2013 Out Aissaoui K
2013 Out Aissaoui K
2013 Out Aissaoui K
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commerciales.
DOCTORAT en DROIT
AISSAOUI KAMEL
DIRECTEUR DE THESE
Mme Annie BEZIZ-AYACHE Maître de conférences à la Faculté de droit de l’Université
Jean Moulin (Lyon III)
MEMBRES DU JURY
1
2
« Le chercheur est celui qui doit poser des questions, qui doit mener plus loin la réflexion, qui ne doit pas se contenter de
douter mais qui doit oser ébranler les certitudes pour aller de l’avant »1.
1
EBERHARD (C), VERNICAS (G), La quête anthropologique du droit, Editions Karthala, 1994, p. 12.
3
SOMMAIRE
Bibliogaphie Générale…………………………………………...................................................384
4
LISTE DES ABREVIATIONS
Act : Actualité (JCP – La Semaine juridique – Edition Générale ou Entreprise)
AFDI : Annuaire français de droit international
AJ : Actualité jurisprudentielle (Recueil Dalloz)
AJDA : Actualité juridique – Droit administratif
AJFP : Actualité juridique – Fonction publique
AJ pén. : Actualité judique – Droit pénal
al. : Alinéa
anc. : Ancien(s)-ancienne(s)
APJ : Agent de police judiciaire
Arch. pol. crim. : Archives de politique criminelle
Art. : Article(s)
BAV : Bureau d’Aide aux Victimes
BAJ : Bureau d’Aide Juridictionnelle
BOMJ : Bulletin officiel du ministère de la justice
Bull. civ. : Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation
Bull. crim. : Bulletin des arrêts de la Chambre criminelle de la Cour de cassation
CAA : Cour administrative d’appel
Cah. dr. europ. : Cahiers de droit européen
Cah. séc. intér. : Les Cahiers de la sécurité intérieure
C. assur. : Code des assurances
C. civ. : Code civil
C. com. : Code de commerce
C.E. : Arrêt du Conseil d’Etat (sous-sections)
C.E. Ass. : Arrêt du Conseil d’Etat (assemblée du contentieux)
CEDH : Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme
CESDH : Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme
C.E. Sect. : Arrêt du Conseil d’Etat (section du contentieux)
C. étr. : Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
Chron. : Chronique
Circ. : Circulaire
Civ. : Arrêt de la Chambre civile de la Cour de cassation
CIVI : Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions
CJCE : Arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes
Com. EDH : Avis de la Commission européenne des droits de l’homme
comm. : Commentaire
Comp. : Comparez
concl. : Conclusions
Cons. const. : Décision du Conseil
constitutionnel
Conv. EDH : Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales
C. pén. : Code pénal
C. pr. civ. : Code de procédure civile
C. pr. pén. : Code de procédure pénale
Crim. : Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation
C. route : Code de la route
5
D. : RecueilDalloz
d.e. : Dernière édition
Defrénois : Répertoire général du notariat Defrénois
DDHC : Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
DH : Recueil Dalloz hebdomadaire de jurisprudence
D.P. : Recueil Dalloz périodique et critique mensuel
Dr. pén. : Revue Droit pénal
éd. : Editions
Esprit : Revue Esprit
et al. : Et autres
ét. : Etudes (Revue Droit pénal)
fasc. : Fascicule (Juris-Classeur)
FIPD : Fonds Interministerielle de Prévention de la Délinquance
Gaz. Pal. : Gazette du palais
ibid . : Au même endroit
i.e. : C’est-à-dire (id est)
in : dans
INAVEM : Institut d’Aide aux Victimes Et Médiation
Infra : Plus loin
IR : Informations rapides – Recueil Dalloz
JAF : Juge aux Affaires Familiales
JAP : Juge de l’application des peines
J-Class. pén. : Juris-Classeur Pénal (code)
J-Class. pr. pén. : Juris-Classeur Procédure pénale
JCP : La Semaine Juridique – Edition Générale
JDI : Journal de droit international
JO : Journal officiel de la République française
JUDEVI : Juge DElégué aux VIctimes
Jurisp. : Jurisprudence – Recueil Dalloz
Lég. : Législation – Recueil Dalloz
L.G.D.J. : Librairie générale de droit et de jurisprudence
Liv. : Livre
N.C.P.C. : Nouveau Code de procédure civile
not. : Notamment
obs . : Observations
op. cit. : Déjà cité(e)
OPJ : Officier de police judiciaire
ord. : Ordonnance
ord. réf. : Ordonnance de référé
p. : Page
Petites affiches : Les petites affiches
pp. : Pages
préc. : Précédent(e)
précit. : Précité(e)
P.U.A.M. : Presses universitaires d’Aix-Marseille
P.U.F. : Presses universitaires de France
rapp. : Rapport
Rectif. : Rectificatif (Journal officiel)
Rép. civ. : Répertoire Dalloz - Droit civil
Rép. pén. : Répertoire Dalloz - Droit pénal et de procédure pénale
6
Req. : Arrêt de la Chambre des requêtes de la Cour de cassation
Rev. dr. pén. et crim. : Revue de droit pénal et de criminologie
Rev. int. crim. pol. tech. : Revue international de criminologie et de police technique et
scientifique
Rev. int. dr. pén. : Revue internationale de droit pénal
Rev. pénit. dr. pén. : Revue pénitentiaire et de droit pénal
Rev. sc. crim. : Revue de science criminelle et de droit pénal comparé
S. : Recueil Sirey
s. : Suivant(e)
SARVI : Service d’Aide au Recouvrement des Victimes d’Infractions
Sic : Cité(e) textuellement
SME : Sursis avec Mise à l’Epreuve
Somm. : Sommaires commentés de jurisprudence (Dalloz)
sous la dir. : Sous la direction de
spéc. : Spécialement
SPIP : Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation
ss : Suivants(es)
supra : Plus haut
T. : Titre
t. : Tome
TGI : Tribunal de grande instance
T. pol. : Tribunal de police
trad. : Traduction
Traité CE : Traité instituant la Communauté européenne
Traité UE : Traité sur l’Union européenne
V. : Voir
Vol. : Volume
7
EPIGRAPHE
INTRODUCTION
8
« Derrière la clameur de la victime se trouve une souffrance qui crie moins vengeance que récit »2
2
RICOEUR (P), entendu comme témoin lors du procès sur le sang contaminé, Le juste 2, Paris, Esprit, 2001,
p. 193.
3
GIUDICELLI-DELAGE (G), LAZERGES (C), La victime sur la scène pénale en Europe, PUF, 2008 : Les
atrocités perpétrées par le régime nazi durant la seconde guerre mondiale ont fait prendre conscience à
l’opinion publique que l’étude de la victime ne servait pas seulement à comprendre le passage à l’acte : il
fallait prendre également en considération la notion de traumatisme. La victime devient alors un objet
d’étude à part entière.
4
GIUDICELLI-DELAGE (G), LAZERGES (C), ibid. ; LOPEZ (G), TZITZIS (S), Dictionnaire des sciences
criminelles, Victimologie, Dalloz, 2004.
5
V. infra n° 22 et s.
6
JOLY (H) in PICCA (G), La criminologie, Que sais-je, PUF, 7è édition, 2005.
7
Auguste COMTE, fondateur du positivisme, est considéré comme un des précurseurs de la sociologie. Il eu
une influence considérable sur l’épistémologie française. Il est né le 19 janvier 1798, il est mort le 5
septembre 1857.
Pour aller plus loin. GRANGE (J), La philosophie d’Auguste Commte, PUF, 1996 ; GRANGE (J), Politique
de la science. Auguste Comte, Odile Jacob, 2000 ; JOLIBERT (B), Auguste Comte. L’éducation positive,
L’Harmattan, 2004.
8
PICCA (G), La criminologie, op. cit.
9
défense sociale. Ainsi, le criminel peut être traité sous deux angles différents : la faute qu’il
a commise et l’état dangereux qu’il représente pour la société. La criminologie peut
également être reçue comme une science transversale : la sociologie a beaucoup apporté à
la criminologie, Emile DURKHEIM9 notamment a très vite considéré l’infraction pénale
en général comme un fait social. En ce qui concerne le crime, il est possible d’écarter toute
cause accidentelle car la criminalité résulte de processus sociaux comme l’urbanisation ou
l’industrialisation. La criminologie, par sa dimension scientifique et humaine, permet
d’appréhender le fait criminel dans sa réalité et dans sa complexité sociale.
Comme l’avance le juriste et philosophe allemand Ludwig FEUERBACH10, la politique
criminelle regroupe des moyens en vue de répondre à la réaction sociale face au crime.
Mais se pose alors une question qui apparait en filigrane tout au long de cette étude : doit-
on porter plus d’intérêt au criminel qu’aux autres protagonistes de l’infraction pénale ? La
politique criminelle doit-elle prendre en charge l’auteur de l’infraction pénale en faisant fi
de la victime ?
A travers ce questionnement, la société vivra ce que Herman MANHEIM appelle le
dilemme de la réforme pénale 11 : c’est à dire choisir entre prendre en compte la victime ou
ne pas l’inclure dans le processus pénal pour aboutir à un seul résultat, faire œuvre de
justice. Autrement dit comment réformer et bousculer les consciences sans créer un
déséquilibre, dans la gestion du fait criminel, entre victime et mis en cause ? C’est de ce
dilemme de la réforme pénale qu’il sera question au cœur de cette thèse.
3. La criminologie comme science transversale. Pour Raymond GASSIN12, la
criminologie se distingue du droit pénal et de la politique criminelle. La séparation entre
les deux disciplines est poreuse : l’une ne peut ignorer le résultat de l’autre, la preuve en
est l’influence de la criminologie sur le droit pénal en ce qui concerne l’individualisation
des peines ou les mesures de sûreté…
9
Emile DURKHEIM, né le 15 avril 1858 et mort le 15 novembre 1917, il est un des fondateurs de la
sociologie moderne. Son œuvre touche toutes les disciplines dans les sciences humaines.
Pour aller plus loin. LEROUX (R), Histoire et sociologie en France : de l’histoire-science à la sociologie
durkheimienne, PUF, 1998 ; CUIN (C-H), Durkheim. Modernité d’un classique, coll. Société et Pensées,
Hermann, 2011.
10
Ludwig FEUERBACH est né le 28 juillet 1804 et mort le 13 septembre 1872. C’est un philosophe
allemand chef de fil du courant matérialiste. FEUERBACH (L), Pour une réforme de la philosophie, Fayard,
2004.
11
MANHEIM (H), Comparative criminology, vol. 2, Routledge and Kegan, 1965.
12
GASSIN (R), Criminologie, Précis Dalloz, Dalloz, 1988.
10
La criminologie se distingue également de la criminalistique. La criminalistique est une
science permettant de révéler des preuves utilisées en justice : médecine légale, police
scientifique, police technique, police judiciaire. La criminalistique complète la procédure
pénale.
La criminologie se distingue de la pénologie, soit l’étude sociologique de la sanction
pénale, des règles d’exécution des peines, des règles d’application des peines13. La
pénologie s’interesse également aux métiers de l’administration pénitentiaire. Il existe
néanmoins un lien entre la criminologie et la pénologie à travers la criminologie clinique14.
Enfin, la criminologie se distingue de la sociologie pénale. Cette dernière étudie, analyse,
conceptualise les diverses réactions sociales face au crime. Il peut exister une
correspondance entre les deux domaines à travers la criminologie de la réaction sociale :
« la science des effets et de la conséquence des crimes »15.
4. Les grandes théories criminelles16. De 1818 à 1895, pour Karl MARX17 et
Friedrich ENGELS18, la criminalité s’apparente à un sous-produit du capitalisme ; un sous-
produit comme peuvent l’être les autres anomalies sociales. De 1835 à 1809, Cesaré
LOMBROSO19 construit la théorie du criminel-né : le criminel relève de caractéristiques
physiques ou biologiques spécifiques. Par exemple, il décrit le violeur comme ayant des
longues oreilles20.
13
BEZIZ-AYACHE (A), Dictionnaire de la sanction pénale, Ellipses, 2009 ; BEZIZ-AYACHE (A),
BOESEL (D), Droit de l’exécution de la sanction pénale, Lamy, 2012.
14
La criminologie clinique est l’étude individuelle du phénomène de délinquance en vue de prévenir la
récidive.
15
PINATEL (J), Perspective d’avenir de la criminologie, in la criminologie, bilan et perspectives, 1980, pp.
265-266.
16
GASSIN (R), Criminologie, op. cit.
17
Karl MARX, né le 5 mai 1818 et mort le 14 mars 1883, il a très largment influencé la sociologie. Il est
considéré comme historien, journaliste, philosophe, économiste et sociologue.
Pour aller plus loin. FROMM (E), La conceptin de l’homme chez Marx, Payot, 2010 ; COLIN (D),
Comprendre Marx, Armand Colin, 2006 ; KORSCH (K), Karl Marx, Ivrea, 2002.
18
Friedrich ENGELS, né le 28 novembre 1820 et mort le 5 août 1895, est sociologue et philosophe.
Pour aller plus loin : HUNT (T), Engels, Le gentleman révolutionnaire, Flammarion, 2009 ; CHARBONNAT
(P), Histoire des philosophies matérialistes, Syllepse, 2007.
19
Cesaré LOMBROSO, né le 6 novembre 1835 et mort le 19 ocotbre 1909, est médecin législe. Il a travaillé
sur le repérage des criminels suivant leurs caractérisitiques morphologiques ou biologiques.
Pour aller plus loin. BECHTEL (G), Délires racistes et savants fous, Plon, 2002.
20
Cesaré LOMBROSO a étudié et a analysé 383 crânes et 5907 délinquants.
11
De 1843 à 1924, l’école du milieu social, représentée par Alexandre LACASSAGNE21,
suscite la réflexion sur les aspects sociaux de la délinquance : « les sociétés n’ont que les
criminels qu’elles méritent »22. Dans le même temps, Gabriel TARDE23 crée l’école de
l’interpsychologie. Il s’agit d’expliquer le passage à l’acte par le mimétisme. Cette théorie
conduit à dire que chacun se comporte selon les coutumes acceptées par son milieu.
De 1856 à 1929, deux théories voient le jour. Il s’agit d’une part de l’école sociologique de
DURKHEIM : le crime est avant tout un phénomène sociologique normal.
L’affaiblissement des normes sociales, l’augmentation du consumérisme engendrent de la
criminalité.
Il s’agit d’autre part de la théorie multifactorielle d’Enrico FERRI24. Selon lui, il existe
trois facteurs criminogènes : le facteur anthropologique, le facteur du milieu physique25, le
facteur du milieu social26. Les délinquants sont classés en cinq catégories : les criminels-
nés, les criminels aliénés, les délinquants d’habitude, les délinquants d’occasion, les
criminels passionnels.
Si les théories d’Enrico FERRI se sont distinguées par leur manque de rigueur, il faut
néanmoins remarquer qu’il a permis l’individualisation de la sanction pénale.
5. Les explications modernes du passage à l’acte : la théorie de l’acte criminel
et la criminologie dite de la réaction sociale. La victime commence à faire son apparition
dans l’analyse du fait criminel et délictuel. Ainsi, le mode de vie des victimes permettrait
de rendre compte de l’activité criminelle et délictuelle, selon des facteurs d’isolement par
exemple.
Les explications modernes du passage à l’acte donnent une compréhension plus réaliste de
l’infraction pénale. En ce qui concerne la théorie de l’acte criminel, ce dernier est une
réalité effective et non le symbole d’une personnalité particulière. L’acte criminel n’est pas
21
Alexandre LACASSAGNE, né le 17 août 1843 et mort le 24 septembre 1924, est un médecin légiste. Il
suit les pas de cesaré LOMBROSO dans dévelopement des théories sur les criminels. Il contribue au
développement des techniques d’investigation.
22
LACASSAGNE (A), Les transformations du droit pénal et les progrès de la médecine légale, de 1810 à
1912, Archives d’anthropologie criminelle, 1913, p. 364.
23
Jean-Gabriel TARDE, né le 12 mars 1843 et mort le 12 mai 1904, est un acteur de la criminologie
moderne. Il est qualifié de juriste, sociologue et philsophe. Il s’opposa farouchement contre les théories de
Cesaré LOMBROSO.
Pour aller plus loin. LEROUX (R), Gabriel Tarde, Œuvre, Concepts, Ellipses, 2011.
24
Enrico FERRI, né le 25 février 1856 et mort le 14 avril 1929, est l’un des fondateurs de la criminologie
moderne. Dans la lignée des travaux de Cesaré LOMBROSO, il contribue aux thèses de l’anthropologie
criminelle.
25
Climat, nature du sol…
26
Opinion publique, religion, pauvreté, alcoolisme…
12
un symptôme, le droit pénal n’est alors pas une thérapie. Il est possible d’expliquer l’acte
criminel en se détachant du passé de l’auteur. C’est ainsi que pour Maurice CUSSON 27, le
délit est un comportement et non un symptôme, tourné vers un résultat, et une rationalité
propre mais limitée28.
Concernant la théorie de la réaction sociale, il n’existe pas de différence entre délinquant et
non-délinquant ; il convient plutôt de parler de déviance. A ce titre, la société peut
stigmatiser certains individus comme déviants. C’est le cas par exemple des jeunes de cité
de par le lieu où ils résident et la façon de parler et s’habiller. De ce fait, la réaction de la
société face à cette présumée déviance crée un statut social de délinquant infondé. C’est
ainsi que, pour Howard BECKER, « ce n’est pas la déviance qui conduit au contrôle
social, mais c’est le contrôle social lui même qui conduit à la déviance »29.
6. Un regard neuf sur le crime et l’infraction pénale en général. L’évolution de
la criminologie, l’intérêt croissant pour la place de la victime, ont fait évoluer le regard de
la société face au phénomène criminel. L’apport de la sociologie a permis d’ouvrir la
criminologie sans la cantonner à une simple science de l’observation30, c’est à dire,
l’observation de la personnalité des auteurs de délits et de crimes. En détachant une
branche de la criminologie pour l’étude de la victime, la victimologie est devenue un objet
d’étude à part entière.
Comme il en sera fait la démonstration tout au long de ce travail de recherche, la
médiatisation du fait criminel, sans en donner la grille de lecture adéquate, crée un
déséquilibre dans l’application de la loi pénale. Autrement dit, cette médiatisation sans en
révéler l’information juridique utile, l’accès à la connaissance du droit pénal, pose de faux
problèmes et dénature le rapport de la société au droit pénal. « Le fait criminel et
notamment le droit pénal en général se traite de façon superficielle, tendancieuse ou
simplement erronée »31.
Il n’est pas possible de dissocier l’application du droit pénal et les recherches en
criminologie. Le droit pénal a précédé la criminologie. Si auparavant la sanction contre le
27
Maurice CUSSON est criminologue contemporain. Ses domaines de recherche sont : la délinquance au
sens large, les contrôles sociaux et la criminalité, les évolutions à moyen teme et à long terme, les évolutions
à moyen et à long terme de la criminalité, la police et la sécurité privée et l’homicide.
28
CUSSON (M), Criminologie actuelle, PUF, 1998.
29
BECKER (H) in GASSIN (R), Criminologie, op. cit. p. 211.
30
PICCA (G), La criminologie, op. cit., p. 8 et s.
31
PICCA (G), La criminologie, ibid. p. 9.
13
crime primait sur sa compréhension, aujourd’hui il est essentiel de comprendre le passage
à l’acte pour adapter la réponse pénale.
L’information juridique adressée à l’opinion publique doit être accessible et complète pour
éviter son acception passionnelle. Sans conteste, cette opinion publique, représentée par
l’addition des réactions individuelles, influence les politiques pénales.
7. Le rapport de la société avec l’infraction pénale. Pour clarifier les débats il
faut également partir de l’idée que la société ne peut exister sans délinquance. De tout
temps, il a fallu un médiateur dans le maintien de l’ordre social : idéologie, religion,
morale…
George PICCA32 pense que le droit pénal, dans une société démocratique, représente le
dernier palier lorsque les autres mécanismes de prévention ou de médiation ont échoué33.
Ce point de vue sera tempéré tout au long de cette thèse. En effet, dans une acception
pénale différente, celui-ci peut utilement se servir des mécanismes de prévention et de
médiation. Même si la peine représente un des fondements du droit pénal, elle ne le
caractérise pas. Quelle valeur lui accorder ? Existe t-il un modèle efficace et universel de
sanction ? Auteur et victime peuvent-il se rejoindre autour d’autre chose que la sanction
pénale ? La peine est-elle le seul mode de résolution du conflit auteur-victime ? Ces
questions doivent également être abordées.
8. Le rapport de la criminologie avec la victime. Qualifier le criminel de monstre
ou de prédateur ne suffit pas pour expliquer le fait criminel et le passage à l’acte34.
Le passage à l’acte n’est pas seulement l’histoire d’un auteur et d’un fait criminel ou
délictuel : c’est bien plus complexe que cela. Dans l’étude du passage à l’acte sous l’angle
de la criminologie, la victime se rapporte à la notion de cible. Albert Kircidel COHEN met
en évidence l’importance du phénomène d’interaction entre les individus : le passage à
l’acte est le résultat d’une interaction entre les personnes et l’environnement dans lequel ils
évoluent35. Le passage à l’acte résulte alors de la mise en relation d’une cible avec un
32
George PICCA est professeur honoraire aux universités de Paris X et Paris XII. Il est également secrétaire
général de la société internationale de criminologie.
33
PICCA (G), La criminologie, op. cit.
34
BESSOLES (P), Victimologie Crime et Criminogène, Tome III, Volume III, Presses Universitaires de
Grenoble, 2008.
35
Albert Kircidel COHEN est psychosociologue et sociologue américain. Il a élaboré des travaux sur le
passage à l’acte et la notin de cible. V. COHEN (A K), Delinquent boys : The culture of the gang, Taylor et
Francis, 1956.
14
délinquant ou un criminel dans un lieu donné36. Il existe donc une proximité entre le
délinquant et la victime37 ; c’est ainsi qu’il peut subsister une grande probabilité pour que
la victime puisse à nouveau faire l’objet d’une infraction pénale : ils évoluent tous les deux
au sein d’un même cadre social.
Harold GARFINCKEL38 a montré toute l’importance de la prise en compte de la réalité
sociologique dans laquelle s’inscrit le duo auteur/victime pour comprendre le fait criminel
ou délictuel39. Auteurs et victimes construisent une réalité sociale avec des codes
implicites. En maîtrisant le langage d’un groupe social, on peut en devenir membre. Cette
théorie se penche aussi sur les ressorts de la sur-victimisation : si la victime ne détient pas
les clés permettant de comprendre l’infraction pénale subie, alors elle peut malgré elle
s’engager dans un processus de sur-victimisation.
L’école d’Harold GARFINCKEL a également développé la théorie de la stigmatisation du
délinquant : désigner un délinquant permet à une personne d’accéder au statut de victime,
et par la même occasion d’accéder à une reconnaissance sociale, juridique40. Etre victime
c’est être reconnu, quitte à stigmatiser un auteur. Cela peut constituer un travers car une
personne en quête de reconnaissance et sans capacité d’y accéder autrement peut être
tentée d’endosser le rôle socialement reconnu de la victime. Harold GARFINCKEL
montre que les rôles sociaux sont interchangeables : toute personne peut être considérée
comme délinquant ou comme victime. Il faut donc bien comprendre que la victime, suivant
les bénéfices qu’elle recherchera dans la procédure pénale, est à même d’en influencer sa
direction : tout dépôt de plainte met en opposition une victime et un mis en cause. A ce
36
JOLY (H), Le crime, Etude sociale, op. cit. ; SZABO (D), Criminologie et politique criminelle, Vrin,
1982 ; NEGRIER –DORMONT (L), TZITZIS (S), Criminologie de l’acte et philosophie pénale, Litec, 1999,
p. 99 et s. ; PINATEL (J), Perspective d’avenir de la criminologie, in la criminologie, bilan et perspectives,
1980.
37
Liens familiaux, connaissance, voisinage, amis… Par exemple, du point de vue statistique, c’est au sein de
la cellule familiale que nous trouvons le plus de victimes : maltraitance, humiliation, viols, homicide. Depuis
peu on entend beaucoup parler des violences intrafamiliales ; violences prenant notamment la forme de
violences conjugales.
38
Harold GARFINCKEL a créé l’ethnométhodologie. Il s’agit de l’interprétation par les acteurs sociaux de
la réalité pour lui donner un sens et pouvoir s’y adapter.
Pour aller plus loin. DE FORNEL (M), OGIEN (A), QUERE (L), L’Ethnométhodologie. Une sociologie
radicale, La Découverte, 2001.
39
Pour aller plus loin. Sans se restreindre à l’étude de la victime et analyser de façon plus approfondie la
notion de fait en matière pénal, V. DECIMA (O), L’identité des faits en matière pénale, Dalloz, 2008 ;
GALLARDO-GONGGRYP (E), La qualification pénale des faits, PUAM, 2013.
40
FILIZZOLA (G), LOPEZ (G), Victimes et victimologie, PUF, Que sais-je, 1995 ; FATTAH (E.A), La
victimologie : entre les critiques épistémologiques et les attaques idéologiques, Déviance et société, 1981.
15
sujet, l’article 15-3 du code de procédure pénale dispose que « la police judiciaire est
tenue de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions à la loi pénale (…)
Tout dépôt de plainte fait l’objet d’un procès verbal et donne lieu à délivrance immédiate
d’un récépissé à la victime ». Le droit pénal distribue les rôles sur la scène sociale en
définissant une victime et un auteur, le temps de l’instruction.
Le lien entre auteur et victime est clairement défini. Dans le passage à l’acte, les deux
protagonistes de l’infraction pénale sont liés. Hanna ARENDT enseigne qu’il faut pousser
plus loin la réflexion sur le passage à l’acte pour aller au-delà des clichés41. C’est le vœu
de la présente étude. Car au final, il n’est pas nécessaire d’être un monstre pour commettre
un acte monstrueux.
La question qu’il faut donc désormais se poser est la suivante : qu’est ce qu’une victime
d’infraction pénale ?
9. La victime d’infraction pénale. Est victime toute personne subissant un
dommage dont l’existence est reconnue par autrui et dont elle n’est pas toujours
consciente42. Le terme « victime » renvoie à l’idée d’endurance, de souffrance, d’épreuve.
Il est ancien et vient du latin « victima » qui a une étymologie commune avec « vicaire »
ou « vicariant », il comporte le sens de bouc émissaire43. Selon Michel Serre44, il existe
quatre sortes de victimes : l’être vivant offert en sacrifice aux dieux, la victime est sacrifiée
pour apaiser la colère des dieux ; en matière théologique où la victime est sacralisée, c’est
par exemple la crucifixion de Jésus ; la personne qui souffre des agissements d’autrui, il
s’agit des victimes d’infractions pénales ; les personnes tuées ou blessées, l’état de victime
est alors lié à un événement fortuit ou accidentel.
En 1985, l’Assemblée générale des Nations Unies a donné une première définition
officielle de la victime45 : « on entend par victimes de la criminalité des personnes qui,
individuellement ou collectivement, ont subi un préjudice, notamment une atteinte à leur
intégrité physique ou mentale, une souffrance morale, une perte matérielle, ou une atteinte
grave à leurs droits fondamentaux, en raison d’actes ou d’omissions qui enfreignent les
41
ARENDT (H), Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal, Gallimard, 1966.
42
AUDET (J) et KATZ (J.F), Précis de victimologie générale, Dunod, 1999.
43
SERRE (M), Statues, Flammarion, 1989.
44
SERRE (M), Ibid.
45
Résolution 40/34 portant déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes d’abus de
pouvoir in GIUDICELLI-DELAGE (G), LAZERGES (C), La victime sur la scène pénale en Europe, PUF, p.
19.
16
lois pénales en vigueur dans un Etat membre, y compris ceux qui proscrivent les abus
criminels de pouvoir ».
Cette définition de l’Assemblée générale des Nations Unies peut se compléter avec celle
du Conseil de l’Union européenne46 : « la personne qui a subi un préjudice, y compris une
atteinte à son intégrité physique ou mentale, une souffrance morale ou une perte
matérielle, directement causé par des actes ou omissions qui enfreignent la législation
d’un Etat membre ».
La directive européenne du 25 octobre 201247, quant à elle, résume les deux définitions ci-
dessus : la victime représente « toute personne personne physique ayant subi un préjudice,
y compris une atteinte à son intégrité physique, mentale, ou émotionnelle ou une perte
matérielle, qui a été directement causé par une infraction pénale »48.
Ces définitions, notamment celle de la directive européenne du 25 octobre 2012,
permettent de se raccrocher à un principe car le droit pénal ne détermine pas la notion de
victime. Le code de procédure pénale évoque tantôt la victime tantôt la partie civile sans
pour autant les caractériser et les conceptualiser. C’est ainsi que l’article préliminaire du
code de procédure pénale dispose que « la procédure pénale doit être équitable et
contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties » puis que « l’autorité
judiciaire veille à l’information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute
procédure pénale ». Cette difficulté quant à la définition même du terme victime engendre
de nombreuses interrogations. L’article préliminaire du code de procédure pénale est
révélateur : la personne en souffrance peut être victime, présumée victime, témoin ou
partie civile.
10. Les conséquences d’une infraction pénale pour la victime. Le fait que
l’infraction pénale a, pour la victime, des répercussions sur des pans multiples de sa vie,
complique le débat concernant la relation entre victime et procès pénal : dans quelle
mesure, et surtout dans quelles limites, le procès pénal peut-il répondre aux conséquences
de l’infraction du point de vue de la victime ? 49
46
Décision cadre du 15 mars 2001 in GIUDICELLI-DELAGE (G), LAZERGES (C), op. cit., p. 19.
47
Directive 2012/29/UE du parlement européen et du conseil du 25 octobre 2012 établissant des normes
minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la
décision cadre 2001/220/JAI du conseil ; VERGES (E), Un corpus juris des droits des victimes : le droit
européen entre synthèse et innovations, RSC, janvier – mars 2013, pp. 121-136.
48
Art. 2 § 1 de la directive 2012/29/UE du parlement européen et du conseil du 25 octobre 2012, ibid.
49
FATTAH (E), Victimologie : tendances récentes, Criminologie, Vol. 13, 1980.
17
Les conséquences de l’infraction pénale peuvent être physiques ou matérielles. Dans la
démarche de soin, via le médecin ou le centre hospitalier, la victime est considérée comme
une personne blessée, ni plus ni moins. Les conséquences de l’infraction pénale peuvent
également être psychologiques. Dans une phase de stress post-traumatique, la victime peut
se renfermer sur elle même, au point parfois d’en oublier les faits à l’origine de
l’infraction. Les troubles psychologiques liés à l’infraction pénale peuvent durer plusieurs
mois et devenir chroniques. Ezzat FATTAH50 enseigne que le fait à l’origine de
l’agression désorganise l’individu. Le cours de sa vie est suspendu jusqu’à ce qu’il
appréhende l’origine de l’acte violent. Ainsi, tant que la victime ne comprend pas les
raisons de l’infraction pénale, elle se rappelle continuellement l’agression.
Les conséquences de l’infraction pénale peuvent également être d’ordre économique
notamment lorsqu’il y a un retentissement sur les conditions de travail : absentéisme,
manque de concentration…
Cette énumération des suites de l’infraction pénale n’est pas exhaustive, mais elle permet
de comprendre que l’infraction pénale pour la victime ne se limite pas à un préjudice
pécuniaire. Dans ce cadre, quelle place prend le droit pénal quant aux conséquences de
l’infraction pénale ? Il faut donc se poser la question de savoir comment le droit pénal
répond aux conséquences, multiples, de l’infraction pénale.
11. La victime d’infraction pénale : entre reconnaissance et sacralisation. Le
terme « victime » est devenu un effet de mode au point que toute situation peut être
abordée sous l’angle d’un rapport victime/auteur. La gravité de cette banalisation du terme
« victime » peut conduire au dysfonctionnement du système pénal. L’affaire d’Outreau51
n’en est-elle pas l’exemple type ?
Le procès pénal doit-il tenir une place importante dans l’histoire de la victime ? Pour
Gérard LOPEZ52, dans tous les cas, la procédure pénale, et qui plus est le jugement pénal,
50
Ezzat FATTAH est professeur émérite à l’université Simon Fraser de Vancouver. Il a considérablement
fait avancer la recherche en matière de victimologie.
51
L’affaire d’Outreau a mis en évidence le dysfonctionnement de l’institution judiciaire et les limites de la
prise en compte de la parole des victimes. Cette affaire donne lieu à un procès en Cour d’assises du 4 mai
2004 au 2 juillet 2004 puis à procès en appel le 5 novembre 2005. L’origine de cette affaire est l’accusation
par des enfants de plusieurs adultes pour abus sexuel sur mineur.
Pour aller plus loin. V. FOURMENT (F), MICHALSKI (C), PIOT (P), Le rapport de la commission Outreau
sur les médias : l’erreur de diagnostic, AJ pén., 2006, p. 394 ; JACOPIN (S), La commission d’enquête suite
à l’affaire d’Outreau : la quête du graal… ?, D., 2006, p. 1241 ; BUSSY (F), L’erreur jurdiciaire, D., 2005, p.
2552 ; LAZERGES (C), Réflexions sur l’erreur judiciaire, RSC, 2006, p 709.
52
Gérard LOPEZ est psychiatre et président-fondateur de l’institut de Victimologie de Paris.
18
sont une lourde épreuve pour la victime53. C’est pour cette raison qu’elle doit être le mieux
préparée à cette épreuve avec l’aide d’une structure d’aide aux victimes et de l’avocat. En
tout état de cause, il faut que la victime sorte le plus rapidement possible du processus
pénal qui, à l’origine n’a pas été conçu pour qu’elle y soit présente.
Pour Etienne VERGES, cette épreuve est d’autant plus grande qu’il existe un éclatement
des droits des victimes : « si les victimes disposent aujourd’hui de documents vulgarisés
pour faciliter la compréhension de leurs droits, n’importe quel juriste qui s’intéresserait
au statut juridique de la victime, serait bien en peine de prendre la mesure de ces droits et
d’en comprendre la logique »54.
Jusqu’au XIIIème siècle, où la procédure pénale est accusatoire et privatisée55, la victime
obtient la réparation de son préjudice par le versement d’une somme d’argent ou par les
châtiments corporels infligés à l’accusé dans le cas de crimes graves. L’argent représente
une façon de racheter la vengeance de la victime et de compenser le dommage subit56.
L’apparition du Parquet57, et par conséquent l’importance que prend l’Etat, relègue le rôle
de la victime au second plan. C’est à l’Etat que revient le monopole de la contrainte
légitime58 : c’est la fin de la privatisation du droit pénal ; dans un premier temps les gens
du roi59 puis dans un second temps le ministère public contrôlent la procédure pénale, le
processus punitif. Jusqu’à la fin du XVème siècle la victime, qui n’est pas partie au procès,
obtient la réparation de son préjudice selon des barèmes qui peuvent varier d’une région à
l’autre. A partir du XVIème siècle la procédure pénale se précise. Le rôle et la place de la
victime se structurent grâce au travail des Parlements dans le courant du XVIIème siècle 60 :
elle pourra désormais demander réparation de son préjudice par la possibilité de se
constituer partie civile. La victime, en plus de pouvoir dénoncer des faits, obtient une place
à part entière dans le procès pénal : la possibilité d’obtenir la réparation civile de son
préjudice dans le même temps que le jugement du criminel ou du délinquant. Elle bénéficie
ainsi des pouvoirs d’investigation du ministère public.
53
LOPEZ (G), Les victimes et leurs droits dans le système judiciaire, Institut pour la justice, citoyens pour
l’équité, Août 2009.
54
VERGES (E), Un corpus juris des droits des victimes : le droit européen entre synthèse et innovations,
RSC, janvier – mars 2013, op. cit., p. 122.
55
CARBASSE (J-M), Introduction historique au droit pénal, PUF, 1990, p. 238 et s.
56
CARBASSE (J-M), Ibid., p. 239
57
PRADEL (J), op. cit., p. 1
58
WEBER (M), Economie et société, Pocket, 1921.
59
Ce sont des praticiens du droit spécialisés dans la défense du roi.
60
Notamment par l’ordonnance criminelle de Colbert de 1670 qui accorde à l’Etat la maîtrise de tout ce qui
touche à la poursuite.
19
12. Une victime au cœur des préoccupations contemporaines. Qu’est ce qu’être
victime ? Est-ce un état naturel, un état social ? Quelles sont les attentes des victimes ?
Comment se situent-elles entre indemnisation et vengeance ? Entre action publique et
action privée ? Quelle relation la victime entretient-elle avec le droit pénal ? Sur le
fondement d’une place de la victime toujours plus grande, quelle relation le droit pénal
entretient-il avec le citoyen ? Ces questions ne sont qu’un échantillon des interrogations
qui restent encore aujourd’hui en suspens lorsqu’est évoquée la notion même de victime.
Elles alimenteront la réflexion tout au long de cette thèse.
Le constat de départ de cette étude réside dans l’idée que le terme « victime » envahit le
champ pénal, politique et social et qu’il banalise la mise en mouvement du procès pénal61,
quitte à en dénaturer son essence même. Cette étude pourrait permettre de comprendre les
enjeux du droit pénal dans une société qui se judiciarise un peu plus chaque jour ; une
société qui n’arrive plus à réguler ses tensions sociales sans saisir la justice62, sans le
réflexe du dépôt de plainte. L’opinion publique, à travers la médiatisation de l’état de
victime, pense que la question de sa place dans le système pénal est tranchée, mais l’est-
elle vraiment ? Son rôle et sa présence toujours plus grande au fil des réformes donnent
l’opportunité de s’interroger sur l’avenir du système pénal, sur la valeur de la sanction
pénale dans une société compatissante. « Nous, que la misère des hommes n’empêche pas
de vivre, qu’elle ne nous empêche pas du moins de penser. Ne nous croyons pas tenus de
déraisonner pour témoigner de nos bons sentiments »63.
Pour qu’une étude sur la notion de victime en droit pénal ait un sens, il faut se placer sur
différents points de vues : lire par-dessus l’épaule64 des différentes institutions du système
pénal. En interrogeant l’avocat, l’association d’aide aux victimes et les magistrats, il serait
possible de recouper les attentes, les intérêts et les positions divergentes. Il serait
également loisible de comprendre l’engouement que suscite la victime et la direction que
prend la politique pénale aujourd’hui.
13. Un postulat de départ. La loi du 15 juin 200065 donne à la victime un statut
d’acteur au procès pénal66, mais il existe un manque de clarté dans la définition de
61
Principalement par le dépôt de plainte systématique.
62
FARGET (J), Justice et travail social. Le rhizome pénal. Erès, 1992.
63
ARON (R), Marxismes Imaginaires. D’une sainte famille à l’autre, Coll. Folio, Gallimard, 1998, p. 137.
64
GEERTZ (C), Savoir local Savoir global, PUF, 1986.
65
L. 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des
victimes.
66
CARIO (R), La place de la victime dans l’exécution des peines, D., 2003, p. 145.
20
l’expression « droits des victimes »67. Pour Robert CARIO, « la redécouverte de
l’humanité de la victime, comme sujet à part entière du conflit dont la résolution est
confiée au juge pénal, et non plus seulement comme objet de la procédure, est assez
récente »68.
La peine devrait pouvoir permettre à la victime d’entrevoir une réparation globale : mais
juger, est-ce nécessairement punir ?69 Le jugement pénal permet-il de reconnaître l’état de
victime ?
La société voit également émerger un nouveau phénomène, celui de la victimisation. Cette
dernière aboutit à une sur-pénalisation des conflits intersubjectifs : les personnes oscillent
entre victime réelle, victime instrumentalisée, victime pathologique70. Elles ont besoin
d’un accompagnement psychologique, social, juridique. Il s’agit de verbaliser les affects.
Le droit pénal, actuellement, par la simple notion de réparation, est-il à même de répondre
à ces besoins ? Aujourd’hui, le droit pénal n’est-il pas une source de victimisation
secondaire ?
A travers la directive européenne du 25 octobre 201271, Etienne VERGES définit la
victimisation secondaire comme « un risque de réitération de l’infraction »72. Autrement
dit, éviter que la personne se retrouve dans un état de victime parce qu’il existe une
réitération des faits ou parce que le système pénal, dans la gestion du conflit
auteur/victime, engendre une nouvelle victimisation : rapidité et incohérence de certaines
procédures comme la comparution immédiate ou la comparution sur reconnaissance
préalable de culpabilité…
Autrement dit, le postulat de départ peut se résumer ainsi : il ne fait pas de doute que les
enjeux liés à la réparation des préjudices de la victime sont fondamentaux et hétéroclites.
Robert CARIO enseigne que ces mêmes enjeux, à savoir humains, politiques,
économiques, professionnels et sociaux, peuvent ne pas se trouver dans la réalité actuelle
et passée du droit pénal73.
En définitive, ce travail de recherche s’efforcera de répondre à la question suivante : Le
concept de victime d’infraction pénale en droit positif lui permet-il aujourd’hui de se
67
VERGES (E), Un corpus juris des droits des victimes : le droit européen entre synthèse et innovations, op.
cit.
68
CARIO (R), Les droits des victimes : états des lieux, AJ pén., p. 425.
69
DU MESNIL DU BUISSON (G), RCS, 1998, p. 255.
70
CARIO (R), Victimes : du traumatisme à la réparation, L’Harmattan, Coll. Sciences Criminelles, 2002.
71
Directive 2012/29/UE du parlement européen et du conseil du 25 octobre 2012, op. cit.
72
VERGES (R), Ibid., p 128.
73
CARIO (R), Victimes : du traumatisme à la réparation, Ibid., pp. 7-12.
21
reconstruire ? Il s’agira donc de traiter des limites du procès pénal et de la procédure
pénale, comme instrument de réparation ou de restauration74. Autrement dit, l’enjeu se
résume à expliquer et à analyser les limites quant à la place à offrir à la victime sur la scène
pénale.
14. La recherche sur la victime, une évolution dans le temps. Pour comprendre
le phénomène victimaire et l’importance d’une évolution du droit pénal, la présente étude
oscillera entre le passé, le présent et le futur. Cette thèse confrontera le système pénal
d’aujourd’hui et d’hier à un système pénal innovant et impérieux, celui de demain.
Ce travail remettra également en cause le phénomène qui pousse à entrevoir le droit pénal
comme une thérapie pour la victime et analysera comment s’articulent les principes
généraux du droit pénal et les besoins de la victime. Il sera alors peut-être possible de
mettre en lumière les liens entre l’infraction pénale et les mécanismes de l’instance pénale.
Comme l’enseigne Gabriel TARDE, le propre de la philosophie pénale est de fonder ce qui
fait que le crime est crime ainsi que les raisons de la punition75.
15. Plan. Il est très difficile de traiter du rôle et de la place de la victime dans le
système pénal sans susciter le débat. Entre ceux qui pensent que la victime prend trop de
place et ceux qui pensent qu’elle n’en prend pas assez, le débat reste souvent stérile. C’est
pour cette raison qu’il faut s’emparer du sujet et le traiter de façon académique à la lumière
de l’évolution de la société, de la délinquance, des situations de victimation, de la politique
pénale et des politiques publiques prenant en considération l’aide aux victimes.
Le postulat de départ serait paradoxal s’il se résumait à dire que la victime dispose de
droits trop étendus au sein du système pénal actuel. Il semblerait que la victime en
s’émancipant du droit pénal puisse trouver une source de restauration plus pragmatique et
plus proche de ses exigences.
Alors que la prise en compte de la victime d’infraction en droit pénal positif ne lui garantit
pas une réparation effective (première partie), en revanche, une nouvelle appréhension de
cette victime serait un gage de restauration (deuxième partie).
74
L’étude de la notion de victime étant très étendue et comportant de nombreuses notions, nous verrons au
fur et à mesure la définition de différents termes apparaissant dans cette introduction : restauration,
réparation, victimisation, victimation…
75
TARDE (G), La philosophie pénale, CUJAS, Bibliothèque internationale de criminologie, 1890.
22
PREMIERE PARTIE. La victime
d’infraction pénale en droit pénal positif
« S’il suffit d’être victime pour avoir raison, tout le monde se battra pour occuper cette position gratifiante »76
16. Une vision dichotomique de la place de la victime. Mener des recherches sur la
place ou le rôle de la victime en matière pénale incite à prendre position. Elle ne peut pas
se résumer à une pensée, une émotion : elle doit faire preuve de pragmatisme et tenir
compte de l’essence même du droit pénal.
Cette position peut se résumer en une question : la victime a-t-elle sa place dans le procès
pénal ? Une question certes basique, mais qui appelle différentes réflexions. La réponse
apportée se fait à divers degrés. Le citoyen « lambda », n’ayant pas de culture juridique
suffisante, happé par l’émotion que transmettent les médias, se positionne pour une
présence pleine et entière de la victime sur la scène pénale. Le citoyen plus au fait du droit
positif, est plus mesuré, mais bien souvent en position de faiblesse, face à la compassion
que suscite une infraction pénale. Le professionnel du droit, quant à lui, se doit de
raisonner de façon pragmatique, en prenant en considération son environnement social, la
réalité de terrain et les études menées en la matière. Pour sa part, le chercheur doit apporter
les outils utiles afin que chacun puisse se positionner à la lumière d’une réflexion
scientifique. C’est le l’objet de la présente étude, tendant à apporter un éclairage sur la
véritable qualification de la notion de victime : partie civile ? simple victime ? sujet de
droit ? Quel est finalement le vrai pendant du statut de victime lorsque que l’on qualifie
l’auteur de mis en cause, gardé à vue, mis en examen, condamné, acquitté, relaxé, présumé
innocent ? 77
17. La qualité de victime, un passage. Pour que la personne puisse se reconstruire
après une infraction pénale, le statut de victime doit être une étape lui conférerant la qualité
de sujet de droit. Pour cela, faut-il obligatoirement transiter par la voie pénale ? Il n’est pas
question dans cette étude de traiter uniquement de la notion de victime sous l’angle de la
76
BRUCKNER (P), La tentation de l’innocence, Grasset, 1995, p. 130.
77
PIGNOUX (N), La réparation des victimes d’infractions pénales, L’Harmattan, 2008 ; PIN (X), La
privatisation du procès pénal, RSC, 2002, p. 245 ; BLANC (A), La question des victimes vue par un
président d’assises, AJ Pén., 2004, pp. 432-434.
23
réparation. D’une part, parce qu’il existe des études brillantes sur le sujet78 et d’autre part
parce que les récentes réformes79 conduisent à s’interroger sur le rapport du citoyen au
droit pénal dans une société où dominent les bons sentiments80. Le droit pénal est-il en
adéquation avec les aspirations des victimes ? Les attentes de ces dernières sont-elles
compatibles avec l’essence même du système pénal ? Les attentes des victimes ne se
traduiraient plus seulement en terme de réparation patrimoniale. La part d’irréparable81
serait d’une importance telle qu’elle devrait permettre la réflexion sur une éventuelle
refonte du système pénal, ou, à tout le moins, sur une nouvelle appréciation quant à ses
finalités. Mathias GUYOMAR rappelle Xavier PIN définit la demande des victimes
comme une « revendication de dignité ou plus modestement de considération ou d’honneur
»82.
La culture juridique contemporaine est particulièrement ancrée dans l’idée qu’une victime
réparée est une victime réhabilitée par le droit pénal. Pour comprendre en quoi le recours
au droit pénal ne serait pas nécessairement une priorité pour la victime, il faut analyser la
qualification juridique de la victime (Titre premier). Il s’agit d’une analyse de la qualité de
victime et de la qualité de partie civile pemettant d’étudier comment le droit positif les
considére.
Ce n’est qu’après ce préalable que la réparation de la victime peut être traitée (Titre
deuxième). Par le terme « victime », c’est également la réparation de la partie civile dont il
est question. A cette condition il serait possible de se projeter sur une notion plus large que
la réparation et appréhender différement la victime d’infraction pénale.
78
Notamment l’excellent travail réalisé par Nathalie PIGNOUX dans le cadre d’une thèse de doctorat
soutenue en 2007 sur la réparation des victimes d’infractions pénales. PIGNOUX (N), La réparation des
victimes d’infractions pénales, op. cit.
79
Principalement la directive 2012/29/UE du parlement européen et du conseil du 25 octobre 2012
établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la
criminalité et remplaçant la décision cadre 2001/220/JAI du conseil, op. cit. ; la loi n°2010-769 du 9 juillet
2010 sur la protection du conjoint ou des enfants contre les violences au sein du couple.
80
ELIACHEF (C), SOULEZ LARIVIERE (D), Le temps des victimes, Albin Michel, 2003.
81
Il s’agit par exemple pour la victime d’infraction pénale d’obtenir une réparation pragmatique répondant
aux attentes réelles qu’engendre une infraction pénale. L’obtention du domicile conjugal pour la victime de
violences conjugales étant souvent primordial.
82
GUYOMAR (M), Assemblée du contentieux : Séance du 1er juillet 2011, Lecture du 19 juillet 2011.
Rapporteur D. RIBES, Affaire n° 335625, M et Melle BEGNIS, p. 18.
24
Par ailleurs, il est important de garder à l’esprit que la situation politique, sociale et
juridique doit être prise en compte afin de ne pas retenir la victime comme un être à part et
contourner le piège du « fantasme victimaire »83.
83
CARIO (R), Qui a peur des victimes ?, AJ Pén., 2004, p. 434.
84
ELIACHEF (C), SOULEZ LARIVIERE (D), Le temps des victimes, op. cit.
85
ARENDT (H), Essai sur la révolution, Paris, Gallimard, 1967.
86
TOCQUEVILLE (A), De la démocratie en Amérique (1835), Paris, Gallimard, tome 2, 1961, pp. 173-174.
25
comme la position idéale que doit tenir la personne objet de l’infraction pénale, la victime
est mise de côté car considérée comme improductive de droit. Il est possible d’en faire la
démonstration contraire, mais cela passe par l’examen de la qualité de victime (Chapitre
premier). Dans l’inconscience générale, pour l’opinion publique, la souffrance dont fait
l’objet la victime doit se traiter sous l’angle exclusif du droit pénal87.
Paradoxalement, est ce qu’être victime d’infraction pénale engage forcément la mise en
mouvement du droit pénal ? Cela induit-il la présence de cette victime dans le prétoire
pénal ? Peut-on seulement traiter l’infraction pénale sous l’angle exclusif de la partie
civile ?
La partie civile, dans le prétoire pénal, deviendrait une victime « surestimée ». C’est l’idée
que l’accession de la victime à la place de partie civile emporte légitimement une
reconnaissance judiciaire. C’est alors qu’à ce titre qu’elle bénéficie de droits étendus. Un
tel positionnement remet en cause l’idée que la victime, sans pour autant se constituer
partie civile, peut être prise en compte. Il est donc imperatif d’étudier la qualité de victime,
partie civile (Chapitre deuxième).
87
ELIACHEF (C), SOULEZ LARIVIERE (D), Ibid.
88
LAVIELLE (B), JANAS (M), LAMEYRE (X), Le guide des peines, Dalloz, 2012.
26
victimaire89. Dans les salles des « pas perdus », au détour d’audiences correctionnelles, de
comparutions immédiates ou de comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité,
des voix s’élèvent pour dénoncer une position qui n’est pas adéquate pour la victime : la
position de partie à une audience pénale.
Porter un regard neuf sur la place et les droits des victime d’infractions pénales n’est pas
un exercice facile. Suivant le point de vue où l’on se place, cet exercice peut s’apparenter à
une négation du statut même de victime. Ce peut être également une façon de négliger ses
souffrances. Tel ne sera pas le cas ici. Le double mouvement sécuritaire et « victimaire »
n’est plus à prouver et à démontrer. Il est possible de parler de dérive ; une dérive qui
pourrait remettre en cause certaines des avancées en matière de droit des victimes90. Ne
serait-il pas temps de parler de procès pénal rénové ? D’un nouveau paradigme du droit
pénal ?
La réponse à ces questions, quand bien même il serait possible d’y répondre de suite, doit
se faire que dans un second temps ; un temps qu’il faut prendre pour comprendre les
caractéristiques sociales et juridiques qui entourent la notion de victime. Le débat est
autant juridique que politique : définition de la notion de victime ; limites des politiques
publiques d’aide aux victimes ; enjeux sociaux et politiques de la prévention des
victimisations.
Pour toutes ces raisons, avant même d’envisager les enjeux liés à la réparation des
préjudices subit par la victime d’infraction pénale, il est important de comprendre la place
de la victime dans la société (Section 1), et la place de la victime dans le droit (Section 2).
20. Le temps des victimes. Jusque dans les années quatre vingt, le terme « personne
traumatisée » était préféré au mot « victime ». C’est en analysant les traumatismes liés aux
différentes guerres qu’est née une notion particulière, dotée d’un sens nouveau : la
victime91. Cette victime aura, au fur et à mesure, une soif de reconnaissance, une identité
89
CARIO (R), Les droits des victimes d’infraction. Problèmes politiques et sociaux, n° 943, décembre 2007.
90
CARIO (R), Les droits des victimes d’infraction, op. cit.
91
ELIACHEF (C), SOULEZ LARIVIERE (D), op. cit.
27
particulière à un moment où le citoyen sera en manque de reconnaissance sociale92. S’il est
indéniable que l’avancée des droits des victimes marque l’évolution de la société
démocratique, il n’en reste pas moins qu’elle pose certains problèmes. Les besoins de la
victime évoluent et la société également. Désormais le débat doctrinal au sujet de la
victime ne peut plus se figer autour de son « sacre »93.
Qui peut être contre les victimes ? Sans nul doute peu de personnes. Malheureusment, la
société a vu se développer en son sein une sorte de récupération de l’état de victime. A ce
sujet, Robert BADINTER disait : « il y a une dérive et une récupération de cette juste
cause. On est passé de la légitime préoccupation de la condition des victimes à un
activisme politique. Des associations d’aide se sont transformées en associations de
défense de tel ou tel, à qui on donne un rôle équivalent à celui des parties civiles ou du
ministère public dans le processus judiciaire, dans une compassion sélective »94.
Pour paraphraser Denis SALAS95, la tentation du populisme pénal est grande. Un
populisme qui peut aisément conduire à punir au nom de la défense des victimes. Etudier
le rôle et la position de la victime en matière pénale, c’est la considérer dans son
ensemble : tant sociétale que juridique. C’est éviter l’écueil de la considérer seulement
comme un élément central de la répression pénale ; la valeur commune doit rester la
justice. Car, en fin de compte, c’est cette valeur que tous les protagonistes de l’infraction
pénale recherchent : la victime, l’auteur, la société.
La société pèse sur la politique pénale : en valorisant l’état de victime, elle en fait un axe
de répression pour le législateur. A contrario, en la relativisant, elle en fait un élément de
compréhension du fait criminel. C’est à bien des égards que la victime peut donc servir la
volonté des uns et des autres ; elle est au service du plus offrant. Mais elle peut également
être au service d’elle même par la judicieuse utilisation de sentiments tels que la
compassion.
Il est donc possible d’entrevoir deux hypothèses : l’une où l’infraction pénale s’appuie sur
la victime pour répprimer et poursuivre, l’autre où la victime s’appuie sur l’émotion que
suscite l’infraction pénale pour peser sur le procès pénal. De ce fait, si la victime apparaît
être au service de l’infraction pénale (§1), la compassion quant à elle peut se révéler être au
service de la victime (§2).
92
ELIACHEF (C), SOULEZ LARIVIERE (D), Ibid.
93
CARIO (R), Qui a peur des victimes ?, op. cit., p. 434.
94
CARIO (R), Les droits des victimes, op. cit., p. 95.
95
SALAS (D), L’éthique politique à l’épreuve du droit pénal, RSC, 2000, p. 163.
28
§1. Une victime au service de l’infraction pénale
96
CARIO (R), Victimologie, De l’effraction du lien intersubjectif à la restauration sociale, Paris,
L’Harmattan, coll. Traité de sciences criminelles, vol. 2-1, 3ème édition, 2006.
97
FATTAH (E), Victimologie : tendances récentes, Criminologie, vol. 13, 1980, p. 6 ; BESSOLES (P),
Victimologie Crime et Criminogène, Tome III, Volume III, PUG, 2008.
29
De ce fait, si au départ la victimologie trouvait sa raison d’être dans la compréhension
unique du passage à l’acte, elle a su évoluer. En 1978, Marc ANCEL remarquait : « Que
l’on examine la part de la victime dans la réalisation du fait délictueux ou que l’on
envisage le délit à partir de la victime, il importe de ne pas calquer l’étude de la victime sur
l’étude traditionnelle du criminel, et surtout de ne pas poser à son égard le problème en
termes de responsabilités, ou de ne pas chercher à dégager une sorte de personnalité
victimelle au sens ou l’on parle habituellement d’une personnalité criminelle »98. La
victimologie a subi une transformation : d’une victimologie fondée sur l’acte, elle est
devenue une victimologie centrée sur la personne même de la victime. Ce qui changea dès
les années 80, c’est une attention particulière envers la victime en laissant de côté l’auteur ;
elle est devenue un protagoniste à part entière de l’infraction pénale. L’importance donnée
à la réparation pécuniaire est liée à la répression de la faute pénale ; cette réparation vient
un peu plus asseoir l’importance de la partie civile99.
Une ère nouvelle s’ouvre donc, une ère intimement liée aux questions posées lors de la
conférence internationale de victimologie à Bellagio en 1975 : « les victimes de crimes
sont-elles aussi victimes du système judiciaire lui-même ? Est ce que le système leur
accorde des droits tandis qu’il s’attache religieusement à faire respecter ceux du criminel ?
Les victimes ne devraient elles pas recevoir une compensation de l’Etat, une réparation du
criminel ? » 100.
Dés lors, il s’agit d’une redécouverte de la victime. Plusieurs recommandations ont émané
de cette conférence : le droit de la victime à la restitution et à la compensation, le
traitement de la victime de façon équitable et humaine.
23. Orientation contemporaine de la victimologie. La victimologie s’est donc
complètement centrée sur la qualité même de la victime. C’est ainsi qu’elle a conduit à
prendre en considération la dimension sociale, économique, politique et juridique de son
environnement. L’étude de la victime est avant tout le carrefour de différentes disciplines :
le judiciaire, la sécurité publique, la loi, la médecine, la psychologie, le travail social,
Pour aller plus loin. En victimologie V. CARIO (R), Victimologie, De l’effraction du lien intersubjectif à la
restauration sociale, Ibid. ; FATTAH (E), Quelques problèmes posés à la justice pénale par la victimologie,
Annales internationales de criminologie, 1966, pp. 335-361.
98
FATTAH (E.A), La victimologie : entre les critiques épistémologiques et les attaques idéologiques,
Déviance et société, 1981, p. 104.
99
ANCEL (M), Chronique de défense sociale. La défense sociale devant le problème de la victime. Revue de
sciences criminelles, 1978-1979.
100
FATTAH (E), Victimologie : tendances récentes, op. cit., p. 25.
30
l’éducation, l’administration publique101. Comme il en sera fait la démonstration plus tard,
c’est au moment de la découverte de cette nouvelle victimologie que s’est développée une
nouvelle approche de l’accompagnement de la victime.
Paul SEPAROVIC, en 1986102, avançait qu’il était nécessaire d’accorder une grande
importance à l’accompagnement de la victime. Selon lui, l’assistance à la victime, de façon
concertée et adéquate, permet de diminuer la victimation secondaire. Cette réflexion
induirait l’idée que d’une part le droit pénal ne serait pas une finalité dans la reconstruction
de la victime, et que d’autre part il ne serait pas, non plus, un aboutissement. Mais, pour
l’instant, les questions qu’il faut se poser sont les suivantes : dans quelle mesure cette
nouvelle victimologie va-t-elle conditionner notre rapport à la victime ? Dans quelles
conditions cette science va-t-elle être reçue par la société ?
24. La responsabilité de l’Etat envers les victimes. Selon le courant de pensée
introduit par Marc ANCEL, appelé également le mouvement de la défense sociale, l’Etat
doit assistance, aide et réparation envers la victime car il a failli dans son rôle de protecteur
de l’ordre public et de l’intérêt général. Si ce raisonnement est suivi, l’Etat devrait ainsi
être le seul capable de poursuivre et punir pénalement l’auteur de l’infraction pénale 103. Est
ce vraiment le cas ? La réponse est non104.
Il résulte avant tout du mouvement de la défense sociale la reconnaissance de la victime.
En accédant à ce statut, l’Etat est redevable envers elle, obtenant ainsi la reconnaissance de
la société. Pendant longtemps, il a été reproché à la victimologie de blâmer la victime,
notamment en insistant sur sa participation au crime. La victimologie actuelle a tenu
compte de ces remarques, de sorte qu’actuellement il existe une grande préoccupation
envers elle. La société se sent investie d’une responsabilité à son égard parce que l’Etat lui
même en est investi. C’est ainsi que la culpabilité de l’Etat « transpire » jusque dans les
politiques pénales menées.
La politique préventive visant à réduire la criminalité était axée sur la punition du
délinquant. Désormais, en mettant en évidence le lien entre le délit et l’opportunité de le
commettre, la prévention se tourne vers la victime. Autrement dit, l’Etat tente de réduire
101
FILIZZOLA (G), LOPEZ (G), Victimes et victimologie, Paris, PUF, Que sais-je, 1995 ; SEPAROVIC
(P), Victimology, Symposium International de Victimologie, Zaghreb, 1986.
102
SEPAROVIC (P), Victimology, Symposium International de Victimologie, op. cit.
103
DELMAS-MARTY (M), Les grands systèmes de politique criminelle, Paris, PUF, 1992.
104
Tout particulièrement avec la possibilité pour la victime de faire un dépôt de plainte avec constitution de
partie civile et de faire citer directement son adversaire. V. Dépôt de plainte avec constitution de partie civile
C. pr. pén. Art 1 et art 85 ; citation directe C. pr. pén. art. 2, 388 et 531.
31
les facteurs d’opportunité en mettant en oeuvre des mesures de protection et de dissuasion :
vidéo-surveillance, augmentation des effectifs de police municipale...
25. Le déplacement de la victimologie. D’une victimisation primaire, la société est
passée à une victimisation secondaire105. Cette dernière correspond à la reconnaissance
d’un véritable statut de victime, une responsabilité de l’Etat à son égard, une nécessité de
le prendre en charge judiciairement. Au travers de la victimologie secondaire se dessine la
préoccupation de considérer les besoins de la victime. A partir de là, se développe le thème
du dédommagement de la victime et de l’évolution de ses droits. Ezzat FATTAH écrivait
en 1980 : « L’intérêt qu’on porte actuellement à l’étude des caractéristiques et des
comportements des victimes est incontestable, mais l’âge d’or de la victimologie est encore
très très loin »106.
La société est donc très largement influencée par l’évolution de la victimologie
contemporaine ; elle est à tout jamais marquée de son empreinte. De la même manière, les
politiques criminelles prennent en considération cette transformation dans la construction
d’un statut de victime et cela modifie en profondeur l’attention de la justice pénale envers
elle. La victimologie récente a débouché sur une nouvelle vision de la victime : quel va
être alors cet impact sur la justice ? La prise en compte de la victime par la justice ne va-t-
elle pas la vider de sa substance ?107
105
Définition de la victimisation secondaire v. supra n° 13 ; FATTAH (E), Victimologie, op. cit., p. 25 et s.
106
FATTAH (E), Victimologie : tendances récentes, op. cit, p. 30.
107
SOULEZ-LARIVIERE (D), DALLE (H), Notre justice. Le livre vérité de la justice française, Laffont,
2002, pp. 309-313 ; GARAPON (A), GROS (F), PECH (T), Et ce sera justice. Punir en démocratie, Odile
Jacob, 2001.
108
SCHAFER (S), La victime et son criminel : une étude de responsabilité fonctionnelle, New York,
Random House, 1968.
109
GARAPON (A), GROS (F), PECH (T), op. cit.
32
Néanmoins, s’agit-il vraiment d’une réciprocité juridique entre société, auteur et victime ?
Les trois protagonistes sont-ils pris en compte de façon effective ? Est-il judicieux de
traiter dans le même temps la sanction et la réparation ?
Il convient de faire preuve d’une grande prudence dans l’accueil des prétentions des
victimes. Il existe de réels dangers : « celui de l’instrumentalisation de la victime pour
énerver toujours plus la répression pénale, celui de la confiscation de leur parole
authentique par certaines associations de défense, celui de leur maintien prolongé dans le
processus pénal »110.
27. Une égalité des armes. Ce qui conduit à affirmer la place de la victime dans le
procès pénal est l’équité de ce même procès : lui donner l’opportunité de faire valoir ses
droits à la reconnaissance, à l’accompagnement et à la réparation. La question porte
aujourd’hui sur l’effectivité de ces droits. Il n’est pas certain que le procès pénal favorise
désormais les aspirations de la victime. Il ne faut pas partir de l’idée suivante : avant la
possibilité de se constituer partie civile on composait sans la victime, pourquoi en serait-il
autrement aujourd’hui ? Il ne faut pas, non plus, de nouveaux droits mais une conception
nouvelle du droit pénal où sanction et réparation seraient en harmonie sans pour autant se
confondre dans un même prétoire.
La partie civile ne peut pas être supprimée du système pénal, et il ne le faut pas. Ce qui
apparaît nécessaire est de trouver une alternative pour que la sanction ait un sens au regard
de la réparation patrimoniale et extra-patrimoniale. Prendre le temps, afin que la
restauration de tous les protagonistes de l’infraction pénale ait un sens : société, auteur,
victime. « Si le procès pénal est vraiment équilibré, si la victime comme l’infracteur
reçoivent, de la part d’intervenants professionnels spécialement formés, l’accompagnement
juridique, psychologique et social que leur situation requiert, si le jugement définitif
distribue les rôles de pénalement responsable et de victime avec équité et confirme
symboliquement les contraintes pénales de la resocialisation de l’un, les modalités de la
réparation globale de l’autre, l’oeuvre de justice deviendra enfin intelligible »111.
28. L’influence de la victime sur le procès pénal. Les études menées, notamment
par Ezzat FATTAH112, démontrent que les acteurs du procès pénal sont influencés par les
110
CARIO (R), Qui a peur des victimes ?, op. Cit., p. 435 ; V. sur la compassion immodérée pour les
victimes : NORMAND (M), BISBAU (A), Plaidoyer pour les victimes, Rocher, 2004.
111
CARIO (R), Qui a peur des victimes ?, op. cit., p. 437.
112
FATTAH (E), Victimologie : tendances récentes, op. cit ; WOLLFGANG (M.E), RIEDEL (M), Race,
Judicial Discretion, and the Death Penalty, The annals of American Academy of Political en Social Science,
33
caractéristiques de la victime. Par acteurs, il faut entendre spécifiquement les magistrats du
parquet et du siège. De cette étude il résulte que la victime influence les décisions de
justice de deux façons : la manière dont elle est perçue par les acteurs du système pénal 113 ;
sa conduite en tant que partie civile.
Ainsi, les attributs et le comportement de la victime peuvent avoir une influence
prépondérante sur le processus et les décisions de la justice. Par attributs, il faut entendre
les traits socio-démographiques comme l’âge, le sexe, l’origine ethnique, la profession, la
classe sociale, le statut, la respectabilité, le charisme, la relation auteur/victime. Pour ce qui
est du comportement de la victime, il s’agit du comportement avant l’audience114 et du
comportement durant l’audience. Les pleurs et la façon de raconter sa victimisation
suscitent l’émotion et la compassion.
29. La justice pénale, une justice symbolique. La place que le droit pénal a prise
dans la société est aussi importante que celle que la victime a prise ; la justice pénale lui
donne l’opportunité d’obtenir une reconnaissance. Le droit pénal est donc devenu le
symbole de la justice, l’institution qui a pour vocation de soigner tous les maux de la
société. Nombre d’auteurs se posent alors la question d’un retour à la vengeance privée115.
Le débat, pour être plus constructif, doit se placer sur le terrain de la réhabilitation.
Comment faire en sorte que tous les protagonistes de l’infraction pénale puissent obtenir
satisfaction sans dénaturer l’essence et l’équilibre du procès pénal ?
Se préoccuper juridiquement de la victime ne signifie pas faire d’elle un élément central du
système pénal. Il convient de se rapprocher de l’évolution originelle du droit pénal :
prendre en compte l’intérêt général et la réhabilitation du lien social. Pour reprendre la
réflexion d’Emile DURKHEIM, « le châtiment est destiné à guérir les blessures faites au
sentiment collectif »116. Ce qui pose difficulté reste l’image véhiculée par la politique et les
médias. Désormais, le droit pénal apparaît comme l’outil indispensable pour que s’exprime
le sentiment de vengeance de la victime117. Il s’agirait du seul lieu lui offrant une tribune
1973, vol. 407, pp. 119-133. Il faut savoir que très peu d’études ont été menées sur l’influence de la victime
concernant le jugement pénal et sa finalité.
113
Police, parquet, magistrats...
114
Antécédents criminels, alcoolisme, provocation, narcomanie...
115
V. particulièrement WYVEKENS (A), L’insertion sociale de la justice pénale. Aux origines de la justice
de proximité, Paris, L’Harmattan, coll. Déviance et société, 1997 ; PIN (X), La privatisation du procès pénal,
RSC, 2002, pp. 245-261 ; CASORLA (F), La victime et le juge pénal, rev. pénit., 2003, pp. 639-648.
116
DURKHEIM (E), La division sociale du travail, Paris, PUF, 1911, p. 77.
117
RICOEUR (P), Le juste, Paris, Esprit, 2005, notamment p. 59.
34
où exposer sa souffrance. En France, beaucoup de procès se font pour les victimes,
entrainant une incompréhension pour l’opinion publique sur les buts de l’audience pénale.
En réalité, ne s’agirait-il pas d’une question d’éducation ?
Dès le plus le jeune âge, il faut expliquer les rouages de la démocratie, ainsi que celui du
système pénal. L’erreur à ne pas faire consiste à attendre que l’adulte découvre la justice
au moment du traumatisme lié à l’infraction pénale. Il y a nécessairement un manque de
sens entre ce qu’attend la victime de la justice, et les buts de cette dernière118. Force est de
constater que les victimes jouent aujourd’hui un rôle de plus en plus important dans le
procès pénal. Ce dernier donne l’impression que les victimes sont en concurrence avec le
ministère public, donc la société119. Depuis plusieurs années, la société se pénalise,
répercutant tous ses maux sur un droit pénal qui se voit attribuer des prérogatives qu’il ne
devrait pas avoir. Il en résulte une difficulté pour cerner exactement les valeurs
fondamentales à protéger lors d’une infraction pénale. Le recentrage du procès pénal
autour de la victime signe-t-il un mouvement de privatisation du droit pénal ?
30. La personne au centre du droit pénal. Si la justice n’a pas de bienfaits
thérapeutiques, la personne au centre du droit pénal est celle qui doit être jugée. Pour que
la victime trouve sa place en tant que sujet de droit, il faut savoir lui expliquer et
caractériser cette place. Cibler ses besoins afin de lui apporter une réponse pragmatique et
utile. Qui peut assumer cette charge ? Le droit positif est-il, en l’état, accessible pour la
victime ? Doit-elle rechercher l’équilibre dans une autre forme de justice ? Les réponses à
ces questions seront apportées au fur et à mesure des développements de cette étude. Dans
l’immédiat, il faut traiter du sentiment de compassion lorsque celui-ci est au service des
victimes.
31. Un sentiment improductif. Alors que la victime était auparavant laissée entre
les mains du spirituel, saints et martyrs, aujourd’hui elle est représentée dans tous les types
118
ELIACHEF (C), SOULEZ LARIVIERE (D), Le temps des victimes, op. cit.
119
BELLIVIER (F), DUVERT (C), Les victimes : définitions et enjeux, Archives de politiques criminelles,
2006, pp. 5-9.
35
de médias120. La société fait preuve d’un véritable appétit de souffrance, mais surtout de
compassion. Au delà de l’individu qui souffre, la victime est avant tout une catégorie
sociale dont le regard bienveillant de l’autre est déterminant pour en déceler les
caractéristiques.
Les sentiments que provoque sa prise en charge modifient les comportements sociaux, les
rapports entre les citoyens et les institutions, les rapports entre les citoyens et la justice
pénale. La compassion et la solidarité font partie des ces sentiments. Ils ont fait naitre des
néologismes tels que : la victimisation, la victimation ou le victimisme. C’est donc à bien
des égards qu’il est primordial de ne pas négliger l’étude, l’analyse des termes qui
participent à la construction d’une « nouvelle dynamique pénale ».
La passion pour la victime (A) « a donné naissance à la société des victimes »121. La
solidarité pour la victime (B) a, quant à elle, donné naissance à une nouvelle forme de
démocratie, de trait d’union entre les citoyens.
120
ERNER (G), La société des victimes, Paris, La découverte, 2006.
121
ERNER (G), La société des victimes, op. cit., p. 11.
122
A titre d’exemple : enquêtes criminelles (W9), faîtes entrer l’accusé (France 2), appels d’urgence (TF1),
coupable, non coupable (M6) etc... V. en ce sens MEHL (D), La télévision de l’intimité, Paris, Seuil, 1996 :
c’est à compter des années 90 que la victime fait son entrée à la télévision. Commence alors ce que l’on
appellera la télévision de l’intime. La victime fait, dés lors, partie de chaque famille, nous sommes dans
l’intimité des uns et des autres.
123
KANT (E), Critique de la raison pure, Poche, Broché, 3e édition revue et corrigée, 2006.
36
déformation de la réalité, et induit l’opinion publique en erreur124, au point qu’il peut
exister une banalisation du mal traité systématiquement par le droit pénal125. Quel en est
alors l’impact sur la société ? Comment cette compassion peut-elle dénaturer notre rapport
à l’autre ? Il faut avant tout identifier les termes usités depuis quelques années : tels le
victimisime, la victimisation et les enquêtes de victimation...
33. Le victimisme. Aujourd’hui, le citoyen et la société s’effacent devant la victime
pour être relégués en arrière plan. La compassion conduit au sentiment extrême. Le
victimisme n’est pas un humanisme : le bien commun n’a pas sa place, la vengeance privée
le remplace126. Le victimisme peut donc se résumer à l’attention exacerbée portée sur la
victime.
34. La victimisation. Le terme victimisation est utilisé depuis quelques années de
façon courante. Il désigne une tendance coupable à s’enfermer dans une identité de
victime127. Le mot victimisation est à tel point utilisé que toute situation peut être abordée
sous l’angle d’un rapport auteur-victime. Pour Denis SALAS128, la victimisation montre
tout l’attrait qu’a notre société pour la victime, elle conduit à une surenchère pénale. C’est
en somme, l’illusion selon laquelle le droit pénal permettrait d’obtenir une compensation
de la souffrance. La victimisation fait de la victime un acteur principal de la société, un
citoyen à part entière auprès duquel s'appuient la politique et la société.
L’irruption du terme victimisation dans la société en général produit une surenchère de la
souffrance. Elle éradique les débats idéologiques sur le thème ainsi que les questions
sociales.
35. Les enquêtes de victimation. Il faut avant tout éviter l’amalgame entre
victimation et victimisation. Il s’agit bien d’enquêtes de victimation, car elles ont pour but
de mieux connaître les situations où les individus peuvent être confrontés à une infraction
pénale, ou à une situation d’insécurité. La victime devient un outil de connaissance dans le
but d’une approche quantitative de la délinquance. La France s’est intéressée très
124
ERNER (G), La société des victimes, ibid. ; V. en ce sens VOLTAIRE (F.M), Candide ou l’optimiste,
Paris, Garnier, 1877, p. 572 : « les malheurs particuliers font le bien général ; de sorte que plus il y a de
malheurs particuliers, et plus tout est bien » ; WEBER (M), Le savant et le politique, Paris, Plon, 1959,
notamment p. 179.
125
ARENDT (H), Eichmann à Jerusalem. Rapport sur la banalité du mal, Paris, Gallimard, 1966 ; ARENDT
(H), Qu’est ce que la politique ?, Paris, Seuil, 1995.
126
ERNER (G), La société des victimes, op. cit., p. 191.
127
CHOLLET (M), reconnaissance ou sacralisation ? Arrière-pensée des discours de la victimisation, Le
monde diplomatique, sept. 2007, pp. 24-25.
128
SALAS (D), La volonté de punir. Essai sur le populisme pénal. Hachette littérature, 2005.
37
tardivement aux enquêtes de victimation129. L’histoire de l’enquête de victimation
commence donc en 1984 ; jusqu’à cette date et depuis 1827 il existait le « Compte général
de l’administration de la justice criminelle »130. A l’origine « l'interrogation croissante sur
l'adéquation des politiques publiques aux attentes sociales de sécurité a conduit à
chercher des sources d'information indépendantes de l'action des agents chargés de leur
mise en œuvre. On a donc imaginé de prélever des échantillons de population pour scruter
quelles victimations seraient alors déclarées »131.
La première enquête de victimation a été financée par le ministère de la justice132. Elle était
nationale et présentait une particularité par rapport aux enquête américaines, anglaises et
néerlandaises : une prise en compte des profils des victimes et non un simple comptage de
la délinquance. Cette enquête nationale a été complétée par une enquête en milieu urbain
dans les communes d’Epinay et de Toulouse133. Jusqu’en 2005, c’est l’Institut national de
la statistique et des études économiques qui était en charge de ces enquêtes134. L’intérêt
pour l’INSEE était de « dépasser une conception seulement économique tant de l’exclusion
que du bien être »135. Depuis 2005, ces enquêtes sont ainsi inscrites aux missions de
l’Observatoire de la Délinquance.
Les enquêtes de victimation ont permis d’avoir une idée plus précise de la structure de la
délinquance et de ses conséquences sur les citoyens. Elles ont également permis de
dépasser des idées reçues : les hommes sont davantage victimes que les femmes ; les
jeunes sont plus victimes que les personnes âgées ; le lieu de travail ou le domicile sont
plus fréquemment des lieux où l’on peut être victime que les sites publics comme les
parkings ou les transports en commun136.
129
La première enquête de victimation date de 1984 : VAN DIJK (J.JM), Les utilisations des études de
criminalité au plan local, national et international, Les cahiers de la sécurité intérieure, 1991, n°4.
130
DUREE (M), JALUZOT (L), PICARD (S), Le développement et les usages des enquêtes de victimation
en France, Economie et Statistique, n°448-449, 2011.
131
ROBERT (P), ZAUBERMAN (R), POTTIER (M-L), LAGRANGE (H), Mesurer le crime. Entre
statistiques de police et enquêtes de victimation (1985-1995), Revue française de sociologie, 1999, 40-2, p.
257.
132
ROBERT (P), ZAUBERMAN (R), POTTIER (M-L), LAGRANGE (H), Mesurer le crime, ibid., pp. 255-
294.
133
DUREE (M), JALUZOT (L), PICARD (S), ibid.
134
INSEE.
135
DUREE (M), JALUZOT (L), PICARD (S), Ibid.
136
PIGNOUX (N), La réparation des victimes d’infractions pénales, op. cit., p 40 ; CARIO (R),
Victimisation des aîné(e)s et aide aux victimes, RSC, 2002, pp. 81-94 ; BARIL (M), La criminologie et la
justice pénale à l’heure de la victime, RICPTS, 1981, n°4, pp. 353-366 ; BARIL (M), L’envers du crime,
L’Harmattan, coll. Sciences Criminelles, 2002.
38
Dés lors, les différents termes étant posés, quel impact va avoir la compassion ? Que va-t-
elle engendrer sur la vision de la société face à la victime ?
36. L’impact de la compassion sur la politique. Pour l’homme et la femme
politiques, la compassion est, avant tout, la réunion de deux émotions : l’une spontanée et
l’autre calculée. Ces hommes et femmes politiques deviennent en quelque sorte les «
Machiavel du bien »137. Dans ce cadre, l’intérêt envers les victimes peut devenir du
clientélisme. Le particularisme de ce statut nuit à la recherche du bien commun et les
victimes peuvent ainsi devenir un péril pour la société.
L’impact de l’émotion trouve tout son sens à travers l’affaire Gabrielle RUSSIER : en
1968, jeune professeur de lettres, elle tombe amoureuse d’un de ses élèves. Après une
procédure judiciaire ayant conduit à son incarcération, elle décide de se donner la mort en
1969. La société entière est alors très émue par ce cas, la justice paraissant particulièrement
rigide et rétrograde au regard de l’opinion publique et la classe politique.
L’opinion publique et les politiques sont alors dans l’incompréhension de la froideur du
juge pénal, cet être sans compassion. Mais le droit pénal doit-il être compatissant ? Le droit
pénal doit-il être simplement juste ?
L’Etat, à travers le droit pénal, assure la cohésion sociale. Il ne fait pas la charité et n’a pas
à être compatissant. Il met en place une éthique de l’effort et de la responsabilité pour faire
du délinquant un véritable citoyen138. La justice pénale doit organiser et assurer la
coexistence entre les individus, elle maintient le lien social : entre victimes et auteurs. De
ce fait, la victime n’a pas à être au coeur de la procédure pénale. La justice au service des
victimes est un mythe139. Le système pénal a donc évolué, d’un système archaïque de
vengeance privée à un système structuré prenant en compte l’intérêt général et la
réhabilitation du lien social. Paul RICOEUR estime pour sa part que la victime peut être un
obstacle à la réalisation de la justice et que les attentes de cette même victime peuvent faire
137
GAUCHET (M), La démocratie contre elle-même, Paris, Gallimard, 2002, p. 365 ; ARENDT (H), Essai
sur la révolution, Paris, Gallimard, 1985, p. 85 : « la pitié est la une force politique de première grandeur ».
En d’autres termes, dans une société où la victime est sacralisée susciter la compassion devient une force
politique dont on ne peut se passer. V. en ce sens, DAGNAUD (M), Médias et violence, L’état du débat, in
Problèmes politiques et sociaux, 2003, pp. 1-123 ; CARIO (R), Médias et insécurité : entre droit d’informer
et illusions sécuritaires, D. 2004, pp. 75-80.
138
PAUGAM (S), La société française et ses pauvres, Paris, PUF, 2002.
139
SALAS (D), La volonté de punir. Essai sur le populisme pénal, Hachette littérature, 2005 ; DURKHEIM
(E), La division sociale du travail, Paris, PUF, 1911 : La peine vient avant tout comme la sanction d’un acte
qui a rompu le lien social avant d’être la sanction d’un acte perpétré contre un individu.
39
l’objet d’une recherche vindicative de l’auteur140. Pour Robert CARIO « le débat doctrinal
se crispe aujourd’hui autour du constat du prétendu sacre de la victime »141.
Prendre en considération les conditions dans lesquelles les victimes sont appréciées, les
sentiments qu’elles font naître, son impact sur l’évolution de la société, est essentiel pour
comprendre la suite de cette étude. Car il est évident « que la société, désemparée par
l’affaiblissement des grandes idéologies, la perte de sens global conduisant à brouiller les
grandes références normatives, le développement de l’individualisme démocratique,
participe à la fabrication des victimes »142.
37. Une compassion au service de la réforme143. L’attention que porte la politique à
la victime trouve son sens au regard des réformes ayant trait à celle-ci. Elle modifie
implicitement le rapport du citoyen au droit et par ricochet à l’autre. C’est ainsi que Jean-
Pierre RAFFARIN a créé un secrétariat d’Etat dédié aux victimes144 ; Nicolas SARKOZY
un juge délégué aux victimes145 ; Ségolène ROYAL souhaitait mettre un avocat à la
disposition de la victime dans l’heure suivant le dépôt de plainte.
Pourtant tout n’est pas à rejeter dans la façon qu’a l’homme ou la femme politiques
d’aborder le thème de la victime : « il y a une dérive et une récupération de cette juste
cause. On est passé de la légitime préoccupation de la condition des victimes à un
activisme politique. Des associations d’aide se sont transformées en associations de
défense de tel ou tel, à qui on donne un rôle équivalent à celui des parties civiles ou du
ministère public dans le processus judiciaire, dans une compassion sélective »146.
C’est dans ce climat qu’en 1982 sont instituées les associations d’aide aux victimes en
voulant éviter l’écueil de la compassion. Pierre BONIN, président de l’Institut Nationale
140
RICOEUR (P), Le juste, Paris, Esprit, 2005, p. 59.
141
CARIO (R), Qui a peur des victimes ?, AJ Pén., déc. 2004, pp. 434-437.
142
CARIO (R), Qui a peur des victimes ?, p. 434 ; v. en ce sens, LEVY (T), L’éloge de la barbarie judiciaire,
Odile JACOB, 2004 ; SALAS (D), L’inquiétant avènement de la victime, in Sciences humaines, Hors série «
Violences », 2004, pp. 90-93.
143
Il est à noter le florilège de propositions tournées vers la victime en période d’élection. Par exemple
MILLOT (O), Liberation du 05 mars 2012 : « Aujourd’hui, la souffrance de la victime n’a pas son mot à
dire, a ainsi lancé le président candidat. Proposant d’instaurer un droit d’appel des victimes pour les
décisions des cours d’assises, pour la détention provisoire et pour l’exécution des peines. »
144
Ce secrétariat a eu une existence éphémère. Il a existé du 30 mars 2004 au 31 mai 2005 sous l’autorité du
garde des sceaux. Décret n°2004-378 du 29 avril 2004 relatif aux attributions déléguées à la Secrétaire d’Etat
aux droits des victimes.
145
JUDEVI : JUge DElégué aux VIctimes. Les dispositions qui fondaient les prérogatives du JUDEVI ont
été annulées par le conseil d’Etat : CE, 5 févr. 2010, n°312314. CROCQ (J-C), Le guide des infractions,
Dalloz, 2012.
146
CASSIA (P), Robert Badinter un juriste en politique, Fayard, 2009, note n° 233.
40
d’Aide aux Victimes Et Médiation147, disait en 2008 : « Nous n’avons jamais milité pour la
sacralisation de la victime et de sa parole (…) Nous demeurons engagés dans cette justice
d’apaisement de restauration du conflit, passant par la réparation globale de la victime, de
la société et de la réhabilitation de l’auteur »148.
38. Un nouveau rapport démocratique. L’analyse développée permet de
comprendre comment la victime, et plus particulièrement le sentiment de compassion à son
égard, modifient l’appréciation de la société face aux conséquences d’une infraction
pénale. La politique et les médias rendent illisibles la séparation entre la sphère privée et la
sphère publique, entre l’intérêt privé et l’intérêt général. Quelles vont être les répercussions
sur le rapport entre les citoyens ? La compassion va-t-elle redéfinir le concept de société
démocratique ?
147
INAVEM.
148
BONIN (H), Propos d’ouverture in Humanité et compétence dans l’aide aux victimes. Les 20 ans de
l’INAVEM, L’Harmattan, 2008, p. 32.
149
Par exemple en matière de discrimination, les différences de traitement fondées, en matière d’accès aux
biens et services, sur le sexe sont autorisés lorsqu’elles sont justifiées par la protection de la victime de
violence à caractère sexuel. C. pén. art. 225-3 4°.
150
ELIACHEF (C), Le temps des victimes, op. cit, p. 133 ; pour la compassion comme valeur citoyenne V.
en ce sens SIMMEL (G), Les pauvres, PUF, Paris, 2005.
41
40. Une lutte pour la reconnaissance. Avant toute réparation, les victimes veulent la
reconnaissance de leur souffrance. Parmi les nombreux désirs spirituels et matériels, un
seul exige d’être satisfait à tout prix : la reconnaissance.
Pour Friedrich HEGEL151, la reconnaissance est le moteur de l’histoire. Cette lutte de
reconnaissance explique les revendications démocratiques et les révolutions. Dans une
société démocratique, on ne peut accepter les inégalités qui sont, bien entendu, anti-
démocratiques. Tout individu émet le désir de bénéficier des mêmes droits, de la même
dignité, en somme de la reconnaissance de son statut de citoyen. Il s’agit d’une évolution
normale d’une société démocratique. Cette évolution fait naître de nouveaux besoins qui
doivent être assouvis. Ainsi, l’homme demande de plus en plus de reconnaissance152.
Désormais, cette reconnaissance n’est plus seulement matérielle mais juridique et sociale.
41. La démocratisation de la souffrance. Selon Guillaume ERNER153, la société
démocratique contemporaine, en reconnaissant le droit au bonheur, a procédé à la
démocratisation de la souffrance. En d’autres termes, à partir du moment où un citoyen
n’atteint pas le bonheur à cause d’un tiers, il peut faire état de sa souffrance qui est le
pendant du droit au bonheur. Les années 1980 ont marqué l’importante prise en
considération des atteintes à l’intégrité psychique et à la dignité. Des infractions nouvelles
ont vu le jour comme le harcèlement moral154 ; il existe donc à partir de là une «
psychologisation »155 de la souffrance créant une nouvelle victimisation : l’absence de
reconnaissance. Cela va également engendrer une difficulté dans la réparation accordée par
le droit pénal : la réparation extra-patrimoniale. Une réparation qui est difficilement
évaluable et réalisable dans le prétoire pénal.
La compassion vient redéfinir le rapport à l’autre et à la justice. La compassion est le
médiateur dans la recherche d’égalité avec son semblable, l’autre citoyen, notamment là où
la pitié et la charité reliaient les individus dans une société où des personnes pouvaient se
trouver en situation difficile. Les citoyens doivent désormais éprouver de la compassion
car il faut être le semblable de l’autre dans sa souffrance. Sans cela, l’individu ne peut pas
151
CHATELET (F), Hegel, Seuil, 1968 ; WASZEK (N), Hegel : Droit, histoire, société, PUF, 2001.
152
ROUSSEAU (J.J), Les confessions, Gallimard, Paris, 1995, notamment p. 481 ; ROUSSEAU (J.J), Lettre
à d’Alembert, Paris, Garnier-Flammarion, 2003.
153
ERNER (G), La société des victimes, Paris, La découverte, 2006.
154
Art. 222-33-2 C. pén.
155
HIRIGOYEN (M.F), Le harcèlement moral, la violence perverse au quotidien, La découverte, Syros,
Paris, 1998.
42
se considérer comme son égal. Ceci est également demandé à la justice pénale qui doit être
à l’image de la société : compatissante.
Les mots d’Alexis de TOCQUEVILLE raisonnent aujourd’hui comme une prophétie : «
Les modernes se dévouent rarement les uns pour les autres, mais ils montrent une
compassion générale pour tous les membres de l’espèce humaine. A mesure que les
peuples deviennent plus semblables les uns aux autres, ils se montrent réciproquement plus
compatissants pour leur misère, et le droit des gens s’adoucit »156.
42. La victime, un « animal judiciaire »157 ? Robert CARIO écrit : « le travail de
deuil ne commencera que lorsque le juge, dans un jugement définitif, séparera les deux
parties au procès pour qu’elles puissent continuer leur destinée humaine respective. Ainsi
s’affirme la réalité symbolique du procès pénal conduisant à réhumaniser les victimes, à
les réinscrire dans la réciprocité juridique, loin de tout fantasme thérapeutique »158.
La procédure pénale, ainsi que le procès pénal, constituent une épreuve douloureuse pour
la victime159. Il faut alors envisager soit une autre façon d’aborder la justice pénale, soit
une nouvelle façon de travailler avec la victime : il s’agit du travail de partenariat 160 entre
l’institution judiciaire, les fonctionnaires de police, les professionnels associatifs... La
société se sert donc de la victime pour justifier une certaine reconnaissance sociale ; le
droit pénal lui porte une considération pour mieux poursuivre et sanctionner les mises en
cause. C’est en cela que la victime peut être considérée comme un « animal judiciaire »161.
Quelle est vraiment la place de la victime dans le droit ? Quel crédit donnent les textes et la
jurisprudence à la victime ? Existe t-il un véritable statut de victime ?
43
43. Du monopole de la victime au monopole de l’Etat. L’histoire de la place de la
victime dans le système pénal français est celle de l’intérêt privé face à l’intérêt général,
mais également l’histoire de la procédure accusatoire et de la procédure inquisitoire. La
France a longtemps oscillé entre les deux162 : une procédure accusatoire qui permet
l’ouverture d’un procès seulement dans le cas où un accusateur se déclare et porte le poids
du procès et une procédure inquisitoire où le juge détient le pouvoir de poursuivre même
en l’absence d’accusateur. Schématiquement jusqu’au XIIIème siècle, la procédure est
accusatoire, dans le cadre d’une privatisation du droit pénal 163. La victime, appelée
accusateur, obtient la réparation de son préjudice par le versement d’une somme d’argent
ou par les châtiments corporels infligés à l’accusé, dans le cas de crimes graves. Le
versement de sommes d’argent prend la forme de composition pécuniaire, sans qu’il
s’agisse encore de réparation civile : la composition pécuniaire sert à racheter la
vengeance, et à compenser le dommage subi164. L’apparition de la procédure inquisitoire,
et de ce qui sera plus tard le Parquet165, restreint considérablemet le rôle de la victime dans
le système pénal, qui est reléguée au second plan au fur et à mesure de l’importance que
prend l’Etat. C’est à lui que revient le monopole de la contrainte légitime166 : avec la fin de
la privatisation du droit pénal, les gens du roi167, tout d’abord, puis dans un second temps
le ministère public contrôlent la procédure pénale, le processus punitif. Autrement dit, ils
disposent du monopole des poursuites.
Sans perdre de vue que le droit pénal vise à la défense de l’ordre public et de l’intérêt
général, comment considérer la place de la victime de plus en plus importante au sein du
système pénal et de la société ? Pour certains, il s’agit d’un retour à la privatisation du droit
pénal et de la vengeance privée168, « un brouillage des finalités du procès pénal et un recul
du caractère impératif de ses règles »169. Pour d’autres, il s’agit d’une évolution normale du
droit permettant à la victime, devenue partie au procès pénal, d’obtenir la réparation de son
162
LAINGUI (A), Histoire du droit pénal, Presses Universitaires de France, 1985.
163
CARBASSE (J.M), Introduction historique au droit pénal, PUF, 1990.
164
CARBASSE (J.M), Ibid., p. 239
165
PRADEL (J), Histoire des doctrines pénales, PUF, 1989, p. 1
166
WEBER (M), Economie et société, Pocket, 1921.
167
Ce sont des praticiens du droit spécialisés dans la défense du roi.
168
GARNIER (J), Quelques réflexions sur l’action civile, JCP 1957, p. 1386.
169
PIN (X), La privatisation du procès pénal, in RSC et de droit pénal comparé 2002, n°2, p. 245-261
44
préjudice plus facilement et plus rapidement que lors d’une procédure civile en
responsabilité170.
La victime dispose de droits et apparaît à différents moments dans le code pénal et dans le
code de procédure pénale. De ce fait, si la victime dispose en théorie de droits (§1), qu’en
est-il de leur effectivité (§2).
170
BOUZAT (P), Traité de droit pénal et de criminologie, Tome III, Livre I, Chapitre III, Dalloz, 1970.
171
ELIACHEF (C), Le temps des victimes, op. cit.
172
CARIO (R), La place de la victime dans l’exécution des peines, D., 2003, p. 145.
173
VERGES (E), op. cit.
45
45. Les fondements du procès pénal. L’histoire du droit pénal est avant tout
l’histoire de la dissociation entre la réparation civile et la peine174. La réparation civile vise
à compenser l’atteinte portée par l’infraction aux intérêts privés. La peine, quant à elle,
sanctionne le tort causé à l’ordre public. Concernant la place de l’Etat, pour Denis SALAS
« dans le procès pénal, il se substitue aux plaignants dans les rôles d’accusateur et de juge
(...) Au couple de l’offensé et de l’offenseur se substitue le couple de l’infraction et de la
peine »175. L’objet du procès pénal est le rétablissement de la paix sociale troublée par
l’infraction pénale. Qu’il existe une victime ou non, l’infraction pénale porte, dans tous les
cas, préjudice à la collectivité dans son ensemble. Autrement dit, si une personne subit les
actes délictueux d’une autre, c’est la société entière qui est touchée176.
Le procès pénal remplit deux fonctions : la manifestation de la vérité et la rétribution de la
faute. La conception contemporaine du procès pénal, ainsi que la considération pour la
victime177 ont ajouté une troisième fonction : la réparation. Avec cette notion de réparation
apparaît par la même occasion, la dimension instrumentale du procès pénal. Sur ce dernier
point, comme il en sera fait la démonstration, la finalité que poursuit le procès pénal « peut
en effet être atteinte par d’autres moyens »178.
Concernant la réparation par l’intermédiaire du procès pénal, lorsqu’il y a extinction de
l’action publique, « Eu égard à l’objet du procès pénal, l’extinction de l’action publique
consécutive au décès du prévenu porte-t-elle un préjudice personnel à la victime ? »179.
C’est à cette question qu’a dû répondre l’assemblée du contentieux en date du 1er juillet
2011180. Elle apporte une réponse totalement novatrice et riche d'enseignement pour
l’avenir : « Se développent également des formes de rétablissement de la paix sociale qui
permettent d’éviter le procès. Il en est ainsi notamment de la procédure de comparution sur
174
DESPORTES (F), LE GUNEHEC (F), Droit pénal général, Economica, 2010.
Pour aller plus loin. GASSIN (R), Criminologie, Paris, Précis Dalloz, 1988 ; PICCA (G), La criminologie,
Paris, coll Que sais-je, PUF, 2005 ; ALLINNE (J.P), Les victimes : des oubliées de l’histoire du droit ?,
Oeuvre de justice et victimes, L’Harmattan, Coll. Sciences Criminelles, 2001 ; GARNOT (B), Les victimes
pendant l’ancien régime (XVIe - XVIIe - XVIIIe siècles), in association française pour l’histoire de la justice,
La cour d’assises. Bilan d’un héritage démocratique, Paris, La documentation française, Coll. Histoire de la
justice, 2001.
175
SALAS (D), La volonté de punir, op. cit., pp. 248-254.
176
FOUCAUT (M), La vérité et les formes juridiques, Gallimard, 1974.
177
V. supra n° 20 et s.
178
GUYOMAR (M), Assemblée du contentieux : Séance du 1 er juillet 2011, op. cit., p. 12.
179
GUYOMAR (M), Assemblée du contentieux : Séance du 1er juillet 2011, op. cit. Nous reviendrons plus
en détails sur cet arrêt lorsque sera évoquée l’effectivité des droits de la victime d’infractions pénales.
180
GUYOMAR (M), Assemblée du contentieux : Séance du 1er juillet 2011, ibid.
46
reconnaissance préalable de culpabilité181 prévue à l’article 495-7 du code de procédure
pénale. Poursuivent le même objet les modes alternatifs de règlement des conflits, et en
particulier la transaction pénale (...) Cet inventaire, qui ne prétend pas à l’exhaustivité,
démontre que l’organisation d’un procès pénal ne constitue pas une fin en soi » 182.
En d’autres termes, les fonctions du procès pénal, manifestation de la vérité et rétribution
de la faute, peuvent être assurées même en l’absence de ce procès. Il existe, dans le
règlement du conflit auteur /victime, des alternatives au jugement pénal. En conséquence,
cette première approche démontre qu’il convient de relativiser l’importance du procès
pénal dans le processus de réparation de la victime. Sur quelle base se fonde alors la
demande des victimes ? Pourquoi est-il important de ne pas bloquer la réparation de la
victime uniquement sur le volet patrimonial ?
46. Le droit de la responsabilité. Qu’il s’agisse de la matière civile ou de la matière
pénale, une victime s’entend généralement comme un individu subissant les agissement
d’autrui et qui en souffre183. Le système judiciaire, dans son acception générale, doit
compenser les souffrances et réparer l’injustice. La conception de victime, comme individu
qui subit, est assez récente dans l’histoire. Auparavant lui était reconnu un droit de
vengeance illimité, puis réglementé, et enfin évalué184.
Par la suite, de cet état de victime subissant un dommage est né le concept de
responsabilité, une responsabilité ayant pris un aspect plus moral et rétributif que le
concept seul de victime185. La faute d’un responsable induit donc l’indemnisation d’une
victime. Cette même indemnisation est devenu alors un impératif de justice186 ; elle
s'effectue toujours dans le cadre d’une responsabilité civile ou d’une responsabilité pénale.
En résumé, d’un point de vue patrimonial, et sur le seul aspect financier, une victime en
droit pénal n’est, ni plus ni moins, qu’une personne, un individu actionnant la
responsabilité civile de l’auteur pour obtenir une indemnisation. Toutefois la victime en
droit pénal acquiert un statut autonome et sui generis, au regard de l’aspect immatériel du
préjudice. Le droit pénal est le seul à même de donner une satisfaction à la victime par
181
V. infra n° 461 et s.
182
GUYOMAR (M), Assemblée du contentieux : Séance du 1er juillet 2011, ibid., p. 12 et s. V. notamment
Conseil constitutionnel n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Assemblée 7 juillet 2006, France Nature
Environnement.
183
ALT-MAES (F), Le concept de victime en droit civil et en droit pénal, RSC, 1994, p. 35.
184
Il s’agit de la composition pécuniaire. V. ALT-MAES (F), Le concept de victime en droit civil et en droit
pénal, ibid.
185
VINEY (G), La responsabilité, Archives de philosophie du droit, 1990.
186
ALT-MAES (F), Le concept de victime en droit civil et en droit pénal, op. cit.
47
l’application d’une sanction, d’une peine. C’est pour cette raison qu’il est important, pour
la victime en droit pénal, de dissocier la réparation patrimoniale de la réparation extra-
patrimoniale. La réparation patrimoniale ne peut se faire que dans le cadre de la
constitution de partie civile, alors que la réparation extra-patrimoniale peut se faire
simplement au travers du statut de victime187.
47. Les aspirations de la victime en droit pénal. En matière pénale les aspirations de
la victime sont diverses. Elles peuvent viser à obtenir une indemnisation, obtenir une
autonomie sociale. Pour Philippe BONFILS les victimes d’infractions pénales ressentent,
généralement, un désir de vengeance et un besoin de réparation en proportion de la nature
et de la gravité des infractions188. Une étude menée en 1995189 a permis d’avoir des
informations plus précises sur les aspirations de ces victimes. Les résultats sont les
suivants : la qualification pénale engendre une attente différente de la part de la victime
d’infractions pénales. Ainsi, en matière de vol 59,9% des victimes déposent plainte dans
une perspective vindicative. En matière d’infractions sexuelles 100% des plaintes visent à
la punition du coupable.
De plus, cette étude a permis également de mettre en évidence que le procès pénal
présentait des avantages par rapport au procès civil. Il s’agit de l’aspect psychologique où
la victime peut identifier et « cristalliser sa souffrance pour mieux la dépasser »190. Enfin,
concernant les attentes de la victime, l’étude ci-dessus nous apprend qu’elle attend une
réparation, une protection, une rétribution, la défense sociale191. En saisissant le droit
pénal, la victime entend obtenir une réparation plus pragmatique et plus rapide. Elle
bénéficie, voire profite du travail de recherche des preuves par les services de police ou de
gendarmerie spécialement formés192. Ainsi, le procès pénal ne s’arrête pas pour la victime
à une simple indemnisation du préjudice subi. Il existe alors dans la démarche de la
victime une « revendication de dignité ou plus modestement de considération ou d’honneur
187
Pour aller plus loin V. infra n° 236 et s.
188
BONFILS (P), Partie civile, Rép. Pén., avril 2011.
189
ZAUBERMAN (R), ROBERT (PH), Du côté des victimes, un autre regard sur la délinquance,
L’Harmattan, 1995 ; CUSSON (M), Criminologie, 4e éd., Hachette, 2005 ; pour la fonction cathartique du
procès pénal V. LAMBERT-FAIVRE (Y), L’éthique de la responsabilité, RTD civ., 1998.
190
LAMBERT-FAIVRE, L’éthique de la responsabilité, ibid., p. 21.
191
Pour la réparation il s’agit du dédommagement, de la récupération d’un bien, de recevoir des excuses.
Pour la protection il s’agit de l’éloignement de l’auteur de l’infraction. Pour la rétribution il s’agit que justice
soit rendue. Pour la défense sociale il s’agit d’empêcher la commission d’une nouvelle infraction : aspect
citoyen du dépôt de plainte.
192
BONFILS (P), Partie civile, ibid.
48
»193. La demande de la victime n’est plus seulement indemnitaire : elle est en recherche de
vérité, de responsabilité, de justice194. Comment la victime peut obtenir la satisfaction de
ces différentes aspirations ? Doit-elle pour cela partager avec les Parquets le pouvoir
d’accuser ? Peut-elle revendiquer ses droits en restant dans un statut de victime ? Doit-elle
évoluer vers un autre statut ?
48. La satisfaction des différentes aspirations : une position schizophrénique. A ce
stade de l’étude, il est nécessaire de retenir l’idée que la victime ne trouverait satisfaction
que par l’intermédiaire du procès pénal195. La volonté du législateur est de « doter la
victime de la possibilité de participer à l’action pénale en lui confiant, à tous les stades du
procès, les moyens procéduraux propres à en assurer l’effectivité »196.
Cela n’est pas aussi simple. Au sein de la même procédure, de la même audience pénale, il
existe deux statuts différents pour une même victime : le statut de partie civile et le statut
de victime d’infraction pénale197. La victime d’infraction pénale n’est pas une partie au
procès pénal si elle ne se constitue pas partie civile. De ce fait, ses droits sont en fin de
compte moins importants que ceux de la partie civile. Quels sont ces droits reconnus à la
victime d’infractions pénales ? Répondent-ils à ses aspirations ?
193
PIN (X), La privatisation du procès pénal, op. cit., p. 245.
194
D’HAUTEVILLE (A), Rapport introductif. La problématique de la place de la victime dans le procès
pénal, Archives de politique criminelle, n°24, 2002, pp. 7-13.
195
V. infra n° 269 et s.
196
GUYOMAR (M), Assemblée du contentieux : Séance du 1er juillet 2011, op. cit., p. 8.
197
Pour le statut de partie civile V. infra n° 67 et s.
49
a l’occasion de le faire, lorsque sa plainte est renvoyée aux services territorialement
compétents198.
A l’issue de sa démarche, la victime peut demander que lui soit remise la copie du procès
verbal en complément du récépissé du dépôt de plainte199.
50. Le droit à l’information. Lors du dépôt de plainte, la victime doit être informée
200
de la possibilité pour elle : « 1° D'obtenir réparation du préjudice subi ; 2° De se
constituer partie civile si l'action publique est mise en mouvement par le parquet ou en
citant directement l'auteur des faits devant la juridiction compétente ou en portant plainte
devant le juge d'instruction ; 3° D'être, si elles souhaitent se constituer partie civile,
assistées d'un avocat qu'elles pourront choisir ou qui, à leur demande, sera désigné par le
bâtonnier de l'ordre des avocats près la juridiction compétente, les frais étant à la charge
des victimes sauf si elles remplissent les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle ou si
elles bénéficient d'une assurance de protection juridique ; 4° D'être aidées par un service
relevant d'une ou de plusieurs collectivités publiques ou par une association
conventionnée d'aide aux victimes ; 5° De saisir, le cas échéant, la commission
d'indemnisation des victimes d'infraction, lorsqu'il s'agit d'une infraction mentionnée aux
articles 706-3 et 706-14 ; 6° De demander une ordonnance de protection, dans les
conditions définies par les articles 515-9 à 515-13 du code civil . Les victimes sont
également informées des peines encourues par le ou les auteurs des violences et des
conditions d'exécution des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à
leur encontre ».
Elle sera également avisée des modalités de citation de son adversaire ou de constitution de
partie civile lors d’une plainte devant le doyen des juges d’instruction201. En même temps
que l’information sur ces modalités de constitution de partie civile, la victime obtient des
explications sur les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle ou sur les assurances de
protection juridique.
198
Circ. CRIM. 00-2, 31 mai 2000.
199
C. pr. pén. art. 15-3.
200
C. pr. pén. art. 53-1 et 75 issus de la loi n°2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites
spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les
enfants.
201
Citation directe C. pr. pén. Art. 388 et 531 ; dépôt de plainte avec constitution de partie civile C. pr. pén.
art. 1, 2, 52, 79, 85, 86.
50
Concernant l’accompagnement juridique et le soutien psychologique202, la victime est
informée qu’elle peut se rapprocher d’une association d’aide aux victimes. Cette dernière
l’aidera à surmonter l’épreuve de l’infraction mais également celle du dépôt de plainte.
Pour l’indemnisation avant toute audience et toute constitution de partie civile, la victime
est informée qu’elle peut saisir la commission d’indemnisation des victimes d’infraction203.
En cas de violences intra-familiales, la victime est avisée qu’elle peut demander une
ordonnance de protection204.
51. Les droits de la victime en cas de confrontation avec le mis en cause. Il s’agit
ici des confrontations qui se déroulent dans le cadre d’une garde-à-vue. Les explications
qui suivent ne s’appliquent pas lorsque le mis en cause n’est pas sous le régime de la garde
à vue. Ainsi une simple audition du mis en cause en présence de la victime ne justifie pas
une mesure particulière. La circulaire criminelle du 23 mai 2011205 précise les conditions
de la confrontation lors d’une garde-à-vue : l’article 63-4-5 du code de procédure pénale
dispose que « si la victime est confrontée avec une personne gardée à vue, elle peut
demander à être également assistée par un avocat choisi par elle ou par son représentant
légal si elle est mineure ou, à sa demande, désigné par le bâtonnier. La victime est
informée de ce droit avant qu’il soit procédé à la confrontation. A sa demande, l’avocat
peut consulter les procès verbaux d’audition de la personne qu’il assiste ».
Les dispositions de l’article 63-4-5 du code de procédure pénale s’appliquent même si la
victime n’est pas partie civile tant au cours de l’enquête que durant l’instruction206.
La circulaire du 23 mai 2011 ajoute que les dispositions de l’article 63-4-5 du code de
procédure pénale s’appliquent également si durant la confrontation le mis en cause n’est
pas assisté d’un avocat. Cette « non assistance » doit, bien entendu, résulter de la volonté
même du mis en cause207.
52. La victime et l’aide juridictionnelle. La victime peut obtenir l’assistance d’un
avocat à l’occasion d’une confrontation avec le mis en cause. La circulaire du 8 novembre
2002208 vient préciser le cadre d'attribution de l’aide juridictionnelle.
202
Pour aller plus loin. Sur les politiques publiques d’aide aux victimes V. infra n° 272 et s.
203
Pour aller plus loin. Sur la commission d’indemnisation des victimes V. infra n° 183 et s.
204
Pour aller plus loin. Sur l’ordonnance de protection V. infra n° 343 et s.
205
Circ. CRIM. 2011-13/E6, 23 mai 2011.
206
Circ. CRIM. 2011-13/E6, 23 mai 2011, n° III.5.7.
207
Sur le régime de la garde à vue v. FOURMENT (F), Fondement juridique et notion d’assistance par un
avocat en garde à vue, D., 2012, p. 2644 ; FOURMENT (F), Chronique de jurisprudence de procédure
pénale, Gaz. Pal., 9 fév. 2013, n°40, p. 42.
208
Circ. CRIM. 02-16-E8, 8 novembre 2002, n° 6.2 et n° 6.3.
51
D’un point de vue pratique, les enquêteurs, après avoir donné connaissance à la victime de
ses droits et reçu la volonté de celle-ci de constituer avocat, contacte le membre du Parquet
de permanence. Ce dernier contacte à son tour le bâtonnier qui désignera l’avocat ayant
pour mission d’assister la victime209. La circulaire du 8 novembre 2002 précise les
conditions de prise en charge financière des honoraires du conseil de la victime
d’infractions pénales : « Il convient à cet égard d’appeler l’attention des services de police
et de gendarmerie sur le fait que ces précisions doivent être portées dans leur intégralité à
la connaissance des victimes afin qu’elles ne présentent pas une demande d’aide
juridictionnelle qui serait manifestement rejetée ou qu’elles ne perdent le bénéfice de leur
contrat d’assurance de protection qui prévoit, la plupart du temps, que l’assuré doit prendre
contact avec son assureur avant toute rencontre avec un avocat, sous peine de déchéance
»210.
En d’autres termes, la désignation d’un avocat par le bâtonnier facilite la prise en charge
des victimes. En aucun cas cela n’implique la prise en charge financière de l’assistance de
la victime par l’aide juridictionnelle. Dans les cas les plus graves, l’aide juridictionnelle est
acquise de droit à condition qu’elle vise à l’exercice de l’action civile211 : « La condition
de ressource n’est pas exigée des victimes de crimes (…) pour bénéficier de l’aide
juridictionnelle en vue d’exercer l’action civile en réparation des dommages résultant des
atteintes à la personne ».
53. La victime et le parquet. Le procureur de la République peut saisir une
association d’aide aux victimes, à condition qu’elle soit conventionnée avec la Cour
d’Appel212. La circulaire du 9 octobre 2007 demande que les coordonnées de ces
associations d’aide aux victimes soient actualisées et données à chaque victime se
présentant au commissariat ou en gendarmerie.
209
CROCQ (J.C), Le guide des infractions, op. cit.
210
Circ. CRIM. 02-16-E8, 8 novembre 2002, n°6.3.
211
Art. 9-2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; Circ. CRIM. 02-16-E8, 8 nov. 2002, n° 6.2. Il s’agit du
meurtre simple ou aggravé, assassinat, acte de torture ou de barbarie, coups mortels aggravés, violences
aggravées ayant entraîné mutilation ou infirmité permanente, violences habituelles sur personne vulnérable,
ayant entraîné la mort ou une infirmité permanente, viol simple ou aggravé, infractions terroristes d’atteinte à
la personne.
212
C. pr. pén. art. 41 dernier alinéa.
52
Pour ce qui est des alternatives aux poursuites ou des suites données à une plainte, le
Parquet avise la victime de la tenue d’une audience213 ou du déroulement d’une mesure
alternative aux poursuites214. Dans le cas d’une procédure rapide comme l’est la
comparution immédiate, le Procureur de la République informe par tout moyen la victime
de la tenue d’une telle audience215.
54. Des droits en adéquation avec les fondements du droit pénal. A ce stade de
l’étude, il est possible de dire que la victime dispose de certains droits et qu’elle se
distingue de la partie civile. Il existe ainsi bien deux entités différentes : la victime et la
partie civile.
En s’en tenant au simple statut de victime, il est utile de rappeler qu’elle est informée de
ses droits tout au long de la phase de dépôt de plainte. Monsieur le professeur Etienne
VERGES constate que les droits à l’information en faveur des victimes sont importants en
nombre, au point qu’il en résulte une incohérence d’ensemble216.
La victime est entendue, elle peut être accompagnée et assistée lors d’une confrontation.
S’agissant de l’équilibre du système pénal, elle ne dénature pas l’essence même de ce
système et elle est considérée pleinement comme un citoyen à part entière. L’action
publique ne sera exercée que par les autorités compétentes au nom et pour le compte de la
société : « Cette responsabilité exclusive est la marque de la souveraineté de l’Etat en
matière répressive »217. Dans ces conditions, la participation de la victime à l’action
publique corrobore cette même action. Elle permet d’établir la faute de l’auteur et
d’entraîner sa culpabilité218. Par conséquent, de par ces modalités, les prétentions de la
victime seront accueillies avec prudence et cette dernière ne sera pas maintenue de façon
prolongée dans le processus pénal219. Mais qu’en est-il du préjudice subi ? En l’état, la
victime peut-elle obtenir satisfaction ?
213
Il s’agit d’un document appelé « Avis à victime » qui est accompagné d’une notice expliquant la
constitution de partie civile et informe des coordonnées des structures d’aide aux victimes ; C. pr. pén. art.
391.
214
C. pr. pén. art. 40-2 ; V. en ce sens infra n° 351 et s.
215
C. pr. pén. art. 393-1.
216
VERGES (E), op. cit., p. 127.
217
GUYOMAR (M), Assemblée du contentieux : Séance du 1er juillet 2011, op cit., p. 14.
218
Crim. 4 juillet 1973, Bull. n° 315.
219
CARIO (R), Qui a peur des victimes ?, op. cit.
53
55. Le statut de victime, un statut à part entière. Il a été démontré que la victime se
distingue de la partie civile au stade de la mise en mouvement de l’action publique. En tant
que victime d’infraction pénale, elle peut se satisfaire du dépôt de plainte pour assouvir son
désir de justice. Il existe encore certaines questions liées à l’indemnisation du préjudice et
à l’application de la peine. Ainsi, sans «évoluer» vers le statut de partie civile, la victime
peut-elle obtenir entière satisfaction à la suite de l’infraction subie ? Peut-elle être
comprise et prise en compte sans pour autant « muter » vers le statut de partie civile ?
La notion de préjudice va permettre de répondre à ces questions. La victime, avant de peser
sur la décision pénale, justifie sa présence avant tout par une demande indemnitaire : la
réparation de son préjudice.
Pour Robert CARIO, il est important de « réintroduire, à côté des réparations
indemnitaires assez abouties dans notre pays, des modes nettement plus symboliques de
régulation des conflits »220. Cet idéal, dans une première approche de l’étude du rôle de la
victime, n’a pas sa place. Avant même de négocier ce virage dont parle Robert CARIO, à
savoir l’évolution du système pénal existant vers une système pénal plus soucieux de la
réhabilitation de tous les protaginistes de l’infraction pénale, il convient d’analyser le
préjudice résultant d’une infraction pénale (A), et la prise en compte de la victime dans le
traitement de l’infraction (B).
220
CARIO (R), SALAS (D), Œuvre de justice et victimes, L’Harmattan, 2001, p. 6.
221
DECHENAUD (D), Les concours de responsabilité civile et de responsabilité pénale, Responsabilité
civile et assurance, n°2, dossier 5, février 2012.
Pour aller plus loin. Sur les notions de responsabilité civile et de responsabilité pénale V. VINEY (G),
Introduction à la responsabilité, LGDJ, 2008, n°68-71 ; MAYAUD (Y), La résistance du droit pénal au
préjudice, in les droits et le droit, Mélanges dédiés à Bernard BOULOC, Dalloz, 2006.
222
Le guide des droits des victimes, Préface de Nicole GUEDJ, Secrétariat d’Etat aux droits des victimes,
2005, pp. 14-43.
223
Le guide des droits des victimes, Ibid., p. 14.
