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Manuel - CAJSUT - PWYP - VF - Bon À Imprimer

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Antenne régionale de Saint-Louis

MANUEL
SIMPLIFIÉ SUR
LA TRANSITION
ÉNERGÉTIQUE

Avril 2024
MANUEL SIMPLIFIÉ SUR LA
TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
PRÉFACE
Ce manuel s’adresse à un public varié (décideurs, OSC, parlementaires, collectivités
territoriales, communautés hôtes ou impactées par les activités extractives,
compagnies minières et pétrolières, citoyens, etc.) et invite ses lecteurs à éviter
une généralisation hâtive ou une tentative de répliquer des bonnes pratiques
d’un pays à l’autre, sans toutefois tenir compte de certaines spécificités.
Le contexte saint-louisien est particulier en ce sens que l’exploitation des
hydrocarbures offshore se combine avec la surpêche et les phénomènes de
changement climatique pour cristalliser des risques d’impacts environnementaux
et sociaux ainsi qu’une menace durable sur la chaîne de valeur de la pêche ; tout
ceci dans un contexte global de transition énergétique.
La transition énergétique est en train de remodeler les industries extractives,
présentant des opportunités et des défis pour les pays riches en ressources
(selon une note de politique de l’ITIE, novembre 2023). En effet, l’évolution de
la demande en combustibles fossiles et en minéraux influence les décisions
d’investissement et de contribution économique du secteur extractif.
Ce manuel est réalisé dans le cadre du programme «Social Bonds», financé par
le Secrétariat international de PCQVP et mis en œuvre au Sénégal par CAJUST
et l’antenne régionale PCQVP de Saint-Louis. Nous remercions Dr Papa Fara
DIALLO et M. El Hadji Bouré DIOUF pour l’élaboration de ce manuel.
TABLE DES MATIÈRES

Propos introductif 5

I. Définition de la transition énergétique 7

II. Les articulations entre genre et transition énergétique dans le


contexte saint-louisien 10

III. Les articulations entre le genre et défis du changement


climatique à Saint-Louis 11

IV. Quelques bonnes pratiques pour l’adaptation et la résilience


climatiques des communautés dans un contexte de transition 12
énergétique

V. Quelques recommandations pour une transition énergétique


juste, équitable et inclusive 17

Références bibliographiques 19
PROPOS INTRODUCTIF
Comparée aux autres régions du monde, l’Afrique est le continent le moins
résilient au climat en raison d’un niveau de vulnérabilité élevé et d’un faible niveau
de préparation au changement climatique. La présence de zones climatiques
désertiques et semi-désertiques, le faible niveau de développement socio-
économique et le manque de capacité technologique et de financement
pour l’adaptation au changement climatique sont les principales causes de la
vulnérabilité du continent.
Le Sénégal est 70e sur l’Indice mondial des risques climatiques 2021 et reste
très vulnérable au changement climatique. Plus de 70% de sa population active
est employée ou gagne un revenu grâce à l'agriculture. Les précipitations sont
insuffisantes et la petite agriculture, qui est principalement pluviale, connaît déjà
des difficultés en raison de la surexploitation des terres et de la dégradation des
sols. Le changement climatique devrait encore amplifier ces difficultés. En outre, le
secteur de la pêche, autre source importante d’emplois et d’alimentation, risque
de subir les effets de la hausse des températures des eaux de surface et de
l’acidification des océans induites par le changement climatique, et les habitations
situées le long de la côte sont menacées par l’érosion due à l’élévation du niveau
de la mer.
De plus, avec l’exploitation des hydrocarbures, les émissions risquent d’augmenter
fortement. Chaque année, le pays émet environ 30,8 Mt éqCO2, dont environ
49% proviennent du secteur de l’énergie.

L’un des défis les plus


importants qui contribuent au
faible niveau de résilience et
de préparation au changement
climatique de l’Afrique est son
énorme déficit énergétique.
L’accès des ménages à
l’énergie est défini par l’Agence
internationale de l’énergie
(AIE) comme « la capacité
pour un ménage à obtenir de
l’électricité et un moyen de
cuisson moderne, en quantité
et en qualité nécessaire pour
satisfaire d’abord ses besoins
de base, puis pour accroître
son niveau de vie ».

