L’énergie dans le développement de la
Nouvelle-Calédonie
Yves Le Bars, Elsa Faugere, Philippe Menanteau, Bernard Multon, Arthur
Riedacker, Sebastien Velut
To cite this version:
Yves Le Bars, Elsa Faugere, Philippe Menanteau, Bernard Multon, Arthur Riedacker, et al.. L’énergie
dans le développement de la Nouvelle-Calédonie. 2010, 472 p. hal-02823475
HAL Id: hal-02823475
https://hal.inrae.fr/hal-02823475
Submitted on 6 Jun 2020
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collection
Dans un contexte de raréfaction des ressources en énergie
fossile et de changements climatiques, la Nouvelle-Calédonie, qui
n’est pas actuellement soumise au protocole de Kyoto, doit répondre
aux préoccupations environnementales et trouver les voies et moyens
d’une moins grande dépendance énergétique.
Ctte expertise collégiale qui a mobilisé l’ensemble des données
scientifiques disponibles pour les décliner sur le cas particulier de la
Nouvelle-Calédonie, livre une série de recommandations qui
pourront utilement venir à l’appui des politiques que le Territoire est
sur le point de se donner.
Against the backdrop of increasingly scarce fossil fuel resources and
climate change, New Caledonia, which is not currently subject to the
Kyoto protocol, must respond to environmental concerns, and find ways
and means of becoming less energy-dependent.
With the Territory defining its Land Use and Development plan for 2025
and, further down the line, its energy and climate plan, the Government
of New Caledonia and the Environment and Energy Management
Agency (ADEME), via the Territorial Energy Management Committee
(CTME), have asked the Development Research Institute (IRD) to
produce a complete report of the situation and a multi-disciplinary
analysis of the issues involved in the question of energy in the
development New Caledonia. During the course of 2009, a board of
experts also examined energy management, new energy production
and storage technologies, ways of reducing greenhouse gas
emissions, the geopolitical position concerning energy and climate,
and regional cooperation along with energy and climate management
in New Caledonia. Their detailed assessment is provided here.
In accordance with the expert report model developed, the body of
experts called up all available scientific data and knowledge so as to
apply this understanding to the specific situation in New Caledonia. The
body was thus able to deliver a series of recommendations, which may
usefully support the policies that the Territory is on the point of adopting.
Version bilingue
Energy in the development of New Caledonia
Au moment où le Territoire définit son Schéma d’aménagement et de
développement 2025 et, dans le prolongement, son Schéma de
l’énergie et du climat, le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et
l’ADEME, via le Comité territorial pour la maîtrise de l’énergie (CTME),
ont demandé à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) de
produire un état des lieux complet et une analyse pluridisciplinaire des
enjeux constitutifs de la question de l’énergie dans le développement
de la Nouvelle-Calédonie. La maîtrise de l’énergie, les nouvelles
technologies en matière de production et de stockage d’énergie,
les moyens de réduction des émissions de gaz à effet de serre, la
géopolitique de l’énergie et du climat et la coopération régionale,
la gouvernance de l’énergie et du climat en Nouvelle-Calédonie, ont
ainsi été examinés au cours de l’année 2009 par un collège d’experts
qui en restitue ici le bilan détaillé.
Expertise collégiale
Expertise réalisée par l’IRD
à la demande
du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie
et de l’Agence de l'Environnement
et de la Maîtrise de l'Energie
L’énergie dans le développement de la Nouvelle-Calédonie
La collection
« Expertise collégiale »
propose des ouvrages
destinés à aider
les acteurs
du développement
dans leurs choix
stratégiques. Chaque
volume est rédigé
par un groupe
de chercheurs
qui rassemble et
synthétise les analyses
scientifiques utiles
pour répondre
à des questions
opérationnelles liées
au développement
des pays du Sud.
(partie analytique jointe
sur CD-ROM)
L’énergie
dans le développement
de la Nouvelle-Calédonie
Energy in the development of New Caledonia
Coordination scientifique
YVES LE BARS, ELSA FAUGÈRE, PHILIPPE MENANTEAU,
BERNARD MULTON, ARTHUR RIEDACKER, SÉBASTIEN VELUT
15 €
ISSN 1633-9924 / ISBN : 978-2-7099-1692-9
IRD : 44, bd de Dunkerque 13572 Marseille cedex 02
Diffusion : IRD, 32, avenue Henri-Varagnat - 93143 Bondy cedex
tél. : 01 48 02 56 49
diffusion@ird.fr
Institut de recherche
pour le développement
collection
Dans un contexte de raréfaction des ressources en énergie
fossile et de changements climatiques, la Nouvelle-Calédonie, qui
n’est pas actuellement soumise au protocole de Kyoto, doit répondre
aux préoccupations environnementales et trouver les voies et moyens
d’une moins grande dépendance énergétique.
Ctte expertise collégiale qui a mobilisé l’ensemble des données
scientifiques disponibles pour les décliner sur le cas particulier de la
Nouvelle-Calédonie, livre une série de recommandations qui
pourront utilement venir à l’appui des politiques que le Territoire est
sur le point de se donner.
Against the backdrop of increasingly scarce fossil fuel resources and
climate change, New Caledonia, which is not currently subject to the
Kyoto protocol, must respond to environmental concerns, and find ways
and means of becoming less energy-dependent.
With the Territory defining its Land Use and Development plan for 2025
and, further down the line, its energy and climate plan, the Government
of New Caledonia and the Environment and Energy Management
Agency (ADEME), via the Territorial Energy Management Committee
(CTME), have asked the Development Research Institute (IRD) to
produce a complete report of the situation and a multi-disciplinary
analysis of the issues involved in the question of energy in the
development New Caledonia. During the course of 2009, a board of
experts also examined energy management, new energy production
and storage technologies, ways of reducing greenhouse gas
emissions, the geopolitical position concerning energy and climate,
and regional cooperation along with energy and climate management
in New Caledonia. Their detailed assessment is provided here.
In accordance with the expert report model developed, the body of
experts called up all available scientific data and knowledge so as to
apply this understanding to the specific situation in New Caledonia. The
body was thus able to deliver a series of recommendations, which may
usefully support the policies that the Territory is on the point of adopting.
Version bilingue
Energy in the development of New Caledonia
Au moment où le Territoire définit son Schéma d’aménagement et de
développement 2025 et, dans le prolongement, son Schéma de
l’énergie et du climat, le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et
l’ADEME, via le Comité territorial pour la maîtrise de l’énergie (CTME),
ont demandé à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) de
produire un état des lieux complet et une analyse pluridisciplinaire des
enjeux constitutifs de la question de l’énergie dans le développement
de la Nouvelle-Calédonie. La maîtrise de l’énergie, les nouvelles
technologies en matière de production et de stockage d’énergie,
les moyens de réduction des émissions de gaz à effet de serre, la
géopolitique de l’énergie et du climat et la coopération régionale,
la gouvernance de l’énergie et du climat en Nouvelle-Calédonie, ont
ainsi été examinés au cours de l’année 2009 par un collège d’experts
qui en restitue ici le bilan détaillé.
Expertise collégiale
Expertise réalisée par l’IRD
à la demande
du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie
et de l’Agence de l'Environnement
et de la Maîtrise de l'Energie
L’énergie dans le développement de la Nouvelle-Calédonie
La collection
« Expertise collégiale »
propose des ouvrages
destinés à aider
les acteurs
du développement
dans leurs choix
stratégiques. Chaque
volume est rédigé
par un groupe
de chercheurs
qui rassemble et
synthétise les analyses
scientifiques utiles
pour répondre
à des questions
opérationnelles liées
au développement
des pays du Sud.
(partie analytique jointe
sur CD-ROM)
L’énergie
dans le développement
de la Nouvelle-Calédonie
Energy in the development of New Caledonia
Coordination scientifique
YVES LE BARS, ELSA FAUGÈRE, PHILIPPE MENANTEAU,
BERNARD MULTON, ARTHUR RIEDACKER, SÉBASTIEN VELUT
15 €
ISSN 1633-9924 / ISBN : 978-2-7099-1692-9
IRD : 44, bd de Dunkerque 13572 Marseille cedex 02
Diffusion : IRD, 32, avenue Henri-Varagnat - 93143 Bondy cedex
tél. : 01 48 02 56 49
diffusion@ird.fr
Institut de recherche
pour le développement
L’énergie
dans le développement
de la Nouvelle-Calédonie
L’énergie
dans le développement
de la Nouvelle-Calédonie
Coordination scientifique
Yves LE BARS, Elsa FAUGÈRE, Philippe MENANTEAU, Bernard MULTON,
Arthur RIEDACKER, Sébastien VELUT
Cette expertise collégiale a été réalisée
par l’Institut de recherche pour le développement (IRD)
à la demande du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie
et de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).
IRD Éditions
INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DÉVELOPPEMENT
collection Expertise collégiale
Marseille, 2010
Coordination
Département Expertise et Valorisation, IRD
Préparation éditoriale
Marion Enguehard
Traduction en anglais
Cabinet Champollion
Maquette couverture et intérieur
Pierre Lopez
Mise en page
Gris Souris/Aline Lugand
Coordination fabrication
Catherine Plasse
Le présent ouvrage comporte la synthèse et les recommandations.
Le CD-ROM joint regroupe la version anglaise de la synthèse
et les contributions intégrales des auteurs.
La loi du 1er juillet 1992 (code de la propriété intellectuelle, première partie) n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les
« copies ou reproductions strictement réservées à l’usage du copiste et non destinées
à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations
dans le but d’exemple ou d’illustration, " toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou
ayants cause, est illicite " (alinéa 1er de l’article L. 122-4).
Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon passible des peines prévues au titre III de la loi précitée.
© IRD, 2010
ISSN 1633-9924 / ISBN : 978-2-7099-1692-9
Composition du collège des experts
COORDINATION
SCIENTIFIQUE
Yves LE BARS, président (YLB Conseils)
Elsa FAUGÈRE (Institut national de la recherche agronomique)
Philippe MENANTEAU (Centre national de la recherche scientifique)
Bernard MULTON (École normale supérieure de Cachan)
Arthur RIEDACKER (Institut national de la recherche agronomique)
Sébastien VELUT (Université de Paris 3)
MEMBRES
Mohamed ABDESSELAM (Société Solener)
Patrice BABY (Institut de recherche pour le développement)
Pierre COUTERON (Institut de recherche pour le développement)
Richard DARBÉRA (Centre national de la recherche scientifique)
Laëtitia GRAMMATICO (Commissariat à l’énergie atomique)
Jean-Michel MOST (Centre national de la recherche scientifique)
6
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Ont également participé à la réalisation de cette expertise collégiale
RAPPORTEURE
Isabelle BOURBOULON (journaliste indépendante)
RELECTURE SCIENTIFIQUE
Jacques PERCEBOIS (Université Montpellier-1)
Jean-Baptiste SAULNIER (Centre national de la recherche scientifique)
IRD – DÉPARTEMENT EXPERTISE
ET
VALORISATION
Anne GESLIN-FERRON (chargée de ressources documentaires)
Alexandra GRAZIANI (assistante du Pôle expertise et consultance)
Stéphane RAUD (directeur)
Sylvain ROBERT (responsable du Pôle expertise et consultance)
Sommaire
Présentation du DEV et de la collection Expertise collégiale
L’expertise collégiale à l’IRD : objectifs et méthodes
Avant-propos
Introduction
La situation énergétique
13
15
19
21
29
Synthèse et recommandations
LA MAÎTRISE DE L’ÉNERGIE :
UN ENJEU MAJEUR POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE ET SA SÉCURITÉ ÉNERGÉTIQUE
L’énergie dans les discours et les pratiques
État des lieux des discours actuels vis-à-vis de l’énergie
et de la MDE en Nouvelle-Calédonie
État des lieux des pratiques : la consommation des ménages
en matière énergétique
État de l’art sur les discours et les pratiques en matière de maîtrise
de la demande en énergie en dehors de la Nouvelle-Calédonie
Propositions pour faire évoluer les discours et les pratiques
des Néo-Calédoniens vers davantage de maîtrise de l’énergie
La maîtrise de l’énergie dans le domaine du bâtiment
et des équipements
État des lieux de la MDE dans le domaine du bâtiment
et des équipements en Nouvelle-Calédonie
État de l’art de la MDE dans le domaine du bâtiment
et des équipements, en dehors de la Nouvelle-Calédonie
Propositions d’amélioration en matière de MDE dans le domaine
du bâtiment et des équipements en Nouvelle-Calédonie
45
47
47
54
55
62
63
63
71
82
8
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Le potentiel d’efficacité énergétique des systèmes industriels
et la valorisation des déchets
Pour un accroissement de la maîtrise de l’énergie
dans le domaine industriel
Contribution à l’amélioration de l’efficacité énergétique
des systèmes industriels en Nouvelle-Calédonie
Quel combustible primaire choisir ?
Les points forts de l’efficacité énergétique sur le site de la SLN
Les points faibles de l’industrie néo-calédonienne dans le domaine
de l’efficacité énergétique
Quels résultats attendre de l’amélioration de l’efficacité énergétique ?
Quelles incitations possibles pour favoriser les innovations ?
Conclusion
La maîtrise de l’énergie dans le domaine des transports
86
86
88
89
90
92
93
95
95
97
État des lieux de la MDE dans le domaine des transports
en Nouvelle-Calédonie
État de l’art de la MDE dans le domaine des transports
en dehors de la Nouvelle-Calédonie : de l’énergie à l’environnement
Propositions d’amélioration en matière de MDE dans le domaine
des transports en Nouvelle-Calédonie
Conclusion
Conclusions et recommandations
103
110
112
LES NOUVELLES TECHNOLOGIES EN MATIÈRE
DE PRODUCTION ET DE STOCKAGE D’ÉNERGIE
115
Les nouvelles technologies à mobiliser
pour la Nouvelle-Calédonie
Les carburants classiques et alternatifs
Les technologies de production d’électricité
Les technologies de stockage de l’énergie
Aspects non technologiques
Les performances économiques des nouvelles technologies
Conclusions
Faisabilité pour les filières envisagées, compte tenu des contraintes
liées à l’occupation du territoire
97
101
120
120
132
149
159
159
170
171
Sommaire
L’influence du contexte réglementaire sur le développement
des énergies renouvelables
Conclusions et potentiel d’application à la Nouvelle-Calédonie
Disponibilité des données
Conclusion et recommandations
175
182
185
187
LES ÉMISSIONS ET LES RÉDUCTIONS D’ÉMISSIONS
DE GAZ À EFFET DE SERRE EN NOUVELLE-CALÉDONIE
193
La question climatique et les émissions de gaz à effet de serre 195
L’évolution du climat
196
Les autres émissions de gaz à effet de serre
200
Les émissions de GES de la Nouvelle-Calédonie
202
Le captage et le stockage géologique du gaz carbonique
Les grandes orientations technologiques pour réduire le coût
du captage du CO2
Les procédés en cours de développement pour le captage
du CO2 des centrales thermiques
Les procédés de séparation et de captage
Conclusion : ces techniques de piégeage du CO2 sont-elles applicables
à la Nouvelle-Calédonie ?
Conclusion générale concernant le captage du CO2
sur les sites de production d’électricité et de traitement du nickel
en Nouvelle-Calédonie
Comment la Nouvelle-Calédonie pourrait-elle tirer parti
de son contexte géologique en matière de recherche
et d’expérimentation sur les technologies de stockage de CO2 ?
Bref aperçu du contexte géologique de la Nouvelle-Calédonie
Le stockage de CO2 dans les formations géologiques : état de l’art
Comment la Nouvelle-Calédonie peut-elle tirer parti
de son contexte géologique ?
L’intérêt du stockage du CO2 en Australie
Mutualiser l’expérience néo-calédonienne de séquestration
minéralogique du CO2 ?
Conclusion
205
207
208
214
216
218
224
224
227
232
235
236
237
9
10
L’énergie dans le développement de la N.-C.
L’utilisation éventuelle des biomasses ligno-cellulosiques
importées et produites localement pour substituer du charbon
dans la production de nickel
239
Le nickel, une industrie très intensive en carbone
L’intérêt des biomasses ligno-cellulosiques par rapport au charbon
dans les centrales électriques et les usines métallurgiques
La faisabilité technique d’une co-utilisation de charbon
et de biomasses ligno-cellulosiques sèches
Les variations de stocks de carbone dans la végétation
en Nouvelle-Calédonie
Les forêts et l’espace rural : aspects institutionnels et sociaux
La végétation de la Nouvelle-Calédonie
Quelles capacités d’augmentation de stocks de carbone
et quels risques de diminution des stocks moyens
dans ces diverses formations végétales ?
Conséquences par rapport aux engagements demandés aux pays
de l’annexe I sous la Convention climat et sous le protocole de Kyoto
Les inventaires pour déterminer les variations de stocks
Le stockage de carbone dans le bois des constructions
Conclusions - recommandations
239
240
241
244
244
248
255
260
265
268
268
Considérations sur les réductions d’émissions,
notamment via le stockage,
et recommandations pour la Nouvelle-Calédonie
273
Les actions à envisager pour stabiliser les émissions
de gaz à effet de serre
Le suivi des émissions de gaz à effet de serre
La réduction des émissions de gaz à effet de serre d’origine fossile
Recommandations
273
274
274
278
L’INSERTION INTERNATIONALE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
La géopolitique de l’énergie
Demandes énergétiques et stratégies de sécurité
La situation énergétique des États de la région
Les grandes entreprises
281
283
283
294
297
Sommaire
Quels scénarios possibles d’insertion de la Nouvelle-Calédonie
dans la dynamique internationale
de la Convention des Nations unies pour le climat ?
300
Historique et contexte des négociations
La Convention cadre sur le changement climatique
et les obligations des pays l’ayant ratifiée
Le protocole de Kyoto et les obligations des pays l’ayant ratifié
Les perspectives d’évolution post 2012
Les stratégies d’insertion internationale
de la Nouvelle-Calédonie
Les relations internationales de la Nouvelle-Calédonie
Les organisations régionales : l’énergie rattrapée par l’environnement
La coopération bilatérale
La Nouvelle-Calédonie et les négociations internationales sur le climat
Conclusion
Recommandations
QUEL CADRE POUR UNE POLITIQUE DE L’ÉNERGIE
ET DU CLIMAT AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT
DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE ?
Les options techniques, les enjeux, atouts et contraintes
301
307
309
317
321
321
322
324
325
333
334
337
340
342
347
349
L’analyse technico-économique révèle quelques priorités
La question énergétique est liée aux choix d’aménagement du territoire
La problématique foncière doit être prise en compte
Quels moyens d’action pour mettre en œuvre une politique de l’énergie
et du climat ?
350
Quelle gouvernance de ces domaines ?
Quels rôles pour les différents acteurs ? L’approche juridique
Les principaux acteurs du secteur de l’énergie en Nouvelle-Calédonie
La répartition des compétences actuelles des autorités publiques
dans le domaine de l’énergie et de l’environnement industriel
Propositions d’orientations en matière de gouvernance
La coordination dans le domaine de l’énergie
Les renforcements possibles de la capacité de régulation,
dans une perspective d’intégration des dimensions énergie et climat
365
365
366
369
370
371
11
12
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Quel sont les processus d’élaboration des décisions publiques ?
L’approche sociopolitique
Conclusion
Recommandations
374
379
380
EN CONCLUSION, POUR QUATRE OBJECTIFS POSSIBLES,
DES RECOMMANDATIONS SYNTHÉTIQUES
FICHES DE RECOMMANDATION
381
387
Annexes
1
2
3
4
5
6
–
–
–
–
–
–
Lettre de saisine
Cahier des charges de l’expertise collégiale
Présentation du collège des experts
Présentation du comité de suivi
Abréviations
Personnes à remercier pour leur contribution
Chapitres analytiques
447
448
456
459
464
469
(CD-ROM)
Axe 1 – La maîtrise de l’énergie
Coordinatrice : E. Faugère
Experts : M. Abdesselam, R. Darbéra, J.-M. Most
CD-ROM
Axe 2 – Les nouvelles technologies en matière de production
et de stockage d’énergie
Coordinateur : B. Multon
Experts : P. Menanteau, J.-M. Most, A. Riedacker
CD-ROM
Axe 3 – Les émissions et les réductions d’émissions de GES
en Nouvelle-Calédonie
Coordinateur : A. Riedacker
Experts : P. Baby, P. Couteron, J.-M. Most
CD-ROM
Axe 4 – L’insertion internationale de la Nouvelle-Calédonie
Coordinateur : S. Velut
Experts : P. Baby, A. Riedacker
CD-ROM
Axe 5 – Quel cadre pour une politique de l’énergie et du climat
au service du développement de la Nouvelle-Calédonie ?
Coordinateur : Y. Le Bars
Experts : R. Darbera, E. Faugere, L. Grammatico, P. Menanteau,
B. Multon, S. Velut
CD-ROM
Présentation du DEV
et de la collection Expertise collégiale
L’Institut de recherche pour le développement (IRD) s’appuie sur son
Département expertise et valorisation (DEV) pour valoriser les résultats de la
recherche issus de projets scientifiques centrés sur la relation entre l’homme
et son environnement dans la zone intertropicale au bénéfice des pays du
Sud et du monde socio-économique.
L’expertise collégiale est, dans cette perspective, conçue à l’IRD comme
une forme originale de valorisation de la recherche, appuyée sur une méthodologie éprouvée. Le DEV pilote, organise et garantit la qualité de l’ensemble de ses étapes, depuis le traitement de la saisine jusqu’à l’édition du rapport du collège des experts dans la collection IRD « Expertise collégiale ».
Depuis 2001, dix expertises ont été publiées :
D. Fontenille, C. Lagneau, S. Lecollinet, R. Lefait-Robin, M. Setbon, B. Tirel,
A. Yebakima (éd.), 2009 – La lutte antivectorielle en France. Marseille,
IRD Éditions, 536 p.