54
lourde ; il peut en résulter une incapacité temporaire ou définitive. Les frais qu’occasionne
la prise en charge médicale peuvent être plus ou moins importants. En règle générale, ces
frais sont pris en charge par la sécurité sociale et la mutuelle santé de la victime. A ce titre
la sécurité sociale et l’organisme mutuel peuvent récupérer les sommes engagées en
actionnant la responsabilité civile de l’auteur. C’est ce que l’on nomme en droit civil une
action récursoire224. Le préjudice corporel peut se décliner sous plusieurs formes : le
pretium doloris225, le préjudice esthétique226, le préjudice d’agrément227, la perte d’une
chance228, le préjudice sexuel229. En second lieu, le préjudice matériel correspond aux
dégradations des biens de la victime. Il peut s’agir également de la disparition de ces biens,
par exemple en cas de vol. Tous ces postes de préjudice nécessitent que la victime apporte
la preuve de leur valeur.
Il est temps de se poser la question de la responsabilité de l’auteur dans le cadre de
l’indemnisation des préjudices sus-mentionnés : quelle responsabilité sera actionnée pour
répondre aux préjudices subis par la victime d’infractions pénales ? Responsabilité civile
ou responsabilité pénale ?
57. Responsabilité de l’auteur liée au préjudice de la victime230. L’auteur de
l’infraction pénale doit répondre de sa responsabilité. Cette dernière est nécessairement
pénale lorsque le délit est prévu par la loi231. Mais concernant la victime, qu’en est-il de
224
BRUN (P), Responsabilité civile extra-contractuelle, Litec, n°52, 2009.
225
Le pretium doloris correspond aux souffrances endurées par la victime. Elles nécessitent une évaluation
de la part d’un médecin expert. Sans cette expertise il est peu probable que la victime puisse faire valoir ce
pretium doloris et obtenir une indemnisation. Le guide des droits des victimes, op. cit., p. 16.
226
Il s’agit des traces visibles résultant de l’infraction pénale : cicatrices, mutilations. De la même manière
que le pretium doloris, le préjudice esthétique devra être évalué dans les mêmes conditions. Le guide des
droits des victimes, ibid., p. 16.
227
Il s’agit de la privation pour la victime dans l’accomplissement de loisirs, d’activité sportive, artistique ou
sociale. Il est très rarement accordé. Le guide des droits des victimes, ibid., p. 16.
228
La perte d’une chance représente la perte de ce qu’aurait pu être la vie de la victime (personnellement ou
professionnellement) si l’infraction n’avait pas eu lieu. Les juges s’appuient sur les chances raisonnables de
réalisation de l’évènement dont la perte est invoquée. Le guide des droits des victimes, ibid., p. 16.
229
Il s’agit du fait de ne plus pouvoir avoir des relations sexuelles ou ne plus pouvoir procréer suite à
l’infraction pénale. Le guide des droits des victimes, ibid., p. 16.
230
A ce stade de notre étude, nous considérons que la Parquet décide de poursuivre le mis en cause devant le
tribunal correctionnel, et que la victime ne se constitue pas partie civile. Nous restons dans l’hypothèse où le
déclenchement des poursuites résulte d’une plainte simple.
231
C. pén. art. 111-3 : « Nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas
définis par la loi, ou pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement ».
Pour aller plus loin. V. GIUDICELLI (A), Légalité en droit pénal français, RSC, 2007, p. 509.
55
son préjudice ? Quelle responsabilité peut-elle engagée ? Existe t-il une complémentarité
ou une opposition entre responsabilité civile et responsabilité pénale ?
La responsabilité civile et la responsabilité pénale ont chacune leur domaine de
compétence et répondent à des règles spécifiques232. La responsabilité civile doit elle s’en
tenir à réparer sans punir ? La responsabilité pénale doit-elle s’en tenir à punir sans réparer
? Peut-on cumuler les deux sans pour autant obliger la victime à s’inscrire dans le procès
pénal ?
58. La responsabilité civile de l’auteur du dommage. Cette responsabilité nécessite
un préjudice, un fait générateur et un lien de causalité233. L’auteur de l’infraction doit
réparer les conséquences de son acte, mais il ne subit aucune peine ou sanction234. Le
principe de base est le suivant : il existe une responsabilité civile à partir du moment où il
n’existe pas d’incrimination. C’est par exemple le cas des accidents de la circulation sans
infraction au code de la route235, ainsi que des fautes d’imprudence236. Néanmoins, la
question de l’existence d’une responsabilité civile ou pénale suscite de nombreuses
intérrogations, du fait notamment de la place de la victime dans notre société237 et du
rapport des citoyens au droit pénal.
Concernant les dommages causés par des personnes déclarées pénalement irresponsables,
seule la responsabilité civile s’applique238. En conséquence, pour le cas des personnes sous
l’emprise d’un trouble mental lors du fait dommageable239, ainsi que pour les enfants
incapables de discernement, seule la responsabilité civile est à même de répondre à la
demande de la victime. Pour David DECHENAUD240, les cas de responsabilité peuvent
être engagés dans de nombreuses situations aux fins de réparer le plus grand nombre de
dommages. En outre, se pose la question de l’évolution de cette responsabilité civile face à
l’inflation du droit pénal, et à la victimisation de la société. Le tout répressif qui peut
232
DECHENAUD (D), Les concours de responsabilité civile et de responsabilité pénale, op. cit.
233
C. civ. art. 1382 et s.
234
DECHENAUD (D), Les concours de responsabilité civile et de responsabilité pénale, ibid.
235
L. n° 85-677 du 5 juillet 1985, Loi dite BADINTER.
236
SALVAGE (P), La loi du 10 juillet 2000 : retour vers l’imprudence pénale, JCP, I, 281, 2000 ; CONTE
(P), Le lampiste et la mort, Dr. pén., chron. 2, 2001.
237
V. supra n° 20 et s.
238
DECHENAUD (D), Les concours de responsabilité civile et de responsabilité pénale, ibid.
239
C. Civ. Art. 414-3 ; cass. Ass. Plén., 9 mai 1984 : D. 1984, p. 525, concl. CABANNES (J), note CHABAS
(F) ; JCP G 1984, II, 20255, note DEJEAN DE LA BATIE (N) ; JCP G 1984, II, 20256, note JOURDAIN
(P).
Pour aller plus loin. V. LIGER (D), La réforme des règles applicables en matière d’irresponsabilité pénale
des malades mentaux : un projet critiquable, AJ pén., Dalloz, 2004, p. 361.
240
DECHENAUD (D), Les concours de responsabilité civile et de responsabilité pénale, op. cit.
56
amener à réfléchir à une réponse pénale pour les auteurs atteints de troubles mentaux va à
l’encontre de cette dichotomie entre responsabilité pénale et responsabilité civile241. Est ce
raisonnable et acceptable de faire peser sur des personnes déficientes une sanction pénale ?
Les victimes peuvent comprendre une décision de non-lieu, à condition qu’elle soit
expliquée. Cela contribue à leure reconstruction. En revanche, la confrontation avec un
malade qui ne peut, par définition, reconnaître sa culpabilité, peut être très destructrice242.
59. La responsabilité pénale de l’auteur du dommage. Il y a responsabilité pénale
dés lors que l’auteur est capable d’être confronté à la justice pénale et que l’infraction est
prévue par un texte de loi. Il existe une responsabilité pénale sans obligation d’indemniser
la victime243 : la responsabilité pénale n’est pas conditionnée à l’existence d’un préjudice,
la vocation première du droit pénal n’est pas la réparation244. Dans certains cas
extrêmement restreints, la victime est protégée par anticipation. C’est le cas notamment
des risques causés à autrui et de la mise en danger245.
60. Le cumul de responsabilité246. Par l’expression « cumul de responsabilité », il
faut comprendre la notion de « concours de responsabilité ». Par exemple : un individu
commet un délit qualifié de violences volontaires. La victime qui a été l’objet de ces
violences fait valoir un préjudice. Le mis-en-cause se trouve alors face à l’obligation de
répondre de ses actes devant une juridiction pénale et à celle d’indemniser la victime de
l’infraction.
En matière de cumul de responsabilités : « l’établissement d’une faute pénale, qu’elle soit
intentionnelle ou d’imprudence, emporte nécessairement caractérisation d’une faute civile
»247. Ainsi, il suffit qu’un auteur d’infraction pénale soit condamné pour que la victime
puisse réclamer l’indemnisation de son préjudice devant le juge civil. Elle n’a plus la
contrainte de prouver son dommage, de caractériser la faute et de mettre en exergue le lien
241
LIGER (D), La réforme des règles applicables en matière d’irresponsabilité pénale des malades mentaux :
un projet critiquable, ibid.
242
Sur l’irresponsabilité pénale V. PRADEL (J), Procédure pénale, Cujas, 16e éd., 2011, n°815 et s. ;
FOURMENT (F), Procédure pénale : manuel 2012-2013, 13e édition, Paradigme, 2012.
243
Il s’agit du principe de base. Nous verrons infra les exceptions où l’auteur peut être condamné, en plus de
la peine pénale, à indemniser la victime. C’est notamment le cas du sursis avec mise à l’épreuve : C. pén. art.
132-40 et 132-41 ; LORHO (G), Dr. pénal, 1992, chron. 58.
244
DECHENAUD (D), Les concours de responsabilité civile et de responsabilité pénale, ibid.
245
C. pén. art. 223-1.
246
Nous n’aborderons pas ici la constitution de partie civile. Cette dernière fera l’objet d’un développement
et d’une analyse plus poussée en aval de cette thèse. Nous restons dans l’hypothèse où la plainte déclenche
des poursuites et où la victime a un préjudice.
247
MAISTRE DU CHAMBON (Ph), La responsabilité civile sous les foruches caudines du juge pénal in La
responsabilité civile à l’aube du XXe siècle, bilan prospectif, Resp. civ. et assur., 2001, p. 25.
57
de causalité entre les deux. C’est ce que la Cour de Cassation a dénommé l’identité des
fautes civiles et pénales248. De plus, le principe selon lequel le criminel tient le civil en
l’état249 permet d’éviter toute contradiction entre les décisions civiles et pénales.
Depuis la loi du 10 juillet 2000250, ce principe n’a pas été dénaturé, mais désormais, la
victime, même en l’absence de faute pénale non intentionnelle peut, exercer une action en
responsabilité devant le juge civil. Ce dernier point necéssite un éclairage : antérieurement
à la loi du 10 juillet 2000, la faute civile d’imprudence était obligatoirement liée à la
reconnaissance d’une faute pénale251. Il s’agit ici principalement de la responsabilité des
maires dans l’exercice de leur mandat ainsi que la responsabilité de l’employeur envers ses
salariés252. Il existe donc désormais une autonomie de la faute civile et de la faute pénale
en matière de faute pénale non intentionnelle. L’article 4-1 du code de procédure pénale
dispose que : « L’absence de faute non intentionnelle au sens de l’article 121-3 du code
pénal ne fait pas obstacle à l’exercice d’une action devant les juridictions civiles afin
d’obtenir la réparation d’un dommage sur le fondement de l’article 1383 du code civil si
l’existence de la faute civile prévue par cet article est établie ou en application de l’article
L.452-1 du code de la sécurité sociale si l’existence de la faute inexcusable prévue par cet
article est établie ».
En conséquence, en matière de faute d’imprudence, de faute non intentionnelle, la victime
n’est plus concernée par le principe de l’identité des fautes civiles et pénales. Il s’agit donc
d’un véritable revirement opéré par la loi du 10 juillet 2000. Cette loi élargit les
prérogatives de la victime pour être réparée253.
Ainsi, le dépôt de plainte simple, sans que la victime ne s’inscrive dans le procès pénal, ne
l’empêche nullement d’obtenir l’indemnisation de son préjudice. Si le Procureur de la
République décide de poursuivre le mis en cause et que la victime ne se constitue pas
partie civile, la sanction de l’auteur a lieu par le biais du droit pénal et l’indemnisation de
248
Cass. Civ. 12 juin 1914, Rec. Sirey, 1915, I, p. 70 ; PRADEL (J), VARINARD (A), Les grands arrêts du
droit pénal général, Dalloz, 4e éd., 2003, p. 511.
249
C. pr. pén. art. 4 ; Crim. 16 mars 1959, Bull. crim., n°181.
250
Loi du 10 juillet 2000 insérant l’article 4-1 du code de procédure pénale ; Loi n°2000-647 du 10 juillet
2000 ; BONFILS (Ph), Consécration de la dualité des fautes civile et pénale non intentionnelles, civ. 2ème,
16 septembre 2003, D., n°11, 2004, p. 721.
251
STEINLE-FEUERBACH (M.F), Evaluer et réparer les préjudices d’un point de vue juridique, in CARIO
(R), Victimes : du traumatisme à la restauration, Œuvre de justice et victimes, Vol.2, Coll. Sciences
Criminelles, L’Harmattant, 2002, pp. 150-151.
252
Crim. 4 juin 2002, Bull. crim. n° 127, D. 2003. 95, note petit ; Civ 2e, 16 sept. 2003, Bull. civ. II, n° 263.
253
DESNOYER (C), L’article 4-1 du code de procédure pénale, la loi du 10 juillet 2000 et les ambitions du
législateur : l’esprit contrarié par la lettre, D. 2002, p. 979.
58
la victime par le biais du droit civil ; si besoin, en prenant la parole en tant que témoin lors
de l’audience pénale, elle est plus à même d’aborder la sanction pénale. En outre, elle
prend le temps d’évaluer son préjudice et de se consacrer pleinement à sa réparation devant
une juridiction spécialement formée à cet effet. De la sorte, l’intérêt de la partie lésée, mais
aussi la justice pénale, sont assurés254. Les droits de la victime sont effectifs dès le dépôt de
plainte simple. Qu’en est-il de ses droits concernant le traitement de l’infraction ? Les
intérêts de la victime sont-ils pris en compte sans l’obligation pour elle de se fondre dans
un autre statut ?
61. Le recours en cas de classement sans suite. Il se peut que l’infraction pénale ne
soit pas suffisamment caractérisée. A la suite de l’enquête de police ou de gendarmerie le
Parquet décide le classement sans suite de la plainte de la victime. En premier lieu, la
victime doit être informée du classement sans suite, le Parquet donnant les raisons de ce
classement255. Il s’agit d’une obligation lorsque la plainte est déposée contre une personne
nommée. Le Parquet transmet à la victime un « document-type » indiquant le motif du
classement.
Dans certains cas, il doit personnaliser cette information256. Les victimes, n’étant pas
assistées d’un avocat, seront accompagnées de l’association d’aide aux victimes du ressort
du Tribunal de Grande Instance dont dépend le parquet257. C’est le cas des dossiers
particulièrement sensibles258. Que peut faire la victime dans ce cas de classement sans suite
?
La réponse à cette question se trouve dans les dispositions de l’article 40-3 du code de
procédure pénale : « Toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de la République
peut former un recours auprès du procureur général contre la décision du classement sans
suite prise à la suite de cette dénonciation ». Ainsi, si le procureur général estime le recours
fondé, il enjoind au procureur à l’origine du classement de poursuivre le mis en cause.
Dans le cas contraire, il informe la victime de son refus.
254
PRADEL (J), Histoire des doctrines pénales, op. cit.
255
C. pr. pén. Art. 40-2.
256
Circ. Jus. J 07-90006 C du 9 octobre 2007.
257
Pour aller plus loin. L’association d’aide aux victimes V. Infra n° 313.
258
Il s’agira d’un entretien avec la victime dans les cas d’homicide involontaire, d’affaires de moeurs.
CROCQ (J.C), Le guide des infractions, op. cit., p. 264.
59
62. Impact du classement sans suite sur l’indemnisation du préjudice259. S’il existe
une identité des fautes civiles et pénales, facilitant l’indemnisation de la victime260 lorsque
la juridiction pénale statue sur la responsabilité de l’auteur, a contrario le classement sans
suite ne lui ferme pas les portes du recours en responsabilité fondé sur les article 1382 et
suivants du code civil : la victime doit prouver son préjudice en mettant en exergue la
faute, le préjudice et le lien de causalité.
Elle peut également faire appel au Fonds de Garantie261 : contrairement au service d’aide
au recouvrement des victimes d’infractions262, s’agissant de la Commission
d’Indemnisation des Victimes d’Infractions, il n’est pas obligatoire de s’être constitué
partie civile. Dans le cas où la victime fait appel à la Commission d’Indemnisation des
Victimes d’Infraction, elle se retrouve dans le cadre d’une audience civile, où elle devra
présenter les preuves de son préjudice.
De façon plus claire, il faut retenir que le fonds de garantie est une institution qui gère
deux modalité de recouvrement des dommages et intérêt suivant l’importance de
l’infraction et les ressources du demandeur : la Commission d’Indemnisation des Victimes
d’Infractions et service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions.
63. La protection de la victime concernant son identité. Dans les cas où la victime
n’a pas déposé plainte, mais où l’action publique a néanmoins été mise en place, elle a
l’obligation d’apporter son concours à l’enquête et à la justice. L’officier de police
judiciaire peut la convoquer pour obtenir des informations sur les circonstances de
l’infraction pénale263. Elle peut également être appelée à l’audience comme témoin.
De plus, dans les mêmes conditions que le témoin, la victime peut demander à conserver
l’anonymat264. Elle doit alors solliciter l’autorisation du Procureur de la République ou du
juge d’instruction. Elle a la faculté de déclarer, comme domicile, l’adresse du commissariat
ou de la gendarmerie.
259
Nous analyserons plus en détails la réparation de la victime lorsque nous aborderons infra le thème du
droit à la réparation et à la reconnaissance. Nous ferons notamment une analyse du système d’indemnisation
par le fond de garantie. V. infra n°182 s.
260
V. supra n°45 ; lorsque se cumulent responsabilité civile et responsabilité pénale.
261
CIVI : Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions. C. pr. pén. Art. 706-3.
262
SARVI : Service d’Aide au Recouvrement des Victimes. C. pr. pén. Art. 706-15-1.
263
C. pr. pén. Art. 62, 78 et R.123, Circ. Secr. D’Etat aux droits des victimes, JUSA0500157C, 20 mai 2005,
2ème partie ; L. n° 95-73, 21 janvier 1995, art. 15-1.
264
C. pr. pén. Art. 706-57 et s. ; L. N° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne.
60
En pratique sa véritable adresse est inscrite sur un registre coté et paraphé ouvert à cet
effet. Le non respect des dispositions ci-dessus engendre des sanctions pénales265.
En ce qui concerne la diffusion par voie de presse des éléments d’une infraction pénale, la
victime peut également être protégée. Ainsi, dans les cas où la reproduction des éléments
de l’infraction porte gravement atteinte à la dignité de la victime, l’auteur s’expose à une
peine266.
64. La protection de la victime concernant les représailles. Dans certaines situations
il est possible que la victime fasse l’objet de représailles. La juridiction de jugement
dispose d’un panel de mesures permettant la mise en sécurité de la victime d’infractions
pénales. Ainsi, l’auteur de l’infraction peut être maintenu en détention267, placé sous
contrôle judiciaire268 ou se voir imposer un sursis avec mise à l’épreuve269. La durée de
l’épreuve est liée à celle de l’interdiction de rentrer en contact avec la victime. Ces
dispositions sont nécessairement motivées par la protection de la victime et le suivi socio-
judiciaire. Concernant le contrôle judiciaire, le juge d’instruction ou le juge de la liberté et
de la détention informe la victime de cette mesure270. De plus, dans le cas d’une fin de la
détention provisoire, le juge peut faire appel au contrôle judiciaire s’il estime que la
victime encourt un risque271. L’auteur a donc toujours cette interdiction de rentrer en
relation avec elle, de quelque façon que se soit. Il faut savoir que la pression exercée sur
une victime, au même titre qu’un témoin, constitue une circonstance aggravante272.
65. L’accès à la procédure pour la victime. L’article R. 155 du code de procédure
pénale273 dispose que « En matière criminelle, correctionnelle et de police, hors cas prévus
par l’article 114, il peut être délivré aux parties : (...) 2° Avec l’autorisation du procureur
de la République ou du procureur général selon le cas, expédition de toutes les autres
pièces de la procédure, notamment en ce qui concerne les pièces d’une enquête terminée
par une décision de classement sans suite. Toutefois, cette autorisation n’est pas requise
lorsque des poursuites ont été engagées ou qu’il est fait application des articles 41-1 et 41-
265
C. pr. pén. Art. 706-59.
266
L. 29 juillet 1981, art. 35 ter, art. 35 quater.
267
C. pr. pén. Art. 144, 396 et 397-3.
268
C. pr. pén. Art. 138, 394 et 397-3.
269
C. pén. Art. 132-45 ; V. infra n° 368.
270
CROCQ (J.C), Le guide des infractions, op. cit., p. 268 ; C. pr. pén. Art. 138-1.
271
C. pr. pén. Art. 144-2.
272
C. pén. art. 222-12.
273
Modifié par D. n° 2001-689, 31 juill. 2001.
61
3 et que la copie est demandée pour l’exercice des droits de la défense ou des droits de la
partie civile ».
A la lecture de l’article R. 155 du code de procédure pénale il est possible de comprendre
que l’accès à la procédure est réservé à la seule partie civile. La circulaire du 3 août 2001
vient préciser les termes de cet article : « le terme de partie ne doit pas être compris comme
désignant uniquement la victime qui s’est constituée partie civile, mais comme désignant
également la victime qui ne s’est pas encore constituée partie civile mais qui aurait la
possibilité juridique de le faire »274.
En conséquence, si des poursuites sont engagées ou que des mesures alternatives sont
prévues, la victime peut demander la communication de toutes les pièces de la procédure,
sans nécessairement avoir besoin de l’autorisation du Procureur de la République. En
revanche, en présence d’une information judiciaire, seule la partie civile peut obtenir cette
communication par l’intermédiaire de son avocat275.
De la même façon, dans la fixation et l’exécution des peines, l’intérêt de la victime est pris
en compte. C’est le cas de la sanction-réparation, du sursis avec mise à l’épreuve, et de
l’information de la victime dans la prise de décision du juge d’application des peines
tenant à la libération du condamné276.
66. Une victime mésestimée. La démonstration a été faite qu’en qualité de victime,
l’individu dispose de nombreuses prérogatives. L’image véhiculée par les médias et la
politique d’une victime impuissante est fausse. La question n’est pas de savoir s’il faut plus
de droits pour la victime, mais s’il faut pour elle une approche différente du droit pénal. Et
pour aller plus loin, ne faut-il pas d’une façon générale, une autre approche de la notion de
victime ? A ce niveau de la réflexion et à ce stade de la démonstration, il est possible
d’affirmer que la victime dispose de droits effectifs pour que sa parole soit entendue, pour
qu’elle puisse obtenir justice, pour qu’elle soit accompagnée et pour qu’elle soit informée.
Elle peut utiliser efficacement les rouages d’une complémentarité rodée entre droit civil et
droit pénal, afin d’obtenir l’indemnisation de son préjudice. De plus, depuis le 5 mars
274
Circ. SJ 01-005-B3/03, 3 août 2001, n° 1.2.
275
Circ. 3 août 2001, ibid. ; CROCQ (J.C), le guide des infractions, ibid., p 275 ; civ. 2e, 9 avr. 2009, Dr.
pénal 2009, n° 102, obs. MARON et HAAS.
276
Pour aller plus loin. Sur la sauvegarde des intérêts de la victime dans la fixation et l’exécution des peines
V. infra n°361 s.
62
2007277, l’adage « le criminel tient le civil en l’état » concerne seulement le cas où la
victime se constitue partie civile au pénal. En d’autres termes, une victime souhaitant la
réparation de son préjudice et l’obtention de la vérité peut se reposer sur une
complémentaraité entre droit civil et droit pénal.
Aujourd’hui le problème se situe au niveau du rapport qu’entretient le citoyen avec le droit
pénal. Il est demandé à ce dernier de créer du lien social, c’est ce qu’il fait dans le cas où la
victime n’est pas présente à l’audience pénale. Il s’agit alors d’un cadre où la victime est
en dehors du prétoire pénal, mais pas en dehors du système pénal, créant en cela toute la
différence.
La France fait figure d’exception comparée aux autres systèmes pénaux. Ainsi, dans les
pays anglo-saxons, l’Etat est un mal nécessaire dans le sens où il ne règle que les relations
entre individus, pouvoirs locaux et gouvernement fédéral278. Le droit pénal est alors
restreint, laissant les conflits interpersonnels se jouer sur la scène civile en indemnisation
pécuniaire. En France le droit pénal est étendu, parce que les notions d’ordre public et
d’intérêt général sont étendues. Toutes les attentes se cristallisent alors sur la peine infligée
à l’auteur. Dire que la victime peut se satisfaire d’une audience pénale en tant qu’élément
passif279 n’est pas en contradiction avec « la restauration globale des protagonistes du
crime »280. Ne faudrait-il pas alors investir de façon pédagogique le champ pénal ? Ne
faudrait-il pas informer, afin que le plus grand nombre intègre l’efficacité du droit pénal,
sans nécessairement se fondre dans un autre statut que celui de victime ? Ne faudrait-il pas
remettre les acteurs de l’infraction pénale à leur place ? Ne faudrait-il pas revenir aux
fondements de la sanction pénale et du procès pénal ? Pour répondre à ces questions il
convient d’analyser le statut de partie civile et d’étudier en quoi ce statut représente une
avancée, ou un risque pour le système pénal.
63
67. Un changement de statut. Il a été démontré qu’il existe deux statuts autonomes
en droit pénal concernant la victime : celui de victime d’infraction pénale et celui de partie
civile. Il est convenu que la France est un des rares pays, pour ne pas dire le seul, où tous
les conflits peuvent se résoudre par l’intermédiaire du droit pénal. Par exemple aux Etats
Unis, la victime a le statut de témoin dans le procès pénal. Son indemnisation ne peut être
obtenue que devant une juridiction civile. Cette situation apparaît beaucoup plus saine, le
civil réglant les litiges privés et le pénal étant réservé à l’intérêt général281.
En droit positif français il n’existe pas de définition de la partie civile ; ce qui la caractérise
est la possibilité reconnue à une victime d’être partie au procès pénal282. Une victime se
présentant à une audience civile n’est pas partie civile, de même lorsqu’elle se présente
devant la CIVI. Ce sera la matière pénale, et exclusivement elle, qui va caractériser la
place de la victime, qui va lui donner ce caractère « sui generis ».
La constitution de partie civile a pour finalité la réparation du dommage causé par
l’infraction pénale. C’est du moins sa fonction première. Pourtant cette finalité n’est pas si
claire. A la demande d’indemnisation existe à ses côtés une demande vindicative qui n’est
pas à négliger. C’est en cela qu’il existe une norme et une pratique dans la mise en œuvre
de la consitution de partie civile. Comme bien souvent en droit, théorie et pratique
s’opposent ou ne se justifient pas par les mêmes finalités. Cette position contradictoire
induit diverses questions : comment et dans quelles mesure la justice pénale peut-elle
répondre à une demande de réparation sans limite pour la victime ? Que recherchent
véritablement les victimes dans la reconnaissance de leur préjudice ? Existe t-il dans sa
démarche une démarche de conciliation bien plus qu’une démarche vindicative ?
La demande d’indemnisation n’est pas exclusive de la matière pénale. A ce titre, la victime
peut exercer cette action civile devant la juridiction civile283. Si la constitution de partie
civile est entrée dans la pratique judiciaire depuis plus d’un siècle, en quoi aujourd’hui
représente t-elle un risque pour le système pénal ? La victime a-t-elle un réel intérêt à aller
aussi loin dans la procédure pénale ? Pour ce faire il convient d’analyser la constitution de
partie civile comme norme (Section I), puis la constitution de partie civile comme pratique
(Section II).
281
BONFILS (P), Le droit à l’ombre du troisième millénaire. Mélanges offerts à Jean Pradel, Cujas, Paris,
2006.
282
BONFILS (P), Partie civile, Rép. pén., Dalloz, avril 2011.
283
GUYOMAR (M), Assemblée du contentieux : Séance du 1er juillet 2011, op. cit., p. 3 ; Art. 4 c. pr. pén. ;
TELLIER (V), En finir avec la primauté du criminel sur le civil !, RSC, 2009, 797.
64
SECTION 1. La constitution de partie civile, une norme
284
C. pr. pén. Art. 388 et s.
285
C. pr. pén. Art. 85 et s.
286
Loi n°93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale.
65
69. L’accès au procès pénal par la voie de l’action. Depuis 1906287, la victime
bénéficie d’un véritable droit d’accès au juge pénal. Elle peut déclencher l’action publique,
voire contraindre le parquet à poursuivre un mise en cause.
Au delà de cette « avancée juridique » se pose le problème de la ventilation des
prérogatives de chaque protagoniste de l’infraction pénale. Elle crée des liens
intersubjectifs entre trois entités : un présumé innocent, une présumée victime, la société.
L’évolution du droit pénal, dans un premier temps, a octroyé la prérogative de poursuivre
seulement au ministère public. La victime n’avait comme seule compensation que
l’opportunité de mobiliser la justice civile. Sous l’ancien régime il s’agissait de procédures
situées en dehors de la justice : « l’infrajustice et la parajustice »288.
Quel est l’impact de ce changement dans le fonctionnement de la justice pénale ? Quelles
sont les prérogatives accordées à la victime ? La voie de l’action va t-elle devenir une
option stratégique pour la victime ? Cette dernière question est très importante car elle va
conditionner le reste des propos. Si l’accès au procès pénal par la voie de l’action
représente une option stratégique pour la victime, il est utile de s’interroger sur les
fondements du procès pénal. En somme, quelle place accorder à la sanction pénale dans
une audience qui aurait été « organisée » par la victime ?
Au delà d’un simple acte de procédure, le dépôt de plainte avec constitution de partie civile
(A) et la citation directe (B) reflète la difficulté contemporaine à considérer la procédure
pénale comme totalement publique. Désormais, les intérêts privés sont si importants qu’ils
peuvent modifier les fondements du droit pénal.
287
Crim. 8 décembre 1906, Bull. crim. n° 443 ; ATTAHLIN (L), Rapport Laurent Attahlin, Dalloz, 1907, p.
207 ; BONFILS (P), Il faut sauver la jurisprudence Laurent Atthalin, D. 2003, chron. 1575 ; PIN (X), Le
centenaire de l’arrêt Laurent-Athalin, D., 2007, n° 1025 et s.
288
GARNOT (B), Les victimes pendant l’Ancien Régime (XVIe – XVIIe – XVIIIe siècles), in CARIO (R),
SALAS (D), Œuvre de justice et victimes, op. cit., p. 59.
289
BONFILS (P), Partie civile, op. cit., p. 20.
66
décembre 2011290, dispose que « Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un
délit peut, en portant plainte, se constituer partie civile devant le pôle d’instruction
compétent ». Ainsi, la victime qui prétend avoir subi une infraction pénale peut mettre en
mouvement l’action publique291. La plainte avec constitution de partie civile s’applique en
matière correctionnelle et criminelle. Cela exclut donc la matière contraventionnelle292.
71. Régime juridique : modalités d’application. Il est possible pour la victime de
diriger sa plainte contre une personne qui n’est pas dénommée293. Il s’agit plus
communément de la plainte contre X. Selon les dispositions de l’article 85 du code de
procédure pénale, la plainte avec constitution de partie civile est recevable dans plusieurs
situations : en cas de classement sans suite d’une plainte simple ; dans le cas où un délai de
trois mois est passé après avoir déposé plainte par courrier recommandé auprès du parquet.
S’agissant du formalisme, la victime doit joindre à sa plainte les justificatifs du classement
sans suite initial294. « En pratique, si le juge d’instruction constate que les justificatifs
exigés par l’article 85 ne sont pas joints à la plainte, il constatera par ordonnance
l’irrecevabilité de celle-ci. Il n’est évidement pas nécessaire qu’il fixe une consignation et,
après versement de celle-ci, communique le dossier au procureur de la République puisque
l’irrecevabilité de la plainte résulte de l’inobservation manifeste de conditions formelles
»295. Même si la loi n’impose pas de formalisme particulier296, la victime doit qualifier les
faits pour préciser les conditions d’intervention du juge d’instruction 297. Elle devra, en
somme, matérialiser les faits à l’origine de l’infraction. Pour ce faire, elle peut être
accompagnée par un avocat : « lorsque la plainte n’est pas suffisamment motivée ou
justifiée, le procureur de la République peut, avant de prendre ses réquisitions s’il n’y a pas
été procédé d’office par le juge d’instruction, demander à ce magistrat d’entendre la partie
civile et, le cas échéant, d’inviter cette dernière à produire toute pièce utile à l’appui de sa
plainte »298.
290
L. n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de
certaines procédures juridictionnelles.
291
C. pr. pén. art. 1er.
292
C. pr. pén. Art. 79 et 85 ; Crim. 28 oct. 1974, Bull. crim., n° 304 ; RSC, 1975, n° 433, obs. ROBERT (J).
293
C. pr. pén. art. 86.
294
C. pr. pén. art. 85 al. 2.
295
Circ. CRIM. 07-10-E8 22 juin 2007, n° 3.2.1.
296
Crim. 13 déc. 1983, Bull. crim., n°38 ; Crim. 2 oct. 1979, Bull. crim., n° 265 ; Crim. 15 mai 2002, n° 01-
83.337, Bull. crim., n° 116.
297
Il est à noter que par la suite le juge d’instruction est libre de procéder à une nouvelle qualification : Crim.
28 oct. 1980, Bull. crim. n°277.
298
C. pr. pén. art. 86 al. 2.
67
A compter du 1er janvier 2014, date fixée par l’article 163 de la loi de finance du 29
décembre 2010299, la plainte avec constitution de partie civile devra être présentée devant
le pôle de l’instruction. Il s’agit d’un collège de trois juges auquel est confié toutes les
informations judiciaires. Ce pôle de l’instruction a été créé pour rompre la solitude des
juges d’instruction. Déronavant, la règle qui prévaut est la collégialité de l’instruction300.
72. La consignation. Par ordonnance, le juge d’instruction acte le dépôt de plainte
avec constitution de partie civile et fixe la somme à consigner. Le montant consigné
permettra de garantir le paiement de l’amende civile si la plainte avec constitution de partie
civile est déclarée abusive ou dilatoire301. Si une expertise se révèle nécessaire, et qu’elle
est demandée par la partie civile, le juge d’instruction peut demander un complément de
consignation302. Dans le cas où elle bénéficie de l’aide juridictionnelle, la partie civile peut
être dispensée de la consignation303.
Enfin, la consignation est rendue à la partie civile dans le cas où la plainte n’est pas
considérée comme abusive ou dilatoire304. Dés lors que la consignation est versée entre les
mains du juge d’instruction, la victime est réputée avoir eu la qualité de partie civile dés le
dépôt plainte305.
Le montant de la consignation est fixé librement par les juges du fond. Ils tiennent compte
des ressources de la victime306. Cette dernière peut faire appel de l’ordonnance fixant le
montant de la consignation307 ; elle peut en demander la dispense ou la réduction. Il
importe de préciser qu’à l’origine la consignation avait pour fonction d’anticiper le
recouvrement des frais de procédure308. Dans un arrêt du 28 octobre 1998, la Cour
Européenne des droits de l’Homme a décidé que le montant trop élevé d’une consignation,
299
Le pôle de l’instruction créée par la loi n°2007-291 du 5 mars 2007, tendant à renforcer l’équlibre de la
procédure pénale, devait entrer en vigueur le 1er janvier 2010. La loi n°2009-526 du 12 mai 2009, loi de
simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures, à reporter son entrée en vigueur au
1er janvier 2011. Enfin, c’est la loi de finance 2011 du 29 décembre 2010, loi n° 2010-1657, qui reporte
l’entrée en vigueur du Pôle de l’instruction au 1 er janvier 2014.
300
L. n° 2009-526 du 12 mai 2009 et L. n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ; C. pr. pén. art. 85.
301
C. pr. pén. art. 88.
302
C. pr. pén. art. 88-2.
303
C. pr. pén. art. 88.
304
C. pr. pén. art. 88-2, R. 15-41.
305
Crim. 3 avr. 2002, n° 01-86.762.
306
Crim. 7 juin 2000, n° 99-87.847, Bull. crim. n° 214.
307
Crim. 19 juill. 1994, n° 94-80.236, Bull. crim. n° 283.
308
BONFILS (P), Partie civile, op. cit., p. 23 ; VEAUX-FOURNERIE (P), L’obligation de consignation
imposée à la partie civile, Melanges Bouzat, ed. Pédone, p. 435 et s.
68
rapporté aux ressources de la victime était attentatoire au principe du droit d’accès à un
tribunal309.
Concernant le délai, il n’existe pas de moment précis où doit intervenir le versement de la
consignation310. En tout état de cause, il faut savoir que le versement de cette consignation
donne automatiquement la qualité de partie civile à la victime311.
73. La place du Parquet dans la plainte avec constitution de partie civile. La
jurisprudence Atthalin312 permet donc à la victime se constituant partie civile de mettre en
mouvement l’action publique, malgré le classement sans suite des faits par le Parquet.
Néanmoins, le Parquet conserve toute sa place dans la procédure pénale. Ainsi, le juge
d’instruction communique la plainte avec constitution de partie civile au Parquet. Ce
dernier peut formuler ses réquisitions et demander au juge d’instruction d’entendre la
partie civile, puis solliciter les pièces utiles qui fondent la demande de la victime. Si le
parquet estime que les faits allégués sont sans fondement, ou s’ils ne peuvent donner lieu à
aucune qualification, il présente des réquisitions de non informer ou des réquisitions de
non-lieu313.
74. Le cas d’une plainte abusive ou dilatoire. Le juge d’instruction peut rendre une
ordonnance de refus d’informer ou une ordonnance de non-lieu314. Cette décision est
rendue notamment dans le cas où la plainte apparaît comme abusive ou dilatoire. Lorsque
le Parquet réclame dans ses réquisitions une amende civile pour abus d’ester en justice315,
le juge d’instruction et la Chambre de l’instruction peuvent faire droit à cette demande316.
Au terme de l’article 177-1 et 212-2 du code de procédure pénale, la décision du juge
d’instruction ou de la Chambre d’instruction n’intervient qu’à l’issue d’un délai de vingt
jours. Le point de départ de ce délai court à compter de la communication à la partie civile
et à son avocat des réquisitions du Parquet. Cette communication doit se faire par lettre
309
CEDH 28 oct. 1998, Aït-Mouhoub c/ France, Rec.VIII, §57 ; SUDRE (F), Les grands arrêts de la Cour
européenne des droits de l’homme, coll. Thémis, PUF, 2009, p. 297 et s.
310
BONFILS (P), Partie civile, ibid., p. 23.
311
Crim. 9 janv. 1975, Bull. crim., n° 8.
312
Crim. 8 décembre 1906, Bull. crim. n° 443 ; ATTAHLIN (L), Rapport Laurent Attahlin, Dalloz, 1907, p
207 ; BONFILS (P), Il faut sauver la jurisprudence Laurent Atthalin, D. 2003, chron. 1575 ; PIN (X), Le
centenaire de l’arrêt Laurent-Athalin, D., 2007, n° 1025 et s. ; V. supra n° 69.
313
C. pr. pén. art. 86 al. 4.
Pour aller plus loin. Sur le réfus d’informer V. DECIMA (O), DETRAZ (S), Instruction préparatoire : refus
d’informer, D., 2013, p. 551.
314
C. pr. pén. Art. 86 al. 5 : Crim. 7 déc. 1976, Bull. crim. n° 350. ; Crim. 12 juin 1979, Bull. crim. n° 205.
315
C. pr. pén. Art. 177-2 et 177-3.
316
C. pr. pén. Art. 212-2.
69
recommandée, ou par télécopie. Concernant les expertises engagées lors des investigations
diligentées par le juge d’instruction, ils sont assimilés à des frais de justice. Le juge, ou la
Chambre d’instruction, peut les mettre à la charge de la victime s’étant constituée partie
civile. Cela n’est pas possible dans le cas où la victime a agi dans le cadre de l’aide
juridictionnelle, ou lorsque la plainte concernait les délits prévus par le livre II du code
pénal317.
75. La responsabilité de la victime partie civile. Dans le cas d’une ordonnance de
non-lieu, la victime peut faire l’objet à son tour de poursuites : le mis-en-cause dispose
d’un délai de trois mois à compter de l’ordonnance de non-lieu aux fins de citer la partie
qui s’était présentée comme victime devant le tribunal correctionnel318. La condamnation
consiste soit en la publication intégrale ou un extrait du jugement dans un ou plusieurs
journaux319, soit en la condamnation de la partie civile pour dénonciation calomnieuse ou
dénonciation d’une infraction imaginaire320.
76. Une procédure longue et risquée pour la victime. La plainte avec constitution de
partie civile est une procédure longue pour la victime. Une instruction n’est jamais
anodine, elle laisse la victime dans son traumatisme. De plus, contrairement à la plainte
simple, la victime s’expose à devenir elle même mis-en-cause, si l’instruction ne
caractérise pas l’infraction. La victime peut alors être sujet à une victimation secondaire.
Rien ne permet de dire en amont que l’instruction se concrétisera par le jugement du
prévenu, comme rien ne certifie à la victime que la vérité sera révélée. La citation directe
laisse t-elle la victime dans la même situation ?
B) La citation directe
317
C. pr. pén. Art. 800-1 ; pour les délits concernés par le livre II du code pénal, il s’agit des crimes et des
délits contre les personnes des articles 211-1 à 227-33 du code pénal.
318
C. pr. pén. Art. 91.
319
C. pr. pén. art. 91 ; D. 32.
320
C. pén. art. 226-10 et 434-26.
321
C. pr. pén. art. 79 et s.
70
nécessitant une instruction322. Contrairement au dépôt de plainte avec constitution de partie
civile, la citation directe s’applique en matière contraventionnelle. Dans ces conditions, la
citation directe existe pour les affaires simples et de faible gravité, en matière
correctionnelle et contraventionnelle.
78. Demande préalable au Parquet. Avant de citer l’auteur de l’infraction devant le
tribunal compétent, la victime doit se rapprocher du Parquet. Il s’agira du Parquet du lieu
de l’infraction ou du lieu de résidence du prévenu. Mais ce peut être également le Parquet
du lieu d’arrestation du prévenu pour une autre cause323. Ainsi, le Parquet donne une date
d’audience à la victime afin qu’elle puisse citer le prévenu devant le tribunal correctionnel
ou le tribunal de police. La citation est faite au travers d’un exploit d’huissier.
79. Les formes de la citation directe. Le prévenu doit être cité dans les formes et
conditions prévues par le code de procédure pénale324. Pour ce faire, la victime fait appel à
un huissier de justice. L’article 550 alinéa 1 du code de procédure pénale dispose que « les
citations et significations, sauf disposition contraire des lois et règlements, sont faites par
exploit d’huissier de justice ».
Elle contient325 : les nom, prénom, profession et domicile du demandeur ; les nom, prénom
et adresse de l’huissier ; les nom, prénom et adresse de la personne citée ; les faits
poursuivis avec le texte de loi correspondant ; le tribunal saisi, le lieu, la date et l’heure. Il
faut, pour la victime, préciser si la personne citée a la qualité de civilement responsable ou
de témoin.
Il appartient à la partie civile de signifier par huissier de justice326 la citation dans le délai
maximum de dix jours avant la date d’audience. Ce délai est porté à un mois ou deux mois
suivant le lieu de résidence du prévenu327. La signification peut être faite à domicile, la
copie étant remise à un parent, un allié ou une personne qui réside à ce domicile. L’huissier
doit alors informer le prévenu de l’identité de la personne qui a reçu la signification. En
revanche, si la personne n’a pu être touchée par la signification, cette dernière sera faite en
mairie. Si le domicile n’est pas du tout connu, la signification est faite au Parquet. Pour
322
Sur l’incompatibilité entre une citation directe et une instruction, V. Crim. 11 janv. 1973, Bull. crim. n°
16.
323
C. pr. pén. art. 382 et 522.
324
C. pr. pén. art. 550 et s.
325
C. pr. pén. art. 392, 550 et 551.
326
C. pr. pén. art. 550, 552, 555 à 562.
327
C. pr. pén. art. 552 : 1 mois si le prévenu réside dans un département d’outre mer et 2 mois s’il réside à
l’étranger.
71
Philippe BONFILS, il s’agit d’un « dispositif à l’évidence assez lourd »328. Il ajoute que
depuis la loi du 8 février 1995329, le Parquet a le pouvoir de requérir la force publique pour
rechercher l’adresse du prévenu. Cette mesure ne bénéficie toutefois pas à la victime.
80. Les éléments du dossier sur lesquels porte la citation. Avant la date d’audience,
la partie civile doit communiquer au tribunal, au parquet et au prévenu les éléments en sa
possession sur lesquels il fonde sa citation330. Il faut que cet envoi soit réalisé
suffisamment tôt pour que l’audience ait un caractère contradictoire. En outre, pour
permettre au Parquet d’obtenir la copie intégrale du bulletin numéro un du casier
judiciaire, elle doit lui donner les nom, prénom, filiation, date et lieu de naissance du
prévenu331.
81. La consignation. La victime, dans les mêmes conditions que la plainte avec
constitution de partie civile, doit consigner une somme auprès du tribunal. Elle peut en être
exonérée si elle est éligible à l’aide juridictionnelle332. Une première audience intervient et
permet de déterminer le montant de la consignation. Ensuite, s’agissant des modalités de
versement et des effets de cette consignation, il faut se reporter aux conditions qui
s’appliquent pour la plainte avec constitution de partie civile333.
82. La responsabilité de la victime partie civile. Si la citation ne respecte pas les
délais imposés par le code de procédure pénale, cela engendre des répercussions
importantes pour la suite de cette citation334 : dans le cas où la partie citée se présente, le
tribunal renvoie l’audience à une date ultérieure. En revanche, si elle ne se présente pas ou
si elle n’est pas représentée à l’audience, la citation est considérée comme nulle.
Concernant les autres cas de nullité, la nullité de la citation peut être soulevée dans le cas
où la partie civile a mal désigné l’huissier, oublié de préciser le tribunal saisi, omis de
mentionner la qualification pénale335. A cet égard l’article 385 alinéa 6 du code de
328
BONFILS (P), Partie civile, op. cit., p. 27.
329
L. n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et
administrative.
330
C. pr. pén. art. 389 et s.
331
CROCQ (J.C), Le guide des infractions, op. cit., p. 282.
332
C. pr. pén. art. 392-1 et 533.
333
V. supra n° 57.
334
C. pr. pén. art. 553.
335
Crim. 8 janv. 1991, Bull. crim., n° 13 ; Crim. 16 juin 1970, Bull. crim., n° 204 ; Crim. 7 mai 1996, Bull.
Crim. n° 194.
72
procédure pénale dispose que « les exceptions de nullité doivent être présentées avant toute
défense au fond », in limine litis336.
83. Le cas d’une citation abusive. Lorsque le tribunal rend une décision de relaxe à
l’encontre du prévenu, il peut dans le même temps condamner la partie civile au paiement
d’une amende civile337. La garantie du paiement de cette amende correspond à la
consignation décidée en amont.
Le prévenu dispose de l’opportunité de demander des dommages-intérêts pour abus de
constitution de partie civile ou lorsque la partie civile ne se présente pas à l’audience, et
qu’elle n’est représentée par son avocat338. Les dommages-intérêts sont attribués, durant la
même audience, constatant la relaxe du prévenu.
Dans les mêmes conditions que la plainte avec constitution de partie civile, la victime peut
faire l’objet de poursuites pour dénonciation calomnieuse ou dénonciation d’une infraction
imaginaire339.
84. Une procédure complexe pour la victime. La citation directe oblige le tribunal à
statuer sur les faits dont il est saisi340. S’il estime qu’il ne possède pas suffisamment
d’éléments, le tribunal ordonne un complément d’information : un renvoi de l’audience
sera nécessaire341.
La victime se trouve alors dans la même situation que celle déposant plainte avec
constitution de partie civile. La procédure de citation directe est lourde et génératrice de
victimation secondaire342 : le risque d’être elle-même condamnée, en tant qu’auteur de
dénonciation calomnieuse, est un danger pour sa reconstruction. De toute évidence, comme
la plainte avec constitution de partie civile, la citation directe crée des traumatismes pour la
victime, il faudra alors confronter ces observations aux attentes de la victime. A l’instant, il
est nécessaire de se poser la question de la constitution de partie civile par voie
d’intervention.
336
Dés le commencement du procès.
337
C. pr. pén. art. 392-1 et 533 ; l’amende sera inférieure ou égale à 15000 euros.
338
C. pr. pén. art. 425 et 472.
339
C. pén. art. 226-10 et 434-26.
340
C. pr. pén. art. 551 al. 2.
341
C. pr. pén. art. 553.
342
BONFILS (P), Partie civile, op. cit.
73
85. La constitution de partie civile : une évolution ou une régression. La
participation de la victime au procès pénal, par le biais de la constitution de partie civile,
est ambivalente343 : elle peut être analysée comme une intervention dans le souci de
corroborer l’action publique344 en vue d’établir la culpabilité d’un mis en cause345. Elle
peut également être analysée comme le moyen de faire valoir un sentiment de vengeance.
Qu’en est-il réellement ? Quelle ambivalence présente la constitution de partie civile ?
Dans quelle mesure la partie civile peut-elle porter préjudice au système pénal ?
La qualité de partie civile fait ressurgir un débat ancien et récurrent : le caractère vengeur
de l’action de la victime. C’est ce caractère vengeur qui est au cœur des débats et il est
important de traiter la question. Même si elle apparait dépassée, elle est en réalité d’une
extraordinaire actualité. Il convient de ne pas oublier que le « stade supposé de la
vengeance privée aurait été suivi du stade rationnel de la poursuite publique (…) »346 ; ce
rappel permet de comprendre l’évolution, ou la regression, du système pénal français. Pour
pouvoir porter une analyse scientifique du phénomène victimaire, il convient de traiter des
fondements juridiques de la constitution de partie civile (A), et de la nature juridique de la
constitution de partie civile (B).
86. Une distinction avec la citation directe et la plainte avec constitution de partie
civile. A la différence du dépôt de plainte avec constitution de partie civile et de la citation
directe, la constitution de partie civile à l’audience pénale est possible quelle que soit
l’infraction347. Elle est donc valable devant un tribunal de police, un tribunal correctionnel
ou une Cour d’assises. Elle est même possible durant une procédure d’instruction348.
87. La plainte simple comme point de départ. A la suite de la plainte simple, les
services de police mènent l’enquête diligentée par le Parquet. A l’issue, ce dernier décide
des suites à donner. Pour ce faire, le Procureur de la République dispose d’une palette
343
BONFILS (P), Partie civile, ibid.
344
Crim. 15 mars 1977, Bull. crim. n° 94 ; JCP 1977. II. 19148, note BONJEAN ; D. 1971, p. 594, note
MAURY.
345
Crim. 5 déc. 1989, Bull. crim. n° 462.
346
ALLINNE (J.P), Les victimes : des oubliées de l’histoire du droit ?, op. cit., p. 26.
347
C. pr. pén. art. 2.
348
C. pr. pén. art. 87 ; Crim. 28 oct. 1974, Bull. crim., n° 184.
74
importante de mesures349 allant du simple rappel à la loi à la citation du prévenu devant le
Tribunal Correctionnel350.
Une étude de Laure CHAUSSEBOURG351 a démontré que la victime déposait plainte
lorsqu’elle estimait que son agression était grave. Le dépôt de plainte est alors purement
subjectif. De ce fait, plus de neuf injures sur dix ne sont pas déclarées aux autorités
compétentes. Sur la démarche de dépôt de plainte, 64% des victimes se déplaçant en
gendarmerie ou au commissariat de police vont jusqu’à déposer plainte352. Concernant la
satisfaction liée à la plainte353, Laure CHAUSSEBOURG constate que 40% des victimes
sont insatisfaites des suites données lorsqu’elles ne sont pas informées. A contrario
lorsqu’elles sont avisées et accompagnées, le pourcentage monte à 73%.
88. L’action civile : une demande de dommages et intérêts. L’article 418 du code
de procédure pénale dispose que « Toute personne qui, conformément à l’article 2, prétend
avoir été lésée par un délit, peut, si elle ne l’a pas déjà fait, se constituer partie civile à
l’audience même. Le ministère d’un avocat n’est pas obligatoire. La partie civile peut, à
l’appui de sa constitution, demander des dommages-intérêts correspondant au préjudice qui
lui a été causé ». Pour ce faire, l’action civile doit concerner tout individu qui a souffert
personnellement du dommage directement causé par l’infraction354. La demande concerne
alors tous les chefs de dommages : matériels, corporels ou moraux355.
La partie civile est partie au procès pénal dans le but de demander des dommages et
intérêts. Ainsi, elle n’a pas les prérogatives suffisantes pour réclamer une peine ou pour
exercer des voies de recours contre cette peine356. Il s’agit donc d’une défense de ses
intérêts privés par la voie de l’action civile devant une juridiction pénale 357. Toutefois, la
spécificité de la partie civile française fait que la victime contribue également à la
349
V. infra n° 341.
350
Dans le cadre de notre étude, à ce stade de notre démonstration, nous nous plaçons dans la situation où le
prévenu est présenté devant le tribunal correctionnel.
351
CHAUSSEBOURG (L), Se déclarer victime : de l’atteinte subie au dépôt de plainte, infostat justice,
Ministère de la justice et des libertés, n° 110, novembre 2010.
352
CHAUSSEBOURG (L), ibid., p. 3.
353
CHAUSSEBOURG (L), ibid. p. 5 et s.
354
C. pr. pén. Art. 2,
Pour aller plus loin. V. ALT-MAES (F), RSC, 1995, p 35 ; BLIN (O), Gaz. Pal., 1985, 1, Doctr. 141 ;
PRADEL (J), associations, D. 1976, Chron. 31 ; VOUIN (R), situation immorale, D. 1973, Chron. 265.
355
C. pr. pén. Art. 3.
356
Au stade de l’instruction : C. pr. pén. art. 186 al. 2, 575 al. 1er ; Au stade du jugement : C. pr. pén. art.
497, 573 al. 1er.
357
BONFILS (P), Partie civile, op. cit. p. 3.
75
culpabilité du prévenu358. Néanmoins, la constitution de partie civile est essentiellement
une action civile. A quel moment doit-elle être formée ?
89. Moment de déclenchement de la constitution de partie civile : dés l’enquête. En
premier lieu, la victime peut se constituer partie civile dés le stade de l’enquête de police
ou de gendarmerie. Au préalable elle doit obtenir l’autorisation du Procureur de la
République. Ainsi, l’article 420-1 du code de procédure pénale dispose que : « Avec
l’accord du procureur de la République, la demande de restitution ou de dommages-intérêts
peut également être formulée par la victime, au cours de l’enquête de police, auprès d’une
officier ou d’un agent de police judiciaire, qui en dresse procès-verbal. Cette demande vaut
constitution de partie civile si l’action publique est mise en mouvement et que le tribunal
correctionnel ou de police est directement saisi ».
La circulaire du 31 mai 2000359 vient préciser les dispositions de l’article 420-1 du code de
procédure pénale : les Parquets doivent informer les officiers de police judiciaire de la
possibilité pour les victimes d’évaluer leur préjudice, dès la phase d’enquête. Dans le cas
où le tribunal Correctionnel est saisi pour donner suite à la plainte, cette demande préalable
est considérée comme une constitution de partie civile. Le Parquet doit donner son accord
pour ne pas laisser une partie civile faire une demande de préjudice infondée et
déraisonnable.
Le Procureur de la République précise dans un document transmis aux officiers de police
judiciaire, les catégories d’infractions concernées par cette mesure360.
90. Avant l’audience. La victime est avertie de la possibilité pour elle de se
constituer partie civile dans une document type : un avis à victime361. En pratique, il est
possible que la constitution de partie civile ne soit pas prise en compte faute de temps362. Il
est conseillé aux victimes d’envoyer leur constitution au moins une semaine avant
l’audience. Cette constitution de partie civile se fait par courrier recommandé avec avis de
réception ou par télécopie, et ce quel que soit le montant des dommages-intérêts
358
Pour aller plus loin. V. GRANIER (J), La partie civile au procès pénal, RSC, 1958, n°1 ; CASORLA (F),
La victime et le juge pénal, Rev. pénit., 2003, n° 639 ; GUERY (C), Le juge d’instruction et le voleur de
pommes : pour une réforme de la constitution de partie civile, D., 2003, p.1575.
359
CIRC. Jus. D 00-30115 C, 31 mai 2000, relative à la première présentation de la loi enforçant la
présomption d’innoncence et les droits des victimes.
360
Circ. Jus. J 07-90006 C, 9 oct. 2007, n° 1.1.
361
C. pr. pén. art. 420 ; en terme procédural on dit que le parquet cite la victime.
362
La victime peut se constituer partie civile, au minimum 24 heures avant l’audience.
76
réclamés363. Cette constitution de partie civile peut également se faire avant l’audience
devant le greffe364.
Concernant la constitution de partie civile par lettre recommandée, la loi n’impose pas de
document type. Au terme de l’article 420 du code de procédure pénale, le courrier ou la
télécopie doit contenir l’infraction poursuivie, le domicile de la partie civile. Dans les
mêmes conditions que la constitution de partie civile, la victime peut également demander
la restitution d’objets saisis. Concernant la demande de dommages-intérêts, la partie civile
doit joindre à sa demande tous les documents justifiant son préjudice, ou plus
particulièrement sa demande d’indemnisation.
Dans le cas où la victime s’est constituée partie civile par courrier ou par télécopie, elle
n’est pas obligée de se présenter devant le tribunal à l’audience prévue365.
91. A l’audience. La victime a le pouvoir de se constituer partie civile au moment
de l’audience pénale. Pour ce faire, elle formule sa demande avant les réquisitions du
Parquet366. En pratique, la parole est donnée en premier lieu à la partie civile, après que le
président du tribunal a rappelé les faits et donné les indications utiles sur le profil du
prévenu.
Comme évoqué précédemment, la victime intervient de deux façons à l’audience pénale :
en tant que témoin ou en tant que partie civile. L’article 422 alinéas 1 du code de
procédure pénale dispose que « La personne qui s’est constituée partie civile ne peut plus
être entendue comme témoin ».
92. Droit aux indemnités autres que les dommages-intérêts. L’article 422 alinéa 2
du code de procédure pénale dispose que « Toutefois, la partie civile est assimilée au
témoin en ce qui concerne le paiement des indemnités, sauf décision contraire du tribunal
». De même, l’article 375-1 du code de procédure pénale dispose également que « La
partie civile est assimilée au témoin en ce qui concerne le paiement des indemnités, sauf
décision contraire du tribunal ».
Par conséquent, la partie civile peut demander des indemnités forfaitaires de comparution,
pour perte de salaire et une indemnité forfaitaire journalière de séjour367. Pour cette
dernière indemnité, il s’agit de frais de repas ou de nuitée, lorsque la partie civile n’est pas
363
C. pr. pén. art. 420-1.
364
C. pr. pén. art. 419.
365
C. pr. pén. art. 420-1.
366
C. pr. pén. art. 421.
367
Circ. Jus. J 07-90006 C, 9 oct. 2007, annexe 5 ; C. pr. pén. art. R. 129, R. 111 et R. 135.
77
domiciliée dans le ressort du Tribunal de Grande Instance où son affaire est appelée. Elle
doit donc justifier de toutes les dépenses présentées368.
Des frais peuvent également être remboursés lorsqu’il s’agit du voyage pour se rendre au
tribunal369. Pour ce dernier cas, la partie civile demande une avance de frais qui représente
la moitié du coût du transport. Les bénéficiaires de cette aide sont également les personnes
accompagnant la partie civile, lorsqu’elle est mineure de moins de 16 ans, infirme ou
malade370.
Lorsque les frais engendrés par l’audience pénale ne sont pas pris en charge par l’Etat, la
partie civile réclame l’indemnisation des ces frais auprès de l’auteur. Pour ce faire, elle
doit demander sa condamnation au paiement des frais par le tribunal. Ce dernier tient
compte de la capacité financière du condamné.
93. La constitution de partie civile : valeur ajoutée ? Il est encore tôt pour tirer une
leçon sur l’opportunité pour la victime de se constituer partie civile. En tout état de cause,
l’analyse entreprise tend à démontrer que la demande première de la victime se constituant
partie civile est financière. Sur ce point, la victime est satisfaite même si elle ne se
constitue pas partie civile : sa demande financière est présentée devant le juge civil après
l’audience pénale sur le fondement de l’identité des fautes civiles et pénales, ou pendant
l’audience pénale, sur le fondement de la réforme de 2007 au regard du principe « le
criminel tient le civil en l’état »371. En ce sens, la constitution de partie civile ne représente
pas une valeur ajoutée, si ce n’est pallier à la lenteur du procès civil. Une lenteur somme
toute relative d’une juridiction à l’autre372. Il convient désormais de s’attacher à la qualité
juridique de la personne pouvant se constituer partie civile.
368
CROCQ (J.C), le guide des infractions pénales, op. cit., p. 289.
369
C. pr. pén. art. R. 133.
370
C. pr. pén. art. R. 130, R. 131, R. 138.
371
V. en ce sens supra n° 51 ; Loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 ; PAYAN (P), Le sursis du juge après mise en
mouvement de l’action publique (étude de la règle « le criminel tient le civil en l’état »), Thèse, Aix en
Provence, 2010.
372
PIGNOUX (N), La réparation des victimes d’infractions pénales, L’Harmattan, 2008.
78
94. Une partie au procès pénal. Toute personne ayant la capacité juridique peut se
constituer partie civile. Lorsque la victime est mineure, elle est représentée par son tuteur
légal, ou si l’action vise à se retrouver face à ses parents, par un administrateur ad’hoc373.
En ce qui concerne les personnes sous régime de protection, le majeur sous sauvegarde de
justice peut agir seul374. En revanche, le majeur sous tutelle doit agir par l'intermédiaire de
son tuteur375. Pour le majeur sous curatelle, la partie civile doit être accompagnée de son
curateur376. Dans tous les cas énumérés, la victime est une partie à l’audience pénale.
95. Deux actions distinctes ? Pour Philippe BONFILS, il faut distinguer deux
situations : la participation de la victime au procès pénal et l’action civile en réparation377.
« La constitution de partie civile concrétise la participation de la victime au procès pénal.
L’action civile, quant à elle, est une action en responsabilité civile qui peut être exercée
devant la juridiction pénale ou civile »378.
En étudiant le droit positif et la doctrine, force est de constater que cette distinction entre la
participation de la victime au procès pénal et l’action civile est relative. En effet, la
jurisprudence a permis à différentes personnes de saisir le droit pénal par la constitution de
partie civile : le conjoint379, les parents380, une personne très liée à la victime381, des
héritiers382, les assureurs383, les caisses de sécurité sociale384, les tiers payeurs385, des
associations386. Cette énumération montre que les intérêts des victimes peuvent être
différents bien qu’elles agissent toujours en tant que partie civile. En d’autres termes,
lorsque la partie civile se présente devant le juge pénal, elle intervient comme partie à
373
BONFILS (P), GOUTTENOIR (A), Droit des mineurs, Précis Dalloz, 2008 ; PORCHY (M.P),
L’administrateur ad hoc en matière pénale, D., 2004, chron. 2732.
374
BONFILS (P), Partie civile, op. cit., p. 12.
375
Crim. 1er mars 1983, Bull. crim. n° 68.
376
Crim. 1er juin 1994, D. 1995, p. 358.
377
Nous verrons plus loin dans cette étude que ces deux actions constituent la différence entre action
vindicative et action civile.
378
VERGES (E), La constitution de partie civile relève de la matière civile au sens de l’art. 6§1 de la
convention de sauvegarde des droits de l’homme, obs. sous CEDH 12 fév. 2004, Perz c/ France, RPDP, mars
2005, p. 227 ; Cass. Crim. 19 oct. 1982, Bull., n° 222 : « la constitution de partie civile, a pour but essentiel
la mise en mouvement de l’action publique et de ce fait, ne se confond pas avec l’action publique ».
379
Crim. 6 mai 1982, Bull. crim. n°115.
380
Crim. 2 mars 1967, Bull. crim. n°87.
381
Crim. 20 mars 1973, Bull. crim. n°137.
382
Crim. 30 oct. 1957, Bull. crim. n°681 ; Crim. 12 mars 1959, Bull. crim., n°177.
383
C. pr. pén. art. 388-1 ; BLIN (D), Gaz. Pal., 1985, Doctr. 141.
384
GROUTEL (H), Responsabilité civile et assureur, LexisNexis, coll. Mélanges, 2006.
385
CGCT art. L. 2132-5
386
C. pr. pén. art. 2-1 et s.
79
l’audience pénale ; le juge ne vérifie pas les raisons pour lesquelles elle agit. Le statut de
partie civile est un statut unique qui donne l’opportunité à une victime directe ou non de
demander réparation. Cette réparation peut être patrimoniale ou extra-patrimoniale. La
distinction entre la participation de la victime au procès pénal et l’action civile doit être
faite avec prudence ; une mauvaise compréhension aboutirait à reconnaître l’action
vindicative de la partie civile. La participation de la victime au procès pénal correspond à
la faculté de mettre en mouvement l’action publique, et l’action civile correspond à la
réparation du préjudice subi.
Pour asseoir ce raisonnement, il est nécessaire de prendre en compte l’arrêt de la Cour
Européenne des Droits de l’Homme en date du 12 février 2004, puis le droit positif et la
jurisprudence afférent.
96. La constitution de partie civile au sens de la convention de sauvegarde des
droits de l’Homme. L’arrêt du 12 février 2004387 constitue un revirement de
jurisprudence388. Dans le cadre de violences intra-familiales, le juge d’instruction avait
rendu une ordonnance de non-lieu car le mis en cause avait quitté le territoire français pour
aller au Gabon. Après avoir épuisé les voies de recours internes, la victime a formé un
recours devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme389 en invoquant l’article 6§1 de
la convention de sauvegarde des droits de l’Homme sur la notion de procès équitable390.
De ce fait, la CEDH devait statuer sur l’applicabilité de l’article 6 de la CESDH à la
constitution de partie civile. Pour le gouvernement français, la constitution de partie civile,
dans l’affaire PEREZ contre France, ne relevait pas de la matière civile. En effet, pour le
gouvernement, le requérant n’assortissait pas son action d’une demande en réparation de
son préjudice de sorte que l’article 6 n’avait pas vocation à s’appliquer.
Dans un premier temps, la CEDH va rappeler sa position depuis 1992391 : « la constitution
de partie civile relève de la matière civile ». Ainsi, dans l’affaire PEREZ contre France, la
CEDH a décidé : « il ne fait donc aucun doute qu’une plainte avec constitution de partie
civile constitue, en droit français, une action civile tendant à la réparation d’un préjudice
387
PEREZ c/ France, n° 47287/99, CEDH 2004-I in MASSIA (F), Chronique internationale – Droit de
l’homme, RSC, 2004, pp. 698-711.
388
ROETS (D), Le contentieux de l’action civile et l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de
l’homme : une tentative de clarification de la cour de Strasbourg, D., 2004, p. 2943 ; MASSIA (F),
Chronique internationale – Droit de l’homme, ibid., p. 698.
389
Nous utiliserons par la suite le sigle CEDH.
390
Nous utiliserons par la suite le sigle CESDH.
391
TOMASI c/ France, 27 août 1992, série A n° 241-A ; ACQUAVIVA contre France, 21 novembre 1995, A
n° 333-A.
80
résultant d’une infraction. Dans ces conditions, la Cour ne voit pas de raison de
l’appréhender autrement au regard des dispositions de l’article 6§1 de la convention ». Elle
ajoute que « le droit français n’oppose pas nécessairement la constitution de partie civile à
l’action civile. La constitution de partie civile n’est en réalité qu’une modalité de l’action
civile ». Par une telle décision la CEDH préserve les droits des victimes qui sont
notamment consacrés par l’article préliminaire du code de procédure pénale392.
La constitution de partie civile est une action autonome permettant à la victime de
demander réparation de son préjudice, ou, dans le cas de la citation directe ou de la plainte
avec constitution de partie civile, de mettre en mouvement l’action publique. De la
décision de la CEDH il faut tirer un principe : « la victime bénéficie d’un droit au procès
équitable dans la seule hypothèse où elle exerce, dans le même temps, son droit d’obtenir
réparation du préjudice subi»393. La CEDH conclut l’arrêt en affirmant que, dans le cadre
d’une action répressive, « l’applicabilité de l’article 6 atteint ses limites car la convention
ne garantit ni le droit, revendiqué par la requérante, à la vengeance privée, ni l’actio
popularis ».
Ainsi, par cet arrêt, la CEDH rejette de façon implicite le modèle français de la
participation de la victime au procès pénal dont le seul but serait de faire condamner
l’auteur des faits à une peine. Mais, il est possible d’ajouter que la CEDH remet en
question la conception qu’a l’opinion publique du rapport de la victime avec le droit pénal.
Un procès pénal sans partie civile, sans victime, n'enfreint en rien la règle du procès
équitable. Cela est confirmé par l’article préliminaire alinéa 1 du code de procédure pénale
: « La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des
droits des parties »394.
De plus, la CEDH vient mettre un terme à l’évolution jurisprudentielle qui brouillait la
distinction entre l’action civile et l’action publique. En effet, dans différents arrêts, la Cour
de Cassation admettait une action civile visant uniquement à faire établir l'existence d’une
infraction395.
392
VERGES (E), La constitution de partie civile relève de la matière civile au sens de l’art. 6§1 de la
convention de sauvegarde des droits de l’homme, op. cit., p. 3.
393
PEREZ c/ France, n° 47287/99, CEDH 2004-I in MASSIA (F), Chronique internationale – Droit de
l’homme, op. cit., pp. 698-711.
394
PUTMAN (E), L’article préliminaire a-t-il une portée normative ?, Annales de la faculté de droit
d’Avignon, 2000.
395
Crim. 4 juill. 1973, n° 72-91.482, Bull. crim., n° 315 ; Crim. 16 déc. 1980, n° 79-95.039, Bull. crim., n°
348 ; Crim. 10 mai 1984, Bull. crim., n° 165 ; Crim. 30 avr. 2002, n° 01-85.219, D. 2003, p. 30.
81
97. L’action civile contre un coupable « post mortem ». Dans le même esprit, la
cour européenne de sauvegarde des droits de l’Homme a décidé le 12 avril 2012 que
l’action civile contre l’ayant-droit d’un prévenu reconnu coupable « post mortem » est une
violation de l’égalité des armes396.
En 1992 est déposée une plainte avec constitution de partie civile pour abus de biens
sociaux contre Jean-Luc LAGARDERE. Ce dernier était le président directeur général de
la société « Lambda » représentant les actionnaires des sociétés « Matra » et « Hachette ».
Il était également le mise en cause. Par deux décisions successives397, le tribunal
correctionnel de Paris et la Cour d’Appel ont déclaré l’action publique prescrite. Les
actionnaires se sont pourvus en cassation mais Jean-Luc LAGARDERE est décédé le 14
mars 2003.
Si la Cour de Cassation a bien constaté l’extinction de l’action publique, elle a néanmoins
renvoyé l’affaire concernant l’action civile. Pour la Cour de Cassation les faits n’étaient
pas entièrement prescrits, et l’action civile pouvait être poursuivie pour une partie de ceux-
ci398.
Ainsi, les ayants-droits de Jean-Luc LAGARDERE se sont vus condamnés à payer aux
actionnaires, parties civiles, plus de quartoze millions d’euros de dommages et intérêts.
Le principal ayant-droit, Arnaud LAGARDERE, a invoqué devant la Cour Européenne de
Sauvegarde des Droits de l’Homme l’article 6§1 de la CEDH. Cette dernière a constaté le
12 avril 2012 une violation du droit au procès équitable et du droit à la présomption
d’innocence : « 55. Aussi, tout en rappelant que le fait, pour une juridiction pénale, de
statuer sur les intérêts civils de la victime est, en soi, conforme aux dispositions de l’article
6 de la convention, la Cour ne saurait admettre que les juridictions pénales appelées à
juger l’action civile se prononcent pour la toute première fois sur la culpabilité pénale
d’un prévenu décédé » 399.
396
LAVRIC (S), Action civile. Action civile contre l’ayant droit d’un prévenu reconnu coupable post mortem
= violation de l’égalité des armes, AJ Pén., Juillet-Août 2012, p 421-423.
397
Le 22 juin 2000 par le Tribunal Correctionnel de Paris et le 25 janvier 2002 par la Cour d’Appel de Paris,
in RENUCCI (J-F), Culpabilité post mortem et convention européenne des droits de l’homme : l’affaire
Lagardère, D. 2012, p. 1708.
398
Crim. 25 oct. 2006, Bull. crim. n° 254 ; D. 2006, p. 2736, obs. A. Lienhard.
399
LAGARDERE c/ France, 12 avril 2012, RENUCCI (J-F), Culpabilité post mortem et convention
européenne des droits de l’homme : l’affaire Lagardère, op. cit., p. 1708 ; ROETS (D), Des effets post
mortem des principes de l’égalité des armes et de la présomption d’innocence sur l’action civile, RSC 2012,
p. 695.
82
En résumé, si la procédure était jugée régulière en droit interne, il n’en reste pas moins que
la CEDH l’a jugée inéquitable. Ainsi, la partie civile, considérée comme partie à part
entière au procès pénal, doit respecter l’égalité des armes et le principe du procès
équitable. En l’espèce, Arnaud LAGARDERE, ayant-droit, n’était pas en mesure de
contester les éléments présentés par la partie civile.
98. La constitution de partie civile au sens de la justice administrative. A la suite
d’un assassinat survenu le 21 novembre 2003 à Lyon, une information judiciaire a été
ouverte et le mis en cause incarcéré à la maison d’arrêt de Lyon. Ce dernier s’est suicidé en
détention et la famille de la victime n’a pu se constituer partie civile. Elle a donc engagé
des poursuites contre l’Etat pour être indemnisée du préjudice moral qu’elle estimait avoir
subi de par l’extinction de l’action publique la privant de la tenue d’un procès pénal. Le 27
mars 2007, le Tribunal Administratif de Lyon400 a rejeté la demande de la famille de la
victime : « l’objet d’un procès d’assises étant de réprimer un crime au nom et pour la
défense de la société, les parties civiles privées de la perspective de la condamnation du
prévenu ne subissent pas un préjudice moral susceptible de leur ouvrir droit à indemnité
»401.
En appel, la Cour Administrative de Lyon a confirmé cette solution402. La famille de la
victime s’est donc pourvu en cassation. Dans la rédaction de ses conclusions, Mattias
GUYOMAR403 pose la question suivante : « Eu égard à l’objet du procès pénal,
l’extinction de l’action publique consécutive au décès du prévenu porte-t-elle un préjudice
personnel à la victime ? »404. A cette question il répond que « La privation du procès pénal
ne peut ouvrir droit à l’indemnisation d’un particulier, fût-ce la victime, parce qu’il ne
saurait y avoir de privatisation du procès pénal »405. C’est ce qu’avait également retenu la
Cour Administrative de Lyon.
Le Conseil d’Etat a tranché définitivement le litige en confirmant la décision et en insistant
sur les dimensions rétributives et pacificatrices du procès pénal : « il permet à l’Etat, par la
manifestation de la volonté et le prononcé d’une peine, d’assurer la rétribution de la faute
400
TA Lyon 27 mars 2007, req. n° 0506439, Document InterRevues, AJDA 2007, p. 1727.
401
GUYOMAR (M), Conclusions Assemblée du contentieux, Séance du 1er juillet 2011, Lecture du 19
juillet 2011 ; GUYOMAR (M), chron. GAZ. PAL. 4 août 2011, n° 216, p. 30.
402
CAA Lyon 8 avr. 2009, req. n° 07LY01135, AJDA 2009, p. 854.
403
Mattias GUYOMAR est le rapporteur public dans cette affaire.
404
GUYOMAR (M), chron. GAZ. PAL. 4 août 2011, ibid., p. 30.
405
GUYOMAR (M), chron. GAZ. PAL. 4 août 2011, ibid., p. 30.
83
commise par l’auteur de l’infraction et le rétablissement de la peine »406. Dans cet arrêt, le
conseil d’Etat a fait une analyse inédite du procès pénal407 en différenciant les effets du
procès pénal et son objet.
Il est possible de comprendre que la constitution de partie civile n’est qu’une opportunité
pour la victime d’obtenir, dans le même temps que la sanction pénale, une indemnisation
du préjudice. « La victime et son action ne sont qu’accessoires. Le sort de l’action publique
influe donc sur le régime de l’action civile »408. L’audience pénale ne devrait pas être le
lieu où se règlent les conflits interpersonnels. Peut-on trouver une alternative au procès
pénal ? Le droit positif donne t-il l'opportunité pour la victime d’éviter la constitution de
partie civile ?
99. La constitution de partie civile au sens du code de procédure pénale et de la
jurisprudence. L’article 2 alinéa 1 du code de procédure pénale dispose que « L’action
civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention
appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par
l’infraction ». Ainsi, la constitution de partie civile a pour fondement la réparation du
préjudice subi. L’action civile résultant de la constitution de partie civile et l’action
publique sont indépendantes409. De plus, l’action en justice pour la défense d’un intérêt
général relève de la seule compétence du ministère public410. L’article 3 du code de
procédure pénale dispose que « l’action civile peut être exercée en même temps que
l’action publique et devant la même juridiction. Elle sera recevable pour tous les chefs de
dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découleront des faits objets
de la poursuite ». Cet article permet de comprendre que la constitution de partie civile n’est
qu’une possibilité, et qu’elle vise à la réparation. Ainsi les règles de la responsabilité civile
s’imposeront au juge pénal411.
Concernant les règles de prescription, l’action civile se prescrit dans les mêmes conditions
que l’action publique412. Par exemple, s’agissant d’un délit, la prescription est de trois ans.
406
CE, ass., 19 juillet 2011 note GIACOPELLI (M), PERRIER (J.P), Gaz. Pal. 13 oct. 2011, n° 286, p. 8.
407
BELRHALI-BERNARD (H), Impossibilité du procès pénal due au suicide d’un détenu : l’absence de
préjudice indemnisable, AJDA, 2012, p. 223.
408
BELRHALI-BERNARD (H), ibid., p. 223.
409
Crim. 28 nov. 1989, Bull. crim. n° 441.
410
Crim. 15 déc. 1998, Bull. crim., n° 340 , Crim. 2 sept. 2003, Bull. crim. n°146 ; AJ pén. 2004, p. 33.
411
Crim. 4 janv. 1995, Bull. crim. n° 3.
412
C. pr. pén. art. 10.
84
En revanche, si la victime actionne le droit civil, elle bénéficie de la prescription civile :
cinq ans ou dix ans en cas de dommages corporels413.
100. La constitution de partie civile : une action optionnelle à visée réparatrice.
L’analyse est désormais plus précise. La constitution de partie civile apparaît comme une
option et pas comme une norme. Elle ne saurait être vindicative et privative. Que se cache
t-il derrière la notion de réparation ? Les finalités de ce besoin réparateur peuvent-elles être
assurées autrement que dans le prétoire pénal ? Avant de répondre à ces questions, il
importe d’analyser les arguments présentés par la doctrine et la jurisprudence sur l’intérêt,
ou non, de la constitution de partie civile.
85
une victime partie civile ou non. Cette dernière étant bien souvent à la recherche de
réponses que l’institution judiciaire n’est pas forcément en mesure de lui donner.
Le moment est venu d’évoquer les certitudes liées à l’existence de la partie civile (§1),
mais également les doutes existant (§2).
102. La partie civile, une avancée juridique ? Ces dernières années, l’avancée en
faveur des victimes a été sans commune mesure. Elle était utile et nécessaire. Néanmoins,
il faut différencier l’évolution en faveur des victimes et celle en faveur des parties civiles.
Si la première est logique et s’inscrit dans le processus normal d’une société démocratique,
la deuxième conduit à remettre en question les fondements du droit pénal. Outre cette
altération juridique, elle dénature également le rapport du citoyen à ce même droit.
Pourtant, il est possible de trouver des justifications à l’existence de la partie civile. La
question est de savoir si ces arguments sont valables et correspondent aux attentes de la
société.
Pour prendre du recule et gagner en objectivité il est souvent important de se tourner vers
l’étranger. L’expérience des juridictions étrangères permet d’affiner le regard critique sur
ce qui se fait dans le système pénal français. Il est donc intéressant de porter un regard sur
la partie civile en droit comparé et sur l’évolution historique et juridique de la présence de
la partie civile dans le prétoire pénal (A). Puis il est utile d’analyser les positions
divergentes sur ce dernier point, c’est à dire concernant cette présence de la partie civile à
l’audience pénale (B).
103. Un statut uniquement pénal. Certains systèmes pénaux ont choisi de laisser la
victime être présente dans le prétoire pénal sans qu’elle puisse demander une
indemnisation. Il s’agit des droits néerlandais, suisse et allemand415. Dans ces systèmes, la
partie civile est présente uniquement pour soutenir les réquisitions du Parquet. L’intérêt de
415
BONFILS (P), Partie civile, op. cit., p. 6. V. également en ce sens, CLERC (G), Le procès pénal en Suisse
romande, RSC, 1975, p. 76 ; MERIGEAU (S), La victime et le système pénal allemand, RSC, 1994, p. 53 ;
PRADEL (J), Droit pénal comparé, 3ème éd., Dalloz, 2008.
86
sa présence est uniquement répressif, et vise à justifier la peine infligée à l’auteur. De plus,
dans ces droits pénaux, le principe selon lequel le criminel tient le civil en l’état n’existe
pas. L’intérêt pour la victime est réduit416, la partie civile est l’instrument du ministère
public.
La Suisse, l’Allemagne et les Pays Bas ont fait le choix d’une partie civile au service du
droit pénal. Pour ce qui est de la réparation et l’obtention d’une indemnité, elle doit se
tourner ensuite vers le droit civil, seul à même de traiter des conséquences de l’infraction
pénale. Pour ce qui est de l’initiative des poursuites, cette possibilité reste très limitée et
exceptionnelle dans ce type de système.
104. Un statut civil et pénal. D’autres systèmes pénaux ont fait le choix de la
mixité417. Il s’agit bien évidement de la France, mais également de l’Italie418, de
l’Espagne419 et de la Belgique420. Dans ce type de système, les victimes ont des
prérogatives importantes. Elles peuvent déclencher l’action publique, participer à son
déroulement, et à l’instruction, intervenir et obtenir une indemnisation durant l’audience
pénale. Il existe plus particulièrement une concordance entre le système pénal français et le
système pénal belge : la présence de la partie civile conçue en droit pénal français ne se
retrouve qu’en droit pénal belge421. Pour lui cette présence « s’explique par la prise en
considération du désir de justice de la victime, assis sur un fond de vengeance, dont la
préoccupation ne se limite pas à sa seule réparation »422. Il existe donc, dans ce type de
système, une ambivalence, car apparaît une dimension indemnitaire et une dimension
vindicative. Cette dernière se justifie alors par le prononcé de la peine.
416
BONFILS (P), Partie civile, ibid., p. 6.
417
PRADEL (J), Droit pénal comparé, ibid.
418
OTTOLINI (T), La victime en Italie : histoire d’un difficile équilibre entre les intérêts privés et publics à
la réponse au crime, in GIUDICELLI-DELAGE (G), LAZERGES (C), La victime sur la scène pénale en
Europe, op. cit., pp. 123-144.
419
BRENES VARGAS (R), POLETTI ADORNO (A-M), La victime en Espagne : acteur privilégié du
procès pénal, in GIUDICELLI-DELAGE (G), LAZERGES (C), La victime sur la scène pénale en Europe,
op. cit., pp. 86-122.
420
DECRAMER (K), GYSELAERS (L), La victime dans la procédure pénale belge : victime de son
succès ?, in GIUDICELLI-DELAGE (G), LAZERGES (C), La victime sur la scène pénale en Europe, ibid.,
pp. 68 à 85.
421
DECRAMER (K), GYSELAERS (L), La victime dans la procédure pénale belge : victime de son
succès ?, ibid., p. 68.
422
MAISTRE DU CHAMBON (P), Action publique et action civile, J. Cl. Public-Contentieux pénal, fasc. 3,
n° 96.
87
De cette succincte comparaison, il ressort que le système français est le seul à aller aussi
loin dans les prérogatives accordées aux victimes se constituant parties civiles. Comment
juridiquement et historiquement cela peut-il se justifier ?
105. L’aspect historique423. De l’Antiquité au Moyen Age, la partie civile a justifié
symboliquement la « séparation lente et imparfaite entre les actions civile et publique »424.
Pour Philippe BONFILS, la civilisation du procès pénal s’est concrétisée par l’émergence
du système d’accusation privée. Cette dernière ayant pour but d’effacer la notion de
vengeance privée, dite brutale, au profit d’un modèle plus humain : la compensation. Ce
n’est qu’au prix d’une indemnisation que le système pénal a su racheter la vengeance
privée. L’accusation publique, quant à elle, a, dès l’origine, joué le rôle de défenseur de
l’intérêt général, transcendant les intérêts particuliers425. Jusqu’au Moyen Age, il est
loisible de dire que la victime jouait un rôle central dans le système pénal, mais qu’il était
essentiel pour l’époque qu’elle se détache de toute position vengeresse426.
Durant le Moyen Age, les juridictions ecclésiastiques donnent la direction de ce qu’est la
procédure pénale contemporaine. De nouvelles formes de saisine des tribunaux
apparaissent : la dénonciation, par exemple, qui correspond aujourd’hui à la plainte avec
constitution de partie civile. Mais avant tout, ces juridictions ecclésiastiques modifient le
système pénal pour créer la procédure inquisitoire. Une procédure où l’action publique
tient une place de plus en plus prépondérante, reléguant l’aspect privé du procès pénal au
second plan.
Par la suite, au XVIe siècle, une véritable distinction entre l’action civile et l’action
publique est intervenue au regard des prérogatives de la victime et celles de la partie
publique427. Enfin, durant la Révolution, le code des délits et des peines du 3 brumaire An
IV distingue nettement l’action du ministère public et l’action civile. Il n’est plus question
de parler de vengeance privée. Le code d’instruction et le code de procédure pénale
héritent de cette conception révolutionnaire du droit pénal.
423
Pour aller plus loin. Sur l’histoire du droit pénal lié à la notion de victime V. en ce sens LAINGUI (A),
LEBIGRE (A), Histoire du droit pénal, volume 2, Tome 1, Paris, Cujas, 1979-1980 ; LAINGUI (A), Histoire
du droit pénal, Paris, Que sais-je, PUF, 2 ème, 1985 ; GARNOT (B), Les victimes pendant l’ancien régime
(XVIe - XVIIe - XVIIIe siècles), in association français pour l’histoire de la justice, La cour d’assise. Bilan
d’un héritage démocratique, Paris, La documentation française, Coll. d’histoire de la justice, 2011.
424
BONFILS (P), Partie civile, op. cit., p. 7.
425
LAINGUI (A), LEBIGRE (A), Histoire du droit pénal, ibid.
426
LAINGUI (A), LEBIGRE (A), Histoire du droit pénal, op. cit.
427
GARNOT (B), Les victimes pendant l’ancien régime (XVIe - XVIIe - XVIIIe siècles), in association
français pour l’histoire de la justice, La cour d’assise, ibid.
88
De façon très claire, l’histoire du droit pénal montre qu’il a évolué vers une pacification du
conflit auteur/victime, la constitution de partie civile apparaissant comme le compromis
idéal pour le système pénal : une victime présente mais non « pesante ». L’évolution
contemporaine vient déséquilibrer ce compromis. En même temps que les droits des
victimes se sont développés, ceux de la partie civile se sont affirmés.
106. Aspect contemporain. La constitution de partie civile redonne un caractère
vengeur aux aspirations de la victime428. Une vengeance, somme toute relative, étant donné
que la victime ne peut pas faire appel de la peine rendue par le tribunal. Dès 1913, les
juges ont essayé de circonscrire la constitution de partie civile aux incriminations d’intérêt
général429. A partir de là, les textes se succédent en faveur des victimes et en faveur des
parties civiles.
A titre d’exemple : la loi du 31 décembre 1957430 ouvre la constitution de partie civile aux
associations ; la loi du 18 décembre 1998431 crée les maisons de justice et du droit qui
concourent à la prévention de la délinquance et à l’aide aux victimes432 ; la loi du 15 juin
2000433 affirme cet élan législatif en faveur des victimes. Son intitulé ne fait aucun doute
sur son aspiration : « loi du 15 juin 2000 sur le renforcement de la présomption
d’innocence et les droits des victimes ».
Un important travail a été mené sur l’information aux victimes et leur accompagnement,
ainsi que sur l’aide aux victimes434 et l’accès aux droits. Malheureusement, dans le même
temps, peu de réflexions ont abouti à une nouvelle conception de la place de la victime : un
nouveau rapport au droit pénal où la victime pourrait être restaurée dans son statut de
citoyen, sans pour autant être actrice de l’audience pénale. Quant à la recherche
universitaire, les études menées jusqu’à présent sont fragmentaires 435. L’évolution entre
428
CARIO (R), Victimes d’infraction, in répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Paris, Dalloz, 2007.
429
PRADEL (J), VARINARD (A), Les grands arrêts de la procédure pénale, 5è éd., Cujas, 2006.
430
L. n° 57-1426 du 31 décembre 1957 portant institution du code de procédure pénale.
431
L. n° 98-1163 du 18 décembre 1998 relative à l’accès au droit et à la résolution amiable des conflits.
432
VERGES (E), Un corpus juris des droits des victimes : le droit euroépen entre synthèse et innovations, op.
cit., p. 121.
433
L. n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des
victimes.
434
V. infra n° 312 sur l’aide aux victimes, complément de l’aide juridique ; DESDEVISES (M.C), Les
associations d’aide aux victimes, RSC, 1985, p. 541.
435
V. par exemple : ALAPHILIPPE (F), L’option entre la voie civile et la voie pénale pour l’exercice de
l’action civile (contribution à la théorie de l’action civile), Thèse, Poitiers, 1972 ; MASSON (B), La
détermination de la partie lésée au sens de l’article 1 du code de procédure pénale, Thèse Rennes, 1975 ;
LEROY (J), La constitution de partie civile à des fins vindicatives. Défense et illustration de l’article 2 du
code de procédure pénale, Thèse, Paris XII, 1990 ; SAMBIAN (M), Le respect de l’égalité des armes à
89
réparation et restauration, une nouvelle appréhension de la victime en dehors du statut de
partie civile, représente une réflexion et une démarche inovente.
Le débat sur l'existence de la partie civile est dépassé et n’a que peu d’intérêt. Le but de
cette étude est de mettre en évidence les outils utiles pour que la victime puisse trouver sa
place dans le droit pénal, sans déséquilibrer le système actuel et en tenant compte de
l’évolution de la société et du droit. C’est en somme se diriger vers une nouvelle
considération de la victime d’infraction pénale436.
107. Les besoins des victimes se constituant partie civile. Pour comprendre l’intérêt
pour une victime de se constituer ou non partie civile, il convient d’analyser ses besoins.
En 1995, une étude très intéressante a été menée par Renée ZAUBERMAN et Philippe
ROBERT437. Elle démontre que les aspirations de la victime diffèrent d’une infraction à
l’autre. Par exemple, dans 73% des plaintes pour vol, les victimes désirent obtenir une
réparation pratique de la part de l’auteur. Dans 100% des plaintes pour des infractions
sexuelles, les victimes souhaitent que l’auteur soit sanctionné le plus sévèrement possible.
De ce fait, plus l’infraction monte en intensité, plus le caractère de la plainte s’apparente à
de la vengeance. Hormis ce grand écart que représente la réparation et la vengeance, la
victime interpelle le droit pénal pour la protection, la rétribution et la défense sociale438.
Par protection, il faut entendre la mise hors d’état de nuire du mis en cause. Concernant la
rétribution, il s’agit de rendre justice, et pour la défense sociale il s’agit d’un devoir de
citoyenneté. Mais au delà de ces aspirations de base, la victime peut finalement trouver ce
qu’elle veut à travers l’audience pénale. Cette dernière peut alors se concevoir comme «
une auberge espagnole » où l’on entre avec ce que l’on a et où l’on sort avec ce que l’on
l’égard de la victime dans le procès pénal, Thèse, Montpellier, I, 2000 ; BONFILS (P), La nature juridique de
l’action civile, Thèse, Aix-Marseille, 2000 ; DUPARC (C), Le rôle respectif du juge et des parties dans le
procès pénal, Thèse, Poitiers, 2002.
436
V. Deuxième partie, infra n° 268 et s.
437
ZAUBERMAN (R), ROBERT (P), Du côté des victimes, un autre regard sur la délinquance,
L’Harmattan, 1995. Les chiffres de cette étude sont notamment repris par Monsieur le professeur Philippe
BONFILS dans son article « Partie civile », op. cit.
438
CUSSON (M), Criminologie, 4e ed., Hachette, 2005.
90
veut439. Ainsi, le procès pénal peut s’apparenter à une thérapie, une expérience, une
catharsis.
Pour Philippe BONFILS440, le procès pénal présente pour la victime des avantages que le
procès civil n’offre pas. En revanche, et c’est à cette idée que le présent travail se rattache,
Valérie PAGNOUX441 démontre avec pertinence que la réparation de la victime n’est pas
uniquement financière ; elle peut être sociale et psychologique. De plus, elle ne se
recherche pas uniquement dans le prétoire pénal. Ainsi, il n’est plus possible de se
satisfaire de la pensée selon laquelle le procès civil n’est pas pragmatique pour la victime.
Il sera fait la démonstration au cours de cette thèse que droit civil et droit pénal peuvent se
compléter, pour offrir à la victime une réparation pratique et effective.
Désormais, avec la relativité du principe selon lequel le criminel tient le civil en l’état,
avec la rapidité de la procédure pénale qui n’est pas si évidente aujourd’hui, l’action
devant le juge pénal ne se justifie plus aussi judicieusement qu’avant. Pourtant, à contrario,
le droit pénal peut offrir des solutions pratiques à la victime sans qu’elle ait besoin de se
constituer partie civile : le sursis avec mise à l’épreuve442, la médiation pénale443, la
composition pénale444.
108. La partie civile : la position de la psychiatrie et de la psychologie. Les
professionnels psychologues ont une idée précise de la place et du rôle de la partie civile.
Leurs positions se complètent avec celle des juristes. Ainsi, Gérard LOPEZ, psychiatre,
pense qu’il faut respecter l’intimité de la victime445. Selon lui, les traumatismes des
victimes liés à l’infraction pénale ne peuvent pas faire partie de l’intime, puisqu’ils sont
exposés publiquement en audience pénale. Dans tous les cas, la procédure pénale est une
lourde épreuve pour elle. De ce fait, il faut qu’elle soit convenablement préparée et
accompagnée.
109. La partie civile : les positions favorables. Pour différents professionnels
travaillant avec les victimes, leur présence en tant que partie civile est bénéfique pour elles,
pour l'institution judiciaire et pour la société. Philippe BONFILS avance l’idée que la
439
Expression utilisée par Elie BARNAVI pour décrire les religions : BARNAVI (E), Les religions
meurtrières, Flammarion, 2007.
440
BONFILS (P), La nature juridique de l’action civile, op. cit.
441
PAGNOUX (V), La réparation des victimes d’infractions pénales, op. cit.
442
V. infra n° 368 et s.
443
V. infra n° 431 et s.
444
V. infra n° 352 et s.
445
LOPEZ (G), Les victimes et leurs droits dans le système judiciaire, Institut pour la justice, citoyens pour
l’équité, août 2009.
91
présence de la partie civile contribue à l’efficacité de la répression et peut apporter des
précisions sur les conditions dans lesquelles s’est déroulée l’infraction : cela est utile pour
le déroulement de l’instruction ou de l’audience446. De plus, selon lui, cette présence
permet de palier au manque de connaissance des faits délictueux par le Parquet.
La partie civile serait un facteur de socialisation pour l’auteur de l’infraction pénale447.
L’auteur serait plus à même de prendre conscience des faits commis et des conséquences
de ceux-ci sur la victime et la société. Toutefois, aucune étude ne permet d’étayer ces
arguments. En tout état de cause, le fort taux de récidive met à mal cette théorie448. Il existe
des modalités permettant d’associer l’auteur à la réparation de la victime : notamment le
sursis avec mise à l’épreuve449. Ces mesures dépendraient largement de la présence de la
victime en tant que partie civile.
En tout état de cause, il faut rappeler l’article préliminaire II du code de Procédure Pénale :
« l’autorité judiciaire veille à l’information et à la garantie des droits des victimes au cours
de toute procédure pénale ».
110. La partie civile : les positions hostiles. L’argument premier des personnes
hostiles à la constitution de partie civile réside dans son caractère vindicatif. Le deuxième
argument consiste à dire que la présence de la victime en tant que partie civile permet une
manipulation du juge pénal et du Parquet450. De ce fait, l’intérêt général est bafoué puisque
la victime devenue partie au procès peut présenter de faux arguments pour obtenir
satisfaction, sa parole manque alors d’objectivité. Cela se confirme d’autant plus au regard
de l’action des associations ou des groupements ayant des intérêts particuliers451. Le
troisième argument tient à l’action civile proprement dite. En effet, le juge doit statuer dans
le même temps d’un point de vue pénal mais également d’un point de vue civil. La partie
civile peut exposer à l’audience des pièces ou des arguments qui nécessitent une audience
446
BONFILS (P), Partie civile, op.cit. n° 8.
447
LARMAILLARD (P), L’indemnisation des victimes, moteur du reclassement social du probationnaire,
Rev. Pénit., 1970, p. 639 ; ANCEL (M), La défense sociale nouvelle devant le problème de la victime, RSC,
1978, p. 179.
448
CARRASCO (V), TIMBART (O), Les condamnés de 2007 en état de récidive ou de réitération, Infostat
Justice, n° 108, Septembre 2010 : « Parmi les 544845 personnes condamnées en 2007 pour délit, plus d’une
sur trois avait déjà été condamnées durant les 5 années précédentes avant de commettre les faits sanctionnés
en 2007 : 8% étaient en état de récidive légale, 26,7% en simple réitération sur cinq ans ».
449
V. infra n° 368 et s.
450
GUERY (C), Le juge d’instruction et le voleur de pommes : pour une réforme de la constitution de partie
civile, D. 2003, chron. 1575.
451
SALVAT (X), Recevabilité de la constitution de partie civile d’une association non habilitée pour agir en
défense d’un intérêt collectif, RSC, 2012, p. 858 ; LARGUIER (J), L’action publique menacée, D. 1958,
chron. 29 ; GUINCHARD (S), Les moralistes au prétoire, Mélanges Foyer, PUF, 1997.
92
exclusivement civile. Le jugement pénal est donc détourné de sa fonction première : la
sanction de l’auteur de l’infraction et la réhabilitation de la société452.
Un autre point de vue, d’ordre pratique, vient compléter ces arguments. Lorsque la victime
est convoquée à une audience pénale, elle reçoit un « avis à victime ». Ce document
explique les modalités pour se constituer partie civile. La victime estime être reconnue en
tant que telle et retient que le mis en cause est coupable avant même le jugement. Or, dans
cette relation auteur/victime il n’existe, finalement, que des présumés coupables et des
présumés victimes. De la même façon, dans le cas d’une comparution sur reconnaissance
préalable de culpabilité453, la victime convoquée à l’audience d’homologation peut se
rendre au tribunal sans certitude sur le sort qui sera réservé à sa demande. En effet, rien ne
certifie que le mis en cause acceptera la proposition du Parquet. A cela il faut ajouter
l’étude d’Ezzat FATTAH sur l’influence de la victime sur la décision pénale454 : les
travaux menés par les psychologues démontrent que les acteurs du procès pénal sont
influencés par les caractéristiques de la victime ; elle les influence de deux façons
différentes : la manière dont elle est perçue par les acteurs du système pénal, et sa conduite
en tant que partie civile.
111. Au fil des réformes. Jusqu’à présent l’étude menée a permis de faire le constat
suivant : la société actuelle vit dans une victimisation telle qu’elle est piègée dans un état
compassionnel. Le droit pénal apparaît alors comme le seul remède aux conséquences de
l’infraction pénale, au risque de déséquilibrer le système pénal dans son ensemble ; un
déséquilibre qui se justifie également dans la volonté, pour le législateur, de faire reposer
la répression pénale sur les épaules de la victime. Autrement dit, en considération de la
souffrance de la victime, certaines sanctions pénales se justifient.
Plusieurs réformes ont vu le jour puis ont échoué. Certaines ont avorté, la jurisprudence
faisant parfois preuve, par exemple, de légèreté dans la prise en compte des constitutions
de partie civile des associations. Avant de traiter du thème de la réparation, il nécessaire
d’examiner les réformes manquées (A), et les réforme avortées (B).
452
BONFILS (P), Partie civile, op. cit.
453
C. pr. pén. art. 495-7.
454
FATTAH (E), Victimologie : tendances récentes, criminologie, vol. XIII, n°1, 1980.
93
A) Des réformes manquées
455
L. n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et
le jugement des mineurs ; ROBERT (J), La bonne administration de la justice, AJDA, 1995 ; MAUGAIN
(G), La participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale, Droit pénal, Octobre 2011, étude
21.
456
MAUGAIN (G), La participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale, ibid.
457
C. pr. pén. art. 712-13 ; les citoyens sont également présents au sein des tribunaux pour enfants COJ art.
L. 251-4 et au sein des tribunaux des baux ruraux C. rur. pêche marit. art. L. 492-2.
458
C. pr. pén. art. 10-1.
459
WEBER (D), L’angoisse d’être juré, Gaz. Pal., 1992, pp. 493-494.
460
WEBER (D), L’angoisse d’être juré, ibid., p. 493.
94
intervention ? Comment le système pénal risquait-il de vivre ce changement ? Pourrait-il
composer entre une société victimaire et l’oeuvre de justice ?
113. L’esprit de la loi et la victime. S’agissant de la victime, implicitement à
l’origine de cette réforme, la loi se voulait être garante de ses droits. Le point le plus
marquant de la loi restait la volonté d’être plus strict dans l’aménagement des peines. Les
termes de Géraldine MAUGAIN a donné la direction de ce que voulait être la réforme : «
la loi fait preuve de plus de compassion à l’égard des victimes au moment de l’éventuel
aménagement de peines (…) Cette sévérité conforterait alors les condamnations et
témoignerait d’une certaine empathie vis-à-vis des victimes »461. Ainsi, serait introduits au
sein des juridictions d’application des peines deux citoyens assesseurs 462. La loi profitait
manifestement du sentiment d’hostilité de l’opinion publique vis à vis des libertés
conditionnelles et des aménagements de peine.
Concernant les infractions susceptibles d’être jugées par un collège de juges professionnels
et d’assesseurs citoyens, la loi les définissait clairement463. Ainsi, il s’agissait des délits
particulièrement graves, punis de cinq ans d’emprisonnement minimum : certaines
violences routières, les agressions et les atteintes sexuelles, les violences sur personnes
vulnérables, les violences avec circonstances aggravantes et ayant entrainé une incapacité
supérieure ou égale à huit jours ou une incapacité permanente. En revanche, si ces délits
étaient commis en bande organisée ou dans le même temps qu’un trafic de stupéfiants, il
ne pouvait y avoir de juges assesseurs.
Depuis le 1er janvier 2012, la disposition sur les citoyens assesseurs était appliquée de
façon expérimentale dans certains tribunaux avec une date butoir au 1er janvier 2014.
Mais, faute de bilan complet sur cette expérimentation, il a été mis fin à l’extension dans
les ressorts des Cours d’Appel d’Angers, Bordeaux, Colmar, Douai, Fort-de-France, Lyon,
Montpellier et Orléans. Les deux arrêtés des 16 février 2012 et 2 mai 2012, arrêtés qui
avaient prévus cette extension, étaient abrogés par un arrêté du 13 juin 2012464. Enfin, le
18 mars 2013, Christiane TAUBIRA, Garde des Sceaux, a définitivement mis fin sur tout
le territoire de cette expirémentation lancée durant le quinquennat de Nicolas SARKOZY.
461
MAUGAIN (G), La participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale, op. cit., étude 21.
462
C. pr. pén. art. 712-3, 720-4-1 et 730-1 nouveaux.
463
http://www.textes.justice.gouv.fr/dossiers-thématiques-10083/loi-du-100811-citoyens-assesseurs-et-
mineurs-12314/delits-devant-etre-juges-par-les-citoyens-assesseurs-22940.html
464
JO 23 juin 2012 ; AJ Pén. Juillet-Août 2012, p. 370.
95
Elise MALLEIN465 a recueilli les propos d’un citoyen assesseur en 2012. Sur la formation
en droit, celui-ci dit avoir eu un module de formation sur l’intention de nuire. Pour le reste
il s’est reposé sur son entourage dont certains, avaient suivi un cursus en droit. La personne
avouait mieux connaître la justice et son rôle de citoyen. Il en ressort également que le
nombre de peines d’emprisonnement ferme n’avait pas changé, mais que le sursis avec
mise à l’épreuve était plus souvent prononcé.
114. Hypothèses concernant l’impact de la loi sur l’équilibre du procès pénal. Sans
nul doute, la partie civile ou l’avocat de la partie civile qui aurait pris conscience de
l’importance de la compassion et de la force de la victimisation aurait été à même de peser
sur les délibérés. En d’autres termes, des citoyens conditionnés par les médias et les
surenchères politiques auraient pu très facilement succomber au discours de la partie civile
en omettant leurs fonctions premières : juger, sanctionner, réhabiliter. Il est clair que la
réforme sur la participation des citoyens à la justice pénale faisait peser un danger de plus
sur l'équilibre du système pénal. D’autres évolutions, d’ordre jurisprudentielle cette fois,
ont dénaturé, une fois de plus, ce rapport. Il s’agit de la constitution de partie civile des
associations.
115. Une contradiction de la jurisprudence habituelle : l’arrêt du 9 novembre
2010466. La loi permet aux associations déclarées et publiées de se constituer parties civiles
pour la défense d’intérêts généraux à condition que cela soit prévu dans leurs statuts467.
Cette action doit reposer sur un préjudice directement en lien avec l’infraction. Depuis
plusieurs années la chambre criminelle juge que « les associations ne peuvent exercer
l’action civile en cas d’infraction contre la fin qu’elles défendent, aucun préjudice ne
pouvant résulter pour elles de l’infraction subie »468.
L’arrêt du 9 novembre 2010 vient remettre en cause ces principes 469. La chambre
criminelle a donc décidé qu’une association, ne bénéficiant d’aucune habilitation
législative pour exercer l’action civile en justice, peut néanmoins se constituer partie civile
465
MALLEIN (E), Un citoyen assesseur nous raconte..., AJ Pén. 2012, p. 59.
466
Crim. 9 nov. 2010, n° 09-88.272, D. 2010, p. 2707, obs. LAVRIC (S) ; Gaz. Pal. 2010, 12, obs. ROETS
(D).
467
C. pr. pén. art. 2-1 et s. ; Crim. 23 janv. 1992, Bull. crim. n° 24.
468
Crim., 18 oct. 1913, S. 1920, I, p. 321 ; Gaz. Pal. 1913, p. 613 ; Crim., 27 mai 1975, Bull. crim. n° 404 ;
crim. 6 mars 1990, Bull. crim. n° 104.
469
SALVAT (X), Recevabilité de la constitution de partie civile d’une association non habilitée pour agir en
défense d’un intérêt collectif, RSC, 2012, p. 858.
96
pour défendre un intérêt collectif. Elle retient ainsi « la spécificité du but et de l’objet de sa
mission »470.
Pour Xavier SALVAT, avocat général à la Cour de Cassation, il existe une crainte que cet
arrêt ouvre la voie à l’exercice de l’action civile à toute association ayant comme objet la
défense d’un intérêt collectif471. Le préjudice pouvant alors naître à l’occasion de
l’organisation d’un colloque, ou lors de la publication d’un bulletin d’information.
La constitution de partie civile est toujours un sujet de discussion, l’action est très
critiquable car tellement loin de ce que doit apporter un jugement pénal. En règle générale,
l’association se constituant partie civile fait une demande de dommages et intérêts lui
permettant de financer ses actions. Loin d’une volonté de réhabilitation, la constitution de
partie civile de l’association est, dans la plupart des cas, une véritable action vindicative
portée, par des victimes ayant vécu elles-mêmes ce type d’infractions lorsque ces
associations sont des associations de victimes.
116. Des réformes et des évolutions opaques. Les réformes et l’évolution
jurisprudentielle présentées compliquent un peu plus le travail des professionnels du droit
pénal. Elles compliquent également le travail pédagogique pour expliquer la place de
chacun dans une société qui n’est pas forcément construite autour de conflits
interpersonnels. Le cadre de cette étude laisse à entrevoir une justice plus soucieuse de la
réhabilitation de chacun en dehors du prétoire pénal. Il faut rappeler que plusieurs théories
conduisent à trouver des alternatives au procès pénal472. Une justice pénale plus
pragmatique, qui répond ainsi aux attentes de la victime473. Mais cela ne peut pas se faire
dans les conditions actuelles, où la partie civile dispose d’une place aussi importante.
117. La réforme de la procédure pénale. Comme bien souvent ces dernières années,
les réformes criminelles trouvent toujours leur origine dans une affaire où la victime a
470
Crim. 9 nov. 2010, ibid.
471
SALVAT (X), Recevabilité de la constitution de partie civile d’une association non habilité pour agir en
défense d’un intérêt collectif, ibid.
472
DE GRAEVE (L), Essai sur le concept du droit de punir en droit interne, Thèse, Université Lyon III,
2006.
473
GIUDICELLI-DELEAGE (G), LAZERGES (C), La victime sur la scène pénale en Europe, PUF, coll. Les
voies du droit, 2008, pp. 228-246.
97
suscité l’émotion. C’est ainsi que certaines idées sont fort heureusement restées à l’état
embryonnaire. Il n’est pourtant pas certain qu’elles ne puissent pas réapparaitre au gré des
diverses échéances politiques.
Par exemple en mars 2010, le Garde des Sceaux de l’époque, Michelle ALLIOT MARIE, a
pu déclarer : « La défense et les parties civiles pourront désormais contester à chaque étape
de l’enquête les décisions du Parquet »474. Ceci aurait pu se faire en saisissant un nouveau
juge : le juge de l’enquête et des libertés, la partie civile se nommant alors partie citoyenne.
Avec cette réforme, Michelle ALLIOT MARIE voulait donner une dimension citoyenne à
cette nouvelle procédure : « en l’absence de victime directe, toute personne pourra
demander au Parquet de mener une enquête »475. Il faut noter que cette dimension
citoyenne était, néanmoins, à l’origine de la présence des assesseurs devant le tribunal
correctionnel476.
Robert CARIO a dit à l’occasion de cette réforme et du travail du comité LEGER 477 en
général que « la distance qu’il y a des lois aux pratiques, rarement à l’avantage des
intéressés et/ou de leurs proches, est très concrètement observable dans la procédure pénale
positive, aggravée par les dérives actuelles des politiques criminelles sécuritaires »478.
118. La réforme de la prescription. La réforme entreprise par Michelle ALLIOT
MARIE a également été l’occasion de mener une réflexion sur le délai de prescription 479. Il
fallait que la prescription démarre non pas au moment de la découverte des faits
délictueux, mais à la commission de ces faits. Pour les victimes il s’agissait de profiter
d’un délai plus long pour actionner la justice.
En 2007, Robert CARIO avait judicieusement anticipé cette question de prescription et il
en donnait une justification victimologique : « La prescription constitue, ensuite, une
mesure pertinente du point de vue victimologique. En ce sens, dans l’intérêt psychologique
et social même des victimes et/ou de leurs proches, il importe de les (ré) humaniser au plus
près des faits reportés ou plus tardivement au moment où les aptitudes des victimes leur
474
ALLIOT-MARIE (M), pour une refondation de la procédure pénale, AJ Pén. mars 2010, p. 158.
475
ALLIOT-MARIE (M), pour une refondation de la procédure pénale, ibid., p. 158.
476
V. supra n° 112 et s.
477
Le comité LEGER a été missioné le 14 octobre 2009 à la demande de Nicolas SARKOZY. C’est ce
comité qui avait la tâche de proposer une réforme judiciaire. Il a ainsi, entre autre, fait des propositions
concernant la protection des droits des victimes.
478
CARIO (R), De la victime oubliée... à la victime sacralisée ?, AJ Pén. 2009, p. 41.
479
ALLIOT-MARIE (M), pour une refondation de la procédure pénale, op. cit.,
98
480
permettent de les révéler » . Pour beaucoup de critiques, la réforme liée au délai de
prescription ne visait pas au bien être des victimes mais au classement des infractions dites
« en col blanc » comme l’abus de biens sociaux481.
119. Conclusion du Titre premier. Cette première partie a permis de démontrer
qu’il existait deux statuts distincts au sein de la procédure pénale : la victime et la partie
civile. La victime n’a jamais été oubliée dans l’évolution du système pénal, c’est
l’évolution de la société démocratique qui est à l’origine de la sacralisation de la victime
par la médiatisation de la compassion. Une formule du doyen CARBONNIER vient asseoir
cet état de fait : les victimes sont passées « de sujets passifs du délit en agents martiaux de
la répression »482. La souffrance se démocratise et devient un élément de reconnaissance.
L’évolution des droits, bénéficiant aux victimes, leur permet d’être informées et
accompagnées tout au long de la procédure. Elles ne restent pas figées dans un statut de
victime et dans une procédure pénale ; les réformes successives ont pris en compte les
besoins pratiques de la victime. Par exemple, lors des confrontations, elle peut être
accompagnée par un avocat dans les mêmes conditions que le mis en cause. La dichotomie
entre droit pénal et droit civil est désormais toute relative, permettant à la victime de
pouvoir dissocier la réparation liée à la peine infligée à l’auteur et la réparation liée au
préjudice subi. La constitution de partie civile n’est plus la norme pour que la victime
puisse obtenir satisfaction. L’évolution jurisprudentielle, notamment celle de la Cour
Européenne des Droits de l’Homme, rejette de façon implicite le modèle français de la
participation de la victime au procès pénal, dont le seul but serait de faire condamner
l’auteur des faits à une peine. Le procès pénal n’est pas une thérapie : « il est insusceptible
d’apporter à la victime et/ou à ses proches les soins psychologiques, l’accompagnement
social dont elle peut avoir besoin »483.
Malheureusement les dernières réformes, comme la présence des citoyens dans les
tribunaux correctionnels, montrent que les constats ci-dessus n’ont aucun impact sur la
politique criminelle actuelle. Certaines réformes ont avorté mais il est possible de penser
qu’elles puissent être reprises par un autre gouvernenement au gré de l’actualité.
En résumé, il a été démontré le décalage entre l’idéal victimaire et la réalité. La confusion
est flagrante entre victime, partie civile, sujet de droit, peine, réparation civile. L’audience
480
CARIO (R), La prescription de l’action publique. Au-delà du victimaire et du sécuritaire : le souci de la
restauration des personnes, D. 2007, p. 178.
481
ALLIOT-MARIE (M), pour une refondation de la procédure pénale, ibid.
482
CARBONNIER (J), Droit et passion du droit sous la Ve République, Flammarion, 1997, p. 147.
483
ZAGURY (D), La justice est-elle thérapeutique ?, in justice, 2006, pp. 30-33.
99
pénale est également en décalage avec les aspirations actuelles des victimes. Il faut
rappeler que le but de cette étude n’est pas d’éradiquer la partie civile de la scène pénale,
mais de réfléchir aux opportunités offertes pour en limiter ses effets. Avant d’entrevoir ces
opportunités, il a fallu démontrer la relativité de la constitution de partie civile, et ses
dangers dans un système pénal en souffrance ; cela est chose faite. Il est donc désormais
évident que la réparation de la victime repose sur une approche du droit pénal qui paraît
être dépassée.
La future intégration de la directive européenne du 25 octobre 2012 en droit interne484
confirme l’idée qu’il faille réfléchir à une approche différente de la notion de victime.
Etienne VERGES rappelle que les textes du droit européen « imposent des transformations
du droit interne et plus généralement un changement de perspective »485.
L’article 82 § 2 du traité sur le fonctionnement de l’union européenne dispose que « la
coopération judiciaire en matière pénale dans l'Union est fondée sur le principe de recon-
naissance mutuelle des jugements et décisions judiciaires et inclut le rapprochement des
dispositions législatives et réglementaires des États membres dans les domaines visés au
paragraphe 2 et à l'article 83 »486. Autrement dit, il existe une coopération judiciaire en
matière pénale entre les états membres de l’union européenne.
Sur cette base, la directive 2012/29/UE du 25 octobre 2012 a été adoptée. Ce texte prévoit
l’intégration en droit interne de diverses dispositions concernant les droits des victimes.
Au-delà d’imposer des normes aux Etats membres, ce texte se veut être une synthèse des
droits des victimes et un outil pédagogique pour les juristes 487. La directive concerne le
droit à l’information, le droit d’accéder aux services d’aide aux victimes, les droits
procéduraux, le droit à la protection et le droit à une justice réparatrice.
Etienne VERGES constate que le développement important des droits des victimes en
France a pour conséquence une transposition marginale de la directive du 25 octobre
2012488. L’innovation majeure serait alors d’intégrer les mesures de protection et les
dispositions concernant la justice réparatrice.
Pour ce qui est du droit à la protection, la directive du 25 octobre 2012 prévoit de
« protéger la victime et les membres de sa famille d’une victimisation secondaire et
répétée, d’intimidation et de représailles, y compris contre le risque d’un préjudice
484
Directive 2012/29/UE du parlement européen et du conseil du 25 octobre 2012, op. cit.
485
VERGES (E), op. cit., p 121.
486
Version consolidée du traité sur le fonctionnement de l’union européenne du 30 mars 2009.
487
VERGES (E), op. cit.
488
VERGES (E), Ibid., p. 135.
100
émotionnel ou psychologique »489. La protection de la victime se caractérise également par
le respect de sa dignité durant son audition et son témoignage490 et de sa vie privée491.
Concernant la justice réparatrice, sans trop anticiper sur la suite de cette étude, la directive
du 25 octobre 2012 la définit comme « tout processus permettant à la victime et l’auteur
de l’infraction de participer activement, s’ils y consentent librement, à la solution des
difficultés résultant de l’infraction pénale, avec l’aide d’un tiers indépendant »492. La
justice réparatrice, appelée également justice restaurative, est un chantier que la France
devra ouvrir pour se mettre en conformité avec la directive sus visée493.
