"Dans cet article, les auteurs tentent de démontrer que La déclaration des droits sociaux (1944), à travers laquelle Georges Gurvitch chercha à inspirer la constitution de la IVème république française, peut être comprise comme une forme... more
"Dans cet article, les auteurs tentent de démontrer que La déclaration des droits sociaux (1944), à travers laquelle Georges Gurvitch chercha à inspirer la constitution de la IVème république française, peut être comprise comme une forme d’intervention intellectuelle qui vise à instituer ce que Gurvitch appelle les « droits sociaux ». A travers cette intervention, Gurvitch adopte une méthode « idéale-réaliste » qui présente l’intérêt de dépasser l’aporie d’une approche purement idéaliste reposant sur l’illusion de la toute puissance des idées, tout en ne sacrifiant pas à la volonté de renforcer « l’emprise de l’idéal sur le réel ». Si Gurvitch, à travers sa déclaration, cherche à remettre effectivement les acteurs en lien avec la vie spontanée du droit, les auteurs montrent que cette intervention intellectuelle n’est pas sans présupposés et qu’elle laisse entière la question de la participation des acteurs à la production des « faits normatifs » sur lesquels repose le droit social.
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Le thème du pardon revêt une importance capitale dans l’œuvre de Ricœur. Notre thèse est que, pour Ricœur, le pardon a le pouvoir de transformer notre histoire commune en « tradition vivante ». Il nous libère du poids insurmontable de la... more
Le thème du pardon revêt une importance capitale dans l’œuvre de Ricœur. Notre thèse est que, pour Ricœur, le pardon a le pouvoir de transformer notre histoire commune en « tradition vivante ». Il nous libère du poids insurmontable de la faute passée ; « délivrée du poids de la dette, la mémoire est libérée pour de grands projets ». Pour autant, il ne se confond pas avec l’amnistie qui vise la réconciliation à travers l’oubli des injustices passées. Il ouvre un « horizon d’attente », tout en préservant le lien avec notre « espace d’expérience ». Il nous rend à nouveau capables de nous engager dans une action « avec et pour autrui dans des institutions justes ». L’objet de cet article est d’interroger l’étendue du pouvoir du pardon. Se limite-t-il à transformer quelques individus ou peut-il régénérer un « pouvoir-en-commun » ? Le pardon peut-il être collectif ? A suivre Ricœur, de prime abord, il semble que la réponse soit négative. Le pardon, tout d’abord, ne se décrète pas. Il ne peut être que donné par les victimes. Néanmoins, écrit Ricoeur, « demander pardon reste une option ouverte ». Il reste que pour Ricoeur l’acte de demander pardon ne peut faire institution. Il est un geste excessif et exceptionnel qui ne peut être posé que par des individus singuliers. Nous tentons de montrer que, malgré qu’il affirme qu’il « n’y a pas de politique du pardon », Ricœur croit qu’il est possible de donner une portée collective au pouvoir transformant du pardon. Pour lui, certains gestes publics de demande de pardon d’hommes d’Etat peuvent inscrire la demande de pardon dans la sphère politique. La référence à de tels gestes reste pour nous problématique. Comment de tels gestes individuels induisent-ils la transformation des institutions ? Sur cette question, Ricœur s’est limité à affirmer que c’est « à la faveur d’une alchimie secrète que ces gestes peuvent agir sur les institutions ».
"Pour de nombreux auteurs, les transformations du capitalisme ont eu pour effet de provoquer de nombreuses souffrances (stress, stigmatisation, désaffiliation, etc.) qui ne sont pas reconnues dans leur dimension sociale. Pour Emmanuel... more
"Pour de nombreux auteurs, les transformations du capitalisme ont eu pour effet de provoquer de nombreuses souffrances (stress, stigmatisation, désaffiliation, etc.) qui ne sont pas reconnues dans leur dimension sociale. Pour Emmanuel Renault, dans un tel contexte, le critique théorique en analysant ces nouvelles souffrances peut s’en faire le « porte-parole » et redonner une voix aux êtres souffrants. Dans cet article, l’auteur se propose de problématiser cette forme d’intervention critique en prenant appui sur les réflexions de Paul Ricoeur sur la question de la dépossession des acteurs de leur pouvoir de se raconter. Si une intervention comme celle de Renault prend tout son sens par rapport aux phénomènes d’idéologisation de l’identité narrative, elle reste insatisfaisante face aux résistances « internes » à la mise en intrigue de soi. Les analyses de Ricoeur sur l’expérience analytique nous apprennent que ces résistances ne peuvent être levées par leur seule compréhension intellectuelle et que la restructuration narrative de la personnalité doit parfois prendre la forme d’un véritable travail.