J. Marie, P. Morand, H. N’Djim, 2007 – Avenir du fleuve Niger. Paris, IRD
Éditions, 288 p.
M.-L. Beauvais, A. Coléno, H. Jourdan, 2006 – Les espèces envahissantes
dans l’archipel néo-calédonien. Paris, IRD Éditions, 260 p.
A.-M. Moulin, J. Orfila, J.-F. Schémann, 2006 – Lutte contre le trachome
en Afrique subsaharienne. Paris, IRD Éditions, 296 p.
J. Guézennec, C. Moretti, J.-C. Simon, 2006 – Substances naturelles en
Polynésie. Paris, IRD Éditions, 302 p.
M. Francois, R. Moreau, B. Sylvander, 2005 – Agriculture biologique en
Martinique. Paris, IRD Éditions, 304 p.
14
L’énergie dans le développement de la N.-C.
R. Coriveau, B. Philippon, A. Yebakima, 2003 – La dengue dans les
départements français d’Amérique. Paris, IRD Éditions, 208 p.
R. Barre, V. Hernandez, J.-B. Meyer, D. Vinck, 2003 – Diasporas scientifiques.
Paris, IRD Éditions, 198 p.
A. Samé-Éboko, E. Fondjo, J.-P. Éouzan, 2001 – Grands travaux et maladies
à vecteurs au Cameroun. Paris, IRD Éditions, 222 p.
J.-P. Carmouze, M. Lucotte, A. Boudou, 2001 – Le mercure en Amazonie.
Paris, IRD Éditions, 494 p.
L’expertise collégiale à l’IRD :
objectifs et méthodes
L’IRD assure au titre de ses missions d’établissement public scientifique et
technologique le « développement d’une capacité d’expertise » (art. L 112-1 c bis
du Code de la recherche, dans le droit français), notamment sous la forme
d’expertises scientifiques collectives dites « expertises collégiales ».
Vu l’amplitude de son objet social (le développement, les Suds, les relations
de l’homme à son environnement dans la zone intertropicale) et son implantation
dans les différentes aires régionales du Sud via ses représentations, l’IRD est
particulièrement appelé à embrasser des problématiques globales complexes
qui, par définition, nécessitent à la fois un recours croisé aux connaissances
les plus récentes et une transmission de celles-ci vers la société et les acteurs
sociaux. L’exercice de l’expertise collégiale s’intègre là pleinement dans les
missions de l’Institut et vient offrir sa plus-value, dans cet espace où doivent
être rassemblés et ordonnés les éléments propres à éclairer la décision dans
la sphère publique.
CE QU’EST L’EXPERTISE COLLÉGIALE À L’IRD
L’expertise collégiale est fondamentalement un exercice original de transfert
de la connaissance scientifique vers la sphère des décideurs et dirigeants (en
bref, ceux dont la fonction est, dans leur institution, de décider ou d’organiser
la décision au profit de la collectivité, sur le fondement d’un mandat ou non),
réalisé en relation avec une question initiale posée par ces derniers. Elle a pour
objet de fournir, à la demande d’un ou plusieurs commanditaires (des autorités publiques, dans la très grande majorité des cas), une analyse scientifique
pluridisciplinaire sur un sujet déterminé à partir d’une revue complète de
l’état de l’art.
Ainsi conçue, elle se traduit toujours par :
une relation contractualisée avec le commanditaire, sur le fondement
d’une liste de questions initiales et d’un financement acquis ;
16
L’énergie dans le développement de la N.-C.
la délimitation d’une question à objet large et à enjeux multiples, d’une
portée nationale ou régionale, qu’une approche monodisciplinaire ne peut
prétendre aborder seule ;
la mise en place d’un collège pluridisciplinaire d’experts issus de communautés scientifiques et d’établissements différents (organismes, universités,
agences), recrutés pour leur compétence individuelle et leur connaissance
avérée de la question abordée ;
une mise en perspective et une retraduction de la question initiale,
appuyées sur un état des lieux (éventuellement déjà réalisé en partie) et des
données disponibles, et sur un traitement pluridisciplinaire ;
la formulation de conclusions et recommandations, destinées à éclairer
voire appuyer la décision ou l’action publique à venir.
L’expertise collégiale est réalisée dans une relation étroite et suivie avec
des processus ou mécanismes de prise de décision, le plus souvent dans
le domaine des « politiques publiques » de la compétence de l’Etat ou
d’autorités régionales ou locales. En cela, elle se différencie de l’activité de
production de la connaissance scientifique stricto sensu. L’indépendance et
la responsabilité solidaire du collège des experts se conjuguent donc avec les
exigences et délais attachés à la demande et au commanditaire.
Elle constitue ainsi une forme originale de valorisation de la recherche,
qui vient autant exploiter les connaissances les plus récentes qu’ouvrir des
pistes nouvelles de recherche à la frontière de plusieurs domaines scientifiques.
La démarche « expertise collégiale » n’est donc pas exclusive mais complémentaire de la réalisation de programmes de recherche, soit en cours, soit à
venir. Les experts qui y participent, chercheurs ou enseignants-chercheurs de
profession dans la très grande majorité des cas, témoignent de la richesse
de l’exercice, au plan professionnel comme personnel.
En somme, l’expertise collégiale contribue véritablement à «faire parler » la
recherche, en l’ancrant dans un contexte où elle vient en réponse à une demande.
LA RECONNAISSANCE D’UN PROJET SE PRÊTANT À EXPERTISE COLLÉGIALE :
CRITÈRES ET MÉTHODE
Le travail essentiel au stade du projet est d’identifier la demande (avérer
ses sources, son objet précis, son contexte, ses porteurs) et de la formaliser
L’expertise collégiale à l’IRD
jusqu’à ce qu’elle se transforme en commande. La demande peut émaner
directement d’une entité qui sera elle-même le bailleur de fonds, ou pas.
Lorsque la demande est latente, les représentants de l’IRD et les chercheurs
de l’IRD affectés sur place apportent un précieux relais et aident le partenaire
à la formuler : ils sont le mieux à même de tirer le meilleur parti de leurs
réseaux locaux (institutionnels, scientifiques, interpersonnels) et de leur
connaissance du terrain.
Lorsque la demande est suffisamment identifiée, le Département expertise
et valorisation de l’IRD l’examine, l’approfondit et la cale dans le processus
« expertise collégiale » au vu de trois critères principaux habituellement
retenus :
identification claire de l’expression du besoin du demandeur et des
processus décisionnels engagés ;
recours jugé central et indispensable à une synthèse de la connaissance
scientifique pour l’éclairage, l’évaluation et l’analyse des politiques publiques
concernées et des enjeux posés ;
existence d’une littérature suffisante (scientifique, publiée ou grise, mais
aussi revues professionnelles, dossiers sectoriels…) et de données consolidées
sur le sujet et accessibles.
Ces points sont vérifiés autant que possible en amont par recoupement
des informations disponibles et exploitation de la bibliométrie. Lorsque l’un
de ces trois critères fait défaut, l’IRD s’accorde le droit de ne pas donner
suite.
LE DÉROULEMENT D’UNE EXPERTISE COLLÉGIALE
Telle que conçue et mise en œuvre à l’IRD, une expertise collégiale relève
d’un modèle méthodologique bien éprouvé, certifié ISO 9001:2000. Elle
s’appuie sur un ensemble de normes, règles et pratiques, que le
Département expertise et valorisation déploie et actualise au gré des travaux
produits.
Le Département expertise et valorisation de l’IRD pilote en propre et
assemble l’ensemble des opérations du processus « expertise collégiale »,
depuis la saisine initiale, le recrutement des experts jusqu’au rendu du rapport
final et à la publication de l’ouvrage.
17
18
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Toute expertise collégiale débute officiellement à compter de la signature
de la convention par les deux parties (IRD, commanditaire). Les accords,
recrutements, installations d’instances, modalités de travail, etc. sont conclus
dans la période qui suit.
Les termes exacts des questions liées à la commande sont définis avec la
plus grande précision par l’organisation, lors de l’« atelier initial », d’un échange
approfondi entre le commanditaire, des représentants des communautés
scientifiques concernées et, éventuellement, les diverses parties prenantes. Il
faut, en effet, objectiver précisément les attendus des uns et des autres et
délimiter clairement ce qui peut être traité d’un point de vue scientifique et
ce qui ne saurait l’être. Certaines questions, sans nul doute cruciales pour la
décision politique, ne peuvent en leurs termes mêmes relever d’une approche
scientifique ; il convient donc de les écarter. De l’autre, néanmoins, il importe
que les experts aient une très bonne connaissance du contexte politique et
des processus décisionnels engagés.
L’expertise est dès lors menée durant une période d’un an par le collège
des experts, sous la responsabilité de son président et de la coordination
scientifique (un coordonnateur par axe thématique). Un comité de suivi
composé des représentants du commanditaire et de ses éventuels partenaires,
est tenu régulièrement informé de l’avancement des travaux. Les observations
qu’il formule sont transmises au collège des experts, qui les examine.
Au terme de l’expertise, douze à quinze mois après la tenue de l’atelier
initial, le rapport final est remis au commanditaire, qui comprend la synthèse
et le texte intégral des contributions des experts. Ce rapport est publié dans
la collection « Expertise collégiale » des éditions de l’IRD.
Avant-propos
Par courrier en date du 17 juin 2008, le Gouvernement de la NouvelleCalédonie et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie
(ADEME), par sa Représentation territoriale, confiaient à l’Institut de recherche
pour le développement (IRD) la réalisation d’une expertise scientifique portant
sur L’énergie dans le développement de la Nouvelle-Calédonie. C’est dans le
cadre d’un instrument et d’une méthode qu’il propose depuis près de dix ans
maintenant à ses partenaires du Sud et de l’outre-mer tropical français, à
savoir l’« expertise collégiale », que l’IRD a conduit ce travail sous le pilotage
de son Département expertise et valorisation.
Au moment où l’IRD redéfinit ses orientations stratégiques et ses priorités
scientifiques et géographiques, ce premier travail du genre consacré à la
question de l’énergie et à ses enjeux mérite d’être relevé, particulièrement
dans le contexte présent de la Nouvelle-Calédonie et des décisions que le
Territoire s’apprête à prendre. L’ambition a été grande en effet, sur ce sujet à
multiples facettes et à la croisée de nombreuses disciplines. Le choix a été fait
avec les autorités commanditaires de couvrir le sujet le plus largement possible,
plutôt que de se limiter à une ou deux dimensions, quitte à ne pas disposer
de la même profondeur de connaissance sur toute la longueur du spectre.
Le collège des experts a, en particulier, jugé nécessaire d’introduire partout où
cela était possible les questions du climat et de la réduction des émissions de
gaz à effet de serre, indissociablement liées à celle de l’énergie stricto sensu.
Rapidement formé au lendemain de la tenue à Nouméa de l’atelier initial
fin octobre 2008, et venu en mission sur le terrain une première fois en
mars 2009, ce collège d’experts pluridisciplinaire a rassemblé des chercheurs,
enseignants-chercheurs et spécialistes issus de communautés scientifiques
a priori éloignées les unes des autres, et d’établissements différents (organismes de recherche, universités, ENS Cachan). Leurs compétences et
connaissances ont été agrégées et mises « en production » sous la présidence
active d’Yves Le Bars, ingénieur général honoraire du génie rural, des eaux
et forêts, pour traiter l’un des cinq axes thématiques inscrits au cahier des
charges de l’expertise.
20
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Lors du même atelier initial, expression d’une démarche authentique
d’association de l’ensemble des parties prenantes voulue par le Gouvernement
de la Nouvelle-Calédonie, un comité de suivi rassemblant les commanditaires
et les parties prenantes concernées par le sujet a été constitué. Réuni à cinq
reprises en près de douze mois, il a été régulièrement informé de l’avancement
du travail du collège des experts pour lui formuler ses observations. Lors de
son ultime réunion, le 16 décembre dernier, il a donné acte de la remise du
rapport.
J’ai aujourd’hui le plaisir de soumettre au lecteur du présent ouvrage le
rapport final de cette expertise collégiale. Outre les contributions intégrales des
auteurs rassemblées sur CD-ROM, le lecteur soucieux d’accéder rapidement aux
conclusions principales de ce travail pourra trouver, au terme de la synthèse,
les recommandations formulées par le collège des experts. Parmi les nombreux
points soulevés par ces recommandations, je veux relever la nécessité pour
la Nouvelle-Calédonie de concevoir un dispositif pérenne et autonome de
formation, de recherche, de veille technologique et d’expertise qui capitalise
les expérimentations et innovations régionales en matière de stockage géologique du CO2 et d’adaptation aux changements climatiques, que le Grand
observatoire de l’environnement et de la biodiversité terrestre et marine du
Pacifique Sud (GOPS) pourrait naturellement appuyer.
Au nom de l’IRD, je souhaite enfin exprimer mes remerciements à l’ensemble
des acteurs et collaborateurs qui ont permis à cette expertise collégiale d’aboutir
dans le temps contraint imparti à cet exercice.
Michel LAURENT
Directeur général de l’IRD
Introduction
LE CONTEXTE DE LA SAISINE :
ÉVOLUTION DE LA QUESTION POSÉE
Dans une première saisine datée du 21 mai 2007, le gouvernement de la
Nouvelle-Calédonie limitait la question posée à l’expertise collégiale au domaine
des énergies renouvelables. Il s’agissait d’apporter aux « acteurs et décideurs
du secteur de l’énergie un outil de travail précieux pour l’élaboration du
projet de schéma de développement équilibré de l’énergie électrique, de la
Programmation pluriannuelle d’investissements pour la production électrique
(PPIPE) et, bien évidemment, pour l’élaboration par Enercal d’un schéma du
transport de l’énergie électrique ».
Le cadre de l’expertise a été par la suite considérablement élargi et enrichi.
À l’issue de l’atelier initial organisé à Nouméa les 15 et 16 octobre 2008 en
présence de l’ensemble des parties prenantes, l’angle choisi a été celui de
« l’énergie dans le développement de la Nouvelle-Calédonie », cela dans la
perspective affirmée de renseigner le plus complètement possible le volet
énergie du Schéma d’aménagement et de développement pour 2025 qui,
conformément à l’article 211 de la loi organique qui régit le Territoire, doit
être adopté fin 2009. Cet ouvrage livre donc un tableau complet des
connaissances scientifiques disponibles permettant de définir la politique de
l’énergie, entendue comme incluant la question des émissions de gaz à effet
de serre, et de hiérarchiser les priorités de l’action des diverses autorités,
collectivités et acteurs dans ces domaines.
Outre les considérations objectives portant sur la nécessité de répondre aux
enjeux croissants de dépendance énergétique et de maîtrise de l’énergie, on
retiendra que cette évolution de la commande résulte de l’excellent dialogue
entretenu entre les autorités publiques de la Nouvelle-Calédonie et l’organisme
de recherche qu’est l’Institut de recherche pour le développement.
22
L’énergie dans le développement de la N.-C.
LES DONNÉES PARTAGÉES PAR LES EXPERTS
SUR LA SITUATION DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
Puisqu’il s’agissait de préparer, en mobilisant le potentiel de la recherche,
les décisions futures en matière de développement, il importait pour les
experts à l’œuvre de bien connaître la situation actuelle du pays sur les plans
économique, énergétique, politique et social. Le bilan énergétique de la
Nouvelle-Calédonie, point de départ de notre expertise, fait l’objet d’un
chapitre à part que le lecteur trouvera dans les pages suivantes.
Au plan économique, rappelons rapidement quelques données, issues
pour une grande part du projet « Nouvelle-Calédonie 2025 » dont les
experts ont tiré largement profit. Un territoire peu dense (10 habitants/km2),
très largement marqué par le développement de la Province Sud et de
l’agglomération nouméenne (60 % du total de la population) qui, à elle seule,
concentre l’essentiel des activités. Un indéniable dynamisme démographique
puisque près de la moitié de la population a moins de 25 ans.
Sur le plan industriel, le secteur du nickel domine l’économie du
Territoire depuis des décennies, avec plus de 95 % des exportations en
valeur, et détermine la plus grande part des besoins énergétiques de la
Nouvelle-Calédonie. Aujourd’hui, on estime que la variabilité économique
du nickel, les évolutions technologiques qui en réduisent l’utilisation (d’ores
et déjà près de la moitié du nickel utilisé par la métallurgie serait du nickel
de recyclage) et la forte dépendance du pays à son égard sont autant de
facteurs de risques qui pourraient être limités par la recherche de voies de
diversification.
La Nouvelle-Calédonie connaît, depuis 1998, une forte croissance
économique avec une augmentation annuelle moyenne du PIB de plus
3,5 % qui a permis la création d’un nombre important d’emplois (plus 4,3 %
par an en moyenne), notamment dans le secteur tertiaire dominant, même
si le pays n’est pas en situation de plein emploi (le chômage touche 7 % de
la population active). Néanmoins, à l’exception des rémunérations les
plus basses, dont le salaire minimum (SMG), qui ont connu une réelle
progression (entre 15 et 20 %), l’ensemble des salaires, du privé comme
du public, ont régressé en francs constants au cours des neuf dernières
années (source : Institut national de la statistique et Direction du travail,
mars 2009).
Introduction
On note aussi la très grande dépendance du pays à l’égard des importations,
y compris dans des domaines aussi essentiels que les produits agricoles et les
énergies fossiles. En Nouvelle-Calédonie, la vie est d’ailleurs particulièrement
chère. Selon l’étude publiée par le cabinet Syndex, en 2009, le taux de
marge d’exploitation du commerce serait passé de 48,6 % en 1998 à 61,1 %
en 2007, largement au-dessus des chiffres métropolitains.
Le secteur public qui représente 34,9 % de l’emploi salarié est largement
impliqué dans le développement, initié ou accompagné dans les provinces
par les sociétés d’économie mixtes provinciales depuis la signature des
Accords de Matignon-Oudinot. Le tissu des entreprises est partagé entre
quelques très grandes entreprises et une multitude de petites entreprises,
sans qu’il n’existe de véritable palier intermédiaire. En dehors du nickel, du
tourisme et de l’aquaculture, l’activité des entreprises calédoniennes est
presque entièrement tournée vers le marché intérieur et subit un ensemble de
contraintes spécifiques, comme l’éloignement et l’insularité, des ressources
insuffisantes en main-d’œuvre qualifiée et une monnaie, le franc pacifique,
très peu reconnue au niveau international.
Une série d’atouts peuvent cependant constituer l’assise du développement
de nouveaux secteurs de la Nouvelle-Calédonie : les ressources naturelles,
l’inscription de son lagon au patrimoine mondial de l’humanité, un tissu
industriel développé, la relative proximité de l’Asie dont le poids économique
est considérable, et la situation dans le Pacifique (les échanges régionaux
avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande tendent à augmenter).
À noter enfin, au plan environnemental, que les moyens alloués en
matière de traitement des déchets, de gestion de l’eau et de l’assainissement,
de la protection de la biodiversité, de la maîtrise de la demande d’énergie et
des énergies renouvelables demeurent encore assez faibles.
Aux plans politique et social, les Accords de Matignon de 1988 ont su
répondre à la question essentielle posée par le problème calédonien : comment
permettre aux Kanaks indépendantistes d’acquérir des lieux de pouvoir
chez eux, où ils sont devenus minoritaires. L’Accord de Nouméa, de 1998, a
systématisé le nouveau modèle en vigueur, d’une originalité sans précédent
dans l’histoire de la République : une démocratie consensuelle au lieu d’une
démocratie majoritaire, un gouvernement composé à la proportionnelle des
groupes du congrès assemblant tous les groupes politiques et un transfert
progressif des compétences de l’État vers la Nouvelle-Calédonie. C’est ainsi
23
24
L’énergie dans le développement de la N.-C.
que depuis dix ans, le gouvernement pluraliste fonctionne suivant ce que le
professeur Jean-Yves Faberon, professeur à l’université de Montpellier,
appelle un « consensus obligé » voulu entre les uns et les autres.
Avec le projet Nouvelle-Calédonie 2025, qui dépasse la mise en œuvre de
l’Accord de Nouméa, le futur schéma d’aménagement et de développement
de la Nouvelle-Calédonie devrait offrir un cadre structurant pour la conception
des politiques publiques. Répétons que c’est bien dans ce cadre que se situe
notre expertise. Mais, actuellement, la définition des compétences faites par
la loi organique pose d’importantes difficultés (insécurité juridique pesant
sur certains textes, discussions complexes sur qui dispose de quelle compétence normative, absence de procédure pour sécuriser ce qui fait pourtant
consensus, etc.). Dans le domaine qui nous intéresse, il existe une relative
ambiguïté sur les responsabilités des différents acteurs puisque l’énergie et
l’environnement concernent à la fois les provinces, certaines municipalités,
le gouvernement de Nouvelle-Calédonie et l’État.
La question foncière est, elle aussi, d‘ordre politique et social. Le statut de
la propriété foncière est complexe, en particulier en raison de la revendication
coutumière sur la terre néo-calédonienne qui fonde l’identité kanak. Sur le
terrain, les experts en ont mesuré la complexité dont il faut nécessairement
tenir compte pour l’accès éventuel aux biomasses forestières pour substituer
les combustibles fossiles ou le stockage de CO2 dans des puits de carbone.
Notons aussi, malgré l’absence d’enquête d’opinion sur le sujet, qu’il n’y a
pas encore de véritable prise de conscience de la contrainte environnementale
et énergétique. Pourtant, la Nouvelle-Calédonie affiche de hautes ambitions,
dans ce domaine, marquées notamment par le récent classement de la
barrière de corail au patrimoine mondial de l’humanité. Des actions ont déjà
été entreprises, comme le travail de sensibilisation mené par l’ADEME et la
Dimenc dans le cadre du CTME sur la haute qualité environnementale (HQE)
dans l’habitat. La jeune université de la Nouvelle-Calédonie, de son côté, a
mis en place un dispositif d’enseignement très orienté vers la formation de
géologues, à destination des employeurs principaux de l’administration et
des entreprises du nickel. Autant dire que le Territoire a un rôle évident à
jouer sur ce plan et a besoin de trouver des alliés. La Nouvelle-Calédonie
pourrait même, en développant ses relations dans ce domaine avec
l’Australie, devenir un laboratoire innovant sur les questions de sécurité
énergétique, d’économies d’énergie et d’énergies renouvelables pour l’ensemble
Introduction
de la région Pacifique Sud, et en retirer des avantages industriels conséquents.
