à l’appartenance sociale qui peut atténuer sensiblement le sentiment
d’exclusion ressenti par plusieurs seniors.
Riadh Zghal conclue même en affirmant qu’ « en définitive, si l’on veut comprendre le
comportement de l’homme dans l’organisation tunisienne, qu’il soit chef ou subordonné, il
faudra se référer à cette configuration culturelle originale composée de ces éléments inter
reliés : l’attachement aux valeurs d’égalité dignité, le paternalisme comme régulateur de
situations où l’inégalité est inévitable, la déréglementation et le flou, l’attrait des relations
fondées sur l’appartenance sociale ».
La banque en tant qu’entreprise tunisienne ne déroge pas à cette configuration. Ainsi, nous
pouvons mesurer l’importance de cette variable culturelle à travers le profil culturel des
salariés de la banque, non seulement en tant que déterminant des comportements, mais aussi
en tant que source de dysfonctionnements sociaux et organisationnels au cas où ce profil est
contrarié.
Etablissant un parallèle avec la référence au modèle bureaucratique « rationnel », elle précise
qu’il est inadapté aux déterminants culturels et qu’il risque de produire plus de
dysfonctionnements que de performances, car ce modèle est aujourd’hui jugé archaïque et que
le secteur bancaire et financier est un secteur en perpétuel changement qui nécessite un
modèle souple, comme celui du management transversal. Par voie de conséquence et selon
elle, l’absence de gestion participative et de démocratie dans l’organisation, le paternalisme et
le flou permettant toutefois de sauvegarder voire renforcer un pouvoir centralisé, et se
révèlent être des instruments efficaces pour compenser l’attachement des subordonnés à leur
dignité et l’humiliation associée à la soumission à autrui.
Par ailleurs, elle relève que la soumission de l’organisation aux normes culturelles peut
produire une performance relativement satisfaisante.
Du point de vue de la gestion des ressources humaines (GRH), elle note que « les inerties
culturelles renforcent les pratiques de pouvoir centralisé : l’attrait du paternalisme, le flou, la
référence au modèle bureaucratique sous l’effet de l’héritage colonial français et de
399
l’imitation de l’administration étatique érigée en modèle pour des patrons qui, souvent,
découvrent l’organisation en lançant leur entreprise ».
Ceci peut même donner lieu à des problèmes de gouvernance bancaire, étant donné qu’il
n’existe pas ou rarement un contrepouvoir qui peut contrer l’omnipuissance du management
de la banque. En effet, pour la banque publique qu’est la « BMTP », les membres du conseil
d’administration (instance suprême de décision) disposent rarement d’un pré requis en
matière de gestion bancaire ou de finance, leur permettant de contrôler l’exécutif de la
banque, d’où la possibilité d’erreurs internes de gestion et d’abus de pouvoirs.
Aussi, comme le déplore Riadh Zghal, même si les ingrédients du management d’avant-garde
peuvent trouver un répondant dans le contexte culturel tunisien, il est indéniable pour elle, et
pour le moment, que « ce sont les facteurs favorables au pouvoir centralisé qui sont
privilégiés, malgré tous les dysfonctionnements qu’ils engendrent et qui réduisent la
compétitivité et la performance de l’entreprise ».
Toutefois, elle reste modérée dans ses propos, étant donné que même si elle énonce des faits
tangibles, elle conserve toujours l’espoir de voir des améliorations et n’hésite pas à le
souligner quand ces améliorations existent réellement.
Elle précise par exemple que « sous l’effet des changements du contexte économique et sous
l’effet de la politique de l’Etat on observe, ici et là, des signes de changement dans la
perception du management et dans les pratiques GRH ».
En effet, ces changements motivés par la concurrence de plus en plus rude, l’usage de
nouvelles technologies assez complexes, les projets de mise à niveau, la présence d’employés
hautement qualifiés dans l’organisation et certainement d’autres variables, poussent vers la
décentralisation et le développement des ressources humaines, qui doit passer par l’exigence
d’une meilleure transmission intergénérationnelle des connaissances.
Après avoir étudié le premier aspect, qui est de loin parmi les plus importants pour la banque
publique tunisienne, nous étudierons à présent les autres variables.
400
l’appartenance générationnelle inhérente au statut occupé par les seniors en vertu de leur rôle
informel de tuteur par rapport aux jeunes.
La deuxième variable s’intéresse à l’aspect situationnel ou au contexte particulier de la
banque publique tunisienne concernée, en l’occurrence la « BMTP » (la nature de l’activité, le
rôle et spécificités des différents acteurs dans le cadre du travail) qui est en rapport avec la
troisième variable qui concerne la politique de gestion des ressources humaines ordonnée par
le management de la banque et pratiquée par les responsables hiérarchiques vis-à-vis des
salariés.
Nous débuterons ainsi par le collectif et/ou la place accordée à l’influence de l’appartenance
générationnelle dans la transmission des connaissances des seniors envers les jeunes, au sein
de la banque.
Pour les jeunes nouvelles recrues, les seniors sont vus comme une « ressource
professionnelle » 297.
Comme nous l’avons développé dans les autres chapitres, dans le contexte socioprofessionnel
de la « BMTP », le collectif ou les seniors et leurs caractéristiques propres, peuvent agir en
tant que variable à part entière dans la transmission intergénérationnelle des connaissances,
étant donné qu’ils conditionnent le bon ou mauvais transfert.
Les seniors peuvent par conséquent favoriser la migration des connaissances clés entre eux et
les jeunes, ou au contraire être perçus par les employeurs et supérieurs hiérarchiques comme
étant détenteurs de connaissances obsolètes et de favoriser à leurs sens un transfert négatif.
Pour les jeunes, l’insertion au sein de l’entreprise et dans le milieu du travail n’a jamais été
chose facile, étant donné qu’ils ne disposent pas de l’expérience professionnelle du terrain et
de l’historique de la banque, leur permettant de faire le lien entre les différentes étapes dont
sont passés les aînés (arborescence professionnelle et technique).
C’est dans cet esprit qu’Yves Clot298, affirme en s’inspirant d’une métaphore empruntée à J
Bruner299 que « lorsqu’on arrive sur un lieu de travail, c’est comme si nous pénétrions sur une
scène de théâtre où la représentation a déjà commencé : l’intrigue est nouée ; elle détermine le
rôle que nous pouvons y jouer et le dénouement vers lequel nous pouvons nous diriger. Ceux
297
Expression empruntée à Yves Clot.
298
Clot Yves, « le développement du collectif : entre l’individu et l’organisation du travail », in « Entre connaissance et
organisation : l’activité collective, l’entreprise face au défi de la connaissance », Colloque de Cerisy, sous la direction de
Régine Teulier et Philippe Lorino, Edition la découverte, Collection Recherches, paris, 2005, p188.
299
Bruner J, « Car la culture donne forme à l’esprit », Eshel, Paris, 1991, p48.
401
qui étaient déjà en scène ont une idée de la pièce qui se joue, une idée suffisante pour rendre
possible la négociation avec le nouvel arrivant ».
C’est ce qui se passe généralement pour les jeunes qui arrivent à la banque, ces nouvelles
recrues sont dépaysées et ne savent pas bien comment gérer le travail si aucun des seniors ne
les initie, ne leur montre comment il faut procéder et ne les introduit dans les rouages internes.
Même s’ils disposent d’un bagage théorique leur permettant de comprendre plusieurs
opérations bancaires, ils ne savent pas encore comment libeller les opérations pour que ces
dernières soient acceptées par l’autorité hiérarchique qui a la responsabilité de les valider.
L’auteur indique par ailleurs, en citant Bakhtine300, que plusieurs éléments sont à prendre en
considération comme « la partie sous-entendue de l’activité et ce que les travailleurs d’un
milieu donné connaissent et voient, attendent et reconnaissent, apprécient ou redoutent ; ce
qu’ils savent devoir faire grâce à une communauté d’évaluations présupposées, sans qu’il soit
nécessaire de respécifier la tâche chaque fois qu’elle se présente ».
Autrement dit, même les échanges implicites de sous entendus sont importants sinon tout
aussi important que les écrits. C’est, affirme encore Yves Clot « comme « un mot de passe »
connu seulement de ceux qui appartiennent au même horizon social et professionnel ».
Nous avons déjà vu plus haut que le rôle des seniors peut être déterminant dans la mesure où
ils maîtrisent les opérations qui relèvent de leurs attributions et qu’ils ont une expérience qui
fait office de qualification qu’ils peuvent transmettre s’ils sont motivés et si les conditions
externes le permettent.
Dans ces conditions externes nous pouvons par exemple classer la motivation des jeunes à
apprendre et celle des employeurs ou décideurs à reconnaître la qualification des seniors.
Yves Clot301 va même qualifier « ce corps d’évaluations communes qui intercède dans
l’activité personnelle et opère de façon tacite », par « le concept de genre professionnel » en
précisant qu’ « il existe plus largement des genres sociaux [Clot, 1999] qui contiennent non
seulement des genres de discours mais aussi des genres de techniques : ceux-ci font le pont
entre l’opérationnalité formelle et prescrite des équipements matériels et les manières d’agir et
de penser d’un milieu ».
300
Bakhtine M, « Le discours dans la vie et le discours dans la poésie » in Todorov T, M Bakhtine, le principe dialogue.
Ecrits du Cercle de Bakhtine, Seuil, Paris, (1926/1981) p.124-132, p191
301
Clot Yves, « le développement du collectif : entre l’individu et l’organisation du travail », in « Entre connaissance et
organisation : l’activité collective, l’entreprise face au défi de la connaissance », Colloque de Cerisy, sous la direction de
Régine Teulier et Philippe Lorino, Edition la découverte, Collection Recherches, paris, 2005, p188.
402
Pour lui, il existe deux types de genres, le premier qu’il appelle « le genre d’activités » est
déterminé comme étant « attaché à une situation et à un milieu stabilisé et ne retient jamais de
façon définitive les manières communes de prendre les choses et les hommes ».
Par contre, il affirme en essayant de définir le deuxième type qu’il définit de « genre
professionnel » mais que nous pouvons considérer comme étant plus global, car comme
l’indique ce dernier, il « transporte l’intégrale des équivoques que son histoire y a laissé
persister et qu’elle ne cesse de renouveler ; ou encore tout ce sur quoi les générations
successives de professionnels ont buté, obligeant chacun, dans cette œuvre d’interprétation
collective et singulière, à y mettre du sien ».
Autrement dit, c’est comme une histoire avec des acteurs et l’existence d’une dynamique,
d’une synergie socio professionnelle qui fait que chacun communique avec l’autre, échange et
permet de perpétuer la construction et le développement de la pyramide des âges.
Il n’y a pas de cassure entre jeunes et seniors qui contribuent ainsi à un même objectif, pour
autant que les rapports ou relations socio professionnelles entre les uns et les autres ne soient
pas entravées par une politique GRH qui bride la transmission intergénérationnelle des
connaissances.
L’auteur indique par ailleurs que, « comme Vygotski302, on peut trouver assez naïf de regarder
comme c’est massivement le cas, le social seulement comme un ensemble de personnes. Le
social est aussi là quand le sujet est seul. Il n’est pas uniquement au dehors de nous ou même
entre nous. Il est aussi en nous, dans l’esprit et le corps de chacun d’entre nous ».
C’est cette vision linéaire qui a été souvent reprise par les économistes et qui fait défaut étant
donné que le social n’est pas uniquement un ensemble de personnes, car une telle vision serait
réductrice.
Le social étant beaucoup plus composé d’êtres renfermant des connaissances des savoirs, des
sentiments, une culture, des attitudes, bref toutes ces choses que certains jugent complexes.
C’est comme dit Shakespeare le fait d’exister qui confère le droit d’être considéré comme un
être pensant, dans sa célèbre phrase traduite en ces termes « je suis, donc je pense ».
Yves Clot, considère dans le même ordre d’idée en faisant un parallèle avec l’historique de
chacun dans le cadre du travail, qu’il entend tout d’abord par « « genre », le répondant
professionnel qui traversant l’activité de chacun met justement chacun à l’intersection du
passé et du présent ».
302
Vygotsky L, « The Psychology of Art », MIT Press, Cambridge (Mass) 1971, et Clot Yves., (2002) « La fonction
psychologique du travail (3ième é augmentée) PUF, Paris, in Clot Yves (ibid).
403
Intervient alors dans ce cadre, l’importance de l’échange intergénérationnel au sein des
entreprises, (comme de la banque) entre les seniors et les jeunes, voire entre les anciens et les
jeunes. C’est de plus comme il le précise « le répondant générique du métier » qui intervient à
ce niveau, car dit il ce dernier « incorpore non seulement l’hétérogénéité contemporaine des
variantes professionnelles, mais aussi la totalité ouverte des voix qui continuent, venues du
passé, à parler dans le présent, même de manière anonyme pour dire ce qui est juste,
« déplacé » ou inaccompli dans le métier ».
Toutefois, l’auteur pose également la question du problème de l’existence ou non de ce
répondant générique et de ses conditions particulières d’existence.
C’est selon lui et comme il le précise « le métier qui parle », mais souligne que cela se fait
« par contamination des langages, des techniques du corps et de l’esprit, des mots et des
choses ».
Cette idée de contamination socioprofessionnelle est ancrée au niveau du secteur bancaire
tunisien, mais aussi dans les esprits, et il n’y a pas d’exception particulière à ce niveau.
Mais, elle a souvent été étiquetée dans un sens négatif, si elle n’a pas été dictée par le bon
vouloir des décideurs ou employeurs et surtout du premier responsable de la banque.
D’ailleurs, l’idée de contamination a été reprise au niveau des employeurs de plusieurs
banques tunisiennes récemment privatisées, dans la mesure où les décideurs de ces banques
ont mis en quarantaine les seniors, voire les anciens pour qu’ils ne transmettent pas aux jeunes
leur vision de la banque forgée au fil du temps.
Ainsi, s’il n’existe pas de continuité ou comme l’indique Yves Clot, qu’il n’existe pas
d’« intersection des séries », qui permette d’unir « le passé au présent, le monde des
prédécesseurs à celui des contemporains » et qu’il y a à son sens « un dialogue parfois
inaudible, souvent interrompu, toujours à reprendre entre le passé révolu et le futur à vivre »,
alors il est difficile d’assurer une pérennisation de l’entreprise, comme la banque et de son
activité, car cela voudrait dire que le genre professionnel n’est pas en train d’évoluer et de
donner du sien.
Il est clair que ce que l’auteur veut démontrer ici c’est qu’il doit exister un lien entre les
différentes générations de l’entreprise, parce que c’est lui qui peut permettre d’aller de l’avant
surtout face à un avenir en perpétuel changement.
Selon lui « le genre « se souvient » de son passé quand un milieu professionnel parvient, le
plus souvent malgré tout, à transformer ce passé en moyen de vivre le présent, c'est-à-dire,
paradoxalement, en « souvenir » du futur ».
404
Il insiste sur cette mémoire du passé à mettre en lien avec le présent, pour permettre au futur
de se construire et avoir une chance de perdurer.
Au niveau de la banque tunisienne, et comme nous avons pu le constater au niveau de la
« BMTP », les décideurs se hâtent d’adhérer à toutes les innovations technologiques et
essayent de s’approprier les connaissances des seniors sans pour autant qu’il y ait une réelle
implication ou reconnaissance en contre partie, mais beaucoup plus une ingratitude flagrante
selon beaucoup de seniors interrogés, d’où une inexistence d’un quelconque intérêt à agir.
Un ancien, appartenant à la catégorie « personnel de direction », aujourd’hui à la retraite nous
a même récemment confié que « dès que l’on quitte la banque, on ne nous reconnaît plus, et même pour
des cadeaux de fin d’année comme un calendrier, il faut que l’on se déplace pour le quémander, c’est assez
dégradant si l’on tient compte de tout ce que nous avons pu donner à la banque ».
Pour le personnel en activité, outre le stress quotidien et l’inexistence d’une réelle
transmission de connaissance, la charge de travail, l’isolement, et la peur non déclarée quant à
la sécurité de son emploi, il y a comme l’indique Yves Clot « l’absence d’attendus génériques
disponibles ». Tout ceci va contribuer à faire en sorte selon lui et Youssef Alouane qui le
confirme au niveau tunisien, que « la santé se dégrade en milieu de travail ».
Ceci a même été récemment soulevé au niveau européen, où l’on a réalisé qu’il fallait
améliorer les conditions de travail, étant donné que les accidents du travail étaient de plus en
plus importants, d’autant plus que les nouveaux outils de travail et les nouvelles façons de
faire étaient tout aussi dangereuses que les anciennes manières, toutes choses égales par
ailleurs.
405
Seul le prescrit est appliqué et tout devient matière à suspicion ce qui a pour effet d’entraîner
une déliquescence du lien social entre les salariés.
Or, ceci contribue à tuer l’entreprise qu’est la banque, car il n’y a plus de vie, et l’entreprise
devient une addition de salariés sans une réelle âme professionnelle et sociale, car réunis dans
un même endroit ils ne partagent plus grand-chose, si ce n’est le fait de gagner un salaire,
étant donné que l’épanouissement au travail et l’enrichissement sont exclus.
C’est en ce sens qu’Yves Clot affirme que « la production collective des attendus génériques
du métier est mise en souffrance » et précise en citant Bakhtine303 qu’il n’existe plus alors de
« destinataire de secours » [1984] indiquant par la même qu’il devient alors logique et
prévisible que « si le «métier ne parle plus», il n’est pas rare que les personnes « en fassent
une maladie ». Toutefois, cette maladie peut ne pas être facile à déceler étant donné que, mis à
part les « arrêts maladie » (congés de maladie), seules les absences et /ou les retards répétés
permettent de déceler un état de saturation ou de fatigue psychologique en rapport avec le
métier.
De plus, il ne manque pas d’ajouter qu’ « alors, fondamentalement, c’est le métier qu’il faut
soigner, à tous les sens du terme » en spécifiant que « quand le « métier » se tait, ce silence a
aussi des effets sur l’organisation officielle. C’est alors comme si cette dernière perdait aussi
sa vitalité en prenant la forme d’une organisation « arrêtée » ou « achevée » ».
C’est ce qui se passe au niveau de la « BMTP » où l’on constate que le partage, la
transparence et la circulation de l’information qui impacte les connaissances clés devient de
plus en plus rare.
Un senior du département audit nous a affirmé en ce sens qu’« à la banque la devise c’est du
chacun pour soi, il ne faut jamais dire ce que tu pense réellement et tout ce que tu sais mais plutôt faire le
minimum car la banque c’est comme la jungle, tu dois prendre mais ne rien donner ».
Ainsi, nous avons pu constater en interne qu’il n’y a que très peu de transmission de
connaissances, avec une absence de fluidité de l’information, car les voix ne sont pas
écoutées, ou consultées mais bien au contraire, brimées.
Cette question de la consultation des salariés est reprise par Sonia Bouzaiene304en ce qu’elle
affirme dans le cadre plus global de l’insertion des jeunes diplômés que « l’Etat tunisien
303
Bakhtine M., Esthétique de la création verbale, Gallimard, Paris, 1984, in Clot Yves, « le développement du
collectif : entre l’individu et l’organisation du travail », in « Entre connaissance et organisation : l’activité
collective, l’entreprise face au défi de la connaissance », Colloque de Cerisy, sous la direction de Régine
Teulier et Philippe Lorino, Edition la découverte, Collection Recherches, paris 2005, p190.
304
Bouzaiene Sonia, « Les problèmes d’insertion professionnelle des diplômés tunisiens de l’Enseignement
supérieur : Diagnostics d’une exclusion », in séminaire intitulé : « La question sociale dans le monde arabe »,
406
impose une surdité et une fermeture sans faille à la société tunisienne et à ses revendications.
Et finalement, il subsiste un absent de taille dans l’établissement du diagnostic du chômage
des diplômés : le peuple tunisien, qui n’est jamais consulté pour évaluer, juger, infléchir ou
encore moins déterminer les orientations économiques, politiques et sociales du pays.
Les protagonistes du problème : les diplômés du supérieur au chômage, leurs familles, les
travailleurs précaires, les dirigeants de PME, le réseau associatif et syndicaliste, n’ont pas leur
mot à dire, et doivent se contenter (au mieux) d’un rôle de spectateur ».
Il apparaît ainsi, comme nous pouvons l’admettre d’après ces dires, que la culture locale aussi
bien sociale que socioprofessionnelle, est celle d’une non implication ou de neutralité.
Les salariés ne se sentent plus interpellé par l’évolution ou la vie de la banque, car ils en sont
exclus.
Ils ont aussi conscience qu’il n’existe pas réellement de gouvernance bancaire au sens des
règles établies par les accords de Bâle 2, imposant une transparence, une confiance et une
séparation des pouvoirs qui vise à établir une certaine équité et démocratie dans les décisions
prises, étant donné qu’il existe une confusion des pouvoirs au profit du premier décideur de la
banque.
En effet, le premier responsable, le PDG de la Banque, centralise tout le pouvoir en ne
permettant pas aux salariés de faire entendre leur voix, et ce sans qu’il ne soit inquiété par les
membres du conseil d’administration, entité suprême.
Ces derniers n’ayant pas les compétences en rapport, la plupart ne connaissant pas les
techniques bancaires ni même les différents rouages et ne peuvent émettre un avis impartial
car ils sont obligés de déléguer et de croire le premier responsable sur qui pèse une obligation
de résultat qui est celle de la rentabilité de la banque.
Aussi, la transmission des connaissances opérée au sein de la « BMTP » des seniors envers
les jeunes n’est que partielle, non globale et tout au moins ne porte pas sur les connaissances
tacites ou clés, considérées comme étant un gage de sécurité pour les premiers dans la mesure
où cela leur permet de conserver leur poste et de se rendre indispensables.
Cela provient pour une grande part de la stratégie de ressources humaines mise en place, où le
fait de casser les solidarités, de diviser, et par la même d’isoler le personnel dans un monde
d’ouverture et de communication nuit à la banque elle-même par effet de retour.
Université Lyon 2 Institut d'Etudes Politiques de Lyon, Sous la direction de Mme Elizabeth Longueness, 2006-
2007.
407
Ceci a même été vérifié lors de la fraude effectuée « par transfert » qui a eu lieu au niveau du
département étranger de cette banque où les supérieurs hiérarchiques ont réalisé que l’agent
responsable des différentes opérations illicites n’avait pas transmis ses connaissances aux
autres salariés du département d’où la difficulté de contrôler et de déceler les écarts (de bonne
ou mauvaise foi). Ce dernier s’était, grâce au système mis en place par le management de la
banque approprié les connaissances clés pour un usage personnel et des intérêts privés.
Si nous faisons un parallèle avec ce qu’affirme le PDG de la banque Rothschild sur la chaîne i
télé le dimanche du 27/01/08, par rapport à une opération similaire, à savoir la récente fraude
opérée au niveau de la société générale par l’un de ses traders, « il existe des contrôles pour
essayer de parer à ce genre de fraude, mais si quelqu’un veut vraiment passer les différentes
barrières et protections existantes, cela est possible et aucune banque n’est complètement à
l’abri », alors il est préférable que la banque pratique une politique interne plus souple.
Cette politique doit aller dans le sens de la réhabilitation de la confiance, afin de permettre de
faciliter la transmission intergénérationnelle des connaissances entre les salariés, plutôt que de
faire en sorte de l’entraver.
Cela reviendrait même à « baisser sa garde », car la banque n’est plus couverte et quelques
personnes dans des postes à risques qui détiennent de surcroît des connaissances clés
deviennent par là même indispensables et peuvent alors représenter un risque majeur pour les
autres salariés en terme de pérennité d’emploi et par voie de conséquence pour la banque et
son management.
L’organisation même de la banque sous une forme pyramidale classique, aujourd’hui
considérée comme archaïque, rappelle les organisations militaires, car nous y trouvons
également, ne serait que dans la terminologie, « des grades, des fonctions, des sanctions
disciplinaires et des conseils de discipline », et bien d’autres similarités avec une rigueur et
une intransigeance qui fait figure de pratique courante.
P H Cassou305, ancien responsable au niveau de la Banque de France, déplore le fait qu’il
n’existe plus au niveau des banques, et comme il l’indique, « le fameux tour de banque », où le
salarié de la banque recevait une formation générale et globale des activités de la banque,
alors même qu’il est maintenant beaucoup cantonné à faire le même métier sans avoir cette
connaissance globale qui lui permet une ouverture d’esprit lui permettant de comprendre les
enjeux et l’organisation globale de la banque.
305
Cassou M.PH, communication intitulée « La gouvernance bancaire : cadre référentiel-pratiques et résultats »
au séminaire sur « La gouvernance bancaire dans les pays du Maghreb, et les opportunités de l’après crise »,
séminaire international organisé par l’APTBEF à Tunis, le 04 Décembre 2009.
408
La banque, s’éloigne ainsi de plus en plus du réel, car si sa principale ressource, les salariés
et/ou le personnel, s’en tient comme l’énonce Yves Clot à « un formalisme organisationnel »
qui aura pour conséquence de l’isoler davantage, elle ne pourra faire face aux évolutions
quotidiennes de ce secteur vivant et dynamique qui impose de plus en plus de synergies entre
les équipes pour une complémentarité et une convergence des différentes intelligences.
Pour expliciter ces propos, nous pouvons faire un parallèle avec l’expérience des bureaux de
la poste décrit par l’auteur à partir de travaux issus d’une thèse en ergonomie [Flageul-Caroly,
2001], d’une part car ces derniers peuvent être considérés aujourd’hui comme des agences,
étant donné que la poste concurrence le métier de la banque, mais d’autre part, parce que la
poste comme la banque appartiennent toutes les deux au secteur des services.
Il démontre également que le comportement des guichetiers français diffère selon la
localisation de l’agence et l’attitude du personnel en question par rapport à la transmission des
connaissances.
Sandrine Flageul-Caroly a comparé le travail des guichetiers français dans deux bureaux de
Poste, l’un situé en région parisienne et classé en zone urbaine sensible (Zus) et l’autre en
province. Elle indique qu’elle repère les effets lors de la transmission du métier aux nouveaux
arrivants en précisant qu’ « en banlieue la transmission porte sur des consignes officielles
d’autant plus canonisées que c’est dans l’ombre et dans l’inquiétude qu’elles sont contournées
par chacun. Alors que dans le bureau de province ce n’est pas la procédure prescrite qui est
transmise mais le « métier au carré », le développement du métier à partir du métier, la
construction à poursuivre des « obligations » sous entendues » [ibid, p.190-191] car il y a une
transmission intergénérationnelle des connaissances qui s’opère entre seniors et jeunes.
Ainsi, comme elle le précise, « dans le bureau de banlieue nous pouvons constater que le jeu
entre « sacralisation du règlement et transgression » ont des effets incontrôlés et par la même
se « retournent contre la transmission elle-même » ».
En effet, il est alors admis que la transmission qui s’effectue n’est pas complète, car il y a
omission d’éléments importants qui sont considérés comme tacites et non prescrits par des
règles ou des procédures. Ces éléments qui peuvent revêtir la forme de connaissances clés, et
qui sont cruciales pour la bonne marche du travail au quotidien permettent de prévenir toute
situation non couverte par des procédures et des règles.
En revanche, dans le bureau de province la transmission qui s’opère est plus complète dans la
mesure où elle comprend aussi bien le tacite que l’explicite, le formel et l’informel.
Comme l’indique l’auteur « la transmission pour le novice ne va pas en ligne droite du dehors
au-dedans. Elle va simultanément du dedans au dehors, car il est mis en demeure de prendre
409
part à une histoire et à un travail de transformation des obligations mises au point par d’autres
mais à poursuivre [ibid., p.191]. Il est confronté aux nécessités de s’approprier le collectif, à
l’impératif de l’ingérer pour le digérer, si on peut se permettre cette métaphore ».
Nous pouvons constater que la transmission intergénérationnelle des connaissances est ici
perçue comme une dynamique qui met en rapport des acteurs et non de simples figurants, il y
a donc un échange riche qui permet des questionnements et qui est porteur d’amélioration, car
le fait même de faire participer les jeunes permet de prendre en considération l’apport de
« l’œil extérieur ».
