Document Sur Dioxines
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Service commun no6 de l’INSERM
VIII
Avant-Propos
DOCUMENTS
XIII
Synthèse
SYNTHESE
chimiques impliquant du chlore, du carbone, de l’oxygène et une température
élevée. Dans les pays développés, les deux principales sources d’émission de
dioxines résultent des activités d’incinération de déchets ménagers, de métal-
lurgie et de sidérurgie. Ces émissions ont considérablement diminué au cours
des dix dernières années dans ces pays. Cependant, les dioxines font partie des
nombreux polluants auxquels les populations sont soumises, à de très faibles
doses tout au long de leur vie.
Les dioxines sont présentes dans tous les compartiments de l’écosystème (air,
sols, sédiments aquatiques et marins, animaux). Très solubles dans les lipides
et chimiquement stables, elles se concentrent le long de la chaîne alimentaire,
et l’alimentation représente la voie majeure d’exposition pour l’homme. La
possibilité d’un contrôle des aliments par la mise en place d’un plan de
surveillance des produits d’origine animale, et des produits laitiers en particu-
lier, constitue un élément important de la surveillance. La difficulté réside
dans la définition, à des fins de prévention, de niveaux d’exposition tolérables
(normes, valeurs guides{), qui ne peuvent être établis qu’à partir du bilan des
connaissances actuelles sur les effets toxiques des dioxines chez l’animal et
chez l’homme. La compréhension du mécanisme d’action peut également
contribuer à une meilleure définition du risque et en faciliter sa gestion.
Les PCDD et les PCDF sont deux familles de composés qui, bien que distincts,
sont très proches par leur structure moléculaire et leurs propriétés physicochi-
miques. Ce sont des composés aromatiques polycycliques oxygénés dont la
structure présente deux atomes d’oxygène pour les PCDD et un seul pour les
PCDF. Les positions numérotées des cycles aromatiques peuvent être occupées
par des atomes d’hydrogène ou de chlore, ces derniers étant au maximum au
nombre de huit. 319
Dioxines dans l’environnement. Quels risques pour la santé ?
1 2 4
2 10 16
3 14 28
4 22 38
5 14 28
6 10 16
7 2 4
8 1 1
Nombre de congénères** par famille 75 135
*isomères : molécules de même structure atomique ; **congénères : molécules de même structure de base avec un
nombre d’atomes substitués différent
SYNTHESE
certains micro-organismes (bactéries, levures, champignons) sont capables de
les métaboliser.
2,3,4,7,8-PeCDF 0,5
2,3,4,6,7,8-HxCDF 0,1
1,2,3,4,7,8,9-HpCDF 0,01
Méthodes de dosage
Les dioxines sont des substances présentes à l’état de traces et les techniques
analytiques mises en œuvre pour les identifier sont complexes, nécessitant des
seuils de détection très faibles. Parmi les 210 congénères possibles, les métho-
des analytiques cherchent à doser les 17 congénères considérés comme les plus
toxiques et bioaccumulables.
La méthode analytique de référence utilise la chromatographie en phase
gazeuse couplée à la spectrométrie de masse haute résolution (GC-MS). Deux
étapes successives caractérisent cette méthode : la séparation basée sur le
322 principe du mouvement différentiel des composés dans un flux gazeux chaud
Synthèse
SYNTHESE
ronnementaux comme les émissions dans l’atmosphère (degré de contamina-
tion de l’ordre du ng/m3).
Les progrès de la chimie analytique séparative ont permis d’améliorer les
méthodes d’extraction et de purification en les rendant plus rapides et moins
coûteuses. Un protocole utilisant une extraction assistée par micro-ondes, une
purification par chromatographie en phase liquide haute pression (HPLC) et
une méthode d’analyse par chromatographie en phase gazeuse couplée à la
spectrométrie de masse basse résolution a été récemment mis au point en
France. Ce type de protocole devrait permettre de répondre à des demandes de
dosages en routine d’échantillons environnementaux tout en restant compa-
tible avec les exigences (en termes de sensibilité et de reproductibilité) de la
méthode d’analyse.
Les méthodes qui reposent sur la mesure de l’activité biologique des dioxines
sont complémentaires des dosages chimiques et donnent des résultats toxico-
logiques. Ces méthodes biologiques mesurent la quantité de dioxines en
fonction de l’activation du récepteur Ah, cette activation entraînant l’expres-
sion d’un gène rapporteur dont on peut mesurer le produit. Le dosage CALUX
mis au point aux Pays-Bas utilise une lignée cellulaire d’hépatome de rat
génétiquement modifiée par introduction d’un plasmide vecteur du gène de la
luciférase, dont la transcription est placée sous le contrôle d’une séquence de
régulation d’origine murine nommée DRE (Dioxin responsive element). Ainsi,
en réponse à une exposition aux dioxines, les cellules synthétisent de la
luciférase dont l’activité enzymatique est quantifiée par une réaction lumines-
cente. La quantité de lumière émise est proportionnelle à l’activité du récep-
teur Ah. Elle est donc étroitement liée à la nature des congénères de dioxines,
à leur proportion dans un mélange et donne une bonne évaluation de la
toxicité. D’autres modèles cellulaires basés sur ce principe mais utilisant un
autre gène rapporteur peuvent également être utilisés (système CAT, Chloram-
phenicol acetyl transferase).
323
Dioxines dans l’environnement. Quels risques pour la santé ?
Dans les dosages analytiques, l’expression des résultats varie selon la matrice
utilisée.
Les PCDD et les PCDF sont produits au cours de la plupart des processus de
combustion naturels et industriels, et en particulier des procédés faisant
intervenir de fortes températures (incinération, métallurgie{). Ils sont égale-
ment formés lors de la synthèse chimique de dérivés aromatiques chlorés ainsi
qu’au cours de processus biologiques et de réactions photochimiques naturels.
Afin de prévenir la production de PCDD et de PCDF, il apparaît essentiel de
comprendre ces processus de synthèse. Beaucoup de paramètres influencent
cette synthèse et, malgré les nombreuses études expérimentales sur le sujet, les
mécanismes réactionnels mis en jeu restent encore peu connus de nos jours.
