Membre de l'équipe FabLitt (EA 7322), membre associé du CEMTI (EA 3388). Docteure en littérature et langue françaises, spécialité sémiotique, et agrégée de Lettres modernes, je travaille à l'intersection entre littérature, esthétique et société sur la question de l'expérience sensible et la façon dont elle module notre lien à notre environnement.
« Je crois que les plus grandes oeuvres sont opaques et ajoutent à l'opacité du monde. » (Pierre ... more « Je crois que les plus grandes oeuvres sont opaques et ajoutent à l'opacité du monde. » (Pierre Michon, Le Roi vient comme il veut) Dans un univers d'invitations à se raconter et à se montrer sans cesse et dans une société en attente de clarifications, à quoi sert de mettre en scène l'incommunication, le non savoir, le dysfonctionnement des récits, les points de vue obliques, les contradictoires insolubles, les malentendus ? À quoi sert de produire des récits complexes, des narrateurs non fiables dans des sociétés accélérées et pragmatiques ? Doit-on attendre de la littérature qu'elle ôte de l'évidence au monde et rende à la compréhension son temps lent pour mieux dire les mille intrications dont est tissé le vivant ? Peut-on apprendre avec elle à être moins lisible quand le politique se fait plus simplificateur ? Les mercredis de 18h00 à 20h00, Sorbonne, salle THALIM F007, escalier C, deuxième étage, entrée par le 17 rue de le Sorbonne. Accès libre dans la limite des places disponibles.
Comment inventer un véritable art de vivre avec les nouvelles technologies ? C’est la question qu... more Comment inventer un véritable art de vivre avec les nouvelles technologies ? C’est la question qui guide Alain Damasio dans son exploration de la Silicon Valley en avril 2022. Résident de la villa Albertine à San Francisco, l’auteur de science-fiction voyage au cœur de la matrice, là où s’écrit une grande partie de nos existences actuelles et de nos futurs. Dans Vallée du silicium, il confronte la fine pointe de la Tech à son imaginaire technocritique et esquisse des voies pour penser la réappropriation des algorithmes et des IA qui semblent avoir pris les commandes d’une bonne part de nos vies. Un bel exercice de clarification des enjeux sociotechniques de nos existences, une voie et une tâche complexe au-devant de nous.
Au cœur de la Camargue, et dans une écriture d’une grande justesse sensible, Céline Curiol explor... more Au cœur de la Camargue, et dans une écriture d’une grande justesse sensible, Céline Curiol explore un lieu, mais aussi une idée de la nature et la place qu’on se fait dans un lieu naturel, où l’on risque toujours d’être aussi invasif que la Jussie des marais. Elle n’en oublie pas néanmoins les rencontres qui, malgré tout ce qui pourrait les empêcher, se tissent au sein de cette expérience.
Contre la poésie, la poésie. Du dissensus en poésie contemporaine, 2024
Écrire « contre » chez Michaux c’est se situer en guerre contre les achèvements et les fixités qu... more Écrire « contre » chez Michaux c’est se situer en guerre contre les achèvements et les fixités qui organisent une certaine institution de l’écriture, depuis les genres et leurs codes jusqu’à la place de l’auteur, en luttant tout du long contre la menace des glues diverses de la langue. Bien en-deçà d’un thème, les animaux sont des soutiens puissants dans ce combat, pour leur capacité à réensauvager l’écriture par des fourmillements de formes-signes, mais aussi par le décentrement et le questionnement de « l’hommisme » auxquels ils invitent.
Comment l’écriture littéraire permet-elle de saisir ce que le marché du travail a galvaudé et tra... more Comment l’écriture littéraire permet-elle de saisir ce que le marché du travail a galvaudé et transformé en simple capital accumulable sous le terme d’« expérience professionnelle » ? Preuve que la force de travail est supposée fournir d’elle-même, objet de transaction formulée dans un langage quantitatif (objectifs atteints, compétences acquises), « l’expérience professionnelle » se coule dans des logiques et des cadres qui la standardisent. Développer une véritable écriture du travail prend le contre-pied de cet évidement pour redonner au faire son statut d’expérience et y retrouver un sentiment de soi dans la confrontation à la matérialité du monde. Depuis les années 80 de très nombreux textes (romans, récits, poèmes) ont pris pour objets le travail à l’usine, sur les chantiers ou dans l’entreprise. C’est en prenant pour fond ce cadre de réflexion que nous interrogeons la façon dont Joseph Ponthus dans À la ligne : feuillets d’usine (2019), déplie une écriture qui s’efforce d’échapper à la chaîne industrielle menaçant sans cesse d’engloutir tant le faire que la parole.
Petroleum de Bessora (2004) repose en apparence sur une intrigue policière dont l’objectif est de... more Petroleum de Bessora (2004) repose en apparence sur une intrigue policière dont l’objectif est de découvrir l’auteur de l’explosion qui s’est produite sur l’Ocean Liberator, un navire de prospection pétrolière explorant les fonds marins au large de l’île Mandji (Gabon). Bien vite cependant, il apparaît que cet « ultra-deep » qui aimante les convoitises humaines est le véritable épicentre du roman. Foyer de la géographie fossile néocoloniale que son exploitation sécrète en surface, il est aussi le lieu où logent des divinités sous-marines, elles-mêmes reliées aux esprits des forêts. La dynamique verticale qui s’instaure dans le roman, en nous conduisant à faire l’expérience sensible de profonds animés d’énergies aussi matérielles que spirituelles, modifie nos perceptions et nos affects de lecteurs. L’élucidation de l’énigme se double par là d’une herméneutique du territoire déployant les strates et les conflits d’interprétation qui se logent dans les imaginaires de ses habitants.
Dans cette sorte de manifeste poétique d’après-guerre que constituent les Entretiens avec le Prof... more Dans cette sorte de manifeste poétique d’après-guerre que constituent les Entretiens avec le Professeur Y, Céline oppose à plusieurs reprises le « rendu émotif », que son style cherche à transcrire, au « chromo » et à ses diverses déclinaisons : les romans sentimentaux des Delly en constituent un parangon littéraire, mais nombre d’auteurs les rejoignent et la condamnation s’étend bien au-delà des frontières littéraires, notamment jusqu’au cinéma, cet art de la surface sans transfiguration, avec ses « émotions en toc ». Si le terme apparait dans les romans précédemment cités pour désigner des peintures dont la qualité n’est pas obligatoirement en cause, il devient dans les Entretiens avec le professeur Y une catégorie esthétique essentiellement négative. Synonyme d’effets faciles, le chromo est ainsi érigé en repoussoir de ce que devrait viser une écriture, de ce que devrait être un « style ». Il désigne, sous quelque forme artistique que ce soit, une tendance aux représentations et aux formes convenues. Mais il est aussi le nom de ce qui se prête à la reproduction en série et, suivant la logique du désir mimétique, ce qui semble plaire à mesure de sa répétition, à mesure de ce que cela plait aux autres.
Les sociétés animales ont toujours fasciné. À la curiosité naturaliste pour ces fonctionnements a... more Les sociétés animales ont toujours fasciné. À la curiosité naturaliste pour ces fonctionnements autres, mais comparables, s’adjoignent des intentions variées se rapportant à nos propres sociétés humaines, aussi bien pour puiser dans leur organisation la légitimité naturelle d’un modèle économique, politique ou social à défendre, que pour chercher en elles l’inspiration pour inventer de nouvelles manières de faire ensemble, entre humains, mais aussi, de plus en plus, avec les autres vivants. 2Qu’elles nourrissent notre représentation du travail ou du pouvoir, qu’elles nous donnent des leçons de morale et d’éthique, ou que l’on interroge les formes d’intelligence par lesquelles elles agissent dans leur environnement et construisent leurs relations, les organisations collectives animales sont donc au cœur de constructions de sens cruciales, sur lesquelles différentes disciplines se penchent. La sémiotique, en tant que théorie des processus par lesquels nous sécrétons du sens, permet de mettre ces constructions signifiantes au cœur de notre étude et de faire dialoguer différentes disciplines qui la prennent en charge.
Sur fond du délabrement qui menace le vivant, la frontière entre animaux humains et non humains e... more Sur fond du délabrement qui menace le vivant, la frontière entre animaux humains et non humains est aujourd’hui un motif renouvelé de questionnement. L’organisation sociale que nous avons en partage avec nombre d’autres espèces animales, eusociales (fourmis, abeilles, termites...) et sociales (chimpanzés, éléphants, cachalots, loups...) constitue, indépendamment des usines à métaphores que forgent nos langues pour se représenter l’altérité, un langage autonome, transformant les aléas du collectif en institution réglée, dont les dispositifs interspécifiques sont à confronter. Les actes de ce colloque, coordonnés par Denis Bertrand, Pauline Hachette et Everardo Reyes, interrogent les communautés de formes, de pratiques, voire de destins, qui transcendent les variations et permettent de penser de nouveaux embranchements. Les relations signifiantes entre existences collectives humaines et non-humaines sont envisagées dans une perspective sémiotique où se croisent sciences humaines et sociales, sciences de la nature, littérature, esthétique et informatique.