C’est la vocation de la présente expertise collégiale que de contribuer, à son
niveau, à cet ambitieux dessein.
LES CINQ PARTIES DE L’EXPERTISE
Pour apporter des réponses aux principaux enjeux que sont la sécurité
énergétique, la protection de l’environnement (réduction des gaz à effet de
serre notamment) et l’insertion régionale de la Nouvelle-Calédonie à travers
la question énergétique, le collège des experts a élaboré un plan logique en
cinq grandes parties conforme à la liste des questions initiale qui lui a été
soumise. Chacun, sous la responsabilité d’un coordinateur, se structure
lui-même en deux parties : un état des lieux documenté adapté à la question
traitée et des recommandations classées par priorité et par échéance.
Les références de la littérature scientifique et de la littérature grise sur le
sujet peuvent être consultées dans le CD-ROM.
La maîtrise de l’énergie : un enjeu majeur
pour le développement durable de la Nouvelle-Calédonie
et sa sécurité énergétique
En tous lieux, la maîtrise de l’énergie offre une marge de manœuvre
considérable et peut avoir des conséquences importantes sur les autres
composantes d’une politique énergétique. Il était donc légitime d’aborder
l’expertise par ce premier axe en apportant l’ensemble des connaissances du
secteur, en particulier concernant l’efficacité énergétique des équipements
dans le bâtiment (climatisation, notamment). Réduire la consommation
d’énergie suppose aussi une modification des comportements : il y donc lieu
de préciser à la fois le diagnostic, les outils pour agir (éducation à l’environnement et sensibilisation aux écogestes) et les signaux possibles (tarifaire,
réglementaire, fiscal) pour promouvoir la maîtrise de l’énergie.
Les nouvelles technologies
en matière de production et de stockage d’énergie
Il s’agit ici de présenter l’ensemble des nouvelles technologies de
production (marines et terrestres) et de stockage de l’énergie, d’analyser
25
26
L’énergie dans le développement de la N.-C.
leur impact, sur l’emploi notamment, et d’étudier leur faisabilité pour la
Nouvelle-Calédonie, compte tenu des données de milieux et des contraintes
liées à l’occupation du territoire. Dans la partie précédente, on s’intéresse
également au contexte réglementaire dans la mesure où il peut influencer
fortement le développement des énergies renouvelables (solutions et
différenciations tarifaires et fiscales, systèmes d’aide).
La réduction des gaz à effet de serre
et les moyens de compensation
Là aussi, on se propose de recenser toutes les technologies existantes (ou
en recherche) de captage et de stockage de CO2, avec un éclairage particulier
sur les outils d’évaluation du stock. Parmi les moyens de compensation, on
s’intéressera à l’utilisation éventuelle des biomasses forestières pour substituer
des combustibles fossiles (charbon), couplée à la séquestration géologique
dans le cas des sites fortement émetteurs de CO2 (industries, centrales électriques). On traitera également des aspects économiques de la réduction des
émissions de CO2 en évaluant les coûts à moyen et long termes des différentes
options de captage et de stockage.
La géopolitique de l’énergie
et la coopération régionale
Il s’agit ici d’étudier les scénarios d’approvisionnement en combustibles
fossiles et la façon dont ils peuvent affecter la sécurité énergétique de la
Nouvelle-Calédonie. À partir de là, on explorera toutes les dimensions de la
coopération régionale énergétique (échange d’expériences et de compétences,
accès aux ressources). Un éclairage particulier sera apporté aux scénarios
possibles d’insertion de la Nouvelle-Calédonie dans la dynamique internationale de la convention des Nations unies pour le climat, ainsi qu’à l’analyse
juridique des obligations internationales qui y sont liées et à leur impact sur
la gouvernance.
La gouvernance de l’énergie
en Nouvelle-Calédonie
En fonction de tout ce qui précède, quelles peuvent être les responsabilités
des différents acteurs, institutionnels et privés – communes, provinces, congrès,
Introduction
gouvernement, État, producteurs, concessionnaires ? Cet axe s’intéressera à
l’ensemble des aspects juridiques (dispositifs réglementaires), économiques,
fonciers et d’aménagement du territoire des différents scénarios envisagés pour
la politique énergétique de la Nouvelle-Calédonie. On y inclura des propositions
sur la formation et le développement des compétences techniques et
l’amorçage de marchés (par le biais d’incitations à la création d’entreprises)
dans les domaines concernés.
27
La situation énergétique
Le collège des experts a souhaité rassembler et mettre en perspective les
quelques grandes données générales qui suivent et les exposer ici en préalable.
Celles-ci concernent d’une part les évolutions potentielles des consommations
d’énergie dans le monde d’ici 2050, avec ou sans contrainte climatique, et
d’autre part la situation énergétique en Nouvelle-Calédonie. C’est ce fonds
commun de données que les experts ont partagé au moment d’initier leurs
analyses respectives, avant de les prolonger par des investigations spécifiques
complémentaires. Dans ce premier chapitre, nous présentons également un bref
panorama des acteurs, qu’ils soient institutionnels et privés, et des opérateurs
de l’énergie.
LES PERSPECTIVES D’ÉVOLUTION DES CONSOMMATIONS ÉNERGÉTIQUES
DANS LE MONDE D’ICI À 2050
Il est toujours difficile de faire des prévisions. Très souvent, dans le passé,
celles des prévisionnistes ont dépassé les consommations réellement observées par la suite. Pour situer les enjeux, on peut néanmoins s’appuyer sur
deux scénarios extrêmes de modélisation des évolutions probables de ces
consommations obtenus par un laboratoire du Centre national de la recherche
scientifique (CNRS) et de l’université Pierre Mendès France de Grenoble.
Dans le premier, appelé au fil de l’eau, car sans contrainte de réduction des
émissions de gaz à effet de serre (GES), les consommations mondiales de
charbon et de pétrole continueraient d’augmenter fortement pour sans
doute doubler d’ici à 2050. Cela aurait évidemment des effets sur les prix
des combustibles.
Dans le second scénario, destiné à stabiliser le climat en divisant les émissions
mondiales de GES par 2, ces consommations devraient en 2050 être inférieures de 40 % à ce premier scénario et n’atteindre que 13 Gtep au lieu de
23 Gtep1 ! Mais, comme cela ne suffirait pas pour stabiliser les émissions, sur
Gtep : giga tonne équivalent pétrole (milliard de tep), ce qui équivaut (sur la base du Pouvoir calorifique
inférieur – PCI) à 11 600 milliards de kWh ou encore 41,8 EJ (exajoules, milliards de milliards de joules).
1
30
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Scénario « au fil de l’eau »
Scénario de division par deux
des émissions mondiales
22 000
20 000
22 000
20 000
15 000
15 000
10 000
10 000
5 000
5 000
0
2000 2010 2020 2030 2040 2050
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
2000 2010 2020 2030 2040 2050
0
2000 2010 2020 2030 2040 2050
Consommation
mondiale
Énergies
renouvelables
Nucléaire
Charbon
lignite
Gaz naturel
Pétrole
2000 2010 2020 2030 2040 2050
Figure 1
Projections de la consommation mondiale d’énergie d’ici à 2050
(en milliards de tonnes équivalent pétrole)
D’après le modèle Poles (modèle de simulation du système énergétique mondial à l’horizon 2050), pour
un scénario sans contrainte de réductions de GES (à gauche) et pour un scénario ayant pour objectif la
stabilisation du climat (à droite).
Source : Modèle POLES du LEPII (Laboratoire d’économie de la production et de l’intégration internationale pour le Conseil d’analyse stratégique, 2008)
La situation énergétique
les 16 milliards de tonnes CO2 générés par ces combustibles, environ un tiers
devrait être capté à la sortie des grandes chaufferies et stocké dans la croûte
terrestre. Sous ce scénario, les énergies n’émettant pas d’émissions nettes
de CO2 représenteraient 55 % de la fourniture totale d’énergie en 20502.
Notons que depuis la parution de la précédente étude, et la dernière
crise économique, les derniers scénarios (par exemple de l’Agence internationale de l’énergie) n’envisagent plus des croissances de consommation
aussi fortes, prévoyant même la possibilité d’une baisse de la consommation
d’énergie grâce à l’énorme gisement représenté par l’efficacité énergétique.
Dans les pays industrialisés, cette contrainte est encore plus forte. En
France métropolitaine, selon la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant
les orientations de la politique énergétique, ces émissions devront en effet,
à cet horizon, avoir été divisées par quatre. Par ailleurs il faudra arrêter les
déboisements et, si possible, favoriser les boisements de terres non cultivées
tout en produisant des bioénergies3. En somme, le déploiement intensif de
politiques favorisant l’efficacité énergétique et accélérant la pénétration des
énergies renouvelables, associé à l’accroissement du stockage de carbone
(utilisation des espaces ruraux, captage à des coûts acceptables en sortie
des grandes unités de production), pourraient constituer de puissants
accélérateurs de réduction des émissions de GES.
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
La consommation d’énergie : à cinq ans, un doublement des besoins
En Nouvelle-Calédonie, les besoins sont globalement satisfaits par des
moyens relativement traditionnels. L’électricité est produite par des moyens
thermiques à flamme, à turbine ou à combustion interne (fioul, gazole,
charbon), par des moyens hydrauliques et, dans une moindre mesure, par
des éoliennes et des générateurs photovoltaïques. Les besoins en transports
sont satisfaits par des carburants liquides (gazole, essence). Mais, si l’on se
Criqui P., 2009 – Vers une rupture profonde du modèle énergétique mondial, La Documentation
française, Questions internationales Le climat risques et débats, n° 38 juillet-août 2009 : 67-75.
2
3 Dameron V., Barbier C. et Riedacker A., 2005 – Les réductions potentielles d’émissions de CO
2
par des plantations forestières sur des terres agricoles dans le monde à l’horizon 2050, Cahier du
Clip, n° 17 septembre 2005 : 41-91.
31
32
L’énergie dans le développement de la N.-C.
projette dans l’avenir, la problématique devient plus complexe car les
besoins en énergie vont évoluer et nécessiter la mise en œuvre de nouveaux
moyens de production.
Concernant les consommations énergétiques, celle de l’industrie minière
(extraction et métallurgie) représente aujourd’hui environ les deux tiers de la
consommation d’énergie primaire de Nouvelle-Calédonie et cette proportion
va croître considérablement avec la montée en puissance des usines de Vale Inco
(Goro Nickel), puis de Koniambo. L’évolution de la consommation industrielle
risque donc de masquer complètement celle qui est due aux autres usages
et, notamment en matière de maîtrise de l’énergie, cela risque de décourager
les initiatives pourtant indispensables. Pour mieux identifier les objectifs et
les actions spécifiques à ces différents secteurs, nous considérons qu’il est
nécessaire de distinguer les besoins – et, sans doute, les modes de production
associés – de l’industrie minière du reste de l’activité énergétique du pays.
En 2008, la consommation d’énergie primaire en Nouvelle-Calédonie
était d’un peu moins d’un million de tonnes équivalent pétrole (soit 1 Mtep,
mégatep soit 1 million de tep) et l’électricité produite représentait un peu
moins de 2 TWh (1 téraWattheure = 1 milliard de kWh), dont le tiers pour la
distribution publique. En 2007, année pour laquelle on dispose de données
détaillées, la consommation d’énergie primaire incluant la consommation de
charbon énergétique (métallurgie) s’est répartie entre les différentes sources
comme indiqué dans le tableau 1.
Notons qu’avant la construction et la mise en service, en 2008, de la
première tranche de la centrale de Prony Energies, le charbon était utilisé par
la métallurgie pour des usages énergétiques, respectivement 91 et 67 ktep
en 2007 et 2008, et non énergétiques, respectivement 79 et 70 ktep en
2007 et 2008. D’où, en 2008, une émission d’au moins 548 kt de CO2. Les
chiffres 2008 de la consommation de la première tranche de Prony ne
sont pas significatifs car des difficultés de mise en service ont apparemment
conduit à brûler également du fioul et la relation production
d’électricité/consommation de charbon est incertaine.
Lorsque les deux tranches (50 MW chacune, au charbon pulvérisé) de
Prony Energies seront opérationnelles (en 2010, selon les informations
obtenues), la consommation de charbon pour la seule production d’électricité
passera à 360 000 tonnes par an, soit environ 220 ktep primaires et 920 GWh
Tableau 1 – Énergie primaire 2007-2008,
en tonne équivalent pétrole (tep)
Source
Gazole
ktep 2007
191
% du total
% du total
% évolution
2008/2007
210
69
8,6
68
Kérosène
et pétrole
lampant
38
4,7
37
GPL
9
1,1
9
26,4
8,5
4,6
1,1
9,9
-1,5
-2,6
2,8
Fioul
lourd
458
57,1
420
52,8
-8,2
Charbon
énergie4
0
Électricité
primaire
37
Total
802
0
4,6
100,0
10
41,6
998,3
1,3
4,2
99,9
–
13,7
Données 2007-2008, source Dimenc
(le charbon consommé par le processus de production des usines métallurgiques a été retiré).
On appelle charbon « énergie » le charbon qui sert soit à produire de l’électricité, soit à contribuer au réchauffement du minerai dans le
processus de la métallurgie du nickel. Le charbon « non énergie » est utilisé en chimie, comme apporteur de carbone au processus.
4
La situation énergétique
ktep 2008
23,8
Essence
33
34
L’énergie dans le développement de la N.-C.
électriques, qui satisferont les besoins de l’usine de Vale Inco et une partie de
la distribution publique, engendrant ainsi une réduction de la consommation
de fioul lourd.
À plus long terme, vers 2014, le remplacement de la centrale au fioul lourd
de la SLN à Doniambo (4 tranches de 39 MW) par une nouvelle centrale au
charbon à lit fluidisé circulant (LFC) (3 tranches de 70 MW), puis la construction
d’une nouvelle centrale également LFC (2 tranches de 135 MW) avec le
démarrage de l’usine métallurgique de Koniambo dans la Province Nord
augmenteront considérablement la consommation de charbon énergétique
de la Nouvelle-Calédonie. À cette échéance, encore incertaine, la consommation d’énergie primaire de ces deux centrales pourrait s’élever à environ
900 ktep (soit plus de 1 400 000 tonnes de charbon5 supplémentaires par
an, et des émissions augmentant d’au moins 3 600 kt de CO2). Par rapport
à la situation en 2008, cela devrait passer, en dehors des augmentations
possibles des autres postes de consommation (transports, résidentiel), à un
quasi doublement de la consommation d’énergie primaire et à plus que
doubler les émissions de CO2 de la Nouvelle-Calédonie.
En ce qui concerne l’électricité, les seules données obtenues, fournies par
la Direction de l’industrie des mines et de l’énergie de la Nouvelle-Calédonie
(Dimenc), ne permettent pas de connaître le détail de la consommation de
l’agriculture, de la pêche, du tertiaire et des autres industries (l’ensemble de
ces postes de consommation est regroupé dans le secteur « moyenne tension
privé »). La part respective, dans la consommation finale d’énergie, de chacun
des différents secteurs détaillés dans ce tableau ne peut donc être clairement
identifiée. En convertissant en GWh la consommation finale de combustibles
fossiles (1 ktep = 11,6 GWh), on arrive à une consommation finale globale
de 6 900 GWh dans laquelle l’industrie du nickel (mines et métallurgie)
représente 53 % (avant-dernière colonne de droite). La dernière colonne
indique les proportions de la consommation finale, hors industrie du nickel.
Il apparaît alors que les transports pèsent pour 68 % de l’énergie finale. Au
sein de la consommation des transports, la route, l’air et la mer représentant
respectivement 79,16 et 3 % du total.
Si l’on s’intéresse cette fois à la seule consommation finale d’électricité,
l’industrie du nickel en consomme à elle seule 64 % et la distribution publique
5
Pour du coke, on compte environ 0,66 tep/tonne.
La situation énergétique
Tableau 2 – La consommation finale d’énergie
élec : MT privé
Électricité
GWh
Agriculture
Pêche
Autres industries
Total
GWh
% du
total
% hors
nickel
2
242
Tertiaire
Métallurgie
Combustibles
fossiles ktep
2
17
509,75
8
15
---
2
1153
102
2339
36,8
Mines
27
50
608
9,6
Transports
0,0
201
2337
36,8
68,6
Résidentiel
236
7
317
5
9,3
Administrations
139
4
185,5
2,9
5,4
Éclairage public
10
0,0
10
0,2
0,3
4
46,5
0,7
1,4
391
6352,75
Autres
Total
1807
Données 2008, source Dimenc.
les 36 % restant. La consommation de la distribution publique se répartit entre
le secteur résidentiel (55 %), la distribution privée moyenne tension (tertiaires,
autres industries, 24,2 %), les administrations (19,2 %) et l’éclairage public
(1,5 %).
Précisons que la courbe de charge (profil temporel de puissance appelée)
sur le réseau présente deux formes caractéristiques selon la saison : en été,
la courbe croît toute la journée et en hiver elle comprend deux pointes le
matin et le soir. La figure 2, issue du rapport Enerdata, montre deux exemples
des courbes de charge de la distribution publique envisagées pour 2015
(nous ne disposons pas de la courbe de la consommation industrielle, mais,
mis à part des interruptions de process imprévues, elle doit être sensiblement
continue).
35
36
L’énergie dans le développement de la N.-C.
MW
140
Puissance MAX appelée
120
100
80
60
Puissance MIN appelée
40
20
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 Heures
Août 2015
Février 2015
Figure 2
Puissance min. et max. appelées – 2015
(distribution publique)
Données Enercal – Rapport Enerdata, mars 2007.
De toutes ces données, il ressort qu’en Nouvelle-Calédonie les efforts de
maîtrise de la demande en énergie et des émissions de GES devraient être
intensifiés dans les domaines de la métallurgie et des transports.
Précisons également à ce stade que les experts ont tenu compte dans leurs
travaux de l’adoption, préalable au lancement de cette expertise collégiale,
d’un certain nombre de décisions qui engagent l’avenir de la Nouvelle-Calédonie
dans le domaine énergétique : celle de la programmation des trois centrales
thermiques et le choix du charbon pour leur alimentation, ou encore celle
d’un réseau d’électricité interconnecté sur l’ensemble de la Grande Terre.
À ces choix s’ajoutent un certain nombre de souhaits émis par le gouvernement
concernant le développement des énergies renouvelables ou la décision
politique de péréquation des tarifs d’électricité (tout le monde paie le même
prix, indépendamment de l’endroit où il est abonné).
La situation énergétique
Par ailleurs, nous n’oublions pas que la Nouvelle-Calédonie se situe actuellement en dehors du protocole de Kyoto et n’a donc pas à gérer de quota
de ses émissions de gaz à effet de serre. Pourtant, les émissions de la
Nouvelle-Calédonie et des Collectivités d’outre-mer ont augmenté de 63,5 %
(+ 1,8 million de tonnes d’équivalent CO2) entre 1990 et 2007 (cf. « Les
émissions et les réductions d’émissions de gaz à effet de serre en NouvelleCalédonie », p. 00). Dans cet ensemble, 70 à 90 % des émissions de CO2
proviennent vraisemblablement (« à dire d’expert ») de la Nouvelle-Calédonie.
Si l’on tient compte des émissions liées à la production en NouvelleCalédonie des produits exportés, ces données la placeraient parmi les
plus gros émetteurs du monde par habitant. Cela dans un environnement
régional en évolution – l’Australie a ratifié le protocole – et en connaissance
des perspectives d’avancement des négociations internationales sur le climat
qui pourraient impacter l’économie du pays, compte-tenu de sa très forte
dépendance vis-à-vis des importations énergétiques.
Le paysage institutionnel néo-calédonien en matière d’énergie
La Nouvelle-Calédonie n’est plus un Territoire d’outre-mer au sens de
l’article 74 de la Constitution française depuis l’accord de Nouméa de 1998.
Il s’agit d’une collectivité sui generis qui n’appartient à aucune catégorie
préexistante et bénéficie d’institutions conçues pour elle seule6. Elle est
constituée de trois assemblées, dont le Congrès qui en est l’assemblée
délibérante et l’organe législatif. Celui-ci vote les « lois de pays » qui lui sont
présentées par le gouvernement ou qui sont proposées par des élus du
Congrès.
Le Congrès est composé de 54 élus issus des Assemblées des trois
Provinces. Il s’appuie sur des commissions internes, dont l’une a trait à
l’énergie, celle intitulée « Infrastructures publiques et énergie ». Il élit le
gouvernement de la Nouvelle-Calédonie qui est l’organe exécutif. Le
gouvernement comprend des directions administratives dont la Direction de
l’industrie, des mines et de l’énergie de la Nouvelle-Calédonie (Dimenc), qui
a en charge les questions énergétiques (également pour le compte des
Exposé des motifs du projet de loi organique, document de l’Assemblée nationale, n° 1229,
25 novembre 1998 et Jean-Yves Faberon, La nouvelle donne institutionnelle en Nouvelle-Calédonie,
RFDC, 1999.
6
37
38
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Provinces, mais seulement par délégation – cf. « Quel cadre pour une politique
de l’énergie et du climat au service du développement de la NouvelleCalédonie ? », p. 337).
