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En guise de conclusions…

2016, Bulletin du Centre d’études médiévales d’Auxerre

Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA Hors-série n° 10 | 2016 L’origine des sites monastiques : confrontation entre la terminologie des sources textuelles et les données archéologiques En guise de conclusions… Pascale Chevalier Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/cem/14489 DOI : 10.4000/cem.14489 ISSN : 1954-3093 Éditeur Centre d'études médiévales Saint-Germain d'Auxerre Référence électronique Pascale Chevalier, « En guise de conclusions… », Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA [En ligne], Hors-série n° 10 | 2016, mis en ligne le 09 décembre 2016, consulté le 01 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org/cem/14489 ; DOI : 10.4000/cem.14489 Ce document a été généré automatiquement le 1 mai 2019. Les contenus du Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre (BUCEMA) sont mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International. En guise de conclusions… En guise de conclusions… Pascale Chevalier « Les mêmes mots n’ayant pas le même sens pour tous, le langage ne peut conduire qu’à une dispute » (Marcel Jouhandeau, La Malmaison, 1965). 1 Prenons ici le mot dispute, en son sens de débat, de discussion, de dispute scolastique. Les quatrièmes Journées d’études monastiques ont exploré, avec un enthousiasme fécond, divers aspects des origines des sites monastiques haut-médiévaux, en confrontant au fil d’un programme de travail bien structuré la terminologie des sources textuelles aux données archéologiques, en soulignant de fortes convergences ou leurs disparités respectives, en constatant dans certains dossiers l’absence préjudiciable des unes ou des autres, un désert de mots, un désert de vestiges. 2 Le premier tiers des contributions a concerné la question de l’origine des monastères sous l’angle de la sémantique lexicale, ce dont les textes nous parlent, ce qu’ils veulent énoncer, désigner en employant une série de mots signifiants, intelligibles alors, au temps de leur rédaction, souvent bien plus qu’aujourd’hui, au temps de leur étude. Les enquêtes terminologiques ont été menées dans les chartes de donation, de fondation, de confirmation, les bulles pontificales, les listes de tous types, les règles monastiques, les vitae anciennes, les chroniques et annales, etc. Noëlle Deflou-Leca, Aurélia Bully, MarieJosé Gasse-Granjean et Michèle Gaillard ont montré clairement l’évolution du vocabulaire employé, en particulier avant et après la charnière du IXe siècle, et celle des occurrences proportionnelles des différents mots, leurs éventuelles cooccurrences, de même que leur polysémie presque intrinsèque outre les doubles sens « lieu communautaire/ communauté ». Citons les termes qui ont été relevés, pour les lieux : basilica, ecclesia, oratorium, crypta ; casa, locus, villa1 ; monasterium/-iolum, coenobium/-iolum, cella/-ula, abbatia/-ola, abbadia ; xenodochium-olum ; claustrum ; congregatio – pour leurs utilisateurs : abbas, rector, praepositus ; conventus, coenobium ; monachi, fratres, canonici, levites, presbyteri, actores, lectores... Des mots qui sont généralement le reflet de ce que voulait faire voir/ savoir d’elle une communauté religieuse donnée entre le Ve et le XIIe siècle, des mots qui construisaient la mémoire du lieu cité. Les études présentées, qui s’appuyaient pour Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA, Hors-série n° 10 | 2016 1 En guise de conclusions… certaines sur des bases de données (CBMA, « nouveau Cottineau »…) et sur les avancées les plus récentes des ressources numériques, ont dessiné une trame lexicale mettant en valeur des choix délibérés, des héritages, le maintien ou la reprise tardive de mots paraissant ailleurs sortis d’usage, des constructions mentales hiérarchisées. Elles permettent même de distinguer parfois des pics d’installation du réseau monastique dans une région, comme la Bourgogne grâce aux CBMA. Les récolements et les analyses critiques fouillées qui ont été proposés se sont heurtés – sans pouvoir ni d’ailleurs vouloir trancher – aux sens pluriels de ces termes peu nombreux, mais dont la signification apparaît souvent équivoque, subjective, fluctuante à tout le moins. Un point essentiel a été souligné dans l’exposé de chaque enquête, celui de la précaution scientifique d’un examen minutieux au cas par cas, suivant les sources en présence et le contexte, surtout lorsque l’on désire traduire ce qui apparaît finalement peu souhaitable et toujours réducteur. 