Robert CARIO rappelle que l’inflation pénale produit un dysfonctionnement494 : preuves
en sont les dernières réformes, manquées ou avortées495. Le législateur a conscience qu’il
faille projeter la notion même de victime dans un nouveau paradigme. Mais leurs
ambitions se font rattraper par les travers d’une politique victimaire bien ancrée. Ainsi,
lorsque le législateur introduit le terme citoyen pour parler de la victime, ce n’est que pour
asseoir un peu plus l’idée d’une victime toute puissante496.
Comment prendre en compte les besoins de la victime sans la fondre dans un statut
particulier ? Comment ne pas basculer sur des procédures utopiques et impossibles à
mettre en place ? Existe-t-il dans le droit positif des dispositions permettant de faire oeuvre
de justice ? Existe t-il une autre appréhension de la victime d’infraction pénale ? Avant de
répondre à ces questions dans la deuxième partie de cette étude, il faut obligatoirement
traiter du thème de la réparation ; une réparation qui pourrait être un élément central dans
les raisons qui poussent les victimes à être présente sur la scène pénale. Dans l’affirmative,
cela voudrait dire que le concept de réparation devrait être dépassé au profit du concept de
restauration. Ce travail de recherche sera en mesure de le démontrer.
489
Directive 2012/29/UE art. 18.
490
Directive 2012/29/UE art. 19.
491
Directive 2012/29/UE art. 21.
492
Directive 2012/29/UE préambule (46).
493
VERGES (E), Ibid. ; pour l’étude de la justice restaurative V. infra n° 382 et s.
494
CARIO (R), SALAS (D), Œuvre de justice et victimes, Vol. 1, Coll. Sciences Criminelles, L’Harmattan,
2001, p. 4.
495
V. notamment sur ce point : BONFILS (P), Faut-il changer notre précédure pénale ?, D. 2010, p. 158 ;
BOULOC (B), Que penserdes propositions du « comité Léger » ?, D. 2009, p. 2264 ; CUTAJAR (C),
PERDRIEL-VAISSIERE (M), Réforme de la procédure pénale : l’action citoyenne, nouvel outil de lutte
contre la corruption transnationale ?, D. 2010, p. 1295.
496
CUTAJAR (C), PERDIEL-VAISSIERE (M), Ibid., p. 1295 : « L’action citoyenne permet en effet de
mettre en mouvement l’action pénale. Elle appartient à toute personne physique ou morale qui s’est vu
reconnaître la qualité de partie citoyenne (…) ».
101
TITRE DEUXIEME. Victime et réparation
120. Définition de la réparation. Réparer signifie remettre en état. L’utilisation d’un
tel terme peut sembler inapproprié lorsqu’il se rapporte à la victime : comment un être
humain peut-il être réparé comme serait réparée une automobile ou un quelconque objet ?
Le droit pénal positif s'accommode du terme « réparation ». Il convient d’en prendre acte,
mais aussi d’en donner une définition précise. La réparation est intemporelle497 : elle peut
remettre en état ce qui a été abimé par l’infraction pénale498 ; elle peut être tournée vers
l’avenir, par le deuil de ce qui a été perdu. « Toute réparation est prise entre la nostalgie de
l’intégrité et l’acceptation du désastre comme incitation à une nouvelle création »499. Si en
matière civile la réparation ne pose pas de problème puisque le procès civil ne traite que de
la faute et de la réparation, en revanche, pour le droit pénal le problème est autre. Le
procès pénal doit s'accommoder des acceptions de la justice pénale : l’une tournée vers la
sanction liée à un désordre social ; l’autre vers la réparation du préjudice de la victime
d’infraction pénale. Pour Nathalie PAGNOUX « il est impossible d’affirmer que la
conception pénale de la réparation est reconnue par les systèmes juridiques » 500.
La présente étude s’oriente plutôt vers une restauration de la victime : une expression qui
est plus proche de la réalité. En effet, la restauration induit plutôt l’idée d’un
rétablissement, la transition d’un état à un autre. La réparation, dans le contexte juridique
et social actuel, peut être source de victimation secondaire.
Le préjudice constitue le point de départ du droit à la réparation. En droit, les termes
« indemniser » et « réparer » sont synonymes : « la réparation de celui qui a subi un
préjudice est principalement l’indemnisation »501. Néanmoins, comme l’enseigne Christine
LAZERGES502 : pour les pénalistes, les préjudices de la victime d’infractions pénales ne se
compensent pas exclusivement par l’indemnisation. La restauration de la victime devrait
497
PIGNOUX (N), La réparation des victimes d’infractions pénales, op. cit., p. 20.
498
Il s’agit de « replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne
s’était pas produit », Crim. 12 avril 1994, Bull. crim. n° 146.
499
LAPLANCHE (J), Réparation et rétribution : une perspective psychanalytique, Archives de philosophie
du droit, Tome 28, Philosophie pénale, 1983, pp. 109-121.
500
PIGNOUX (N), op. cit., p. 22.
501
LAZERGES (C), L’indemnisation n’est pas la réparation, in GIUDICELLI-DELAGE (G), LAZERGES
(C), La victime sur la scène pénale en Europe, PUF, 2008, p. 229.
502
LAZERGES (C), L’indemnisation n’est pas la réparation, ibid.
102
aller bien au-delà : la présente étude pourrait alors permettre de le démontrer. La
restauration serait alors à la victime ce que la réinsertion est au délinquant : un enjeu du
système pénal.
Pour l’instant il faut se poser la question de la réparation globale. Dans quelle mesure la
victime peut-elle obtenir satisfaction à la fois socialement, psychologiquement et
juridiquement ? Les composantes de la réparation peuvent-elles se trouver à un même
moment, à un même endroit ?
121. La réparation, une donnée historique503. Il faut rappeler ici que la genèse de la
relation entre la victime et le droit pénal est la vengeance privée. Ce fut tout d’abord la loi
du Talion, puis le rachat de la vengeance privée par la compensation financière. Très vite
cette compensation financière sera scindée en deux : une partie pour la victime (partie
privée) et une partie pour le roi (pour le dommage causé à la paix publique). En 1670,
apparaît la notion de partie civile et d’action civile504. Le caractère civil du procès pénal
concernant la victime est désormais acté dans une ordonnance criminelle. La victime n’est
alors plus « l’envers du crime »505, elle est partie prenante de son destin pénal.
122. Une réparation source d’insatisfaction. Les dimensions de la réparation ne sont
pas reconnues et sont sujets d’insatisfaction506. Cette insatisfaction trouve sa source dans
un système pénal qui, en partie, n’est pas fait pour les victimes : « quand les poursuites ont
lieu, les victimes ne sont pas toujours convoquées, notamment en cas de citation directe ou
de comparution immédiate »507. La célérité de la procédure pénale, le traitement des
affaires dans un délai raisonnable, ne convient pas au temps que prend la réparation de la
victime. Une réparation qui est avant tout l’aboutissement d’un processus : prise de
conscience de son état de victime, de sa place de victime, apprentissage du fonctionnement
de la justice, aspect psychologique du traumatisme, prise en compte sociale des
conséquences de l’infraction. Pour la victime, aujourd’hui, « le système de justice pénale
503
Pour aller plus loin. LAINGUI (A), LEBIGRE (A), Histoire du droit pénal, Tome II. La procédure
criminelle, Ed. Cujas, 1979 ; ALLINNE (J.P), Les victimes : des oubliées de l’histoire du droit ?, in CARIO
(R), SALAS (D), Oeuvre de justice, Vol. 1, L’Harmattan, coll. Sciences criminelles, 1997 ; GARNOT (R),
Les victimes, des oubliées de l’histoire ?, PU Rennes, Coll. Histoire, 2000 ; CARBASSE (J.M), Histoire du
droit pénal et de la justice criminelle, PUF, Coll. Droit fondamental, 2006.
504
BONFILS (P), La nature juridique de l’action civile, Revue Internationale de Droit Comparé, Vol. 53,
2001, n°2.
505
BARIL (M), L’envers du crime, Centre International de Criminologie Comparée, Multigraph., Montréal,
1984, Coll. Cahiers de Recherches Criminologiques, p. 271.
506
PIGNOUX (N), op. cit.
507
CARIO (R), SALAS (D), Œuvre de justice et victimes, op. cit., p. 4.
103
est actuellement condamné à répondre, tout azimut et souvent dans la précipitation, aux
demandes, pas toujours fondées en fait comme en droit, des victimes »508.
123. La réparation : mode de transition entre partie civile et sujet de droit. La
réparation en matière pénale représente le volet civil du procès pénal. Il existe une
réparation au moment du procès pénal, parce que ce même procès revêt un caractère civil
lorsqu’il s’agit de prendre en considération les demandes d’indemnisation de la partie
civile509. Cette thèse n’est pas l’occasion de traiter des barèmes et des modes de calcul en
matière d’indemnisation. Il faut s’attacher ici, à expliquer et comprendre comment se
déroule le processus de réparation en matière pénale, pour pouvoir en formuler une
critique. Cela pourrait permettre de comprendre les limites de la constitution de partie
civile dans le processus de réparation de la victime.
Pour que la réparation soit la plus effective possible, il faut qu’elle englobe tous les besoins
de la victime : une réparation liée aux dimensions pécuniaire, à la peine infligée à l’auteur,
à l’accompagnement social et psychologique. Aujourd’hui, il existe une tendance à
dissocier ce qui peut être réparé explicitement, de ce qui peut l’être implicitement ; de ce
qui peut être réparé de façon pratique par le versement d’une somme d’argent, de ce qui
peut l’être de façon abstraite par ce qui entoure l’infraction pénale en elle même. Selon la
qualité de la victime, il existe une dimension réparatrice différente : en tant que partie
civile il existe une réparation partielle (Chapitre premier), et en tant que sujet de droit il
existe une réparation étendue (Chapitre deuxième).
508
CARIO (R), SALAS (D), Œuvre de justice et victimes, ibid., p. 17.
509
PIGNOUX (N), op. cit., p 199 ; D’HAUTEVILLE (A), Le nouveau droit des victimes, R.I.C.P.T.S., 1984,
n° 4, pp. 437-463.
104
Donne-t-il toutes les garanties pour que la victime s’étant constituée partie civile puisse
obtenir satisfaction ?
Aujourd’hui les victimes accordent une grande importance à l’indemnisation. Il est courant
de les entendre dire : « combien puis-je espérer gagner ? ». Il faut alors constamment
expliquer que l’indemnisation est un maillon dans la chaine de restauration de la victime.
La réparation financière n’est qu’une composante du processus de restauration : elle n’est
pas à elle seule la restauration.
125. Indemnisation des victimes d’infractions pénales : une législation en
place. Pourquoi parler plus particulièrement d’indemnisation des victimes d’infractions
pénales ? La spécifité du fait dommageable, c’est à dire la commission d’une infraction
pénale, donne une spécificité au processus de réparation. Dans le cadre exclusif d’une
infraction pénale, la victime peut se constituer partie civile. Ce mode d’indemnisation se
distingue de la réparation des victimes d’accidents de la circulation510 et de la réparation du
dommage en droit commun. Il faut néanmoins garder à l’esprit que la frontière entre ces
différents modes de réparation est poreuse. Ainsi, par exemple, dans le cadre d’un accident
de la circulation, le délit de fuite511 donne l’opportunité à la victime de porter son préjudice
dans le prétoire pénal.
Les textes organisant la réparation financière de la victime en matière pénale sont
nombreux512. Désormais, tout a un prix513, tout s’évalue : de la perte d’une chance à la
douleur. Il a fallu prévoir des procédures pour anticiper les demandes et pour y répondre le
plus rapidement possible. Il nécessaire d’être réaliste et raisonnable, cette réparation offerte
par le système pénal est une indemnisation pécuniaire satisfactoire. Autrement dit, la
victime est reconnue dans sa diginité d’être humain et sa souffrance est respectée514.
126. Une évolution historique. Sur la scène européenne, le Conseil de l’Europe a
reconnu la réparation de la victime par la résolution du 14 mars 1975515. Ce texte se
510
Loi n°85-677 du 5 juillet 1985, loi dite Badinter tendant à l’amélioration de la situation des victimes
d’accidents de la circulation et l’accélération des procédures d’indemnisation.
511
C. pén. Art. 434-10 ; C. route art. L. 231-1.
512
Par exemple : C. pr. pén. art. 706-3 et s. ; C. pr. pén. art. R.50-12-1 et s.
513
SALAS (D), L’équité ou la part maudite du jugement, Justices, n°9, janvier/mars 1998.
514
LAMBERT-FAIVRE (Y), Droit du dommage corporel, Systèmes d’indemnisation, 4ème éd., n°90, Dalloz,
2000.
515
TUNC (A), La réparation des dommages corporels ; une résolution du Comité des Ministres du Conseil de
l’Europe, Revue internationale de droit comparé, vol. 27, n°4, Octobre-décembre 1975, pp. 911-913 ;
LAMBERT-FAIVRE (Y), l’indemnisation des victimes de préjudices non économiques, Les cahiers du droit,
vol. 39, n°2-3, 1998, pp. 537-569.
105
rapporte à la réparation des victimes d’infraction en cas de décès et de lésion corporelle. A
partir de ce texte, les législations européennes doivent se mettre en conformité et
considérer la réparation comme une « équité pour le citoyen innocent »516. La France a
donc suivi l’impulsion du Conseil de l’Europe par la loi du 3 janvier 1977517. Elle donne
l’opportunité aux victimes d’une infraction de pouvoir obtenir une réparation dans le cas
d’une carence de l’auteur des faits. Cette réparation est réservée aux dommages corporels
graves faisant l’objet d’une ITT518 supérieure à un mois, ou d’une incapactié permanente.
Il est à noter que cette loi est à l’origine de la création des commissions d’indemnisation
des victimes.
Le Conseil de l’Europe va impulser une dynamique dans la mise en place d’une réparation
effective pour les victimes, et pas seulement celles qui auraient subi un préjudice grave. Il
constate le manque d’harmonie entre les différentes législations nationales et le manque de
responsabilité des Etats en cas de carence des auteurs de l’infraction. C’est ainsi que la
résolution du 28 septembre 1977 formule des principes forts : l’Etat doit prendre en charge
l’indemnisation de toute personne ayant subi de graves lésions corporelles résultant d’une
infraction et de tous ceux qui étaient à la charge de la personne tuée lors de l’infraction519.
La France a su adapter fidèlement cette norme en droit interne. Ainsi, la loi du 2 février
1981520 élargit la possibilité pour les victimes d’être indemnisées lorsque l’infraction
concerne le vol, l’escroquerie et l’abus de confiance. Une condition demeure néanmoins :
la situation matérielle grave de la victime521. La loi du 8 juillet 1983522, quant à elle, crée la
commission d’indemnisation des victimes d’infractions. Instituée dans chaque ressort du
tribunal de grande instance, elle statue sur les dommages alloués à la victime lorsque
l’auteur est défaillant ou inconnu523.
516
AUDET (J), KATZ (J.F), Précis de victimologie générale, DUNOD, 1999, p. 449.
517
Loi n°77-5 du 3 janvier 1977 garantissant l’indemnisation de certaines victimes de dommages corporels
résultant d’une infraction.
518
Incapacité Totale de Travail : permet de définir la gravité d’une infraction pénale.
519
Résolution (77) 27 sur le dédommagement des victimes d’infractons pénales, adoptée le 28 septembre
1977 ; LAZERGES (C), L’indemnisation n’est pas la réparation, op. cit., pp. 228-246.
520
L. n° 81-82 du 2 février 1981 renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes.
521
C. pr. pén. Art. 706-14.
522
L. n° 83-608 renforçant la protection des victimes d’infraction.
523
C. pr. pén. Art. 706-4.
106
Sur la scène européenne, de 1983 à 1985524, le Conseil de l’Europe pousse plus loin la
réflexion sur une indemnisation effective des victimes d’infractions pénales. Ainsi en
France la loi du 5 juillet 1985525 dite loi BADINTER a, d’une façon très innovante,
accéléré les procédures d’indemnisation en matière d’accident de la circulation526 ; la loi
du 6 juillet 1990527 crée un régime d’indemnisation autonome de la victime d’infraction
pénale devant la CIVI ; la loi du 1er juillet 2008528 met en place le service d’aide au
recouvrement des victimes d’infractions dit SARVI. Ce service s’adresse aux victimes
d’infractions pénales qui ont subi de légers préjudices.
Ce bref rappel historique interroge sur différents points : ces changements n’ont ils pas été
trop rapides ? Le droit français a t-il pu s’accommoder des résolutions européennes ?
Existe t-il une disparité entre théorie et pratique ?
C’est à ces questions diverses qu’il faut répondre. Ainsi, il est utile de différencier la
réparation achevée hypothétique (Section 1) de la réparation inachevée effective (Section
2).
524
Principalement. Convention européenne du 24 novembre 1983 relative au dédommagement d’infractions
violentes ; Recommandation n° R (85) 11 du 28 juin 1985 sur la position de la victime dans le cadre du droit
pénal et de la procédure pénale ; Résolution européenne du 29 novembre 1985 : déclaration des principes
fondamentaux de justice relatifs aux victimes de criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir.
Pour aller plus loin. AUDET (J), KATZ (J.F), Précis de victimologie générale, DUNOD, 1999, pp. 450-451.
525
L. n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la
circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation.
526
Il s’agit d’une impérieuse réforme qui procède à une dépénalisation de la réparation patrimoniale de la
victime. A notre sens, il s’agit d’une position visionnaire de la part de Robert BADINTER.
527
L. n° 90-589 du 6 juillet 1990 modifiant le code de procédure pénale et le code des assurances et relative
aux victimes d'infractions.
528
L. n° 2008-644 du 1er juillet 2008 créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l'exécution
des peines.
529
AUDET (J), KATZ (J.F), op. cit., p. 452.
107
différente de celle qui peut être rencontrée en matière du droit du travail ou du droit
militaire. En effet, dans le cadre de ces deux droits, la réparation est forfaitaire. Lorsque le
droit positif évoque l’idée d’une réparation intégrale, il s’agit d’une réparation prenant en
considération les préjudices matériels et les préjudices moraux. Il ne s’agit pas du
processus de restauration.
La restauration de la victime va bien au-delà de la simple indemnisation pécuniaire
correspondant au préjudice matériel ou moral. Elle prend en considération les besoins de la
victime directement liée à l’infraction pénale, au préjudice subi. Cela passe par l’accès au
droit, l’aide juridictionnelle, la promotion de procédures alternatives aux poursuites, le
suivi social, le suivi psychologique, l’aide au recouvrement des dommages et intérêts. En
l’état du droit, de la mentalité de la société, le système pénal prend-il en compte tous les
aspects de la réparation de la victime d’infraction pénale ? Existe t-il une réparation
globale ? Dans la négative, faut-il rechercher cette réparation globale ailleurs ? Cette
réparation globale n’est-elle pas en fin de compte une restauration de la victime, une
nouvelle approche de la notion de victime ?
128. Différentes phases de la réparation. Pour répondre à certaines exigences en
termes de temps et d’efficacité, le législateur a adapté la démarche des victimes suivant le
moment où est formulée la demande de dommages et intérêts. Comme analysé
précédemment, pour que la victime puisse tirer pleinement profit de la réparation devant la
juridiction pénale, cette réparation doit répondre à certaines exigences. En effet, « les frais
occasionnés par l’acte répréhensible doivent être engagés immédiatement, que le
dommage soit corporel ou matériel »530. Il existe une exigence quant au moment de la
réparation : il doit être le plus proche possible de l’acte délictuel. En pratique, bien que les
affaires pénales doivent être traitées dans un délai raisonnable, il est très difficile pour la
victime d’être satisfaite de la célérité de la justice et des services judiciaires.
Pour tenter de pallier ces difficultés, le législateur a donné l’opportunité à la victime de
scinder ses demandes suivant la phase procédurale. Il a été vu que les victimes pouvaient
formuler une demande de dommages et intérêts au stade du dépôt de plainte. De la même
façon, cette demande peut intervenir au moment de l’instruction, dans le cas où une
information judiciaire est ouverte. Le juge d’instruction est également garant de la
préservation des droits de la victime dans l’obtention de son indemnisation future : c’est à
dire au moment du jugement pénal. C’est dans cet état d’esprit qu’il convient d’analyser la
530
PIGNOUX (N), op. cit., p. 197.
108
réparation durant le contrôle judiciaire (§1), et durant l’information judiciaire elle-même
(§2).
531
V. supra n° 74.
532
C. pr. pén. Art. 85 et s. ; V. supra n° 55 et s.
109
A) Le principe d’indemnisation devant le juge d’instruction
533
C. pr. pén. Art. 137 al. 1 et 2 modifié par la loi du 24 novembre 2009 (L. n° 2009-1436 du 24 nov. 2009).
534
L. n° 70-643 du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens ; C. pr.
pén. art. 138 et s.
535
CARDET (C), Quelle consécration pour le contrôle judiciaire socio-éducatif dans la loi du 15 juin 2000 ?,
RSC, 2001, p. 375.
536
SOULEAU (I), Neuf années de contrôle judiciaire, RSC, 1980, pp. 41-76.
537
Sur les enjeux sociaux du contrôle judiciaire, V. CARDET (C), Le contrôle judiciaire socio-éducatif,
Substitut à la détention provisoire entre surveillance et réinsertion, L’Harmattan, 2000.
538
CARDEY (C), Le contrôle judiciaire socio-éducatif : 1970-1993, chronique d’une expérience qui dure…,
RSC, 1994, pp. 503-523.
110
socialement539. La vocation réparatrice du contrôle judiciaire apparaît plus tard en
garantissant la réparation financière de la victime par le biais du cautionnement et de la
sûreté540.
132. Des obligations autres que le cautionnement et la sûreté. « Ce contrôle
astreint la personne concernée à se soumettre, selon la décision du juge d’instruction ou
du juge des libertés et de la détention, à une ou plusieurs des obligations ci-après
énumérées : »541. L’alinéa 2 de l’article 138 du code de procédure pénale introduit les
diverses obligations qui peuvent être mises à la charge du prévenu. Il est à noter qu’à
compter du 1er janvier 2014 le contrôle judiciaire sera ordonné non plus par le juge
d’instruction mais par une nouvelle autorité juridique : le collège de l’instruction542.
Un parallèle peut être fait entre le contrôle judiciaire et la composition pénale543. Ces deux
mesures mettent à la charge du mis en cause les mêmes obligations : par exemple, résider
hors du domicile en cas de violences conjugales, ne pas paraître dans les lieux où habite la
victime. Cette dernière est d’une façon pragmatique protégée : sa sécurité est assurée par
les obligations tirées du contrôle judiciaire et de la composition pénale. Néanmoins,
l’impact sur la restauration de la victime sera différent d’une mesure à l’autre ; alors que la
personne faisant l’objet d’un contrôle judiciaire est présumée innocente, celle faisant
l’objet d’une composition pénales est déclarée coupable : « Le procureur de la République,
tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, peut proposer, directement ou
par l’intermédiaire d’une personne habilitée, une composition pénale à une personne
physique qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits (…) »544. Par conséquent, la
protection de la victime est provisoire dans le cadre du contrôle et durable dans le cadre de
la composition.
539
CARIO (R), Victimologie. De l’infraction du lien intersubjectif à la restauration sociale, Coll. Traité de
sciences criminelles, n° 2, L’Harmattan, 2000.
540
V. infra n° 133 et s.
541
C. pr. pén. Art. 138 al. 2.
542
L. n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des
procédures et L. n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finance pour 2011 ; art. 83 c. pr. pén.
Pour aller plus loin. LEBLOIS-HAPPE (J), Quelle collégialité pour l’instruction en 2011 ?, D. 2008, chron.
2101 ; MATSOPOULOU (H), JCP 2008, Actu. 106.
543
Pour la composition pénale V. infra n° 351.
544
Concernant le contrôle judiciaire, la culpabilité du mis en cause n’étant pas reconnue, cela nous permet de
comprendre pourquoi cette mesure n’est pas étudiée dans le cadre de la justice restaurative. C. pr. pén. Art.
41-2 Pour aller plus loin. DANET (J), GRUNVALD (S), Brèves remarques tirées d’une première évaluation
de la composition pénale, AJ Pén., 2004, p 196 ; REGNAULT (J.D), Composition pénale : l’exemple du
tribunal de Cambrai, AJ Pén., 2003, p. 55.
111
Les obligations du contrôle judiciaire sont de divers ordres : « Ne pas détenir ou porter une
arme et, le cas échéant, remettre au greffe contre récépissé les armes dont il est
détenteur »545 ; « En cas d’infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou
son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son
conjoint, concubin ou partenaire, résider hors du domicile ou de la résidence du couple
(…) les dispositions du présent 17° sont également applicables lorsque l’infraction est
commise par l’ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne ayant été liée
à elle par un pacte civil de solidarité, le domicile concerné étant alors celui de la
victime »546.
133. Le cautionnement. L’article 138, 11° du code de procédure pénale dispose
que la personne sous contrôle judiciaire a l’obligation de « fournir un cautionnement dont
le montant et les délais de versement, en une ou plusieurs fois, sont fixés par le juge
d’instruction ou le juge des libertés et de la détention compte tenu notamment des
ressources et des charges de la personne mise en cause ».
Le cautionnement a différentes vocations. L’article 142 du code de procédure pénale
distingue le cautionnement garantissant la représentation de celui garantissant le paiement.
Pour la représentation, il s’agit de celle du prévenu à tous les actes de procédure. Pour le
paiement, l’article 142 2° du code de procédure pénale opère un classement : a) le
paiement au fin de réparation des dommages qui ont été causés par l’infraction pénale.
Cela concerne également le non paiement de la pension alimentaire547 ; b) le paiement des
amendes. Il est à noter que, dans la rédaction issue de la loi du 17 juillet 1970548, le
paiement des amendes primait sur la réparation de la victime549. Faut-il y voir une nouvelle
fois une preuve de la victimisation de la société ? De la primauté de l’intérêt des victimes
sur l’intérêt de l’Etat ? Sans nul doute550.
Le montant du cautionnement, ainsi que le délai de versement, sont laissés à la libre
appréciation du juge. En tout état de cause, le juge d’instruction ou le juge de la liberté et
de la détention doit tenir compte des ressources du mis en examen551. Il ne peut pas exister
545
C. pr. pén. art 138 14°.
546
C. pr. pén. art 138 17°.
547
Le non paiement de la pension alimentaire constitue le délit d’abandon de famille : C. pén. art. 227-3.
548
L. n° 70-643 du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens.
549
PIGNOUX (N), op. cit., p. 202.
550
MERLE (R), VITU (A), Traité de droit criminel, Procédure pénale, Cujas, 2001 ; COUVRAT (P), La
protection des victimes d’infractions. Essai d’un bilan, RSC, 1983, pp. 577-596.
551
C. pr. pén. Art. 142 ; Crim. 5 sept. 1998, Bull. crim., n° 250.
112
de cautionnement pour le prévenu en surendettement552. En théorie, le cautionnement a une
visée réparatrice. Il s’adresse en priorité à la sauvegarde des intérêts de la victime. Le
cautionnement ne peut pas se limiter à la simple représentation ou au paiement de
l’amende553. Le cautionnement garantit en premier lieu la réparation des dommages
engendrés par l’infraction pénale, que la victime se soit consitutée partie civile ou non554.
134. Le cautionnement et la CESDH. L’article 5, §3 de la CESDH, dispose
notamment que « la mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la
comparution de l’intéressé à l’audience ». La CESDH ne reconnaît pas la prise en compte
exclusive des préjudices subis par la victime. Néanmoins, par une jurisprudence constante,
la Chambre criminelle de la Cour de Cassation ainsi que celle de la CEDH, permettent le
cautionnement dans le but d’assurer la réparation de la victime. Pour ce faire, il faut que le
cautionnement soit décidé en proportion du préjudice subi et des ressources du mis en
examen555.
135. Les sûretés. L’article 138, 15° du code de procédure pénale dispose que le
cautionnement peut être décidé dans le but de « constituer, dans un délai, pour une période
et un montant déterminés par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention,
des sûretés personnelles ou réelles ». Jusqu’à la loi du 15 juin 2000, le code de procédure
pénale précisait que la sûreté était versée pour garantir exclusivement les droits des
victimes ; la jurisprudence venait confirmer les dispositions du code de procédure
pénale556. Désormais le régime des sûretés se rapporche de celui du cautionnement. Cette
précision se dégage de l’article 142 alinéa 5 du code de procédure pénale. Au terme de cet
article, le juge d’instruction ou le juge de la liberté et de la détention décide de l’affectation
des sommes « à chacune des deux parties du cautionnement ou des sûretés », donc soit
pour la représentation soit pour le paiement de la réparation des dommages causés.
552
Crim. 21 oct. 1985, Bull. crim., n° 319.
553
Crim. 1er déc. 1981, Bull. crim., n° 318 ; Crim. 20 juin 1989, Bull. crim., n° 266 ; Crim. 9 juill. 2003, Bull.
crim., n° 133 ; JCP 2003 IV 2662 ; AJ pén. 2003, p. 69.
554
Crim. 18 nov. 1992, Bull. crim., n° 380.
555
CEDH, arrêt Neumeister/Autriche, 27 juin 1968, requête n° 00001936/63 ; Crim. 19 avr. 1995, Bull. crim.
n° 158, D. 1996, obs. PRADEL (J) ; Crim. 17 janv. 2001, Dr. Pénal, 2001, p. 27, obs. MARSAT (C).
556
Crim. 11 mars 1986, Bull. crim., n° 99 : « L’obligation de constituer des sûretés, réelles ou personnelles,
prévue par l’art. 138, 15°, ne peut garantir que les droits des victimes et ne peut être imposée pour garantir
l’ensemble des paiements prévus au 2° de l’art. 142 ».
113
Tout comme le cautionnement, les sûretés peuvent garantir les droits des victimes qui ne
sont pas encore constituées parties civiles. Les sommes sont alors versées pour le compte
d’un bénéficiaire provisoire ou pour le compte du trésor public557.
Les magistrats sont incités à utiliser les sûretés et délaisser le cautionnement558. La raison
est purement financière. Le cautionnement pénal est un cautionnement réel. Ainsi, dans la
cas où le mis en cause dispose de biens immobiliers, il sera dans l’obligation des les vendre
pour constituer une liquidité559. En effet, le cautionnement pénal impose la disponibilité de
chèques, d’espèces ou de valeurs de caisse560. En revanche, la sûreté permet le
cautionnement personnel ou la caution d’un tiers. La sûreté est réelle ou personnelle561.
136. La contribution aux charges familiales562. Le contrôle judiciaire prévoit une
dernière obligation qui a une vocation réparatrice : acquitter les aliments conformément
aux décisions judiciaires.
Cette obligation du contrôle judiciaire est bien souvent mise de côté, s’effaçant devant la
cautionnement et la sûreté. Pourtant, le pouvoir réparateur de l’obligation de verser des
prestations, subsides ou contributions aux charges du mariage est très important en matière
de violences conjugales ou d’abandon de famille. Les victimes se retrouvent très souvent à
devoir assumer seules les obligations alimentaires liées aux enfants. Il s’agit bien souvent
d’une victimisation secondaire.
Il est louable de dire que l’article 138, 16° est le corrolaire de l’article 138, 17° et de
l’article 138-1 du code de procédure pénale. Ce dernier renforce l’information de la
victime dans le cadre d’une obligation de ne pas la rencontrer. Ainsi, le pouvoir réparateur
de ces mesures est sans commune mesure. Elles s’inscrivent plus dans une démarche
restaurative globale que dans une démarche réparatrice particulière. Néanmoins, ces
impérieuses dispositions s’annihilent devant le caractère temporaire du contrôle judiciaire.
137. En résumé. Le contrôle judiciaire, dans la mise en place d’un cautionnement
ou de sûretés, confirme le caractère victimaire de la procédure pénale. Il est voué
entièrement à la victime dans un volet de réparation patrimoniale. Le cautionnement et les
sûretés participent à la réparation financière de la victime, pour l’occasion partie civile ou
557
C. pr. pén. Art. 142.
558
Sénat, Rapport d’information n° 283, présenté par JOLIBOIS (M.C), Annexe au procès verbal de la
séance du 22 mars 2000, pp. 71-72.
559
PIGNOUX (V), op. cit., p 205.
560
C. pr. pén. Art. R. 21 et R. 23 ; Crim. 11 janv. 2001, Bull. crim., n° 6.
561
C. pr. pén. Art. R. 24.
562
C. pr. pén. Art. 138, 16°.
114
non. Qu’en est-il de la pratique ? Le cautionnement et les sûretés sont-ils un gage de
réparation pour la victime ?
138. L’évaluation financière. Quelles sont les ressources prises en compte pour
évaluer le montant du cautionnemenet ou des sûretés ? Il s’agit des salaires, des gains et
des fonds dont dispose le mis en cause563.
Pour Jean PRADEL, la conception de ressources est large564 : ce peut être un salaire mais
également des intérêts dans une société commerciale. A ce sujet, dans son arrêt du 28
septembre 1994565, la Cour de Cassation dit « quelle qu’en soit l’origine ». Néanmoins, un
cautionnement ne peut pas être valable s’il n’existe pas d’explication sur les ressources et
les charges du mis en examen566. Dans l’arrêt du 4 novembre 2008567, le juge d’instruction
avait évalué le montant du cautionnement à dix-huit-mille euros. La Cour de Cassation, en
rappelant qu’il faut expliquer le montant du cautionnement, a dit implicitement qu’un
revenu minumum d’insertion ne saurait être pris en compte pour fixer un cautionnement.
Dans la fixation du montant du cautionnement, le juge d’instruction prend également en
considération le montant du préjudice subi par la victime. En d’autres termes, pour
répondre aux exigences de la CEDH568 et à la jurisprudence francaise569, le montant du
cautionnement peut être élevé alors même que le préjudice est faible, et inversement570. En
résumé, la fixation du cautionnement est en fin de compte un savant dosage entre
ressources et montant du préjudice. Le seul principe que le juge doit respecter, est celui de
563
Crim. 28 sept. 1994, Bull. crim. n° 307 ; D. 1995, p. 146, obs. PRADEL (J) ; Crim. 8 oct. 2000, Bull.
crim., n° 304.
564
PRADEL (J), op. cit., p 146 : « Pour fixer le montant et les modalités du cautionnement, le juge
d’instruction tient compte des gains, revenus et salaires de la personne mise en examen mais encore de tous
les fonds dont elle dispose quelle qu’en soit l’origine ».
565
Crim. 28 sept. 1994, Bull. crim. n° 307 ; D. 1995, p. 146, obs. PRADEL (J).
566
Crim. 4 nov. 2008, AJ Pén., p. 78 : « Obligation de s’expliquer sur les ressources du mis en cause pour
déterminer le montant du cautionnement exigé ».
567
Crim. 4 nov. 2008, ibid.
568
Arrêt NEUMEISTER, 27 juin 1968, op. cit. ; PETTITI (L.E), DECAUX (E), La Convention Européenne
des Droits de l’Homme – Commentaire article par article, Economica, 1995, pp. 226-227.
569
Crim., 24 août 1994, Bull. crim., n° 292.
570
PRADEL (J), Mode de fixation par la juge d’instruction du montant du cautionnement auquel peut être
subordonnée la mise en liberté d’une personne mise en examen (prise en compte du préjudice qui lui est
imputé et de ses ressources), D. 1996, p. 255.
115
ne pas dissocier le cautionnement pour garantir la représentation et le cautionnement pour
garantir le paiement571.
139. Les problèmes de l’évaluation financière. Le problème que pose
l’évaluation fiancière concerne la solvabilité du mis en examen. En France il est très
difficile de trouver des études sur la relation entre l’environnement social du délinquant et
le passage à l’acte. En revanche, il existe de brillantes études sur les enjeux sociaux et les
demandes sociales en matière d’accès au droit572, des statistiques très détaillées sur les
types d’infractions, les lieux de leur réalisation, l’origine ethnique des auteurs573. Il faut
alors se tourner vers le Canada574 pour comprendre qu’il existe veritablement un lien entre
la classe sociale et le phénomène de délinquance : les résultats de cette étude remettent en
cause l’opinion commune, parmi les criminologues, selon laquelle la classe sociale
n’influence pas les trajectoires de délinquance. Que faut-il retenir de cette reflexion ?
A juste titre, il est possible de dire qu’il y a une grande probabilité pour que la personne
mise en examen n’ait pas de ressources, ou des ressources insuffisantes575 pour se
soumettre à l’obligation du cautionnement ou des sûretés. Comme le rappelle Jean
PRADEL576, s’il n’y a pas de ressources, il n’y a pas de cautionnement. Pour l’opinion
publique le cautionnement reste associé à la délinquance en col blanc577. Cela est une
réalité et les médias s’en font l’echo578. De plus, les cautionnements représentent une
proportion infime des affaires traitées en matière d’instruction. Ainsi, en 2010, il y a eu
571
Crim. 1er décembre 1981, Bull. crim., n° 318 ; Crim. 20 juin 1989, Bull. crim., n° 266 ; Crim. 1er déc.
1981, Bull. crim., n° 318 ; Crim. 20 juin 1989, Bull.crim, n° 266.
572
FAGET (J), L’accès au droit : logiques de marché et enjeux sociaux, Droit et société 30/31, 1995, pp.
367-378 ; FAGET (J), Justice et travail social. Le Rhizome pénal, Toulouse, Erès, 1992 ; LEROY (E), Un
droit peut en cacher un autre, in formations sociales. Dossier La demande sociale de droit, n° 22, 1992.
573
BAUER (A), La criminalité en France. Rapport de l’observatoire national de la délinquance et des
réponses pénales 2011, CNRS éditions, 2011.
574
CHAREST (M), TREMBLAY (P), Immobilité sociale et trajectoire de délinquance, in Revue française de
sociologie, Ophrys, 2009.
575
C’est le cas par exemple du RMI. V. supra n° 123 : Crim. 4 nov. 2008, AJ. Pén., p. 78 « La cour de
cassation en rappelant qu’il faille expliquer le montant du cautionnement, dit implicitement qu’un revenu
minumum d’insertion ne saurait être pris en compte pour fixer un cautionnement ».
576
Crim. 28 sept. 1994, Bull. crim. n° 307 ; D. 1995, p. 146, obs. PRADEL (J).
577
BOUQUET (A), Cautionnement pénal et politique criminelle : une relation à géométrie variable. Archives
de politique criminelle, PEDONE, 2001, n° 23, pp. 59-69.
578
Ces dernières années les articles de presse exposent longuement les infractions en col blanc, mettant en
exergue des cautionnements souvent disproportionnés. Le cautionnement pénal présente alors un caractère
discriminatoire pour l’opinion publique.
116
1755 contrôles judiciaires avec cautionnement pour 36 543 personnes mises en examen579.
Cela représente moins de 1% des prévenus. Autant dire, que l’esprit de la loi, à savoir
préserver la réparation financière de la victime, n’a que peu de résonance pratique. La
raison est de deux ordres : soit les capacités financières des prévenus sont insuffisantes,
soit les magistrats n’ont que peu d’intérêt pour le cautionnement et les sûretés.
140. Les garanties de représentation en justice. L’obligation de fournir un
cautionnement implique nécessairement que les garanties de représentation du mis en
cause soient insuffisantes580. Il faut rappeler que dans le cautionnement l’obligation de
représentation et celle de paiement sont indissociables581, alors que pour les sûretés cette
obligation de paiement n’existe plus. Depuis la loi du 15 juin 2000582, la phrase « destinées
à garantir les droits de la victime » a été abrogée de l’article 138, 15° du code de
procédure pénale. La chambre criminelle l’exprime clairement : « La somme affectée à la
seconde partie des sûretés peut être destinée à garantir le paiement de la réparation des
dommages causés par l’infraction, des restitutions et des amendes, et il peut être décidé
par le juge d’instruction que les sûretés garantiront dans leur totalité les droits des
victimes »583. Autrement, lorsqu’il s’agit d’une sûreté, le paiement destiné à la garantie des
droits des victimes n’est qu’une option.
De ce fait, une nouvelle fois, l’esprit de la loi du 17 juillet 1970 est touché. Le
cautionnement n’a pas lieu d’être lorsque la représentation du prévenu devant la justice ne
souffre d’aucun risque. Quant aux sûretés, depuis la loi du 15 juin 2000, elles ne sont plus
vouées seulement à la garantie des droits des victimes.
Il n’existe pas de données statistiques sur l’emploi des sûretés : garantir la représentation,
garantir les droits des victimes, ou les deux. Il importe ainsi de retenir que le juge
d’instruction, depuis la loi du 15 juin 2000, peut affecter exclusivement les sûretés à la
sauvegarde des intérêts de l’Etat, laissant de côté l’indemnisation des préjudices de la
victime.
579
Les chiffres clés de la justice 2011 :
http://www.justice.gouv.fr/art_pix/1_chiffres_cles_2011_20111125.pdf, p. 16.
580
Crim. 26 sept. 1995, Bull. crim., n° 21, Crim. 19 mars 2002, Bull. crim., n° 64.
581
V. supra n° 122.
582
L. n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des
victimes.
583
Crim. 5 mars 2003, Bull. crim., n° 59.
117
141. L’aspect privatif de l’instruction. Si le cautionnement et les sûretés peuvent
être un frein dans la sauvegarde des droits de la victime, ils peuvent, à contrario, dénoter
une privatisation de la procédure pénale.
En d’autres termes, le constat est le suivant : très peu de contrôles judiciaires assortis d’une
obligation de cautionnement ou de sûreté sont prononcés584 ; si le mis en cause présente
des sécurités de présentation le cautionnement n’a pas d’intérêt ; depuis la loi du 15 juin
2000 les sûretés ne sont pas versées exclusivement dans l’intérêt de la victime.
A contrario, la loi et la jurisprudence peuvent également faire primer l’intérêt de la victime
sur celui de l’intérêt général. Ainsi, un cautionnement décidé par le juge d’instruction
même dans le cas où le prévenu présente toute garantie de présentation est possible585. De
même, l’article 142 alinéa 6 et 7 du code de procédure pénale offre la possibilité au juge
d’instruction d’affecter la totalité des sûretés à la réparation des préjudices de la victime.
Au stade de l’instruction, que le cautionnement et les sûretés soient versées dans l’intérêt
de la victime ou non, ils poussent à s’intérroger sur sa réparation. Ces mesures judiciaires
remettent une nouvelle fois en question les fondements du système pénal, et les logiques
qui en sont à l’origine. Que la victime agisse en tant que telle ou tant que partie civile, les
problèmes liés au contrôle judiciaire confirme l’idée d’un irresistible besoin de faire
évoluer le système pénal.
142. La détention et la présomption d’innoncence. La personne mise en examen
qui ne respecte pas les obligations du contrôle judiciaire, notamment en cas de
cautionnement ou de sûreté, s’expose à des sanctions pénales586. Le juge d’instruction
pourra décerner un mandat d’arrêt ou d’amener à son encontre. Il a également la possibilité
de mettre le prévenu en détention provisoire, cette détention prenant la forme d’un mandat
de dépôt.
Au stade pré-sententiel, le mis-en-cause peut subir une peine privative pour n’avoir pas,
entre autre, assuré la garantie des droits des victimes. Une nouvelle fois, intérêt privé et
intérêt général se confrontent587. Il existe une distance réelle entre le cautionnement actuel
et la cautionnement prévu par le législateur en 1970 : une institution qui vise à concilier la
584
Les chiffres clés de la justice 2011, op. cit. ; V. supra n° 140.
585
Crim. 19 mars 2002, Bull. crim. n° 64 : « L’obligation de verser une caution d’un montant élevé par une
personne morale se justifie tant par l’importance des préjudices résultant de l’infraction que par la nécessité
d’assurer la représentation en justice de la société poursuivie et ce, quels que soient l’importance de la
société en cause ou ses engagement de se faire représenter ».
586
C. pr. pén. Art. 141-2 al. 1.
587
BOUQUET (A), Cautionnement pénal et politique criminelle : une relation à géométrie variable. op. cit.
118
liberté individuelle et la protection sociale588. La réflexion de Pierre CHAMBON citant
Faustin HELIE raisonne aujourd’hui comme une prophétie : « Si la détention préalable se
justifie, c’est seulement quand elle sert un intérêt public ; appliquée à un intérêt privé, elle
est odieuse »589.
143. La provision et la présomption d’innocence. L’article 142-1 du code de
procédure pénale prévoit que le juge d’instruction peut ordonner que la partie du
cautionnement prévue pour garantir les droits des victimes, soit versée par provision.
L’article précise que la personne mise en examen doit donner son consentement.
Une fois encore la question de la présomption d’innocence se pose. Pour Alexandre
BOUQUET, dans ce cas de figure, la présomption d’innocence et le droit des victimes sont
difficilement conciliables590 : si le mis en cause donne son consentement pour verser la
provision, il s’agit d’un aveu de sa part. Ce consentement peut donc devenir un levier,
pour, soit ne pas faire d’aveu, soit montrer sa bonne volonté, et ainsi solliciter plus tard la
clémence du juge pénal. En tout état de cause, si le prévenu ne donne pas son accord pour
le versement de la provision, la victime peut solliciter l’intervention du juge des réferés591.
Contraindre le mis-en-cause à verser une provision à la victime, au stade de l’instruction,
c’est en somme lui reconnaître un responsabilité dans les faits poursuivis592 ; la
présomption d’innocence devient alors une donnée toute relative.
144. L’issue du contrôle judiciaire : une victimisation secondaire. Deux
situations peuvent se présenter : soit le mis en examen est relaxé devant le tribunal
correctionnel, soit il bénéficie d’un non-lieu au satde de l’instruction. Dans ces deux cas,
l’article 142-3 du code de procédure pénale dispose que « sauf motif légitime d’excuse ou
décision de non lieu, de relaxe, d’acquittement ou d’exemption de peine, la première partie
du cautionnement est acquise à l’Etat (…) » ; l’article 142-3 du code de procédure pénale
dispose que « Le montant affecté à la deuxième partie du cautionnement qui n’a pas été
versé à la victime de l’infraction ou au créancier d’une dette alimentaire est restitué en cas
de non-lieu (…) ».
588
LARGUIER (J), Procédure pénale, Dalloz, Coll. Memento, 17 ème éd., 1999, p. 128.
589
CHAMBON (P), Le juge d’instruction, Dalloz, Coll. Droit usuel, 4e ed., 1997, p. 245.
590
BOUQUET (A), op. cit., p. 60.
591
PRADEL (J), Procédure pénale, Cujas, 9 e éd., 1997 ; C. pr. pén. art. 5-1 : « Même si le demandeur s’est
constitué partie civile devant la juridiction repressive, la juridiction civile, saisie en référé, demeure
compétente pour ordonner toutes mesures provisoires relatives aux faits qui sont l’objet des poursuites,
lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable ».
592
DE GRAILLY (M), Débats parlementaires, ass. nat., J.O., 26 juin 1970, p. 3083.
119
Dans ces deux cas de figure, la relaxe ou le non-lieu, le mis en cause peut solliciter
l’application de l’article 1376 du code civil : « Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce
qui ne lui est pas dû s’oblige à le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu ». Il s’agit de
la répétition de l’indû593. La victime aura énormément de mal à comprendre et à accepter
ce principe. Bien souvent pour elle, la relaxe ou le non-lieu sont vécus comme une
injustice et sont source de victimisation secondaire.
145. Un manque de cohérence. Le cautionnement pénal et les sûretés sont
devenus, au fil du temps et des réformes, une source de déséquilibre entre l’intérêt public
et l’intérêt privé. Ces deux obligations tirées du contrôle judiciaire interpellent sur le
respect de la présomption d’innocence.
Qu’elles soient victimes ou parties civiles, la pratique même du cautionnement et des
sûretés ne peut pas garantir de façon effective les droits des victimes. Il n’est pas possible
de parler de restauration : le contrôle judiciaire est axé exclusivement sur la réparation
financière, et les possibilités de victimisation secondaire sont trop importantes.
Dans les autres législations européennes594, le cautionnement pénal à une valeur morale :
en Suisse, le prévenu s’engage à se tenir à la diposition de la justice ; en Angleterre, c’est
une promesse de comparaître ; au Etats Unis, c’est également un engagement solennel de
comparaître à l’audience. Pour les trois systèmes, le mis en cause ajoute à sa promesse des
engagements financiers qui garantiront l’exécution des obligations. Ce qui prime, est la
présentation du mis en cause.
En France, les statisques parlent d’elles-mêmes : entre 1998 et 2011, il y a eu une baisse
constante du cautionnement pénal ; entre ces deux périodes apparaît une baisse de 65%595.
Au travers du contrôle judiciaire, le système pénal actuelle n’arrive pas à concilier gestion
du phénomène criminel et garantie des droits des victimes. La qualification de la victime
en tant que partie civile annihile-t-elle le potentiel du système pénal en terme de réparation
du préjudice subit ?
593
BOUQUET (A), ibid., p. 61.
594
CLERC (F), Initiation à la justice pénale Suisse, éd. Ides et Calendes, Neuchâtel, 1975 ; WILLIAMS (G),
La procédure criminelle et les preuves, in ANCEL (M), RADZINOWICZ (L), Introduction au droit criminel
de l’Angleterre, éd. L’Epargne, coll. Les grands systèmes de droit pénal contemporains, Paris, 1959 ;
CEDRAS (J), La justice pénale aux Etats Unis, Presses Universitaires d’Aix-Marseille/Economica, coll. Le
point sur Aix-en-Provence/Paris, 1990.
595
BOUQUET (A), Cautionnement pénal et politique criminelle : une relation à géométrie variable. op. cit.
120
§2. L’information judiciaire
146. La place de la victime indignée596. Pour Xavier PIN, suivant la phase dans
laquelle elle s’inscrit, la victime peut être qualifiée de victime indignée ou de victime
résignée.
La victime indignée sera celle qui recherche la justice par l’intermédiaire de la procédure
pénale. En revanche, la victime résignée essai de résoudre son conflit avec l’auteur de
l’infraction en dehors de la voie judiciaire. Dans le cadre de cette étude, il n’est pas
question de parler de résignation mais de projection vers une justice plus respectueuse des
intérêts de chacun : la justice restaurative. Ainsi, en d’autres termes, la thèse en présence
permettrait de regrouper la victime indignée et la victime résignée en un seul statut : la
victime restaurée. A ce stade de la réflexion, où il est question de la réparation, il faut
considérer la victime comme indignée, c’est à dire comme choisissant la voie judiciaire.
147. De la répression vers la réparation. Les objectifs de la procédure pénale
évoluent. La place que prend la victime, notamment durant la phase d’instruction, révèle
un déplacement des finalités du droit pénal597. Plus particulièrement, il semble que la phase
d’instruction soit tournée principalement autour de la réparation de la victime, ou du moins
autour de la garantie de son indemnisation future.
La victime bénéficie de prérogatives lui permettant d’être informée tout au long de la
procédure, mais également de pouvoir intervenir durant l’instruction et d’en contrôler le
déroulement. Elle peut demander, ou contester des expertises. Finalement, par la phase
d’information judiciaire, la victime concourt à la recherche de la vérité. Une posture qui
interpelle sur la qualification de la procédure pénale française : procédure accusatoire,
procédure inquisitoire ou un mélange des deux ?
C’est au moment de l’instruction que la victime a un rôle procédural, une emprise sur le
déroulement de la procédure pénale. Pour autant, est-il possible de parler de réparation liée
à la procédure pénale ? Il faut pour cela analyser la place idéale de la victime (A) et sa
place relative (B).
596
Titre emprunté à Xavier PIN : PIN (X), Les victimes d’infractions définitions et enjeux, éd. Pédone, coll.
Archives de politique criminelle, 2006, n° 28, pp. 49-72.
597
ROCA (C), De la dissociation entre la réparation et la répression dans l’action civile exercée devant les
jurdictions répressives, D. 1991, chron. 85 ; MECHIN (M), Le double visage de la victime en France, in
GIDUCELLI-DELAGE (G), LAZERGES (C), La victime sur la scène pénale en Europe, op. cit., p. 117.
121
A) La place idéale de la victime
598
Crim. 23 nov. 1999, Bull. crim., n° 269 ; Crim. 15 fév. 2000, Bull. crim., n°68 ; Crim. 16 mai 2000, Bull.
crim., n° 190 ; CEDH 29 mars 2005, Matheron c/ France, D. 2005, note Pradel.
599
Crim. 12 déc. 2000, Bull. crim., n° 369.
600
Crim. 21 juin 2006, RSC, 2007, p. 602, obs. Buisson.
601
Crim. 17 déc. 2002, D. 2004, p 302, note Bouvier Le Berre ; Crim. 22 déc. 1966, D. 1967, p. 122.
602
C. pr. pén. Art. 81 al. 9.
603
Crim. 15 fév. 2011, D. 2011, p. 680.
604
MECHIN (M), op. cit., p 119.
122
faire entendre un témoin, d’être confrontée avec la personne mise en examen, solliciter un
transport sur les lieux, la production d’une pièce utile à l’information, tout acte profitable à
la manifestation de la vérité.
Concernant les pièces utiles à l’information, la partie civile ne peut pas demander à un
témoin de produire des pièces. Il faut que la personne envers laquelle est faite la demande
soit partie à la procédure pénale605. La constitution de partie civile est un préalable aux
demandes issues de l’article 82-1 du code de procédure pénale. Le mis-en-examen peut
demander que son avocat soit présent lors de ces demandes606. Cette possibilité est
également offerte à la partie civile : « La partie civile dispose de ce même droit s’agissant
d’un transport sur les lieux, de l’audition d’un témoin ou d’une autre partie civile ou de
l’interrogatoire de la personne mise en examen »607.
150. La possibilité de contraindre l’autorité à statuer. La partie civile doit
déclarer au greffe du juge d’instruction les mesures qu’elle souhaite mettre en place608.
Si dans le délai d’un mois, le juge d’instruction n’a pas statué sur la demande de la partie
civile, cette dernière peut saisir le président de la Chambre d’Instruction609. Passé le délai
d’un mois, si la partie civile n’a pas saisi le président de la Chambre d’Instruction, elle ne
peut pas faire appel du rejet des mesures d’expertise par exemple au moment de
l’ordonnance de renvoi : « Lorsque le juge d’instruction n’a pas statué dans le délai d’un
mois sur une demande d’expertise et que le demandeur de l’acte ne saisit pas le président
de la chambre d’instruction conformément aux dispositions de l’art. 81 dernier alinéa,
l’intéressé n’est pas fondé à interjeter appel de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal
correctionnel pour contester le rejet implicite de sa demande d’expertise »610.
151. Le pouvoir de sanction quant à l’inaction du juge. « Lorsqu’un délai de
quatre mois s’est écoulé depuis la date du dernier acte d’instruction, les parties peuvent
saisir la chambre de l’instruction (…) »611.
L’article 221-2 du code de procédure pénale permet à la victime de « sanctionner »
l’inaction du juge d’instruction. Dans les huit jours après la saisine de la partie civile, le
président de la Chambre d’Instruction décide, par ordonnance s’il y a lieu, de saisir la dite
605
Crim. 25 mars 1997, Bull. crim., n° 118.
606
C. pr. pén. Art. 82-2.
607
C. pr. pén. Art 82-2 al. 2.
608
C. pr. pén. Art. 81 al. 10 ; Crim. 19 sept. 2001, Bull. crim., n° 184.
609
C. pr. pén. Art. 81 al. 11.
610
Crim. 25 avr. 2006, AJ pén. 2006, p. 317.
611
C. pr. pén. Art. 221-2 al. 1.
123
Chambre. Dans le cas où il décide de ne pas la saisir, il faut savoir que cette ordonannce
n’est pas susceptible d’appel.
Dans le cas contraire, la Chambre d’Instruction pourra612 : ordonner des actes
d’informations complémentaires qu’elle jugera utile613 ; prononcer le placement en
détention ou la mise sous contrôle judiciaire du mis-en-examen614 ; ordonner que soient
mises en examen des personnes qui n’ont pas été renvoyées devant elle615 ; procéder à un
supplément d’information616. Elle peut également renvoyer le dossier au juge d’instruction
initialement saisi.
A partir de ce renvoi, la partie civile peut une nouvelle fois saisir le président de la
Chambre d’Instruction, si dans le délai de deux mois le juge d’instruction initialement saisi
n’a accompli aucun acte d’instruction617. Dans ce cas, la Chambre d’Instruction peut
évoquer, procéder ou renvoyer dans les conditions évoquées ci-dessus. Elle a également la
possiblité de renvoyer le dossier à un autre juge d’instruction618.
612
C. pr. pén. Art. 221-2 al. 3.
613
C. pr. pén. Art. 201 al 1.
614
C. pr. pén. Art. 201 al 2 et 3.
615
C. pr. pén. Art. 204.
616
C. pr. pén. Art. 205.
617
C. pr. pén. Art. 221-2 al 4.
618
C. pr. pén. Art. 221-2 al 5.
619
C. pr. pén. Art. 175-1 ; Circulaire CRIM 00-16 F1 du 20 décembre 2000 : circulaire « présentant les
dispositions de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des
victimes concernant l’instruction, la détention provisoire, le juge des libertés et de la détention et le jugement
correctionnel ».
620
C. pr. pén. Art. 116 al. 8 ; C. pr. pén. Art. 89-1 al. 2.
124
A la suite de ces demandes, le juge d’instruction dispose de deux possibilités : soit il fait
droit aux demandes formulées par la partie civile, soit il poursuit l’instruction. Dans le
second cas, la partie civile peut saisir le président de la Chambre d’Instruction. Cette
dernière possibilité lui est ouverte dans le cas également où le juge d’instruction ne répond
pas à la demande dans le délai d’un mois621.
153. La possibilité de faire appel des ordonnances du juge d’instruction. « La
partie civile peut interjeter appel des ordonnances de non-informer, de non-lieu et des
ordonnances faisant grief à ses intérêts civils. Toutefois, son appel ne peut, en aucun cas,
porter sur une ordonnance ou sur la disposition d’une ordonnance relative à la détention
de la personne mise en examen ou au contrôle judiciaire »622.
Ainsi, l’article 186 du code de procédure pénale octroie la possibilité aux parties de faire
appel des décisions du juge d’instruction. Ce pouvoir est encadré pour la victime. Elle ne
peut pas faire appel des ordonnances concernant la qualification des faits623, le supplément
d’expertise624 ou le refus d’ouvrir un scellé625.
De ce fait les ordonnances faisant l’objet de l’appel de la partie civile sont celles refusant
d’informer, de non-lieu et celles ayant un lien avec son indemnisation626.
154. Une place importante dans la recherche de la vérité. La phase d’instruction est
pour la victime un moment important. Elle dispose d’un rôle crucial dans la recherche de la
vérité. Mais la victime ne cherche-t-elle pas en fin de compte sa vérité ? Si c’était une
contribution à la recherche de la vérité et pas à sa vérité, il existerait peut-être une action
conjointe Parquet/victime. Ce n’est pas le cas. Il faut garder constamment à l’esprit que
l’intérêt de la victime à la réparation côtoie toujours l’intérêt de la société à la
répression627. Ces deux intérêts sont à distinguer, sans cela le système pénal évoluerait
encore dans une confusion de sens, et serait une source de victimisation secondaire628.
621
C. pr. pén. Art. 175-1
622
C. pr. pén. Art. 186 al. 2.
623
Crim. 26 nov. 2003, Bull. crim. n° 225 : « Est irrecevable l’appel de la partie civile contre l’ordonnance
de mise en accusation qui qualifie les faits de violences mortelles avec arme alors que l’accusé était
poursuivi pour meurtre (…) ».
624
Crim. 5 août 1932, D. 1933, p. 127.
625
Crim. 20 fév. 1953, D. 1954, p. 48.
626
Pour aller plus loin. Il s’agit des ordonnances des articles 81 alinéa 9, 82-1, 82-3, 156 alinéa 2, 179 alinéa
1 du code de procédure pénale.
627
VAN DE KERCHOVE (M), L’intérêt à la répression et l’intérêt à la réparation dans le procès pénal, Droit
et intérêt, Facultés universitaires de Saint Louis, 1990, pp. 83-84.
628
PIN (X), Les victimes d’infractions définitions et enjeux, op. cit.
125
B) La place relative de la victime
629
C. pr. pén. Art. 93 ; Crim. 11 juin 1985, Bull. crim. n° 226 ; Crim. 11 déc. 1984, Bull. crim. n° 397.
630
C. pr. pén. Art. 99 al. 4.
631
C. pr. pén. Art. 99 al 2.
632
C. pr. pén. Art. 119 : « Le procureur de la République peut assister aux interrogatoires, auditions et
confrontations de la personne mise en examen, de la partie civile et du témoin assisté. Chaque fois qu’il a
fait connaître au juge d’instruction son intention d’y assister, le greffier du juge d’instruction doit l’avertir
par simple note, au plus tard l’avant veille de l’interrogatoire ».
126
société. Le procureur de la République, qui est appelé à plusieurs reprises « partie », n’en
reste pas moins une autorité judiciaire. Cet article révèle également toute l’ambiguïté de
l’évolution de la place de la victime dans la procédure pénale. L’impression qui en émane,
notamment dans la phase d’instruction, c’est que le législateur donne du pouvoir à la
victime partie civile tout en bridant ce pouvoir pour ne pas, en fin de compte, dénaturer les
fondements du système pénal. Un système pénal, il faut le rappeler, qui n’est pas conçu à
l’origine pour laisser autant de place que cela à la victime. Cela aboutit finalement à une
situation schizophrénique.
157. Une action mi-réparatrice mi-repressive633. Au nom de la ou de sa vérité, la
victime partie civile dispose de droits importants dans la phase d’instruction. L’action de la
partie civile n’est donc plus une action civile à visée réparatrice. Elle devient une action à
visée répressive. L’intérêt d’une victime pour la réparation et la vérité est normal, et
s’entend dans le cadre d’une infraction pénale. En revanche, lorsque ces intérêts se
confondent avec ceux de l’ordre public, la démarche devient beaucoup plus opaque. Il faut
alors une nouvelle fois s’interroger sur le caractère privé de la procédure pénale634.
158. Les failles de la réparation durant la phase d’instruction. Il a été
développé auparavant toutes les possibilités offertes à la victime, que ce soit durant le
contrôle judiciaire ou durant l’information judiciaire à proprement parler. Il a été démontré
d’une part l’évolution des droits des victimes et d’autre part son influence sur l’instruction.
Néanmoins, ce que peut retirer la victime de cette phase qui annonce les prémices d’un
jugement est somme toute relatif, et peut être une cause de victimisation secondaire.
Il convient de rappeler que le contrôle judiciaire et la phase d’instruction ne sont pas un
jugement, ils n’ont pas un caractère définitif : « la recevabilité d’une constitution de partie
civile ne porte que sur l’exercice des droits réservés à la partie civile au cours de
l’information »635. De ce fait, les décisions du juge d’instruction n’ont aucune autorité
devant la juridiction de jugement636.
633
PIN (X), Les victimes d’infractions définitions et enjeux, op. cit., p. 57 ; MERLE (R), La distinction entre
le droit de se constituer partie civile et le droit d’obtenir réparation du dommage causé par l’infraction, in
VITU (A), Mélanges, 1989, p. 397 ; ROCA (C), De la dissociation entre la réparation et la répression exercée
devant les juridictions répressives, D. 1991, p. 85.
634
PIN (X), La privatisation du procès pénal, RSC, 2002, p 246-261 ; BENHAMOU (Y), Vers une
inexorable privatisation de la justice, D. 2003, p 2771.
635
Crim. 15 mai 1997, Bull. crim. n° 185 ; Crim. 20 janv. 1998, Bull. crim. n° 22.
636
PIN (X), Les victimes d’infractions définitions et enjeux, op. cit.
127
Durant la phase d’instruction, la victime devenue partie civile n’a pas un droit à la
réparation au sens pécuniaire du terme. Lorsque le juge d’instruction procède à des
expertises pour déterminer l’importance des préjudices, celles-ci échappent au caractère
contradictoire du processus normal d’expertise637. La raison, une nouvelle fois, tient à la
présomption d’innocence : « Copie de la décision ordonnant une expertise est adressée
sans délai au procureur de la République et aux avocats des parties (…) Le présent article
n’est pas non plus applicable aux catégories d’expertises dont les conclusions n’ont pas
d’incidence sur la détermination de la culpabilité de la personne mise en examen et dont la
liste est fixée par décret »638.
La victime a donc avant tout un droit à la recherche de la vérité. Mais quelle vérité ? Et si
la vérité est que le prévenu soit innocent ? Le juge d’instruction instruit à charge et à
décharge, le Parquet recherche la vérité pour l’intérêt général : que recherche la victime ?
La vérité est d’autant plus une notion relative s’il l’on prend en considération la possibilité
offerte aux associations de victimes qui ont le droit de se constituer partie civile à titre
individuel639. Pour d’autres raisons que celles de la victime directe, elles veulent obtenir
« la » vérité ; une vérité qui correspond à l’objet de leur association : les conduites en état
alcooloique, les violences faites aux femmes… Regroupées autour d’une même cause, les
associations de victimes militent. Ce militentisme, dans la majorité des cas, fait perdre le
sens de la mesure et fait oublier la fonction première du droit pénal : juger un individu pour
un une atteinte à l’ordre public qu’il est présumé avoir commis.
En tout état de cause, afin que la victime puisse faire valoir les droits dont elle dispose, elle
doit se constituer partie civile. Est-ce qu’il faut en déduire qu’au moment de l’instruction la
victime n’a pas de droit ? A ce moment là, faut-il recevoir le terme « partie civile » comme
« présumée victime » ? Eu égard aux idées développées précédemment, au stade du
contrôle judiciaire et de l’information judiciaire il n’existe qu’une présumée victime.
159. Une réparation liée à la procédure pénale ? Il a été entendu que, durant la
phase d’instruction, il n’y avait pas de réparation financière. Il faut alors se poser la
question de la réparation processuelle. En d’autres termes : est ce que la victime peut, dans
637
CROQ (J.C), Le guide des infractions, op. cit., p. 265.
638
C. pr. pén. Art. 161-1 ; L. n° 2007-291 du 5 mars 2007 ; C. pr. pén. Art D.37 : « Les dispositions de
l’article 161-1 ne sont pas applicables aux expertises médicales dont l’objet est d’apprécier l’importance du
dommage subi par la victime ».
639
C. pr. pén. Art. 2-8 et s. ; C. pr. pén. Art. 90-1 ; CROCQ (J.C), Le guide des infractions, ibid., p. 265.
128
la phase d’information judiciaire, obtenir une réparation seulement du fait du déroulement
de la procédure pénale ?
Etant donné la relativité de la procédure quant à son aboutissement, la réponse est non :
l’instruction est une phase provisoire de la procédure pénale. Certes, il existe bien une
garantie des droits de la victime, mais à condition qu’elle se constitue partie civile. Les
principes du droit pénal en matière d’instruction, comme la présomption d’innoncence,
empêchent de trancher sur le fond de l’affaire.
L’instruction peut aider la victime à se reconstruire dans le cas où elle confirme ses
allégations, et que la vérité émane de l’information judiciaire. La victime joue alors un
rôle, du moment qu’elle est partie civile. Il s’agit donc d’un rôle procédural et non pas une
réparation liée à la procédure pénale. Autrement dit, la victime a une place au sein de la
procédure pénale, elle bénéficie de droits ; en revanche l’instruction étant une phase
provisoire de la procédure pénale et non pas un jugement, la victime ne saurait en retirer
une réparation.
Reste encore une épreuve pour la victime, la phase du jugement où le mis en examen,
devenu prévenu, reste encore présumé innocent. La réparation de la victime devrait
aboutir, par la condamnation d’un auteur, à la compensation du préjudice subit, et ce, qu’il
soit patrimonial ou extra-patrimonial. En revanche, en matière d’instruction, l’information
judiciaire n’aboutit pas à une condamnation mais à une mise en examen. De ce fait, il n’est
pas possible de parler de réparation à ce stade de la procédure.
160. Un point statistique. C’est durant la phase d’instruction que la victime
bénéficie de plus de pouvoirs640. A ce moment de la procédure pénale, les droits des
victimes prennent tout leur sens. Pourtant, en faisant appel à la statistique, force est de
constater qu’il faut relativiser l’impact de ces droits.
En s’appuyant sur les derniers chiffres du ministère de la Justice641, il faut faire les constats
suivants : en 2010 il y a eu 639 317 affaires poursuivies par les parquets. Sur ces 639 317
affaires, 514 699 ont été poursuivies directement devant les tribunaux correctionnels. Sur
ces 639 317 affaires, 19 640 ont été transmises devant le juge d’instruction.
640
MECHIN (M), op. cit., p. 119.
641
Annuaire statistique de la justice, éd. 2011-2012 : www.justice.gouv.fr/art_pix/stat_annuaire_2011-
2012.pdf
129
En résumé, les affaires transmises au juge d’instruction représentent 3% du nombre total
des affaires poursuivies par les Parquets. Les affaires transmises directement aux tribunaux
correctionnels représentent 80% du nombre total des affaires poursuivies par les parquets.
L’audience pénale va t-elle permettre à la victime d’obtenir satisfaction ? Est-elle aussi
aléatoire que la phase d’instruction ?
161. Un moment clef. L’audience pénale va venir cristalliser les attentes de tous
les acteurs directs de l’infraction pénale : mis en cause, victime, société. Les
développements précédents ont permis de constater que la place de la victime dans le droit
pénal résultait d’une longue histoire. Une histoire parsemée de doutes, de conflits
idéologiques, de stratégies politiques, d’intérêts particuliers.
Très souvent, l’audience pénale et le moment de récupérer l’indemnisation financière sont
considérés comme des phases permettant de faire le deuil. Mais quel deuil ? De sa
souffrance ? De son état de victime ? Tout comme le fait de ne pas avoir de dimension
thérapeutique, le droit pénal et plus précisément l’audience pénale ne peuvent pas
s’inscrire dans le champ du deuil. L’état de victime ne serait qu’un passage vers la
restauration, c’est à dire la reconquête de ses droits pour redevenir le citoyen qui a été lésé.
S’attacher fortement à la notion de réparation, se caractérisant par le versement d’une
somme d’argent dans la plupart des cas, serait une source d’insatisfaction et de
survictimisation.
162. L’indemnisation, source d’insatisfaction ? La prise en compte de
l’indemnisation est importante à condition qu’elle ne masque pas les autres conséquences
de l’infraction pénale. La société actuelle doit faire face à des violences protéiformes et
éclatées642. C’est également une cause de la pénalisation de la société643.
Il convient donc de se poser la question de la finalité de l’indemnisation. Plus précisément,
comment l’audience pénale va t-elle verbaliser les conséquences de l’infraction pénale par
l’évaluation indemnitaire ? Peut-elle le faire ? Au prononcé de la décision par la juridiction
642
CARIO (R), SALAS (D), Œuvre de justice et victimes, coll. Sciences Criminelles, L’Harmattan, 2001.
643
GARAPON (A), SALAS (D), La République pénalisée, Hachette, 1997.
130
pénale, notamment financière, la victime en a-t-elle fini avec son état de victime ? Ces
questions peuvent trouver une réponse en traitant de l’audience pénale (§1) et de la
solidarité nationale (§2).
644
BECCARIA (C), Des délits et des peines, 1764, § 24.
645
PARIZOT (R), Vers une action pénale partagée ?, in GIDUCELLI-DELAGE (G), LAZERGES (C), La
victime sur la scène pénale en Europe, PUF, 2008, pp. 247-263.
646
C. pr. pén. Art. préliminaire ; L. n° 2000-516 du 15 juin 2000 ; LAZERGES (C), loi du 15 juin 2000,
RSC, 2006, p. 7.
131
tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par
l’infraction »647. Pour Christine LAZERGE, la réparation de la victime se distingue de la
notion d’indemnisation, mais elle se distingue également du concept de restauration648. Ce
problème sémantique, tout comme celui attaché au terme victime, crée une confusion dans
l’esprit des juristes en général. Le juriste pénaliste doit être à même d’éviter les
approximations et les confusions. En effet, en droit, « toute différence de nature implique
une différence de régime »649. Il faut rappeler que les termes victime, partie civile, témoin,
citoyen ont une existence juridique autonome, tout comme les termes réparation,
indemnisation, restauration.
Pour affiner la thèse en présence il faut analyser la théorie du procès pénal (A), puis la
pratique du procès pénal (B).
647
C. pr. pén. Art. 2.
648
LAZERGES (C), loi du 15 juin 2000, Ibid.
649
BERGEL (V.B), Différence de nature (égale) Différence de régime, RTD, civ. 1984, p. 255 ; Par exemple
« la notion de victime potentielle, devant la Cour Eurpéenne des Droits de l’Homme, facilite la recevabilité
des recours et permet d’élargir le champ de contrôle de la juridiction de Strasbourg (…) » V. PIN (X), Les
victimes d’infractions définitions et enjeux, op. cit., p. 54.
650
Crim. 10 oct. 1968, Bull. crim., n° 248 ; Crim. 8 juin 1971, D. 1971, p 594, note MAURY (J) ; Crim. 15
oct. 1970, Bull. crim. n° 268.
651
Crim. 10 fév. 1987, Bull. crim n° 64 : « L’intervention d’une partie civile pouvant n’être motivée que par
le souci de corroborer l’action publique et d’obtenir que soit établie la culpabilité du prévenu, la
132
166. Le procès pénal : une indemnisation poste par poste. La victime a, depuis
la loi du 21 décembre 2006652, la faculté de distinguer poste par poste les préjudices faisant
suite à l’infraction pénale. C’est notamment pour cette raison que l’article L. 376-1 du
code de la sécurité sociale impose à la victime d’appeler la caisse primaire d’assurance
maladie lorsqu’elle a subi un préjudice corporel qui a été pris en charge par la sécurité
sociale.
L’organisme de sécurité sociale peut demander la nullité du jugement statuant sur les
dommages et intérêts dans le cas où il n’aurait pas été avisé de la tenue de l’audience
pénale. Le délai pour demander la nullité est de deux ans653.
Depuis la circulaire du 22 février 2007654, pour éviter les renvois inutiles et les nullités, il
est conseillé aux Parquets de transmettre aux organismes de sécurité sociale un avis
d’audience. Cet avis d’audience prend les mêmes formes que l’avis à victime l’invitant à se
constituer partie civile. Il faut savoir qu’en pratique, étant donné le nombre d’affaires
suivies, les Parquets laissent le soin aux victimes d’aviser les organismes de sécurité
sociale. A cette fin un document est joint à l’avis à victime. Ces organismes ne peuvent pas
exercer le recours subrogatoire sur les préjudices personnels de la victime. Il s’agit par
exemple de la souffrance endurée655 ou du préjudice esthétique656. Pour ces postes de
préjudice la sécurité sociale n’octroie pas de prise en charge. En résumé, depuis la loi du
21 décembre 2006, le recours des caisses de sécurité sociale s’exerce poste par poste,
excepté sur les préjudices à caractère personnel.
167. Le procès pénal : une nomenclature précise des préjudices subis657. « La
nomenclature des chefs de préjudice figurant dans le rapport remis par Monsieur Jean-
Pierre Dintilhac au Garde des Sceaux constitue une référence approuvée par l’ensemble
des acteurs du droit de l’indemnisation. La table de concordance entre les postes de
préjudice et les prestations des tiers-payeurs, figurant dans le rapport sur l’indemnisation
constitution de partie civile doit être accueillie à ces fins, quand bien même il serait allégué ou démontré que
la réparation du dommage causé par l’infraction échapperait à la compétence de la juridiction repressive ».
Pour aller plus loin v. sur ce point : supra n° 81 et s.
652
L. n° 2006-1640 du 21 déc. 2006 de financement de la sécurité sociale.
653
CSS Art. L. 376-1.
654
CIV-05-07 du 22 févr. 2007.
655
Ces souffrances endurées se traduisent juridiquement par le terme « pretium doloris ».
656
CROCQ (J.C), Le guide des infractions, Dalloz, 2012, p. 293.
657
CROCQ (J.C), op. cit., pp. 294-299.
133
du dommage corporel, présidé par le professeur Yvonne Lambert-Faivre, peut en outre
utilement compléter cette nomenclature »658.
Ainsi, au terme de la circulaire du 22 février 2007, une liste précise des chefs de préjudice
est établie. C’est à cette liste que la partie civile se rapporte pour établir le montant de son
préjudice. Pour Jean-Christophe CROCQ, tous les préjudices élaborés à partir de la
nomenclature figurant dans le rapport du groupe de travail de Jean-Pierre DINTILHAC et
Yvonne LAMBERT-FAIVRE, ont un caractère pécuniaire659. Quels sont ces postes de
préjudices justifiant une constitution de partie civile ? Pour saisir veritablement la
difficulté dans l’évaluation du préjudice de la victime, il convient de lister les postes de
préjudice indemnisables.660.
168. Les préjudices patrimoniaux. Il faut se placer à un moment crucial de la
réparation corporelle : la consolidation. Il s’agit de la stabilisation de la blessure661. Cette
dernière ne peut plus s’aggraver ni s’améliorer.
Avant la consolidation, la partie civile peut supporter les frais suivants : les dépenses de
santé actuelles comme les frais hospitaliers, paramédicaux et pharmaceutiques ; les frais
divers comme les frais d’expertises, les frais de garde des enfants, l’assistance d’une tierce
personne ; les pertes de gains professionnels actuels comme la perte de revenus du fait de
l’infraction subie.
Après la consolidation, il s’agit pour la partie civile de réclamer les dépenses de santé
futures comme les frais hospitaliers, paramédicaux et pharmaceutiques, prothèses et
appareillages ; les frais de logement adapté comme les travaux effectués pour adapter le
logement au handicap de la victime, frais de déménagement pour un logement plus adapté ;
les frais de véhicule adapté comme les frais liés aux adaptations du véhicule au handicap
de la victime ; l’assistance par tierce personne pour la victime qui ne peut s’assumer seule ;
la perte de gains professionnels futurs comme la perte ou la diminution des ressources ;
l’incidence professionnelle comme la dévalorisation de la victime sur le marché du travail,
658
CIV-05-07 du 22 févr. 2007 § 1.
659
CROCQ (J.C), Ibid., p. 295.
660
Postes de préjudices établis à pratir du rapport du groupe de travail chargé d’élaborer une nomenclature
des préjudices corporels. Groupe dirigé par DINTILHAC (J.P), président de la deuxième chambre civile de la
Cour de Cassation et « Rapport sur l’indemnisation du dommage corporel » du groupe de travail du Conseil
national de l’aide aux victimes dirigé par Monsieur le professeur LAMBERT-FAIVRE (Y), professeur
émérite à l’université de Lyon III ; CROCQ (J.F), ibid., pp. 294-299.
661
GUILLIEN (R), VINCENT (J), sous la direction de GUINCHARD (S), MONTAGNIER (G), Lexique des
termes juridiques 2010, 17e édit., Dalloz, 2009, p. 184.
134
la perte d’une chance professionnelle, frais de reclassement professionnel ; le préjudice
scolaire, universitaire ou de formation comme la perte d’années d’étude ou le retard
scolaire.
169. Les préjudices extra-patrimoniaux. Les organismes de sécurité sociale ne
peuvent pas faire un recours subrogatoire sur ce type de préjudice. Tout comme pour les
préjudices patrimoniaux, il faut distinguer la phase avant la consolidation et la phase après
consolidation.
Avant la consolidation, il s’agit d’un déficit fonctionnel temporaire comme l’invalidité de
la victime, la perte de sa qualité de vie ; les souffrances endurées662 comme les souffrances
physiques et psychiques ; les préjudices esthétiques temporaires.
Après la consolidation, il s’agit d’un déficit fonctionnel permanent comme les atteintes aux
fonctions physiologiques de la victime, la perte d’autonomie ; le préjudice d’agrément
comme l’impossibilité pour la victime d’exercer une activité physique ou sportive ; le
préjudice esthétique permanent comme les cicatrices ; le préjudice sexuel comme
l’impossiblité de procréer ; le préjudice d’établissement comme la perte d’une chance de
réaliser un projet, de se marier et de fonder une famille ; les préjudices permanents
exceptionnels, il s’agit de préjudices atypiques ; les préjudices liés à des pathologies
évolutives comme l’hépatite C, les maladies liées à l’amiante.
170. Les préjudices des victimes par ricochet. La nomenclature issue de la
circulaire du 22 février 2007 prend également en considération les préjudices subis par les
proches de la victime en cas de décès ou de survie avec un handicap très lourd. Tout
comme les préjudices énumérés ci-dessus, il existe des préjudices patrimoniaux et extra-
patrimoniaux réparables663.
662
« Pretium doloris ».
663
Pour aller plus loin. V. CROCQ (J.C), op. cit., pp. 298-299.
135
l’action civile (…) Ce renvoi est de droit lorsqu’il est demandé par les partie civiles »664.
En pratique, cela s’appelle un renvoi sur intérêts civils.
Sur la durée du renvoi et sur la base du renvoi, la jurisprudence précise que le renvoi ne
peut être indéterminé dans le temps665. Ainsi, il appartient au tribunal correctionnel de fixer
un terme au renvoi sur intérêts civils666.
La constitution de partie civile répond aux obligations tirées de la procédure civile. Ainsi,
elle sera dans l’obligation de déposer des conclusions écrites667. Bien que la procédure
pénale soit orale, la demande de dommages et intérêts doit être actée dans des conclusions
remises au président du tribunal correctionnel.
172. Une demande de provision. A l’instar du cautionnement, dans le cadre du
contrôle judiciaire, la partie civile peut demander le versement d’une provision. « Si le
tribunal estime que le fait constitue un délit, il prononce la peine. Il statue, s’il y a lieu, sur
l’action civile, et peut ordonner le versement provisoire, en tout ou partie, des dommages
et intérêts alloués (…) Il a aussi la faculté, s’il ne peut se prononcer en l’état sur la
demande en dommages-intérêts, d’accorder à la partie civile une provision, exécutoire
nonobstant opposition ou appel »668. Que faut-il retenir de l’article 464 alinéa 1 et 2 du
code de procédure pénale ?
Deux cas de figure peuvent se présenter : la responsablité pénale du prévenu est reconnue,
sa responsablité civile peut donner lieu au versement d’une provision ; la responsabilité
pénale du prévenu n’est pas reconnue puisqu’il peut y avoir appel ou opposition,
néanmoins le juge peut accorder une provision à la partie civile.
Il faut alors s’arrêter sur la deuxième hypothèse. L’article 464 alinéa 3 utilise le terme
« nonobstant ». Cela veut dire concrêtement qu’une provision peut être allouée à la partie
civile sans pour autant qu’ait été reconnue la responsabilité pénale du prévenu669. Dans le
664
C. pr. pén. Art. 464 ; Crim. 11 févr. 2009, AJ pén. 2009, p 236 : « le juge pénal ne peut retenir la
culpabilité d’un prévenu sans prononcer simultanément la peine ». Sur la dissociation de l’action civile et de
l’action publique V. Crim. 23 oct. 1968, D. 1969, p. 163, note Faivre.
665
Crim. 25 janv. 1973, Bull. crim. n° 44 ; Crim. 19 mars 1975, Bull. crim. n° 85 ; Crim. 1er déc. 1999, Dr.
pénal 2000, Chron. 30, obs. Marsat.
666
Crim. 7 nov. 1977, D. 1978, p. 319.
667
Crim. 14 oct. 2003, AJ pén. 2003, p. 105 : « De même une cour d’appel ne peut condamner un prévenu à
verser des dommages et intérêts à la partie civile alors que cette dernière n’avait déposé des conclusions ne
visant qu’un co prévenu par ailleurs relaxé ». V. également Crim. 30 sept. 2003, Bull. crim., n° 173.
668
C. pr. pén. Art. 464 al. 1 et 2.
669
Crim. 16 oct. 1968, Bull. crim. n° 255 : « L’art. 464 al. 2, disposition exceptionnelle, doit être interprété
restrictivement et ne peut s’étendre au-delà de ses termes mêmes. Les juges ne sauraient notamment user de
136
même sens que la provision en matière de cautionnement, il faut s’interroger sur le
principe de la présomption d’innocence. Il faut se questionner également sur la
victimisation secondaire que cela peut engendrer, en cas de restitution par la victime des
sommes allouées. La faculté pour le juge de statuer en même temps sur la responsabilité
pénale et sur la responsabilité civile crée un dysfonctionnement dans la bonne
administration de la justice pénale. Dans cette configuration, quels bénéfices la victime
peut-elle retirer du procès pénal ?
173. Une étude comparative. Avant toute chose, il convient, pour mieux
comprendre les difficultés rencontrées dans le système pénal français, de procéder à une
étude de droit comparé. Les principaux systèmes pénaux étrangers donnent l’opportunité
d’affiner la thèse en présence. Il s’agit essentiellement du système pénal anglais et du
système pénal allemand.
174. En Allemagne. En droit allemand, la victime est considérée comme un
élément neutre du système pénal670. En outre, il n’existe pas de victimes indirectes ou par
ricochet. Seule la victime directe peut se prévaloir d’une indemnisation devant le tribunal.
Ainsi, des associations ne peuvent pas défendre les intérêts collectifs.
Il existe en droit allemand le système de la dénonciation qui permet à la victime, dans 90%
des cas, de déclencher les poursuites pénales671. Le principe reste le même qu’en France :
le monopole des poursuites est conservé par l’Etat. Tout comme la citation directe en droit
pénal français, il existe la plainte privée qui donne l’opportunité à la victime de
« maîtriser » la procédure pénale. Néanmoins, rien n’empêche la juridiction pénale de
relaxer le prévenu à tout moment.
la faculté qu’il prévoit lorsqu’ils condamnent le prévenu à des réparations civiles dont le caractère
particulier exclut toute possiblité ultérieure de restitution ».
670
HENRION (H), Y a-t-il une place pour la victime en procédure pénale allemande ?, in GIUDICELLI-
DELAGE (G), LAZERGES (C), La victime sur la scène pénale en Europe, PUF, 2008, pp. 25-46. Nous
verrons un peu plus en aval que cette neutralité est toute relative.
671
HENRION (H), op. cit., p. 35.
137
Concernant l’indemnisation, il n’existe pas de fonds de garantie des victimes d’infractions
pénales comme c’est le cas en France672. Dans le cas où un auteur d’infraction pénale reste
non identifiable, la victime reçoit des prestations sociales à hauteur du préjudice
matériel673. Par le biais de la plainte accessoire, qui n’est pas une action civile comme en
droit français, la victime peut intervenir dans le procès statuant sur les intérêts civils. Elle
interfère également sur le jugement pénal. Selon Hervé HENRION la présence de la
victime affaiblit le rôle et la place de la défense674.
En résumé, le droit pénal allemand recherche encore aujourd’hui un équilibre entre place
de la victime et droit de la défense. Il ne peut se résigner à lui laisser une place trop
importante. Comme dans le système pénal français, les interrogations sont fortes sur la
place à accorder à la victime.
175. En Angleterre. Dans le droit pénal anglais, la victime « a une place résiduelle
qui confine au négligeable »675. Il existe néanmoins un code, « Code of Practice for
Victims »676, qui liste les droits des victimes en matière pénale. Il s’agit de l’énumération
des droits des victimes sans pour autant élaborer le concept même de victime. Il n’existe
pas en Angleterre de définition de victime.
Comme en Allemagne ou en France il existe une procédure d’accusation privée. Mais
contrairement à ces législations, en Angleterre les poursuites privées représentent 16% du
nombre total des poursuites677. Cette faible proportion résulte du coût de cette procédure.
Tout est à la charge de « l’accusateur »678, qui n’est pas forcément une victime.
Dans le système pénal anglais, la victime n’a pas de statut pénal et n’est jamais partie à la
procédure pénale. Si elle est amenée à être présente à l’audience pénale, ce n’est qu’en tant
que témoin. Le « Code of Practice for Victims » lui confère des droits : droit à
672
En France il existe la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI) et le Service d’Aide
au Recouvrement des Victimes d’Infractions (SARVI).
673
MERIGEAU (M), La victime et le système pénal allemand, RSC, 1994, p. 64.
674
HENRION (H), Ibid., p 41 ; MERIGEAU (M), Ibid., pp. 57-58.
675
MARTINI (A), La victime en Angleterre : « une formidable absence, partout présente », in GIUDICELLI-
DELAGE (G), LAZERGES (C), La victime sur la scène pénale en Europe, PUF, 2008, p. 47 ; pour aller plus
loin sur l’histoire du droit pénal en Angleterre v. MARTINI (A), Angleterre, un autre parquet ?, in
LAZERGES (C), Figures du parquet, PUF, 2006.
676
Code de bonnes pratiques pour les victimes.
677
MARTINI (A), La victime en Angleterre, op. cit., p. 55.
678
Il n’existe pas de système d’aide juridictionnelle.
138
l’information679, droit à l’accompagnement d’une association d’aide aux victimes. En ce
qui concerne l’indemnisation, le fait de ne pas avoir d’existence légale rend impossible
toute demande d’indemnisation dans le prétoir pénal. Le Crown Prosecution Service680, qui
correspond en France au Procureur de la République, présente une demande
d’indemnisation au tribunal ; une demande qui a été formulée par la victime au moment de
l’enquête. Il faut savoir que l’indemnisation est limitée aux moyens du condamné, elle est
rarement prononcée en cas d’emprisonnement. Dans tous les cas le recouvrement des
dommages et intérêts est assuré par le tribunal lui même.
En résumé, la victime est prise en compte tout au long de la procédure, mais elle n’influe
pas sur l’audience pénale : « une formidable absente toujours présente »681. Ne faut-il pas
voir dans le système pénal anglais un système raisonnable ? N’est-ce pas l’équilibre parfait
tant recherché dans les systèmes allemand ou français ? La victime en Angleterre
bénéficie, en marge de la procédure pénale, d’un accompagnement et d’un droit à
l’information qui est effectif. Cela est-il suffisant pour la restauration de la victime ?
176. Une indemnisation manquant d’effectivité. Dans la quasi totalité des
systèmes pénaux européens, il existe une solidarité nationale prenant la forme d’un fonds
de garantie. Si ces fonds de garantie trouvent toute leur raison d’être dans des sytèmes où
la victime n’est pas une partie au procès pénal, la question se pose par exemple en France.
Pourquoi faire appel à la solidarité nationale alors que la victime dispose d’un arsenal
législatif lui permettant d’être partie à l’audience pénale ? « Les intérêts de la victime, en
terme d’indemnisation des préjudices subis, se heurtent à l’insolvabilité très fréquente du
condamné »682.
Il convient de retenir, que le système pénal français, de la connaissance des faits délictuels
au jugement pénal, ne permet pas une réparation financière effective. Elle accorde, déclare
une réparation et s’en tient à cela. L’exécution de la condamnation civile de l’auteur de
l’infraction appartient à la victime. L’exécution forcée du jugement entraine forcément des
679
Comme l’explique Aurélien MARTINI, il s’agit d’un droit d’information très large : après un mois
d’investigations la police doit informer la victime de l’avancée de l’enquête, si un suspect est relaché la
victime doit en être informée, elle est régulièrement avisée de la procédure.
680
Crown Prosecution Service, MARTINI (A), La victime en Angleterre, Ibid., p. 64.
681
Terme employé par Aurélien MARTINI, La victime en Angleterre, Ibid. ; expression empruntée à
CHARTIER (E.A), Les Dieux, Gallimard, 1997 p. 132.
682
LAZERGES (C), L’indemnisation n’est pas la réparation, op. cit., p. 233.
139
frais importants683. La constitution de partie civile n’est en rien un gage de réparation
financière. Pour Christine LAZERGES, la réparation suppose la restauration, et pas
seulement l’indemnisation684. La restauration, quant à elle, supposerait que l’état de
victime ne soit qu’un passage le plus restreint possible. Or, les constats précédents
concernant la phase pre-sententielle et le jugement démontre que l’état de victime perdure
dans le temps. Cet état de victime est sujet à une victimisation secondaire : les problèmes
exposés ne reflètent-ils pas un problème sémantique autour du terme « victime » ?
177. Une présumée victime. L’article préliminaire du code de procédure pénale
garantit l’équilibre des droits des parties, les droits des victimes et la présomption
d’innocence. Cet article a été introduit par la loi du 15 juin 2000685 puis renforcé par la loi
du 14 avril 2011686. A lui seul, cet article révèle la difficulté pour le système pénal
d’appréhender la notion de victime et la notion de prévenu. Ne faudrait-il pas parler de
présumé innocent et de présumée victime ? Au fil des réformes qui se succèdent, le procès
pénal tente de trouver un équilibre. Un procès pénal qui est aujourd’hui à la recherche d’un
sens pour la victime, pour l’accusé, pour la société687.
178. Un acteur au procès équitable. Beaucoup de professionnels de l’aide aux
victimes parlent de thérapie. Pour Christine LAZERGES, cela dénote la volonté de voir
dans le procès pénal un caractère thérapeutique688, alors que ce n’est pas sa fonction. Le
procès équitable est certes un gage de réparation financière pour la victime689. Mais il
faudrait plutôt dire un gage de réparation pour la partie civile. Ce n’est que sous condition
d’une constitution de partie civile que la victime peut présenter une demande
d’indemnisation, jouer un rôle procédural durant la phase d’instruction.
683
Une exécution forcée qui se traduit par l’intervention d’un huissier de justice. Etant donné le plafond
assez bas de l’aide juridictionnelle, rare sont les cas où les victimes bénéficient de l’aide juridictionnelle pour
faire appel à l’huissier. La victime ne doit pas toucher plus de 929 euros pour pouvoir bénéficier de l’aide
juridictionnelle totale.
684
LAZERGES (C), L’indemnisation n’est pas la réparation, Ibid., pp. 228-246.
685
L. n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des
victimes.
686
L. n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue.
687
SALAS (D), Présence de la victime dans le procès et sens de la peine, AJ Pén., 2004, p. 430.
688
LAZERGES (C), L’indemnisation n’est pas la réparation, op. cit., p. 237.
689
LANTHIEZ (M.L), La classification des fondements européens des droits des victimes, in GIUDICELLI-
DELAGE (G), LAZERGES (C), La victime sur la scène pénale en Europe, op. cit., pp. 145-159.
140
En effet, le principe du procès équitable s’applique parce que la victime peut être reconnue
comme partie au procès pénal690. Dans le cas où la victime n’est pas partie, « l’autorité
judiciaire veille à l’information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute
procédure pénale »691. Il existe donc une distinction entre droits garantis et rôle durant la
procédure pénale.
179. Le procès pénal, un bénéfice pour la victime ? Les développements établis
en amont de cette étude démontrent la prise en compte de tous les préjudices subis par la
victime. Il existe une liste des postes de préjudices pouvant être présentés par les victimes
elles-mêmes et leurs ayants-droit. En théorie, le principe du procès équitable vise à assurer
les demandes des victimes quant à leur souhait d’être réparées intégralement. En pratique,
cette indemnisation manque d’effectivité. Dans la plupart des cas, la pratique conduit à
constater que les auteurs, très souvent insolvables, n’assument pas leurs obligations.
A partir de là, la solidarité nationale se met en action pour pallier la défaillance du
condamné. Si, à l’origine, les fonds de garantie ont vu le jour pour indemniser
intégralement les préjudices des victimes les plus graves, désormais ils ont la tâche
d’accueillir toutes les demandes. Cette malheureuse évolution ne caractérise t-elle pas les
limites que représente l’action de la victime dans le procès pénal ?
180. La prise en compte de toutes les souffrances ? En reprenant le paradigme de
Xavier PIN692, il existerait des victimes indignées et des victimes résignées. Pour Denis
SALAS, il faudrait préférer les termes « victime singulière » ou « victime invoquée »693. En
tout état de cause, que ce soit celle qui réclame justice avec force ou celle qui vit son
traumatisme en silence, la justice doit prendre en compte leur souffrance de la même
façon. Or, les constats précédents démontrent que le système pénal prend en compte
différement la victime suivant qu’elle est victime, témoin, partie civile. Par exemple, elle
n’aura un rôle procédural en matière d’instruction que si elle est partie civile.
Les souffrances des victimes peuvent être d’ordre psychique ou physique. La justice pénale
rappelle la règle de droit ; à partir de là, elle définit s’il y a lieu à réparation financière ou
690
C. pr. pén. Art. préliminaire I : « La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver
l’équilibre des droits des parties ».
691
C. pr. pén. Art. préliminaire II.
692
PIN (X), Les victimes d’infractions définitions et enjeux, op. cit. Les termes victimes indignées et
victimes résignées sont utilisés également par Denis SALAS. Pour lui si les termes sont réels, ils ne reflètent
pas la réalité de la situation de la victime dans le système pénal : SALAS (D), Présence de la victime dans le
procès et sens de la peine, AJ pén., 2004, p. 430.
693
SALAS (D), Présence de la victime dans le procès et sens de la peine, ibid., p. 430.
141
non. « La reconstruction du corps ou de l’esprit de la victime doit être réservée à la
médecine ou la psychothérapie »694. Le système pénal, quant à lui, aide la victime à
retrouver une autonomie, à réparer les préjudices qu’elle a subi. Cela reste de la théorie : il
semble qu’aujourd’hui soit mêlés l’intérêt de la victime et l’intérêt de la société. La
réparation financière de la victime n’est pas assurée et assumée par l’auteur de l’infraction
au point où il faille faire appel à la solidarité nationale.
694
PIN (X), Les victimes d’infractions définitions et enjeux, ibid., p. 55.
695
Conseil de l’Europe, Résolution (77) 27 adoptée le 28 septembre 1977 lors de la 275 ème réunion des
Délégués des ministres et portant 27 résolutions sur le dédommagement des victimes d’infractions pénales ;
Soutien et aide aux victimes, éd. Conseil de l’Europe, 2006 ;
http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/victims/60409%20ID%203996%20Soutien%20et%20aide%20aux
%20victimes.pdf
696
Convention européenne STCE no. : 16 in LAZERGES (C), L’indemnisation n’est pas la réparation, op.
cit.
697
V. notamment Conseil de l’UE, Directive 2004/80/CE du 29 avril 2004 relatives à l’indemnisation des
victimes de la criminalité. JOCE, L. 261, 6 août 2004.
698
LAZERGES (C), L’indemnisation n’est pas la réparation, op. cit., p. 237 ; CROCQ (J.C), Le guide des
infractions, op. cit., p. 306 ; art. L. 422-1, R. 422-4 c. assur. A titre d’information, pour l’année 2009 la
somme perçue sur les contrats d’assurance était de 3,30 euros.
142
infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à
la personne (…) ». Cet article du code de procédure pénale pose les bases du cadre
juridique de l’indemnisation de la victime par le fonds de garantie et par la CIVI. C’est un
régime de réparation autonome.
L’article 706-15-1 du code de procédure pénale pose, quant à lui, les bases du
fonctionnement du Service d’Aide au Recouvrement des Victimes d’Infractions : « toute
personne physique qui, s’étant constituée partie civile, a bénéficié d’une décision définitive
(…) peut solliciter une aide au recouvrement de ces dommages et intérêts (…) ».
Il existe donc deux modes de saisine du fonds de garantie : l’un accordé pour toutes les
victimes ayant subi un préjudice et l’autre accordé aux seules victimes s’étant constitutées
partie civile. Il s’agit d’analyser la CIVI (A) et le SARVI (B).
A) La CIVI
699
L. n° 77-5 du 3 janvier 1977 garantissant l’indemnisation de certaines victimes de dommages corporels.
700
L. n° 83-608 du 8 juillet 1983 renforçant la protection des victimes d’infraction.
701
L. n° 90-589 du 6 juillet 1990 modifiant le code de procédure pénale et le code des assurances et relative
aux victimes d’infractions.
702
L. n° 2000-56 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des
victimes.
703
L. n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
143
La CIVI est une commission qui a le caractère d’une juridiction civile 704 et qui a pour rôle
d’attribuer une indemnité à la victime705. Jusqu’en 2008706, date de création du service
d’aide au recouvrement des victimes d’infraction dit SARVI, la CIVI représentait le seul
moyen pour la partie civile de pallier à la défaillance du condamné.
184. Les bases du fonctionnement de la CIVI. Le fonctionnement et l’articulation
entre le fonds de garantie et la CIVI peuvent paraître assez compliqués. La procédure
devant la commission d’indemnisation a été simplifiée en 2004707. Ainsi, le principe est
clair : dans un premier temps, la victime va saisir le fonds de garantie des victimes d’actes
de terrorisme et autres infractions dit FGTI. Cette saisine se fait par l’intermédiaire du
dossier CIVI disponible sur internet708 ou par lettre signée par la personne se disant
victime. L’un ou l’autre des documents est déposé au greffe de la CIVI ou envoyé en
recommandé709. Il existe une CIVI dans chaque tribunal de grande instance. La victime
peut déposer sa demande soit devant la juridiction où elle réside soit devant la juridiction
pénale saisie710.
La demande est donc ensuite transmise par le greffe de la CIVI au fonds de garantie, FGTI.
Dans un délai de deux mois il doit accepter ou refuser la demande d’indemnisation de la
victime711. Donc, deux cas de figure se présentent : si le FGTI accepte la demande
d’indemnisation de la victime, il indique l’évaluation qu’il a retenue pour fixer le montant
qu’il propose712. Un constat d’accord sera alors transmis au président de la CIVI pour
homologation713. Il s’agit d’une phase amiable.
Si le FGTI n’accepte pas la demande d’indemnisation de la victime, ou si la victime
conteste l’offre du FGTI, la procédure se poursuit devant la CIVI où a été déposée la
demande714.
704
C. pr. pén. art. 706-4 al. 1.
705
AUDET (J), KATZ (J.F), Précis de victimilogie générale, DUNOD, 1999, p. 453.
706
L. n° 2008-644 du 1er juillet 2008 créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l’exécution
des peines.
707
L. n° 2004-204 du 9 mars 2004 dite « loi Perben II » portant adaptation de la justice aux évolutions de la
criminalité : création de l’article 706-5-1 du code de procédure pénale.
708
https://www.formulaires.modernisation.gouv.fr/gf/cerfa_12825.do
709
C. pr. pén. Art. R. 50-8.
710
C pr. pén. Art. R. 50-4.
711
C. pr. pén. Art. 706-5-1.
712
C pr. pén. Art. R. 50-12-1 ; civ. 2e, 9 juin 1993, Bull. civ. II, n° 201 : la CIVI a un mode de réparation
autonome. Il répond à des régles qui lui sont propres.
713
C. pr. pén. Art. R. 50-12-2.
714
C. pr. pén. art. 706-5-1 et s.
144
185. Une indemnisation intégrale. Au terme de l’article 706-3 du code de
procédure pénale, la CIVI peut accorder une indemnisation intégrale du préjudice subi par
la victime d’infraction pénale. Il ne s’agit pas de tous les cas d’infractions pénales. En
effet, l’article sus-mentionné précise les cas pris en compte : les « faits volontaires ou non
qui présentent le caractère matériel d’une infraction (…) soit ont entrainé la mort, une
incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à
un mois » ; les agressions sexuelles ou atteintes sexuelles, traite des êtres humains715. Pour
ces dernières infractions, il n’existe pas de condition quant à la durée de l’incapacité totale
de travail.
L’article 706-3 du code de procédure pénale parle de réparation intégrale. Il faudrait
comprendre par intégrale, en totalité. C’est à dire, tous les préjudices. Pourtant, « les
atteintes aux biens associées à des atteintes à la personne ne sont pas indemnisés par la
CIVI »716. C’est le cas par exemple d’un préjudice vestimentaire dans le cadre d’une
violence volontaire717. Par conséquent, l’article sus-mentionné ne prévoit la réparation que
des seuls dommages résultant des atteintes à la personne718.
186. Les champs exclus de l’article 706-3 du code de procédure pénale. Les
atteintes à la personne ne concernent pas les accidents de la circulation, les accidents de
chasse, les faits de destruction d’animaux nuisibles, les actes de terrorisme et les
expositions à l’amiante719.
Ce principe d’exclusion joue pour tous les régimes spéciaux d’indemnisation720, y compris
en matière d’accident du travail. Jusqu’en 2003, la Cour de Cassation considérait
néanmoins que des faits, dans le cadre d’un accident du travail, qui avaient le caractère
matériel d’une infraction, pouvaient bénéficier du régime de l’article 706-3 du code de
procédure pénale721.
715
Les infractions considérées sont celles des articles 222-22 à 222-30, 225-4-1 à 225-4-5, 227-25 à 227-27
du code pénale.
716
CROCQ (J.C), Le guide des infractions, op. cit., p. 304.
717
Civ. 2e, 22 avr. 1992, Bull. civ. II, n° 131.
718
Civ. 18 juin 1997, Bull. civ. II, n° 194.
719
LAVRIC (S), Indemnisation du salarié victime d’une faute intentionnelle : compétence de la CIVI, D.
2010, p. 507.
720
LAVRIC (S), Indemnisation du salarié victime d’une faute intentionnelle : compétence de la CIVI, ibid.
721
Civ. 2e, 18 juin 1997, n° 95-11.223, Bull. civ. II, n° 191 ; Civ. 24 juin 1999, RCA 1999, p 293, obs.
GROUTEL.
145
A partir de 2003, la Cour de Cassation opére un revirement en affirmant le caractère
d’ordre public des dispositions concernant la réparation des accidents du travail722. Ce
n’est qu’en février 2010723 que la Cour de Cassation marque un retour à la jurisprudence
antérieure. En définitive, désormais, le principe est le suivant : le régime de l’article 706-3
du code de procédure pénale s’applique en matière d’accident du travail lorsque les faits
présentent le caractère matériel d’une infraction.
187. Le caractère matériel de l’infraction pénale. Dans les mêmes conditions que
celles d’une procédure civile en responsabilité, il incombe à la victime de démontrer que
son dommage résulte d’une infraction. C’est en somme un lien de causalité à démontrer.
La CIVI ne saurait se satisfaire de la démonstration du dommage, ou de la présentation
d’un fait générateur accidentel724.
Il faut rappeler les termes de l’article 706-3 alinéa 1 du code de procédure pénale : « Toute
personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui représentent le
caractère matériel d’une infraction, peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui
résultent des atteintes à la personne (…) ». Cette définition pousse-t-elle à penser que des
faits s’apparentant à une infraction suffisent pour présenter une demande devant la CIVI ?
Au regard de la jurisprudence, la réponse est oui. Ainsi, « l’infraction n’est prise en
considération qu’en tant qu’élément objectif indépendamment de la personne de son
auteur (…) il est indifférent que l’auteur présumé de l’infraction ne puisse être poursuivi
en raison d’une cause de non imputabilité »725.
Dans le même ordre d’idée, « les victimes d’un accident du travail, si celui-ci présente le
caractère matériel d’une infraction, sont admises à présenter une demande
d’indemnisation devant la CIVI »726.
722
Civ. 2e, 7 mai 2003, Bull. civ. II, n° 138 ; Civ. 23 oct. 2003, Bull. civ. II, n° 322 ; Civ. 21 déc. 2006, RSC
2007, p. 827, obs. CERF-OLLENDER.
723
Civ. 4 févr. 2010, D. 2010, p 507, note LAVRIC.
724
CROCQ (J.C), le guide des infractions, op. cit., p. 305.
725
Civ. 2e, 30 nov. 2000, n° 99-19.848, Bull. civ. II, n° 161.
726
Civ. 2e, 18 juin 1997, op. cit. ; Civ. 4 févr. 2010, op. cit.
146
Ainsi, les victimes « d’un vol, d’une escroquerie, d’un abus de confiance, d’une extorsion
de fonds et d’une destruction, d’une dégradation ou d’une détérioration d’un bien lui
appartenant »727 peuvent saisir la CIVI.
De la même manière, la personne ayant subi une infraction dont l’incapacité temporaire de
travail qui en résulte est inférieure à un mois peut saisir la CIVI. Néanmoins, cette faculté
est conditionnée : il faut tout d’abord que la victime soit dans une situation matérielle et
psychologique grave728 ; ensuite, ses ressources ne devront pas dépasser un certain
plafond. C’est à dire, le montant des ressources permettant de bénéficier de l’aide
juridictionnelle partielle729. L’indemnité que peut obtenir la victime est plafonnée à trois
fois ce montant730.
189. La destruction d’un véhicule par incendie. « L’article 706-14 est applicable
à toute personne victime de la destruction par incendie d’un véhicule terrestre à moteur lui
appartenant (…) »731.
Depuis le 1er octobre 2008732, la personne peut saisir la CIVI dans le cas d’un incendie
criminel de son véhicule. Il faut que le propriétaire du véhicule impliqué soit en règle par
rapport à la législation en vigueur. En d’autres termes, le véhicule doit être doté d’un
certificat d’immatriculation en règle, d’un contrôle technique à jour et être assuré733.
Pour pouvoir présenter une demande d’indemnisation devant la CIVI, la victime ne doit
pas avoir des ressources dépassant une fois et demi le montant de l’aide juridictionnelle
partielle734. En ce qui concerne l’indemnisation accordée, elle ne peut pas être supérieure à
trois fois le plafond de l’aide juridictionnelle partielle735.
190. Les délais pour saisir la CIVI. Il existe deux délais distincts suivant la date à
laquelle est formulée la demande. Dans un premier cas, si l’infraction est poursuivie devant
727
C. pr. pén. art. 706-14.
728
Civ. 2e, 30 nov. 1988, Bull. civ., II, n° 235 ; Civ. 2e, 9 déc. 1999, RCA 2000, p 81 ; Civ. 2e, 7 mai 2003,
Bull. civ., II, n° 139.
729
Au 1er janvier 2013 le montant de l’aide juridictionnelle partielle est de 1393€. Il s’agit du revenu mensuel
du foyer.
730
CROCQ (J.C), Guide des instructions, op. cit., p. 304. Le calcul est le suivant : montant de l’aide
juridictionnelle partielle x 3 (1393 x 3 = 4179€).
731
C. pr. pén. Art. 706-14-1.
732
Les dispositions de l’article 3 de la L. n° 2008-644 du 1er juillet 2008 instaurant l’article 706-14-1 du code
de procédure pénale sont applicables aux infractions commises à compter du 1 er octobre 2008.
733
C. pr. pén. Art. 706-14-1.
734
CROCQ (J.C), Le guide des infractions pénales, op. cit., p. 305.
Le mode de calcul est le suivant : 1,5 x 1393 = 2089,50€. Ce sont les ressources mensuelles du foyer fiscal.
735
Le calcul est le suivant : montant de l’aide juridictionnelle partielle x 3 (1393 x 3 = 4179€).
147
une juridiction pénale, le délai pour saisir la CIVI court à compter de la date du jugement,
soit un an « après la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l’action
publique ou sur l’action civile engagée devant la juridiction répressive »736.
Dans un deuxième cas, si l’infraction n’est pas poursuivie devant une juridiction pénale737,
le délai pour saisir la CIVI court à compter de la date des faits présentant le caractère
matériel d’une infraction. Ainsi, « à peine de forclusion, la demande d’indemnité doit être
présentée dans le délai de trois ans à compter de la date de l’infraction »738.
191. La CIVI : un régime dérogatoire. « L’action civile en réparation du
dommage causé par l’infraction prévue par l’article 2 peut être exercée devant une
juridiction civile, séparément de l’action publique. Toutefois, il est sursis au jugement de
cette action tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque
celle-ci a été mise en mouvement »739.
L’article 4 du code de procédure pénale pose les bases du principe selon lequel, « le pénal
tient le civil en l’état ». Le fonctionnement de la CIVI va déroger à ce principe. Ainsi, la
CIVI peut être saisie avant que le tribunal statue sur l’action publique740. La victime
conserve le droit de se constituer partie civile. De ce fait, dans le cas où le tribunal accorde
une indemnisation plus importante que celle de la CIVI, la victime peut lui demander le
complément741.
Concernant le principe de l’autorité de la chose jugée, la Cour de Cassation a rappelé que
« la base du système est l’existence d’une infraction »742. La cour de cassation fait deux
analyses de l’arrêt du 29 mars 2012 et émet deux hypothèses 743 : soit l’infraction a été
reconnue ou écartée avant que la CIVI se prononce, auquel cas l’autorité de la chose jugée
au pénal s’applique ; soit la CIVI a accordé une indemnisation avant que le tribunal
prononce une relaxe, auquel cas le FGTI ne peut pas utiliser la voie de la procédure de
736
C. pr. pén. Art. 706-5.
737
C’est le cas du classement sans suite et le cas où l’auteur de l’infraction reste inconnu.
738
C. pr. pén. Art. 706-5.
739
C. pr. pén. Art. 4 al. 1 et 2.
740
C. pr. pén. Art. 706-7, Civ. 2e, 15 déc. 1980, Bull. civ., II, n° 80 ; Civ. 2e, 15 nov. 2001, Bull. civ., II, n°
166.
741
C. pr. pén. Art. 706-8.
742
Civ. 2e, 29 mars 2012, RCA juin 2012, n° 6, comm. 167, GROUTEL (H).
743
Civ. 2e, 29 mars 2012, ibid.
148
répétition de l’indue contre la victime744. Il existe à ce moment là une victime indemnisée
sans responsabilité pénale reconnue, sans auteur déterminé.
192. L’intérêt d’une procédure devant la CIVI. Dans le cadre d’une audience
correctionnelle, les frais d’expertise civile sont supportés par la partie civile745. En
revanche, lorsqu’il s’agit d’une action devant la CIVI, les frais de justice et les frais
d’expertise sont à la charge du Trésor public746.
A la suite des remarques formulées concernant la phase d’instruction et de jugement, la
CIVI apparaît comme le meilleur moyen pour concilier l’intérêt privé et l’intérêt public.
Dans l’idéal, la victime obtient une indemnisation de la part du fonds de garantie, ou peut
défendre sa demande d’indemnisation devant la CIVI. La procédure ne met pas en jeu
l’opposition auteur/victime. Le procès pénal se tient, mais il n’oppose que la société au mis
en cause. Les droits de la victime sont préservés et le système pénal ne pâtit pas de la
présence de la partie civile dans le prétoire pénal.
En pratique, la victime profite peu de l’opportunité qu’offre la procédure devant la CIVI :
entre 2006 et 2010 le nombre de demandes déposées auprès de la CIVI a augmenté de 9%
seulement747. Cela représente une augmentation de 1838 dossiers en quatre ans. Toujours
happée par une vision utopique des bienfaits du procès pénal, la victime se détourne de
cette opportunité en la délaissant ou en cumulant constitution de partie civile et procédure
devant la CIVI.
Concernant les montants alloués aux victimes, entre 2006 et 2010 il y a eu une baisse de
27% des montant accordés par les CIVI748. Cela n’est pas dû à une réduction budgétaire
puisque le fonds de garantie est alimenté par un pourcentage sur les contrats d’assurance. Il
est utile de penser, que le plafond pour en bénéficier est trop bas. Cela explique peut être le
nombre de dossiers importants traités par le SARVI. En effet, en 2011, Le SARVI a traité
34 900 dossiers749.
744
Civ. 2e, 29 mars 2012, ibid. ; pour la répétition de l’indue v. supra n° 127.
745
C. pr. civ. Art. 263 à 284 ; Pour le remboursement des frais d’expertise civile V. C. civ. Art. 1315.
746
C. pr. pén. Art. R. 91et R. 92 15°.
747
Annuaire statistique de la justice, éd. 2011-2012 : www.justice.gouv.fr/art_pix/stat_annuaire_2011-
2012.pdf, p. 141.
748
Annuaire statistique de la justice, ibid. p. 141.
749
Commission des lois de l’Assemblée Nationale – Audition du FGTI, 29 février 2012,
http://www.assemblee-nationale.fr/13/cr-cloi/11-12/c1112045.asp
L’audition complète peut être consultée dans son intégralité sur le lien suivant : http://www.assemblee-
nationale.tv/chaines.html?dossiers=Commissions
149
B) Le SARVI
193. Un dispositif impérieux. Le SARVI a été institué par la loi du 1er juillet
2008750. Il s’adresse exclusivement aux victimes s’étant constituées parties civiles devant
la juridiction répressive et ne pouvant pas bénéficier de la CIVI. L’article 706-15-1 du
code de procédure pénale dispose que « toute personne physique qui, s’étant constituée
partie civile, a bénéficié d’une décision définitive lui accordant des dommages et intérêts
en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait d’une infraction pénale, mais qui ne peut
pas obtenir une indemnisation en application des articles 706-3 ou 706-14, peut solliciter
une aide au recouvrement de ces dommages et intérêts (…) ».
L’esprit de la loi est somme toute assez pédagogique puisqu’elle vise à responsabiliser
l’auteur du dommage, ne pas laisser une impression d’impunité vis à vis de la victime et
contribuer au financement du fonds de garantie751.
194. La procédure pour constituer un dossier SARVI752. La victime peut
solliciter le SARVI même si, dans le cadre du procès pénal, l’auteur est condamné à une
obligation de réparation753.
La victime qui s’est constituée partie civile à l’audience pénale doit attendre un délai de
deux mois avant de saisir le SARVI754. Ce délai court à compter de la décision devenue
définitive. La saisine du SARVI se fait par l’intermédiaire d’un dossier téléchargeable sur
internet755. Il existe un seul SARVI pour toute la France. Son adresse est celle du FGTI756.
Passé ce délai de deux mois, la victime partie civile dispose d’un délai d’un an pour
présenter son dossier757. Une nouvelle fois, ce délai court à compter du jour où la décision
de la juridicition répressive est devenue définitive.
Au terme de l’article 706-15-2 du code de procédure pénale, si la victime partie civile est
forclose, elle pourra invoquer un motif légitime pour être relevée de la forclusion. Si le
750
L. n° 2008-644 du 1er juillet 2008 créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l’exécution
des peines.
751
http://www.fondsdegarantie.fr/le-recours.html
752
C. pr. pén. Art. 706-15-1 et 706-15-2.
753
Pour le sursis avec mise à l’épreuve V. infra n° 368 ; pour la sanction réparation.