En matière d’énergie, la Dimenc collabore à l’orientation et à la mise en
œuvre de la politique énergétique de la Nouvelle-Calédonie, participe à la
réalisation des études techniques et économiques dans les domaines de
l’énergie ainsi qu’à la promotion des projets permettant d’effectuer des
économies d’énergie ou de développer de nouvelles sources d’énergie,
notamment les énergies renouvelables. Elle est également chargée d’instruire
et de préparer les textes fixant le prix des hydrocarbures liquides, du gaz et
de l’électricité, de contrôler les installations de transport d’énergie électrique
et de prendre en charge le secrétariat du comité de gestion du Fonds d’électrification rurale (FER, environ 800 000 000 francs Pacifique F CFP) et du
Comité territorial pour la maîtrise de l’énergie (CTME). Elle propose les mises
à jour des prix, négocie annuellement avec les trois pétroliers la structure des
prix, réexamine avec Enercal et EEC le prix du kWh, calcule les soldes de
péréquation, étudie en collaboration avec les services les demandes d’autorisations d’installations classées (ICPE), contrôle les installations classées,
contrôle les volucompteurs (pompes des stations services)…
L’Observatoire de l’énergie de la Nouvelle-Calédonie, créé par la délibération n° 378 du 23 avril 2008, adoptée par le Congrès, est l’outil de mise en
œuvre de la politique énergétique de la Nouvelle-Calédonie. Il est intégré au
sein du service énergie de la Dimenc afin de collecter les diverses informations
sur la situation énergétique de la Nouvelle-Calédonie fournies par les acteurs
de l’énergie que sont les importateurs, les producteurs, les transporteurs, les
distributeurs et les consommateurs des différentes énergies. Cette base de
données est un outil d’évaluation et de contrôle des actions visant à la
maîtrise de l’énergie et au développement des énergies renouvelables. Un
comité permanent de l’énergie a par ailleurs été créé par la délibération
précitée et est animé par la Dimenc, qui coordonnera les réflexions sur le
sujet de l’énergie en Nouvelle-Calédonie. Il proposera la mise en place de
groupes de travail et contribuera à définir la politique énergétique du pays.
Il a aussi pour mission d’élaborer le schéma de développement équilibré de
l’énergie, visé à l’article 4 de sa délibération institutive.
À ce jour, il apparaît que la Dimenc travaille essentiellement avec des
données fournies par les industriels et que peu d’études, statistiques et
La situation énergétique
globales, ont été menées sur l’importation des ressources énergétiques, la
production et la distribution sur le territoire des énergies. L’Observatoire de
l’énergie devrait donc, s’il remplit les missions qui lui sont confiées, constituer
une précieuse banque de données à la disposition des décideurs politiques,
des industriels, des associations et des particuliers.
Il existe aussi un outil institutionnel de mise en œuvre des actions de
promotion des énergies renouvelables et de maîtrise de l’énergie de la
Nouvelle-Calédonie, le Fonds de concours pour la maîtrise de l’énergie
(FCME). Celui-ci est alimenté par des participations financières de la
Nouvelle-Calédonie et de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de
l’énergie (ADEME). La part de la Nouvelle-Calédonie émane d’une taxe sur
l’essence, la taxe parafiscale pour les énergies renouvelables (TER). Les actions
susceptibles d’être subventionnées totalement ou partiellement par le FCME
s’inscrivent dans les objectifs généraux d’utilisation rationnelle de l’énergie,
de promotion des énergies renouvelables et d’économie de matières premières énergétiques.
Ces opérations sont financées soit conjointement par l’ADEME et la
Nouvelle-Calédonie, soit en financement propre de la Nouvelle-Calédonie.
Outre ce programme d’opérations adopté annuellement pour un montant
en 2009 de 1 759 800 euros soit 210 000 000 francs Pacifique (F CFP) le FCME
contribue au programme annuel d’électrification rurale en subventionnant
les installations électriques intérieures et les appareils de froid des habitations
alimentées, en site isolé, par un générateur photovoltaïque mis en place
dans le cadre du programme du Fonds d’électrification rurale. La gestion du
FCME relève du Comité territorial pour la maîtrise d’énergie (CTME).
Le CTME apporte, par exemple, son soutien aux marchés de la lampe
basse consommation (LBC) et du chauffe-eau solaire individuel (Cesi), à la mise
en place d’une qualification de performance thermique dans les logements
neufs (Ecocal) et plus anciennement à la filière biocarburant (coprah
d’Ouvéa, tournesol en Province Nord). Parmi les projets aidés, notons encore
l’électrification de particuliers au moyen d’installations photovoltaïques et
éoliennes et l’opération exemplaire concernant la gare de péage de Tina,
équipée depuis juillet 2007 d’une ferme photovoltaïque raccordée au réseau
de distribution, et plus récemment la réalisation de Bilan Carbone +.
39
40
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Les acteurs industriels de la production de nickel
L’économie du nickel est, on le sait, une composante très importante de
l’économie générale de la Nouvelle-Calédonie.
Leader mondial de la production de ferronickel, la Société Le Nickel
(SLN), fondée en 1880 et dont le siège est à Nouméa, est une filiale du
groupe français Eramet. La production de nickel est exportée en totalité,
notamment vers le Japon, la Corée, la Chine et l’Europe.
La SLN dispose de cinq centres miniers, un dans le Sud à Thio et quatre
dans le Nord à Kouaoua, Népoui, Tiébaghi et Poum qui a ouvert fin 2007,
et d’une usine à Doniambo qui pourra produire jusqu’à 72 000 tonnes de
nickel contenu par an. D’autre part, elle sous-traite l’exploitation de deux
mines, l’Étoile du Nord, à Kaala Gomen (Nord), et Opoué (Païta), au Sud.
Son actionnariat est constitué à hauteur de 56 % par Eramet, 34 % par
la STCPI et 10 % par Nisshin Steel, son principal client japonais. La STCPI
(Société territoriale calédonienne de participation industrielle) est composée
de Promosud, le bras financier de la Province Sud qui dispose de 50 % des
parts, de Nordiles, association de la Province des îles Loyauté (à travers la
Sodil, titulaire de 25 % des parts), et de la Province Nord (dont la holding
financière, Sofinor, détient également 25 %). À titre d’information, les
dividendes reçus en 2007 par la STPCI, au titre de 2006, représentaient
2,3 milliards F CFP (19,3 millions d’euros).
Ce projet d’usine pyrométallurgique est géré par la co-entreprise Koniambo
Nickel SAS (KNS) basée en Nouvelle-Calédonie, dont l’actionnariat est
constitué à 51 % par la Société minière du Pacifique sud (SMSP) et 49 % par
Xstrata Nickel. Ce dernier, dont le siège est en Suisse, est un important
groupe minier coté aux bourses de Londres et Zurich.
Quant à la SMSP, elle appartient majoritairement à la Province Nord de
la Nouvelle-Calédonie, via la Sofinor. La SMSP a également d’autres projets
en partenariat avec la Corée du Sud (société Posco). La Sofinor, Société de
financement et d’investissement de la Province Nord, est une société d’économie mixte appartenant à la Province Nord, créée en octobre 1990 pour
procéder à l’acquisition de la SMSP.
La situation énergétique
Vale Inco Nouvelle-Calédonie (anciennement Goro Nickel), du nom de
son partenaire technologique et principal actionnaire, a été créée afin
d’exploiter le gisement du plateau de Goro. Outre Vale Inco (69 %), son
actionnariat est constitué de l’entreprise japonaise Sumic Netherlands Nickel
(21 %), de la Province Sud (5 %) et des Provinces Nord et Îles Loyauté (5 %).
Le démarrage progressif du complexe minier et industriel, actuellement
en construction, a débuté en 2009, avec une production à pleine capacité
prévue en 2013.
Vale Inco Nouvelle-Calédonie a mis à la disposition de la société Prony
Energies (détenue à hauteur de 75 % par Enercal et à 25 % par Elyo, filiale
du Groupe Suez) des terrains nécessaires à la construction d’une centrale
électrique, comprenant 2 tranches de 50 MW, utilisant le charbon comme
combustible. Les besoins énergétiques du projet ne requerront que 50 % de
Tableau 3 – Comparatif des deux projets d’usine
Projet
Koniombo
Goro Nickel
Maître d’ouvrage
Xstrata
(rachat de Falconbridge)
CVRD
(rachat de Inco)
Ressources du massif
(minerai)
150 millions de tonnes
120 millions de tonnes
Teneur en nickel
2,2 %
1,5 %
Procédé de traitement
Pyrométallurgie
Hydrométallurgie
Capacité de production 60 000 t de nickel
par an
60 000 t de nickel
et 5 000 t de cobalt
par an
Coût estimé
300 milliards de F CFP
310 milliards de F CFP
Centrale électrique
(390 MW)
Au charbon et au fioul
(100 MW)
Au charbon
Emplois créés (à terme) 1 000 directs
et 2 500 indirects
800 directs
et 1 700 indirects
Source : La Nouvelle-Calédonie en 2006, IEOM, 2007 ; A. Comoul et J.M. Eberlé, BRGM, avril 2007.
41
42
L’énergie dans le développement de la N.-C.
la production totale d’énergie, l’autre moitié permettrait de répondre aux
besoins de la distribution publique d’électricité en Nouvelle-Calédonie, qui,
sans politique de maitrise, risquent d’être croissants.
La construction de la centrale elle-même est assumée par Prony Energies.
Vale Inco Nouvelle-Calédonie est cependant responsable de la construction
des infrastructures nécessaires à son fonctionnement.
Les opérateurs d’électricité
La société néo-calédonienne d’énergie Enercal a été créée en 1955 avec
pour mission la réalisation de l’aménagement hydroélectrique de Yaté (rivière
de l’est de la Nouvelle-Calédonie) afin d’aider l’industrie française du nickel
à renforcer sa compétitivité sur le plan mondial.
Tout en développant un parc de moyens de production, Enercal est depuis
le 25 août 1972 titulaire de la concession de transport d’énergie de la
Nouvelle-Calédonie. À ce titre, elle est chargée d’assurer l’acheminement et
la répartition de l’énergie électrique sur l’intégralité du territoire. À partir de
1973, Enercal a ajouté à ses activités de producteur et de transporteur
d’énergie électrique, celle de distributeur.
En 2008, le principe de la cession des parts détenues dans Enercal par
l’État et l’Agence française de développement (AFD), posé dès la signature
de l’accord de Nouméa, a été appliqué et, désormais, la Nouvelle-Calédonie
est propriétaire de 54,4 % des parts d’Enercal. Les autres participations sont
détenues par Eramet (16,3 %), EDF (16 %), Elyo (filiale de Suez, 10,8 %) ;
enfin, les communes calédoniennes détiennent collectivement 2,5 % des
parts et, symboliquement, les trois Provinces 0,003 %.
Aujourd’hui, Enercal assure la quasi-totalité de la production d’électricité,
l’intégralité de son transport et sa distribution dans 27 des 33 communes
que compte la Nouvelle-Calédonie (surtout des communes rurales) et qui lui
ont accordé une concession de distribution publique d’électricité.
EEC, société de production et de distribution d’énergie électrique, est
une filiale d’Elyo (elle-même devenue Cofely après sa fusion avec Cofathec)
La situation énergétique
du Groupe Suez. EEC Suez-Gdf intervient en Nouvelle-Calédonie depuis 1929,
date à laquelle elle s’est vue confier, sous la dénomination d’Unelco, la
concession de la production et la distribution de l’énergie électrique de la
ville de Nouméa.
L’actionnaire majeur d’EEC est Suez Energie Services (SES), une des quatre
branches d’activités de Suez.
Aujourd’hui, EEC gère les distributions d’électricité des communes de
Nouméa, Mont-Dore, Dumbéa, Bourail, Kaala-Gomen, Koumac et Lifou
dont elle assure également la maintenance et l’exploitation des installations
de l’éclairage public. L’entreprise est également producteur d’électricité
éolienne avec quelques fermes sur la Grande Terre et à Lifou.
43
La maîtrise de l’énergie :
un enjeu majeur pour
le développement durable
de la Nouvelle-Calédonie
et sa sécurité énergétique
46
L’énergie dans le développement de la N.-C.
La préoccupation d’économie d’énergie, rebaptisée rapidement « Maîtrise
de la demande en énergie » (MDE), est apparue à la suite des chocs pétroliers
au début des années 1970. En France, elle a conduit à la création, en 1974,
de l’Agence pour les économies d’énergie (AEE), puis, en 1982, à celle de
l’Agence française pour la maîtrise de l’énergie (AFME) et, en 1990, à celle
de l’ADEME, née de la fusion de plusieurs organismes dont l’AFME.
Quelle définition de la MDE retenir ? La plus usitée est celle de Gellings
traduite par Kaehler (1993) dans sa thèse de doctorat en énergétique : « La
maîtrise de la demande d’énergie désigne les actions conduites par les pouvoirs
publics et par les producteurs et/ou distributeurs d’énergie, destinées à inciter
et parfois obliger les usagers d’un secteur d’activités à changer leur manière
d’utiliser ou de consommer de l’énergie ». Il s’agit donc bien, dans cette
définition, de politiques publiques qui impulsent une dynamique d’économies
d’énergie dans la société. Dans le contexte politique contemporain où les
appels à la seule responsabilité individuelle sont légion, il est bon de rappeler
l’existence d’une responsabilité des politiques, élus et représentants du peuple.
Désormais, les questions énergétiques ont pris une place croissante dans
les débats publics, en raison du réchauffement climatique, de la perspective
de la fin prochaine de la ressource pétrolière, de l’augmentation des prix du
pétrole, de la prise de conscience environnementale ou encore de l’industrialisation accélérée de pays comme l’Inde et la Chine. Mais, en dépit des
menaces sur l’environnement global qui se confirment année après année,
la poursuite des tendances actuelles selon le paradigme de priorité à l’offre
d’énergie conduit à l’impasse du développement, accentue les inégalités
entre pays riches et pays pauvres et contribue à la fracture sociale.
Pourtant les enjeux de MDE sont majeurs. Les changements de pratiques en
matière d’habitat, de consommation, de transports et de systèmes industriels
constituent non seulement une marge de manœuvre considérable pour la
sécurité énergétique, mais également un potentiel très important en matière
d’économies d’énergie. Certains pays se sont d’ailleurs engagés plus que d’autres
dans cette voie (les pays nordiques, l’Allemagne, l’île de la Réunion, notamment).
Jusqu’à présent, la Nouvelle-Calédonie s’est développée dans le cadre d’une
économie de marché énergétivore, basée sur l’exploitation des ressources
minières et sur l’industrie métallurgique. Mais la création, en 1981, du Comité
territorial pour la maîtrise de l’énergie (CTME) traduit la volonté de s’engager
dans la voie des économies d’énergie et du développement des énergies
renouvelables (ENR). La Nouvelle-Calédonie dispose en effet de nombreux
atouts pour devenir leader dans ces domaines.
L’énergie dans les discours
et les pratiques
ÉTAT DES LIEUX DES DISCOURS ACTUELS
VIS-À-VIS DE L’ÉNERGIE ET DE LA MDE EN NOUVELLE-CALÉDONIE
Les discours actuels vis-à-vis de l’énergie, auxquels on peut avoir accès,
émanent principalement d’acteurs qui ont un intérêt direct pour les questions
énergétiques. En revanche, on ne sait pas grand-chose de ce que dit et
pense la majorité des habitants de Nouvelle-Calédonie puisqu’il n’existe pas
d’enquête sociologique ou anthropologique sur le sujet. Il est néanmoins
possible d’émettre quelques hypothèses élaborées à partir des travaux
anthropologiques sur les questions d’environnement, de mines et de forêts
sèches en Nouvelle-Calédonie, d’une revue de presse que nous avons réalisée
au sein du quotidien Les Nouvelles Calédoniennes, et des discussions que
nous avons eues lors de notre mission du mois de mars 2009 à Nouméa.
La question des pratiques pose des problèmes similaires. En effet, il n’existe
pas davantage d’études décrivant et analysant les pratiques en matière
d’énergie et de MDE des différentes catégories de la population. Si une
enquête de l’Isee sur les modes de consommation des ménages est en cours
au moment de rédiger ce rapport, le travail de cette expertise a souffert d’un
manque de données sur le sujet.
Le discours critique des associations
Les associations écologistes critiquent fortement les choix énergétiques
du gouvernement, accusés de favoriser uniquement les industriels de la mine
au détriment des habitants et de l’environnement, d’être responsables de la
très forte dépendance énergétique de la Nouvelle-Calédonie et d’entraver le
développement des énergies renouvelables et de la MDE pour lequel elles
militent.
L’association Action Biosphère dénonce ainsi une collusion entre l’État
français, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie, les opérateurs d’électricité
48
L’énergie dans le développement de la N.-C.
et les industriels de la mine. Ces derniers bénéficient en effet de tarifs préférentiels pour l’achat de kWh, alors que les ménages, même les plus modestes,
paient l’électricité au prix fort, ce qui, pour l’association, s’apparente à une
subvention déguisée à laquelle s’ajoute encore le cadeau fiscal de la détaxe
du fioul et du charbon à l’importation. Selon Action Biosphère, le prélèvement
d’une somme infime sur la tonne importée de charbon et de fioul permettrait
pourtant d’alimenter un fonds très conséquent ; affecté à l’aide à l’investissement pour le développement des énergies renouvelables (solaire, éolien),
celui-ci permettrait de satisfaire les besoins en électricité des ménages.
Le réseau d’associations et de citoyens écologistes Ensemble pour la
planète (EPLP) pointe, quant à lui, l’extrême dépendance énergétique de la
Nouvelle-Calédonie vis-à-vis des énergies fossiles, liée au choix d’un développement économique uniquement centré sur l’industrie minière et la
métallurgie du nickel. EPLP souligne l’absence de relais politique sur ces questions
énergétiques et brandit la menace d’une crise énergétique majeure à venir, liée
à la raréfaction et à la hausse des prix des énergies fossiles.
Ensemble pour la planète propose de sortir progressivement (dans les
30-40 ans à venir) de cette économie fondée sur le nickel ; de développer
une économie (industrie de transformation locale, tourisme local, agriculture,
sylviculture, recyclage des déchets…) et une production énergétique alternatives ; de doter la Nouvelle-Calédonie d’un véritable plan de maîtrise de la
consommation d’énergie et de développement des énergies renouvelables,
à l’instar de celui de la Réunion ; d’adopter des mesures incitatives (tarif de
rachat du kWh, subventions, prêts à taux réduit) pour permettre à tout un
chacun de produire sa propre électricité ; et, pour les industriels, de compenser
le CO2 qu’ils émettent. Considérant que le développement des énergies
renouvelables doit être un objectif prioritaire, l’association propose également
d’adopter des mesures permettant la mise en place et le développement du
photovoltaïque raccordé au réseau, comme la fixation d’un prix de rachat
incitatif du kWh solaire et des mesures d’aide à l’investissement (70 % du
coût d’une installation photovoltaïque), et de sensibiliser les consommateurs
à la maîtrise de l’énergie.
Le discours de l’association de consommateurs UFC Que Choisir présente des similitudes avec celui des associations écologistes, mais il est moins
radical et moins axé sur la critique du développement minier et de l’industrie
L’énergie dans les discours et les pratiques
métallurgique. En matière énergétique, il se distingue par la place accordée
à la MDE, tant dans le secteur de l’équipement des ménages et des modes
de consommation que de l’habitat.
UFC Que Choisir regrette que la MDE ne soit pas davantage évoquée par
les pouvoirs publics, alors qu’il existe pourtant d’importants gisements
potentiels d’économies d’énergie. Par exemple, avec la mise en place de
tarifs avantageux pour l’électricité la nuit (tranches creuses) et la création de
normes pour l’étiquetage des produits d’équipement des ménages en fonction
de leur rendement électrique.
Quant au développement des énergies renouvelables, il se heurte, selon
l’association, à de fortes résistances locales, tant de la part d’Enercal que du
gouvernement de Nouvelle-Calédonie qui soutient financièrement l’opérateur. En matière d’habitat, il n’existe pas non plus d’incitations en faveur des
économies d’énergie ou de respect des normes HQE, alors que l’habitat
« traditionnel », tant kanak que caldoche, était auparavant bien mieux
adapté au climat.
UFC Que Choisir stigmatise également l’attitude ambivalente des NéoCalédoniens qui dénoncent les choix énergétiques de leur pays, acceptent mal
d’être l’un des plus gros producteur de CO2 de la planète, mais continuent
d’acheter des véhicules polluants comme les 4X4 et surconsomment de
l’électricité (piscine, climatiseurs, etc.). Toutefois, l’association décèle quelques
changements dans la prise de conscience environnementale grâce à la diffusion du film d’Al Gore sur l’effet de serre, qui aurait eu un très fort impact
en Nouvelle-Calédonie, et à internet qui offre aux Néo-Calédoniens une
fenêtre sur le monde. Dans cette évolution, les médias locaux jouent, depuis
une dizaine d’années, un rôle non négligeable.
Participation des médias à la prise de conscience environnementale
Afin de connaître le discours des médias néo-calédoniens sur les questions
énergétiques et la maîtrise de l’énergie, nous avons réalisé une revue de presse
sur le site internet des Nouvelles Calédoniennes sur la période 2002-2009,
à partir des mots-clés « consommation énergie » et « maîtrise énergie ».
Quatre-vingt-dix articles évoquent, d’une manière ou d’une autre, les
questions énergétiques, qu’elles concernent la Nouvelle-Calédonie, des pays
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50
L’énergie dans le développement de la N.-C.
voisins comme le Vanuatu, Samoa, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, ou
l’Europe et les États-Unis. La question des énergies renouvelables vient en
tête des sujets traités, en particulier concernant l’installation de fermes
éoliennes et la relance de la filière coprah à Ouvéa (biomasse), avec une
légère baisse d’intérêt pour les années 2004 à 2006. Vient ensuite le thème
classique de la production d’électricité et de son transport dans le pays,
traité de façon uniquement factuelle. En revanche, à partir d’une recherche
avec les mots-clés « énergie et mines », les articles rencontrés adoptent un
ton plus critique sur les pollutions de l’air émises par la centrale à charbon
de Prony et par l’usine de Doniambo. Viennent ensuite, en troisième position,
des textes sur les questions énergétiques et environnementales en dehors de
la Nouvelle-Calédonie ; si l’année 2002 est, sur ce point, marquée par l’événement du Sommet de la Terre, l’année 2008 voit un intérêt nouveau pour
ce que font les pays du Pacifique Sud en matière d’énergies renouvelables.