Ce dernier, combiné aux expériences et connaissances des seniors et/ou anciens permet de
mieux prévenir toute situation critique non prévue par les procédures et prescriptions internes
et facilite l’intégration des jeunes et leur maîtrise du métier.
Nous dépassons ainsi ce que l’auteur appelle « le conformisme procédural » qui se trouve
limité aujourd’hui, étant donné la rapidité des innovations et des changements opéré dans tous
les secteurs d’activité, surtout dans le secteur des services et plus précisément celui de la
banque qui nous intéresse en particulier.
Ainsi, il s’agit d’une différence d’optique et de gestion de ses ressources humaines au sein de
l’entreprise qui a pour mérite de mettre en commun, de simplifier, c’est comme dit l’auteur,
« l’appropriation générique du réel » dont il s’agit.
Yves Clot indique que l’«on retrouve ici des résultats classiques en clinique du travail [Clot
Yves, 2002a] : le nouvel arrivant n’est pas ce joueur vers qui on dégage le ballon du métier
qui rebondirait de génération en génération, car l’expérience générique à proprement parler ne
se transmet pas. Elle dure et perdure sous la forme d’une évolution ininterrompue qui se
poursuit ou s’éteint en traversant chacun. Chacun ne reçoit pas en partage une expérience
prête à l’usage. Il cherche plutôt à prendre place dans le courant des activités qui
l’entraînent ».
Il fait donc l’hypothèse que la transmission intergénérationnelle des connaissances n’est pas
possible ou du moins pas automatique, mais conditionnée par des variables comme l’élasticité
générique. D’où sa précision quand il indique qu’ « il appartient à tout un chacun d’entretenir
« cette élasticité générique », car cette dernière est supposée selon lui « faire vivre le collectif
dans l’individu ».
Toutefois, cela n’empêche pas qu’il puisse y avoir dans le cas particulier qu’il énonce des
problèmes au niveau du bureau de poste de province, car les conflits dont nous avons parlé
plus haut sont omniprésents.
410
Il affirme même que c’est souvent « les antinomies de métiers, les conflits de buts et de
critères qui travaillent la conscience professionnelle ».
Mais, ils sont relativement moins nocifs d’un point de vue physiologique et psychologique,
car il existe une plateforme permettant l’aptitude donnée à chacun de mieux s’y adapter et de
pouvoir se les approprier.
Par ailleurs, Mme Parisot (présidente du MEDEF), en visite en Tunisie, fin février 2008, a
indiqué aux journalistes qui l’interviewaient au sujet de la fraude à la Société Générale qu’il
n’était pas question de licencier le premier responsable de la banque au seul motif qu’il y
avait eu fraude, mais plutôt de le garder en sa qualité de PDG, étant donné qu’il disposait
d’informations, de connaissances et d’une expertise qui permettrait de résoudre en partie la
question.
Ceci confirme encore une fois que la transmission intergénérationnelle des connaissances peut
encore jouer et que celle-ci n’a pas été complètement réalisée, car ce dernier est encore
indispensable, même si ce dernier fait partie du management de la banque, mais qu’il est dans
cette optique également considéré comme étant un employé de la banque.
411
Autrement dit, il y avait au sein de la banque une réplique comportementale ou attitudinale
qui fait dire à un senior, « on ne récolte que ce que l’on sème ».
A l’image du projet qualité pour une entreprise comme la banque, la réussite du projet
nécessite l’implication de la direction générale, ainsi tout dépend de la volonté réelle du
management de la banque (la direction générale) d’améliorer ou non les conditions du
personnel bancaire, car les structures de l’organisation et de la GRH ne sont que des outils.
En effet, la direction générale de la banque peut les utiliser aussi bien dans un sens que dans
l’autre, c'est-à-dire soit avec plus de flexibilité ou avec plus de rigueur.
Elle peut d’ailleurs, pour ce faire, invoquer la rentabilité de l’entreprise et le fait que la
conjoncture soit mauvaise pour impliquer et faire accepter d’une manière ou d’une autre les
mesures strictes et rigoureuses qu’elle entreprend ou au contraire faire dire aux chiffres
qu’elle a un bénéfice important et en faire profiter son personnel, ce qui assez rare.
Le discours managérial paternaliste, qui prône l’intégration à des idéaux communs et fait table
rase des divergences d’intérêts, ne prend plus.
Le personnel n’est plus naïf, voire crédule, il comprend beaucoup mieux la réalité, et arrive à
transcrire beaucoup plus facilement les agissements organisationnels et la politique GRH de la
banque même s’il ne s’y adapte toujours pas aussi facilement.
Ainsi, ce conflit que nous pouvons qualifier de latent entre le personnel et la hiérarchie, et/ou
le management de la banque, peut compromettre, voire bloquer la bonne transmission des
connaissances entre seniors et jeunes.
Ceci peut remettre en cause la pérennité de l’emploi des salariés en cas de coup dur, comme
un problème informatique qui obligerait les salariés à revenir en mode manuel pour toutes les
opérations comptables par exemple, car la plupart peuvent ne pas maîtriser ces anciennes
opérations.
Nous avons d’ailleurs pu constater lors du détournement de fond opéré à partir du transfert
signalé supra, qu’un rappel des anciens a été effectué pour voir comment résoudre le
problème, ce qui témoigne encore de l’inexistence d’une bonne transmission
intergénérationnelle des connaissances au sein de la banque.
Toutefois, cette situation n’est pas nécessairement négative, étant donné que comme l’indique
Michel Crozier, « dans la « société bloquée », les conflits sont parfois nécessaires pour
débloquer les crises et permettre de nouveaux progrès ».
Aussi, il peut y avoir une analogie avec le secteur bancaire, c'est-à-dire que le conflit peut être
apprécié dans le sens positif dans la mesure où il permet des remises en question des
412
situations où il existe des blocages, mais cela reste conditionné au fait de pouvoir exprimer les
problèmes.
Or, nous avons vu comment cela n’a pas été rendu possible au sein de la banque publique
tunisienne, la « BMTP », objet de notre étude, et ce lors des cercles de qualité qu’elle a
instauré et qui ont fini par disparaître en toute logique.
La question première n’est donc pas de nier les conflits, mais de savoir les gérer pour le bien
de tous et au sein même de la banque et de son organisation.
Cela est même d’autant plus bénéfique que, comme l’affirmait un membre de l’Utica
(équivalent du MEDEF Français) au séminaire organisé le 4 décembre 2009 sur la
Gouvernance bancaire dans les pays du Maghreb et les opportunités de l’après crise, « il faut
veiller à faire marcher l’ascenseur social au sein des banques publiques pour agir sur la motivation des
salariés et éviter les stagnations ».
Ainsi, il devient important d’approfondir l’étude des conflits et tensions au sein du secteur
bancaire et des banques publiques tunisiennes, comme la « BMTP » plus précisément, tout en
essayant d’en dresser un parallèle ou tout au moins un rapprochement avec les entreprises
tunisiennes.
Au niveau de la banque, plusieurs types de conflits peuvent exister, et nous pouvons d’ores et
déjà citer ceux mettant en jeu les acteurs individuels avant de présenter les conflits collectifs
que nous avons pu recenser en interne.
Par ailleurs, outre les trois types de conflits répertoriés par March et Simon, et que nous avons
pu retrouver au sein de la « BMTP », il existe également d’autres types de conflits qui ont été
abordés par Youssef Alouane.
March et Simon se sont intéressé aux conflits concernant la prise de décision personnelle, les
conflits organisationnels (à l’intérieur d’une organisation), les conflits inter organisationnels
(entre organisation), alors que Youssef Alouane s’est beaucoup plus orienté vers les aspects
collectifs des conflits dans les entreprises tunisiennes, et notamment les conflits de fonction,
les conflits d’intérêt, les conflits de comportement.
4.3.1 Des conflits propres aux entreprises : Mise en jeu d’intérêts individuels
Au sein de la « BMTP », les conflits propres aux entreprises mettent en jeu les intérêts
professionnels des acteurs individuels et/ou salariés de la banque.
413
Ces conflits peuvent avoir plusieurs sources, à savoir le statut au sein de la banque, les intérêts
privés motivés par une amélioration de la carrière synonyme d’un accroissement de pouvoirs
et de richesse (meilleure rétribution financière).
306
Alouane Youssef
414
matière de personnel : On n’embauche plus, on diminue les frais de la formation parce que ce
sont des dépenses qui sont variables dans le temps. On ne peut en effet ni revendre les
machines, ni diminuer largement les frais généraux ; donc, on agit sur le personnel ou sur la
formation ou sur les activités réputées « non rentables » ».
Il est clair, d’après ce qu’avance Youssef Alouane que la banque se comporte comme si elle
était en difficulté, car excepté le fait de ne pas couper les crédits, le reste des mesures a pu être
palpable à certains moments.
Mais, il peut exister également des conflits et des tensions du fait de la banque, lors de
réunions ou d’échanges entre ou à l’intérieur des différentes structures (réseau/directions
centrales) entre le personnel, qui sont dû pour l’essentiel à l’appartenance sociale, à la
localisation (régionalisme) et au niveau intellectuel.
416
Cela peut être aussi le fait de donner la promotion, en priorité aux seniors et/ou plus anciens
ayant une responsabilité à la banque (fonction), en favorisant particulièrement, dans le cadre
de la convention collective des établissements de crédit de 1982, le passage de classe plutôt
que le passage de grade, car ce dernier a des répercussions beaucoup plus importantes en
termes d’amélioration salariale pour les employés alors que le passage de classe ne se traduit
que par une amélioration minime.
Nous pouvons donc aisément remarquer que ce sont des objectifs subjectifs et aléatoires
guidés par les objectifs économiques et financiers qui pilotent les choix de promotion au
détriment d’une justice sociale en interne.
417
dévoilent réellement qu’une fois titularisés au sein de la banque, car ils peuvent ainsi
prétendre à plus de droits et une meilleure protection en cas de conflit.
Ceci est valable pour les entreprises tunisiennes, comme la banque, car comme l’indique
Youssef Alouane, « les conflits de comportements dans l’entreprise sont, en effet, à la fois les
plus nombreux et ceux dont on parle le moins ; on les masque soit derrière des conflits de
fonction, soit derrière des conflits d’intérêts, au sens large. On constate un refus de l’affectif,
un désir de rationaliser, de justifier, d’avoir raison, qui rendent très difficile la
compréhension ».
De plus, plusieurs salariés, jeunes ou seniors peuvent, ne pas ou ne plus supporter le poids de
la pression exercée par les supérieurs hiérarchiques et les responsables de la banque à laquelle
ils n’étaient pas préparés et qui reste toujours motivée par la recherche d’une meilleure
rentabilité financière (conflit hiérarchique).
Or, cette préparation incombe aussi bien au système éducatif et de formation universitaire
(pour les jeunes diplômés), qu’à la banque elle-même, à travers un programme de formation
et de sensibilisation (pour tous les salariés intégrés).
Les conflits collectifs à la « BMTP » sont souvent assimilés aux conflits internes et mettent en
jeu des groupes de salariés avec ou sans fonction de responsabilité.
Selon Youssef Alouane les conflits collectifs sont en Tunisie « les conflits les plus « visibles »
et les plus importants ».
Cela est aussi le cas au sein de la banque, étant donné que les conflits collectifs pris en charge
par l’UGTT (Union Générale des Travailleurs Tunisiens) pour le secteur bancaire, ont
engendré des augmentations salariales échelonnées sur trois ans.
Toutefois, ces conflits émanent d’une revendication globale celle d’une amélioration générale
du niveau de salaire en rapport avec l’inflation et la cherté de la vie.
Ils ne sont pas aussi dangereux que les conflits latents qui ne sont pas exprimés et qui peuvent
donner des effets plus critiques pour la banque en termes de représailles à travers la non
transmission intergénérationnelle des connaissances et la conservation de savoir faire en
rapport avec une pérennisation de l’activité.
Ceci peut, à terme devenir structurel et générer de nouvelles habitudes, de nouveaux usages et
coutumes qu’il sera difficile de changer, comme l’absence de confiance partagée ou de
transparence interne qui aura pour effet, d’une part de miner les échanges entre les salariés, et
entre salariés et responsables hiérarchiques et/ou direction d’autre part.
418
4.3.3 Le critère distinctif des conflits collectifs au sein de la « BMTP »
Pour étudier le critère distinctif des conflits collectifs au sein de la « BMTP » qui est
important à analyser, d’autant plus qu’il intervient pour beaucoup entre groupe de salariés et
direction, il convient encore de se référer aux travaux de Youssef Alouane sur les entreprises
tunisiennes.
D’après lui, pour « bien cerner les causes des conflits collectifs, il est nécessaire au préalable
de distinguer le conflit collectif du litige individuel ».
A cet effet, il indique que « la définition traditionnelle des conflits collectifs suppose la
réunion de deux éléments, le premier intéressant les parties, le second l’objet du litige ».
Au niveau de la « BMTP » c’est par exemple le personnel de la banque (communauté divisée)
ou son syndicat (collectivité organisée) qui sera opposée à la direction générale de
l’établissement de crédit en question.
L’intérêt collectif sur lequel il va porter peut résider en une application restrictive de la
convention collective, prenant toute son ampleur dans l’utilisation du « niveau plancher »
dans la grille des salaires pour toute nouvelle recrue.
Vient ensuite, la reconnaissance de quelques diplômes uniquement, alors que la convention en
question et l’esprit même dans lequel a été faite sa rédaction, était un esprit d’ouverture,
créateur d’avantages palpables.
En effet, cette dernière prévoyait l’arrivée d’autres diplômes et formations qui seraient
intégrés par simple agrément préalable de la banque et envisageait de donner en tant
qu’encouragement le droit à une promotion en interne comme le passage au grade
immédiatement supérieur en cas de réussite aux examens.
Cette interprétation restrictive de la convention collective permet de saisir le nouvel esprit
dans lequel se trouve la formation au sein de la banque, car même si au niveau global du
secteur bancaire il existe des ouvertures et des encouragements, il n’est pas dit que cela soit
automatiquement décliné au niveau de tous les établissements bancaires.
Cela dépend aussi de la volonté et du rôle des premiers décideurs de ces établissements en
question et de la gestion des ressources humaines qu’ils comptent appliquer dans leurs
établissements respectifs.
Le conflit ou litige peut d’ailleurs être évolutif et passer du niveau individuel au niveau
collectif, même si certains conflits peuvent être hybrides c'est-à-dire à la fois individuels et
collectifs.
419
Nous avons pu le constater lors de revendications relatives à « la prime d’intéressement » au
niveau d’une banque publique de la place, ainsi que la revendication et/ou l’avantage
demandé et afférent aux bons d’essence.
C’est selon Youssef Alouane le cas au sein de certaines entreprises tunisiennes « lorsqu’un
salarié est congédié pour son activité syndicale », mais cela sera difficile à prouver.
Les causes apparentes des conflits collectifs prennent source dans les intérêts économiques et
financiers de la banque.
En effet, au sein de la « BMTP » les causes apparentes des conflits collectifs prennent corps
dans les revendications salariales et l’exigence d’une amélioration des conditions de travail
pour tous les salariés de la banque.
Youssef Alouane affirme que « le conflit salarial ou distributif est la principale source de
conflit dans tous les pays ».
En effet, pour la banque c’est le fait pour les employeurs de raisonner en termes de centre de
coût et de centre de profit et de considérer le salaire et ses accessoires comme un coût qu’il
faut minimiser.
420
Pour le personnel en revanche c’est le fait de ne pas pouvoir revendiquer des augmentations et
le fait que le salaire et ses accessoires ne répondent pas à un « standing minimum de vie » qui
doit être en rapport avec le coût de la vie.
En effet, pour la banque, même s’il existe des négociations avec augmentations sectorielles
échelonnées sur trois ans, les salaires des banques publiques demeurent toujours assez limités
au regard des salaires des autres banques de la place.
Quant au conflit relatif aux conditions de travail, les revendications des salariés sont d’ordre
qualitatif, elles concernent les conditions de travail et de vie, et peuvent constituer également
un coût pour l’entreprise.
C’est le cas, au sein de la banque, concernant par exemple la mise en place de nouveaux
climatiseurs pour les agences installées dans des régions où il fait en moyenne 40° de chaleur
en été, ou encore au siège lors de la commande de nouveaux ordinateurs, ou encore
l’obligation de respecter des horaires trop strictes et sans aucune souplesse par rapport à leurs
prédécesseurs.
Les sources socio-juridiques des conflits collectifs peuvent se trouver au niveau de la banque
lors de l’inapplication de textes, ou d’articles issus du droit du travail ou de la convention
collective, aux salariés de la banque.
Ces articles ou textes pourtant créateurs de droit peuvent ne pas trouver d’application au sein
de la banque et léser par conséquence les salariés en cas de différends les opposant à cette
dernière.
Par ailleurs, Youssef Alouane dans un cadre plus large prenant en compte les entreprises
tunisiennes affirme que « les sources juridiques des conflits collectifs, se résument dans le fait
de l’inapplication au salarié du droit en vigueur comme le non payement des salaires et
accessoires dans les délais par l’employeur (y compris les primes) mais aussi, le non
versement des cotisations à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) ».
Au niveau de la « BMTP », c’est surtout le non remboursement des frais médicaux ou le fait
que ce service (division social de la direction gestion des ressources humaines) fasse des
incursions dans le compte des salariés et s’arroge le droit de le débiter à l’insu de leur
propriétaires pour équilibrer sa balance budgétaire en raison d’un refus de la part de
l’assurance de rembourser les montants engagés par ces derniers pourtant inscrits dans le
cadre d’une assurance groupe.
421
C’est aussi le fait d’indiquer qu’il existe des décrets régissant le remboursement des produits
sans pour autant les porter à la connaissance des salariés, les laissant en port à faux avec
l’assurance.
Mais, cela peut également provenir du fait du non octroi de certains « avantages » en nature
(prévus par le code du travail ou par la convention collective) ou encore à titre d’exemple, le
non remboursement des frais de déplacement pour assister à une formation au motif de la
« non réception » de l’« état de déplacement » dans les délais.
Toutefois, ceci peut aussi émaner d’une interprétation défavorable, de la convention collective
des établissements de crédit ou d’autres textes de lois, pour le groupe des salariés de la
banque.
C’est le fait par exemple pour les salariés de la « BMTP » de ne pas pouvoir s’inscrire aux
cours de l’ITB qu’après la titularisation (2 ans minimum) et une année d’ancienneté, alors que
les autres banques inscrivent leur personnel dès le sixième mois d’ancienneté.
En règle générale, et comme l’énonce Youssef Alouane « les causes politico-économiques des
conflits collectifs prennent corps dans la manifestation de grèves ».
En effet, ces dernières témoignent d’un mécontentement des salariés à l’encontre des
pratiques managériales et socio-économiques internes décidées par la hiérarchie et/ou les
décideurs, (les employeurs).
Ainsi, par déclinaison au niveau de la « BMTP » il devrait logiquement y avoir des grèves en
signe de contestation et de mécontentement, or cela ne se pratique pas au sein de la banque du
fait du « management de la peur » institué par l’employeur et pratiqué par les supérieurs
hiérarchiques nommés, mais aussi de « la culture de la tolérance » des travailleurs tunisiens.
Ceci reste également influencé par les structures officielles qui ont un poids important, surtout
pour des pays en voie de développement où le secteur économique et financier et les
établissements de crédit obéissent à une logique de secteur protégé et une tradition
d’encadrement du crédit.
Aussi, les grèves, même si elles sont rares pour le secteur bancaire tunisien307 ont pour origine
des causes économiques (salariales essentiellement), qui sont particulièrement lentes du fait
des agréments préalables à obtenir des autorités de tutelle.
307
Seule la STB « Société Tunisienne de Banque », a dans son historique d’activité effectué deux grèves, du fait
d’un syndicat réputé comme étant fort au sein du secteur bancaire.
422
En effet, les augmentations sont « in fine » essentiellement du ressort des autorités de tutelle
(ministère des finances, premier ministère et banque centrale), du management de la banque
(direction générale) et des actionnaires (pour la plupart des entreprises publiques et l’état).
423
Ce nombre qu’il juge insuffisant pour des structures de dialogue, intervient selon lui en raison
affirme t-il de « l’inadaptation des structures sociales à résoudre les litiges ».
Abordant la question des syndicats tunisiens, il précise également que « le syndicat de base et
la cellule sont assez souvent contestés soit par l’employeur soit par les travailleurs ».
Quant aux commissions paritaires, qui interviennent en tant que structures consultatives
internes aux entreprises, Youssef Alouane souligne que « la commission paritaire consultative
a été prévue à l’origine pour résoudre les conflits résultant de l’application de la convention
collective et pour siéger en tant que conseil de discipline. Cette institution est mal adaptée
(par ces attributions) à la pratique du dialogue. Elle constitue un frein supplémentaire au
dialogue, et ne fonctionne qu’en tant que conseil de discipline ».
Au sein de la « BMTP » les affirmations et propos trouvent réellement un écho étant donné
qu’elles s’appliquent effectivement comme il l’a si bien mentionné.
En effet, la commission consultative, la commission paritaire et le syndicat de base, censés
être des garde fous et des contre pouvoirs qui garantissent les droits des salariés lésés ou
entraînés dans un conflit d’intérêt avec les responsables hiérarchiques, n’ont qu’un rôle limité
d’information et de consultation qui ne va pas toujours dans le sens de tous les salariés de la
banque.
De plus, étant des vis-à-vis élus les salariés membres de ces structures, dont le rôle est de
protéger les intérêts de leurs électeurs qu’ils représentent, l’accès ou toute demande
d’audience d’un salarié lésé auprès des responsables pour défendre ses droits peut être rejetée
au motif de la prise en charge de ces questions par ces mêmes structures.
Ainsi, c’est comme si ces structures produisaient des paliers supplémentaires de protection en
faveur des responsables hiérarchiques, car elles bloquent ou « tuent dans l’œuf » toute
revendication en se rapprochant davantage des responsables au détriment des salariés lésés.
Un senior qui n’a pas trouvé d’appui auprès du syndicat à propos d’une question relevant de
son avancement de grade qui a dépassé les extrêmes, à savoir 6 ans au lieu de trois années
théoriquement requise et qui s’est orienté vers la commission consultative d’entreprise s’est
vu répondre « tu as sûrement un problème avec ton supérieur hiérarchique et il faut que tu vois avec lui,
nous on ne peut rien faire ».
Ce dernier qui s’était comme nous l’avons mentionné plus haut orienté au préalable vers le
syndicat de base s’est vu répondre, au motif qu’il appartenait à la catégorie « personnel de
direction » que « ton sort est désormais exclusivement du ressort de la direction générale ».
424
Tout ceci contribue à penser que les membres de ces structures sont de connivence avec le
management de la banque (direction générale et responsables hiérarchiques), par effet
d’ « alliances informelles », ce qui a tendance à isoler davantage les salariés lésés et à
conforter le pouvoirs des décideurs en favorisant davantage les divisions internes et la
création d’un système de réseaux internes.
Concernant la formation, le problème de communication et de transmission des connaissances
au sein de la banque entre direction et salariés est flagrant et a pour origine de mauvaises
dispositions organisationnelles et une discrimination par le grade ou la fonction qui
permettent également l’instauration de conflits collectifs latents.
Ainsi, certains salariés sont exclus de formations, de réunions ou encore d’informations
professionnelles qui circulent par la voie de l’intranet, sur simple décision de la direction
(management de la banque) de ne pas leur délivrer un code d’accès.
Nous avons pu ainsi constater qu’il existe au sein de la banque des modules de formation et
des formateurs, un centre de formation intégrée, et pourtant une large frange du personnel
n’est pas concernée par ces formations.
Pour les jeunes qui ne sont pas affectés au réseau, c’est la constante de « la formation sur le
tas » ou transmission intergénérationnelle des connaissances informelles qui dépend du « bon
vouloir » des seniors et de l’influence que les décideurs et/ou la hiérarchie leur portent.
Pour les seniors en revanche, c’est la saturation et les sentiments de « fin de vie
professionnelle » et d’exclusion qui les empêchent pour la grande part, de formuler une
demande de formation.
Ainsi, à la différence des banques privées, voire même étrangères, où il existe un volume
horaire de formation par an à l’intention de chaque salarié, la « BMTP » ne communique pas
avec ses salariés, et ne dispose pas d’un plan annuel de formation qui serait porté à la
connaissance de tous.
Un jeune cadre de la direction formation, personnel d’encadrement, nous a même indiqué que
la formation est élitiste en affirmant qu’« ici on peut demeurer 20 ans sans participer à une quelconque
action de formation. De plus, il faut discerner entre formation avec acquisition ou approfondissement de
savoir et peut être passage à un niveau d’expert, de celui de formation qui se révèle en fait de l’information
sans aucune amélioration des connaissances et des savoirs faire ».
Nous avons aussi pu constater que la direction de la formation fait même circuler un
formulaire pour les formations pour certaines directions en priorité.
425
Ce formulaire, où sont libellés les besoins de formation sous la forme d’ « un manque de
formation » doit être rempli par chaque salarié.
Cela peut, selon plusieurs jeunes et seniors, être interprété à contrario comme une affirmation
ou un signe d’incompétence qui pourra être utilisé contre les candidats à la formation eux-
mêmes.
A cet effet, plusieurs salariés ne désirent pas s’inscrire à ces formations, car ces dernières ne
leur donnent pas un plus dans leur métier susceptible de leur conférer un quelconque
avantage.
426
Dans ce cadre une étape importante est à signaler, il s’agit de la restructuration du système
bancaire intervenue en 1987 sous l’impulsion des pouvoirs publics et l’influence des bailleurs
de fonds internationaux, dans le cadre d’une réforme plus globale celle du plan d’ajustement
structurel (le PAS) qui devait marquer l’orientation libérale choisie par le pays qui passe
aujourd’hui par la privatisation de plusieurs entreprises publiques, avec un programme
national de mise à niveau et une modernisation urgente qui a démarré depuis la signature de
l’accord d’association signé entre la Tunisie et l’Europe en Juillet 1995.
A l’instar de toute entreprise la banque doit adapter son mode de fonctionnement aux
multiples contraintes de l’extérieur, évolutions sociales, démographiques, technologiques,
mutations dues à la transformation des marchés et à la mondialisation de l’économie.
Cette restructuration sous l’impulsion des pouvoirs publics et l’influence des bailleurs de fond
internationaux (Banque mondiale et FMI) s’est matérialisée par une nouvelle organisation au
sein des banques, dont la « BMTP », avec de nouveaux types de contrôles, et le respect de
ratios de solvabilité.
Par ailleurs, les décisions présidentielles en matière d’emploi et l’encouragement des
structures publiques au recrutement des jeunes diplômés issus du supérieur (opéré déjà en
1992), ont constitué dans ce cadre une nouvelle donne pour les banques publiques
tunisiennes.
La question des rapports intergénérationnels et de la gestion du vieillissement des personnels
se pose de manière cruciale à la « BMTP », aujourd’hui en pleine mutation.
De surcroît la banque est entrée dans une phase de remise en cause de son organisation
socioprofessionnelle antérieure qui contribue à opposer davantage les générations
vieillissantes qualifiées par leurs anciennetés, aux générations plus jeunes qualifiées du fait de
leurs diplômes issues de longues études universitaires (Bac+4 et aujourd’hui Bac+6 pour la
plupart).
Comme les établissements industriels, le vieillissement du personnel est patent et pourtant le
recrutement imposé par décision présidentielle en 1992 en faveur des jeunes ne correspondait
pas à un besoin programmé par les banques publiques.
Il devient par conséquent logique, que ces dernières n’ont pas élaboré de stratégie claire et en
rapport, en matière de transmission intergénérationnelle des connaissances.
L’intégration des jeunes doit donc surmonter le problème classique de la tension
intergénérationnelle, mais aussi celui du vieillissement, outre l’adaptation aux différentes
innovations technologiques qui touchent le secteur bancaire, appelé à utiliser des moyens de
connexion de plus en plus développés et des ordinateurs de plus en plus modernes.
427
4.5.2 Un élan patriotique qui s’estompe au fil des années
Comme nous venons de le voir plus haut il existe bien un problème intergénérationnel au
niveau des connaissances à transmettre qui réside dans la réciprocité des échanges entre les
générations.