754
C. pr. pén. art. 706-15-2 al. 1.
755
http://www.fondsdegarantie.fr/images/FG%20DEMANDE%20AIDE%20RECOUVREMENT%202011_F
G%20DEMANDE%20AIDE%20RECOUVREMENT.pdf
756
Adresse du FGTI : Fonds de Garantie - SARVI - 75569 Paris cedex 12.
757
C. pr. pén. art. 706-15-2 al. 2.
150
fonds de garantie ne veut pas relever la partie civile de la forclusion, elle pourra encore
présenter sa demande devant le président du Tribunal de Grande Instance. Le délai pour
présenter une requête devant lui est de un mois758.
195. L’indemnisation octroyée par le SARVI759. Deux solutions peuvent se
présenter : soit la somme demandée est inférieure ou égale à mille euros ; soit la somme
demandée est supérieure à mille euros.
Pour les sommes inférieures ou égales à mille euros, le fonds de garantie accorde le
paiement intégral des sommes. En revanche, pour une demande supérieure à mille euros, le
fonds de garantie accorde 30% de la somme demandée. Une somme limitée dans tous les
cas entre mille et trois-mille euros. Pour les sommes restant à couvrir, le fonds de garantie
apporte une assistance au recouvrement en se chargeant de faire les demarches lui même
auprès de l’auteur.
Le fonds de garantie récupére les sommes auprès du condamné. Pour ce faire, il est
subrogé dans les droits de ladite partie civile et il peut utliser toutes les voies de droit
utiles760. Il faut entendre par là toutes les voies d’exécution utiles. Le fond de garantie
majore d’une pénalité les sommes réclamées au condamné. Cette pénalité représente 30%
des dommages et intérêts761.
Le 29 février 2012, François WERNER762 a été auditionné par la commission des lois de
l’Assemblée Nationale763. A cette occasion, un bilan a été dressé quant au fonctionnement
du SARVI depuis 2008. François WERNER a donc rappelé que trente employés sont
affectés directement au SARVI. Le FGTI établit un ordre dans la récupération des sommes
au condamné : le recouvrement de l’avance versée à la victime ; le recouvrement des
sommes supérieures à mille euros ; le recouvrement des 30% de pénalité. A cette occasion
l’utilité de ces 30% est rappelée. Cette majoration est utile en ce qu’elle est dissuasive et
incite donc l’auteur de l’infraction à indemniser dans les deux mois suivant la décision
pénale.
196. Entre enchantement et déception. A sa création, en 2008, le SARVI était
présenté comme un dipositif innovant et sans précédent dans l’histoire du droit à
758
C. pr. pén. art. 706-15-2 al. 2.
759
http://www.fondsdegarantie.fr/sarvi.html
760
C. assur. Art. L. 422-8.
761
C. assur. Art. L. 422-9, AM 28 nov. 2008, JO 4 déc. 2008.
762
François WERNER est directeur général du fonds de garantie.
763
Commission des lois de l’Assemblée Nationale – Audition du FGTI, 29 février 2012,
http://www.assemblee-nationale.fr/13/cr-cloi/11-12/c1112045.asp
151
l’indemnisation des victimes764. Sans nul doute les parties civiles, non éligibles à la CIVI,
patissaient de ce manque. La solution, pour elles, résidait dans le recours à l’huissier de
justice. Une démarche coûteuse et souvent vouée à l’échec du fait de l’insolvablité de
l’auteur de l’infraction.
Désormais, le plafond pour obtenir une indemnisation par la CIVI est tellement faible que
beaucoup de victimes se tournent vers le SARVI. Néanmoins, pour les atteintes aux
personnes, en dehors des infractions dont la réparation est intégrale devant la CIVI, il
s’agit d’une véritable avancée, à condition d’obtenir des dommages et intérêts inférieurs à
mille euros.
Pour les parties civiles ayant été victimes d’une atteinte aux biens, la situation est moins
simple. Les atteintes aux biens représentaient, en 2011, 20% des condamnations devant le
tribunal correctionnel765. C’est dire l’importance qu’elles prennent dans le processus
répressif du tribunal correctionnel. Ce pourcentage pousse à se pencher sur cette catégorie
d’infractions. En pratique, sur le terrain, le constat est le suivant766 : la partie civile obtient
en règle générale plus de trois mille euros de dommages et intérêts. Ce sont souvent des
vols de véhicules, de bijoux, des escroqueries consistant à vendre des produits très
coûteux. Dans ces cas, le SARVI accorde 30% des sommes demandées. Pour ce qui est du
recouvrement du reste de la somme allouée par la juridiction pénale, le fonds de garantie
doit également faire face à l’insolvabilité de l’auteur. De là, une incompréhension souvent
forte des parties civiles qui font part d’une victimisation secondaire. Le SARVI, sans
remettre en cause son orginalité et son efficacité pour les « petites » atteintes aux
personnes, peut être une source d’insatisfaction pour les victimes d’atteintes aux biens.
197. Le problème du point de départ pour saisir le SARVI. Enfin, un problème
qui n’est pas des moindres vient compliquer la procédure devant le SARVI.
En effet, il a été vu précédemment que la partie civile devait attendre que le jugement soit
définitif pour saisir le fonds de garantie. D’ailleurs, elle doit envoyer avec son dossier un
certificat de non appel pour prouver que le jugement est bien passé en force de chose
764
http://www.justice.gouv.fr/actualite-du-ministere-10030/service-daide-au-recouvrement-des-victimes-
sarvi-16018.html
765
Les atteintes aux biens représentaient 20% des condamnations devant le tribunal correctionnel, alors que
les atteintes aux personnes représentaient 15%.
Les chiffres clés de la justice 2012 : http://www.justice.gouv.fr/art_pix/chiffres_cles_2012_20121108.pdf, p.
17.
766
Réflexion tirée de mon expèrience de 4 années au bureau d’aide aux victimes du tribunal de grande
instance de Villefranche sur saône.
152
jugée. Or, pour obtenir ce précieux sésame, dans certains cas, les choses ne sont pas si
simples.
En matière pénal, le point de départ du délai d’appel est le prononcé du jugement, à
condition qu’il ait été contradictoire767.
Le deuxième alinéa de l’article 498 du code de procédure pénale, apporte certaines
précisions lorsque la personne condamnée était absente. Ainsi, dans les cas suivants, le
jugement devra être signifié, et le délai d’appel courra à compter de la date de
signification : lorsque le mis en cause n’est pas présent et qu’il n’a pas été informé de la
date de l’audience ; lorsque le mis en cause est absent et représenté par un avocat à qui il
n’a pas donné de mandat ; lorsque le mis en cause demande à être jugé en son absence et
que son avocat n’est pas présent à l’audience. Le jugement sera également à signifier
toutes les fois où le mis en cause est absent au jugement, et qu’il a été convoqué par procès
verbal768.
En pratique, les cas où la victime est en attente du certificat de non-appel, parce que le
condamné est introuvable, se présentent souvent. La partie civile doit attendre que le
condamné soit « touché » par le jugement signifié769. Il s’agit d’une modalité procédurale
qui peut entraver les droits de la victime dans la saisine du SARVI.
198. Conclusion Chapitre premier. En théorie, la souffrance des victimes est
prise en compte durant la phase d’instruction et durant le jugement. Elle apparaît sous la
forme financière et devient effective à partir du moment où la victime acquiert le statut de
partie civile. Au moment de recouvrir les dommages et intérêts obtenus, la victime doit
faire face à différents obstacles avant de voir son préjudice indemnisé.
Il a été démontré que la réparation du préjudice de la victime peut s’avérée être une source
de victimisation secondaire : elle est peu effective au regard de son recouvremement et elle
prend en compte principalement sa dimension pécuniaire.
Le premier rôle joué par la partie civile déséquilibre le système pénal en remettant en cause
des principes fondamentaux tels que la présomtion d’innocence. La vérité qui résulte de la
phase d’instruction peut être tronquée par les prérogatives de la partie civile.
199. Le règne de l’intime. L’intimité de la victime fait irruption dans le système
pénal qui est lui, conçu pour tout rendre public : « un déplacement d’attention sur l’atteinte
767
C. pr. pén. Art. 498 al. 1.
768
Crim. 29 janv. 1997, Procédures 1997, comm. 163, obs. BUISSON ; C. pr. pén. art. 499.
769
C. pr. pén. Art. 498-1.
153
intime des victimes transformant en irrémédiable traumatisme ce qui auparavant était
d’abord honte morale et offense sociale »770. En fin de compte, la question de la victime
sur la scène pénale n’est-elle pas la question de la pénalisation de la souffrance ?
Pour Christine LAZERGES, l’intimité qui est entrée sur la scène pénale, principalement
par le biais de la constitution de partie civile, transforme et déséquilibre les finalités du
procès pénal : « la victime est plus utile à la justice que la justice est utile à la victime »771 ;
que la victime soit prise en compte et qu’elle ait des droits est une chose, qu’elle ait un rôle
actif en est une autre. Etre victime ne doit être qu’un passage et doit durer le moins
longtemps possible. Or, les constats posés démontre que l’état de victime perdure tout au
long de la procédure pénale qui est pour elle difficile à vivre. Etre partie civile est une
position obscure en ce qu’elle donne un aspect vengeur à la démarche de la victime. Elle
est source d’insatisfaction et de déséquilibre. Pourtant, dans une société démocratique,
accorder des droits à la victime est essentiel et révèle une évolution sociale importante.
Comment concilier les principes fondamentaux du droit pénal et l’intérêt des victimes ? Si
en tant que partie civile la réparation que peut espérer la victime est partielle, sera-t-elle
plus étendue en tant que sujet de droit ? Quel va être le rapport de la victime à la peine ?
Quelle est la place de la peine dans le processus de réparation de la victime ? Concernant
les répercussions sociales et psychologiques, quelles sont les solutions apportées pour que
se complètent dispositif pénal et accompagnement pyschologique et social ?
Ce n’est qu’en prenant en considération la victime dans une dimension large, celle de sujet
de droit, que ces questions peuvent trouver une réponse.
200. Le citoyen au cœur du système pénal. S’il existe des prévenus, des
coupables, des mis en cause, des présumés innoncents, des victimes, des parties civiles, il
existe avant tout des citoyens, des sujets de droit. C’est à ce titre que le système pénal
trouve un sens : restaurer les protagonistes de l’infraction pénale dans leur statut de
citoyen. Si le but est le même les moyens sont en revanche différents.
Le condamné peut utilement recevoir la peine comme la correction d’un comportement qui
n’est pas citoyen. La solennité de l’audience correctionnelle est la démonstration que
l’infraction n’a pas touché un individu mais la collectivité dans son ensemble. La victime,
770
VIGARELLO (G), Histoire du viol, XVIe-XXe siècle, Paris, Le seuil, 1998, p. 7.
771
GIUDICELLI-DELAGE (G), LAZERGES (C), La victime sur la scène pénale en Europe, op. cit., p. 266.
154
quant à elle, est portée par cette collectivité. Le processus pénal lié à la peine permet
d’optimiser la réparation des préjudices subis par la victime.
Il s’agit de faire en sorte que le vivre ensemble se refonde et perdure, par une action
« vindicatoire » et non vindicative772. En d’autres termes, agir non pas pour soi mais pour
l’intérêt de la collectivité ; Raymond VERDIER parle de la justice vindicatoire comme une
justice citoyenne773. Etre citoyen c’est être sujet de droit. Replacer la victime dans une
position de citoyen, cela change-t-il le rapport de la victime au droit pénal ? Cela change-t-
il la position du droit pénal par rapport à la victime ?
201. Le terme victime : une constante. Le droit pénal et la psychologie utilisent
encore et toujours le terme victime.
Pour ce qui est de la matière juridique, le code de procédure pénale utilise le terme victime
à un moment de la procédure pénale où il n’est plus question, en théorie, de la présence de
la partie civile ou de la victime singulière : l’application des peines. Pourtant, l’article 707
du code de procédure pénale dispose que « l’exécution des peines favorise, dans le respect
des intérêts de la société et des droits des victimes, l’insertion ou la réinsertion des
condamnés ainsi que la prévention de la récidive ».
La psychologie, à l’occasion de l’infraction, traite de l’être en souffrance, donc forcément
de la victime774. En matière sociale, la création des intervenants sociaux en commissariat et
gendarmerie porte également d’une part la confusion entre prise en charge des auteurs et
prise en charge des victimes, et d’autre part la pérennisation de l’état de victime. En effet,
ce n’est qu’au titre de victime que la personne trouve aide et écoute auprès des ces acteurs
extra-judiciaires.
202. Une réparation pleine et entière. Pour que la victime puisse sortir de son état
de victime et redevenir détenteur de droits et de devoirs, elle doit prendre appui sur divers
intervenants. Dans une société démocratique où tout se résout par l’application de la règle
772
SALAS (D), Présence de la victime dans le procès pénal et sens de la peine, AJ Pén. 2004, p. 430.
773
VERDIER (R), La justice vindicatoire : une justice citoyenne, in VERDIER (R), Vengeance, Autrement
Mutations, 2004, pp. 181-183.
Pour aller plus loin. VERDIER (R), Introduction : le système vindicatoire, in VERDIER (R), La vengeance
dans les sociétés extra-occidentales, Etudes d’ethnologie, d’histoire et de philosophie, vol. 1, Cujas, 1981.
774
LIWERANT (S), Représentation de la souffrance sur la scène du droit étatique, in GIUDICELLI-
DELAGE (G), LAZERGES (C), La victime sur la scène pénale en Europe, op. cit., pp. 207- 227 ;
MORMONT (C), L’intervention psychologique auprès des victimes : questons éthiques, AJ Pén. 2004, p.
437.
155
de droit, la victime ne peut pas trouver à un même moment à un même endroit l’aide et le
soutien utile.
Ce travail de recherche détaille chaque étape de la « vie judiciaire » de la victime, avec
comme fil conducteur l’infraction pénale : position générale de la société envers les
victimes, conditions d’exsitence d’une infraction pénale, le dépôt de plainte, l’enquête,
l’instruction s’il y en a une, le jugement. A chaque étape, la victime présente des demandes
en terme d’indemnisation, d’information, de protection. Elle présente également un intérêt
pour la peine, pour le soutien psychologique et social. Il faut donc désormais analyser la
relation de la victime à la peine et son accompagnement psychologique et social. Jusqu’à
présent, si les droits des victimes sont effectifs, leur rôle, leur place dans le système pénal
est une source d’insatisfaction et une source de déséquilibre pour le dit système. A ce stade
de la réflexion, il faut se poser la question de la peine, de l’aspect psychologique et social
qui résulte de l’infraction pénale. En effet, il ne peut y avoir réparation qu’à condition que
toutes ces dimensions soient prises en compte : la dimension procédurale, pénologique,
financière, psychologique et sociale. A lui seul le procès pénal ne peut pas canaliser toutes
les demandes des victimes ou du moins dans la conception actuelle du droit pénal. Avant
de pousser la réflexion plus loin, vers une nouvelle appréhension de la victime d’infraction
pénale, il convient de traiter de la réparation et de la peine (Section 1), puis de la
réparation et de l’accompagnement psychologique, social (Section 2).
203. Le sens de la peine. La sanction pénale a un sens : elle produit des effets sur
la société et sur le condamné lui même ; des effets qui sont plus de l’ordre de la
réhabilitation que de la punition. Avec l’accroissement du droit des victimes et plus
généralement de son rôle dans la société, la peine donne l’impression que la sanction
pénale est rendue en considération de la souffrance de la victime. C’est bien évidemment
faux. Pourtant la peine représente un maillon de la chaîne permettant à la victime d’être
reconstruite. Comment concilier la fonction de la sanction pénale et les attentes de la
victime ?
Si, durant la phase d’instruction, durant le jugement, la personne en souffrance peut être
considérée comme victime singulière ou partie civile, dans l’application de la peine il
156
n’existe que la victime entendue dans un sens large775 : citoyenne à part entière. Si le droit
des victimes d’obtenir leur dû776 est consacré notamment par l’article préliminaire du code
de procédure pénale, faut-il appliquer ce principe en matière de sanction pénale ? En
d’autres termes, puisque l’article préliminaire du code de procédure pénale dispose que
« l’autorité judiciaire veille à l’information et à la garantie des droits des victimes au
cours de toute procédure pénale », faut-il compendre alors que la garantie des droits des
victimes est un dû et qu’elle a un droit de regard sur la sanction et son application ?
§1. La peine
775
ROYER (G), La victime et la peine, D. 2007, p. 1745.
776
ROYER (G), Ibid.
777
MAITRE (S), Plaidoyer pour la participation de la victime dans la procédure d’application des peines,
Etudes et Analyses, Institut pour la justice, n°13, Fév. 2011.
157
deuxième778. Pour cette raison il faut distinguer la place de la victime dans le droit pénal
d’une façon générale, et la place de la victime dans le droit de punir, c’est à dire au
moment de la déclaration de la peine et au moment de son application779.
Il a été démontré qu’au moment de la déclaration de la peine, au moment du jugement, la
victime pèse sur le processus d’édiction de la sanction pénale. Qu’en est-il de l’application
de la peine ?
La peine représente la sanction infligée à un auteur à la suite d’une infraction pénale qui
crée un désordre social, qui est allée à l’encontre de l’intérêt général. Elle est, en théorie,
dénuée de toute idée de vengeance privée. Les questions qu’il faut alors se poser sont les
suivantes : est-ce que la peine doit soulager la victime ? Quels peuvent être les bienfaits de
la peine sur la situation de la victime ? La sanction pénale doit-elle être rendue en
considération de la victime ?
206. Les fondements de la sanction pénale. La peine est un savant équilibre entre
payer sa dette à la société et dissuader de recommencer l’acte délictuel. Elle doit faire
émerger un attachement aux normes sociales mais être également dissuasive780. Elle doit
être considérée au regard de l’intérêt général tout en prenant en compte l’intérêt des
victimes. La sanction pénale résulte de la commission d’une infraction pénale et de la
responsabilité pénale de la personne. Les peines présentent une hétérogénéité : « toute
mesure, quel qu’en soit le contenu, est une peine, dés lors que la loi la qualifie ainsi »781.
Cette étude n’est pas le lieu pour traiter en profondeur la notion de peine 782. Il s’agit
seulement d’en tirer l’essence pour comprendre son articulation avec la notion de victime.
Ce développement succinct doit permettre de se projeter sur une nouvelle « dynmique
pénale », une nouvelle façon d’appréhender le système pénal, plus en accord avec ses
778
DE GRAEVE (L), Essai sur le concept de droit de punir en droit interne, thèse de doctorat en droit,
Université Jean Moulin, Lyon III, soutenue publiquement le 11 décembre 2006.
779
Nous traiterons ici de la peine et de l’application des peines dans le cadre du droit positif. Nous reverrons
dans la deuxième partie le thème de la peine mais dans le cadre d’une nouvelle approche du droit pénal : la
justice restaurative. Nous la dissocions également volontairement de la détention, un thème qui sera traité
dans la seconde partie de cette étude.
780
VAN de KERCHOVE (M), Les fonctions de la sanction pénale, information sociale, n° 127, 2005, pp. 22-
31.
781
DESPORTES (F), LE GUNEHEC (F), Droit pénal général, Economica, 11 e ed., 2004, p. 605.
782
Pour aller plus loin. PONCELA (P), Droit de la peine, PUF, coll. Thémis, 2e édit., 2001 ; BEZIZ
AYACHE (A), dictionnaire de la sanction pénale, Ellipses, 2009 ; BEZIZ-AYACHE (A), BOESSEL (D),
Droit de l’exécution de la sanction pénale, Lamy, coll. Axe Droit, 2010.
158
intentions originelles. De ce fait, il faut dans un premier temps analyser les fonctions de la
peine (A), puis entrevoir la juste place de la victime par rapport à cette peine (B).
A) La fonction de la peine
783
PAULIN (C), Droit pénal général, 4e édit., Coll. Objectif Droit, Litec, 2005 ; DELMAS-MARTY (M),
Sanctionner autrement ?, Archives de politique criminelle, n° 7, 1984, p. 50.
784
DELMAS-MARTY (M), Sanctionner autrement ?, Archives de politique criminelle, ibid. p. 50.
785
Il existe par exemple la peine de stage de citoyenneté. C. pén. Art. 131-5-1 ; C. pén. art. 20-4-1, ord. n°
45-174, 2 févr. 1945 pour les stage citoyenneté mineur.
786
Il s’agit de : la suspension du permis de conduire, l’interdiction de conduire certains véhicules,
l’annulation du permis de conduire, la confiscation d’un ou plusieurs véhicules, l’immobilisation d’un
véhicule, l’interdiction de détenir ou de porter une arme, la confiscation d’une ou plusieurs armes, le retrait
du permis de chasse, l’interdiction d’emettre des chèques, l’intediction d’exercer une activité professionnelle,
l’interdiction de paraître dans certains lieux et de fréquenter certains condamnés.
787
Il s’agit de : interdiction, déchéance, incapacité ou retrait d’un droit ; injonction de soins ; obligation de
faire ; immobilisation ou confiscation d’un objet ; confiscation d’un animal.
788
C. pén. Art. 131-3.
159
définition de la peine789. Selon Yves MAYAUD790, cette souplesse et cette articulation
trouvent un sens à travers la complémentarité entre peines principales, peines
complémentaires et peines accessoires.
Les peines principales sont l’emprisonnement et l’amende. Elles se trouvent énumérées en
premier par l’article 131-3 du code pénal791. Ensuite, le code pénal substitue la peine
d’emprisonnement et la peine d’amende au jour amende, au stage citoyenneté, au travail
d’intérêt général ou à la sanction réparation792.
789
MAYAUD (Y), Les grands articles du code pénal, Dalloz, 2011.
790
MAYAUD (Y), Ibid.
791
C. pén. Art. 131-3 1° et 2° ; Crim. 4 févr. 1938, RSC 1938, p 485, obs. MAGNOL : « La gravité relative
des peines se mesure, non par leur durée ou leur quotité, mais par le rang qu’elles occupent dans l’échelle
établie par le code pénal, une peine d’amende étant moins grave qu’une peine d’emprisonnement ».
792
C. pén. art. 131-3.
793
C. pén. Art. 131-5 à 131-8-1.
794
MAYAUD (Y), op. cit.
795
C. pén. art. 131-6 14°.
796
Pour aller plus loin. Sur la sanction réparation V. GIACOPELLI (M), Libres propos sur la sanction-
réparation, D. 2007, p. 1551.
797
Les peines complémentaires peuvent également être prononcées à titre de peine principale : C. pén. art.
131-11. Sur la peine complémentaire
160
ont une visée préventive, et ont comme prétention de pallier la récidive798. Dans cette
optique, les peines consiste en une interdiction, une déchéance, une incapacité, un retrait
d’un droit, une injonction de soins, une obligation de faire, une confiscation d’objet ou
d’animal, une fermeture d’établissement, un affichage de décision de justice799.
Ces réponses pénales, en se plaçant pour l’instant sur leur prononcé, sont pour la victime
une réponse pratique aux conséquences de l’infraction pénale. Elles sont prononcées que la
victime soit présente ou non à l’audience, qu’elle se soit constituée partie civile ou non.
C’est parce que la peine pénale est individualisée qu’elle est pour la victime une source de
restauration effective ; en décidant par exemple de sanctionner l’auteur de l’infraction par
une sanction réparation, le système pénal prend en considération les moyens financiers de
l’auteur, sa capacité à recevoir la peine. Cette peine contribue de façon pragmatique à la
restauration de la victime. Pour en venir à cette situation parfaite, encore faut-il rééduquer
les personnes, auteurs ou victimes, à la valeur de la sanction pénale. Ainsi, la restauration
de la victime ne commence-t-elle pas en fin de compte au prononcé de la peine ? Comment
lui expliquer la valeur de la sanction pénale, et son intérêt dans sa reconstruction, en dehors
de tout emprisonnement ?
210. Le suivi socio-judiciaire800. Si une peine doit caractériser son effet pratique
sur la restauration de la victime, mais également la réhabilitation de l’auteur, c’est le suivi
socio-judiciaire.
Le suivi socio-judiciaire doit être considéré comme une peine complémentaire, mais il peut
être prononcé au titre de peine principale en matière correctionnelle801. Le suivi socio-
judiciaire peut être prononcé pour une durée maximum de dix ans802. Il peut consister en
une injonction de soins ou une surveillance électronique803.
Si le condamné ne respecte pas le suivi socio-judiciaire, il est prévu une peine de prison
qui ne peut excéder trois ans804 : l’avertissement, quant à la peine d’enfermement, est
798
MAYAUD (Y), Ibid. ; V. également BEZIZ-AYACHE (A), Confiscation, Rép. Pén., Janvier 2012, §3
Régime : une peine complémentaire, p. 7 et s.
799
C. pén. Art. 131-10, 131-16, 131-17, 131-43.
800
C. pén. Art. 131-36-1 à 131-36-13 ; pour aller plus loin sur le suivi socio-judiciaire : DARBEDA (P),
L’injonction de soin et le suivi socio-judiciaire, RSC 2001, p. 521 ; VAISSIERE (A), Bilan de la gestion de
l’état dangereux par l’instauration du suivi socio-judiciaire, éd. Pédone, 2005 ; Dossier La loi du 17 juin
1998 : l’obligation de soins, 10 ans après, AJ pén., n°2/2009, p. 53 et s.
801
C. pén. Art. 131-36-7.
802
C. pén. Art. 131-36-1.
803
C. pén. Art. 131-36-4.
804
C. pén. Art. 131-36-1.
161
formulé au moment du jugement. Les mesures auxquelles le condamné doit se soumettre
sont les mêmes que celles qui s’appliquent dans le cadre du sursis avec mise à
l’épreuve805 : « 1° Répondre aux convocations du juge d’application des peines ou du
travailleur social désigné ; recevoir les visites du travailleur social et lui communiquer les
renseignements ou documents de nature à permettre le contrôle de ses moyens d’existence
et de l’exécution de ses obligations ; 3° Prévenir le travailleur social de ses changements
d’emploi ; 4° Prévenir le travailleur social de ses changements de résidence ou de tout
déplacement dont la durée excéderait quinze jours et rendre compte de son retour ; 5°
Obtenir l’autorisation préalable du juge d’application des peines pour tout déplacement à
l’étranger et, lorsqu’il est de nature à mettre obstacle à l’exécution de ses obligations,
pour tout changement d’emploi ou de résidence »806.
Les obligations tirées du contrôle judiciaire contribuent indirectement à la réparation du
préjudice de la victime. Le suivi social, médical et juridique de l’auteur de l’infraction peut
être une garantie pour qu’il ne récidive pas. De ce fait, à l’issu du jugement, la victime peut
se reconstruire en prenant acte que son agresseur bénéficie d’un véritable accompagnement
en vue de sa réinsertion. L’insécurité qu’elle peut ressentir à l’issu de l’audience pénale est
limitée par les obligations mises à la charge du condamné.
211. La relation de la victime à la peine : l’inconnue du droit. Si le caractère
polysémique du terme « peine » est incontestable807, il n’est pas possible de lui retirer son
sens premier : assurer la conformité des comportements à la règle de droit808.
Ce constat posé, il faut néanmoins prendre en considération la place que prend la victime
dans le système pénal. Si ledit système ne se résume pas à la sanction pénale, il faut
pourtant accepter l’idée que la victime, mais également les citoyens en général, considèrent
le droit pénal comme une voie prioritaire pour régler leurs conflits sociaux809. Aussi, est-il
nécessaire de trouver un caractère restauratif à la peine. Sans cela, la victime ira toujours
plus loin dans la sur-enchère pénale. Il faut rompre avec cette logique de monopole du
805
C. pén. Art. 132-44 ; pour le sursis avec mise à l’épreuve V. infra n° 368.
806
C. pén. art. 132-44.
807
VAN DE KERCHOVE (M), OST (F), De la pyramide au réseau ?, Bruxelles, Publications des Facultés
universitaires Saint-Louis, 2002 ; DELMAS-MARTY (M), Sanctionner autrement ?, op. cit., p. 50.
808
VAN DE KERCHOVE (M), Les fonctions de la sanction pénale, op. cit., pp. 22-31.
809
DE GRAEVE (L), Essai sur le concept de droit de punir en droit interne, op. cit.
162
droit pénal, et qu’enfin il renoue avec la garantie des valeurs sociales les plus
essentielles810.
Cette première approche de la notion de peine montre qu’en définitive la sanction pénale
offre à la victime la possibilité de trouver une « satisfaction » dans l’édiction de la peine.
En pratique, la réaction première de la victime consiste à voir dans la sanction pénale
l’enfermement maximum. Cet état d’esprit révèle la nature vengeresse de l’être humain.
Une réaction primaire qui reste normale surtout si l’infraction pénale concerne une atteinte
à la personne. Il faut ensuite aider la victime à dépasser cet état et expliquer la valeur de la
peine. Elle se rend rapidement compte que ce n’est qu’à travers une peine pratique,
pragmatique au plus près de ses besoins qu’elle obtient satisfaction, et que le travail de
restauration peut commencer. Par exemple dans le cas de violences conjugales, le plus
important n’est pas l’enfermement de l’auteur mais que ce dernier ne puisse plus entrer en
contact avec la victime, et que soit statué rapidement sur les modalités d’autorité parentale.
Ce constat appelle une nouvelle question : quelle est la juste place de la victime par rapport
à la sanction pénale ?
212. Une sanction pénale, des valeurs communes. Le premier principe de la peine
reste le même, qu’elle s’adresse à l’auteur de l’infraction ou à la victime : réinsérer la
personne dans la société. La sanction pénale doit-elle soulager la victime ? La réponse est
non. La sanction pénale, comme il en a été fait la démonstration pour la procédure pénale,
n’a pas de bienfait thérapeutique. Dans la conception actuelle du droit pénal, la peine doit
permettre la reconstruction de la victime : sa réhabilitation en tant que citoyen, sujet de
droit. Il n’est pas sain dans une société démocratique qu’une victime voie ses souffrances
effacées par de nouvelles souffrances, celles infligées au condamné811.
Existe-il une réparation liée à la peine ? La réponse est une nouvelle fois non. La victime
ne peut pas se statisfaire uniquement de cette aspect du processus pénal. Dire qu’il existe
une réparation liée à la peine impliquerait que la victime puisse agir sur son édiction ou
son application.
810
DE GRAEVE (L), Essai sur le concept de droit de punir en droit interne, ibid.
811
SARA LIWERANT (O), Représentation de la souffrance sur la scène du droit étatique, in GIUDICELLI-
DELAGE (G), LAZERGES (C), La victime sur la scène pénale en Europe, op. cit., pp. 207-227.
163
213. Donner du sens à la peine. Pour tous les praticiens en contact direct avec la
victime, la compréhension de la justice, de ses mécanismes, la compréhension du sens de
la peine est essentielle pour que la victime sorte de son état. La peine a un sens à condition
qu’elle ne soit pas la contrepartie du « bien être » de la victime812. Elle a un sens du
moment qu’elle prend en compte tous les protagonistes de l’infraction pénale et que la
victime est prise en compte en tant que citoyen à part entière. Aider les victimes c’est
également leur faire comprendre les limites de leurs droits face à l’édiction de la peine. Car
en définitive, eu égard aux développements précédents, le législateur prend en
considération la situtation de la victime dans le prononcé de la peine. De sorte que, la
sanction pénale requise par le ministère public est beaucoup plus pragmatique et
réparatrice que si la victime la demandait elle-même.
812
GIUDICELLI-DELAGE (G), LAZERGES (C), La victime sur la scène pénale en Europe, PUF, coll. Les
voies du droit, 2008, pp. 228-246.
813
VAN ZYL SMIT (D), Manuel des principes fondamentaux et pratiques prometteuses sur les alternatives à
l’emprisonnement, Série de manuels sur la justice, Nations Unies, New York, 2008.
http://www.undoc.org/documents/justice-and-prison-reform/Alternatives_emprisonnement.pdf
814
DE GRAEVE (L), Essai sur le concept de droit de punir en droit interne, op. cit. Cet auteur démontre avec
pertinence la nécessité de ventiler les prérogatives punitives.
815
VAN ZYL SMIT (D), ibid., p. 7.
164
victime, elle attend désormais autre chose de la justice pénale qu’une réparation
financière816 : une restauration empreinte de pragmatisme.
215. Cadre juridique de la peine alternative. A partir du moment où le délit est puni
d’une peine d’emprisonnement, le juge peut proposer une mesure alternative à cet
emprisonnement817. Si pour l’auteur, cette mesure alternative a valeur de peine, pour la
victime elle se conçoit comme une façon pratique d’être restaurée. Elle concerne tous les
délits, et le législateur n’a pas réduit la mesure alternative à l’emprisonnement au délit les
moins graves ou les plus graves818. La mesure alternative pourra se cumuler à une peine
complémentaire à condition de ne pas être de même nature819.
Il existe diverses mesures alternatives à l’emprisonnement : le jour amende820, le stage
citoyenneté821, la suspension et l’interdiction du permis de conduire822. Dans le cadre de
cette étude, il faut s’arrêter sur les mesures permettant de prendre en compte les besoins de
la victime. Ainsi, les mesures qui sont les plus pratiques pour la victime consistent à
prendre en considération les répercussions de l’infraction pénale : peur des représailles,
peur de voir revenir au domicile conjugal l’auteur, ou de voir ce dernier réapparaitre près
de chez soi, peur qu’il possède encore une arme. C’est dans ce contexte que les mesures
suivantes apparaissent d’une teneur restaurative empreinte de pragmatisme823 : interdiction
de détenir ou de porter une arme, confiscation d’une ou plusieurs armes dont le condamné
est propriétaire, confiscation de la chose qui a servi à l’infraction ou était destinée à la
commettre, interdiction de paraitre dans les lieux où l’infraction a été commise,
interdiction d’entrer en relation avec la victime de l’infraction.
Toutes ces dispositions permettent une réparation extra-patrimoniale effective. Elles sont
prononcées pour une durée limitée à trois ans ou cinq ans824. Si leur caractère restauratif ne
fait pas de doute, leur prononcé peut rencontrer des obstacles. En effet, le président du
tribunal, ou les magistrats du siège lors des audiences pénales doivent avoir conscience de
la nécessité pour la victime de bénéficier de telles mesures. En ce qui concerne les besoins
816
GIUDICELLI-DELAGE (G), LAZERGES (C), La victime sur la scène pénale en Europe, ibid., pp. 228-
246.
817
C. pén. Art. 131-6.
818
CROCQ (J.C), op. cit., p. 374.
819
C. pén. Art. 132-3.
820
C. pén. Art. 131-5.
821
C. pén. Art. 131-5-1.
822
C. pén. Art. 131-6 1° et 2°.
823
C. pén. Art. 131-6, 6°, 7°, 10°, 12°, 14°.
824
C. pén. Art. 131-6.
165
de la victime, ils doivent être recueillis en amont de l’audience pénale par les services
enquêteurs. Un statut de témoin à l’audience pourrait également lui permettre de faire
valoir ses intérêts futurs. Il semble néanmoins que cette dernière réflexion soit compromise
par le caractère victimaire de la société. Enfin, sur la durée de la mesure alternative, pour
certaines mesures trois années semblent assez courtes. En effet, notamment dans le cadre
des violences intra-familiales, la reconstruction de la victime est longue. Faudrait-il peut
être appliquer le régime du sursis simple825 à la mesure alternative à l’emprisonnement, et
l’ordonner d’une façon générale pour une durée de cinq ans ?
216. Sanction en cas de non respect des mesures alternatives à l’emprisonnement.
Si le condamné ne respecte pas les mesures alternatives à l’emprisonnement, il peut se voir
infliger les peines prévues par l’article 131-9 du code pénal. Ainsi, le tribunal peut le
condamner à la peine initialement prévue pour le délit concerné. Cette information lui est
notifiée au moment de l’audience pénale826. C’est au juge d’application des peines de
mettre à exécution les peines prononcées, après avoir débattu contradictoirement. Si le
tribunal n’a pas prévu les peines encourues en cas de violation de la mesure alternative à
l’emprisonnement, ce sont les peines des articles 434-41 du code pénal qui s’appliquent.
Cet article reprend toutes les mesures prévues par l’article 131-6 du code pénal. Ainsi, le
quantum de peine est de deux ans d’emprisonnement et de trente mille euros d’amende.
La prise en compte de la réparation patrimoniale apparaît également au travers de la
sanction réparation.
217. Prise en compte de la réparation patrimoniale, la sanction-réparation827. «
Lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement, la juridiction peut prononcer, à la
place ou en même temps que la peine d’emprisonnement, la peine de sanction réparation
»828. Dans ce cadre, le condamné doit procéder à la réparation matérielle de la victime. Les
délais et les conditions de cette réparation sont fixés par la juridiction de jugement.
L’utilisation du seul terme de victime permet de comprendre que cette mesure est possible
825
Sur le sursis simple V. LAVIELLE (B), JANAS (M), LAMEYRE (X), Le guide des peines 2012/2013,
Dalloz, 2012, Chap. 161, p. 425 et s.
826
C. pén. Art. 131-9.
827
HERZOG-EVANS (M), Sanction réparation, Rép. Pén., 2012, Chp. 429.
828
C. pén. Art. 131-8-1.
166
même en l’absence de constitution de partie civile829. La sanction réparation est possible en
matière contraventionnelle et en matière délictuelle830.
Cette mesure ne peut être mise en oeuvre qu’avec l’accord de la victime et du prévenu. Il
peut s’agir également d’une réparation en nature lorsque le bien endommagé est remis en
état par l’auteur ou un professionnel, à ses frais. L’exécution de la réparation est constatée
par le procureur de la République ou un délégué du procureur831.
218. Sanction en cas d'inexécution de la sanction réparation. Dans le cas où le
prévenu ne se soumet pas à ses obligations, il peut se voir infliger une peine. Cette peine ne
peut pas excéder six mois d’emprisonnement et quinze mille euros d’amende832. C’est au
juge d’application des peines de veiller à l’exécution de la peine prononcée833.
219. Une sanction à caractère éducatif. Pour certains auteurs, la sanction-réparation
apparait comme l’ultime étape de la construction d’une politique criminelle de la
victime834. Si la place de la victime en tant que partie civile pose problème en ce qu’elle
dénature le rapport du citoyen au droit pénal, il en va autrement de la phase pré ou post-
sententielle où la victime n’a pas besoin de se fondre en un statut particulier. Donner à la
victime une place dans la procédure pénale post-sententielle donne un caractère éducatif à
la sanction pénale. Elle permet non pas d’affirmer sa place dans le système pénal, mais de
donner un sens à la réparation en prenant en compte sa dimension patrimoniale et extra-
patrimoniale, ainsi que la situation de tous les protagonistes de l’infraction.
Ainsi, les termes sanction et réparation accolés sont tout à fait judicieux. La sanction a un
caractère éducatif dans le sens ou elle a une finalité éthique, politique et sociale835 ; une fin
éthique car elle attribue à l’autre ses actes et lui reconnait une responsabilité ; une fin
politique car elle rappelle le caractère sacré de la loi ; et une fin sociale car elle replace la
victime dans son statut de citoyen et renforce le lien social.
220. Une victime spectatrice, un préjudice réparé. D’une façon très
contradictoire, la reparation du préjudice de la victime trouve un sens au stade du prononcé
829
GIACOPELLI (M), Libres propos sur la sanction-réparation, D. 2007, p. 1551.
830
LAVIELLE (B), JANAS (M), LAMEYRE (X), Le guide des peines, op. cit., Chap. 125-11 p 147 et s.,
Chap. 138-11, p. 352 et s.
831
C. pén. Art. 131-8-1 al. 4.
832
C. pén. Art. 131-8-1 al. 5.
833
C. pr. pén. Art. 712-6.
834
VERIN (J), Une politique criminelle fondée sur la victimologie et sur l'intérêt des victimes, RSC, 1981, p.
895 ; GIACOPELLI (M), Sursis avec mise à l’épreuve, Généralités, Rép. pén., janvier 2011.
835
PRAIRAT (E), La sanction en éducation, PUF, coll. Que-sais-je ?, Paris, 2003.
167
de la peine. La victime est prise en compte sans distinction particulière quant à sa
constitution de partie civile. Au delà de l’aspect simplement financier, elle trouve dans le
droit positif les « outils » utiles pour assurer au mieux la réparation de son préjudice.
L’accent est mis sur le pragmatisme de la sanction pénale et la prise en compte de la
victime en tant que sujet de droit. Même si le code pénal évoque constamment la victime,
il faut recevoir ce terme autrement. Dans le prononcé de la peine, c’est le citoyen qui est
pris en compte, tout simplement parce que la sanction pénale prend en considération
l’intérêt de tous les protagonistes de l’infraction pénale. Le débat se cristallise aujourd’hui
autour de la procédure d’application des peines. Faut-il que la victime ou la partie civile ait
un rôle dans cette phase procédurale ? Quel est l’intérêt pour elles en terme de réparation ?
221. Une place à préciser. Avant la loi du 9 mars 2004836, la victime était étrangère
à l’exécution de la peine. Aujourd’hui ses intérêts et ses droits sont préservés et renforcés
par les dernières réformes837. Sa réparation tant patrimoniale qu’extra-patrimoniale trouve
un sens et devient effective. Il faut néanmoins être prudent sur la place que prend la
victime dans l’application de la peine. Faut-il qu’elle prenne part aux décisions
d’aménagement de peine ? Si le propos de cette étude pousse à entrevoir des solutions en
dehors du statut de partie civile, il est inconcevable de la voir intervenir dans la prise de
décision post-sententielle838. La victime a-t-elle autant de droits que la partie civile à ce
moment de la procédure pénale ?
222. Victime ou partie civile. Le code de procédure pénale utilise à différents
moments le terme de victime et le terme de partie civile. Est ce que cela est volontaire ?
Les deux ont-ils des droits différents ?
En premier lieu, l’article 721-2 du code de procédure pénale vise la victime ou la partie
civile : « Le juge de l'application des peines peut, selon les modalités prévues par l'article
712-6, ordonner que le condamné ayant bénéficié d'une ou plusieurs des réductions de
peines prévues par les articles 721 et 721-1 soit soumis après sa libération à l'interdiction
836
Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
837
Loi n° 2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses
dispositions de procédure pénale.
838
HERZOG-EVANS (M), Les victimes et l’exécution des peines. En finir avec le déni et l’idéologie, AJ
Pén., 2008, p. 356.
168
de recevoir la partie civile ou la victime, de la rencontrer ou d'entrer en relation avec elle
de quelque façon que ce soit, pendant une durée qui ne peut excéder le total des réductions
de peines dont il a bénéficié ». Cette condition pousse à dire que les deux vocables ne sont
pas assimilables. L’une est partie et l’autre ne l’est pas. Néanmoins, dans leur prise en
charge post-sententielle, il n’y a pas de différence dans la sauvegarde de leurs intérêts.
Cela est confirmé par le code pénal : « la juridiction de condamnation ou le juge de
l’application des peines peut imposer spécialement au condamné l’observation de l’une ou
de plusieurs des obligations suivantes (...) 5° Réparer en tout ou partie, en fonction de ses
facultés contributives, les dommages causés par l’infraction, même en l’absence de
décision sur l’action civile »839. Dans le même esprit, l’article D. 49-67 du code de
procédure pénale dispose que : « qu’elle se soit ou non constituée partie civile lors de la
procédure, la victime qui souhaite être informée de la libération d’un condamné (...) ».
223. Prise en compte de tous les protagonistes de l’infraction pénale. Si les droits
de la victimes sont sauvegardés, l’exécution des peines est également une occasion de
réhabiliter l’ensemble des protagonistes de l’infraction pénale : société, auteur, victime.
Ainsi, « l’exécution des peines favorise, dans le respect des intérêts de la société et des
droits des victimes, l’insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de
la récidive (...) à cette fin, les peines sont aménagées avant leur mise à exécution ou en
cours d’exécution si la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale du
condamné ou leur évolution le permettent »840. Fort de ces constats, il faut analyser la
participation passive de la victime dans l’exécution des sentences pénales (A), et sa
participation active (B).
839
C. pén. Art. 132-45 ; Crim. 30 mai 1996 : Gaz. pal. 1996. 2, chron. crim. 167 ; Crim. 27 juillet 1993 :
Bull. crim, n° 253 ; Crim. 3 juin 1998 Dr. pénal 1999. 109, obs. Marron.
840
C. pr. pén. Art. 707 ; Loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.
169
maintes reprises, le code pénal donne l’opportunité au juge de prendre en considération
l’existence de la victime dans la déclaration de la sentence pénale. Ainsi, jusqu’au 15 juin
2000, la victime n’avait aucun rôle dans la phase d’application des peines841.
La loi du 15 juin 2000 a introduit l’idée que la victime peut avoir une place dans
l’exécution de la sentence pénale. Elle permet à un représentant des associations nationales
d’aide aux victimes de siéger au sein de la juridiction nationale de libération
conditionnelle. La doctrine s’est vivement opposée à cette présence : la phase d’application
des peines étant celle réservée à la réinsertion des condamnés, non celle des victimes842. A
partir de là, le législateur n’aura de cesse de trouver un compromis entre la participation de
la victime et la prise en compte de ses intérêts dans la procédure d’application des peines.
Aujourd’hui encore, le débat est posé et se situe autour de la question suivante : la victime
peut-elle être considérée comme un acteur au stade post-sententiel ?
225. Le droit à l’information. La loi du 10 mars 2010843 a modifié les dispositions
communes en matière d’application des peines : « Si elles l’estiment opportun, les
juridictions de l’application des peines peuvent, avant toute décision, informer la victime
ou la partie civile, directement ou par l’intemédiaire de son avocat, qu’elle peut présenter
ses observations par écrit dans un délai de quinze jours à compter de la notification de
cette information »844.
La prise en compte de la victime dans la phase d’application des peines n’est qu’une
faculté : « Si elle l’estime opportun » ; « (…) peuvent (…) informer la victime ou la partie
civile » ; « elle peut présenter ». Par le caractère opportun d’informer la victime ou pas, la
juridiction d’application des peines dispose d’un pouvoir discrétionnaire. Il faut en déduire
que la victime ne peut pas contester ou se plaindre d’un manque d’information à ce stade
de la procédure pénale845. L’article 712-6 du code de procédure pénale ne met pas la
victime au centre de la phase d’application des peines. Elle est en revanche « au service de
841
MECHIN (M), Le double visage de la victime en France, entre quête de reconnaissance et quête d’un
véritable rôle procédural, op. cit.
842
D’HAUTEVILLE (A), Réflexion sur la remise en cause de la sanction pénale, RSC, 2002, p. 402.
843
L. n° 2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses
dispositions de procédure pénale.
844
C. pr. pén. Art. 712-16 al. 3.
845
ROYER (G), La victime et la peine. Contribution à la théorie du procès pénal post sententium, D. 2007, p.
1745.
170
la justice »846 : l’information qui est donnée à la victime n’a d’autre utilité que d’éclairer la
juridiction d’application des peines. En effet, c’est par les observations de la victime que le
juge peut individualiser effectivement la peine.
226. La victime consultante. C’est donc un véritable statut de consultante qui est
octroyé à la victime, faisant fi de son action civile ou pas. Elle ne pèse pas sur le processus
pénal, elle ne dénature pas le rapport du citoyen au droit pénal.
La consultation de la victime a été prévue dès le 15 mars 2001, par une décision-cadre847.
Elle vise l’aide aux victimes avant, pendant et après la procédure pénale. Principalement,
l’article 3 prévoit que « chaque état garantit la possibilité aux victimes d’être entendues au
cours de la procédure ». Faut-il alors considérer que le droit pénal français doive
obligatoirement garantir la présence de la victime dans la phase d’application des peines ?
La décision cadre du 15 mars 2001848 dispose d’une forte potentialité interprétative849. Par
conséquent, il faut comprendre à travers ce texte international que la victime doit être
seulement entendue au cours de la procédure. Ainsi, cette obligation ne saurait s’étendre
tout au long de la procédure. De plus, le texte sus-visé, prévoit que lors de la phase
d’application des peines, la victime puisse obtenir des informations pertinentes pour
protéger leurs intérêts850. A travers cette décision-cadre, c’est, en fin de compte, le droit
essentiel d’être informé qui est consacré. Sans anticiper sur la suite de cette étude, il est
loisible de constater que ce droit à l’information serait une véritable source de restauration
pour la victime, bien au-delà de la simple réparation.
227. Les limites de la consultation de la victime en droit international.
Lorsqu’une personne est consultée c’est que son avis est sollicité pour lui rendre service
dans sa quête. Ce peut être un questionnement médical, juridique, psychologique… Du
moment que le bien-être de la personne est pris en compte, la consultation ne révèle pas
une importance telle. En ce qui concerne ce travail de recherche, le bien être de la victime
est pris en compte dans le déroulement de la procédure pénale française, y compris durant
la phase post-sententielle. En effet, il faut rappeler que l’article préliminaire du code de
procédure pénale, dans son paragraphe II dispose que : « l’autorité judiciaire veille à
846
ROYER (G), La victime et la peine. Contribution à la théorie du procès pénal post sententium, ibid., p.
1747.
847
Décision cadre n°2001/220/JAI.
848
Décision cadre, Ibid.
849
ROYER (G), La victime et la peine. Contribution à la théorie du procès pénal post sententium, ibid.
850
Art. 4 de la décision cadre du 15 mars 2001, in CARIO (R), La place de la victime dans l’exécution des
peines, D. 2003, p 145.
171
l’information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale ».
A quoi se limite la consultation de la victime en matière d’application des peines ?
Pour répondre à cette question il faut dans un premier temps se tourner vers le droit
international. Au Canada, qui est en avance sur le rapport entre victime, auteur et société,
la phase d’application des peines est l’occasion de prendre en compte de façon pratique les
demandes des victimes851. Ainsi, est pris en compte au moment de l’application des peines,
le sentiment d’insécurité de la victime. L’information de la victime et de ses proches est
fondamentale dans cette phase de la procédure pénale852. Ainsi, ils peuvent obtenir des
informations sur le condamné, informations qui ne sont pas accessibles au public. Dans le
même sens, la victime peut elle-même fournir aux autorités toutes les informations utiles
quant aux répercussions de l’infraction sur elle et ses proches. Il s’agit pour elle de vivre en
toute sécurité.
Pour Robert CARIO, « est ce à la victime de s’exposer ainsi, dans une plainte infinie, à
celui qui est la source de ses malheurs ? N’est-ce pas plutôt à l’autorité judiciaire de
mettre en évidence les éventuels risques de récidive (…) ? »853. En résumé, le droit
canadien répond aux demandes des victimes d’une façon pratique en prenant en
considération sa sécurité et son exposition à une éventuelle victimisation secondaire. En
revanche, il faut rester mesuré sur sa prise de parole lors de ce moment de la procédure
pénale, la limite de la consulation étant justement sa présence devant la juridiction
d’application des peines. Qu’en est-il du droit français ?
228. Les limites de la consultation en droit français. En premier lieu, et cela
n’est pas étonnant, les associations de victimes constatent que la France est en-deçà du
droit canadien854, regrettant l’absence d’un statut propre à la victime lors de la phase
d’application des peines. Comme il en a été fait la démonstration en amont, la victime ne
peut agir sur la peine. Cela reviendrait à laisser la place à la vengeance privée et
déséquilibrerait totalement le système pénal. Est-il possible de dire que la consultation de
la victime se limite à son information ? La réponse est oui. D’autant plus que cette
information est pour elle une source de réparation effective.
851
CARIO (R), La place de la victime dans l’exécution des peines, op. cit., p. 145.
852
Guide d’information pour les victimes. Le régime correctionnel fédéral et la mise en liberté sous
condition, publ. Solliciteur général du Canada,multigraph., 2002.
853
CARIO (R), La place de la victime dans l’exécution des peines, ibid., p. 150.
854
BOULAY (M-J), Quelle place de la victime dans le processus de libération conditonnelle ? Contribution
de l’APEV au débat sur la récidive, AJ pén. 2004, p. 425.
172
En effet, depuis la loi du 10 mars 2010855, le code de procédure pénale prévoit une prise en
compte pratique dans la phase d’application des peines. Le système est perfectible mais se
rapproche des dispositions du droit canadien. Ainsi, « s’il existe un risque que le condamné
puisse se retrouver en présence de la victime ou de la partie civile et qu’au regard de la
nature des faits ou de la personnalité de l’intéressé il apparaît qu’une telle rencontre
paraît devoir être évitée, les juridictions de l’application des peines assortissent toute
décision entrainant la cessation temporaire ou définitive de l’incarcération d’une
interdiction d’entrer en relation avec la victime ou la partie civile et, le cas échéant, de
paraître à proximité de son domicile et de son lieu de travail »856. La victime reçoit un avis
pour l’informer de l’interdiction notifiée au condamné. A contrario, si la juridiction estime
que la victime n’est pas en capacité de recevoir l’information elle ne l’avise pas de
l’interdiction sus visée857.
Dans le même sens, l’article 712-16-3 dispose que « les services de police et les unités de
gendarmerie peuvent, d’office ou sur instruction du juge d’application des peines (…)
appréhender toute personne placée sous le contrôle du juge d’application des peines et à
l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a
manqué aux obligations qui lui incombent et spécialement à son interdiction d’entrer en
relation avec certaines personnes, dont la victime (…) ». Ce sont différents acteurs du
monde judiciaire qui concourent à l’information et la protection de la victime : police,
gendarmerie, juge… Au terme de l’article 712-16-3 du code de procédure pénale, ces
acteurs ont la capacité d’agir d’office. A chaque fois que le condamné ne respectera pas
son obligation envers la victime, il s’exposera à des sanctions pénales dont la suspension
d’une mesure d’aménagement de peine par exemple858.
229. Une victime passive mais protégée et informée. Le droit pénal français, dans
la phase d’application des peines, respecte les textes internationaux concernant la prise en
compte des intérêts de la victime. Il ne se distingue pas du droit canadien dans la protection
et la sécurité de la victime au moment de l’application des peines. La victime est passive
certes, mais cela est un bien pour elle, pour le condamné et la société. La réparation
effective qu’en retire la victime a été démontrée. Et sans nul doute, il serait fait l’analyse
855
L. n° 2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses
dispositions de procédures pénales.
856
C. pr. pén. Art. 712-16-2.
857
C. pr. pén. Art. 712-6-2 al. 4.
858
C. pr. pén. Art. 712-18.
173
dans la deuxième partie de cette étude, que la société et le condamné trouveraient
également une source de restauration.
Il est dommageable que la « logique pénale » au moment de l’application des peines ne
soit pas en cohérence avec celle qui est développée jusqu’au jugement. En d’autres termes,
dans une partie de la procédure pénale, la victime agit, elle est active et souvent trop
présente. Au moment de l’exécution de la sentence pénale, elle est totalement passive.
Mais c’est justement à ce moment-là que l’institution répond d’une façon pratique à deux
de ses exigences : la nécessité d’être informée et d’être en sécurité. L’application de la
peine est le maillon judiciaire ultime de la réparation de la victime. Les règles qui animent
la procédure pénale pré-sententielle et post-sententielle ne sont pas harmonieuses. Est-ce
que cet état de fait ne démontre pas l’ambiguïté du rôle de la victime dans le système pénal
français ? Cela ne constitue-t-il pas une forme de protection envers les principes
fondamentaux du droit pénal ? En tout état de cause, reconnaître à la victime un statut autre
que celui de consultant lors du procès en application de la sentence pénale « ouvrirait une
brèche dangereuse dans le mécanisme de l’action publique et mettrait à mal l’essence
même de la justice répressive »859.
Cela étant, des questions restent encore en suspens : la victime peut-elle être active dans la
phase d’application des peines ? Existe-t-il des dispositions dans le droit pénal français
permettant à la victime d’être active devant la juridiction d’application des peines ?
859
ROYER (G), La victime et la peine. Contribution à la théorie du procès pénal post sententium, op. cit., p.
1750.
860
L n° 2009-1436 du 24 nov. 2009 pénitentiaire.
861
C. pr. pén. Anc. Art. 712-7 al. 3.
174
De la même façon, l’article 712-13 alinéa 4 du code de procédure pénale disposait que
« S’il en fait la demande, l’avocat de la partie civile peut assister au débat contradictoire
devant la chambre de l’application des peines de la Cour d’Appel statuant en appel d’un
jugement du tribunal d’application des peines pour y faire valoir ses observations, avant
les réquisitions du ministère public ».
En supprimant les dispositions sus visées, le législateur confirme dans un premier temps
que la victime n’a pas sa place en tant que partie devant une quelconque juridiction
d’application des peines. En effet, jusqu’en novembre 2009, l’intervention de la victime,
via son avocat, avait une portée générale sur toutes les mesures d’aménagement de
peine862. Même si le choix du législateur est clair, à savoir écarter la victime de la
juridiction de l’application des peines, il ne le fait pas directement. En contrepartie de
l’abrogation des alinéas 3 et 4 des articles 712-7 et 712-13 du code de procédure pénale, le
législateur insère un nouvel article 730.
862
MAITRE (S), Plaidoyer pour la participation de la victime dans la procédure d’application des peines,
Etudes et Analyses, Institut pour la justice, Citoyens pour l’équité, n°13, Fév. 2011.
863
LAVIELLE (B), JANAS (M), LAMEYRE (X), Le guide des peines, op. cit., Chap. 623.171, p. 967 et s.
175
Même si les possibilités offertes par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 sont très
limitées en ce qui concerne la participation de la victime durant la phase d’application des
peines, permettent-elles de la considérer cependant comme partie au procès de
l’application des peines ?
232. La victime, une partie au procès d’application des peines ? Comme cela a
été soutenu en amont de ce point, le droit pénal français en matière d’application des
peines répond aux exigences du droit international. La victime est protégée, informée et
peut être consultée. Pour certains cela ne suffit pas864. La victime devrait pourvoir
bénéficier d’un véritable statut devant la juridiction d’application des peines, elle devrait
être partie.
Ce qui fonde cette réflexion tient en une cohérence juridique de la procédure pénale : « A
partir du moment où l’on admet une place de la victime dans le procès pénal, on doit
l’admettre d’un bout à l’autre du procès pénal (…) Au-delà d’un souci de cohérence
juridique, c’est la condition d’une justice mieux éclairée et finalement apaisée »865.
Effectivement, en prenant position pour une place toujours plus importante de la victime
dans le prétoire pénal au stade du jugement, il va de soi que cette position puisse se
poursuivre au stade de l’application des peines. Il est difficilement concevable de voir la
reconnaissance de la victime en tant que partie comme une forme d’apaisement de la
justice pénale.
Dans un arrêt du 15 mars 2006866, la Cour de Cassation a considéré que « s’il ressort des
textes du code de procédure pénale le droit de la victime d’être entendue, dans la mesure
de ses intérêts, dans les procédures concernant l’exécution des sentences pénales, rien
dans ces dispositions ne confère toutefois à la victime la qualité de partie aux décisions
prises en cette matière (…) ». Par cet arrêt, la Cour de Cassation considère l’appel de la
partie civile comme irrecevable au motif qu’elle n’a pas la qualité de partie au procès
d’application des peines.
En combinant les dispositions de la loi du 24 novembre 2009 et la jurisprudence constante,
il est possible d’affirmer que la victime n’a pas le statut de partie à l’occasion de la phase
d’application des peines. Elle peut tout au plus être consultée et faire valoir ses
864
V. en ce sens notamment MAITRE (S), Plaidoyer pour la participation de la victime dans la procédure
d’application des peines, Etudes et Analyses, Institut pour la justice, Citoyens pour l’équité, n°13, Fév. 2011.
865
MAITRE (S), Plaidoyer pour la participation de la victime dans la procédure d’application des peines,
Ibid., p. 10.
866
Crim. 15 mars 2006, AJ pén., 2006, p. 267 obs. HERZOG-EVANS.
176
observations dans le cas où elle se serait constitutée partie civile en amont à l’audience
pénale867.
233. Une position à harmoniser. Si l’idée que le manque de cohérence dans la
prise en charge de la victime, au moment du jugement puis au moment de l’application des
peines, justifie la position qu’il faille lui reconnaître le statut de partie, elle peut servir
l’argumentation contraire.
En effet, le blocage opéré à ce stade de la procédure pousse à s’intérroger sur le bien-fondé
de la présence de la victime tout au long de la procédure pénale. Ne faudrait-il pas
harmoniser le système pénal en prenant comme référence la phase d’application des
peines. En effet, c’est à ce moment qu’une crainte de la résurgence de la vengeance privée
prend tout son sens. Dans cet état d’esprit, la victime va forcément manquer d’objectivité
et de sérénité pour prétendre éclairer la décision du juge 868 ; la finalité du procès pénal sera
très aléatoire. Si une implication plus poussée de la victime à ce stade de la procédure
pénale est possible869, en l’état actuel des mentalités cela reste irréaliste.
En effet, il est possible de créer les conditions idéales pour que tous les protagonistes de
l’infraction pénale puissent ensemble résoudre les problèmes découlant de ladite infraction.
La victime pouvant à ce moment là être un facteur d’amendement et de resocialisation du
condamné870. Il est encore trop tôt à ce stade de la présente étude de se projeter sur ce type
de justice.
234. La peine comme levier de la réparation. La démonstration a été faite que la
peine est une donnée à ne pas négliger dans la réparation de la victime. Elle est importante,
faut-il encore savoir la rendre intelligible pour la victime. Ce sera, entre autres, le travail
des associations d’aide aux victimes871.
Néanmoins, le débat et les questions &apparaissent une nouvelle fois à l’occasion de la
présence de la victime au sein de la juridiction répressive, la juridiction d’application des
peines. Elle n’a pas le statut de partie, elle est considérée comme citoyenne devant être
protégée au même titre que le reste de la société. A une exception près que dans certains
cas la juridiction d’application des peines individualise la peine en conséquence de la
867
C. pr. pén. Art. 730.
868
RASSAT (M.L), Traité de procédure pénale, coll. Droit fondamental, PUF, 2001.
869
Il sera fait la démonstration que dans le cadre d’une justice restaurative les recontres auteur/victime sont
possibles, même dans le cadre d’atteintes aux personnes. V. infra n° 396 et s.
870
ANCEL (M), La défense sociale nouvelle devant la problème de la victime, RSC, 1978, p. 179 ; CARIO
(R), La justice restaurative, vers un nouveau modèle de justice, AJ pén., 2007.
871
V. infra n°313 et s.
177
situation de la victime. Cette dernière est donc protégée, prise en compte sans même une
intrusion quelconque dans le processus décisionnel.
L’enjeu aujourd’hui n’est plus la coercition de la peine, mais sa faculté à bâtir la cohésion
sociale : « il ne faudrait donc pas que ceux qui exécutent effectivement la sanction soient
victimes à leur tour de l’incohérence actuelle des réponses apportées au phénomène
criminel »872. Pour Robert CARIO, et cela confirme les propos de ce travail de recherche,
le maintien de la victime de façon active dans l’exécution des peines est dangereux : cela
retarde le travail de restauration et sa faculté à se « réinsérer en tant que citoyen »873. Il est
donc important de reprendre plus tard ce thème874, en projetant la réflexion dans une
nouveau paradigme. Ce sera également l’occasion de solliciter l’appui de tiers comme les
associations d’aide aux victimes. Pour l’instant, il faut pousser plus loin la réflexion sur la
réparation par une analyse de l’accompagnement psychologique et social de la victime ; un
accompagnement qui vient soutenir l’idée qu’il faut relativiser la présence de la victime au
sein du système pénal ; un accompagnement psychologique et social qui va venir
maximiser la réparation liée à la procédure pénale.
872
CARIO (R), La place de la victime dans l’exécution des peines, D. 2003, p. 153.
873
CARIO (R), La place de la victime dans l’exécution des peines, ibid., p. 153.
874
V. infra n° 361 et s.
178
pénal : il s’agit de l’étape de l’accompagnement psychologique et social. A travers ce
travail, ce sont toutes les attentes des victimes qui se concrétisent : besoin d’écoute, de
reconnaissance, d’aide pratique875. En définitive, l’accompagenement psychologique et
social permettrait d’inviter « infracteur, victime, proches (…) à envisager ensemble, les
conséquences et répercussions du crime éprouvé et à trouver, ensemble, les solutions,
équitables pour tous, de sortie du conflit »876.
236. Un besoin de reconnaissance, d’accompagnement. La victime, aujourd’hui,
présente des besoins en terme de reconnaissance et d’accompagnement. Ces besoins sont
garantis à condition qu’elle soit placée au centre des dispositifs psychologiques et sociaux ;
ces derniers doivent alors se combiner aux exigences du système pénal. Il faut parler de
stratégie de participation, Robert CARIO évoque le terme « empowerment » qui est son
pendant877.
Pour que la réparation soit assurée au maximum et que le système pénal ne pâtisse pas de
la place trop importante de la victime, il faut lui apprendre à participer à sa propre
reconstruction : lui donner les outils utiles pour surmonter le traumatisme qu’a fait naître
l’infraction pénale et l’aide sociale utile pour qu’elle puisse affronter les répercussions de
cette infraction. Ainsi, pour envisager clairement l’étude de la justice restaurative, il faut
analyser dans un premier temps le droit à l’accompagnement psychologique (§1), et dans
un second temps le droit à l’accompagnement social (§2).
237. Une évolution nécessaire. Le 28 et 29 juin 2012, se tenaient les 27e assises
nationales de l’INAVEM878. A cette occasion une question était posée : la victime et
l’auteur peuvent ils se rencontrer ?
Tout au long de ces journées, un consensus est apparu : la prise en charge de la victime
nécessite une démarche innovante et professionnelle : ne pas oublier la victime ne veut pas
dire la sacraliser. Il faut alors sortir de la position stérile qui oppose l’auteur et la victime.
875
Par exemple les hebergements d’urgence pour les victimes d’infractions pénales.
876
CARIO (R), MBANZOULOU (P), La justice restaurative une utopie qui marche ?, L’Harmattan, 2010, p.
13.
877
CARIO (R), Les droits des victimes d’infraction, Problèmes politiques et sociaux, La documentation
française, décembre 2007.
878
INAVEM : Institut Nationale d’Aide aux Victimes Et Médiation.
179
C’est en somme « comment passer d’un regard qui dévisage à un regard qui envisage »879.
Or, la procédure judiciaire ne représente pas la seule possibilité offerte à la victime pour
obtenir réparation. Quels sont ces besoins qui font naître une soif de justice aussi grande ?
En quoi la psychologie peut-elle permettre au juriste d’entrevoir une nouvelle dynamique
pénale, un nouveau paradigme de la réparation ?
238. Une aide psychologique primordiale avant toute action judiciaire. La
psychologie prend en charge la victime, ce qui décharge le système judiciaire de la
dimension thérapeutique880 que peut revêtir l’infraction pénale. Toute atteinte, qu’elle soit
à la personne ou aux biens, laisse un sentiment d’injustice pour la victime ; une injustice
car il y a une rupture dans le principe d’égalité entre citoyens. La transgression de la loi
crée un désordre social.
Le désordre est également psychologique pour la victime. Dans un premier temps, elle
n’est pas à même d’appréhender la différence dans les rôles et les missions des différents
intervenants881. L’intervention du psychologue permet alors de favoriser la rencontre avec
la loi. Elle permet d’aborder l’infraction pénale d’une façon plus sereine, plus en
adéquation avec ce que peut lui offrir le système pénal. Cette intervention psychologique
facilite également la « pacification » de la procédure pénale : la victime est prête à recevoir
l’information du classement sans suite, d’une relaxe, d’un non-lieu, et de se détourner
d’une posture vengeresse totalement improductive pour elle.
Ainsi, l’accompagnement psychologique est un moment de reconnaissance de son statut de
victime d’infraction pénale (A), une façon de représenter sa souffrance en dehors de la
scène pénale (B).
879
Jean COCTEAU in http://www.justice.gouv.fr/la-garde-des-sceaux-10016/victime-et-auteur-la-possible-
rencontre-24348.html
880
Pour aller plus loin. BELLON (L), GUERY (C), Juges et psy : la confusion des langues, RSC, 1999, pp.
783-792 ; CESONI (M-L), RECHTMAN (R), La réparation psychologique de la victime : une nouvelle
fonction de la peine ?, RDPC, 2005, pp. 158-178 ; DALIGAND (L), Culpabilité et traumatisme, Stress et
Trauma, 2001, pp. 99-101.
881
DAMIANI (C), L’aide psychologique aux victimes in CARIO (R), SALAS (D), Œuvre de justice et
victimes, vol 1, L’Harmattan, 2001.
180
239. Pourquoi un besoin de reconnaissance ? En premier lieu, la reconnaissance
du statut de victime permet de surpasser les conséquences de l’infraction pénale : elle
« assure le regard des autres »882, ces mêmes regards qui, plus tard, pourraient permettre
le début d’un processus de restauration.
Le problème de la reconnaissance se pose lorsqu’elle remet en cause les logiques du
système pénal883. Jusqu’à présent, l’analyse menée laisse entrevoir la reconnaissance de la
victime comme une nouvelle légitimité de l’intervention du droit pénal. La démonstration a
été faite qu’il s’agit d’une intervention qui ne fait pas œuvre de justice. Tout comme la
voie judiciaire, la reconnaissance du statut de victime d’infraction pénale n’est qu’une
étape : « bénéficier du statut de victime ne peut être qu’une étape dont la guérison ou
l’évolution doit permettre de sortir le plus rapidement possible afin de retrouver sa place
dans la société, même au prix d’un handicap »884.
Par « handicap », Tsvetan TODOROV885 exprime l’idée suivante : la reconnaissance du
statut de victime fait de ses frustrations une source de satisfaction. Elle permet alors à
l’individu d’occuper la position désirable de victime. Il est nécessaire par conséquent de
trouver le subtil équilibre pour que la reconnaissance soit une part du processus de
réparation de la victime. Le thème de la reconnaissance est l’occasion de constater que la
réparation globale est illusoire : elle est morcelée et imparfaite. En effet, les enjeux sont
pluridisciplinaires, judiciaires et extra-judiciaires. Ainsi, la restauration de la victime irait
beaucoup plus loin que la seule réparation, elle pousserait à considérer le statut de victime
dans un nouveau prisme juridique. En somme un système judiciaire qui ne se résumerait
pas à une opposition auteur/victime.
L’accompagnement psychologique sert les desseins du droit pénal, préserve ses
fondements car il écarte la gestion de la souffrance du prétoire pénal.
240. La question centrale de la reconnaissance. Le thème de la reconnaissance
est primordiale dans l’étude de la victime d’infraction pénale. Pour les praticiens, il s’agit
d’une question centrale : faut-il attendre le dénouement judiciaire pour que la personne en
882
AUDET (J), KATZ (J.F), Précis de victimologie générale, Dunod, 1999, p. 510.
883
LIWERANT SARA (O), Représentation de la souffrance sur la scène du droit étatique… in
GIUDICELLI-DELAGE (G), LAZERGES (C), La victime sur la scène pénale en Europe, op. cit., pp. 207-
227.
884
AUDET (J), KATZ (J.F), ibid., p. 511.
885
TODOROV (T), La vie commune. Essai d’anthropologie générale in BEDIN (V), FOURNIER (M),
Tzvetan Todorov, La bibliothèque idéale des sciences humaines, ed. Sciences humaines, 2009, p. 396.
181
souffrance soit reconnue comme victime ? Sur l’année 2011-2012886, au stade du dépôt de
plainte, le taux de classement sans suite des infractions pénales était de 10,7% pour :
absence d’infraction ; infraction mal caractérisée ; charges insuffisantes. Le taux de
classement sans suite était également de 11,6% pour : recherches infructueuses ;
désistement du plaignant ; état mental déficient ; carence du plaignant ; responsabilité de la
victime ; victime désintéressée d’office ; préjudice ou trouble peu important causé par
l’infraction.
Fort des résultats statistiques évoqués, il convient de se poser la question suivante : si
l’institution judiciaire ne reconnaît pas à la personne en souffrance le statut de victime dans
le cas du classement sans suite, cela veut-il dire qu’elle n’est pas victime ? Dans la
négative, comment va-t-elle traduire la réponse de la justice pour se projeter dans une
phase de reconstruction ? Quelles formes prend la reconnaissance suivant la réponse
judiciaire apportée ?
241. Les différents types de reconnaissance. Jean AUDET et Jean François
KATZ887 distinguent la reconnaissance de distinction, la reconnaissance de conformité et
la reconnaissance de fausse modestie.
Pour ce qui est de la reconnaissance de distinction888, la victime marque sa différence avec
les autres qui n’ont pas vécu le même traumatisme. Il faut qu’elle raconte constamment
l’infraction qu’elle a subie et elle est sensible aux hommages qui lui sont faits. Elle est
reconnue des autres en tant que victime, ce qui lui procure plus de satisfaction qu’une
réparation financière. Pour elle, l’étape judiciaire n’est pas primordiale.
Pour ce qui est de la reconnaissance de conformité889, la victime cherche à revenir à une
normalité pour réintégrer son statut de citoyen. La victime cherche alors la considération
qui pré-existait avant l’infraction pénale. Ce type de reconnaissance nécessite une action
judiciaire. Il s’agit alors pour elle de trouver une satisfaction dans le processus pénal sans
nécessairement être partie civile. Ce type de reconnaissance engendre une prise en compte
pragmatique de ses besoins. Enfin, dans le cadre de la reconnaissance par fausse
886
Annuaire statistique de la justice, éd. 2011-2012 : http://www.justice.gouv.fr/art_pix/stat_annuaire_2011-
2012.pdf
887
AUDET (J), KATZ (J.F), op. cit., pp. 512-513.
888
AUDET (J), KATZ (J.F), ibid., p. 512
889
AUDET (J), KATZ (J.F), op. cit., pp. 512-513.
182
modestie890, la victime minimise l’infraction qu’elle a subie. Cette position appelle
finalement l’admiration et la compassion des autres.
242. La reconnaissance, le droit pénal et la réparation. La reconnaissance est
donc une première marche vers la réparation.
En effet, la question primordiale qu’il faut se poser est la suivante : à quel moment la
victime est-elle reconnue comme telle ? En restant sur le terrain de la réparation, la
reconnaissance de la personne en tant que victime résulte nécessairement de
l’aboutissement de la procédure pénale. En d’autres termes, la victime qui s’est constituée
partie civile et qui obtient des dommages et intérêts est reconnue comme victime par
l’institution judiciaire, parce que sa finalité est la réparation. Il existe donc deux contraintes
à la reconnaissance par le biais de la réparation : la constitution de partie civile et la
condamnation du prévenu. De ce fait, considérer la reconnaissance de l’état de victime à la
réparation conduit à restreindre son champ d’intervention. Et dans le même sens, la relaxe
du prévenu devant le tribunal correctionnel empêche la victime d’accéder au statut de
victime. Le classement sans suite sera également l’occasion de considérer la victime
comme une simple personne ayant dénoncé des faits : « Toute personne ayant dénoncé des
faits au procureur de la République peut former un recours auprès du procureur général
(…) »891.
243. La reconnaissance, le droit pénal et une nouvelle appréhension de la
notion de réparation. Le code pénal et le code de procédure pénale évoquent le terme
victime à de nombreuses reprises sans conditionner sa reconnaissance à une action en
réparation : « L’autorité judiciaire veille à l’information et à la garantie des droits des
victimes au cours de toute procédure pénale »892 ; « Les officiers et les agents de police
judiciaire informent par tout moyen les victimes de leur droit : (…) D’être aidées par un
service relevant d’une ou de plusieurs collectivités publiques ou par une association
conventionnée d’aide aux victimes »893. La reconnaissance de la qualité particulière de la
victime est également l’occasion d’aggraver les peines encourues : par
exemple « L’infraction définit à l’article 222-11 est punie de cinq ans d’emprisonnement
890
AUDET (J), KATZ (J.F), op. cit., p. 513.
891
C. pr. pén. Art. 40-3.
892
C. pr. pén. Art. préliminaire.
893
C. pr. pén. Art. 53 et 75.
183
et de 75000 euros d’amende lorsqu’elle est commise : sur un mineur de quinze ans (…) sur
un ascendant légitime (…) »894.
De cette façon, la reconnaissance de la victime est réelle mais imparfaite ; imparfaite car
elle contredit à certains moments les fondements du droit pénal, et plus particulièrement la
présomption d’innocence. Comme la démonstration a été faite en aval de cette étude,
reconnaître le statut de victime avant toute décision judiciaire contredit le principe de
présomption d’innocence : il existe des présumés innocents et il existe des présumées
victimes. En revanche, reconnaître le statut de victime après une décision judiciaire permet
de maximiser la reconstruction de la victime, et ne contredit pas ledit principe car une
responsabilité pénale a été reconnue. Il faudrait donc dépasser la simple notion de
réparation et l’appréhender d’une façon plus large.
La reconnaissance du statut de victime d’infraction pénale est une notion polymorphe ; elle
peut exister par le biais de la procédure pénale ou par le biais de l’accompagnement
psychologique. Victime présumée ou victime avérée, le système pénal doit se décharger de
sa souffrance pour traiter plus objectivement l’infraction pénale. Comment la victime
d’infraction pénale peut-elle alors exprimer cette souffrance ? Comment peut-elle trouver
un équilibre entre reconnaissance et réparation ? Ces deux questions peuvent trouver
réponse à travers l’accompagnement psychologique, à condition que la démarche soit
directement en lien avec le système pénal. Autrement dit, l’accompagnement
psychologique a comme point de départ l’infraction pénale. Elle doit donc être à même de
verbaliser le classement sans suite, le jugement pénal et les difficultés qui peuvent en
résulter en terme de réparation financière et d’application de la peine.
894
C. pén. Art. 222-12.
895
LIWERANT SARA (O), Représentation de la souffrance sur la scène du droit étatique, op. cit., p. 207 et
s.
184
non896. L’introduction de la souffrance dans la sphère pénale « peut être le signe d’une
modification du rapport aux institutions étatiques, car le droit est la conséquence de la
structure du pouvoir »897.
L’ingérence de la souffrance dans le système pénal est à elle seule une source de
déséqulibre pour ledit système. Il faut donc la canaliser, la traduire et l’associer au
processus pénal sans peser sur la procédure. C’est en cela que l’accompagnement peut
révèler toute son utilité.
Il est utiles de rappeler que l’accompagnement psychologique n’est pas une réparation898 :
la prise en charge de la victime par le système judiciaire sans la soummettre à l’obligation
de se constituer partie civile, son accompagnement psychologique et social font partie d’un
tout contribuant à l’équilibre du système pénal, à la réhabilitation de tous les protagonistes
de l’infraction pénale. En somme, pour la victime, il ne saurait exister différentes
réparations : pour cette raison il est nécessaire de développer des instruments qui
l’inscrirait plutôt dans un processus de restauration ; une nouvelle appréhension de la
victime d’infraction pénale.
245. La souffrance de la victime, un prisme déformant. Lorsqu’il s’agit de
prendre en considération les souffrances des victimes d’infraction pénale, une opposition
apparaît entre vérité de la victime et vérité judiciaire899.
C’est de la souffrance que naît le sentiment de vengeance et il est nécessaire de dépasser
cette étape : « la vengeance figure l’envers négatif de la peine »900. L’aide psychologique
et plus tard l’aide juridique, devraient permettre la transition entre désir de vengeance et
désir d’institution901.
896
PIN (X), Les victimes d’infractions. Définition et enjeux, Arch. Pol.crim, n°28, 2007.
897
LIWERANT SARA (O), Représentation de la souffrance sur la scène du droit étatique, ibid., p. 222.
898
Cette position s’oppose par exemple à l’idée que « le procès pénal et la peine se voient attribuer une
fonction de reconstruction, si l’on peut dire, que nous appellerons réparation psychologique : à la manière
d’une thérapie, l’un et l’autre sont censés permettre à la victime de dépasser les conséquences
psychologiques de l’acte délictueux (…) » : CESONI (M-L), RECHTMAN (R), La réparation psychologique
de la victime : une nouvelle fonction de la peine ? RDPC, 2005, pp. 158-159.
899
LIWERANT SARA (O), Représentation de la souffrance sur la scène du droit étatique, op. cit., p. 207 et
s.
900
VERDIER (R), Introduction : le système vindicatoire, in VERDIER (R), La vengeance dans les siociétés
extra-occidentales, Etudes d’ethnologie, d’histoire de la philosophie, vol. 1, Paris, Cujas, 1981, pp. 11-42.
901
VERDIER (R), Introduction : le système vindicatoire, Ibid., pp. 11-42.
185
246. Pourquoi une aide psychologique. Une infraction pénale engendre une
désorganisation psychique902. Si la personne ne peut pas exprimer sa souffrance, cela
engendre une désorganisation chronique pour, à terme, se transformer en victimisation,
c’est à dire une inscription de la personne à long terme dans un statut de victime
permanente903.
Dans la prise en charge de la victime d’infraction pénale, il est préconisé de proposer le
plus rapidement possible une aide psychologique. La victime a le choix d’accepter ou non.
Mais la démarche doit être faite pour toutes les infractions pénales, car les répercussions
psychologiques peuvent être importantes : par exemple dans les cas d’agressions
sexuelles904, de violences conjugales905…
247. La nécessité d’une prise en charge psychologique. Le rapport de Jean
Gortais, en 1992906, a montré la nécessaire prise en charge psychologique des victimes
d’infractions pénales. Schématiquement, il est loisible de dire qu’en matière de prise en
charge de la victime d’infraction pénale, l’accompagnement psychologique remet de
l’ordre à l’intérieur de la victime. Le judiciaire, quant à lui, remet de l’ordre à l’extérieur
de la victime : le déséquilibre que crée l’infraction pénale dans le fonctionnement normal
de la société. « Ce que la victime va confier au juge ou aux enquêteurs n’est pas identique
à ce qu’elle livre au professionnel de santé mentale »907.
Le psychologue en matière d’aide aux victimes considére la personne dans le cadre de
l’infraction pénale. Autrement dit, l’accompagnement psychologique est forcément le
prolongement du traitement judiciaire. Mais cela ne vaut que pour le cadre de l’aide aux
victimes d’infractions pénales. En pratique, le temps judiciaire correspond au temps
d’accompagnement psychologique de la victime. Contrairement à la prise en charge
« normale » des personnes en matière d’accompagnement psychologique, pour la victime
le suivi sera de courte durée. Le but étant de ne pas installer durablement la personne dans
un état de victime. Il faut retenir, et c’est souvent le point de confusion, que la prise en
902
DAMIANI (C), L’aide psychologique aux victimes in CARIO (R), SALAS (D), Œuvre de justice et
victimes, vol. 1, coll. Sciences Criminelles, L’Harmattan, 2001, pp. 175-188.
903
DAMIANI (C), Les victimes, Paris, Bayard, 1998.
904
C. pén. Art. 222-27.
905
C. pén. Art. 222-14.
906
GORTAIS (J), L’aide psychologique aux victimes, Rapport, Ministère de la justice, 1992 ; RUMEN (J.P),
Psisyphe, Travaux d’un psychiatre-psychanalyste, L’Harmattan, 2007.
907
PIGNOUX (N), La réparation des victimes d’infractions pénales, op. cit. p. 564.
186
charge de la victime doit être pluridisciplinaire, mais toujours en cohésion avec le
traitement judiciaire de l’infraction pénale.
Le travail du psychologue et le traiment judiciaire d’une infraction pénale peuvent paraître
assez flous. Il convient de prendre un exemple pour mieux comprendre leur
complémentarité et leur interaction908 : Monsieur X violente Madame X depuis plusieurs
années. Cette dernière dépose plainte. Première hypothèse : il n’y a pas de certificats
médicaux attestant des violences, Monsieur X nie les faits. Le Parquet decide de classer
l’affaire sans suite. L’accompagnement psychologique permet à la personne de verbaliser
les actes qu’elle subit, de définir le cadre des violences et de permettre de surmonter le
classement sans suite. Cela se fait sur peu de séances ; généralement trois à quatre. Au-
delà, le psychologue oriente sur d’autres structures ou des cabinets privés pour un suivi
plus long.
Deuxième hypothèse : il existe des certificats médicaux constatant les violences.
L’infraction est alors caractérisée. Monsieur X est poursuivi, il est condamné à un sursis
avec mise à l’épreuve909, avec l’obligation de ne pas rencontrer la victime.
L’accompagnement psychologique permet une nouvelle fois à la personne de verbaliser les
actes qu’elle a subis, de définir le cadre de l’infraction. Il permet également de recevoir la
peine à sa juste valeur, pacifier en somme les répercussions de l’infraction pénale. De la
même façon que dans la première hypothèse, Madame X sera orientée au-delà d’un certain
nombre de séances auprès d’organismes compétents ou de cabinets indépendants.
248. L’accompagnement psychologique comme vertu thérapeutique. Il a été
évoqué les vertus thérapeutiques que pouvait induire l’idée d’une procédure pénale910. En
espérant que l’audience pénale puisse apaiser ses souffrances en faisant œuvre
thérapeutique « la victime se trompe de scène »911.
L’accompagnement psychologique canaliser donc ce « besoin thérapeutique » et laisse le
champ libre au droit pénal pour traiter l’infraction d’un point de vue strictement juridique.
908
Il s’agit de situations rencontrées très régulièrement au bureau d’aide aux victimes du TGI de Villefranche
sur saône (évaluation de l’année 2013).
909
C. pén. art. 132-40 ; V. infra n° 368 et s.
910
V. en ce sens : PIN (X), Les victimes d’infractions sexuelles dans le procès pénal, RPDP, 2002, pp. 687-
704 ; KARPIK (L), Nouvelle justice, nouvelle démocratie in SOULEZ-LARIVIERE (D), DALLE (H), Notre
justice, Laffont, 2002, pp. 397-419 ; LETOURNEUX (F), La loi du plus faible, ASH, Sept/Oct 2005, pp. 46-
49.
911
DIAMIANI (C), Comment concilier réalité psychique et réalité judiciaire ?, revue francophone du stress
et du trauma, n°1, 2003, p. 57.
187
C’est en cela que la décision pénale ne constitue pas une réparation psychologique. Mais
l’accompagnement psychologique va permettre de considérer la sanction pénale 912 à sa
juste valeur. Alors cette sanction pénale pourrait participer au processus de restauration.
912
Mais également le classement sans suite ou la relaxe.
913
PIGNOUX (N), La réparation des victimes d’infractions pénales, op. cit.
914
CARIO (R), GAUDREAULT (A), L’aide aux victimes : 20 ans après. Autour de l’œuvre de Micheline
Baril, L’Harmattan, 2003.
188
§2. Le droit à l’accompagnement social
915
Sans banaliser les autres infractions pénales, il faut savoir qu’en 2010, 26% des victimes d'infractions
pénales accueillies par les associations d'aide aux victimes l'ont été pour des faits subis dans le cadre
conjugal : http://www.justice.gouv.fr/aide-aux-victimes-10044/femmes-victimes-de-violences-23197.html
916
C. pr. pén. Art. 41.
917
C. pr. pén. Art. 41-1.
189
politiques et sociales918. Que cela annoncerait en somme « le passage d’un modèle
répressif traditionnel à un modèle pénal à intégration sociale, à une politique criminelle
participative (…) »919. C’est de façon très contradictoire, l’évolution d’une nouvelle façon
d’appréhender le droit pénal pour en conserver son essence. Faire en sorte que tous les
protagonistes de l’infraction se réunissent autour d’un même intérêt : la justice.
En quoi l’accompagnement social peut-il participer à l’évolution du système pénal ? Dans
quelle mesure le travail social peut-il être une source de restauration pour la victime ? Pour
répondre à ces questions, il convient d’analyser le travail de l’intervenant social comme un
point de rencontre entre l’auteur et la victime (A), et comme une contribution à la
réparation de la victime (B).
918
FAGET (J), Justice et travail social, Le rhizome pénal, Erès, 1992.
919
FAGET (J), Justice et travail social, Ibid., p. 10 ; DELMAS-MARTY (M), Modèles et mouvements de
politique criminelle, Economica, 1983 ; LAZERGES (C), La politique criminelle, PUF, Que sais-je ?, 1987.
920
BIEZANEK (E), COUVERT-LEROY (T), GARNIER (A), NICOLAS (P), Les intervenants sociaux en
commissariat et en gendarmerie, Repères, Ed. DIV, 2008.
921
BELORGEY (J.M), Police au rapport, Presses universitaires Nancy, 1991.
922
BIEZANEK (E), COUVERT-LEROY (T), GARNIER (A), NICOLAS (P), op. cit., p. 10.
923
BIEZANEK (E), COUVERT-LEROY (T), GARNIER (A), NICOLAS (P), Ibid., p. 11 et s.
190
voisinages, violences intrafamiliales liées à l’alcoolisme, violences légères, dégradations,
vols simples924.
254. Un désengagement de l’Etat. Le rôle des intervenants sociaux dans le
traitement de l’infraction pénale, dans la prévention du phénomène de délinquance trouve
un sens particulier dans le désengagement de l’Etat925. Si, jusque dans les années 80, le
droit pénal était indissociable de l’Etat, désormais ce dernier délègue largement certaines
prérogatives926. C’est ainsi que la prise en compte de la dimension sociale de l’infraction
n’est qu’accessoire par rapport au traitement purement juridique de l’infraction pénale927.
255. Les rôles et les missions de l’intervenant social. Les gendarmeries et les
commissariats de police sont pour les citoyens des « lieux-ressources » : assistance,
protection, information. L’intervenant social en commissariat et en gendarmerie centre son
travail sur le citoyen, sujet de droits. C’est en cela que le dispositif est innovant et se
démarque de la logique pénale actuelle. L’intervenant social peut être amené à travailler
avec les victimes et les auteurs. Pour la première fois, hormis dans le cadre judiciaire, un
intervenant se retrouve au point de rencontre entre la victime et le mis en cause928.
924
BELORGEY (J.M), Police au rapport, Ibid.
925
ROSANVALLON (P), La crise de l’Etat-providence, Seuil, 1981.
926
FAGET (J), Justice et travail social, Le rhizome pénal, op. cit.
927
Nous verrons dans le deuxième partie de cette thèse que cela est d’autant plus vrai au regard de l’aide aux
victimes, des mission des médiateurs pénaux, des délégués du procureur.
928
BIEZANEK (E), COUVERT-LEROY (T), GARNIER (A), NICOLAS (P), Les intervenants sociaux en
commissariat et en gendarmerie, op. cit.
929
BIEZANEK (E), COUVERT-LEROY (T), GARNIER (A), NICOLAS (P), Les intervenants sociaux en
commissariat et en gendarmerie, ibid., p. 16.
930
Cas rencontrés par l’intervenante sociale au commissariat de Villefranche sur saône et gendarmerie de
Belleville sur saône (rencontres effectuées sur l’année 2012/2013).
191
seulement. Lors de son arrivée en France, Monsieur B. a exigé de sa femme qu’elle
s’occupe de ses enfants d’une précédente union, dont un atteint d’autisme. Son mari
devient de plus en plus insultant et menaçant. Elle sera hospitalisée à plusieurs reprises
pour dépression. Parallèlement au dépôt de plainte pour violence conjugale, l’entretien
social permet à Mme B. de cibler ses attentes et de l’accompagner dans ses démarches.
Pour qu’elle puisse quitter le domicile conjugal une demande de titre de séjour à titre
humanitaire est déposée. Une demande de logement social est également déposé ».
Autre exemple, « la patrouille vient de ramener un monsieur d’une trentaine d’années. Ce
dernier vient de dégrader son agence intérim. Entré dans une colère noire, il a tout cassé.
Il est ramené dans un état de fureur extrême. Une fureur qui va très vite se transformer au
commissariat en intense détresse. L’Officier de police judiciaire demande la présence de
l’intervenant social qui va permettre l’accompagnement social de Monsieur ».
Le dénominateur commun de ces deux exemples est l’infraction pénale. Dans le premier
exemple la victime trouve d’une part une réponse pratique à ses besoins, et d’autre part les
données sociales permettent de faire émerger la vérité de l’enquête pénale. Dans le second
exemple, il s’agit d’un mis en cause. De la même façon que dans le premier exemple,
l’accompagnement participe à la resocialisation de l’auteur et permet l’émergence de la
vérité judiciaire.
Ce qu’il faut garder à l’esprit pour la suite de cette étude, c’est l’indissociable travail du
judiciaire et du social. Le système pénal s’enrichit du travail de l’intervenant social ; auteur
et victime sont pris en compte. Ce qui importe est avant tout la personne en souffrance,
sans occulter la procédure pénale.
257. Les missions de l’intervenant social. Son action est encadrée par la loi et les
règles qui entourent la fonction de travailleur social. Il est donc soumis au secret
professionnel sauf dans le cas où il doit traiter d’infractions pénales mettant en jeu des
personnes vulnérables931. La circulaire du 1er août 2006932 pose un cadre de référence et
fixe une ligne de conduite nationale pour les travailleurs sociaux en commissariat et
931
Privations et sévices infligés à un mineur de 15 ans, et plus généralement à toute personne qui est en
incapacité de se protéger en raison de son âge, son état physique ou psychique : C. pén. art. 223-14. Et toutes
les fois où il devra porter assistance à une personne en danger : C. pén. art. 223-6.
932
Circulaire interministérielle NOR/INT/K/06/30043/J du 1 er août 2006 relative à l’extension du dispositif
des travailleurs sociaux dans les services de police et de gendarmeries.
192
gendarmerie933. Elle dispose que « le travailleur social participe à l’accueil, à l’écoute et à
l’orientation des victimes d’infractions pénales, que celles-ci aient ou non déposé plainte,
ou de faits d’autre nature et relaie le cas échéant leur prise en charge vers des
associations d’aide aux victimes ».
De plus, la loi de prévention de la délinquance du 5 mars 2007934, insère au code de
l’action sociale et des familles un article qui dispose qu’une « convention entre l’Etat, le
département et, le cas échéant, la commune, peut prévoir les conditions dans lesquelles un
ou plusieurs travailleurs sociaux participent, au sein des commissariats de police
nationale et des groupements de gendarmerie, à une mission de prévention à l’attention
des publics en détresse »935.
L’intervenant social a donc pour mission d’accueillir les personnes en souffrance et en
détresse, peu importe qu’elles soient juridiquement victimes ou mises en cause. Seule la
qualité de citoyen compte. Il a également pour mission l’écoute, l’accompagnement social,
l’orientation et la facilitation du lien.
Au 1er janvier 2012, cent-quatre-vingt dix intervenants sociaux étaient en place sur tout le
territoire français936. Ils sont amenés à traiter chacun environ quatre-cents dossiers par an.
Les domaines dans lesquels ils interviennent sont variés, mais ils concernent
principalement des infractions pénales. Ainsi, dans 27% des cas, les intervenants sociaux
sont amenés à prendre en charge des situations de conflits intrafamiliaux. Dans 40% des
cas, il s’agit de conflits conjugaux. En résumé, 67% de leur activité se concentre sur des
infractions pénales937.
258. Un manque de pérennisation. Depuis la circulaire de 2006 et la loi du 5 mars
2007, le nombre d’intervenants sociaux s’est accru considérablement. Aujourd’hui leur
933
BRUNET (F), GOUBIN (A), GOUSSEF (G), KERTUDO (P), Evaluation du dispositif relatif à la création
de postes d’intervenants sociaux en service de police et groupements de gendarmerie, FORS recherche
sociale, Rapport final, mars 2009.
934
L. n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.
935
C. ASF. Art. L121-1-1.
936
Les intervenants sociaux en commissariat de police et groupement de gendarmerie. Un rôle clé à
l’interface de l’action sociale, policière et judiciaire. Association nationale d’intervention sociale en
commissariat et gendarmerie (ANISCG) : http://www.prevention-
delinquance.interieur.gouv.fr/fileadmin/user_upload/03-Champs_d_action/Aide_aux_victimes/aniscg-
4pages-HD.pdf
937
pricipalement des violences intrafamiliales et des violences conjugales ; Association nationale
d’intervention sociale en commissariat et gendarmerie (ANISCG) :
http://www.preventiondelinquance.interieur.gouv.fr/fileadmin/user_upload/03Champs_d_action/Aide_aux_v
ictimes/aniscg-4pages-HD.pdf
193
travail est reconnu mais se pose un problème quant aux logiques financières938. Comme
toute politique pénale, celle qui vise à prévenir la délinquance par la prise en charge
sociale dés la commission des faits délictuels n’est pas pérenne.
Très schématiquement, le poste d’intervenant social est subventionné par tiers : Etat,
conseil général, commune. Ce montage financier existe depuis 2007, il sera rediscuté fin
2013 et rien ne permet de dire s’il sera reconduit. Ainsi, les structures embauchant des
intervenants sociaux devront rechercher des subventions ailleurs. C’est ainsi qu’un autre
problème voit le jour : il s’agit des employeurs des intervenants sociaux. L’employeur peut
être une municipalité, un conseil général, une préfecture ou une association d’aide aux
victimes939. Suivant la structure, le travail de l’intervenant social est différent. Il faut
néanmoins garder à l’esprit que la fonction de l’intervenant social dans la reconstruction de
la victime est essentielle. Il vient harmonieusement compléter un processus de réparation
qui s’est engagé dés la commission de l’infraction pénale.
938
BRUNET (F), GOUBIN (A), GOUSSEF (G), KERTUDO (P), Evaluation du dispositif relatif à la création
de postes d’intervenants sociaux en service de police et groupements de gendarmerie, FORS recherche
sociale, Rapport final, mars 2009. Nous retrouverons cette problématique au moment où nous traiterons du
financement de l’aide aux victimes d’infractions pénales, V. infra n° 313 et s. Le schéma de financement de
l’aide aux victimes est le même que celui des intervenants sociaux. Ces derniers étant, qui plus est, bien
souvent salariés des associations d’aide aux victimes.
939
BIEZANEK (E), COUVERT-LEROY (T), GARNIER (A), NICOLAS (P), Les intervenants sociaux en
commissariat et en gendarmerie, op. cit.
194
d’infractions pénales, il est beaucoup plus rapide de trouver un foyer au mis en cause et de
prononcer à son encontre une interdiction de s’approcher de la victime940. Le travail de
l’intervenant social est l’occasion, par exemple, de travailler avec lui pour préparer une
future obligation de soin dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve941.
A ce stade de la réflexion il faut retenir que la considération pour la victime n’empêche pas
une prise en charge de l’auteur. La démarche est utile pour le système pénal, l’auteur, la
victime et la société. En somme, une utilité pour tous les protagonistes de l’infraction
pénale. Cela devrait être d’autant plus vrai dans une autre appréhension de la victime
d’infraction pénale.
260. La victime et l’intervenant social. Il faut rappeler ici la définition de Robert
CARIO : « doit être considérée comme victime toute personne en souffrance. De telles
souffrances doivent être personnelles, réelles, socialement reconnues comme inacceptables
et de nature à justifier une prise en charge des personnes concernées (…) »942. Partant de
cette définition, il est possible de dire que le travail de l’intervenant social se concentre
autour de la notion de victime, même si son action existe en amont de toute sentence. Le
mis en cause est respecté en tant que présumé innocent.
La définition de Robert CARIO démontre une nouvelle fois qu’être victime est avant tout
un état subjectif. C’est donc logiquement que toute personne en souffrance peut se définir
comme victime. L’intervenant social n’a pas un rôle de filtre pour la justice pénale, mais il
fait une analyse sociale de la demande présentée. Cela peut permettre, dans de nombreuses
situations, de pacifier un conflit qui n’en est pas un et de limiter les situations de
victimisation et de sur-victimisation.
Dans la configuration actuelle de l’accueil des victimes d’infractions pénales, l’intervenant
social apparaît comme le premier interlocuteur de l’institution judiciaire. En effet, sans
jugement de valeur, l’officier de police judicaire, le gendarme ou le gardien de la paix reste
940
C’est le cas de la composition pénale : C. pr. pén. art. 41-2.
941
C. pén. Art. 132-45 3° ; « L’obligation spéciale de se soigner est prévue par l’art. 132-45 C. pén. et ses
modalités d’exécution doivent être déterminées par le juge de l’application des peines, a qui les art. 739 et
712-8 C. pr. pén. donnent le pouvoir de modifier les obligations particulières auxquelles la juridiction de
jugement a soumis le condamné » : Crim. 27 mars 2002, AJ Pén. 2007, p. 338, obs. Herzog-Evans.
942
CARIO (R), Victimes : du traumatisme à la réparation, L’Harmattan, Coll. Sciences Criminelles, 2002, p.
8 ; TERCQ (N), L’accompagnement social des victimes in CARIO (R), Victimes : du traumatisme à la
restauration, Œuvre de justice et victimes, Sciences crimnelles, vol. 2, 2002, pp. 177-189.
195
dans l’inconscience générale le bras armé de la justice pénale943. Donc par nécessairement
un interlocuteur neutre.
261. L’utilité de l’intervenant social concernant les délits mineurs. Certains
délits engorgent les commissariats et les gendarmeries. Par conséquent ils engorgent
également l’institution judiciaire. L’exemple type demeure toujours le conflit de voisinage.
Un conflit qui se définit juridiquement comme une agression sonore944, un tapage
injurieux945, un tapage nocturne946. Souvent, ce type d’infraction pénale fait l’objet d’une
main courante947, qui n’a donc aucun effet judiciaire. La victime et le mis en cause reste
avec leur conflit et un sentiment d’injustice.
Le rôle de l’intervenant social peut ici consister à orienter les personnes vers un autre mode
de résolution des conflit : médiation, conciliation. Un rôle très important qui consiste à
transmettre l’idée que tous les conflits ne se résolvent pas automatiquement par le droit
pénal. Que la sanction pénale dans ce type de conflits n’est pas une solution et une fin. La
démarche ne dénigre pas le système pénal, mais contribue à ce qu’il se focalise sur des
délits plus importants. Dans ce type d’infraction pénale, le schéma classique dépôt de
plainte, audience, constitution de partie civile, n’a que peu de sens au regard des fonctions
du droit pénal.
262. Un accompagnement au plus près des besoins de la victime : un rôle post-
sententiel. Par la présence de l’intervenant social en commissariat et en gendarmerie, c’est
une réponse pratique qui est apportée à la victime : hébergement d’urgence, garde
d’enfants, relogement, accès à certaines administrations, accès à certains organismes
sociaux.
L’intervenant social active des réseaux spécialisés pour aider la victime au mieux et dans
les plus brefs délais. La réponse sociale aux prémices d’une procédure pénale est en
adéquation avec les aspirations de la sanction pénale. Autrement dit, il a été évoqué
948
l’intérêt d’une réparation pratique pour la victime au travers de la sanction pénale :
établir sa résidence en un lieu déterminé ; se soumettre à des mesures d’examen médical ;
943
TERCQ (N), L’accompagnement social des victimes, op. cit., pp. 177-189.
944
C. pén. Art. 222-16.
945
C. pén. Art. R. 623-2.
946
C. pén. Art. 131-13.
947
Il s’agit de faire consigner des faits. C’est en somme une simple déclaration. En Gendarmerie il n’existe
pas de main courante, on parler de procès verbal de renseignement judiciaire. Source :
http://vosdroits.service-public.fr/F11182.xhtml
948
Les exemples types sont les obligations tirées du sursis avec mise à l’épreuve : C. pén. art. 132-45.
196
ne pas entrer en contact avec la victime ; remettre ses enfants entre les mains de ceux
auxquels la garde a été confiée par décision de justice ; s’abstenir de paraître aux abords de
la résidence de son conjoint.
En fin de compte, l’intervenant social peut être le relais post-sententiel, et cela grâce à sa
double compétence : accompagnement auteur, accompagnement victime. Par sa
connaissance exacte de la situation de la victime, son ressenti, son état d’esprit, il est à
même d’épauler les deux principaux protagonistes de l’infraction.
Il faut partir une nouvelle fois d’une situation concrête949 : Monsieur X est condamné à 2
mois de sursis avec mise à l’épreuve. L’épreuve consistant en une obligation de se
soumettre à un suivi médical en raison de son addiction à l’alcool. Madame Y a été aidée
tout de suite après la commission de l’infraction par l’intervenant social. Ce dernier l’a
aidée dans le cadre d’un hébergement d’urgence. Monsieur X, quant à lui, a également été
pris en charge par l’intervenant social concernant son addiction à l’alcool. Ils ont travaillé
ensemble sur un probable suivi médical imposé par le juge. A la suite à la sentence pénale
qui a confirmé ce suivi, Monsieur X est une nouvel fois accompagné par l’intervenant
social de façon plus concrète auprès de l’institution médicale.
Cet exemple-type, qui sur le terrain est vécu tous les jours par les acteurs de l’aide aux
victimes, démontre le lien entre l’accompagnement social, la procédure pénale, le
jugement pénal. Cet accompagnement social démontre, toute comme l’accompagnement
psychologique, qu’il est possible de dépasser la simple notion de réparation, et se projeter
vers une nouvelle appréhension de la victime d’infraction pénale.
263. Conclusion Chapitre 2. Si, à l’origine de la réflexion, l’accompagnement
psychologique et l’accompagnement social paraissaient assez éloignés des considérations
juridiques liées à la notion même de victime d’infraction pénale, ils se montrent désormais
déterminants ; déterminants pour comprendre l’intérêt pour le mis en cause et la société de
voir la peine pénale faire ce pour quoi elle a été édictée : réhabiliter, corriger, réinsérer.
Ces deux accompagnements ne constituent pas une réparation à part entière, mais font
partie d’une chaîne permettant à la victime de s’inscrire sereinement dans un processus
pénal qui, à l’origine, est déstructurant pour elle ; déstructurant dans la conception actuelle
du droit pénal, où il existe une stricte opposition entre auteur et victime, mis en cause et
949
Cas rencontrés par l’intervenante sociale au commissariat de Villefranche sur saône et gendarmerie de
Belleville sur saône, elle est salariée d’une association d’aide aux victimes du Rhône : l’ADAVEM
(rencontres effectuées sur l’année 2012/2013).
197
victime, prévenu et partie civile. Il existe un véritable intérêt dans la prise en charge de la
victime tant psychologiquement que socialement, à condition que cela se fasse : sans
compassion, de façon objective et surtout sans freiner, entraver, le processus pénal qui est
seul à même de déterminer les responsabilités de chacun en proclamant la règle de droit.
L’accompagnement est donc utile et effectif, mais doit se faire dans le respect des
principes généraux du droit pénal et de la procédure pénale. Le but étant de faire en sorte
que la victime vive au mieux l’expérience du droit. Une victime qui, dans la majorité des
cas, a accès au droit pénal par la « porte » du traumatisme.
Des questions restent néanmoins en suspens : comment rendre l’accompagnement
psychologique et social cohérent ? En effet, à première vue, les deux accompagnements
restent cloisonnés, leur seul point commun est l’instruction judiciaire. Est-il possible de
réunir en un même lieu exigence juridique et nécessité de l’accompagnement
psychologique et social ? Dans l’affirmative, comment éviter les travers de la
compassion ? Peut-on être dans la réflexion et l’action lorsqu’il s’agit d’aide aux
victimes ?
En tout état de cause, dans la conception actuelle du droit pénal, où une distinction s’opère
au sein d’un même statut, entre victime et partie civile, il est difficile, voire chimérique, de
travailler sur une nouvelle dynamique, une restauration globale liée à l’infraction pénale. Il
faut donc « accompagner aux plans judiciaire, matériel, psychologique et social la victime
dans une stratégie globale de restauration ; sanctionner pénalement l’infracteur dans une
perspective affirmée de resocialisation »950 ; il faut appréhender la victime d’infraction
pénale différement.
950
CARIO (R), Victimes : du traumatisme à la restauration, op. cit., p. 8.
198
CONCLUSION PREMIERE PARTIE
« L’harmonisation des systèmes nationaux en Europe ne sera souhaitable que lorsque
seront pris en compte les éléments de cet apparent paradoxe, c’est à dire lorsque la
victime cessera d’être invoquée pour être pensée »951.
264. Un lieu d’émotion. Le droit pénal est une matière riche952 permettant d’aller au plus
loin de la nature humaine. Le pratiquer, c’est se plonger dans le processus qui conduit au
passage à l’acte, la valeur de la sanction pénale, les situations amenant à l’état de victime.
Mais c’est également étudier, comment, à partir d’une infraction pénale, un individu peut,
confronté à la règle de droit, se réinscrire dans un projet commun unissant des citoyens.
Ayant bien conscience que la dernière réflexion puisse prêter à sourire, il ne reste pas
moins que c’est de cette base utopique, sinon caricaturale, qu’il faut partir. L’infraction
pénale est un lieu d’émotions, des émotions qui doivent s’exprimer à un moment donné.
Aujourd’hui, le lieu privilégié reste l’audience pénale.
La victimisation, dans le sens qui a été défini en début d’étude, est « source de
perturbations psychiques ou psychologiques »953, engendrant des souffrances profondes.
L’infraction pénale bouleverse également les victimes d’un point de vue social :
« déstabilisation familiale, désorganisation des activités de la vie domestique,
désadaptation professionnelle, tensions dans les relations interpersonnelles, difficultés
financières immédiates ou à moyen terme (…) Les victimes doivent encore affronter les
arcanes des procédures judiciaires, pénales et/ou civiles, souvent impénétrables »954.
Les propos de Robert CARIO résument les difficultés auxquelles doit faire face le système
pénal lorsqu’il s’agit de régler les répercussions d’une relation interpersonnelle :
l’infraction pénale. Il faut frapper les esprits : le droit pénal à lui seul ne peut prendre en
charge les souffrances liées à cette infraction. L’audience pénale ne se résume pas à définir
un dédommagement. Il a été démontré que la victime ne peut pas compter uniquement sur
une réparation financière. Cette dernière étant imparfaite tant dans son édiction que dans
951
GIUDICELLI-DELAGE (G), LAZERGES (C), La victime sur la scène pénale en Europe, op. cit., p. 276.
952
V. les propos de FARGET (J) sur la déqualification professionnelle du juriste en droit pénal (juriste en
aide aux victimes d’infractions pénales, avocats pénalistes…) : FAGET (J), L’accès au droit : logiques de
marché et enjeux sociaux, Droit et société, 30/31, 1995, pp. 367-378.
953
CARIO (R), Victimes : du traumatisme à la restauration, ibid., p. 9.
954
CARIO (R), Victimes : du traumatisme à la restauration, ibid., p. 9.
199
son recouvrement : l’audience pénale n’est pas le lieu idéal pour établir une indemnisation,
comme peut le faire une audience civile en responsabilité. De plus, le système de fonds de
garantie reste imparfait et très éloigné de la réalité sociale quant aux barèmes pour en
bénéficier.
265. Le droit pénal : une restauration plus qu’une réparation. Il a également
été démontré que la réparation financière n’apaise en rien la souffrance de la victime ; sa
participation au procès pénal non plus d’ailleurs. Il ne faut donc plus privilégier la
réparation financière au détriment des autres besoins de la victime : protection, attribution
du logement dans le cadre des violences conjugales, obligations imposées au condamné...
La victime doit d’une part pouvoir participer au procès pénal sans se fondre dans un statut
particulier, celui de partie civile. D’autre part, elle doit pouvoir obtenir l’aide suffisante
pour comprendre sa place au sein de la procédure pénale, verbaliser les conséquences de
l’infraction, obtenir des explications claires sur le passage à l’acte de l’auteur.
Dans le rapport qu’entretient la société avec le droit pénal, il est difficile d’entrevoir une
résolution du conflit auteur/victime ailleurs que dans le prétoire pénal. Existe-t-il une
logique pénale qui permette de pacifier l’antagonisme auteur/victime ? Existe-t-il une
nouvelle conception du droit pénal permettant à la victime d’obtenir une indemnisation, de
dialoguer avec l’auteur tout en obtenant une aide effective pour dépasser les conséquences
de l’infraction ? En définitive, la société est-elle prête à ne plus concevoir le droit pénal
comme une thérapie, un lieu exclusif où se règlent les conflits intersubjectif d’une façon
simplement coercitive ?
Il faut définitivement dire que la victime « transforme le sens, l’équilibre et les
finalités »955 du droit pénal.
266. Une ambiguïté quant à la notion même de victime. Individu en souffrance,
victime, partie civile sont les termes qui définissent un même état. Il a été démontré que
prendre en charge la victime en dehors de l’audience pénale permettait de mieux
considérer ses besoins, et, par la même occasion, de préserver les fondements du droit
pénal.
« Il est à craindre que les déséquilibres perdurent ou se renforcent : que la souffrance
invoquée de la victime serve à peser défavorablement sur le sort de la victime (…) »956. Il
955
GIUDICELLI-DELAGE (G), LAZERGES (C), La victime sur la scène pénale en Europe, op. cit., p. 267.
956
GIUDICELLI-DELAGE (G), LAZERGES (C), La victime sur la scène pénale en Europe, op. cit., p. 276.
200
existe toujours un risque de faire entrer l’émotion dans le prétoire pénal. Cela participe à
l’idée que la présence de la victime dans ledit prétoire soit la plus exceptionnelle possible.
267. Les perspectives. Est-il possible qu’un système organise et garantisse les
droits des victimes sans faire d’elles une partie active ? Est-il possible de prendre en
considération les besoins de tous les protagonistes de l’infraction pénale ?
C’est ce que préconise en substance la directive européenne du 25 octobre 212957 ;
directive qui devrait transformer le système pénal français en matière de prise en charge
des victimes d’infraction pénale, notamment dans son chapitre réservée à la justice
réparatrice, dit justice restaurative958. Il est donc peut être temps de s’orienter vers un
nouveau rapport au droit pénal ; un rapport dans lequel les différents aspects de
l’accompagnement de la victime, psychologique et social, seraient globalisés dans un
même cadre institutionnel, l’aide aux victimes ; l’indemnisation financière serait facilitée
par une nouvelle relation entre l’auteur et la victime ; la sanction pénale serait plus
constructive que coercitive.
Le droit positif comporte des mesures permettant de construire ce nouveau rapport. Les
associations d’aide aux victimes et le concept français d’aide juridique permettent la
cohérence des actions d’accompagnement. En résumé, est-il possible de faire œuvre de
justice à travers une nouvelle conception de la justice pénale ? Peut-il exister une
complémentarité entre une justice pénale ancrée depuis des siècles, et une justice
restaurative plus soucieuse du lien qui unit les protagonistes de l’infraction pénale ? Le
droit pénal, comme il est conçu à ce jour, regorge-t-il de possibilités non exploitées
permettant de participer à ce nouveau paradigme ?
957
Directive 2012/29/UE du parlement européen in VERGES (E), Un corpus juris des droits des victimes : le
droit européen entre synthèse et innovations, op. cit.
958
Directive 2012/29/UE art. 12 et s.
201
DEUXIEME PARTIE. Une nouvelle
appréhension de la victime d’infraction
pénale
« Rien de grand ne se fait sans chimère »959
268. Une réflexion en amont du procès pénal. La première partie de cette étude a
mis en exergue les avancées et les limites des droits accordés aux victimes lorsqu’elle se
positionne comme partie civile. Si cette place au procès pénal continue de s’affirmer, le
sens et la nature restent d’une ambiguïté certaine pour les valeurs que le droit pénal veut
transmettre. Il devient alors essentiel de réfléchir à différentes modalités juridiques qui
permettent de maximiser la restauration de la victime en préservant l’essence même du
procès pénal et l’équilibre du système pénal. Il devient également primordial de se projeter
dans l’avenir en menant une réflexion sur une appréhension nouvelle de la victime ; une
victime qui serait restaurée sans accéder à un statut particulier.
Il est très difficile de traiter du rôle et de la place de la victime dans le système pénal sans
susciter le débat. Entre ceux qui pensent que la victime prend trop de place et ceux qui
pensent qu’elle n’en prend pas assez, le débat reste souvent stérile. C’est pour cette raison
qu’il faut s’emparer du sujet et le traiter de façon académique à la lumière de l’évolution
de la société, de la délinquance, des situations de victimation, de la politique pénale et des
politiques publiques prenant en considération l’aide aux victimes.
Il faut parler de restauration plus que de réparation. La restauration induit l’idée de
rétablissement, de remise en ordre. La première partie de cette étude a démontré que la
réparation est, quant à elle, une compensation qui n’apporte pas souvent satisfaction.
Traiter le thème de la victime dans le prisme de la réparation est risqué 960 : le travail de
recherche réalisé, s’il n’est pas fait avec rigueur, peut s’apparenter à établir un catalogue
des droits des victimes.
959
RENAN (E), L’avenir de la science, Flammarion, 1999.
960
Il faut signaler l’excellent travail réalisé par Nathalie PIGNOUX dans le cadre d’une thèse de doctorat
soutenue en 2007 sur la réparation des victimes d’infractions pénales ; PIGNOUX (N), La réparation des
victimes d’infractions pénales, op. cit.
202
269. La prise en charge de la victime. La victime est une préoccupation pour la
politique pénale contemporaine961, et cela se traduit notamment par le travail fourni en
matière d’information et d’accès au droit962, l’ouverture de bureaux d’aide aux victimes
dans les palais de justice, le développement des associations d’aide aux victimes963 et le
développement de l’aide juridictionnelle. Sa prise en charge, et plus précisément l’aide aux
victimes, est devenue une priorité pour les pouvoirs publics, au point de parler de
politiques publiques d’aide aux victimes964. Derrière cette réalité se cache un problème
fondamental : dans quel but les politiques publiques d’aide aux victimes se développent-
elles ? Comment optimiser l’accès au droit pour en faire une solution face au
désenchantement du système pénal ? Il faut, pour ce faire, analyser ces questions à la
lumière des besoins exprimés par la victime, principalement en termes de restauration.
270. Les besoins de la victime à l’audience pénale. Il a été démontré en première
partie de cette étude qu’il résultait de l’audience pénale deux types de réparations965 : la
réparation patrimoniale et la réparation extra-patrimoniale. Si la réparation patrimoniale ne
pose aucun problème en ce qu’elle représente une compensation mathématique et
comptable du préjudice subi, il en est différemment pour la réparation extra-patrimoniale.
Cette dernière représente plutôt une construction morale et psychologique. Il s’agit
également de la faculté pour la victime de comprendre l’acte vécu, la procédure pénale
menée, les décisions prises en ce qui concerne les suites données à l’infraction. La victime
attend des explications claires en ce qui concerne les raisons du passage à l’acte, ainsi
qu’une identification de la responsabilité de l’auteur. L’audience pénale désigne bien des
coupables, et pourtant les interrogations des victimes restent bien souvent en
961
BONFILS (P), Politique pénale contemporaine, Rép. pén., octobre 2010. V. dans ce sens, FATTAH
(E.A), La victimologie entre les critiques épistémologiques et les attaques idéologiques, Dèv. et soc. 1981, p.