5
En 2019, l’AIE estimait que 350 millions d’Africains n’auront toujours pas accès
à l’électricité et qu’un milliard d’Africains n’auront toujours pas accès à des
installations salubres en 2030, malgré les engagements pris par les pays pour
atteindre l’objectif de développement durable n°7, à savoir l’accès universel à
l’énergie d’ici 2030.
Au Sénégal, près de 70% de la population a accès à l’électricité.

Cependant, la transition énergétique


ne consiste pas seulement à fournir
un accès à l’électricité. Il s’agit
également de garantir des gains
socio-économiques grâce aux
possibilités de valeur ajoutée qu’offre
la transition. L’une de ces possibilités
est la fabrication de technologies
vertes.

Le présent manuel simplifié répond aux interrogations fondamentales qui


entourent la transition énergétique tout en tenant compte du contexte local
saint-louisien :

• Qu’est-ce que la transition énergétique ?


• Quelles articulations y a-t-il entre genre, transition énergétique et
défis du changement climatique à Saint-Louis?
• Quelles sont les bonnes pratiques pour l’adaptation et la résilience
climatiques des communautés ainsi que les recommandations
pertinentes pour une transition énergétique juste, équitable et
inclusive ?

Pour cela, la démarche méthodologique repose, d’une part, sur la revue


documentaire et, d’autre part, sur la recherche qualitative.

6
I. DÉFINITION DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
Depuis une dizaine d’années, le concept de
transition énergétique est de plus en plus utilisé
dans le langage politique, notamment en Europe.
Pionnière en la matière, l’Allemagne a, dès le
début des années 2000, employé l’expression
de « tournant énergétique ». Dans les grandes
lignes, une telle transition passe par une révision
du mix énergétique dont dispose un pays afin de
diminuer la part des énergies fossiles au profit
des énergies renouvelables. Cette transition
désigne la période pendant laquelle les recours
aux énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz
naturel), ainsi qu’à l’énergie de fission nucléaire,
sont progressivement réduits au profit de recours
aux énergies renouvelables, non émettrices de
CO2, de polluants et de gaz à effet de serre ;
ces dernières correspondent à l’énergie solaire,
l’énergie éolienne, l’énergie géothermique,
l’énergie hydraulique et l’exploitation de la
biomasse. La transition énergétique se fonde donc
sur une profonde transformation des systèmes
énergétiques : elle repose, d’une part, sur une
réduction drastique du recours aux énergies
carbonées au profit d’énergies renouvelables
et, d’autre part, sur un accroissement de
l’efficacité énergétique, par la modernisation des
investissements, des équipements, des habitats,
et l’adoption de législations contribuant à la
renforcer.

Sur le total des réserves mondiales, le


continent ne détient que 8% du pétrole, 6%
du gaz naturel et 1% du charbon. Cependant,
c’est de très loin la région la plus riche du
monde en termes de potentiel d’énergies
renouvelables bon marché, avec près de
la moitié (44,8%) du potentiel technique
total d’énergies renouvelables. Il possède
les ressources solaires les plus riches du
monde et dispose d’un énorme potentiel
éolien, hydroélectrique à petite échelle et
géothermique sur tout le continent

7
Le Sénégal a l’intention de réduire conditionnellement ses émissions de gaz à
effet de serre (GES) d’au moins 23% d’ici 2030. Les contributions déterminées
par le pays au niveau national (CDN) au titre de l’Accord de Paris définissent
deux objectifs principaux relatifs à la transition énergétique : faire passer la part
des énergies renouvelables dans le mix énergétique national à 40% d’ici 2035
en augmentant la capacité d’énergie renouvelable, et accroître l’utilisation du
gaz naturel pour remplacer le mazout et les centrales électriques alimentées au
charbon.
La stratégie Gas-to-Power 2018 vise à réduire la dépendance énergétique
nationale vis-à-vis du pétrole et du charbon en encourageant les investissements
dans le gaz comme combustible transitoire dans la transition énergétique.
Plusieurs projets sont en cours pour soutenir les ambitions énergétiques du
Sénégal, dont le projet de gaz naturel de la Grande Tortue Ahmeyim (GTA) et
l’usine à gaz du Cap des Biches.
Le pays, bien doté en ressources énergétiques renouvelables, devrait pouvoir
mettre cela à profit dans le cadre de la transition énergétique.