Itinéraires, Les émotions littéraires à l’œuvre : lieux, formes et expériences partagées d’aujourd’hui, 2022
La circulation d’une citation littéraire interroge à plusieurs titres : quelles caractéristiques ... more La circulation d’une citation littéraire interroge à plusieurs titres : quelles caractéristiques intrinsèques de ce segment expliquent son découpage sur le texte initial ? Quels sont les différents vecteurs de sa diffusion ? Mais aussi, en quoi consiste ce devenir-formule au gré de différentes reprises publiques, notamment politiques et marchandes ? Nous explorons ces questions à partir des errances d’une citation de René Char dans l’espace public afin d’expliquer les mécanismes affectifs à l’œuvre dans cet engouement mais aussi les effets émotionnels de la réception itérative et palimpseste qui en résultent. La logique du vague et la notion de nexus nous aident dans cette enquête à éclairer la puissance affective attachée à la part d’indétermination de cette citation. Mais il en ressort également l’importance que prend la précision des contours dessinés par cette forme de mots. Cette combinaison de facteurs apparaît jouer un rôle essentiel dans nos attachements à certains énoncés.
Plusieurs lieux destinés à faire des expériences affectives spécifiques ont fait leur apparition depuis une grande décennie. Ces hétérotopies, présentées comme des lieux de libération émotionnelle, se veulent également des exutoires au stress, notamment professionnel. Ils développent une conception de la vie affective centrée sur ses composantes sensori-motrices, plutôt que sur la verbalisation ou la représentation, et promeuvent, en intensifiant les émotions, une catharsis envisagée comme pure décharge. Ce faisant, ils laissent entrevoir une certaine conception moderne de nos vies affectives et subjectives dont on peut interroger les soubassements et l'exploitation par le capitalisme tardif. Places conceived for specific emotional experiences have appeared in the last decade. These heterotopias, presented as sites of emotional liberation, are also intended as outlets for stress, particularly at work. They develop a conception of affective life centred on its sensory-motor components, rather than on verbalisation or representation, and they encourage, by intensifying the emotions, a catharsis envisaged as a pure discharge. In so doing, they betray a certain modern conception of our affective and subjective lives, whose foundations and exploitation by late capitalism need to be questioned.
Les fury-rooms offrent au client un lieu pour détruire divers objets afin d'évacuer ses frustrati... more Les fury-rooms offrent au client un lieu pour détruire divers objets afin d'évacuer ses frustrations ou son stress. Notre étude analyse ce dispositif et le discours qui l'accompagne pour interroger, dans un contexte de marchandisation des affects, la spécificité de cet îlot d'expérience et des affects négatifs ici captés. Il s'agit à partir de là d'interroger, dans les termes de la sémiotique des pratiques, la dialectique entre programmation et ajustement potentiellement à l'oeuvre dans ce dispositif, afin de comprendre comment l'expérience mise en avant dans ce cadre peut tendre vers diverses formes d'aliénation. Tant la scénarisation émotionnelle que le dispositif de traitement ex-situ d'affects perturbateurs et la modélisation du rapport à l'environnement qui s'y acte semblent en effet contredire l'expérience promue, amenant à redéfinir les promesses de subjectivisation liées à celle-ci et à interroger la normalisation émotionnelle et comportementale du geste de destruction.
Les mises en scène de ratés mais aussi le jeu avec des dispositifs propres à surprendre abondent ... more Les mises en scène de ratés mais aussi le jeu avec des dispositifs propres à surprendre abondent dans les spectacles de la compagnie La Belle Meunière. Quelques-uns font d’une certaine forme de « manqué » leur dynamique en s’érigeant sur des ambitions a priori vouées à l’échec ou en renversant les images de réussite attendue. Plusieurs reposent sur une démarche d’expérimentation qui joue avec des scénographies du dérapage et du glissement, de la surprise et des possibilités d’interactions auxquels ces événements ouvrent. Ces spectacles mettent ainsi en jeu une esthétique et une éthique de l’expérience et de la relation qui gagnent à être éclairées par la pensée de John Dewey et la socio-sémiotique de l’interaction d’Éric Landowski.
Les soulèvements populaires sont de plus en plus souvent appréhendés en termes passionnels. Le co... more Les soulèvements populaires sont de plus en plus souvent appréhendés en termes passionnels. Le combat a fait place à la « grogne » inarticulée et diffuse, à la vertueuse « indignation » et plus récemment à la « colère » ou au « ressentiment ». Saisir la manifestation d’un désaccord populaire à partir de cette nébuleuse colérique lui applique une certaine grille de lecture. Dans nos sociétés « chaudes » (Lévi-Strauss) où le différentiel est moteur de changements considérés comme une valeur en soi, la vigile et bouillonnante colère devenue l’apanage de tous tend à être considérée comme un indicateur d’inégalité et tenue pour l’expression intensifiée d’un désir de justice. La représentationmédiatique du mouvement des Gilets Jaunes analysée à partir de la syntagmatique de la colère développée par Greimas et Fontanille, elle-même questionnée par différentes pensées de la colère (Sartre, Sloterdjik, Nussbaum) conduisent cependant à complexifier cette interprétation. Cette relecture interroge la dimension pratique de cet affect mais aussi la construction de son objet dans ce qui hésite entre passion d’avoir et passion d’être. Selon qu’on souligne sa dimension thymotique visant avant tout la reconnaissance ou sa quête d’une réparation, selon que l’on fait d’elle une attitude magique de soustraction au réel ou une passion d’éclat, on lira différemment un mouvement social.
Peut-on s’exiler sans y être contraint par des circonstances extérieures et comment un tel exil p... more Peut-on s’exiler sans y être contraint par des circonstances extérieures et comment un tel exil participe de la construction d’une identité par le rejet des appartenances et la recherche d’une forme nouvelle d’inscription ? La narratrice du Grand Marin de Catherine Poulain quitte Manosque pour partir pêcher sur les mers glaciales de l’Alaska. Son départ prend l’allure d’un exil par la solitude qui en découle, par le rejet des inclusions définitoires qui l’accompagnent mais aussi par la dureté du lieu d’arrivée, une nature avec laquelle la narratrice s’engage dans une épreuve de force. Le dépouillement que la narratrice choisit implique cependant d’intégrer un nouveau collectif, cet assemblage d’individus solitaires qui compose l’équipage du bateau. Le désir d’errance que semblent partager ces individus constitue-t-il une nouvelle forme d’appartenance ? Peut-il permettre de dessiner une communauté plus harmonieuse que celles rejetées par l’exilée volontaire ? Cet article envisage comment l’itinéraire de subjectivation de la narratrice et le vivre-ensemble qu’il implique repose sur le partage d’une intense nostalgie de l’ailleurs. La quête éternellement recommencée de cet objet aussi indéfini que commun fonde le passage de l’appartenance à l’inscription de soi, dans des configurations vibrantes, transitoires et fragiles.
Le Grand Paris (2017) d’Aurélien Bellanger raconte une histoire politique contemporaine associée ... more Le Grand Paris (2017) d’Aurélien Bellanger raconte une histoire politique contemporaine associée à un grand projet urbanistique qui peut sembler, d’un point de vue narratif, secondaire. Pourtant la vision du territoire qui se dessine dans le roman en constitue un intérêt majeur. Se donnant pour objet de redéfinir une capitale qui n’a plus de sens dans ses anciens murs, son narrateur urbaniste porte un regard aigu sur la vaste banlieue qui lui sert de coquille. Ce regard, largement documenté et fermement conceptualisé, oscille entre spéculations théoriques et immersion phénoménologique afin de saisir cet espace sans identité distinctive, ou plus exactement sans génie. Le Grand Paris à construire met en effet l’urbaniste au défi de donner une syntaxe à ce qui semble en être dépourvu, tout comme il exige de l’écrivain de mettre en phrase des lieux constitués de bribes isolées et sans sédimentations historiques. Au-delà des catégories esthétiques qui condamnent d’ordinaire ces lieux appréhendés comme des zones blanches et fréquemment définis par la négative, l’écriture du romancier tente ainsi de trouver le génie invisible de ces lieux. Notre article se penche sur le travail d’attention et d’accommodation visuelle par lequel le romancier fait ainsi naître une nouvelle façon de phraser ces territoires.
https://www.publifarum.farum.it/index.php/publifarum/article/view/613
ISN 1824-7482
Dans le récit... more https://www.publifarum.farum.it/index.php/publifarum/article/view/613 ISN 1824-7482 Dans le récit Les Années (2008), qu’Annie Ernaux qualifie « d’autobiographie impersonnelle », les souvenirs s’égrènent au gré d’une énonciation entremêlant mémoire individuelle et mémoire collective. Les chansons populaires y occupent une place importante, comme marqueurs de générations mais aussi marqueurs de l’époque s’imprimant à son insu sur une mémoire. Voix du collectif, elles offrent néanmoins une voie singulière pour l’individuation par le jeu des affects et de leur ancrage mémoriel. Cette dialectique se retrouve dans le lien singulier que la chanson, et notamment son inclination à l’itération, entretient avec le sentiment du temps que la narratrice cherche à restituer, celui d’une durée diffuse animée d’une tension dramatique du désir, offrant une alternative au sentiment tragique du temps photographique. L’article, prenant appui sur cette opposition entre photographie et chanson, explore les émotions mémorielles propres à ce genre musical et la façon dont elles sont restituées dans l’écriture de ce récit.