71.
962
La Chancellerie a beaucoup travaillé sur l’élaboration d’un guide des droits des victimes : Le guide des
droits des victimes, 1982, Gallimard, préf. BADINTER (R). Sa dernière version éditée le 22 février 2012 est
accessible en format pdf à l’adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/publications-10047/guides-
professionnels-10048/parution-du-guide-les-droits-des-victimes-14413.html
963
DESDEVISES (M.C), Les associations d’aide aux victimes, RSC, 1985, p. 541.
964
BERNARD (A), CARIO (R), Les politiques publiques interministérielles d’aide aux victimes,
L’Harmattan, coll. Sciences Criminelles, Paris, 2001 ; LIENMANN (M.N), Pour une nouvelle politique
publique d’aide aux victimes, Groupe interministériel d’aide aux victimes, Rapport remis au Premier
ministre, coll. Rapports officiels, 1999, JO du 30 septembre 1999.
965
Sur la différence entre réparation patrimoniale et la réparation extrapatrimoniale, V. en ce sens,
GIUDICELLI (G) et LAZERGES (C), La victime sur la scène pénale en Europe, PUF, coll. Les voies du
droit, 2008 ; PIGNOUX (N), op. cit..
203
suspens qu’elles se constitue ou non parties civiles. La victime ne peut donc se satisfaire
exclusivement de l’audience pénale et de la réparation pour polariser toutes ses attentes.
Elle ne peut non plus se satisfaire d’un temps qui lui serait accordé ou imposé pour
commencer sa reconstruction.
Malgré leur complémentarité, la réparation patrimoniale et la réparation extrapatrimoniale
doivent être dissociées et recherchées distinctement966. Les développements en première
partie ont démontré que la principale demande de la victime n’est pas pécuniaire : elle
formule le souhait d’être accompagnée, informée et que la sanction pénale soit édictée967 ;
une sanction pénale qui doit être pragmatique et pas uniquement carcérale : éviction du
conjoint violent par exemple, obligation de soins, sursis avec mise à l’épreuve. La victime
d’infraction pénale ne doit pas être considérée comme malade, sa prise en charge est alors
socio-pénale : le droit pénal ne doit pas être pensé comme une thérapie968. Le principe est
d’aider la victime à sortir du processus pénal le plus rapidement possible et au mieux à ce
qu’elle n’y entre jamais.
Prendre en charge la victime en amont d’une potentielle audience lui permettrait une
restauration effective, une meilleure compréhension de sa place et de son rôle dans le
système pénal mais également de se préparer à recevoir sereinement la peine infligée à
l’auteur. Ce travail pédagogique, que permettent l’aide juridique et l’aide aux victimes,
trouverait sa raison d’être dès lors que l’on prendrait en considération les obligations tirées
du procès.
La politique pénale, à ce jour, contient des mesures impérieuses pour que la victime puisse
comprendre sa situation, sans nécessairement accéder à un statut particulier. Il s’agit de la
mise en place d’instruments de la restauration (Titre premier). Il faut alors utiliser la
966
CARIO (R), Victimes d’infraction, in Rép. pén., 2007, p 81-89 ; PRADEL (J) et VARINARD (A), Les
grands arrêts de la procédure pénale, 5è édition, cujas 2006 ; ALLINNE (J.P), Les victimes : des oubliées de
l’Histoire du droit ?, Œuvre de justice et victimes, Paris, L’Harmattan, coll. Sciences criminelles, 2001 ;
GARNOT (B), Les victimes pendant l’ancien régime (XVIème–XVIII ème siècle), in association française
pour l’histoire de la justice, La Cour d’assises. Bilan d’un héritage démocratique, Paris, La documentation
française, Coll. D’histoire de la justice, 2001.
967
Dans le cadre de cette thèse nous soutenons qu’il ne peut pas exister de réparation globale. La réparation
globale ne peut pas et ne doit pas être recherchée. C’est en cela que le terme réhabilitation est important, car
il permet de concevoir la réparation de la victime comme principalement une réparation extra patrimoniale.
Cela ne remet pas en cause l’importance de la réparation pécuniaire qui est à notre sens secondaire, et génère
une nouvelle victimisation par son manque d’effectivité. V. supra n° 162 et s.
968
ZAGURY (D), La justice est-elle thérapeutique ?, in justice, 2006-188 pp. 30-33 ; LOPEZ (G), Les
victimes et leurs droits dans le système judiciaire, Institut pour la justice, citoyens pour l’équité, août 2009.
204
pédagogie du droit et les outils de l’accès au droit, en complément d’une politique d’aide
aux victimes cohérente et pérenne. La victime est en mesure de s’inscrire dans un
processus de reconstruction et savoir quel type de restauration elle doit attendre suivant
l’institution à laquelle elle s’adresse et le moment où elle formule ses demandes. Par ce
biais, le droit pénal pourrait renouer avec sa fonction première : qualifier, classifier,
prévenir et sanctionner les infractions pénales. En d’autres termes, recréer du lien social et
réguler les tensions qui existent dans une société. La victime, quant à elle, apprendrait à
dissocier réparation patrimoniale et réparation extra-patrimoniale et intègrerait les enjeux
du droit pénal lui permettant de dépasser toute position vengeresse.
271. La reconquête du droit pénal. Pour renouer avec les valeurs essentielles du
droit pénal, à savoir le rétablissement des normes sociales rompues par l’infraction
pénale969, il faut restaurer le droit pénal dans sa dimension originelle.
La victime et la partie civile ne sont pas les oubliées de l’histoire970, elles ont contribué à
l’évolution du système pénal. La démonstration à été faite qu’aujourd’hui apparaît une
dérive victimaire dénaturant le rapport du citoyen au droit pénal. Celui-ci devient le
remède à tous les maux de notre temps, l’échappatoire d’une société de plus en plus
violente et déshumanisante.
La première partie de cette étude a expliqué le danger pour l’équilibre du système pénal
d’accorder une place trop importante à la victime en tant que partie civile. De ce fait,
l’intégration dans le droit pénal existant d’une autre forme de justice, mieux adaptée aux
besoins de la victime d’infraction pénale et respectueuse des principes fondamentaux de la
justice971, permettrait de reconquérir un droit pénal mis à mal depuis plusieurs années.
Cette démarche prend un sens au travers d’une nouvelle dynamique pénale. Il s’agit de se
diriger vers une restauration effective de la victime (Titre deuxième). Il faut alors analyser
comment ce type de justice pourrait s’intégrer dans le cadre du système pénal français, et
comment il serait possible de l’harmoniser avec la procédure pénale existante.
969
DE GRAEVE (L), Essai sur le concept de droit de punir en droit interne, op. cit.
970
V. En ce sens, ALLINE (J.P), Les victimes : des oubliées de l’histoire du droit ?, oeuvre de justice et
victimes, Paris, L’Harmattan, coll. Sciences criminelles, 2001.
971
« Principes fondamentaux de la justice » i.e. dans le sens de l’article 6 de la convention européenne de
sauvegarde des droits de l’Homme.
205
TITRE PREMIER. La mise en place
d’instruments de la restauration
272. Les attentes de la société envers le droit pénal. Les victimes se tournent
logiquement vers le droit pénal qui, par sa solennité, contribue à l’apaisement de leurs
souffrances. Apaisement qu’elles ne trouvent pas dans le procès civil, plus technique et
moins accessible pour elles972. Pour comprendre également cet état de fait, Denis SALAS
avance l’idée d’une absence, au moment de l’infraction, de mécanismes sociaux973, ce qui
tendrait à créer un isolement social des victimes. Ces mécanismes sociaux se résument à la
prise en charge de l’urgence sociale ; la justice pénale apparaitrait alors comme un
substitut à cette carence sociale974. S’il est peu contestable que, dans sa forme actuelle, le
procès pénal soit plus rapide et moins coûteux que le procès civil975, en revanche l’absence
de mécanismes sociaux pouvant prendre en charge la victime dès la commission de
l’infraction reste très critiquable. Tout au plus, ces mécanismes sociaux sont mal exploités
ou financés. L’exemple le plus marquant reste celui des associations d’aide aux victimes.
Une autre explication souligne un intérêt particulier : le recours au droit pénal deviendrait
un réflexe car le citoyen, notamment la victime, serait enclin à demander un éclairage des
faits, une compréhension de la procédure, une verbalisation des affects 976 et une
vulgarisation de la matière pénale. L’audience pénale représenterait ainsi le seul lieu où
des réponses pourraient lui être apportées. Cette dernière analyse donne l'opportunité de
mener une réflexion sur les alternatives à l’audience pénale, des solutions permettant en
somme de répondre aux interrogations de la victime et à ses attentes juridiques, sociales et
psychologiques en dehors de celle-ci.
Cette quête du savoir se justifie également par le contexte social que crée l’infraction, c’est
à dire des liens intersubjectifs. L’infraction met en relation différents acteurs qui ont
972
GARAPON (A) et SALAS (D), La république pénalisée, Ed. Hachette, Coll. Questions de société, 1996,
p. 140 ; SCHNEIDER (A), Réparation et répression : histoire d’une transformation des besoins par la notion
de risque, Les petites affiches, 22 juin 1999, n°123, pp. 13 à 20.
973
GARAPON (A) et SALAS (D), La république pénalisée, ibid., p 140. Un mécanisme social peut se définir
de différentes façons suivant la matière ou il s’applique : de manière générale il s’agit d’une explication
basée sur l’action des individus ; cette action montre comment l’occurrence d’un événement va générer le
type de résultat que l’on veut expliquer.
974
VILAIN (J.P), Les victimes : entre disculpation de soi et accusation de l’Etat, Justices, 2000, pp. 103 à
117.
975
VINEY (G), Les différentes voies de droit proposées aux victimes, A.P.C., 2003, n°24, p. 28.
976
PIGNOUX (N), op. cit. p. 354
206
chacun un intérêt commun : la justice. La victime se sent bafouée dans ses droits, l’auteur
minimise son acte car il réduit sa conscience citoyenne, et l’institution applique une
procédure juridique pour déterminer la règle de droit. Finalement, il existe trois acteurs977 :
la victime qui veut une réparation durable, l’auteur qu’il faut resocialiser à long terme978, la
société qui vise une restauration du lien social.
Le décryptage de la situation juridique et sociale dans laquelle la victime se trouve doit se
faire très rapidement après l’infraction. L’information juridique et l’accompagnement en
amont d’une éventuelle audience pénale permettraient à la victime et à son entourage
d’appréhender sereinement la procédure pénale. Cela leur permettrait également de
maximiser la restauration qu’ils pourraient obtenir dans le cadre d’une dépénalisation de
l’infraction. L’information juridique se déroule dans le cadre de l’aide aux victimes, et plus
précisément dans le cadre de l’accès au droit. Ainsi, il existe des moyens d’action en amont
de la procédure pénale (Chapitre premier)979.
273. La relativité du procès pénal pour la victime. La victime, bien informée et
accompagnée grâce à l’accès au droit et aux politiques d’aide aux victimes, serait à même
de minimiser sa présence dans le prétoire pénal. Elle serait également en capacité de
comprendre les mesures alternatives aux poursuites qu’aurait choisies le parquet pour
régler les conséquences de l’infraction pénale, ou plus encore, comprendre les raisons d’un
classement sans suite.
Si la politique pénale a succombé au mouvement victimaire, elle a su néanmoins prendre
en considération le danger que cette dérive faisait portée sur le système pénal. Ainsi, la
dépénalisation apparaîtrait comme un nouveau paradigme de la justice pénale. Une
dépénalisation qui innoverait en terme de réparation extra-patrimoniale, et par la
complémentarité qu’elle installerait avec les obligations tirées du procès pénal. Il existe
977
CARIO (R), Les droits des victimes d’infraction, problèmes politiques et sociaux, Paris, La
documentation française, n°943, décembre 2007.
978
Selon différentes études criminologiques, notamment anglosaxonnes, prendre en charge socialement le
délinquant permet une désistance précoce. La déistance est le processus qui mène un délinquant à la
réhabilitation sociale, et à l’éloignement du cadre de la délinquance. On estime que cette desistance apparait
en moyenne à l’âge de 30 ans. V. en ce sens, HERZOG-EVANS (M), Définir la désistance et en comprendre
l’utilité pour la France, AJ pén, septembre 2010, p 366-367 ; TROTTER (C), Travailler efficacement avec les
délinquants, AJ pén, septembre 2010, pp. 371-376.
979
Comme nous avons pu le voir en amont de notre étude, nous ne pouvons pas traiter ce sujet en faisant fi
du droit pénal actuel permettant à la victime de se constituer partie civile. Le but de ce titre premier va être de
démontrer comment décharger le système pénal du caractère vengeur de l’action de la partie civile par le
biais de l’accès au droit et de l’aide aux victimes. En fin de compte démontrer qu’une victime mieux
informée et mieux préparée se restaure mieux et minimise sa présence à l’audience pénale.
207
donc des moyens d’action en aval de la procédure pénale (Chapitre deuxième)980. Dans les
deux cas, la restauration de la victime, la restauration de l’auteur et la restauration de la
société pourraient avoir lieu, mais à différents moments et à différents endroits.
274. Une autre façon d’appréhender l’infraction pénale. La réparation que procure
le procès pénal, en termes de réparation patrimoniale et extrapatrimoniale, n’est pas d’une
réelle nécessité. Comme il en été fait la démonstration précédemment, le procès pénal peut
également être une source de victimisation secondaire : « Le procès pénal n’est pas une
panacée capable d’abonder l’intégralité des besoins extrapatrimoniaux des victimes »981. Il
est possible, pour que la victime puisse s’inscrire dans un processus de restauration en
dehors du statut de partie civile, de la prendre en charge dès l'apparition de l’infraction.
C’est alors un travail pédagogique qui commence. Une verbalisation des affects, une
traduction des sentiments éprouvés. Une explication de ce que peut induire la commission
d’une infraction pénale. Pour ce faire, le législateur a introduit dans le fonctionnement
judiciaire une aide spécifique permettant aux justiciables, victimes ou auteurs, de
pouvoir obtenir une information juridique rapide et une aide pour s’assurer une
représentation par avocat. C’est en fin de compte faciliter l’accès à la justice et au droit
pour que la victime s’inscrive dans un autre rapport au droit pénal que celui figé dans le
conflit auteur/victime.
En dehors de l’intérêt purement démocratique et républicain de l’accès à la justice et de
l’accès au droit, il s’agit pour la victime d’une prise en charge primordiale de son
immixtion au sein même de la procédure pénale. Dans la conception courante d’une phase
très abstraite, considérée comme n’ayant pas d’intérêt en terme juridique, l’accès au droit
et l’accès à la justice sont assez dénigrés. Pourtant, toute échéance, tout événement dans la
vie d’un homme se prépare. De la même façon il faut préparer la victime au sort que lui
980
Une fois encore, dans ce chapitre, nous prendrons en considération la possibilité pour la victime de se
constituer partie civile. Mais nous démontrerons qu’il est possible, dans la majorité des cas, d’éviter une
audience pénale et les inconvénients qui y sont attachés pour que la victime puisse être restaurée et le
système pénal préservé. Et lorsque l’audience pénale est inévitable, encadrer les obligations de l’auteur
envers la victime.
981
PIGNOUX (D), op. cit., p. 355.
208
réserve la procédure pénale : le classement sans suite, la constitution de partie civile lors
d’une instruction, d’une audience, une relaxe devant un tribunal correctionnel. Il faut à tout
prix decrypter la situation juridique dans laquelle elle évolue. Sans cela elle demeure une
éternelle victime ou au mieux un citoyen déçu. L’accès à la justice et l’accès au droit sont
regroupés sous le terme « aide juridique ». Ainsi l’aide juridique peut être considérée
comme un préalable à toute procédure (Section 1).
Ainsi, le présent travail de recherche, qui prend en considération les besoins primaires de
la victime et les éléments sociaux qui découlent de l’acte, trouve une résonance certaine à
travers la politique d’aide aux victimes. La politique d’aide aux victimes, ou plus
précisement la politique publique d’aide aux victimes, peut se résumer en une possibilité
offerte aux victimes d’être informées et accueillies dans des conditions optimales. Cette
politique étant publique, elle devrait être théoriquement entièrement prise en charge par
l’Etat. La question qui peut apparaître tient en la complémentarité ou l’opposition entre
politique pénale et politique publique d’aide aux victimes : ces deux politiques sont-elles
animées par les mêmes intentions ? Ont-elles un même objet et une même finalité ?
Dans les mêmes conditions que l’aide juridique, l’aide aux victimes intervient à différents
stades de la procédure pénale elle agit également en amont de cette dernière, à la
commission des faits délictueux. Ainsi, l’aide aux victimes peut s’organiser dans des lieux
d’urgence tels que les hôpitaux, les commissariats et au cours des suites judiciaires :
audiences correctionnelles, classement sans suite, recouvrement des dommages et
intérêts…
Il est important de comprendre que l’aide juridique et l’aide aux victimes sont
complémentaires. Elles sont complémentaires tout simplement parce pour aider les
victimes il faut favoriser en premier lieu l'accès au droit ; un accès au droit qui permet de
comprendre le traitement judiciaire de l’infraction qu’elles ont subit. Ainsi, l’aide aux
victimes se conçoit comme un complément de l’aide juridique (Section 2).
209
275. L’intérêt d’une prise en charge rapide. La victime entre dans un processus qui
lui échappe totalement : le processus pénal. La prise en charge de la victime au plus près
de la commission de l’infraction permet d’une part de préparer la victime à la procédure
pénale et à comprendre sa place dans le système pénal, et d’autre part à lui donner les
outils essentiels pour pouvoir s’engager dans la démarche restauratrice sans dénaturer le
rapport qu’elle doit entretenir avec le droit pénal. La prise en charge de la victime au plus
près de l’infaction permet de mettre en place une pédagogie du droit ; cela lui donne
l’opportunité de comprendre les enjeux du procès pénal, les enjeux de la justice en général.
L’aide juridique est également l’occasion de rappeler à tous les protagonistes de
l’infraction pénale les fondements du système pénal : présomption d’innocence, droit de la
défense, procès équitable. C’est ainsi que l’aide juridique peut se concevoir pour la victime
et pour le mis en cause. Dans la première partie de cette étude, le travail de l’intervenant
social en commissariat et gendarmerie a montré tout l’intérêt d’intervenir dans le même
temps auprès de l’auteur et auprès de la victime982.
Dans la même ligne de pensée, il reste important au stade de l’aide juridique de ne pas
dissocier outre mesure le sort du mis en cause et le sort de la victime. Tous les deux, voire
tous les trois avec la société, sont guidés en fin de compte par la même envie : la
réalisation de l’œuvre de justice. Ainsi, la victime est à même de comprendre les enjeux de
la procédure pénale et l’auteur, par le biais de l’aide juridique, est en mesure de
comprendre l’intérêt de la sanction pénale.
C’est pour cela que l’aide juridique, au delà de son avancée sociale, représente une base de
travail importante pour agir sur des modes de restauration faisant fi de l’audience pénale
(§1). Pourtant, la réalité de terrain démontre que l’aide juridique, principalement dans son
volet concernant l’accès au droit, n’est pas exploitée à sa juste valeur et pâtit du manque de
clarté dans le rôle de chaque acteur (§2).
982
V. supra n° 250 et s.
210
276. Un recours systématique au droit pénal. Avant d’analyser l’intérêt d’une prise
en charge de la victime avant toute audience pénale, il est fondamental de comprendre
pourquoi la victime interpelle le droit pénal au point de parler d’une privatisation de celui-
ci983. Il n’est pas possible de faire l'impasse sur cet éclairage, sinon la démonstration serait
inintelligible. Xavier PIN définit la privatisation du droit pénal comme « un phénomène
caractérisé, en droit, par le renforcement du rôle des acteurs privés à tous les stades du
procès pénal et par l’émergence de règles de procédure protégeant davantage des intérêts
individuels ou collectifs que l’intérêt général »984. La conséquence de cette privatisation du
droit pénal est une incompréhension de sa finalité et un affaiblissement de son caractère
coercitif.
L’origine du phénomène est multiple : elle peut être recherchée dans l’accroissement des
droits des parties985, la place centrale de la victime et de la partie civile dans la politique
pénale contemporaine986, le recul de l’Etat dans la prévention et la régulation de la
délinquance987. La victime interpelle le droit pénal car celui-ci représente pour elle le seul
mode de règlement de son conflit, le seul lieu de restauration et le seul endroit où elle peut
obtenir les réponses à ses questions. Ce problème n’est pas exclusivement français, et
plusieurs pays européens connaissent ce phénomène, au point de parler d’une renaissance
de la victime à travers le droit pénal988.
L’aide qui doit lui être apportée se trouve en amont de l’audience pénale, et cela par
l’intermédiaire de professionnels compétents comme peuvent l’être l’avocat et
l’association d’aide aux victimes. Elle doit prendre en considération la problématique
sociale et les différents facteurs de victimisation. En fin de compte, il s’agit d’apporter à la
victime l’aide juridique nécessaire, qui par un effet de levier fait en sorte que tous les
acteurs de l’infraction soient réhabilités : l’auteur, la société et la victime.
L’aide juridique, comme démarche sociale, donne l’opportunité à tout citoyen d’avoir
accès à l’information juridique et de saisir un professionnel du droit. En se déclinant selon
983
PIN (X), La privatisation du droit pénal, RSC, 2002, p. 245.
984
PIN (X), Ibid., p. 245
985
PRADEL (J), Centenaire de la loi du 8 décembre 1897 sur la défense avant jugement pénal : essai d’un
bilan, D. 1997, p. 375 et s.
986
LAZERGES (V.Ch), Introduction à la politique criminelle, L’Harmattan, 2000. V. dans ce sens,
HENRION (V.H), L’article préliminaire du code de procédure pénale : vers une « théorie législative » du
procès pénal, Archives de Politique Criminelle, 2001.
987
GASSIN (V.R), Criminologie, Dalloz, 4e éd., 1998, n°831 et n°854.
988
JUNG (H), Zur Renaissance des Opfers – ein Lehrstück kriminalpolitischer Zeitgeschichte, Zeitschrift für
Rechtspolitik, 2000, p. 159.
211
deux axes, à savoir l’accès à la justice (A) et l’accès au droit (B), l’aide juridique répond à
différentes attentes et différentes ambitions. Concernant la victime, l’accent est mis sur
l’accès au droit, ce dernier permettant de travailler en amont de toute procédure et de
donner les éléments utiles pour que la victime comprenne les événements juridiques qui se
présentent à elle.
A) L’accès à la justice
277. L’aide juridique. Dans un premier temps l’accès au droit et l’accès à la justice
ont évolué ensemble, dans la même conception de l’aide aux justiciables : l’aide juridique.
Dès 1851989, la France met en place une assistance judiciaire, mais le manque de moyens et
d’organisation aboutirons à un échec de la loi990. En 1906, l’Allemagne découvre les
bureaux d’aide juridique gratuits. Ces derniers sont organisés par des citoyens et des agents
de l’administration souvent peu formés à la matière juridique ; ces bureaux seront baptisés
« Mouvement pour la paix par le droit »991. Le Royaume Uni est le précurseur dans dans la
mise en place d’instruments d’aide judiciaire992. Son modèle s'exporte dans tous les pays
occidentaux, notamment les Pays-Bas dans un premier temps, puis en 1957 aux Etats Unis,
au Canada, en Australie et en Nouvelle Zélande.
Les praticiens français, notaires, huissiers, avocats, décident de créer sur le modèle anglais
de l’aide judiciaire une aide étatique à l’intention des plus démunis993. La loi du 3 janvier
1972994 est promulguée et donne le monopole de l’aide judiciaire aux praticiens qui en sont
à l’origine. Très vite la loi montre ses limites en terme de moyens et d’indemnisation des
professionnels de l’aide juridique. En effet, les plafonds d’indemnisation sont très bas,
rendant le champ des bénéficiaires très restreint. De plus, les indemnités de défense sont
insuffisantes pour les avocats. La loi du 31 décembre 1982995 consacre le principe
989
Loi du 22 janvier 1851 sur l’assistance judiciaire.
990
RIALS (A), L’accès à la justice, Paris, PUF, coll. Que sais-je, 1993.
991
BLANKENBURG (E) et REIFNER (U), Possibilité de transplanter d’un pays à l’autre les expériences
touchant l’accès à la justice, In Accès au droit et Etat-providence, Paris, Economica, 1984.
992
FAGET (J), L’accès au droit : logiques de marché et enjeux sociaux, Droit et société 30/31, 1995, pp.
367-378.
993
FAGET (J), L’accès au droit : logiques de marché et enjeux sociaux, pp. 367-378.
994
L. n° 72-11 du 3 janvier 1972 instituant l’aide judiciaire.
995
L. n° 82-1173 du 31 décembre 1982 relative à l’aide judiciaire, à l’indemnisation des commissions et
désignations d’office matière pénale et en matière civile et à la postulation dans la région parisienne.
212
d’indemnisation des commissions d’office qui devaient avoir pour vocation de régler les
problèmes posés par la loi du 3 janvier 1972. Pourtant il n’en est rien, les indemnités fixées
ne suivent pas l’indice du coût de la vie, et ne couvrent pas les frais réellement engagés par
les professionnels.
Un groupe de travail se forme alors pour réfléchir sur une aide étatique répondant aux
exigences des citoyens, de la conjoncture économique, des prérogatives des professionnels
du droit996. Ce travail aboutit à la loi du 10 juillet 1991997 qui est encore en vigueur
aujourd’hui, et qui a su évoluer dans le même temps que la société.
L’aide juridique comprend l’aide juridictionnelle, l’aide à l’accès au droit et l’aide à
l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue en matière de médiation pénale et de
composition pénale998. L’aide juridique se justifie par le principe fondamental de l’égalité
des citoyens devant la justice999. C’est un principe reconnu par la jurisprudence1000 et la
déclaration des droits de l’homme et du citoyen1001, mais également par les conventions
internationales1002. Cette égalité s’entend tant dans l’accès au droit, l’information juridique
utile, que dans l’accès à la justice.
L’aide juridique repose sur un financement direct et exclusif de l’Etat lorsque cette aide
concerne l’accès à la justice. En revanche dans le cadre de l’accès au droit, l’Etat s’associe
aux collectivités territoriales, aux initiatives privées, aux barreaux, aux associations de type
associations d’aide aux victimes pour donner au plus grand nombre l’opportunité de
connaître ses droits. L’aide juridique est avant tout une aide sociale1003 lorsqu’elle porte sur
l’accès à la justice, mais en revanche lorsqu’elle touche l’accès au droit, l’aide juridique est
une entrée universelle à tout citoyen en quête d’information juridique.
278. Définition de l’accès à la justice. Il s’agit de la possibilité de saisir l’institution
judiciaire mais également d’améliorer le règlement des litiges et des transactions en
996
L’aide juridique pour un meilleur accès au Droit et à la Justice. Les études du Conseil d’Etat, Paris. La
documentation française, février 1991.
997
L. n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.
998
Article 1 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.
999
LEROY (J), Aide juridique, aide sociale et action sociale, Rev. dr. san. soc., 1992, p 223.
1000
V. dans ce sens, Cons. const. 25 juill. 1975, D. 1977.629, note HAMMON (L) et LEVASSEUR (G) ;
JCP 1977.II.18200, note FRANCK (C) ; Rev. dr. publ. 1975.1313, note PHILIP (L) et FAVOREAU (L) ;
AJDA 1976.44, note RIVERO (J).
1001
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen adoptée le 26 août 1789.
1002
Conv. EDH, article 6.
1003
LEROY (J), ibid., p. 223.
213
dehors des cours et des tribunaux1004. Cette première définition manque de justesse car
sous le vocable d’accès à la justice se cache l’aide juridictionnelle. Cette dernière n’est
accordée que dans le cadre de la loi. Ainsi, pour la dépénalisation des règlements des
litiges et des transactions, ce sont ceux qui se réalisent dans un cadre judiciaire1005 :
médiation pénale, composition pénale. Ce système d’aide permet aux plus démunis de
saisir l’institution dans les meilleures conditions. Plus qu’un droit, il s’agit d’une liberté
publique à vocation sociale. L’accès à la justice est régit par la loi du 10 juillet 19911006 et
donne, selon des barèmes précis, les moyens financiers pour toute demande ou toute
défense. Ainsi, toute personne en cause, personne morale ou physique, peut se voir
accorder partiellement ou totalement une aide pour faire valoir ses droits 1007. S’il existe un
tronc commun dans la mise en place de l’aide juridictionnelle, perdurent néanmoins entre
présumé coupable et présumée victime des modalités et des conditions différentes dans
l’octroi de cette aide.
279. La loi du 10 juillet 1991, une aide pour tous1008. L’aide juridictionnelle se
justifie par l’état de besoin du demandeur ou du titulaire de l’action en justice et par
l’intérêt légitime de saisir toute institution1009. Cette aide représente le lien logique entre
droits subjectifs fondamentaux et effectivité de ces droits. En effet, à quoi servirait de
disposer de droits si l’on ne pouvait pas les faire valoir ? C’est en ce sens qu’il faut
concevoir l’aide juridictionnelle. L’article 2 de la loi du 10 juillet 1991 accorde l’aide
juridictionnelle à toute personne physique ou morale1010 dont les ressources sont
insuffisantes. Cet article est restreint par l’article 3 qui impose la résidence du demandeur
en France1011, et par l’article 7 qui accorde l’aide juridictionnelle seulement lorsque
1004
FAGET (J), L’accès au droit : logiques de marché et enjeux sociaux, Droit et société, 30/31, 1995, pp.
367-378.
1005
i.e. dans les sens de l’article 1 et 2 de la loi du 10 juillet 1991.
1006
L. n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.
1007
Loi du 10 juillet 1991, Ibid., article 2.
1008
Il n’est pas question ici d’analyser la loi du 10 juillet 1991, mais de nous permettre d’obtenir des pistes de
réflexion pour comprendre d’une part le système d’aide juridictionnelle dans sa globalité, et d’autre part
comprendre comment s’articulent l’accès aux droits et l’accès à la justice pour la victime.
1009
SAYAG (A), Essai sur le besoin créateur de droit, LGDJ, 1969.
1010
Pour les associations par exemple V. en ce sens, Rap. Bouchet p 31 et pour le droit antérieur, Bur. sup.
aide. jud. 26 juin 1973, D. 1973, p. 651, note LAROCHE DE ROUSSANE (P) et ALFANDARI (E), obs.
RTD com. 1981.103.
1011
L’article 3 de la loi du 10 juillet 1991 tempère ce critère de territorialité lorsque la situation est « digne
d’intérêt au regard de l’objet du litige » ou lorsque le demandeur est mineur, témoin assisté, inculpé,
prévenu, accusé. Ce régime dérogatoire à lieu également lorsque l’accusé fait l’objet d’une comparution sur
reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) et lorsque la partie civile bénéficie d’une ordonnance de
protection (sur ce dernier point nous verrons plus en aval de notre étude le cadre juridique de l’ordonnance de
protection).
214
l’action n’est pas manifestement irrecevable ou dénuée de fondement1012. Au terme de
l’article 8, la personne bénéficiaire de l’aide juridictionnelle en conserve le bénéfice en cas
d’exercice d’une voie de recours.
280. Le caractère financier de l’aide. L’aide juridictionnelle étant une aide de
nature juridique mais à caractère social, la loi impose des critères de revenus. L’article 5
considère les ressources1013 de toute nature du moment que le demandeur en a la jouissance
directe ou indirecte. Cela est également le cas pour la libre disposition de biens meubles et
immeubles même s’ils ne sont pas productifs de revenus. Néanmoins des correctifs sont
prévus pour prendre en considération la situation financière réelle du demandeur. Ainsi,
sont exclues des calculs les ressources des prestations familiales et sociales. Il est à noter
que dans le cadre d’une procédure de divorce sont pris en compte les revenus de chacun
des deux conjoints, et cela au terme de l’article 5 alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1991.
Chaque année le barème d’admission à l’aide juridictionnelle est revu en prenant en
considération la tranche la plus basse du barème de l’impôt sur le revenu.
281. Une aide structurée. Ce sont les bureaux d’aide juridictionnelle qui sont
chargés d’étudier les droits à l’aide juridictionnelle. Ces bureaux sont établis dans chaque
tribunal de grande instance1014 et au terme de l’article 13 de la loi du 10 juillet 1991 ils
auront en charge « de se prononcer sur les demandes d’admission à l’aide juridictionnelle
relatives aux instances portées devant les juridictions du premier et du second degré, à
l’exécution de leurs décisions et aux transactions avant l’introduction en instance ». Depuis
1012
Comme pour l’article 3 de la loi du 10 juillet 1991, l’article 7 intègre un régime dérogatoire. Ainsi
l’article 7 ne s’applique pas « au défendeur à l’action, à la personne civilement responsable, au témoin
assisté, à la personne mise en examen, au prévenu, à l’accusé, au condamné et à la personne faisant l’objet de
la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité » (CRPC).
1013
Les conditions de ressources au 1er janvier 2013 sont les suivantes : ne pas dépasser 929 euros par mois
pour l’aide juridictionnelle totale ; ne pas dépasser 1393 euros par mois pour l’aide juridictionnelle partielle.
Ce montant est majoré en fonction du nombre de personnes à charge (conjoint, concubin, descendants ou
ascendants) : 167 euros pour les 2 premières personnes à charge, et 106 euros pour les personnes suivantes.
V. En ce sens http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F18074.xhtml ; V. dans ce sens, CARBONE (S),
Condition d’accès à l’aide juridictionnelle, Rép. pén., juin 2010.
1014
L’article 14 de la loi du 10 juillet 1991 dispose que ces bureaux d’aide juridictionnelle sont également
institués auprès de la Cour de Cassation, le Conseil d’Etat, les commissions des recours des réfugiés. Ces
bureaux vont alors se prononcer sur les demandes relatives aux affaires portées devant chacune de ces
juridictions.
215
20071015, ces bureaux d’aide juridictionnelle sont présidés notamment par un magistrat du
tribunal de grande instance ou de la cour d’appel.
282. L’exercice du droit à l’aide juridictionnelle. C’est au citoyen faisant l’objet
d’une procédure qu’il incombe de faire la demande d’aide juridictionnelle. Il n’y a ainsi
aucune saisine d’office du bureau d’aide juridictionnelle. La loi du 10 juillet 1991 innove
par rapport à la loi de 1972. Dorénavant le justiciable demandant l’aide juridictionnelle
peut le faire dans le bureau d’aide juridictionnelle de son domicile1016, à charge pour ce
dernier de transmettre le dossier au bureau d’aide juridictionnelle compétent.
La demande d’aide juridictionnelle peut être formulée avant ou pendant l’instance, elle
peut également être accordée de façon provisoire ; l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991
dispose que « lorsque la procédure met en péril les conditions de vie de l’intéressé,
notamment en cas d’exécution forcée emportant saisie de biens ou expulsion » ; cet article
dispose également que l’admission provisoire peut également être accordée dans les cas
d’urgence.
283. L’aide juridictionnelle et l’avocat. L’article 25 de la loi du 10 juillet 1991
permet l’assistance de différents auxiliaires de justice : avocat, avoué1017 et huissier de
justice. La loi permet au bénéficiaire de l’aide juridictionnelle d’obtenir une aide de qualité
et répondant à ses attentes. Pour ce faire, il peut choisir lui même l’avocat qui correspond à
la spécialisation utile à son affaire. Lorsque le demandeur sollicite la désignation d’un
avocat directement par le bureau d’aide juridictionnelle, ce dernier fixe les conditions dans
lesquelles l’avocat doit prêter son concours et surtout quel avocat représente le bénéficiaire
de l’aide juridictionnelle ; l’avocat peut ou non être spécialisé.
L’Etat octroie une dotation annuelle1018 aux barreaux pour indemniser le travail de
l’avocat. Dans le cas d’une aide juridictionnelle partielle, l’avocat peut demander un
complément d’honoraires au bénéficiaire de l’aide juridictionnelle. Dans ce cas, l’article 35
1015
Loi n°2007-1631du 20 novembre 2007, modifiant l’article 16 de la loi du 10 juillet 1991. Au terme de cet
article, le bureau d’aide juridictionnelle (BAJ) peut être également présidé par un membre du tribunal
administratif ou de la cour administrative d’appel, un magistrat ou un membre honoraire de ces juridictions.
1016
Article 13 alinéa 7 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.
1017
La loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 (loi n°2011-94) a supprimé la fonction d’avoué à compter du 01
janvier 2012. Les avoués peuvent choisir de devenir avocat.
1018
Cette dotation est versée sur un compte que l’on nomme CARPA (caisse des règlements pécuniaires). Le
CARPA a été institué par la loi du 31 décembre 1971 : L. n° 71-1130 du 31 décembre 1971.
216
de la loi du 10 juillet 1991 pose comme exigence l’établissement d’une convention qui est
signée par le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle et par l’avocat1019.
284. Une aide à dimension humaine. Sur l’évolution de l’aide juridictionnelle, il
faut s’arrêter un instant sur la loi du 15 juin 20001020 qui met en place une « réforme pénale
impérieuse »1021. Cette loi modifie l’article 407 du code procédure pénale qui dispose que :
« Dans le cas où le prévenu, la partie civile ou le témoin ne parle pas suffisamment le
français, ou s’il est nécessaire de traduire un document versé aux débats, le président
désigne d’office un interprète ».
Lorsque la partie civile ou le prévenu bénéficie de l’aide juridictionnelle, la désignation de
l’interprète se fait aux frais de l’Etat1022. Cela a été confirmé par la chambre criminelle qui
a décidé que « Attendu qu’en vertu du principe de la libre communication entre la
personne mise en examen et son avocat, résultant de l’article 6.3 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme, la demande d’une personne poursuivie,
bénéficiant de l’aide juridictionnelle et qui sollicite la désignation d’un interprète chargé de
l’assister dans ses entretiens avec son avocat ainsi que la prise en charge par l’Etat des frais
en résultant, ne saurait être déclarée irrecevable ; qu’elle entre dans la catégorie des
mesures qui peuvent, en application de l’article 82-1 du code susvisé, être demandées par
la personne mise en examen au cours de l’information »1023.
285. Un progrès social. L’aide juridictionnelle, globalement, apporte l’aide sociale
utile pour que tout citoyen n’ayant pas les moyens financiers suffisants puisse obtenir
l’assistance d’un avocat. Les conditions et les modalités d’accès sont les mêmes, que le
demandeur soit mis en cause ou victime, français ou étranger, maîtrisant la langue
française ou non. C’est donc à bien des égards que la loi du 10 juillet 1991, dans son volet
réservé à l’aide juridictionnelle, représente un progrès social, une confirmation de la
dimension sociale du droit contemporain1024. S’agissant de la victime, certaines modalités
1019
L’article 35 de la loi du 10 juillet 1991 dispose que, à peine de nullité, cette convention doit être
communiquée dans les quinze jours de la signature au bâtonnier. Ce dernier contrôlera sa régularité et le
montant du complément d’honoraires.
1020
L. 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant a protection de la présomption d’innocence et les droits des
victimes.
1021
LAVIELLE (B), Une réforme pénale impérieuse : la traduction des actes de procédure pénale aux parties
civiles, mis en examen ou prévenus étrangers, AJ pén., 2009, p. 443.
1022
CA Montpellier, ch. acc., 15 déc. 1998, Juris-Data n°1998-046261.
1023
Crim. 25 mai 2005,Bull. crim. n° 157.
1024
LEROY (J), op. cit., p. 223.
217
lui restent spécifiques notamment au regard des nouvelles réformes comme la loi du 9
juillet 20101025 par exemple.
286. L’aide juridictionnelle et les caractéristiques de l’infraction. L’aide
juridictionnelle prend un sens particulier au regard de la situation dans laquelle s’est
déroulée l’infraction, et cela à plusieurs égards ; analyser le caractère de l’infraction par
rapport à la victime, c’est prendre en considération les éléments liés à la victime dans le
but de comprendre le passage à l’acte et pour faciliter sa restauration.
Si on examine les différents facteurs qui exposent l’individu à une plus grande probabilité
d’être victime, il est possible de remarquer que les facteurs sociaux sont les plus
nombreux1026. Ainsi, les conditions socio-économiques que sont l’exclusion, la pauvreté,
font porter un risque plus grand aux personnes, et les rendent donc plus vulnérables. Pour
les recherches menées en victimologie il faut se tourner principalement vers le Canada où
il existe une véritable culture victimologique qui a permis de faire évoluer la législation en
matière d’assistance aux victimes. Des recherches ont mis en exergue que les victimes ont
les mêmes caractéristiques sociales et démographiques que les délinquants et que ces
derniers souffrent de taux très élevés de victimation1027. Il va donc de soi que l’aide
juridictionnelle, par sa vocation sociale, s’adresse tout particulièrement à la victime par le
biais d’un régime dérogatoire dans l'octroi de cette aide.
En d’autres termes, la loi du 10 juillet 1991 distingue l’aide juridictionnelle accordée au
prévenu de celle accordée à la victime. Les besoins en matière d’aide judiciaire ne sont pas
les mêmes entre un prévenu et une victime, tout simplement parce que les conséquences de
l’infraction pénale ne sont pas les mêmes pour l’un et l’autre. Il existe aujourd’hui une
prise en compte de l’urgence dans la prise en charge de la victime, et les violences intra-
familiales, par exemple, en sont une expression significative : en matière de violence
conjugale, le bureau d’aide juridictionnelle peut admettre provisoirement l’aide
juridictionnelle à la victime pour qu’elle puisse entreprendre ses démarches judiciaires1028.
Il faut néanmoins tempérer le caractère social et universel de l’aide juridictionnelle dans le
cas d’une action juridique en tant que telle ; cette dernière ne concerne pas toutes les
victimes ne pouvant financièrement pas obtenir l’aide d’un avocat. L’aide juridictionnelle
1025
L. n° 2010-769 du 9 juillet 2010 sur la protection du conjoint ou des enfants contre les violences au sein
du couple ; v. infra n° 343 et s.
1026
FILIZZOLA (G), LOPEZ (G), Victimes et victimologie, Paris, PUF, Que sais-je, 1995.
1027
NORMANDEAU (A), La criminologie au Canada, RSC, 2001, p. 901.
1028
Art. 20 al. 1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.
218
ne s’applique que pour les victimes se constituant partie civile. Il existe donc une condition
sine-qua-non pour obtenir l’aide juridictionnelle lorsque l’on est victime d’une infraction
pénale et que l’on veut agir devant une juridiction pénale : passer de l’état de victime au
statut de partie civile. Si cet état de fait paraît de prime abord assez surprenant au regard du
fondement de l’aide juridictionnelle, à savoir une liberté publique à vocation sociale, elle
n’est pas contraire aux principes définis par la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et du citoyen. Dans un arrêt du 28 janvier 19971029, la Cour de Cassation
a décidé que les règles relatives à l’aide juridictionnelle n’étaient pas incompatibles avec
les dispositions des articles 6 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l’homme1030.
En outre, en matière de mesures alternatives aux poursuites, comme la médiation pénale, la
victime peut obtenir une aide juridictionnelle sans pour autant passer par l’étape de la
constitution de partie civile1031. Ce n’est donc que dans le cadre d’un procès pénal, d’une
citation directe ou d’un dépôt de plainte devant le doyen des juges d’instruction que l’aide
juridictionnelle est conditionnée à la constitution de partie civile.
287. L’aide juridictionnelle et la victime. L’article 2 alinéa 2 de la loi du 10 juillet
1991 dispose que « Les personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour
faire valoir leurs droits en justice peuvent bénéficier d’une aide juridictionnelle. Cette aide
est totale ou partielle ». Il faut comprendre que l’aide juridictionnelle n’est accordée que
dans le cas où la personne saisit le tribunal et qu’elle s’inscrit dans une action juridique
effective.
Il est important de rappeler la différence fondamentale entre la victime et la partie civile,
car le manque de distinction participe à l’ambiguité quant au rôle de la victime dans le
1029
Crim. 28 janv. 1997 : Procédures 1997. Comm. 123, obs. Buisson.
1030
Art. 6 de la CESDH : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui
décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute
accusation en matière pénale dirigée contre elle […] » ; Art. 14 de la CESDH : « La jouissance des droits et
libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment
sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions,
l’origine ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre
situation ».
1031
Art. 64-2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.
219
système pénal. La victime devient une véritable partie au procès pénal lorsqu’elle se
constitue partie civile1032, sans cela elle sera considérée comme témoin1033.
Néanmoins, force est de constater que les termes de la loi du 10 juillet 1991 eux mêmes
participent à cette ambiguité. Ainsi, dans la partie qui intéresse l’aide juridictionnelle1034,
l’article 9-2 dispose que « La condition de ressources n’est pas exigée des victimes de
crimes ou d’atteintes volontaires à la vie ou à l’intégrité de la personne prévus et réprimés
par les articles 221-1 à 221-5, 221-1 à 221-6, 222-8, 222-10, 222-14 (1° et 2°), 222-23 à
222-26, 421-1 (1°) et 423-3 (1° à 4°) du code pénal, ainsi que leurs ayants droit pour
bénéficier de l’aide juridictionnelle en vue d’exercer l’action civile en réparation des
dommages résultant des atteintes à la personne ». Cet article a été créé par la loi du 9
septembre 20021035. Auparavant, la loi du 10 juillet 1991 ne parlait, hormis pour la
médiation pénale et la composition pénale, que de partie civile et de bénéficiaire pour
indiquer que le demandeur était une victime. Faut-il alors trouver dans cet article la preuve
de la dérive victimaire de la politique pénale et plus généralement de la société ?
288. Une aide juridictionnelle en urgence. Depuis 2010, il est possible pour une
victime d’obtenir l’aide juridictionnelle sans pour autant se constituer partie civile, et ce
dans le cadre de la loi du 9 juillet 20101036 relatives aux mesures imposées par
l’ordonnance de protection1037. Cette loi représente une véritable évolution dans la prise en
charge de la victime. Ainsi, le juge aux affaires familiales, auquel la loi du 9 juillet 2010
accorde des pouvoirs en matière pénale1038, peut prononcer l’admission provisoire à l’aide
juridictionnelle de la victime de violences conjugales, mais également de la victime
majeure menacée d’un mariage forcé1039. La nouveauté réside donc dans le fait que la
victime d’une infraction pénale va pouvoir obtenir l’aide utile et rapide dans le cadre d’une
1032
HENRION (V.H), L’article préliminaire du code de procédure pénale : vers une « théorie législative » du
procès pénal, Archives de Politique Criminelle 2001, p. 13 et s., spéc. p. 31.
1033
La difficulté qui réside dans l’étude de la victime c’est la distinction à opérer entre les droits de la victime
avant, pendant et après l’audience pénale, et les droits de la partie civile.
1034
Titre Premier de la loi du 10 juillet 1991 : L’accès à l’aide juridictionnelle, articles 2 à 52-1.
1035
Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002, art. 65. Loi d’orientation et de programmation pour la justice.
1036
Loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 sur la protection du conjoint ou des enfants contre les violences au sein
du couple.
1037
V. infra n° 343 et s.
1038
Dans le cadre de l’ordonnance de protection, le juge aux affaires familiales peut prononcer à l’encontre
du conjoint violent l’interdiction de détenir ou de porter une arme, l’interdire de rentrer en contact avec la
victime.
1039
Art. 1 de la loi du 9 juillet 2010, Ibid.
220
procédure à caractère civil, le juge aux affaires familiales pouvant être saisi par la voie du
référé.
289. Cas particulier de la médiation pénale1040. Il est important de s’arrêter un
instant sur l’aide juridictionnelle accordée dans le cadre d’une médiation pénale. Le
législateur a prévu un cadre juridique d’attribution de l’aide juridictionnelle en dehors de
toute constitution de partie civile : lorsqu’il s’agit d’une mesure alternative aux poursuites.
Au terme de l’article 41-1, 5° du code de procédure pénale, le Procureur de la République
peut « Faire procéder, avec l’accord des parties, à une mission de médiation entre l’auteur
des faits et la victime. En cas de réussite de la médiation, le procureur de la République ou
le médiateur du procureur de la République en dresse procès-verbal, qui est signé par lui-
même et par les parties, et dont une copie leur est remise ; si l’auteur des faits s’est engagé
à verser des dommages et intérêts à la victime, celle-ci peut, au vu de ce procès verbal, en
demander le recouvrement suivant la procédure d'injonction de payer, conformément aux
règles prévues par le code de procédure civile ».
La victime peut obtenir une réparation mais également être assistée par un avocat dans le
cadre de l’aide juridictionnelle1041. Si l’auteur des faits ne respecte pas l’accord passé, le
procureur de la République peut engager des poursuites ou mettre en oeuvre une
composition pénale1042.
290. L’aide juridictionnelle et la partie civile. L’aide juridictionnelle est accordée à
la partie civile dans les mêmes conditions que celles imposées au prévenu. Elle prend donc
en considération la situation sociale, mais également les conditions liées à l’infraction et à
l’urgence de la situation.
Depuis la loi du 9 septembre 20021043, la condition de ressources n’est pas exigée pour les
délits et les crimes les plus graves ; c’est le cas pour les atteintes volontaires à la vie1044, les
atteintes volontaires à l’intégrité de la personne1045, les violences ayant entraîné la mort1046
1040
Art. 64-2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique. Dans le cadre de notre étude, nous
reprendrons les fondements juridiques de la médiation pénale dans la partie dédiée aux modes alternatifs aux
poursuites. V. infra n° 429 et s.
1041
Art. 64-2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.
1042
C. pr. pén. art. 40-1 et s.
1043
L. 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice.
1044
i.e. les atteintes volontaires à la vie définies aux articles 221-1 à 221-5 du code pénal.
1045
i.e. les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne définies aux article 222-1 à 222-6 du code pénal.
1046
C. pén. Article 222-8.
221
ou ayant entraîné une mutilation ou une infirmité1047 permanente avec les circonstances
aggravantes suivantes : sur un mineur de quinze ans, une personne vulnérable, un
ascendant légitime ou naturel, une personne dépositaire de l’autorité publique, le conjoint,
les ascendants et les descendants en ligne directe, les personnes chargées d’une mission de
service public, sur un témoin , une victime ou une partie civile lorsqu’il s’agit de
l'empêcher de dénoncer les faits ou de déposer plainte. C’est également le cas pour les
violences habituelles sur un mineur de quinze ans ou une personne particulièrement
vulnérable1048, le viol1049, les actes de terrorisme1050. Les ayants droits des victimes voulant
exercer l’action civile peuvent obtenir l’aide juridictionnelle sans condition de ressources.
Cette particularité dans l’attribution de l’aide juridictionnelle vaut non seulement pour les
procédures devant les juridictions répressives, que se soit en matière d’instruction, de
jugement, mais aussi pour les procédures devant la Commission d’Indemnisation des
Victimes d’Infraction1051. Lorsque l’aide juridictionnelle est octroyée dans ce cadre, une
décision du bureau d’aide juridictionnelle est inutile1052, et la somme allouée à l’avocat est
versée par la caisse de règlements pécuniaires des avocats ; pour ce faire, la seule
attestation de mission délivrée par le greffier suffit1053.
291. L’aide juridictionnelle et la citation directe1054. L’aide juridictionnelle a
également une importance en amont de toute audience pénale, lorsque la victime engage
les poursuites. Dans le cadre de la citation directe, où la victime agit par la voie d’action, il
faut bien entendu que la victime soit partie civile à l’audience pénale. Le tribunal
correctionnel fixe le montant d’une consignation, l’action de la partie civile n’étant pas
jointe à celle du ministère public, sous peine de la non-recevabilité de la citation
directe1055. Le tribunal prend en considération les ressources de la partie civile et si elle
bénéficie de l’aide juridictionnelle c’est le bureau d’aide juridictionnelle qui gère le dépôt
de la consignation.
1047
C. pén. Article 222-10.
1048
C. pén. Art. 222-14.
1049
C. pén. Art. 222-23 à 222-26.
1050
C. pén. Art. 421-1 (1°) et 421-3 (1°).
1051
Circ. crim. 02-16-E8, 8 nov. 2002, n° 6.2. Sur la CIVI V. supra n° 183 et s.
1052
Circ. 94-08, 21 juin 1994.
1053
D. n° 91-1266, 19 déc. 1991, art. 104, 105.
1054
Sur la citation directe V. supra n° 77 et s.
1055
C. pr. pén. Art. 392-1. Pour la sanction dans le défaut de consignation V. dans ce sens Crim. 27 mars
2001 : pourvoi n° 00-87.895 ; Crim.18 déc. 2007 : Bull. crim. n° 315 ; D.2008. AJ. 298, note Léna.
222
292. L’aide juridictionnelle et la plainte avec constitution de partie civile1056. Pour
ce qui est de la plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges
d’instruction, tout comme pour la citation directe, une consignation est exigée. Le juge
d’instruction, par ordonnance, fixe le montant de la consignation. Le juge prend en
considération les revenus de la partie civile1057.
Si la partie civile bénéficie de l’aide juridictionnelle, le juge la dispense de
consignation1058. Cette dispense intervient que la partie civile ait obtenu une aide
juridictionnelle partielle ou totale1059. De plus, même si la demande d’aide juridictionnelle
est antérieure au dépôt de plainte, le juge doit déclarer recevable la constitution de partie
civile et dispenser la partie civile, bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, du versement de la
consignation1060.
293. Un accès à la justice s’adressant à la victime. L’accès à la justice est garanti
par un droit subjectif, celui d’obtenir une aide juridictionnelle1061. Elle se rapporte au
principe fondamental que représente l’égalité des citoyens devant la justice. Certes, si les
particularités de la loi du 10 juillet 1991 confèrent principalement à la partie civile une aide
juridictionnelle effective, il ne faut pas perdre de vue qu’elle accorde également une aide
juridictionnelle à la victime dans le cadre de la médiation pénale, l’ordonnance de
protection ou la composition pénale. Un rapport d’information sur l’amélioration de
l’accès au droit et à la justice formulent plusieurs propositions1062, elles s’inscrivent
véritablement dans cette dynamique de restaurer la victime en dehors du statut de partie
civile : accélérer le développement de la médiation juridictionnelle et extra-juridictionnelle
; introduire l’action de groupe dans le droit français, renforcer les effectifs affectés au
service de l’accès au droit et à la justice et de l’aide aux victimes ; mettre en oeuvre un
schéma directeur départemental de l’accès au droit.
La démonstration a été faite qu’avant toute poursuite pénale, la victime peut d’une part
obtenir une restauration en dehors du prétoire pénal, donc en dehors de toute constitution
1056
Sur la plainte avec constitution de partie civile V. supra n° 70 et s.
1057
C. pr. pén. Art. 88 ; V. dans ce sens GIUDICELLI (A), Constitution de partie civile par voie d’action et
obligation de consigner, RSC, 2000, p. 217.
1058
C. pr. pén. Art. 89.
1059
Crim. 7 juin 2000 : Bull. crim. n° 343.
1060
Crim. 8 déc. 1992 : Bull. crim. n° 409.
1061
LEROY (J), op. cit., p. 223.
1062
Bulletin Quotidien, Les députés George PAU-LANGEVIN et Philippe GOSSELIN formulent 30
propositions pour améliorer l’accès au droit à la justice, LESBIOGRAPHIES.COM, jeudi 7 avril 2011.
223
de partie civile, et d’autre part, elle peut obtenir une aide juridictionnelle pour être
conseillée et assistée par un avocat dans les mêmes conditions que l’auteur de l’infraction.
Le dispositif de l’accès à la justice est complété par le dispositif de l’accès au droit, pour
renforcer un peu plus les droits des victimes dans la recherche d’une restauration utile à ses
besoins et rationnelle en raison des fondements et de la vocation du procès pénal.
B) L’accès au droit
1063
LEROY (J), op. cit.
1064
MONEGER (F), La notion d’inadaptation en droit positif, Rev. dr. san. soc., 1975, p. 441.
1065
Sur le rapport entre le droit et le social concernant la question de l’accès au droit, V. dans ce sens,
CHAZEL (F) et COMMAILLE (F), Normes juridiques et régulation sociale, Paris, La découverte, Syros,
1999 ; DEFFAINS (B) et DORIAT-DUBAN (M), Equilibre et régulation du marché de la justice : délai
versus prix, Revue économique, n°5, 2001, pp. 949-974 ; TREVES (R), Sociologie du droit, Paris, PUF,
1995.
224
mêmes droits que les autres catégories moins défavorisées. L’accès au droit, tout comme
l’accès à la justice, devient alors un prolongement de l’aide sociale.
La méconnaissance du droit, dans une société démocratique, est un facteur important
d’inégalité : le citoyen en précarité sociale est plus particulièrement exposé à cette carence.
C’est également le constat d’une explosion de la demande sociale du droit 1066 où l’accès au
droit se conçoit comme le médiateur dans la reconquête de l’autonomie pour la personne
inadaptée socialement1067. Jacques FAGET distingue trois catégories de personnes ayant
besoin d’obtenir un accès au droit : une catégorie d’individus moyens, capables de faire et
de formuler une demande juridique, mais vulnérables socialement ; une catégorie
d’individus avec un capital social médiocre qui formule des demandes assez différentes ;
une catégorie d’individus marginalisés, précaires psychologiquement et socialement,
incapables de formuler une demande. L’accès au droit va donc être pensé comme la
consolidation de l’édifice démocratique, une façon de socialiser les populations exclues.
Si dans les prémisses d’une réflexion sur l’accès au droit, il va de soi que la précarité est
une cause « d’illettrisme juridique »1068, aujourd’hui ce n’est plus seulement cela. Dans
une société où le droit est omniprésent, où les textes de loi prolifèrent1069 et où le citoyen
peut obtenir une quantité importante d’informations juridiques par le biais de l’outil
internet et des médias, il ne faut pas résumer l’accès au droit seulement à une simple
question sociale : l’accès au droit a aussi une vocation générale, faire du savoir juridique
un droit fondamental de l’homme et du citoyen1070. L’accès au droit, pour la victime
notamment, est une question socio-juridique avec comme enjeu premier l’accession au
statut de citoyen, une façon pour ce dernier de conquérir son autonomie.
296. La loi du 10 juillet 1991. « Nemo censetur ignorare legem »1071 : par cet adage
personne ne peut se prévaloir d’une quelconque ignorance de la règle de droit pour
1066
FAGET (J), Op. Cit. Par l’expression demande sociale du droit, Jacques FAGET exprime l’idée suivante
: il existe une incapacité des individus à réguler leurs conflits autrement que par le droit. Ainsi, le corps
social dans son ensemble n’a eu de cesse depuis les années 90 de vouloir accéder à l’information juridique.
1067
Nous verrons qu’aujourd’hui l’accès au droit interpelle tous les citoyens et qu’en la matière le critère
social n’est pas un facteur déterminant dans l’accès à l’information juridique.
1068
CHOUCROY (Ch), Les illettrés du droit, le tribunal et la cour de cassation, 1790-1990, vol. Jubilaire,
Litec, 1990, p. 235.
1069
V. dans ce sens, SAVATIER (R), L’inflation législative et l’indigestion du corps social, D. 1977. Chron.
43 ; CARBONNIER (J), Essai sur les lois, Répertoire du notariat Defrénois, 1979, p. 271 et s. ; FRANCOIS
(J.J), La juri-stratégie : une nouvelle approche du risque juridique, Gaz. Pal. 2-3 fév. 1990, p. 2.
1070
CHOUCROY (Ch), Ibid., p. 235 et s.
1071
Nul n’est sensé ignorer la loi
225
échapper à la loi. De ce fait, il faut que l’Etat mette en place des outils pour que le citoyen
puisse avoir accès au texte de loi, mais surtout à son essence. La loi du 10 juillet 1991,
dans sa deuxième partie consacre l’aide à l’accès au droit. L’article 53 définit ce que
comporte l’aide à l’accès au droit : « L’aide à l’accès au droit comporte : 1°) L’information
générale des personnes sur leurs droits et obligations ainsi que leur orientation vers les
organismes chargés de la mise en oeuvre de ces droits ; 2°) L’aide dans l’accomplissement
de toute démarche en vue de l’exercice d’un droit ou de l’exécution d’une obligation de
nature juridique et l’assistance au cours des procédures non juridictionnelles ; 3°) La
consultation en matière juridique ; 4°) l’assistance à la rédaction et à la conclusion des
actes juridiques ».
L’accès au droit comporte donc une aide dans l’obtention de l’information juridique, dans
les démarches de nature juridique, dans la consultation juridique, dans la rédaction d’actes
de procédure.
La tâche de coordination de l’aide à l’accès au droit est dévolue à un conseil départemental
de l’accès au droit1072. Ce conseil départemental est un groupement d’intérêt public1073
constitué de l’Etat, du département, de l’association départementale des maires, de l’ordre
des avocats1074, de la caisse des règlements pécuniaires de ce barreau, de la chambre
départementale des huissiers de justice, de la chambre départementale des notaires, de la
chambre de discipline des avoués près de la cour d’appel, de l’ordre des avocats au conseil
d’Etat et à la Cour de Cassation pour Paris, d’une association oeuvrant dans le domaine de
l’accès au droit. Le conseil départemental est présidé par le président du tribunal de grande
instance du chef lieu du département ; il s’agit d’un lieu où se rencontrent les
professionnels de l’accès au droit et où ils se concertent pour mettre en place une politique
commune d’accès au droit1075. Le choix territorial s’est porté sur l’échelon départemental
pour être au plus près du citoyen, et pour toucher un maximum de personnes1076.
Le financement de l’aide à l’accès au droit est assuré1077 par l’Etat, le département, les
caisses des règlements pécuniaires des barreaux du ressort du conseil départemental, les
participations des organismes professionnels des professions judiciaires et juridiques, les
1072
Art. 54 de la loi du 10 juillet 1991.
1073
Art. 55 de la loi du 10 juillet 1991.
1074
Si le département compte plusieurs ordres il s’agira de l’un des ordres des avocats établis dans le
département choisi par leurs bâtonniers respectifs.
1075
LEROY (J), op. cit.
1076
Le département, en terme de densité de la population, est plus importante que la région.
1077
Art. 68 de la loi du 10 juillet 1991.
226
collectivités territoriales, les établissements publics, les organismes de sécurité sociale.
Pour répartir au mieux les ressources issues de ces financements, le conseil départemental
de l’accès au droit peut conclure des conventions1078 avec des membres des professions
juridiques ou judiciaires ou leurs organismes professionnels, avec les centres communaux
d’action sociale, tout organisme public ou privé.
297. L’accès au droit et la victime. La loi du 10 juillet 1991 met en exergue quatre
modalités d’accès au droit dans lesquelles différents acteurs doivent trouver une
complémentarité et un mode de fonctionnement fondé sur le partenariat. La première
modalité d’accès au droit concerne l’information générale, l’orientation et la deuxième
modalité concerne l’aide dans l’accomplissement des démarches permettant d’exercer un
droit subjectif dans un cadre juridictionnel ou non. Pour ces deux modalités, les services
d’aide peuvent être assurés par des initiatives privées comme les associations d’aide aux
victimes. La troisième et la quatrième modalité d’accès au droit concernent d’une part la
consultation juridique et d’autre part l’assistance dans la rédaction d’actes juridiques. Pour
ce faire le recours à un professionnel du droit est obligatoire. En ce sens le travail de
l’avocat est primordial et essentiel, l’accès au droit ne peut pas se faire en dehors de ce
cadre.
La difficulté consiste donc à différencier le domaine de l’information du domaine de la
consultation, celui de l’assistance à la rédaction et celui de l’aide à l’accomplissement des
démarches juridiques. Sur le terrain, pour la victime, cela se concrétise par un blocage lié à
l’incertitude des intervenants quant à leur rôle dans l’aide qui lui est apportée. C’est
également un blocage lié à une frontière floue entre consultation juridique et information
juridique, tout cela se traduisant par un système de concurrence entre les intervenants qui
freine le travail dans l’accompagnement de la victime.
L’accès au droit représente un marché financier concurrentiel dans lequel chaque acteur a
du mal à trouver sa place1079. La victime se trouve alors, bien malgré elle, au centre de
cette problématique. Pour que l’aide1080 apportée soit la plus effective et la plus efficace
possible, pour optimiser la restauration, il est primordial de redéfinir le travail et les
1078
Art. 57 de la loi du 10 juillet 1991.
1079
FARGET (J), op. cit.
1080
Nous restons dans le cadre de l’accès au droit. Il faut donc entendre par « aide », l’aide dans l’accession à
l’information juridique. L’aide aux victimes sera traitée dans le même temps que la politique d’aide aux
victimes.
227
missions des différents intervenants1081 : la mission de l’association d’aide aux victimes, la
mission de l’avocat et la mission de la justice. En effet, comment retranscrire
juridiquement le questionnement de la victime si les professionnels ne sont pas capables
d’identifier leur rôle dans sa restauration ? Il est donc primordial de distinguer les objectifs
des entités qui interviennent dans l’accès au droit1082. C’est par conséquent, en premier
lieu, définir clairement les missions assignées par l’article 53 de la loi du 10 juillet 1991.
298. Article 53 de la loi du 10 juillet 1991, 1°. L’aide à l’accès au droit comporte «
1° L’information générale des personnes sur leurs droits et obligations ainsi que leur
orientation vers les organismes chargés de la mise en oeuvre de ces droits ». Il faut
distinguer l’information donnée dans le cadre de la procédure pénale par les services de
police et les magistrats instructeurs, et l’information définie à l’article 53 de la loi du 10
juillet 1991.
L’information consiste à donner les renseignements juridiques utiles pour que la victime
puisse comprendre les enjeux de la procédure pénale, ceux d’un éventuel procès pénal et
lui faire prendre conscience de sa qualité de citoyen. Cette information peut avoir lieu de
suite après l’infraction subie, quelques temps après, durant la procédure pénale et après le
dépôt de plainte. Elle peut également intervenir après l’audience pénale, si la victime
s’était constituée partie civile, pour expliquer les modalités, pour obtenir le règlement des
dommages et intérêts, expliquer comment interpeller le juge d’application des peines et le
juge délégué aux victimes1083 si l’auteur des faits a été condamné à un sursis avec mise à
l’épreuve1084.
L’orientation, quant à elle, consiste à diriger la victime vers les professionnels compétents
suivant le problème qu’elle expose. La demande peut être sociale, psychologique,
psychiatrique, juridique. Les demandes peuvent également être multiples et se combiner
les unes aux autres : demande socio-juridique, psycho-sociale... Dans le cadre du 1° de
l’article 53 de la loi du 10 juillet 1991, les intervenants sont multiples : l’association d’aide
aux victimes, l’association de victimes, l’avocat, la maison de la justice et du droit. Suivant
1081
LOPEZ (G), PORTELLI (S), CLEMENT (S), L’audition judiciaire de la victime, Les droits des victimes.
Droits, auditions, expertise clinique, Paris, Dalloz, Coll. Etats de droits, 2e édition, 2007.
1082
CARIO(R), Les droits des victimes d’infraction, problèmes politiques et sociaux, Paris, La
documentation française, n°943, décembre 2007.
1083
Pour les pouvoirs du juge délégué aux victimes V. en ce sens C. pr. pén. Article D.47-6-1 et s. ; CE, 5
fév. 2010, n°312314.
1084
C. pén. Art. 132-40 et s.
228
l’acteur qui intervient, par exemple l’assocation d’aide aux victimes ou l’avocat, le travail
mené avec la victime sera différent : parfois complémentaire, souvent opposé.
299. Article 53 de la loi du 10 juillet 1991, 2°. L’aide à l’accès au droit comporte «
2° L’aide dans l’accomplissement de toute démarche en vue de l’exercice d’un droit ou de
l’exécution d’une obligation de nature juridique et l’assistance au cours des procédures non
juridictionnelles ». Dans ce cadre, la victime peut interpeller les acteurs de l’accès au droit
pour les aider à remplir des documents qui leur sont utiles dans leurs démarches juridiques.
Cette aide est possible du moment que les documents ne sont pas des actes de procédure
pour lesquels l’assistance de l’avocat est obligatoire. En matière de droit pénal l’assistance
de l’avocat n’est pas obligatoire1085, et les types de démarches en ce domaine sont : les
constitutions de partie civile, les demandes d’aide juridictionnelle, les courriers pour
recouvrir les dommages et intérêts auprès de l’auteur, la saisine du fonds de garantie1086, la
saisine du juge d’application des peines. Les acteurs peuvent donc être l’association d’aide
aux victimes, l’association de victimes, l’avocat, la maison de la justice et du droit.
Néanmoins, dans le cadre de la constitution de partie civile l’assistance de l’avocat sera
fortement conseillée, la rédaction de conclusions étant de la compétence de l’avocat, ainsi
que, lors de l’audience, la possibilité de demander un renvoi sur intérêts civils1087.
300. Article 53 de la loi du 10 juillet 1991, 3° et 4°. L’aide à l’accès au droit
comporte « 3° La consultation en matière juridique ; 4° l’assistance à la rédaction et à la
conclusion des actes juridiques ». Ces dispositions posent comme principe le recours
systématique à un professionnel judiciaire et juridique. Concernant la victime d’infraction
pénale, c’est surtout dans le cadre d’une consultation juridique qu’elle interpelle l’avocat.
En ce domaine, les barreaux organisent des journées où tout un chacun peut obtenir une
consultation gratuite et anonyme. Des permanences peuvent également être prévues en
mairie ou dans les locaux des associations travaillant en partenariat avec les barreaux. Au
terme de l’article 53 de la loi du 10 juillet 1991, les conditions dans lesquelles s’exerce
l’aide à la consultation sont déterminées par le conseil départemental de l’accès au droit.
1085
C. pr. pén. Art. 418.
1086
Suivant la situation de la personne se pourra être la CIVI (commission d’indemnisation des victimes
d’infractions) ou le SARVI (service d’aide au recouvrement pour les victimes d’infraction). V. en ce sens
supra n° 182 et s.
1087
C. pén. Art. 464 ; V. sur les modalités d’expertise en cas de renvoi sur intérêts civils Crim. 19 juin 2007,
n° 06-87.417, Bull. crim, n° 167.
229
301. Un accès au droit à ne pas négliger. Au regard de la loi du 10 juillet 1991,
l’accès au droit donne l’opportunité à tout justiciable, et notamment les plus démunis,
d’obtenir une assistance et l’information juridique utile. Si, en théorie, le rôle des acteurs
est bien défini et que l’accès au droit représente un enjeu socio-politique1088, en pratique la
réalité est bien différente.
L’accès au droit est utile pour, d’une part, poser les fondements de la restauration de la
victime et d’autre part relativiser le rôle de la victime dans le système pénal ; un système
qui peut alors renouer avec ses valeurs essentielles : juger, sanctionner, réhabiliter. La
réalité de terrain est la suivante : une personne sur cinq estime avoir été victime d’au moins
une agression au cours des deux dernières années, la moitié de ces personnes estiment leurs
démarches inutiles et sont peu convaincues de l’efficacité de la justice1089. Il faut compter
sur l’accès au droit pour réconcilier le droit pénal avec les exigences des citoyens. En
attribuant effectivement les missions définies par l’article 53 de la loi du 10 juillet 1991
aux intervenants les plus compétents, l’accès au droit permettrait de consolider la politique
d’aide en faveur des victimes d’infractions pénales.
Néanmoins, sur le terrain, se mélangent intérêts privés, intérêts collectifs, enjeux
professionnels et financiers, désir de vengeance des victimes ne se sentant pas écoutées
mais qui peuvent agir par l’intermédiaire des associations de victimes. L’analyse du rôle
des principaux acteurs dans l’accès au droit permet de reconsidérer la place de la victime
en dehors du statut de partie civile.
302. Une loi à préciser. La victime a vu son rôle, dans le droit pénal, s’élargir par
différentes réformes. La victimologie est donc devenu un composante importante des
réformes pénales1090, et le droit des victimes un principe directeur du procès pénal1091. Il
n’est ainsi pas étonnant de constater le recours systématique de la victime au droit pénal,
ce dernier lui offrant selon elle, si ce n’est l’opportunité de se restaurer, au moins un lieu
1088
FARGET (J), op.cit.
1089
CHAUSSEBOURG (L), Se déclarer victime : de l’atteinte subie au dépôt de plainte, Infostat Justice,
Ministère de la justice et des libertés, décembre 2010, n°110 ; BENZAKRI (A), Les victimes de délit et le
jugement de leur affaire : entre satisfaction et incompréhension, Infostat Justice, Ministère de la justice et des
libertés, décembre 2010, n°111.
1090
CARBONNIER (V.J), Droit et passion du droit sous la Ve République, Flammarion, 1996.
1091
D’HAUTEVILLE (A), Le droit des victimes, in Libertés et droits fondamentaux, Dalloz, 7e éd., 2001
230
d’écoute et de vulgarisation de la matière pénale. Au delà du simple droit à l’information
au cours de la procédure pénale, en matière d’instruction ou dans le cas d’un classement
sans suite, la victime a besoin d’avoir un décryptage de la situation dans laquelle elle se
trouve, une pédagogie du droit pour percevoir l’importance du droit pénal dans sa
restauration. Pourtant, la confusion est réelle en la matière car d’une part le système pénal
n’est pas le lieu où peut se mettre en place une pédagogie du droit et d’autre part, ce lieu ne
peut offrir une restauration globale à la victime.
La loi du 10 juillet 1991, dans son volet réservé à l’accès au droit, pose le cadre dans
lequel les acteurs doivent et peuvent intervenir. En revanche, elle ne précise pas
expressément quels sont ces acteurs, hormis pour la consultation juridique qui s’exerce par
l’intermédiaire des professions judiciaires et juridiques1092. Il faut donc analyser les acteurs
de l’accès au droit (A) pour ensuite comprendre la réalité de terrain dans la prise en charge
de la victime d’infraction pénale (B).
1092
Article 53 de la loi du 10 juillet 1991, dernier alinéa : « Les conditions dans lesquelles s’exerce l’aide à
la consultation en matière juridique sont déterminées par le conseil départemental de l’accès au droit en
conformité avec les règles de déontologie des personnes chargées de la consultation et dans le respect des
dispositions du titre II de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions
judiciaires et juridiques ».
1093
Pour une étude plus claire, nous définirons le rôle est les compétences des acteurs les plus importants
dans le cadre de l’accès au droit en matière pénale : l’association d’aide au victime, l’avocat, l’association de
victimes.
1094
Décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.
1095
Pour aller plus loin sur le thème de la profession d’avocat V. en ce sens, HAMELIN (J), Les règles de la
profession d’avocat, 9è édition, Dalloz, 2000 ; TAISNE (J,J), La déontologie de l’avocat, 2è édition, Dalloz,
1999 ; GUINCHARD (S), DEBARD (Th), VARINARD (A), Institutions juridictionnelles, 10è édition,
Dalloz, 2009 ; EXERTIER (R), Les honoraires de l’avocat, Gaz. Pal, 17 oct. 1996.
231
L’avocat conseille, défend, assiste dans le cadre des recours juridictionnels ou non.
L’avocat est donc un élément incontournable dans l’accès au droit, notamment pour la
consultation juridique. En matière pénale, l’évolution de la place de la victime,
principalement dans son statut de partie civile à l’audience pénale, a fait évoluer le rôle de
la victime à la barre du tribunal : « Cette barre pénale où nos institutions font une place
presque égale à la victime, au point parfois de laisser penser que le procès pénal ne serait
fait que pour apaiser celle-ci »1096.
L’avocat entretient une relation particulière avec son client lorsque celui-ci est victime
d’une infraction pénale. Cette particularité se comprend du fait de la spécificité de la prise
en charge de la victime. En ce domaine l’accès au droit est fondamentalement un préalable
à cette prise en charge qui doit prendre en compte le traumatisme de la victime. En
pratique, il est courant de voir dans le prétoire pénal des victimes, parties civiles, n’avoir
pas pu bénéficier de cette phase d’accès au droit. Elles ont toutes comme point commun de
ne pas savoir se positionner lors de l’audience, ne pas comprendre leur rôle et plus
étonnant encore, certaines pensent encore pouvoir faire appel de la décision rendue sur la
peine1097. L’avocat doit travailler dans le sens d’un renforcement du droit pénal et
l’effacement du sentiment de vengeance1098. Aujourd’hui, dans une situation économique
où la profession rencontre des difficultés1099, accompagner la victime et lui donner un
accès au droit demande du temps, dont l’avocat ne dispose pas nécessairement. Il importe
de garder constamment à l’esprit que la prise en charge de la victime d’infraction pénale
répond à des exigences que l’on ne retrouve pas dans la prise en charge de l’auteur :
travailler avec la victime revient à évaluer ses besoins à court, moyen et long terme ;
définir les niveaux d’intervention, gérer les différents types d’urgence ; prévoir les
réparations qui ne se conçoivent pas seulement en terme d’indemnisation1100. Le but de
l’accès au droit dans la prise en charge de la victime est de délester le droit pénal d’une
présence accrue de cette dernière, puis de maximiser sa restauration.
1096
MOLLA (A), L’avocat face à son client, AJ Pén., Dalloz, 2007, p. 308.
1097
Situations constatées au bureau d’aide aux victimes du tribunal de grande instance de Villefranche sur
saône sur l’année 2012/2013.
1098
MOLLA (A), ibid.
1099
FAGET (J), op. cit.
1100
TERCQ (N), L’accompagnement social des victimes, in CARIO (R), Les droits des victimes d’infraction,
La documentation française, coll. problèmes politiques et sociaux, décembre 2007, n° 943.
232
Depuis la loi du 9 septembre 20021101, la victime a le droit d’obtenir la désignation d’un
avocat par le Bâtonnier. Si elle entre dans le cadre de l’aide juridictionnelle, les honoraires
de l’avocat seront supportés par l’Etat. La victime peut choisir son avocat. Que se soit dans
le cadre d’une désignation ou d’un choix personnel, l’avocat peut, à la demande de la
victime, donner un accès au droit dans le cadre de la consultation juridique. En d’autres
termes, la saisine de l’avocat n’entraîne pas automatiquement l’engagement d’une
procédure juridique ou le dépôt d’une plainte simple. Depuis la loi du 14 avril 20111102, la
victime peut se faire assister par un avocat lors d’une confrontation avec un gardé à
vue1103.
Pour être aidé, l’avocat peut se reposer sur le travail des associations d’aide aux victimes
qui interviennent plus spécifiquement dans le cadre de l’information juridique,
l’orientation et l’aide à l’accomplissement des démarches juridiques auxquelles devra faire
face la victime.
304. L’association d’aide aux victimes1104. C’est à partir de la loi du 8 juillet
19831105 que les associations d’aide aux victimes ont vu le jour. La volonté de l’Etat, en
confiant l’aide aux victimes à des initiatives privées avait comme objectif de décharger les
institutions juridiques et reconquérir le champ social1106. Le constat était celui d’une
inflation du recours au droit pénal dans l’explosion des conflits sociaux. L’association
d’aide aux victimes se voulait alors être un interlocuteur particulier de la victime
d’infraction pénale. Le but de la démarche était de travailler de façon interdisciplinaire et
transversale, en créant des partenariats avec les acteurs locaux. Les associations d’aide aux
victimes se sont fédérées au sein de l’INAVEM qui harmonise la pratique des 143
associations d’aide aux victimes dans toute la France1107.
1101
L. n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de porgrammation pour la justice, créant les
articles 53-1 et 75 du code de procédure pénale.
1102
L. n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue ; V. en ce sens AJ pén., juin 2011, supplément
au n°6.
1103
C. pr. pén. Art. 63-4-5.
1104
Nous présenterons ici l’association d’aide aux victimes dans le cadre de l’accès au droit. Nous
reviendrons plus longuement sur l’association d’aide aux victimes quand nous étudierons l’aide aux victimes
et les politiques publiques d’aide aux victimes : V. infra n° 313 et s.
1105
L. n° 83-608 du 8 juillet 1983 renforçant la protection des victimes d’infraction.
1106
HINCKER (L), L’association, truchement social ?, in Peut-on aider les victimes ?, Erès, 1985.
1107
Rapport d’activité 2012 de l’INAVEM (Institut Nationale d’Aide aux Victimes Et de Médiation),
www.inavem.org.
233
Aujourd’hui l’association d’aide aux victimes est un acteur incontournable de l’accès au
droit. Elle accueille, écoute, évalue les besoins de la victime, organise la prise en charge
sociale, psychologique, médicale et juridique. Face à l’augmentation des situations de
victimation liées à la condition sociale des personnes, au point de parler de victimation
secondaire1108, les recommandations institutionnelles vont dans le sens d’un accès au droit
organisé par des services d’aide aux victimes gratuits et répondant à une déontologie1109.
Tout comme le droit d’être orientées vers un avocat désigné par le barreau, les victimes
sont informées qu’elles peuvent être « aidées par un service relevant d’une ou de plusieurs
collectivités publiques ou par une association conventionnée d’aide aux victimes »1110.
L’accès au droit accordé à la victime répond à une démarche spécifique où le temps de
poser les fondements de la restauration est fondamental. Le rôle de l’association d’aide aux
victimes doit être différenciés de celui de l’association de victimes, qui elle aussi, est
amenée à donner à la victime un accès au droit.
305. L’association de victimes. La naissance des associations de victimes résulte
d’un besoin de reconnaissance ; une reconnaissance que la société tardait à leur accorder
préférant les utiliser dans le cadre de politiques ultra-sécuritaires1111. Ces associations ont
fait leur apparition dans les années 80 : elles permettent aux victimes et aux familles de se
rencontrer, d’être moins isolées et repliées sur elles-mêmes. Si elles sont un lieu d’échange
et de soutien elles sont également un lieu d’accès à l’information juridique liée au procès
pénal, de formulation de propositions pour améliorer la situation des victimes. Sur ce
dernier point, les associations de victimes participent aux réformes en cours, notamment à
l’occasion d’évènements tragiques.
Au moment de l’audience pénale, l’association de victimes se constitue fréquemment
partie civile pour porter les intérêts collectifs de la victime1112. Son action peut se faire en
1108
MONSAINGEON (E), L’accompagnement social des victimes, in CARIO (R) et GAUDREAULT (A),
L’aide aux victimes : 20 ans après, Paris, coll. Sciences criminelles, 2003.
1109
V. en ce sens, Directive 2012/29/UE du parlement européen et du conseil du 25 octobre 2012 établissant
des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et
remplaçant la décision cadre 2001/220/JAI du conseil ; VERGES (E), Un corpus juris des droits des
victimes : le droit européen entre synthèse et innovations, RSC, janvier – mars 2013, p. 121-136.
Recommandation R8721 du conseil de l’Europe sur l’assistance aux victimes ; Recommandations sociales en
faveur des victimes du Forum européen des services d’aide aux victimes ; Rapport LIENEMANN de 1999,
in MONSAINGEON (E), Ibid.
1110
C. pr. pén. Art. 53-1 et 75.
1111
CARIO (R), Rôle des associations de victimes, Rép. pén., septembre 2007.
1112
PIN (X), la privatisation du droit pénal, op. cit., p. 245.
234
accord avec la victime ou non1113. Si elle agit de son propre chef, les dommages et intérêts
obtenus seront utilisés pour son propre fonctionnement.
306. Un échec de la pluridisciplinarité. Les principaux acteurs de l’accès au droit
viennent d’horizons différents. Il s’agit d’un monde où se côtoient professionnalisme et
engagement bénévole ; cette diversité engendre des difficultés car chacun a des missions,
des fonctions et des moyens d’action différents. Une certaine désorganisation peut
apparaître, ce qui rend peu clair l’offre que présente les acteurs.
Sur le terrain, l’accès au droit pâtit de toutes ces interrogations et n’obtient pas les résultats
qu’escomptait l’esprit de la loi du 10 juillet 1991. L’incohérence entre théorie et pratique
contribue à ce que l’accès au droit manque de clarté.
B) Un manque de clarté
1113
C. pén. art. 2-2 en matière de délinquance sexuelle ; C. pén. art. 2-10 en matière de discriminations ; C.
pén. art. 2-12 en matière de délinquance routière ; C. pén. art. 2-18 en matière d’accident du travail ; C. pr.
pén. art. 2-19 en matière d’injures, d’outrages, de menaces ou de coups et blessures contre un élu.
1114
Rapport de la commission d’étude et de proposition dans le domaine de l’aide aux victimes, multigraph.,
Min. Justice, 1982, sous la direction de MILLIEZ (P), rapport dénommé Rapport Milliez ; CARIO (R), Quel
avenir pour l’aide aux victimes généraliste et professionnelle ?, conférence-débat à l’occasion des 20 ans de
l’INAVEM, Paris, 13 mars 2007.
235
Le témoignage de certains dirigeants d’associations de victimes est éloquent, et donne la
teneur de ce que peut être l’accès au droit organisé dans ce cadre. Par exemple
l’association Aide aux parents d’enfants victimes1115 : « Elle est animée uniquement par
des parents dont un enfant a été assassiné ou a disparu, tous ont vécu le même drame » ; «
Nous voulons être force de propositions, à partir de notre vécu face à la justice » ; « Nous
demandons l’équilibre du droit des victimes et de celui des délinquants » ; « L’objectif de
l’association est de conseiller et de soutenir les familles dans leurs actions ».
Que dire également de la récurrence des constitutions de partie civile de la part des
associations de victimes, au point de parler de concurrence avec les ministères publics1116.
Une démarche qui a souvent posé question au regard de la jurisprudence 1117, mais qui
aujourd’hui est reconnue par le législateur comme un contre-poids à la lenteur des parquets
dans la gestion des poursuites pénales1118. Lorsque l’action de l’association se conjugue à
celle de la victime elle-même, cela donne une impression de surenchère victimaire
déséquilibrant le procès pénal. Certains avocats font remarquer la difficulté de la défense
face à des associations de victimes puissamment organisées et relayées par les médias1119.
Au regard du fondement du droit pénal, de son évolution qui doit tendre vers sa
reconquête, l'accès au droit pris en charge par l’association de victimes est empreinte d’une
totale subjectivité et freine la restauration de la victime. Son action civile devant les
tribunaux répressifs donne à l’audience pénale un caractère encore plus vindicatif1120, et
c’est d’autant plus grave qu’il est délégué à ces associations une mission de service public.
Contrairement aux associations d’aide aux victimes, les associations de victimes livrent un
combat judiciaire1121 dont l’issue est incertaine et ambigue.
308. L’accès au droit comme enjeu professionnel et financier. « La nécessité
sociologique de créer une armada de promoteurs juridiques qui puissent prendre en charge
l’écrasant marché des désarrois et des solitudes sociales »1122 engendre la présence d’un
certain nombre d’intervenants dans le domaine de l’accès au droit. Si la loi du 10 juillet
1115
BOULAY (A), L’association des parents d’enfants victimes, in BOULAY (A), Victimes... De l’image à
la réalité, Paris, L’Harmattan, coll. Sciences criminelles, 2003, pp. 181 à 187.
1116
LARGUIER (J), L’action publique menacée (A propos des actions civiles des associations devant les
juridictions répressives), D 1958, p. 29 et s.
1117
Cass. crim., 18 oct. 1913, S. 1920, 1, 321, note HUGUENEY (L).
1118
PIN (X), op. cit., p. 248.
1119
BLANC (A), La question des victimes vue par un président d’assises, AJ pén., 2004, p. 432.
1120
CARBONNIER (V.J), Droit et passion du droit sous la Ve République, Flammarion, 1996.
1121
D’HAUTEVILLE (A), op. cit., p. 109.
1122
FAGET (J), op. cit., p. 378.
236
1991 accorde de la place à toutes les bonnes volontés, en revanche sur le terrain se créent
des enjeux reflétant le manque de complémentarité entre les acteurs de l’accès au droit.
Le droit pénal est une matière passionnante, où peut s’exprimer effectivement le talent du
juriste, mais il n’en reste pas moins que le domaine souffre d’une disqualification
professionnelle1123 : contrairement, par exemple, au domaine fiscal, ou au droit des
affaires, le droit pénal est imprégné par la précarité sociale des demandeurs1124. L’accès au
droit est d’autant plus important dans ce domaine du droit, qu’il concerne dans la plupart
des cas des personnes qui n’ont aucune capacité d’auto-régulation de leur conflit, et qui
méconnaissent les enjeux du droit pénal1125. La multiplicité des demandes est réelle ainsi
que l’augmentation du nombre des intervenants1126.
En d’autres termes, le droit pénal est le domaine du droit où les ressources financières des
demandeurs sont les plus faible1127 : beaucoup de dossiers traités bénéficient de l’aide
juridictionnelle. A contrario, le droit pénal est le domaine du droit où les affaires sont les
plus nombreuses ; dès lors, l’accès au droit est un enjeu professionnel, car il met en
concurrence sur le marché de l’information juridique divers intervenants, et la frontière
entre information et conseil est d’une extrême finesse. Pour l’association d’aide aux
victimes, l’enjeu est également professionnel car l’accès au droit est assuré par des juristes
formés à l’aide aux victimes. Le danger vient donc de la part de groupement de personnes
donnant un accès au droit éventuellement sans formation particulière et sans déontologie
définie.
Pourtant, au quotidien, sur le terrain, les enjeux professionnels se répercutent sur la relation
que vont entretenir les associations d’aide aux victimes et les avocats. Chacun fait preuve
de réticence à travailler en commun : les informations sur la victime ne passent pas...
Pourtant, l’aide aux victimes nécessite des compétences particulières et pluridisciplinaires
qui sont bien souvent à la hauteur de la détresse de la victime et de la complexité de la
situation dans laquelle l’infraction l’a laissée1128. Le positionnement des intervenants doit
être dynamique mais surtout complémentaire. En cela, les avocats et les associations d’aide
1123
BOURDIEU (P), La force du droit. Eléments pour une sociologie du champ juridique. Actes de la
recherche en sciences sociales, n° 64, 1986.
1124
KARPIK (L), Avocat, une nouvelle profession ?, Revue française de sociologie, n° 4, 1985.
1125
FARGET (J), ibid., p. 375.
1126
FAGET (J), l’insoutenable légèreté des avocats. Demande sociale de droit et ineffectivité de la défense
des personnes, Le bulletin, CLCJ, n° 27, 1991.
1127
KARPIK (L), ibid.
1128
BLANC (A), op. cit., p. 432.
237
aux victimes doivent travailler ensemble et non pas en concurrence pour maximiser les
bienfaits de l’accès au droit.
309. Ce que devrait être l’accès au droit : une complémentarité entre l’avocat et
l’association d’aide aux victimes. Concevoir l'accès au droit comme un enjeu seulement
juridique est réducteur et participe au malaise qui procède des enjeux professionnels et
financiers : l’accès au droit c’est la conquête de la citoyenneté1129. C’est en cela peut être
que la loi du 10 juillet 1991 est insuffisante et crée le trouble sur le rôle des différents
acteurs. Les demandes formulées par les victimes d’infractions pénales sont multiples et
polymorphes, elles sont également présentées dans un désordre total1130. Au regard de la
précarité sociale et du manque de culture juridique des demandeurs, cet état de fait se
comprend. Que le problème soit juridique, psychologique ou social, il révèle toujours une
difficulté dans la compréhension de la situation que crée l’infraction pénale, mais
également une incompréhension dans la stratégie du droit pénal. L’accès au droit au delà
de son caractère normatif, délimitant un cadre juridique, est l’occasion de procéder à une
clarification des besoins et de la situation réelle de la victime. En ce domaine, « la nature
nébuleuse de cette demande sociale de droit rend difficile la délimitation d’un territoire de
traitement »1131.
Lorsque la victime d’infraction pénale se présente pour obtenir un accès au droit, on peut
scinder cette période en deux temps : la première correspond à l’information juridique et à
l’éclairage des demandes qu’elle formule, la deuxième correspond au conseil juridique en
tant que tel, qui permet à la victime d’opter pour le mode de règlement de son conflit de
façon tactique1132. Il existe donc deux modes d’accès au droit qui sont totalement
complémentaires et utiles pour la restauration de la victime. Le premier temps est réservé
au décodage et à la formulation en termes juridiques de la demande, et le second temps
sera réservé à l’expertise et à la stratégie juridique à mener.
310. L’accès au droit préalable à toute procédure. L’accès au droit est une
opportunité pour la victime lui permettant de poser les fondements de sa restauration. C’est
1129
MESTROT (M), Action associative et justice pénale, thèse, Bordeaux, 1992.
1130
TERCQ (N), L’accompagnement social des victimes, in CARIO (R), Victimes : du traumatisme à la
restauration, Paris, L’Harmattan, 2002, pp. 177-190.
1131
FAGET (J), op. cit., p. 375.
1132
Par exemple, même si le but de l’accès au droit est de sortir le plus rapidement possible la victime du
processus pénal, et de trouver un mode alternatif du règlement de son conflit, elle peut quand même opter
pour la constitution de partie civile. Mais n’oublions pas que dans le cas d’une médiation pénale, la victime
peut d’une part obtenir l’aide juridictionnelle et, d’autre part, être accompagnée devant le médiateur pénal.
238
également le lieu de décryptage de la situation juridique et des enjeux auxquels elle sera
confrontée. Les différents témoignages de victimes viennent asseoir l’idée de l’importance
de l’accès au droit dans le premier contact avec la victime1133 : « Les victimes semblent
toujours aussi ignorantes de ce qu’elles peuvent attendre du procès » ; « Rares sont les
victimes que j’ai croisées en plus de vingt ans d’activisme et qui, avant le procès,
semblaient à peu près au fait de ce qu’elles allaient affronter » ; « La plupart rêvaient
d’entendre prononcer des peines de prison qui n’étaient même pas encourues » ; « La
plupart confondaient procès civil et procès pénal » ; « Les victimes pensaient qu’elles
pouvaient faire appel de la décision sans savoir que cela était juridiquement impossible ».
C’est donc à bien des égards que l’accès au droit permet de réconcilier le citoyen avec le
droit pénal, de relativiser la place de la victime à l’audience pénale, et de maximiser sa
restauration.
311. Une aide juridique mal considérée. L’aide juridique révèle des ressources qui
ne sont pas suffisamment exploitées, ou mal exploitées. Dans le cadre de l’aide
juridictionnelle, il est tout à fait possible de privilégier des modes de résolution des conflits
par l’intermédiaire de la médiation pénale ou de la composition pénale, tout en prenant en
considération la précarité de la victime. De même, la loi du 10 juillet 1991 en définissant
l’accès au droit ouvre les portes vers une pédagogie du droit permettant de réaffirmer le
caractère régulateur du droit pénal et de le délester du caractère vindicatif que peut pendre
l’action de la partie civile.
Le travail réalisé avec la victime peut reposer sur les compétences de professionnels
comme le sont les avocats et les associations d’aide aux victimes. De plus, pour relayer sa
parole et interpeller l’opinion publique, la victime peut compter sur l’association de
victimes. Il faut que le rôle de chaque acteur soit clairement défini afin de travailler en
toute complémentarité. Cette complémentarité est d’autant plus effective lorsque l’on se
penche sur l’organisation de l’aide aux victimes. En effet, c’est à travers l’aide aux
victimes que le travail en partenariat peut se définir, tout en étant un prolongement de
l’accès au droit. Ce n’est pas tout de constater et de vouloir réhabiliter le droit pénal dans
ses valeurs premières, il faut trouver des solutions pour prendre en charge la victime
d’infraction pénale dans sa quête de restauration. C’est en cela que l’aide aux victimes peut
1133
JURGENSEN (G), Victime : un statut de transition, texte inédit, 2006, p. 2.
Consultable à l’adresse suivante : www.criminologie.univ-
pau.fr/.../Geneviève%20Jurgensen/PAU061006.doc.
239
être utilisée. Il faut alors envisager comment elle se déroule et comment le partenariat se
met en place notamment avec les acteurs importants que sont les magistrats et les avocats.
312. Entre avancées et limites. L’aide aux victimes se définit comme « l’acceuil,
l’écoute, le soutien moral et psychologique ; l’information, l’orientation ; l’accès au
droit ; la diffusion d’informations sur l’aide aux victimes auprès du public et des
professionnels ; la mise en œuvre de tous moyens pour promouvoir une politique d’aide
aux victimes ; les services d’aide aux victimes permettent à ces dernières d’obtenir toutes
les informations afin d’être à même de faire valoir leurs droits ; en aucun cas ils ne se
substituent aux victimes, ils ne les représentent pas, ils ne participent pas au procès pénal ;
les services d’aide aux victimes et de médiation doivent, dans toute la mesure du possible,
travailler en collaboration avec le tribunal, les services hospitaliers, les services sociaux,
la police, la gendarmerie et d’une manière générale avec toutes les structures susceptibles
d’accueillir des victimes »1134. L’aide aux victimes montre son intérêt lorsqu’il s’agit de
travailler avec la victime avant toute audience pénale. La directive européenne du 25
octobre 20121135 pose certaines exigences pour que l’aide aux victimes soit effective dans
les Etats membres. Elle préconise1136 notamment un service d’aide aux victimes disponible
dès la commission de l’infraction même si la victime n’est pas partie à la procédure
pénale ; la création par les Etats membres de services d’aide spécialisés dans
l’hébergement, l’assistance médicale et l’orientation vers les structures médico-légales.
Malgré le fait que l’aide aux victimes à significativement évolué ces dernières années et
que l’effort de l’Etat est conséquent en la matière, le système pénal français est-il si
élgoigné que cela des préconisations de la directive européenne du 25 octobre 2012 et de
l’article 2 de la Charte de l’INAVEM ? L’Etat français est passé, en quelques années d’une
politique pénale à une politique publique d’aide aux victimes (§1).
1134
Article 2 de la Charte des services d’aide aux victimes créée par l’INAVEM (Institut Nationale d’Aide
aux Victimes et Médiation) :
http://www.inavem.org/index.php?option=com_content&view=article&id=94&Itemid=171
1135
VERGES (E), op. cit., p. 128.
1136
Directive 2012/29/UE art. 8 et s.
240
Néanmoins, si le cadre financier est potentiellement posé, il n’en reste pas moins que l’aide
aux victimes rencontre des problèmes lorsqu’il s’agit pour les partenaires de travailler
ensemble, et de mettre en place des outils de fonctionnement pérennes. De ce fait, d’un
point de vue pratique, l’aide aux victimes d’infractions pénales se trouve limitée (§2).
314. Les prémices de la politique pénale d’aide aux victimes : le rapport MILLIEZ.
L’évolution et la mise en place de l’aide aux victimes ont été fastidieuses et semées
d’obstacles. Aux rapports se sont succédées des circulaires, et aux circulaires se sont
succédées des lois.
Le mouvement d’aide aux victimes trouve comme point de départ le rapport MILLIEZ de
19821137 ; un rapport dont les propositions sont encore d’actualité1138. Le premier titre de ce
rapport est consacré à l’organisation spécifique d’un service d’aide aux victimes, dénommé
1137
Rapport de la commission d’étude et de proposition dans le domaine de l’aide aux victimes, multigraph.,
Min. Justice, 1982, sous la direction de MILLIEZ (P), rapport dénommé Rapport Milliez.
Paul MILLIEZ est un médecin français qui a été resistant sous l’occupation. Il a été célèbre pour ses
positions politiques et sociales. En 1981, Robert BADINTER, garde des sceaux de l’époque, lui donne la
présidence de la commision sur le suivi des victimes. Cette commission donnera naissance au rapport
MILLIEZ.
1138
CARIO (R), Victimes d’infraction, Préfiguration des services d’aide aux victimes, Rép. pén., septembre
2007. Nous verrons par la suite que des initiatives récentes reprennent en fin de compte les idées développées
dans le rapport MILLIEZ : création d’intervenants sociaux en gendarmerie, commissariats...
241
SAVI1139, placé sous la tutelle du Ministère de la Justice. Les fonctions de ce service sont
multiples1140 : coordonner les initiatives, susciter de nouvelles créations, disséminer et
soutenir les bonnes pratiques, vérifier la qualité des services offerts ainsi que le bon emploi
de l’argent public, dynamiser les recherches. Le rapport prévoit également, pour relayer les
actions au niveau départemental du SAVI, la création d’un coordinateur départemental. Ce
dernier a pour mission, notamment, de recruter des correspondants permanents dans les
commissariats, les gendarmeries, les hôpitaux, les comités de probation, les tribunaux, les
services d’action sanitaire et sociale, les mairies et les bureaux d’aide sociale.
Un point important est consacré aux associations d’aide aux victimes, relai primordial de
l’Etat dans la prise en charge de l’aide aux victimes. Le rapport MILLIEZ pose comme
principe l’attribution de missions aux associations pour aider en urgence les victimes
d’infractions pénales1141 : permanences téléphoniques, permanences de vitriers, de
serruriers, de médecins, de psychiatres ; il s’agit de mobiliser les professionnels les plus
importants lorsqu’est commis une infraction pénale. Par exemple, dans le cas de violences
conjugales, mettre à disposition un appartement d’urgence, une garderie d’enfants, obtenir
une information juridique.
Une partie du rapport est consacrée aux droits de la victime1142. Cette partie n’est pas une
litanie des prérogatives des victimes, mais une conception moderne de ce que pourrait être
la place de la victime dans le cas d’une infraction pénale. En effet, le rapport sus visé
envisage la place de la victime dans une procédure civile qui aurait pour but de dépénaliser
les comportements les moins graves1143. Cela aurait pour conséquence une meilleure
indemnisation des victimes et une optimisation du procès pénal.
315. Le rapport MILLIEZ : une conception moderne de l’aide aux victimes. Ce
rapport, au delà de son caractère résolument citoyen1144, pose les jalons des réformes
futures dans l’assistance aux victimes d’infractions pénales. Dans l’immédiat, en 1982 et
1139
Rapport de la commission d’étude et de proposition dans le domaine de l’aide aux victimes, Ibid., pp. 16-
33 ; nous utiliserons par la suite les initiales SAVI : Service d’Aide aux Victimes d’Infractions.
1140
Rapport de la commission d’étude et de proposition dans le domaine de l’aide aux victimes, Ibid., pp. 16-
33.
1141
Rapport de la commission d’étude et de proposition dans le domaine de l’aide aux victimes, Ibid., pp. 34-
83.
1142
Rapport de la commission d’étude et de proposition dans le domaine de l’aide aux victimes, Ibid., pp. 84-
105.
1143
CARIO (R), Victimes d’infraction, Préfiguration des services d’aide aux victimes, op. cit.
1144
Le rapport MILLIEZ se veut être une démarche citoyenne dans le sens où elle interpelle les solidarités,
les initiatives privées dans la création d’associations d’aide aux victimes.
242
grâce au rapport MILLIEZ, est créé un bureau d’aide aux victimes, des services d’urgence
à l’échelle locale, la création de services d’aide psychologique et juridique. Dans le
prolongement de ce rapport, la circulaire du 25 juillet 19831145 encourage la création
d’associations d’aide aux victimes un peu partout en France. Le Ministère de la Justice
soutient financièrement les actions, il s’agit de ce que l’on nommera plus tard la politique
publique d’aide aux victimes.
Ce qu’il faut retenir de ce rapport est avant toute chose une conception très moderne et
innovatrice de l’aide aux victimes. L’essentiel se trouve dans ce rapport : des structures
locales d’aide aux victimes, une dépénalisation des infractions les moins graves, une
réparation effective de la victime, la prise en compte de la spécificité de certaines
infractions comme le sont les violences conjugales.
Le temps qu’il a fallu pour parler d’aide aux victimes en France pourrait s’expliquer par «
l'existence ancienne de l’action civile offrant une compensation financière au dommage
subi »1146. Malheureusement, le rapport MILLIEZ n’est pas accueilli comme il se doit, et
le droit pénal, comme il en a été fait la démonstration en première partie de cette étude,
évolue dans le sens d’un renforcement des droits des victimes stricto sensu, sans se soucier
de l’importance de sa prise en charge avant toute procédure pénale. Néanmoins, il ressort
de ce rapport l’importance de créer un réseau associatif d’aide aux victimes, capable de
relayer la politique de soutien envers les victimes d’infractions pénales.
316. Une politique pénale d’aide aux victimes installée : la circulaire du 13 juillet
19981147. Entre la rapport MILLIEZ de 1982 et la circulaire du Garde des Sceaux de 1998,
les textes les plus importants qui se sont succédés concernent tout particulièrement
l’indemnisation de la victime d’infraction pénale1148 : la loi du 8 juillet 1983 renforce la
protection des victimes d’infractions1149, la loi du 8 juillet 19851150 consacre une meilleure
réparation pour les victimes d’accidents de la circulation, la loi du 9 septembre 19861151
1145
Circ. 25 juill. 1983 ; Circ. crim. n° 83-34F1 du 17 déc. 1983.
1146
DELIEGE (V.M.P), Actions et stratégies en faveur des victimes, in Victimologie, 1995, p. 10 ; CARIO
(R), Cadre associatif de l’aide aux victimes, Rép. pén., Septembre 2007.
1147
Circ. JUS A 98 00177 C relative à la politique pénale d’aide aux victimes d’infractions pénales.
1148
Nous verrons par la suite le fonctionnement de l’INAVEM (Institut Nationale d’Aide aux Victimes Et de
Médiation) qui a été créé le 07 juin 1986.
1149
L. n° 83-608 instaurant des commissions d’indemnisation des victimes d’infraction (CIVI) dans chaque
tribunal de grande instance.
1150
L. 85-677 du 8 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la
circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation.
1151
L. n°86-1020 du 9 septembre 1986.
243
crée un fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et la réparation intégrale des
préjudices des victimes. Le 1er juin 19901152 la Convention européenne relative au
dédommagement des victimes d’infractions violentes entre en vigueur ; la loi du 06 juillet
19901153 confère un caractère juridictionnel aux commissions d’indemnisation des victimes
d’infractions et pose le principe de la réparation intégrale des dommages résultant des
atteintes aux personnes.
Cette évolution amène à la circulaire du 13 juillet 19981154 qui, comme en son temps avec
le rapport MILLIEZ, développe des idées intéressantes sur le fonctionnement de l’aide aux
victimes d’infractions pénales. L’objectif de cette circulaire est de renforcer le dispositif
permettant à la victime d’obtenir les information juridiques utiles, et cela durant la
procédure pénale et durant la phase d’exécution des décisions judiciaires. Pour le Garde
des Sceaux de l’époque, Madame Elisabeth GUIGOU, « l’action en faveur des victimes
doit être renforcée à toutes les phases de la procédure »1155. Cette dernière souhaite
également une politique dynamique d’aide aux victimes qui peut s’appuyer sur l’institution
judiciaire et l’effort privé, en d’autres termes le réseau associatif d’aide aux victimes et les
associations de victimes.
La circulaire du 13 juillet 1998 n’a pas vocation, de part sa nature administrative, à
imposer et dicter une marche à suivre. Elle a pour vocation de mettre en relation chaque
professionnel de l’aide aux victimes : institution judiciaire, administration pénitentiaire, la
protection judiciaire de la jeunesse, les préfets des départements, les présidents
d’associations d’aide aux victimes1156. Le mot d’ordre est alors de tendre vers plus de
cohérence dans l’aide apportée aux victimes, dans les actions menées, actions qui doivent
s’inscrire à long terme et non plus à court terme.
317. De 1982 à 1998, un bilan mitigé de l’aide aux victimes. Il faut tirer certaines
conclusions de l’évolution opérée depuis le rapport MILLIEZ jusqu’à la circulaire du 13
juillet 1998. Il est intéressant de s’arrêter sur cette période car, d’une part, elle marque un
1152
Il s’agit de la convention européenne qui avait été conclue le 24 septembre 1983. Conseil de l’Europe -
24 septembre 1983.
1153
L. n°90-589 du 6 juillet 1990. Les commissions d’indemnisation des victimes d’infractions sont plus
connues sous le sigle CIVI. Il existe une commission dans chaque tribunal de grande instance.
1154
Circ. JUS A 98 00177 C relative à la politique pénale d’aide aux victimes d’infractions pénales.
1155
HAUTEVILLE (A), Un nouvel élan est donné à la politique publique d’aide aux victimes de la
délinquance, RSC, 1999, p. 647.
1156
HAUTEVILLE (A), op. cit., p. 648 et s.
244
progrès dans la prise de conscience de l'existence de la victime sur la scène pénale, et
d’autre part, elle témoigne d’un sentiment compassionnel exacerbé envers la victime.
Le rapport MILLIEZ a néanmoins permis de faire entrer « résolument » l’aide aux
victimes dans la politique pénale1157. Contrairement à l’application qui sera faite de ce
rapport, il se veut être un renforcement dans l’information de la victime sur ses droits et
son accompagnement tout au long de la procédure. C’est pour cela que le terme d’aide est
retenu au lieu du terme assistance1158. L’Etat mise sur la solidarité nationale et la liberté
associative pour faire le relai de ce qu’on appellera plus tard la politique publique d’aide
aux victimes. A ce stade de la réflexion une question peut se poser : ne fallait-il pas
nationaliser l’aide aux victimes ? Car en effet, ces associations auront alors une véritable
mission de service public et fonctionneront principalement avec des subventions publiques.
Le cadre associatif pourrait devenir, à un moment donné, un carcan1159.
Le législateur ne retient en revanche pas dans l’immédiat l’idée d’une aide aux victimes
spécifique selon l’infraction : violences conjugales, agressions sexuelles sur mineurs...
Tout comme il ne retient pas non plus la dépénalisation de certaines infractions ou encore
la mise en place d’intervenants travaillant directement dans les lieux d’urgence :
commissariats, gendarmeries, centres hospitaliers... Ainsi, il faut attendre plus de vingt ans
pour qu’une place soit faite aux intervenants sociaux dans les commissariats et les
gendarmeries1160. En revanche, la loi du 8 juillet 19851161, qui repose en partie sur les
préconisations du rapport MILLIEZ, représente une conception moderne de la réparation
patrimoniale, et une manière révolutionnaire de traiter le conflit auteur/victime en dehors
du prétoire pénal. En effet, la victime d’un accident de la circulation, que l’auteur soit
assuré ou non, qu’il y ait délit de fuite ou non, qu’il existe une infraction pénale ou non, est
indemnisée sans être obligée de se constituer partie civile1162. La loi organise et
1157
ALEGRE (J), Les objectifs des politiques publiques interministérielles d’aide aux victimes, in
BERNARD (A), CARIO (R), Les politiques publiques interministérielles d’aide aux victimes, Paris,
L’Harmattan, 2001, p. 51.
1158
CALMETTES (J), Le rôle des services d’aide aux victimes dans la mise en oeuvre des politiques
publiques d’aides aux victimes, in BERNARD (A), CARIO (R), Ibid. p. 109.
1159
Cela se vérifiera et se confirmera par la suite.
1160
BIEZANEK (E), Les intervenants sociaux en commissariat et gendarmerie, Repères, 2008 ; V. supra n°
251 et s.
1161
L. n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la
circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation.
1162
GROUTEL (H), L’autonomie du droit à l’indemnisation de la loi du 5 juillet 1985 dans toute sa
plénitude, D., 1997, p. 294 ; CAMPROUX (M-P), La loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et son caractère exclusif,
D., 1994, p. 109.
245
monopolise les assurances et le fonds de garantie pour que la victime puisse être
rapidement et effectivement restaurée1163. Il est donc possible d’innover et de travailler
avec la victime avant toute procédure pénale, et cela notamment grâce au rapport
MILLIEZ.
Ainsi, jusqu’en 1998, l’effort et l’accent sont mis sur l’aide et la réparation effective envers
la victime. L’effort, à cette époque, se porte en amont du procès pénal, par l’amélioration
de l’information en direction de la victime sur ses droits et ses devoirs1164. Le guide des
droits des victimes de 1982 en est l’illustration la plus significative1165. A partir de 1999, la
politique pénale d’aide aux victimes se transforme en politique publique d’aide aux
victimes se caractérisant par une nouvelle reflexion sur la victime d’infractions pénales
sujette à un double traumatisme1166 : les effets de l’infraction en elle même mais aussi ceux
engendrés par la longueur, la complexité, l’opacité du processus judiciaire de répression et
de réparation.
318. Le rapport LIENEMANN1167 : travail préalable à la loi du 15 juin 2000. Ce
rapport pose les fondements d’une authentique politique publique d’aide aux victimes1168.
Il élabore cent quatorze propositions qui sont reprises, pour la plupart, dans la loi du 15
juin 20001169. Le rapport LIENEMANN a pour titre : « rapport pour une nouvelle politique
publique d’aide aux victimes »1170. Avant de faire ses propositions, le rapport établit un
bilan de l’aide aux victimes depuis 1982. Il met en perspective les enjeux et le constat de
cette aide.
319. Les enjeux du rapport LIENEMANN. Pour les rédacteurs du rapport, les
réponses que reçoivent les victimes ainsi que l’aide et le soutien ne sont pas suffisants. Le
rapport pointe du doigt cette inertie qui ne devrait pas exister dans une société
1163
GROUTEL (H), ibid., p 294.
1164
BONFILS (P), Politique pénale contemporaine, Rép. pén. Octobre 2005.
1165
BADINTER (R), Le guide des droits des victimes, Gallimard, 1982.
1166
HAUTEVILLE (A), Les droits des victimes dans la loi du 15 juin 2000, RSC, 2001, p. 107.
1167
Marie-Noëlle LIENEMANN est une femme politique et professeur d’urbanisme à l’université Paris-
Sorbonne. En mars 1999 elle est chargée, avec l’aide de Hélène MAGLIANO et Jacques CALMETTES
d’établir un rapport sur une nouvelle politique publique d’aide aux victimes.
Rapport LIENEMANN du 26 mars 1999, Pour une nouvelle politique publique d’aide aux victimes,
consultable à l’adresse suivante : http://www.inavem.org, rubrique documentation, texte de référence.
1168
CARIO (R), Victimes d’infractions, op. cit.
1169
Loi n°2000-516 du 15 juin 2000, loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits
des victimes.
1170
LIENMANN (M-N), MAGLIANO (H), CALMETTES (J), Pour une nouvelle politique publique d’aide
aux victimes : rapport au premier ministre, La documentation française, Décembre 1999.
246
démocratique, respectueuse des droits de l’Homme1171. Pour développer ses propositions,
le rapport se base sur un constat : c’est à l’Etat de garantir la sécurité pour tous. Ainsi, en
cas de défaillance, il est débiteur des victimes envers qui il a l’obligation d’aider et de
réhabiliter. Ces dernières doivent être accompagnées et prises en charge jusqu’à leur pleine
autonomie. C’est en cela que le rapport LIENEMANN justifie le droit de la victime à être
secourue, aidée, entendue, indemnisée. De même, elle a le droit de connaître la vérité et
que la justice soit rendue. Les propositions émanant de ce rapport s’attachent à « faire
vivre ces droits »1172.
320. L’enjeu humain. Le rapport se fonde tout d’abord sur l’analyse d’Antoine
GARAPON et de Denis SALAS pour retenir que, d’un point de vue historique, la victime a
été dépossédée de sa capacité à obtenir réparation de son dommage1173. Elle a été
contrainte de se placer sur la scène judiciaire aux côtés de l’auteur et du procureur. L’Etat
ne répond plus aux attentes de la victime, c’est cela qui l’a conduit à investir l’audience
pénale. C’est cette audience pénale qui représente alors un lieu de réparation, de pédagogie
et de thérapie1174. Le rapport constate que la victime est tout de même dans une attente qui
dépasse le procès pénal, et qu’elle a besoin d’accéder à un véritable soutien, et pas
seulement durant l’audience pénale.
A la lecture de ce premier enjeu, s’exprime une volonté forte de donner à la victime une
place importante, pour ne pas dire centrale, dans le droit pénal. Il est vrai que la victime se
tourne vers le droit pénal pour polariser toutes ses attentes, que l’Etat doit à chaque citoyen
la sécurité et la tranquillité. En revanche, est-il possible de dire que la victime a été
dépossédée de son droit à réparation par l’émergence d’un droit pénal devenu public ? Il
s’agit simplement d’une évolution qui correspond au sens que l’on se fait d’une société
démocratique. Pour ce qui est du droit de regard de la victime sur la sanction, le procès
pénal favorise sa réparation extra-patrimoniale mais ne lui confère en aucun cas un droit
sur la peine infligée à l’auteur. De ce fait, comment pourrait-elle avoir un quelconque droit
de regard ? L’audience pénale est le carrefour d’intérêts publics et non celui d’intérêts
privés.
1171
Rapport LIENEMANN, Ibid., p. 4.
1172
Rapport LIENEMANN, Ibid., p. 5.
1173
V. dans ce sens, GARAPON (A), SALAS (D), La république pénalisée, Hachette, Coll. Questions de
société, 2009.
1174
Rapport LIENEMANN, Ibid., p.10.
247
321. L’enjeu républicain. Les rédacteurs du rapport LIENEMANN utilisent la
définition de victime inscrite dans la Déclaration des principes fondamentaux de justice
relatifs aux victimes de criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir. Cette définition
donne un champs élargi à la notion de victime : « une personne peut être considérée
comme victime dans le cadre de la présente déclaration, que l’auteur soit ou non identifié,
arrêté, poursuivi ou déclaré coupable, et quels que soient les liens de parenté avec la
victime. Le terme victime inclut aussi, le cas échéant, la famille proche ou les personnes à
charge de la victime directe et les personnes qui ont subi un préjudice en intervenant pour
venir en aide aux victimes en détresse ou pour empêcher la victimation » 1175. En d’autres
termes, cette définition permet aux rédacteurs du rapport d’inclure dans le dispositif d’aide
aux victimes toutes les personnes se considérant en tant que telles, du moment que les
évènements à l’origine de la victimation peuvent recevoir une qualification pénale.
Cette définition aura une conséquence directe sur l’organisation de l’aide aux victimes par
l’Etat. Ainsi, l’Etat se doit de venir en aide à toutes les victimes d’infractions pénales,
même celles pour lesquelles il n’y a pas de suites pénales. L’aide aux victimes doit donc
être conséquente et la plus proche possible des citoyens, sans pour autant se focaliser sur le
traitement pénal de la souffrance. Le rapport réaffirme la nécessité des préconisations
émises par le rapport MILLIEZ, à savoir une aide financière de l’Etat couplée au travail de
la société civile. En d’autres termes, il s’agit de trouver dans le secteur associatif le relai
utile à la mise en place d’une politique d’aide aux victimes.