SYNTHESE
Les PCDD et les PCDF sont produits majoritairement sur les cendres d’inci-
nération lors du refroidissement des fumées. Ces cendres apportent tous les
éléments essentiels à cette synthèse, structures carbonées résiduelles, chlore et
catalyseurs. Cette voie de synthèse est nommée synthèse « de novo ». Elle est
fortement dépendante de la présence de chlore inorganique dans le milieu
réactionnel. L’acide chlorhydrique et les dérivés métallochlorés comme le
chlorure cuivrique (CuCl2) en sont les principales sources. Le cuivre est
également l’un des catalyseurs les plus actifs des réactions d’halogénation des
Cu 2+ + >300°C
Cl Cl Cl 0 Cl
Autres PCDF + + + Autres PCDD
Cl 0 Cl Cl 0 Cl
2,3,7,8-tétrachlorodibenzofurane 2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-p-dioxine
Cl Cl Cl Cl
3,3',4,4'-tétrachlorobiphényles 2,4,5-trichlorophénol
centrales thermiques (énergie électrique) ainsi que les fours et les chaudières
(chauffage et procédés industriels) émettent des PCDD et PCDF. Ils en
produisent d’autant plus qu’ils utilisent des combustibles de substitution (re-
cyclage, valorisation de déchets). La métallurgie et la sidérurgie sont les
industries les plus concernées.
Les incinérateurs de déchets ménagers ou industriels ont été pendant les vingt
dernières années les principaux émetteurs de PCDD et de PCDF formés au
cours des processus de combustion. De nos jours, les technologies développées
pour limiter le passage des PCDD et PCDF dans les fumées sont très efficaces.
L’amélioration substantielle des procédés et une rationalisation des activités
d’incinération en Europe ont récemment réduit cette source de production de
SYNTHESE
PCDD et de PCDF.
En Grande-Bretagne, l’analyse d’échantillons d’un herbier constitué à 40 km
au nord de Londres a permis de reconstituer l’historique de la contamination
de l’environnement par les PCDD et PCDF, de 1860 à 1993. Deux pics de
contamination émergent dans les périodes 1960 (développement de l’indus-
trie des produits chlorés) et 1980 (mise en route de nombreux incinérateurs
d’ordures ménagères). En Suède, le dosage des PCDD et PCDF dans les œufs
de guillemots (espèce d’oiseaux sentinelles) procure de la même manière des
informations sur l’histoire de la contamination de l’environnement par ces
composés.
300 000
2 000
200 000
1 000
100 000
0 0
1850 1900 1950 2000
Évolution des concentrations de PCDD et PCDF entre 1860 et 1993 dans les
herbiers de la station expérimentale de Rothamsted (Grande-Bretagne) (m.s. :
matières sèches) (d’après Kjeller et coll., 1996).
327
Dioxines dans l’environnement. Quels risques pour la santé ?
Les données obtenues en Europe montrent que les secteurs les plus concernés
par les émissions de dioxines sont les usines d’incinération et la sidérurgie-
métallurgie, mais que la contribution de chacun de ces secteurs est variable
suivant le pays.
Évolution des flux de dioxines des deux principaux secteurs en France (données
de la Direction de la prévention des pollutions et des risques, ministère de
l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement)
Flux de dioxine
(g TEQ/an)
Parmi les sources diffuses de PCDD et PCDF, certaines comme les gaz d’échap-
pement, les huiles de moteurs ou le chauffage domestique (bois, charbon, gaz)
semblent négligeables. En revanche, les réservoirs de PCDD/PCDF, tels que
les bois traités au pentachlorophénol (PCP), les transformateurs électriques
contenant des PCB, les boues d’épuration utilisées pour l’épandage, les sols et
sédiments contaminés, représentent des sources potentielles de dioxines, dont
l’importance réelle doit être évaluée. Récemment, la détection de fortes
concentrations en dioxines dans des argiles ou kaolins situés dans des zones
328 géographiques ou dans des strates du sol peu accessibles à une pollution
Synthèse
récente a focalisé les recherches sur les sources naturelles de dioxines. Ainsi,
des études portant sur des échantillons collectés aux États-Unis (argile du
Mississipi), en Allemagne (kaolins), en Australie et en Asie (sédiments
profonds) confirment l’existence de contaminations antérieures à 1900. Les
profils analytiques montrent une forte prédominance de l’octachlorodibenzo-
dioxine et suggèrent la possibilité de formation naturelle de dioxines dans les
sédiments marins.
SYNTHESE
Tous les compartiments de l’environnement sont concernés par une contami-
nation par les PCDD et les PCDF : masses d’air, sols et sédiments, végétaux et
animaux.
Les niveaux de contamination des masses d’air sont fonction des activités
humaines industrielles et domestiques.
Zones rurales
Grande-Bretagne (1991-1996) 1 à 24
Allemagne (1992) 25 à 70
Zones urbaines
Grande-Bretagne (1991-1996) 0 à 810
Allemagne (1992) 70 à 350
Belgique (1993) 86 à 129
Pays-Bas (1991-1993) 4 à 99
Autriche (1996) 26 à 314
Zones rurales
Pays-Bas (1991) 2,2 à 16
Autriche (1989 ; 1989-1993) 1,6 à 14 (pâturages) ; < 1 à 64 (forêts)
Allemagne (1992) 1à5
Belgique (1992) 2
France (1999) 0,02 à 1
Zones urbaines
Allemagne (1992) 10 à 30
France (1999) 0,2 à 17
Zones industrielles
France (1999) 20 à 60
Allemagne (1992) 50-150
Pays-Bas (1990-1991) 13-252 (incinérateurs municipaux)
Comme pour les sols, la contamination des sédiments dépend aussi des sources
de pollution, de la distance de la zone de prélèvement par rapport aux points
sources, de la circulation des masses d’eau et des capacités de dilution des
systèmes d’eau douce ou marins.