Mais, il est important de signaler qu’au niveau de la banque, et à travers les évènements
historiques passés, il y avait au départ une forte volonté de la part des anciens de transmettre
leurs connaissances aux jeunes.
La transmission intergénérationnelle des connaissances se faisait dans un esprit de partage
d’une culture « maison », car il existait au niveau de ce secteur particulier de la banque une
multitude de normes et de règles prescrites qu’il fallait obligatoirement respecter, dans un
cadre particulier, celui de l’indépendance.
Ainsi, pour les anciens partager ou transmettre leur connaissance et/ou leur savoir faire aux
jeunes dépend, comme l’indique Daniel Leroux, pour une large part de la volonté de ces
derniers de préparer l’avenir et d’assurer la relève, mais aussi de la « la fierté d’être valorisé
au travers de son expérience ».
Toutefois, au-delà de cette fierté, l’auteur indique également que cela se concevait comme le
besoin de retrouver une motivation perdue.
Leur rôle vis-à-vis des jeunes était un rôle de tuteur, ou de « compagnon » pour le secteur
industriel.
A cet effet, l’auteur donne une définition du compagnonnage en ce qu’il indique que « le
terme de « compagnonnage » renvoie à une transposition du modèle de la solidarité
compagnonnique : identité ouvrière élitiste, secret initiatique transmis à l’issue d’un long
parcours, partage de valeurs telles que qualité du travail manuel, solidarité, désir d’apprendre.
429
Au même titre que la famille, le « compagnonnage » a une fonction d’éducation et de
transmission du savoir-faire ».
La transmission intergénérationnelle qui s’opère entre seniors et/ou anciens et jeunes se fonde
sur « des mécanismes d’échange du travail réel qui sont fondés sur des conventions sociales
implicites, construites dans la durée, et enracinées dans les valeurs et la culture de
l’entreprise ».
C’est donc beaucoup plus de « l’informel et du tacite » que s’échange les salariés que « du
codifié », car c’est en situation de travail que la plupart des expériences à vivre permettent
d’inculquer aux jeunes les secrets de la profession comme cela se pratiquait dans les métiers
industriels jadis mais aussi artisanaux avec le compagnonnage.
4.5.4 Une dépendance variable et négociée par rapport aux valeurs sociales
L’existence au sein de la banque même d’une dépendance variable et négociée par rapport
aux valeurs sociales comme la confiance, la solidarité et l’entraide au sein du groupe nuit à la
transmission intergénérationnelle des connaissances.
Au sein de la « BMTP », le facteur humain devrait avoir une importance capitale, car la
banque est avant tout une entreprise de service, et pourtant les salariés (seniors et jeunes) sont
boudés, et rarement consultés par la hiérarchie, c’est donc plutôt une relation d’échange à sens
unique.
Ils ont l’impression que tout est écrit d’avance, qu’ils n’ont pas de marge de manœuvres, et
déclarent pour ceux que nous avons rencontrés, lors de notre observation directe et
participante au sein de la banque, que « c’est le destin, le Maktoub », d’où l’importance de la
notion de fatalisme pour ces salariés.
Certes, ils peuvent être critiqués du fait que c’est à eux de jouer un rôle d’acteur et de tenter
de se faire valoir, mais plusieurs nous rétorquent que « c’est perdu d’avance ».
En effet, ils sont nombreux à affirmer que « cela dépend de valeurs sociales fortement ancrées et qu’il
est difficile de remettre en cause aujourd’hui ».
Ainsi, comme nous avons pu le voir les salariés sont un peu perdu face à cette « dictature des
employeurs » et des supérieurs hiérarchiques qui sont omnipuissants, ils s’adaptent en faisant
sciemment ou inconsciemment un amalgame entre plusieurs notions comme la destinée, la
fuite en avant, la résignation et le fatalisme, tout en se remettant en cause.
Or, ce travail de destruction psychologique des salariés mis en œuvre du fait d’une
dépréciation continue de ces derniers par les responsables hiérarchiques, conjugué avec
430
l’absence de reconnaissance de l’expérience acquise et des qualifications et/ou connaissances
cumulées tend à dévaloriser les salariés.
Les salariés ont donc du mal à s’adapter à ces remontrances quotidiennes effectuées par les
responsables hiérarchiques du fait du travail. Ces derniers, outre la critique, les
responsabilisent directement en cassant petit à petit leur personnalité qui s’en trouve peu à peu
effacée. Cela est d’autant plus difficile à accepter par les salariés que ces derniers conçoivent
que ces pratiques et ce traitement sied beaucoup plus logiquement aux entreprises et banques
privées.
Certes, ces pratiques sont généralement plus reconnues dans le secteur privé qui doit pour
survivre, atteindre, voire dépasser une certaine rentabilité, comme nous le témoignait un cadre
du département informatique d’une banque privée, en ces termes « mon boss me responsabilise sur
20% de mon travail qui n’étaient pas bons alors que les 80% du travail étaient fait correctement et en un
minimum de temps. Mais pour lui, c’est comme si c’était la cerise sur le gâteau qui manquait et donc tout ce
que j’avais effectué ne valait rien, pourtant je sais que j’ai fait mon maximum ».
Mais, pour les banques publiques où l’employeur majoritaire est in fine l’état, les salariés sont
habitués à un certain confort inhérent à la sécurité de l’emploi et comme l’indique Karim Ben
Kahla à une rentabilité moyenne, sans que des objectifs chiffrés et précis ne soient recherchés,
car le principal objectif est d’ordre social, il concerne l’emploi et la réduction du chômage.
Le changement opéré aujourd’hui au niveau des entreprises publiques où l’état se désengage
petit à petit en favorisant les privatisations oblige les banques, comme la « BMTP » à
rechercher à leur tour une rentabilité comme leurs homologues (banques privées).
Aussi, ce sont les salariés qui n’arrivent pas à suivre ce rythme d’autant plus que les
responsables des banques publiques (où l’état est majoritaire) ne prévoient aucune motivation
ou amélioration salariale, alors qu’il est aujourd’hui demandé aux salariés de la « BMTP » de
s’aligner sur les performances de leurs homologues des banques privées pour le même prix.
De plus, l’inexistence d’un bilan social et de formations conséquentes qui pourraient valoriser
ces salariés en mal d’adaptation, conjugué au travail de dépréciation, dont les acteurs
principaux sont les responsables hiérarchiques, tend à produire des salariés qui se posent en
victimes sans défense.
Ainsi, la seule arme qu’ils bradent en représailles consiste en une rétention d’information et
de transmission des connaissances en interne.
Beaucoup d’entre eux ont donc le sentiment fort d’être piégé et condamné à rester dans la
banque sans pouvoir tenter un « turnover » qui passe obligatoirement par la formalité
431
administrative de la démission, à l’instar des plus jeunes qui seraient déçus par la banque
publique et qui opteraient pour ce choix, car la fracture est trop importante et qu’ils ont perdu
confiance en eux même.
En effet, l’employeur ne permet pas aux salariés qui désirent tenter leur chance dans une
banque privé ou une autre entreprise, de profiter de l’avantage du détachement ou de la mise
en disponibilité, mécanismes propre au secteur public qui sont pourtant réputés comme étant
encouragées en amont par les autorités de tutelle.
Jean-Daniel Reynaud308 souligne que « la négociation qui fonde l’échange social s’enracine le
plus souvent dans une situation de conflit initial que la régulation sociale et la négociation
permettent de dépasser ».
Ainsi, rien n’est figé ni même automatique, car les valeurs sociales comme la confiance, la
solidarité et l’entraide au sein du groupe peuvent également être amenée à évoluer et devenir
relatives compromettant par là même ou favorisant une transmission intergénérationnelle des
connaissances.
En effet, d’après Norbert Alter309 « dans la plupart des situations, le comportement des
acteurs est mixte : il correspond à la fois à des logiques d’engagement et à des logiques de
distanciation ».
Mais, ceci n’est pas automatique, car cela dépend aussi des seniors en question, étant donné
que les personnes ne sont pas toutes identiques dans leur attitude et leur comportement et ne
partagent pas toutes les mêmes valeurs.
Autrement dit, certains seniors et/ou anciens peuvent être coopératifs, alors que d’autres
peuvent l’être moins, car ils ont une autre culture, un passé éducationnel différent, ou d’autres
valeurs.
Il peut aussi exister une absence de volonté de coopération ou de transmission des
connaissances chez certains seniors, essentiellement due au fait qu’ils ont été lésés par
l’entreprise en question.
Malheureusement, au niveau de la banque ce n’est pas une exception et beaucoup se plaignent
de l’existence de trop d’injustice.
Selon un senior, cadre de direction au sein du département crédit « cette injustice peut prendre la
forme d’une promotion que l’on n’a pas eu, que ce soit un grade ou une responsabilité comme la nomination
à un poste de chef de division, ou de chef de département ou de direction centrale, voire plus. Cela peut être
308
Reynaud Jean-Daniel, « Les règles du jeu ; l’action collective et la régulation sociale », Paris, A. Colin, 1989.
309
Alter Norbert, « L’innovation ordinaire », Paris, PUF, 2000, p.260.
432
aussi le fait d’un crédit qui nous aurait été refusé, ou encore de mesures disciplinaires rigides et d’une
politique de ressources humaines intransigeante avec abus de pouvoirs inhérent au fait de la mise en place
d’une structure organisationnelle hiérarchisée basée sur les liens de subordination et freinant l’initiative
individuelle ».
Ces éléments nous permettent d’apprécier la mesure de l’importance des éléments subjectifs
ou en rapport avec les conditions de travail ou ses accessoires, comme une mauvaise
application d’éléments inhérents aux droits des salariés inscrits au code de travail et qui ont
une portée sur les relations professionnelles et le contexte interne au sein de la banque.
A cet effet, un autre senior du département étranger confirmant ces dires par rapport au droit
élémentaire de disposer d’un congé annuel nous a indiqué que cela « peut provenir également du
simple fait de ne pas avoir pu bénéficier d’un congé programmé quand cela était nécessaire alors que le solde
de congé le permettait. Mais aussi du seul fait de ne pas avoir pu figurer sur la liste des personnes qui
pourraient profiter d’une semaine de vacances estivales organisée par la commission consultative de la
banque dans un hôtel après tirage au sort de la liste des personnes retenues ».
En fait, cela peut donc provenir d’une déception liée stricto sensu au travail ou à tout ce qui
l’entoure, comme ses conditions et accessoires, qui peuvent avoir un effet direct sur le moral
des troupes.
Cela se manifeste pour plusieurs salariés, par le fait de ne pas avoir de ligne directe
(téléphonique) ou un bon ordinateur, alors que des structures plus légères en disposent plus
facilement.
Mais, nous avons également pu constater que cela peut aussi être en rapport avec une
limitation des libertés des uns et des autres, signifiée par le non respect d’un engagement qui
n’a pas été respecté par la banque, comme le report ou le fait de limiter le congé d’un salarié
sur simple décision du chef de département, alors que ce dernier bénéficie amplement de ses
congés.
C’est aussi comme nous l’indiquait un senior « le cas de la conscience professionnelle où l’on voit que
c’est les plus consciencieux et les plus intègres qui perdent dans ce genre de négociation, étant donné qu’il
faut aujourd’hui être en mesure de « tricher » pour finaliser ses propres objectifs, et cela n’est pas
uniquement propre à la banque car cela est valable dans toutes les entreprises du monde aujourd’hui ».
Ceci confirme bien que le climat et les valeurs internes au sein de la banque sont évolutifs et
jamais figés, même si l’on peut constater que l’informel demeure toutefois aussi important si
ce n’est plus important que jadis, car il doit y avoir une motivation réelle à transmettre les
connaissances.
433
Or, comme nous avons pu le voir, la motivation qui prenait appui sur les valeurs sociales et
l’éthique s’est diluée signifiant par là un changement ou une mutation vers de nouveaux
rapports socioprofessionnels « beaucoup plus égoïstes », selon certains salariés.
Il devient alors difficile de garder ses idéaux et préserver ses valeurs constitutives sans se
remettre en cause et changer ou à terme en tomber malade, signifiant par là une incapacité à
changer.
Toutefois, cela permet de faire le lien avec un retour vers des valeurs sociologiques des
époques lointaines, où comme le dit l’adage « à Rome il faut faire comme les romains ».
434
D’où, une tension grandissante et des représailles silencieuses, visibles surtout au niveau des
seniors dans leurs rapports avec la direction de la banque, qui prend la forme d’une rétention
d’information et de transmission intergénérationnelle des connaissances, mais aussi d’un repli
sur soi.
La qualité de ces rapports peut déteindre sur les rapports qui existent entre jeunes et seniors,
car ces derniers peuvent, du fait d’un repli sur soi, ne pas leurs transmettre la globalité des
connaissances qu’ils sont pourtant en mesure de produire en créant à leur tour de nouvelles
victimes d’un conflit qui les dépasse.
Comme nous pouvons le voir ce système vicieux s’entretient de lui-même en générant
d’autres victimes, en la personne des jeunes qui peuvent être à leur tour considérés en tant que
boucs émissaires par le biais d’une absence de transmission globale ou exhaustive des
connaissances.
C’est en quelque sorte comme une sorte de réciprocité, car comme nous l’indiquait à juste
titre et en confirmation, la responsable d’une des directions de la banque « l’actuelle direction
générale et les principaux décideurs sont en fait en train de prendre une revanche sociale sur une certaine
élite qui existait, il s’agit en fait d’un problème de classe ».
Aussi, à leur tour, comme il vient d’être indiqué plus haut, les seniors malchanceux prennent
leur revanche sur les jeunes et interviennent alors des éléments subjectifs comme
l’appartenance sociale et géographique, les affinités, le partage des valeurs et la
recommandation.
C’est un véritable système de réseau social qui se met en place qui fait dire à un senior du
département audit que « celui qui n’est parrainé par personne ou qui n’a personne pour le défendre ou
l’introduire et qui doit compter sur lui-même devra peiner pour parvenir à se former et acquérir des
connaissances tacites, jugées clés ».
Toutefois, nous pouvons voire, que cette non coopération n’est pas propre au secteur bancaire,
ni même à la banque publique tunisienne, étant donné que, comme l’indique Daniel Leroux
pour les agents d’EDF, « il existe des cas où les anciens rechignent à effectuer cette
transmission de savoir-faire, notamment pour des raisons de manque de reconnaissance
financière », car ils perçoivent mal le fait que les perspectives de carrière seront
financièrement meilleurs pour ces nouveaux jeunes qu’elles ne l’ont été pour eux aujourd’hui.
Au sein de la banque un senior du département crédit indiquait à ce propos, en parlant des
jeunes diplômés de l’IFID (troisième cycle en finance), que « ces cadres sont considérés comme
étant sur autoroute vu qu’ils ont déjà lors de leur intégration certains avantages financiers que n’ont pas les
435
autres cadres. Ils ont à leur intégration une année d’ancienneté et au niveau de l’avancement ils peuvent
déjà prétendre à figurer sur la liste des aptes ».
Ceci peut dénoter de l’existence de différentes carrières (ou voies) au sein de la même
banque, selon le bagage, mais aussi selon le fait d’appartenir à un réseau plutôt qu’à un autre,
ou au hasard (inhérent à l’affectation), il peut donc exister de grandes disparités.
Ainsi, deux diplômés de l’IFID n’auront pas la même carrière au sein de la banque et cela
dépend, aussi bien de données propres à la personne, comme le tempérament ou l’attitude au
travail, qu’à des données relative à l’appartenance à un réseau influent ou non, ou à une
affectation plutôt qu’une autre au sein de la banque, qui pourra faciliter ou entraver l’accès à
des connaissances ou savoirs faire propres aux anciens, beaucoup plus rapidement que
d’autres.
Les jeunes eux même réagissent par rapport à la réticence de certains à transmettre et
indiquent qu’ils ne voient pas cela d’un bon œil, car ils affirment que « si les seniors arrivent
ainsi à se rendre indispensables ils pourraient profiter du bagage théorique et actualisé des jeunes
fraîchement diplômés qui peuvent voir les choses d’une autre manière ce qui serait à même de permettre une
éventuelle remise à niveau théorique ».
Cependant, lorsque la transmission intergénérationnelle s’opère entre seniors et jeunes et
qu’elle réussi, alors tout le monde y gagne, car comme nous le précise un jeune « par l’échange
qui s’effectue nous apprenons beaucoup en un minimum de temps et par effet de retour nous permettons aux
seniors de redevenir des acteurs à part entière, d’oublier le quotidien de la routine, et cela indépendamment
de la situation financière ».
Par ces dires, les jeunes admettent reconnaître les connaissances des seniors et/ou savoirs faire
accumulés tout en leur proposant des points de vues différents.
Il y a donc une complémentarité et ceci est d’ailleurs bien vu par ces derniers, car ils peuvent
ainsi effectuer des mises à jour pertinentes, surtout que pour la plupart, ils ne sont pas mobiles
ou au fait des pratiques externes à leur environnement, reconnu comme étant fermé.
Comme l’indique Daniel Leroux, en citant Jean-Daniel Reynaud310 « ce type d’échange n’est
prévu nulle part, il n’existe pas un contrat de compagnonnage, des normes extérieures
imposées par le management, mais des règles que ses acteurs inventent de manière autonome
dans le cadre d’un échange sans cesse réactualisé : routines, ficelles et usages sont souvent
transmis par des mécanismes d’apprentissage liés à l’existence d’une « régulation
autonome ».
310
Reynaud Jean-Daniel, « Les règles du jeu ; l’action collective et la régulation sociale », Paris, A. Colin, 1989.
436
Tout cela indique bien que si l’échange fonctionne globalement bien, il ne va pas de soi.
Il repose sur plusieurs conditions, parmi lesquelles la réciprocité sans laquelle, souligne
Daniel Leroux, le « don d’un savoir-faire » ne saurait exister.
Ceci est d’application au niveau de la banque, car il n’existe pas, surtout pour la formation sur
le tas au niveau des structures centrales, de module spécifique à suivre.
La formation et la transmission de connaissances allouée aux jeunes est « facultative », car ce
qui prime c’est le travail inscrit au quotidien et que doivent effectuer les salariés.
Ces derniers sont responsabilisés et devront rendre des comptes sur le contenu et la réalisation
de leurs tâches quotidiennes, la formation et la transmission aux jeunes des connaissances
n’intervenant qu’en second lieu.
De plus, il n’existe pas au niveau de cette mission de transmission un contrôle par rapport à ce
qui a été transmis ni même au comment de cette transmission.
Il n’existe pas encore d’inspection en interne au niveau de cette tâche qui du reste n’est pas
inscrite sur le même plan que les autres activités que devront réaliser les salariés, d’autant
plus que le volume de travail a effectuer est souvent assez lourd et ne permet pas de s’engager
à plein temps avec les jeunes, mais seulement accessoirement, quand le principal de leur
travail quotidien est réalisé.
Par ailleurs, un article paru sur le site « Webmanagercenter » indique que la formation
professionnelle demeure à ce jour sans un programme d’inspection.
Autrement dit, les formateurs ne sont pas inspectés et peuvent avoir toute latitude à
transmettre ce que bon leur semblent et comme ils l’entendent, d’où des possibilités d’écarts
potentiels à ne pas négliger.
Au sein de la banque, seul le jeune sera responsabilisé sur le contenu de la transmission qui
lui a été donnée et devra en rendre compte, essentiellement lors de son test de titularisation.
Il aura alors pour obligation de répondre aux questions qui lui seront posées par la
commission et de les convaincre d’une bonne maîtrise des connaissances explicites et tacites.
Il devra faire face tout seul, même aux omissions qui relèvent pourtant de ses tuteurs.
437
C’est une pratique courante qui est utilisée au sein de la banque par les différents responsables
et va dans le sens d’une stratégie volontaire d’exploitation par l’« écrasement
psychologique » ou encore « le tassement psychologique ».
Autrement dit, c’est comme une sorte de « harcèlement moral », à travers une utilisation
continue et abusive de démonstration de pouvoirs qui passe par l’injonction de mesures
disciplinaires, qui ont pour mission d’instaurer la peur et de provoquer l’isolement et les
divisions internes.
En effet, il n’est pas rare de voir le premier responsable de la « BMTP » à l’entrée du siège le
matin pour interpeller les retardataires et les sanctionner.
Ainsi, cela déstabilise la personne visée (en effet, le salarié se sent souvent humilié et
injustement sanctionné, car il tente malgré la grande circulation du centre ville d’une capitale
d’un pays en voie de développement d’arriver à l’heure prescrite), qui se remet en cause,
permettant ainsi d’être facilement exploitable et employable, de sorte que les responsables
hiérarchiques puissent même facilement dépasser les prérogatives strictes du métier en
abusant de leur pouvoir.
Certes, cela ne va pas dans n’importe quel sens, mais permet aux décideurs d’effectuer des
écarts, et de devenir alors omnipuissants, étant donné qu’ils se rendent compte qu’il n’y a
aucun contre pouvoir assez fort qui puisse mobiliser le personnel.
Ils peuvent ainsi facilement revenir sur des acquis sociaux qui ont été pourtant renforcé par
voie de circulaire interne, et mettent en place des notes de service qui contredisent ces acquis.
C’est donc la porte ouverte à des abus de pouvoir contre lesquels on ne peut que très rarement
intenter un recours, car le rapport de force est déséquilibré et très largement en faveur des
décideurs.
Toute possibilité de montrer son mécontentement est étouffée du fait de la peur et de
l’isolement du personnel qui se trouve désolidarisé et qui veut garder son principal acquis,
l’emploi qui lui confère un salaire lui permettant de vivre.
Nous sommes donc loin des idéaux comme la reconnaissance et le mérite au travail, d’ailleurs
un senior, cadre de direction au département juridique nous a récemment affirmé que « c’est
culturel, car comme l’on dit il y a aussi l’idée de devoir ou obligation, et l’on dit généralement pas besoin de
merci pour un devoir accompli, mais cela véhicule aussi une autre idée qui est celle de faiblesse.
En effet, seul les faibles s’excusent ou sont gentils, autrement dit, au sein de la banque la gentillesse est
perçue comme un signe de faiblesse ».
D’après ces dires nous comprenons davantage et d’un point de vue social que ce qui est
gratuit est sans valeur.
438
Ce sont donc de nouvelles valeurs qui prennent le pas sur les anciennes, ce sera par exemple
comme il est généralement dit dans le dicton « il n’y a pas plus simple que bonjour », mais
comme nous l’affirme un senior « si dans le fait de dire bonjour l’on examine à qui le dire et comment
le dire sous quel ordre, autrement dit c’est à qui de le dire en premier, et à qui de répondre, et comment
répondre, alors le fait de dire bonjour devient une entreprise difficile qui n’est pas d’accès facile pour tout le
monde ».
Ce que nous voulons mettre en exergue c’est que même un simple fait peut, quand il devient
calculé et objet au service d’un pouvoir quelconque, se traduire en outil d’expression de ce
pouvoir.
Ainsi, pour un simple salarié le fait de dire bonjour à son supérieur hiérarchique peut être
perçu par le premier comme l’obligation d’une reconnaissance de l’autorité, alors que pour le
second comme une absence de personnalité et un signe de faiblesse.
Pour corroborer ce phénomène, un jeune, cadre de direction du département des relations
publiques, qui a reçu une réclamation d’un ancien directeur de la banque quant à un
versement qui n’a pas été porté sur son extrait de compte s’est empressé de vérifier avec les
services concerné le pourquoi de cette situation.
Il lui a alors été mentionné que cela pouvait se faire, mais que le montant était bien
comptabilisé et que la banque pouvait lui fournir un relevé de compte où cette opération serait
bien mise en valeur.
Il a ainsi effectué un projet de réponse qu’il a soumis à son supérieur hiérarchique qui lui a
clairement indiqué qu’il ne fallait pas s’excuser ni même mettre les détails de l’opération.
Le jeune a alors précisé à son supérieur qu’il serait pertinent de segmenter la communication,
car ils avaient affaire à un ancien directeur et qu’en cette qualité il méritait d’avoir un peu plus
d’informations, d’autant plus que ce dernier était un ami du PDG.
Toute cette argumentation de la part du jeune n’a eu pour autre effet que d’énerver le
supérieur hiérarchique qui a indiqué à son subalterne « je n’ai pas à faire la lettre avec toi, mais en
tout cas ce n’est pas comme ça qu’elle doit être libellée, il faut le minimum et en tout état de cause on ne lui
doit aucun détail, ni excuse ».
Le jeune lui alors affirmé « mais on doit quand même collaborer ensemble, et discuter des dossiers »,
tandis que le supérieur se barricadait derrière son pouvoir en lui rétorquant « moi je ne fais que
signer et je ne suis pas disposer à discuter avec les uns et les autres ».
Ceci montre bien qu’il y a une volonté flagrante de mettre une distance entre les subalternes et
les supérieurs hiérarchiques, alors que la tendance dans les entreprises développées est celle
439
de démocratiser les rapports hiérarchiques pour faciliter la fluidité et la transmission des
connaissances et permettre d’améliorer les rendements en favorisant la pérennité de
l’entreprise, à travers la conservation et la possible codification des connaissances tacites,
considérées comme clés.
Cela n’est vraisemblablement pas le cas au sein de la « BMTP », car comme nous l’avons
énoncé plus haut, il existe une distance entre les salariés de la banque, de multiples divisions
et cloisonnement internes, avec un excès de pouvoirs conforté par l’existence d’une structure
hiérarchique et organisationnelle pyramidale qui freine la transmission intergénérationnelle
des connaissances
Les pratiques managériales et sociales recensées au sein de la « BMTP » sont considérées par
les salariés comme archaïques et rappellent des époques lointaines.
Cela peut être combiné entre féodalité, idéologie soviétique communiste et héritage culturel,
social et familial.
Nous pouvons ainsi y retrouver un problème de classe sociale, et de confrontation ou
d’exclusion, selon une logique duale (à la soviétique).
Il existe au sein de la « BMTP » comme nous l’avons énoncé plus haut, un rapport
hiérarchique fort qui perdure de génération en génération et qui rappelle les pratiques de
l’époque féodale, malgré de très rares exceptions.
Ce qui est encore assez caractéristique de la banque publique tunisienne est inhérent à une
pratique assez vulgarisée et admise en rapport avec la structure pyramidale.
En effet, les supérieurs hiérarchiques veulent profiter de ce rapport hiérarchique fort, du culte
de la personnalité que pourrait leur témoigner le personnel subalterne, et du pouvoir qu’ils en
retirent.
Le personnel peut, pour gravir les échelons et obtenir certaines faveurs être enclin à pratiquer
la délation et jouer à l’informateur particulier, mais aussi à pratiquer l’excès de zèle ou
comme il est communément dit de « porter le couffin à son patron ».
Ce dernier parraine ainsi des salariés qui jouent le jeu et nous pouvons ainsi remarquer que
des « chaouchs », c'est-à-dire des coursiers qui figurent dans la catégorie « personnel de
service », considérés comme « hommes à tout faire » sont mieux appréciés par le responsable
d’une structure que ses propres cadres, diplômés et expérimentés.
Cela provient du fait que les « chaouchs » en question vont pouvoir participer à la satisfaction
d’intérêts privés inhérents au responsable hiérarchique, alors que les cadres qui cherchent à
440
satisfaire l’intérêt de la banque seront étiquetés comme une menace potentielle pour son poste
et il va donc s’en méfier.
Il est d’ailleurs dans ce climat de suspicion et de méfiance très rare qu’un responsable dise du
bien de ses collaborateurs.
Ainsi, dans de multiples directions et agences, nous avons droit à un message similaire qui a
été confirmé par plusieurs responsables de directions, où chacun à son niveau va discréditer
ses subalternes.
Un cadre de la direction des crédits nous a indiqué que le responsable affirmait à la direction
générale lors d’une commission d’avancement que « ce sont tous des incapables, et je suis obligé de
tout faire », d’où une mauvaise foi flagrante qui favorise l’ascension des subalternes non
diplômés par nivellement, au détriment des haut cadres (diplômés) qui n’appartiennent pas au
« cercle des protégés ou des privilégiés» de ce dernier.