En même temps qu’ils soulignent l’enjeu républicain, les auteurs du rapport remarquent
que le sentiment d’insécurité dans lequel peuvent vivre certaines personnes peut engendrer
un désir de vengeance. Ainsi, l’opinion publique est encline à une répression pénale accrue
et l’Etat doit, pour y remédier, équilibrer les « forces en présence »1176. Il y a, selon ce
rapport, trop de victimes oubliées et le traitement qui leur est accordé n’est pas égalitaire
par rapport à celui de l’auteur. L’Etat doit donc restituer la justice et ne pas consoler les
participants1177, il doit apporter une réponse homogène. Cette réponse, pour être efficace,
doit intervenir au plus près des victimes d’infractions pénales. Il est à noter que le rapport
n’exprime pas l’idée que la réponse pénale engendre forcément la présence de la victime
dans le prétoire pénal, mais que la réponse se trouve dans l’information qui lui est donnée.
Ainsi, l’information doit d’abord être immédiate et appropriée en terme « d’écoute, de
1175
Déclaration de l’ONU du 29 novembre 1985 in Rapport LIENEMANN, op. cit., p. 11.
1176
Rapport LIENEMANN, op. cit., p. 13.
1177
GARAPON (A), Bien juger : essai sur le rituel judiciaire, Jacob, 1997.
248
technicité et de pertinence »1178. Dans le prolongement de ce constat, le rapport
LIENEMANN met en exergue le devoir, pour les intervenants, d’acquérir du
professionnalisme pour que le métier d’accueil et d’aide aux victimes corresponde à un
véritable niveau d’efficacité.
Pour ce qui est de la définition retenue par le rapport concernant la notion de victime, en ne
faisant pas entrer l’infraction dans le domaine d’application d’une incrimination légale, le
rapport LIENEMANN élargit logiquement le champ de compétence de l’aide aux victimes.
En d’autres termes, cette aide, pour qu’elle soit effective, n’a pas besoin qu’un acte
délictuel reçoive une qualification pénale de la part de l’institution. La raison en est
simple : les statistiques disponibles aujourd’hui ne rendent pas compte de la réalité de
terrain1179. En d’autres termes, si l’on se fonde sur le nombre de dépôts de plaintes ou le
nombre de classements sans suite par exemple, les chiffres sont faussés car d’une part
certaines victimes d’infractions pénales ne veulent pas déposer plainte, et d’autre part une
plainte peut être classée sans suite sans pour autant dénier l'existence de l’état de victime.
Pour ce qui est du désir de vengeance, contrairement aux rédacteurs du rapport, le cadre de
cette étude montre que ce sentiment de vengeance n’est pas lié à une inégalité de
traitement entre auteur et victime, mais plutôt à la place que l’on donne à la victime,
notamment en tant que partie civile. Si l’opinion publique est disposée à une répression
accrue, c’est qu’on lui a fait croire depuis trop longtemps que le seul endroit où la victime
pouvait se reconstruire était le prétoire pénal.
En revanche, il est vrai que l’information donnée à la victime doit être rapide et au plus
près du moment où a eu lieu la commission de l’infraction, mais cette information doit se
faire en dehors du droit pénal, dans un cadre choisi par l’Etat, par des personnes formées et
professionnelles.
322. Les constats du rapport LIENEMANN1180. Les auteurs du rapport, Marie-
Noëlle LIENMANN, Hélène MAGLIANO et Jacques CALMETTES, procèdent
également, à la suite de l’énumération des enjeux, à un état des lieux concernant l’aide aux
victimes. Ils constatent que les victimes d’infractions pénales bénéficiant de l’aide aux
1178
Rapport LIENEMANN, ibid., p. 16.
1179
BERNARD (A), CARIO (B), op. cit., p. 23 ; LIENMANN (M-N), MAGLIANO (H), CALMETTES (J),
Pour une nouvelle politique publique d’aide aux victimes, op. cit. p. 13.
1180
Il est à noter que les constats opérés par le rapport LIENEMANN doivent être remis dans le contexte de
l’époque, c’est à dire la fin des années 90. Il se peut que certaines remarques ne soient plus à propos, mais il
s’agit seulement de comprendre l’évolution de l’aide aux victimes.
249
victimes, sont très peu nombreuses1181. De plus, trop de victimes, de part leur isolement
géographique ou social, n’ont pas accès à l’aide adéquate. Il faut donc réfléchir à la
pertinence géographique de l’aide aux victimes, et à la communication pour diffuser
l’information utile à l’attention de cette population.
Concernant les avancées en matière de réparation, le rapport constate que l’évolution est
significative notamment à travers l’élargissement des compétences de la commission
d’indemnisation des victimes d’infractions. Néanmoins, cela n’est pas suffisant et la
réparation n’est pas globale, laissant de côté les souffrances, les doutes, les peurs1182.
L’effort pour appuyer les associations d’aide aux victimes doit ainsi être soutenu et
développé. Le réseau d’aide aux victimes a su se structurer depuis quinze ans et se fédère
autour de l’institut national d’aide aux victimes et de médiation.
323. Les propositions du rapport LIENNEMANN en faveur de l’aide aux
victimes1183. Le rapport élabore cent quatorze propositions en matère d’aide aux victimes.
Parmi ces dernières plusieurs concernent l’organisation et l’amélioration de cette aide.
Ainsi, le rapport propose de mettre en place des permanences de services d’aide aux
victimes dans les commissariats et les gendarmeries ; la communication par les services de
police et de gendarmerie de l’association d’aide aux victimes la plus proche ;
l’organisation de permanences d’aide aux victimes dans les centre hospitaliers ; la création
d’un numéro d’urgence renvoyant aux services d’aide aux victimes les plus proches ;
l’offre d’un service de qualité par les associations d’aide aux victimes ; la mise en place
d’un véritable partenariat entre tous les acteurs de l’aide aux victimes ; un
accompagnement aux audiences par les associations d’aide aux victimes ; la possibilité
pour le parquet de saisir une association d’aide aux victimes pour offrir un soutien aux
victimes ; la mise en place d’un service d’aide psychologique adapté et ponctuel ; une
formation de qualité pour les associations d’aide aux victimes qui assumeront des missions
d’administrateur ad hoc1184 ; l’assistance par un service d’aide aux victimes dans la
rédaction de déclarations jointes à la procédure ; la revalorisation de l’aide juridictionnelle
1181
Rapport LIENEMANN, op. cit., p. 18.
1182
Rapport LIENEMANN, ibid., p. 23.
1183
Pour éviter une longue énumération des propositions établies par le rapport LIENEMANN, nous nous
attacherons à celles qui concernent exclusivement l’aide aux victimes en tant que telle. Nous verrons par la
suite si ces propositions ont effectivement pu être développées sur le terrain.
1184
L'administrateur ad hoc est désigné lorsque la protection des intérêts de l’enfant mineur ne sont pas
complètement assurés par les représentants légaux ou l’un d’entre eux (C. pr. pén. art. 706-50) ; V. en ce sens
SALVAGE-GEREST (P), RAYMOND (G), FAVRE-LANFRAY (G), L’administrateur ad hoc, Eres, 2002.
250
et la désignation d’un avocat en cas de comparution immédiate ; la mise en place par
l’association d’aide aux victimes d’interventions matérielles d’urgence ; l’inscription d’une
aide aux victimes contractualisée dans chaque dispositif local.
Les autres propositions ont également trait à la victime, mais sur le plan de la réparation ou
des modalités du dépôt de plainte. C’est, par exemple, la proposition de créer un guichet
unique pour que la victime puisse déposer plainte dans n’importe quel commissariat ou
gendarmerie. En substance, malgré certaines imperfections liées à un manque de clarté
entre la place de la victime dans le procès pénal et l’aide aux victimes1185, le rapport
LIENEMANN reste d’une étonnante actualité. Il impulse une véritable réflexion, tout en
apportant des solutions dans la prise en charge de la victime avant toute procédure pénale.
Néanmoins, force est de constater que le rapport LIENEMANN n’a pas eu la résonnance
juridique escomptée1186, et la loi du 15 juin 2000 a suivi l’avis de l’opinion publique : le
renforcement des droits des victimes en matière pénale1187. La pression des associations de
victimes dans le débat national, faisant vibrer un peu plus la corde de la compassion, a
contribué également à dénaturer la démarche de l’aide aux victimes.
Si la culture pénale semble ancrée dans la société1188, il faut alors travailler pour changer
les mentalités et enrichir la culture juridique de l’opinion publique sur d’autres modes de
résolutions du conflit auteur/victime.
324. La loi du 15 juin 2000 : un virage mal négocié. Sous l’impulsion du rapport
LIENEMANN, la loi du 15 juin 2000 aurait dû redonner un sens à la réparation effective
de la victime, et organiser l’aide aux victimes pour donner du sens à la sanction pénale ;
une sanction pénale qui ne représenterait plus le droit de la victime à obtenir vengeance.
La loi du 15 juin 2000 contient vingt neuf articles et crée, ou modifie, quarante articles du
code de procédure pénale. Elle consacre la place de la victime dans le système pénal1189 : «
1185
Cet état de fait est confirmé par la sortie, cette même année 1999, du rapport LIENEMANN et de la
circulaire du 21 septembre 1999 (publiée au JO le 30 septembre 1999). Si le rapport LIENEMANN est plus
marqué par l’aide aux victimes, la circulaire du 21 septembre vise à conférer à la victime toute sa place au
procès pénal ; V. en ce sens BONFILS (P), op. cit., p. 31 et s.
1186
« la résonance escomptée » dans le sens de le thèse que nous soutenons. En d’autres termes, le rapport
LIENEMANN, comme le rapport MILLIEZ en son temps, renforce l’idée d’une aide aux victimes permettant
à ces dernières de s’inscrire autrement dans son rapport avec le système pénal.
1187
Loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes (L.
n° 2000-516, JO 16 juin, D. 2000, p 253) ; V. en ce sens, D’HAUTEVILLE (A), Les droits des victimes,
RSC 2001, p107 ; COURTIN (C), Les droits des victimes, Rev. pénit. 2001, p. 171.
1188
SALAS (D), Le moment pénal de notre démocratie, Justices, 2000 ; SOULEZ LARIVIERE (D), op. cit.,
pp. 103-117.
251
La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits
des parties »1190 ; le paragraphe deux ajoute1191 : « L’autorité judiciaire veille à
l’information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale ».
Il serait faux de dire que cette loi dédaigne les propositions du rapport LIENEMANN, mais
elle retient les propositions en faveur du renforcement des droits des victimes, en
délaissant celles qui ont trait à l’amélioration de l’aide aux victimes.
Ainsi, la loi du 15 juin 2000 améliore l’obligation d’information tout au long de la
procédure au stade de l’enquête1192, au stade de l’instruction1193, au stade du jugement1194.
Elle simplifie la procédure de demande de dommages et intérêts et élargit les possibilités
de constitution de partie civile1195.
Les droits de la partie civile sont également renforcés en matière d’instruction : possibilité
pour le juge d’instruction de procéder à des investigations sur la personnalité de la victime
et son préjudice1196, et la possibilité pour la victime de demander certains actes au cours de
l’instruction1197.
En ce qui concerne l’aide aux victimes, le point le plus marquant de la loi concerne la
possibilité pour le Procureur de la République de faire appel à une association d’aide aux
victimes rapidement : « le Procureur de la République peut également recourir à une
association d’aide aux victimes ayant fait l’objet d’un conventionnement de la part des
chefs de la cour d’appel, afin qu’il soit porté aide à la victime de l’infraction »1198. Cet
article institutionnalise et consacre les associations d’aide aux victimes. Il est dommage de
constater qu’il a fallu attendre près de vingt ans pour légitimer ces structures d’aide.
Sur la reconnaissance d’utilité publique des associations d’aide aux victimes, l’article 103
de la loi du 15 juin 2000 dispose que : « le conventionnement est de droit pour les
associations d’aide aux victimes (…) ». Cet article définit les contours d’un partenariat
1189
LAZERGES (C), Le renforcement des droits des victimes par la loi n°2000-516 du 15 juin 2000,
Archives de politique criminelle, 2002, p 22.
1190
C. pr. pén. Art. Préliminaire, alinéa 1, paragraphe 1.
1191
C. pr. pén. Art. Préliminaire, paragraphe 2.
1192
C. pr. pén. Art. 75.
1193
C. pr. pén. Art. 80-3 et 175-3.
1194
C. pr. pén. Art. 706-15.
1195
Création du guichet unique C. pr. pén. Art. 15-3 ; Constitution de partie civile à tout moment C. pr. pén.
Art. 420-1.
1196
C. pr. pén. Art. 420-1.
1197
C. pr. pén. Art. 82-2.
1198
C. pr. pén. Art. 41.
252
entre les parquets et les associations d’aide aux victimes ; un partenariat qui peut être
exporté dans le cadre d’autres relations professionnelles comme celui avec les barreaux, les
services de police et de gendarmerie. L'apparition de ces associations d’aide aux victimes
dans le code de procédure pénale ne doit pas être vue comme une reconnaissance et un
aboutissement, mais comme le début d’une véritable réflexion sur l’aide aux victimes.
Ainsi, c’est une avancée pour l’aide aux victimes mais sûrement pas une finalité.
Que représente une politique publique d’aide aux victimes aujourd’hui pour le système
pénal ? Est-ce plus de droits pour la victime, au point de parler de privatisation du droit
pénal, ou un autre droit replaçant la justice pénale dans ses prérogatives premières ?
Une étude de droit comparé réalisée en 2010 par Renaud COLSON permet de porter un
regard objectif sur notre système pénal et par la même de confirmer ce qui a été dit plus
haut : « Concomitamment à ce renforcement des dispositifs publics d’accueil des
justiciables, on observe un mouvement de privatisation de la répression pénale, destiné à
intégrer ces derniers au processus de prise de décision. De la mise en oeuvre des
procédures alternatives aux poursuites à celle de l’action publique, de la phase
d’instruction à celle de l'exécution des peines, les prérogatives juridiques conférées aux
victimes se multiplient et leur rôle procédural se développe »1199.
Faut-il voir dans la politique publique d’aide aux victimes l’ombre de « l’Etat paternel »
compensant la répression avec la compassion en faveur des victimes1200 ? Il ne faut pas
confondre aide aux victimes et droit des victimes. Les deux concepts doivent s’analyser
différemment car ils répondent à des exigences contraires. Lorsque le premier place la
victime dans son état d’être humain avec une prise en charge en dehors du système pénal,
le deuxième fait de la victime uniquement un sujet de droit dont la seule réponse est
judiciaire, et cela en faisant fi de la nature même du procès pénal et de la procédure pénale.
Pour certains juristes la confusion est réelle entre politique publique d’aide aux victimes et
politique pénale. Cette confusion est d’autant plus flagrante lorsque l’on analyse le
financement affecté à l’aide aux victimes, un financement qui émane de structures ayant
pour domaines de compétence la justice, la sécurité, le social, le militantisme.
1199
COLSON (R), La fabrique des procédures pénales, comparaison franco-anglaise des réformes de la
justice répressive, RSC, 2010, p. 365 ; V. en ce sens PIN (X), La privatisation du procès pénal, RSC, 2002, p.
245 ; BENHAMOU (Y), Vers une inexorable privatisation de la justice, D. 2003. p. 2771 ; VOLFF (J), La
privatisation rampante de l’action publique, JCP 2004. I. 146.
1200
JAMIN (C), Avocats et juge délégué aux victimes : les méfaits de l’Etat paternel, D. 2007 p 2228 ; Pierre
LEGENDRE explique également ce phénomène par l’expression « mythe intégral », LEGENDRE (P),
Trésor historique de l’Etat en France, Fayard, 1992.
253
B) Le canevas de la politique publique d’aide aux victimes
325. Aide aux victimes, interrogation sur la qualification de la politique menée. Les
lois qui se succédent n’ont de cesse d’affirmer et de consolider la place de la victime dans
le système pénal français1201. Il faut rappeler que l’aide aux victimes est fondamentale à
plusieurs égards1202 : d’un point de vue humain, dans la considération de l’autre en tant que
sujet de droit qui souffre ; d’un point de vue politique, quand l’aide aux victimes prévient
les victimisations ; d’un point de vue professionnel car il faut des juristes formés en
victimologie et criminologie ; d’un point de vue social pour participer à la solidification du
lien social.
En résumé, l’aide aux victimes représente un socle sur lequel reposent toutes les
espérances quant à une reconquête des fondements du droit pénal, une solution pour
légitimer à nouveau la mission démocratique de la justice pénale : la pacification
sociale1203. Pour ce faire, il faut des structures sachant travailler ensemble, avec un
financement suffisant et une cohérence dans les actions menées.
Mais alors, que faut-il entendre par politique publique d’aide aux victimes ?1204 Dans un
premier temps il faut se tourner vers le droit public. Ainsi, la politique publique peut se
définir de la façon suivante : « Toute politique publique se présente sous la forme d’un
ensemble de mesures concrètes articulées entre elles, d’une grappe de décisions, formant
un programme cohérent ; elle implique la définition de finalité, d’orientations, de priorités,
matérielles et symboliques afin d’atteindre les objectifs fixés. On pourra à partir de là
constater que la construction d’une politique traverse une série de phases successives, ou
séquences d’activités, allant de l’émergence du problème jusqu’à l’évaluation des résultats,
en passant par la formulation des solutions, la prise de décision et la mise en oeuvre »1205.
1201
Les lois du 9 septembre 2002, 18 mars 2003, 9 mars 2004, 12 décembre 2005 et 05 mars 2007 ont rendu
plus effectif l’information, l’accompagnement et la réparation de la victime.
1202
CARIO (R), Victimologie. De l’effraction du lien intersubjectif à la restauration sociale, L’Harmattan,
2000, p 11.
1203
CARIO (R), Les droits des victimes d’infraction, problèmes politiques et sociaux, Paris, La
documentation française, n°943, décembre 2007.
1204
METTOUX (P), Les politiques publiques d’aie aux victimes, in CARIO (R), Victimes : du traumatisme à
la restauration, op. cit., p. 205.
1205
CHEVALIER (J), Décentralisation et politique publique, AJDA, 1992, p. 120. En analysant plusieurs
définitions de ce que peut être une politique publique, celle de Jacques CHEVALIER est la plus pertinente
254
Pour que la politique menée soit dite politique publique, il est nécessaire que l’Etat déploie
une stratégie et intègre des variables telles que contraintes et ressources. La politique
publique telle qu’elle est définie par Jacques CHEVALIER, allie cohérence, pragmatisme
et programmation. Une politique publique ne saurait être un bricolage de mesures sans
finalité ni but : elle impose autonomie et efficacité dans la prise de décision1206.
A la lumière de cette définition, peut-on parler véritablement de politique publique d’aide
aux victimes ? Si les problèmes ont été soulevés par les différents rapports et circulaires en
matière d’aide aux victimes, en revanche l’Etat n’a pas mis en place de stratégies pour
identifier ces problèmes, formuler des solutions et évaluer leurs résultats. Aujourd’hui, la
politique publique d’aide aux victimes peut s’apparenter à un « énorme bricolage »1207.
Le législateur se concentre sur l’émergence d’un authentique statut de victimes en matière
pénale, cela passant par la multiplication de droits en matière procédurale, ou s’agissant de
réparation par le biais d’un fonds de garantie. Néanmoins, cela ne correspond pas à une
politique publique, au regard de la définition présentée auparavant. L’Etat recherche, par le
biais d’une politique pénale, à rééquilibrer les droits des victimes et les droits de la
défense, cette même politique pénale servant également à développer tant bien que mal
l’aide aux victimes. Il faut alors parler simplement de politique d’aide aux victimes entrant
dans le cadre d’une politique pénale.
Près de trente ans après la réflexion menée sur l’aide aux victimes et sur la politique
publique qui l’accompagne, l’Etat devient un partenaire des associations d’aide aux
victimes, alors qu’il devrait en être le tuteur et le garant. Le rapport LIENEMANN donne
une piste de réflexion et confirme ce qui a été examiné ci-dessus : « L’objectif de la
mission du groupe de travail est de faire de l’aide aux victimes une véritable politique
publique impliquant l’ensemble des acteurs publics ou privés dans l’élaboration d’une
oeuvre commune de solidarité. Cette politique constitue une priorité qui doit être lisible,
clairement énoncée et portée par les plus hautes instances »1208. Cela est confirmé par la
lettre de mission remis par Lionel JOSPIN : « afin de conjuguer les efforts de l’Etat, des
collectivités, des associations et de l’ensemble des intervenants, et de mieux répondre aux
quant à l’analyse que l’on peut faire plus spécifiquement de la politique publique en matière d’aide aux
victimes.
1206
BERNARD (A), CARIO (R), op. cit.
1207
BERNARD (A), CARIO (R), ibid., p. 28.
1208
Rapport LIENNEMANN, op. cit., p. 79.
255
attentes des victimes, et surtout des plus démunies d’entre-elles, le gouvernement a décidé
de lancer une véritable politique publique d’aide aux victimes »1209.
En parlant de véritables politiques publiques cela signifie t-il qu’avant cela il y avait une
fausse politique publique ? Finalement peut-être qu’il n’y en a jamais eu et qu’il n’y en
aura pas sans un investissement durable de l’Etat.
L’évolution législative n’a pas cessé de renforcer les droits des victimes au détriment d’une
organisation stable de l’aide aux victimes. Face au manque de cohésion des différents
intervenants, les énergies se dispersent sans finalité1210. Les financements divers freinent
l’évolution des acteurs de terrain. Aujourd’hui encore, plus que jamais, se pose la question
de la cohérence de l’aide aux victimes et du système pénal. Dès 1982, la réflexion
concernant les victimes d’infractions pénales était axée sur l’organisation d’une aide
cohérente et viable à long terme. Pour Robert BADINTER : « il y a une dérive et une
récupération de cette juste cause. On est passé de la légitime préoccupation de la condition
des victimes à un activisme politique. Des associations d’aide se sont transformées en
association de défense de tel ou tel, à qui on donne un rôle équivalent à celui des parties
civiles ou du ministère public dans le processus judiciaire, dans une compassion sélective
»1211. Que ce soit le rapport MILLIEZ ou le rapport LIENEMANN, il a toujours été
dissocié droits des victimes et aide aux victimes, laissant ainsi le champ libre à une
constante politique publique d’aide aux victimes.
326. Un financement polymorphe. Si le débat juridique reste ouvert quant à la
qualification de la politique mise en place par l’Etat pour développer l’aide aux victimes, le
financement quant à lui ne fait pas de doute, et reflète bien l’effort des institutions
publiques en la matière. Le problème qui se pose concerne la multitude des sources de
financement et les intérêts différents des créanciers. En effet, le financement bien que
public, interpelle diverses personnes publiques comme les préfectures ou les collectivités
territoriales par exemple.
En premier lieu, l’Etat contribue au financement de l’aide aux victimes par l’intermédiaire
du Ministère de la Justice et des préfectures. Cela se fait indirectement car ce sont les cours
d’appel qui décident et distribuent le financement du ministère. Un magistrat du parquet
1209
BERNARD (A), CARIO (R), op. cit., p. 29.
1210
CARIO (R), Victimes d’infraction, Rép. pén., septembre 2007.
1211
CASSIA (P), Robert Badinter, un juriste en politique, Fayard, 2009, note n° 233.
256
général analyse les besoins et répartit les crédits1212. Il faut savoir que ces magistrats sont
déjà submergés par les dossiers à traiter, ainsi ces dispositions les rendraient un peu plus
« tuteurs du social »1213. Les bénéficiaires de ces crédits ministériels sont principalement
les associations d’aide aux victimes adhérentes à l’institut national d’aide aux victimes et
de médiation. Dans le cadre d’une politique interministérielle de l’aide aux victimes,
d’autres ministères sont amenés à octroyer des fonds pour les victimations les concernant :
notamment ministère des sports, ministère de l’éducation nationale.
En ce qui concerne les préfectures, ces dernières financent les actions en matière d’aide
aux victimes par l’intermédiaire des Fonds Interministériels de Prévention de la
Délinquance1214. Il s’agit d’un financement qui ne concerne pas la justice, mais la sécurité.
Depuis le 07 juin 20061215, est institué un conseil départemental de prévention de la
délinquance1216, d’aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les
violences faites aux femmes. Il est présidé par le préfet, et ses vices-présidents sont le
procureur de la République et le président du conseil général. Ce conseil a mis en place, en
20071217, le schéma départemental d’aide aux victimes, un schéma qui a été sollicité depuis
2004 par le Ministère de la Justice pour justement mettre en adéquation les financements
de l’Etat et des collectivités territoriales avec les besoins et les attentes des victimes. De
plus, depuis la loi du 05 mars 20071218, le dit conseil doit être consulté pour l’emploi des
sommes allouées au Fonds Interministériel de prévention de la délinquance.
En second lieu, l’aide aux victimes peut s’appuyer sur le financement des collectivités
territoriales. Les conseils généraux financent l’aide aux victimes de façon ponctuelle,
répondant à des actions sur des durées courtes1219. Les communes et les communautés
1212
BO Ministère de la justice, n°71, 1er juillet-30 septembre 1998.
1213
Sur l’idée de « tuteur du social » GARAPON (A), Le sujet de droit, in RIEJ, n°31, 1993.
1214
Plus couramment connus sous les initiales FIPD, les Fonds Interministériels de prévention de la
délinquance ont été créés par la loi du 31 mars 2006 : L. n°2006-396 pour l’égalité des chances. L’Etat
octroie des crédits qui seront distribués par les préfectures dans le cadre des politiques de la ville.
Source internet : http://www.sgcipd.interieur.gouv.fr/index.php?nav=1-44&headingid=44&articleid=54
1215
Décret n°2006-665 du 7 juin 2006 relatif à la réduction du nombre et à la simplification de la
composition de diverses commissions administratives.
1216
Source internet : http://www.idf.pref.gouv/droit_ville/victimes.htm
1217
Décret du 23 juillet 2007 relatif au plan départemental de prévention de la délinquance.
1218
L. 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.
1219
Par exemple, les conseils généraux ont financé l’accès aux droits et l’aide aux victimes au sein de
certains centres hospitaliers. La durée de financement était de trois ans. C’est le cas notamment pour le centre
hospitalier de Villefranche sur saône qui était une action pilote. Malheureusement, malgré le succès de la
démarche le financement était à court terme et s’est arrêtée fin 2011.
257
d'agglomération concourent également au financement sur le terrain de l’accès au droit.
1220
Ainsi, les Contrats Urbains de Cohésion Sociale réservent une enveloppe à l’attention
des associations d’aide aux victimes mais sur le terrain de l’accès au droit. Ces contrats
urbains sont eux même financés, pour cette action, par l’Agence nationale pour la
Cohésion Sociale et l’Egalité des chances1221. Concernant la sécurité, ce sont les contrats
locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, ainsi que les contrats
intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance1222 qui financent les
permanences d’aide aux victimes sur les communes parties à ces contrats. Ces derniers
sont eux financés via le fonds interministériel de prévention de la délinquance.
327. Aide aux victimes : sécurité, prévention, accès au droit. En grande majorité,
l’aide aux victimes reçoit un financement dans le cadre de la politique de la ville1223. Ainsi,
ce financement ne concerne pas directement l’aide aux victimes à proprement parler, mais
la sécurité, la prévention de la délinquance et l’accès au droit.
328. Un maillage opaque. Le premier mot qui vient à l’esprit lorsque sont présentés
les différents modes de financement de l’aide aux victimes et les différentes institutions qui
en sont à l’origine, c’est celui de complexité. En effet, en premier lieu, les ministères sont
sensibilisés à l’aide aux victimes et chacun d’eux prévoit des crédits pour diverses actions,
ou dispose de son propre dispositif d’aide aux victimes1224. Le Ministère de la Justice,
Les conseils généraux financent également les Unité Médicaux Judiciaires, mais ils doivent procéder à des
choix et tous les parquets n’en disposent pas. Ces structures sont gérées en majorité par les associations
d’aide aux victimes.
1220
Plus connus sous les initiales CUCS, ils ont succédé en 2007 au contrat de ville. Ces contrats demeurent
en vigueur jusqu’au 31 décembre 2014.
Source internet : http://www.sig.ville.fr/page/45
1221
L’ACSE est sous la tutelle du ministre de la ville. Elle a été créée par la loi du 31 mars 2006 (L. 2006-
396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances) pour consolider la politique de la ville, promouvoir l’égalité
des chances et la diversité. Elle anime les actions des 497 CUCS du territoire. Son budget en 2012 est de 346
millions d’euros. En 2011 son budget était de 400 millions d’euros.
Source internet : http://www.lacse.fr rubrique L’agence.
1222
Plus connus sous les initiales CLSPD et CISPD. Conseil local et intercommunal de sécurité et de
prévention de la délinquance et plan de prévention de la délinquance dans le département, Dépêche
JurisClasseur, 26 juillet 2007, p. 792.
1223
Pour mieux comprendre la politique de la ville et aller plus loin dans l’analyse V. BONFILS (A),
Contrats locaux de sécurité, Politique de la ville, Rép. pén., Mai 2006 ; JEAN (J.P), Les nouveaux territoire
de la politique criminelle, RSC, 2007, p. 666 ; PANNIER (N), Les contrats locaux de sécurité et la politique
de la ville, La documentation française, Revue française des affaires sociales, 2001/3, n°3, pp. 127 à 148.
1224
Par exemple « La délégation des victimes » au sein du Ministère de l'Intérieur. Il a vocation a mettre en
oeuvre une politique dynamique et opérationnelle d’aide au victime au sein du ministère de la justice.
258
principal pourvoyeur de l’aide aux victimes, alloue les crédits les plus importants. Mais ces
derniers varient chaque année, et sont en baisse constante en ce qui concerne
spécifiquement l’aide aux victimes, en dépit d’une augmentation globale du budget de la
justice1225.
Tout se complique également lorsqu’arrive, en second lieu, le financement à l’échelon
régional, départemental et communal. Ce financement fait ainsi appel à la décentralisation
et la déconcentration. Chacun dispose de fonds distincts, dans le cadre de politiques
différentes telles que la sécurité, la prévention, l’accès au droit. Ce sont des politiques dites
publiques qui ne sont pas exclusives de l’aide aux victimes et dont les priorités peuvent
faire échouer des projets spécifiques aux victimes1226.
De ce fait, la préfecture contribue par l’intermédiaire du Fonds Interministériel de
Prévention de la Délinquance et du conseil départemental de prévention de la délinquance.
Le conseil général coopère par des actions ciblées telles que les unités médico-judiciaires.
Les communes concourent par la mobilisation des centres communaux d’action sociale,
par les contrats urbains de cohésion sociale, par les contrats locaux ou intercommunaux de
sécurité et de prévention de la délinquance. Les communes peuvent également allouer des
fonds lorsque les associations d’aide aux victimes assurent une permanence dans leurs
locaux.
A ce maillage, on ne peut plus opaque, vient s’ajouter une structure vouée au rayonnement
de la politique d’aide aux victimes1227, mais qui vient concurrencer le travail de
l’INAVEM1228. Il s’agit du Conseil National de l’aide aux victimes et de médiation qui a
été créé par le décret du 3 août 19991229. Jusqu’au 21 septembre 20101230, ce conseil était
http://www.interieur.gouv.fr/A-votre-service/Ma-securite/Aide-aux-victimes/Aide-aux-victimes-
presentation-des-differents-dispositifs/L-action-du-ministere-dans-le-cadre-des-violences-au-sein-du-couple
1225
Concernant une des associations les plus importantes du territoire, l’association d’aide aux victimes de
l’Ain (AVEMA), le Ministère de la Justice a baissé sa subvention de 125 000 euros à 117 000 euros en 2010.
Cette dotation a baissée de 5% en 2011 et de 5% en 2012.
1226
Par exemple dans le cadre de la sécurité, les fonds interministériels de prévention de la délinquance
(FIPD), qui sont dépendants de la préfecture, ont pour l’année 2011 et 2012 débloqué un important budget
pour la vidéo surveillance. De ce fait, des actions comme les permanences en centre hospitalier ont du
s’arrêter par manque de financement.
1227
CHARPENEL (Y), Le rôle du Conseil National de l’Aide aux Victimes, in BERNARD (A), CARIO (R),
op. cit., pp. 105-116.
1228
L’INAVEM a été créée le 7 juin 1986 dans le but de promouvoir et de développer l’aide et l’assistance
aux victimes. V. en ce sens DOMENECH (J.C), L’INAVEM et les associations d’aide aux victimes, in
CARIO (R), Victimes : du traumatisme à la restauration, op. cit., p. 191.
1229
Décret n° 99-706 du 3 août 1999 relatif au conseil national de l’aide aux victimes.
259
composé de douze ministres et de onze personnalités qualifiées dans l’aide aux victimes.
Ainsi, pour le rendre plus opérationnel1231, le décret du 21 septembre 2010 modifie le
conseil national de l’aide aux victimes1232. Il est désormais composé de trois ministres1233 ;
quatre élus1234 ; six associations oeuvrant dans le domaine de l’aide aux victimes1235 ; sept
personnalités qualifiées1236 ; le directeur général du fonds de garantie des victimes de
terrorisme et d’autres infractions ou son représentant. Au terme du décret du 3 août 1999,
le Conseil National de l’Aide aux Victimes chargée de faire toute proposition portant
notamment sur l'accueil, l'information, la prise en charge et l'indemnisation des victimes
d'infractions pénales, a contribué à la création ou à l'amélioration de nombreux dispositifs
d'aide aux victime.
Le constat est sans appel, les crédits alloués sont peu cohérents et manquent de stabilité. Le
financement est la pierre angulaire de l’aide aux victimes, mais il ne faut pas oublier la
partie structurelle. En d’autres termes, s’il convient de constater que les financements sont
polymorphes et irréguliers, qu’en est-il des structures qui les utilisent et relayent la
politique d’aide aux victimes au plus près du citoyen. Comment peuvent elles travailler
dans une précarité institutionnalisée ? Pour ce faire, à la lumière du rapport LIENEMANN,
la mise en perspective de l’organisation de l’aide aux victimes aujourd’hui est riche
d’enseignement quant à ce qu’elle devrait être, et quant à ce qu’elle sera.
1230
Décret n° 2010-1106 du 21 septembre 2010 modifiant le décret n° 99-706 du 3 août 1999 relatif au
Conseil national de l'aide aux victimes.
1231
Il est à noter qu’il a fallu attendre plus de dix ans avant de réformer le conseil national de l’aide aux
victimes (CNAV) pour le rendre plus opérationnel. Il faudra attendre encore quelques années pour analyser si
ce conseil réussira à coordonner les actions.
1232
Décret n°2010-1106. Source internet : http://www.gouvernement.fr/gouvernement/installation-du-
conseil-national-de-l-aide-aux-victimes ; V. en ce sen comm. min. Justice et des Libertés, Gazette du palais,
14 déc. 2010.
1233
Art.3 du décret du 21 septembre 2010, le ministre de la justice (représenté par le chef du service de
l’accès au droit et à,la justice et de l’aie aux victimes), le ministre chargé des affaires sociales, le ministre
chargé de la santé.
1234
Un député, un sénateur, un président du conseil général, un maire.
1235
l'INAVEM ; la fédération citoyens et justice ; la fédération nationale des victimes d'accidents collectifs ;
le CNIDFF(centre national d'information sur les droits des femmes et des familles) ; l'association Aide aux
Parents d'Enfants Victimes ; l'association Marilou, pour les routes de la vie.
1236
Deux magistrats, un avocat, un médecin légiste, un chercheur en victimologie, deux représentants des
organisations professionnelles de l’assurance.
260
329. Un manque de clarté. En prenant en considération les développements
précédents, il est possible de dire que l’aide aux victimes souffre d’un manque de clarté
dans la politique menée, et d’un manque de cohérence dans l’attribution des financements.
Pourtant, les propositions formulées depuis plus de dix ans tendent vers une cohérence
théorique de l’aide aux victimes (A), mais sur le terrain le constat est alarmant (B).
1237
Rapport LIENNEMANN, op. cit., p. 36.
1238
C. pr. pén. Art. 41-3.
1239
Rapport LIENNEMANN, op. cit., p. 37.
261
mais cela n’est pas suffisant. Ainsi, les relations entre les uns et les autres restent
problématiques, puisque les prérogatives de chacun ne sont pas clairement définies et que
depuis 1982, l’accent a été mis sur les droit des victimes et non pas sur une prise en charge
effective en amont du procès pénal. En effet, au moment de la rédaction du rapport
LIENEMANN, les rédacteurs constatent que « quinze ans après la naissance de l’aide aux
victimes, le réseau est constitué de services disparates, certains se superposant, d’autres
étant en concurrence, sans pour autant couvrir la totalité des besoins ni toujours garantir
une qualité des prestations suffisante »1240. Cela se comprend par des orientations pénales
et politiques décentralisées qui manquent de moyens et qui sont éloignées de la réalité du
terrain. Car si le rapport LIENEMANN incite à une véritable politique publique d’aide aux
victimes, les financements ne sont pas globaux et les associations d’aide aux victimes
doivent courir après les collectivités territoriales pour compléter l’enveloppe de l’Etat qui
n’est pas suffisante.
331. L’aide aux victimes, un besoin structurel. Le rapport LIENEMANN permet de
comprendre et d’analyser structurellement l’aide aux victimes, et de pouvoir ainsi formuler
une critique quant au financement qui lui est alloué. C’est également l’opportunité
d’élaborer un constat, plus de dix après la naissance de ce rapport.
332. Un renforcement des compétences des associations d’aide aux victimes. Tout
d’abord, le rapport définit la structuration du réseau associatif1241. Il propose, dans
l’objectif de fournir une offre égale à toutes les victimes, de créer une association d’aide
aux victimes à l’échelon départemental. Cette structure est complétée par des antennes
locales. Pour que ce dispositif soit efficace, les services de police et de gendarmerie
doivent faire connaitre l’existence du réseau à toutes les victimes. Le groupe de travail
demande également la stabilité des financements et leur pérennisation1242, garante « de la
permanence d’un service public à destination des victimes »1243.
Le cadre général est posé par l’Etat à l’échelon départemental ; et pour ce qui est des
antennes locales, ce sont les collectivités territoriales qui prennent le relais en faisant
coïncider les moyens aux réalités des besoins. Il existe donc dans le rapport
LIENEMANN, une véritable cohérence et une réelle politique pérenne de l’aide aux
victimes.
1240
Rapport LIENEMANN, ibid., p. 38.
1241
Rapport LIENEMANN, ibid., p. 74, Propositions n°90 et n°91.
1242
Rapport LIENEMANN, op. cit., p. 75.
1243
Rapport LIENEMANN, ibid., p. 76.
262
Enfin, pour plus de lisibilité, les rédacteurs du rapport proposent une dénomination
commune des associations d’aide aux victimes à l’échelon nationale1244. Cela aurait pour
conséquence une meilleure communication pour ces structures ainsi qu’une plus grande
visibilité envers les victimes et les partenaires.
333. Une coordination des dispositifs1245. Les rédacteurs du rapport préconisent une
coordination nationale et départementale. Le but étant de faire de l’aide aux victimes une
politique publique.
Cela passe en premier lieu par la création du Conseil National d’Aide aux Victimes qui
aurait pour mission d’élaborer un cahier des charges de l’aide aux victimes, et par la
même, donner un agrément pour les associations d’aide aux victimes répondant aux
exigences de ce cahier des charges. Ce conseil évaluerait également les dispositifs mis en
oeuvre, qu’ils soient privés ou publics. Un plan national pourrait être élaboré tous les deux
ans pour traiter notamment du financement de l’aide aux victimes, et des différents
partenariats entre les services d’aide aux victimes et les collectivités territoriales.
Au niveau départemental, le groupe de travail prévoit une instance de coordination
s’appuyant sur une structure qui aurait la forme d’un groupement d’intérêt public,
concentrant tous les acteurs de l’aide aux victimes.
334. Des outils de statistiques et de communication. Enfin, le rapport prévoit de
remédier au problème d’évaluation des dispositifs d’aide aux victimes et des situations de
victimation. Pour ce faire, il propose des enquêtes de victimation régulières et l’élaboration
d’un programme statistique ministériel. Ceci permettrait d’améliorer constamment les
dispositifs d’aide aux victimes et de mesurer l’efficacité d’une politique publique d’aide
aux victimes. La recherche universitaire serait sollicitée afin de faire avancer l’aide aux
victimes et d’être à la pointe des dispositifs.
Pour ce qui est de la communication, cette dernière devrait être de grande ampleur pour
toucher un maximum de personnes et faire connaitre les services d’aide aux victimes. Cette
communication devrait porter sur les dispositifs d’accueil d’aide aux victimes. Que sont
devenus les vœux formulés par le rapport LIENEMANN ?
1244
Rapport LIENEMANN, ibid., p. 77. Le groupe de travail propose la dénomination « Service d’aide aux
victime » suivi du nom du département ou de la ville d’implantation pour les antennes locales.
1245
Rapport LIENEMANN, ibid., p. 79, Propositions n°96 à n°99.
263
335. L’aide aux victimes aujourd’hui et les voeux du rapport LIENEMANN.
Comme il a été analysé précédemment, le rapport LIENEMANN avançait des propositions
rendant l’aide aux victimes plus cohérente et permettant aux associations d’aide aux
victimes de travailler plus sereinement.
Malheureusement, le constat est sans appel : les propositions et les avancées des rapports
MILLIEZ et LIENEMANN n’ont aujourd’hui qu’une valeur déclarative, et cela résulte
d’une politique publique d’aide aux victimes qui peine à être permanente1246. Le maillage
de l’aide aux victimes est tel qu’il ne peut aboutir qu’à un manque de cohérence de la
politique menée. Le Conseil National d’aide aux victimes, modifié récemment par le décret
du 21 septembre 2010, ne répond pas aux attentes. Le cahier des charges souhaité n’existe
pas et les associations d’aide aux victimes doivent se référer à la charte de l’INAVEM pour
être considérées comme associations d’aide aux victimes. Il existe encore dans certains
départements une superposition des services d’aide aux victimes induisant une concurrence
plus qu’un partenariat1247. Les partenariats entre associations, barreaux, services de police
et gendarmerie diffèrent d’un département à l’autre, et sont en général mal perçus.
Enfin, il est difficile à l’heure actuelle de parler d’améliorer les dispositifs d’aide aux
victimes et d’en mesurer l’efficacité, car les outils statistiques sont peu pertinents et la
recherche universitaire n’est pas sollicitée pour en déterminer les contours1248.
Cette mise en perspective succincte établie, il faut analyser plus en profondeur
l'incohérence des choix opérés, dans le seul but de comprendre pourquoi l’aide aux
victimes, dans sa forme actuelle, ne peut participer à la reconquête du droit pénal et à la
pacification du conflit auteur/victime. Il est nécessaire de rappeler que l’aide aux victimes
est d’une grande utilité et essentielle à l’équilibre de la justice pénale. Ainsi, par
l’intermédiaire, notamment, des associations d’aide aux victimes, il s’agit d’expliquer ce
que pourrait offrir le système pénal à la victime et déterminer le rôle des différents
1246
CARIO (R), Victimes d’infraction, Rép. pén., Septembre 2007.
1247
Par exemple dans le département du Rhône où l’aide aux victime est partagée entre cinq associations :
LAVI (Lyon aide aux victimes), LEMAS (service info victime), VIFF-Aide aux victimes (violences intra
familiales), AAV (association d’aide aux victimes Saint Fonds/Vénissieux), ADAVEM (association d’aide
aux victimes et de médiation). Il est à noter que sur le département de l’Ain qui est plus étendu il existe une
seule association d’aide aux victimes (AVEMA).
http://www.inavem.org rubrique LES ASSOCIATIONS LOCALES.
1248
L’INAVEM prévoyait de modifier en ce sens son logiciel de statistique pour 2013, un logiciel qui devait
être plus adapté : Rapport INAVEM 2010, p. 5, http://www.inavem.org. Au 30 juin 2013 ce logiciel n’était
pas encore conçu.
264
intervenants. Par cette offre, la victime n’aurait plus ce sentiment de morcellement et elle
comprendrait la logique particulière que représente l’aide aux victimes1249.
336. Le choix de faire porter l’aide aux victimes par le mouvement associatif. Les
associations d’aide aux victimes sont apparues dès 1982. De cet avènement tardif peut se
dégager une théorie qui conforte une nouvelle fois l’idée qu’il faut distinguer l’aide aux
victimes du droit des victimes : l'existence ancienne de la constitution de partie civile
aurait retardé l’aide aux victimes car la recherche de la réparation financière, par la
mobilisation du droit pénal serait ancrée dans les consciences1250. Ainsi, « si la réparation
indemnitaire des divers dommages et de leurs préjudices consécutifs est nécessaire, elle est
loin d’être suffisante et pas toujours en lien avec la gravité de l’infraction »1251.
Pour certains auteurs, le choix du milieu associatif, pour relayer la politique d’aide aux
victimes, est pertinent. Le cadre associatif permet de mobiliser les intervenants plus
rapidement. De plus, le militantisme de ces structures a permis à la base une grande
disponibilité1252. Cette justification est très discutable surtout en ce qui concerne le
militantisme, qui est peu compatible avec la mission d’aide aux victimes, mais est plutôt
une composante du travail des associations de victimes1253. Pour d’autres, ce choix résulte
de l’idée selon laquelle le milieu associatif, de par son statut juridique, véhicule l’idée
d’une solidarité qui transcende l’intérêt individuel1254. Enfin, quelques uns pensent que ce
transfert de compétence des services publics aux associations s’est fait dans le souci de
décloisonner les institutions et les rendre plus opérationnelles dans le champ social1255.
En tout état de cause, cette initiative a permis une remise en cause de la dichotomie entre
Etat et société civile. En effet, les associations d’aide aux victimes ont une mission de
service public, une mission réalisée par des bénévoles et des salariés issus de la société
civile. Parmi toutes les politiques publiques, la politique d’aide aux victimes est la seule
qui repose essentiellement sur l’initiative privée. Pour Robert CARIO, les associations
d’aide aux victimes financées par l’Etat et organisées par la société civile sont une
1249
CALMETTES (J), Le rôle des services d’aide aux victimes dans la mise en oeuvre des politiques
publiques d’aide aux victimes, in BERNARD (A), CARIO (R), op. cit., pp. 109-116.
1250
CARIO (R), Victimes d’infraction, op. cit., note 90.
1251
CARIO (R), Ibid., note 101.
1252
CALMETTES (J), op. cit., pp. 109-116.
1253
BOULAY (A), L’association des parents d’enfants victimes, in BOULAY (A), Victimes... De l’image à,
la réalité, Paris, L’Harmattan, coll. Sciences criminelles, 2003, pp. 181à 187.
1254
ALLEGRE (J), Les objectifs des politiques publiques interministérielles d’aide aux victimes, in
BERNARD (A), CARIO (R), op. cit., pp. 51-64.
1255
LIENHARD (C), HELLBRUNN (R), MARTIN (P), Peut-on aider les victimes ?, érès, Toulouse, 1985
265
excroissance de l’Etat1256. Cette phrase doit être accueillie à la lumière des développements
précédents. Par conséquent, après des financements entrelacés, des politiques qui
s’entrechoquent, les associations d’aide aux victimes arrivent en bout de chaîne pour
relayer une politique d’aide aux victimes avec les moyens sommaires qu’on a bien voulu
leur attribuer.
Désormais, avec l’importance des missions qui lui sont confiées comme la médiation
pénale, la gestion des unités médicaux judiciaires, les mandats d’administrateurs ad’hoc,
leur maintien dans le statut de la loi de 1901 doit être repensé : « l’adaptation des
associations aux mutations profondes de l’environnement social est également le gage de
l’efficacité de la politique publique, dont elle se voit confier la mise en oeuvre »1257.
Ainsi, le choix opéré appelle des interrogations encore aujourd’hui, et ce questionnement
renvoie à la réflexion menée sur la nature de la politique d’aide aux victimes.
337. Des associations d’aide aux victimes en peine. L’association d’aide aux
victimes est un véritable second service public, mais qui ne dispose pas de fonds publics
suffisants et stables. Depuis la fin de l’année 2009 les associations d’aide aux victimes ont
de plus en plus de mal à équilibrer leur budget1258 du fait de la variation des subventions du
Ministère de la Justice1259. Cela résulte également du choix des préfectures ou des conseils
généraux de financer d’autres projets que ceux touchant l’aide aux victimes.
Dans son rapport 2009, la directrice de l’INAVEM, Sabrina BELLUCCI1260, se demandait
si l’aide aux victimes avait la capacité, voire la possibilité de rester elle même sans
sacrifier les interventions au tout économique, au tout rentable. Pour le président de
l’INAVEM, Hubert BONIN, « la rigueur budgétaire et la logique gestionnaire de la
révision générale des politiques publiques nous imposent de lourdes contraintes et des
interrogations nombreuses sur un avenir incertain »1261. Le rapport 2010 est du même
acabit puisque ce dernier formule le voeu que la part d’humanité des associations d’aide
1256
BERNARD (A), CARIO (R), op. cit., pp. 7-38.
1257
METTOUX (P), Les politiques publiques d’aide aux victimes, in CARIO (R), Victimes : du traumatisme
à la restauration, op. cit., p. 216.
1258
40% des associations d’aide aux victimes ont des difficultés financières très sérieuses ou sont en situation
précaire. Rapport INAVEM 2010, op. cit., p. 5.
1259
Il existe une baisse de 10% des subventions affectées à l’aide aux victimes. Rapport INAVEM 2010, op.
cit.
1260
Rapport INAVEM 2009, p 7, site de l’INAVEM : www.inavem.org
1261
Rapport INAVEM 2009, ibid., p. 6.
266
aux victimes ne soit pas sacrifiée au nom de la restriction budgétaire 1262. Dans son rapport
2012, établi en juin 2013, Michèle de KERCKHOV qui remplaçait exceptionnellement
Hubert BONIN parle encore « d’un combat politique visant à faire émerger une véritable
politique publique d’aide aux victimes »1263.
Les services d’aide aux victimes méritent une plus grande reconnaissance sociale et il
importe que leur statut s’inscrive à l’intérieur d’une mission de service public reconnue.
Ceci permettrait la stabilité professionnelle des intervenants et, par la même occasion, une
qualité de service constante.
Ainsi, il est tout à fait logique aujourd’hui que les associations d’aide aux victimes se
retrouvent dans une telle situation et aient autant de peine à oeuvrer pour les victimes. En
effet, le schéma présenté précédemment apparaît de nouveau : une politique publique qui
n’en est pas une, un maillage incompréhensible du financement public, des institutions qui
se superposent, des priorités en terme de politique sécuritaire. Dans ce contexte là, l’aide
aux victimes peut difficilement travailler dans le sens d’une reconquête des valeurs
essentielles du droit pénal, d’une pacification du conflit auteur/victime, et se projeter dans
une nouvelle politique pénale : la justice restaurative.
338. La professionnalisation de l’aide aux victimes. La technicité toujours plus grande du
droit pénal, les attentes de l’aide aux victimes en tant que moteur dans la mise en place
d’une nouvelle politique pénale, rendent le travail des associations de plus en plus pointu.
Par professionnalisation il faut tout d’abord parler des intervenants au sein des associations
d’aide aux victimes. Si le mouvement de départ était impulsé par le bénévolat, aujourd’hui,
il n’est pas concevable de se passer de véritables professionnels. Pour ce qui est de l’aide
en matière juridique, il est question de professionnels du droit.
Certaines associations d’aide aux victimes manquent encore de personnels formés
spécifiquement à l’aide aux victimes, notamment en raison de la réticence de la France
quant à la création de véritables statuts de criminologue et de victimologue1264. Pourtant il
est essentiel que les intervenants de l’aide aux victimes soient des professionnels
1262
Rapport INAVEM 2010, ibid., p. 8.
1263
Rapport INAVEM 2012, p 4 ; site de l’INAVEM : www.inavem.org
1264
CAROLL (D), PINATEL (J), L’enseignement de la criminologie, in sciences sociales dans
l’enseignement supèrieur, UNESCO, 1956.
267
formés1265 ; le juriste doit avoir une connaissance assez poussée en procédure pénale,
victimologie et criminologie.
Au Canada il existe des diplômes en victimologie et criminologie. Ainsi, les universités
peuvent former des professionnels qui sont aptes à assumer les charges afférentes au travail
des associations d’aide aux victimes. Ces juristes hautement qualifiés peuvent être amenés
à travailler dans le cadre de la justice restaurative. En France, le problème semble rester
économique. Il y aurait une réticence des universités à enseigner le « droit de la misère
»1266, valorisant largement des branches du droit plus lucratives comme le droit des
affaires. Néanmoins il faut modérer de tels propos et prendre en considération également la
valorisation de l’aide aux victimes en France. Si la politique en matière d’aide aux victimes
était financièrement plus saine, plus cohérente, les universités auraient sans doute moins de
mal à enseigner ces matières.
La charte des services d’aide aux victimes ne prévoit pas expressément l’obligation pour
les associations d’avoir des personnels formés. Tout au plus, impose t-elle le recrutement
d’un permanent salarié1267. Il semble qu’une modification de la charte en ce sens serait
souhaitable. Néanmoins, désormais, de cette professionnalisation l’INAVEM fait un enjeu
pour l’aide aux victimes1268.
La professionalisation concerne également les bénévoles. Il s’agit en fait d’intégrer dans
ces structures, de façon bénévole, des magistrats ou des avocats, permettant d’améliorer le
partenariat et la coordination des différentes offres d’aide aux victimes. Par exemple, le
partenariat avec les barreaux n’est pas suffisamment exploité, il pourrait être prévu des
formations communes. Il existe dans la majorité des associations d’aide aux victimes un
avocat du Conseil de l’Ordre qui est membre de droit de l'association. Il existe également
des conventions entre barreaux et associations, mais il n’est pas prévu de formation ou
séminaire communs. Les réunions avec les tribunaux sont pratiquement inexistantes.
Il est à noter que la professionnalisation des intervenants trouvera un sens de plus dans le
cadre de la justice restaurative où ils devront assumer des charges en matière de médiations
pénales, de conciliations.
1265
LAVIT (E), L’intérêt de la professionnalisation des intervenants de l’aide aux victimes, in BERNARD
(A), CARIO (R), op. cit., pp. 47-50.
1266
LAVIT (E), Ibid., p. 50.
1267
Art. 4 Charte des services d’aide aux victime http://www.invavem.org
1268
Rapport INAVEM 2010, op. cit., p. 7.
268
339. Conclusion Chapitre premier. L’intégration de professionnels dans les
structures d’aide aux victimes est donc garante d’un partenariat stable avec les institutions,
et d’une mise en commun d’un savoir faire. Il faut que chaque intervenant trouve sa place
dans la restauration de la victime.
Toutes les professions judiciaires sont sensibles à la situation que génère l’infraction
pénale pour la victime. L’aide aux victimes n’est pas la chasse gardée des associations
d’aide aux victimes, mais il ne faut pas non plus que ce soit un terrain concurrentiel. Dans
de nombreux départements se dessinent des schémas simples où le travail entre les
avocats, les services de police et les associations d’aide aux victimes fonctionnent sans la
nécessité de passer par des intermédiaires locaux, qui se situent loin de la réalité du terrain.
Ainsi, dans le cas d’un dépôt de plainte ou d’une main courante, bien souvent les services
de police et de gendarmerie donnent l’adresse de l’association d’aide aux victimes la plus
proche. Cette dernière prend en charge la victime rapidement1269 car elle est directement en
contact avec l’institution policière. En ce qui concerne les barreaux, de nouveaux
dispositifs se mettent en place pour relayer le travail des associations d’aide aux victimes
dans le cas de comparution immédiate. Désormais il existe des dispositifs d’aide aux
victimes organisés par les barreaux1270, mais il ne faut pas que ces dispositifs apparaissent
comme concurrents à celui de l’association d’aide aux victimes. Ces partenariats
fonctionnent pour l’instant dans le cadre de l’application des droits de la victime. Il faut
mener une réflexion sur la mise en perspective de ces partenariats avec un nouveau modèle
de justice : la justice restaurative.
340. Un constat mitigé. A la lumière des développements ci-dessus, force est de
constater que l’aide aux victimes ne va pas dans le sens voulu par les rapports MILLIEZ et
LIENEMANN. Les questions posées depuis 1982 sont récurrentes et trouvent un écho
aujourd’hui : manque de financement, de politique cohérente, de visibilité. Le même
discours est martelé depuis plusieurs années sans pour autant obtenir de réponses effectives
: « il faut une politique globale, cohérente et durable envers toutes les victimes »1271.
De la même façon, les préconisations de la directive européenne du 25 octobre 2012, en
matière d’aide aux victimes, confirment cette difficulté pour le système pénal français à
rendre l’aide aux victimes d’infractions pénales plus cohérente avec les besoins actuels.
Pour Etienne VERGES : « s’agissant des victimes d’infractions graves, le cadre normatif
1269
http://www.interieur.gouv.fr/section/a_votre_service/aide_aux_victimes/fiche-secpub
1270
C’est notamment le cas dans les barreaux de Versailles et de Villefranche sur saône.
1271
ROUMIER (W), Plan d’action en faveur des victimes, JurisClasseur, Dr. pén, n°5, Mai 2005, Alerte 42.
269
français ne remplit pas toutes les exigences de la directive liées à l’aide aux victimes et
notamment l’aide spécialisée »1272. Pour l’aide spécialisée il s’agit de l’hébergement
d’urgence notamment pour les victimes de violences intra-familiales1273.
Il a été démontré l’intérêt de prendre en charge la victime le plus rapidement possible après
l’infraction pénale. Du travail fourni par l’aide aux victimes, et de son amélioration, va
découler sa réhabilitation. Ce travail conditionne également la réussite de dispositifs
innovants, faisant de la victime un acteur de sa restauration. C’est en lui expliquant
l’intérêt d’une mesure alternative aux poursuites, ou d’une dépénalisation de l’infraction,
qu’elle accepterait l’idée de sortir d’un processus pénal classique. Le droit positif a le
potentiel pour faire oeuvre de justice sans galvauder les fondements du droit pénal.
L’opinion publique est-elle prête à entendre cela ? Les institutions judiciaires ont-elles les
moyens d’y parvenir ? L’aide juridique et l’aide aux victimes seront-elles suffisamment
prises en considération pour être le moteur de cette dynamique ?
La dépénalisation et la déjudiciarisation sont des thèmes de recherche et de discussion très
intéressants. Ils montrent tout l’intérêt de concevoir un autre rapport au droit pénal que
celui qui est figé dans le prétoire ou un bureau face à un délégué du procureur de la
République. Par exemple, concernant la justice des mineurs, Monsieur le professeur André
VARINARD proposait en décembre 2008 de déjudiciariser le traitement dés la première
infraction1274. L’idée était alors de confier aux conseils locaux de sécurité et de prévention
de la délinquance les premiers actes de délinquance par exemple.
Pour le droit pénal concernant les majeurs, la logique est la même : par la dépénalisation
ou la déjudiciarisation de l’infraction il est possible de réhabiliter de façon plus effective la
victime. Cette nouvelle réflexion s’inscrit veritablement dans le cadre d’une justice
restaurative, mais également par des moyens d’action en aval de la procédure pénale.
270
341. Des solutions à portée de main. Les droits des victimes se sont
considérablement développés depuis la loi du 15 juin 2000. Néanmoins, les statistiques
montrent que les victimes ne sont pas satisfaites du traitement qui leur est accordé 1275. La
sanction pénale n’est pas comprise et a peu de sens pour elles. Les victimes comprennent,
le jour de l’audience, qu’elles n’ont aucune emprise sur elle. Désormais elles veulent
s’exprimer librement, être reconnues comme citoyennes à part entière, entendre ce que
l’auteur pense de la situation qui les unit. Il a été démontré que cela ne peut pas se passer
lors d’une audience pénale. C’est pourquoi il faut puiser dans le droit pénal des modalités
permettant à tous les protagonistes de l’infraction de trouver leur restauration.
Dans la première partie de cette étude1276, l’analyse de la phase d’application des peines a
permis de démontrer que la peine n’était pas une donnée à négliger dans le processus de
réparation de la victime. Néanmoins, il a également été démontré que son maintient de
façon active dans l’exécution des peines était dangereux. Il est donc intéressant d’analyser
maintenant la question de la peine et de la détention dans une nouvelle approche de la
victime d’infraction pénale, et dans un processus de restauration : une notion plus large que
la simple conception de réparation.
Il est possible aujourd’hui de contourner l’audience pénale (Section 1), et de sauvegarder
les intérêts de la victime dans la fixation et les modalités de la détention de l’auteur de
l’infraction (Section 2). Il faut garder à l’esprit que l’aide juridique, l’accès au droit et
l’aide aux victimes restent un préalable pour que le contournement de l’audience ou la
prise en compte de la victime lors de la détention soient une réussite.
342. Une vie sociale pénalisée à l’excès. La justice pénale est devenue en quelques
années une matière centrale dans la régularisation des conflits. De la dispute de voisinage à
l’agression sexuelle, elle doit gérer toute la détresse et l’hétérogénéité des demandes
formulées lors d’un dépôt de plainte. Sur le terrain, le système apparaît comme sclérosé et
1275
BENZAKRI (A), Les victimes de délit et le jugement de leur affaire : entre satisfaction et
incompréhension, Infostat Justice, Ministère de la justice et des libertés, décembre 2010, n°111.
1276
V. supra n° 203 et s.
271
les protagonistes de l’infraction pénale n’obtiennent pas la satisfaction souhaitée. Cette
satisfaction ne se conçoit plus seulement en terme de réparation matérielle. Mis en cause,
victime, société veulent comprendre le passage à l’acte. Ils ne peuvent plus se satisfaire
d’une audience pénale tronquée par la présence d’une partie civile suscitant l’émotion.
Elles veulent également obtenir des solutions pragmatiques, répondant au mieux à leur
besoin. Il faut un nouveau paradigme qui prendrait en considération, dans un premier
temps, les mesures existantes dans le droit pénal. Se sera seulement dans une deuxième
phase de réflexion qu’il sera possible de se projeter sur un autre paradigme : la justice
restaurative. Ce paradigme peut se caractériser par la dépénalisation au profit du juge civil
(§1), et le droit de poursuite du procureur de la République (§2).
1277
Nous traiterons de la loi du 9 juillet 2010 dans le cadre de notre thèse : c’est à dire la restauration de la
victime en dehors du statut de partie civile.
Pour aller plus loin. V. en ce sens, BOURRAT GUEGEN (V.A), Vers l’instauration d’un dispositif efficace
de lutte contre les violences au sein du couple ? A propos de la loi du 9 juillet 2010, JCP G 2010, Aperçu
rapide, p 805 ; CROCQ (J.C), Le guide des infractions, Dalloz, 2011, pp. 236-240.
1278
C. pr. pén. Art. 41-1.
1279
Stage citoyenneté majeur, C. pén. art. 131-5-1 ; Stage citoyenneté mineur, art. 20-4-1, ord. n° 45-174, 2
février 1945 ; Travail d’intérêt général, C. pén. art. 131-8.
272
pragmatique : attribution de la jouissance du logement pour la victime, interdiction pour
l’auteur de porter une arme.... Il convient dans un premier temps de voir le cadre juridique
de la loi du 9 juillet 2010 (A), puis dans un deuxième temps la portée de la loi pour la
restauration de la victime (B).
1280
BEZIZ-AYACHE (A), Dictionnaire de droit pénal général et procédure pénale, op. cit., p. 136 ;
DELMAS-MARTY, Modèles et mouvements de politique criminelle, Economica, 1983, p. 169.
1281
WALGRAVE (L), La justice restaurative et la justice pénale : un duo ou un duel ?, op. cit., p. 287.
1282
CARIO (R), MBANZOULOU (P), La justice restaurative une utopie qui marche ?, op. cit., p. 11 ;
Conseil d’Etat, Rapport public 1991, La documentation française, 1992, n° 43, p. 19.
1283
N. C. P. C Art. 1136-3 et 1136-4.
273
L’ordonnance de protection est rendue pour une durée de quatre mois maximum, avec
possibilité de prolongation dans le cas où une requête en divorce a été introduite1284.
Les mesures de l’ordonnance de protection continuent à faire leur effet jusqu’à ce qu’une
ordonnance de non conciliation soit passée en force de chose jugée1285. Concernant l’aide
juridictionnelle, son régime est assoupli pour d’une part l’attribuer en urgence à la victime,
et d’autre part l’accorder à un étranger sans condition de résidence1286.
346. Une loi de circonstance. La lutte contre les violences faites aux femmes a été
déclarée grande cause nationale en 2010. La loi du 9 juillet 2010 a donc été promulguée
dans ce contexte1287. Elle conjugue subtilement et efficacement le droit civil avec le droit
pénal. Elle protège la victime, prévient les violences sans abandonner la répression de
l’infraction.
Les violences conjugales représentent un problème global ancré dans l’organisation de la
société, « une société inégalitaire dans la reconnaissance et l’application des droits de la
personne humaine »1288. La prise en compte des violences conjugales subit les divergences
d’opinion sur la considération des problèmes sociaux par le système pénal1289. Ainsi, les
victimes se sentent incomprises par des logiques pénales qui leur échappent. Elles ont le
souci premier d’être protégées et de faire cesser la violence1290. Il s’agit de leur principal
besoin de réparation. Porter le conflit conjugal dans une audience pénale crée souvent une
victimisation secondaire, car elle ne répond pas aux attentes de la victime1291. Des études
ont été menées au Canada sur le traitement de ces violences. Il en ressort que la mesure
alternative suscite autant de débats qu’en France1292. La réflexion menée en France depuis
1284
N.C.P.C Art. 1136-7 et C. civ. art. 515-12.
1285
Art. 1136-13 N.C.P.C
1286
Loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, art. 3 modifié par la loi du 9 juillet 2010.
1287
ROBERT (A.G), Loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux
femmes, aux violences au sein du couple et aux incidences de ces dernières sur les enfants, RSC, 2010, p.
911.
1288
GUILBERTEAU (A), De la femme victime de violences à la citoyenne blessée, in CARIO (R), Victimes
: du traumatisme à la restauration, op. cit., p. 107.
1289
FAGET (J), Le traitement des plaintes pour violences conjugales, in Les cahiers de la Sécurité Intérieure,
Institut des Hautes Etudes de la Sécurité Intérieure, Violences en famille, Conflits privés, Dire, Rendre
justice, Réparer, Paris, 1997, pp. 101-112.
1290
GAUDREAULT (A), La judiciarisation de la violence conjugale : regard sur l’expérience québécoise, in
CARIO (R), Victimes : du traumatisme à la restauration, op. cit., pp. 71-83.
1291
GAUDREAULT (A), ibid. ; MACLEOD (L), PICARD (C), Pour une intervention plus efficace du
système de justice pénale en matière de violence faite aux femmes, Ministère de la justice Canada,Sous-
direction de la recherche et du développement, Secteur de la politique, des programmes et de la recherche.
1292
MACLEOD (L), PICARD (C), ibid.
274
quelques années porte sur la complémentarité de la prise en charge entre champ civil et
champ pénal1293. Les victimes de violences conjugales déplorent souvent un manque de
cohérence entre le juge aux affaires familiales, le parquet et le juge pénal. La loi du 9
juillet 2010, introduisant l’ordonnance de protection, prend-elle en considération ces
réflexions ?
1293
CHERBIT (F), Une violence spécifique : les violences conjugales, in CARIO (R), Victimes : du
traumatisme à la restauration, ibid., pp. 84-101.
1294
C. civ. Art. 515-9.
1295
ROBERT (A.G), op. cit., p. 911 ; MESTROT (M), MARROCCHELLA (J), Violences conjugales : vers
un droit spécifique ?, Blog Dalloz, 13 juillet 2010.
1296
C. civ. Art. 515-11.
1297
C. pén. Art. 138.
1298
C. pén. Art. 132-45.
1299
Le domicile conjugal est attribué à la victime. CROCQ (J.C), op. cit., p. 237.
1300
VERGES (E), Un corpus juris des droits des victimes : le droit européen entre synthèse et innovations,
RSC, 2013, p. 121 ; ROBERT (A-G), Loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites
spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les
275
violences conjugales se trouvaient démunies face à une telle infraction. Bien souvent
obligées de s’enfuir, elles devaient attendre une audience pénale pour obtenir satisfaction :
que l’auteur ne rentre plus en contact avec elle, que des armes lui soient confisquées...
Concernant le logement, les modalités d’exercice de l’autorité parentale, la victime devait
introduire une demande en divorce auprès du juge aux affaires familiales. Dans le cadre de
l’ordonnance de protection, il a été démontré que la victime pouvait être réparée de façon
pragmatique. L’audience pénale s’efface au profit du juge aux affaires familiales,
maîtrisant le cadre tant pénal que civil. Mais peut-on parler de complémentarité entre le
droit pénal et le droit civil ?
348. La complémentarité entre le champ civil et le champ pénal. Si le mis en cause
qui a fait l’objet d’une ordonnance de protection ne se conforme pas à ses obligations, il est
sanctionné d’une peine de deux ans d'emprisonnement et de quinze mille euros
d’amende1301. Dans le cas où le mis en cause ne notifie pas son changement d’adresse,
rendant le versement de la pension alimentaire impossible, il peut être condamné à six
mois d’emprisonnement et sept mille cinq cent euros d’amende1302. La sanction pénale
vient donc compléter les dispositions civiles pour optimiser la restauration de la victime de
violences conjugales.
349. Une réforme pilote. Les violences conjugales ont toujours été considérées
comme des violences graves. C’est d’autant plus le cas que depuis 2010 les violences
habituelles sur conjoint, concubin ou partenaire sont des circonstances aggravantes1303. Les
violences conjugales créent une dépendance affective, sociale et financière1304. Cela
débouche pour la victime sur une perte d’autonomie1305. Le préjudice extra-patrimonial est
beaucoup plus important que le préjudice patrimonial. L’éviction du conjoint violent, les
peines encourues dans le cas de l’irrespect de l’ordonnance de protection, la rapidité de la
procédure sont des éléments de satisfaction et de restauration1306.
Voilà encore quelques années, les violences conjugales ne pouvaient se concevoir
autrement que devant le prétoire pénal. La constitution de partie civile était seule garante
d’une réparation effective, mais symbolique. La loi du 9 juillet 2010 ouvre une voie non
enfants, RSC, 2010, p. 911 ; LASBAT (M), Les violences conjugales : aspects psychologiques, AJ pén.
2011, p. 182.
1301
C. pén. Art. 227-4-2.
1302
C. pén. Art. 227-4-3.
1303
C. pén. Art. 222-14.
1304
LASBAT (M), Les violences conjugales : aspects psychologiques, op. cit., p. 182.
1305
ROBERT (A.G), op. cit., p. 912.
1306
ROBERT (A-G), ibid., p. 911
276
négligeable à un nouveau paradigme du droit pénal, une nouvelle dynamique où la victime
peut être restaurée de façon pratique. La dépénalisation atteint son objectif en ce qu’elle
crée une complémentarité entre cadre pénal et cadre civil. L’ordonnance de protection
démontre qu’il est possible aujourd’hui de bouleverser les certitudes ; pour la victime, il est
possible de faire oeuvre de justice sans peser sur le procès pénal.
Fort de cette expérience, il serait opportun de travailler sur une réforme identique en
élargissant la mesure à toutes les violences intra-familiales et à d’autres violences
volontaires, tout en gardant le schéma type de l'ordonnance de protection :
complémentarité entre sanction pénale et restauration.
350. Un cadre pour mener à bien la réforme. Il est facile de comprendre que la
victime ne peut apprécier seule les bienfaits de l’ordonnance de protection. Sa technicité
doit être maîtrisée pour lui être restituée. L’aide aux victimes doit faire le relais de cette
réforme auprès de la victime. Pour ce faire, les associations d’aide aux victimes doivent
consolider leur partenariat avec les avocats et le juge aux affaires familiales de leur
ressort1307. Sur le terrain le constat n’est pas probant, peu de juges aux affaires familiales
sont saisis d’une ordonnance de protection1308. Par manque d’informations, les victimes ne
sollicitent pas cette mesure et gardent le réflexe du dépôt de plainte.
La loi du 9 juillet 2010 apparaît comme impérieuse dans la recherche de la restauration de
la victime en dehors du statut de partie civile. Elle permet de contourner astucieusement le
procès pénal. Dans le même esprit, la composition pénale permettrait, avant une audience,
de trouver la restauration la plus optimale pour la victime. Mais peut-elle être aussi
efficace et complémentaire que l’ordonnance de protection ?
351. La mal aimée. La composition pénale, créée en 1999, a toujours été mal
considérée1309. Les réformes successives ont même voulu l'évincer1310. Mais la
1307
L’INAVEM a transmis, dans le courant de l’année 2011, un protocole à conclure avec le juge aux affaires
familiales pour mettre en place un suivi de la victime durant la mise en place de l’ordonnance de protection.
1308
FLEURIOT (C), Les avocats hésitent parfois à utiliser l’ordonnance de protection, Dalloz Actualité, 15
février 2012 ; BAZIN (E), Violences familiales, Rép. Civ., Septembre 2012.
1309
DANET (J), GRUNVALD (S), Brèves remarques tirées d’une première évaluation de la composition
pénale, AJ Pén., 2004, p. 196.
1310
Notamment la Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité (CRPC).
277
composition pénale est bien présente et cela pour la grande satisfaction des juristes
oeuvrant pour une restauration de la victime en dehors du statut de partie civile. Va t-elle
être aussi impérieuse que l'ordonnance de protection ? Pour y répondre il faut analyser le
cadre juridique de la composition pénale (A), puis envisager l'impact de la composition
pénale sur la restauration de la victime (B).
Pour aller plus loin. En ce sens, LE GUNEHEC (F), Présentation de la loi n° 99-515 du 23 juin 1999,
première partie : dispositions relatives aux alternatives aux poursuites, JCP 1999, actualités, p. 1325 ;
PRADEL (J), Une consécration du plea bargaining à la française : la composition pénale instituée par la loi
n° 99-515 du 23 juin 1999, D. 1999, p. 379.
1311
Pour aller plus loin. Sur les mesures alternatives aux poursuites : GIACOPELLI (M), Les procedures
alternatives aux poursuites, RSC, 2012, p. 505.
1312
C. pr. pén. Art. premier et art. 40, CROCQ (J.C), Le guide des infractions, op. cit., p. 174.
1313
Devant le tribunal correctionnel.
1314
Convocation par officier ou agent de police judiciaire (C. pr. pén. art. 390-1) ; Convocation par procès
verbal (C. pr. pén. art. 394) ; comparution immédiate (C. pr. pén. art. 395) ; comparution sur reconnaissance
préalable de culpabilité, CRPC (C. pr. pén. art. 495-7) ; citation directe (C. pr. pén. art. 388 et 531) ;
ordonnance pénale (C. pr. pén. art. 524 et 495).
1315
Notamment la médiation pénale, le travail d’intérêt général, le stage citoyenneté, l’obligation de réparer
les dommages causés.
278
ont chacune un pouvoir restauratif différent. Pour l’une, elle s’entend dans le cadre strict
de la justice pénale actuelle : la composition pénale. Pour les autres elles se conçoivent
dans le prisme d’une justice complémentaire, la justice restaurative.
353. Le domaine juridique de la composition pénale. Tant que l’action publique n’a
pas été déclenchée, le procureur de la République peut proposer une composition
pénale1317. Cette composition pénale peut être assurée par un délégué du procureur de la
République, un médiateur, un officier de police judiciaire1318. La composition pénale
concerne les délits punis d’une peine inférieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement1319 ;
elle est également applicable pour les mineurs d’au moins treize ans1320.
Un document écrit, signé par le procureur de la République, fait état de la composition
pénale avec le quantum des mesures proposées1321. Le mis en cause est prévenu de la
composition pénale et de la possibilité de se faire représenter par un avocat. La victime,
quant à elle, est également informée de la composition pénale par procès verbal 1322. Cette
proposition, depuis le 5 mars 20071323, est accompagnée obligatoirement d’une proposition
d’indemnisation dans un délai de six mois, à condition toutefois que la victime soit
identifiée. Celle-ci peut être assistée d’un avocat et bénéficier de l’aide juridictionnelle.
Chacune des parties peut obtenir la copie de toutes les pièces de la procédure, sans
solliciter l’autorisation du procureur de la République1324.
354. Les modalités de la composition pénale. En complément de l’obligation
d’indemniser la victime, le procureur de la République peut proposer1325 : une amende, le
dessaisissement de la chose ayant servi à commettre l’infraction ou qui en est le produit, la
remise du véhicule, la remise du permis de conduire, un travail d’intérêt général, suivre un
stage ou une formation dans un service sanitaire et social, ne pas émettre de chèque durant
un délai inférieur ou égal à six mois, ne pas paraitre dans le lieu où l’infraction à été
commise pendant un délai inférieur ou égal à six mois, ne pas rencontrer et entrer en
1316
V. infra n° 460.
1317
C. pr. pén. Art. 41-2 al. 1.
1318
C. pr. pén. Art. 15-33-38.
1319
C. pr. pén. Art. 41-2 et 41-3.
1320
Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance ; art. 7-2 de l’ordonnance du 2
février 1945.
1321
C. pr. pén. Art. 15-33-40.
1322
C. pr. pén. Art. R 15-33-39.
1323
Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.
1324
C. pr. pén. Art. R 155 ; Décret n° 2001-689 du 31 juillet 2001.
1325
C. pr. pén. Art. 41-2.
279
relation avec la victime pendant un délais inférieur ou égal à six mois, ne pas rencontrer ou
recevoir ses complices pendant un délai inférieur ou égal à six mois, ne pas quitter le
territoire pendant un délai inférieur ou égale à six mois, accomplir un stage citoyenneté,
dans le cas de violences conjugales ne pas paraître au domicile conjugal, accomplir un
stage de sensibilisation à l’usage de stupéfiants, s’insérer professionnellement, se
soumettre à un mesure d’injonction thérapeutique.
355. Le dénouement de la composition pénale. Deux situations peuvent apparaître,
soit la composition pénale aboutit, soit c’est un échec.
En premier lieu, si la composition pénale réussit, le président du tribunal de grande
instance est saisi par requête, en vue de valider la composition pénale1326. La requête
comprend l’intégralité de l’enquête1327. Il en informe le mis en cause et la victime. Le
président du Tribunal de Grande Instance peut déléguer cette tâche au juge de
proximité1328. S’il le juge utile, il peut auditionner les parties de façon non publique1329.
Jusqu’en 2002, l’audition des protagonistes de l’infraction était de droit à leur demande1330.
Enfin, il rend une ordonnance validant la composition pénale, elle est notifiée à la victime
et à l’auteur1331. L’ordonnance de validation est rendue en premier et dernier ressort. Les
mesures décidées peuvent être mises à exécution1332. Dans le cas où une réparation
financière a été décidée, la victime peut recouvrir les sommes selon la procédure
d’injonction de payer1333.
En second lieu, la composition pénale peut être un échec. Si le président du Tribunal de
Grande Instance ne valide pas la composition pénale, le procureur met en mouvement
l’action publique. Cet échec peut résulter également du refus de l’auteur d’être soumis à la
composition pénale, ou de son inexécution partielle. Dans la poursuite du mis en cause, il
1326
C. pr. pén. Art. 41-3 ; du moment que l’auteur des faits a donné son accord aux mesures proposées par le
procureur de la République, ce dernier est tenu de saisir le président du tribunal pour faire valider la
composition : Crim. 20 nov. 2007, Bull. crim. n° 287. Jean PRADEL estime qu’il s’agit d’une validation et
non pas d’une homologation (PRADEL (J), Vers un « aggiornamento » des réponses de la procédure pénale à
la criminalité. Apports de la loi n° 2004-204 dite Perben II, JCP 2004, I. 132, n° 22.
1327
C. pr. pén. Art. R 15-33-6.
1328
C. pr. pén. Art. 41-2 et 41-3.
1329
C. pr. pén. Art. R 15-33-47.
1330
AMBROISE-CASTERO (C), Rôle éventuel des tiers, Rép. pén., oct. 2006, n° 122 ; Loi n° 2002-1138 du
9 septembre 2002.
1331
C. pr. pén. Art. R 15-33-50.
1332
C. pr. pén. Art. R 15-33-50 al. 2.
1333
C. pr. pén. Art. 41-2 renvoyant au N.C.PC. Art. 1405 à 1425.
280
est tenu de la réparation effectuée envers la victime1334. La composition pénale n’est donc
pas un échec total. La prescription de l’action publique est interrompue par la mise en
oeuvre et l’exécution de la composition pénale1335. Au terme de l’article 41-2 du code de
procédure pénale, « l’exécution de la composition pénale éteint l’action publique. Elle ne
fait cependant pas échec au droit de la partie civile de délivrer citation directe devant le
tribunal correctionnel ».
356. Le délégué du procureur de la République. Pour mener à bien la composition
pénale, le procureur de la République nomme des délégués1336. La doctrine est très critique
face aux fonctions de ces délégués1337. Elle estime que les délégués du procureur ont une
dépendance trop importante envers les parquets. Ils doivent adopter le point de vue du
procureur de la République sur l’optique de la composition pénale. Cela peut avoir comme
conséquence de dénaturer son potentiel restauratif. Cette remarque est renforcée par l’idée
que les délégués du procureur peuvent être des retraités d’une profession à caractère
sécuritaire : gendarme, policier, Officier de Police Judiciaire… Ainsi, ils auront plus de
mal à concevoir la composition pénale comme une mesure restaurative permettant
d’extraire la victime du prétoire pénal1338.
Aux termes de la circulaire du 16 mars 20041339, les délégués du procureur ne peuvent
organiser des négociations entre la victime et l’auteur, contrairement à la médiation pénale
qui se conçoit en terme de justice restaurative. De plus, si la victime conteste
l’indemnisation, ils ne peuvent statuer sur sa modification. La circulaire précise qu’en
matière de réparation, leur marge de manœuvre doit rester étroite. Par cette réduction de
ses prérogatives, le potentiel de la composition pénale en terme de réhabilitation de la
victime est restreint. Une professionnalisation des délégués du procureur de la République,
une meilleure formation en victimologie et criminologie, permettrait de leur octroyer plus
de pouvoir. Cela aurait pour conséquence une optimisation de la composition pénale.
1334
C. pr. pén. Art. 41-2.
1335
CROCQ (J.C), op. cit., p. 214.
1336
C. pr. pén. Art. R 15-33-30 à R 15-33-37 ; nous le verrons plus tard dans cette étude, les médiateurs sont
nommés dans les mêmes conditions. Ainsi, nous retrouvons les même problématiques liées à la non
professionnalisation des délégués par exemple.
1337
PIGNOUX (V), op. cit., p. 621 ; GIUDICELLI (A), Repenser le plaider coupable (suite) : le conseil
d’Etat s’oppose à la policiarisation de la procédure, RSC, 2006, p. 638 ; DANET (J), Le rappel à la loi,
préambule ou alternative aux poursuites, au choix du minstère public, RSC, 2011, p. 660 ; sur la même
réflexion concernant le médiateur pénal, V. en ce sens FAGET (J), La double vie de la médiation, Droit et
société, 1995, pp. 25-38.
1338
CHAPAPRIA (M), Le délégué du procureur, RPDP, 2005, n° 4, p. 845-841.
1339
CRIM 2004-03 E5/16-03-04 NOR : JUSD0430045C.
281
357. Un cadre juridique performant. Le cadre juridique de la composition pénale
permet à la victime d’obtenir, en plus d’une réparation matérielle, une réparation extra-
patrimoniale correspondant spécifiquement à son préjudice : dessaisissement de la chose à
l’origine de l’infraction, interdiction pour l’auteur de rencontrer la victime, se soumettre à
une injonction de soin, interdiction de revenir au domicile conjugal pour le conjoint
violent. De plus, depuis la loi du 9 mars 2004, la composition pénale est possible pour les
délits punis d’une peine d’emprisonnement maximum de cinq ans. Avant cela, elle était
possible pour une peine d’emprisonnement maximum de trois ans. Ainsi, la composition
pénale peut être ordonnée pour des délits plus graves1340 : violences volontaires, menaces
de mort, destruction ou dégradation d’un bien, violences conjugales... Elle permet
également un traitement rapide de la restauration de la victime, et de l’infraction pénale.
S’agissant du réglement des dommages et intérêts, la composition pénale permet de
solliciter la procédure d’injonction de payer. Cette procédure est beaucoup plus rapide et
plus simple que l’établissement d’un dossier en fonds de garantie CIVI ou SARVI, qui
peuvent refuser l’indemnisation à cause des ressources de la victime, ou de l’impact de
l’infraction insuffisamment important. La victime devra revenir lors d’une audience pour
justifier à nouveau de son préjudice1341. Fort de ce constat théorique, quel peut être
l’impact de la composition pénale sur la restauration de la victime ?
1340
CERE (J.P), De la composition pénale à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité : le «
plaider coupable » à la française, AJ Pén., 2003, p. 45.
1341
Pour aller plus loin sur l’indemnisation du fonds de garantie V. En ce sens CROCQ (J.C), op. cit., pp.
269-276 ; V. supra n°182 et s.
1342
Juger vite, juger mieux ?, rapport d’information fait au nom des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du Règlement et d’administration générale par la mission d’information sur les procédures
accélérées de jugement en matière pénale, Sénat, http://www.senat.fr/rap/r05-017/r05-0177.html ; la
réparation peut revêtir la forme d’une lettre d’excuse.
282
tribunal correctionnel sur intérêts civils1343. La phase de jugement pénal n’aura qu’un
caractère civil, préservant ainsi l’essence même de la sanction pénale.
La composition pénale devrait plus instamment impliquer la victime. La confrontation
avec l’auteur pourrait contribuer à une réparation symbolique du trouble causé1344. Ce
dernier point reste très critiquable. En effet, il ne faut pas que les travers de l’idéologie
victimaire touchent les mesures alternatives aux poursuites comme elles dénaturent déjà
l’audience pénale. La victime ne peut pas être le centre de toute mesure pénale. Chaque
mesure alternative, chaque mode de dépénalisation doit avoir une finalité spécifique. Ainsi,
sans trop anticiper sur la suite, il est possible de dire par exemple que la médiation pénale
s’inscrit dans le cadre d’une justice restaurative, tout comme le stage citoyenneté. En
revanche, la composition pénale a pour finalité un traitement rapide de l’infraction pénale
et une réparation pragmatique de la victime. Dans le même état d’esprit, l’ordonnance de
protection traitera plus spécifiquement des violences intra-familiales1345. Par exemple, la
composition pénale peut intervenir plus spécifiquement pour les dédommagements «
raisonnables »1346 ou plus symboliques. Accorder à la victime une place importante dans le
processus de composition pénale aurait pour conséquence de brouiller les différences de
finalité entre médiation pénale et composition pénale ; ce serait également l’occasion de
superposer des mesures pénales, au risque de les stéréliser.
359. Le manque de cohérence des parquets. Sur le terrain, il existe des différences
significatives dans la mise en pratique des compositions pénales1347. En premier lieu
s’agissant de la personne qui est désignée pour assurer la composition pénale, puisqu’il
peut s’agir soit d’un officier de police judiciaire, soit d’une association, soit d’un délégué
du procureur de la République. La gestion de la mesure sera donc différente, suivant la
qualité de la personne qui en a la charge, en dépit du cadre précis posé par le procureur de
la République.
1343
C. pr. pén. Art. 41-2 : « L’exécution de la composition pénale éteint l’action publique. Elle ne fait
cependant pas échec au droit de la partie civile de délivrer citation directe devant le tribunal correctionnel
dans les conditions prévues au présent code. Le tribunal composé d’un seul magistrat exerçant les pouvoirs
conférés au président ne statut alors que sur les seuls intérêts civils au vu du dossier de la procédure qui est
versé débat ».
1344
Juger vite, juger mieux ?, ibid.
1345
V. supra n° 343.
1346
Selon le terme de la directive générale de mise en oeuvre de la procédure de composition pénale diffusée
par le parquet de Bourg-en Bresse, in Juger vite, juger mieux, op. cit., note 58.
1347
DANET (J), GRUNVALD (S), Brèves remarques tirées d’une première évaluation de la composition
pénale, op. cit., p. 196 et s.
283
Le mode d’application de la composition pénale varie également d’une juridiction à une
autre. En 20051348, une mission du Sénat mettait en évidence une gestion différente selon le
lieu du parquet en charge de la composition. Ainsi, à Reims les dossiers avec victimes
étaient soumis à la composition pénale pour des préjudices dont le montant était plafonné.
A Laval, lorsque la victime avait subi un préjudice, la composition pénale était exclue. A
Nîmes ou à Toulon, la composition pénale ne pouvait concerner que des victimes
personnes morales : mairie, commerces... La mission terminait son rapport par une
préconisation : « Plus fondamentalement, plutôt que de se préoccuper exclusivement de
juger plus vite, la vitesse d’exécution devenant le premier critère d’une bonne justice, ne
conviendrait-il pas mieux d’explorer, enfin, les voies d’une déjudiciarisation des relations
sociales ? »1349.
En 2010, sur 1 418 566 affaires poursuivies, les compositions pénales représentaient 5,1 %
des ces affaires ; en moyenne, chaque année, les compositions pénales augmentent de
10%1350. Il existe donc une véritable nécessité d’harmoniser les pratiques pour ne pas créer
des inégalités entre justiciables. Une victime n’a pas à être mieux ou plus mal considérée
d’un parquet à un autre.
360. Un potentiel à exploiter1351. Le potentiel restauratif de la composition pénale
n’est pas négligeable. Cette remarque trouve sa source dans la satisfaction des participants
à une telle procédure pénale. Les parquets enregistrent des taux d’exécution des
compositions pénales de plus de 90%1352.
Les mis en cause se disent en grande majorité satisfaits de la composition pénale 1353. Ils se
sentent écoutés. Les victimes, quant à elles, semblent plus nuancées. Les juges constatent
que les demandes d’indemnisation sont souvent audacieuses et mal fondées. Ce dernier
point rappelle qu’il faut préparer la victime à ce genre de mesures. Elle doit être consciente
1348
Juger vite, juger mieux ?, op. cit. Malheureusement aucune autre mission aussi pertinente n’a été menée
en la matière. Néanmoins, sa sagacité nous permet de tirer des conclusions. De plus, par l’expérience de
terrain nous pouvons constater que ces disparités perdurent aujourd’hui (parquet de Villefranche sur saône,
Bourg en Bresse, Lyon).
1349
Juger vite, juger mieux ?, op. cit., p. 106.
1350
Les chiffres clés de la justice 2012, Ministère de la Justice et des liberté. http://www.justice.gouv.fr
1351
Les données développées sont extraites des sources suivantes : DANET (J), GRUNVALD (S) Brèves
remarques tirées d’une première évaluation de la composition pénale, op. cit. ; DANET (J), GRUNVALD
(S), La composition pénale, une première évaluation, L’Harmattan, Bibliothèque de Droit Pénal, 2004.
1352
DANET (J), GRUNVALD (S) Brèves remarques tirées d’une première évaluation de la composition
pénale, op. cit., p. 198.
1353
DANET (J), GRUNVALD (S) Brèves remarques tirées d’une première évaluation de la composition
pénale, ibid., p. 199.
284
de ce qu’elle peut retirer de la composition pénale. L’accompagnement doit se faire en
partenariat avec les structures d’aide aux victimes et les avocats. Il est important de
rappeler que l’aide juridictionnelle est accordée en matière de transaction. Ainsi, la victime
en précarité sociale pourra solliciter l’assistance d’un avocat dans cette procédure.
La composition pénale mérite, au regard de son potentiel restauratif, d’être améliorée. Il est
nécessaire de prendre en considération les remarques formulées précédemment. Dans le
sens de cette étude, la composition pénale a vocation à devenir une mesure stratégique
pour une réparation pragmatique de la victime. Elle peut également servir de transition
dans la mise en place d’une justice restaurative structurée, codifiée. L’élargissement opéré
en 2004 aux délits punis de cinq ans d’emprisonnement maximum étend par la même
occasion le nombre de victimes pouvant bénéficier de la composition pénale.
Son champ d’application et celui de la Comparution sur Reconnaissance Préalable de
Culpabilité, dite CRPC1354, sont perçus comme concurrentiels ; une concurrence qui laisse
présager une disparition probable de la composition pénale1355. S’il est vrai que le cadre
pénal est le même1356, la finalité est différente. Dans le cadre de la politique pénale
actuelle, il a été démontré que la composition pénale met à la disposition du parquet une
palette de mesures permettant une restauration pragmatique pour la victime. La CRPC
quant à elle n’est qu’une audience pénale tronquée, avec le passage d’un accord entre le
Parquet et le mis en cause, et une homologation devant un juge où la victime peut se
constituer partie civile1357. La composition pénale n’est pas parfaite mais elle est
perfectible ; il n’est nul besoin de réforme pénale, mais simplement d’une meilleure
cohérence dans l’application de la mesure. Il est également nécessaire de changer les
mentalités pour que la composition pénale se conçoive comme une mesure alternative aux
poursuites à vocation restaurative.
Pour s’en tenir seulement à l’ordonnance de protection et à la composition pénale, la
démonstration est sans appel : il est possible de traiter les résonances de l’infraction pénale
pour la victime en dehors du statut de partie civile, de façon pré-sententielle. Bien entendu,
lorsque le dédommagement est trop important et nécessite des expertises, une audience
civile ou pénale, statuant sur les intérêts civils seulement, a plus de sens ; en tout état de
1354
Pour aller plus loin. Concernant la CRPC v. infra n° 460.
1355
CERE (J.P), op. cit.,
1356
C. pr. pén. Art. 495-7, la CRPC trouve à s’appliquer pour les délits dont la peine d’emprisonnement
encourue est maximum de cinq ans.
1357
CROCQ (J.C), Le guide des infractions, op. cit., pp. 217-226 ; DANET (J), La CRPC : du modèle
législatif aux pratiques... et des pratiques vers quel(s) modèle(s) ?, op. cit.
285
cause, les dispositions du code pénal et du code de procédure pénale sont opérationnelles.
Se sont, en réalité, les mentalités et les pratiques professionnelles qu’il faut changer. Est-il
possible de procéder au même constat concernant les obligations tirées du procès pénal
lorsque la victime ne s’est pas constituée partie ?
361. Une probable satisfaction post-sententielle. « Pour que n’importe quelle peine
ne soit pas un acte de violence exercé par un seul ou par plusieurs contre un citoyen, elle
doit absolument être publique, prompte, nécessaire, la moins sévère possible dans les
circonstances données, proportionnée au délit et déterminée par la loi »1359. Il faudrait
également aujourd’hui ajouter : qu’elle soit pragmatique au regard des intérêts de la
victime. La constitution de partie civile n’est pas son seul mode de restauration. Le droit
positif lui offre l'opportunité d’obtenir satisfaction avant toute poursuite. La question qu’il
faut désormais se poser est de savoir si elle obtient la même satisfaction lors de la fixation
de la sanction pénale et des modalités de la détention.
Il a été analysé qu’en matière d’application des peines, il existait une difficulté à voir la
victime s’immiscer dans le processus d’exécution des peines1360. Néanmoins, il est acté
qu’en matière d’alternative à l’emprisonnement, il est indispensable que les intérêts de la
victime d’infractions pénales soient sauvegardés. C’est donc très logiquement qu’il faut se
poser les mêmes questions au moment de la détention. Bien que, faut-il encore le rappeler,
l’emprisonnement ne soit pas la peine la plus restaurative pour la victime et pour le
condamné. En tout état de cause, il semble que pour parvenir à une réponse, il faille
différencier dans les textes la notion de victime et la notion de partie civile. Il convient
1358
Pour aller plus loin. En matière d’exécution de la sanction pénale, V. en ce sens, BEZIZ-AYACHE (A),
BOESEL (D), Droit de l’exécution de la sanction pénale, Lamy, coll. Axe Droit, 2012 ; PONCELA (P),
Droit de la peine, PUF, coll. Thémis, 2e édition, 2001 ; HERZOG-EVANS (M), Droit de l’application des
peines, Dalloz-Sirey, coll. Dalloz Action, 2e édition, 2005.
1359
BECCARIA (C), Des délits et des peines, Flammarion, 2006, p. 179.
1360
V. infra n° 203 et s.
286
alors de voir la prise en compte de la victime dans la fixation de la sanction pénale (§1), et
la prise en compte de la victime lors de la détention (§2).
362. Le sens commun de l’audience pénale. Partant de l’idée que « ce qui est
familier n’est pas pour cela connu »1361, l’image d’une victime réhabilitée uniquement par
la constitution de partie civile doit être discutée. S’il a été démontré que la victime peut
être restaurée en dehors de ce statut, par l’aide aux victimes et en contournant l’audience
pénale, qu’en est-il des obligations résultant du procès pénal ? La réponse doit venir de
l’étude des modalités de fixation de la peine (A), et du sursis avec mise à l’épreuve1362 (B).
1361
CARIO (R), De la victime oubliée... À la victime sacralisée ?, AJ Pén., décembre 2009, p. 491.
1362
Sursis avec Mise à l’Epreuve (SME).
1363
LAVIELLE (B), JANAS (M), LAMEYRE (X), Le guide des peines, op. cit., p. 8.
287
Le but, à ce stade de l’étude, n’est pas de revenir sur l’analyse de la sanction pénale et de la
victime1364 ; mais plutôt sur l’étude de l’articulation entre la situation de la victime et la
fixation de la peine dans une nouvelle appréhension de la victime d’infraction pénale.
364. La protection des victimes. Dans une circulaire du 18 décembre 20001365, il
est souligné la nécessaire prise en compte de la victime dans l’individualisation de la peine
du condamné : « l’intérêt des victimes, tant en ce qui concerne les intérêts patrimoniaux de
celle-ci que ses intérêts moraux et sa sécurité » doit être pris en compte au stade de la
fixation de la peine.
La circulaire criminelle du 18 décembre 2000 rappelle que la victime, même si elle ne s’est
pas constituée partie civile, ne doit pas voir ses intérêts atteints 1366. Le juge d’application
des peines n’est-il que le juge du condamné ? Etant en charge des intérêts de la société, le
juge d’application des peines doit concilier les intérêts de la victime, de la société et du
condamné ; l’article 707 alinéa 2 du code de procédure pénale dispose que « l’exécution
des peines favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes,
l’insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive ». De
plus, l’article 712-16-1 alinéa 1 dispose que « préalablement à toute décision entraînant la
cessation temporaire ou définitive de l’incarcération d’une personne condamnée à une
peine privative de liberté avant la date d’échéance de cette peine, les juridictions de
l’application des peines prennent en considération les intérêts de la victime ou de la partie
civile au regard des conséquences pour celle-ci de cette décision ».
365. Les différentes manières de prise en compte des victimes. Il s’agit en
premier lieu de l’obligation d’indemniser les victimes. Au terme de l’article 132-45 5° du
code pénale, « la juridiction de condamnation ou le juge d’application des peines peut
imposer spécialement au condamné l’observation de l’une ou de plusieurs des obligations
suivantes : (…) 5° Réparer en tout ou partie, en fonction de ses facultés contributives, les
dommages causés par l’infraction, même en l’absence de décision sur l’action civile ».
La constitution de partie civile n’est donc pas un préalable à l’obligation d’indemniser la
victime. Cet article confirme bien l’idée que le statut de victime à lui seul génère des
droits. Sa présence dans le prétoire pénal est alors accessoire ; cette obligation
d’indemnisation s’entend également lorsque le condamné sollicite une libération
conditionnelle. Ainsi, lorsqu’il n’est pas établi que la victime a été entièrement indemnisée,
1364
V. supra n° 203 et s.
1365
CRIM 00-15/F1 du 18 décembre 2000.
1366
LAVIELLE (B), JANAS (M), LAMEYRE (X), Le guide des peines, Ibid.
288
le condamné est soumis à l’obligation de réparer1367. La situation financière du condamné
est prise en compte pour la périodicité et le remboursement des sommes dues à la victime.
La vérification de l’indemnisation des victimes de l’infraction pénale est dévolue au
Service Pénitentier d’Insertion et de Probation, dit SPIP.
En second lieu il s’agit du recueil d’informations auprès des victimes. Au stade de la
détention, les juridictions d’application des peines doivent s’assurer des conditions dans
lesquelles les victimes sont indemnisées. Ce recueil d’information est utile pour apprécier
les efforts du condamné. En se rapprochant du service de la comptabilité de l’établissement
pénitentiaire, la juridiction d’application des peine est à même de connaître le montant de
la part du compte nominatif réservé à l’indemnisation des victimes1368.
L’article D 320-1 du code de procédure pénale détermine le pourcentage des sommes
attribuées à la victime selon ce que gagne le condamné en détention. Par exemple, lorsque
le détenu gagne entre deux cents et quatre cents euros, il est attribué à la victime 20%.
Entre quatre cents et six cents euros lui est attribué 25%. Au delà de six cent euros ce sont
30% qui sont attribué à la victime1369.
Il faut reconnaître que ce système d’indemnisation n’est pas le plus pertinent pour la
victime. En effet, si la victime doit être indemnisée à hauteur de trois mille euros et que le
condamné gagne en prison entre deux cents et quatre cents euros, la victime perçoit quatre
vingt euros par mois. C’est à dire qu’il faut qu’elle attende trente sept mois avant de
recouvrir totalement son préjudice, soit pratiquement trois ans. Même si la prise en compte
du préjudice de la victime au stade de la détention, sans qu’elle se soit constituée partie
civile, est intéressant en terme juridique, elle reste peu effective.
La victime doit alors se tourner vers un autre mode d’indemnisation, comme le fonds de
garantie, avec les problèmes que cela génère1370.
366. L’information de la victime sur son droit à indemnisation. Il y a lieu ici de
différencier la situation de la partie civile et la situation de la victime. Concernant la partie
civile, elle peut être avisée des sommes que le détenu a consigné sur un compte en
détention. Elle peut alors demander le versement de ces sommes à son profit1371.
Pour la victime qui ne s’est pas constituée partie civile, l’article D. 49-69 du code de
procédure pénale dispose que : « la victime peut être avisée par le juge d’application des
1367
C. pr. pén. Art. D. 537.
1368
LAVIELLE (B), JANAS (M), LAMEYRE (X), Le guide des peines, op. cit., p. 960 et s.
1369
LAVIELLE (B), JANAS (M), LAMEYRE (X), Le guide des peines, ibid., § 623.153, p. 961 et s.
1370
V. en ce sens supra n° 181 et s.
1371
C. pr. pén. Art. D. 325 et D. 49-71.
289
peines de toute décision prévoyant son indemnisation dans le cadre d’un sursis avec mise
à l’épreuve, d’un sursis obligation d’accomplir un travail d’intérêt général, d’un suivi
socio-judiciaire ou d’une mesure d’aménagement de peine, et du fait qu’elle peut informer
ce magistrat en cas de violation par le condamné de ses obligations ». Autrement dit, pour
la victime ne s’étant pas constituée partie civile, l’information concernant son
indemnisation est effective et assurée par le juge d’application des peines.
367. L’information de la victime sur l’octroi d’un aménagement de peine.
« Les personnes condamnées à de courtes peines d’emprisonnement, qu’elles soient libres
ou incarcérées, peuvent bénéficier de procédures simplifiées d’aménagement de ces peines
(…) »1372. L’aménagement de peine, possibilité dont disposent tous les condamnés d’une
courte peine, peut prendre différentes formes1373 : la semi-liberté ; le placement à
l’extérieur ; le placement sous surveillance électronique ; le fractionnement de peine ; la
suspension de peine ; la libération conditionnelle ; la conversion1374.
Cet aménagement de peine peut également être assorti d’une interdiction de rentrer en
contact avec la victime. Le condamné peut également se voir interdire de paraître dans les
lieux fréquentés par la victime. Il n’est pas obligatoire que cette dernière se soit constituée
partie civile. Lorsque la victime est informée de l’aménagement de peine, elle a également
l’opportunité d’être accompagnée par une association d’aide aux victime : « lorsque la
juridiction d’application des peines informe la victime en application des dispositions de
l’article 712-16, elle l’avise de sa possibilité d’être assistée par une association d’aide aux
victimes »1375.
Depuis le décret du 28 décembre 20111376, l’article D 49-66 alinéa 2 dispose que
« Lorsqu'en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 712-16-2 ou de
l'article 745 la victime ou la partie civile doit être informée de la libération du condamné
intervenant à la date d'échéance de la peine ou de la date de fin de la mise à l'épreuve, le
juge de l'application des peines peut demander au service pénitentiaire d'insertion et de
probation saisi de la mesure de procéder à cette information ».
1372
C. pr. pén. Art. 723-14.
1373
C. pr. pén. Art 723-15.
1374
C. pén. Art. 132-57, La conversion est la possibilité pour le juge d’application des peines de surseoir à
l’exécution d’une peine de six mois d’emprisonnement au plus et de convertir cette peine en travail d’intérêt
général ou en jour amende.
1375
C. pr. pén. Art. D. 49-66.
1376
Décret n° 2011-1986 du 28 décembre 2011 modifiant le code de procédure pénale et relatif à l'application
des peines.
290
Si le condamné ne respecte pas les obligations qui résultent de l’aménagement de peine, la
victime peut le signaler directement au juge d’application des peines ou au procureur de la
République1377. Il faut néanmoins savoir que la victime peut ne pas être informée de
l’aménagement de peine dans trois cas : la personnalité de la victime ou de la partie civile
le justifie ; la victime ou la partie civile a fait connaître qu’elle ne souhaitait pas être avisée
des modalités d’exécution de la peine ; dans le cas d’une cassation provisoire de
l’incarcération du condamné d’une durée ne pouvant pas excéder la durée maximale
autorisée pour les permissions de sortie, soit dix jours1378.
1377
C. pr. pén. Art. D. 49-68.
1378
LAVIELLE (B), JANAS (M), LAMEYRE (X), Le guide des peines, op. cit., p. 966.
1379
C. pén. Art. 132-40.
1380
Etude menée entre 1998 et 2008. KENSEY (A), La réalité statistique des peines et mesures concernées
par l’obligation de soins, le suivi socio-judiciaire, AJ Pén., 2009, p. 58.
1381
Art. 6 loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 ; C. pén. Art. 132-41.
1382
C. pén. Art. 132-41 al. 2 ; sur l’exécution provisoire de la mise à l’épreuve, V. en ce sens, Crim. 28 sept.
1993 : Bull. Crim. n° 268.
1383
C. pén. Art. 131-36-6.
291
cas de récidive légale. En revanche il est suspendu en cas d’incarcération1384. Pour
optimiser le SME, le condamné obtient toutes les informations utiles sur les conséquences
d’un manquement aux obligations par la juridiction. Cette information concerne également
la possibilité pour lui de voir sa condamnation non avenue si sa conduite est
satisfaisante1385.
Pour que soit assuré le suivi du SME, le condamné doit se présenter au service
pénitentiaire d’insertion et de probation1386. Ce dernier détermine les modalités d’exécution
de la peine. Le condamné dispose de quarante cinq-jours pour comparaitre devant le SPIP
à compter de l’avis de convocation1387.
369. Les obligations à la charge du condamné. Pour que le SME soit le plus effectif
possible, le condamné doit se soumettre à certaines obligations durant le délai
d’épreuve1388. Ainsi, il doit répondre aux convocations du travailleur social et du JAP. Au
terme de l’article 741 du code de procédure pénale, le JAP peut faire venir le condamné à
lui par la force publique. Il doit également communiquer tous les documents utiles au
travailleur social, le prévenir de ses changements d’emploi et de résidence. Cette
communication est obligatoire pour tous les déplacements de plus de quinze jours. Lorsque
ces déplacements ont lieu à l’étranger, l’autorisation du JAP est requise. Une autorisation
qui est également obligatoire lorsque tout changement dans la situation du condamné est de
nature à faire obstacle à l’exécution de ses obligations.
Le SME est donc une mesure de contrôle sur le condamné qui comprend un aspect
éducatif1389. Comme la sanction-réparation, le SME a une finalité sociale, éthique et
politique. Cela est d’autant plus vrai pour ce qui concerne la sauvegarde des intérêts de la
victime.
370. Les intérêts de la victime dans la fixation du SME. Le SME présente un intérêt
tout particulier lorsqu’il s’agit de prendre en considération les besoins de la victime, sans
1384
C. pén. Art. 132-43 ; les mesures de surveillance et d’assistance attachées au sursis ne peuvent se
cumuler avec un emprisonnement ferme : Crim. 27 juin, 1984 : Bull. crim. n° 249 ; Gaz. Pal. 1985. 1. 169,
note Cadiot.
1385
C. pén. Art. 132-40.
1386
C. pr. pén. Art. 474, Service Pénitencier d’Insertion et de Probation (SPIP).
1387
C. pr. pén. Art. 474.
1388
Obligations notifiées par le JAP par procès verbal : C. pr. pén. art. 739, R. 58 et R. 59.
1389
Dans le cadre de la justice des mineurs, la commission présidée par Monsieur le professeur André
VARINARD décrit le SME comme la combinaison d’une peine et d’une sanction éducative. Il préconise de
généraliser cette combinaison. V. en ce sens, BONFILS (P), Présentation des préconisations de la
commission VARINARD, AJ Pén., 2009, p. 9.
292
qu’elle se soit constituée partie civile1390. Ainsi, le condamné doit1391 : établir sa résidence
en un lieu déterminé ; justifier qu’il contribue aux charges familiales ou acquitte
régulièrement les pensions alimentaires dont il est débiteur ; réparer en tout ou en partie, en
fonction de ses facultés contributives, les dommages causés par l’infraction, et ce même en
l’absence de décision sur l’action civile ; il doit s’abstenir de paraître en tout lieu
spécialement désigné ; s’abstenir d’entrer en relation avec certaines personnes, notamment
la victime de l’infraction ; remettre ses enfants entre les mains de ceux à qui la garde a été
confiée par décision de justice.
La loi du 4 avril 20061392 vient compléter le dispositif en créant une nouvelle circonstance
aggravante. Désormais, le condamné doit s’abstenir de paraître au domicile de son ancien
conjoint, concubin ou partenaire lié par un PACS1393 dans le cas où ils auraient subi des
violences. La circonstance aggravante s’applique également lorsque les violences sont
dirigées à l’encontre des enfants. Outre l’interdiction de paraître au domicile, le condamné
peut avoir l’obligation de se faire suivre au niveau sanitaire, social ou psychologique1394.
Concernant la réparation du dommage, si le condamné ne s’en acquitte pas volontairement,
une révocation du SME doit intervenir1395. Dans le même état d’esprit, pour l’abstention de
relation avec la victime, la Cour de Cassation a décidé qu’il était possible de cumuler une
obligation de ne pas paraître au domicile du conjoint et une obligation de verser des
dommages et intérêts : « le règlement d’une dette n’implique nullement l’établissement
entre le débiteur et le créancier de relations telles que visées à l’art. R. 58-12° » 1396.
371. Une prise en compte pratique des besoins de la victime. Le SME va beaucoup
plus loin que les mesures alternatives à l'emprisonnement. Il encadre strictement les
obligations du condamné. La victime trouve dans les modalités de mise à l’épreuve des
éléments pour obtenir une réparation patrimoniale et extra-patrimoniale effective. Par son
caractère éducatif, le SME prend également en compte les besoins de tous les protagonistes
1390
C. pén. Art. 132-45 5°.
1391
C. pén. Art. 132-45 2°, 4°, 5°, 9°, 13°, 17°, 19°.
1392
Loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple.
VIRIOT-BARRIAL (D), Commentaire de la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la
répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, D., 2006, p. 2350 ; REVEL (S),
Poursuites pénales sous la qualification aggravée d’« ex » : quelle défense ?, AJ Pén., 2010, p. 70.
1393
PActe Civil de Solidarité, C. civ. Art. 515-1 à 515-7.
1394
C. pén. Art. 132-45 3°.
1395
Crim. 30 mai 1996 : Gaz. Pal. 1996, 2, chron. crim. 167. ; Crim. 3 juin 1998 : Dr. pénal 1999, 109, obs.
MARRON.
1396
Crim. 3 févr. 1992 : Gaz. Pal. 1992, 2, Somm. 369.
293
de l’infraction pénale : il s’agit d’une veritable mesure restaurative. En revanche, les
interrogations suscitées par les mesures alternatives à l’emprisonnement se posent
également en matière de SME. Il faudrait sensibiliser les magistrats à la prise en compte
des intérêts des victimes, dès lors qu’elles ne se sont pas constituées parties civiles ; des
intérêts qui doivent être pratiques au regard des conséquences de l’infraction. Concernant
le délai de la mise à l’épreuve, trois années paraissent constituer un délai assez court,
notamment dans le cadre de violences intra-familiales où la restauration de la victime
prend du temps.
372. Une place à préciser. Dans le modèle actuel de justice pénale, la détention du
condamné met fin à la « relation » entre lui et la victime. Autrement dit, à l’origine de la
relation entre le condamné et la victime il existe un « lien » dont l’infraction pénale est le
fil conducteur. Tout au long de la procédure pénale ils ont l’occasion de se rencontrer :
confrontation devant les OPJ, confrontation devant le juge d’instruction, confrontation à
l’audience pénale que la victime soit témoin ou partie civile.
La condamnation, et notamment la détention, met fin au rapport entre les deux
protagonistes de l’infraction pénale. Néanmoins, la détention serait-elle l’occasion pour la
victime et le condamné de se rencontrer ? Dans l’affirmative, est-il possible de parler
encore de sanction pénale, de peine ? Il faut laisser ces questions pour l’instant en suspens.
Pour le moment il faut analyser la situation de la victime lors de la détention (A), puis
l’accès de la victime au juge lors de la détention (B).
373. Des droits pour la victime et pour la partie civile. Selon la loi du 24 novembre
20091397 : « le régime d’exécution de la peine de privation de liberté concilie la protection
de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime ».
Ces dispositions poussent clairement à dire que le droit positif prend autant en
considération les besoins des victimes que ceux des parties civiles. Ainsi, une victime qui
1397
Art. 1er, Loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.
294
n’aurait pas pu ou pas voulu se constituer partie civile, peut bénéficier de la protection liée
à la décision du juge d’application des peines dans les mêmes conditions que la partie
civile : interdiction pour le condamné de recevoir, rencontrer ou rentrer en relation avec la
partie civile ou la victime1398. De même, le juge d’application des peines, lorsqu’il statue
sur une liberté conditionnelle, prend automatiquement en compte les intérêts des victimes
et des parties civiles1399.
Suite à cette démonstration, il convient d’affirmer qu’il existe des droits reconnus à la
victime d’infractions pénales, dans la phase de détention du condamné. Ces droits sont
identiques à ceux de la partie civile.
374. Les droits reconnus à la victime d’infractions pénales en matière d’exécution
des peines. Les droits de la victime à l’occasion de la détention du condamné peuvent être
scindés en trois catégories : le droit à l’indemnisation, le droit à l’information, le droit à la
sécurité et la tranquillité.
375. Le droit à l’indemnisation. Il faut avant tout rappeler que demander une
réparation patrimoniale ne résume pas la démarche restaurative de la victime1400.
Néanmoins, c’est une phase de sa reconstruction à prendre en compte. Ainsi, la réparation
financière de la victime est une condition pour maintenir un aménagement de peine ou une
incarcération1401. Le détenu, et auteur des faits, doit donc démontrer sa volonté
d’indemniser la victime. Une volonté qui détermine, à plus ou moins long terme, les
différentes modalités de sa libération.
376. Le droit à l’information, la sécurité et la tranquillité. Ce droit est fondamental
dans le processus de réparation extra-patrimonial. Il a notamment été affirmé et renforcé
par la loi du 10 mars 20101402. Dans le cas d’une cessation temporaire ou définitive d’une
incarcération, la juridiction d’application des peines prend en considération les intérêts de
la victime. Cette dernière peut ainsi formuler des observations par écrit dans un délai de
quinze jours à compter de la notification de l’information qu’a donné la juridiction
1398
C. pr. pén. Art. 721-2.
1399
Crim. 7 nov. 2007 : Bull. crim. n° 269 ; Crim. 26 sept. 2007 : Bull. Crim. N° 227 ; AJ pén., 2008, p. 197,
note HERZOG-EVANS (M).
1400
C. pr. pén. Art. 712-16-1, HERZOG-EVANS (M), Les victimes et l’exécution des peines. En finir avec le
déni et l’idéologie, op. cit., p. 358 ; Crim. 26 sept. 2007, n° 07-81.644, AJ Pénal 2008, p. 197, obs.
HERZOG-EVANS (M).
1401
Notamment dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve.
1402
Chap. III, dispositions relatives aux interdictions de paraitre ou de rencontrer les victimes, L. n° 2010-
242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de
procédure pénale.
295
d’application des peines, si elle l’estime opportun1403. Ces dispositions sont
particulièrement plus importantes dans le cadre de délits où un risque pèse quant à la
rencontre de l’auteur des faits avec la victime. C’est le cas des violences conjugales, des
violences intra-familiales, des violences entre voisins...
La juridiction d’application des peines assortit « toute décision entraînant la cessation
temporaire ou définitive de l’incarcération d’une interdiction d’entrer en relation avec la
victime (...) et, le cas échéant, de paraitre à proximité de son domicile et de son lieu de
travail »1404. Cette décision prend en considération les intérêts de la victime ; le juge
d’application des peines peut décider de ne pas l’informer si elle est fragilisée par
l’infraction par exemple. Ce refus d’être informée peut également émaner de la victime
elle-même1405.
377. Violation des obligations imposées. Le juge d’application des peines peut
retirer en tout ou partie la possibilité de réduction de peine. Il peut également ordonner la
réincarcération du condamné1406. Cette possibilité lui est ouverte du moment que l’auteur
des faits ne respecte pas les obligations qui lui ont été imposées dans le cadre de l’article
712-6 du code de procédure pénale.