Les données sur la contamination des végétaux varient selon la géographie et
la nature des prélèvements. En Allemagne, le chou a été choisi comme espèce
sentinelle pour les retombées atmosphériques. Les valeurs vont de
0,7 pg TEQ/g en Hesse à 4,78 pg TEQ/g à Hambourg. En France, une étude de
la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répres-
sion des fraudes (DGCCRF) sur des végétaux collectés à proximité d’un
incinérateur de déchets ménagers donne des valeurs allant de 0,21 pg TEQ/g
330 pour le chou à 1,10 pg TEQ/g pour la salade.
Synthèse
SYNTHESE
Pour les espèces végétales, différentes voies d’exposition et de pénétration des
contaminants sont possibles. Généralement, le transfert des composés organi-
ques des racines vers les pousses est négligeable. Des travaux réalisés en
chambre de culture ont montré que, plus encore que l’absorption par les
racines, c’est la dispersion des dioxines à partir du sol qui est la principale
source de contamination des feuilles des fruits et des légumes. Mais, en milieu
extérieur, la principale source de contamination est le dépôt atmosphérique.
Les composés organiques peuvent ainsi pénétrer dans les feuilles des végétaux
directement par dépôt atmosphérique en traversant la cuticule ou par les
stomates. À partir des études allemandes, on peut calculer un taux moyen
annuel de dépôt par unité de surface, en fonction de la contamination des
masses d’air. Pour ce qui concerne les zones rurales et urbaines, un facteur
moyen de 200 peut être calculé (par exemple une teneur de 25 fg/m3 dans l’air
correspond à un dépôt de 5 pg/m2 par an). Dans le cas d’émissions de poussiè-
res fortement concentrées en dioxines, ce facteur peut être 10 fois supérieur.
Biomasses
es
mm
Ho
res
o
niv
Car
es
vor
rbi
He
aux
gét
Vé
espèces accumulent plus de dioxines que les animaux terrestres (vache, co-
chon, poulet{) et des concentrations de plusieurs centaines de pg TEQ/g de
matières grasses ont été détectées dans certains poissons.
Pour les animaux terrestres, les données concernent surtout le lait de vache. À
partir d’une source de pollution telle qu’un incinérateur, les PCDD et PCDF
sont émis de façon très minoritaire sous forme gazeuse et principalement
adsorbés sur des particules ; les taux émis varient de moins de 0,1 à plus de
100 ng/m3. Les PCDD et PCDF se déposent sur le sol et les végétaux, en
particulier sur l’herbe, en fonction des courants atmosphériques et des préci-
pitations. Le transfert du sol vers l’herbe semble très limité. Les bovins en
pâture sont exposés surtout par l’ingestion d’herbe ou de foin contaminé ; les
taux de contamination de l’herbe dans une zone exposée varient de 1 à
50 pg TEQ/g de matière sèche. La consommation de sol ou d’autres fourrages
(maïs, betteraves) représente des apports nettement plus faibles.
L’absorption des dioxines par voie digestive est en général importante, avec
une biodisponibilité comprise entre 60 % et 90 % chez les animaux et
l’homme. Les capacités d’élimination sont faibles et varient d’une espèce à
l’autre. La lactation constitue une voie majeure d’excrétion. La demi-vie des
dioxines chez la vache laitière, par exemple, en est ainsi réduite. La distribu-
tion dans l’organisme s’effectue essentiellement en fonction de la teneur en
332 lipides des tissus ; les PCDD et PCDF se fixent dans les réserves adipeuses et les
Synthèse
graisses tissulaires, par exemple celles de la viande des bovins. Une enquête
récente en France, effectuée sur des échantillons de viandes achetées dans le
commerce, a révélé des taux détectables dans tous les échantillons, mais
inférieurs à 1 pg TEQ/g de matières grasses.
La mobilisation des graisses lors de la lactation explique les taux élevés de
dioxines retrouvés dans le lait et ses dérivés. En France, les niveaux moyens de
PCDD et PCDF dans le lait sont actuellement inférieurs à 1 pg TEQ/g de
matières grasses, en l’absence d’une source de pollution locale. Lorsque les
vaches laitières pâturent à proximité d’un incinérateur ou d’un site industriel
émettant des PCDD et PCDF (recyclage de métaux ou de déchets industriels),
les teneurs peuvent atteindre jusqu’à 50 pg TEQ/g de matières grasses en
fonction de la distance, des vents dominants, mais également des paramètres
SYNTHESE
zootechniques (niveau de production, nombre de lactations). En Autriche,
une valeur extrême de 69 pg TEQ/g de matières grasses a été rapportée dans le
lait de producteurs situés à proximité d’une usine de cuivre.
En France, la surveillance du lait et de ses dérivés est effectuée depuis 1994 par
la Direction générale de l’alimentation (DGAL), en particulier à proximité
d’incinérateurs ou de zones industrielles. Récemment, une circulaire du minis-
tère de l’Environnement impose aux responsables d’unités d’incinération,
outre une norme d’émission dans les fumées de 0,1 ng/m3, des mesures des
teneurs en dioxines du lait des vaches situées aux alentours. À partir de la dose
journalière admissible (DJA), des limites maximales de résidus (LMR) de
PCDD et PCDF ont été déterminées dans certains aliments majeurs comme le
lait et ses dérivés. Le Comité d’experts du Conseil de l’Europe a proposé en
mars 1996 des valeurs qui ont été adoptées également en France. L’établisse-
ment de LMR pour d’autres aliments comme la viande bovine est en cours.
Recommandations sur les teneurs en dioxines dans les laits (Conseil supérieur
d’hygiène publique de France, 1998)
1 pg TEQ/g de matières grasses laitières Valeur considérée comme « bruit de fond », objectif à
atteindre
3 pg TEQ/g de matières grasses laitières Valeur maximale recommandée ; en cas de
dépassement, rechercher les causes et les réduire
5 pg TEQ/g de matières grasses laitières Valeur maximale admise ; en cas de dépassement, le
lait n’est pas commercialisable
SYNTHESE
Crustacés 0,8 - -
Coquillages 7,1 - 1,3
Total 52,9 133,3 41,6
1
: nomenclature OMS
SYNTHESE
quantités présentes dans l’environnement, bioaccumulation dans les chaînes
trophiques, biodisponibilité après absorption et transformation métabolique
chez l’homme (variable en fonction du composé). L’influence combinée de ces
facteurs détermine les proportions relatives de chacun des 17 congénères dans
les tissus biologiques humains. Pour cette raison, le profil des congénères dans
ces tissus diffère de façon plus ou moins importante de celui observé dans
l’environnement et dans divers vecteurs (produits laitiers).