Ce dossier a pour objet différentes quêtes d'intensité qui se manifestent dans notre société. Sports à sensations fortes, recherche de renouvellement et d’intensification des expériences esthétiques ou festives, stratégies cathartiques diverses visant à purger une énergie physique ou affective conçue comme excessive ou perturbante, les comportements auxquels nous avons pensé dans ce projet manifestent un surplus d’énergie et jouent avec les limites du débordement. Apparentés à première vue aux phénomènes de dépense décrits par Bataille, ils marquent une recherche de déroutinisation traduisant le désir soutenu de susciter un état « astructurel » (Duvignaud, 1977) ou de vivre une expérience pour elle-même, c’est-à-dire pour ce qu’elle suscite comme don, voire perte de soi. Tristan Garcia (2016) a interrogé cette vie intense, issue du fantasme électrique qui trouve sa légitimité dans une recherche de puissance et une affirmation de sa présence au monde, supposée échapper au décompte. Cette forme de vie dans l’excès, particulièrement sujette aux récupérations marchandes, exprime tout aussi bien une quête quasi frénétique de réel que l’incapacité structurelle à en saisir l’épaisseur. On peut interroger sa portée critique.
« Je crois que les plus grandes oeuvres sont opaques et ajoutent à l'opacité du monde. » (Pierre ... more « Je crois que les plus grandes oeuvres sont opaques et ajoutent à l'opacité du monde. » (Pierre Michon, Le Roi vient comme il veut) Dans un univers d'invitations à se raconter et à se montrer sans cesse et dans une société en attente de clarifications, à quoi sert de mettre en scène l'incommunication, le non savoir, le dysfonctionnement des récits, les points de vue obliques, les contradictoires insolubles, les malentendus ? À quoi sert de produire des récits complexes, des narrateurs non fiables dans des sociétés accélérées et pragmatiques ? Doit-on attendre de la littérature qu'elle ôte de l'évidence au monde et rende à la compréhension son temps lent pour mieux dire les mille intrications dont est tissé le vivant ? Peut-on apprendre avec elle à être moins lisible quand le politique se fait plus simplificateur ? Les mercredis de 18h00 à 20h00, Sorbonne, salle THALIM F007, escalier C, deuxième étage, entrée par le 17 rue de le Sorbonne. Accès libre dans la limite des places disponibles.
Comment inventer un véritable art de vivre avec les nouvelles technologies ? C’est la question qu... more Comment inventer un véritable art de vivre avec les nouvelles technologies ? C’est la question qui guide Alain Damasio dans son exploration de la Silicon Valley en avril 2022. Résident de la villa Albertine à San Francisco, l’auteur de science-fiction voyage au cœur de la matrice, là où s’écrit une grande partie de nos existences actuelles et de nos futurs. Dans Vallée du silicium, il confronte la fine pointe de la Tech à son imaginaire technocritique et esquisse des voies pour penser la réappropriation des algorithmes et des IA qui semblent avoir pris les commandes d’une bonne part de nos vies. Un bel exercice de clarification des enjeux sociotechniques de nos existences, une voie et une tâche complexe au-devant de nous.
Au cœur de la Camargue, et dans une écriture d’une grande justesse sensible, Céline Curiol explor... more Au cœur de la Camargue, et dans une écriture d’une grande justesse sensible, Céline Curiol explore un lieu, mais aussi une idée de la nature et la place qu’on se fait dans un lieu naturel, où l’on risque toujours d’être aussi invasif que la Jussie des marais. Elle n’en oublie pas néanmoins les rencontres qui, malgré tout ce qui pourrait les empêcher, se tissent au sein de cette expérience.
Contre la poésie, la poésie. Du dissensus en poésie contemporaine, 2024
Écrire « contre » chez Michaux c’est se situer en guerre contre les achèvements et les fixités qu... more Écrire « contre » chez Michaux c’est se situer en guerre contre les achèvements et les fixités qui organisent une certaine institution de l’écriture, depuis les genres et leurs codes jusqu’à la place de l’auteur, en luttant tout du long contre la menace des glues diverses de la langue. Bien en-deçà d’un thème, les animaux sont des soutiens puissants dans ce combat, pour leur capacité à réensauvager l’écriture par des fourmillements de formes-signes, mais aussi par le décentrement et le questionnement de « l’hommisme » auxquels ils invitent.
Comment l’écriture littéraire permet-elle de saisir ce que le marché du travail a galvaudé et tra... more Comment l’écriture littéraire permet-elle de saisir ce que le marché du travail a galvaudé et transformé en simple capital accumulable sous le terme d’« expérience professionnelle » ? Preuve que la force de travail est supposée fournir d’elle-même, objet de transaction formulée dans un langage quantitatif (objectifs atteints, compétences acquises), « l’expérience professionnelle » se coule dans des logiques et des cadres qui la standardisent. Développer une véritable écriture du travail prend le contre-pied de cet évidement pour redonner au faire son statut d’expérience et y retrouver un sentiment de soi dans la confrontation à la matérialité du monde. Depuis les années 80 de très nombreux textes (romans, récits, poèmes) ont pris pour objets le travail à l’usine, sur les chantiers ou dans l’entreprise. C’est en prenant pour fond ce cadre de réflexion que nous interrogeons la façon dont Joseph Ponthus dans À la ligne : feuillets d’usine (2019), déplie une écriture qui s’efforce d’échapper à la chaîne industrielle menaçant sans cesse d’engloutir tant le faire que la parole.
Petroleum de Bessora (2004) repose en apparence sur une intrigue policière dont l’objectif est de... more Petroleum de Bessora (2004) repose en apparence sur une intrigue policière dont l’objectif est de découvrir l’auteur de l’explosion qui s’est produite sur l’Ocean Liberator, un navire de prospection pétrolière explorant les fonds marins au large de l’île Mandji (Gabon). Bien vite cependant, il apparaît que cet « ultra-deep » qui aimante les convoitises humaines est le véritable épicentre du roman. Foyer de la géographie fossile néocoloniale que son exploitation sécrète en surface, il est aussi le lieu où logent des divinités sous-marines, elles-mêmes reliées aux esprits des forêts. La dynamique verticale qui s’instaure dans le roman, en nous conduisant à faire l’expérience sensible de profonds animés d’énergies aussi matérielles que spirituelles, modifie nos perceptions et nos affects de lecteurs. L’élucidation de l’énigme se double par là d’une herméneutique du territoire déployant les strates et les conflits d’interprétation qui se logent dans les imaginaires de ses habitants.
Dans cette sorte de manifeste poétique d’après-guerre que constituent les Entretiens avec le Prof... more Dans cette sorte de manifeste poétique d’après-guerre que constituent les Entretiens avec le Professeur Y, Céline oppose à plusieurs reprises le « rendu émotif », que son style cherche à transcrire, au « chromo » et à ses diverses déclinaisons : les romans sentimentaux des Delly en constituent un parangon littéraire, mais nombre d’auteurs les rejoignent et la condamnation s’étend bien au-delà des frontières littéraires, notamment jusqu’au cinéma, cet art de la surface sans transfiguration, avec ses « émotions en toc ». Si le terme apparait dans les romans précédemment cités pour désigner des peintures dont la qualité n’est pas obligatoirement en cause, il devient dans les Entretiens avec le professeur Y une catégorie esthétique essentiellement négative. Synonyme d’effets faciles, le chromo est ainsi érigé en repoussoir de ce que devrait viser une écriture, de ce que devrait être un « style ». Il désigne, sous quelque forme artistique que ce soit, une tendance aux représentations et aux formes convenues. Mais il est aussi le nom de ce qui se prête à la reproduction en série et, suivant la logique du désir mimétique, ce qui semble plaire à mesure de sa répétition, à mesure de ce que cela plait aux autres.
