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Témoin Zohra DRIF

"J'ai posé des bombes dans les cafés pieds-noirs"

" Jeune fille, j'étais solitaire, d'une timidité maladive. J’étais surtout nourrie de littérature,
d’histoire. J'avais dévoré « la condition humaine » de Malraux. Par le cinéma, la résistance
française a été pour moi un exemple. Mon père était cadi*, descendant d'une grande famille. Il
possédait au sens plein la double culture, arabe et française. Ma mère était fille d'une "grande
tente" des hauts plateaux. J'étais petite, blonde, j'avais mené jusqu'alors la vie d'une
Européenne. Interne dés l'âge de 10 ans au lycée Fromentin, le lycée de la bonne société
européenne, c'est dire. Le 1er novembre 1954, j'étais en vacances à Tiaret, ma ville natale,
après une année de droit, chose exceptionnelle pour une Algérienne. Le moment le plus
important de la journée, c'était l'arrivée du car de Blida qui amenait les journaux. Ce jours là
mon frère a presque défoncé la porte en hurlant : "ça y est, ça explose." J'ai tout de suite
compris que c'était le départ de ce que nous attendions : la lutte contre l'occupation française.
A partir de ce moment, je n'ai plus souhaité qu'une chose : devenir le Tchen* de
Malraux. Je cherchais un contact, je voulais être intégrée dans les groupes armés en ville
parce que j'avais le type européen. Je connaissais les Français, je fonctionnais comme eux, et
je pouvais être plus efficace au maquis ou j'aurais été une infirmière. C'est Boualem Ossedik ,
frère d'une amie, qui m'a mise en contact avec " l'organisation" en 1955 .
En 1956 je rejoins le groupe de la Casbah qui répand la terreur dans la ville européenne.
La première fois que j'ai pénétré dans la Casbah , guidée par Djamila Bouhired , j'étais malade
à l'idée que ma mère apprenne que j'étais dans cet endroit qui , pour elle , était synonyme de
débauche. Moi-même, je ne savais pas que des familles y vivaient.
Un jour, nous avons lu qu'il y avait un film sur la résistance française, alors nous
avons été dans un cinéma du centre. Quelle imprudence ! Au retour, nous avons descendu la
rue d'Isly. On n'imaginait pas combien Alger était gaie à l'époque. C'était l'été, les filles
étaient bronzées, les terrasses des cafés bondées, il y avait des bals partout. Mais quand nous
sommes arrivées à l'entrée de la casbah, c'était un silence de deuil. Peu de temps avant, une
bombe européenne avait sauté en pleine nuit rue Thèbes .Un carnage .Quand nous sommes
arrivées dans notre planque, Djamila s'est mise à pleurer de rage en disant :
" Les S………., les pourris, même si c'est la guerre, ils vivent "
C'est sans doute à cause de cette rage, de l'audace de la jeunesse, de ma conviction
absolue qu'il fallait le faire que j'ai posé les premières bombes dans les cafés chics de la
jeunesse pieds-noirs. Nous n'avions pas le choix. Pour nous les véritables adversaires,
c'étaient les pieds-noires pour lesquels on nous bombardait, on nous tuait, on nous
torturait .Au moment de l'action la seule chose à laquelle tu penses, c'est que tu dois réussir et
ne pas te faire arrêter parce que tu sais ce qui t'attend. Si nous nous étions posé des questions
morales, nous n'aurions pas fait la guerre. Nos moyens étaient dérisoires, les bombes étaient
énormes comme les pièces d'un réveil géant, elles étaient dans des boites en bois comme des
plumiers, et il fallait les faire sortir de la casbah. Nous toutes, les Djamila Bouhired , Hassiba
Ben Bouali , Samia Lakhdari , nous étions des filles ,on a joué là -dessus, on les mettait dans
des sacs de plage, on était jeunes, minces, habillées au goût du jour. Nous avons passé comme
ça les barrages qui bouclaient la ville arabe."

Propos recueillis par Ghania


moufok ,
journaliste à Alger

Cadi : magistrat musulman qui remplit des fonctions civiles, Judiciaires et religieuses
Tchen: le héros révolutionnaire et fanatique dans la condition Humaine (un roman d'André
Malraux)

Questions
1- compréhension : (13pts)

1-Quelle est la nature de ce document ?


(1pt)
2- Relevez du texte deux expressions qui renvoient à la situation sociale de la narratrice.
(2pts)
3- Complétez le tableau suivant :
(1,5pt)

Dates Evènements vécus par le narrateur


…………………….. La lutte contre l'occupation française
1955 ……………………………….
1956 …………………………….

4-" J'ai posé des bombes dans les cafés pieds- noirs", relevez du texte trois raisons de cet
acte. (1,5pt)
5- Dés le début de la guerre, la narratrice voulait devenir révolutionnaire, relevez du texte
deux expressions qui le montrent.
(2pts)
6- « Nous n'avions pas le choix »: dans cette expression la narratrice exprime:
(1pt)
Une nécessité – un regret – un refus.
Choisissez la bonne réponse.
7- « Nos moyens étaient dérisoires » Le mot souligné Veut dire : -raisonnables
(1pt)
-insuffisants
-importants
-Recopiez la bonne réponse.
8- « A l’entrée de la casbah, c’était un silence de deuil » Relevez du texte une expression qui
donne l’idée contraire.
(1pt)
9-« On les mettait dans les sacs de plage » que désigne le pronom souligné.
(1pt)
10- Quelle est la visée communicative de l’auteur ?
(1pt)

II-Production écrite : (7pts) Traitez un seul sujet au choix


1- Faites le compte rendu objectif du texte.
2- Renseignez –vous auprès d’une personne qui a vécu l’époque coloniale pour rédiger
un texte sur le rôle de la femme algérienne pendant la guerre de libération algérienne.

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