90
50
40
30
20
10
0
1 3,6 ,8 eC D
1, ,2,3 ,7, -Hx DD
1, 3,4 ,8, Hx DD
2, ,7 -P D
4, ,8 xC D
7, p D
1, ,3,4 7,8 -TC
D
O D
3, ,7 H D
6, -H D
2, ,7 8- C
D
9- D
2, ,6 9- C
e F
2, ,7 Pe F
C
1, ,4 -P D
8, C
, 8
2, 7, x F
1, 3,4 ,8- CD
1, 3,4, 8,9 xC F
1, ,2,3 ,7,
1, ,6, ,8-H CD
1, ,4 ,8 xC F
2, 3,7 8-H CD
1, 3,4 ,7,8 xC F
2, 6, -H D
3, ,8-T
4, ,9 pC F
2, ,6 -H D
1 2,3
F
2, ,7 -H D
9- DF
6, -H D
F
D
8
7
8, pC
CD s
2, 7,
C
,
Fs
lP D
3
2, ,7
O
2
2,
D
2,
C
7
3
,
1,
lP
3, ,8
3
7,
ta
ta
To
To
3
Population générale
4
Allemagne (1996) PCDD, PCDF (1996) 6,1-41,5
1 2
TCP : trichlorophénol ; ND : non détecté ; : d’après Mocarelli et coll., 1991 ; d’après Piacitelli et coll., 1992 ;
3
d’après Rœgner et coll., 1991 ; 4 : d’après Wittsiepe et coll., 2000
SYNTHESE
à celle des autres pays européens.
Toxicité aiguë
La toxicité des PCDD et des PCDF a été démontrée expérimentalement sur de
nombreuses espèces animales, mais la plupart des études de toxicologie ont été
réalisées avec la 2,3,7,8-TCDD. Les doses létales 50 (DL 50) varient forte-
ment non seulement en fonction de l’espèce et de la souche, mais aussi du
sexe, de l’âge et de la voie d’administration. Ainsi, en administration orale, un
facteur 8 000 existe entre la DL50 (µg/kg) chez le cobaye, espèce la plus
sensible, et la DL50 chez le hamster syrien. En administration intrapérito-
néale, on trouve un facteur 300 entre le rat de souche Long Evans et le rat de
souche Han Wistar.
Parmi les effets toxiques constamment retrouvés, on note une perte progres-
sive de poids, une réduction des prises alimentaires, une atrophie du thymus et 339
Dioxines dans l’environnement. Quels risques pour la santé ?
Espèce
Hyperplasie ou métaplasie
Muqueuse gastrique ++ 0 0 0 0
Muqueuse intestinale + ++
Tractus urinaire ++ ++ 0 0
Canal biliaire et/ou vésicule biliaire ++ 0 ++ 0
Poumon : foyer alvéolaire ++
Peau ++ 0 0 0 0
Hypoplasie, atrophie, ou nécrose
Thymus + + + + +
Moelle osseuse + + ±
Testicule + + + + +
Autres lésions
Lésions hépatiques + ± + ++ ±
Porphyrie 0 0 + ++ 0
Œdème + 0 0 + +
Hémorragie + + + + +
0 : aucune lésion observée ; + : lésion observée ; ++: lésion sévère observée ; ± : lésion observée de façon plus ou
moins importante
constatés en particulier chez le singe, les rongeurs n’étant pas de bons modèles.
Dans les cultures cellulaires et in vivo, des altérations de l’activité de proliféra-
tion et de l’état de différenciation des cellules épithéliales sont mises en
évidence.
D’un point de vue biochimique, on observe au niveau du foie une induction
enzymatique, en particulier des cytochromes P450 de type 1A1 (CYP1A1),
une hyperlipidémie, une déplétion en vitamine A, ou encore l’apparition
d’une porphyrie.
SYNTHESE
Les effets immunotoxiques de la 2,3,7,8-TCDD ont été étudiés dans de nom-
breuses espèces animales : souris, rat, cobaye, lapin, singe... Il n’a pas été
possible de définir un profil immunotoxicologique valable dans toutes les
espèces considérées. Une hypoplasie ou une atrophie du thymus est l’un des
effets les plus marquants chez les rongeurs, sans signification avérée en ce qui
concerne le statut immunologique de l’animal. La souris est nettement plus
sensible que le rat.
Dans une étude effectuée chez des singes rhésus femelles exposées pendant
4 ans à la 2,3,7,8-TCDD via leur alimentation, on a constaté 10 ans après la
fin du traitement la présence d’une endométriose. L’incidence de l’endomé-
triose était directement corrélée avec l’exposition à la 2,3,7,8-TCDD et la
sévérité de la maladie était dépendante de la dose administrée.
La diminution observée de la tétra-iodothyronine chez les rats exposés à la
2,3,7,8-TCDD in utero n’est statistiquement significative que chez les femel-
les. Les singes rhésus soumis à de faibles doses (proches des doses environne-
mentales) de 2,3,7,8-TCDD présentent une atteinte significative des tests
d’apprentissage relatifs à l’espace. Cette atteinte n’est plus significative quand
les tests d’apprentissage sont liés aux couleurs.
SYNTHESE
Effets sur la reproduction et le développement : DMEO (dose minimale
entraînant un effet observé)
d’autre part les travailleurs exposés dans les usines produisant des herbicides,
des chlorophénols et des chlorophénoxy contaminés par des PCDD ou des
PCDF. Dans ces études prospectives, des efforts considérables ont été faits pour
mesurer l’exposition des populations aux dioxines. Les niveaux d’exposition
étaient de 100 à 1 000 fois plus élevés que ceux de la population générale.