Les sociétés animales ont toujours fasciné. À la curiosité naturaliste pour ces fonctionnements a... more Les sociétés animales ont toujours fasciné. À la curiosité naturaliste pour ces fonctionnements autres, mais comparables, s’adjoignent des intentions variées se rapportant à nos propres sociétés humaines, aussi bien pour puiser dans leur organisation la légitimité naturelle d’un modèle économique, politique ou social à défendre, que pour chercher en elles l’inspiration pour inventer de nouvelles manières de faire ensemble, entre humains, mais aussi, de plus en plus, avec les autres vivants. 2Qu’elles nourrissent notre représentation du travail ou du pouvoir, qu’elles nous donnent des leçons de morale et d’éthique, ou que l’on interroge les formes d’intelligence par lesquelles elles agissent dans leur environnement et construisent leurs relations, les organisations collectives animales sont donc au cœur de constructions de sens cruciales, sur lesquelles différentes disciplines se penchent. La sémiotique, en tant que théorie des processus par lesquels nous sécrétons du sens, permet de mettre ces constructions signifiantes au cœur de notre étude et de faire dialoguer différentes disciplines qui la prennent en charge.
Sur fond du délabrement qui menace le vivant, la frontière entre animaux humains et non humains e... more Sur fond du délabrement qui menace le vivant, la frontière entre animaux humains et non humains est aujourd’hui un motif renouvelé de questionnement. L’organisation sociale que nous avons en partage avec nombre d’autres espèces animales, eusociales (fourmis, abeilles, termites...) et sociales (chimpanzés, éléphants, cachalots, loups...) constitue, indépendamment des usines à métaphores que forgent nos langues pour se représenter l’altérité, un langage autonome, transformant les aléas du collectif en institution réglée, dont les dispositifs interspécifiques sont à confronter. Les actes de ce colloque, coordonnés par Denis Bertrand, Pauline Hachette et Everardo Reyes, interrogent les communautés de formes, de pratiques, voire de destins, qui transcendent les variations et permettent de penser de nouveaux embranchements. Les relations signifiantes entre existences collectives humaines et non-humaines sont envisagées dans une perspective sémiotique où se croisent sciences humaines et sociales, sciences de la nature, littérature, esthétique et informatique.
Itinéraires, Les émotions littéraires à l’œuvre : lieux, formes et expériences partagées d’aujourd’hui, 2022
La circulation d’une citation littéraire interroge à plusieurs titres : quelles caractéristiques ... more La circulation d’une citation littéraire interroge à plusieurs titres : quelles caractéristiques intrinsèques de ce segment expliquent son découpage sur le texte initial ? Quels sont les différents vecteurs de sa diffusion ? Mais aussi, en quoi consiste ce devenir-formule au gré de différentes reprises publiques, notamment politiques et marchandes ? Nous explorons ces questions à partir des errances d’une citation de René Char dans l’espace public afin d’expliquer les mécanismes affectifs à l’œuvre dans cet engouement mais aussi les effets émotionnels de la réception itérative et palimpseste qui en résultent. La logique du vague et la notion de nexus nous aident dans cette enquête à éclairer la puissance affective attachée à la part d’indétermination de cette citation. Mais il en ressort également l’importance que prend la précision des contours dessinés par cette forme de mots. Cette combinaison de facteurs apparaît jouer un rôle essentiel dans nos attachements à certains énoncés.
Plusieurs lieux destinés à faire des expériences affectives spécifiques ont fait leur apparition depuis une grande décennie. Ces hétérotopies, présentées comme des lieux de libération émotionnelle, se veulent également des exutoires au stress, notamment professionnel. Ils développent une conception de la vie affective centrée sur ses composantes sensori-motrices, plutôt que sur la verbalisation ou la représentation, et promeuvent, en intensifiant les émotions, une catharsis envisagée comme pure décharge. Ce faisant, ils laissent entrevoir une certaine conception moderne de nos vies affectives et subjectives dont on peut interroger les soubassements et l'exploitation par le capitalisme tardif. Places conceived for specific emotional experiences have appeared in the last decade. These heterotopias, presented as sites of emotional liberation, are also intended as outlets for stress, particularly at work. They develop a conception of affective life centred on its sensory-motor components, rather than on verbalisation or representation, and they encourage, by intensifying the emotions, a catharsis envisaged as a pure discharge. In so doing, they betray a certain modern conception of our affective and subjective lives, whose foundations and exploitation by late capitalism need to be questioned.
Les fury-rooms offrent au client un lieu pour détruire divers objets afin d'évacuer ses frustrati... more Les fury-rooms offrent au client un lieu pour détruire divers objets afin d'évacuer ses frustrations ou son stress. Notre étude analyse ce dispositif et le discours qui l'accompagne pour interroger, dans un contexte de marchandisation des affects, la spécificité de cet îlot d'expérience et des affects négatifs ici captés. Il s'agit à partir de là d'interroger, dans les termes de la sémiotique des pratiques, la dialectique entre programmation et ajustement potentiellement à l'oeuvre dans ce dispositif, afin de comprendre comment l'expérience mise en avant dans ce cadre peut tendre vers diverses formes d'aliénation. Tant la scénarisation émotionnelle que le dispositif de traitement ex-situ d'affects perturbateurs et la modélisation du rapport à l'environnement qui s'y acte semblent en effet contredire l'expérience promue, amenant à redéfinir les promesses de subjectivisation liées à celle-ci et à interroger la normalisation émotionnelle et comportementale du geste de destruction.
Les mises en scène de ratés mais aussi le jeu avec des dispositifs propres à surprendre abondent ... more Les mises en scène de ratés mais aussi le jeu avec des dispositifs propres à surprendre abondent dans les spectacles de la compagnie La Belle Meunière. Quelques-uns font d’une certaine forme de « manqué » leur dynamique en s’érigeant sur des ambitions a priori vouées à l’échec ou en renversant les images de réussite attendue. Plusieurs reposent sur une démarche d’expérimentation qui joue avec des scénographies du dérapage et du glissement, de la surprise et des possibilités d’interactions auxquels ces événements ouvrent. Ces spectacles mettent ainsi en jeu une esthétique et une éthique de l’expérience et de la relation qui gagnent à être éclairées par la pensée de John Dewey et la socio-sémiotique de l’interaction d’Éric Landowski.
Les soulèvements populaires sont de plus en plus souvent appréhendés en termes passionnels. Le co... more Les soulèvements populaires sont de plus en plus souvent appréhendés en termes passionnels. Le combat a fait place à la « grogne » inarticulée et diffuse, à la vertueuse « indignation » et plus récemment à la « colère » ou au « ressentiment ». Saisir la manifestation d’un désaccord populaire à partir de cette nébuleuse colérique lui applique une certaine grille de lecture. Dans nos sociétés « chaudes » (Lévi-Strauss) où le différentiel est moteur de changements considérés comme une valeur en soi, la vigile et bouillonnante colère devenue l’apanage de tous tend à être considérée comme un indicateur d’inégalité et tenue pour l’expression intensifiée d’un désir de justice. La représentationmédiatique du mouvement des Gilets Jaunes analysée à partir de la syntagmatique de la colère développée par Greimas et Fontanille, elle-même questionnée par différentes pensées de la colère (Sartre, Sloterdjik, Nussbaum) conduisent cependant à complexifier cette interprétation. Cette relecture interroge la dimension pratique de cet affect mais aussi la construction de son objet dans ce qui hésite entre passion d’avoir et passion d’être. Selon qu’on souligne sa dimension thymotique visant avant tout la reconnaissance ou sa quête d’une réparation, selon que l’on fait d’elle une attitude magique de soustraction au réel ou une passion d’éclat, on lira différemment un mouvement social.