• le potentiel solaire, avec une production moyenne


annuelle spécifique nette de 1650 kWh/kWc/an
(production théorique annuelle à partir de systèmes
photovoltaïques, normalisée par kW de crête) et une
énergie moyenne journalière d’irradiation globale de
5,43 kWh /m²/jour. L’exploitation de ce gisement
s’est faite jusqu’ici à travers deux sous-filières : la
sous-filière solaire photovoltaïque et la sous-filière
solaire thermique ; le potentiel éolien estimé sur
toute la bande côtière (50 km de Dakar à Saint-
Louis) où la vitesse moyenne annuelle des vents à 10
m de hauteur est de l’ordre de 4,0 m/s. Les mesures
récentes effectuées entre 30 m et 40 m de hauteur
ont révélé l’existence de vitesses de plus de 6,0m/s
; le gisement de biomasse, non négligeable, estimé à
331,3 millions de m3 ;
• l’énergie géothermique : les sols sénégalais ne
possèdent pas de haute valeur géothermique et il
n’y a pas eu d’essais d’exploitation de la géothermie
basse énergie, compte tenu du fait que d’autres
sources énergétiques renouvelables se prêtent
mieux à l’exploitation ;
• l’énergie marémotrice est issue des mouvements
de l’eau créés par les marées, causées par l’effet
conjugué des forces de gravitation de la Lune et du
Soleil. Au Sénégal, malgré une longue frange côtière
de plus de 700 km, il n’y a pas eu de tentative, ni de
projet pour exploiter ce potentiel.
8
L’hydroélectricité est souvent présentée comme une source d’énergie verte et
renouvelable. Cependant, les barrages hydroélectriques émettent beaucoup de
méthane en raison de la décomposition de la végétation dans l’eau stagnante
qu’ils contiennent, contribuant ainsi au changement climatique. Le changement
climatique affectera probablement aussi l’approvisionnement en énergie des
barrages existants et futurs. Comme le continent africain devrait se réchauffer en
raison du changement climatique, il existe un risque important que les réservoirs
des barrages s’assèchent, ce qui entraînera des pénuries d’énergie. Ils ont
également un impact énorme sur l’environnement en inondant des écosystèmes
sensibles et en faisant disparaître les moyens de subsistance et le patrimoine
des populations. Le développement des barrages hydroélectriques conduit
souvent à l’accaparement des terres et à des violations des droits humains,
notamment à l’encontre de ceux qui résistent. De plus, l’énergie hydraulique étant
très capitalistique, cela augmente le coût de l’électricité et réduit le taux d’accès
à l’électricité.

En résumé, le soleil et le vent


étant des ressources disponibles
localement, ils peuvent rendre
l’énergie accessible à un plus grand
nombre de personnes, y compris aux
communautés isolées. Le secteur des
énergies renouvelables a également
un potentiel de création d’emplois
beaucoup plus important que le
secteur des combustibles fossiles
et peut donc offrir des possibilités
de génération de revenus verts aux
populations locales, notamment aux
femmes.

9
II. LES ARTICULATIONS ENTRE GENRE ET TRANSITION
ÉNERGÉTIQUE DANS LE CONTEXTE SAINT-LOUISIEN

Au Sénégal, les femmes constituent


49,4% de la population sénégalaise
et s’activent, en milieu rural, dans
les secteurs de l’agriculture, de la
pêche, de la transformation des
produits entre autres. Elles sont
placées dans des positions de
vulnérabilité de par leur statut de
mère et de responsables du bien-
être de la famille. L’environnement,
en tant que pourvoyeur de
ressources, est donc leur source
de vie, d’activités et de revenus.