Cet article examine deux projets critiques : celui de la sociologie de « la critique » de Boltanski et Chiapello et celui de la sociologie des réseaux de Callon, Lascoumes et Barthe. Notre propos est de montrer comment ces sociologues... more
Cet article examine deux projets critiques : celui de la sociologie de « la critique » de Boltanski et Chiapello et celui de la sociologie des réseaux de Callon, Lascoumes et Barthe. Notre propos est de montrer comment ces sociologues tentent de constituer une forme de vigilance collective. Pour les premiers, la critique est en continuel retard face à un monde qui change. Ils proposent d’organiser la vigilance de la critique en agissant sur son déphasage. L’article conclut à l’incomplétude de la proposition. Rien ne dit que les acteurs s’y impliqueront. De plus, il n’est pas garanti que le pouvoir de vigilance informe vraiment la critique et ne soit pas instrumentalisé. Callon, Lascoumes et Barthe, quant à eux, misent sur l’émergence de « forums hybrides ». Ces forums sont des réseaux où une pluralité d’acteurs explorent des états possibles du monde à l’occasion d’une controverse. Les trois sociologues tentent de renforcer ce pouvoir de vigilance en s’impliquant dans ces forums et en proposant une forme d’organisation des réseaux reposant notamment sur une intervention de l’État. L’article montre comment l’appel à une forme d’intervention publique est une impasse, dans la mesure où il présuppose une transformation du rôle de l’État qui ne pourrait elle-même résulter que du renforcement des expériences émergentes.
Dans cette analyse, nous allons passer en revue différents pièges que recouvre ce mot d’autonomie. L’objectif ne sera pas de proposer une définition toute faite de l’autonomie, mais plutôt de se donner des repères qui nous permettent de... more
Dans cette analyse, nous allons passer en revue différents pièges que recouvre ce mot d’autonomie. L’objectif ne sera pas de proposer une définition toute faite de l’autonomie, mais plutôt de se donner des repères qui nous permettent de construire une définition de l’autonomie qui serait propre à nos mouvements. Loin d’épuiser cette problématique, nous nous limiterons principalement à examiner deux pièges. Le premier est d’identifier l’autonomie à la conception libérale de l’autonomie. Le second est de définir les conditions de l’autonomie comme quelque chose de figé.
A quelles conditions construire une critique sociale en prise avec de nouvelles vulnérabilités et micro-fractures sociales ? A partir des travaux d’Emmanuel Renault, de John Dewey et de Michel Callon, cet article vise à cerner des... more
A quelles conditions construire une critique sociale en prise avec de nouvelles vulnérabilités et micro-fractures sociales ? A partir des travaux d’Emmanuel Renault, de John Dewey et de Michel Callon, cet article vise à cerner des conditions cognitives et normatives inhérentes à une telle critique en ce que celle-ci a à s’articuler à une déstabilisation des cadres normatifs institués, mais aussi des conditions pragmatiques qui visent à mobiliser la critique depuis les paroles et pratiques des acteurs de première ligne en cherchant à mieux cerner leurs capacités.
Dans cet article, nous voudrions faire retour sur le débat qui a eu lieu entre Paul Ricoeur et Enrique Dussel à l'occasion d'un séminaire à Naples en 1991. Ce débat peut être qualifié, comme le fait Sébastien Purcell dans des articles... more
Dans cet article, nous voudrions faire retour sur le débat qui a eu lieu entre Paul Ricoeur et Enrique Dussel à l'occasion d'un séminaire à Naples en 1991. Ce débat peut être qualifié, comme le fait Sébastien Purcell dans des articles récents , de « rencontre manquée ». Dussel et Ricoeur posent une distinction similaire entre éthique et morale. Notre thèse est que la proximité entre ces auteurs ne se limite pas au fait de poser une même distinction entre l'ordre absolu et excessif de l'éthique et l'ordre relatif et limité de la morale. Nous pensons qu'ils cherchent tous deux à penser la créativité normative. Pour Dussel, la « praxis de libération (comme acte humain et comme catégorie) indique le moment complexe par lequel un peuple ébranle un système en vigueur, s'ouvre un chemin sur l'ancienne institutionnalité, transpose des phases intermédiaires et transitoires jusqu'à l'instauration d'un nouvel ordre pratique » (Dussel 1989:151). Quant à lui, Ricoeur a évoqué dans de nombreux textes la figure d'actes moraux « excessifs ». De tels gestes nous donneraient à penser la totalité que vise l'éthique et nous motiveraient à re-créer les normes du bien vivre-ensemble. Il a, tout comme Dussel, cherché à penser la création normative. La question de la créativité normative consiste donc un point de rencontre entre leurs philosophies qui devrait rendre possible un véritable apprentissage mutuel.