Ainsi, il n’est pas rare qu’un coursier ou une secrétaire parvienne à avoir, à un moment donné
de sa carrière, le même statut en termes de grades que celui d’un cadre diplômé des grandes
écoles de gestion, ce qui est à même de constituer des écarts flagrants.
Tous ces éléments mis en place d’une manière conjointe ou différée peuvent donner une idée
de la complexité de ce système qui peut désemparer, et contribuer à isoler davantage le
personnel qui n’adhère pas à ces valeurs archaïques qui nous rappellent « l’époque féodale »,
car il intervient comme « un tourbillon » qui entraîne vers lui ceux qui se laisse emporter.
Il faut donc des convictions et une personnalité forte pour demeurer intègre et garder ses
propres valeurs, car cela devient à l’image de l’ancien système soviétique, d’une logique
binaire.
Pour corroborer ces dires, un jeune ayant le grade de chef de section, personnel de service, qui
travaille au sein du siège dans les services de maintenance et qui est en rapport avec les
anciens de son service, nous a affirmé que dans la banque c’est le système « tu es avec nous ou
contre nous ».
Ainsi, et comme l’indique Daniel Leroux pour les seniors et surtout davantage pour ceux qui
n’adhèrent pas à ce système « il existe un besoin fort de reconnaissance sociale et de
légitimation symbolique de leur fonction de tuteur pour les jeunes à la fois par la structure et
par le collectif de travail car cela peut venir compenser l’image dévalorisante de leur situation
d’ « ancien » ».
441
Il précise même cela, d’autant plus que « la fonction de tutorat leur permet un accès à une
reconnaissance symbolique, lorsque l’entreprise ne leur offre plus accès à la reconnaissance
institutionnelle ».
Pour le contexte tunisien, la législation du travail avec la politique des départs anticipés
(préretraite) mise en place au sein de la banque et l’arrivée de toute une génération au stade
d’une retraite bien méritée fait peser sur les salariés âgés qui ne sont dans aucun des deux
schémas une suspicion d’inutilité ou comme le précise Daniel Leroux « fait porter sur les
salariés âgés un soupçon qui les renvoie à un vieillissement prématuré et à une image négative
difficile à vivre au quotidien ».
Il indique même en faisant référence à Anna-Marie Guillemard311 que « les effets pervers
d’une telle politique aboutissent à « mettre en péril les systèmes de transferts sociaux entre
générations ».
Cette dernière précise même « qu’abaisser l’âge effectif de la retraite revient à élever l’âge
social de toute une génération vieillie avant l’âge ».
Cependant, et contrairement à ce qu’avance Daniel Leroux pour EDF, lorsqu’il affirme au
sens de Norbert Alter312 qu’ « une coopération altruiste est gratifiante », cela reste difficile à
entrevoir au sein de la banque, car il existe malgré tout et comme le précise bien l’auteur «
une relation de concurrence avec des individus plus jeunes ayant un avenir qui ne leur
appartient plus, mieux payés comparativement, ayant davantage de perspectives d’évolution
hiérarchique rapide en raison de leur formation initiale supérieure ».
Ainsi, il existe une grande complexité dans ces relations et ces systèmes d’échange
symboliques et sociaux comme nous avons pu le démontrer ci dessus.
Une régulation professionnelle qui chercherait à mettre en place de nouvelles valeurs et une
nouvelle culture sont difficiles à envisager, car le personnel s’est adapté à ce système.
Seuls demeurent quelques laissés pour compte, qui sont convaincus de la supériorité de leurs
valeurs de mérite et en fait plus largement de l’existence à terme, d’une justice sociale, même
si beaucoup n’y croient plus, tellement les déceptions ont été nombreuses pour eux.
Tout ceci a pour effet de biaiser la coopération intergénérationnelle et tout au moins de rendre
difficile une saine transmission intergénérationnelle des connaissances.
L’aléatoire peut être de mise dans ce phénomène de transmission, car tout dépend du rôle que
jouera le senior, à savoir au meilleur des cas un rôle de tuteur, de superviseur très
311
Guillemard Anne-Marie, « L’âge de l’emploi : les sociétés à l’épreuve du vieillissement », Paris, A. Colin,
2003, p.10.
312
Alter Norbert, (2000), op .cité, p.220.
442
professionnel en charge de transmettre les connaissances explicites et tacites aux jeunes
collaborateurs.
Au pire, ou au contraire, il s’agira de jouer le rôle d’un simple collègue qui respecte la règle
prescrite et qui n’assume en conséquence aucune prérogative précise, étant donné que cette
tâche n’est ni codifiée, ni appréciée à sa juste valeur par les supérieurs hiérarchiques.
Ainsi, tout dépend de la qualité de la personne, donc d’éléments subjectifs et propres au
senior que le jeune aura en face et qui, selon les cas, lui permettent d’être ou non plus
coopératif et de prendre plus facilement en charge ce rôle.
C’est par exemple un vécu éducationnel, un héritage culturel familial, la fréquentation d’un
établissement de formation de renommée, une attitude de partage et un type de comportement
extraverti et sociable, bref autant d’éléments qui conjugués ensemble permettent une bonne
transmission intergénérationnelle des connaissances au sein de la banque.
Ce sera selon Daniel Leroux « l’ensemble des interactions, que le système social soit
gouverné par des règles extérieures ou endogènes » l’essentiel étant pour lui que cela permette
« des échanges fructueux pour chaque tranche d’âge ».
Mais, l’auteur ne cache pas que cela n’est pas aussi facile car « les échanges qui s’organisent
peuvent concerner aussi de la lassitude et du désarroi face à l’évolution de l’identité
professionnelle du salarié dans un contexte en pleine évolution ».
443
Ceci a même contraint les décideurs a revenir à l’organisation classique pyramidale avec une
direction générale composée d’un PDG, un DGA, et un secrétaire général souvent de sexe
féminin (pour des raisons de parité) qui s’occupe en général des questions de personnel et de
toute la logistique inhérente aux structures de soutien comme la formation, le recrutement,
l’organisation, pour ne citer que ceux là, dans l’esprit de respecter une certaine représentation
féminine au niveau de l’instance de décision.
En effet, outre les problèmes de charge financière, rendus évidents par le versement des
émoluments aux quatre membres du directoire, président y compris, le problème était celui de
la transposition d’un modèle français et européen qui ne pouvait pas être adapté à un
environnement maghrébin, au sein d’une banque publique tunisienne qui ne dispose pas des
mêmes préalables, même si l’initiative était courageuse.
De plus, outre les évolutions auxquelles la banque doit faire face, d’autres types de contraintes
contextuelles pèsent sur sa politique de gestion des âges.
Elle est confrontée à un renforcement de la complexité, une perturbation de la stabilité
environnementale et une forte augmentation de pressions externes contradictoires inhérentes à
deux éléments importants.
D’un côté la pression médiatique et celle de l’autorité de tutelle, portant sur la qualité du
niveau de risque dans les banques, de l’autre les injonctions managériales de réduction des
coûts de main-d’œuvre et de respect de la législation du travail qui viennent compliquer
davantage la gestion du personnel.
La difficulté d’insertion des jeunes intervient à son tour comme étant dépendante de
l’évolution générale du métier de banquier.
Cette dernière obéit de plus en plus à la montée en puissance du prescrit organisationnel avec
un renforcement bureaucratique en complet désaccord avec les impératifs d’urgence et de
célérité requis dans le monde des affaires, où la banque occupe souvent les premiers plans en
tant que partenaire et organe de financement.
Le poids des variables contextuelles et exogènes joue un rôle important sur la structure de
l’organisation interne et endogène de la banque en renforçant une culture du contrôle qui peut
s’opposer au développement d’une culture du partage et compromettre la transmission
intergénérationnelle et informelle des connaissances au sein de la « BMTP ».
En fait, l’environnement fait peser sur la banque, comme sur l’ensemble du système bancaire,
des exigences nationales et internationales.
444
Le foisonnement de la production de règles, dont certaines s’avèrent inapplicables ou
incompatibles entre elles, dans la mesure où l’appareil bureaucratique qui les émet est lui-
même complexe et non univoque, vient perturber le travail au quotidien.
Comme l’indique un chef de division du département audit « on reçoit des circulaires de la BCT qui
nous laissent une marge de manœuvre inexistante. On ne peut pas suivre au quotidien, et pourtant on doit
tout de même contrôler sur cette base le travail des collègues ».
La banque se trouve donc en phase avec les règlements et textes officiels des autorités
nationales mais également internationales tout en veillant à satisfaire aux exigences des
bailleurs de fonds locaux et étrangers.
Ainsi, l’organisation du travail au sein de la banque doit obéir à un processus de
rationalisation qui se doit d’être évolutif et non figé.
Or, ce que l’on peut constater c’est que cette rationalisation organisationnelle est assez
archaïque, étant donné qu’elle se caractérise par les traits classiques d’une
bureaucratie administrative qui fait dire à certains que la banque c’est aujourd’hui comme la
municipalité.
Même la coopération doit se faire sur la base de règles explicites, avec hiérarchisation des
fonctions, division de l’activité en domaines spécifiques de compétence, et exigence de
traçabilité, étant donné que les opérations comptables peuvent faire l’objet de certification et
que la mise en place d’une stratégie qualité au sein de la banque devient d’actualité.
Cependant, l’ensemble de ce dispositif de gestion est considéré par les salariés de la banque,
jeunes et seniors comme négatif, étant donné que l’esprit maison n’y ait plus palpable et qu’il
génère une absence de confiance, considérée comme un des éléments endogènes.
Il existe de plus en plus le développement d’intérêts personnels, alors même que les
responsables mettent en avant « l’intérêt de la banque » et mettent en place de plus en plus de
contrôles.
Ce phénomène d’accroissement des contrôles est légitimé par la volonté de protéger la banque
et ses salariés contre le fait de l’augmentation des risques de fraude mais peut être vu
également comme représentant un progrès de rigueur dans le contexte d’une banque publique.
Toutefois, comme tout système il comporte également des inconvénients, dans la mesure où
l’excès de contrôle induit chez les uns et les autres entraîne une désimplication et une absence
de motivation flagrante par peur du risque de faire des erreurs, étant donné la masse des
opérations à passer quotidiennement et les multiples intervenants pour la réalisation des
diverses opérations.
445
Un senior, personnel de direction à la succursale du siège nous indique que « lors de notre
intégration on nous disait vous êtes le sang neuf de la banque à ce titre nous comptons sur vous pour faire
bouger la banque et améliorer sa rentabilité, mais on se rend vite compte que rien ne peut changer et que
ceux qui ont eu le plus travaillé en faisant montre d’initiatives personnelles ont récolté en fait le plus de
problèmes. En revanche ceux qui ont appliqué les instructions à la lettre sans se poser de questions ont gravi
les échelons et ont aujourd’hui une situation financière plus confortable ».
Ceci est assez contradictoire dans la mesure où il y a clairement un problème entre ce qui est
dit à ces jeunes recrues et ce qui se fait réellement sur le terrain au niveau des structures
centrales (directions) et du réseau (agences).
Il n’existe pas de déclinaison entre le discours annoncé et la pratique.
Ce qui prévaut c’est plutôt le fait que ces jeunes entrent dans le moule et qu’ils comprennent
qu’il existe des tâches prescrites, des attributions et prérogatives qu’il faut respecter.
La hiérarchie c’est comme nous indiquait un jeune, personnel de direction à la direction
formation, « comme le flic de la circulation, il peut dépasser l’organisation automatique des feux et faire
passer une file plutôt qu’une autre sous couvert de priorité ».
Autre élément que nous pouvons juger important, c’est le fait que derrière cette organisation
hiérarchique le personnel peut s’en remettre aux responsables, comme le chef de division pour
ce qui est du premier palier, en structure centrale, ou le second de l’agence concernant le
réseau.
C'est-à-dire que ces responsables, qui vont uniquement superviser le travail des équipes, vont
s’en approprier le mérite sous couvert qu’ils signent donc qu’ils cautionnent le travail en
question, sans que les salariés ne puissent ni s’y opposer, ni revendiquer un quelconque
avantage en fin d’année, comme une promotion.
Bien au contraire, ces responsables pourront même gravir plus facilement les échelons et
obtenir des postes plus importants alors que les salariés ayant effectué le travail se sentiront
comme « les laissés pour compte » qui ont été exploités et qui leur ont permis de progresser.
446
de la pyramide avec obligation de subordination envers plusieurs strates de responsables est
jugée excessive par plusieurs seniors et demeure très ressentie par le personnel.
Elle tend même à faire rejaillir la notion de figurant (ou exécutant) dont les salariés se sentent
concernés et celle d’acteur (ou de concepteur) qu’ils adonnent aux responsables hiérarchiques.
La banque qui a évolué depuis 1959 sous l’effet de la construction et de la mise en place du
système bancaire nécessaire à financer l’économie nationale a fait en sorte de renforcer les
liens entre tous les membres en les mobilisant pour la réussite de cet objectif.
Ainsi, une tradition de solidarité s’était créée au sein de la banque, et le travail y était valorisé
aussi bien d’un point de vue patriotique, étant donné que l’on contribuait au développement
de l’économie nationale, l’emploi et la création d’entreprises, mais aussi d’un point de vue
socioprofessionnel, car l’emploi au sein de la banque était prisé, gage de sécurité et
d’avantages probants, il allait concerner les futurs notables du pays.
Aujourd’hui, ce type de rapport et cette vision de l’emploi au sein de la banque est remise en
cause, sous l’effet de plusieurs éléments, comme le nombre de travailleurs au sein des
banques et l’élévation du niveau de qualification des nouveaux diplômés en rapport avec le
développement des universités et lieu de formation bancaire.
Mais, un autre élément apparait également, il s’agit de la concurrence flagrante et accrue entre
les divers établissements qui est due aux nouvelles exigences de la clientèle et aux possibilités
offertes par la nouvelle législation, comme celle ayant trait à l’agrément de banque universelle
offert aux banques de développement.
C’est également le fait que la banque devient de plus en plus une industrie du service où les
salariés et cadres sont fondus dans le lot, où la gestion interne devient beaucoup plus statutaire
et de moins en moins personnalisée.
Les salariés sont des matricules et tout avantage accordé à une personne peut être élargi à des
centaines de personnes, donc cela freine tout initiative positive qui pourrait se traduire par des
coûts supplémentaires à gérer par la banque, alors que cette dernière cherche à satisfaire des
actionnaires beaucoup plus intransigeants et à augmenter ses bénéfices.
A l’image de ce qui se passe au niveau d’EDF, Daniel Leroux indique en citant I. Francfort,
Florence Osty, Renaud Sainsaulieu, et Marc Uhalde313 qu’ « on observe que la relation
fusionnelle au travail qu’entretenaient de nombreux salariés s’efface, comme en témoignent
les départs en retraite anticipés ou des phénomènes de « désimplication » du travail,
313
Francfort I, Osty F, Sainsaulieu R., Uhalde M, « Les mondes sociaux de l’entreprise », Paris, Desclée de
Brouwer, 1995, p.236.
447
symptomatique de l’éclatement de la communauté », même si la solidarité demeure aux yeux
des jeunes, une des valeurs fortes, mobilisatrice du collectif de travail.
Ceci se passe également au niveau de la banque dans la mesure où la pratique des plans de
retraite anticipée et la vague des départs à la retraite arrivent à échéance aujourd’hui, avec un
éclatement des communautés qui ont été créée à la constitution et la perte de l’esprit de
groupe et d’implication inhérent au fait de l’accroissement des intérêts individuels par rapport
à l’intérêt de la banque.
De plus, les diverses réorganisations de l’activité bancaire et la rationalisation opérée qui va
dans le sens d’une bureaucratie administrative a contribué à déprécier et dévaloriser le travail
au sein de la banque.
Un autre phénomène est celui de la raréfaction des occasions qu’ont désormais les salariés de
la banque pour pratiquer leur travail dans les règles de l’art et ce, pour diverses raisons,
comme la perception par les salariés d’un appauvrissement de l’éventail et/ou l’étendue de
leur métier.
En effet, chaque salarié de la banque se rend compte au fur et à mesure d’une modification
des tâches qui va dans le sens d’un appauvrissement qualitatif avec une complexité
administrative et financière accrue, ce qui contribue comme l’indique Daniel Leroux à une
« perte d’initiative et d’identité ».
Le personnel de la « BMTP » se considère de plus en plus, du fait des normes bancaires et de
l’évolution législative opérée pour ce secteur d’activité, comme un simple exécutant.
Il existe ainsi une perte d’attrait pour ce type d’emploi dans la branche publique pour les
jeunes qui ont le choix entre établissement public et privé.
Cette perte d’attrait est inhérente à un salaire et une formation interne sans commune mesure
avec celle des établissements privés, mais également à l’excès de contrôle et l’obligation de
respecter les multiples exigences nationales et internationales de l’activité bancaire.
Les opérations bancaires devenant très cadrées et de plus en plus mécanisées avec un mode
opératoire très strict, ne laissent plus de place au professionnalisme des salariés, d’autant plus
que l’avis des uns et des autres ne compte plus autant qu’auparavant, durant les premières
années d’après indépendance et de construction.
Ceci ressort davantage aujourd’hui du fait de l’organisation hiérarchique existante et l’effet
imposant de la subordination qui est souvent utilisée à l’encontre des salariés (subalternes) qui
ne disposent pas de fonction ou d’une responsabilité, mais qui réalisent le travail et le portent
à l’appréciation de leurs supérieurs hiérarchiques.
448
Un senior, cadre de direction dans un département du crédit, interrogé nous a affirmé à ce
propos « on ne peut pas être plus royaliste que le roi, si le boss ne veut pas financer un client parce que sa
tête ne lui revient pas ou parce qu’il n’a pas su convaincre alors même que le projet en question est bon, il
serait dangereux de le contredire. Autrement dit, je risque de me faire un ennemi et mon boss va mal me
noter donc j’ai tout à y perdre, car réellement il n’y a pas d’objectivité en la matière, mais beaucoup plus de
subjectivité à prendre en ligne de compte car cela devient un problème de personnalité et non d’étude
objective de dossier. Ce sera donc ma parole contre celle de mon boss et on pourra me mettre une étiquette
comme quoi je ne sais pas travailler, étant donné qu’ils sont solidaires entre eux dans le sens du respect de la
hiérarchie pas uniquement au niveau disciplinaire mais aussi au niveau du traitement des dossiers. C’est
peut être cela qui est le plus lourd car notre avis on doit se le garder et aller dans le sens de ce que veut la
hiérarchie, même si cela peut quand même se retourner contre nous si le client est recommandé alors on nous
retiendra pour responsable au titre à ce moment là que nous sommes des cadres ».
Il y a donc une remise en cause perpétuelle des personnes, qui n’est pas toujours avantageuse
pour la banque et pour ses responsables qui, in fine en jouant la carte de la voie hiérarchique,
à travers les divisions internes et la stratégie de la peur, y perdent tout autant que leurs
salariés.
Ce que nous pouvons constater dans les propos du senior interrogé ci dessus, c’est le retour
vers la conception taylorienne de la division du travail entre conception et exécution.
Le personnel de la banque est considéré et se considère amèrement en tant que simple
exécutant, outil de travail, qui se fait exploiter par la hiérarchie.
Cette dernière se considérant comme détentrice de la vérité révélée est donc « propriétaire
exclusif » de la conception.
L’arbitraire est donc de mise dans les rapports entre le personnel et la hiérarchie,
indépendamment du fait des considérations sociodémographiques et des rapports qui peuvent
exister entre seniors et jeunes, largement entachés de cette organisation hiérarchique et de ces
phénomènes de subordination.
Ces derniers ont pour effet d’écraser le psychologique des uns et des autres pour faire
triompher l’ordre et la discipline au profit d’une rentabilité accrue qui bénéficie beaucoup plus
au management et aux responsables hiérarchiques nommés qu’aux salariés sur qui repose la
responsabilité du travail à exécuter.
Le personnel actif qui a en charge l’étude des dossiers devient un simple figurant et perd son
rôle d’acteur, il lui est commandé un travail qu’il devra faire sans surprise, étant donné qu’il
doit s’en tenir aux prérogatives confiées et à ses attributions fixées également par la
hiérarchie.
449
4.8 Un retour au cloisonnement et la création de baronnies
Il existe au sein de la « BMTP » un retour au cloisonnement et la création de baronnies qui
participe à faire émerger des sentiments négatifs, aussi bien chez les seniors et/ou anciens que
les jeunes, compromettant davantage la transmission intergénérationnelle des connaissances.
La « BMTP », dans son activité de banque de dépôt (banque commerciale), se trouve
aujourd’hui doublement concurrencée, tout d’abord par l’entrée de nouveaux concurrents
comme la poste, mais aussi et deuxièmement du fait de l’abolition du phénomène de
spécialité exclusive avec l’arrivée de la loi sur l’universalité de 2001 qui permet à d’autres
banques de la place qui étaient spécialisées (banques d’affaires, banques de développement,
etc) de pratiquer également son métier.
Ainsi, ce mouvement de libéralisation et d’ouverture du secteur qui permet aux banques et
aux institutions de se concurrencer les unes par rapport aux autres, selon les conseils des
bailleurs de fonds et les autorités de tutelle, joue en faveur des clients externes.
Ce mouvement a été précédé de multiples exigences, comme celle de restructuration (1987),
de modernisation et de mise à niveau (fin des années 90) avec un cadre d’innovations
juridiques et législatives (2001).
En effet, l’ancienne configuration classique qui existait entre banques de dépôts, banques
commerciales, et banques de développement, n’existe plus et toutes les banques peuvent
effectuer toutes les opérations bancaires et démarcher tout type de public.
Ceci est à même de créer une plus grande concurrence entre les différents établissements et de
faire peser un stress plus important sur le personnel bancaire avec des conditions de travail
rendues plus difficiles.
Ces conditions de plus en plus difficiles touchent aussi bien le personnel jeune que les seniors,
mais pas de la même manière.
Nous pouvons même constater au niveau du personnel de la banque et à l’image de ce
qu’annonce Daniel Leroux par rapport au personnel d’EDF que « l’évolution de l’identité-
métier des salariés de la banque touche différemment les tranches d’âge, mais le problème de
la fidélisation des jeunes se révèle inséparable de celui de la fidélisation des agents plus
âgés ».
Comme cela peut être perceptible au niveau du personnel de la banque, l’auteur indique en
citant Caradec314, qu’ « il a en effet pu être identifié chez certains anciens des phénomènes de
314
Caradec, « Sociologie de la vieillesse et du vieillissement », Paris, Nathan Université, 2001.
450
démotivation, de « déprise » », voire même au sens de Cécile Dejours315 de « souffrance au
travail », parallèle au phénomène de perte d’identité et d’affaiblissement du collectif de
travail.
La lourdeur du système de gestion mis en place aboutit à rendre l’action difficile parce que
longue et démotivante, mais aussi risquée ».
Le risque consistant selon lui dans le fait de « la contamination mais aussi celui de
l’irradiation » qui peut également être ramenée au cas de la banque.
315
Dejours C, « Souffrance en France », Paris, Seuil, 2000.
316
Girard R, « La violence du sacré », Paris, Pluriel, 1972.
451
C’est par exemple le cas pour une fraude récente émise par transfert que nous avons énoncé
plus haut et qui a porté sur un important montant en devises, où le chef de département et
deux de ses cadres ont été écartés de leur poste pour cause de défaillance de leur
responsabilité de contrôle.
Ainsi, l’existence de plusieurs niveaux intermédiaires au sein de l’organisation qui ne permet
pas d’assurer suffisamment un rôle de régulation et de protection de l’individu contribue à une
désimplication et un désengagement des jeunes et une grande lassitude chez les seniors, d’où
une grande fatigue psychologique.
En effet, concernant l’épuisement physique et mental, les seniors et anciens, sur sollicités au
niveau des différentes tâches, et souvent sans fonction ou responsabilité, ne sont pas reconnus
pour les efforts rendus.
En fait, c’est comme si la banque et ses décideurs voulaient les maintenir sans responsabilité
craignant que ces derniers diminueraient leur rendement au cas où ils disposeraient d’un
avantage comme la fonction.
Cependant, cela a aussi pour effet néfaste de décourager non pas uniquement les seniors, mais
aussi les jeunes, car ces derniers ont du mal à se projeter dans le cadre d’une carrière réussie
au sein de la banque.
Ils peuvent également avoir du mal à s’insérer dans un collectif de travail où existe un clivage
entre anciens et jeunes, renforcé par la coexistence de deux modèles de valorisation de
l’emploi et certains discours managériaux véhiculant implicitement une méfiance vis-à-vis
des plus âgés.
Le directeur central de la gestion des ressources humaines et des services administratifs nous
a même indiqué qu’« on ne peut quand même pas dire aux plus jeunes prenez ce que les anciens ont de
bon mais laissez tomber le reste", mais il faut qu’ils parviennent à le comprendre ».
C’est donc une sorte d’orientation du personnel salarié jeune qui peut revêtir des mesures
disciplinaires implicites au cas où les jeunes en question s’éloigneraient de l’idéal tracé par la
hiérarchie.
Daniel Leroux avance les mêmes éléments que nous avons énoncés et affirme que « les jeunes
perçoivent cette évaluation ambiguë des anciens, de même qu’ils constatent le traitement
auxquels ils sont soumis. Plusieurs soulignent l’injustice faite à ces hommes pourtant dans la
pleine force de l’âge : on les considère comme une denrée rare capitalisant un savoir-faire
crucial en ces périodes de mutation et, paradoxalement, ils souffrent d’un manque de
452
reconnaissance et se voient attribuer une étiquette dévalorisante et sont acculés à un
vieillissement prématuré ».
Nous pouvons remarquer dans un milieu clos comme celui de la « BMTP », qu’il y a ces
dernières années un changement de culture interne.
En effet, les liens qui existaient lors de la constitution de la banque, et qui étaient considérés
presque comme « familiaux » entre les différentes catégories de personnel, sont remplacés
aujourd’hui par des rapports beaucoup plus froids, car presque uniquement professionnels,
voire certaines fois, impersonnels.
Il existe même l’apparition d’une culture de la suspicion qui prend racine dans les divisions
internes marquées par l’individualisation des performances et produisant des phénomènes
nouveaux de délation (par rapport à des écarts de discipline ou un respect de normes internes
établies par les responsables), d’effet de démonstration et d’excès de zèle.
Certains salariés qui recourent à ses outils (délation, effet de démonstration et excès de zèle)
deviennent selon des jeunes salariés rencontrés « de véritables champions qui vont user de plusieurs
moyens pour gagner la confiance de leurs supérieurs hiérarchiques », et tirer profit de la surexploitation
des bons éléments réservés qui ne s’intègrent pas dans ce système.
Pis encore, nous pouvons assister comme l’indique Daniel Leroux pour le cas d’EDF « à des
phénomènes de contagion de la déprise ».
Ces phénomènes ne sont pas exclusifs, ils peuvent facilement être élargis à la banque, et
peuvent à ce titre être préjudiciable à la transmission intergénérationnelle des connaissances
et/ou savoir-faire qui s’y opère.
Il y a un changement de culture interne qui s’est opéré, avec un nouveau type de climat social,
beaucoup plus tendu, et une généralisation de la suspicion qui se base sur un phénomène de la
délation et de la démonstration ou de l’excès de zèle.
A cet effet, un senior, cadre de direction au sein du département Marché Financier, nous a
même indiqué qu’une collègue, cadre de direction, affectée à la direction des crédits et qui
s’était investi au niveau de son travail, s’est vue, après avoir été confrontée à des problèmes
de hiérarchie, obligée de prendre deux mois de congé maladie (arrêt maladie).
Elle avait fait une dépression, car son supérieur hiérarchique qui la voyait travailler exigeait
que cette dernière fasse montre de plus de stress, signe d’une réelle motivation au travail.
453
Les jeunes de cette structure nous ont alors affirmé que « c’est son excès de zèle qui l’a trahi, et il ne
faut pas en faire plus qu’il ne faut car c’est autant d’opportunités de se tromper et de tomber dans l’erreur.
Il ne faut pas faire comme les anciens et seniors, c'est-à-dire se rendre indispensable car franchement cela ne
vaut pas le coup, ne serait qu’en termes financiers, vu que la paie est la même, donc vaut mieux économiser
sa santé. C’est un peu la moralité de l’histoire du lièvre et de la tortue qui effectuent la course ».