Peut-on s’exiler sans y être contraint par des circonstances extérieures et comment un tel exil p... more Peut-on s’exiler sans y être contraint par des circonstances extérieures et comment un tel exil participe de la construction d’une identité par le rejet des appartenances et la recherche d’une forme nouvelle d’inscription ? La narratrice du Grand Marin de Catherine Poulain quitte Manosque pour partir pêcher sur les mers glaciales de l’Alaska. Son départ prend l’allure d’un exil par la solitude qui en découle, par le rejet des inclusions définitoires qui l’accompagnent mais aussi par la dureté du lieu d’arrivée, une nature avec laquelle la narratrice s’engage dans une épreuve de force. Le dépouillement que la narratrice choisit implique cependant d’intégrer un nouveau collectif, cet assemblage d’individus solitaires qui compose l’équipage du bateau. Le désir d’errance que semblent partager ces individus constitue-t-il une nouvelle forme d’appartenance ? Peut-il permettre de dessiner une communauté plus harmonieuse que celles rejetées par l’exilée volontaire ? Cet article envisage comment l’itinéraire de subjectivation de la narratrice et le vivre-ensemble qu’il implique repose sur le partage d’une intense nostalgie de l’ailleurs. La quête éternellement recommencée de cet objet aussi indéfini que commun fonde le passage de l’appartenance à l’inscription de soi, dans des configurations vibrantes, transitoires et fragiles.
Le Grand Paris (2017) d’Aurélien Bellanger raconte une histoire politique contemporaine associée ... more Le Grand Paris (2017) d’Aurélien Bellanger raconte une histoire politique contemporaine associée à un grand projet urbanistique qui peut sembler, d’un point de vue narratif, secondaire. Pourtant la vision du territoire qui se dessine dans le roman en constitue un intérêt majeur. Se donnant pour objet de redéfinir une capitale qui n’a plus de sens dans ses anciens murs, son narrateur urbaniste porte un regard aigu sur la vaste banlieue qui lui sert de coquille. Ce regard, largement documenté et fermement conceptualisé, oscille entre spéculations théoriques et immersion phénoménologique afin de saisir cet espace sans identité distinctive, ou plus exactement sans génie. Le Grand Paris à construire met en effet l’urbaniste au défi de donner une syntaxe à ce qui semble en être dépourvu, tout comme il exige de l’écrivain de mettre en phrase des lieux constitués de bribes isolées et sans sédimentations historiques. Au-delà des catégories esthétiques qui condamnent d’ordinaire ces lieux appréhendés comme des zones blanches et fréquemment définis par la négative, l’écriture du romancier tente ainsi de trouver le génie invisible de ces lieux. Notre article se penche sur le travail d’attention et d’accommodation visuelle par lequel le romancier fait ainsi naître une nouvelle façon de phraser ces territoires.
https://www.publifarum.farum.it/index.php/publifarum/article/view/613
ISN 1824-7482
Dans le récit... more https://www.publifarum.farum.it/index.php/publifarum/article/view/613 ISN 1824-7482 Dans le récit Les Années (2008), qu’Annie Ernaux qualifie « d’autobiographie impersonnelle », les souvenirs s’égrènent au gré d’une énonciation entremêlant mémoire individuelle et mémoire collective. Les chansons populaires y occupent une place importante, comme marqueurs de générations mais aussi marqueurs de l’époque s’imprimant à son insu sur une mémoire. Voix du collectif, elles offrent néanmoins une voie singulière pour l’individuation par le jeu des affects et de leur ancrage mémoriel. Cette dialectique se retrouve dans le lien singulier que la chanson, et notamment son inclination à l’itération, entretient avec le sentiment du temps que la narratrice cherche à restituer, celui d’une durée diffuse animée d’une tension dramatique du désir, offrant une alternative au sentiment tragique du temps photographique. L’article, prenant appui sur cette opposition entre photographie et chanson, explore les émotions mémorielles propres à ce genre musical et la façon dont elles sont restituées dans l’écriture de ce récit.
Ce dossier a pour objet différentes quêtes d'intensité qui se manifestent dans notre société. Sports à sensations fortes, recherche de renouvellement et d’intensification des expériences esthétiques ou festives, stratégies cathartiques diverses visant à purger une énergie physique ou affective conçue comme excessive ou perturbante, les comportements auxquels nous avons pensé dans ce projet manifestent un surplus d’énergie et jouent avec les limites du débordement. Apparentés à première vue aux phénomènes de dépense décrits par Bataille, ils marquent une recherche de déroutinisation traduisant le désir soutenu de susciter un état « astructurel » (Duvignaud, 1977) ou de vivre une expérience pour elle-même, c’est-à-dire pour ce qu’elle suscite comme don, voire perte de soi. Tristan Garcia (2016) a interrogé cette vie intense, issue du fantasme électrique qui trouve sa légitimité dans une recherche de puissance et une affirmation de sa présence au monde, supposée échapper au décompte. Cette forme de vie dans l’excès, particulièrement sujette aux récupérations marchandes, exprime tout aussi bien une quête quasi frénétique de réel que l’incapacité structurelle à en saisir l’épaisseur. On peut interroger sa portée critique.
L’emotion « par excellence » qu’est la colere defie particulierement sa mise en mots et souleve d... more L’emotion « par excellence » qu’est la colere defie particulierement sa mise en mots et souleve des questions pragmatiques complexes entre colere eprouvee, colere ecrite et colere lue. Afin de cerner ces specificites nous interrogeons differents modeles (rhetorique, esthetique, ethique) a partir desquels la theorie litteraire tente de saisir les emotions suscitees par la lecture, et nous exposons une methode d’analyse du texte des affects (semiotique des passions). Les apports possibles de conceptions philosophiques et psychologiques de l’emotion ne faisant pas du langage une mediation essentielle sont questionnes. Ces differentes perspectives d’analyse sont alors appliquees a une etude diachronique de la colere et des imaginaires, formes et valeurs dont nous avons herite. Les apports de cette enquete sont ressaisis a partir de modelisations de ce champ passionnel. Deux ecritures singulieres de la colere, apparemment antinomiques mais se revendiquant toutes deux ostensiblement de ce...
L’intérêt pour les émotions qui se manifeste depuis deux décennies dans le champ des sciences hum... more L’intérêt pour les émotions qui se manifeste depuis deux décennies dans le champ des sciences humaines et sociales semble pencher plus souvent vers leur naturalisation ou leur moralisation que vers une attention à leur mise en langage. Étudier des poétiques de la colère nous a conduit, à rebours de cette approche, à analyser avant tout l’édifice sémiotique permettant de construire une représentation affective et à interroger les modelages mutuels de l’affect et de son dire. Ce livre explore pour ce faire, en premier lieu, la façon dont la théorie littéraire tente de saisir, à partir de différents outils, tant les émotions de lecture que l’inscription du sensible dans les textes. Ce cadrage théorique et méthodologique nous permet d’explorer par la suite la stratification des imaginaires et des expressions de la colère marquant différentes époques, afin de mieux comprendre l’ensemble complexe de formes et de valeurs dont nous héritons et de défaire la fixité des définitions taxinomiques d’une passion dont les formes et la valeur morale sont particulièrement mobiles. Le tableau des caractéristiques sémiotiques et poétiques se dégageant de cette traversée de différents « dits » de colère dans le temps nous invite enfin à étudier dans leur singularité deux poétiques où la colère apparaît comme un « sentiment majeur », mais de manière apparemment antinomique. Se manifestant régulièrement sur un mode dénotatif et métapoétique chez Michaux, immersive et perpétuée telle une crampe passionnelle dévidant sans fin ses simulacres dans le roman Féerie pour une autre fois de Céline, cette passion obéit à des mécaniques, des formes et des énonciations très différentes chez les deux auteurs. L’opposition de ces styles permet de mettre en lumière des problématiques communes dans le rapport de l’écriture au temps et au risque de l’épuisement, dans la recherche d’une puissance motrice et figurative comme dans la place cruciale accordée au rythme du sujet de son dire. Enquêter sur la colère en mettant l’accent sur la dynamique de l’expression passionnelle conduit ainsi à questionner sous un angle nouveau la logique de cette passion hostile, de sa force poïétique jusqu’aux objets qu’elle se choisit, et les voies les plus sombres dans lesquelles elle peut s’engager.
Passion propice à la démesure et à l’éclat, nœud d’intensité volontiers opposé au logos, la colèr... more Passion propice à la démesure et à l’éclat, nœud d’intensité volontiers opposé au logos, la colère dévoile en réalité nombre de ses caractéristiques lorsqu’on veut la saisir dans la langue et l’interroger en tant que processus de signification passionnelle. Cette étude aborde la colère comme une aire passionnelle complexe, constituée de strates de discours et de représentations dont héritent écritures et lectures dans leur présent. C’est sur ce fond que nous cherchons à caractériser deux styles de colère, celui d’H. Michaux et celui de L.-F. Céline, marqués par une commune forme d’ostentation autant que par des poétiques apparemment antithétiques, complefixiant à leur tour notre appréhension de cette émotion faussement évidente.