3 Il s’agissait, dans un second temps, de confronter ces constatations nuancées aux reflets matériels parfois assez modestes des mots examinés à partir des sources écrites. Ce fut fait à travers un contrepoint archéologique, tentant de faire parler à leur manière une série de vestiges du quotidien des espaces monastiques que l’ensemble des données textuelles peine à nous faire deviner. 4 Les deux tiers suivants des communications étaient donc des enquêtes archéologiques, conduites par Christian Sapin, Gisella Cantino-Wataghin, Sylvie Balcon-Berry, Laurent Schneider, Damien Martinez, Anne Baud avec Nathanaël Nimmegeers et Anne Flammin, Guido Faccani, Olivia Puel et Pierre Ganivet, ainsi que Nicolas Clément, qui ont interrogé le contexte d’implantation juridique, physique et topographique de cas d’études assez divers. Une tendance forte est à noter : foin du désert inhabité et sauvage idéal ! On voit bien que comme d’autres exemples contemporains, célèbres ou oubliés, les quelques établissements monastiques précoces de France ici discutés – Cluny, Aniane, Saint-André le Haut de Vienne, Saint-Géraud d’Aurillac, Saint-Martin de Mesvres, les monastères d’Auvergne, de Bourgogne… –, d’Italie (Novalaise) et de Suisse (Payerne) ont, pour la plupart, été établis non loin de voies de communication et/ou sur des structures antérieures – domus de villae, thermes désaffectés, mansiones, mausolées… – plus ou moins aisées à récupérer. On a là des sources évidentes d’assiette foncière avec d’anciens biens fiscaux ou le terroir des multiples villae des donations, des sources de matériaux de remploi ostensibles, mais aussi des sources notables de modèles, notamment dans le cas de la villa à cour ceinte de portiques dont s’inspireront les cloîtres. Souvent, le monastère conserve précieusement ou fossilise dans ses structures bâties, pourtant en constante évolution, des traces de ces reprises, avec les aménagements initiaux effectués par la communauté. Ces phénomènes de continuité s’observent à l’échelle du noyau monastique, mais dans une approche plus macroscopique, il a été remarqué dans maintes communications combien, dans les siècles du haut Moyen Âge, identifier les sites des premiers monastères permet également de percevoir une facette des dynamiques de la restructuration de l’espace rural auparavant marqué par le maillage plus ou moins dense et préservé des villae romaines. 5 Les orateurs ont été assez nombreux à souhaiter de diverses façons, dans les discussions animées2 comme dans les contributions, que l’on remette courageusement à plat toute la documentation disponible – autant les données archéologiques, qui seront probablement abondées à l’avenir, que les sources textuelles, certes limitées sur les établissements monastiques considérés, mais qu’il convient de revoir/relire soigneusement – en faisant Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA, Hors-série n° 10 | 2016 2 En guise de conclusions… table rase des anciennes interprétations afin de poser ensemble les fondations de nouvelles études diachroniques, combinant les deux types de sources et les abordant de manière délibérément multi-scalaire. 6 S’il m’avait fallu conclure en une phrase, c’eut été peut-être – sur une suggestion amicale de Philippe Plagnieux – « à l’année prochaine ! », tant les présentations, réflexions et discussions ont été riches, denses et inspirantes pour l’avancée des recherches futures. Comment, en effet, mieux clore ces passionnantes Journées d’études monastiques qu’en remerciant chaleureusement les organisateurs et tous les participants, puis en annonçant les cinquièmes qui porteront en septembre 2016 sur la clôture et la fortification de ces monastères, dont nous comprenons à présent un peu mieux la genèse. NOTES 1. On trouvera supra un texte sur le terme précis de villa par Nicolas Perreaux qui n’avait pu être présent à la réunion de Baume. 2. Auxquelles, outre les orateurs déjà cités, ont amplement contribué Gérard Moyse, Alain Dubreucq, Philippe Plagnieux, Sébastien Bully, Patrick Hoffsummer, Jean Terrier, Brigitte Boissavit-Camus, Élisabeth Lorans et l’auteure de ces lignes. AUTEUR PASCALE CHEVALIER Université Clermont Auvergne – UMR 6298-ARTeHIS Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA, Hors-série n° 10 | 2016 3