Le combustible utilisé pour la cuisson est peut être un élément à fort potentiel de
pollution dans les logements. En effet, en raison du manque d’espace, notamment
en ville, la cuisine n’est bien souvent pas isolée des chambres à usage d’habitation.
Ainsi, en l’absence d’aération suffisante, l’usage de combustible non durable pour
la cuisson, peut avoir un impact sur la santé des occupants des logements. Des
données recueillies chez les ménages, il ressort que le bois de chauffe (38,0%) et
le gaz (37,0%) constituent les principaux combustibles utilisés pour la cuisson. Le
charbon de bois sert de combustible à plus du cinquième des ménages (22,5%).
Le bois de chauffe est utilisé par plus de la moitié des ménages dans dix régions
du pays. Le recours au gaz pour la cuisine est la priorité des ménages dakarois
(82,1%).
L’accès à l’électricité n’est pas non plus universel au niveau national. En effet,
plus de 7 ménages sur 10 (74,3%) disposent de l’électricité. Toutefois, une forte
disparité est observée selon le milieu de résidence. Plus de la moitié des ménages
ruraux a accès à l'électricité (52,5%), alors que près de 9 ménages urbains sur
10 en disposent (97,4% à Dakar et 88,7% dans les autres milieux urbains). Ce
déséquilibre est aussi noté selon le niveau de vie du ménage. On observe une
tendance à la hausse du taux d’accès à l’électricité, du quintile le plus pauvre
(44,4%) au quintile le plus riche (92,2%).
Un partenariat pour une transition énergétique juste doit aborder notamment
la question de l’accès universel aux services énergétiques durables, disponible
(en quantité/qualité) et à moindre coût pour combattre l’injustice territoriale et
de genre dans une perspective d’industrialisation et de création d’emplois et de
richesses pour l’autonomisation des jeunes et des femmes.

10
III. LES ARTICULATIONS ENTRE LE GENRE ET DÉFIS DU
CHANGEMENT CLIMATIQUE À SAINT-LOUIS

La ville de Saint-Louis subit de plein fouet les changements climatiques et ses


effets. Elle est en effet affectée par les crues fluviales et les inondations en
découlant sont déjà préoccupantes, et touchent des zones habitées dans les
quartiers topographiquement les plus bas. L’élévation du niveau marin aggrave
les conditions d’inondation : à l’horizon 2030, plus de la moitié de la ville sera
inondée ; et à l’horizon 2080, la situation sera catastrophique car 80% de la ville
serait inondée. La dynamique sédimentaire est dominée par une forte érosion
à la fois éolienne et marine qui est à l’origine d’un ensablement des cuvettes
et d’une reconfiguration de l’embouchure. La façade maritime de la Langue de
Barbarie est soumise à de rapides évolutions, de même d’ailleurs que les berges
du fleuve. Il en résulte une très forte progression de l’espace intertidal.

L’avancée de la mer a fait disparaître


progressivement d’importantes
superficies habitables. Aujourd’hui,
les quartiers comme Goxxu Mbacc
et Guet Ndar sont envahis par
la mer et certains ouvrages de
protection sont affectés. Des
infrastructures de production et
de transformation de produits
halieutiques installées sur la frange
maritime ont été affectées, faisant
perdre au quartier une centaine
de mètres. On note aussi une forte
régression du peuplement végétal
qui protégeait la plage de la Langue
de Barbarie. La conséquence
de toutes ces modifications est
l’abandon de certains villages dont
Doune Baba Dièye à une certaine
époque.

11
Cette situation alarmante de Saint-
Louis et du Gandiolais exige des mesures
particulières de gestion d’autant plus
qu’il apparaît que les femmes sont
affectées de manière disproportionnée
par les effets du changement climatique,
en grande partie en raison des inégalités
multiples et persistantes entre les sexes.
Ainsi, le premier défi à relever en termes
d'actions climatiques est de tenir en
compte la dimension genre dans les
instruments de financement climatique
de l’adaptation et de l’atténuation, afin
de ne pas sous-estimer les besoins de
financement ; ce qui pourrait exacerber
les inégalités entre les sexes.
Aussi, des financements accrus et de
meilleure qualité, axés sur les besoins
spécifiques des femmes, seront
essentiels pour autonomiser les femmes
et les filles et réduire les inégalités socio-
économiques persistantes auxquelles
elles sont régulièrement confrontées.