La saudade est-elle un sentiment brésilien ? Appartient-elle en propre à ce peuple, différant ess... more La saudade est-elle un sentiment brésilien ? Appartient-elle en propre à ce peuple, différant essentiellement du blues américain ou de la nostalgie qu’éprouvaient les mercenaires suisses en écoutant le Ranz des vaches ? Le Waldeinsamkeit , ce sentiment qui étreint le promeneur solitaire dans la forêt, est-il proprement allemand puisque ce peuple seul le nomme ? En bref, nos émotions sont-elles déterminées par les cultures et les langues dans lesquelles elles sont exprimées, dépendent-elles des interactions entre les individus et des systèmes de valeurs qui régissent celles-ci ? Ce sont les premières questions que soulève une approche culturaliste des émotions, dont les implications esthétiques sont nombreuses, notamment en termes de réception.
L’approche culturaliste s’oppose en premier lieu à une approche naturaliste des émotions. Cette dernière s’attache à faire la preuve d’une universalité des émotions, ancrées dans le corps, au-delà des différences culturelles. L’Expression des émotions chez l’homme et les animaux, publié par Charles Darwin en 1872, constitue l’un des ouvrages les plus représentatifs de cette vision. Son auteur, tout en maintenant la spécificité de son apport évolutionniste, s’inscrit dans la lignée de travaux menés autour de la physiologie des émotions par les médecins et anatomistes qui l’ont précédé et établit un fond commun d’expressions telles que tout être humain les partage avec ses semblables, mais aussi en grande partie avec les animaux. Notre répertoire émotionnel est donc dans cette vision, renvoyé au biologique. Il s’est inscrit d’après Darwin dans notre patrimoine génétique au gré de la sélection naturelle, afin d’améliorer nos chances de survie en nous permettant une meilleure adaptation à notre environnement. (...)
Mouvements de protestation sociale, stades de football en liesse, concerts de rock star ou salle ... more Mouvements de protestation sociale, stades de football en liesse, concerts de rock star ou salle d’opéra, nombreux sont les lieux où l’ont peut faire l’expérience d’un apparent unisson émotionnel. La culture dite de masse nous fournit notamment maints exemples d’engouements collectifs qui font la preuve qu’un ensemble d’individus peut être pris dans un même élan affectif face à une œuvre. L’art « classique » n’est pas en reste et, l’on pensera, sans aller plus loin, à la tragédie grecque qui rassemblait lors des Dionysies les citoyens athéniens pour leur faire éprouver, dans un mouvement religieux et artistique partagé entre tous, terreur et pitié. Si l’on pense en premier lieu aux engouements d’un public ou aux émotions que l’œuvre cherche à susciter, c’est aussi sous la forme d’une violente hostilité ou d’un rejet indigné que peut se manifester un affect collectif. Les accueils scandalisés plus ou moins recherchés par leurs auteurs– celui du Déjeuner sur l’herbe au Salon de Paris, ou la dite Bataille d’Hernani- abondent ainsi dans l’histoire de l’art et de la littérature.
Un monde dénudé du sens, où des formes apparaissaient, se dégageant peu à peu de l’inanité, replo... more Un monde dénudé du sens, où des formes apparaissaient, se dégageant peu à peu de l’inanité, replongeaient dans l’inconnu, se structuraient derechef à un autre niveau et se tissaient en un univers ordonné. J’étais ébloui » : c’est ainsi que Denis Bertrand décrit l’expérience du langage que lui a procurée la découverte de la sémiotique, à travers les travaux d’A. J. Greimas.
Le présent recueil est placé sous le signe de cette image dont on ne peut s’empêcher de constater le rapprochement avec la description que l’on pourrait donner de la mer. La mouvance des formants, le glissement des mots (leur impropriété), l’instabilité des instances (énonçantes), les scintillements à la surface (figurative) du texte : autant de problématiques que seul un regard marinsaurait identifier. Ce livreconfirme et prolonge l’intime conviction que c’est avant tout par le sensible, et par ses manifestations figuratives – toujours mouvantes, parfois éblouissantes –, que l’on aperçoit du sens à l’horizon.
L’ouvrage dirigé par Marie-Thérèse Mathet vient signifier un renouveau des questionnements sur la... more L’ouvrage dirigé par Marie-Thérèse Mathet vient signifier un renouveau des questionnements sur la violence littéraire, souvent restreints à des approches thématiques qui rendent difficilement compte de la spécificité de ce que l’on appelle « violence » dans le champ de l’écriture. En effet, la brutalité n’est pas seulement ici l’objet d’une étude thématique ou poétique, elle se veut l’outil d’une réflexion théorique sur la représentation et prend de ce fait une dimension opératoire qui lui donne tout son intérêt. La brutalité, à la fois le brut et le brutal, est dès l’abord définie comme ce qui se heurte au réel et non aux réalités, un réel entendu dans l’ensemble de l’ouvrage, bien que parfois de façon, semble-t-il, un peu lâche, dans le sens lacanien d’un reste irréductible au symbolique, et donc à la communication et à l’interprétation. Expérience de « l’immédiateté inattendue du rapport à l’incompréhensible », cette brutalité asymbolique rend le savoir inopérant comme médiateur de la relation de l’homme au monde, mais devient en même temps le noyau autour duquel se déploie l’œuvre...
À paraître dans Questions de communication n°37, 2020
Les fury-rooms offrent au client un lieu pour détruire divers objets afin d'évacuer ses frustrati... more Les fury-rooms offrent au client un lieu pour détruire divers objets afin d'évacuer ses frustrations ou son stress. Notre étude analyse ce dispositif et le discours qui l'accompagne pour interroger, dans un contexte de marchandisation des affects, la spécificité de cet îlot d'expérience et des affects négatifs ici captés. Il s'agit à partir de là d'interroger, dans les termes de la sémiotique des pratiques, la dialectique entre programmation et ajustement potentiellement à l'oeuvre dans ce dispositif, afin de comprendre comment l'expérience mise en avant dans ce cadre peut tendre vers diverses formes d'aliénation. Tant la scénarisation émotionnelle que le dispositif de traitement ex-situ d'affects perturbateurs et la modélisation du rapport à l'environnement qui s'y acte semblent en effet contredire l'expérience promue, amenant à redéfinir les promesses de subjectivisation liées à celle-ci et à interroger la normalisation émotionnelle et comportementale du geste de destruction. Abstract Fury-rooms offer the client a place to destroy various objects in order to relieve frustration or
General problematization: social uprisings and resurgence of violence Since 2010 strong protests ... more General problematization: social uprisings and resurgence of violence Since 2010 strong protests have characterised a considerable number of national contexts. While on each occasion, they refer to specific political situations and issues there are a number of shared experiences and consistent narratives. To the classical resources for debate (addressing vulnerability, injustice, economic inequality, etc.) we have in addition demands for enhancement of lifestyles, (Macé, 2016) in short, an existential transformation of everyday life (Didi-Huberman), 2016). This return of the cultural, even romantic register, to the political stage poses questions both from the point of view of what it says about this day and age, as about its capacity to outline a future, perspectives in the organisation of the world and in dealing with the contingencies of capitalism. The contemporary upheavals are also one-off in so far as they tend to be assorted at one point or another with violence which varies in intensity. In France, riots, illegal demonstrations which get out of control are observed in many demonstrations (ZAD (Zone to Defend) against the Labour law or Parcoursup (Students), Gilets Jaunes (yellow vests) movement, etc.). At international level, the year
Cet événement scientifique favorisera toute réflexion qui, à partir d’un questionnement sur l’oub... more Cet événement scientifique favorisera toute réflexion qui, à partir d’un questionnement sur l’oubli et sa mise en forme au XXe siècle et dans la période contemporaine, porte un regard nouveau sur la production littéraire et cinématographique du XXe et du XXIe siècle et sur la façon dont une œuvre littéraire ou un film reconfigurent la mémoire collective à partir de ses oublis. Les propositions de communication pourront aussi bien aborder le problème de manière synthétique – en pistant par exemple les effacements et les réécritures successives d’un événement – que proposer une analyse d’un cas particulier de mise en texte ou en images de l’oubli. Si le champ littéraire francophone reste notre premier objet d’étude, toute proposition qui donne un écho à cette réflexion sur l’oubli dans le domaine de la peinture ou du cinéma est la bienvenue.
Ce colloque international se tiendra les 3 et 4 juin 2021 à l’Université Paris 8 (amphithéâtre B106). Afin de favoriser les échanges, la durée des interventions sera de vingt minutes. Les propositions de communication (un titre et 500 mots maximum) doivent être envoyées à desamnesiesmemorables@gmail.com avant le 31 octobre 2020.