Ainsi, même si la relation entre les deux générations, à savoir jeunes et seniors et/ou anciens
est à même de permettre plus facilement la création d’une tension et générer un stress, que
certains expliquent par le fait du « conflit de génération », elle peut également favoriser, dans
le cas d’une bonne transmission des connaissances et d’un échange réussi, une bonne
motivation et une fidélisation accrue des uns et des autres.
Mais, actuellement, comme l’énonce Daniel Leroux, « nous assistons à une montée de la
démotivation chez les jeunes et de lassitude chez les anciens ».
454
De ce fait, il est généralement admis qu’il sera procédé dans l’avenir à la mesure de la réussite
des managers à travers la capacité qu’ils auront à pouvoir diriger les hommes, à les impliquer,
à animer des équipes de travail, à faire participer leur personnel à la prise de décision, soit à
motiver et à mobiliser.
Cette manœuvre managériale qu’utilisent les supérieurs hiérarchiques et le management de la
« BMTP » est semblable à la DPPO (direction participative par objectif) de Peter Drucker,
mais s’en distingue dans la mesure où l’on évacue la notion de participation, car cette dernière
n’est pas volontaire, mais ordonnée, dictée et cadrée par ces derniers à l’encontre des salariés.
En Tunisie, même s’il existe une amélioration des conditions matérielles et que la satisfaction
de nouveaux besoins d’existence voit le jour, nous pouvons remarquer que les salariés
acceptent de plus en plus difficilement les inégalités sociales.
Mais, même si nous entrons de pleins pieds dans la consommation de masse, malgré le fait
que la phase d’équipement des ménages ne soit pas entièrement achevée, il reste que la notion
de groupe et de solidarité sociale au sein de la famille n’a pas encore disparue, malgré
l’éclatement de beaucoup d’autres dimensions tout aussi importante pour le quotidien de la
vie professionnelle en Tunisie.
Comme l’indique Youssef Alouane pour les entreprises tunisiennes, « la prise de conscience
des phénomènes de groupe ; le besoin d’appartenance et de loyauté envers le groupe prime sur
les loyautés individuelles : on montre plus de loyauté à l’égard du groupe qu’a l’égard de son
chef, d’où la recherche d’un groupe auquel on peut s’identifier, et auprès duquel on peut
trouver un appui ».
Ceci a même été corroboré par l’expérience de Joseph Kelada qui indiquait lors d’un cours sur
la qualité dispensé en Tunisie au sein de l’Institut Supérieur de Gestion qu’en Egypte, alors
qu’il était ingénieur au sein d’une entreprise locale, les salariés de l’entreprise suivait ses
instructions non pas parce qu’il représentait la direction générale, mais en fait pour lui.
En effet, il indique que les salariés lui ont affirmé qu’ils le faisaient, car il était à l’écoute du
personnel de l’entreprise et qu’il prenait le temps de leur expliquer ce qu’il entrevoyait
comme solutions aux différents problèmes rencontrés, mais aussi ce qu’il envisageait de
mettre en œuvre dans ses programmes de formation ou de mise en place de nouvelle
réorganisation.
Il pouvait ainsi facilement obtenir l’adhésion et l’implication du personnel pour mener à bien
les programmes qu’il envisageait, même si la direction générale de l’entreprise en question lui
recommandait de ne pas trop se rapprocher du personnel pour qu’il ne soit pas influencé par
les salariés et leurs revendications.
455
Les théories de l’organisation admettent aujourd’hui que la prise en considération du groupe
en tant qu’appui est indispensable, tant à la satisfaction des besoins de l’individu qu’au
développement de l’efficacité économique, même si pour le cas de la « BMTP », les seniors
sont plutôt sceptiques et pensent qu’il n’existe plus de groupe, car selon eux un groupe se doit
avant tout d’être solidaire.
Or, le seul groupe existant à la banque est pour eux, celui des capitalistes, en la personne des
responsables hiérarchiques et employeurs.
A l’image de Youssef Alouane pour le cas des entreprises tunisiennes, Claude Dubar identifie
des formes identitaires en rapport avec les modifications actuelles des termes de l’échange
salarial.
Pour lui, une transaction complexe entre « projet d’entreprise » et « projections
individuelles » est au cœur des innovations actuelles des politiques de gestion de la main-
d’œuvre et pour ce faire, il serait préférable, comme l’indique Marc Uhalde317 qu’il existe des
intérêts convergents.
En effet, des intérêts convergents entre le groupe des salariés, avec en tête de liste les seniors
qui doivent effectuer la transmission intergénérationnelle des connaissances clés envers les
jeunes, et le groupe des responsables hiérarchiques (nommés par le management de la banque
pour le cas de la « BMTP ») représentants un groupe encore plus important, celui des
propriétaires (les actionnaires et les administrateurs, pour la majorité publics).
Cependant, pour parvenir à cette convergence d’intérêt il faut pouvoir négocier avec la
hiérarchie tout en sachant qu’il existe un rapport de forces inégales.
Marc Hualde318 indique à cet effet que « l’individu doit démontrer la faible substituabilité de
ses compétences, l’entreprise doit quant à elle construire une adéquation entre les
compétences disponibles et les objectifs qu’elle affiche ».
C’est ce que nous avons pu constater au niveau de la « BMTP » où les seniors voulaient
conserver leurs connaissances clés en se rendant par la même indispensables, mais également
pour pouvoir négocier une amélioration de leur situation professionnelle.
Cette amélioration n’est pas exclusivement financière, mais comprend aussi un besoin de
reconnaissance et de valorisation des acquis et de l’expérience de cette catégorie de salariés.
317
Hualde Marc, « Crise de modernisation et dynamique des identités de métier dans les organisations », revue
de l’IRES, n°47-/1, 2005, pp137-154.
318
Hualde Marc, ibid, p 523.
456
L’auteur identifie également de nouvelles « catégorisations indigènes permettant aux
individus de se définir eux même et d’identifier autrui lorsque les catégories officielles
deviennent problématiques ».
Le poids de l’« autorité justifiée », « l’homme qu’il faut à la place qu’il faut » est un élément
qui fait défaut au sein de la « BMTP » et qui retarde la transmission intergénérationnelle des
connaissances.
Youssef Alouane affirme que « l’autorité ne devrait plus être exclusivement fonctionnelle,
elle doit être naturelle et plus encore autorité de compétence. La compétence reste en
définitive la vraie justification d’une autorité réellement acceptée ».
Au sein de la banque, il est fréquent de trouver dans des postes à responsabilité des personnes
dont les qualifications ne sont pas en rapport.
C’est ainsi que nous pouvons retrouver des personnes ayant un diplôme de journalisme en tant
que responsable d’une division des crédits ou encore responsable du département réseau, mais
aussi des personnes ayant un diplôme en lettres et propulsé en tant que responsable d’un
département étranger, alors même que ce poste exige des qualifications techniques poussées
en matière de commerce international et de change.
C’est donc une gestion de « bouche trou » que nous avons eu l’occasion de vérifier lors des
phénomènes de mutation, où la personne n’est pas placée dans un poste en fonction de son
profil et de ses compétences et/ou connaissances explicites et tacites, mais plutôt en fonction
du besoin à combler mis en évidence par la DGRH.
459
A cet effet, il existe bien au sein de l’organigramme une division mutation, mais le poste est
vacant depuis plus de deux ans et cette fonction est exercée par le chef de la division
administration du personnel qui cumule les deux fonctions.
Toutefois, ce dernier ne prend aucune initiative, étant donné que les décisions de mutation lui
sont communiquées par la direction générale, seul maître à bord pour ce genre d’opération qui
peut revêtir aussi bien un caractère avantageux ou à l’inverse un caractère de sanction envers
des salariés de la banque (mutation d’office).
Youssef Alouane précise à cet effet « que nous constatons dans nos entreprises, que même si
on essaie de mettre « l’homme qu’il faut à la place qu’il faut », avec un souci effectif de
rigueur dans les promotions et dans les recrutements, cela est difficile à accomplir ».
Autre particularité du secteur bancaire et plus précisément des banques publiques, c’est le
recrutement abusif qui doit répondre à des exigences en matière d’emploi des jeunes, sans que
cela ne réponde forcément à un choix programmé ou prévisionnel qui s’inscrit dans une
gestion des carrières.
Youssef Alouane indique dans ce sens qu’ « en même temps, les recrutements ne semblent
pas correspondre à des besoins réels, les promotions ne semblent pas concerner les plus
méritants, de sorte que petit à petit se trouvent ainsi propulsées aux sommets de la hiérarchie
des personnes qui légitimement ne peuvent mériter pleinement le respect de leurs
subordonnés. Ces situations, heureusement rares mais non exceptionnelles, engendrent des
blocages très graves au niveau de la hiérarchie et de l’exercice effectif du pouvoir au sein des
entreprises ».
La banque n’échappe pas à ce cas de figure, même si cela se fait d’une manière implicite et
cachée et prend corps dans l’omission, volontaire ou non, par les seniors et/ou anciens de
transmettre les connaissances jugées clés ou tacites aux jeunes qui occupent des
responsabilités au sein de la banque.
Le cas d’un jeune responsable d’agence écarté pour cause de non respect de certaines règles
internes de procédures nous a été révélé récemment et permettait de mettre en exergue
l’absence de transmission intergénérationnelle au sein de la banque.
Cette absence de transmission a eu un effet négatif sur la gestion de la banque, mais cette
dernière a engager la responsabilité du jeune chef d’agence.
Celui-ci a donc joué le rôle de bouc émissaire, alors même que la source du problème se
trouve essentiellement dans le non respect par la banque des conditions à satisfaire pour
promouvoir et faciliter la bonne transmission des connaissances entre les différentes
générations.
460
4.9.2 Paradoxe de la transmission intergénérationnelle des connaissances
Nous avons pu noter que les conditions de travail au sein de la « BMTP » étaient relativement
archaïques par rapport aux autres banques de la place même si celle-ci est pourtant classée
parmi les premières.
Cela a pour effet de donner un sentiment de malaise aux salariés qui se considèrent comme
négligés et dévalorisés par rapport à leurs homologues du secteur.
Ils assimilent même cela à une ingratitude de la part de l’employeur (management de la
banque) qui participe à entraver aussi bien la productivité par agent que la transmission des
connaissances au sein de la banque.
L’amélioration des conditions de travail a participé à la réduction des accidents de travail.
Toutefois, l’absentéisme, les arrêts de travail (congé de maladie) répétés de beaucoup de
salariés au motif de maladie avec une assiduité médiocre donnent la preuve de l’existence au
sein de la banque de sérieux dysfonctionnements sociaux.
En effet, les exigences financières et économiques ont tendance à pénaliser le facteur humain
et les salariés sont donc la victime de cet arbitrage qui vise à réduire les coûts et à augmenter
la productivité pour assurer une pérennité de l’activité et améliorer, par voie de conséquence,
les profits des employeurs et actionnaires.
462
Youssef Alouane indique que « les accidents de travail font perdre à l’économie mondiale
plus de journées de travail que les grèves et les conflits de travail d’une manière générale ».
Il affirme même d’après une étude effectuée en 1977, que « socialement les conflits de travail
ont fait perdre à l’économie nationale tunisienne 140.200 journées de travail ; les accidents de
travail eux ont fait perdre 171.905 journées de travail soit 30.000 journées de plus ».
Les chiffres connus de ces dernières années confirment largement cette tendance.
Mais, l’auteur précise que « les accidents de travail coûtent aussi à l’économie nationale, car
outre les frais directs que les compagnies d’assurance évaluent à plus de 6 millions (de
Dinars) pour l’année 1984 et à des frais indirects qui sont 4 à 5 fois plus élevés.
C'est-à-dire que ces frais peuvent être évalués, sans exagération, à près de 35 millions de
Dinars pour l’année en question, ce qui permet de mesurer l’ampleur de l’effort qui reste à
faire dans ce domaine, car pour les employeurs la productivité consiste d’abord à réduire ces
coûts, et à comprimer les dépenses grâce à une gestion archaïque, mais jugée efficace ».
Aujourd’hui, d’après Wiem Thebti319 « ils coûtent à la collectivité nationale, pas moins de 3
Milliards de Dinars annuellement ».
L’auteur va même plus loin en ce qu’elle nous indique, dans ce même article que « les
employés tunisiens ayant bénéficié des services des établissements de la médecine du travail
ont atteint 707 milles personnes en 2009 », ce qui constitue un chiffre relativement important
par rapport à la population active.
Or, une amélioration des conditions de travail entraîne d’elle-même une amélioration du
climat social en général, donc de la motivation du personnel, susceptible de favoriser une
transmission des connaissances des seniors envers les jeunes.
Nous avons eu l’occasion au sein de la banque de remarquer une absence de prise en compte
de l’intérêt à agir des salariés opérée sciemment par le management de la « BMTP », ce qui
est de nature à compromettre la transmission intergénérationnelle des connaissances des
seniors envers les jeunes.
Arriver à mettre en place une direction participative par objectif selon la vision de P Drucker
au sein de la banque tunisienne, serait presque une utopie.
319
Thebti Wiem, Revue électronique www.Africanmanager.com, « Tunisie : les accidents du travail coûtent à la
communauté 3 Milliards de Dinars par an », 27/10/2010.
463
Youssef Alouane participe à cet état de fait, car il précise que « même si l’on a conscience que
les effets positifs d’une organisation plus participative, avec un mode d’information assurant
la transparence, et une autorité basée sur la compétence, ont des chances d’être réellement
motivants et mobilisateurs, cela n’est que très difficilement réalisable ».
En effet, un senior de la « BMTP » nous a indiqué à ce propos que « cela rejoint un peu la
motivation car l’intérêt à agir y est intimement lié ».
Le salarié s’implique davantage dans l’entreprise à partir du moment où il sait que ses propres
intérêts rejoignent ceux de l’entreprise, mais aussi dès le moment où il se sent en confiance,
c'est-à-dire qu’il peut compter sur le groupe, ce dernier intervenant pour lui comme appui et
base de protection au sein de l’entreprise.
Or, si l’une de ces deux conditions ou encore les deux à la fois ne sont pas respectées, alors il
devient logiquement difficile que ce dernier puisse s’impliquer davantage, bien au contraire, il
essaiera de minimiser son implication pour minimiser les risques d’erreur, donc de perte
d’emploi.
A cet effet, Youssef Alouane prend l’exemple des performances du management asiatique.
Il affirme que « les entreprises asiatiques se caractérisent par un esprit d’équipe fort, un
sentiment d’appartenance à l’entreprise sans failles, une valorisation et un développement des
compétences des ressources humaines mais aussi une grande rigueur dans le comportement et
la ténacité dans l’effort ».
Il va même conclure que « ceci amène à affirmer que le secret du succès de l’entreprise réside
aussi dans une valeur première qu’on a tendance à oublier, celle du travail, de l’effort et du
labeur ».
L’auteur indique que nous avons tendance à oublier ces valeurs, mais il se pourrait également
qu’il y ait réellement un changement latent de valeurs. Ceci constituerait en soi une manière
d’adaptation au nouveau contexte caractérisé, comme l’indique Abdelwaheb Bouhdiba, par
une accélération trop rapide des changements qui peut favoriser les écarts.
En effet, les salariés de la « BMTP » ne croient plus en ces valeurs, tant il leur a été maintes
fois démontré que cette équation était de plus en plus remise en cause.
464
Cela provient en partie d’une absence de consultation des salariés, mais également de la
négligence d’une réelle mesure de l’importance des connaissances clés, qui a pour effet
d’influer de manière négative sur la transmission intergénérationnelle des connaissances des
seniors envers les jeunes.
A l’image du système bancaire français, et comme le souligne David Courpasson, « on assiste
à un ralentissement important des pratiques abusives de recrutement externe dans les banques
à partir de 1987-1988 en France » et dès 1998 pour la Tunisie.
En effet, cela a engendré des difficultés de gestion de carrières, avec l’augmentation d’un
turnover, mais aussi participé à la déqualification initiale de nombreux jeunes diplômés.
De plus, il existe un accroissement des conflits latents, qui prend la forme d’une réticence à la
transmission des connaissances entre les générations dans le milieu professionnel du travail,
lié comme l’énonce Bourdieu, « au rapprochement des autodidactes à l’ancienne et de jeunes
diplômés, ou d’autodidactes nouveau style, qui importent dans l’entreprise leur humeur anti-
institutionnelle » (Bourdieu 1978 p 11).
D’après plusieurs auteurs, « le secteur bancaire prend alors conscience d’une tendance lourde,
celle de la professionnalisation accrue de son personnel, non plus tant sur les bases internes de
compétences techniques « traditionnelles », mais sur l’appartenance à des métiers divers,
voire des spécialisations produites en apparence par la transformation du marché des services
financiers ».
En effet, nous avons pu constater au niveau de la « BMTP » que certains salariés (les
chaouchs c'est-à-dire les coursiers) développaient des connaissances techniques extra
professionnelles qui leur permettaient de s’équilibrer psychologiquement et financièrement,
étant donné la multiplicité des petits boulots développés pourtant en internes, sous l’œil
tolérant et permissif de leurs supérieurs hiérarchiques.
465
Or, en leur instituant ce rôle informel de tuteur en tant qu’obligation de moyens et/ou de
résultat, sans une valorisation et une prise en compte en rapport au niveau de leur carrière au
sein de la banque, les responsables se placent devant un dilemme qui a pour effet de fragiliser
la transmission intergénérationnelle des connaissances.
D’après David Courpasson, « le concept de système professionnel, mis en avant par Saglio320,
repose sur la définition de la profession comme lieu social d’articulation de plusieurs types de
règles socialement et historiquement construites ».
D’où l’importance d’une transmission des connaissances effectuée par les seniors qui prend
en compte, aussi bien la part de la technique bancaire utilisée et son pourquoi, du fait de la
maîtrise par ces derniers du phénomène historique qui permet de l’expliquer et de la lier à la
banque (personnalisation).
Selon lui, « les professions ne se définissent pas in abstracto par le type de produits ou par les
modes de production qu’elles mettent en œuvre, ou par toute autre référence à une
« nomenclature idéale qui permettrait de découper sans ambiguïté l’ensemble du champ des
activités économiques ».
Ce sont au contraire indique t-il des « constructions contingentes » dont le fonctionnement
interne est l’objet de conflits, de tensions et d’accords entre un certains nombre d’acteurs »
comme nous l’avons énoncé plus haut avec Youssef Alouane.
Nous avons pu retrouver ces éléments au niveau de la « BMTP », étant donné que c’est une
entreprise de service où les procédures sont cadrées par des circulaires, avec toutefois
l’existence d’un flou quant à l’application exhaustive et concrète sur le terrain qui montre bien
d’après plusieurs salariés des agences que « tout n’est pas pris en compte, et il reste une part qui se
fait par improvisation sur le terrain et qui va constituer un « précédent de référence » ».
Ce « précédent de référence » peut constituer en soi une sorte de convenance empirique ou
pragmatique qui permet d’aborder la question d’une régulation opérée par, arbitrage sous
entendu, entre les responsables et les salariés.
A ce propos, J Saglio définit trois niveaux de régulation sociale, dont l’articulation définit la
profession.
Le premier niveau qu’il cite est celui inhérent aux règles sociales d’appartenance à la
profession et de définition des statuts des « entreprises » qui en font partie.
320
Saglio J, « Négocier les décisions technologiques ou seulement leurs effets », in « Les Systèmes de relations
Professionnelles. Examen critique d’une théorie », Paris, Ed du CNRS, 1990.
466
Le deuxième niveau concerne, selon lui, les règles de relations professionnelles, dont la
codification formelle porte sur les modalités d’embauche des salariés, la rémunération et les
avantages sociaux, plus les diverses réglementations classiques des relations de travail dans
l’entreprise.
Quant au troisième niveau, c’est pour lui, celui afférent aux règles de marché, même s’il
précise qu’en général, les pratiques commerciales et les relations économiques entre firmes ne
sont pas juridiquement codifiées.
Il conclut ainsi que ces régulations se renforcent l’une l’autre, et affirme que les professions
les plus fermées sont celles où simultanément les règles d’accès sont fortes, les relations
professionnelles très codifiées et contraignantes, et les règles de marché fixées.
Il classe dans cette catégorie la profession bancaire jusqu’au début des années 1980 pour le
cas de la France.
Par analogie, et pour le cas de la Tunisie, deux remarques sont à prendre en considération, la
première considère que les banques tunisiennes se classent à leur tour dans cette catégorie au
début des années 2010, du fait de l’ouverture à la concurrence internationale des banques
tunisiennes.
Quant à la seconde, elle vise à considérer que l’articulation entre ces trois régulations est le
produit du jeu social des différents acteurs en présence.
321
Gerardin Hubert et Poirot Jacques, « Transferts de Connaissances et Ethique », in la revue « Mondes en
développement », t 30, n°120, 4ème trimestre, 2002.
322
Levet J.L, « L’intelligence économique », Paris, Economica, 2001.
467
En Tunisie, nous n’avons pas pu avoir une indication quant à un ordre de grandeur, au motif
que ces chiffres étaient inexistants.
De plus, les deux auteurs, affirment en se basant sur le rapport du Commissariat au plan de
2002323 que « la production de connaissances s’est de plus en plus dispersée, rendant leurs
transferts plus fréquents ».
En Tunisie, même s’il existe de plus en plus de connaissances et d’informations au sein des
entreprises, le pas n’a pas été encore franchi concernant l’échange et/ou le partage, étant
donné que pour le cas de la banque il n’existe pas encore un réel transfert intergénérationnel
des connaissances du fait, d’une part de la disparition progressive des aînés de la pyramide,
mais aussi de la conjonction de plusieurs facteurs aussi bien organisationnels que culturels et
sociologiques, comme énoncé plus haut, d’autre part.
De plus, comme semblent l’indiquer d’une manière assez sous entendue Hubert Gérardin et
Jacques Poirot « l’émergence des économies fondées sur la connaissance peut entraîner une
collaboration devenue de plus en plus étroite entre les acteurs publics et privés au sein de
réseaux.
L’invention et la recherche d’innovations relèvent désormais d’une approche collective, d’un
échange régulier d’informations et de connaissances, facilité par la mise en œuvre des
nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) ».
Toutefois, cet argument est souvent critiqué par plusieurs auteurs, car les nouvelles
technologies ne sont qu’un outil au service de la transmission des connaissances qui demeure
toujours en deçà des prévisions, étant donné l’éclatement des collectifs de travail par les
responsables pour améliorer la productivité par agent et la rentabilité financière de
l’entreprise.
Par ailleurs, comme le souligne D. Foray (2000, p.12), « n’importe quelle activité de
production ou d’usage d’un bien (ou d’un service) peut donner lieu à apprentissage et donc à
production de connaissance ».
Cette dernière apparaît selon l’auteur, comme « un produit-joint des activités de production ou
d’usage du bien (learning by doing et learning by using) », dont l’importance au sein de la
banque, en est aujourd’hui, une démonstration.
323
Rapport du Commissariat au plan, « la France dans l’économie du savoir », ( le rapport précise les dépenses
des pays de l’OCDE consacrées à l’éducation et la formation, à l’innovation ainsi qu’à l’équipement et aux
services dans les technologies de l’information et de la communication), 2002, p35.
468
4.10.3 Les connaissances et/ou savoirs ne sont plus cimentés par la solidarité
Nous avons pu constater lors de notre phase exploratoire que les connaissances et/ou savoirs
au sein de la « BMTP », qui comprennent les savoirs cognitifs et les savoirs opérationnels, ne
sont plus cimentés par la solidarité.
En effet, au niveau de la « BMTP » nous constatons que cette solidarité est aujourd’hui
remise en cause du fait de plusieurs éléments (individualisation des performances, non
reconnaissance des efforts consentis par les seniors, absence de valorisation des salariés, etc).
De plus et toujours d’après lui, l’intérêt de la lecture de Zarca est aussi de chercher à
caractériser le métier et le contexte culturel autour duquel il se construit à travers l’analyse de
la diversité du groupe.
Trop souvent, la communauté de métier est associée presque a priori à une homogénéisation
interne directement tirée de la solidarité qui caractérise les métiers dans leur acception
corporatiste à tout le moins.
Mais, cette acceptation corporatiste est actuellement en crise dans un monde libéral et
capitaliste globalisé.
Selon lui, « cette vision tronquée de la réalité culturelle des groupes professionnels a conduit à
négliger le fait que les identités de métiers se nourrissent beaucoup plus de différences
statutaires internes que d’une cohérence culturelle le plus souvent illusoire ».
Cela est très perceptible au niveau de la « BMTP » où l’écart entre les salariés est souvent
fondé, non seulement sur le grade et la fonction, mais aussi sur des éléments subjectifs.
Mais, il ajoute à propos des métiers, toujours en citant Zarca324 que ces derniers « ont leurs
élites culturelles, qui les représentent le plus dignement, qui incarnent donc les valeurs
d’excellence et qui partant, font progresser le métier, en « continuité ou en rupture » avec le
passé, mais toujours de l’intérieur ».
Ceci correspond généralement à la référence qui est faite par rapport aux fondateurs de la
« BMTP » et à leurs valeurs nobles.
A ce propos, Courpasson précise qu’ « une communauté de métier peut parfaitement révéler
peu de proximités sociales entre les catégories d’acteurs qui la composent ».
Il émet l’hypothèse de pouvoir dit-il « trouver une échelle de compétences parallèles à
l’échelle des âges, des anciennetés et qui permette d’opérer des distinctions entre les membres
de la communauté de métier ».
324
Zarca, « Identité de métier et identité artisanale », Revue Française de Sociologie, XXIX, 1988.
469
Cette échelle serait difficilement réalisation au niveau de la « BMTP », étant donné le
cloisonnement et le système de baronnies existant.
Il précise aussi que pour Zarca « la forte identité de certains métiers, ancrés dans un lieu, et
riche d’une certaine profondeur historique, soit à travers des luttes sociales, soit à travers des
mécanismes de protection « territoriaux », peuvent cependant être des identités « clivées »
dans la mesure où les techniques, les produits et la clientèle peuvent varier à l’intérieur même
du métier », tout en précisant que « la cohésion sociale peut se maintenir en dépit de l’assaut
normatif de règles qui clivent l’identité collective « apparente » de la communauté ».
D’où l’importance des variables d’ordre psychologique que nous pouvons retrouver pour le
cas de la « BMTP ».
325
Heilbron J, « La professionnalisation comme concept sociologique et comme stratégie des sociologues », in
Historiens et Sociologues aujourd’hui, Lille I, Presses du CNRS, 1986, p66.
326
Hugues E.C, « Man and their work », Glencoe, the Free Press, 1958.
470
Selon d’autres auteurs, et à l’image de Catherine Paradeise327 « la profession se définit plus
par une capacité collective à tirer parti de ressources cognitives pour construire des espaces
d’échange qui seront progressivement « fermés » par un travail collectif d’argumentation et
infra) », ce qui est à mettre en rapport avec l’importance des ressources ou savoirs cognitifs.
Par ailleurs, David Courpasson affirme, pour préciser sa pensée, que « le savoir (celui attribué
au médecin dans la relation thérapeutique) est la combinaison d’une compétence fondée sur
les acquis empiriques issus de l’expérience du médecin », précision dont nous pouvons nous
inspirer pour mettre en valeur les seniors et leur rôle en rapport avec les jeunes au sein de la
banque.
Ainsi, au niveau de la « BMTP » et en interne, c’est le senior expérimenté qui est en charge
de transmettre ses connaissances aux jeunes nouveaux recrutés. Ces connaissances intègrent
aussi bien des connaissances techniques que des connaissances culturelles et sociales qui
prennent en compte l’évolution temporelle et historique qui permet d’expliquer les différents
passages.
Le senior, en tant que détenteur de connaissances clés dispose donc également d’un pouvoir,
que nous pouvons rapprocher du « pouvoir social » énoncé par Claude DUBAR328qui d’après
David Courpasson « est déjà à la croisée des dimensions « économiques » et « culturelles » du
professionnel ».
Aussi, l’aspect de « légitimité culturelle » cité par ce dernier et qui est distingué dans
l’attitude du professionnel dans sa relation avec le client, est perceptible aussi au sein de la
« BMTP » dans la transmission intergénérationnelle des connaissances qu’il peut effectuer
envers les jeunes et nouvelles recrues de la banque.