IV. QUELQUES BONNES PRATIQUES POUR L’ADAPTATION


ET LA RÉSILIENCE CLIMATIQUES DES COMMUNAUTÉS
DANS UN CONTEXTE DE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
Les discussions politiques menées autour du changement climatique à l’échelle
internationale se sont pendant longtemps quasiment focalisées sur la seule
atténuation, même si l’adaptation était citée dans les négociations. La réduction
des émissions de GES a ainsi été le centre d’attention du processus multilatéral
de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques
et un régime cohérent a pu être créé à cet égard, bien que insuffisant dans
ses effets. Cela fait donc plus de vingt ans que l’ensemble de la communauté
internationale, sur la base des travaux scientifiques des décennies précédentes,
a admis l’existence du changement climatique et de ses menaces, et tente d’y
réagir de façon concertée. L’atténuation s’accompagne d’objectifs (réduire les
émissions de dioxyde de carbone - CO2 - en particulier), d’outils (tels que les
permis négociables ou taxes) et d’un résultat attendu (éviter le réchauffement
de la planète).

12
Pour ce qui est de la définition de l’adaptation des systèmes humains au
changement climatique, celle la plus communément utilisée est celle du Groupe
d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), à savoir une «
démarche d’ajustement au climat actuel ou attendu, ainsi qu’à ses conséquences,
de manière à en atténuer les effets préjudiciables et à en exploiter les effets
bénéfiques ». Cette définition fait référence aussi bien aux conditions climatiques
actuelles que futures, et considère tant les changements climatiques d’origine
naturelle que ceux d’origine anthropique. Le caractère planifié de l’adaptation est
également explicitement mis en avant. En revanche, lorsque l’on fait référence
à des actions qui ont pour conséquence de limiter les effets néfastes ou
d’exploiter les effets bénéfiques des conditions climatiques mais qui n’ont pas été
spécifiquement prises en visant ces objectifs, on parlera d’adaptation spontanée.
Si l’on compare atténuation et adaptation, la première recouvre un ensemble
d’actions à engager par les émetteurs de GES pour un bénéfice collectif
planétaire : la réduction de tous les risques dérivés du changement climatique.
Il s’agit donc d’un processus très demandeur d’une coordination internationale.
Celle-ci est difficile à obtenir étant donné la grande hétérogénéité des niveaux
de développement technologique et économique. L’adaptation, elle, procure des
bénéfices privés (ou évite des pertes) en apportant des réponses ciblées à tel
ou tel aspect du changement climatique.

13
Pour être efficace,
l’adaptation doit cependant
être simultanément conduite
à plusieurs niveaux. Elle est
fondamentalement locale,
puisque les impacts directs
du changement climatique
sont et seront ressentis
localement.

Toutefois, pour que ces efforts soient robustes — ou, dans bien des cas,
simplement possibles —, ils doivent souvent être guidés et soutenus par des
politiques et stratégies nationales, voire internationales. Par ailleurs, si la mesure
des concentrations de GES dans l’atmosphère offre un moyen relativement
aisé pour mesurer les progrès entrepris en termes d’atténuation, les efforts en
matière d’adaptation ne font pas l’objet de méthodes éprouvées pour en évaluer
l’évolution. L’atténuation possède également un instrument légal distinct, sous la
forme du protocole de Kyoto et de ses suites, alors qu’il n’existe pas d'instruments
de ce genre pour l’adaptation. Ces divers éléments sont sans doute autant
d’illustrations de la montée en puissance relativement tardive de l’adaptation
dans l’agenda climatique international et des difficultés liées à son étude.