La revue Socio lance un appel à contribution sur le thème « Soulèvements sociaux : destructions e... more La revue Socio lance un appel à contribution sur le thème « Soulèvements sociaux : destructions et expérience sensible de la violence ». Le dossier est coordonné par Pauline Hachette (université Paris 8) et Romain Huët (université Rennes 2). Les intentions de contributions (titre, résumé de deux pages et bibliographie) doivent être envoyées à Socio avant le 26 octobre 2020. Les articles devront être remis pour le 15 mars 2021. Soulèvements sociaux : destructions et expérience sensible de la violence Problématisation générale : soulèvements sociaux et recrudescence des violences Depuis 2010, des contestations d'ampleur ont agité bon nombre de contextes nationaux. Si elles renvoient à des situations et des enjeux politiques à chaque fois spécifiques, il existe des expériences partagées et des récits concordants entre eux. Aux ressources argumentatives classiques (lutte contre la précarité, l'injustice, les inégalités économiques, etc.), s'ajoute une revendication à l'élargissement des orientations du vivre, des formes de vie (Macé, 2016), en somme à une transformation existentielle des manières d'être (Didi-Huberman, 2016). Ce retour du registre culturel, éventuellement romantique, dans la scène politique interroge tant du point de vue de ce qu'il dit de notre époque que dans sa capacité à tracer un avenir, des perspectives dans l'organisation du monde et dans le dépassement des contingences capitalistiques.
Ce dossier se propose d'interroger des phénomènes de turbulence sociale et de recherche d'intens... more Ce dossier se propose d'interroger des phénomènes de turbulence sociale et de recherche d'intensité, dont tout porte à penser qu'ils vont s'accroissant. Sports et loisirs à sensations fortes, espaces de « défoulement », mais aussi performances esthétiques extrêmes, les activités manifestant un surplus d'énergie et jouant avec les limites du débordement sont devenus légions. Elles semblent traduire un désir soutenu et puissant de susciter un état « astructurel » (Duvignaud, 1977), de mener une vie démesurée, ou encore de vivre une expérience pour elle-même, c'est-à-dire pour ce qu'elle suscite comme dépense, don, voire perte de soi. Là où l'emotional turn des sciences humaines nous a souvent amenés à prendre en considération les affects et à les intégrer à l'épaisseur des individus et à la logique de leur action, comme des réactions révélatrices de valeurs et de dysfonctionnements, des moteurs ou des décisifs, ces comportements sociaux mettent en jeu des affects recherchés pour eux-mêmes, comme stimulations, et non comme réactions. Que ce soit à titre individuel ou collectif, cette quête d'un plus de vie produit des désordres localisés mais aussi des réorganisations. Ces forces fluides, plus ou moins contenues, plus ou moins spectaculaires, ne paraissent avoir aucune autre fin rationnelle que de briser l'ordre, de rompre avec les habitudes et la normalité afin d'éprouver le sentiment d'une vie comme rafraîchie. Cette insurrection contre une existence jugée froide et inexpressive attire en même temps qu'elle inspire une certaine crainte parce qu'elle bouscule un peu trop vivement l'ordre. Ce sujet saturé d'énergie, insaisissable, indiscernable et imprévisible, est, lorsqu'il se manifeste spontanément, une figure de l'ingouvernable. Le pouvoir en connaît peu les limites et peine à le juguler sinon à le canaliser. Si les remous et les troubles qualifient usuellement les épisodes d'une contestation sociale qui, à l'occasion, se complaît à l'exercice de la violence, nous souhaitons interroger ici plus largement les forces qui agitent les individus, les tumultes qui les entraînent hors du cours de leur existence ordinaire, les lieux et activités que ces puissances créent pour se déverser, tout autant que ceux qui lui sont proposés pour les acclimater. En d'autres termes, il s'agit d'examiner les ressorts de l'être intense ainsi que d'envisager comment la société s'occupe des flux d'affectivité qui la traversent. https://journals.openedition.org/socio-anthropologie/7133
Le colloque "Existences collectives" vient compléter le cycle de réflexions zoosémiotiques commen... more Le colloque "Existences collectives" vient compléter le cycle de réflexions zoosémiotiques commencé au sein du GASP 8 (Groupe d'activités sémiotiques de Paris 8) et qui a déjà donné lieu au colloque "La parole aux animaux. Conditions d'extension de l'énonciation" et au colloque "Viandes. Stéréotypies sémiotiques et inquiétudes culturelles" (2019). Ce nouveau colloque envisage la question animale du point de vue collectif en interrogeant les formes sémiotiques de modes de vies sociaux que nous partageons, par différentes voies, tant analogiques qu'hybrides. Son souhait est de faire dialoguer, par le questionnement sémiotique, des disciplines diverses : SHS, littérature et arts, sciences de la nature, informatique.
Ce cycle de conférences réfléchit aux turbulences, troubles ou catastrophes qui traversent notre ... more Ce cycle de conférences réfléchit aux turbulences, troubles ou catastrophes qui traversent notre époque et à la manière dont ils modifient notre expérience et notre perception du politique. Que nous portions notre attention sur des signaux forts comme les drames écologiques et les soulèvements sociaux ou sur des signaux plus faibles mais significatifs comme les pratiques, toujours plus nombreuses, de désertion, le présent apparaît de plus en plus difficile à déchiffrer.
Le colloque Existences collectives explore les relations signifiantes entre humanité, animalité e... more Le colloque Existences collectives explore les relations signifiantes entre humanité, animalité et technicité en termes d'organisation collective. Il déploie, par sa perspective sémiotique, des passerelles entre des disciplines variées.
Existences collectives : Perspectives sémiotiques sur la sociabilité animale et humaine - Sciencesconf.org
Cher.ères collègues et ami.es,
J'ai le plaisir de vous annoncer la tenue du colloque "Existence... more Cher.ères collègues et ami.es,
J'ai le plaisir de vous annoncer la tenue du colloque "Existences collectives. Perspectives sémiotiques sur la sociabilité animale et humaine", qui a pour but d'explorer, de façon transdisciplinaire, les relations signifiantes entre animalité, humanité et technicité en termes d'organisation collective.
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Papers by Pauline Hachette
2Qu’elles nourrissent notre représentation du travail ou du pouvoir, qu’elles nous donnent des leçons de morale et d’éthique, ou que l’on interroge les formes d’intelligence par lesquelles elles agissent dans leur environnement et construisent leurs relations, les organisations collectives animales sont donc au cœur de constructions de sens cruciales, sur lesquelles différentes disciplines se penchent. La sémiotique, en tant que théorie des processus par lesquels nous sécrétons du sens, permet de mettre ces constructions signifiantes au cœur de notre étude et de faire dialoguer différentes disciplines qui la prennent en charge.
Plusieurs lieux destinés à faire des expériences affectives spécifiques ont fait leur apparition depuis une grande décennie. Ces hétérotopies, présentées comme des lieux de libération émotionnelle, se veulent également des exutoires au stress, notamment professionnel. Ils développent une conception de la vie affective centrée sur ses composantes sensori-motrices, plutôt que sur la verbalisation ou la représentation, et promeuvent, en intensifiant les émotions, une catharsis envisagée comme pure décharge. Ce faisant, ils laissent entrevoir une certaine conception moderne de nos vies affectives et subjectives dont on peut interroger les soubassements et l'exploitation par le capitalisme tardif.
Places conceived for specific emotional experiences have appeared in the last decade. These heterotopias, presented as sites of emotional liberation, are also intended as outlets for stress, particularly at work. They develop a conception of affective life centred on its sensory-motor components, rather than on verbalisation or representation, and they encourage, by intensifying the emotions, a catharsis envisaged as a pure discharge. In so doing, they betray a certain modern conception of our affective and subjective lives, whose foundations and exploitation by late capitalism need to be questioned.
ISN 1824-7482
Dans le récit Les Années (2008), qu’Annie Ernaux qualifie « d’autobiographie impersonnelle », les souvenirs s’égrènent au gré d’une énonciation entremêlant mémoire individuelle et mémoire collective. Les chansons populaires y occupent une place importante, comme marqueurs de générations mais aussi marqueurs de l’époque s’imprimant à son insu sur une mémoire. Voix du collectif, elles offrent néanmoins une voie singulière pour l’individuation par le jeu des affects et de leur ancrage mémoriel. Cette dialectique se retrouve dans le lien singulier que la chanson, et notamment son inclination à l’itération, entretient avec le sentiment du temps que la narratrice cherche à restituer, celui d’une durée diffuse animée d’une tension dramatique du désir, offrant une alternative au sentiment tragique du temps photographique. L’article, prenant appui sur cette opposition entre photographie et chanson, explore les émotions mémorielles propres à ce genre musical et la façon dont elles sont restituées dans l’écriture de ce récit.