A l’instar de la dimension interactive signalée par David Courpasson, dans le rapport du
professionnel avec son client.
Dimension qui permet au professionnel d’institutionnaliser son rôle économique et sa
légitimité culturelle que nous pouvons rapprocher du rôle du senior avec le jeune au sein de la
« BMTP », même si cette institutionnalisation et cette légitimité est paradoxalement occultée
par les responsables hiérarchiques au sein de la banque.
327
Paradeise C, « Acteurs et institutions. La dynamique des marchés du travail », Sociologie du Travail, n°1,
1988.
328
Dubar Claude, « La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles », Paris, Ed Armand
Colin, 1991, p141.
471
4.11 Des « formes identitaires », souvent jugées hasardeuses
Nous avons pu constater au sein de la « BMTP » que les « formes identitaires »
correspondantes aux responsabilités attribuées aux salariés au sein de la banque étaient
souvent jugées hasardeuses et qu’elles peuvent ne pas correspondre aux exigences nécessaires
pour une transmission intergénérationnelle des connaissances des seniors envers les jeunes.
Au niveau de l’intégration au sein de la banque, la plupart des cadres de la banque indiquent
que le choix s’est fait de manière hasardeuse et jamais très précisément en connaissance de
cause, car cela est issu d’un choix personnel souvent motivé par la recherche d’une stabilité
financière et d’une position sociale.
C'est-à-dire que les tenants et les aboutissants du métier, voire même ce qui caractérise une
banque publique d’une banque privée n’était pas clair.
Pour les uns et pour les autres, la banque qu’elle soit privée ou publique disposait de
beaucoup d’avantages sociaux, comme un bon salaire, des primes et des avantages financiers
appréciables, une sorte de promotion sociale.
Les personnes interrogées nous ont précisé que « l’on pensait que c’était les mêmes avantages vu
qu’il existait une convention collective régissant l’activité bancaire, nous ne faisions pas de différence entre
banque publique et banque privée si ce n’est que pour une stabilité supplémentaire de l’emploi».
Toutefois, comme nous avons pu le constater, c’est aussi au niveau de la formation, de
l’organisation interne et de la reconnaissance qu’il peut y avoir en apparence, des différences
notables, avec les autres professions.
Les valeurs ne sont pas les mêmes d’une banque à l’autre, ainsi que les acquis et les avantages
sociaux et salariaux.
Pour le cas de la banque tunisienne et de ses salariés, la recherche identitaire a été faite en
fonction de la stabilité de l’emploi, sa position sur l’échelle sociale, en rapport avec ses
émoluments et les avantages qu’il dégageait.
D’après David Courpasson329, « Claude Dubar330 en revanche, propose dans son approche de la
socialisation professionnelle une vision de l’identité comme « lieu » de convergence entre les
processus biographiques (dimension temporelle) et les processus relationnels (dimension
structurelles) de construction de l’identité ».
329
Courpasson David, « La modernisation bancaire », sociologie des rapports professions-marchés,
L’harmattan, Logiques sociales, 1995, p56.
330
Dubar Claude, « La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles », Paris, Ed Armand
Colin, 1991, in Courpasson David, « La modernisation bancaire », sociologie des rapports professions-marchés,
L’harmattan, Logiques sociales, 1995, p56.
472
En ce sens nous avons développé l’importance de l’élan patriotique intervenant dans la
transmission intergénérationnelle au sein de la « BMTP » dans la période d’après
indépendance.
David Courpasson précise également que Claude Dubar « aboutit à une description de quatre
« formes identitaires », qui repose sur l’idée que les individus, face aux transformations des
marchés du travail et des systèmes d’emploi sont des acteurs, c'est-à-dire sont capables de
justifier des choix, à la fois liés à l’anticipation de leur avenir, et à leurs interactions avec
d’autres acteurs d’un champ pour eux pertinent (par exemple des employeurs) ».
Or, ceci n’est pas valable dans tous les contextes, car le choix peut dans certains cas être
absent et les salariés ne peuvent alors prendre que ce qui se présente et qui peut être ou
constituer en soi un moindre mal dans la mesure où il peut ne pas exister de progression, mais
seulement une sécurité de l’emploi, d’où une sorte d’arbitrage obligé qui ne présente pas le
même avenir pour tous.
Cependant, comme le fait ressortir Riverin Simard que nous avons cité plus haut, les choix
des salariés peuvent également évoluer, et dans ce cadre là ils doivent négocier avec les
institutionnels leur nouveau choix dans le sens d’une progression de carrière.
Selon Claude Dubar331 « ces deux dimensions (construction d’un avenir possible et interaction
avec des « institutionnels » vont influer sur la définition de l’avenir ».
Mais, ceci est complètement différent par rapport à ce que nous avons pu constater au sein de
la « BMTP », où jeunes et seniors se considèrent piégés, étant donné qu’ils ne peuvent
améliorer leur carrière et progresser du fait du pouvoir des responsables hiérarchiques qui
bloquent l’ascension.
Ils ne peuvent plus agir en tant qu’acteur, même si pour certains ne pas agir revêt également
un choix et pas une obligation ou une contrainte.
Pour autant, cela est vécu par les salariés tunisiens jeunes et seniors comme une contrainte
majeure et nous avons souvent eu droit, de la part de ces derniers, à la phrase « moi si j’étais
plus jeune et que je n’avais pas d’obligations familiales, je changerais d’emploi » qui témoigne d’une
impuissance par rapport à cet état de fait qui toute chose égale par ailleurs, n’est pas propre à
la « BMTP » ou au secteur bancaire tunisien, car cela existe également dans d’autres banques
du Maghreb.
331
Dubar Claude, « Formes identitaires et socialisation professionnelle » Revue Française de Sociologie, vol 33,
n°4, 1992, p521.
473
Toutefois, cela met en exergue beaucoup plus des manières de faire et un système propre aux
entreprises des pays en voie de développement, longuement détaillé par Riadh Zghal et Karim
Ben Kahla et d’autres auteurs, auxquels nous avons tenté de donné un apport, à travers l’étude
d’une banque publique du secteur bancaire tunisien, secteur jugé difficile d’accès.
Par ailleurs, la plupart des résultats obtenus suite à l’observation directe et participante ainsi
que les témoignages et les propos issus des entretiens et des témoignages ont été consigné
dans notre thèse et explicité par deux modélisations qu’il convient maintenant de présenter.
Ainsi, le premier modèle recense les principales variables influençant la transmission
intergénérationnelle des connaissances au sein de la « BMTP », quant au second il met en
évidence le sens de la transmission opérée qui était au lendemain de l’indépendance considéré
comme unilatéral alors que l’on peut envisager aujourd’hui qu’il soit à double sens.
Nous présentons ci-après les deux modèles en question tout en précisant que dans le premier
modèle, les flèches montrent les sources et références (auteurs) desquels sont tirées les
variables agissantes, alors que dans le second les flèches précisent le sens de la transmission
effectuée par les acteurs envers une cible, celle des jeunes et nouvelles recrues qui peuvent à
leur tour également transmettre de nouvelles valeurs aux seniors par effet de « feed back ».
474
Figure 6 : Modélisation des principales variables et sources d’influence en rapport avec la
transmission intergénérationnelle des connaissances au sein de la « BMTP »
(4) Le flou
(Zghal Riadh,
2002)
475
Figure 7 : Modélisation du sens de la transmission intergénérationnelle des connaissances au
sein de la « BMTP »
BANQUE
SENIORS JEUNES
Caractéristiques
Le collectif ou l’individu, Novice, apprentissage à faire.
propres au métier de
l’influence de Successeur apprenant
la banque. Rôle et
l’appartenance Déclassement,
nature de l’activité,
générationnelle, Annihilation, Invisibilisation,
les pratiques de
géographie des affinités Reconnaissance négative
travail. Ancienneté
Expert novice Disqualification
dans l’emploi, la
Expérience porteuse Carrière à faire
place des dispositifs
d’apprentissage
de gestion des
Ancienneté
ressources humaines
Carrière passée,
dans la définition et
Richesse
la reconnaissance de
l’expérience,
Motivation, reconnaissance, encadrement de Motivation, mobilisation et
filiation proximité dans ancrage
Acteur, règles et identité l’organisation
concrète du transfert
d’expérience.
TIC
Mode du
campagnonnage
476
Correspondances du modèle conceptuel issue des résultats obtenus au sein de la « BMTP »
(9) Eléments endogènes Prise de pouvoir du fait de l’accès à des postes importants par une certaine
Internes catégorie de salariés (du fait des années et de circonstances favorables).
Influence Phénomène de « la revanche sociale » et du retour d’ascenseur qui permet à ces
derniers de favoriser et de parrainer à leur tour leurs protégés en freinant l’ascension
d’autres salariés beaucoup plus diplômés.
Remise en cause de la méritocratie.
(10) Attitude des jeunes Faibles accès aux connaissances sur le terrain, d’où un choc entre l’imaginaire des jeunes
*Manque de pouvoir de et la réalité de la banque.
faire Existence d’un paradoxe ou d’une dualité des sentiments qu’ils éprouvent à l’égard
*Motivation des seniors.
*Perception des jeunes Les jeunes témoignent de la compréhension et de l’empathie par rapport à la
vis-à-vis des aînés situation professionnelle des seniors. Ils réalisent que ces derniers sont lésés dans
*Soumission vis-à-vis leur progression de carrière.
de la hiérarchie Mais en même temps, ils entrent dans le jeu du conflit avec eux du fait de
(Ben Kahla Karim) l’obligation de s’aligner et de se rapprocher de la hiérarchie (logique conflictuelle, et
binaire de « choix de camp », « avec nous ou contre nous »).
(11) Valeurs sociales, Généralisation du phénomène de suspicion au sein de la banque, avec une remise en
confiance, etc cause des anciennes valeurs sociales au profit d’une nouvelle régulation plus dure, où la
valeur de l’argent, du profit et de l’individualisme prennent le dessus.
Eclatement des collectifs de travail et des aspects communautaires qui ont été
forgés sur plusieurs années par leurs prédécesseurs, témoignant de la domination du
social par l’économique dans une logique capitaliste qui se généralise.
(12) Jeu des acteurs : Supériorité écrasante du management de la banque (Direction générale et/ou le PDG) par
conflit, tension, avec jeu rapport aux salariés.
de pouvoir et de Le syndicat ne représente pas une force ou un garde fou pouvant contrecarrer les
domination (Max choix de l’employeur et veiller au respect des droits des salariés à la différence de
Weber) (Karl Marx) la pratique au sein des banques allemandes. Il veille à avantager ses membres et
(Youssef Alouane). intervient comme une simple structure de consultation, souvent prenant le parti du
management de la banque.
Instauration d’un climat interne de dominés/ dominant qui introduit un malaise et un
stress socioprofessionnel récurrent pouvant donner lieu pour les salariés à de multiples
préjudices (préjudice de santé physique et morale) difficilement identifiables et
quantifiables et dont la preuve reste énigmatique.
(13) Formation sur le tas La formation en alternance introduite au sein de la banque reste inadaptée à la
qui se maintient malgré progression interne et à l’évolution de carrière, à la différence des banques allemandes.
l’introduction d’une La formation est encore largement dépendante d’éléments subjectifs et aléatoires
formation en alternance comme l’appréciation des supérieures hiérarchiques sur des normes floues.
La formation sur le tas : formation informelle qui demeure le modèle interne,
valorisée par le management de la banque, et qu’il faut suivre en matière
d’apprentissage bancaire.
Le recrutement est de plus en plus ouvert, par voie externe, aux jeunes diplômés
universitaires, alors que ce marché du travail était longtemps cloisonné, fermé à toute
demande externe.
L’Allemagne précurseur en matière de formation en alternance opte au niveau du secteur
bancaire pour un changement au niveau du choix de ses jeunes nouvelles recrues.
En effet, les banques allemandes, et plus précisément la banque publique allemande
recrute de plus en plus de jeunes diplômés des universités. Ceci n’existait pas au préalable,
car la branche jouissait d’une formation professionnelle spécialisée, organisée sous la
tutelle des syndicats, du patronat et des autorités publiques.
L’accès y était ouvert aux jeunes dans le cadre de l’orientation scolaire.
478
4.12 Conclusion du chapitre
Nous avons, au niveau de ce chapitre, approfondi la recherche en mettant en exergue les
variables et facteurs qui agissent dans le cadre de la transmission intergénérationnelle des
connaissances des seniors envers les jeunes au sein de la banque.
Ce travail a été réalisé grâce à une phase exploratoire comprenant deux moments forts.
En effet, la phase exploratoire a été organisée à partir d’une observation directe et participante
in situ au sein de la « BMTP » que j’ai pu mener grâce au fait d’être un « insider », et prenant
appui sur des entretiens individuels effectués auprès d’une population choisie de 39 salariés
entre jeunes et seniors, sur la base d’un guide d’entretien.
Par ailleurs, après avoir établi une synthèse des différentes variables et facteurs agissants,
nous avons procédé à une modélisation qui nous a permis de synthétiser et de clarifier les
interrelations des différentes variables.
Suite à ce travail nous avons également produit un model relatif au sens de cette transmission
qui se veut être en majorité d’ordre unilatéral, des seniors envers les jeunes.
Ces deux modélisations ont été précédées par une comparaison entre les deux systèmes de
formation bancaire Allemand et Tunisien en rapport à la transmission intergénérationnelle des
connaissances.
Toutefois cette phase de comparaison a été réalisée à partir de documents et d’études
spécialisées, étant donné l’impossibilité d’effectuer un stage « in situ » auprès des banques
allemandes, du fait de la conjoncture de crise financière internationale et malgré des
demandes en bonne et due forme.
Dans ce chapitre, nous avons pu lors de l’analyse des résultats issus des interviews et de
l’observation directe in situ compléter l’identification des variables et facteurs influençant la
transmission intergénérationnelle des connaissances tout en mesurant leur étendue et leur
portée.
Ainsi, outre une variable principale, en l’occurrence « la culture socioprofessionnelle », qui a
été décrite par Riadh Zghal, d’autres variables présentées par l’auteur pour le cas de plusieurs
entreprises tunisiennes ont été retrouvées au sein de la « BMTP ».
Il s’agit, de « la variable contextuelle », des « valeurs sociales d’égalité », « de confiance »,
« de dignité », mais aussi « l’appartenance à un réseau socioprofessionnel », et « la notion de
flou ».
479
Cette dernière variable est très répandue et contribue à installer un climat de tension et de
stress permanent qui entrave la transmission intergénérationnelle des connaissances et rend
difficile l’établissement de projections.
Plusieurs autres variables inhérentes à l’attitude des seniors, qui est intimement liée à
l’attitude des jeunes, peuvent également agir.
En effet, l’attitude des seniors est dépendante de leur motivation, ainsi que de leur perception
des jeunes et de leur rapport de soumission vis-à-vis de la hiérarchie.
En revanche, l’attitude des jeunes est dépendante d’un manque inhérent au « pouvoir de
faire » de ces derniers, mais aussi de leur propre motivation, de la perception qu’ils ont des
aînés et de leur propre soumission par rapport à la hiérarchie.
Il est important de noter que la culture acquise antérieurement et les situations de travail
actuelles, ainsi que les rapports de pouvoirs jouent également un rôle non négligeable.
C’est dans ce cadre que le jeu des acteurs, comme les conflits (conflits de génération, conflits
de pouvoir, etc) imposant une tension interne et des rapports de domination des uns par les
autres, sont mis en exergue.
De plus, d’autres éléments exogènes et endogènes influent également sur cette transmission
intergénérationnelle des connaissances.
Concernant les premiers, c’est le fait de remarquer que la gestion des carrières et/ou
l’attribution de postes fonctionnels à certains salariés, ainsi que leur progression interne en
termes de promotion, est pour beaucoup dépendante d’un système d’influence inhérent à des
réseaux externes de personnes influentes.
Pour ce qui est des seconds, il s’agit aussi d’un phénomène d’influence, mais strictement en
interne, c'est-à-dire dépendant de la constitution d’un réseau interne à la banque, regroupant
des personnes influentes par rapport à la direction générale.
Un autre élément de taille qui influe également de manière importante sur cette transmission
intergénérationnelle est parti prenante de la stratégie interne de la banque, directement fixée
par le premier responsable de la « BMTP » et qui est en rapport avec l’ « excès de centralité
du pouvoir » entre les mains exclusives du seul premier responsable (le PDG de la banque).
Ce dernier élément contribue comme l’énonce Toupin au « tassement de l’imaginaire » des
salariés, et affecte ainsi leur sentiment de fierté personnelle et leur motivation à communiquer
et partager, voire transférer et échanger leurs connaissances.
Au sein de la « BMTP » cette transmission peut prendre la forme du « compagnonnage »,
véritable phénomène d’apprentissage assimilé au sein de la « BMTP » à la formation sur le
tas, qui est prodiguée par les seniors envers les jeunes qui intègrent la banque.
480
Elle reste fortement entachée de la relation d’interface et de motivation, aussi bien des seniors
que des jeunes, et du jeu d’acteur entre ces deux protagonistes finaux.
Aussi, après cette modélisation et la mise en exergue du sens de la transmission opéré entre
ces deux groupes de population (jeunes et seniors) au sein de la « BMTP », il convient à
présent d’établir une conclusion générale permettant de résumer les différentes étapes de cette
thèse tout en mettant en lumière les résultats auxquels nous sommes parvenus afin de faciliter
la lecture et la compréhension au lecteur tout en ouvrant la voie à d’autres études
complémentaires.
481
Conclusion
482
Pour réaliser ce travail de recherche inhérent à « la transmission intergénérationnelle des
connaissances dans les banques tunisiennes » avec une « ébauche de comparaison avec les
banques allemandes » nous avons organisé cette thèse autour de quatre chapitres en nous
basant sur une problématique qui a consisté à analyser le processus d’émergence et de
construction des nouvelles connaissances professionnelles au sein de la banque tunisienne et
allemande.
Ainsi, il a été tout d’abord question de rechercher, s’il y avait encore à ce jour une
transmission intergénérationnelle des connaissances entre seniors et jeunes, en tenant compte
du fait que les nouvelles façons de faire n’étaient pas exclusives des manières traditionnelles
de transmettre les connaissances d’une génération à une autre. Mais également d’observer
dans quelle mesure et au terme de quelles transactions les anciennes manières de former le
personnel se sont maintenus et vers qu’elle voie elles s’orientent.
Aussi, l’hypothèse principale sur laquelle nous avons basé ce travail a considéré que les
entreprises étaient prises entre deux exigences contradictoires : d’un côté conserver et donc
favoriser la transmission de ce qui est le plus précieux pour elles comme les savoirs, et/ou
connaissances tacites clés de leurs personnel et d’un autre côté, la nécessité de transformer la
culture professionnelle interne afin de pouvoir affronter une concurrence internationale, plus
vive qu’auparavant.
Nous avons décliné cette hypothèse principale en deux hypothèses secondaires : la première a
consisté à supposer que cette nécessité de transformation de la culture professionnelle devait
passer par l’intégration de nouveaux modes et outils de formation tout en conservant l’ancien
mode d’acquisition des connaissances à savoir, la formation informelle sur le tas.
Quant à la seconde elle s’est appuyé sur l’existence potentielle d’un conflit de génération
entre des seniors, plutôt qualifiés par leur expérience professionnelle sur le terrain, et des
nouvelles recrues, plutôt qualifiées par leur parcours universitaire préalable à l’embauche.
Ce travail a été enrichi par l’ébauche d’une comparaison internationale avec les banques
allemandes pionnières en matière de formation professionnelle afin de pouvoir positionner et
mesurer l’expérience tunisienne.
483
Toutefois, une prise en compte de la modernisation de la banque et d’autres contraintes
comme celles inhérentes au contexte particulier de la globalisation des économies, à
l’orientation capitaliste, au droit de regard et au contrôle exercé par les autorités de tutelle et
les bailleurs de fonds internationaux avec l’imposition du respect de certaines normes
prudentielles ont participé à compliquer davantage cette transmission.
En effet, nous avons pu observer une reconfiguration des rapports professionnels du travail
entre salariés et employeurs, mais également entre les différents salariés pris séparément, ainsi
que l’instauration d’une nouvelle culture, imprégnée du nouvel esprit du capitalisme au sens
de Luc Boltanski et Eve Chiapello332.
Tous ces éléments ont permis la mise en évidence de deux éléments contradictoires.
Quant au second il a visé, à vouloir en même temps conserver les savoirs faire des aînés
appelés à prendre leur retraite et chargé de transmettre leur savoir faire aux jeunes plus
diplômés alors même que ces derniers ne jouissaient pas d’une reconnaissance à la hauteur de
leurs efforts de la part des responsables.
Dans un premier chapitre que nous avons intitulé « la force de travail dans les banques en
Tunisie et en Allemagne » nous avons cherché à introduire le sujet qui s’insère dans le cadre
de la sociologie du travail, et ce notamment en mettant en évidence le changement de contexte
et le rôle des acteurs.
Ainsi, nous démontrons le passage d’une économie fermée à une économie ouverte avec une
concurrence globale et une recherche effrénée par les banques d’une meilleure productivité à
travers le développement d’activités commerciales et d’un réseau d’exploitation.
Ce nouveau contexte oblige les banques à se moderniser et à revoir leur organisation interne
notamment en termes de poste de travail et de qualification des salariés, voire donc de
332
Boltanski Luc et Chiapello Eve, « Le nouvel esprit du capitalisme », nrf essais, Ed Gallimard, 1999.
484
transmission intergénérationnelle des connaissances, étant donné le risque de perte de savoir
faire encourue.
Nous avons ainsi présenté les deux secteurs bancaires (tunisien et allemand) à travers la
population active employée (en produisant une description globale de l’emploi bancaire), et
leurs différentes particularités respectives.
Il nous est alors paru nécessaire d’aborder la question de l’emploi des jeunes au niveau du
secteur bancaire tunisien et allemand pour approfondir l’épineuse question des rapports
professionnels et intergénérationnels qui découlent d’une exigence d’élévation du niveau des
nouveaux recrutés en rapport avec cette modernisation et l’abondance de nouvelles tâches de
plus en plus complexes pour les seniors.
Tout ceci nous a conduits à nous intéresser à la gestion des âges au sein des banques tout en
dressant préalablement un historique des banques respectives (allemande et tunisienne) mais
en mettant bien en exergue le rôle important que jouent les seniors dans ce passage de relai
des connaissances clés en rapport avec l’expérience professionnelle sur le terrain.
Les seniors sont alors censés former des jeunes recruté à travers le marché externe du fait de
l’entrouverture du marché interne des banques par choix des responsables et décisions
politiques, d’où un possible conflit de génération et une impasse en matière de formation sur
le tas et transmission intergénérationnelle des connaissances.
En Allemagne également nous assistons à une incursion de jeunes issus des bancs de la
faculté au niveau des banques allemandes remettant en cause selon certains auteurs le système
de la formation duale mais également l’équilibre des rapports professionnels de coopération
entre les deux générations (seniors et jeunes), sur la base d’une différence de qualification.
En effet, aussi bien pour les banques tunisiennes que pour les banques allemandes l’élévation
du niveau en termes de qualification requise par les responsables pour occuper les nouveaux
postes de travail crée un fossé entre les seniors et les jeunes. Ces derniers étant qualifiés par
leurs diplômes alors que les premiers sont qualifiés par leur expérience professionnelle.
485
Tout ceci intervenant dans un contexte changeant et avec une contrainte de renouvellement
des générations.
Dans ce cadre la formation n’a pas vocation à améliorer une qualification des salariés mais
beaucoup plus à permettre une adaptation, voire à jouer l’effet d’une récompense pour
certains autres.
Pour mettre en évidence le comportement des employeurs dans les deux types de contexte
nous avons eu recours aux travaux de Christine Bruniaux, et à d’autres sources d’information
étant donné que pour la partie allemande nous n’avons pas eu l’accord pour pouvoir effectuer
notre enquête de terrain, les données recueillies étant donc issues d’une base documentaire.
Toutefois, le travail de comparaison a été pour nous, comme pour elle difficile à effectuer du
fait de la comparaison de pratiques et rapports de travail relatifs à des populations de deux
cultures différentes, et de continents différents (Europe/Afrique du Nord), avec pour seul
dénominateur commun le fait d’exercer un emploi au sein de la banque.
Après avoir cherché à faire ressortir dans ce chapitre les aspects les plus importants des
secteurs bancaires tunisien et allemand, nous avons pu constater l’importance accordée aux
diplômes en tant que simple ticket d’entrée ne permettant pas ou plus de piloter sa carrière.
Aussi pour mesurer encore plus l’importance de la formation interne et la transmission des
connaissances au sein des deux banques aussi bien pour les salariés que pour les employeurs,
nous avons présenté dans un deuxième chapitre « le système de formation bancaire en Tunisie
et en Allemagne ».
Nous avons pu y explorer les spécificités nationales, avec une analyse des interactions
permettant de décrire les comportements des employeurs et des salariés tout en remarquant
que les nouveaux modes de formation ne sont pas exclusifs des anciens, étant donné que la
formation sur le tas continue à avoir lieu surtout pour les connaissances tacites.
Cependant, elle ne concerne plus la même population, étant donné que les jeunes recrutés sont
plus diplômées que leurs aînés, souvent peu diplômés, mais qui ont la charge d’assurer la
transmission des connaissances.
Ces formations basées sur des connaissances explicites sont facilement formalisées et
codifiables et répondent rarement aux besoins des jeunes recrutés sur le terrain à la différence
des connaissances clés détenues par les seniors, même si la plupart des nouvelles formations
offertes sont à coloration commerciale et visent à créer de nouveaux corps de métiers tels les
chargés de clientèle, des futurs chefs d’agence ou encore des futur cadres d’exploitation.
En Allemagne les jeunes banquiers peuvent après leur formation et plusieurs années
d’expérience avoir une évolution de carrière qui peut les propulser en tant qu’employés
supérieurs, la notion de cadre n’existant pas dans ce pays à la différence du système tunisien
(qui s’inspire du système français) qui intègre de plus en plus des diplômés dotés d’un
troisième cycle après le bac (bac + 6) qui accèdent plus facilement à des postes élevés sans
avoir pour autant une grande expérience, ni même une grande ancienneté.
De fait au niveau de cette dernière c’est un management par la peur qui est pratiqué par les
supérieurs hiérarchiques envers leurs subalternes au moyen d’une autorité plus forte qui laisse
transparaitre une domination respective des premiers sur les seconds ce qui a pour effet de
compromettre la transmission intergénérationnelle des connaissances.
En effet, les seniors en tant que dépositaires de ces connaissances clés et ayant à charge
d’effectuer la transmission intergénérationnelle de ces connaissances sont discriminés et
marginalisés par les employeurs à plus d’un égard (formation professionnelle, promotion,
487
conditions de travail, division des tâches selon des principes qui rappellent Taylor, etc…) et
ne souhaitent pas s’acquitter de leur tâche sans une reconnaissance équitable en rapport avec
les efforts dévolues durant des années au service de la banque.
Au sein de la BMTP, ce management archaïque qui s’appuie sur un pouvoir hiérarchique fort
qui veut imposer cette transmission intergénérationnelle des connaissances dans le cadre
d’une forte autorité manifestée par une structure hiérarchique basée sur le respect de la
discipline, la soumission et l’obéissance ne permet pas de jeter les bases d’une coopération
saine des seniors envers les jeunes.
Ceci est d’autant plus vrai que les jeunes nouveaux recrutés sont plus appréciés par les
employeurs que les seniors, moins employables et dont les connaissances sont qualifiées
d’obsolètes car non entretenues.
Les employeurs de la BMTP recherchent par ces changements et la remise en cause des
différents acquis à renégocier le rapport au travail sous un angle dominant/dominé, soit un
rapport inégal et en sa faveur.
Ce dernier n’est que le reflet d’un affrontement entre les anciens et/ou seniors, plutôt qualifiés
par leur expérience et les nouvelles recrues plutôt qualifiées par leurs parcours scolaire ou
universitaire préalable à l’embauche.