Cohortes Caractéristiques
SYNTHESE
Allemande Allemagne, 4 usines
BASF Allemagne, 1 usine
Boehringer Allemagne, 1 usine
Hollandaise Pays-Bas, 2 usines
Seveso Italie, population de Seveso
US Air Force Ranch Hand États-Unis, anciens combattants du Viêtnam
Des excès de risque faibles pour tous cancers confondus ont été trouvés dans
toutes les cohortes industrielles pour lesquelles l’exposition aux PCDD/PCDF
était correctement évaluée. Cet excès de risque était de l’ordre de 40 %,
20 ans après la première exposition. Des risques plus élevés étaient constam-
ment retrouvés chez les travailleurs ayant les expositions les plus élevées. A
Seveso, le risque global de cancer n’était pas augmenté dans les premières
analyses mais tend à s’élever dans les cinq dernières années. On retrouve un
risque plus élevé pour certains cancers (lymphomes, myélomes multiples,
sarcomes des tissus mous, cancers du poumon, cancers du foie) dans certaines
études mais, dans l’ensemble, les résultats n’apparaissent pas cohérents et il ne
semble pas qu’un cancer particulier prédomine dans les populations exposées.
Mortalité par cancer dans les cohortes industrielles fortement exposées aux
PCDD/PCDF
SYNTHESE
*SMR : standardized mortality ratio
SYNTHESE
l’exposition aux dioxines est corrélée à celle des PCB.
P450 1A, 1B{), qui ne sont pas tous identifiés. Une boucle d’autorégulation
de ces inductions existe : le récepteur Ah induit la transcription de son propre
répresseur, AhRR, une forme tronquée du récepteur, constitutivement acti-
vée, qui entre en compétition avec le récepteur Ah natif pour le recrutement
de Arnt et la formation d’un dimère dépourvu d’activité transcriptionnelle.
p23
Interaction potentielle avec des voies
c-Src de signalisation des protéines kinases
pp60 src
Cytoplasme Hsp 90 Influence du degré
PKC de phosphorylation des partenaires
inhibiteur PKC
Dioxine CBP/
(TCDD) p23
p300 synergie
AHR
Facteurs de
Arnt Transcription
ADN TNGCGTG
SYNTHESE
Il est bien établi que les monooxygénases produisent au cours de leur cycle
catalytique des espèces réactives de l’oxygène (ERO) responsables d’un stress
oxydant. En présence de certains substrats dits « découplés », la réaction
d’oxygénation est incomplète et produit de l’eau oxygénée (H2O2) ou l’anion
superoxyde : ce dernier, transformé en H2O2 par la superoxide dismutase, peut
donner un radical hydroxyl (OH.) en présence de fer (réaction de Fenton).
Ces composés oxygénés sont très réactifs et peuvent provoquer des lésions sur
l’ADN, des altérations des protéines et des modifications au niveau des lipides.
Substrat « couplé »
CYP
RH + O2 R-OH + H2O
Substrat « découplé »
RH + O2
CYP .
RH + O2
O2
SOD
H2O 2
Fe
OH .
(SOD = superoxyde dismutase)
CYP1A1 CYP1B1
2-OH-E2 E2 4-OH-E2
SYNTHESE
théliales des vaisseaux.
Au regard de l’avancée des connaissances sur les multiples modes d’action des
dioxines, on peut envisager la participation de ces substances dans le dévelop-
pement de certaines pathologies : l’ostéoporose (les dioxines sont des antiœs-
trogènes) et l’endométriose (les dioxines sont de puissants antiprogestatifs).
Les dioxines pourraient également être impliquées dans l’évolution de mala-
dies neuro-dégénératives, par inflammation et induction de gènes spécifiques.
De nombreuses voies de recherche sont ouvertes afin, d’une part, d’identifier
le ligand naturel du récepteur Ah et, d’autre part, de cerner le domaine
physiopathologique de ce récepteur en fonction du ligand. La découverte de
nouveaux gènes cibles endocriniens, métaboliques, neurologiques ou encore
viraux, inductibles ou répressibles par les dioxines, devrait permettre de mieux
comprendre les pathologies liées à ces molécules.
Des modèles toxicocinétiques ont été développés soit pour analyser quantita-
tivement des données animales de toxicologie moléculaire visant à élucider
les mécanismes d’action, soit pour déterminer rétrospectivement les exposi-
tions humaines et les demi-vies de la 2,3,7,8-TCDD dans les cohortes épidé-
miologiques de Ranch Hand et de Seveso, soit encore pour évaluer prospecti-
vement les risques pour la santé humaine.
L’analyse toxicocinétique des données humaines indique que la demi-vie
d’élimination est d’environ 8,5 ans pour les cohortes professionnelles et de
15,5 ans pour la population générale. Cette demi-vie varie fortement entre
individus (par exemple en fonction de leur poids corporel) et augmente avec
l’âge : certains individus présentent des demi-vies d’élimination de la 2,3,7,8-
TCDD allant jusqu’à 30 ans. L’homme accumule au total beaucoup plus la
2,3,7,8-TCDD que ne le fait l’animal.
Des modèles toxicocinétiques physiologiques ont été utilisés pour simuler et
prédire l’effet de la 2,3,7,8-TCDD sur l’induction de CYP, l’expression du
TGFß et de l’EGF, le métabolisme de l’œstradiol, le devenir de la vitamine A
ou l’action sur les hormones thyroïdiennes, chez l’animal et chez l’homme. Les
résultats obtenus sur l’induction de CYP1A1 et CYP1A2 et sur la réduction de
l’EGF sont compatibles avec un modèle sans seuil. Cependant, l’effet cancé-
rogène de la 2,3,7,8-TCDD dans le foie de rat ne dépend sans doute pas
seulement de l’action via les CYP.
Le but de ces modèles est en partie de mieux transposer à l’humain les résultats
obtenus chez l’animal, en s’affranchissant de facteurs de sécurité arbitraires. Il
est possible d’utiliser de tels modèles pour une évaluation détaillée des risques
de la 2,3,7,8-TCDD, en particulier dans le cas de contaminations accidentel-
les.
La toxicocinétique des dioxines explique partiellement les différences de
toxicité entre espèces et indique une susceptibilité accrue pour l’humain en
raison de la durée de vie et de la charge corporelle. Au regard des incertitudes
sur la signification de l’accumulation des dioxines dans le foie pour certaines
espèces, il n’est pas déraisonnable de baser les estimations de risques sur les
charges corporelles. La charge corporelle, chez l’homme, dépend fortement de
la demi-vie du produit considéré et les études récentes montrent une grande
variabilité de ce paramètre dans la population. Il est donc nécessaire de tenir
compte, dans l’évaluation des risques, de l’existence de populations sensibles
aux effets des dioxines.