En 2007, la diffusion du film d’Al Gore va impulser un intérêt affirmé
pour le réchauffement climatique et l’effet de serre, et va donner lieu à de
nombreuses manifestations et débats. Par contre, la question de la maîtrise de
la demande en énergie n’occupe qu’une place marginale dans Les Nouvelles
Calédoniennes, avec cependant un intérêt soudain, en 2007, lié à l’installation
par EEC de nouveaux compteurs électriques (dits « confort ») chez les particuliers,
permettant de faire des économies d’énergie (on mentionne à cet égard la
construction d’une école respectant les normes HQE à Ducos).
Ambivalence des discours et pratiques des Néo-Calédoniens
Là aussi, en l’absence d’enquêtes sur le sujet, nous nous bornerons à
émettre plusieurs hypothèses qui devront nécessairement être validées
ultérieurement.
On observe tout d’abord l’existence de discours critiques à l’encontre des
pollutions atmosphériques émises par l’usine de Doniambo et le fait d’être
un des plus gros émetteurs de CO2 de la planète semble poser problème aux
Néo-Calédoniens. Ce qui démontre une prise de conscience vis-à-vis des
questions de pollution, de réchauffement climatique et d’effet de serre ;
intérêt corroboré par le succès du film Une vérité qui dérange, largement
diffusé en Nouvelle-Calédonie en décembre 2006. D’ailleurs, les actions de
sensibilisation menées notamment par l’ADEME paraissent plus efficaces
L’énergie dans les discours et les pratiques
lorsqu’elles utilisent le support du cinéma. Autre constatation : il n’y a apparemment pas de problème d’acceptation des éoliennes de la part de la
population et les discours sont généralement très favorables aux énergies
renouvelables.
On observe aussi l’existence de discours critiques devant l’insuffisance,
voire l’absence, de pratiques et de politiques environnementales de la part
des opérateurs miniers et du gouvernement. Les vifs conflits qui ont opposé
les Kanaks au projet de l’usine de Goro Nickel en témoignent amplement.
Mais, dans le même temps, les Néo-Calédoniens s’abstiennent de critiquer
leurs propres modes de consommation énergétivores (achat de 4X4 polluants,
suréquipement, habitat, etc.). On entend même souvent dire que les économies d’énergie dans la distribution publique d’électricité, les modes de
consommation des ménages ou les moyens de transport sont tout à fait
négligeables, et donc inutiles, au regard des dépenses considérables d’énergie
effectuées par l’exploitation des mines.
Précisons tout de même que si l’industrie minière est la cible de nombreuses critiques, le projet d’usine du Nord est cependant bien accepté par la
population, kanak notamment, en raison du développement économique et
de la création des milliers d’emplois qu’elle est censée engendrer, contribuant
ainsi au rééquilibrage entre le Nord et le Sud.
Des préoccupations nouvelles dans les discours des acteurs publics
Un article des Nouvelles Calédoniennes, daté du 11 septembre 2008, rend
compte d’une évolution sensible des politiques gouvernementales en
matière énergétique. En effet, le projet de développement du réseau électrique
pour les sept prochaines années met en avant les énergies renouvelables,
l’autonomie en approvisionnement et les tarifs.
« (…) Les objectifs sont au nombre de quatre : garantir la sécurité de
l’approvisionnement, réduire la dépendance envers l’extérieur, assurer un
prix compétitif et limiter les impacts sur l’environnement. Pour toutes ces
raisons, les énergies renouvelables seront au cœur de la réforme, par le
biais d’une politique volontariste, c’est-à-dire des investissements et une
réglementation qui favoriseront l’éolien, le photovoltaïque et l’énergie
hydraulique. »
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L’énergie dans le développement de la N.-C.
Néanmoins, la question de la MDE occupe encore une place marginale
dans les préoccupations gouvernementales, en dépit du lancement en 2005
de l’opération EcoCal, un projet de maîtrise de l’énergie dans les logements
Néo-Calédoniens.
Les Provinces, quant à elles, sont compétentes en matière d’environnement. La Province Sud a mis en place en mars 2009 un nouveau code de
l’Environnement qui stipule que « les exigences de la protection de l’environnement et de la lutte contre l’intensification de l’effet de serre doivent
être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions
provinciales, en particulier afin de promouvoir le développement durable ».
Il précise également que, « dans le cadre des ICPE soumises à régime
d’autorisation ou de déclaration, des prescriptions peuvent être émises, de
manière générale ou au cas par cas, concernant la maîtrise de l’énergie ou
les émissions de GES (via les notions de meilleure technologie disponibles et
de prescriptions concernant des émissions de polluants) ». Dans cette même
optique, la Stratégie de la Province Sud pour le développement durable,
datée également de mars 2009, comprend un premier axe intitulé
« Lutte contre le changement climatique et réduction de la dépendance
énergétique ». Des actions y sont énoncées dans les domaines du développement des énergies renouvelables, la diminution des émissions de GES
et la mesure et la prévision des répercussions locales du changement
climatique (par exemple, mettre en place un référentiel local d’urbanisme
durable, introduire les ENR dans le logement social (100 % des nouveaux
logements équipés en solaire thermique, promouvoir des opérations
avec du solaire photovoltaïque), étudier l’opportunité d’une taxe carbone
provinciale, etc). Et enfin, les codes des aides à l’investissement en Province
Sud intègrent eux aussi des mesures allant dans le sens de la MDE.
Le discours porté par la Province Nord, moins urbaine et industrialisée
que la Province Sud, s’inscrit clairement dans une logique de développement
durable avec la mise en avant des richesses naturelles, de la biodiversité et
de l’écotourisme. Quant à celui des Iles, il est orienté vers le développement
des énergies renouvelables (éolien notamment) et du coprah avec l’huilerie
d’Ouvéa – qui connaît néanmoins des problèmes de fonctionnement
récurrents en raison des difficultés d’approvisionnement liées aux questions
foncières (cf. « Quel cadre pour une politique de l’énergie et du climat
au service du développement de la Nouvelle-Calédonie ? », p. 337).
L’énergie dans les discours et les pratiques
Notons qu’un schéma de l’énergie est en cours de constitution dans les îles
Loyauté.
La Province Sud abrite les deux tiers de la population de Nouvelle-Calédonie
dans un tissu urbain qui ne cesse de se densifier et qui relie les villes de
Nouméa, Dumbéa, Mont-Dore et Païta. En dépit de l’émergence d’une
intercommunalité en Nouvelle-Calédonie (le syndicat intercommunal du
Grand Nouméa a été créé en 2006), il n’existe pas encore de politique
intercommunale en matière énergétique. Au regard du rythme de développement très rapide du Grand Nouméa, les pouvoirs publics tentent avant
tout de gérer l’urgence en répondant aux besoins primaires d’habitat
(contre la surpopulation et le développement des squats) et de transport,
notamment.
Enfin, l’ADEME, présente depuis 1981 en Nouvelle-Calédonie et qui
dépend directement du gouvernement français, a essentiellement un rôle de
conseil et d’accompagnement dans la mise en œuvre des politiques publiques
dans les domaines de l’environnement, de l’énergie et du développement
durable. Elle participe notamment au Comité territorial pour la maîtrise de
l’énergie qui gère le fonds de Concours pour la maîtrise de l’énergie alimenté
à parité par l’ADEME et le gouvernement de Nouvelle-Calédonie.
Le discours en retrait des opérateurs d’électricité
Les deux opérateurs d’électricité, EEC et Enercal, sont peu motivés par la
maîtrise de la demande en énergie et manifestent un intérêt essentiellement
pour la réduction ou la maîtrise de la pointe. EEC reconnaît des comportements
« gaspilleurs », mais estime que l’évolution des comportements ne relève pas
de ses attributions.
En 2007, EEC a fait réaliser une étude sur la biomasse qui confirme
l’existence d’un potentiel pour des plantations énergétiques, mais souligne
l’absence de volonté politique pour la mise en place d’une telle filière. Dans
un article paru le 1er juillet 2007 dans le magazine en ligne Made’In, son
directeur, Yves Morault, insiste sur la nécessité de développer et d’utiliser
les énergies renouvelables et de s’engager sur la voie de la MDE, domaine
dans lequel, dit-il, « il existe de grandes quantités d’énergie à économiser ».
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L’énergie dans le développement de la N.-C.
ÉTAT DES LIEUX DES PRATIQUES :
LA CONSOMMATION DES MÉNAGES EN MATIÈRE ÉNERGÉTIQUE
La question des pratiques actuelles vis-à-vis de l’énergie renvoie d’abord
aux modes de consommation des ménages, sujet sur lequel nous manquons
cruellement de données, l’enquête de l’Isee ne devant paraître qu’après
notre expertise. Cette enquête quantitative gagnerait d’ailleurs à être suivie
d’une enquête qualitative sur la diversité et la disparité des modes de
consommation des habitants en matière d’énergie.
Elle renvoie aussi aux modes de consommation des acteurs publics et
privés, domaines où les informations font également défaut. Ce qui est, en
revanche, mieux connu, ce sont le contenu des politiques publiques et les
données quantitatives en matière de production et de consommation
d’électricité qui font l’objet du chapitre « La situation énergétique » (p. 29).
Selon les quelques données disponibles (qui, on l’a dit, demandent à être
actualisées), le niveau de consommation, à prix courant, des ménages calédoniens a crû de 34 % entre 1990 et 1997, soit un taux annuel moyen de 4 %,
alors que sur la période, le taux d’inflation annuel moyen avoisinait 2 %. Au
cours de cette période, la structure de la consommation s’est modifiée, la
part des services ayant gagné 4 points, alors que celle des produits industriels
divers s’est réduite. Dans le même temps, le budget consacré à l’énergie
s’est accru passant de 2,5 à près de 4 % des dépenses des ménages.
Selon les Tableaux de l’économie calédonienne (TEC) publiés par l’Isee,
la croissance économique s’est traduite par une amélioration du niveau de
vie moyen de la population, confirmée par plusieurs indicateurs dont l’évolution du taux d’équipement des ménages en biens durables. Les services
sont le principal poste de dépenses et pèsent pour près de la moitié dans la
consommation des ménages. Ils se répartissent à raison de 20 % pour les
produits agro-alimentaires, 20 % pour les produits industriels divers et 7 %
pour les produits énergétiques. La part de l’énergie dans le budget des
ménages est donc passée de 2,5 % en 1990 à 7 % en 2006.
Depuis quelques décennies, les ménages calédoniens se sont rapidement
équipés en électroménager et en biens liés à la consommation. Ainsi, en
2004, ils disposent presque tous d’un réfrigérateur, d’un lave-linge, d’un
congélateur, et plus d’un tiers des ménages possède un ordinateur – avec
L’énergie dans les discours et les pratiques
toutefois de fortes disparités selon les Provinces. La climatisation domestique
a également pris de l’ampleur puisque plus du quart des ménages en est
équipé.
En 2004, 74 % des ménages calédoniens disposent d’au moins une voiture
contre 62 % en 1989 et 6 % possèdent un deux-roues à moteur (à noter
cependant qu’un quart des ménages ne dispose d’aucun moyen de transport
individuel). Enfin, 13 % des ménages ont un bateau à moteur (22 % en
Province Nord où l’activité de pêche est importante).
La consommation en électricité par habitant a été, en 2000, de
2,523 MWh/an dans la Province du Sud, contre 0,745 et 0,603 MWh/an
respectivement dans les Provinces du Nord et des îles. On observe donc des
différences significatives dans la consommation d’électricité entre les habitants de la Province Sud, urbanisée et où les Kanaks sont minoritaires, et
ceux des Provinces Nord et des îles, rurales et peuplées majoritairement de
Kanaks. En 2004, le PIB par habitant dans la Province des îles Loyauté était
inférieur de moitié à celui de la Province Nord, et ce dernier lui-même était
inférieur d’un tiers à celui de la Province Sud.
Les questions de MDE se posent donc avec plus d’acuité en Province Sud
qu’en Province Nord et dans les îles Loyauté, en raison d’un taux d’équipement en biens électroménagers supérieur, de la densité du tissu urbain et
des problèmes de transport, d’habitat et d’urbanisme. Il paraît cependant
important que les Provinces Nord et Iles Loyauté anticipent les évolutions à
venir.
ÉTAT DE L’ART SUR LES DISCOURS ET LES PRATIQUES
EN MATIÈRE DE MAÎTRISE DE LA DEMANDE EN ÉNERGIE
EN DEHORS DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
La maîtrise de l’énergie en France
Les politiques françaises de MDE ont réellement débuté en réaction aux
chocs pétroliers de 1974, puis de 1979. Au départ, l’implication de l’État a donc
été justifiée au nom de la dépendance française au regard de ses approvisionnements énergétiques. Par la suite, les crédits affectés à la maîtrise des
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L’énergie dans le développement de la N.-C.
consommations ont pu viser, de façon conjoncturelle, la relance des activités
du bâtiment. De même, les actions de MDE ont parfois été liées à des politiques
sociales, par exemple pour l’utilisation du Fonds spécial grands travaux pour
la rénovation des logements sociaux.
À partir des années 1990, la motivation environnementale prend de
l’importance – en témoigne la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l’air
et l’utilisation rationnelle de l’énergie – et se trouve renforcée ensuite du fait
des engagements internationaux de la France (par exemple, le protocole de
Kyoto).
Les interventions directes de l’État en faveur de la maîtrise de la demande
en énergie sont pour la plupart aujourd’hui regroupées dans le Plan Climat
qu’il doit soumettre régulièrement à la Commission européenne. Elles sont
construites autour de deux axes principaux : les réglementations et les aides
fiscales.
Les principales réglementations dans le domaine des économies d’énergie sont :
la réglementation thermique (dès 1974) pour tous les nouveaux bâtiments ;
les réglementations sur les chaudières et les installations de combustion, complétées par le Plan national d’allocation des quotas (PNAQ) et par
l’inspection régulière des chaudières et des systèmes de climatisation ;
l’étiquetage des appareils électrodomestiques ;
le changement d’heure saisonnier (heure d’été/heure d’hiver) instauré
en 1975.
Les principales aides fiscales sont :
les crédits d’impôts pour les particuliers pour des investissements améliorant les performances énergétiques des bâtiments ;
la TVA réduite à 5,5 % pour les travaux d’amélioration du parc ancien ;
le régime d’amortissement exceptionnel en faveur des entreprises pour
les matériels destinés à économiser de l’énergie ou à la production d’énergie renouvelable ;
le financement des investissements d’économies d’énergie par crédit-bail.
L’énergie dans les discours et les pratiques
Par ailleurs, l’État a aussi un rôle d’exemplarité et se doit donc de mener des
actions dans ses propres bâtiments et d’adapter ses procédures de commandes
d’équipements. Enfin, il soutient également la recherche dans le domaine de
la maîtrise de l’énergie.
La promotion de la maîtrise de l’énergie est aujourd’hui l’une des cinq
missions confiées à l’ADEME. Dans ses deux dernières grandes campagnes
de sensibilisation, l’agence confirme la place importante des préoccupations
environnementales dans les motivations à promouvoir les économies d’énergie, suivant et influençant à la fois l’opinion sur ce point. Ainsi lors de la
« chasse au gaspi » de la fin des années 1970, le slogan était : « En France,
on n’a pas de pétrole, mais on a des idées. » En 2001, il devient : « Préservez
votre argent. Préservez votre planète », et, en 2004 : « Économies d’énergie,
faisons vite ça chauffe. »
L’ADEME a participé au Grenelle de l’environnement en étant, entre autres,
membre du groupe de travail intitulé « Lutter contre les changements climatiques et maîtriser l’énergie ». À la demande du ministère du Développement
durable (Meddaat), elle est devenue un opérateur clé en charge, notamment,
du fonds Chaleur pour développer la production de chaleur à partir d’énergies
renouvelables, et du fonds Démonstrateur de recherche sur les nouvelles
technologies de l’énergie.
L’ADEME a mis en place un dispositif d’aides à la décision (pré-diagnostic,
étude de faisabilité, accompagnement au montage de projet) et propose des
solutions pour faciliter le financement de projets d’amélioration de l’efficacité
énergétique des entreprises. Elle développe également une politique partenariale pour faire relayer ses efforts et encourager les démarches d’autres
acteurs, tant publics que privés. Enfin, elle lance des appels à projets pour
favoriser l’émergence de nouvelles solutions performantes, puis leur diffusion
et mise sur le marché.
Le dispositif d’aides à la décision existe aussi pour les collectivités, mais il
est orienté sur les questions liées aux bâtiments et vers l’assistance aux maîtres
d’ouvrage. Quant à son rôle auprès des particuliers, il consiste à sensibiliser,
à relayer et/ou diffuser l’information, et à proposer un conseil de proximité
par le biais des Espaces info énergie. Par ailleurs, l’ADEME mène des actions
dans les écoles en faveur de l’éducation à l’environnement.
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L’énergie dans le développement de la N.-C.
La première motivation d’EDF en matière de MDE a été d’optimiser le recours
aux centrales de production en ajustant la demande grâce à une structure
tarifaire basée sur les coûts marginaux, et ce, dès 1954, avec la mise en
place du tarif vert. L’application du principe de la péréquation tarifaire fait
que l’entreprise a intérêt à œuvrer pour la maîtrise des consommations dans
les zones où il lui coûte cher d’acheminer ou de produire de l’électricité.
Par ailleurs, la situation de surcapacité du fait de l’important programme
électronucléaire a paradoxalement encouragé l’amélioration de l’isolation
des logements et des performances du chauffage électrique. Les activités de
MDE ont alors eu des motivations commerciales : gagner des parts de marché
pour un usage concurrentiel de l’énergie. À noter aussi que les activités de
MDE ont été un moyen pour EDF de valoriser son image, notamment pour
contrebalancer les contestations des anti-nucléaires.
À partir de 1993, EDF signe avec l’ADEME des accords-cadres triennaux
qui portent notamment sur la maîtrise de la demande d’électricité. Les actions
réalisées dans ce cadre intègrent à la fois des motivations économiques et
environnementales.
L’ouverture à la concurrence de la vente d’électricité vient ensuite modifier
la donne puisque EDF n’est plus en situation de monopole et que son nouveau
statut lève le principe de spécialité, ce qui l’autorise à diversifier ses activités.
Ses activités de MDE répondent dès lors à deux motivations : la redéfinition
de ses missions de service public et le besoin de se différencier de ses
concurrents en développant des activités de service.
L’action d’EDF est principalement fondée sur le rôle décisif du signal
tarifaire donné au client. La tarification marginaliste vient du fait que l’électricité est un produit non stockable et que les moyens de production sont
utilisés de manière à répondre à la demande instantanée. Or cette demande
est irrégulière, notamment en fonction des heures de la journée et des saisons.
Ces fluctuations sont caractérisées par la courbe de charge du système
électrique qui trace la puissance totale appelée en fonction du temps. La
demande est ainsi traditionnellement découpée en trois domaines : la base
(puissance moyenne appelée plus de 6 000 h/an), la semi-base (durée d’appel
intermédiaire) et la pointe (puissances appelées aux moments critiques). Les
capacités de production sont donc choisies en fonction de la structure de
L’énergie dans les discours et les pratiques
cette charge avec, pour chaque catégorie, des coûts différents, moins élevés
en base et plus élevés en pointe.
La péréquation tarifaire et l’objectif d’accès à l’énergie pour tous conduisent
EDF à réaliser des programmes locaux de maîtrise de la demande en électricité
sous la forme de campagnes d’information et de promotion pour des équipements performants (par exemple, les lampes à basse consommation).
L’entreprise développe également une culture commerciale de la MDE en
proposant à ses clients une offre de services. Pour les entreprises, ce sont les
bilans annuels personnalisés et les conseils éclairage et climatisation ; pour
les collectivités, les offres Citélia avec les diagnostics Optimia ; et pour les
particuliers, des conseils et simulations sur Internet ou par téléphone, les
campagnes Gesteco dans certaines régions pilotes avec un pack MDE, et
l’offre Vivrélec pour les usages thermiques de l’électricité.
EDF dispose enfin d’un important centre de R&D dont un des axes est de
développer de nouvelles technologies performantes pour des procédés
industriels ou pour des équipements pour les ménages.
Pour ces acteurs privés, la motivation principale est, bien sûr, économique.
Dans une moindre mesure peuvent intervenir des motivations environnementales et/ou d’image. Leur objectif est de développer leur activité en
proposant à leurs clients des produits et services.
Certaines associations peuvent aussi jouer un rôle dans les activités de
MDE qui sont souvent associées aux Espaces info énergie ou aux agences
locales de l’énergie. Leurs motivations dépendent de leurs objectifs propres,
mais sont en général de nature environnementale, sociale et/ou citoyenne.
Et enfin, en métropole, les collectivités territoriales sont des acteurs majeurs
en matière de MDE.
Perspectives et enjeux actuels
Au niveau des politiques publiques, il a fallu attendre la ratification par
la France du protocole de Kyoto, en 2000, pour voir s’initier deux nouveaux
programmes annonçant la relance des politiques de maîtrise de l’énergie : le
Plan national de lutte contre le changement climatique (le PNLCC, aujourd’hui
remplacé par le Plan Climat) complété par le Plan national d’amélioration de
l’efficacité énergétique (le PNAEE).
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L’énergie dans le développement de la N.-C.