Ils précisent même que la différence entre le passé et le présent au sein de la banque réside
dans le fait de l’éclatement de la communauté, du collectif de travail, par la mise en place
d’un système de compétition interne entre jeunes et anciens, avec volonté de fidélisation des
derniers arrivés.
488
Même si ces derniers reconnaissent que cela ne correspond pas forcément aux vœux de la
direction générale de la banque, c'est-à-dire des employeurs et supérieurs hiérarchiques. Ils se
considèrent même en quelque sorte comme détenteurs de « la vérité révélée ».
Dans ce chapitre il a également été question d’étudier les spécificités nationales dans le cadre
précis de la formation interne et de la transmission intergénérationnelle des connaissances,
avec une analyse des interactions permettant de décrire les comportements des employeurs et
des salariés.
Aussi, nous avons pu à travers ce chapitre donner un aperçu du système de formation qui a
cours au niveau des banques tunisiennes et allemandes.
Nous avons également présenté le régime des études et formations internes existantes tout en
comparant entre les anciennes caractéristiques générales qui intègrent les façons de faire dont
les aînés ont pu profiter et les nouvelles pratiques à destination des jeunes nouvelles recrues
diplômés.
Mais nous avons aussi pu constater qu’il existe une évolution notable des modes de formation
couplée d’une prise de conscience progressive de l’importance de la transmission
intergénérationnelle des connaissances assimilées à une formation sur le tas qui inclut des
savoirs et connaissances difficilement codifiables.
Ces connaissances sont en grande partie basées sur l’expérience du terrain qui ne se transmet
pas selon des voies conventionnelles et normées mais plutôt selon le bon vouloir des seniors
et d’autres variables principalement subjectives.
Aussi, même si les employeurs mettent en œuvre une nouvelle conception de la formation, à
savoir une formation par métier qui se base principalement sur des modules et des
connaissances explicites, il demeure que les connaissances implicites et tacites qui pourraient
à terme permettre une codification du cœur du métier bancaire risque de disparaître avec le
départ à la retraite des seniors.
489
Cette problématique des banques tunisiennes est à mettre en rapport avec celle des banques
allemandes et notamment à travers une comparaison des modes de formation et de
transmission intergénérationnels respectifs.
C’est dans ce cadre que nous avons établi ici un diagnostic du système de formation de la
banque publique tunisienne et des banques allemandes même si nous n’avons pas pu mener
une observation directe et participative dans un établissement bancaire allemand en raison
d’un cloisonnement fort inhérent à la crise financière récente.
Par ailleurs, nous avons pu également, dans le cadre de l’observation directe et participante in
situ, mettre en évidence que la transmission intergénérationnelle des connaissances peut être
freinée par plusieurs éléments aléatoires dont nous approfondirons l’étude avec une
modélisation à la clé plus loin.
Au titre des changements internes opérés nous pouvons citer l’introduction par les employeurs
de l’ « individualisation des performances » qui a pour but de casser les solidarités en divisant
davantage les salariés et en renforçant la concurrence interne entre les uns et les autres.
Ainsi, il est devenu intéressant à ce niveau et dans le cadre de notre étude qualitative d’étudier
dans un troisième chapitre la transmission intergénérationnelle des connaissances à partir des
réponses obtenues lors des interviews établies en interne auprès de plusieurs salariés, sur la
base du guide d’entretien (que nous joignons en annexe 4) et l’observation directe et
participative que nous avons mené.
Il existe au sein de la BMTP et après le recrutement toute une voie pour s’intégrer au sein de
la banque, à commencer par la formation interne.
De facto, pour la plupart des jeunes diplômés ou non une formation est exigée avant la prise
de son poste de travail ainsi que la titularisation qui s’en suit.
Les parcours des jeunes nouveaux recrutés n’est pas homogène, il peut varier selon le niveau
académique qui délivre la position sur la pyramide hiérarchique (avec un niveau de salaire) et
selon l’affectation qui leur a été fixée par les employeurs lors de l’entretien d’embauche.
Au niveau de la BMTP, les employeurs accordent plus de poids à la formation sur le tas,
qu’au bagage académique jugé trop théorique mais ne reconnaissent pas ceux qui détiennent
les connaissances clés censées en former le contenu à leur juste valeur.
490
Beaucoup de jeunes salariés diplômés, éprouvent à cet effet une large déception avec le
ressenti d’une certaine « revanche sociale » à leur égard dans un climat social tendu et chargé
de suspicion.
Mais nous nous attachons également à en mesurer la mise en pratique à travers la formation et
le rôle des différents protagonistes.
C’est en ce sens que nous mettons en évidence une dimension calculatrice par rapport à la
transmission intergénérationnelle des connaissances du fait de l’introduction d’une nouvelle
culture interne inhérente à des choix managériaux et une montée du libéralisme économique
annonciatrice d’une orientation capitaliste dont l’introduction de l’« individualisation des
performances », et la remise en cause de plusieurs acquis peuvent en être des éléments
probants.
Par ailleurs, il existe au sein de la BMTP une organisation arbitraire des services selon
l’importance accordée par les responsables et leur stigmatisation selon qu’ils sont classés en
tant que centre de coût ou centre de profit d’où une autre source de discrimination et de
cloisonnement pour ceux qui y sont affectés.
Mais, nous avons pu également constater une valorisation plus importante des structures de
contrôle au dépend des structures opérationnelles et de soutien, comme la formation, la GRH,
etc…
Ceci à tendance à diffuser en interne « une culture du contrôle » que l’on retrouve au travers
d’une utilisation répandue d’instructions, d’ordres et plus généralement de l’autorité.
Il existe par voie de conséquence et en interne un climat de méfiance, et de suspicion entre les
uns et les autres qui entravent davantage le partage et la transmission intergénérationnelle des
connaissances.
491
Par ailleurs, beaucoup de témoignages recueillis auprès des salariés confirment l’existence
d’un flou quant aux normes relatives au recrutement, à l’affectation et la nomination du
personnel.
Aussi, plusieurs salariés n’ont plus de visibilité claire à terme et ne peuvent plus se projeter
dans l’avenir, étant donné que leur perspectives de carrière et de sécurité de l’emploi qui
étaient régies par des textes (convention collective et avenants) sont de plus en plus remises
en cause, et renégociées en faveur de l’employeur.
Pour une meilleure clarté des résultats nous avons produit un tableau comparatif entre la
formation dans le secteur bancaire allemand et le secteur bancaire tunisien avec
l’établissement d’une synthèse, et une analyse réalisée à partir d’une base documentaire.
De plus nous avons pu mettre en exergue pour le cas tunisien que l’enseignement universitaire
ne répondait pas aux exigences de l’emploi bancaire et que les autorités et les responsables
bancaires se sont attelés à essayer de corriger cet écart, notamment en incluant des formations
en finance bancaire au niveau de plusieurs établissements universitaires.
En revanche, nous avons pu constater pour le cas allemand que la passerelle entre
l’enseignement et l’emploi a été organisée depuis longtemps333.
Par ailleurs, suite à la comparaison que nous avons effectuée dans le tableau ci-dessus, entre
le système d’enseignement et de formation tunisien et allemand, il ressort que le système
allemand assimile beaucoup plus tôt les jeunes dans le monde du travail, que ne le fait le
système tunisien qui s’inspire du modèle français.
333
Comme le souligne Diane-Gabrielle Tremblay et Irène Le Bot « le marché des places d’apprentissage en Allemagne
fonctionne comme un maillon du marché du travail en assumant une présélection de la main-d’œuvre ultérieure ».
492
D’après ce modèle, ce n’est qu’une fois achevé les études que les jeunes pouvaient envisager
un avenir au sein d’une entreprise comme la banque, du fait des modes de recrutement qui
participent à une élévation du niveau de qualification universitaire pour répondre à des
exigences professionnelles concernant les tâches à effectuer qui sont de plus en plus
complexes.
Ceci, contraste avec les premières années d’activité des banques tunisiennes où il n’était pas
requis de disposer de grandes qualifications étant donné que la formation interne sur le tas
allait égaliser entre les uns et les autres.
Toutefois, si nous avons pu établir les retombées du modèle français sur le système tunisien,
celles inhérentes au modèle allemand demeurent encore floues pour les salariés et les
employeurs.
En effet, cette dernière préconise une intégration des jeunes dans des phases d’apprentissage
selon le domaine d’activité choisi bien plus tôt que la Tunisie et ce, « grâce à la mise en place
depuis les années 70-80 d’un système éducatif conçu à la base pour faire en sorte qu’il existe
une bonne adéquation entre l’offre et la demande d’emploi sur le marché du travail ».
Cette orientation à la source des jeunes est très particulière en Allemagne, et porte ses fruits
étant donné que les jeunes intègrent le métier et la phase d’apprentissage sur le terrain bien
plus tôt que leurs homologues tunisiens qui ne disposent que d’une formation générale qu’ils
auront la charge d’adapter avec les exigences requises sur le terrain.
Toutefois, et comme nous l’avons vu les évolutions de carrière peuvent être différentes entre
les deux populations, étant donné que la prise en charge d’un poste de chargé de crédit est
493
plus lente en Allemagne qu’en Tunisie, car la prise en compte de la formation initiale entre
également en compte334.
Les employeurs n’hésitent pas à souscrire au mode de « formation sur le tas » dont ils ont
bénéficié lors de leur parcours et qu’ils valorisent du fait de son efficacité en faisant jouer une
obligation morale à l’égard des seniors pour qu’ils transmettent leurs connaissances aux
jeunes recrues, sans les éléments propres à la culture socioprofessionnelle interne à la banque.
Or, le contexte a changé, étant donné qu’une adaptation de la « BMTP » et de ses salariés à
l’orientation choisie par les employeurs sous la pression des autorités de tutelle et des
bailleurs de fond d’aller vers une économie de marché s’impose amplement notamment à
travers l’obligation de modernisation et l’introduction d’une nouvelle culture interne qui vise
à casser les solidarités internes tout en développant un système de réseau d’affinités.
Les critères objectifs pour accéder à une formation voire même une promotion sont rares et le
flou, ainsi que l’aléatoire interviennent de plus en plus en tant que norme interne.
334
Ainsi, si nous effectuons une comparaison par rapport à la prise en charge d’un poste de crédit comme nous l’avons
entrepris plus haut, lorsque nous avons énoncé les travaux de Swen Hildebrandt et Sigrid Quack, nous pouvons remarquer, à
l’image de la transmission intergénérationnelle des connaissances, que cette prise en charge est dépendante de plusieurs
variables subjectives que nous pourrons étudier dans le chapitre 4.
Ces dernières agissent en tant qu’entrave à la réussite du système de formation duale ou en alternance comme nous l’avons
énoncé plus haut.
En revanche, en Allemagne la prise d’un poste est beaucoup plus lente, elle est fonction d’un niveau objectif de
connaissances et de pratiques requises sur le terrain, en rapport avec la formation initiale.
494
Ainsi, même si ces dernières se sont adaptées en termes d’améliorations de leur rentabilité,
elles ont négligé des aspects relationnels, notamment en abandonnant des techniques qui
peuvent jouer sur la motivation des salariés de la banque.
Or, dans le cadre de la comparaison internationale avec l’Allemagne nous avons pu voire que
la polyvalence et la mobilité font leur apparition au sein de la « BMTP » mais sans entrer dans
le cadre d’une politique structurelle d’amélioration des compétences et des qualifications des
salariés, mais plutôt en tant que sanction et de mesure disciplinaire pour certains salariés
(mutés d’office, souvent en raison d’une incompatibilité d’humeur).
D’où un écart avec le modèle dual allemand, censé développer l’autonomie des salariés et
conférer une meilleure professionnalisation qui se mesure par la maîtrise d’un processus
complet et qui permet également d’unifier les équipes et non d’une simple tâche à effectuer
dans un cadre de concurrence interne caractérisé par des divisions et une suspicion entre les
uns et les autres.
Ainsi, c’est tous les facteurs ou techniques335 permettant de faciliter cette transmission qui se
trouvent touchés et l’un des plus important d’entre eux qui intervient dans cette phase de
transmission des connaissances à destination des jeunes recrues est la motivation des seniors.
Après avoir passé en revue les réponses aux questions administrées à partir du guide
d’entretien, et notre phase d’observation directe et participative, nous avons analysé dans un
chapitre 4 les résultats issus des commentaires et témoignages inhérents à la phase
d’observation directe et participante au sein de la banque.
Ceci a été réalisé à travers la mise en place d’une modélisation qui s’est basée sur la mise en
évidence des principales variables agissantes sur la transmission intergénérationnelle des
connaissances au sein de la banque.
335
Parmi ces techniques nous pouvons compter, comme le mentionne Jacques Igalens dans ses écrits, « le bilan des
compétences » et « la gestion des carrières », qui sont absentes dans le cas de la « BMTP », laissant la place à des
modes relationnels privilégiant un système de réseau avec des modes d’influence aussi bien externes qu’internes.
495
Dans ce chapitre, nous avons pu faire ressortir une synthèse des principales variables et
facteurs qui agissent dans le cadre de la transmission intergénérationnelle des connaissances
des seniors envers les jeunes au sein de la « BMTP », ce qui nous a permis de mettre en place
une modélisation qui a le mérite de pouvoir clarifier les interrelations des différentes
variables.
Mais, nous avons également produit un model relatif au sens de cette transmission qui se veut
être en majorité d’ordre unilatéral, des seniors envers les jeunes.
Ces deux modélisations ont été précédées par une comparaison entre les deux systèmes de
formation bancaire Allemand et Tunisien en rapport à la transmission intergénérationnelle des
connaissances.
Toutefois, des limites et des contraintes se sont greffées sur ce travail comme celle ayant
restreint la phase de comparaison internationale notamment le volet allemand qui a été réalisé
non sans difficultés sur une base documentaire à partir de rapports, d’études spécialisées, et
d’articles et ouvrages, étant donné l’impossibilité d’effectuer un stage « in situ » auprès des
banques allemandes, du fait de la conjoncture de crise financière internationale et malgré des
demandes en bonne et due forme.
Par ailleurs, dans ce chapitre, nous avons pu compléter l’identification des variables et
facteurs influençant la transmission intergénérationnelle des connaissances tout en mesurant
leur étendue et leur portée.
Nous pouvons citer les plus importantes, à savoir : « la variable contextuelle », les « valeurs
sociales d’égalité », « de confiance », « de dignité », mais aussi « l’appartenance à un réseau
socioprofessionnel », et « la notion de flou ».
La dernière variable est très répandue et contribue à installer un climat de tension et de stress
permanent, étant donné qu’elle favorise l’incertitude et l’instabilité, qui entrave la
transmission intergénérationnelle des connaissances et rend difficile l’établissement de
projections.
336
Présentées par l’auteur pour le cas de plusieurs entreprises tunisiennes, aussi bien industrielles que de service.
496
Plusieurs autres variables inhérentes à « l’attitude des seniors », qui est intimement liée à
« l’attitude des jeunes », peuvent également jouer un rôle important.
En effet, l’attitude des seniors est dépendante de leur motivation, ainsi que de leur perception
des jeunes et de leur rapport de soumission vis-à-vis de la hiérarchie.
En revanche, l’attitude des jeunes est dépendante d’un manque inhérent au « pouvoir de
faire » de ces derniers, mais aussi de leur propre motivation, de la perception qu’ils ont des
aînés et de leur propre soumission par rapport à la hiérarchie.
Il est important de noter que la culture acquise antérieurement et les situations de travail
actuelles, ainsi que les rapports de pouvoirs jouent également un rôle non négligeable.
C’est dans ce cadre que le jeu des acteurs, comme les conflits (conflits de génération, conflits
de pouvoir, etc) imposant une tension interne et des rapports de domination des uns par les
autres, sont mis en exergue.
De plus, d’autres éléments exogènes et endogènes influent également sur cette transmission
intergénérationnelle des connaissances.
Concernant les premiers, c’est le fait de remarquer que la gestion des carrières et/ou
l’attribution de postes fonctionnels à certains salariés, ainsi que leur progression interne en
termes de promotion, est pour beaucoup dépendante d’un système d’influence inhérent à des
réseaux externes de personnes influentes.
Pour ce qui est des seconds, il s’agit aussi d’un phénomène d’influence, mais strictement en
interne, c'est-à-dire dépendant de la constitution d’un réseau interne à la banque, regroupant
des personnes influentes par rapport à la direction générale.
Un autre élément de taille qui influe également de manière importante sur cette transmission
intergénérationnelle est parti prenante de la stratégie interne de la banque, directement fixée
par le premier responsable de la « BMTP » et qui est en rapport avec l’ « excès de centralité
du pouvoir » et/ou de paternalisme, entre les mains exclusives du seul premier responsable (le
PDG de la banque).
497
Ce dernier élément contribue comme l’énonce Toupin au « tassement de l’imaginaire » des
salariés, et affecte ainsi leur sentiment de fierté personnelle et leur motivation à communiquer
et partager, voire transférer et échanger leurs connaissances.
Elle reste fortement entachée de la relation d’interface et de motivation, aussi bien des seniors
que des jeunes, et du jeu d’acteur entre ces deux protagonistes finaux même si elle a évolué
dans un contexte global de bureaucratie népotique et d’absence de méritocratie qui n’est pas
propre à la banque.
En effet, nous pouvons retrouver cette absence de méritocratie dans d’autres structures
comme nous l’ont démontré Michael Béchir Ayari et Eric Gobe337 notamment lorsqu’ils
retranscrivent les différentes facteurs intervenants et permettant selon l’attitude adoptée par
les cadres supérieurs de la fonction publique une ascension sociale et professionnelle ou au
contraire un maintien dans la position d’origine338.
Ainsi et pour conclure nous pouvons affirmer que ces résultats nous ont permis de mettre en
évidence qu’il n’existe pas ou peu de transmission intergénérationnelle des connaissances au
sein de la « BMTP » et qu’il y a plusieurs facteurs et variables agissantes qui sont responsable
de cet état de fait.
337
Ayari Michael Béchir, Gobe Eric, Les cadres supérieurs de la fonction publique tunisienne : Réalité d’une condition
socioprofessionnelle, in Cahiers du Gdr Cadres, n°8, novembre 2004
338
Les deux auteurs mettent ainsi en premier la reconnaissance de l’appareil politico-administratif, avec l’intégration à la
logique de cet appareil, qui passe par l’adoption d’une consonance cognitive avec les supérieurs et le développement de
stratégies d’ascension. D’où une vision positive du rôle et de la carrière en adéquation avec l’administration. Ils développent
ensuite la deuxième voie à savoir le refus de la logique de l’appareil politico-administratif et montrent que ce refus est lié à
un conflit de légitimité qui développe un sentiment d’ascension bloqué, en lien avec la critique de l’appareil politico-
administratif. Il s’en suit un désinvestissement dans les stratégies de carrière et une vision technocratique, légal rationnel du
rôle et de la carrière dans l’administration.
498
Dans les banques allemandes, en revanche l’existence d’un syndicat fort vient en appui de la
politique de la formation instaurée en interne qui s’appuie sur le modèle dual de formation en
alternance, dont l’Allemagne est pionnière tout secteur d’activité confondus (les salariés
allemands sont même considérés parmi les mieux payé dans les milieux professionnels).
Par ailleurs, il serait pertinent selon nous d’effectuer une observation directe et participante
dans plusieurs établissements bancaires tunisiens et allemands afin d’avoir une approche
exhaustive qui intègre les différentes approches en tenant compte des différentes expériences.
Il reste désormais à s’interroger sur la possibilité de l’existence de tels contextes dans les
banques publiques tunisiennes, étant donné l’expérience présentée de la « BMTP » et du
499
mode d’action des employeurs, de concert avec les salariés, pour favoriser cette transmission
devenue indispensable pour pouvoir assurer la pérennité de l’activité bancaire, au niveau de
chaque banque, voire au niveau du secteur bancaire pris dans sa globalité.
Ainsi, et comme l’affirment Maurice M, Sellier F, Sylvestre J-J339, « plus les statuts
(catégories) et les rôles (définition de tâches) seront étroitement définis et délimités, moins le
travailleur aura de possibilités d’utiliser sa capacité professionnelle et de la développer, et
plus il tendra à limiter sa coopération avec les autres travailleurs au minimum nécessaire à
l’accomplissement des tâches prescrites ».
Toutefois, nous avons pu remarquer, d’après la phase empirique et les témoignages recueillis,
qu’une hypothèse plus lourde d’« anomie »341, serait à étudier dans le cadre de ces futurs
travaux, tout autant que la question du genre que nous avons abordé en introduction.
Nous pensons même qu’il serait fécond d’étudier cette question dans de prochains travaux,
étant donné que les acquis que la femme tunisienne a pu tirer du code du statut personnel
institué par H Bourguiba au lendemain de l’indépendance peuvent être soit maintenus,
améliorés ou dans le pire des cas supprimés.
Il serait alors intéressant d’enrichir cette question, voire de lever le voile sur la question du
genre et le rôle à jouer des femmes au sein de l’entreprise comme dans la société civile.
Yousfi Hela342 indique que « le discours maghrébin est pétri de références à la considération,
au respect, à la dignité de la personne ». Cette référence à « l’honneur » qui rappelle les
339
Maurice M, Sellier F, Sylvestre J-J, Politique d’éducation et d’organisation industrielle en France et en
Allemagne, Essai d’analyse sociétale, Presses Universitaires de France, 1982, p263-269.
340
Lallement Michel, Le travail, une sociologie contemporaine, Editions Gallimard 2007, Folio essais, inédit,
p143.
341
C’est-à-dire d’un état du social durablement dégradé et disposant de ses propres lois de reproduction, énoncée
par Marc Hualde.
342
Hela Yousfi, « Sur le même chantier », Projet, Mixité, Egalité et identité, Editeur C.E.R.A.S, n°287, 2005/4.
500
travaux de P D’Iribarne343 est présente dans tout l’univers méditerranéen, mais elle se décline
de manière particulière dans les différentes régions.
Il souligne que l’expression des sentiments affectueux se présente comme une manière de
dépasser symboliquement l’inégalité liée à un statut de subordination, ce qui rappelle l’école
des Relations Humaines et l’expérience Heathrow d’Elton Mayo.
P D’Iribarne affirme également qu’il a retrouvé « le même type de situations dans des
entreprises situés dans des pays très divers : Mexique, Maroc, Argentine (Iribarne, 2003) ;
Tunisie (Yousfi, 2005) », en précisant que « ces entreprises se sont appuyées sur une
réinterprétation moderne de formes traditionnelles de coopération, présentes dans la société
mais habituellement absentes du monde des entreprises ».
Prenant en compte les phénomènes culturels propre à chaque pays, et mettant en exergue le
fait qu’il n’existe pas de recette universelle, il conclut en affirmant qu’ « il existe dans chacun
des pays concernés des formes locales de coopération, susceptibles d’être mobilisées par les
entreprises à condition de faire appel à un mangement approprié, compatible avec un bon
niveau d’efficacité ».
Selon lui, les sciences sociales « ont développé des représentations qui, tout en continuant à
associer la notion de culture à celle de représentations qui fondent des conduites, ont mis
l’accent sur le rôle des acteurs dans la production de ces représentations ». Pour lui cela a
permis d’une part « de concilier l’idée de culture propre aux communautés
(gemeinschaft)344 avec l’image de la « société » (geselleschaft) », mais également et d’autre
part « de voir les acteurs comme maîtres de leur destin ».
La révolution tunisienne en est un bel exemple reste à parier sur un changement à attendre au
niveau des entreprises et au sein des banques plus particulièrement notamment à travers la
mise en place d’une méritocratie selon des critères objectifs et la redécouverte d’une fibre
patriotique.
343
D’Iribarne Philippe., Culture et développement : les questions de management. Communication à la 5iéme
conférence AFD/EUDN, 5 décembre 2007.
344
Die gemeinschaft étant basée sur l’idée d’imposition, alors que die geselleschaft est basée sur la libre
association, libre association d’individus attachés à leurs intérêts et maîtres de leurs valeurs (Tönnies, 1887 ;
Weber, 1922).
501
Ceci permettrait sans aucun doute et d’une manière intuitive de développer la transmission
intergénérationnelle des connaissances et de solidariser les différentes générations et
catégories socioprofessionnelles de salariés.
Le financement des entreprises a également de beaux jours devant lui, étant donné que les
autorités financières et notamment le gouverneur de la banque centrale de Tunisie vient de
changer les méthodes et relations de travail allant vers plus de transparence et d’objectivité.
502
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Documents de terrain, Sources, et Glossaire
Documents de terrain et sources
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1995.
• Actes des journées d’études sur la réforme de la formation bancaire maghrébine
• APBT, rapports annuels de 1976 à ce jour
• BMTP, rapports annuels depuis la création à ce jour
• Catalogue des emplois agences de la BMTP
• Circulaire d’organisation de la direction formation de la BMTP
• Circulaire de formation pour l’accession au grade de rédacteur 3ième classe.
• Circulaire de la BMTP relative à la création de la direction du contrôle de la conformité
• Circulaires relatives à la candidature au concours d’entrée en première année de l’ITB
• Colloque de la DARES, « Âge et emploi », du 05 Mars 2003, Paris, Ministère des affaires
sociales, du travail et de la solidarité
• Convention collective cadre telle que modifiée par les avenants n°1 et 2 signés le 17
Novembre 1984 et le 15 octobre 1992 entre l’UGTT et l’UTICA.
• Convention collective des banques et établissements financiers de 1982
• Décret n°2003-1541 du 2 Juillet 2003, inscrit au JORT de la même année fixant les conditions
d’attribution et de retrait des emplois fonctionnels à la « BMTP ».
• Deutsche Bundesbank, « Die Ertragslage der deutschen Kreditinstitute », Rapport mensuel,
septembre 2006
• Document APBT du 03 Mai 1994 relatif aux actes des Journées d’études sur la réforme de la
formation bancaire Maghrébine organisées par l’APBT à Tunis, les 25 et 26 Mai 1993
• Document du Bundesministerium für Bildung, Wissenschaft, Forschung und Technologie
(1994).
• Document sur la commission modernisation du système bancaire (projet de rapport), mars
1997
• Document sur les perspectives économiques en Afrique 2005-2006,
• Enquête sur le système de formation bancaire, in rapport annuel de l’APBT de 1976.
• Etude du Conseil national de crédit, 1989 ;
• Fiche d’appréciation annuelle de Cadre de direction pour l’avancement avec critères
d’appréciation
• Fiche d’évaluation de participation à une action de formation externe
• Les 13 numéros du Journal interne de la « BMTP ».
• Loi cadre des ressources humaines de la « BMTP », exercice 1997-1999.
• Loi d’orientation de la formation professionnelle
• Loi N°2001-65 du 10 Juillet 2001 relative aux établissements de crédit.
• Loi N°67-51 du 7 Décembre 1967 réglementant la profession bancaire telle que modifiée et
complétée par la loi N°75-12 du 26 Février 1975.
• Loi n°93-10 du 17 Février 1993 portant loi d’orientation de la formation professionnelle
• Note d’orientation du 11ième plan et de la décennie 2007-2016, mars 2006
• Note d’orientation du XI plan et de la décennie 2007-2016, Mars 2006.
• Notes de services DGRH, N° 2009/198
• Organigramme schématique de la BMTP
• Plaquette du 20ième, du 40ième et du 50ième anniversaire de la BMTP.
• Premier plan quinquennal de la direction de la Formation de la BMTP, Décembre 1992
• Programme de mise à niveau du ministère de l’industrie.
513
• Programme définitif de la 3ième session de l’Université d’été pour le secteur bancaire sur le
thème :
• Projet de loi cadre des ressources humaines de la BMTP pour les exercices 1997-1999
• Projet de modification des statuts de l’Association Professionnelle des banques de Tunisie,
septembre 2001.
• Rapport annuel de l’APBT de 1976.
• Rapport annuel de l’APTBEF au 31 Décembre 2007.
• Rapport du Commissariat au plan de 2002 p35, « la France dans l’économie du savoir »
précise les dépenses des pays de l’OCDE consacrées à l’éducation et la formation, à
l’innovation ainsi qu’à l’équipement et aux services dans les technologies de l’information et
de la communication »
• Rapports nationaux élaborés dans le cadre d’EDEX-WP3
• référence Tunisie BAfD/OCDE 2005, site www.oecd.org
• Référentiel des emplois et des compétences « BMTP », Projet MEDA, « Amélioration de la
compétitivité, renforcement du secteur financier, septembre 2003
• Règlement général des études du centre professionnel de formation bancaire, mai 2006
• Règlement général du concours d’accès aux cycles de formation du centre professionnel de
formation bancaire, mai 2001.