SYNTHESE
nées par une série de facteurs de sécurité. Pour les effets stochastiques, il faut
calculer la pente de la courbe dose-réponse pour une unité de dose quoti-
dienne. On peut alors évaluer un risque à dose fixée, ou une dose pour un
risque donné.
Aux niveaux actuels d’exposition de la population générale, on considère que
l’occupation du récepteur par les dioxines est suffisante pour obtenir l’expres-
sion des gènes cibles. La relation dose-réponse est ici en principe linéaire. On
ne peut pas à cette étape faire la part entre l’induction de ces gènes attribuable
aux dioxines et celle attribuable à d’autres ligands exogènes ou endogènes.
Il n’est pas possible, d’après les connaissances actuelles, d’établir un lien causal
entre le niveau d’expression de ces gènes cibles et le risque de cancer. Il faut
donc retenir des hypothèses pour justifier le choix d’une approche détermi-
niste ou d’une approche stochastique pour évaluer le risque de cancer. L’OMS
(1998) retient l’approche déterministe et conclut que, aux doses quotidiennes
d’exposition, le risque de survenue de cancer lié aux dioxines est vraisembla-
blement nul. Un groupe de travail de l’US EPA (1997) propose une série de
modélisations pour les cancers (modèles multiétapes linéarisés et multiétapes
Weibull) pour les données animales et deux modèles, additif et multiplicatif
pour les données épidémiologiques. Les résultats sont compatibles avec une
linéarité et un excès de risque unitaire vie-entière1 de l’ordre de 10 – 2 à 10 – 3
pour une exposition de 1 pg TEQ/kg/j.
L’OMS (1998) retient, à partir des données animales, que les effets systémi-
ques survenant aux plus faibles doses se traduisent par une altération de la
qualité du sperme et des réponses immunitaires, par des malformations congé-
nitales chez la progéniture de rates exposées durant la gestation, par des
atteintes du développement neuro-comportemental chez de jeunes singes
1. Le « risque unitaire vie-entière » entre dans le calcul du nombre attendu de cas de cancers
par an, égal à :
« risque unitaire vie entière (ici 10−2 à 10−3) × taille de la population (en habitants)/durée de vie
moyenne (70 ans) » 355
Dioxines dans l’environnement. Quels risques pour la santé ?
dont la mère à été exposée durant la gestation et par un risque accru d’endo-
métriose chez ces singes femelles. À partir de ces données, en considérant les
différences de toxicocinétique d’une espèce à l’autre, et en appliquant un
facteur de sécurité de 10, l’OMS propose une dose journalière acceptable pour
l’homme de 1 à 4 pg TEQ/kg/j.
Cancérogénicité Foie
Carcinome Rat (F) 100 ng/kg
Développement Neurotoxicité
& Reconnaissance d’objets Singe rhésus 0,126 ng/kg/j
Reproduction
& Nombre de spermatozoïdes Rat 64 ng/kg/j
Formation de filaments vaginaux Rat 200 ng/kg/j
Immunotoxicité
# Sensibilité à l’infection virale Souris 10 ng/kg (7e j)
Système immunitaire Immunosuppression Souris 1 ng/kg/sem
Autres Endométriose Singe rhésus 0,126 ng/kg/j
Le groupe de l’US EPA (1997), en modélisant les données des études animales
qui s’y prêtent, a conclu que les altérations de la qualité du sperme, du
métabolisme des hormones thyroïdiennes et du cholestérol, ainsi que la teneur
en rétinol hépatique, l’induction des enzymes hépatiques CYP1A1 et
CYP1A2 et l’atrophie thymique présentent une relation dose réponse linéaire.
L’altération du comportement sexuel, la tératogenèse et l’immunotoxicité
sont considérées comme des effets à seuil. Il n’est pas possible de conclure pour
les autres effets.
Les connaissances scientifiques disponibles aujourd’hui ne permettent pas de
trancher en faveur de l’une ou l’autre approche. En considérant que le risque
croît selon la fonction de risque unitaire estimée par l’US EPA au-delà de la
dose journalière totale (DJT) définie par le Conseil supérieur d’hygiène publi-
que de France (1 pg TEQ/kg/j), on peut déterminer un excès de risque de
cancers associé à cette exposition moyenne. En tenant compte des données du
recensement récent (mars 1999) de la population française, cette estimation
est de 1 462 (IC 95 % : 859-2 493) et 2 407 (IC 95 % : 1 289-4 470) décès
annuels par cancer selon le choix du modèle (additif ou multiplicatif, respec-
tivement). Retenir l’hypothèse de linéarité sans seuil pour les cancers conduit
donc à estimer que l’exposition aux dioxines de la population pourrait être
responsable de cas de cancers chaque année en France. Des cancers induits par
les dioxines continueraient à survenir après que les expositions du public aient
été ramenées à un niveau irréductible dû à la production naturelle de ces
356 composés.
Synthèse
SYNTHESE
fabrication d’huile de riz. La fuite de ce mélange de PCB et de PCDF dans
l’huile alimentaire a produit des intoxications massives (2 000 personnes
sûrement exposées dans les deux cas). Mais les PCB ne sont en principe plus
commercialisés depuis le milieu des années quatre-vingt.
Certaines grandes entreprises qui disposaient d’un parc important de transfor-
mateurs contenant des PCB ont entrepris d’éliminer ces transformateurs et de
remplacer les PCB par d’autres produits. Le danger d’incendies ponctuels de
transformateurs en service pouvant générer des dioxines n’est donc plus, en
principe, à craindre. En revanche, le stockage des transformateurs mis au rebut
pourrait être à l’origine d’incidents comme des fuites de PCB sur les sites. Par
ailleurs, des transformateurs ayant contenu des PCB peuvent être toujours en
service. Les PCB qu’ils contenaient ont été remplacés par un autre diélectri-
que (de l’huile minérale en particulier) qui peut être contaminé par des traces
de PCB et donc donner lieu à la production de PCDF en cas d’incendie. Dans
de telles circonstances accidentelles, il serait utile d’échantillonner systémati-
quement les produits de combustion, de manière à pouvoir le cas échéant
estimer les quantités de PCDF produites.