Cette relance connaît aujourd’hui un second souffle car les questions de
prix des énergies et de sécurité d’approvisionnement reviennent au premier
plan avec la volatilité du prix du pétrole et la perspective de sa raréfaction.
Dans ce contexte, la France suit d’abord les orientations fixées par les différentes
directives européennes. Les principales mesures engagées ont été de renforcer
les crédits d’impôts pour les investissements de maîtrise de l’énergie et le
lancement par l’ADEME d’une nouvelle campagne de sensibilisation (« Faisons
vite ça chauffe »), plus ambitieuse et surtout plus concrète. Le Grenelle de
l’environnement marque, en matière de MDE, une étape importante.
Tout semble ainsi montrer qu’en France les activités de MDE vont connaître
une période faste dans les années à venir, mais les défis à relever sont différents
de ceux de la période d’après les chocs pétroliers de 1973 et 1979 :
inscrire les actions dans la durée et, pour ce faire, intégrer les questions
de maîtrise des consommations dans l’ensemble des processus de décisions ;
soutenir les activités de MDE dans un nouveau contexte de marché
ouvert à la concurrence qui remet en cause la répartition des rôles et les
modes d’intervention possibles ;
structurer les politiques d’actions en s’appuyant sur les différents
niveaux territoriaux ;
développer de nouvelles stratégies (les certificats d’économie d’énergie
en font partie) pour atteindre les gisements diffus qui sont devenus l’enjeu
majeur de la maîtrise des consommations d’énergie et s’attaquer aux
secteurs pour lesquels il est plus difficile d’intervenir (logements anciens,
PME-PMI, etc.).
La maîtrise de l’énergie dans les DOM :
des actions ponctuelles mais d’envergure
Comme les zones rurales, les zones insulaires ont été des terrains propices
aux actions de MDE du fait de la péréquation tarifaire. Ces actions s’y sont
d’autant plus développées que le déficit pour EDF y devenait important, en
particulier dans les départements d’outre-mer. Les actions MDE y ont donc été
un des axes prioritaires des conventions EDF-ADEME car elles constituaient
un terrain où les intérêts des deux acteurs convergeaient.
L’énergie dans les discours et les pratiques
Quelques actions locales de grande envergure ont été réussies, comme la
diffusion de près d’un million de lampes à basse consommation : 150 000 à la
Réunion en 1989, 350 000 en Guadeloupe et 346 000 en Martinique en 1992,
73 000 en Guyane ; des résultats environ 10 fois supérieurs aux opérations
locales de ce type menées en métropole. Autres exemples : la promotion des
chauffe-eau solaires et du label Ecodom pour améliorer les performances
énergétiques des bâtiments neufs.
Sur les vingt dernières années, le développement économique de l’île de
la Réunion s’est accompagné d’une croissance soutenue des consommations
d’énergie dont la demande a été multipliée par 2,5, celle de l’électricité
ayant même quadruplé. Il était donc urgent de mettre en œuvre une politique
régionale très ambitieuse de maîtrise de l’énergie et de recours aux énergies
renouvelables pour la production d’électricité : c’est ce que propose le Plan
régional des énergies renouvelables et d’utilisation rationnelle de l’énergie
(Prerure) qui prévoit la constitution à moyen terme de trois centrales ENR ou
mégawatts, MDE ou mégawatts et stockage. Un deuxième programme
« d’actions opérationnelles pour des résultats visibles sur les dix prochaines
années » vise à réduire le plus possible les besoins en électricité à travers
douze actions fortes qui sont principalement du domaine de la maîtrise de
l’énergie.
La Réglementation thermique DOM (RT DOM), limitée au secteur logement,
peut être un point de départ pour réaliser une RT calédonienne. Elle correspond
en fait à un EcoCal édulcoré, avec des compléments sur les aspects ventilation.
Par ailleurs, pour ce qui concerne le secteur tertiaire, il sera utile de s’inspirer
de la démarche Perene qui, basée sur une étude détaillée du climat réunionnais,
apporte des éclairages intéressants en matière de ratios de consommations
et de référentiels pour les différents secteurs tertiaires. Compte-tenu des
grandes similitudes entre le climat calédonien et le climat réunionnais, certains
résultats sont transposables, mais cela ne dispense pas de la nécessité de
produire des études statistiques ou instrumentées sur les consommations
réelles par secteur et de définir une carte climatique avec des données de
référence par région. Pour simplifier, l’application d’une RT DOM, ainsi que
les démarches logement et tertiaire, devront être homogénéisées en termes
d’indicateurs objectifs à atteindre et développées concomitamment.
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L’énergie dans le développement de la N.-C.
PROPOSITIONS POUR FAIRE ÉVOLUER LES DISCOURS ET LES PRATIQUES
DES NÉO-CALÉDONIENS VERS DAVANTAGE DE MAÎTRISE DE L’ÉNERGIE
Il faut agir au niveau politique d’abord, car c’est là que se situe le principal
levier en matière de MDE. Comment sensibiliser les élus à cet enjeu ? Par des
actions de sensibilisation, de formation, en leur présentant les expériences
existant ailleurs, en leur exposant les finalités et les potentialités, etc.
L’ADEME est peut-être l’acteur le mieux placé pour effectuer ce travail, mais
en Nouvelle-Calédonie elle ne dispose que de moyens limités.
Parallèlement, il faut aussi agir au niveau de l’ensemble des acteurs du
pays. Il conviendrait d’abord de préconiser une enquête anthropologique,
donc qualitative, portant sur les discours et les pratiques des Néo-Calédoniens
en matière d’énergie. Complément indispensable des enquêtes statistiques
de l’Institut de la statistique et des études économiques (Isee), cette approche
qualitative permettrait de comprendre les points de vue des habitants du pays,
leurs choix de consommation, les logiques qui les sous-tendent, leurs attentes,
leurs jugements, etc. On pourrait également préconiser une enquête sur les
discours des différents médias néo-calédoniens sur les questions énergétiques
(revue de presse, journaux télé, émissions de radios, etc.).
La maîtrise de l’énergie dans le domaine
du bâtiment et des équipements
La question de la maîtrise de la demande d’énergie et de l’efficacité
énergétique dans le bâtiment est fondamentale, compte tenu de l’importance des gisements évalués et, surtout, du champ d’action possible. En
effet, grâce à la disponibilité immédiate de technologies et de techniques
matures, le secteur du bâtiment peut contribuer efficacement à résoudre les
défis environnementaux auxquels nous devons faire face. Toutefois, c’est un
secteur réputé lent à évoluer à cause de la durée de vie des bâtiments et de
l’inertie du monde du bâtiment.
ÉTAT DES LIEUX DE LA MDE
DANS LE DOMAINE DU BÂTIMENT ET DES ÉQUIPEMENTS
EN NOUVELLE-CALÉDONIE
Les éléments climatiques
Située en plein océan Pacifique, la Nouvelle-Calédonie se positionne sur
une latitude moyenne de -21,5° et une longitude de -165°. La course solaire
(hauteur et azimut) est quasiment identique à celle de la Réunion (-21° de
latitude sud et 55°30’ de longitude est).
Un observateur en Nouvelle-Calédonie voit le soleil à 12 h une grande
partie de l’année en façade nord, et une autre partie en façade sud (mois de
décembre). Tout au long de l’année, le parcours du soleil s’effectue à une
hauteur relativement élevée.
Le rayonnement moyen journalier annuel est de l’ordre de 5,4 kWh/m2/jour.
En saison chaude, il peut dépasser 7 kWh/m2/jour et, en saison « fraîche »,
il descend un peu plus bas autour de 3,5 kWh/m2/jour. Le rayonnement
diffus contribue de l’ordre de 40 % au rayonnement global reçu. À titre de
comparaison, l’ensoleillement annuel reçu est légèrement plus élevé qu’à la
Réunion et quasiment identique qu’aux Antilles.
64
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Les températures sont particulièrement clémentes en Nouvelle-Calédonie :
une moyenne annuelle de 23 et 24 °C, avec un écart très faible entre la zone
nord et la zone sud de l’île, soit pratiquement la température idéale d’ambiance
pour un être humain.
L’étude du positionnement annuel de l’ensemble des conditions d’ambiance
extérieure dans le diagramme de l’air humide permet de caractériser le
confort thermique en espace extérieur. Le nuage de points est encadré sur
sa valeur par une température minimale absolue de l’ordre de 16 °C, une
température maxima absolue de 33 °C et une humidité relative minimale de
l’ordre de 45 %. Statistiquement, les sources d’inconfort proviennent de
périodes liées à une sensation de fraîcheur (6 % au-dessous de 19 °C), de
chaleur (10 % au-dessous de 28 °C) ou d’excès d’humidité (5 % au-dessus
d’une humidité relative de 95 %). Si l’on exclut ces zones d’inconfort, on
constate qu’un être humain est 83 % du temps dans des conditions de
confort acceptables (à l’ombre).
0,03
60 kj/kg
50 kj/kg
90 kj/kg
100 kj/kg
110 kj/kg
0,025
40 kj/kg
0,75
80 kj/kg
0,02
30 kj/kg
0,015
20 kj/kg
0,01
10 kj/kg
0 kj/kg
0,005
-10 kj/kg
-15
-5
0
5
15
25
35
45
Figure 3
Le confort thermique en espace extérieur
La ligne d’enthalpie maximale du nuage de points est de l’ordre de 85 kJ/kg as. Cette valeur est
significative pour le dimensionnement des installations de climatisation. Elle correspond à un couple
température/humidité de 31 °C pour 70 % d’humidité.
La maîtrise de l’énergie dans le bâtiment
Potentiel et gisement naturel pour couvrir les besoins d’un bâtiment
Le confort hygrothermique est lié à l’influence combinée de la température
de l’air, de la température radiante (en particulier, la surchauffe des parois
générée par les rayonnements solaires), de la vitesse d’air et du niveau
hygrométrique. L’humidité est une contrainte subie qui contrarie la sudation,
c’est-à-dire le processus de réfrigération de l’être humain. En revanche, la
vitesse d’air facilite ce processus et crée une sensation équivalente à une
réduction de 4 à 5 °C de température pour un niveau de vitesse de 1 m/s.
Il est donc important d’aborder l’ensemble de ces données dans l’analyse
climatique.
Les températures élevées sont, bien sûr, fortement corrélées au rayonnement solaire. Cependant, ici, la nature a bien fait les choses, puisque les
heures les plus chaudes correspondent également aux heures les mieux
ventées. La vitesse extérieure du vent est de 5 m/s aux heures les plus chaudes :
on dispose donc, au moment où on en a le besoin, d’un fabuleux potentiel
pour évaluer les apports de chaleur par ventilation naturelle et générer des
vitesses d’air de 1 m/s dans les locaux. Pour évacuer correctement les apports
solaires, un débit de renouvellement d’air de 10 à 15 Volume/heure (Vol/h)
est souhaitable. Compte tenu du niveau de vent, ce type de renouvellement
d’air est relativement facile à obtenir. En général, un ratio d’ouvrant de 3 à 4 %
de surface Shon est suffisant pour évacuer la charge interne des locaux.
En revanche, pour obtenir des vitesses de l’ordre de 1 m/s dans les habitations (pour faciliter le processus de sudation), le challenge est plus difficile.
Le niveau de porosité nécessaire est plus important, de l’ordre de 20 % sur
les façades. Mais le fait de ne pas atteindre ce critère n’est pas déterminant
pour rafraîchir naturellement les locaux puisque la mise en œuvre de brasseurs
d’air permet de pallier une vitesse d’air insuffisante dans les locaux. Notons
d’ailleurs que la consommation électrique de ce type d’appareil (étiquette A)
est très faible comparée à une solution de climatisation.
Comme pour le chauffage, le degré heure climatisation est un indicateur
des besoins théoriques de climatisation. Le débat sur la nécessité ou non de
climatiser doit être abordé par secteurs.
65
66
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Pour le résidentiel, le faible niveau de charges internes (moins de 5 W/m2
en moyenne journalière), combiné à une bonne maîtrise des apports solaires
(par une bonne conception de l’enveloppe selon la démarche Ecocal) permet
de réduire les apports totaux à moins de 40 W/m2.
Pour le tertiaire, les apports internes de la bureautique et de l’éclairage
sont souvent supérieurs à 20 W/m2, compte tenu de la densification de
l’occupation des locaux (1 occupant/10 m2, voire moins). Si l’on ajoute les
apports climatiques, on atteint dans le meilleur des cas des apports totaux
de 50 à 60 W/m2. Avec une ventilation de l’ordre de 15 Vol/h, la surchauffe
moyenne pendant la journée est de l’ordre de 4 à 5 °C. Pour des conditions
de travail acceptables, c’est-à-dire en limitant à 2 °C la surchauffe, outre une
bonne conception bioclimatique, il est nécessaire de réduire la densité de
l’occupation (on se heurte alors au problème du coût du foncier), de travailler
sur la lumière naturelle pour limiter les apports éclairage, d’augmenter
l’efficacité des appareils de bureautique et de prévoir une ventilation naturelle
plus importante. Le niveau de renouvellement de l’air à atteindre est plutôt
de 20 à 30 Vol/h.
Envisager une alternative à la climatisation dans le tertiaire se heurte
malgré tout à trois obstacles : celui de la rentabilité pour l’investisseur, celui
de la productivité des personnes qui y travaillent (la climatisation apporte une
réponse de confort constant, alors que la climatisation naturelle produit un
confort moyen avec des possibilités de dérive quelques heures dans l’année)
et celui des stéréotypes comportementaux (port de la cravate, image positive
de la climatisation).
Dans le secteur de l’enseignement, le profil thermique est impacté essentiellement par l’apport interne dû aux élèves : un élève pour 1,5 m2 en primaire
et un élève pour 2,7 m2 en secondaire, mais sur une plage d’occupation moins
importante que pour le bâtiment tertiaire. Les heures de cours ayant lieu aux
meilleures heures du jour, l’éclairage artificiel – si le bâtiment est bien conçu –
est peu sollicité. L’apport moyen dû à l’occupation pendant la journée est
de l’ordre de 15 W/m2. Avec une bonne ventilation traversante (de 20 Vol/h à
30 Vol/h) et une bonne conception bioclimatique, la surchauffe moyenne peut
être limitée à 2 à 3 °C et procurer des conditions de confort acceptables.
Le besoin énergétique étant conditionné par le profil d’occupation selon
la période de l’année, il est intéressant de questionner l’intérêt d’un décalage
La maîtrise de l’énergie dans le bâtiment
saisonnier des rythmes de vie. En zone tropicale, il est réduit compte tenu
de la faible évolution de la durée du jour au cours de l’année. Cependant,
la Nouvelle-Calédonie se situe à la limite de la zone tropicale humide et la
variation de la durée du jour est appréciable puisqu’il y a 2,6 h entre le jour
le plus court et le jour le plus long.
L’enjeu principal du décalage horaire se situe au moment de la saison
chaude pour récupérer une heure d’ensoleillement naturel le matin et faire
fonctionner une heure de moins la climatisation en fin de journée. Étant
donné que la rentrée scolaire a lieu au moment le plus chaud de l’année, des
établissements commencent à équiper les classes de climatisation. Or, donner
aux élèves une image positive de la climatisation peut avoir des conséquences
catastrophiques, immédiates, en suscitant le désir de retrouver chez soi le
même équipement et, à terme, en créant un nouveau besoin pour de futurs
adultes. La pénétration systématique de la climatisation dans les établissements
d’enseignement est une ligne rouge à ne pas franchir car elle enlèverait toute
crédibilité à des campagnes de sensibilisation aux aspects environnementaux
et d’économie d’énergie.
Certains pays chauds déterminent le niveau d’activité en fonction des
contraintes climatiques. En Nouvelle-Calédonie, les mois les plus chauds
sont également les plus longs en durée de jour. Des activités pourraient donc
adapter leurs horaires pour profiter des heures les plus fraîches et bénéficier
davantage de l’éclairement naturel. Certains prônent ainsi la réhabilitation
de la sieste de l’après-midi (30 minutes en début d’après-midi), à l’instar de
pays, comme le Vietnam, où cette pratique est courante.
Le code vestimentaire a également une influence néfaste en matière de
MDE, notamment lorsqu’il se réfère à la tenue européenne (cravate et veston).
L’action principale du vêtement est de contribuer à « conserver » la chaleur
dégagée par le corps en augmentant la température ambiante autour du corps
d’environ 8 °C, pour une tenue européenne de demi-saison, et de 3 à 4 °C,
pour une tenue tropicale légère.
Il est d’abord économique : effacer les pointes de charge quotidiennes
caractérisées par une utilisation courte de puissances maximales. Le stockage
de froid peut permettre de réduire la puissance d’un groupe frigorifique
67
68
L’énergie dans le développement de la N.-C.
(jusqu’à - 40 %), de réduire également la puissance tarifaire souscrite et
de profiter du tarif des heures creuses du réseau. Sa rentabilité dépend du
système de tarification des puissances de pointe. Quant au bilan environnemental, notamment en émissions de CO2, il dépend de la nature des
moyens mis en œuvre aux heures de pointe pour produire de l’énergie
électrique.
Climatiser en utilisant le soleil, sans consommer de l’énergie fossile, est
désormais possible, mais la filière est loin d’être mature. Les avantages
principaux de la climatisation à absorption solaire sont qu’elle consomme
vingt fois moins que les climatisations traditionnelles et que les fluides utilisés
sont inoffensifs pour l’environnement. Dans ce domaine, la Nouvelle-Calédonie
possède un fort potentiel de développement car le rayonnement solaire y est
très élevé aux heures les plus chaudes.
Il serait particulièrement intéressant de réaliser plusieurs opérations expérimentales afin de mieux cerner les performances réelles d’un tel système
dans les conditions de climat du territoire étudié. Son surcoût, de l’ordre de
50 % par rapport à un système classique, varie selon le niveau de puissance
et sa limite physique est la surface de captation du bâtiment par rapport au
volume à climatiser.
L’éclairage est un poste énergétique important, notamment dans le
tertiaire où les exigences sont élevées. En Nouvelle-Calédonie, le besoin
d’éclairage peut être pourvu en grande partie par la lumière naturelle dont
le gisement est particulièrement important, sous réserve d’une bonne
conception du niveau de couverture.
Le réchauffement à 55 °C d’un m3 d’eau froide nécessite une quantité
d’énergie de l’ordre de 37 kWh par m3 et par jour en Nouvelle-Calédonie,
soit sensiblement 30 % de moins qu’une installation en métropole. Le climat
calédonien permet d’assurer en grande partie les besoins en eau chaude par
une installation solaire. C’est pourquoi, lorsque l’on dispose de surface
suffisamment bien exposée pour produire de l’eau chaude, les pompes à
chaleur sont d’une efficacité moindre qu’un système solaire bien dimensionné,
La maîtrise de l’énergie dans le bâtiment
notamment pour les particuliers. Les seules indications pour l’usage éventuel
de pompes à chaleur sont l’impossibilité d’installation de panneaux solaires
thermiques bien exposés.
Mis à part la cuisson, la plupart des usages domestiques nécessite de
l’énergie sous forme électrique : éclairage, cuisine, ventilation, froid, télévision,
ordinateur, lavage du linge et de la vaisselle, etc. Pour ces deux derniers postes,
le réchauffage de l’eau peut s’effectuer en bonne partie sous forme thermique
solaire. Hors cuisson et chauffage de l'eau chaude sanitaire, l’ensemble de ces
consommations est en métropole de l’ordre de 3 000 kWh par an pour un
ménage. Avec des appareils économes et adaptés au développement durable,
cette consommation peut être réduite à moins de 2 000 kWh par an.
Pour compenser la consommation en énergie fossile de ces appareils
électriques, on peut envisager une production équivalente d’énergie solaire
sous forme photovoltaïque. L’orientation optimale en Nouvelle-Calédonie
est l’orientation nord inclinée à 20°.
Autre mode de compensation de l’énergie d’origine fossile : la production
éolienne en milieu urbain. Avec une vitesse moyenne du vent de l’ordre de
5,5 m/s à Nouméa, on peut envisager une productivité intéressante de l’ordre
de 1 500 à 2 000 kWh/kW (variable selon les marques et les technologies).
Les technologies les plus adaptées à la forte rugosité urbaine sont les
éoliennes à axe vertical qui captent l’énergie turbulente. Néanmoins, pour
développer cette filière, plusieurs obstacles sont à surmonter :
les produits ne sont pas matures en matière de sécurité, de procédures
de certification et de standardisation ;
la rentabilité économique est faible (coût du kWh produit supérieur à
15 c /kWh) ;
au plan local, cela suppose de caler le prix de rachat du kWh par le
réseau et de développer un réseau de professionnels.
Les plaques de cuisson et le four classique utilisent traditionnellement le gaz
ou l’électricité. La source d’énergie actuelle, électrique, étant particulièrement
polluante, on peut facilement envisager d’utiliser l’énergie solaire pour une
69
70
L’énergie dans le développement de la N.-C.
partie de ces usages. Dans tous les cas, le gaz doit être privilégié à la cuisson
électrique compte tenu du contenu en énergie primaire du kWh électrique
(1 kWh électrique équivalant à 3 kWhep). La question de l’organisation
d’une vraie concurrence – ou d’une régulation du marché par les pouvoirs
publics – pour la distribution, s’avère ici être un enjeu fondamental.
D’abord considérée comme un gadget, la cuisine solaire ne se limite plus
à quelques convaincus de l’autoconstruction. L’offre commerciale pour le
particulier commence à s’étoffer dans le monde et il existe également quelques
grands projets de cuisine collective, notamment en Inde, qui ont prouvé
l’efficacité du procédé. Le principe de base – concentrer l’énergie solaire –
se décline selon différents matériels : four, barbecue, autocuiseur, cuisine
vapeur, etc. L’emprise nécessaire pour ce type de système est d’environ 1 m2
orienté horizontalement et légèrement incliné vers le nord selon les saisons.