14
Selon une formule courante,
l’atténuation vise à éviter l’ingérable,
et l’adaptation vise à gérer
l’inévitable.
Fondamentalement, les deux
grandes voies d’action que sont
l’atténuation et l’adaptation
constituent des stratégies de
gestion du risque. Elles visent en
effet toutes deux à réduire le
risque climatique, c’est-à-dire la
probabilité que surviennent des
effets néfastes impulsés par le
climat sur les sociétés humaines et
les écosystèmes.
Les stratégies d’adaptation visent
à agir sur les systèmes humains, en
particulier en essayant de réduire
leur exposition et leur vulnérabilité.
Certains auteurs préfèrent parler
d’une augmentation de la résilience,
c’est-à-dire de la capacité
d’un système d’absorber des
perturbations tout en conservant
sa structure de base et ses modes
de fonctionnement.

Au titre des bonnes pratiques pour l’adaptation et la résilience climatiques des


communautés dans un contexte de transition énergétique, les autorités publiques
locales sont appelées d’abord à produire et fournir de l’information appropriée
aux différents publics cibles.

15
La protection des plus vulnérables
(par exemple, les femmes) constitue
une autre mission qui revient aux
instances gouvernementales.
En outre, elles sont responsables
de l’offre de différents biens publics
faiblement émissifs notamment
dans le domaine du transport, qu’il
soit aérien, maritime, routier ou bien
ferroviaire.
Elles ont aussi la responsabilité
de promouvoir l’énergie propre et
renouvelable, développer l’économie
circulaire, impulser l’agriculture
durable.

Il importe, par ailleurs,


d’instaurer des processus
participatifs et d’inclusion des
différents acteurs à l’échelle
locale, dans la foulée de
projets de développement.
Cela permet d’incorporer des
savoirs indigènes dans les
projets d’adaptation.

Pour le cas spécifique de l’accès à l’électricité, la promotion de sources d’électricité


renouvelables non hydrauliques, l’industrialisation et le développement des
institutions démocratiques sont les principaux leviers sur lesquels peuvent
s’appuyer les décideurs publics. Il apparaît en effet que la démocratie exerce un
effet positif sur l’accès à l’électricité même si l’indice du niveau de démocratie
n’a pas d’effet sur le taux d’accès à l’énergie moderne pour la cuisson. Cela
s’explique par le fait que dans les pays en développement il existe une inertie dans
l’utilisation de la biomasse traditionnelle, liée à l’ignorance des dangers provenant
de ces moyens de cuisson et à la nature des repas qui sont le plus cuisinés. Pour
augmenter le taux d’accès aux moyens modernes de cuisson, il est nécessaire
de tenir compte d’autres facteurs en recourant à la sensibilisation, par exemple.
À l’échelle des ménages et des individus, les agriculteurs devront innover au
niveau des pratiques agricoles, que ce soit par la modification des périodes de
plantation, des choix d’espèces, des systèmes de collecte d’eau, le développement
de l’agroforesterie pour atténuer les effets du vent et de la sécheresse, et bien
souvent par la diversification des revenus pour pallier les pertes agricoles.

16
V. QUELQUES RECOMMANDATIONS POUR UNE TRANSITION
ÉNERGÉTIQUE JUSTE, ÉQUITABLE ET INCLUSIVE

Les recommandations suivantes peuvent être envisagées pour une transition


énergétique juste, équitable et inclusive :

• cesser progressivement de financer et de soutenir les nouveaux projets de


combustibles fossiles;
• investir dans les connaissances et les compétences des personnes, afin
qu’elles puissent utiliser efficacement les sources d’énergie renouvelables
et bénéficier de la création d’emplois;
• lutter contre la captation et la privatisation du potentiel d’énergie renouvelable
par des sociétés multinationales;
• soumettre les projets de parcs éoliens et solaires aux principes du
consentement libre, préalable et éclairé des communautés locales;
• respecter les droits fonciers des communautés locales;
• accorder une attention particulière à l’accès des femmes à l’énergie, à leurs
besoins énergétiques et à l’interaction entre les pratiques liées à l’énergie et
l’inégalité entre les sexes;
• protéger et maintenir les droits des communautés et travailleurs dépendants
du secteur des combustibles fossiles;
• veiller au respect des droits des travailleurs impliqués dans tous les secteurs
des énergies renouvelables: droits au travail, y compris le droit à la liberté
d’association et de négociation collective, à un salaire décent et à un travail
sûr et digne.