• Statistiques des effectifs de la « BMTP »
• Statuts de la BMTP
Glossaire
Sigles de la BMTP
• Cadre : Personnel de direction ayant le grade allant de Fondé de Pouvoirs au grade de
Directeur.
• CFI : Centre de formation intégré de la banque
• Chef de département : personnel de direction ayant la responsabilité d’une direction
• Chef de division : personnel de direction ayant la responsabilité d’une division, premier niveau
de responsabilité
• Directeur central : personnel de direction ayant la responsabilité d’une direction centrale,
entité qui couvre plusieurs directions et plusieurs divisions.
• Directeur : Dernier grade au niveau de la catégorie personnel de direction de la convention
collective des établissements financiers
• FCA : Formation futur chef d’agence
• FCE : Formation futur cadre d’exploitation
• Huissier : Coursier dans le jargon de la banque
• R : Statut correspondant au grade de rédacteur, grade appartenant à la catégorie personnel
d’encadrement allant jusqu’au grade de chef de service principal.
• RP : Grade de rédacteur principal, statut correspondant au 2ième grade du personnel
d’encadrement de la banque
514
• Autorités de tutelles : Principalement le Ministère des Finances, mais aussi la Banque
Centrale, le premier ministère et la cour des comptes.
• Autres membres : Les établissements financiers, les banques offshores (NAIB, BEST
BANK), les banques d’affaires (BAT) et les sociétés de recouvrement.
• B1 : Année Probatoire du cycle moyen de formation bancaire
• B2 : Première année du cycle moyen de formation bancaire
• B3 : Deuxième année du cycle moyen de formation bancaire
• B4 : troisième année du cycle moyen de formation bancaire
• Bailleurs de Fonds : Essentiellement la Banque Mondiale et le FMI mais également la BEI
(Banque européenne d’Investissement, la BAD (Banque Africaine de Développement) et
d’autres structures comme la KFW (banque allemande), etc
• Banques Mixtes : BTK, TQB, BTE, BTL, STUSID BANK
• BAT : Banque d’Affaire de Tunisie
• BCT : Banque centrale de Tunisie
• BEST BANK : Banque Islamique
• BFT : Banque Franco-tunisienne
• BIAT : Banque Internationale et Arabe de Tunisie
• BNA : Banque Nationale Agricole
• BS : Banque du Sud, aujourd’hui devenue « Ettijari Wafa Bank »
• BT : Banque de Tunisie
• BTE : Banque Tunisienne des Emirats
• BTK : Banque Tuniso-Koweitienne
• BTL : Banque Tuniso- Libyenne
• CFB : Certificat de formation bancaire du cycle élémentaire
• CFCT : Crédit Foncier et Commercial de Tunisie, devenu aujourd’hui « AMEN Bank »
• CFP : Centre de Formation professionnel
• CFPB : Centre de la formation professionnelle bancaire
• DESB : Diplôme d’études supérieures de banque, propre au cycle supérieur
• DFB : Diplôme de formation bancaire du cycle moyen
• Fond 21-21 : Fond national pour l’emploi
• Fond 26-26 : Fond de Solidarité Nationale
• GRH : Gestion des Ressources Humaines
• ITB : Institut Technique de Banque
• ITB1 : Premier année du cycle supérieur de formation bancaire
• ITB2 : Deuxième année du cycle supérieur de formation bancaire
• JORT : Journal Officiel de la République Tunisienne
• MFPE : Ministère de la Formation Professionnelle et de l’Emploi
• NAIB: North Africa International Bank
• STB : Société Tunisienne de Banque
• STUSID BANK : Banque Tuniso saoudienne d’investissement et de développement
• TQB : Tunisian Quatari Bank
• UBCI : Union Bancaire pour le commerce et l’Industrie
• UGTT : Union Générale des Travailleurs Tunisiens
• UIB : Union Internationale de Banque
• UMA : Union du Maghreb Arabe
• UTICA : Union Tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat (équivalent au
MEDEF)
• Zitouna Bank : Banque Islamique
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Annexes
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a) Pouvez vous me décrire les rapports qui existent entre personnel appartenant ou non à une même
catégorie ?
b) Comment définiriez vous la communication qui s’opère entre les uns et les autres ?
c) Est elle strictement professionnelle, formelle ou informelle, transparente ?
d) Quel est l’objet de ces échanges ? Et de quelle nature sont ces échanges ?
(Ces échanges sont ils enrichissants ?) (Autrement dit, y a-t-il une transmission de savoirs et de savoir
faire lors des échanges informels ?)
Partie III : Formation professionnelle, apprentissage, transmission des savoirs.
A) Formation professionnelle (QTP)
a) Après votre recrutement avez-vous été immédiatement pris en charge par le département
formation ? Comment cela s’est passé ?
Pour les seniors
Et aujourd’hui que vous êtes titulaire, êtes vous toujours en relation avec le système de formation ?
b) Que diriez vous par rapport à l’expérience professionnelle et l’apprentissage au sein de la banque ?
c) Que pensez vous des formations diplômantes ? Et dans le cadre de la banque ?
Quels en sont les avantages et les inconvénients ?
d) Pensez vous entamer d’autres formations ou études ? Pourquoi ?
Concernant les jeunes
B) Apprentissage (QTP/ QDJ/QDS)
a) Que pensez vous de la notion d’apprentissage ? Qui concerne t elle selon vous ?
(Les jeunes, les seniors, ou tout public…) (QTP).
b) Etre dans cette phase d’apprentissage cela représente quoi pour vous ? (QDJ/QDS)
c) Est-ce plus facile pour les jeunes ou pour les seniors ? (QDJ/QDS)
d) Pour les seniors et selon vous, quel rôle leur est dévolu et pourquoi ? (QDJ/QDS)
(Encadrement, supervision, assistance et conseil, formation, autre…)
e) Quels sont, selon vous les facteurs qui peuvent intervenir dans ce processus d’apprentissage aussi
bien pour les apprenants (les jeunes : acceptation, reconnaissance) que pour les formateurs (les
seniors) (QDJ/QDS)
(L’empathie, la peur, la complaisance, l’intérêt de la banque, l’intérêt général, etc…).
C) Processus de transmission des savoirs (QTP/QDJ/QDS)
a) Que pensez vous du processus de transmission intergénérationnelle entre seniors et jeunes recrues ?
(QDJ/QDS)
b) Dans ce processus, et à votre avis, quels sont les sentiments des jeunes et des seniors les uns par
rapport aux autres ? Quels sont, selon vous, les points forts et les points faibles de ce processus ?
(QDJ/QDS)
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c) Certaines personnes estiment que le système d’apprentissage est paternaliste et vous qu’en pensez
vous ? (QTP)
d) Y a-t-il de l’avenir pour les seniors ? Et pourquoi ? (QTP).
Partie IV : Conditions de travail et bilan.
A) Conditions de travail (ambiance) (QTP).
a) Comment décririez vous l’ambiance au travail et les rapports entre les différentes catégories de
personnel ? Et entre les différentes générations ? (Existe-t-il un conflit ?) (Pouvoir hiérarchique en
vertical, collaboration en horizontal, etc..).
b) Etes vous en situation de tension, concurrence, ou stress, indépendamment de la catégorie à
laquelle vous appartenez ?
c) Que peut on dire par rapport aux conditions de travail d’un point de vue matériel ?
(Existe il des disparités et pourquoi ?)
B) Bilan (Appréciation générale, écart) (QTP/QDJ/QDS)
a) Globalement, estimez vous que la banque vous forme bien ? (QDJ/QDS).
b) La transmission des savoirs qui vous a été et vous est prodiguée par les seniors répond elle à vos
attentes ? Et pourquoi ? (QDJ)
c) Estimez vous être un autodidacte ? (QDJ/QDS)
d) La banque vous a-t-elle permis de vous réaliser ? (QDS)
e) Pensez vous qu’il est intéressant de rester à la banque ? (QDJ/QDS)
f) Quelle est votre classification actuelle ? Et votre situation sociale ? (QTP)
g) Quel est votre grade actuel ? Et votre âge ? (QTP)
h) Si vous portez un regard rétrospectif sur votre carrière dans ses relations avec la formation, quels
sont vos regrets et quelles ont été vos satisfactions, que diriez vous ?
Et si c’était à refaire ? (QTP).
Partie V : Informations professionnelles et fiche signalétique.
A) Affectation, type d’emploi, position (QTP).
a) Actuellement, quel poste occupez vous et comment avez-vous été recruté à la BMTP ?
(Par voie de concours national, ou par simple demande manuscrite ?).
b) Quelles conditions fallait il satisfaire pour ce poste ?
(Niveau de pré requis, limite d’âge, préférence au niveau sexe (homme ou femme) du candidat pour le
poste en question ?)
c) Pensez vous être l’homme qu’il faut à la place qu’il faut ? Et pourquoi ?
(Affectations, d’après la décision de recrutement et les autres décisions, réseau d’exploitation,
(agences), structures de production (directions centrales).
d) Quels sont les facteurs qui favorisent une affectation plutôt qu’une autre ? Et pourquoi ?
B) Statut spécifique et fiche signalétique (QTP).
519
a) Quel est votre statut actuel ? Et quel matricule ?
(Type de contrat, Contractuel (CDD), Stagiaire (CDD), Titulaire (CDI) ? Durée du ou des contrats ?) .
c) Pourriez vous me décrire l’évolution de votre classification à l’échelle des grades ou dans la grille
des salaires ?
d) Quel était votre cursus scolaire et/ou universitaire à l’intégration de la banque.
(Inférieur ou égal au Bac, au Deug, à la Licence, la Maîtrise, le troisième cycle, le Doctorat).
Je vous remercie pour votre collaboration.
520
Annexe 2 : Grille d’analyse
1) Recrutement, affectation et intégration au sein de la banque
2) Formation formelle et informelle avant l’intégration et au sein de la banque
3) Rapports entre les générations (seniors et jeunes), climat social, et conditions de travail.
4) Transmission des connaissances et des savoirs, apprentissage, coopération, encadrement et
circulation des informations entre seniors et jeunes.
5) Communication, organisation interne entre les différentes structures internes et le personnel en
lien avec la transmission intergénérationnelle des connaissances.
6) Statut, bilan, feed back, et projections
6 Existence d’entorses quant à l’interprétation et l’application des articles de la convention collective des
établissements financiers de 1982, du fait d’un rapport de force inégal entre salariés et employeurs, couplé
avec le fait de l’inexistence d’un rôle véritablement influent de la part du syndicat.
1 Remise en cause de plusieurs acquis, qui participe à déstabiliser les seniors, tout en avantageant les jeunes
recrutés, même si la progression en interne de ces derniers est plus encadrée (titularisation, formation et études
donnant lieu à des amélioration de carrière sont tenus à la discrétion des supérieurs hiérarchiques), avec
notamment :
l’avancement automatique fonction de l’ancienneté
l’assiduité au poste de travail
2 Introduction au sein de la banque à majorité étatique (actionnaires majoritaires publiques) de pratiques
gestionnaires, qu’utilisent les entreprises privées, concernant l’évaluation des salariés, comme :
L’individualisation des performances
L’appréciation des salariés sur des objectifs chiffrés
Nouvelles pratiques
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Annexe 4 : Tableau de bord des caractéristiques démographiques et socioprofessionnelles de la
population interviewée
Profil Age, sexe, et Date de recrutement et Affectation et parcours Formation et Attribution et/ou Fonction
situation statut Backround
sociale
1972 Crédit agricole Simple agent d’exécution au départ puis directeur de
55 ans, sexe
(1) Senior 1972, titulaire en 1973, 1981 et 1982 Direction du personnel l’inspection.
masculin, Bachelier
(Homme) CDI. 1982-2002 Direction de l’Inspection Depuis 2002 simple auditeur à la direction de l’audit
Célibataire
2002 à ce jour Direction de l’Audit de toute structure de la banque.
2nd en agence puis chef d’agence à Bizerte, et ensuite à
Tunis. Il occupe ensuite le poste de Directeur de la Gestionnaire au niveau de l’agence, titre de chef
53 ans, sexe
(2) Senior 1975, titulaire en 1976, trésorerie. Maîtrise en d’agence et de responsable de direction. Il est
masculin, marié,
(Homme) CDI. Dernièrement simple cadre supérieur au niveau de la économie actuellement inspecteur de toute structure de la
avec enfants
direction de l’inspection et effectue des intérims de chef banque.
d’agence.
Chef d’agence puis gestionnaire chef de la division du
51 ans, sexe Titre de chef d’agence et de chef de division.
(3) Senior 1979, titulaire en 1980, bancaire étranger à la direction étranger. Il est ensuite
masculin, marié Maîtrise HEC Aujourd’hui simple auditeur des différentes structures
(Homme) CDI. cadre à la direction comptabilité et devient dernièrement
avec enfants de la banque.
auditeur à la direction de l’audit.
28 ans, sexe
(4) Jeune Auditeur, sans fonction, missions d’audit de diverses
masculin, marié, 1992, titulaire en 94, CDI Auditeur à la direction de l’audit Maîtrise HEC
(Homme) structures.
avec enfants
Chef de division à la direction relations internationales
50 ans, sexe
(5) Senior 1982, titulaire en 1983, et finances extérieures, puis directeur de la direction en Maîtrise en Titre de chef de division puis de responsable de la
masculin, marié
(Homme) CDI question et dernièrement responsable de la direction Anglais direction change
avec enfants
change.
58 ans, sexe Agent à la direction de l’étranger, puis cadre à la
(6) Senior 1970, titulaire en 1971, Pas de titre de fonction, Inspection des agences et
masculin, marié, direction change, dernièrement inspecteur à la direction Bac+2
(Homme) CDI (préretraite) dossiers divers.
avec enfants de l’inspection.
Agent à la direction des services communs, puis agent à
55 ans, sexe Pas de titre de fonction. Opérations comptables et de
(7) Senior 1972, titulaire en 1973, la direction change. Affecté en agence de 1988 à 1994,
masculin marié, Niveau Bac change. Affectation du personnel de change aux box et
(Homme) CDI date à laquelle il retourne à la direction change et y reste
avec enfants roulement.
à ce jour.
54 ans, sexe
(8) Senior Niveau 2ème Pas de titre de fonction.
masculin, marié
(Homme) année secondaire Opérations de caisse
avec enfants
55 ans, sexe Cadre à la direction du contentieux, jusqu’en 1987, puis Pas de titre de fonction. Missions d’inspection au
(9) Senior 1981, titulaire en 1982,
masculin marié, cadre à la direction du juridique, puis 10 ans à la Maîtrise en droit niveau des structures de la banque, et actuellement
(Homme) CDI
avec enfants succursale de Tunis. Affecté ensuite à la DGRH puis dossiers juridiques et relations avec la clientèle
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Profil Age, sexe, et Date de recrutement et Affectation et parcours Formation et Attribution et/ou Fonction
situation statut Backround
sociale
inspecteur à la direction de l’inspection (retour à la
direction du juridique aujourd’hui).
35 ans, sexe
Pas de titre de fonction. Elle s’occupe de la situation
(10) Senior féminin, 1980, titulaire en 1981, Après 5 ans en agence, elle est affectée durant 20 ans
Bac Math banque centrale et de l’état des certificats de non
(Femme) mariée, avec CDI aujourd’hui à la direction gestion du réseau.
paiement à adresser à cette dernière.
enfants
27 ans, sexe Affecté en tant que cadre à la direction qualité
(11) Jeune 2003, titulaire en 2005,
masculin, Marketing et Relations Publiques au sein de la division 3ème cycle IFID Pas de titre de fonction, polyvalent.
(Homme) CDI
célibataire monétique.
Personnel d’exécution au département étranger pendant
3 ans.
Puis affecté au département crédit durant 7 ans.
Affecté ensuite à la direction trésorerie puis au contrôle
51 ans, sexe
(12) Senior 1976, sexe masculin, de change à l’agence de l’aéroport ensuite à la direction
masculin, marié
(Homme) titulaire, CDI change en 1991.
avec enfants
Il sera par la suite affecté à la succursale du siège
pendant 10 ans et s’occupera de la réalisation des crédits
directs. Il a rejoint dernièrement la direction gestion du
réseau en 2003, poste qu’il occupe encore à ce jour.
Affecté à la direction de la comptabilité durant une
année puis à la direction des crédits jusqu’en 1992 où il
sera affecté à la direction de l’inspection pendant cinq
50 ans, sexe ans. Formateur permanent au centre de formation intégré
(13) Senior 1982, titulaire en 1983, Maîtrise en
masculin, De 1997 à 2004 il a été formateur permanent au centre de la banque et formateur à l’APBT. Il dispense des
(Homme) CDI comptabilité
célibataire de formation intégré de la banque. De 2004 à ce jour il cours de comptabilité générale.
est affecté à la direction de l’audit en tant qu’auditeur et
demeure formateur au niveau de l’APBT équivalent de
l’AFB Française.
2005, il sera titularisé en
2007. Il est lié par un
contrat de 5 ans avec la
banque en rapport avec le
Tournée des services les plus importants de la banque
25 ans, sexe parrainage dont il a
(14) Jeune étalée sur une période de quelques mois (3 à 4 mois) Troisième cycle Pas de titre de fonction.
masculin, bénéficié de la part de la
(Homme) avec un stage en agence de 2 à 3 mois. Affecté depuis de l’IFID Polyvalent et attributions floues.
célibataire banque pour suivre ses
2007 à la division monétique.
études à l’IFID avec une
bourse de 180 DT par
mois, presque égale au
Smig (environ 230 DT).
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Profil Age, sexe, et Date de recrutement et Affectation et parcours Formation et Attribution et/ou Fonction
situation statut Backround
sociale
Novembre 2005, stagiaire,
25 ans, sexe elle devrait être titularisée
Tournée de quelques services et passage par l’agence Master spécialisé
(15) Jeune féminin, entre novembre 2006 et Pas de titre de fonction. Programmation informatique
avant une affectation à la direction informatique dès en informatique
(Femme) divorcée avec 1 début 2007 car elle est et mise en place de logiciels.
2007. de gestion
enfant à charge. considérée comme
informaticienne.
Affecté dans une première agence à Tunis durant 8 ans,
49 ans, sexe Titre de fonction de chef d’agence pour les deux
(16) Senior 1986, titulaire en 1987, puis dans une seconde durant 6 ans.
masculin, marié Bac+4 économie. agences. Auditeur au niveau du réseau des agences et
(Homme) CDI. Depuis l’année 2000 affecté à la direction de l’audit en
avec enfants. accessoirement au niveau des directions centrales.
tant qu’auditeur.
Affecté à la division monétique depuis l’intégration de
1999, encore stagiaire lors
31 ans, sexe la banque.
(17) Jeune de l’entretien, elle a été Pas de titre de fonction. Suivi des dossiers des clients
féminin, Elle est tombée en maladie longue durée et a repris son Niveau bac
(Femme) dernièrement titularisée à demandeurs de carte bancaire.
célibataire service mais n’a obtenu sa titularisation que
la fin de l’année 2006.
dernièrement en 2006.
34 ans, sexe
(18) Jeune 1996, titulaire en 1998, Affectée à la division monétique depuis son recrutement Pas de titre de fonction. Facturettes et journée
féminin, Niveau bac+2
(Femme) CDI jusqu’à ce jour. comptable du service monétique.
célibataire
Il a effectué un stage d’un mois au département étranger
34 ans, sexe puis il a suivi une formation d’une année en tant que
(19) Jeune 1998, titulaire fin 2000,
masculin, futur cadre d’exploitation avec un stage de deux mois en DEA en économie Pas de titre de fonction, contrôleur de gestion.
(Homme) CDI.
célibataire agence. Il a ensuite été affecté, jusqu’à ce jour, à la
direction études et contrôle de gestion
Il a été affecté tout d’abord à la direction études
49 ans, sexe Bac+4 en
(20) Senior 1982, titulaire en 1983, développement des crédits puis au contrôle de gestion. Pas de titre de fonction. Auditeur au niveau des
masculin, marié, Sciences
(Homme) CDI Il est actuellement affecté à la direction de l’audit en différentes structures de la banque.
avec enfants Economiques
tant qu’auditeur et ce depuis 6 ans.
Elle a été affectée à la direction du juridique durant deux
ans puis à la direction des crédits pendant neuf ans.
Elle a ensuite passé une période de deux ans à la
50 ans, sexe
direction de l’organisation et deux ans à la direction des Titre de fonction de chef de division au sein de chaque
(21) Senior féminin, 1981, titulaire en 1982,
filiales et participations avec un passage de trois ans à la Maîtrise en droit structure qui a suivi le passage à la direction
(Femme) divorcée avec CDI
succursale du siège. formation.
enfants à charge
Elle a passé ensuite 5 ans à la direction formation et
quatre ans à la direction du marché financier pour être in
fine affecté à la direction gestion du réseau.
38 ans, sexe Il a été affecté en agence après avoir suivi une formation
(22) Jeune 1995, titulaire en 1997, Maîtrise en Front et Back office. Titre de fonction de chef
masculin, de futur cadre d’exploitation d’une année.
(Homme) CDI Gestion. d’agence.
marié, avec Il n’a accédé au poste de chef d’agence qu’en 2003.
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Profil Age, sexe, et Date de recrutement et Affectation et parcours Formation et Attribution et/ou Fonction
situation statut Backround
sociale
enfants
37 ans, sexe Il a été affecté en agence après avoir suivi une formation
(23) Jeune 1994, titulaire en 1996, Maîtrise en Front et Back office. Titre de fonction de second puis
masculin, de futur cadre d’exploitation d’une année. Il n’a accédé
(Homme) CDI gestion+ITB de chef d’agence
célibataire à ce poste de chef d’agence qu’en 2006.
39 ans, sexe
(24) Jeune féminin, 1988, titulaire fin 2000, Elle a été affectée en agence sans avoir reçu une Front office, guichet, retrait, versement, paiements.
Certificat TEA
(Femme) divorcée avec CDI formation préalable. Formation sur le tas. Pas de titre de fonction.
enfant à charge
(25) Jeune 37 ans, sexe 1996, titulaire en 1998, Elle a été affectée en agence après avoir suivi une Maîtrise en Back office, dossiers de crédits et portefeuille
(Femme) féminin, CDI. formation de futur d’exploitation d’une année gestion+ITB financier, domiciliation de titres, dossiers de scolarité,
mariée, avec AVA impayés, pas de titre de fonction.
enfant (enceinte
lors de
l’entretien)
(26) Jeune 33 ans, sexe 1998, titulaire en 2000, Elle a été affectée en agence après avoir effectué une Maîtrise en Back office, produits de placements, compensation,
(Femme) féminin, mariée CDI brève tournée des services les plus importants gestion+3ème monétique, préavis chèques et ouverture de comptes.
cycle de l’IFID Pas de titre de fonction.
Au départ, elle a été affectée en agence sans avoir reçu
55 ans sexe
(27) Senior 1979, titulaire en 1980, de formation préalable. Front office, scanner de chèques et journée comptable.
féminin, mariée, Cours bancaires
(Femme) CDI Formation sur le tas et s’est inscrite par la suite aux Pas de titre de fonction.
avec enfants
cours bancaires.
Au départ, il a été affecté en agence sans avoir reçu de
26 ans, sexe
(28) Jeune 2004, titulaire en 2006, formation préalable. Front office, opérations de caisse. Pas de titre de
masculin, Cours bancaires
(Homme) CDI Il a ensuite décidé de s’inscrire aux cours bancaires. fonction.
célibataire.
Il a été affecté en agence sans avoir reçu de formation
53 ans, sexe
(29) Senior 1980, titulaire en 1981, préalable. Back office, portefeuille financier. Pas de titre de
masculin, marié, Cours bancaires
(Homme) CDI. Il a ensuite décidé de s’inscrire aux cours bancaires. fonction.
avec enfants
28 ans, sexe
(30) Jeune 2003, titulaire en 2005, Il a été affecté en agence après avoir suivi une formation Maîtrise en
masculin, marié, Cadre polyvalent. Pas de titre de fonction.
(Homme) CDI de futur cadre d’exploitation d’une année. gestion
avec enfants
33 ans, sexe Il a été affecté en agence après avoir suivi une formation Maîtrise en
(31) Jeune 1989, titulaire en 1990,
masculin, marié, de futur cadre d’exploitation d’une année. Il a accédé au Gestion Chef d’agence
(Homme) CDI
avec enfants poste de chef d’agence en 2002. Financière
Maîtrise en
27 ans, sexe Il a été affecté en agence après avoir une formation de
(32) Jeune 1999, titulaire en 2001, Gestion
masculin, marié futur cadre d’exploitation d’une année. Actuellement en Renfort pas d’attributions claires
(Homme) CDI Financière+IFID+
avec enfant renfort dans une autre agence.
ITB
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Profil Age, sexe, et Date de recrutement et Affectation et parcours Formation et Attribution et/ou Fonction
situation statut Backround
sociale
26 ans, sexe Bac+3, Réalisation des crédits, portefeuille
(33) Jeune 1999, titulaire en 2001, Il a été affecté en agence sans avoir suivi de formation
masculin, marié, Technicien commercial dossier scolarité étranger, crédit directs,
(Homme) CDI préalable.
avec enfant Agroéconomiste compensation et autres opérations diverses
28 ans, sexe Compensation de chèques, émission scanner+ crédits
(34) Jeune 1996, titulaire fin 1998, Elle a été affectée en agence sans avoir suivi de Bac+2 Economie
féminin, mariée, directs et collaboration au tapage de la journée
(Femme) CDI formation préalable FSEGT
avec enfant comptable, travaux bureautiques.
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Khaled ZARROUK
La transmission intergénérationnelle
des connaissances dans les banques
tunisiennes : Ebauche d’une
comparaison avec les banques
allemandes
Résumé
La transmission intergénérationnelle des connaissances au sein de la banque tunisienne au moyen de la
formation sur le tas fait traditionnellement partie de la culture de branche inhérente au secteur bancaire. Ce
mode de formation archaïque n’a pas disparu, et la banque tunisienne a même intégré de nouveaux modes plus
modernes. La comparaison avec la situation des banques allemandes, pionnières dans le domaine de la
formation professionnelle et surtout de la formation duale permet d’une part de mettre en relief l’avènement
d’une entrouverture au recrutement externe de jeunes diplômés issus de l’université. Mais, également et d’autre
part de montrer que l’adoption par les banques tunisiennes de ce mode de formation censé créer davantage de
synergies entre les salariés contribue au contraire à dégrader davantage le climat social aussi bien entre qu’avec
la hiérarchie. En effet, dans un contexte de renouvellement des générations, couplé avec une ouverture à la
concurrence internationale, le management introduit de nouvelles pratiques gestionnaires, et veut modifier
rapidement la culture interne tout en gardant cette transmission à des fins de codification
Mots-clés : Banque, institutions financières, transmission des connaissances, transfert de savoirs, culture
interne, hiérarchie, cloisonnement, partage, divisions internes, désolidarisation, reconnaissance, administration
du personnel, service
Résumé en anglais
The technical and professional knowledge within the Tunisian banking system thanks to the training on the job
belongs to the traditional culture of the financial sector. This kind of archaic training, it hasn’t disappeared.
The Tunisian banks have as well already integrated new and modern ways of training. The international
comparison with German banks allows to underline the external recruiting of young graduated people from
universities. Moreover, and despite the fact that the Tunisian banking system is following the German training
example which is due to lead to more synergies between employees and hierarchy, we notice that the internal
culture is deteriorating more and more because of the introduction of managing practises which only take into
account the maximisation of the banks profit abilities. In a context of renew generation and opening to the
international competition, the management introduce new management practices and want to change the
internal culture with keeping this technical and professional knowledge to permitting a codification.
Key-words: Bank, financial institutions, knowledge transmission, knowledge transfer, management and
internal culture, hierarchy, compartmentalization (the fact that the departments work in isolation –from one
another.), sharing, internal divisions or separations, gratitude, staff management, service
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