Pour les petits déplacements urbains, la bicyclette électrique est le mode
de déplacement idéal. Avec une consommation électrique de 10 Wh/km, la
recharge solaire d’une bicyclette pour un déplacement moyen de 30 km
nécessite une quantité d’énergie de 300 Wh, soit la production d’un panneau
photovoltaïque de 1 m2.
Avec une automobile électrique rechargée par une installation photovoltaïque, sur la base d’un parcours quotidien de 40 km et à raison d’une
consommation de 0,15 kWh/km, on obtient une consommation moyenne
journalière de 6 kWh. Une installation de 13 m2 bien orientée, autour de
15° nord, permettra de recharger une voiture électrique en énergie solaire.
L’énergie fossile ainsi économisée est de l’ordre de 3 litres d’essence par jour,
avec une hypothèse de 7 litres/100 km.
Quelle est la surface captante nécessaire
pour obtenir des bâtiments à énergie positive ?
La faisabilité de couverture solaire des différents besoins énergétiques
d’un ménage calédonien (4 personnes, 100 m2), avec un logement bien conçu
sur un plan bioclimatique, aboutit à une surface de captage solaire d’environ
60 m2 pour un ménage fortement équipé (climatisation, 2 voitures). Le même
La maîtrise de l’énergie dans le bâtiment
ménage « sensible au développement durable », équipé d’une seule voiture
et se climatisant naturellement, a besoin d’une surface captante solaire moitié
moindre.
En théorie, une grande partie des besoins peut donc être couverte par
l’énergie solaire ; avec le risque que le modèle actuel d’hyperconsommation
ne nécessite de couvrir la toiture de capteurs solaires et contraigne à une
architecture de plain-pied pour maximiser la captation en toiture…
Même pour un habitat non climatisé, avec un ménage économe, les surfaces
nécessaires sont très importantes au regard des possibilités physiques du parc.
Il est probable que les logements ayant vocation à devenir positifs atteignent
difficilement 50 % du parc. Par conséquent, l’objectif d’une ville à énergie
positive nécessite une révision globale des règles d’urbanisme.
Les possibilités de réduire les apports solaires dans le cadre d’une bonne
conception climatique se situent autour de 40 W/m2. La principale difficulté
réside dans le compromis entre l’apport de lumière pour optimiser les apports
de lumière et la limitation des apports solaires. Les progrès importants dans
les protections solaires et en matière de verre pour filtrer le rayonnement
infrarouge proche permettent d’envisager des transmissions lumineuses
importantes avec un facteur solaire faible.
Pour des locaux conçus sans climatisation, la plus grande difficulté est de
bien les ventiler, notamment pour obtenir des vitesses d’air suffisantes par
ventilation traversante. Il est plus facile d’envisager une bonne évacuation des
apports solaires par ventilation traversante et de compter sur des brasseurs
d’air pour réaliser le niveau de vitesse d’air requis.
ÉTAT DE L’ART DE LA MDE DANS LE DOMAINE DU BÂTIMENT
ET DES ÉQUIPEMENTS, EN DEHORS DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
Les réglementations thermiques en zone intertropicale
En 1999, une stratégie nationale de lutte contre l’effet de serre fixe
l’objectif de produire des bâtiments de meilleure performance énergétique,
au moyen de l’encouragement aux « bonnes pratiques » volontaires dans la
71
72
L’énergie dans le développement de la N.-C.
conception, la construction et l’exploitation des bâtiments, et en intégrant
un standard simple d’exigences minimum de performance dans le Building
code of Australia (BCA).
Selon ce standard, la performance thermique des logements s’obtient
essentiellement par les transferts de chaleur dus à l’enveloppe, tandis que la
priorité est donnée, pour les autres catégories de bâtiments, aux charges
internes, ce qui peut modifier les niveaux d’isolation recommandés.
Les niveaux de performance sont définis par la consommation d’énergie,
son coût et les émissions de CO2, et ramenés aux valeurs unitaires de la
surface de plancher, du nombre d’occupants et du nombre de chambres.
Enfin, une démarche en trois étapes est proposée pour établir les niveaux de
performance requis :
développer une liste de mesures appropriées localement, par consensus d’experts ;
sélectionner les mesures qui sont économiquement performantes ;
déterminer les niveaux de performance sur la base d’exemples qui
incluent ces mesures.
La méthode ASHRAE Standard est également utilisée et adaptée aux
différents pays de l’ASEAN qui doivent répondre aux exigences d'une réglementation thermique basée sur des coefficients globaux de transfert
thermique d'enveloppe dénommés Overall Thermal Transfer Value (OTTV).
La charge de climatisation est ensuite estimée au moyen de degrés-jour.
Au terme d’une dizaine d’années de gestation, la réglementation thermique DOM vient enfin, en avril 2009, de faire l’objet d’un décret ministériel.
Elle prévoit notamment la modification du code de la construction et de
l’habitation (CCH) pour les logements neufs, avec la création d’un chapitre
« Dispositions particulières relatives aux départements de Guadeloupe, Guyane,
Martinique et Réunion » qui définit les principes et orientations et renvoie aux
arrêtés adaptant les réglementations aux spécificités des DOM, en matière
de thermique, d’aération et d’acoustique. L’objectif principal est d’améliorer
la qualité thermique et les performances énergétiques des logements neufs
dans des limites de coûts acceptables.
La maîtrise de l’énergie dans le bâtiment
Le projet d’adaptation définit, dans une première étape réglementaire,
des niveaux d’exigences homogènes aux quatre départements, modulés en
fonction des spécificités climatiques locales (zonage climatique particulier
pour la Réunion). Les exigences sont exprimées en performances par éléments
d’ouvrage (toitures, murs extérieurs, baies, pare-soleil) afin de faciliter l’appropriation par les professionnels et de vérifier la conformité aux niveaux fixés
(avec peu ou pas de calcul).
Caractéristiques thermiques minimales des parois
Le niveau de protection solaire de l’enveloppe est évalué au moyen du
facteur solaire (S) qui traduit la capacité d’une paroi à limiter l’énergie solaire
sous forme de chaleur. Le calcul du facteur S est défini par la formule :
S = (0,074 x Cm x ) / (Rth + 0,20), où Cm est le coefficient de réduction
correspondant aux pare-soleil, le coefficient d’absorption de la paroi dont
les valeurs sont fonction de la couleur et Rth la résistance thermique de la
paroi.
Caractéristiques thermiques minimales des baies
À l’exception des bâtiments d’habitation construits à la Réunion à une
altitude supérieure à 800 m, les baies transparentes ou translucides des
logements en contact avec l’extérieur sont interdites dans le plan des parois
horizontales.
Le niveau de protection solaire des baies est évalué au moyen du facteur
solaire (S) qui traduit sa capacité à limiter l’énergie solaire. Le calcul du facteur prend en compte le type de baie (jalousie, vitrage), la couleur des lames
lorsqu’il y en a, et la présence de pare-soleil. Le facteur solaire S de toutes
les baies en contact avec l’extérieur doit vérifier : S < Smax. Les baies des
pièces de services dont les surfaces sont inférieures à 0,5 m2 sont exclues.
Ventilation de confort et ventilation d’hygiène
Afin d’assurer une vitesse minimale d’air, les logements sont conçus de
telle sorte que les pièces principales puissent être balayées par un ou des flux
d’air provenant de l’extérieur du logement. Ces écoulements d’air doivent
pouvoir transiter dans les parois externes et internes par des baies pouvant
rester en position ouverte et qui participent ainsi à la ventilation naturelle de
confort.
À l’échelle du logement, les ouvertures doivent être prévues sur au moins
deux parois en contact avec l’extérieur ayant des expositions différentes. À
73
74
L’énergie dans le développement de la N.-C.
l’échelle d’un local, les ouvertures sont percées sur des parois opposées ou
latérales.
Le dispositif définit également les surfaces minimales admissibles des
ouvertures des parois en contact avec l’extérieur. Ces « surfaces d’ouverture
libre », exprimées en pourcentage de la surface de la paroi de la pièce, ne
peuvent être inférieures à 1 m2. La surface des ouvertures des parois internes
doit être supérieure à la plus petite des deux surfaces des ouvertures en
contact avec l’extérieur.
Pour permettre de compléter la « ventilation naturelle » lorsqu’elle est
inopérante ou insuffisante, le dispositif prévoit des dispositions relatives aux
brasseurs d’air. En matière de ventilation d’hygiène, la ventilation peut être
assurée pièce par pièce. La cuisine est dans tous les cas pourvue d’une
ouverture sur l’extérieur. Pour les autres pièces de service, si elles ne disposent
pas d’ouvertures suffisantes sur l’extérieur, des débits d’extraction minimum
sont assurés au moyen d’une ventilation mécanique. Dans le cas des logements
climatisés, une disposition d’extraction est imposée pour toutes les pièces de
service.
Équipements
L’eau chaude sanitaire étant obligatoire pour tous les logements neufs,
le dispositif vise le recours aux énergies renouvelables (en particulier les
installations solaires) et, à défaut, il prescrit des principes de production
économes en énergie, excluant notamment les appareils de production
spontanée. Il propose également l’installation de thermostats sur les équipements dans chaque pièce climatisée afin de limiter les consommations
énergétiques.
Les démarches MDE et/ou environnementales dans le bâtiment
La méthode d’évaluation d’un projet consiste à comptabiliser des crédits
basés sur un certain nombre de critères, comme les émissions de CO2 liées
à la consommation d’énergie, la déplétion d’ozone, la valeur écologique du
site, la préservation des ressources naturelles, etc.
La démarche Green Globes Design, dérivée de la méthode BREEAM Green
Leaf, a pour objectif d’intégrer un certain nombre de principes écologiques
La maîtrise de l’énergie dans le bâtiment
dans l’architecture et, cela à travers un protocole d’évaluation qui se présente
sous la forme d’un questionnaire. Elle permet de concevoir un bâtiment efficace
en gestion énergétique et plus sain.
Celle-ci est fondée sur cinq rubriques principales : le développement
durable du site, la gestion de l’eau, l’efficacité énergétique, la sélection des
matériaux et la qualité de l’environnement intérieur. Elle a donné lieu à
plusieurs déclinaisons, dont celle de la méthode indienne Teri’s Green Building
Rating Systems (TGBRS) qui s’intéresse notamment aux moyens de transport
autour du site, à l’éclairage extérieur, à la gestion de l’eau et des déchets et
à la qualité de l’environnement intérieur.
Le référentiel d’exigences de la HQE définit 14 cibles, 7 relevant de la
maîtrise des impacts extérieurs et 7 de la maîtrise des impacts intérieurs. En
outre, trois autres référentiels détaillent en profondeur la démarche au
niveau opérationnel :
la définition explicite de la qualité environnementale (objectifs et indicateurs correspondants pour définir et prioriser les exigences d’un maître
d’ouvrage) ;
le système de management environnemental (ensemble de l’organisation,
des procédures et des pratiques spécifiques à une opération de construction) ;
la certification : les deux procédures de certification mises en place
concernent les bâtiments tertiaires et le secteur du logement. La certification
tertiaire (organisme certificateur Certivea) peut s’appliquer aux zones tropicales
sous réserve d’adaptation, notamment sur la cible énergies.
Jusqu’en 2009, l’absence de réglementation thermique, la restriction de
la réglementation acoustique métropolitaine et le concept de HQE sont à
l’origine de plusieurs outils opérationnels, programmes ou labels, développés
sur les territoires des DOM dans le cadre du Programme régional de maîtrise
de l’énergie (PRME) de la Région d’outre-mer. Un objectif commun guide ces
démarches : améliorer la qualité de la conception, en particulier de l’enveloppe, pour augmenter le confort, diminuer les charges de climatisation et
préparer les acteurs à la future réglementation thermique.
75
76
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Sur le volet MDE, le thème prédominant est la maîtrise du développement de la climatisation dont le taux de croissance est préoccupant. Une
série de démarches et d’outils a été mise en route pour animer les filières
professionnelles et mieux dimensionner les installations (NDLR : on pourra
consulter dans le CD-ROM annexé au rapport un tableau présentant l’ensemble de ces outils).
Les meilleures techniques disponibles et labels sur les équipements
Améliorer le service de l’éclairage public
L’éclairage public représente de l’ordre de 50 % de la consommation électrique des communes. Cette consommation, produite à partir d’énergie
fossile en Nouvelle-Calédonie, génère de fortes émissions de gaz à effet de
serre.
Les impacts environnementaux de l’éclairage public
L’éclairage public participe à la sécurisation de l’espace public et au développement social et économique de nos sociétés. Il n’est, bien entendu, pas
question de remettre en cause ces avantages indéniables, mais d’examiner
ses impacts pour mieux en maîtriser les nuisances environnementales.
Quels sont les impacts environnementaux de l’éclairage public que l’on
retrouve en Nouvelle-Calédonie ?
Impact sur la faune et la flore : fragmentation des écosystèmes par la
création de barrières lumineuses permanentes, reproduction déréglée de
certaines espèces, modification de l’équilibre prédateurs/proies, migrations
altérées pour les oiseaux qui voyagent la plupart du temps la nuit, migrations
stoppées de poissons dues à l’illumination des ponts, etc.
Impact sur la santé des êtres humains : le non-respect du cycle jour/nuit
déséquilibre le cycle circadien et peut être à l’origine de perturbations de
la qualité du sommeil, du fonctionnement hormonal voire de pathologies
plus lourdes.
Développement du halo lumineux qui empêche l’observation du ciel
étoilé.
Émissions de gaz à effet de serre à raison de 800 g CO2 par kWh
consommé, car l’éclairage nécessite de l’électricité.
[…]
La maîtrise de l’énergie dans le bâtiment
suite
[…]
La MDE, une réponse pour tendre vers un développement durable
Seule une démarche de maîtrise de la demande d’électricité (MDE) et de
sobriété énergétique permet de réduire concomitamment la consommation
d’énergie et les nuisances environnementales. Les technologies actuelles
permettent d’évoluer aisément d’un facteur 2 par rapport aux pratiques
habituelles.
La mise en œuvre d’éclairage public à base d’énergies renouvelables est
également très prometteuse surtout en Nouvelle-Calédonie, où le soleil et le
vent sont disponibles toute l’année. Ces technologies, très concurrentielles
dans les zones non électrifiées, demandent encore une maturation économique en zone urbaine électrifiée.
Les gisements en efficacité énergétique sont considérables sur les réseaux
existants. Ils peuvent atteindre 48 %, si l’on remplace les lampes à mercure
par des lampes à sodium (14 %), si l’on régule la tension et si l’on améliore
le cos phi (9 %), si l’on remplace les « vieux » sodium (5 %) et si l’on installe
un variateur de puissance (20 %).
À titre d’exemple, ce type d’actions a permis d’économiser, après la rénovation complète de l’éclairage public, 42 % d’énergie de la ville de Lille. Il est
possible d’aller plus loin encore en engageant des technologies nouvelles,
comme à Biarritz, avec l’opération démonstrative de télégestion et de
sources lumineuses innovantes.
Comment agir en pratique ?
Une mairie ou une collectivité désirant agir sur ses installations d’éclairage
public doit définir d’abord un plan d’aménagement lumière, intégrant la
maîtrise des consommations énergétiques et la protection de l’environnement.
La réflexion sur l’aménagement en lumière est l’occasion de bien clarifier
les compétences de la collectivité en matière d’éclairage public, par la
constitution d’un comité de pilotage et de groupes de travail thématiques
incluant le thème du développement durable et de la MDE. La participation
des usagers et la concertation est une des conditions de réussite du projet
d’aménagement pour bien définir les besoins en éclairage. L’analyse des
besoins doit être complétée par le diagnostic technique et urbain de l’éclairage
public.
[…]
77
78
L’énergie dans le développement de la N.-C.
suite
[…]
Pour réaliser ce diagnostic technique, la collectivité peut s’appuyer sur des
prestataires spécialisés et outillés qui établiront un inventaire complet de
l’état du patrimoine – points lumineux, matériel, lampes, réflecteurs,
ballast, armoires de commandes, horloges, systèmes de télégestion, etc.
L’inventaire doit être complété par des mesures de l’éclairement des voies
et de l’efficacité énergétique.
Une fois les besoins définis, l’établissement d’un cahier des charges pour
définir la réalisation des travaux est une étape essentielle, au cours de laquelle
les aspects de MDE et environnementaux doivent être décrits de façon
explicite et concrète. En particulier, le suivi des objectifs de performances
énergétiques et environnementales doit être basé sur des indicateurs
vérifiables et quantifiables. À cette étape délicate, l’assistance d’un expert
en éclairage public et d’un expert MDE et environnemental apporte la
garantie d’une réussite dans la conduite des opérations.
Dans le secteur résidentiel, les lampes à basse consommation se substituent
lentement et progressivement aux lampes à incandescence. Le climat chaud
est idéal pour leur fonctionnement, comme en atteste le succès des campagnes
de diffusion LBC dans les départements d’outre-mer.
Dans les bureaux, les tubes T8 sont progressivement remplacés par les
tubes T5 plus efficaces. Une bonne conception doit permettre une puissance
installée inférieure à 10 W/m2. Mais ce sont les progrès en matière de
gradation et de détection de présence qui apporteront une économie
d’énergie substantielle. Il est en effet important de corriger le comportement
des usagers qui n’éteignent pas la lumière artificielle, lorsque la lumière
naturelle est suffisante ou lorsqu’ils quittent une pièce.
L’offre commerciale pour le résidentiel commence à s’étoffer et, dans le
secteur tertiaire, de grands projets de bureaux commencent à être équipés
entièrement en LED, cette technologie d’avenir qui équivaut à présent aux
meilleures lampes fluo-compactes, avec l’avantage d’être cinq fois plus
durables. Cette évolution est d’ailleurs loin d’être terminée, d’autant plus
que se profile déjà une autre révolution avec les Oled (Organic light-emitting
diode).
La maîtrise de l’énergie dans le bâtiment
En matière de bureautique, l’écran plat a apporté un énorme progrès
avec une consommation 4 fois moindre que les vieux tubes cathodiques.
L’industrie progresse également en matière de consommation des microprocesseurs et d’alimentation. Mais c’est surtout la gestion des veilles qui
est essentielle, notamment par l’activation de la gestion d’énergie (label
energy star). Par ailleurs, comme pour les autres appareils – photocopieuses,
imprimantes, télécopieurs –, le plus gros gisement d’énergie concerne le
fonctionnement en mode « veille ».
L’étiquette énergie UE, obligatoire pour certains appareils, permet de
classer l’efficacité énergétique, mais donne également d'autres informations
utiles au client, en l'aidant dans son choix entre différents modèles. Ce label
peut servir de support précieux en matière de réglementation ou d’actions
MDE.
En matière d’amélioration des performances, la proposition européenne
sur les veilles domestiques pour les téléviseurs, magnétoscopes ou chaînes
hi-fi, dont l’essentiel de la consommation se situe hors usage permettra de
faire un saut quantitatif en matière d’efficacité énergétique. Les nouvelles
contraintes imposeront, par exemple, que la consommation des appareils en
veille ne dépasse plus 1 Watt d’ici à 2010 (2 Watts, si l’appareil en question
possède un système d’affichage d’informations, tel un écran LCD). Ce
niveau de consommation électrique admissible sera ensuite abaissé à 0,5 W
en 2013 – des mesures qui permettront d’économiser 73 % de l’énergie utilisée en mode veille.
Après une longue stagnation, les groupes froids centralisés progressent
en matière de performance (EER). Les appareils terminaux, notamment les
ventilo-convecteurs, bénéficient en effet de nouvelles technologies de
moteurs à commutation électronique qui permettent de diviser par 3 la
consommation électrique. Pour connaître les réelles performances d’un
équipement, l’organisme Eurovent certifie les performances des climatiseurs,
groupes froid et centrales de traitement d’air.
En matière de fluides frigorifiques, les plus utilisés sont les HFC, inoffensifs
vis-à-vis de la couche d’ozone, mais qui contribuent à l’effet de serre (GWP,
79
80
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Global Warming Potential). Les systèmes traditionnels à eau glacée limitent
la quantité de fluides en mouvement, cependant il n’en est pas de même pour
les VRV techniques en fort développement qui ont un potentiel important
de fuites. En outre, la climatisation individuelle pose la question de la diffusion
et de la récupération de ces fluides en fin de vie. Face à cette problématique,
de « nouveaux » fluides zéro ODP et zéro ou faible GWP apparaissent, comme
l’eau (le R-718 en langage de frigoriste) et le CO2.
Concernant la climatisation solaire, malgré un potentiel de développement
important, force est de constater que toutes les réalisations actuelles demeurent
expérimentales et sont fortement subventionnées. Trois technologies émergent :
les machines à absorption (ratio efficacité/énergie primaire : 0,6 à 0,65 ; coût
1 400 et 600 /kW selon la taille), les machines à absorption simple effet
(ratio : 0,6 à 0,7) et les machines à absorption double effet (ratio : 1 à 1,1 ;
coût 600 et 300 /kW selon la taille).
Le coût d’investissement initial et l’absence d’un réseau de professionnels
sont les freins à lever pour que cette filière se développe. Notons cependant
que le climat de Nouvelle-Calédonie se prête bien à l’application de ce type
de technologie qu’il serait intéressant d’expérimenter.
La RT2005 limite à 0,25 W/(m3/h) d’air véhiculé la consommation des
ventilateurs. Les meilleures technologies permettent actuellement de descendre
en dessous de 0,13 W/(m3/h) avec des moteurs à commutation équipés de
roues et de transmission optimisées. La conception du réseau aéraulique
(limitation des pertes de charges) et la maîtrise des fuites (13 % en moyenne)
sont également déterminantes. Enfin, la modulation des débits grâce à la
variation de vitesse permet d’ajuster précisément les débits aux besoins
détectés par des indicateurs appropriés (sonde humidité, CO2, présence,
niveau d’activité). L’installation d’une commande d’horloge permet aussi des
économies substantielles dans les installations existantes.