Il reste des sources probablement minimes de surexposition brève mais éven-
tuellement fréquentes. C’est le cas des récupérateurs de métaux, intéressés par
le cuivre des transformateurs, qui est bien souvent chauffé au cours du proces-
sus de récupération et susceptible de générer de ce fait de relativement petites
quantités de PCDD et de PCDF.
L’alimentation étant la source majeure de contamination humaine par les
dioxines, certaines populations peuvent être plus exposées que d’autres selon
leur mode d’alimentation. En cas de contamination d’un aliment, les forts
consommateurs de cet aliment seront donc particulièrement exposés. Ce
constat a conduit le Conseil supérieur d’hygiène publique de France puis le
comité d’experts de l’AFSSA à poursuivre sa réflexion sur la définition de
valeurs guide (à ne pas dépasser) pour chaque classe d’aliment. L’objectif est de
protéger la population, y compris les forts consommateurs (95e centile), de
tout dépassement du seuil recommandé par l’OMS (4 pg TEQ/kg/j). 357
Recommandations
SYNTHESE
La contamination du milieu environnemental s’est produite pour l’essentiel
au cours des cinq dernières décennies, à partir de deux sources principales : la
fabrication par l’industrie chimique, dès les années cinquante et jusqu’aux
années soixante-dix, de nombreux produits chlorés (polychlorobiphényles ou
PCB, pentachlorophénol ou PCP, acide 2,4-dichlorophénoxyacétique ou
2,4-D) pouvant contenir des dioxines (PCDD et PCDF) qui ont avec eux été
disséminés dans l’environnement ; les procédés thermiques en rapport avec
des activités industrielles (métallurgie, sidérurgie, incinérations de déchets
ménagers) qui sont devenus, après l’interdiction ou les limitations d’emploi
des produits chlorés, la principale source d’émissions de PCDD et PCDF. Ces
émissions ont été fortement réduites au cours de la dernière décennie, suite
essentiellement à des modifications des procédés technologiques. Ainsi, dans
les pays développés, les émissions de dioxines dans l’environnement ont été
divisées par deux ou par trois. Cette baisse des émissions se traduit par une
réduction de la contamination alimentaire et une diminution de l’imprégna-
tion des populations (environ 50 % depuis 1990). Il est néanmoins important
de rappeler que, quelles que soient les mesures mises en œuvre, il restera
toujours une exposition résiduelle due à la formation naturelle des PCDD et
PCDF, principalement par des processus thermiques (feux de forêt, activité
volcanique{) et éventuellement biologiques.
Le groupe d’experts, après analyse et synthèse de la littérature et des données
de contexte, propose trois axes de recommandations d’action : poursuivre la
réduction de la contamination de la chaîne alimentaire par une surveillance
des sources d’émission et des réservoirs connus, un dépistage des sources et
réservoirs de dioxines non encore identifiés, ainsi qu’un état des lieux de la
contamination de l’environnement ; une surveillance de l’imprégnation de la
population générale et des populations potentiellement plus exposées ou
vulnérables ; la mise en place d’un dispositif d’intervention en cas d’exposi-
tion aiguë.
Les recommandations de recherche concernent le domaine de l’environne-
ment, avec la proposition d’une reconstitution historique du milieu ambiant 359
Dioxines dans l’environnement. Quels risques pour la santé ?
pour avoir une base scientifique d’une option de gestion française et la valida-
tion de modèles de transferts entre les différents compartiments de l’environ-
nement ; le domaine de la santé publique, avec la nécessité de poursuivre des
études épidémiologiques sur certains effets encore mal cernés ; la recherche
des mécanismes moléculaires d’action de la dioxine car il reste beaucoup
d’inconnues ; enfin le développement d’outils permettant d’améliorer l’éva-
luation de risque.
SYNTHESE
distribution) et d’estimer un taux de dioxines au-dessus duquel un lot d’ali-
ments doit être considéré comme contaminé (2 pg TEQ/g de matières grasses
pour le lait, par exemple).
Concernant l’exposition du nourrisson, les données françaises récentes obte-
nues sur le lait maternel montrent une teneur en dioxines entre 6 et 35 pg
TEQ/g de matières grasses, avec une moyenne aux environs de 16 pg TEQ/g
de matières grasses. Cette teneur moyenne entraîne un niveau d’exposition du
nourrisson de 70 pg TEQ/kg/j, pendant les trois premiers mois de sa vie, bien
supérieur à la DJA. Toutefois, celle-ci est calculée pour une exposition vie
entière. Il n’apparaît pas justifié de remettre en cause l’allaitement maternel,
puisque les risques éventuels d’une exposition (par exemple les effets neuro-
développementaux), observés dans certaines études épidémiologiques, l’ont
été chez des enfants nourris avec du lait dont la teneur en dioxines était
comprise entre 30 et 60 pg TEQ/g de matières grasses, c’est-à-dire supérieure
aux taux observés en France. Le développement des enfants allaités reste à ce
jour considéré comme meilleur que celui des enfants nourris au lait artificiel,
tout comme leur statut immunitaire.
Pour réduire la contamination alimentaire en France, des mesures d’identifi-
cation des sources d’émission dans l’environnement et des réservoirs de dioxi-
nes doivent être envisagées. Une recherche des sols pollués doit permettre
d’exclure certaines zones contaminées de la production laitière. Les PCDD et
PCDF doivent être dosés dans les campagnes d’échantillonnage des sols et
sédiments réalisées par les divers organismes concernés. L’expression des
résultats des dosages doit être adaptée à l’objectif recherché : les résultats
d’analyses effectuées dans un but de dépistage de sources de contamination
doivent être exprimés en profil de congénères tandis que les données visant à
évaluer le risque sanitaire doivent être exprimées en TEQ.