De plus, depuis la loi du 10 mars 20101407, le juge d’application des peines, ainsi que le
procureur de la République en cas d’urgence, peuvent solliciter les services de police et de
gendarmerie. Ces services peuvent également agir d’office, sans nécessité d’une
instruction des personnes sus visées. Ainsi, ils peuvent appréhender toutes les personnes
dont il existe des raisons plausibles qu’elles aient pu violer les conditions liées à une
mesure d’exécution de la peine1408. La loi vise plus spécialement l’interdiction d’entrer en
relation avec la victime, ou de paraître en un lieu, une catégorie de lieux ou une zone
spécialement désignés. La personne peut être retenue vingt-quatre heures dans les locaux
1403
C. pr. pén. Art. 712-16-1.
1404
C. pr. pén. Art 712-16-2.
1405
C. pr. pén. Art 712-16-2 al. 3.
1406
C. pr. pén. Art. 721-2.
1407
C. pr. pén. Art. 712-16-3.
1408
C. pr. pén. Art. 712-16-3 al. 1.
296
des services de police ou de gendarmerie1409. A l’issue de ce délai, elle peut également être
entendue par le juge d’application des peines sur la violation de ses obligations1410.
1409
Martine HERZOG-EVANS dit qu’il s’agit d’une forme de garde à vue de l’application des peines.
HERRZOG-EVANS (M), La loi « récidive III » : extension et aggravation de la « probation » obligatoire, D.
2010, p. 1428.
1410
C. pr. pén. Art. 712-16-3 al. 6 et 7.
1411
Pour aller plus loin. Sur les pouvoirs du JUDEVI avant le 05 février 2010 : BOUZIGUE (S), Le juge
délégué aux victimes : outil de communication ou amélioration du soutien des victimes ?, AJ Pénal, 2008, p.
361 ; GIUDICELLI (A), Le JUDEVI ou l’oubli de la symbolique de l’impartialité (cour de cassation, 20 juin
2008, Avis n° 0080005P, D. 2008. p. 1902, obs. LENA (M)), RSC, 2008 p. 633 ; LIENHARD (C), Le juge
délégué aux victimes, D. 2007, p 3120 ; ROUMIER (W), Première évaluation du juge délégué aux victimes,
Jurisclasseur, Droit pénal, n°12, décembre 2008, alerte 60.
1412
JAMIN (C), Avocats et juge délégué aux victimes : les méfaits de l’Etat paternel, D. 2007, p. 2228.
1413
CE, 5 fév. 2010, n° 312314.
1414
DE GRAEVE (L), Juridiction de l’application des peines, Rép. pén., juin 2011 ; CROCQ (J.F), op. cit., p.
269.
297
Désormais, le JUDEVI ne peut être saisi que par les victimes s’étant constituées partie
civile1415. Il vérifie si elles ont bien été informées de leurs droits à l’issue de l’audience,
notamment au regard de la possibilité de saisir la CIVI1416. Il coordonne également, dans le
ressort de son Tribunal de Grande Instance, l’aide aux victimes1417.
Ses prérogatives sont aujourd’hui bien réduites. Au regard des critiques formulées en 2007,
il n’est pas étonnant que ce magistrat n’ait pas trouvé sa place au sein de l'institution
judiciaire1418. La création du JUDEVI reflète exactement la dérive victimaire qui peut
toucher le droit pénal. Le mieux étant l'ennemi du bien, vouloir accorder trop de place à la
victime peut dénaturer et déséquilibrer tout un système. Désormais, les droits accordés à la
victime en matière d’exécution des peines sont effectifs.
Il serait souhaitable d’accentuer le travail du JUDEVI sur l’organisation et le soutien de
l’aide aux victimes, et plus précisément auprès des associations d’aide aux victimes.
Comme cela a été vu précédemment, de nouvelles prérogatives accordées au JUDEVI
permettraient d’alléger l'imbroglio que constitue la politique d’aide aux victimes.
Aujourd’hui, le travail du JUDEVI est peu cohérent, au regard des besoins des structures
locales d’aide aux victimes1419.
Dés lors, et très logiquement, c’est à la juridiction de l’application des peines de veiller aux
intérêts de la victime en même temps que ceux de la partie civile. En revanche, la victime
ne peut pas directement interférer sur la décision de la peine, elle n’a pas non plus à en
décider l’application.
379. Conclusion Chapitre deuxième. Désormais il existe une reconnaissance de la
victime en dehors du statut de partie civile et en dehors de la réparation exclusivement
financière. L’évolution législative permet de prendre en considération les besoins de la
victime dans les mêmes conditions que la partie civile. En 2001, la doctrine1420 déplorait la
prise en compte exclusivement patrimoniale de la réparation. Aujourd’hui, la réparation
extra-patrimoniale est effective et pragmatique. Elle permet, notamment, aux victimes de
1415
C. pr. pén. Art. D. 47-6-1, « Le juge délégué aux victimes veille, dans le respect de l'équilibre des droits
des parties, à la prise en compte des droits reconnus par la loi aux victimes ».
1416
C. pr. pén. Art. D. 47-6-12 et D. 48-3.
1417
C. pr. pén. Art. D. 47-6-13 et D. 47-6-14.
1418
BOUZIGUE (S), op. cit., p. 361.
1419
Notamment TGI de Villefranche sur saône et Bourg en Bresse.
1420
CARIO (R), La place de la victime dans l’exécution des peines, op. cit., p. 147 ; DI MARINO (G), Le
ministère public et la victime, Rev. pénit. dr. pén., 2001, pp. 451-463.
298
violences intra-familiales de vivre en sécurité après des actes dont le préjudice
psychologique est important.
Il a été démontré qu’au stade de l’exécution de la peine, il existe désormais une véritable
reconnaissance de la victime en dehors du statut de partie civile. Cette reconnaissance est
également constatée lors du choix de la sanction pénale. Mais dans cette phase de la
procédure pénale, en prenant en considération une nouvelle appréhension de la victime, un
travail d’accompagenement doit être réalisé : il s’agit de l’accès au droit.
L’évolution qui doit être amorcée tient en la formation des intervenants en matière d’aide
aux victimes et un développement des compositions pénales ; un financement solide et
pérenne des associations d’aide aux victimes et une cohésion de la politique pénale de
chaque parquet paraît indispensable1421. Il serait également souhaitable que les magistrats
soient plus sensibilisés au réel impact d’une constitution de partie civile et du potentiel des
instruments de la restauration : accès au droit, composition pénale, sursis avec mise à
l’épreuve… De plus, la professionnalisation de tous les intervenants dans le processus de
reconstruction de la victime est nécessaire.
La complémentarité opérée par l’ordonnance de protection entre le droit civil et le droit
pénal constitue un objectif à atteindre. Il faut sortir du conflit stérile qui oppose mis en
cause, victime, société. Leur instrumentalisation ne peut que déboucher sur une remise en
question des fondements du droit pénal, et une judiciarisation des affects toujours plus
importante. Fort de ces constats, le système pénal actuel peut tendre vers une restauration
effective de la victime d’infraction pénale, au travers de la justice restaurative.
1421
Notamment sur le déroulement des composition pénales et des médiations pénales.
1422
Pour aller plus loin. Pour pouvoir manipuler des textes étrangers sur la justice restaurative, V. l’excellent
travail de Philippe GAILLY : GAILLY (P), Collectif, La justice restauratrice, Larcier, Bruxelles, 2011 ;
GREBENYUK (I), Collectif, La justice restauratrice. Textes réunis et traduits par Philippe Gailly, Larcier,
Bruxelles, 2011, 472 pages, RSC, 2011, p. 526.
299
du droit pénal, de façon concomitante à l’intérêt grandissant pour les victimes, a fait de ces
dernières une partie au procès pénal. L’opposition est alors devenue tripartite, entre la
victime, la société et le mis en cause. Cela participe à la confusion entre conflits
interpersonnels et intérêts publics. La justice restaurative, quant à elle, conçoit l’infraction
pénale comme une relation interpersonnelle où les besoins de tous sont pris en compte1423.
Elle vient également dans le prolongement de l’aide aux victimes, où les associations
d’aide aux victimes sont alors au coeur du système. Les outils comme l’accès à la justice et
l’accès au droit peuvent être utilisés et adaptés à cette nouvelle politique pénale.
381. La justice restaurative, des attentes différentes. L’intégration d’une autre
justice, plus soucieuse de l’équilibre du système pénal est conditionnée par la conception
qu’a le juriste de la relation que doit entretenir la victime avec le droit pénal. Les uns la
conçoivent comme une justice autonome où tout peut se jouer à ce moment : réparation
patrimoniale et extrapatrimoniale, accompagnement psychologique et social ; les autres la
conçoivent comme une justice complémentaire en appui sur l’audience pénale où est
décidé de la responsabilité et de la peine. Ce travail de recherche se positionne pour une
justice complémentaire, intégrée au système pénal. La justice restaurative est également
complémentaire du volet civil que génère l’infraction en terme de réparation pécuniaire. Il
convient alors d’analyser comment la mise en place de la justice restaurative dans le
système pénal français doit procéder d’une composition entre l’un et l’autre. Il s’agit ainsi
d’étudier la justice restaurative et la politique pénale (Chapitre premier).
382. L’intégration de la justice restaurative dans le droit pénal français. Mettre en
exergue les problèmes soulevés par le rôle de la victime dans le système pénal, présenter la
justice restaurative sans pour autant démontrer comment cette justice peut s’intégrer dans
le droit pénal français, n’a pas de sens. Il est d’autant plus intéressant de noter que cette
intégration est, de fait, facilitée par la présence actuelle d’éléments de justice restaurative
dans le droit positif : médiation pénale, composition pénale. Les réforme pénales ont
développé des outils qui peuvent, par extrapolation, s’inscrire dans une démarche de
justice restaurative : comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, stages
citoyenneté majeurs et mineurs.... Fort de ce constat, il est possible d’examiner la justice
restaurative et le droit pénal (Chapitre deuxième).
1423
CARIO (R), MBANZOULOU (P), La justice restaurative une utopie qui marche ?, L’Harmattan, 2010,
pp. 9-32.
300
CHAPITRE PREMIER. Justice restaurative et
politique pénale
383. D’une justice autonome à une justice intégrée. La justice restaurative est une
conception ancienne du droit pénal, elle n’est pas d’origine anglo-saxonne comme il peut
être communément avancé1424 ; elle est conçue comme une justice autonome en dehors
d’un système pénal traditionnel de régulation des conflits sociaux. Ainsi, cette justice se
conçoit dans un premier temps comme un système de justice autonome (Section 1).
Dans le cadre de cette étude, le but est de proposer un nouveau paradigme de réhabilition
de la victime mais qui s'accommoderait du système pénal existant. Avant de parler
d’intégration, il faut analyser en quoi la justice restaurative peut être considérée comme un
système de justice homogène (Section 2).
1424
CARIO (R), MBANZOULOU (P), La justice restaurative une autopie qui marche ?, op. cit., pp. 9-32.
301
biais de la justice restaurative, c’est saisir son cadre conceptuel (A). Cela passe également
par l’analyse précise de son mode de fonctionnement, une analyse qui permet de concevoir
les conditions d’harmonisation de la justice restaurative avec la justice pénale française. Il
convient donc d’analyser également l’histoire de la justice restaurative (B).
1425
Sur une approche complète des différentes définitions de la justice restaurative, V. CARIO (R), Justice
restaurative, principales définitions, Rép. pén., mars 2010.
1426
ZEHR (H), The little book of restorative,Good Books Publication, 2002, p. 37 ; V en ce sens ZEHR (H),
Rétributive Justice, Restorative Justice, New Perspective on Crime and Justice - Occasionnal Papers Séries,
1985 ; Llewellyn (J), HOWSE(R), La justice réparatrice - Cadre de réflexion, Mémoire préparé pour la
commission du droit du Canada, 1999 (consultable à l’adresse suivante :
http://dalspace.library.dal.ca/bitstream/handle/10222/10287/Howse_%20Llewellyn%20Research%20Restora
tive%20Justice%20Framework%20FR.pdf?sequence=4)
302
aux conséquences de l’infraction ainsi qu’à ses répercussions futures »1427. Le terme de
processus convient, puisqu’il induit bien l’idée d’une évolution, ici en l'occurrence une
évolution vers la réhabilitation de tous les acteurs de l’infraction. En revanche pour
certains auteurs1428, ce terme de processus pose problème, puisque selon eux ce terme
restreint l’action de la justice restaurative. En d’autres termes, pour Lode WALGRAVE la
justice restaurative est plus qu’un processus dans le sens où elle ne fait pas que réhabiliter
mais elle sanctionne également. Il ajoute que l’application d’une justice restaurative
n’implique pas la présence des protagonistes. Ainsi, une action envers la victime
seulement, relève également de la justice restaurative. Cette vision résulte d’une
conception autonome de la justice restaurative : « elle est une optique sur la manière de
faire justice, orientée prioritairement vers la réparation des souffrances et dommages
causés par un délit »1429. La justice restaurative ne peut pas se concevoir comme une
justice autonome dans la mesure où elle n’a pas vocation à sanctionner mais à réhabiliter.
La sanction pénale, stricto sensu, doit se dérouler dans un prétoire pénal, avec les
exigences du droit pénal quant à la peine. Ainsi, la justice pénale et le droit pénal se
conçoivent dans une même politique, la politique pénale. De plus, penser la justice
restaurative, sans la présence des acteurs de l’infraction, n’a pas de sens et ne correspond
pas à la nature même de cette justice. Pour Mylène JACOUD, la justice restaurative peut se
concevoir dans un cadre formel ou informel, individuellement ou collectivement1430.
Enfin, pour Monsieur le professeur Robert CARIO la justice restaurative doit «
comprendre, a minima, les éléments suivants : conflit cristallisé par la violation d’une
valeur sociale essentielle, réparation des souffrances antérieures/ consécutives subies par
l’ensemble des protagonistes, processus de négociation par la participation volontaire de
tous, sous le contrôle d’un tiers professionnel habilité justice et en la présence d’un tiers
psychologique et social »1431.
1427
MARSHALL (T), Restorative Justice : an overview, In JOHNSTONE (G), A restorative justice reader.
Willan Publishing, 2003, pp. 28-45.
1428
Notamment WALGRAVE (L), La justice restaurative : à la recherche d’une théorie et d’un programme,
Criminologie, 1999, vol. 32, n°1 ; WALGRAVE (L), La justice restauratrice et les victimes, J.I.D.V., 2003,
n°4.
1429
WALGRAVE (L), La justice restaurative et la perspective des victimes concrètes, in JACOUD (N),
Justice réparatrice et médiation pénale. Convergences ou divergences ?, L’Hramattan Coll. Sciences
criminelles, 2003, p. 163.
1430
JACOUD (M), Justice réparatrice et violence, In DUMOUCHEL (P), Violences, victimes, vengeances,
L’Harmattan, PU Laval, 2000.
1431
CARIO (R), La justice restaurative : promesses et principes. A propos de l’oeuvre d’Howard Zehr, Les
petites affiches, 12 octobre 2004, n°204.
303
A la lumière de ces positions doctrinales, il est aisé de comprendre que la justice
restaurative se définit suivant l’orientation que l’on veut lui donner. Elle s’adapte,
s’interprète au gré des ambitions que l’on a pour elle et pour la justice pénale en général.
C’est ainsi que la justice restaurative ne peut pas s’imaginer comme une justice autonome
et unique, car elle s’applique différement dans divers pays et s’accommode de la justice
pénale existante.
Dans le cadre de ce travail de recherche, que faut-il retenir comme définition de la justice
restaurative ? Il est possible de proposer qu’elle corresponde à la recherche de la
restauration de l’harmonie sociale1432 par un concept englobant tous les protagonistes de
l’infaction, au sein d’un sytème pénal connu. Mais l’étude en présence peut se satisfaire de
la définition suivante : la justice restaurative est un « processus dans lequel la victime et le
délinquant et, lorsqu’il y a lieu, toute autre personne ou tout autre membre de la
communauté subissant les conséquences d’une infraction participent ensemble activement
à la résolution des problèmes découlant de cette infraction, généralement avec l’aide d’un
facilitateur »1433.
Les protagonistes de l’infraction pénale doivent être capables de comprendre qu’ils
appartiennent à la communauté humaine1434. De plus, concernant le cadre de l’infraction,
des études menées montrent que la justice restaurative ne s’applique pas seulement aux
petits délits, et peut s’exporter dans le cadre de crimes graves1435.
La reconnaissance internationale vient conforter cette définition. En 2005, au conseil de
l’Europe, les ministres de la justice se sont positionnés pour l’application de la justice
restaurative dans le système pénal : « le recours à l’emprisonnement fait peser un lourd
fardeau sur la société et occasionne des souffrances humaines. Le recours à des sanctions
et à des mesures appliquées dans la communauté, ainsi qu’à des mesures de justice
réparatrice, peut avoir un impact positif sur les coûts sociaux de la criminalité et de la lutte
contre celle-ci »1436. Dans le même ordre d’idées, une résolution a été adoptée en 2002 par
1432
CARIO (R), MABANZOULOU (P), op. cit., p. 11.
1433
Conseil Economique et social, Commission pour la prévention du crime et la justice pénale, Rapport sur
la 11e session, 16-25 avril 2002, E/CN./2002/14, http://www.un.org/french/ecosoc
1434
AERTSEN (I), Renouer les liens sociaux. Médiation et justice réparatrice en Europe, Starsbourg, Conseil
de l’Europe, 2004, p. 40 et s.
1435
SHERMAN (L.W), STRANG (H), Restorative Justice : The Evidence, Londres, The Smith Institute,
2007, in LECOMTE (J), La justice restaurative, introduction à la psychologie positive, Dunod, 2009, pp.
259-270.
1436
Conseil de l’Europe. Résolution n°2 relative à la mission sociale du système de justice pénale - Justice
réparatrice, 26è conférence des ministres européens de la justice, 2005.
304
le conseil économique et social des Nations Unies : « cette approche offre la possibilité aux
victimes d’obtenir réparation, de se sentir davantage en sécurité et de trouver l’apaisement,
permet aux délinquants de prendre conscience des causes et des effets de leur
comportement et d’assumer leur responsabilité de manière constructive et aide les
communautés à reprendre les causes profondes de la criminalité, à promouvoir leur bien
être et à prévenir la criminalité »1437.
La justice restaurative n’améliore pas et ne remplace pas la justice pénale existante ; elle la
complète dans le but d’optimiser la restauration de la victime, et de maximiser la
réparation extrapatrimoniale qu’a généré l’infraction. Mais cela n’empêche pas que pour
d’autres sociétés, cette justice innovante se conçoive autrement. Ainsi, bien que variable, la
justice restaurative dispose d’un tronc commun où tous les modes d’application se
retrouvent.
387. La justice restaurative, un tronc commun. Le schéma de la justice restaurative
peut être considéré comme « sui generis » dans le sens où elle est exclusive : elle remet en
cause le schéma type de la justice pénale. Robert CARIO parle même de rupture
épistémologique en pénologie1438. En effet, dans le schéma type de la justice pénale
l’infraction pénale porte atteinte à l’Etat. On se focalise sur l’auteur des faits, on lui
applique une peine prévue par la loi. La réparation de la victime est accessoire et envisagée
seulement d’un point de vue patrimonial1439. En revanche, le schéma de la justice
restaurative est tout autre. Dans ce cadre, l’infraction pénale est une relation
interpersonnelle. La justice doit identifier les besoins de chaque protagoniste, rechercher
des solutions et promouvoir le dialogue. Outre l’accompagnement juridique, il faut
compléter le dispositif par un accompagnement psychologique et social. Forte de ces
remarques, la justice restaurative permettrait de « socialiser le désir de vengeance de la
victime »1440, alors que ce désir de vengeance est exacerbé et institutionnalisé lorsque la
victime se constitue partie civile. Le procès pénal se conçoit exclusivement comme une
1437
Résolution E/2002/30, Organisation des Nations Unies, Principes fondamentaux des Nations Unies
concernant le recours à des programmes de justice réparatrice en matière pénale, in Manuel sur les
programmes de justice réparatrice, New York, 2008, p 101-108.
1438
CARIO (R), Justice restaurative : vers un nouveau modèle de justice pénal ?, AJ Pénal, 2007, n°9, pp.
372-375 ; il s’agit seulement d’une remarque. A ce moment de notre étude nous ne pouvons affirmer ou
infirmer cela ; c’est pour l’instant une réflexion à prendre en compte.
1439
LECOMTE (J), La justice restauratrice, introduction à la psychologie positive, Dunod, 2009, pp. 259-
270.
1440
CARIO (R), Justice restaurative : vers un nouveau modèle de justice pénale ?, op. cit., p. 373.
305
opposition tripartite : mis en cause, société, victime. Cette dernière ne peut trouver sa
place, d’autant plus que « le droit positif réduit la procédure à une question technique »1441.
La justice restaurative peut se résumer en trois R1442 : la Réparation qui permet de voir les
dommages réparés, avoir accès à plus d’informations sur l’infraction, être mieux entendu,
participer et s’impliquer au processus de réhabilitation ; la Responsabilisation pour que
l’auteur prenne conscience de la souffrance occasionnée, développe de nouvelles aptitudes
sociales, se rend utile et en tire un sentiment de fierté, soit réintégré au sein de la société ;
le Rétablissement de la paix sociale, pour disposer d’une justice plus accessible et mieux
prévenir, contrôler la délinquance et la criminalité.
388. Une justice restaurative qui se justifie par une approche sociologique. Les
fondements de la justice restaurative étant posés, il convient à présent d’en percevoir le
sens. C’est à travers la sociologie que l’on peut comprendre en quoi la justice restaurative
est essentielle dans la restauration de la victime et pourquoi une distance doit être prise
avec le statut de partie civile.
Les individus, sujets de droit, ne sont pas des entités antagonistes mais ils sont liés dans
une unité que l’on appelle la relation. Cette relation les amène vers un processus de
subjectivisation et de socialisation1443. Il s’agit d’une notion sociologique appelée « l’ordre
de l’interaction »1444, un ordre structurel autonome d’un cadre social. Ainsi, selon Erving
GAUFFMAN l'interaction implique une sémantique et une syntaxe, cette dernière assurant
l’autonomie du cadre social en présence. Pour pouvoir comprendre la situation qui les lie et
l’interpréter de la même manière, les acteurs du cadre social doivent donner un sens à ce
qui se passe. Si les uns et les autres ne sont pas capables d'interpréter leurs comportements
respectifs, cela ne produit pas de sens, il n’y a pas d’interaction1445.
De plus, si un des acteurs du cadre social ne respecte pas l’autre, il y a un trouble de
l’interaction : le comportement de l’un ne correspond pas aux croyances sociales de
l’autre1446. A ce moment là va apparaitre l’activité réparatrice : « l’activité réparatrice a
pour fonction de transformer un acte offensant en acte acceptable, en montrant que l’on
accorde de la valeur aux règles que l’on n’a bafouées que par accident et en attestant que
1441
GARAPON (A), SALAS (D), Les nouvelles sorcières de Salem. Leçons d’Outreau, Seuil, 2007, p. 152.
1442
LECOMTE (J), op. cit., pp. 259-270.
1443
BONICCO (C), Goffman et l’ordre de l’interaction. Un exemple de sociologie compréhensive,
Philonsorbonne, n°1, 2007.
1444
GOFFMAN (E), Les cadres de l'expérience, Paris, Minuit, 1991.
1445
GOFFMAN (E), Les cadres de l'expérience, op. cit.
1446
GAUFFMAN (E), Les moments et leurs hommes, traduction de Yves WINKIN, Alain KIHM, Manar
HAMAD, Françoise REUMAUX, Minuit, 1988.
306
l’on reconnait la valeur de l’autre personne »1447. Le décryptage d’une situation
d’interaction se fait par une personne extérieure.
Si l’on ramène cette théorie à l’infraction pénale on peut comprendre l’importance de la
justice restaurative dans le processus de restauration. En effet, l’infraction pénale est un
cadre social car il existe une interaction entre différents acteurs. À ce titre, ils doivent
donner un sens à ce qui se passe. S’agissant de la victime cela passe par l’information
juridique et l’accès au droit. Pour le mis en cause cela provient de la compréhension des
normes sociales bafouées. Puis pour réparer le trouble de l’interaction il faut un décryptage
de la situation délictuelle, qui constitue l’activité réparatrice. Cette activité réparatrice ne
peut se faire qu’à travers la justice restaurative, le procès pénal ne donnant pas de sens au
cadre social rompu puisqu’il s’en tient à réguler le conflit social par la sanction.
389. Une justice souple. Le constat est prometteur puisque les remarques
préliminaires démontrent la possibilité d’une justice souple répondant exactement au
désordre que crée l’infraction pénale. L’histoire de la justice restaurative confirme t-elle
cela ? Quel avenir entrevoir pour la justice restaurative au sein de la politique pénale
française ?
1447
BONICCO (C), op. cit., p. 41.
1448
ZEHR (H), Rétributive justice, Restorative justice, op. cit., in LLEWELLYN (J), HOWSE (R), La justice
réparatrice- Cadre de réflexion, op. cit., p. 4.
1449
LLEWELLYN (J), HOWSE (R), op. cit.
307
restaurative était le modèle appliqué car il fallait avant tout préserver les liens entre les
personnes. C’est ainsi que l’on trouve des traces de justice restaurative dans les tribus
Navajos d’Amérique du nord, ou les tribus d’Afrique du Sud par exemple.
391. Une justice recyclée, adaptée et moderne. Les pionniers de la justice
restaurative contemporaine sont Howard ZEHR1450 et Marsahll ROSENBERG1451. Le
premier a publié de nombreux ouvrages sur le développement de la justice restaurative et
la définition moderne de cette dernière. Le second a oeuvré pour la justice restaurative, à
travers son concept de communication non violente.
La première expérience de justice restaurative, sans pour autant en utiliser l’expression, a
eu lieu à Elmira en Ontario1452 en 1974. Russ KELLY est un jeune adolescent drogué et
alcoolique. Suite à une soirée bien arrosée, il dégrade plusieurs biens privés et biens
publics. Il reconnaît sa responsabilité le lendemain. Un agent de mise à l’épreuve propose
au juge de faire rencontrer l’auteurs et les victimes. Le juge, lassé de la multiplication des
récidives, donne son accord.
La confrontation avec les victimes s’est faite. Pour Russ KELLY ce fut difficile d’entendre
les victimes ; il leur a présenté ses excuses et s’est engagé à payer le montant des
préjudices en les déterminant lui même. Les victimes ont été soulagées d’entendre qu’il
s’agissait d’un acte de vandalisme commis au hasard. Russ KELLY a payé les dommages
et intérêts durant plusieurs mois et a de plus été sanctionné d’une mise à l’épreuve de dix
huit mois. Aujourd’hui Russ KELLY est médiateur et donne des conférences sur la justice
restaurative au sein d’une association. Ce sera seulement trois ans après, que l’on nommera
cette expérience de justice restaurative. Ainsi, Albert EGLASH, un docteur en psychologie
qui a suivi le processus restauratif, introduit la notion de justice restaurative dans un article
publié en 1977 et qui portait le titre de « Beyond Restitution : Creative Restitution »1453.
A la lumière de ce bref historique, il est aisé de constater que la justice restaurative n’est
pas récente, même si son modèle a été conceptualisé et affirmé avec plus de force à la fin
1450
Howard ZEHR est né le 2 juillet 1944. Il est professeur de justice restaurative et il en est un des pionnier.
Il est en poste à l’université de Virginie : ZEHR (H), The little book of restorative,Good Books Publication,
2002, p. 37 ; ZEHR (H), Rétributive Justice, Restorative Justice, New Perspective on Crime and Justice -
Occasionnal Papers Séries, 1985
1451
Marshall ROSENBERG est né le 6 octobre 1934. Il est docteur en psychologie et le créateur d’un
processus de communication : communication non violente. ROSENBERG (M), La communication non
violente au quotidien, Jouvence, 2005 ; ROSENBERG (M), Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des
murs) : introduction à la communication non violente, La découvert, 2005.
1452
LECOMTE (J), op. cit., p. 260.
1453
LLEWELLYN (J), HOWSE (R), op. cit., p. 5.
308
des années soixante dix. L’adoptation du concept de justice restaurative serait en fait un
retour aux sources du droit pénal, non pas un retour à une justice archaïque, mais un retour
à une justice pénale plus soucieuse de la réhabilitation des acteurs de l’infraction.
Bien que la justice restaurative soit mouvante et s’adapte au système pénal sur lequel elle
va s’appuyer, il existe néanmoins des dispositifs traditionnels et des expériences pratiques
en droit comparé. Ces expériences seront notamment utiles pour envisager la justice
restaurative dans le système pénal français.
392. Mise en oeuvre. La justice restaurative est donc un concept qui s’ajuste
suivant la politique pénale à laquelle elle est rattachée, le lieu et le moment où elle trouve à
s’appliquer. Néanmoins, il existe des modalités traditionnelles (A), qui peuvent servir de
cadre pour mettre en place la justice restaurative. Cela ne doit pas empêcher de concevoir
d’autres modalités plus innovantes. Avant d’analyser l’intégration de la justice restaurative
dans le droit pénal français, il convient de tirer une leçon des expériences de la justice
restaurative en droit comparé (B).
1454
SAYOUS (B), Les conférences du groupe familial, in CARIO (R), MBANZOULOU (P), op. cit., p. 33.
Pour aller plus loin : WALGRAVE (J), Les conférences de groupe familial, Les cahiers de la justice, Rev.
E.N.M, Dalloz, 2006, n°1, pp. 153-174 ; CONSEDINE (J), The Maori restorative tradition, in JOHNSTON
(G), A restorative justice reader : texts, sources, context, Willian publishing, Cullompton, 2003, pp. 152-157.
1455
JACOUD (M), Justice réparatrice et réforme de l’action pénale, in NOREAU (P), Réforme de l’action
publique , PU Laval, 2000.
1456
CARIO (R), La justice restaurative : vers un modèle de justice pénale ?, op. cit.
1457
WRIGHT (V.M), La justice restaurative et les victimes : l’expérience anglaise, Les cahiers de la justice,
Rev. E.N.M, 2006, n°1, pp. 175-193.
309
noter que dans ces pays ces conférences se déroulent différemment ; cela résulte de la
culture juridique du pays où elles s’appliquent. Le droit néo-zélandais est un droit du
Common Law1459. Les conférences du groupe est un modèle de justice restaurative
particulièrement bien adapté pour la justice des mineurs.
Plusieurs étapes sont nécessaires au déroulement des conférences familiales. Le principe
général est le suivant : un médiateur professionnel va contrôler la conférence qui réunit le
délinquant, la victime ainsi que toutes les personnes qui ont un intérêt à la résolution de
l’affaire. Ces personnes peuvent être la famille, les amis, mais également les institutions
judiciaires, policières, sanitaires et sociales. Le médiateur prépare la conférence, cela en
expliquant aux intervenants le principe de cette conférence et son déroulement. Chose
importante, le cadre général de la conférence impose le consentement des parties en
présence. Dans l’affirmative, la conférence se met en place, et auteur comme victime font
part de leur sentiment face à l’infraction. L’auteur, accompagné de sa famille, se retire
pour trouver un moyen de réparation. Enfin le médiateur valide et assure le suivi de
l’exécution de cette réparation.
La conférence, au delà du travail de réparation et de réhabilitation, considére la spécificité
de l’accompagnement et du soutien du cadre familial et social. Et cela, autant pour le mis
en cause que pour la victime. En effet, au delà de son caractère redistributeur, la
conférence du groupe familial vise à limiter la récidive en modifiant le comportement de
l’auteur, ou celui de la victime si cette dernière se met en danger.
394. Les rencontres restauratives post-sentencielles. Ces rencontres sont apparues
dans les années 1980 en Amérique du Nord1460, dans le cadre d’infractions faisant l’objet
de peines d’emprisonnement. Les rencontres post-sentencielles sont imposées par le juge
pénal qui décide souverainement des modalités d’exécution et d’organisation. A la
différence des autres modes de justice restaurative, ces rencontres visent exclusivement à
la réparation extrapatrimoniale. En effet, elles se déroulent alors qu’une décision pénale a
eu lieu, ainsi qu’une décision sur la réparation patrimoniale. Contrairement à la conférence
du groupe familial, ce mode de justice restaurative est plus cohérent avec l’idée selon
1458
Nous verrons plus en détail l’expérience belge en droit comparé.
1459
WALGRAVE (J), Les conférences du groupe familial, ibid., pp. 153-174.
1460
ARCHIBALD (B), La justice restaurative : conditions et fondements d’une transformation démocratique
en droit pénal, in JACOUD (M), Justice réparatrice et médiation pénale : convergences ou divergences ?,
L’Harmattan, Coll. Sciences criminelles, 2003 ; V. en ce sens DESNOYER (E), Justice réparatrice au sein du
service correctionnel du Canada, in cahiers de l’AQPV, 2007, pp. 39-40 ; CARIO (R), La justice restaurative
: vers un modèle de justice pénale ?, op. cit.
310
laquelle il n’existe pas de réparation globale. Il n’est ainsi pas étonnant de voir se résoudre
un conflit sur la scène pénale, puis civile, et enfin restaurative.
L’objectif des rencontres post-sentencielles est la prise de conscience quant aux
répercussions de l’acte délictuel ; cette prise de conscience est réciproque car elle permet
également à la victime de comprendre sa victimisation dans le cas où elle se serait mise en
danger. Ces rencontres se déroulent sous le contrôle de deux médiateurs, accompagnés de
deux représentants de la société civile1461.
Dans un premier temps le médiateur, comme pour les conférences de groupe familial,
rencontre le mis en cause et la victime. A cette occasion, il les informe du déroulement de
la rencontre quant à ses limites et ses contraintes, il jauge également la motivation des
participants. La victime, tout comme l’auteur, peut arrêter l'expérience et demander un
suivi psychologique par une association d’aide aux victimes1462. Tous les participants de la
rencontre post-sentencielle se rencontrent en milieu carcéral ; chacun expose ce que
l’infraction pénale a eu comme répercussion sur lui.
La rencontre post-sentencielle se décline en deux dispositifs distincts1463. Le premier
dispositif, dans les cas d’infractions les plus graves, est la médiation en face à face. La
préparation à la médiation dure plusieurs mois pour permettre de rencontrer chaque
protagoniste et permettre de déceler si l'expérience peut être concluante. Ainsi, si les
résultats escomptés ne peuvent avoir lieu, la médiation en face à face est arrêtée.
Le deuxième dispositif est la rencontre détenus-victimes. Il s’agit d’une expérience qui se
vit sur la durée, pratiquement deux mois. Plusieurs médiateurs, ainsi que des personnes de
la société civile, animent les séances après avoir préalablement rencontré tous les
protagonistes pour les préparer à la rencontre : l’objectif est de créer une osmose entre eux.
Les échanges se déroulent en cercle permettant la convivialité et facilitant les échanges
interpersonnels.
1461
Notons que la présence de citoyens dans la justice restaurative, comme dans le cadre de ces rencontres
post-sentencielles, trouve tout son sens contrairement à leur présence en matière correctionnelle. Leur
présence permet de faire prendre conscience aux protagonistes que la société porte un intérêt au travail de
réhabilitation, et permet de consolider le lien social.
Pour aller plus loin. Sur la présence du jury de citoyens devant le tribunal correctionnel, V. supra n° 112 et s.
1462
Nous constatons, sans pousser la réflexion plus loin, que l’aide aux victimes est une composante de la
justice restaurative. Nous verrons par la suite de cette étude que les structures d’aide aux victimes peuvent
prendre une place importante dans le processus, à condition de régler les problèmes soulevés dans la partie de
cette étude traitant de l’aide aux victimes.
1463
CARIO (R), Les rencontres restauratives post-sentencielles, in CARIO (R), MBANZOULOU (P), la
justice restaurative une utopie qui marche, op. cit., pp. 49-62.
311
395. Les cercles de sentence, cercles de détermination de la peine1464. Il s’agit
d’une particularité de la justice restaurative, car les cercles de sentence se préoccupent de
la peine. Néanmoins, pour certains auteurs, ce modèle ne relève pas de la justice
restaurative car il s’interesse à la sanction pénale et a pour finalité la détermination de
celle-ci1465. Il convient donc d’expliquer l’esprit de ces cercles.
Les cercles de sentence sont l’héritage des pratiques des indiens d’Amérique du Nord.
L’objectif de ce mode de justice restaurative est de répondre aux préoccupations de tous
les protagonistes de la situation criminelle, le plus largement possible 1466. Les groupes
peuvent être formés de 15 à 50 personnes. Suivant le cercle, les débats portent sur le
jugement ou sur une recommandation quant à la peine. Cette recommandation est adressée
au magistrat, et il basera son jugement sur cette dernière. La communauté est beaucoup
plus impliquée dans ce mode de justice restaurative que dans les autres1467. Ainsi, la
reconnaissance des torts de la part du mis en cause et de la communauté, permettent de
prendre en compte les intérêts de tous et de renforcer les valeurs sociales de cette même
communauté.
Il existe deux types de cercle : le premier rassemble le mis en cause, la victime, les
familles, la communauté et le juge. Le deuxième reprend le schéma du premier cercle
auquel s’ajoute un cercle externe où se trouve le public qui peut intégrer le cercle pour
prendre part aux débats et agir dans le processus de détermination de la peine.
396. La médiation. Il n’est pas question ici de parler de médiation pénale, mais de
médiation victime-auteur dans le sens de la justice restaurative originelle. Il s’agit d’une
pratique intégrée en droit positif nord américain en 1970. Elle est pratiquée aujourd’hui
également en Europe1468.
1464
JACOUD (M), Les cercles de guérison et les cercles de sentence autochtones au Canada, in
Criminologie, vol. 32, n°1, 1999, pp. 79-105.
1465
ARCHIBALD (B), La justice restaurative : conditions et fondements d’une transformation démocratique
en droit pénal, op. cit., p. 143.
1466
JACOUD (M), Les cercles de guérison et les cercles de sentence autochtones au Canada, ibid., pp. 79-
105.
1467
CARIO (R), La justice restaurative, vers un nouveau modèle de justice pénale, op. cit. pp. 372-375 ;
JACOUD (M), Justice réparatrice et violence, in DUMOUCHEL (P), Comprendre pour agir : violences,
victimes et vengeances PU, Laval, 2000, pp. 183-206.
1468
V. en ce sens BONAFE-SCHMIT (J.P), La médiation pénale en France et aux Etats-Unis, LGDJ, Coll.
Droit et société, 1988 ; GUILLAUME-HOFNUNG (M), La médiation, PUF, Coll. Que sais-je, 1995 ;
BONAFE-SCHMIT (J.P), Les médiations, la médiation, Erès, Trajets, 1999 ; BONAFE-SCHMIT (J.P), La
médiation, une justice douce, Alternatives sociales, 1992.
312
Il existe quatre types de médiations1469 : la médiation créatrice qui crée des liens nouveaux
entre les individus, la médiation rénovatrice qui réactive des liens qui se sont rompus, la
médiation préventive pour anticiper le conflit et la médiation curative pour aider les
individus à trouver la ou les solutions à un conflit. En France il existe la médiation
familiale, des médiateurs de l’énergie dans le cadre des conflits entre particuliers et
entreprises telle que EDF par exemple, des médiateurs dans le cadre des relations inter-
bancaires. D’un point de vue général, la médiation se définit comme « un processus de
communication éthique reposant sur la responsabilité et l’autonomie des participants, dans
lequel un tiers favorise par des entretiens confidentiels l’établissement, le rétablissement
du lien social, la prévention ou le règlement de la situation en cause »1470.
Concernant la médiation intégrée dans le processus de justice restaurative, elle permet aux
protagonistes de l’infraction pénale d’échanger sur les caractéristiques et sur les
répercussions de l’infraction sur l’un et l’autre. Il s’agit d’une démarche volontaire, en face
à face avec la présence d’un médiateur. Au préalable, celui-ci prépare chaque participant et
détermine si les personnes sont aptes à participer à l'expérience. Le résultat escompté est de
faire prendre conscience à l’auteur du désordre social et du préjudice infligé à la victime,
que chacun respecte et considère le point de vue de l’autre et conçoive ensemble les
modalités de la réparation.
La médiation ne met pas en opposition une bonne personne et une mauvaise personne,
même s’il y a certes un auteur et une victime. A l’issue de la médiation, les accords,
proportionnels et équitables, sont formalisés. Un magistrat valide et rend exécutable
l’accord ; un accord qu’il renvoie ensuite au médiateur pour son application.
397. Les exigences communes et les bénéfices de la justice restaurative. Au travers
de ces différents processus se dégagent des exigences qui servent de modèle dans l’optique
d’adapter la justice restaurative au droit pénal français1471. Ainsi, en prenant en
considération le cadre général d’application des modèles traditionnels de la justice
restaurative, il est loisible de dire que les mesures susvisées peuvent se mettre en place à
n’importe quel moment de la procédure pénale et au sein de n’importe quel système pénal.
Elles se complètent avec la peine pénale, rendue dans un prétoire pénal, et avec la
réparation patrimoniale qui peut renforcer l’indemnisation offerte par l’assurance ou le
1469
SIX (J.F), Le temps des médiateurs, Seuil, 1990.
1470
GUILLAUME-HOFNUNG (M), La médiation, ibid., p. 71.
1471
CARIO (R), La justice restaurative une utopie qui marche ?, op. cit., pp. 61-62.
313
fond de garantie1472. Mais la justice restaurative peut également être le lieu où la réparation
matérielle se décide en même temps que la réparation extra-patrimoniale. Le responsable
de l’infraction prend conscience du dysfonctionnement qu’il a causé, il exprime des regrets
et formule des excuses. Tout comme l’auteur, la victime se reconstruit et se réinsère dans
la société ; cette même société, quant à elle, retrouve une paix sociale. Jugement et
réhabilitation sont dissociés pour plus de cohérence, mais chacun se retrouve au sein d’un
même acte : l’acte de juger. En effet, l’acte de juger regroupe le pouvoir de restaurer et le
pouvoir de sanctionner, et cela du fait de sa double finalité : « une finalité courte consistant
à trancher, mettre fin à l’incertitude, séparer les parties ; une finalité longue conduisant, par
la reconnaissance de chacun à la part que l’autre prend à la même société que lui, à la paix
publique »1473.
La justice restaurative exige une formation pointue des médiateurs et des intervenants en
général. En même temps, apparaît le caractère indispensable de l’aide aux victimes et plus
spécialement des associations d’aide aux victimes. Ces dernières apportent ce
professionnalisme et leur savoir-faire dans l’accompagnement. Elles sont essentielles dans
le recueil de volonté des protagonistes de l’infraction, par l’information, le soutien
psychologique et l’accès au droit utile à la mise en place du modèle de justice restaurative.
398. Un constat prometteur. Fort de ces remarques, l’ouverture du système pénal
français à la justice restaurative paraît une opportunité réaliste. De plus, les remarques
formulées en amont de cette étude sur l’aide aux victimes et l’aide juridique abondent dans
le sens des exigences de la justice restaurative. Il faut désormais prendre en considération
les expériences des systèmes pénaux européens.
1472
Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI) et Service d’Aide au Recouvrement des
Victimes d’Infraction (SARVI) ; v. supra n° 181 et s.
1473
CARIO (R), La justice restaurative : une utopie qui marche ?, ibid., p. 376 ; RICOEUR (P), Le juste,
Esprit, 1995, pp. 185-192.
1474
Il s’agit de quelques exemples les plus significatifs pour entrevoir les conditions d’application des
modèles de justice restaurative ; des exemples concernant des pays européens pour être au plus près de la
comparaison avec le système pénal français.
1475
Loi du 15 mai 2006, art. 37bis, in SAYOUS (B), Les conférences du groupe familial, op. cit., in CARIO
(R), MBANZOULOU (P), La justice restaurative une utopie qui marche ?, op. cit., pp. 33-48.
314
montre l’intégration de la justice restaurative dans le droit pénal belge, et son adaptabilité.
En effet, la législation belge en matière d’infraction pénale a su faire de ce modèle un
exemple de résolution du conflit auteur/victime sans dénaturer les fondements de son droit
pénal.
Pour que la conférence du groupe familial puisse avoir lieu il faut quatre conditions
cumulatives : l’existence d’indices sérieux de culpabilité ; le mis en cause ne doit pas
réfuter ce pourquoi il est présumé coupable1476 ; une victime identifiée ; un consentement
exprès des protagonistes de l’infraction.
Pour la préparation de la conférence, le médiateur s’entretient avec les protagonistes sur
l’organisation de la conférence et sur les personnes à convier à ce moment. Au préalable, il
a étudié tous les éléments de l’infraction. Les services d’aide aux victimes sont conviés à la
séance. De même, les principaux intéressés peuvent être accompagnés de leurs avocats tout
au long du processus1477 ; les études ont démontré que la présence de l’avocat était très
positive1478.
Au moment de la rencontre, le rôle du médiateur est primordial car la réussite de la mesure
restaurative dépend de lui. Une évolution aussi significative justifie le professionnalisme
du médiateur : durant la rencontre quatre phases ont lieu. La première phase permet au
médiateur de poser le cadre de la conférence et d’informer sur les éléments juridiques
fondant la conférence du groupe familial ; la deuxième phase permet à chaque participant
d’exprimer son point de vue sur la situation qui résulte de l’infraction, mais surtout de
proposer des solutions restauratives ; la troisième phase est celle réservée à la délibération
de la victime avec son entourage pour arriver à « un plan restauratif »1479 ; la quatrième
phase permet à chaque participant de se positionner par rapport à ce « plan restauratif », et
de formuler de nouvelles propositions. Il faut que tous arrivent à un consensus et
aboutissent à un accord restauratif.
1476
Cette exigence se justifie par la fait que la justice restaurative n’a pas pour but de faire émerger la vérité,
mais de trouver des solutions restauratives. Ainsi, s’il existe des doutes sur la culpabilité, ce modèle n’a pas
lieu d’être et remet en cause les fondements du droit pénal comme le procès équitable ou la principe de
présomption d’innocence. WLAGRAVE (L), Les conférences de groupe familial, op. cit., pp. 153-174.
1477
Cour constitutionnelle, 13 mars 2008, 05/2008, in Jurisprudence de Liège, Mons et Bruxelles, 2008/20.
Cet arrêt permet à l’avocat d’être présent tout au long de la procédure restaurative, alors qu’avant cela sa
présence était autorisée seulement au moment de la préparation et de l’accord résultant de la conférence.
1478
SAYOUS (B), Les conférences du groupe familial, ibid., p. 41.
1479
SAYOUS (B), Les conférences du groupe familial, op. cit., p. 42.
315
Enfin, arrive le moment de l’homologation de l’accord. A ce stade deux situations peuvent
apparaître1480 : soit il n’y a pas eu de consensus et donc pas d’accord ; en ce cas, la
procédure pénale prend le relais. Cependant, les débats de la conférence du groupe familial
ne peuvent pas être utilisés et ne peuvent donc pas constituer de preuve. Soit il y a un
consensus et donc un accord, et à ce moment l’accord est signé par tous les participants de
la conférence du groupe familial. Cet accord est ensuite homologué obligatoirement par le
juge, sauf s’il apparaît contraire à l’ordre public. Tout comme un jugement rendu en
premier et dernier ressort, il est frappé de l’autorité de la chose jugée.
C’est au médiateur de suivre l'exécution de l’accord, qui peut prendre plusieurs formes :
dédommagement matériel, excuses écrites, travaux d’intérêt général. Pour l’auteur la
mesure restaurative peut prévoir la reprise d’études, un suivi psychologique, un suivi
pédagogique.
400. Constat posé par l'expérience belge. Cette expérience est très enrichissante
pour la suite de cette étude. En premier lieu il est utile de constater que dans le prisme du
droit belge la conférence du groupe familial n’est pas une mesure dissociée du procès
pénal, mais une disposition qui vient compléter le procès pénal. En second lieu, l’aide aux
victimes est présente dans ce modèle de justice restaurative, mais cette présence n’est pas
exploitée au maximum1481. En dernier lieu, l’avocat peut tout à fait s’associer à la
démarche pour assurer le respect de la volonté de l’auteur et de la victime1482.
401. L'expérience britannique : la médiation. Le système pénal britannique est de
type accusatoire, contrairement au système pénal français qui est de type inquisitoire.
Néanmoins, il est intéressant d’analyser la médiation, dans le cadre de ce système, car cela
permet de relever et de confirmer des principes directeurs qui seront utiles pour inscrire la
justice restaurative dans l’axiome du droit pénal français.
Le premier à avoir diffusé l’idée de la médiation comme mode de résolution du conflit
auteur/victime est Curt GRIFFITHS1483. Pour ce qui est de son application, John
HARDING, responsable d’un service de probation et Martin WRIGHT, président d’une
1480
Art. 37 quater de la loi du 15 mai 2006 in SAYOUS (B), Les conférences du groupe familial, ibid.
1481
Nous verrons par la suite que l’association d’aide aux victimes peut trouver à exister pleinement dans les
modes d’application de la justice restaurative, et peut être la pierre angulaire de cette même justice. Cela en
prenant acte des réflexions développées en amont concernant l’aide juridique et l’aide aux victimes.
1482
En ce domaine, une nouvelle fois l’effort peut être mis sur la modification de la loi du 10 juillet 1991 sur
l’aide juridictionnelle. Cette dernière devrait être élargie aux mesures de justice restaurative pour renforcer la
présence de l’avocat.
1483
CHINKIN (C), GRIFFITHS (R), Resolving Conflict by mediation, New Law journal, juin 1980.
316
association d’aide à la résinsertion, crée un service de médiation à Wolverhampton1484. En
1985, plusieurs projets de médiation vont être sélectionnés parallèlement à ceux menés par
des associations d’aide aux victimes. Ces dernières, contrairement aux associations
françaises, émettaient des réserves quant aux bienfaits de la médiation sur la restauration
de la victime. Ces projets sont relatifs aux médiations organisées par les services de police
et les médiations organisées par les tribunaux.
Ce qu’il est important de préciser, c’est le fait que d’une part les juges au Royaume Uni ne
sont généralement pas des professionnels, et que d’autre part, il n’existe pas dans ce
système pénal de constitution de partie civile1485. C’est principalement pour ces deux
raisons que la médiation a fait l’objet d’autant de projets et de tentatives.
Il peut être tiré un enseignement de ces expériences : du point de vue de la réparation, les
médiations ont démontré qu’il était difficile de traiter de la réparation patrimoniale. En
effet, il n’est pas évident de passer d’une relation interpersonnelle fondée sur les
conséquences psychologiques et sociales de l’infraction à un échange fondé sur une
réparation financière du préjudice1486. L'expérience démontre également que les échanges
sont moins crispés et tendus si la question de l’indemnisation n’est pas abordée. Ainsi,
pour les infractions les moins graves, où le préjudice matériel a fait l’objet d’une
indemnisation par l’assurance ou le fonds de garantie, les médiations sont une réussite. La
réparation patrimoniale, lorsqu’elle est considérée comme secondaire, est un gage de
succès pour la médiation. L’évaluation du préjudice par le médiateur, la victime et
l’avocat, préalablement à la médiation, est une solution aux problèmes soulevés ci-dessus.
Les études sur la médiation au Royaume-Uni ont démontré que la victime pouvait se
satisfaire quant à la réparation patrimoniale, d’un travail d’intérêt général pour la
collectivité. Ce mode de réparation est d’autant plus bénéfique pour un auteur insolvable
ou en grande précarité sociale1487.
La dichotomie entre réparation patrimoniale et réparation extra-patrimoniale nécessite
pour le médiateur des aptitudes spécifiques. A ce titre le médiateur doit être un
1484
DESDEVISES (M.C), L’évaluation des expériences de médiation entre délinquants et victimes :
l’exemple britannique, RSC, 1993, pp. 45-57.
1485
DESDEVISES (M.C), ibid., pp. 45-57.
1486
DESDEVISES (M.C), op. cit., p. 47.
1487
D’un point de vue empirique, nous pouvons constater que les mis en cause sont en grande majorité des
individus en précarité sociale et en grande détresse sociale. L’insolvabilité à laquelle doit faire face la victime
pour le recouvrement des dommages et intérêts est source d’une victimation secondaire. La solution
développée est donc d’un intérêt certain et nous prouve que la réparation patrimoniale est secondaire dans le
processus de réhabilitation de la victime.
317
professionnel, car en plus de gérer les débats il devra procéder à une évaluation du
préjudice subi par la victime, et devra organiser le suivi de la réparation.
Du point de vue du lien entre la médiation et la sanction pénale, il faut noter que la peine
pénale est dissociée de la mesure de médiation. Néanmoins des liens demeurent entre la
mesure de justice restaurative et le jugement sur la peine. Ainsi, les résultats de la
médiation peuvent être présentés au tribunal avant le jugement pour modérer la
condamnation si le mis en cause a fait preuve de volonté dans la démarche restaurative.
Une étude a montré que les juges prenaient en considération, et cela en grande majorité,
l’accord de la médiation dans le jugement rendu sur la peine1488. Ces expériences de
médiation ont permis au Royaume Uni de pallier partiellement à l'échec du système pénal
dans le traitement de la délinquance1489.
402. Constat posé par l’expérience britannique. En premier lieu apparaît l’idée
d’une réparation patrimoniale qualifiée de secondaire dans le processus de justice
restaurative. Cela est peut-être dû au système pénal britannique qui ne connait pas le statut
de partie civile. Ainsi, la question de la réparation financière en relation avec le procès
pénal n’a pas lieu d’être puisque cette dernière se règle lors d’une audience purement
civile. Aucune donnée pour l’instant ne permet de confirmer cette remarque. L’idée d’une
réparation matérielle accessoire au processus de médiation reste néanmoins acquise.
En second lieu, la mesure de justice restaurative est complémentaire du jugement pénal ;
elle la complète et l’affine dans le prononcé de la condamnation. Ainsi, une cohérence se
dégage entre peine et processus restauratif, rendant l’expérience encore plus significative.
En dernier lieu, il est rappelé le besoin d’avoir des médiateurs formés et professionnels,
travaillant en partenariat avec d’autres professionnels comme les avocats ; la présence de
l’avocat pousse à considérer l’aide juridique comme une composante de la justice
restaurative.
403. Un constat plein d’espoir. Les développements ci-dessus montrent que la
justice restaurative peut s’inscrire dans un système pénal de type accusatoire comme de
type inquisitoire. Elle est adaptable et modulable. Les modèles de justice restaurative
existants ne sont pas limités et les Etats peuvent faire preuve d’originalité en modifiant
leurs propres mesures alternatives aux pousuites, leurs propres peines complémentaires, ou
en inventant tout simplement leur propre modèle.
1488
YOUNG (R), Criminal Law Review, juillet 1989, pp. 472-493, in DESDEVISES (M.C), op. cit.
1489
HUDSON (J), GALAWAY (B), Victimes, Offenders and alternatives sanctions, Lexington Books, 1980,
p. 103, in DESDEVISES (M.C), ibid.
318
De plus, les institutions et les politiques pénales développées dans les différents systèmes
pénaux peuvent s’inscrire dans une dynamique de justice restaurative ; il en est ainsi de la
profession d’avocat, de la politique d’aide aux victimes, des associations d’aide aux
victimes, de la politique d’accès au droit et de la politique d’aide juridique. Il convient
donc, à ce stade du raisonnement d’analyser effectivement comment la justice restaurative
peut composer avec le droit pénal. Enfin, sur la question de savoir si elle doit rester un
système autonome ou se compléter avec le système pénal existant, la doctrine est partagée
à ce sujet et les partisans de la conception maximaliste et de la conception minimaliste
s’opposent1490. Cette étude soutien l’idée que la justice restaurative peut et doit se
compléter, en France, avec la justice pénale existante. Il faut rappeler qu’il existe des
modalités dans le droit positif permettant à la victime de se restaurer en dehors de
l’accession au statut de partie civile. En revanche, rien n’empêche les autres systèmes
pénaux de séparer les deux types de justice ; tout dépendra de la direction que l’on veut
donner à la politique pénale.
404. La justice restaurative, le bilan d’un droit pénal qui s'essouffle. Comme il a été
développé précédemment, de plus en plus de systèmes pénaux intègrent des modalités de
justice restaurative, ou lui font côtoyer la justice pénale stricto sensu. Cela dépend de
l’orientation de la politique pénale menée et de la culture juridique de l’Etat. En ce qui
concerne la France, la justice restaurative apparaît comme une suite logique de l’évolution
de la politique pénale en matière de répression : mesures alternatives aux poursuites,
traitement rapide des infractions les moins graves, développement de la politique d’aide
aux victimes...
Désormais, cette justice restaurative se justifie par une crise du droit pénal classique (§1),
une crise qui regroupe justice restaurative et justice pénale dans leur finalité (§2).
1490
Pour aller plus loin. Sur ces deux conceptions : WALGRAVE (L), La justice restaurative et la justice
pénale : un duo ou un duel ?, in CARIO (R), Victimes : du traumatisme à la restauration, op. cit., pp. 275-303
; WALGRAVE (L), La justice restaurative et la perspective des victimes concrètes, op. cit., pp. 168-169 ;
CASORLA (F), La justice pénale à l’épreuve du concept de « restorative justice », RPDP, 2000, n°1, pp. 32-
38.
319
§1. Une justice restaurative justifiée par une crise du droit pénal
classique
406. Une mutation du droit pénal. « Le crépuscule du millénaire pénal nous a laissé
en héritage une justice pénale en quête d’identité »1492. C’est en résumé la raison pour
laquelle il est tant urgent de compléter et épauler le droit pénal contemporain par une
justice soucieuse des intérêts privés que génère l’infraction pénale. Selon Massimo
VOGLIOTTI1493, le constat est sans appel : depuis plusieurs années, le décalage entre le
modèle officiel du droit pénal, plus précisément du procès pénal, et la réalité de terrain est
sans précédent. Les origines de ce décalage sont diverses et internationales. En France, des
études empiriques montrent que cette crise est due à un phénomène que l’on nomme la
1491
WALGRAVE (L), La justice restaurative et la justice pénale : un duo ou un duel ?, in CARIO (R),
Victimes : du traumatisme à la restauration, op. cit., p. 283.
1492
VOGLIOTTI (M), Mutations dans le champ pénal contemporain. Vers un droit pénal en réseau ?, RSC,
2002, p. 721.
1493
VOGLIOTTI (M), Ibid.
320
privatisation du procès pénal1494. En tout état de cause, il revient aux praticiens, chercheurs
et universitaires de proposer constamment des améliorations du système pénal1495, et cela
en alliant « le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté »1496. La justice
restaurative permet d’une part de transférer les éléments du système pénal existant vers ce
type de justice, et d’autre part innover par la création de nouveaux modèles de justice
restauratrice. Avant cela, il est nécessaire de procéder à une analyse sur les causes de
régression du droit pénal en France.
407. Un droit pénal caractérisé par une régression de ses principes1497. L’histoire
de la place de la victime dans le système pénal français est l’histoire de l’intérêt privé face
à l’intérêt général, c’est également l’histoire de la procédure accusatoire et de la procédure
inquisitoire1498. Une procédure accusatoire qui permet l’ouverture d’un procès seulement
dans le cas où un accusateur, en général la victime, se déclare et porte le poids du procès ;
et une procédure inquisitoire où le juge, ou au fil du temps le ministère public, détient le
pouvoir de poursuivre même en l’absence d’accusateur. Schématiquement, jusqu’au
XIIIème siècle la procédure est accusatoire, il s’agit de ce qui est communément appelé la
privatisation du procès pénal1499. La victime, appelée accusateur, obtient la réparation de
son préjudice par le versement d’une somme d’argent ou par les châtiments corporels
infligés à l’accusé dans le cas de crimes graves.
L’apparition de la procédure inquisitoire, et plus tard du Parquet1500, restreint
considérablement le rôle de la victime dans le système pénal. Ce rôle sera relégué au
second plan au fur et à mesure de l’importance que prend l’Etat dans le système pénal.
1494
PIN (X), La privatisation du procès pénal, RSC, 2002, pp. 245-261.
1495
JEAN (J.P), Politique criminelle et nouvelle économie du système pénal, AJ Pénal, 2006, p. 473.
1496
GRAMSCI (A), in JEAN (J.P), ibid., p. 480.
1497
Il n’est pas question ici de faire un développement purement historique du droit pénal, mais simplement
de comprendre en quoi l’évolution du droit pénal dans le temps confirme la nécessité aujourd’hui de
considérer un virage dans la politique pénale à mener.
Pour aller plus loin. Sur le thème de l’histoire du droit pénal : STEFANI (G), LEVASSEUR (G), BOULOC
(B), Droit pénal général, Paris, Précis Dalloz, 1987 ; LAINGUI (A), Histoire du droit pénal, Paris, Que sais
je, PUF, 2ème édition, 1985 ; ALLINNE (J.P), Les victimes : des oubliées de l’histoire du droit ?, oeuvre de
justice et victimes, Paris, L’Harmattan, collection sciences criminelles, 2001 ; GARNOT (B), Les victimes
pendant l’ancien régime (XVIè-XVIIè siècles), in association française pour l’histoire de la justice, La cour
d’assises. Bilan d’un héritage démocratique, Paris, La documentation française, Collection de la justice,
2001.
1498
STEFANI (G), ibid. ; VERDIER (R), La vengeance dans les sociétés extra-occidentales, Paris, Cujas,
1980.
1499
CARBASSE (J.M), Introduction historique au droit pénal, PUF, 1990.
1500
PRADEL (J), Histoire des doctrines pénales, PUF, 1989, p. 1
321
C’est à l’Etat que revient le monopole de la contrainte légitime1501 : c’est la fin de la
privatisation du droit pénal, dans un premier temps les gens du roi1502 puis dans un second
temps le ministère public contrôle la procédure pénale, le processus punitif. Jusqu’à la fin
du XVIIIème siècle la victime n’est pas partie au procès. Même si c’est en 1808, avec la
création du code de l’instruction, qu’est institué le principe de constitution de partie civile,
c’est véritablement en 1906, avec l’arrêt LAURENT-ATTALIN1503, qu’apparait un retour
à la privatisation du procès pénal par l’élargissement des possibilités de se constituer partie
civile1504. Cette privatisation dénature le rapport du citoyen au droit pénal, donne moins de
légitimité à la peine et fait manquer de rationalité à la poursuite publique de
l’infraction1505.
408. Une privatisation du procès pénal confirmée par les recherches récentes.
Xavier PIN donne une définition de la privatisation du procès pénal : « la privatisation du
procès pénal est un phénomène caractérisé, en droit, par le renforcement du rôle des
acteurs privés à tous les stades du procès pénal et par l’émergence de règles de procédure
protégeant d’avantage des intérêts individuels ou collectifs que l’inérêt général. Cette
privatisation conduit à un brouillage des finalités du procès pénal et au recul du caractère
impératif de ses règles »1506. Cette privatisation est également liée à une interaction
constante entre sphère privée et sphère publique. Pour preuve les décisions du ministère
public d’abandonner les poursuites subordonnées à l’importance du préjudice subi par la
victime1507.
Le procès pénal, en plus d’être un instrument de recherche de la vérité, se double d’une
mission de traduction des conflits interpersonnels, d’une mission réparatrice, d’une
mission réhabilisatrice1508. En fin de compte, les différentes logiques interpersonnelles qui
se traduisent en termes de réparation, réhabilitation, sanction, créent une opacité qui
trouble la frontière entre droit pénal et droit civil. Des débats passionnés et passionnels
1501
M.WEBER, Economie et société, Pocket, 1921.
1502
Ce sont des praticiens du droit spécialisés dans la défense du roi.
1503
Crim. 8 déc. 1906, Bull. crim. n° 443.
1504
PIN (X), op. cit. p 245 ; HENRION (V.H), L’article préliminaire du code de procédure pénale : vers une
« théorie législative » du procès pénal, Archives de Politique Criminelle 2001, p. 31 ; LAZERGES (C),
Introduction à la politique criminelle, L’Harmattan, 2000.
1505
ALLINNE (J.P), op. cit.
1506
PIN (X), ibid., p. 245.
1507
VAN de KERCHOVE (M), Eclatement et recomposition du droit pénal, RSC, 2000, p. 5 ; VITU (A), Le
classement sans suite, RSC, 1947, p. 507.
1508
CASORLA (F), La justice pénale à l’épreuve du concept de « restaurative justice», RPDP, 2000, p. 32.
322
sont alimentés par une inflation législative en matière de garantie procédurale pour la
victime partie civile.
La tendance actuelle est donc la suivante : le travail auprès du délinquant est abandonné au
profit de la réparation due à la victime. Il s’agit d’une idéologie victimaire dont le centre de
gravité du droit pénal est déplacé vers la victime1509. Dans ces conditions, comment ne pas
constater l’essouflement d’un système, qui se caractérise par une régression des finalités du
procès pénal ?
409. Eviter une privatisation de la justice restaurative. La finalité de la réflexion
développée ci-dessus ne consiste pas à déplacer le problème du procès pénal vers la justice
restaurative ; cela n’aurait aucun sens. Ainsi, pour ne pas reproduire l’erreur de la
privatisation du procès pénal, il faut prendre en considération les aspects fondamentaux
dévoloppés dans le cadre de cette étude sur la justice restaurative.
En d’autres termes, confier des modèles de justice restaurative à des particuliers ou des
structures issues de la société civile, n’aurait pour conséquence qu’un déplacement de la
privatisation du procès pénal vers la justice restaurative1510. Une fois encore, la
professionnalisation des structures d’aide aux victimes, qui sont directement sollicitées
pour la mise en place des mesures alternatives aux poursuites, est nécessaire pour pouvoir
appréhender au mieux la transition vers les modèles de justice restaurative. Il faut rappeler
que les associations d’aide aux victimes assurent, d’ors et déjà, des fonctions para-pénales
comme les médiations pénales, les stages citoyenneté, les travaux d’intérêt général...
410. Une continuité et non pas une rupture. Fort du constat que la crise que vit le
droit pénal français est de nature à modifier les fondements même du système pénal dans
son ensemble, il convient de dépassionner les enjeux privés. Il s’agit d’une crise qui trouve
son essence dans l’histoire du droit pénal et dans la métamorphose de la société française,
devenue plus sensible à la cause des victimes. Ainsi, il convient de redonner un sens à la
sanction pénale et à limiter la privatisation du procès pénal en éloignant la victime en tant
que partie civile du prétoire pénal. L’idée directrice qui est d’appréhender différement la
notion de victime d’infraction pénale se confirme ; cette idée se justifie par le
développement de la justice restaurative et surtout par la prise en charge de la victime
avant l’audience pénale « pour que soit réglée la question de l’indemnisation, et qu’une
réponse soit apportée à leur attente de considération. Cette reconnaissance initiale de la
1509
VAN de KERCHOVE (M), Eclatement et recomposition du droit pénal, ibid.
1510
LAZERGES (C), Essai de classification des procédures de médiation, Archives de politique criminelle,
1992, Vol. 14, p. 22 ; BONAFE-SCHMITT (J.P), La médiation, une autre justice, Paris, Syros, 1992, p. 134.
323
souffrance favoriserait chez ces personnes l’acceptation d’un statut pénal »1511 plus
respectueux des fondements du droit pénal.
La justice restaurative apparaît alors comme une continuité de la justice pénale, et cela, en
prenant en considération les évolutions qu’elle a vu naître depuis des décennies : aide
juridique, aide aux victimes, éléments tirés du procès pénal, mesures alternatives aux
poursuites. L’incrimination doit rester le monopole de l’Etat car il s’agit d’une offense à
l’intérêt général et à l’ordre public, dont la réaction trouve une raison d’être au travers de la
peine. Aujourd’hui il est salutaire pour le système pénal d’évoluer car l’Etat laisse à la
victime privée « la position marginale de la constitution de partie civile, dont la seule
logique est celle, privée, du dédommagement »1512.
1511
PIN (X), op. cit., p. 252.
1512
VOGLIOTTI (M), op. cit., p. 722.
1513
JEAN (J.P), op. cit.
1514
JEAN (J.P), op. cit. p. 475.
1515
WARSMAN (J.L), Rapport sur les peines alternatives à la détention, les modalités d’exécution des
courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de prison, Assemblée nationale, avril 2003.
324
pénale à long terme. Il ne faut pas exiger davantage de droit pénal, mais avoir de
l’ambition pour lui en l’inscrivant définitivement dans l’avenir.
L’efficacité de la justice pénale est même érigée en principe directeur au point d’en oublier
son effectivité, et cela par la Cour Européenne des Droits de l’Homme 1516. Le Conseil de
l’Europe, quant à lui, a créé la commission européenne pour l’efficacité de la justice1517.
Cette commission travaille dans le sens d’une réduction des coûts et une diminution des
délais de jugement. Elle conçoit les procédures alternatives aux poursuites comme des
modalités de réduction de temps de traitement pénal, et vise, en d’autres termes, à
concevoir la justice restaurative qui pourrait émaner de ces alternatives comme une
économie du système pénal1518.
412. Des demandes et des attentes galvaudées. Des études récentes permettent
d’asseoir la nécessité de décloisonner et faire évoluer le droit pénal 1519. A la question de
l’efficacité de la justice pénale française pour réparer le préjudice, 41% des victimes
interrogées se disent satisfaites du traitement qui leur est accordé1520. Dans le cadre de cette
étude il n’est pas précisé s’il s’agit d’une réparation patrimoniale ou extra-patrimoniale.
Pour affiner cette donnée, une étude de février 20111521 traite de la réparation purement
patrimoniale. Ainsi, 46 % des victimes ne demandent pas de dommages et intérêts, et par
voie de conséquence ne se constituent pas partie civile. Pour celles qui se constituent partie
civile, 30 % d’entre elles n’obtiennent pas le versement de leur indemnisation ou
seulement en partie. Dans ce dernier cas, 64.2% des victimes se disent insatisfaites du
traitement qui leur est accordé. L’étude montre également que la victime classe en premier
la satisfaction liée à l’indemnisation, et en second la peine infligée à l’auteur. En effet,
dans le cas où l’auteur de l’infraction pénale n’est pas condamné, la satisfaction de la
victime est divisée par deux.
Ces données, qui paraissent de prime abord anodines et purement statistiques, révèlent
néanmoins des dysfonctionnements et corroborent les constats précédemment formulés. En
1516
JEAN (J.P), ibid., p. 477 ; CONTE (P), Effectivité, inaffectivité, sous-effectivité, surefficacité, Variations
pour droit pénal, in Mélanges Catala, Litec, 2001, p. 125.
1517
Commission Européenne Pour l’Efficacité de la Justice : CEPEJ (2003) 7 rev.
1518
JEAN (J.P), ibid., p. 480 et s.
1519
Les victimes de délit et le jugement de leur affaire : entre satisfaction et incompréhension, INFOSTAT
JUSTICE, décembre 2010, n° 111 ; Se déclarer victime : de l’atteinte subie au dépôt de plainte, INFOSTAT
JUSTICE, novembre 2010, n° 110 ; La satisfaction des victimes de délits suite au jugement de leur affaire :
quels facteurs explicatifs ?, INFOSTAT JUSTICE, février 2011, n° 112.
1520
Les victimes de délit et le jugement de leur affaire : entre satisfaction et incompréhension, ibid.
1521
La satisfaction des victimes de délits suite au jugement de leur affaire : quels facteurs explicatifs ?, op.
cit.
325
premier lieu, en s’en tenant à cette grille d’évaluation, la satisfaction de la victime, quant
aux finalités du procès pénal, ne s’entend qu’au travers de la réparation patrimoniale et la
condamnation de l’auteur. Cela confirme qu’il faut travailler par anticipation pour faire
comprendre à la victime les véritables finalités du procès pénal. Puis il faut alléger
l’audience pénale par des modes alternatifs aux poursuites, des modèles de justice
restaurative qui maximiseraient la satisfaction de la victime.
En ce qui concerne la satisfaction liée au sentiment d’être reconnue en tant que victime,
cette consolation est corrélative à la reconnaissance de la culpabilité du mis en cause et à
sa condamnation. Dans ce cadre, lorsque le mis en cause n’est pas condamné 80% des
victimes se disent insatisfaites de la justice pénale1522. De plus, cette condamnation quand
elle a lieu n’est pas non plus source de satisfaction. Ainsi, 56% des victimes, lorsqu’une
condamnation est prononcée, se disent satisfaites de la justice pénale. Ce constat démontre
une nouvelle fois la méconnaissance de la victime du système pénal et de la satisfaction
qu’elle peut en tirer. Elle se focalise inutilement sur la peine et délaisse la réhabilitation
extra-judiciaire. L’accompagnement et la pédagogie du droit, qui trouvent à exister au
travers de l’aide juridique et de l’aide aux victimes, se révèlent être un levier d’action pour
améliorer la satisfaction de la victime et faire évoluer l’image du droit pénal auprès des
justiciables. Comme il sera expliqué plus tard dans cette étude, l’accompagnement et la
pédagogie du droit peuvent se concevoir comme une modalité de justice restaurative. Il
existe donc « un enjeu d’explication sur le fond de la réponse pénale pour les victimes de
délits ressentis comme graves »1523. Cette explication répond également à l’urgence
consistant également à ne plus attribuer à la peine une fonction réparatrice1524.
413. Une nouveau paradigme. Les propos préalablement développés conduisent à
réfléchir non pas à un nouveau droit pénal, mais à une nouvelle politique pénale. Les
parquets, qui sont chargés de mettre en place et d’appliquer la politique pénale dans leur
ressort, sont amenés à gérer près de cinq millions d’affaires par an 1525. Ce chiffre, qui
dépasse l'entendement, montre la judiciarisation de la société, et sa pénalisation. La justice
restaurative se veut être l’instrument de cette nouvelle appréhension de la notion de
1522
Les victimes de délit et le jugement de leur affaire : entre satisfaction et incompréhension, op. cit., p. 2.
1523
La satisfaction des victimes de délits suite au jugement de leur affaire : quels facteurs explicatifs ?, op.
cit., p. 6.
1524
GARAPON (A), La démocratie à l’épreuve de la justice, Justices, 1999.
1525
En 2009, le nombre d’affaires traitées étaient de 4 667 695. Ce chiffre varie peut d’une année à l’autre.
Les chiffres clés de la justice, Ministère de la justice et des libertés, 2010. Consultable à l’adresse suivante :
http://www.justice.gouv.fr ; DALLEST (J), Le parquet et ses partenaires extérieurs ou comment mettre en
oeuvre une « politique étrangère » active et bien comprise, AJ Pén. 2007, p. 74.
326
victime en permettant aux parquets d’être plus cohérents dans les réponses pénales à
apporter aux infractions, en permettant de dégager les moyens nécessaires pour les affaires
dites classiques mettant en opposition seulement l’auteur et l’Etat1526, dans les cas les plus
graves.
La politique pénale menée actuellement est marquée par « l’absence de référence à une
philosophie punitive autre que la volonté d’assurer la sécurité et de répondre aux demandes
de certaines catégories de victimes »1527. Il faut donc la dynamiser en la rendant accessible,
effective et efficace. Une efficacité qui ne se conçoit pas en pourcentage et en rapidité de
traitement des infractions pénales, mais en terme simplement de justice ; une justice
cohérente et nécessaire qui saurait composer entre justice restaurative et justice pénale,
sans renier sur les fondements de cette dernière. « Il faut donner à l’Etat et à son système
de justice un rôle essentiel dans le déroulement d’un processus de justice restaurative »1528.
414. Des exigences communes. Pour que la justice restaurative puisse être conçue
comme un complément de la justice pénale contemporaine, il faut que les principes
fondamentaux du droit pénal ne se trouvent pas bafoués. Ainsi, les notions de procès
équitable et de délai raisonnable, par exemple, doivent être respectés. La justice
restaurative trouve sa raison d’être dans l’amélioration du système existant au vu de ce qui
a été développé précédemment. A partir de là, il faut considérer que la justice restaurative
n’a pas pour ambition de supprimer la peine stricto sensu ; les mesures restauratives
peuvent se cumuler avec des peines d’emprisonnement. Elle ne redéfinit pas non plus le
terme d’infraction mais induit une nouvelle façon de l’appréhender.
C’est ainsi qu’à bien des égards, les mesures restauratives et les dispositions pénales vont
se retrouver en un élément homogène : la justice (A). Enfin, pour parachever l’étude avant
d’analyser de façon pratique comment rendre effectif des modèles de justice alternative, il
faut prendre un temps pour l’évaluation empirique (B).
1526
JEAN (J.P), op. cit., p. 478.
1527
VARAUT (J.M), L’utilitarisme de Jeremy Bentham, prémice et mesure de la justice pénale, RSC, 1982,
p. 261 ; JEAN (J.P), ibid., p. 480.
1528
WALGRAVE (L), La justice restaurative et la justice pénale : une duo ou un duel ?, in CARIO (R), op
cit., p. 283.
327
A) Une justice homogène
1529
CESDH (Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme) et CEDH (Cour européenne des
droits de l’Homme).
1530
Pour aller plus loin. Sur la définition du procès équitable : BEZIZ-AYACHE (A), Dictionnaire de droit
général et procédure pénale, Ellipses, 4ème édition, 2008 ; KOERING-JOULIN (R), Les nouveaux
développements du procès équitable au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, édition
Bruylant, 1996.
1531
Conseil constitutionnel, décision 89-260, 28 juillet 1989.
1532
MBANZOULOU (P), La médiation pénale en France à l’aune de la loi du 9 juillet 2010, in Cario (R),
MBANZOULOU (P), La justice restaurative une utopie qui marche ?, op. cit., p. 31.
1533
JEAN (J.P), op. cit. ; CEDH, 19 mai 2004, Gusinsky c/ Russie ; CEDH, 20 juin 2002, Borghit c/ Italie,
Négociation sur la peine et procès équitable, RTDH 2003, p. 963 ; PONCELA (P), Quand le procureur
compose avec la peine, RSC 2002, p. 638.
1534
Art. 9 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 ; C. pr. pén. Art. Préliminaire.
328
Ces garanties fondamentales, pour répondre aux exigences des droits de l’Homme et des
libertés fondamentales, sont confortées par les résolutions de l’organisation des Nations
Unies1535. Ainsi, les modèles de justice restaurative doivent trouver à s’appliquer lorsqu’il
existe des charges suffisantes à l’encontre de l’auteur. De plus, les éléments tirés des
rencontres restauratives ne peuvent pas être utilisés dans le cadre d’un procès pénal
classique. Sur le principe d’un procès équitable, il est expressément demandé le traitement
équitable des participants, assorti de garanties juridiques comme le droit à l’avocat, à un
interprète, et le droit à recevoir toutes les informations juridiques utiles sur la modalité de
justice restaurative. Les garanties juridiques énumérées trouvent à s’appliquer par
l’intermédiaire de l’aide juridique et l’aide aux victimes.
416. Complémentarité et dépénalisation. La médiation est, à l’heure actuelle en
France, le mode de dépénalisation qui se rapproche le plus de la justice restaurative. Cela
se comprend car en France la justice restaurative en est au stade de l’expérimentation1536 ;
pourtant des mesures alternatives aux poursuites ou certaines peines alternatives à
l’emprisonnement1537 peuvent se traduire en terme de dépénalisation1538 : stage citoyenneté
majeur, stage citoyenneté mineur, travail d’intérêt général1539 et ainsi s’inscrire
logiquement dans le processus de justice restaurative. Même dans le cadre de ces mesures
alternatives ou peines alternatives, il est toujours possible de revenir à la sanction pénale
encourue lorsque l’auteur de l’infraction a violé la peine alternative1540.
Enfin, pour ce qui est du principe de non bis in idem1541, l’autorité de la chose jugée
s’attache au jugement, mais s’impose également aux parties dans le cadre d’une
1535
ONU, Conseil économique et social des nations unies, E/2002/30, in CARIO (R), Justice restaurative.
Principes et promesses, op. cit., pp. 137-142 ; PIGNOUX (N), op. cit., p. 614.
1536
CARIO (R), Les rencontres restauratives en matière pénale : de la théorie à l’expérimentation des RDV,
AJ Pén., 2011, p. 294.
1537
Les peines privatives ou restrictives, alternatives à l’emprisonnement ou à l’amende, in CROCQ (J.C), Le
guide des infractions, op. cit., p. 373.
1538
Nous verrons plus en détail en quoi ces mesures alternatives ou ces peines complémentaires peuvent se
concevoir en matière de justice restaurative.
1539
Stage citoyenneté majeur, C. pén. art. 131-5-1 ; Stage citoyenneté mineur, art. 20-4-1, ord. n°45-174, 2
février 1945 ; Travail d’intérêt général, C. pén. art. 131-8.
1540
Art. 131-9, C. pén., V. en ce sens, CROCQ (J.C), op. cit., p. 375.
1541
« Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison des mêmes faits », ancien art. 359 du code
d’instruction criminelle, remplacé par l’art. 368 du code de procédure pénale. Cet article consacre le principe
de l’autorité de la chose jugée.
Pour aller plus loin. V. En ce sens, BOIVIN (J.P), Les jugements implicites en question, JCP, 1975, I, 2723 ;
BOTTON (A), Contribution à l’étude de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, Tome 49, LGDJ,
Thèses, 2010 ; VALTICOS (N), L’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil, Sirey 1953.
329
transaction1542, et par extension dans le cadre d’une mesure de justice restaurative ; il
faudra qu’à l’issue de ladite mesure un magistrat la valide, lui donnant ainsi valeur
d’autorité de la chose jugée1543.
417. Qualification pénale et protagonistes de l’infraction. Pour ce qui est de la
qualification pénale, tous les délits peuvent être traités de façon complémentaire par la
justice pénale classique et par la justice restaurative. La gravité de l’infraction pénale n’est
pas un critère de sélection1544 et les atteintes aux personnes comme les atteintes aux biens
peuvent se concevoir dans ce type de justice. Des résultats d’études le confirment1545 :
l’essentiel se situe en terme de préjudice réparable de façon patrimoniale ou extra-
patrimoniale.
Quant aux protagonistes de l’infraction pénale, la différence fondamentale réside
désormais dans l’absence de partie civile. En effet, la complémentarité des deux justices
permet de consacrer le temps de l’audience pénale à la révélation de la vérité, loin des
émotions et de la compassion qu’elles suscitent. Le temps de la réhabilitation de la victime
est dissocié du temps de la régulation sociale et de la réhabilitation de la société dans son
ensemble. La justice restaurative permet à l’auteur de faire tomber les masques et de gérer
une émotion à laquelle il n’est pas habitué1546. Pour la justice pénale, à l’audience
classique, le mis en cause peut assurer sereinement sa défense et obtenir la peine la plus
adéquate à sa situation personnelle et professionnelle.
La victime a le statut de victime, et c’est là que peut apparaître le nouveau paradigme de la
justice restaurative. Plus besoin de se fondre dans un statut de partie civile déstructurant,
déshumanisant. Elle est ce que l’infraction a fait naître, seulement une victime. Sa
demande en matière de réparation émotionnelle, qui est dans la plupart des cas la
principale demande1547, est optimisée lors d’une modalité de justice restaurative. Lorsque
la victime vit ce type de justice, elle a moins peur de l’agresseur elle a moins le sentiment
d’être à nouveau victime. Elle a une meilleure estime d’elle même, mais également une
meilleure estime des autres1548.
1542
Ass. Plén. 24 février 2006 ; 3e Civ., 9 octobre 1974, Bull. 1974, III, n° 354.
1543
ONU, Conseil économique et social des Nations Unies, E/2002/30, op. cit.
1544
CARIO (R), MBANZOULOU (P), La justice restaurative une utopie qui marche ?, ibid., pp. 9-32.
1545
SHERMAN (L.W), STRANG (H), Restorative Justice : The Evidence, Londres, The Smith Institute,
2007.
1546
WALGRAVE (L), La justice réparatrice et les victimes, in Le traitement de la délinquance juvénile. Vers
un modèle sanctionnel réparateur, Actes du colloque organisé le 23 avril 2004, pp. 49-68.
1547
LECOMTE (J), La justice restauratrice, op. cit., pp. 259-270.
1548
SHERMAN (L.W), STRANG (H), op. cit., p. 65.
330
La société, quant à elle, trouve un intérêt dans les deux modèles de justice, la
complémentarité est optimale pour elle. Il existe une baisse de la récidive grâce aux
remords éprouvés, aux excuses prononcées envers la ou les victimes ; cette baisse est
également due à l’implication des acteurs dans le processus de restauration et à la
considération des protagonistes en tant que citoyen.
418. La réparation. Comme il a été indiqué en introduction, le terme restauration
est beaucoup mieux adapté à cette nouvelle dynamique pénale. En effet, le terme
restauration induit l’idée de restitution, compensation, réparation, réconciliation,
excuses...1549. La réparation patrimoniale fait partie de la restauration et à ce titre, elle
pourra avoir lieu durant ce temps de réparation émotionnelle ou lors d’une procédure civile
classique. Rien de compliqué en la matière puisque devant le juge civil, la responsabilité
de l’auteur sera établie par la décision sur sa responsabilité pénale1550.
419. Le retour possible à la justice classique. Il faut être réaliste sur l’efficience de
la justice restaurative. Comme toute justice, elle a ses limites1551 et ne peut pas résoudre
tous les problèmes qui entourent l’infraction pénale. Il est toujours possible de revenir à un
système de justice pénale classique, sans pour autant renier ce qui a été soutenu jusqu’à
présent1552. La finalité de la démarche consiste à appréhender la victime d’infraction pénale
différemment et de l’éloigner le plus souvent possible du prétoire pénal ; il s’agit
également de maximiser le rapport de la société au droit pénal.
420. Des objectifs remplis. A bien des égards, justice restaurative et justice pénale
forment une justice homogène soucieuse de conserver les garanties fondamentales du
procès pénal. Ainsi, les trois objectifs de la justice peuvent être remplis : la punition pénale
de l’auteur de l’infraction, la réparation pratique de la victime, le rétablissement durable de
la paix sociale. Ce constat est soutenu par une évaluation empririque de la justice
restaurative.
1549
WALGRAVE (L), La justice restaurative et la justice pénale : un duo ou un duel ?, in CARIO (R), op.
cit., p. 281.
1550
Il s’agit du principe de l’unité des fautes civiles et pénales : le juge civil appelé à statuer sur des faits sur
lesquels un juge a déjà statué, doit respecter les constatations du juge répressif quant à la culpabilité du
prévenu. Cass. Crim., 18 décembre 1912 : Gaz. Pal. 1913, 1, p. 107.
1551
GAUDREAULT (A), Les limites de la justice réparatrice. Les cahiers de la justice, Revue de l’ENM,
Dalloz, 2006, n°1, pp. 71-82.
1552
Aide juridictionnelle élargie, amélioration de l’aide aux victimes, maximisation de l’accès au droit,
développer les obligations tirées du procès pénal : sursis avec mise à l’épreuve...
331
421. Données générales. Plusieurs travaux de recherche mettent en exergue des
résultas obtenus lors de la mise en place de modalités de justice restaurative. Il faut de la
prudence dans l’analyse de ces résultats, car il s’agit d’expériences disparates. Néanmoins
l’exercice reste possible et nécessaire pour pouvoir se projeter concrètement dans ce type
de justice. Les sources sont anglo-saxonnes ou belges, mais elles ont pour point commun
d’être suffisamment pertinentes pour les prendre en considération dans l’intégration de la
justice restaurative en droit pénal français. D’autant plus que ces résultats peuvent être
associés à d’autres données issus de l’expérience française de rencontre détenus-victimes.
422. Les données canadiennes et australiennes. En ce qui concerne la justice des
mineurs, une étude1553 montre que pour neuf mille trois cent sept mineurs ayant participé à
des médiations, la récidive diminue de 26% par rapport aux cas traités en justice
traditionnelle. Quant à ceux qui récidivent, ils commettent des délits moins graves que les
autres récidivistes1554.
En ce qui concerne les majeurs, trente neuf études ont mis en évidence que la justice
restaurative apporte plus de satisfaction à l’auteur et la victime que la justice traditionnelle.
91% des victimes sont satisfaites des rencontres de groupe familial1555.
Des données synthétisées sur vingt-cinq années1556 de justice restaurative avancent des
résultats très intéressants en ce qui concerne la réparation de la victime, la
responsabilisation de l’agresseur, le rétablissement de la paix sociale. Pour la réparation de
la victime, celles ayant participé à un programme de justice restaurative sont plus
satisfaites que celles étant passées par la la justice classique. Pour la responsabilisation de
l’agresseur, les délinquants participants à la justice restaurative respectent plus leurs
engagements. Pour le rétablissement de la paix sociale, 72% des études montrent une
réduction de la récidive. Les auteurs estiment normal d’être sanctionnés pour les faits
qu’ils ont commis. En général, la justice restaurative entraine une diminution de la sanction
mais pas son élimination.
1553
NUGENT (W), WILLIAMS (R.M), UMBREIT (M.S), Participation in Victime-offender Médiation nd
the Prevalence and Severity of Subsequent Delinquent Behavior : A Meta-Analysis, Utah Law Review, 2003.
1554
NUGENT (W), WILLIAMS (R.M), UMBREIT (M.S), ibid., pp. 137-166.
1555
Mc COLD (P), WACHTEL (T), Restorative justice theory validation, in Restorative justice : Theoretical
Foundations, Devon, Willan Publishing, 2003, pp. 110-142.
1556
LATIMER (J), DOWDENE (C), MUISE (D), L'efficacité des pratiques de la justice réparatrice, Méta-
analyse, Ottawa, Direction de la Recherche et de la Statistique, ministère de la justice du Canada, 2001.
332
En Australie, les études menées sont assez éloquentes1557. Ainsi, 86% des victimes disent
que l’auteur a présenté des excuses, dans la justice classique le pourcentage est de 19%.
Sur la sincérité des excuses, 77% estiment qu’elles le sont vraiment, alors que dans la
justice classique le pourcentage est de 41%.
Même si le but de la justice restaurative n’est pas de réduire la récidive, il est intéressant de
constater que dans les données canadiennes et australiennes le pourcentage de baisse est
très significatif. Concernant la satisfaction liée à l'expérience restauratrice, le taux est
pratiquement deux fois plus important que dans la justice classique1558.
423. Les données belges. En 2004, une étude belge révélait que la plupart des
délinquants n’étaient pas indifférents devant la souffrance des victimes, même s’ils ne
montraient par leur émotion au début. Deux phrases reviennent souvent : « je ne voulais
pas vous faire tout ce mal » ; « je ne savais pas que cela vous toucherait autant »1559. La
justice restaurative créant un nouveau rapport entre l’auteur et la victime il faut faire
preuve d’optimisme et miser sur l’authenticité des protagonistes.
Concernant les conférences pour les délinquants mineurs1560, de 2003 à 2006, toutes les
conférences ont abouti à un accord, exécuté à chaque fois. En moyenne 90% des victimes,
des parents et des mineurs délinquants déclarent qu’ils accepteraient de participer à une
nouvelle conférence du groupe familial. Ce taux de réussite n’est pas seulement dû à la
caractéristique du modèle de justice restaurative. Tout l’enjeu se situe au début du
processus, par la préparation et la pédagogie de l’organisateur du groupe1561. Pour ce qui
est de la réparation, même si cette dernière lorsqu’elle est patrimoniale est importante, les
victimes accordent une plus grande importance aux réparations symboliques. 100% des
victimes estiment que leurs droits ont été respectés. S’agissant des auteurs ce pourcentage
est ramené à 95%1562.
1557
SHERMAN (LW), STRANG (H), op. cit.
1558
Comme il a été vu précédement, en France la taux de satisfaction est de 41% concernant la justice
classique, V. Les victimes de délit et le jugement de leur affaire : entre satisfaction et incompréhension, op.
cit.
1559
WALGRAVE (L), La justice réparatrice et les victimes, in Le traitement de la délinquance juvénile. Vers
un modèle sanctionnel réparateur, Actes du colloque organisé le 23 avril 2004, pp. 49-68.
1560
SAYOUS (B), Les conférences du groupe familial, in CARIO (R), MBANZOULOU (P), La justice
restaurative une utopie qui marche ?, op. cit., p. 45 ; VANFRAECHEM (I), WALGRAVE (L), Les
conférences de groupe familial (Family Group Conferences), in Les cahiers de la justice, Dalloz, 2006, n°1.
1561
SAYOUS (B), ibid.
1562
WALGRAVE (L), Les conférences de groupe familial, ibid., p. 166.
333
En ce qui concerne la récidive, l’étude montre que 22% des auteurs mineurs ayant participé
à la conférence de groupe familial récidivaient, contre 58% pour ceux qui n’ont pas
participé au processus restauratif.
Le pourcentage de récidive est significatif entre mesure restaurative et justice pénale
classique. La satisfaction d’avoir été entendu est très importante. Les données avancées
sont encourageantes pour l’intégration des conférences de groupe en droit pénal
français1563, tout en respectant les principes fondamentaux du procès pénal cités
précédemment. En matière de justice pénale des mineurs, l’intégration des conférences de
groupe est opportune et possible avec les textes en vigueur. L’ordonnance du 2 février
1945 permet au magistrat, substitut des mineurs, et au juge des enfants de proposer une
mesure d’aide ou de réparation à l’égard de la victime1564. L’auteur conserve le choix de
refuser. En tout état de cause, cette mesure d’aide ou de réparation peut très logiquement
prendre la forme d’une conférence de groupe familial. Actuellement, ces modalités
restauratives s’appliquent seulement dans le cadre d’un stage citoyenneté mineurs1565. Par
expérience1566, ces stages montrent leurs limites car ils ne durent que deux jours, où se
succèdent différents intervenants judiciaires ou de la société civile. La plupart des mineurs
déscolarisés très tôt ont du mal à rester attentifs aux interventions magistrales. La
satisfaction qui en résulte est donc plus que mitigée.
424. L’expérimentation française : les rencontres restauratives 1567. Une expérience
a été menée, de mars à juillet 2010, sous l’impulsion de l’INAVEM à la centrale de
POISSY : les rencontres détenus-victimes. Elles s’appliquent dans le cadre de l’exécution
d’une peine privative de liberté pour des délits graves. Ce modèle de justice restaurative
existe au Canada depuis 1987. Une expérimentation avait été menée en 1983 au Royaume
Uni. Tous les droits fondamentaux liés au procès pénal sont respectés, et la
complémentarité entre justice pénale et justice restaurative également : c’est le juge pénal
qui décide des modalités d’exécution de la recontre détenus-victimes.
La participation du détenu au modèle restauratif n’est pas une condition de réduction de sa
peine. Il en est informé et conscient lorsqu’il accepte de participer au processus. Les
1563
CARIO (R), La justice restaurative. Rapport du groupe de travail, CNAV, Ministère de la justice,
Multigraph, 2007.
1564
Art. 12- et 15-1 de l’ordonnance du 2 février 1945.
1565
Art. 20-4-1 de l’ordonnance du 2 février 1945.
1566
Participation de ma part aux stages citoyenneté mineurs à l’antenne de la Protection Judiciaire de la
Jeunesse de Villefranche sur saône, de 2010 à 2013.
1567
CARIO (R), Les rencontres restauratives en matière pénale : de la théorie à l’expérimentation des RDV,
op. cit., p. 294.
334
rencontres peuvent être sollicitées par les protagonistes de l’infraction, le service
pénitentiaire d’insertion et de probation1568 ou par l’association d’aide aux victimes ; pour
ces dernières, Robert CARIO préconise leur professionnalisation et leur formation
qualifiante en victimologie et criminologie1569.
Dans un premier temps, plusieurs rencontres ont lieu pour préparer les participants, auteurs
comme victimes. Dans un second temps, la rencontre détenus-victimes se déroule au sein
du centre de détention. Chacun s’exprime à tour de rôle, avec respect. Deux mois après
cette rencontre, les participants se retrouvent une nouvelle fois pour échanger sur les
résultats que chacun a retiré de l'expérience vécue. Cela renforce la compréhension des
participants sur les relations interpersonnelles qu’a généré l’infraction pénale.
425. Données quantitative et qualitative de la rencontre détenu-victime. Neuf
personnes sur dix se disent satisfaites des rencontres détenus-victimes1570. Les participants
expriment leurs sentiments : apaisement des souffrances, compréhension mutuelle, prise de
conscience de l’ampleur des torts commis, responsabilisation du détenu. Remarque
surprenante, mais à prendre en considération : les victimes se sentent délivrées de leur
culpabilité liée à leur victimisation.
La victime a moins peur et diminue d’autant les facteurs de victimisation par la
compréhension de l’acte subi. Elle se considère plus comme victime et ne ressent plus
l’appréhension d’être à nouveau victime. L’accompagnement de la part d’une structure
d’aide aux victimes est une nouvelle fois un gage de réussite de la mesure restaurative. La
complémentarité de la justice pénale et de la justice restaurative apparaît fondamentale en
ce que l’auteur considère sa peine comme une réparation sociale. Il existe donc une «
impérieuse nécessité de complémentarité entre sanction de l’acte et restauration des
personnes comme des relations intersubjectives et communautaires »1571. En ce qui
concerne la récidive, la prise de conscience de l’appartenance à une même communauté, la
communauté humaine, réduit le taux de récidive lorsque le détenu s’est engagé dans ce
processus restauratif. Après la rencontre détenus-victimes, l’auteur comme la victime
peuvent être suivis par une association d’aide aux victimes pour maximiser la restauration.
1568
SPIP, Service Pénitencier d’Insertion et de Probation.
1569
CARIO (R), Les rencontres restauratives en matière pénale : de la théorie à l’expérimentation des RDV,
op. cit., p 295 ; BEAULAC (M), Les rencontres détenus-victimes : des participants comblés, Cahiers de
l’AQPV, 2007, n°3 ; DE VILETTE (T), Faire justice autrement. Le défi des rencontres entre détenus et
victimes, Médiapaul, 2009.
1570
CARIO (R), ibid., p. 296.
1571
CARIO (R), ibid., p. 297.
335
426. Projection pour le droit pénal français. Il a été démontré que la justice
restaurative peut tout à fait être le complément de la justice pénale, que ce soit dans la
dépénalisation ou dans un mouvement additionnel. Les droits fondamentaux du procès
pénal sont respectés et acquis. Il ne s’agit pas d’une rupture mais d’une évolution du
système pénal français.
En termes de statistiques, en moyenne 90% des protagonistes de l’infraction pénale
souhaitent s’inscrire dans une démarche restaurative complémentaire ou alternative au
procès pénal1572. Dans 80% des cas les accords sont conclus pour ensuite être rendus
exécutoires par un magistrat1573 ; les victimes considèrent et attendent beaucoup plus de la
réparation extra-patrimoniale que de la réparation matérielle. L’auteur, quant à lui reçoit et
comprend beaucoup mieux la peine, et la récidive dépendra surtout de l’accompagnement
avant ou après le procès pénal et de la mesure de justice restaurative envisagée. En tout état
de cause, son taux de récidive est beaucoup moins important lorsque l’auteur a fait l’objet
d’une mesure restaurative.
Les études ont également démontré que la façon d’aborder l’offre de restauration
conditionne la réussite du processus restauratif. C’est une nouvelle fois la preuve de
l’utilité du travail pédagogique que l’on retrouve au travers de l’aide juridique et de l’aide
aux victimes.
Le droit pénal français peut s’inscrire, dès à présent, dans une démarche complémentaire
de restauration et de correction, par l’emploi additionnel de la justice restaurative et de la
justice rétributive. Le droit pénal dispose de mesures utiles à la démarche restaurative
comme la médiation pénale. Il peut également innover en adaptant les mesures alternatives
aux poursuites, ou les peines alternatives à l’emprisonnement comme le stage citoyenneté
et la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité par exemple. Fort de tous ces
constats, il est alors temps d’aborder la justice restaurative et le droit pénal français.
1572
WALGRAVE (L), La justice restaurative et la justice pénale : un duo un duel ?, in CARIO (R), La
victime : du traumatisme à la restauration, op. cit., p. 294.
1573
WALGRAVE (L), La justice restaurative et la justice pénale : un duo un duel ?, in CARIO (R), La
victime : du traumatisme à la restauration, ibid., p. 294.
336
427. Le droit pénal français, un vaste terrain d'expérimentation. Dans cette phase de
réflexion, en prenant en considération les remarques formulées depuis le début de cette
étude, le droit pénal français peut intégrer des mesures de justice restaurative. Certes, il
faut retravailler le fond et la forme, mais le cadre existe. Comme les mesures alternatives à
l’emprisonnement et certaines peines complémentaires, le droit pénal français permet dans
la grande majorité des infractions pénales de réhabiliter la victime sans l’accession au
statut de partie civile.
Pour ce qui est des mesures restauratives existantes (Section 1), le cadre juridique est posé
mais son effectivité pourrait être contrariée par la dérive victimaire de la société et du
système pénal dans son ensemble. Néanmoins, il pourrait exister un avenir pour ces
mesures restauratives au regard du potentiel restauratif de la procédure pénale ; en effet, il
existe des modalités de justice restaurative innovantes (Section 2), à condition de garder à
l’esprit les remarques formulées jusqu’à présent.
1574
L. n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale.
1575
MBOUZOULOU (P), La médiation pénale en France à l’aune de la loi du 9 juillet 2010, in CARIO (R),
MBOUZOULOU (P), La justice restaurative une utopie qui marche ?, op. cit. ; LAZERGES (C), Médiation
pénale, justice pénale et politique criminelle, RSC, 1997, pp. 186-198 ; FAGET (J), La médiation. Essai de
politique pénale, ERES, coll. Trajet, 1997.
337
§1. La médiation pénale
1576
C. pr. pén. Art. 41-1 ; CROCQ (J.C), op. cit., pp. 208-210.
1577
LEBEHOT (T), Le cadre juridique de la médiation pénale, AJ Pén., Mai 2011, p. 216.
1578
Respect du principe de la présomption d’innocence. Circulaire du 16 mars 2004 relative à la politique
pénale en matière de réponses alternatives aux poursuites et de recours aux délégués du procureur de la
République, p 4.
1579
Circulaire du 16 mars 2004, ibid., p. 5.
338
Pour être plus cohérentes et respectueuses des principes fondamentaux de la procédure
pénale et du procès pénal, les mesures alternatives disposent de règles communes1580.
Concernant l’aide juridique, la médiation pénale permet pour la victime et la défense
d’obtenir l’aide juridictionnelle, l’assistance d’un avocat, et pour la victime l’assistance
d’un professionnel pour évaluer son préjudice.
431. La médiation pénale, une mesure pré-sentencielle. Le droit pénal français
distingue les mesures pré-sentencielles des mesures post-sentencielles. De ce fait, la
médiation pénale ne peut pas être proposée dans des phases ultérieures de la procédure
judiciaire. La médiation pénale est accessible sur réquisition exclusive du procureur de la
République avant toute sanction pénale1581. Le Procureur de la République dispose de
l’opportunité des poursuite et donc de l’action publique ; il peut décider de dépénaliser
certaines infractions et d’utiliser la voie de la justice restaurative. Il s'octroie les services de
médiateurs pour mener à bien la mission, et par la même occasion élargir le champ
d’application de la médiation pénale1582.
432. Historique de la médiation pénale. Le phénomène a comme point de départ
une expérimentation dans les années quatre vingt. Les objectifs de la médiation pénale
étaient simples1583 : rechercher des alternatives aux mesures répressives classiques ;
répondre à la demande croissante des victimes d’obtenir une réparation ; inciter la
personne mise en examen à travailler sur la notion de réparation. Malgré un financement
spécifique incorporé dans le budget du Ministère de la Justice, il n’existe pas de définition
juridique et légale de la médiation pénale. Dans les différents tribunaux de grande instance,
les pratiques sont hétérogènes. Successivement entre 1992 et 19961584, les textes vont se
succéder pour reconnaitre l’existence de la médiation pénale, son financement et les
conditions d’habilitation du médiateur pénal. Son insertion dans le code de procédure
pénale est consacrée par la loi du 4 janvier 19931585. Ainsi, jusqu’en 20101586, l’article 41-1
du code de procédure pénale était rédigé de la façon suivante : « S’il lui apparait qu’une
1580
Circulaire du 16 mars 2004, ibid., pp. 9-10.
1581
C. pr. pén. Art. 41-1.
1582
CARIO (R), Justice restaurative. Principes et promesses, L’Harmattan, Traité de sciences criminelles,
Vol. 8, 2010.
1583
LEBEHOT (T), op. cit. ; MBOUZOULOU (P), La médiation pénale en France, op. cit.
1584
Loi du 4 novembre 1992 (n° 92-1181) reconnaissant l’existence de la médiation pénale et son mode de
financement ; Loi 10 avril 1996 (n° 96-305) et Circulaire du 18 octobre 1996 (NOR JUS D 96-30161 C) sur
les conditions d’habilitation du médiateur pénal.
1585
L. n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale.
1586
L. n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences
au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.
339
telle mesure est susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de
mettre fin au trouble résultant de l’infraction ou de contribuer au reclassement de l’auteur
des faits, le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l’action
publique, directement ou par l’intermédiaire d’un officier de police judiciaire, d’un délégué
ou d’un médiateur du procureur de la république : (...) 5° Faire procéder, avec l’accord des
parties, à une mission de médiation entre l’auteur des faits et la victime ».
Par la suite, de 1999 à 2010, les lois se succédent pour compléter le dispositif de la
médiation pénale. La loi du 23 juin 19991587 précise la suspension de l’action publique
durant la mise en oeuvre de l’injonction de payer ; la loi du 9 mars 2004 1588 formalise le
procès verbale de fin de médiation ; la loi du 9 juillet 2010 pose une présomption de non-
consentement à la médiation pénale dans les situations de violences conjugales1589.
433. Procédure et mise en oeuvre : la réquisition du parquet. Aux termes de la
circulaire du 16 mars 20041590, le processus de médiation pénale débute par les réquisitions
du parquet. A ce titre, la réquisition doit être claire, rigoureuse et précise. Le procureur de
la République doit définir clairement la qualification pénale retenue, le délai de réalisation.
434. Les entretiens préalables. Pour que la médiation pénale se conçoive comme
une véritable mesure restaurative, il faut que le médiateur s’entretienne au préalable avec
les participants. Il explique le cadre juridique, le déroulement et le but de la médiation pour
l’auteur et pour la victime. C’est également l’occasion de recueillir leur accord et de poser
expressément leur volonté de participer à la médiation.
435. La phase cruciale de la médiation pénale. Ses objectifs sont : « d’établir ou
rétablir le dialogue entre les parties ; de responsabiliser l’auteur de l’acte ; de réparer le
dommage causé à la victime ; de réconcilier, le cas échéant, les parties au conflit ; de
construire des solutions durables ;de formaliser un accord ou un désaccord par écrit »1591.
Pour être garant du fonctionnement de la médiation pénale, le médiateur doit maîtriser les
techniques d’entretien, avoir une connaissance du droit pour répondre aux différentes
1587
L. n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l’efficacité de la procédure pénale.
1588
L. n° 2004-204 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
1589
Nous reviendrons plus tard sur les modalités de la loi du 9 juillet 2010, et sur ce qu’impose l'ordonnance
de protection concernant la médiation pénale.
1590
Circulaire du 16 mars 2004, op. cit., p. 10.
1591
LEBEHOT (T), Le cadre juridique de la médiation pénale, op. cit., p. 218 ; MAUREL (E), Le recours à
la médiation pénale par le procureur de la République, AJ Pén., mai 2011, pp. 219-221.
340
questions et mettre en adéquation l’accord des parties avec la réalité juridique1592. Par cette
technicité, il élabore des solutions librement négociées par les parties. Par sa présence et
ses compétences le médiateur garantit le processus de médiation, il est un élément neutre
ne privilégiant pas la victime ou le mis en cause1593.
436. L’issue de la médiation pénale. Après les discussions et les échanges
concernant les raisons de l’infraction, et sa répercussion sur chaque participant, plusieurs
situations peuvent apparaître. En premier lieu, soit les parties s’accordent : le médiateur
établit un procès verbal d’accord1594 qui est présenté au magistrat du parquet. Tous les
participants, ainsi que le médiateur, le signent. Ce formalisme est d’autant plus important
que la victime peut demander le recouvrement de la réparation résultant de l’accord par le
biais de l’injonction de payer1595. Cette procédure est beaucoup plus simple et plus
effective que la saisine du fonds de garantie, CIVI ou SARVI.
En second lieu, soit les parties ne s’accordent pas : le médiateur doit noter dans son compte
rendu ce refus, sans donner d’appréciation personnelle et donc le faire en toute
objectivité1596. Le procureur de la République peut alors enclencher l’action publique1597 et
la procédure pénale classique reprend son cours. Mais rien ne l’empêche d’utiliser une
autre mesure alternative aux poursuites, notamment la composition pénale1598.
437. Une mesure restaurative perfectible, mais un cadre juridique cohérent. La
médiation pénale, en pratique, reste l’unique mode de justice restaurative dans le droit
pénal français. Certes, l’entreprise n’est pas parfaite et la médiation pénale peut encore
évoluer pour se tenir au plus près de l’esprit originel de la médiation. Certains regrettent sa
trop grande dépendance avec l’institution judiciaire1599, la place trop importante du parquet
qui peut déclencher les poursuites même en cas de réussite de la médiation1600. Il ne faut
pas perdre de vue les objectifs premiers de la médiation en droit pénal français : dépasser
1592
MBOUZOULOU (P), La médiation pénale en France à l’aune de la loi du 9 juillet 2010, op. cit. ; Pour le
protocole d’accord, V. en ce sens INAVEM, Code de déontologie, Guide des bonnes pratiques. Médiation
Pénale familiale., Multigraph., mai 2010, pp. 22-32.
1593
INAVEM, Code de déontologie, ibid., p 10 ; GAILLARD (B), Dynamiques et éthique des espaces
cliniques de médiation, in Actes du colloque Médiation, Médiations, Université Rennes 2, Multigraph., 2002.
1594
L. n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
1595
N.C.P.C Art. 1405 à 1425.
1596
LEBEHOT (T), op. cit., p. 218 ; MBOUZOULOU (P), La médiation pénale en France à l’aune de la loi
du 9 juillet 2010, op. cit., p 30.
1597
CROCQ (J.C), Le guide des infractions, op. cit., p. 209 ; C. pr. pén. Art. 41-1.
1598
CROCQ (J.C), Le guide des infractions, ibid., p. 210.
1599
PIGNOUX (N), op. cit., p. 620.
1600
Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ; DI
MARINO (G), Le ministère public et la victime, RPDP, 2001, n°3, pp. 451-463.
341
la dimension pénale qu’a générée l’infraction, responsabiliser l’auteur, prévenir la récidive
et réconcilier les deux parties1601. En cela, la médiation pénale reste une véritable modalité
de justice restaurative. Mais pour combien de temps encore ? Aujourd’hui, les problèmes
auxquels se confronte la médiation pénale sont liés à la crise que vit le système pénal
français.
1601
Note d’orientation sur la médiation en matière pénale, Ministère de la justice, 3 juin 1992, in CARIO (R),
La médiation pénale : entre répression et réparation, L’Harmattan, Coll. Sciences criminelles, 1997.
1602
Loi n° 2010-769 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des
couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.
1603
CARIO (R), Les victimes et la médiation pénale en France, in JACOUD (M), Justice réparatrice et
médiation pénale. Convergences ou divergences ?, coll. Sciences criminelles, L’Harmattan, 2003 ;
MBOUZOULOU (P), La médiation pénale en France à l’aune de la loi du 9 juillet 2010, op. cit.
1604
Il s’agit de l’ordonnance de protection V. supr n° 343 et s.
342
Or, les violences conjugales pourraient se retrouver en médiation pénale car bien souvent
elles représentent un point de rupture dans la communication du couple ; cette
communication ne peut se reconquérir dans un prétoire pénal, entre défense, accusation et
partie civile.
Il est important de rappeler que l’accord des parties était un préalable à la justice
restaurative ; la volonté d’une partie ne saurait être prépondérante sur une autre.
Aujourd’hui, il est loisible de dire que la médiation pénale, en droit pénal français,
s’éloigne des conditions et de l’esprit de la justice restaurative.
439. La loi du 9 juillet 2010 et l’activité de médiateur. La nouvelle formulation de
l’article 41-1 du code de procédure pénale a également une incidence sur la légitimité du
médiateur. En effet, en tombant dans les travers de la dérive victimaire, la médiation
pénale décrédibilise le rôle du médiateur. En pratique, la plupart des médiations sont
assurées par des associations d’aide aux victimes1605. Ainsi, le médiateur travaillant en son
sein déséquilibre la médiation pénale ; il est possible pour les participants de considérer le
médiateur comme le protecteur de la victime. Le principe d’objectivité et d’impartialité du
médiateur n’a plus lieu d’être, et que dire du principe du procès équitable.
440. La professionnalisation des médiateurs. Le problème de la
professionnalisation est récurent. Il apparaît au moment de l’étude des associations d’aide
aux victimes et lors de l’analyse de la médiation pénale. Cela n’est pas étonnant car les
médiations pénales sont en grande majorité confiées aux associations d’aide aux
victimes1606.
Pour mettre en place la médiation pénale, le procureur de la République s’octroie les
services de médiateurs du Procureur1607 qui sont, dans le plus grande majorité des cas, des
associations. La circulaire du 16 mars 2004 renforce les dispositions du code de procédure
pénale en mettant en exergue les critères suivants1608 : indépendance vis à vis de l’exercice
1605
Comme chaque année, l’Institut Nationale d’Aide aux Victimes Et Médiation (INAVEM) propose dans
son plan de formation 2013, un perfectionnement en médiation pénale : http://www.inavem.org (rubrique
formation, catalogue formation).
1606
L’INAVEM préconise aux associations d’aide aux victimes d’assurer des tâches de médiation. A cet
effet, elle a édicté un code de déontologie de la médiation : Code de déontologie, Guide des bonnes
pratiques. Médiation pénale. Médiation familiale, op. cit. Les mesures de médiation pénale sont également
assurées par la fédération Citoyens et justice, qui regroupe 150 associations socio-judiciaires. Une nouvelles
fois nous pouvons constater le manque de cohérence dans la mise en place de la politique d’aide aux
victimes. En effet, ces 150 associations ont également des missions d’aide aux victimes.
1607
Art. 64 de la loi du 9 mars 2004. Sur la procédure d’habilitation V. en ce sens, C. pr. pén. Art. R 15-33-
30 à R 15-33-37.
1608
C. pr. pén. Art. R 15-33-33.
343
d’une profession judiciaire, qualité et sens du service public, éviter le recrutement de
personnes issues de professions en lien direct avec les questions de sécurité. Elle rappelle
également la nécessité, pour les médiateurs, de pérenniser leur formation dans les
juridictions et en dehors1609. La médiation pénale implique forcément des compétences
sociales et juridiques.
Sur le terrain le constat est autre. Dans la grande majorité des cas, les médiateurs sont des
personnes retraitées, ayant travaillé en tant que gendarmes ou policiers. Il arrive très
souvent qu’il s’agisse d’anciens officiers de police judiciaire. Le médiateur, issu d’un tel
corps de métier sera forcément influencé par le côté le plus sécuritaire de la mesure1610.
Pour ce qui est de la formation, lorsque le médiateur agit dans le cadre d’une association
d’aide aux victimes, la proposition de formation émane de l’INAVEM. Rien n’oblige le
médiateur à se former, ni le parquet, ni l’association d’aide aux victimes, ni l’INAVEM, et
bien souvent, il est possible de rencontrer un médiateur ayant une connaissance très
sommaire de la mesure restaurative. Les associations de contrôle judiciaire apparaissent
alors mieux formées pour mettre en oeuvre une mesure de médiation pénale1611.
441. Le manque de rencontre préalable. Le fait que la médiation pénale puisse être
appliquée différemment d’un parquet à un autre, a des répercussions sur l’efficacité de la
mesure. En d’autres termes, il existe un manque de cohérence. Un même texte juridique
aura une application dissemblable. Il n’est pas rare de constater dans différents ressorts du
Tribunal de Grande Instance, des médiations se dérouler sans rencontre préalable1612. Ceci
est dommageable pour la finalité de la médiation pénale en tant que mesure de justice
restaurative. Les raisons qui expliqueraient le manque de rencontres préalables peuvent
être diverses : contrainte en terme d’efficacité de la justice pénale, mauvaise perception de
la justice restaurative, incompétence des médiateurs à maîtriser la médiation sur plusieurs
séances1613.
Concernant l’incohérence de la mise en oeuvre de la médiation pénale, il est à noter que
celle-ci apparaît également au travers de la pratique même du médiateur. Autrement dit,
1609
A l’ENM par exemple (Ecole Nationale de la Magistrature) ; exigence également émise au niveau
européen : Recommandation R(99)19 du 15 septembre 1999 sur la médiation pénale. Cette dernière
préconise une formation initiale puis une formation en cours d’exercice.
1610
FAGET (J), La justice restaurative en France, L’Harmattan, 2009.
1611
GOSSEYE (P), La mise en oeuvre de la médiation pénale par l’association béarnaise de contrôle
judiciaire de Pau, AJ Pén., mai 2011, pp. 221-225.
1612
MILBURN (P), La médiation pénale en France : quelle place pour les victimes ? In justice « restaurative
» et victimes, Les cahiers de la justice n°1, Dalloz, ENM, 2006, pp. 113-126.
1613
FAGET (J), La médiation. Essai de politique pénale, op. cit.
344
selon que le médiateur travaille pour une association d’aide aux victimes ou pour une
association socio-judiciaire, il disposera d’une déontologie différente : leur fédération,
l’INAVEM et Citoyen et justice, éditent chacun un code de déontologie.
442. La réparation patrimoniale. Par manque de formation et d’information
juridique, les médiateurs s’écartent de la philosophie de la justice restaurative. Ils apportent
une importance certaine à la réparation patrimoniale, au détriment de la réparation extra-
patrimoniale1614. Ceci est également dû au fait que la médiation pénale côtoie d'autres
mesures beaucoup plus centrées sur la réparation matérielle. C’est le cas pour la possibilité
de demander à l’auteur de réparer le dommage, ou la réparation pénale concernant le
mineur1615. Il s’agit d’un constat récurrent. Pourtant la circulaire du 16 mars 2004 confirme
l’objectif de la médiation pénale : elle poursuit un « double objectif de prévention de la
réitération et de désintéressement de la victime » concernant la réparation matérielle.
443. Un constat en demi teinte. Le succès actuel de la médiation pénale ne doit pas
occulter ses lacunes. Les principaux fondements de la médiation en matière de justice
restaurative sont posés et respectés. Malgré cela, la loi du 9 juillet 2010, la privatisation du
droit pénal, l’incohérence des différentes politiques menées par les Parquets, provoquent «
une torsion inquiétante des principes de la médiation »1616.