Ce dossier a pour objet différentes quêtes d'intensité qui se manifestent dans notre société. Sports à sensations fortes, recherche de renouvellement et d’intensification des expériences esthétiques ou festives, stratégies cathartiques diverses visant à purger une énergie physique ou affective conçue comme excessive ou perturbante, les comportements auxquels nous avons pensé dans ce projet manifestent un surplus d’énergie et jouent avec les limites du débordement. Apparentés à première vue aux phénomènes de dépense décrits par Bataille, ils marquent une recherche de déroutinisation traduisant le désir soutenu de susciter un état « astructurel » (Duvignaud, 1977) ou de vivre une expérience pour elle-même, c’est-à-dire pour ce qu’elle suscite comme don, voire perte de soi. Tristan Garcia (2016) a interrogé cette vie intense, issue du fantasme électrique qui trouve sa légitimité dans une recherche de puissance et une affirmation de sa présence au monde, supposée échapper au décompte. Cette forme de vie dans l’excès, particulièrement sujette aux récupérations marchandes, exprime tout aussi bien une quête quasi frénétique de réel que l’incapacité structurelle à en saisir l’épaisseur. On peut interroger sa portée critique.
2Qu’elles nourrissent notre représentation du travail ou du pouvoir, qu’elles nous donnent des leçons de morale et d’éthique, ou que l’on interroge les formes d’intelligence par lesquelles elles agissent dans leur environnement et construisent leurs relations, les organisations collectives animales sont donc au cœur de constructions de sens cruciales, sur lesquelles différentes disciplines se penchent. La sémiotique, en tant que théorie des processus par lesquels nous sécrétons du sens, permet de mettre ces constructions signifiantes au cœur de notre étude et de faire dialoguer différentes disciplines qui la prennent en charge.
Plusieurs lieux destinés à faire des expériences affectives spécifiques ont fait leur apparition depuis une grande décennie. Ces hétérotopies, présentées comme des lieux de libération émotionnelle, se veulent également des exutoires au stress, notamment professionnel. Ils développent une conception de la vie affective centrée sur ses composantes sensori-motrices, plutôt que sur la verbalisation ou la représentation, et promeuvent, en intensifiant les émotions, une catharsis envisagée comme pure décharge. Ce faisant, ils laissent entrevoir une certaine conception moderne de nos vies affectives et subjectives dont on peut interroger les soubassements et l'exploitation par le capitalisme tardif.
Places conceived for specific emotional experiences have appeared in the last decade. These heterotopias, presented as sites of emotional liberation, are also intended as outlets for stress, particularly at work. They develop a conception of affective life centred on its sensory-motor components, rather than on verbalisation or representation, and they encourage, by intensifying the emotions, a catharsis envisaged as a pure discharge. In so doing, they betray a certain modern conception of our affective and subjective lives, whose foundations and exploitation by late capitalism need to be questioned.
ISN 1824-7482
Dans le récit Les Années (2008), qu’Annie Ernaux qualifie « d’autobiographie impersonnelle », les souvenirs s’égrènent au gré d’une énonciation entremêlant mémoire individuelle et mémoire collective. Les chansons populaires y occupent une place importante, comme marqueurs de générations mais aussi marqueurs de l’époque s’imprimant à son insu sur une mémoire. Voix du collectif, elles offrent néanmoins une voie singulière pour l’individuation par le jeu des affects et de leur ancrage mémoriel. Cette dialectique se retrouve dans le lien singulier que la chanson, et notamment son inclination à l’itération, entretient avec le sentiment du temps que la narratrice cherche à restituer, celui d’une durée diffuse animée d’une tension dramatique du désir, offrant une alternative au sentiment tragique du temps photographique. L’article, prenant appui sur cette opposition entre photographie et chanson, explore les émotions mémorielles propres à ce genre musical et la façon dont elles sont restituées dans l’écriture de ce récit.
Ce dossier a pour objet différentes quêtes d'intensité qui se manifestent dans notre société. Sports à sensations fortes, recherche de renouvellement et d’intensification des expériences esthétiques ou festives, stratégies cathartiques diverses visant à purger une énergie physique ou affective conçue comme excessive ou perturbante, les comportements auxquels nous avons pensé dans ce projet manifestent un surplus d’énergie et jouent avec les limites du débordement. Apparentés à première vue aux phénomènes de dépense décrits par Bataille, ils marquent une recherche de déroutinisation traduisant le désir soutenu de susciter un état « astructurel » (Duvignaud, 1977) ou de vivre une expérience pour elle-même, c’est-à-dire pour ce qu’elle suscite comme don, voire perte de soi. Tristan Garcia (2016) a interrogé cette vie intense, issue du fantasme électrique qui trouve sa légitimité dans une recherche de puissance et une affirmation de sa présence au monde, supposée échapper au décompte. Cette forme de vie dans l’excès, particulièrement sujette aux récupérations marchandes, exprime tout aussi bien une quête quasi frénétique de réel que l’incapacité structurelle à en saisir l’épaisseur. On peut interroger sa portée critique.
L’approche culturaliste s’oppose en premier lieu à une approche naturaliste des émotions. Cette dernière s’attache à faire la preuve d’une universalité des émotions, ancrées dans le corps, au-delà des différences culturelles. L’Expression des émotions chez l’homme et les animaux, publié par Charles Darwin en 1872, constitue l’un des ouvrages les plus représentatifs de cette vision. Son auteur, tout en maintenant la spécificité de son apport évolutionniste, s’inscrit dans la lignée de travaux menés autour de la physiologie des émotions par les médecins et anatomistes qui l’ont précédé et établit un fond commun d’expressions telles que tout être humain les partage avec ses semblables, mais aussi en grande partie avec les animaux. Notre répertoire émotionnel est donc dans cette vision, renvoyé au biologique. Il s’est inscrit d’après Darwin dans notre patrimoine génétique au gré de la sélection naturelle, afin d’améliorer nos chances de survie en nous permettant une meilleure adaptation à notre environnement. (...)
Si l’on pense en premier lieu aux engouements d’un public ou aux émotions que l’œuvre cherche à susciter, c’est aussi sous la forme d’une violente hostilité ou d’un rejet indigné que peut se manifester un affect collectif. Les accueils scandalisés plus ou moins recherchés par leurs auteurs– celui du Déjeuner sur l’herbe au Salon de Paris, ou la dite Bataille d’Hernani- abondent ainsi dans l’histoire de l’art et de la littérature.
Le présent recueil est placé sous le signe de cette image dont on ne peut s’empêcher de constater le rapprochement avec la description que l’on pourrait donner de la mer. La mouvance des formants, le glissement des mots (leur impropriété), l’instabilité des instances (énonçantes), les scintillements à la surface (figurative) du texte : autant de problématiques que seul un regard marinsaurait identifier. Ce livreconfirme et prolonge l’intime conviction que c’est avant tout par le sensible, et par ses manifestations figuratives – toujours mouvantes, parfois éblouissantes –, que l’on aperçoit du sens à l’horizon.
La brutalité, à la fois le brut et le brutal, est dès l’abord définie comme ce qui se heurte au réel et non aux réalités, un réel entendu dans l’ensemble de l’ouvrage, bien que parfois de façon, semble-t-il, un peu lâche, dans le sens lacanien d’un reste irréductible au symbolique, et donc à la communication et à l’interprétation. Expérience de « l’immédiateté inattendue du rapport à l’incompréhensible », cette brutalité asymbolique rend le savoir inopérant comme médiateur de la relation de l’homme au monde, mais devient en même temps le noyau autour duquel se déploie l’œuvre...
Ce colloque international se tiendra les 3 et 4 juin 2021 à l’Université Paris 8 (amphithéâtre B106). Afin de favoriser les échanges, la durée des interventions sera de vingt minutes. Les propositions de communication (un titre et 500 mots maximum) doivent être envoyées à desamnesiesmemorables@gmail.com avant le 31 octobre 2020.
https://journals.openedition.org/socio-anthropologie/7133
Ce nouveau colloque envisage la question animale du point de vue collectif en interrogeant les formes sémiotiques de modes de vies sociaux que nous partageons, par différentes voies, tant analogiques qu'hybrides. Son souhait est de faire dialoguer, par le questionnement sémiotique, des disciplines diverses : SHS, littérature et arts, sciences de la nature, informatique.
J'ai le plaisir de vous annoncer la tenue du colloque "Existences collectives. Perspectives sémiotiques sur la sociabilité animale et humaine", qui a pour but d'explorer, de façon transdisciplinaire, les relations signifiantes entre animalité, humanité et technicité en termes d'organisation collective.