17
En ce qui concerne plus spécifiquement le financement de la transition énergétique,
les recommandations sont les suivantes :

• prendre en compte les questions d’inégalités femmes-hommes dans le


financement climatique pour les pays en développement. En effet, l’intégration
de la dimension genre dans le financement et les discussions de politiques
pourrait également accroître les besoins de financement climatique pour
l’adaptation et l’atténuation, compte tenu de l’impact disproportionné du
changement climatique sur les femmes.
• amener les pays développés à respecter leur engagement annuel de 100
milliards de dollars de financement climatique aux pays en développement
d’ici 2020 et maintenir cet engagement jusqu’à au moins 2030;
• adapter ce montant aux besoins de financement estimés en Afrique pour
parvenir à la neutralité carbone d’ici à 2050 et au coût d’opportunité réel
des émissions passées des économies avancées, qui est bien supérieur aux
100 milliards d’USD annoncés;
• effacer la dette des pays en développement qui ré-investissent les
remboursements dans l’adaptation au changement climatique et l’atténuation
de ses effets;
• utiliser les ressources extractives pour combler l’énorme déficit de
financement climatique;
• renforcer la transparence en divulguant publiquement le soutien étranger
accordé au secteur des combustibles fossiles et des énergies renouvelables.

18
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
• Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), Scénarios
pour la transition énergétique : expérience et bonnes pratiques en Afrique,
Abou Dhabi, 2023;
• Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), Cinquième
recensement général de la population et de l’habitat. Rapport préliminaire,
2023;
• ANSD, Situation économique et sociale du Sénégal 2020-2021, 2023;
• ANSD, Enquête harmonisée sur les Conditions de Vie des Ménages (EHCVM)
au Sénégal, Rapport final, 2021
• Banque africaine de développement, Perspectives économiques en Afrique
2022 : Soutenir la résilience climatique et une transition énergétique juste en
Afrique. Abidjan, Côte d’Ivoire : Banque africaine de développement, 2022;
• Centre de suivi écologique, Rapport sur l’état de l’environnement au Sénégal,
Édition 2020;
• Fabienne Collard, “La transition énergétique”, Courrier hebdomadaire du
CRISP, 2016/36 (n° 2321) 2, pp. 5-44, Éditions CRISP;
• Heinrich BÖll Stiftung Dakar, Note politique pour une transition énergétique
équitable: le partenariat JETP au Sénégal. Explications, défis et pistes
d’actions, août 2023;
• Hubert Gérardin et Olivier Damette, “Quelle transition énergétique, quelles
croissance et développement durables pour une nécessaire transition
écologique ? Présentation”, Mondes en développement, 2020/4 (n°192) 2,
pp. 7-23, Éditions De Boeck Supérieur;
• Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) du
Sénégal, Rapport ITIE 2022;
• ITIE, Sénégal, voies vers la transition énergétique, Fiche d’information, 2021;
• Isabelle Geuskens et Henrieke Butijn, Exclus d’une transition juste. Le
financement des combustibles fossiles en Afrique, 2022;
• Kenneth Ky, “Les déterminants de l’accès des ménages à l’énergie dans
la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) :
approche en données de panel agrégées”, Mondes en développement,
2020/4 (n°192), pp. 119-136, Éditions De Boeck Supérieur;
• Sécou Sarr and Samba Fall, Just energy transitions and partnerships in
Africa: a Senegal case study, Enda Energie, 2022
• Valentine Van Gameren, Romain Weikmans et Edwin Zaccai, L’adaptation au
changement climatique, Éditions La Découverte, Paris, 2014.

19
CONTACTS
PCQVP/Saint-Louis : pcqvpst@gmail.com

CAJUST : secretariatexecutif.cajust@cajust.org

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