Le 3 juillet 2013, un projet de loi a été déposé devant le Sénat. Une grande partie du texte
concerne les violences faites aux femmes et comporte des dispositions de droit pénal et de
procédure pénale. Il faut retenir deux propositions dans ce texte1617 : une volonté d’exclure
totalement le recours à la médiation pénale pour les violences intra-familiales et
l’affirmation d’un principe d’éviction de l’auteur du logement familial. Ces deux
propositions montrent aujourd’hui la difficulté à percevoir dans la médiation pénale une
mesure permettant à la victime de se reconstruire de façon effective. L’éviction du conjoint
violent représente une mesure de réparation pragmatique pour la victime, mais faut-il
encore prévoir des strucutres d’hébergement pour ce type de mis en cause.
Pour l’instant, pour les violences intra-familiales comme pour les autres infractions
pénales, il faut donc sensibiliser les parquets sur les points énoncés : professionnalisation
des médiateurs, nécessité des rencontres préalables. Il faut également s’ouvrir sur d’autres
expériences comme la médiation pénale post-sententielle ou la justice participative. Ce
1614
MILBURN (P), La médiation pénale en France : quelle place pour les victimes ?, ibid.
1615
Art. 12-1 Ord. n° 45-174 du 2 février 1945.
1616
MBOUZOULOU (P), La médiation pénale en France à l’aune de la loi du 9 juillet 2010, op. cit., pp. 15-
32.
1617
AJ Pén., Juillet/Août 2013, Projet de loi en cours, p. 371.
345
sont des expériences menées en France et qui donnent des résultats satisfaisants. En fin de
compte, les problèmes développés précédemment ne sont-ils pas dûs au moment du
déclenchement de la médiation ? Est-ce que le caractère pré-sententiel est déterminant dans
la dimension restaurative de la mesure ? Jusqu’où peut aller la dépénalisation ?
A) L'expérience post-sententielle
1618
Commission Européenne Pour l’Efficacité de la Justice : CEPEJ (2003) 7 rev.
1619
La fédération citoyenneté et justice regroupe 150 associations. Elle existe depuis 1982 ; pour aller plus
loin V. en ce sens MAUREL (E), Le recours à la médiation pénale par le procureur de la République, AJ
Pén., mai 2011, p. 219.
346
Criminal Justice »1620. Cet appel à projet concernait la justice restaurative, et a été soutenu
par le Ministère de la Justice. Pour l'expérience française, la commission européenne a
retenu l’intitulé suivant : « Action Recherche sur la mise en oeuvre de la disponibilité de la
médiation pénale ou l'expérimentation de la médiation pénale dans la phase post-
sententielle du procès »1621. La durée du projet était de 22 mois, il s’est donc arrêté en
2010.
Dans plusieurs pays1622, la médiation pénale intervient de façon post-sententielle. Il ressort
de l'expérience belge et britannique plusieurs constats : d’une part la sanction pénale peut
être modulée selon l’accord de médiation établi1623, d’autre part la discussion sur la peine
permet pour les protagonistes de l’infraction de mener une réflexion sur ce qui est
socialement acceptable ou inacceptable ; la reconnaissance effective de la culpabilité de
l’auteur évite à ce dernier d’être dans une position de défense lors de la médiation.
446. L’évaluation de l'expérimentation de la médiation post-sententielle. Pour que
la médiation se déroule sereinement, le cadre du contrôle judiciaire socio-éducatif a été
choisi1624. A chaque fois que le juge des libertés et de la détention ordonnait le placement
sous contrôle judiciaire, il proposait une médiation pénale. Elle a également pu être
proposée par le président du tribunal correctionnel dans le cadre du sursis avec mise à
l’épreuve1625. De ce fait, la médiation se conçoit comme l’obligation de réparer les
dommages résultant de l’infraction. Les principes de base ont été respectés :
reconnaissance de la culpabilité de l’auteur, rencontres préalables, recueil de volonté des
protagonistes de l’infraction. Veronique DANDONNEAU1626 explique que dans le cadre
de l'expérimentation, deux autres pays européens ont mené leur projet : la Bulgarie et
l’Espagne. La Bulgarie a inséré la médiation entre le jugement de première instance et
l’appel, l’Espagne l’a positionnée pendant les poursuites en matière d’instruction1627. Sur
les cinquante dossiers, français, bulgares et espagnols, 52 % des victimes et des auteurs
1620
DANDONNEAU (V), Retour sur une expérimentation européenne de médiation pénale post-sententielle,
AJ Pén., mai 2011, pp. 225-228.
1621
DANDONNEAU (V), op. cit., p. 226.
1622
Principalement Royaume uni et Belgique.
1623
Mais l'échec de la médiation, et ce qui a été échangé lors des débats, ne peuvent pas être utilisés lors de
l’audience pénale.
1624
C. pr. pén. Art. 138 et s.
1625
C. pr. pén. Art. 132-40 et s.
1626
Juriste au sein de la fédération citoyen et justice. Elle a participé à l'expérimentation en tant que chargée
de projet : DANDONNEAU (V), Retour sur une expérimentation européenne de médiation pénale post-
sententielle, AJ Pén., mai 2011, pp. 225-228.
1627
DANDONNEAU (V), ibid., p. 227.
347
estiment que la médiation est une bonne solution, et 56% estiment que l’accord passé est
correct. Pour ce qui est du respect de l’engagement, 82% des auteurs l’ont honoré.
Concernant le mode de saisine de la médiation pénale post-sententielle1628 : 50% se sont
faites par procès verbal, 22% suite à une comparution immédiate, 7% par citation directe.
Pour ce qui est du moment où le juge a renvoyé les parties vers la médiation post-
sententielles : 50% ont été ordonnées avant le prononcé de la culpabilité, 36% lors de
l’ajournement de peine1629.
447. Exemple de situation présentée en médiation post-sententielle1630. La situation
se déroule dans le ressort du Tribunal de Grande Instance de Marseille. Il s’agit d’un
conflit intra-familial. Une personne vole en 2011 le véhicule d’un membre de sa famille. Il
conduit sans permis et sans assurance. Par sa négligence et son manque de civisme, il
cause de lourds dommages à la voiture. Il est arrêté et fait l’objet d’une comparution
immédiate1631. Le juge décide d’orienter l’auteur vers la médiation pénale. L'expérience
s’est révélée très positive et les liens familiaux se sont resserrés. Le protocole d’accord
établi, l’auteur s’est retrouvé devant le tribunal pour se voir infliger la peine pénale. Il a été
relaxé du vol mais pas de l’amende pour le défaut de permis et d’assurance. Il a été
également condamné à la réparation des dommages.
448. La valeur ajoutée de la médiation post-sententielle, et son application dans le
système pénal. A ce stade de la procédure pénale, « la médiation peut permettre d’éviter la
détention provisoire, de mieux choisir la peine, de prononcer une dispense de peine,
d’assurer la réparation du dommage plus efficacement, de renforcer l’efficacité d’un sursis
avec mise à l’épreuve »1632. En ce qui concerne ses bienfaits sur la société, la médiation
post sententielle permet de prévenir la récidive et permet aux protagonistes de l’infraction
de recouvrir leur statut de citoyen : il ne sont plus victime ou coupable. Pour l’auteur, plus
spécialement, elle devrait aboutir à une dispense de peine1633. Il conviendrait d’aménager
cette possibilité de dispense. En effet, le code pénal prévoit un ajournement dans le cas
d’une réparation matérielle1634. Il se peut que la médiation n’aboutisse pas à une réparation
1628
Actes des XIIèmes Rencontres Nationales de Citoyens et justice, Justice Restaurative : de l’idéal à la
réalité ?, Paris, 2 et 3 décembre 2010, http://www.citoyens-justice.fr rubrique Nos Documentations.
1629
Le juge se prononce sur la culpabilité et renvoie le prononcé de la peine à une audience ultérieure.
1630
IMSISSENE (R), in Actes des XIIèmes Rencontres Nationales de Citoyens et justice, op. cit.
1631
C. pr. pén. Art. 393 et s.
1632
DANET (J), in Actes des XIIèmes Rencontres Nationales de Citoyens et justice, op. cit., pp. 26-29.
1633
C. pén. Art. 132-59.
1634
Versailles, 23 mai 1995 : Gaz. Pal. 1996. 1. Somm. 168 ; Paris 21 mai 1996 : Dr. Pénal 1996, 240, obs.
Veron.
348
patrimoniale mais extra-patrimoniale. En somme une pacification des relations
auteur/victime.
Sur la qualification pénale, la circulaire du 16 mars 20041635 estime qu’elle doit être
réservée aux délits les moins graves. Pourtant, l’expérimentation de la médiation post-
sententielle démontre que les délits les plus graves peuvent être traités lors d’une telle
mesure1636. D’un point de vue judiciaire, Jean DANET estime que la médiation post-
sententielle a des vertus significatives en ce qu’elle évite la détention provisoire, qu’elle
permet un meilleur choix de la peine et de maximiser le sursis avec mise à l’épreuve1637. Il
faut poursuivre l’expérience par des évaluations approfondies, et en mobilisant d’autres
partenaires judiciaires comme les avocats, les magistrats, les associations d’aide aux
victimes.
449. Le principal obstacle de la médiation post-sententielle. La médiation post-
sententielle doit être considérée comme un véritable élément complémentaire de la justice
pénale classique. Elle divise le temps pénal : un premier temps pour la reconnaissance de
la culpabilité et un deuxième temps pour la détermination de la sanction.
Pour Antoine GARAPON1638, ce modèle de justice restaurative et la justice restaurative
dans son ensemble, imposent un coût élevé pour la justice. Dans une période de réduction
budgétaire et de rapidité de traitement de la délinquance, la médiation post-sententielle
nécessite un investissement non négligeable. Pourtant, si la réflexion est poussée plus loin,
la récidive et les délits de faible importance ont un coût pour la collectivité1639. La justice
restaurative pourrait réduire ces dépenses par la pacification des tensions sociales, et la
conséquence des petites infractions pénales.
La dépénalisation est un terrain de recherche important pour pouvoir déjudiciariser au
maximum les prétentions des victimes d’infraction. Elle permet de renouer avec les
fondements du droit pénal et d’extraire la victime, en tant que partie civile, d’un prétoire
qui n’a pas vocation à l’accueillir. Cette dépénalisation trouve une expression concrète au
travers de la justice participative.
B) La justice participative
1635
Circulaire du 16 mars 2004 relative à la politique pénale en matière de réponses alternatives aux
poursuites et de recours aux délégués du procureur de la République, op. cit.
1636
DANET (J), in Actes des XIIèmes Rencontres Nationales de Citoyen et justice, op. cit., pp. 26-29.
1637
DANET (J), in Actes des XIIèmes Rencontres Nationales de Citoyen et justice, ibid. pp. 26-29.
1638
GARAPON (A), in Actes des XIIèmes Rencontres Nationales de Citoyen et justice, ibid., pp. 3-5.
1639
DANDONNEAU (V), op. cit., p. 228.
349
450. Origine de la justice participative. Cette justice trouve son origine dans le droit
canadien. Elle est composée de la justice restaurative en matière pénale, et de la justice
consensuelle en matière civile1640. Son succès au Canada est sans commune mesure, et son
enseignement est devenu obligatoire dans les facultés de droit1641. La justice participative
s’est inscrite dans le droit civil grâce au succès de la justice restaurative en matière
criminelle1642, les modèles de justice du common low ne connaissant pas la constitution de
partie civile. Ainsi, les tribunaux civils ont été dépassés par le nombre de demandes des
victimes1643 ; des demandes qui étaient bien souvent peu importantes : conflits de
voisinage, conflits intra-familiaux... Il y a donc eu un mouvement de déjudiciarisation des
conflits et des infractions les moins graves1644.
La justice participative s’entend comme l’aboutissement « par une négociation encadrée à
une solution amiable, donc éviter le contentieux en permettant aux parties elles-mêmes de
trouver une issue au litige »1645. La justice participative canadienne, par exemple, peut se
concevoir au travers de la négociation, le droit collaboratif, la médiation, la conférence de
règlement amiable, l’arbitrage et le procès devant les tribunaux 1646. Les personnes
choisissent le mode de résolution et de prévention de leur conflit, et cela par
l’intermédiaire d’un professionnel du droit.
451. La dépénalisation de l’infraction au profit d’une variante civile. La justice
participative en droit français est instituée par la loi du 22 décembre 20101647, créant entre
autres une convention de procédure participative dans le code civil. Pourquoi dans le code
civil et pas dans le code pénal ? Rien de bien étonnant quand on sait que la place de la
victime, lorsqu’elle est partie au procès pénal, se joue sur le volet strictement civil. Ainsi,
bon nombre de conflits peuvent opportunément être dépénalisés1648 et revêtir un caractère
1640
G’SELL-MACREZ (F), Vers la justice participative ? Pour une négociation « à l’ombre du droit », D.,
2010, p. 2450.
1641
MARQUIS (L), THERIAULT (M), L’impact de la justice participative sur l’enseignement du droit,
colloque annuel de l’Association canadienne des professeurs de droit, mai 2008.
1642
BONAFE-SCHMITT (J.P), op. cit.
1643
CADIET (L), Le spectre de la société contentieuse, in Mélanges CORNU (G), PUF, 1995, p. 29.
1644
AMRANI-MEKKI (S), La déjudiciarisation, Gaz. Pal., 4-5 juin 2008.
1645
G’SELL-MACREZ (F), ibid., p. 2450.
1646
http://www.barreau.qc.ca/avocats/justice-participative/index.html
1647
L. n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice et des conditions
d’exercice de la profession d’huissier de justice.
1648
Rappelons à ce sujet la définition de la dépénalisation : la dépénalisation « consiste dans la
correctionnalisation ou l’abaissement de la peine ou toute forme de dessaisissement du système pénal au
350
purement civil1649. Cela concerne bien entendu seulement les infractions les moins graves.
Des infractions dont la suite du dépôt de plainte est bien souvent le classement sans
suite1650. L’individualisation grandissante de la société engendre des conflits et des
tensions bien souvent stériles : un voisin fait trop de bruit, dans le lotissement un
propriétaire ou un locataire subit des dégradations incessantes... Les présumées victimes
veulent généralement trouver une issue pénale à leur conflit. Souvent mal entendus par un
conciliateur de justice non formé, parfois écoutés par des associations d’aide aux victimes
démunies, ponctuellement suivis par le droit pénal, les protagonistes de ce type
d’infraction ont toujours besoin de comprendre la signification de leur conflit
intersubjectif.
452. Une évolution nécessaire. Parmi les arguments en faveur de la justice
participative, se trouve l’argument économique. Il a été démontré que la grande majorité
des infractions mettent en opposition des individus en précarité sociale. Ils doivent, pour
judiciariser leur conflit, obtenir l’aide juridictionnelle. Cela a un coût pour l’Etat, d’autant
plus en ce moment où les dépenses publiques se réduisent1651.
La justice, corrélativement à la société, est soumise au consumérisme et à son pendant, le
besoin de satisfaction. La justice participative va donc « élaborer une solution juste parce
que jugée satisfactoire par les parties concernées. Dissoudre l’idée de justice dans celle de
satisfaction »1652. En ce sens, la justice participative est une justice équitable et soucieuse
de l’équilibre des parties. Comme dans la justice restaurative, dans la justice participative il
n’existe pas de gagnant et pas de perdant, seulement des justiciables qui trouvent ensemble
un accord résolvant les conséquences d’un conflit.
453. L’exemple de l’orange1653. Pour comprendre véritablement l’enjeu de la
justice participative il faut prendre un exemple concret. Celui de l’orange est tout à fait
parlant.
Deux personnes se disputent une orange. X dit que Y la lui a volée, et Y dit qu’il en est le
propriétaire. Aucun des deux ne peut apporter la preuve de ce qu’il avance, et ils décident
de soumettre leur litige à un avocat. Ce dernier cherche à comprendre ce que veulent l’un
profit d’autre variante, civile, administrative ou de médiation », BEZIZ-AYACHE (A), Dictionnaire de droit
pénal général et procédure pénale, op. cit., p. 136.
1649
Pour aller plus loin. Sur la complémentarité entre droit civil et droit pénal : BUSSY (F), L’attraction
exercée par les principes directeurs du procès civil sur la matière pénale, RSC, 2007, p. 39.
1650
C. pr. pén. Art. 40 et 40-3.
1651
G’SELL-MACREZ, op. cit. p. 2554.
1652
G’SELL-MACREZ, ibid., p. 2553.
1653
http://www.barreau.qc.ca/avocats/justice-participative/index.html
351
et l’autre de l’orange. Au fur et à mesure de son investigation, l’avocat se rend compte que
X veut la peau pour en faire une marmelade, et qu’Y veut le jus de l’orange. En fin de
compte X et Y peuvent être satisfaits totalement car la prétention de chacun est différente,
l’un prendra la peau et l’autre le jus.
En conséquence, le conflit qu’existait à l’origine n’a plus lieu d’être en se plaçant de
chaque côté des parties : sans considérer l’un comme victime et l’autre comme mis en
cause. La justice participative ne recherche pas de responabilité, mais des solutions dans le
sens d’une restauration globale de tous les protagonistes.
454. La procédure juridique et les garanties fondamentales de la mesure alternative
aux conflits. La loi du 22 décembre 20101654, organisant la procédure en matière de justice
participative, commence par la conclusion d’une convention à durée déterminée qui
engage les parties « à oeuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur
différend »1655 ; la saisine du juge est irrecevable dans le cadre de la convention1656. Par
contre, dans le cas où l’une des parties n’agit pas de façon loyale et ne se soumet pas à la
convention, le juge peut être saisi. C’est un juge civil, mais rien n’empêche de prévoir dans
la convention la saisine du Parquet, dans le cas où le litige résulte d’une infraction
pénale1657. En tout état de cause, si le fait à l’origine de la discorde est d’ordre pénal, la
procédure classique prend le relais1658. Il faut rappeler néanmoins, que l’essence même de
la justice participative reste l’élaboration d’une solution juste pour les parties.
Concernant les principes tirés de l’article 6 de la CESDH, la procédure participative se
déroulant au sein d’une procédure judiciaire, les droits processuels sont respectés ;
notamment le principe du contradictoire puisque les parties doivent échanger les pièces à
leur disposition1659. Pour le principe du procès équitable, il se conçoit par la présence de
l’avocat, professionnel du droit, qui veille à l’égalité des armes1660. Concernant
l’impartialité du tiers, en particulier de l’avocat, elle trouve à exister par la convention qui
1654
G’SELL-MACREZ (F), Vers la justice participative ? Pour une négociation « à l’ombre du droit », op.
cit.
1655
C. civ. art. 2062.
1656
C. civ. art. 2065.
1657
La convention relève du droit des contrats. Ainsi, « les conventions légalement formées tiennent lieu de
loi à ceux qui les ont faites », C. civ. art. 1134. Les parties seront effectivement tenues par les termes de la
convention.
1658
Dépôt de plainte, citation directe. Dans le cas de conflit de voisinage, les personnes invoquent tout le
temps des violences verbales, un harcèlement moral.
1659
POLLET (D), Principe du contradictoire et médiation, Gaz. Pal., 2-3 juin 1999, n° 3.
1660
G’SELL-MACREZ (F), op. cit., p. 2455 ; GUNICHARD (S), Droit processuel, Droit commun et droit
comparé du procès équitable, Précis Dalloz, 4ème édition, 2007.
352
précise le terme, l’objet du litige, accompagnée des pièces qui ont été échangées 1661. Il
existe donc une garantie de fiabilité des échanges verbaux.
455. La présence importante de l’avocat. Le professionnalisme de l’avocat est une
garantie que le processus se déroule de façon légale et en toute équité. Fort de ce constat, la
solution qui résulte de la convention correspond à la décision qu’aurait pris un
magistrat1662.
Une nouvelle fois les inégalités sociales sont prises en compte, et tout citoyen peut se saisir
de la justice participative. Ainsi, dans le cadre de cette procédure, les parties peuvent
présenter un dossier d’aide juridictionnelle.
456. L’issue de la justice participative. Dans le cas où le processus n’aboutit pas,
les parties doivent soumettre leur litige au juge. Sur ce point, la justice participative ne
suspend pas le délai de prescription1663. En revanche, si le processus aboutit, il donne lieu à
la conclusion d’un accord dont les termes ne permettent pas aux parties d’avoir par la suite
recours à la justice. Cet accord est soumis au juge pour homologation. Reprenant les
dispositions liées à la transaction, le juge confie la force exécutoire à cet accord1664 ; il peut
donc être considéré comme un acte juridictionnel frappé de l’autorité de la chose jugée1665.
457. Conclusion Section 1. L’expérience empirique prouve qu’aujourd’hui le
processus de médiation pénale n’est pas abouti et n’évolue pas dans le sens des fondements
de la justice restaurative. Beaucoup de questions restent en suspens, et les recherches se
heurtent à l’incohérence des politiques pénales développées au sein de chaque parquet.
Néanmoins, les expérimentations dans le domaine post-sententiel, la dépénalisation dans le
cadre du projet de justice participative permettent une projection dans l’avenir. Il n’y a pas
de doute sur la possibilité de faire évoluer le système pénal, mais surtout le rapport du
citoyen à ce même système. Il n’existe également aucun doute sur les bienfaits de la justice
restaurative sur les conséquences de l’infraction pénale et sur l’affirmation de la justice
rétributive.
A terme, il est loisible de trouver dans les dispositions du code pénal et de procédure
pénale des mesures restauratives innovantes. Le travail qui a été mené durant cette étude,
c’est à dire l’élaboration d’une définition de la justice restaurative et la présentation de ses
éléments constitutifs, évite l’écueil de concevoir des modèles éclatés et « un concept
1661
C. civ. art. 2063.
1662
G’SELL-MACREZ (F), ibid., p. 2455.
1663
C. civ. art. 2238.
1664
C. civ. art. 1441-1.
1665
G’SELL-MACREZ (F), ibid., p. 2457.
353
fourre-tout »1666. Il faudra néanmoins faire appel à l’utopisme rationnel pour aller plus loin
dans la réflexion. En d’autres termes, faire émerger de la connaissance du probable le
possible1667. N’est ce pas l’oeuvre de tout juriste qui veut ébranler les certitudes ?1668
458. Un nouveau rapport au droit pénal. Il a été démontré, depuis le début de cette
étude, la nécessité de concevoir un rapport au droit pénal différent ; différent car la société
a évolué et la délinquance également. Les attentes des victimes en ce début de millénaire
ne sont pas les mêmes que celles présentées à la fin du XXème siècle. L’élaboration de
nouvelles modalités de poursuites pénales interpelle quant à leur incohérence et leur
finalité. Une incohérence qui résulte notamment d’une volonté de traiter trop rapidement
l’infraction, et d’une trop large pénalisation des comportements sociaux1669.
Certaines procédures pâtissent de ce constat. Leur potentiel restauratif n’est pas exploité.
Ainsi, certaines procédures peuvent se concevoir comme un modèle de justice restaurative
géré par le parquet (§1). D’autres modalités, qui apparaissent à différents stades de la
procédure pénale, correspondent à des modalités de justice restaurative innovantes (§2).
1666
GAUDREAULT (A), Les limites de la justice réparatrice, in Les cahiers de la justice, Revue semestrielle
de l’école nationale de la magistrature, Justice restaurative et victimes, Dalloz, 2006, p. 79.
Pour aller plus loin. WALGRAVE (L), Au-delà de la rétribution et de la réhabilitation : la réparation comme
paradigme dominant dans l’intervention judiciaire contre la délinquance (des jeunes) ?, in GAZEAU (J.F),
PEYRE (V), La justice réparatrice et les jeunes, IXe journées internationales de criminologie juvénile, Centre
de recherche interdisciplinaire de Vaucresson, 1993, pp. 5-28.
1667
BOURDIEU (P), Réponses, Seuil, 1992, p. 169.
1668
« Le chercheur est celui qui doit poser des questions, qui doit mener plus loin la réflexion, qui ne doit pas
se contenter de douter mais qui doit oser ébranler les certitudes pour aller de l’avant », EBERHARD (C),
VERNICAS (G), La quête anthropologique du droit, Editions Karthala, 1994, p. 12.
1669
BUSSY (F), op. cit., note 41.
354
reconnaissance préalable de culpabilité1670. Il convient donc d’analyser le domaine du
« plaider coupable » (A), puis sa projection en un modèle de justice restaurative (B).
A) Le domaine du plaider coupable1671
460. Le principe de base de la CRPC1672. La CRPC s’applique pour les délits et les
contraventions punis, à titre principal, d’une peine d’amende ou d’une peine
d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans1673. Le bénéfice de la CRPC peut être
demandé par le procureur de la République ou le mis en cause. Ainsi, ce dernier peut en
faire la demande par lettre recommandée avec accusé de réception1674. Le courrier doit être
adressé au procureur de la République.
S’il accepte la demande, et qu’ensuite la peine est homologuée par la juge, toute citation
directe ou convocation devant le tribunal correctionnel est caduque. Dans le cas contraire,
en l’absence d’accord du parquet ou de refus d’homologation, la citation ou la convocation
est valable pendant dix jours avant l’audience1675.
Dans le but de maximiser l’impact de la CRPC, le procureur de la République requiert les
services du SPIP pour vérifier la situation matérielle, familiale et sociale de l’intéressé. Ces
informations visent à favoriser l’insertion sociale du mis en cause1676. Ce dernier point est
important pour adapter la CRPC dans le cadre de la justice restaurative. Il faut le prendre
en considération dans la suite du raisonnement.
461. L’offre. Au terme de l’article 495-8 du code de procédure pénale, le procureur
de la République peut proposer une peine d’emprisonnement à condition qu’elle ne soit pas
supérieure à un an, excéder la moitié de la peine encourue. En tout état de cause, il peut «
proposer à la personne d’exécuter une ou plusieurs des peines principales ou
complémentaires encourues »1677. En d’autres termes, les propositions du parquet peuvent
1670
Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).
1671
C. pr. pén. Art. 495-7 à 495-16.
1672
Dans le cadre de notre étude, traitant de la restauration de la victime en dehors du statut de partie civile,
nous ne pouvons étudier en détail les fondements juridiques de la CRPC.
Pour aller plus loin. CROCQ (J.C), le guide des infractions pénales, op. cit., pp. 250-259 ; DELAGE (P.J),
Essai de synthèse du contentieux relatif à la procédure de « plaider coupable », RSC, 2010, p. 831 ; DANET
(J), La CRPC : du modèle aux pratiques... et des pratiques vers quel (s) modèles (s) ?, AJ Pén., 2005, p. 433 ;
GIUDICELLI (A), Repenser le plaider coupable, RSC, 2005, p. 592.
1673
C. pr. pén. art. 495-7.
1674
C. pr. pén. art. 495-15.
1675
C. pr. pén. art. 495-12.
1676
C. pr. pén. art. 41.
1677
C. pr. pén. art. 495-8 al. 1.
355
être très diverses : peine principale, peine complémentaire, alternative à l'emprisonnement,
alternative à l’amende1678. En outre, la peine d'emprisonnement peut être assortie en tout
ou partie d’un sursis. Par l’analyse de l’article 495-8 du code de procédure pénale, il
semble que le procureur de la République puisse proposer un SME. Ainsi, y joindre toutes
les possibilités offertes par la mise à l’épreuve, offrant un caractère un peu plus restauratif
à la CRPC.
462. L’acceptation. Le mis en cause, accompagné de son avocat, peut réfléchir
sereinement à la peine proposée, en dehors de la présence du procureur de la République.
Ce temps de réflexion peut être porté à dix jours. Il est alors convoqué une nouvelle fois
devant un magistrat du parquet. Durant le temps de réflexion de dix jours, le juge des
libertés et de la détention1679, peut ordonner un placement sous contrôle judiciaire ou une
détention provisoire entre dix et vingt jours1680.
En revanche, si le mis en cause refuse la peine proposée par le parquet, il est convoqué
devant le tribunal correctionnel. L’article 495-12 du code de procédure pénale, permet au
parquet d’utiliser la procédure de comparution immédiate, ou requérir une information.
Ainsi, les éléments de la CRPC, le contenu des débats entre le parquet et le mis en
cause1681, ne peuvent être utilisés devant la juridiction d’instruction ou la juridiction de
jugement. Le parquet et les parties ne peuvent en faire état devant ces juridictions1682.
463. L’homologation ou la non homologation de la peine. La phase de proposition
et d’acceptation étant passée, le temps de l’homologation devant un magistrat du siège
vient sceller la CRPC. Si la personne peut être présentée devant le magistrat du siège dans
un délai n’excéde pas un mois1683, la pratique veut que l’audience se déroule le jour même.
Et cela, conformément à l’article 495-9 du code de procédure pénale : « il statue le jour
même par ordonnance motivée ».
1678
La formulation de l’article 495-8 du code de procédure pénale est suffisamment large pour permettre au
procureur de la République d’avoir recours à une palette étendue de peines et alternatives aux peines. V. en
ce sens, CROCQ (J.C), op. cit., chp. 13.23., p. 221.
1679
Sur demande du procureur de la République. Juge des libertés et de la détention (JLD).
1680
C. pr. pén. Art. 495-10, 395 et 396, le contrôle judiciaire est conditionné au quantum de la peine
proposée, supérieure ou égale à deux mois. Il faut également que le procureur de la république ait proposé
l’exécution immédiate de l’offre de peine. Pour la détention provisoire, elle sera possible si la peine
d'emprisonnement encourue est supérieure ou égale à deux ans. En cas de flagrance, la peine
d’emprisonnement encourue doit être supérieure ou égale à six mois.
1681
Ainsi que les débats entre le juge et le mis en cause si la CRPC a fait l’objet d’un refus d’homologation.
1682
C. pr. pén. Art. 495-14.
1683
L. n° 2009-526 du 12 mai 2009 modifiant C. pr. pén. art. 495-14.
356
Etant donné que le débat sur la peine a lieu devant le procureur de la République, il
n’existe pas de débat sur cette peine devant le magistrat du siège. Néanmoins, l’audience
est publique et permet de vérifier la réalité des faits et la qualification juridique décidée par
le parquet. Il prend également en considération la personnalité du mis en cause, la situation
de la victime et les intérêts de la société1684.
Concernant la présence du procureur de la République lors de cette audience, si la loi ne
rend pas cette présence obligatoire, la Cour de Cassation en a décidé autrement. Au terme
d’un avis du 18 avril 2005, le procureur est tenu d’assister aux débats de cette audience de
jugement et la décision d’homologation doit être rendue en sa présence1685.
Selon l’article 495-15-1 du code de procédure pénale1686, si le juge homologue la peine, le
parquet ne peut plus saisir la juridiction de jugement. Les parties peuvent faire appel de
l’homologation dans un délai de dix jours, dans le cas contraire elle passe en force de
chose jugée1687 ; la peine homologuée est exécutoire immédiatement.
Dans le cas d’un refus d’homologation de la CRPC, le mis en cause se trouve dans la
même situation qu’un refus de la peine proposée par le parquet.
464. Point de comparaison entre la CRPC et la composition pénale1688. La
composition pénale et CRPC obéissent aux mêmes règles : une reconnaissance de la
culpabilité du mis en cause, une offre de sanction par le parquet, une validation par un
juge, et en cas de refus de validation renvoi vers la voie ordinaire. Elles concernent les
mêmes infractions pénales. En revanche, elles vont se distinguer dans quatre domaines.
La composition pénale est possible pour les mineurs âgés d’au moins treize ans et
seulement aux personnes physiques1689. La CRPC, quant à elle, sera possible pour les
personnes morales1690. Concernant les peines, la composition pénale permet d’appliquer les
1684
Cons. const. 2 mars 2004, n° 2004-492 DC, JO 10 mars 2004. Dans cette décision, le conseil
constitutionnel a également dit que « si les déclarations de la victime apportent un éclairage nouveau sur les
conditions dans lesquelles l’infraction a été commise ou sur la personnalité de l’auteur », le juge peut refuser
l’homologation. La victime intervient en tant que partie civile.
1685
Cass., avis n° 005 004P, 18 avr. 2005, Bull. crim (Avis C. cass) n°1 ; PRADEL (J), Le ministère public
doit-il être présent à l’audience d’homologation dans le cadre de la procédure de plaider coupable ?, D. 2005,
p. 1200 ; GIUDICELLI (A), Repenser le plaider coupable, op. cit.
1686
C. pr. pén. Art. 495-15-1, modifié par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009.
1687
C. pr. pén. Art. 495-11.
1688
CERE (J.P), De la composition pénale à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, op.
cit.
1689
C. pr. pén. Art. 41-2.
1690
C. pr. pén. Art. 495-16 et 495-7.
357
mesures prévues par l’article 41-2 du code de procédure pénale1691. Par le biais de la
CRPC, le procureur de la République peut proposer l’emprisonnement. S’agissant de
l’exécution de la peine, contrairement à la composition pénale, dans le cadre de la CRPC la
peine peut faire l’objet d’une exécution immédiate et forcée. Enfin, si la présence de
l’avocat est obligatoire pour le mis en cause durant toute la CRPC, elle sera facultative
pour la composition pénale.
Il a été convenu précédemment1692 que la composition pénale permettait judicieusement de
contourner l’audience pénale, et de faire émerger une réparation pratique pour la victime.
Son caractère restauratif ne fait pas de doute pour elle. Néanmoins, dans le cas où la
composition pénale s’inscrivait dans le cadre de la justice restaurative la proximité avec la
médiation pénale et la CRPC serait trop importante. C’est pour cela qu’elle se comprend,
dans la justice classique, comme une mesure alternative avec un fort caractère restauratif.
Une mesure de transition permettant de se projeter vers une nouvelle appréhension de la
victime d’infraction pénale.
1691
Par exemple : 4° demander à l’auteur des faits de réparer le dommage résultant de l’infraction pénale.
1692
V. supra n° 351 et s.
1693
GIUDICELLI (A), Repenser le plaider coupable, op. cit., p. 592.
1694
GUNICHARD (V.S), BUISSON (J), Procédure pénale, Litec, 2002 ; VALOTEAU (A), Le jugement sur
reconnaissance préalable de culpabilité : une autre procédure de jugement ou une autre manière de juger ?,
Dr. pén., 2006, étude 8.
358
La CRPC, actuellement, ne présente aucun intérêt restauratif pour la victime. Bien au
contraire, elle est source de victimation secondaire. En effet, d’une part à cause de sa
célérité, et d’autre part à cause de son caractère hasardeux. Sur ce dernier point, le
ministère public lorsqu’il délivre l’avis à victime, n’a pas l’assurance que le mis en cause
accepte la peine proposée. Ainsi, la victime, en tant que partie civile, n’a pas l’assurance
d’exposer son préjudice devant le juge du siège.
Dans une réponse ministérielle de 20101695, le Garde des Sceaux estimait que les intérêts
de la victime sont pris en compte de façon satisfaisante pour deux raisons : en principe le
parquet doit renoncer à la CRPC lorsqu’elle risque de porter préjudice aux intérêts de la
victime ; en cas d’absence de la CRPC elle peut faire citer l’auteur devant le tribunal
correctionnel pour statuer sur les intérêts civils, alors que dans la procédure classique en
cas d’absence1696 elle doit se tourner vers les juridictions civiles. Ces deux remarques
assoient l’idée qu’il faille véritablement informer les professionnels et les politiques sur les
bénéfices d’une audience pénale pour la victime, et sur l’intérêt d’entrevoir sa restauration
en dehors de ce statut.
466. L’intérêt de la CRPC pour la justice restaurative1697. La CRPC est intéressante
en ce qu’elle permet de rendre possible la rencontre de l’auteur et de la victime devant un
magistrat professionnel, en un endroit solennel. Les remarques formulées sur la carence
professionnelle des médiateurs et des délégués du procureur de la République conduisent à
considérer la présence du procureur de la République comme un avantage significatif.
L’Ecole Nationale de la Magistrature pourrait aisément introduire les principes de la
justice restaurative dans le plan de formation des magistrats. L’importance de la
professionnalisation des tiers est donc un élément acquis pour transposer la CRPC en
mesure de justice restaurative.
Concernant les principes directeurs du procès pénal, la codification de la CRPC en tant
qu’alternative aux poursuites est un gage de sécurité juridique. Ainsi, le coupable sera bien
désigné rapidement du moment que les charges seront suffisantes. La responsabilité pénale
pourra donc permettre à la victime, si cela ne se passe pas au moment de la CRPC, de
saisir le juge civil sur le fondement de l’unité des fautes civiles et pénales1698. En revanche,
1695
CRPC et intérêts de la victime : précisions ministérielles, Dalloz actu., 07 juillet 2010.
1696
Sans l’envoi d’un courrier recommandé avec accusé de réception valant constitution, ou sans la présence
de son avocat.
1697
Nous allons reprendre ici les remarques formulées en amont sur les caractéristiques que doit revêtir une
mesure pénale pour s’intégrer dans le cadre de la justice restaurative.
1698
Cass. crim., 18 déc., 1912, Gaz. pal., 1913, 1, p. 107.
359
une chose devra être modifiée en la matière, s’agissant du recueil de volonté de la victime.
En effet, ce dernier n’est pas prévu en l’état actuel de la procédure de CRPC, même si le
procureur de la République peut prendre en considération les intérêts de la victime. Pour le
respect de l’autorité de la chose jugée, elle sera assurée par l’homologation de la CRPC par
un juge du siège.
Bien entendu, en écartant la constitution de partie civile comme mode de réparation, la
CRPC peut s’intégrer logiquement et facilement dans le cadre d’une justice restaurative.
Ses trois objectifs seront respectés : la punition de l’auteur, la réparation de la victime, le
rétablissement de la paix sociale1699. Il faut activer et consolider les partenariats entre les
magistrats, les avocats et les structures d’aide aux victimes. De plus, il est également
envisageable d’étendre le champ de compétence de la CRPC pour les délits faisant l’objet
d’une peine d’emprisonnement comprise entre cinq et dix ans. Sur ce dernier point, il faut
rappeler que la gravité de la peine n’est pas un critère de sélection, et que la justice
restaurative peut être considérée pour toutes les infractions pénales1700.
467. La CRPC : cercles de sentences, cercles de détermination de la peine1701. La
CRPC peut se rapprocher également des cercles de sentences ou de détermination de la
peine. Les débats devant le Procureur de la République pourraient alors porter sur la peine
et renforcer les liens sociaux ; une peine qui serait pragmatique et qui correspondrait aux
intérêts de la victime. Ainsi, ensemble ou avec des membres de la famille pour les
violences intra-familiales, les protagonistes de l’infraction pourraient décider : d’une
injonction de soin1702, de la confiscation d’une arme1703... Car en effet, il faut rappeler
qu’en matière de CRPC, « le procureur de la République peut proposer à la personne
d’exécuter une ou plusieurs peines principales ou complémentaires encourues; la nature et
le quantum de la ou des peines sont déterminés conformément aux dispositions de l’article
132-24 du code pénal »1704.
En transposant la CRPC en un modèle de cercle de sentence, cela permettrait une
reconnaissance des torts de la part du mis en cause et de l’entourage, cela permettrait
également de prendre en compte les intérêts de tous et de renforcer les valeurs sociales
1699
CARIO (R), MBANZOULOU (P), La justice restaurative une utopie qui marche ?, op. cit.
1700
CARIO (R), MBANZOULOU (P), La justice restaurative une utopie qui marche ?, ibid.
1701
JACOUD (M), Les cercles de guérison et les cercles de sentence autochtones au Canada, op. cit.
1702
C. pén. Art. 131-10.
1703
C. pén. Art. 131-14 3°.
1704
C. pr. pén. art. 495-8.
360
bafouées1705. C’est pour toutes ces raisons que la CRPC se concevrait véritablement plus
comme une mesure de justice restaurative qu’une mesure alternative classique. De plus, en
la transformant en ce sens, l'écueil d’un doublon avec la composition pénale et la
médiation pénale serait évité. Est-il possible d’obtenir le même résultat avec d’autres
modalités de justice pénale classique ?
A) La sensibilisation du politique
1705
JACOUD (M), Justice réparatrice et violence, in DUMOUCHEL (P), Comprendre pour agir : violences,
victimes et vengeances PU, Laval, 2000, pp. 183-206.
1706
MARTINEZ (M.L), Victime et oeuvre de justice : éclairage de l’anthropologie relationnelle, in CARIO
(R), Victimes : du traumatisme à la restauration, op. cit., pp. 305-344.
1707
Cette réflexion fait référence à la loi L. n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au
fonctionnement de la justice et le jugement des mineurs.
1708
C. pr pén. Art. 44-1, L. n° 2006-396, 31 mars 2006.
1709
CGCT Art. L. 2212-5 et R. 2212-15 ; C. route art. 130-2 ; C. pén. art. R 15-33-29-3.
1710
CGCT Art. L. 2213-18 et R. 2213-60 ; C. route art. 130-3 ; C. pén. art. R. 15-33-29-3.
1711
C. pr. pén. Art. R. 15-33-61.
361
d’exécution de la réparation, le nombre d’heures de travail d’intérêt général1712. Le courrier
adressé au contrevenant précise le délai d’acceptation. L’article R. 15-33-62 du code de
procédure pénale précise que ce délai est de quinze jours. Le mis en cause peut être assisté
par un avocat et bénéficier de l’aide juridictionnelle. S’il refuse ou s’il accepte la
transaction, dans tous les cas, la proposition est transmise au procureur de la République.
470. Le déroulement de la transaction. La transaction est homologuée par le
procureur de la République ; cette homologation est également transmise pour acceptation
au tribunal de police ou au juge de proximité lorsqu’il s’agit d’un travail d’intérêt
général1713. A cet effet, le procureur de la République accompagne cette homologation de
ses réquisitions. Dans le cadre du travail d’intérêt général, l’autorité judiciaire informe le
maire de sa décision dans les meilleurs délais1714. A son tour, il avise le contrevenant de
l’homologation ou de la non homologation de la transaction. Les actes tendant à la mise en
oeuvre ou à l’exécution de la transaction interrompent le délai de prescription de l’action
publique.
L’article R. 15-33-66 du code de procédure pénale impose au maire de prévenir le
procureur de la République que la transaction a été effectuée ou non. Il est à noter que
l’action publique est éteinte lorsque le contrevenant a exécuté dans le délai imparti les
obligations de la transaction réparation1715. Si elle consiste en un travail d’intérêt général,
le maire exerce les attributions confiées au juge d’application des peines1716.
471. Le domaine d’application de la transaction réparation : une mesure de justice
restaurative. Dans la pratique, la transaction réparation est peu utilisée. D’une part elle est
mal connue des maires, et d’autre part il est difficile de concevoir qu’une collectivité
territoriale puisse avoir un pouvoir en matière pénale, bien que ce dernier soit strictement
encadré par l’institution judiciaire. Son potentiel restauratif passe inaperçu, bien que
l’article 44-1 alinéa 6 du code de procédure pénale en donne le sens : « lorsqu’une des ces
contraventions n’a pas été commise au préjudice de la commune mais a été commise sur le
territoire de celle-ci, le maire peut proposer au procureur de la République de procéder à
une des mesures prévues par les article 41-1 ou 41-3 du présent code. Il est avisé par le
procureur de la République de la suite réservée à sa proposition ».
1712
C. pr. pén. Art. R. 15-33-61.
1713
C. pr. pén. Art. 44-1.
1714
C. pr. pén. Art. 15-33-63.
1715
C. pr. pén. Art. 15-33-66 al. 2.
1716
C. pr. pén Art. R. 15-33-66 ; C. pén. art. 131-23, 131-24, R. 131-25, R. 131-26 et R. 131-28.
362
En d’autres termes, le maire peut proposer la transaction réparation même lorsque
l’infraction met en opposition un auteur et une victime déterminée. Le seul préjudice à la
commune n’est pas la condition primordiale pour mettre en place la transaction réparation.
Ainsi, le maire pourra bénéficier des mêmes prérogatives de poursuite que le procureur de
la République1717 : procéder à un rappel des obligations à la charge de l’auteur des faits ;
orienter l’auteur vers une structure sanitaire ; demander à l’auteur des faits de régulariser
sa situation au regard de la loi ; demander à l’auteur des faits de réparer le dommage
résultant de l’infraction ; faire procéder, à la demande ou avec l’accord de la victime, à une
mission de médiation entre l’auteur des faits et la victime ; en cas de violence conjugale
ordonner à l’auteur de s’abstenir de paraitre au domicile de la victime1718. C’est donc tout
un panel de mesures restauratives dont dispose le maire pour restaurer la victime. Mais,
pour ne pas créer une confusion avec d’autres mesures alternatives, comment la transaction
réparation peut-elle s’inscrire dans le cadre d’une justice restaurative ?
472. Une mesure de justice restaurative à part entière. Il faut profiter de la
dimension communautaire de la transaction réparation. En effet, étant une mesure qui se
déroule à l’échelon local, il faut que cela serve de point d’ancrage. Il serait alors utile de
faire participer des citoyens résidant dans la ville. Il faut restreindre le champ des
infractions en soumettant à la transaction réparation seulement les incivilités :
détériorations de biens privés, conflits de voisinage, tapages nocturnes... Des infractions
qui engorgent le système pénal, et font perdre du temps dans la résolution d’autres
infractions beaucoup plus graves ; c’est également pour éviter d’annihiler d’autres mesures
restauratives comme la médiation pénale, l’ordonnance de protection, le stage citoyenneté,
la CRPC ou encore la justice participative.
Si le contenu peut encore être discuté, le cadre juridique quant à lui, existe déjà pour que
les trois objectifs de la justice restaurative soient remplis : punition pénale de l’acteur,
réparation de la victime, rétablissement durable de la paix sociale. Car en effet, il existe au
début de la procédure une désignation du coupable, la validation de la transaction par un
magistrat. Il faut néanmoins travailler une nouvelle fois sur le partenariat entre
professionnels, et l’élargissement de l’aide juridictionnelle à ce type de mesure.
B) La sensibilisation du citoyen
1717
C. pr. pén. Art. 41-1 ; CROCQ (J.C), Le guide des infractions, op. cit., pp. 174-227.
1718
Innovation introduite par la loi L. n° 2010-769 du 9 juillet 2010.
363
473. Le stage de citoyenneté. Il a pour objet de rappeler au prévenu ou au
condamné « les valeurs républicaines de tolérance et de respect de la dignité humaine sur
lesquelles est fondée la société »1719. Le stage de citoyenneté s’adresse aux majeurs comme
aux mineurs1720.
Le stage citoyenneté peut être une mesure pré ou post-sententielle. Elle est préconisée dans
cinq cadres juridiques : l’alternative aux poursuites, la composition pénale, l’alternative à
l’emprisonnement, la peine complémentaire, le SME1721. Les frais du stage peuvent être à
la charge du condamné, mais ne peuvent pas être supérieurs au montant de la contravention
de troisième classe1722. En cas de non respect du stage de citoyenneté, la sanction encourue
est de deux ans d’emprisonnement et de trente mille euros d’amende1723. Pour que le stage
citoyenneté puisse avoir lieu il faut requérir l’accord du prévenu 1724. Sur ce dernier point,
l’expérience restaurative sera d’autant plus maximisée.
Sur son organisation, chaque tribunal de grande instance définit le cadre général dans
lequel est organisé le stage citoyenneté. Généralement, ce stage est le fait d’une association
d’aide aux victimes ; cette dernière définit le nombre d’intervenants, le domaine
d’intervention et la durée du stage. En pratique, des professionnels se succèdent pendant
deux jours : avocat, commissaire de police, magistrat, travailleur social, psychologue.
Chacun, dans son domaine, explique la citoyenneté au quotidien ou les conséquences d’un
acte délictuel sur la société. Malheureusement, bien souvent, ces stages représentent des
cours magistraux pour ces délinquants qui sont en général déscolarisés très tôt. Certains
stages citoyenneté peuvent se dérouler sous forme de saynètes de théâtre1725.
474. Le caractère restauratif du stage citoyenneté. Il suffit de peu de choses pour
que le stage citoyenneté puisse entrer dans le cadre de la justice restaurative. S’il est
important de faire intervenir des professionnels du droit, une implication de la société
civile serait également bénéfique. En premier lieu, il conviendrait de faire intervenir des
1719
C. pén. Art. 131-5-1 ; L. n° 2004-204 du 9 mars 2004 ; Circ. CRIM-05-9-E8 du 11 avr. 2005 relative au
prononcé, à l’exécution et à l’application des peines.
1720
Pour les mineurs délinquants, ord. n° 45-174, 2 févr. 1945, art. 20-4-1.
1721
Alternative aux poursuites, C. pr. pén. Art. 42-1 2° ; Composition pénale, C. pr. pén. Art. 41-2 13° ;
Alternative à l’emprisonnement, C. pr. pén. Art. 131-5-1 ; SME C. pén. Art. 132-45 18°.
1722
Soit la somme de 450€.
1723
C. pén. Art. 434-41.
1724
C. pén. Art. 131-5-1, « cette peine ne peut être prononcée contre le prévenu qui la refuse ou n’est pas
présent à l’audience ».
1725
Expérience menée à Rambouillet avec le SPIP des Yvelines, http://www.justice.gouv.fr/actualite-du-
minister-10030/les-editions-11230/stage-de-citoyennete-19274.html
364
victimes1726 ; des victimes qui exposeraient leur vécu en lien avec les délits commis par les
participants au stage. En second lieu, il serait opportun de faire intervenir des citoyens
exerçant du bénévolat, mais qui seraient au contact des victimes ou des personnes en
situation de victimation potentielle : des pompiers bénévoles, des acteurs d’associations
caritatives...
Dans cette configuration, le stage citoyenneté s’apparenterait au processus de rencontre
auteur-victime, étant toutefois relevé que le stage citoyenneté trouve à s’appliquer de façon
préventive dans le champ pré-sententiel. Les victimes pourraient être celles qui ont été
récemment les protagonistes d’une infraction pénale. L’association d’aide aux victimes
aurait la charge de recueillir leur accord et de les préparer au stage.
Pour maximiser la réparation sociale et réduire la récidive, le stage citoyenneté devrait
s'intéresser aux primo délinquants. Quant à la qualification pénale, il s’agirait des délits de
faible importance qui ont un caractère anti-sociétal fort. Au regard des dispositions
juridiques régissant le stage citoyenneté et les finalités de la justice restaurative, il ne fait
pas de doute que cette transformation révèle un potentiel restauratif fort. Une
transformation qui s’inscrit véritablement dans l’idée de « concevoir et mettre en oeuvre
les dispositifs et les mesures alternatives susceptibles de transformer les mentalités et les
pratiques, non seulement au niveau judiciaire et pénal mais même dans le social et les
institutions afférentes. Tâche ardue mais non impossible »1727.
475. La responsabilisation de tous les citoyens. Suite aux problèmes de
financement rencontrés par les associations d’aide aux victimes, l’INAVEM a émis des
propositions s’inscrivant dans une démarche de justice restaurative1728. Le but étant, par la
participation financière des citoyens, de les sensibiliser à l’aide aux victimes. Pour ce faire,
l’INAVEM se repose sur l’expérience canadienne : « une contribution d’un montant de 10
$ s’ajoute au montant total d’amende et de frais réclamés sur un constat d’infraction
relative à une loi du Québec (...) Cette contribution devient exigible comme une amende
lorsqu’un défendeur consigne un plaidoyer de culpabilité ou est déclaré ou réputé déclaré
coupable d’une infraction, que cette contribution soit mentionnée ou non dans le jugement
1726
En l’état actuel de nos recherches, aucun stage citoyenneté n’a introduit de victime dans son déroulement.
Cela n’est pas étonnant eu égard au concept de justice restaurative peu connu en France.
1727
MARTINEZ (M.L), op. cit., p. 344.
1728
Plaidoyer pour une contribution additionnelle sur les amendes pénales afin d’assurer la pérennité du
financement des actions associatives d’aide aux victimes. Pour une responsabilisation des auteurs
d’infractions et une démarche de justice restaurative, publication INAVEM, Document de synthèse et de
communication, février 2011. http://www.inavem.org
365
(...) Les sommes perçues en vertu de cette contribution sont affectées à l’aide aux victimes
d’actes criminels dans la mesure déterminée par le gouvernement »1729.
Ainsi, l’aide aux victimes est aujourd'hui en grande précarité. Elle ne peut plus faire ce à
quoi elle était destinée par les rapports MILLIEZ et LIENEMANN : accueillir, écouter,
informer et accompagner toutes les victimes d’infractions pénales. De plus, par
l’introduction de la justice restaurative il a été démontré l’importance de ces structures en
tant que professionnels. Tout cela a un coût, qui peine à être assuré par les financements
publics. La contribution additionnelle assure donc un double objectif : responsabiliser la
société, les citoyens et assurer une démarche de justice restaurative.
Faire contribuer les personnes responsables d’une infraction1730 permettrait de prendre en
considération l’auteur, la victime et de recréer du lien social, même si l’infraction n’a pas
engendré de préjudice envers une victime déterminée. Le projet sur une éventuelle hausse
des amendes, discutée fin 2012, est remis en cause par le nouveau projet du supermétro
francilien1731. En effet, ce nouveau projet prévoit une hausse des amendes pour le
financement du futur « Grand Paris ».
476. Une approche différente du droit pénal. En s’appuyant sur le droit pénal en
vigueur, émerge une nouvelle « dynamique pénale ». Pourquoi existe t-il dans ce droit des
outils permettant d’entrevoir autrement le rapport auteur/victime, alors que l’esprit général
du sytème pénal s’oriente plutôt vers une « dérive victimiaire » ?
Le droit pénal est l’héritage de centaines d’années de réflexion sur l’utilité de la peine, sur
la nécessité d’harmoniser répression et réhabilitation sociale. Il a, sans se construire autour
1729
C. pén. canadien Art. 8.
1730
Le but de la démarche est de prélever une somme d’argent sur les peines d’amende. Cela concerne
également toutes les contraventions de la première à la cinquième classe.
1731
MOUILLARD (S), Vers une hausse des amendes de sationnement, Libération, 7 mars 2013.
1732
CARIO (R), MBANZOULOU (P), La justice restaurative une utopie qui marche ?, L’Harmattan, 2010,
p. 11.
366
de la victime, toujours incorporé l’idée qu’il existait une personne en souffrance. Comme
cela a été démontré, la présence de la victime en tant que partie civile est très récente. Il
faut reconnaître que la victime n’a jamais été l’éternelle oubliée du droit pénal. Son
absence dans les prétoires pénaux ne signifie pas qu’elle soit exclue de l’esprit de la loi
pénale.
C’est pour cela que dans les moyens d’action en amont et en aval de la procédure pénale,
la victime peut être informée, accompagnée. Elle peut tirer de la procédure pénale les
moyens utiles pour dépasser le traumatisme subi. Il ne faut pas séparer la pédagogie du
droit de l’application de la règle de droit. Il a été démontré qu’une victime mieux informée
était une victime mieux préparée à vivre le temps de la procédure pénale, un temps difficile
et destructurant pour elle. L’accès au droit, le travail des associations d’aide aux victimes
doivent être un axe d’évolution de la politique pénale. Il faut péréniser le financement des
actions en direction de ces structures. Si financièrement tout cela a un coût qui, en ces
temps de réduction budgétaire, peut peser sur les finances publiques, le gain à l’issue des
poursuites pénales est sans commune mesure : satisfaction de la victime estimant avoir été
comprise par la justice ; démystification du statut de partie civile ; important potentiel
restauratif du droit positif qui peut à terme influer sur la récidive. Sur cette dernière
reflexion, la démonstration qui a été faite durant cette étude est la suivante : les mesures
comme la composition pénale, le SME, la dépénalisation au profit de l’ordonnance de
protection par exemple, permettent d’obtenir une réponse pratique pour la victime et
permettent la resocialisation de l’auteur.
477. Une évolution logique du système pénal. C’est donc très naturellement que
le système pénal actuel peut évoluer dans le sens d’une justice marquée par le pragmatisme
et l’humanisme, dans le sens où l’opposition entre un auteur et une victime ne soit plus la
norme.
Robert CARIO pose la question suivante : la justice restaurative est-elle une utopie qui
marche ?1733 A la lumière des démonstrations faites tout au long de cette étude, la réponse
est oui. Toutes les actions qui ont été menées ces dernières années en France démontrent
l’utilité et l’efficacité de cette justice. La rupture entre ancien système pénal et nouveau
système pénal peut sembler brutale. Il faut prendre le temps du changement et s’appuyer
sur ce qui existe ; il existe dans le droit pénal des mesures qui introduisent l’idée d’une
justice restaurative. Il ne faut pas grand chose pour migrer vers ce nouveau paradigme. De
1733
CARIO (R), MBANZOULOU (P), op. cit., p. 9.
367
plus, le concept de citoyenneté en France, concept suis generis, est un formidable socle de
réflexion pour concevoir la peine autrement, le droit pénal différement.
CONCLUSION GENERALE
« Si je prouve que cette peine n’est ni utile ni nécessaire, j’aurai fait triompher la cause de
l’humanité »1734
1734
BECCARIA (S), Des délits et des peines in BADINTER (R), L’abolition, Fayard, 2000, p. 3.
1735
TOMASI contre France, 27 août 1992, série A n° 241-1 ; ACQUAVIVA contre France, 21 novembre
1995, A n° 333-A.
368
se répartirait en effet de manière plus harmonieuse entre les différents droits ; chacun
obtenant une dimension propre, le droit pénal renouant surtout avec la garantie des
valeurs sociales les plus essentielles »1736.
En résumé, la constitution de partie civile ne permet pas à elle seule de garantir la
restauration de la victime pour différentes raisons, en sus de celles énumérées
précédemment : la constitution de partie civile renforce l’opposition auteur/victime ; elle
remet en question les principes fondamentaux du droit pénal1737 ; elle n’assure pas une
indemnisation effective ; elle génère de la tension et de la frustration.
479. Une nouvelle appréhension de la victime d’infraction pénale. Les termes
de cette thèse sont prospectifs et sans nul doute ambitieux pour un droit pénal en
souffrance ; en souffrance car son potentiel restauratif n’est pas jugé à sa juste valeur ; en
souffrance car il lui est appliqué une logique de rendement.
L’idée générale développée n’est pas utopique mais au contraire très pragmatique. Elle
répond aux attentes des professionnels, des citoyens et des deux protagonistes de
l’infraction pénale. Une nouvelle approche du droit pénal où tous les acteurs de l’infraction
pénale seraient restaurés, où les valeurs essentielles du droit pénal seraient préservées, est
possible car le système pénal en l’état permet de relever le défi. « L’absence de la victime
au procès pénal n’empêche pas qu’elle puisse être formidablement présente dans les
préoccupations sociétales ; le risque pourrait être que sa présence partout renforcée ne se
paie d’une formidable absence, obligée qu’elle serait de devoir endosser un costume qui
n’est pas le sien (…) »1738.
480. Les dernières discussions. Plusieurs pistes de travail se mettent en place.
Aujourd’hui le thème de la dépénalisation devient un débat public. Les questions sont,
pour l’instant, posées autour des délits routiers1739. Mais la suppression du passage devant
le juge pour certaines infractions est en réflexion1740. Sur ce dernier point, il faudrait faire
attention à ne pas multiplier les démarches ; il est important de garder à l’esprit qu’il existe
dans le système pénal actuel des mesures alternatives aux poursuites, des procédures
rapides s’inscrivant dans un autre cadre que celui de la sanction pénale.
1736
DE GRAEVE (L), Essai sur le concept de droit de punir en droit interne, op. cit., p. 692.
1737
La présomption d’innocence, le procès équitable, le contradictoire…
1738
GIUDICELLI-DELAGE (G), LAZERGES (C), La victime sur la scène pénale en Europe, op. cit., p. 276.
1739
DE MONTECLER (M-C), Décentralisation : l’Assemblée nationale rétablit en partie le texte du
gouvernement. Projet de loi de modernisation l’action publique territoriale t d’affirmation des métropoles,
Dalloz Actualité, 23 juillet 2013.
1740
ALAIN (E), Lutte contre la récidive : les autres propositions, AJ Pén. 2013, p. 122.
369
La directive européenne du 25 octobre 20121741 invite les Etats membres à appréhender
différement la notion de « victime d’infraction pénale » ; elle innove en terme de
protection et elle fait preuve d’ouverture en évoquant le droit à une justice réparatrice,
appelée également justice restaurative. Cette justice restaurative apparaît être un levier
important dans la définition d’une nouvelle approche du système pénale. La question qu’il
faut se poser est la suivante : quand et comment la France va-t-elle transcrire la directive
européenne du 25 octobre 2012 ? Car en fin de compte, cette directive, à elle seule, pointe
du doigt le véritable problème de notre temps : la modification du rapport de la société au
droit pénal. Pour l’instant des actions isolées prennent acte des préconisations européennes.
C’est ainsi que le 13 février 2013 Robert CARIO a créé l’institut français de la justice
restaurative1742 visant à faire connaître les fondements de la justice restaurative, et sa
possible intégration dans le système pénal.
Les recherches menées et les constats élaborés sur le terrain démontrent qu’il ne suffit pas
qu’un système pénal déclare la victime comme une priorité pour que ses intérêts soient
assurés. Comme cela a été démontré à travers l’étude de la justice restaurative, il est
possible de garantir les droits et les intérêts de la victime sans qu’elle devienne une partie
active au procès pénal.
Au final la question qui doit être posée concerne la volonté de mettre en place cette
nouvelle dynamique pénale : la société est-elle prête au changement au point de faire
preuve d’utopisme rationnel ?
1741
Directive 2012/29/UE du parlement européen et du conseil du 25 octobre 2012 établissant des normes
minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la
décision cadre 2001/220/JAI du conseil ; VERGES (E), Un corpus juris des droits des victimes : le droit
européen entre synthèse et innovations, RSC, janvier – mars 2013, pp. 121-136.
1742
www.justicerestaurative.org
370
INDEX ALPHABETIQUE DES
MATIERES
(Les chiffres renvoient aux numéros des pages)
A
Abandon de famille ........................................................................................................................................................... 113, 115
Acccompagnement psychologique ....................................................................................................................................... 181
Accès à la justice ............................................................................................................. 213, 214, 215, 216, 225, 226, 302
Accès au droit109, 117, 200, 205, 207, 209, 212, 213, 214, 215, 216, 225, 226, 227, 228, 229, 230, 231, 232,
233, 234, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 241, 242, 260, 261, 262, 302, 309, 317, 321, 334
Accès aux droits .......................................................................................................................................................... 90, 216, 260
Accompagnement21, 31, 33, 51, 90, 100, 140, 156, 158, 180, 181, 182, 183, 186, 187, 188, 189, 190, 191,
194, 197, 198, 199, 200, 202, 203, 209, 229, 235, 236, 240, 247, 253, 256, 287, 303, 308, 313, 317, 329,
338, 339
ACSE ................................................................................................................................................................................................. 260
Action publique20, 47, 50, 54, 61, 64, 66, 67, 70, 71, 75, 77, 79, 80, 82, 83, 84, 85, 86, 88, 89, 90, 94, 100,
113, 134, 137, 149, 150, 159, 176, 238, 255, 256, 281, 283, 312, 342, 343, 344, 365, 366
Action vindicative ...................................................................................................................................................80, 81, 98, 237
Activité réparatrice ........................................................................................................................................................................ 309
Administrateur ad’hoc .................................................................................................................................................................. 80
Affichage de décision de justice ............................................................................................................................................... 162
Agressions sexuelles .................................................................................................................................................146, 188, 247
Aide aux victimes19, 20, 22, 39, 41, 44, 51, 53, 60, 90, 95, 140, 142, 172, 173, 179, 180, 185, 188, 190, 193,
194, 195, 196, 199, 200, 202, 203, 204, 205, 206, 207, 208, 209, 211, 213, 215, 225, 226, 229, 230, 231,
235, 236, 237, 238, 239, 240, 241, 242, 243, 244, 245, 246, 247, 248, 249, 250, 251, 252, 253, 254, 255,
256, 257, 258, 259, 260, 261, 262, 263, 264, 265, 266, 267, 268, 269, 270, 271, 272, 279, 287, 290, 300,
301, 302, 314, 317, 318, 319, 321, 322, 326, 327, 329, 332, 334, 338, 339, 341, 346, 347, 348, 352, 354,
363, 368, 369, 372
Aide judiciaire ...................................................................................................................................................................... 214, 220
Aide juridictionnelle51, 52, 53, 69, 71, 73, 109, 140, 141, 148, 149, 205, 215, 216, 217, 218, 219, 220, 221,
222, 223, 224, 225, 226, 231, 235, 241, 253, 276, 278, 282, 287, 319, 342, 354, 356, 365, 367
Aide juridictionnelle partielle ........................................................................................................... 148, 149, 217, 218, 225
Aide juridique90, 187, 190, 203, 206, 211, 212, 214, 215, 226, 241, 242, 273, 317, 319, 321, 326, 329, 332,
339, 342
Aide psychologique ............................................................................................................................ 182, 187, 188, 245, 253
Aide sociale ............................................................................................................................................ 181, 215, 219, 227, 244
Alternatives aux poursuites ........53, 109, 209, 221, 255, 275, 280, 281, 285, 326, 327, 328, 332, 341, 352
Amende .. 69, 70, 74, 114, 161, 162, 167, 168, 169, 185, 279, 282, 332, 351, 358, 359, 365, 368, 369, 370
Application de la peine ................................................................................................... 54, 158, 159, 160, 170, 175, 186
Assistance aux victimes ................................................................................................................................ 220, 236, 245, 262
Assistance judiciaire ..................................................................................................................................................................... 214
Association d’aide aux victimes20, 51, 53, 60, 140, 196, 213, 230, 231, 235, 236, 239, 240, 252, 255, 261,
265, 267, 268, 269, 271, 314, 319, 338, 347, 348, 368, 369, 372
Associations de victimes ................................................................................... 174, 232, 236, 238, 246, 254, 268, 345
Assurances de protection juridique ....................................................................................................................................... 51
Atteintes à la personne ..............................................................................................................53, 144, 146, 147, 148, 222
Atteintes aux biens ......................................................................................................................................... 146, 148, 154, 333
Audience civile ............................................................................................................................................................... 61, 65, 288
Autorité de la chose jugée .................................................................................................................. 150, 319, 332, 356, 363
Autorité judiciaire ................................................................................ 17, 93, 128, 142, 158, 173, 174, 185, 254, 366
Avis à victime ........................................................................................................................................................ 77, 94, 134, 362
371
Avocat19, 20, 41, 52, 53, 60, 63, 68, 70, 74, 76, 98, 100, 124, 154, 172, 176, 177, 213, 215, 218, 219, 220,
223, 224, 226, 229, 230, 231, 233, 234, 235, 236, 240, 253, 262, 271, 282, 287, 318, 319, 320, 321, 332,
342, 355, 356, 359, 361, 362, 363, 365, 368, 372
Avoué ................................................................................................................................................................................................. 218
B
Barreaux .......................................................................................................... 215, 218, 228, 231, 255, 264, 267, 271, 272
Besoin de reconnaissance ......................................................................................................................... 181, 182, 236, 237
Bureau d’aide juridictionnelle ......................................................................................................................................... 218, 224
C
Caractère matériel d’une infraction ................................................................................................ 144, 146, 147, 148, 149
Caractéristiques sociales ..................................................................................................................................................... 9, 220
Caution d’un tiers .......................................................................................................................................................................... 115
Cautionnement ..................................................... 112, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 119, 120, 121, 122, 137, 138
Cautionnement personnelle ........................................................................................................................................................ 115
CEDH ............................................................................................................................ 70, 80, 81, 82, 83, 114, 123, 331, 372
Cercles de détermination de la peine ............................................................................................................................ 314, 364
Cercles de sentence ...................................................................................................................................................314, 315, 364
Certificat de non appel ....................................................................................................................................................... 154, 155
CESDH ....................................................................................................................................... 81, 84, 114, 117, 221, 331, 356
Chaine restaurative ..................................................................................................................................................................... 199
Chambre d’instruction ................................................................................................................................... 70, 124, 125, 126
Châtier ............................................................................................................................................................................................... 161
CISPD ................................................................................................................................................................................................ 260
Citation directe ....................................... 66, 67, 71, 72, 74, 75, 82, 105, 139, 221, 224, 225, 281, 351, 356, 359
Citoyen20, 23, 24, 25, 27, 36, 37, 40, 42, 43, 48, 49, 54, 64, 87, 91, 96, 97, 102, 103, 107, 131, 132, 133, 156,
157, 158, 165, 166, 169, 172, 179, 180, 184, 193, 195, 202, 206, 207, 208, 214, 216, 218, 219, 221, 227,
228, 230, 241, 245, 250, 263, 273, 289, 316, 325, 331, 334, 351, 352, 356, 357, 365, 367
CIVI .................................... 61, 108, 144, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 153, 231, 246, 285, 300, 316, 344
Classement sans suite .......... 60, 61, 62, 68, 70, 149, 182, 183, 184, 185, 186, 188, 189, 209, 233, 325, 354
Climat de victimisation.............................................................................................................................................................. 237
CLSPD............................................................................................................................................................................................... 260
Cohésion sociale ......................................................................................................................................................... 39, 179, 262
Commissariat ................................................................. 50, 53, 61, 76, 157, 192, 193, 194, 195, 196, 198, 248, 253
Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ........... 47, 94, 217, 281, 284, 303, 339, 358, 361
Compassion ... 23, 25, 33, 34, 36, 37, 39, 40, 41, 42, 43, 86, 96, 97, 100, 184, 199, 200, 254, 256, 259, 333
Composition pénale92, 113, 215, 216, 222, 223, 225, 241, 280, 281, 282, 283, 284, 285, 286, 287, 288, 301,
303, 344, 361, 364, 368
Conciliation ..................................................................................................................................................................................... 198
Condamné23, 58, 63, 79, 105, 141, 142, 145, 152, 153, 155, 156, 158, 162, 163, 165, 167, 168, 171, 174,
175, 179, 189, 191, 196, 199, 201, 217, 230, 279, 294, 295, 296, 297, 299, 328, 329, 351, 361, 367, 368
Confiscation d’objet ou d’animal ............................................................................................................................................. 162
Conflits interpersonnels .....................................................................................................................................64, 85, 98, 325
Conseil départemental de l’accès au droit .............................................................................................. 228, 229, 231, 233
Consignation .................................................................................................................................. 68, 69, 70, 73, 74, 224, 225
Constituer partie civile51, 68, 76, 77, 78, 79, 80, 84, 94, 97, 98, 106, 128, 129, 130, 134, 150, 209, 210, 222,
248, 288, 297, 325
Consultation juridique ............................................................................................................... 228, 229, 231, 233, 234, 235
Contrôle judiciaire62, 110, 111, 112, 113, 115, 116, 119, 121, 122, 125, 126, 129, 130, 137, 278, 347, 350,
360
Cour d’assise ................................................................................................................................... 46, 72, 76, 89, 90, 206, 324
Criminalité ............................................................................10, 11, 12, 16, 31, 38, 108, 117, 250, 283, 307, 308, 343
Criminologie ................................. 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 22, 29, 39, 45, 46, 94, 220, 256, 270, 284, 338, 357
CRPC .................................................................................217, 280, 281, 288, 358, 359, 360, 361, 362, 363, 364, 367
CUCS ................................................................................................................................................................................................. 260
D
Déchéance ..................................................................................................................................................................... 53, 161, 162
372
Défense .. 10, 30, 31, 33, 41, 45, 49, 63, 74, 77, 84, 85, 92, 93, 94, 97, 98, 99, 139, 179, 213, 215, 216, 238,
239, 258, 296, 324, 333, 342, 346, 350
Défense sociale................................................................................................................................. 10, 30, 31, 49, 92, 93, 179
Dégradante ....................................................................................................................................................................................... 161
Délai de prescription ...................................................................................................................................... 99, 100, 356, 366
Délinquance11, 12, 14, 22, 38, 39, 49, 91, 112, 117, 118, 192, 194, 195, 204, 209, 213, 237, 246, 259, 260,
261, 308, 321, 333, 336, 341, 352, 357
Délinquant............................................................................... 13, 15, 40, 104, 117, 161, 209, 276, 306, 312, 325, 367
Délits13, 71, 90, 96, 111, 113, 132, 167, 197, 198, 223, 281, 284, 287, 288, 289, 298, 307, 328, 329, 333,
335, 337, 352, 358, 364, 368, 369, 372
Délits mineurs ............................................................................................................................................................................... 197
Demande sociale du droit............................................................................................................................................................ 227
Dépénalisation .......... 108, 209, 216, 245, 247, 272, 274, 275, 279, 285, 332, 339, 341, 349, 353, 354, 357
Dépôt de plainte15, 20, 31, 41, 49, 50, 51, 53, 54, 59, 67, 69, 72, 76, 110, 111, 157, 183, 193, 198, 221, 225,
230, 232, 251, 253, 271, 274, 280, 328, 354
Dérive victimaire .................................................................................................................................. 159, 207, 222, 300, 346
Déshonorante................................................................................................................................................................................... 161
Désordre social ................................................................................................................................................ 103, 160, 182, 316
Dimension thérapeutique .................................................................................................................................................. 131, 182
Dissuader ................................................................................................................................................................................ 160, 161
Dommages et intérêts . 76, 83, 109, 110, 134, 137, 140, 144, 151, 153, 154, 155, 185, 223, 230, 231, 237,
254, 285, 296, 311, 320, 328, 362
Dommages-intérêts ............................................................................................................................ 74, 76, 77, 78, 109, 137
Doyen des juges d’instruction .............................................................................................................................. 51, 221, 225
Droit civil ...............................................................................48, 55, 63, 86, 88, 92, 100, 276, 278, 302, 325, 353, 354
Droit de punir ............................................................................................................. 98, 132, 159, 164, 166, 207, 372, 373
Droit pénal13, 14, 17, 18, 20, 21, 22, 23, 24, 31, 34, 35, 36, 37, 39, 43, 44, 45, 46, 48, 49, 53, 55, 56, 57, 58,
63, 64, 65, 80, 82, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 94, 98, 100, 103, 104, 108, 121, 122, 130, 131, 139, 156, 157,
158, 159, 164, 165, 169, 173, 175, 176, 177, 180, 183, 184, 185, 186, 189, 191, 192, 198, 199, 200, 201,
202, 203, 204, 206, 207, 208, 209, 212, 213, 226, 231, 232, 234, 235, 237, 238, 239, 240, 241, 242, 245,
250, 252, 255, 256, 267, 270, 272, 273, 274, 275, 277, 278, 279, 300, 302, 303, 304, 305, 306, 311, 312,
313, 314, 316, 317, 318, 319, 321, 322, 323, 324, 325, 326, 327, 328, 329, 330, 334, 335, 337, 339, 340,
342, 344, 345, 346, 353, 354, 357, 372, 373
Droits de l’Homme............................................................................................. 69, 81, 83, 100, 117, 207, 249, 331, 332
Droits subjectifs fondamentaux ................................................................................................................................................ 216
E
Egalité des armes ........................................................................................................................................... 33, 83, 84, 91, 356
Empathie ............................................................................................................................................................................................. 96
Emprisonnement96, 111, 140, 161, 162, 163, 166, 167, 168, 169, 177, 185, 275, 276, 278, 281, 284, 287,
288, 290, 294, 296, 307, 313, 330, 332, 339, 340, 358, 359, 360, 361, 364, 368
Enquête de police.......................................................................................................................................................... 60, 77, 110
Enquêtes de victimation .....................................................................................................................................37, 38, 39, 266
Equilibre des droits des parties .................................................................................... 17, 82, 133, 142, 254, 300, 331
Exécution des peines .............................. 11, 20, 40, 63, 157, 170, 171, 173, 174, 179, 255, 297, 298, 300, 301
Extra-judiciaires ................................................................................................................................................................... 157, 183
Extra-patrimoniale .. 33, 43, 48, 81, 167, 205, 207, 209, 250, 279, 284, 285, 296, 301, 316, 320, 328, 333,
339, 348, 352
F
Facteurs de victimation ................................................................................................................................................................ 213
Facteurs sociaux ............................................................................................................................................................................. 220
Fait criminel .......................................................................................................................................................... 9, 10, 12, 13, 14
Faute pénale ....................................................................................................................................................................... 30, 58, 59
Fermeture d’établissement .......................................................................................................................................................... 162
FGTI ................................................................................................................................................ 145, 146, 150, 151, 152, 153
FIPD ......................................................................................................................................................................................... 259, 261
Fonds de Garantie ........................................................................................................................................................................... 61
Fonds Interministériel de prévention de la délinquance ........................................................................................... 260
373
Fonds Interministériels de Prévention de la Délinquance ........................................................................................ 259
G
Garantie des droits des victimes .......................................................................................................................................... 254
Garantie juridique .......................................................................................................................................................................... 332
Garde à vue ......................................................................................................................................................... 51, 196, 215, 235
Gendarmerie49, 50, 52, 53, 60, 61, 76, 77, 157, 175, 192, 193, 194, 195, 196, 198, 244, 248, 252, 253, 255,
265, 267, 271, 299
H
Homologation de la peine ........................................................................................................................................................ 360
Huissier de justice ........................................................................................................................................... 72, 141, 153, 218
I
Identité des fautes civiles et pénales ............................................................................................................... 58, 59, 61, 79
Illettrisme juridique ....................................................................................................................................................................... 227
INAVEM ...................................181, 236, 238, 246, 264, 266, 267, 269, 271, 280, 337, 344, 346, 347, 348, 369
Incapacité ...................................................................................................................... 55, 96, 146, 148, 161, 162, 194, 227
Incriminations ........................................................................................................................................................................90, 327
Indemnisation20, 48, 49, 51, 54, 55, 56, 58, 59, 61, 63, 64, 65, 78, 79, 84, 85, 88, 89, 93, 104, 105, 106, 107,
108, 109, 110, 111, 112, 116, 119, 122, 127, 131, 132, 133, 134, 135, 139, 140, 141, 142, 143, 144, 146,
147, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 157, 190, 201, 202, 214, 231, 235, 245, 246, 252, 282, 284, 285, 287,
298, 316, 320, 326, 328, 372
Indemnisation future .................................................................................................................................................110, 112, 122
Infamante .......................................................................................................................................................................................... 161
Information13, 14, 17, 45, 50, 60, 63, 74, 84, 90, 93, 98, 110, 115, 122, 123, 124, 125, 129, 130, 140, 142,
144, 157, 158, 160, 168, 172, 173, 174, 175, 182, 185, 193, 205, 209, 214, 215, 216, 219, 225, 227, 228,
229, 230, 232, 233, 235, 236, 239, 240, 244, 246, 247, 251, 252, 254, 256, 285, 294, 298, 309, 317, 348,
360
Information judiciaire .......................................................................................................................... 110, 122, 123, 129, 130
Information juridique .. 13, 14, 209, 214, 215, 216, 227, 228, 229, 232, 235, 236, 239, 240, 244, 309, 348
Infraction pénale9, 10, 12, 13, 14, 16, 17, 18, 22, 23, 24, 25, 27, 29, 30, 31, 33, 34, 35, 38, 41, 47, 50, 54, 55,
56, 58, 60, 61, 62, 64, 65, 68, 88, 92, 93, 94, 103, 105, 106, 107, 108, 109, 110, 112, 113, 114, 128, 131,
132, 134, 139, 146, 147, 151, 156, 157, 160, 163, 164, 165, 167, 170, 171, 179, 181, 182, 183, 184, 186,
187, 188, 189, 190, 191, 192, 194, 196, 197, 198, 199, 200, 201, 202, 203, 206, 207, 209, 210, 221, 222,
230, 231, 233, 234, 235, 237, 240, 242, 244, 245, 246, 248, 271, 272, 274, 285, 286, 288, 296, 302, 307,
308, 309, 310, 314, 317, 323, 327, 328, 331, 333, 334, 338, 339, 340, 349, 355, 361, 369, 372, 373
Injonction de soins ............................................................................................................................................................ 161, 162
Instruction 51, 52, 61, 62, 66, 68, 69, 70, 71, 72, 76, 77, 81, 88, 90, 93, 110, 111, 112, 113, 114, 115, 116,
117, 118, 119, 120, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128, 129, 130, 131, 132, 133, 142, 143, 150, 155, 157,
158, 175, 200, 221, 224, 225, 233, 254, 255, 299, 324, 332, 351, 360
Interdiction ....................................................................... 62, 161, 162, 167, 175, 196, 222, 275, 284, 296, 297, 299
Intérêt général.. 31, 34, 40, 41, 44, 45, 64, 65, 85, 89, 90, 93, 119, 120, 129, 131, 160, 161, 162, 213, 275,
281, 282, 302, 319, 320, 324, 326, 327, 332, 365, 366
Intérêt privé ..................................................................................................................................... 41, 44, 120, 121, 150, 324
Intérêts personnels ........................................................................................................................................................................ 97
Intervenant social ...................................................................................... 191, 192, 193, 194, 195, 196, 197, 198, 199
Intimider............................................................................................................................................................................................ 161
J
Jour amende ........................................................................................................................................................................... 161, 167
Jours amendes ................................................................................................................................................................................. 162
Judiciaires ........... 109, 115, 118, 119, 175, 183, 191, 201, 228, 233, 246, 261, 268, 271, 273, 312, 337, 352
Juge d’application des peines ........................................................ 63, 163, 168, 169, 175, 230, 231, 297, 299, 366
Juge d’instruction61, 62, 66, 68, 69, 70, 77, 81, 93, 110, 111, 112, 113, 114, 116, 117, 118, 119, 120, 123,
124, 125, 126, 127, 128, 129, 131, 225, 254
Juge de la liberté et de la détention ................................................................................................................... 62, 114, 115
Juge délégué aux victimes .................................................................................................................. 41, 230, 231, 256, 300
Juge pénal .............................................................................34, 39, 58, 67, 77, 81, 86, 92, 93, 120, 137, 277, 313, 337
374
Jugement pénal .............................................. 18, 21, 34, 47, 94, 98, 110, 120, 139, 141, 186, 199, 213, 285, 321
Justice complémentaire .................................................................................................................................................. 281, 303
Justice participative ............................................................................................... 340, 349, 353, 354, 355, 356, 357, 367
Justice pénale29, 32, 34, 39, 40, 43, 44, 58, 60, 95, 96, 97, 98, 105, 121, 138, 143, 166, 178, 197, 203, 208,
209, 240, 255, 256, 267, 274, 276, 277, 281, 304, 306, 307, 308, 312, 315, 322, 323, 325, 326, 327, 329,
330, 331, 333, 334, 337, 338, 339, 340, 348, 352, 364
Justice pénale classique ...................................................................................................................... 333, 334, 337, 352, 364
Justice restaurative122, 160, 179, 180, 181, 203, 270, 272, 274, 275, 276, 281, 284, 286, 287, 302, 303, 304,
305, 306, 307, 308, 309, 310, 311, 312, 313, 314, 315, 316, 317, 318, 319, 320, 321, 322, 323, 326, 328,
329, 330, 331, 332, 333, 334, 335, 336, 337, 338, 339, 340, 341, 342, 344, 346, 347, 348, 350, 352, 353,
355, 357, 358, 359, 361, 362, 363, 364, 365, 366, 367, 368, 369, 374
Justice rétributive ............................................................................................................................................ 323, 339, 341, 357
L
La conférence du groupe familial ............................................................................................................. 313, 317, 318, 319
La règle de droit ..................................................................................................... 143, 157, 164, 199, 200, 209, 227, 276
Le criminel tient le civil en l’état ................................................................................................................ 58, 64, 79, 88, 92
Le pouvoir de sanctionner .......................................................................................................................................................... 316
Les conférences du groupe familial .......................................................................................................... 312, 317, 318, 336
Les fondements du droit pénal ............................................................................ 53, 87, 185, 202, 226, 272, 318, 353
Les rencontres restauratives post-sentencielles ......................................................................................................... 313, 314
Libération conditionnelle ............................................................................................................................................... 172, 177
Liberté publique ................................................................................................................................................................... 216, 221
Lien social .................................................................................................... 34, 40, 64, 169, 207, 209, 256, 313, 316, 370
M
Mandat de dépôt ............................................................................................................................................................................. 120
Matière contraventionnelle ...................................................................................................................................... 68, 72, 111
Matière délictuelle ......................................................................................................................................................................... 111
Mécanismes sociaux ..................................................................................................................................................................... 208
Médiation14, 92, 198, 215, 216, 221, 222, 223, 225, 241, 252, 259, 262, 267, 268, 275, 281, 284, 286, 303,
306, 313, 314, 315, 316, 319, 320, 321, 326, 331, 339, 340, 341, 342, 343, 344, 345, 346, 347, 348, 349,
350, 351, 352, 353, 354, 356, 357, 362, 364, 367
Médiation pénale92, 215, 216, 221, 222, 223, 225, 241, 268, 275, 281, 284, 286, 303, 306, 313, 315, 331,
339, 340, 341, 342, 343, 344, 345, 346, 347, 348, 349, 350, 351, 357, 362, 364, 367
Médiation post-sententielle ....................................................................................................................................350, 351, 352
Mesures alternatives à l’emprisonnement .................................................................... 167, 168, 275, 290, 296, 340
Mesures alternatives aux poursuites ........................................................................... 209, 221, 275, 281, 326, 327, 332
Mesures d’expertise ...................................................................................................................................................................... 124
Mesures éducatives ....................................................................................................................................................................... 161
Ministère public ....... 35, 41, 45, 66, 85, 88, 90, 124, 166, 176, 177, 224, 258, 276, 301, 324, 325, 345, 361
Mis en cause15, 23, 51, 52, 56, 60, 71, 75, 81, 84, 92, 94, 100, 111, 115, 116, 118, 119, 120, 121, 131, 151,
154, 156, 190, 191, 193, 194, 196, 197, 198, 199, 202, 219, 278, 282, 283, 287, 313, 314, 315, 317, 320,
329, 331, 344, 358, 359, 360, 361, 362, 365
Mis en examen ................................................................................................ 23, 114, 116, 117, 124, 125, 128, 130, 219
Mission de service publique .................................................................................................................................................... 269
N
Non homologation de la peine ............................................................................................................................................... 360
Non-lieu ................................................................................................................................................. 57, 70, 81, 126, 127, 182
O
Obligation de faire ............................................................................................................................................................. 161, 162
Obligation de ne pas rencontrer la victime ................................................................................................................. 116, 189
Obligations alimentaires .............................................................................................................................................................. 115
Offensante ........................................................................................................................................................................................ 161
Ordonnance de protection ..................... 51, 217, 222, 225, 276, 277, 278, 279, 280, 286, 288, 302, 343, 367
Ordonnance de renvoi .................................................................................................................................................................. 125
Ordre des avocats........................................................................................................................................................................... 228
375
Organismes sociaux .................................................................................................................................................................... 198
Ouverture de bureaux d’aide aux victimes ........................................................................................................................... 205
P
Parquets .............................................................................................................................................................................................. 49
Participation des citoyen à la justice pénale ....................................................................................................................... 97
Partie citoyenne.....................................................................................................................................................................99, 102
Partie civile17, 23, 25, 26, 30, 31, 33, 34, 48, 50, 51, 52, 53, 54, 56, 58, 61, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71,
72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 97, 98, 99, 100, 101,
104, 105, 106, 110, 111, 114, 115, 116, 120, 121, 122, 124, 125, 126, 127, 128, 129, 130, 132, 133, 134,
135, 136, 137, 138, 141, 142, 143, 144, 145, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 157, 158, 163, 168, 169, 170,
172, 174, 176, 177, 178, 184, 185, 187, 190, 198, 199, 200, 201, 202, 204, 206, 207, 209, 210, 213, 217,
219, 221, 222, 223, 224, 225, 226, 230, 231, 232, 234, 237, 238, 241, 248, 251, 254, 267, 274, 275, 279,
280, 281, 288, 289, 290, 295, 296, 298, 300, 301, 308, 309, 320, 321, 322, 324, 325, 326, 327, 328, 333,
340, 346, 353, 358, 360, 362, 363, 372, 373
Passage à l’acte........................................................................................ 9, 12, 14, 16, 30, 117, 200, 201, 205, 220, 274
Pédagogie du droit ................................................................................................................................ 207, 226, 233, 241, 329
Peine 14, 21, 25, 40, 46, 48, 53, 54, 57, 58, 62, 64, 76, 82, 85, 88, 89, 90, 96, 100, 101, 111, 120, 132, 137,
141, 143, 149, 156, 158, 159, 160, 161, 162, 163, 164, 165, 166, 168, 169, 170, 172, 173, 174, 175, 176,
177, 179, 180, 182, 186, 187, 189, 199, 206, 219, 224, 234, 250, 266, 269, 270, 275, 278, 281, 284, 288,
289, 294, 295, 297, 298, 299, 301, 303, 304, 306, 308, 314, 315, 316, 320, 321, 325, 327, 328, 329, 330,
331, 332, 333, 337, 338, 339, 350, 351, 352, 354, 358, 359, 360, 361, 362, 364, 368, 372
Peine alternative ................................................................................................................................................................ 166, 332
Peine privative de liberté .....................................................................................................................................166, 294, 337
Peines11, 20, 40, 63, 90, 95, 96, 97, 132, 157, 159, 160, 161, 162, 164, 168, 169, 170, 171, 172, 173, 174,
175, 176, 177, 178, 179, 185, 196, 230, 231, 241, 255, 275, 279, 289, 294, 297, 298, 299, 300, 301, 313,
321, 327, 330, 332, 339, 340, 359, 361, 364, 365, 366, 367, 370, 372
Peines accessoires .......................................................................................................................................................................... 161
Peines complémentaires ................................................................................................. 161, 162, 275, 321, 332, 340, 365
Peines correctionnelles ................................................................................................................................................................ 161
Peines de substitution ................................................................................................................................................................... 162
Peines principales ........................................................................................................................................... 161, 162, 359, 364
Personne mise en examen ..................... 66, 111, 116, 117, 119, 120, 124, 125, 126, 128, 129, 217, 219, 342
Personnes vulnérables .......................................................................................................................................................96, 194
Phénomène criminel ................................................................................................................................................... 9, 122, 179
Phénomène de délinquance .................................................................................................................................. 11, 117, 192
Phénomène victimaire............................................................................................................................................................. 9, 22
Philosophie pénale .............................................................. 14, 15, 22, 101, 122, 158, 180, 190, 193, 202, 362, 373
Plafond de l’aide juridictionnelle ............................................................................................................................................. 149
Plainte avec constitution de partie civile ...................... 31, 51, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 73, 74, 75, 82, 83, 89, 225
Police11, 16, 32, 44, 49, 50, 52, 60, 61, 62, 72, 75, 76, 77, 110, 140, 175, 185, 192, 193, 194, 195, 197, 230,
252, 255, 265, 267, 271, 281, 286, 299, 319, 343, 347, 365, 366, 368
Politique criminelle .. 10, 15, 31, 49, 101, 118, 120, 122, 161, 169, 191, 213, 254, 261, 275, 325, 326, 340
Politique d’aide aux victimes ......................... 207, 211, 229, 250, 258, 262, 263, 268, 269, 301, 321, 322, 346
Politique de la ville.............................................................................................................................................................. 260, 261
Politique interministérielle de l’aide aux victimes ....................................................................................................... 259
Politique publique d’aide aux victimes205, 243, 245, 246, 247, 248, 249, 251, 255, 256, 257, 258, 259, 263,
264, 266, 327
Politiques d’aide aux victimes................................................................................................................................................... 209
Politiques pénales ............................................................................................................................................... 14, 31, 321, 357
Politiques publiques ............................................................. 9, 22, 51, 204, 205, 235, 247, 257, 258, 267, 268, 269
Position vengeresse .................................................................................................................................................. 89, 159, 207
Post sententielle .................................................................................................................................................................... 349, 352
Post-sententielle...........................................................169, 170, 173, 176, 289, 340, 349, 350, 351, 352, 365, 368
Préjudice16, 17, 18, 44, 45, 47, 48, 49, 54, 55, 56, 58, 59, 61, 63, 75, 76, 77, 78, 81, 82, 84, 85, 97, 98, 100,
106, 107, 109, 110, 114, 117, 119, 134, 135, 136, 137, 139, 144, 146, 147, 151, 155, 161, 184, 186, 205,
250, 255, 279, 284, 286, 316, 320, 324, 328, 333, 342, 362, 365, 366, 370
Préjudices matériels ...................................................................................................................................................................... 109
Préjudices moraux ......................................................................................................................................................................... 109
376
Présomption d’innocence..........................83, 90, 120, 121, 126, 129, 138, 141, 185, 253, 318, 331, 341, 373
Présumée victime ............................................................................................................................................ 17, 130, 141, 216
Présumés victimes.......................................................................................................................................................................... 94
Prétoir pénal ..............................................................................................................................................................106, 140, 183
Prétoire pénal26, 43, 64, 86, 87, 88, 92, 98, 151, 166, 178, 202, 209, 225, 234, 248, 251, 252, 279, 284, 306,
316, 326, 334, 346
Principe d’égalité ......................................................................................................................................................................... 182
Principe directeur du procès pénal ........................................................................................................................................... 232
Principes fondamentaux de la justice ...................................................................................................................................... 207
Principes généraux du droit pénal ................................................................................................................................22, 199
Privatisation du droit pénal .....................................................................................35, 44, 45, 213, 255, 324, 345, 348
Privatisation du procès pénal ............................................................ 23, 34, 45, 49, 85, 129, 255, 323, 324, 325, 326
Privative ..................................................................................................................................................... 86, 120, 166, 294, 337
Procédure accusatoire ...................................................................................................................................... 44, 66, 123, 324
Procédure inquisitoire.............................................................................................................................. 44, 66, 89, 123, 324
Procédure pénale11, 15, 17, 22, 40, 43, 44, 45, 47, 50, 52, 59, 60, 62, 63, 66, 68, 70, 72, 73, 74, 76, 77, 78,
82, 85, 89, 90, 91, 92, 93, 99, 100, 102, 105, 108, 110, 111, 112, 113, 114, 115, 116, 118, 119, 120, 122,
123, 124, 126, 127, 128, 129, 130, 133, 134, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 144, 146, 147, 148, 150, 151,
156, 157, 158, 159, 165, 169, 170, 172, 173, 174, 175, 176, 177, 178, 179, 180, 182, 185, 186, 189, 191,
194, 198, 199, 201, 205, 206, 207, 209, 210, 212, 213, 219, 222, 223, 230, 231, 233, 235, 236, 245, 246,
248, 253, 254, 255, 256, 270, 273, 275, 281, 283, 288, 295, 300, 301, 305, 316, 318, 324, 325, 331, 332,
334, 340, 342, 343, 344, 345, 346, 347, 349, 351, 354, 357, 358, 359, 360, 361, 362, 365, 366, 372
Procès civil ................................................................................................................................. 49, 79, 92, 103, 208, 241, 354
Procès équitable ............................................................................. 82, 83, 84, 142, 318, 330, 331, 332, 346, 356, 373
Procès pénal18, 20, 22, 23, 33, 34, 35, 43, 45, 46, 47, 49, 50, 56, 59, 64, 65, 67, 75, 76, 77, 80, 82, 84, 85, 88,
89, 91, 92, 94, 97, 98, 100, 103, 104, 105, 127, 129, 132, 133, 134, 135, 138, 141, 142, 150, 151, 152,
155, 156, 158, 172, 173, 176, 178, 179, 187, 189, 201, 204, 208, 209, 210, 212, 213, 221, 222, 226, 230,
232, 234, 236, 238, 241, 245, 248, 250, 253, 255, 256, 264, 279, 280, 288, 302, 308, 309, 319, 321, 323,
324, 325, 326, 328, 331, 332, 334, 337, 339, 341, 342, 349, 354, 363, 373, 374
Procès verbal ............................................................ 16, 50, 115, 155, 198, 223, 281, 282, 295, 343, 344, 351, 365
Procureur de la République50, 53, 60, 62, 63, 68, 77, 110, 113, 127, 128, 129, 137, 169, 185, 191, 223, 255,
260, 274, 280, 281, 282, 283, 284, 286, 299, 341, 342, 343, 344, 347, 358, 359, 360, 361, 363, 364, 365,
366
Procureur général......................................................................................................................................................... 60, 62, 185
Protection24, 42, 44, 49, 51, 52, 61, 62, 80, 91, 114, 120, 126, 157, 175, 176, 193, 201, 217, 222, 225, 235,
246, 247, 249, 253, 276, 277, 278, 279, 280, 286, 288, 297, 302, 343, 367
Provision .......................................................................................................................................................................120, 137, 138
Psychologue ................................................................................................................................ 182, 188, 189, 190, 368, 372
Q
Qualification des faits .................................................................................................................................................................. 126
Quantum de peine ....................................................................................................................................................................... 168
R
Réadapter ................................................................................................................................................................................ 161, 166
Récépissé du dépôt de plainte................................................................................................................................................... 50
Récidive ......... 11, 93, 157, 162, 166, 170, 171, 174, 294, 299, 313, 335, 336, 337, 338, 339, 345, 352, 369
Reconnaissance 15, 18, 25, 27, 31, 32, 33, 34, 37, 42, 43, 47, 48, 59, 61, 94, 100, 171, 178, 180, 181, 182,
183, 184, 185, 186, 217, 236, 238, 255, 269, 277, 281, 284, 301, 303, 307, 315, 317, 326, 329, 339, 341,
350, 352, 358, 361, 362, 364
Reconstruction ..................................................................................... 31, 143, 163, 167, 187, 206, 207, 243, 298, 302
Recours juridictionnel ........................................................................................................................................................ 234, 349
Recouvrement des dommages et intérêts...........................................................................................................109, 140, 320
Réforme pénale ......................................................................................................................................................................10, 219
Réformes criminelles .................................................................................................................................................................... 99
Réhabilitation34, 40, 41, 94, 98, 163, 165, 166, 206, 209, 272, 284, 305, 308, 309, 311, 313, 320, 325, 329,
333, 357
Réinsérer .......................................................................................................................................................................161, 179, 199
Réinsertion .................................................................................................................................... 104, 112, 157, 161, 171, 172
377
Relaxe ................................................................................................................................................74, 121, 150, 182, 185, 189
Renforcement des droits des victimes ...........................................................................................................245, 253, 254
Réparation21, 22, 23, 24, 30, 31, 32, 33, 39, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 53, 58, 59, 61, 64, 65, 79, 80,
81, 82, 85, 86, 88, 89, 91, 92, 93, 95, 101, 103, 104, 105, 106, 107, 108, 109, 110, 111, 112, 113, 114,
115, 116, 118, 119, 121, 122, 123, 127, 128, 129, 130, 131, 132, 133, 134, 135, 141, 142, 143, 144, 145,
146, 147, 149, 151, 152, 153, 155, 156, 158, 161, 162, 163, 165, 166, 167, 168, 169, 173, 180, 181, 182,
183, 184, 186, 187, 188, 189, 190, 197, 198, 199, 201, 204, 205, 206, 207, 209, 210, 222, 223, 238, 243,
245, 246, 248, 249, 250, 252, 253, 254, 256, 257, 267, 274, 277, 279, 283, 284, 285, 287, 288, 295, 296,
298, 301, 302, 306, 307, 308, 313, 316, 320, 321, 324, 325, 328, 333, 334, 335, 336, 337, 338, 339, 342,
343, 344, 345, 348, 351, 357, 361, 363, 365, 366, 367, 369, 372
Réparation civile ........................................................................................................................................................... 44, 46, 101
Réparation globale .............................................................................................................. 33, 41, 104, 109, 183, 206, 313
Réparation intégrale ........................................................................................................ 33, 109, 144, 145, 146, 147, 246
Réparation patrimoniale24, 33, 48, 108, 116, 168, 205, 206, 207, 210, 248, 296, 298, 303, 313, 316, 320,
321, 328, 334, 348, 352
Réparation processuelle ..................................................................................................................................................... 123, 130
Réparation psychologique ...................................................................................................................................182, 187, 189
Réponse sociale ............................................................................................................................................................................ 198
Réponses pénales.......................................................................................................................................... 117, 163, 287, 329
Réquisitions du parquet ....................................................................................................................................................78, 124
Responsabilité civile ....................................................................................................... 48, 55, 56, 57, 58, 61, 80, 86, 138
Responsabilité pénale ................................................................ 48, 55, 56, 57, 58, 61, 138, 160, 186, 334, 341, 363
Restauration21, 22, 29, 33, 41, 47, 59, 64, 100, 101, 103, 104, 105, 106, 109, 112, 121, 131, 133, 140, 141,
156, 157, 158, 163, 165, 166, 169, 170, 173, 174, 175, 179, 180, 182, 185, 186, 189, 191, 196, 197, 200,
201, 204, 206, 209, 210, 212, 213, 220, 225, 226, 229, 232, 233, 235, 236, 238, 240, 241, 242, 256, 257,
262, 269, 271, 272, 273, 275, 277, 278, 279, 280, 281, 285, 289, 297, 306, 319, 322, 323, 334, 338, 339,
358, 363, 365, 372, 373
Restauration du lien social .......................................................................................................................................................... 209
Restauration globale ...............................................................................................................................21, 64, 200, 233, 372
Retrait d’un droit ............................................................................................................................................................... 161, 162
S
Sacre de la victime ........................................................................................................................................................... 29, 32, 40
Sanction pénale11, 12, 14, 20, 64, 85, 158, 159, 160, 161, 163, 164, 165, 166, 169, 172, 186, 189, 198, 200,
203, 206, 254, 273, 279, 285, 289, 290, 301, 306, 314, 320, 326, 332, 342, 349, 350, 365
Sanction réparation..................................................................................................................... 161, 162, 163, 168, 169, 295
Sanction-réparation ........................................................................................................................................ 63, 162, 168, 169
SARVI ....................................................................... 61, 108, 144, 145, 151, 152, 153, 154, 155, 231, 285, 316, 344
Sententielle ............................................................................................................................................................................. 349, 352
Service d’aide psychologique ................................................................................................................................................. 253
Soutien aux victimes ................................................................................................................................................................... 253
Soutien psychologique................................................................................................................................... 51, 158, 264, 317
Sphère pénale ................................................................................................................................................................................ 186
Stage citoyenneté majeur .....................................................................................................................................275, 303, 332
Stage citoyenneté mineur ......................................................................................................................... 161, 275, 332, 337
Stage de citoyenneté ...................................................................................................................................... 161, 162, 367, 368
Subventions publiques .............................................................................................................................................................. 247
Suivi psychologique ..................................................................................................................................................109, 314, 319
Suivi social ....................................................................................................................................................................................... 109
Suivi socio-judiciaire ................................................................................................................................................ 62, 163, 294
Supplément d’information .......................................................................................................................................................... 125
Surenchère victimaire ............................................................................................................................................................... 238
Sûreté ..................................................................................................................................... 11, 111, 112, 114, 115, 119, 127
Sûretés ............................................................................................................................................ 114, 115, 116, 118, 119, 121
Sursis 58, 62, 63, 64, 79, 92, 93, 97, 149, 168, 189, 196, 198, 199, 206, 230, 278, 290, 294, 298, 334, 350,
352, 359
Sursis avec mise à l’épreuve58, 62, 63, 92, 93, 97, 189, 196, 198, 199, 206, 230, 278, 290, 298, 334, 350, 352
Survictimisation ............................................................................................................................................................................. 132
378
Système pénal18, 20, 22, 24, 29, 33, 34, 35, 44, 45, 54, 64, 66, 75, 88, 89, 90, 94, 96, 97, 100, 101, 104, 106,
107, 109, 122, 124, 127, 128, 138, 139, 140, 141, 143, 151, 155, 156, 158, 160, 163, 164, 169, 174, 176,
178, 180, 181, 182, 183, 186, 187, 189, 190, 191, 194, 197, 198, 201, 204, 205, 207, 209, 210, 212, 222,
233, 254, 255, 256, 258, 267, 275, 277, 302, 303, 304, 305, 307, 311, 316, 317, 319, 320, 321, 322, 323,
324, 326, 327, 328, 329, 330, 339, 340, 345, 349, 351, 354, 357, 365, 367, 373, 374
T
Témoin .............................. 9, 17, 61, 62, 64, 65, 72, 78, 124, 125, 128, 133, 140, 143, 167, 217, 219, 222, 224
Thérapeutiques ................................................................................................................................................................................ 35
Transaction réparation..............................................................................................................................................365, 366, 367
Traumatisme21, 35, 59, 71, 105, 143, 155, 181, 182, 184, 197, 200, 201, 234, 240, 248, 257, 262, 269, 277,
322, 323, 339, 365
Traumatismes.................................................................................................................................................................... 27, 74, 92
Travail d’intérêt général ............................................................................ 161, 162, 275, 281, 282, 320, 332, 365, 366
Tribunal correctionnel 56, 71, 72, 76, 77, 83, 95, 99, 125, 137, 154, 185, 224, 281, 285, 350, 359, 360, 363
Tribunal de police ......................................................................................................................................................... 72, 75, 366
U
Unités médicaux judiciaires .......................................................................................................................................... 261, 268
V
Vengeance privée ............................................................................34, 37, 40, 45, 82, 89, 90, 104, 160, 174, 179, 372
Victimation secondaire ...................................................................................... 21, 31, 71, 74, 103, 106, 236, 320, 362
Victime 9, 10, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 27, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39,
40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67,
68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 96, 98,
99, 100, 101, 102, 103, 104, 105, 106, 107, 108, 109, 110, 111, 112, 114, 115, 116, 117, 118, 119, 120,
121, 122, 123, 125, 126, 127, 128, 129, 130, 131, 132, 133, 134, 136, 138, 139, 140, 141, 142, 143, 144,
145, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 156, 157, 158, 159, 160, 162, 163, 164, 165, 166,
167, 168, 169, 170, 171, 172, 173, 174, 175, 176, 177, 178, 179, 180, 181, 182, 183, 184, 185, 186, 187,
188, 189, 190, 191, 192, 193, 194, 196, 197, 198, 199, 200, 201, 202, 204, 205, 206, 207, 208, 209, 210,
211, 212, 213, 214, 216, 219, 220, 221, 222, 223, 224, 225, 226, 227, 229, 230, 231, 232, 233, 234, 235,
236, 237, 238, 240, 241, 242, 244, 245, 246, 247, 248, 249, 250, 251, 252, 253, 254, 255, 256, 261, 265,
267, 270, 271, 272, 274, 275, 276, 277, 278, 279, 280, 281, 282, 283, 284, 285, 286, 287, 288, 289, 290,
295, 296, 297, 298, 299, 300, 301, 302, 303, 304, 305, 306, 307, 308, 309, 312, 313, 314, 315, 316, 317,
318, 319, 320, 322, 323, 324, 325, 326, 327, 328, 329, 331, 333, 334, 335, 337, 338, 339, 340, 342, 343,
344, 345, 346, 348, 349, 350, 352, 353, 354, 358, 360, 361, 362, 363, 364, 366, 367, 368, 370, 372, 373,
374
Victimisation 21, 22, 32, 34, 37, 38, 43, 57, 94, 97, 114, 115, 121, 127, 129, 138, 141, 154, 155, 174, 187,
192, 197, 201, 206, 220, 237, 277, 313, 338, 372
Victimisation secondaire ............................................ 32, 100, 115, 121, 127, 129, 138, 141, 154, 155, 174, 277
Victimisime ........................................................................................................................................................................................ 37
Victimologie ......... 9, 13, 15, 16, 29, 30, 31, 32, 107, 108, 169, 182, 205, 220, 232, 256, 262, 270, 284, 338
Vindicative ................................................................................................................ 40, 49, 67, 80, 81, 86, 89, 98, 156, 237
Violences conjugales15, 24, 115, 165, 188, 195, 196, 201, 222, 244, 245, 247, 277, 278, 279, 282, 284, 299,
343
Violences intra-familiales .................................................................................... 51, 167, 279, 286, 296, 299, 301, 364
Vulgarisation de la matière pénale................................................................................................................................. 208, 233
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412
TABLES DES MATIÈRES
LISTE DES ABREVIATIONS…………………………………………………………………………….5
INTRODUCTION……………………………………………………………………………….8
PREMIERE PARTIE. La victime d’infraction pénale en droit pénal positif……………….23
TITRE PREMIER. Victime et qualification ........................................................................................ 25
CHAPITRE PREMIER. La qualité de victime ................................................................................... 26
SECTION 1. La place de la victime dans la société............................................................................ 27
§1. Une victime au service de l’infraction pénale ................................................................................ 29
A) Le sacre de la victime par la victimologie ....................................................................................... 29
B) Le sacre de la victime par la justice .................................................................................................. 32
§2. Une compassion au service de la victime ........................................................................................ 35
A) La passion pour la victime .................................................................................................................. 36
B) La solidarité pour la victime ............................................................................................................... 41
SECTION 2. La place de la victime dans le droit ............................................................................... 43
§1. Les droits de la victime d’infractions pénales : la théorie .......................................................... 45
A) Le concept de victime en droit pénal ................................................................................................ 45
B) Les droits accordés aux victimes d’infractions pénales ............................................................... 49
§2. Les droits des victimes d’infractions pénales : la pratique ........................................................ 53
A) Les préjudices résultant d’une infraction pénale .......................................................................... 54
B) La prise en compte de la victime dans le traitement de l’infraction ......................................... 59
CHAPITRE DEUXIEME. La qualité de victime, partie civile ....................................................... 63
SECTION 1. La constitution de partie civile, une norme ................................................................. 65
§1. L’aspect accusatoire de la constitution de partie civile ............................................................... 65
A) La plainte avec constitution de partie civile ................................................................................... 66
B) La citation directe ................................................................................................................................. 70
§2. L’aspect inquisitoire de la constitution de partie civile .............................................................. 73
A) Les fondements juridiques de la constitution de partie civile .................................................... 74
B) La nature juridique de la constitution de partie civile ................................................................. 78
Section 2. La constitution de partie civile, exception ......................................................................... 85
§1. La présence de la partie civile : les certitudes ............................................................................... 86
A) La partie civile : droit comparé et évolution historique et juridique ....................................... 86
B) La partie civile : positions divergentes ............................................................................................. 90
§2. La présence de la partie civile : les doutes ..................................................................................... 93
A) Des réformes manquées ....................................................................................................................... 94
B) Des réformes avortées .......................................................................................................................... 97
TITRE DEUXIEME. Victime et réparation ..................................................................................... 102
CHAPITRE PREMIER. La réparation partielle ............................................................................ 104
Section 1. Une réparation hypothétique ............................................................................................. 107
§1. Le contrôle judiciaire ....................................................................................................................... 109
A) Le principe d’indemnisation devant le juge d’instruction ....................................................... 110
B) Les conséquences de l’indemnisation devant le juge d’instruction ........................................ 115
§2. L’information judiciaire .................................................................................................................. 121
A) La place idéale de la victime ............................................................................................................ 122
B) La place relative de la victime ......................................................................................................... 126
Section 2. Une réparation effective ...................................................................................................... 130
§1. L’audience pénale ............................................................................................................................. 131
A) La théorie du procès pénal............................................................................................................... 132
B) La pratique du procès pénal ............................................................................................................ 137
§2. La solidarité nationale ..................................................................................................................... 142
A) La CIVI ................................................................................................................................................ 143
413
B) Le SARVI ............................................................................................................................................. 150
CHAPITRE DEUXIEME. La réparation étendue .......................................................................... 154
SECTION 1. La réparation et la peine ............................................................................................... 156
§1. La peine ............................................................................................................................................... 157
A) La fonction de la peine ...................................................................................................................... 159
B) La juste place de la victime .............................................................................................................. 163
§2. L’application des peines .................................................................................................................. 168
A) L’exécution des sentences pénales : la participation passive de la victime .......................... 169
B) L’exécution des sentences pénales : la participation active de la victime ............................. 174
SECTION 2. La réparation et l’accompagnement psychologique et social............................... 178
§1. Le droit à l’acccompagnement psychologique ........................................................................... 179
A) La reconnaissance du statut de victime d’infraction pénale.................................................... 180
B) La représentation de la souffrance en dehors de la scène pénale ........................................... 184
§2. Le droit à l’accompagnement social ............................................................................................. 189
A) L’intervenant social : un point de rencontre entre l’auteur et la victime ............................ 190
B) Le travail de l’intervenant social : une contribution à la réparation de la victime ............ 194
CONCLUSION PREMIERE PARTIE………………………………………………………199
DEUXIEME PARTIE. Une nouvelle appréhension de la victime d’infraction pénale……202
TITRE PREMIER. La mise en place d’instruments de la restauration .................................... 206
CHAPITRE PREMIER. Les moyens d’action en amont de l’audience pénale ........................ 208
SECTION 1. L’aide juridique comme préalable à toute procédure ........................................... 209
§1. Une restauration possible par l’accès à la justice et l’accès au droit .................................... 210
A) L’accès à la justice ............................................................................................................................. 212
B) L’accès au droit .................................................................................................................................. 224
§2. La sous-estimation de l’importance de l’accès au droit ........................................................... 230
A) Les acteurs de l’accès au droit ........................................................................................................ 231
B) Un manque de clarté.......................................................................................................................... 235
SECTION 2. L’aide aux victimes comme complément de l’aide juridique ............................... 240
§1. D’une politique pénale à une politique publique d’aide aux victimes .................................. 241
A) Le cadre général de l’aide aux victimes ........................................................................................ 241
B) Le canevas de la politique publique d’aide aux victimes .......................................................... 254
§2. L’aide aux victimes d’infractions pénales limitée ..................................................................... 260
A) Une cohérence théorique de l’aide aux victimes ......................................................................... 261
B) Réalité de terrain, un constat alarmant ........................................................................................ 263
CHAPITRE DEUXIEME. Les moyens d’action en aval de la procédure pénale .................... 270
Section 1. Le contournement de l’audience pénale.......................................................................... 271
§1. La dépénalisation au profit du juge civil : la loi du 9 juillet 2010 ......................................... 272
A) Le cadre juridique de la loi du 9 juillet 2010 ............................................................................... 273
B) La portée de la loi sur la restauration de la victime .................................................................. 275
§2. Le droit de poursuite du procureur de la République : la composition pénale ................. 277
A) Le cadre juridique de la composition pénale............................................................................... 278
B) L’impact de la composition pénale sur la restauration de la victime .................................... 282
SECTION 2. La sauvegarde des intérêts de la victime dans la fixation et les modalités de la
détention..................................................................................................................................................... 286
§1. La prise en compte de la victime dans la fixation de la sanction pénale .............................. 287
A) Les modalités de fixation de la peine ............................................................................................. 287
B) Le Sursis Avec Mise à l’Epreuve .................................................................................................... 291
§2. La prise en compte de la victime lors de la détention ............................................................... 294
A) La situation de la victime lors de la détention............................................................................. 294
B) L’accès au juge lors de la détention ............................................................................................... 297
TITRE DEUXIEME. Vers une restauration effective de la victime ........................................... 299
CHAPITRE PREMIER. Justice restaurative et politique pénale ............................................... 301
SECTION 1. La justice restaurative, système de justice autonome ............................................ 301
414
§1. Les fondements de la justice restaurative ................................................................................... 301
A) Le cadre conceptuel de la justice restaurative ............................................................................ 302
B) L’histoire de la justice restaurative ............................................................................................... 307
§2. Les modes d’application de la justice restaurative ................................................................... 309
A) Les modalités traditionnelles ........................................................................................................... 309
B) La justice restaurative en droit comparé...................................................................................... 314
SECTION 2. La justice restaurative, système de justice homogène............................................ 319
§1. Une justice restaurative justifiée par une crise du droit pénal classique ............................ 320
A) Un droit pénal en souffrance ........................................................................................................... 320
B) La nécessaire évolution du droit pénal classique ........................................................................ 324
§2. Justice restaurative et justice pénale, des finalités identiques ................................................ 327
A) Une justice homogène........................................................................................................................ 328
B) Une évaluation empirique ................................................................................................................ 331
CHAPITRE DEUXIEME. Justice restaurative et droit pénal ..................................................... 336
Section 1. Des mesures restauratives existantes ............................................................................... 337
§1. La médiation pénale ......................................................................................................................... 338
A) La médiation pénale comme mesure alternative aux poursuites............................................ 338
B) Une nouvelle configuration de la médiation pénale ................................................................... 342
§2. Le prolongement de la médiation pénale..................................................................................... 346
A) L'expérience post-sententielle ......................................................................................................... 346
B) La justice participative ..................................................................................................................... 349
SECTION 2. Des mesures restauratives en devenir ........................................................................ 354
§1. Une justice restaurative insufflée par le parquet ...................................................................... 354
A) Le domaine du plaider coupable .................................................................................................... 355
B) La projection de la CRPC en un modèle de justice restaurative ............................................ 358
§2. Une justice restaurative insufflée par la conscience citoyenne............................................... 361
A) La sensibilisation du politique ........................................................................................................ 361
B) La sensibilisation du citoyen ............................................................................................................ 363
CONCLUSION DEUXIEME PARTIE…………...……………………………………………366
CONCLUSION GENERALE……………..……………………………………………………368
INDEX ALPHABETIQUE DES MATIERES………………..……………………………….371
BIBLIOGRAPHIE GENERALE………………..……………………………………………..380
415
l’opportunité de s’interroger sur l’avenir du système pénal français et sur la valeur de la
sanction pénale. Avec une sur-pénalisation des conflits intersubjectifs les personnes
oscillent entre victime réelle, victime instrumentalisée et victime pathologique.
Dans ce contexte, une nouvelle approche du droit pénal où tous les acteurs de l’infraction
seraient restaurés, où les valeurs essentielles du droit pénal seraient préservées est-elle
possible ? L’enjeu se résume alors à appréhender différemment la victime d’infraction
pénale et l’inscrire dans un nouveau paradigme où l’indemnisation ne représenterait pas
toute sa restauration.
The term « victim » throws back to a state of weakness after a felony. It has taken over the
criminal, political, social realm and standardized the commencement of the prosecution to
a point where it has lost its very nature.
Day after day society turns more legalistic and pressing charges against someone has
become a natural reflex. The part assigned to the victim on the crime scene by the on-going
reforms is the opportunity to reflect on the future of the French criminal system and the
value of its criminal penalty. With this over criminalization of subjective conflicts
individuals balance between real victim, exploited victim and pathological victim.
In this context, is a new approach of the criminal law where all the actors will be restored
and its core values preserved still possible ? The stakes boil down to apprehend the victim
differently and put it into a brand new paradigm where compensation would not be the sole
remedy.
416