La réduction de la contamination alimentaire implique aussi la surveillance
des sources connues d’émission de dioxines. Ces sources résultent des activités
industrielles de type métallurgie−sidérurgie ou incinération de déchets ména-
gers. L’évaluation du risque lié aux émissions atmosphériques des incinérateurs
sur la contamination par voie alimentaire a été effectuée en France. D’après 361
Dioxines dans l’environnement. Quels risques pour la santé ?
Des accidents de l’ampleur de celui de Seveso ne sont plus une réelle menace
à l’heure actuelle du fait des changements intervenus dans les pratiques
industrielles. Des surexpositions de brève durée aux dioxines peuvent néan-
moins être observées à l’occasion de divers événements fortuits (incendie de
transformateurs ou de bâtiments, fuite de fluides hydrauliques ou caloporteurs,
fuites sur le lieu de stockage des vieux transformateurs, récupération de
métaux et de câbles électriques, transports routiers de REFIOM (résidus
d’épuration des fumées d’incinération des ordures ménagères) provenant des
unités d’incinération{) ou de manœuvres frauduleuses.
SYNTHESE
Le groupe d’experts recommande de prendre toutes les mesures nécessaires
visant à prévenir les surexpositions de durée brève, essentiellement par un état
des lieux de toutes les sources potentielles (par exemple, stocks de PCB) et la
suppression progressive ou la sécurisation de ces sources.
En cas de contamination alimentaire, trois éléments d’appréciation ont été
retenus par différents pays européens : le taux d’imprégnation du produit par
rapport au taux habituellement constaté (en Belgique) ; le dépassement de la
DJA (en France) ; l’augmentation significative attendue de la charge corpo-
relle (aux Pays-Bas). Selon le critère retenu, on peut définir des seuils de
retrait du marché ou définir une période d’exposition durant laquelle le
maintien du produit sur le marché n’entraînera pas de modification significa-
tive de la charge corporelle. Par exemple, les autorités néerlandaises estiment
cette période à 30 000 jours pour des œufs contenant 60 pg TEQ/g de matières
grasses, et à 275 jours dans le cas d’une contamination à taux égal de viande
bovine ou de produits laitiers. En France, l’objectif est de protéger l’ensemble
de la population y compris les forts consommateurs de chaque classe d’ali-
ments (95e centile) de tout dépassement du seuil de 4 pg TEQ/kg/jour recom-
mandé par l’OMS. Dans le cadre de cette option de gestion française seront
définis prochainement des niveaux de contamination en PCDD et PCDF
devant être considérés comme des seuils d’exclusion de la commercialisation
pour les aliments, autres que les produits laitiers, ayant une contribution
significative à l’exposition.
En cas de contamination importante de certains aliments, celle-ci sera
d’autant plus limitée et maîtrisable que les opérations de surveillance auront
permis de la détecter précocement et d’établir une traçabilité pour en estimer
l’étendue. Éventuellement, un plan de retrait pourra être mis en place en
particulier pour les aliments contenant plus de 2 % de matières grasses.
Le groupe d’experts recommande que les mesures prises soient proportionnel-
les à l’importance de l’exposition (alimentaire ou environnementale) : infor-
mer les populations et les personnels de santé ; déterminer le nombre de sujets
exposés et contaminés et instituer un suivi en particulier pour les femmes
enceintes et les femmes allaitantes qui ont été contaminées ; utiliser des 363
Dioxines dans l’environnement. Quels risques pour la santé ?
Voies de recherche
SYNTHESE
DÉVELOPPER DE NOUVELLES MÉTHODES DE DOSAGE
La méthode analytique de référence pour doser les PCDD et PCDF utilise la
chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse haute
résolution (GC-MS). Il s’agit d’une méthode très sensible et sélective. Le
résultat, donné sous forme de profil chromatographique des différents congé-
nères, peut être converti en quantité totale et en poids de chaque congénère
présent. La complexité et le coût du dosage (environ 5 000 F) conduisent à
restreindre le nombre d’analyses d’échantillons. De plus, une grande variabi-
lité des résultats entre différents laboratoires complique leur interprétation.
Récemment, les progrès de la chimie analytique séparative ont permis d’amé-
liorer les étapes d’extraction et de purification et de les rendre moins coûteu-
ses. Par ailleurs, le couplage de la chromatographie à une spectrométrie basse
résolution, d’une utilisation plus facile, devrait permettre d’effectuer plus
aisément des dosages en série (notamment sur des échantillons de l’environ-
nement). Le groupe d’experts préconise de renforcer le développement et la
coordination des recherches sur les techniques de dosages analytiques.
Les méthodes de dosage biologiques, reposant sur l’estimation de la fixation
des dioxines au récepteur Ah, devraient prendre de l’extension dans les
prochaines années. Ces méthodes, moins chères et nécessitant pour les dosa-
ges chez l’homme une prise de sang d’un volume moindre, sont mieux adaptées
à la veille sanitaire. Le groupe d’experts recommande de prendre en considé-
ration les protocoles développés dans différents laboratoires pour définir et
valider une technique standard. La possibilité d’effectuer facilement de tels
dosages sur des échantillons de sang faciliterait la conduite d’enquêtes épidé-
miologiques.
SYNTHESE
plan moléculaire, l’origine fonctionnelle des observations cliniques et épidé-
miologiques des effets des dioxines, la variabilité interespèces et la variabilité
interindividuelle de ces effets chez l’homme, en particulier celle liée au
polymorphisme génétique. Cette recherche permettrait d’aboutir à une
meilleure adéquation entre les mécanismes démontrés et le choix de modèles
en évaluation de risque.
Le mécanisme par lequel la 2,3,7,8-TCDD induit des tumeurs n’est pas élu-
cidé : en particulier, on ne sait pas encore aujourd’hui si cette molécule est un
cancérogène complet. Bien que non mutagène, la 2,3,7,8-TCDD pourrait
entraîner de façon indirecte (via l’induction des cytochromes) des lésions
oxydatives sur l’ADN, provoquer une inhibition de l’apoptose, induire une
prolifération par des effets cytotoxiques. Le groupe d’experts recommande
d’examiner l’activité promotrice de tumeurs de la 2,3,7,8-TCDD après induc-
tion de lésions génotoxiques par d’autres voies.
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