Les pompes de circulation d’eau, notamment pour la circulation d’eau
glacée, sont également un gros poste de dépenses électriques. Elles sont
souvent surdimensionnées et fonctionnent en permanence. Le remplacement
des moteurs asynchrones par des moteurs à commutation, couplés à des
aubes optimisées, permet une baisse de la consommation d'électricité
annuelle des circulateurs de l’ordre de 60 % ou plus.
La maîtrise de l’énergie dans le bâtiment
Les démarches environnementales
à l’échelle urbaine
Il n’existe pas à proprement parler de méthodologie développée spécifiquement pour les zones tropicales insulaires, mais deux outils sont néanmoins
transposables pour ce qui concerne l’audit environnement et la conception
durable à l’échelle urbaine.
C’est une méthode développée par l’ADEME depuis 1996 qui permet
d’intégrer les préoccupations environnementales et énergétiques dans les
projets de planification territoriale et d’urbanisme opérationnel. Elle repose sur
une analyse globale du territoire, organisée autour des différentes thématiques
que sont l’énergie, le climat, les déplacements, le bruit, les sites et sols pollués,
la biodiversité et le paysage, les déchets, et l’eau et l’assainissement.
Elle se compose d’un diagnostic pluridisciplinaire puis de préconisations
permettant de répondre aux objectifs du projet, tout en tenant compte des
potentialités et contraintes du site. La méthode constitue un bon outil d’aide
à la décision et permet de bien identifier les différents enjeux avant de se
prononcer sur un futur projet d’aménagement.
Cette méthode de conception élaborée aux Pays-Bas peut être transposée
aux climats tropicaux. Il s’agit d’une démarche qui passe de l’analyse au
concept, à partir de plusieurs thèmes structurants comme le paysage, le sol
et la nature, l’eau, les déplacements, l’énergie et l’archéologie.
Le module de la méthode Bilan Carbone™ de l’ADEME adaptée aux
collectivités territoriales évalue les émissions directes et indirectes de gaz à
effet de serre générées par les activités présentes sur le territoire, concernant
les habitants, les entreprises et les administrations.
Les secteurs d’activités considérés sont l’industrie, le tertiaire, le résidentiel,
l’agriculture et la pêche, et le transport. Les résultats obtenus permettent
d’identifier des actions relatives à l’organisation des activités sur le territoire
étudié : relocalisation de filières de production, organisation des modes
d’échanges, aménagement du territoire, etc.
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82
L’énergie dans le développement de la N.-C.
SB Tool résulte d’une initiative canadienne de 1996 qui consiste en une
méthode fondée sur un tableur composé de trois modules : la définition du
contexte et des pondérations propres au projet, les informations sur le site
et les caractéristiques du projet, et les auto-évaluations basées sur les données
des deux premiers. Un certain nombre d’exigences sont prises en compte,
notamment pour la sélection du site, comme la proximité de lignes de
transports en commun, le respect des densités de développement et de
diversité fonctionnelle, ou la possibilité de solutions alternatives de gestion
de l’eau et de ressources d’énergies renouvelables.
Le système offre un cadre de notations à partir d’une boîte à outils et se
transforme en crédits seulement lorsque l’utilisateur le calibre pour la région
d’application, en pondérant les différents critères. La méthode, modulaire,
est considérée comme flexible, puisqu’elle permet d'intégrer des données de
référence en fonction des valeurs régionales et peut ainsi s'appliquer à une
échelle locale.
PROPOSITIONS D’AMÉLIORATION EN MATIÈRE DE MDE DANS LE DOMAINE
DU BÂTIMENT ET DES ÉQUIPEMENTS EN NOUVELLE-CALÉDONIE
Les outils de l’efficacité énergétique7
Différents modes de communication peuvent être mis en œuvre : des
campagnes grand public (par exemple, des spots publicitaires), la sensibilisation en milieu scolaire, les incitations fiscales, l’organisation de séminaires
et salons sur les économies d’énergies, une campagne de sensibilisation à
destination de certains secteurs ou maîtres d’ouvrage, des visites d’opérations
exemplaires, des voyages d’études, etc.
Un deuxième niveau d’information consiste à aller sur le terrain de la
raison. Il s’agit de montrer, preuves à l’appui, que les intérêts de la collectivité
et du décideur final coïncident, lorsque ce dernier propose des solutions
Pour les pistes d’action pour améliorer l’efficacité énergétique, se reporter aux tableaux synthétiques
du CD-ROM : « La maîtrise de l’énergie en Nouvelle-Calédonie ».
7
La maîtrise de l’énergie dans le bâtiment
permettant des économies d’investissement et de fonctionnement ou des
solutions à moindre coût de fonctionnement, mais nécessitant un surinvestissement initial.
Pour sa diffusion, ce type d’information peut utiliser des fiches ou brochures,
des argumentaires économiques et techniques, des guides de conception,
des opérations de démonstration, des émissions ou reportages thématiques
audiovisuels, etc.
Pour engager un réel mouvement dans un marché et créer des conditions
de compétitivité sur des nouvelles filières, il est nécessaire dans un premier
temps de combler tout ou partie du surcoût d’une action de maîtrise de
l’énergie. Les incitations peuvent être d’ordre financier pour l’aide à la
décision ou pour supporter une partie du surinvestissement, tarifaire ou
indirecte par la mise en place de labels permettant éventuellement d’obtenir
des compensations. Ces incitations n’ont en général pas vocation à perdurer
au-delà de l’atteinte d’une certaine maturité de marché devenu concurrentiel.
La puissance publique peut imposer aux concepteurs de bâtiments l’obligation de respecter des règles de conception précises, interdire certaines
catégories d’appareils et prescrire des comportements (consignes de climatisation). C’est le monde d’action le plus efficace car il s’impose à tous. Ce
type de démarche nécessite de faire la preuve de la pertinence économique
des règles imposées et requiert un consensus des acteurs impliqués : il s’agit
souvent d’entériner des bonnes pratiques et de les imposer au plus grand
nombre. On peut aussi inciter les maîtres d’ouvrages à investir dans des
actions de MDE par l’obligation d’un affichage énergétique, attesté par un
diagnostic de performance énergétique.
La réglementation thermique8 : une étape fondamentale
La colonne vertébrale d’une politique de maîtrise de l’énergie repose sur
la mise en place d’une réglementation thermique. Le chantier d’une régleUn tableau présentant les différentes étapes du chantier d’une réglementation figure dans le
CD-ROM : « La maîtrise de l’énergie en Nouvelle-Calédonie ».
8
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L’énergie dans le développement de la N.-C.
mentation nécessite une connaissance précise des tenants et aboutissants,
c’est-à-dire du climat, des consommations, des consommateurs et des
acteurs. Cette connaissance fine, traduite en indicateurs et en niveaux de
référence à atteindre, constitue un référentiel pour toutes les actions à
entreprendre, y compris pour les labels ou certifications. Par exemple, le
label Bâtiment basse consommation (BBC) se définit comme un niveau de
consommation 50 % moindre que le niveau de référence imposé par la
réglementation. C’est donc un instrument incontournable qui oblige à
déterminer des objectifs clairs et précis sur le long terme.
Les actions transversales
C’est à l’échelle urbaine que se joue une bonne partie des enjeux énergétiques globaux. Une conception urbaine, non attentive aux problématiques
MDE et environnementale, peut obérer considérablement le développement
de solutions environnementales. La définition du plan d’urbanisme directeur
(PUD), la détermination des master-plans et la définition des morphologies
et volumes doivent être accompagnées par des spécialistes.
Pour n’occulter aucun enjeu et traiter les problématiques dans leur
intégralité, nous recommandons deux actions :
l’élaboration d’un guide pointant les problématiques environnementales
particulières de la Nouvelle-Calédonie à l’échelle urbaine ;
la mise au point de cahiers des charges types pour mieux prendre en
compte le volet environnemental à l’échelle urbaine et les études préalables
à réaliser : bilan carbone, simulation du vent dans le contexte urbain pour
optimiser la ventilation traversante, simulation de l’ensoleillement, optimisation
des surfaces captantes pour le photovoltaïque, simulation pour le développement de l’éolien urbain.
La taille de la Nouvelle-Calédonie ne lui permet pas d’avoir des compétences
techniques pointues dans tous les domaines couverts par la MDE ou l’approche
environnementale du bâtiment. Pour réduire ce frein au développement de
l’efficacité énergétique, une évaluation des besoins de formation en matière
de maîtrise de l’énergie et d’énergies renouvelables doit être réalisée.
La maîtrise de l’énergie dans le bâtiment
L’absence de compétences dans certains domaines pourra être vite comblée,
à partir du moment où une demande émergera (par exemple, sur des audits
énergétiques). Une fois ce besoin connu, des formations ad hoc, en partie
subventionnées, ont été organisées en partenariat avec le CTME et les acteurs
importants du secteur (par exemple, une formation HQE).
85
Le potentiel d’efficacité énergétique
des systèmes industriels
et la valorisation des déchets
L’accroissement de l’efficacité énergétique des systèmes industriels est
un enjeu important pour les prochaines années. L’objectif est de réduire les
émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et de préserver les réserves
en combustibles fossiles, grâce à la diminution de la demande énergétique.
Pour cela, les gisements d’énergie doivent être identifiés, évalués puis valorisés
grâce à une méthodologie adaptée et une approche des procédés dans leur
globalité.
POUR UN ACCROISSEMENT DE LA MAÎTRISE DE L’ÉNERGIE
DANS LE DOMAINE INDUSTRIEL
Les objectifs du paquet énergie-climat
Les scénarios de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) montrent que
l’essentiel du potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre, à
l’horizon 2030, repose pour 29 % en moyenne sur les actions à mener en
matière d’efficacité énergétique pour la demande en électricité, et pour
36 % sur les gains obtenus sur la combustion de carbone fossile. Le paquet
énergie-climat a repris ces constatations et s’est fixé comme premier objectif
un gain de 20 % de l’efficacité énergétique des systèmes industriels afin de
réduire proportionnellement les émissions de CO2, à l’horizon 2020, grâce à
une diminution de la consommation d’énergie.
Notons que l’amélioration de l’efficacité énergétique du secteur industriel
était de l’ordre de 2 à 3 % par an jusqu’en 1990, mais qu’il n’est plus que
de 1 % par an depuis cette date. Autrement dit, les industriels ont développé
un effort continu et important sur le gain d’efficacité, mais aujourd’hui, sans
rupture technologique dans l’exploitation de leurs procédés, les objectifs
fixés par le plan énergie-climat ne pourront pas être atteints.
Le potentiel d’efficacité énergétique
De nombreuses actions de recherche
sont en cours ou à venir
Pour atteindre les objectifs de Kyoto, de nombreuses actions de
recherche se développent dans le monde, en particulier en France, où
l’Agence nationale de la recherche (ANR) a lancé, au printemps 2009, un
programme thématique de recherche sur « L’efficacité énergétique et la
réduction des émissions de CO2 dans les systèmes industriels (EESI) ». Cette
réduction doit s’accompagner d’une diminution des coûts de fonctionnement
et de la préservation de la ressource, d’où au final une économie pour le
client. La mise en place de ces objectifs va générer un challenge technologique
important susceptible de modifier profondément les modes de consommation
énergétique.
La réponse des industriels
Près de 70 % de l’énergie finale consommée par le secteur industriel sont
destinés à couvrir des besoins en chaleur (chaudières, fours, séchage, chauffage),
le reste relève pour l’essentiel de l’usage non thermique de l’électricité.
Le gisement d’économies d’énergie est important, notamment sur les
fours, les chaudières, les sécheurs, les moteurs électriques et thermiques et
les procédés. Le taux de renouvellement d’équipements industriels qui est
d’environ de 5 à 6 % par an, confère à ce secteur des perspectives importantes d’innovation et de gain en matière d’efficacité énergétique. Ce qui
devrait permettre de remettre en cause des concepts de base, en intégrant
des ruptures technologiques, et de revisiter des procédés en effectuant des
analyses exhaustives des principales filières. Les technologies innovantes et
leur transfert à l’industrie sont potentiellement source de valeur ajoutée et
d’activités industrielles nouvelles.
Trois leviers d’action permettent de réduire les émissions de CO2 dans
l’industrie :
l’amélioration de l’efficacité énergétique des procédés, la valorisation
des déchets et l’identification de nouvelles sources d’énergie renouvelables
permettant à terme une réduction des coûts de l’énergie ;
la mise au point et le déploiement de nouvelles technologies pour capter
et stocker le gaz carbonique ;
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88
L’énergie dans le développement de la N.-C.
la mise en place d’incitations financières et/ou de pénalités par les gouvernements ainsi que celle de banques d’échange de permis d’émettre du CO2.
Cette révolution technologique dans l’approche des procédés peut amener
à reconcevoir l’efficacité énergétique, notamment à l’échelle de systèmes
complets de production industrielle (définir l’énergie minimum nécessaire à
l’élaboration du produit). L’énergie sera ainsi mieux utilisée, ce qui permettra
d’améliorer la compétitivité de l’entreprise, la qualité des produits, l’économie
pour le client et, enfin, l’emploi.
CONTRIBUTION À L’AMÉLIORATION
DE L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE DES SYSTÈMES INDUSTRIELS
EN NOUVELLE-CALÉDONIE
L’objectif de cette partie du rapport n’est pas de s’ingérer dans la politique
et les choix stratégiques des industriels, mais de leur proposer de nouvelles
approches et de nouveaux procédés susceptibles d’être déployés en NouvelleCalédonie. On s’appuiera pour cela sur des résultats de la recherche ou sur
de nouveaux procédés utilisés dans le monde ou en cours d’évaluation.
(Lors de notre mission en Nouvelle-Calédonie, nous n’avons pas pu
rencontrer les responsables de l’usine Goro Nickel ni visiter la centrale de
Prony. Pour ces deux sites, l’expertise ne s’est effectuée que sur des données
publiques et non techniques.)
Près de 60 % de l’énergie primaire totale utilisée en Nouvelle-Calédonie
sont consacrés à une utilisation dans les domaines de la métallurgie, de la
production d’électricité et de chaleur. C’est donc une industrie à forts
besoins énergétiques en électricité et en chaleur avec des sources d’émission
qui se trouvent concentrées sur quelques sites rendant ainsi envisageable
un futur captage et stockage du CO2 émis. Actuellement, il est envisagé
d’utiliser une technologie CCS (Carbon Capture and Storage) uniquement
sur les unités émettant au moins 100 000 tCO2/an.
Si l’on peut faire une analogie avec des décisions récentes des gouvernements européens, un objectif de réduction de 20 % des émissions de CO2
peut servir de guide pour l’amélioration de l’efficacité énergétique dans
l’industrie, avant même la capture du carbone.
Le potentiel d’efficacité énergétique
Pour obtenir un gain énergétique significatif, l’industriel doit explorer de
nouvelles approches en effectuant :
le meilleur choix de l’énergie primaire9 ;
une identification et une quantification de ses gisements d’énergie à
valoriser (une amélioration de la conversion de l’énergie primaire se traduira
par une augmentation du rendement énergétique) ;
la mise en place de technologies intégrées de récupération d’énergie
thermique, même en présence de faibles températures (transport, stockage
et valorisation de la chaleur) ;
la rénovation ou le remplacement d’éléments des procédés par du
matériel plus performant ;
l’intégration énergétique avec optimisation informatique intelligente
des procédés de contrôle-commande ;
la recherche de nouveaux débouchés pour ses déchets (chaleur principalement).
QUEL COMBUSTIBLE PRIMAIRE CHOISIR ?
Aussi bien la SLN qu’Enercal ont choisi le charbon pour leurs nouvelles
centrales thermiques, respectivement de Doniambo et Prony. Ce choix est
à priori critiquable car le charbon est le combustible qui possède le plus
défavorable facteur d’émission de CO2 (rapport CO2émis/kWh) ; il a donc la
plus mauvaise empreinte écologique. Par contre, son prix est actuellement
très attrayant et ses réserves sont importantes et bien réparties dans le
monde (on en trouve notamment en Australie).
L’hydrogène, dont la fabrication demande beaucoup d’énergie, brûle
sans produire de CO2, mais aucun procédé de combustion n’est actuellement satisfaisant. Les hydrocarbures liquides comme le fioul lourd ou
d’autres produits pétroliers sont chers et leur prix est lié au cours fluctuant
du pétrole.
Dans « Les nouvelles technologies en matière de production et de stockage d’énergie » (p. 115),
on effectuera une comparaison des différentes ressources disponibles d’énergie primaire, qu’elles
soient classiques comme le gaz naturel, les hydrocarbures gazeux ou liquides, le charbon, ou
alternatives comme l’hydrogène, la biomasse, le biogaz ou les algues.
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L’énergie dans le développement de la N.-C.
L’hydrocarbure le plus respectueux de l’environnement serait le gaz naturel
avec un rapport CO2émis/kWh optimal. Malheureusement, l’approvisionnement
de la Nouvelle-Calédonie en gaz naturel semble peu concevable car la
construction d’un terminal méthanier est difficile à envisager, faute de
profondeur suffisante de la lagune pour un méthanier de taille standard (de
l’ordre 70 000 à 150 000 m3) et de 10 m de tirant d’eau. De plus, de tels
méthaniers ont des volumes qui seraient surdimensionnés pour l’utilisation
locale ; il faudrait enfin que l’ensemble des utilisateurs industriels choisisse
ce même combustible et décide de la construction d’un gazoduc entre les
différents sites…
LES POINTS FORTS DE L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE SUR LE SITE DE LA SLN
L’efficacité énergétique du site de Doniambo va être améliorée (environ
7 % de gain sur le rendement énergétique) grâce au remplacement à court
terme de la centrale thermique à fioul lourd par trois unités de chaudières à
lit fluidisé circulant (LFC) fonctionnant au charbon. Le choix de ce procédé
paraît judicieux dans un contexte îlien comme celui de la Nouvelle-Calédonie
car, malgré un rendement thermique légèrement inférieur et un coût
d’acquisition légèrement plus élevé qu’une centrale à charbon pulvérisé
(CP), ce type de technologie est réputé optimal et plus performant pour les
petites puissances demandées (trois tranches de 70 MW à Doniambo).
Malheureusement, cette chaudière ne pourra pas fonctionner avec de l’eau
dans des conditions super critiques (Tc = 376 °C et Pc = 221 bar) ou hyper
critiques (Tc = 700-720 °C et Pc = 350 bar). C’est la trop petite puissance
de l’unité qui est préjudiciable à l’implantation de ce procédé, car on ne
dispose pas techniquement de turbines à vapeur de puissance inférieure à
400 MWélectrique capables de fonctionner dans ces conditions de hautes
températures et de pression, malgré l’emploi d’alliages réfractaires à base de
nickel.
Les LFC sont flexibles au combustible (polycombustibles), ce qui est un atout
considérable, avec l’admission de différents types de charbon, de biomasse
ou de boues de station d’épuration. La valorisation énergétique des boues
d’incinération du grand Nouméa devrait fournir une énergie d’environ
7 700 MWh/an, soit 2 600 MWhélectrique /an. Un calcul identique peut être
effectué sur la valorisation des 15 000 t de déchets verts de l’agglomération
Le potentiel d’efficacité énergétique
de Nouméa (environ 52 000 MWhthermique /an, soit 17 000 MWhelectrique/an).
Ce qui reste tout de même négligeable par rapport à la production électrique
nette en Nouvelle-Calédonie.
Par ailleurs, les émissions de polluants (oxydes d’azote et soufre) de la
future centrale LFC seront réduites par rapport à une centrale CP non équipée
d’unités de dénitrification ou de désulfuration (le coût d’achat est prohibitif
pour des petites puissances). En effet, dans un lit fluidisé circulant, où la
température de combustion est comprise entre 850 et 920 °C, la production
des oxydes d’azote est faible puisque les mécanismes chimiques de formation
de ces oxydes ne deviennent actifs qu’à des températures supérieures à
1 500 °C. Quant aux rejets d’oxydes de soufre, ils sont neutralisés par ajout
de calcaire broyé pour former du sulfate de calcium. Les effluents répondent
donc aux conditions environnementales européennes actuelles.
Le temps nécessaire à l’établissement d’une nouvelle consigne de fonctionnement ou d’accessibilité lors d’une maintenance est plus long que pour
une chaudière à flamme (CP). Alors qu’une chaudière à gaz ou à fioul
demande quelques minutes et une chaudière CP quelques dizaines de minutes,
un LFC peut nécessiter plusieurs heures ou journées du fait de l’inertie
thermique des réfractaires qui constituent ses parois. La souplesse d’utilisation
et la disponibilité des installations ne seront donc pas optimales.
Des technologies sont en cours de développement pour coupler deux
unités de LFC afin de capter les émissions de CO2 à un coût très inférieur à
celui des techniques plus classiques. En effet, en effectuant un cycle chimique
qui utilisera un métal pour transporter l’oxygène, le CO2 sera naturellement
concentré dans les effluents qui peuvent être directement dirigés vers le site
de stockage.
La proximité entre la centrale de production d’électricité et l’utilisateur
principal qu’est l’usine garantira une sûreté d’approvisionnement en énergie
et surtout une minimisation des pertes en ligne.
N.B. Des informations plus détaillées concernant le fonctionnement et
l’optimisation des procédés sont disponibles in « Les nouvelles technologies
en matière de production et de stockage d’énergie » (p. 115) et « Les émissions
et les réductions d’émissions de gaz à effet de serre en Nouvelle-Calédonie »
(p. 193) à propos de la capture du CO2.
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L’énergie dans le développement de la N.-C.
LES POINTS FAIBLES DE L’INDUSTRIE NÉO-CALÉDONIENNE
DANS LE DOMAINE DE L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE
L’usine de Doniambo
L’usine SLN consomme actuellement 40 % de son énergie sous forme
électrique, les 60 % restants venant de la combustion de fioul lourd ou de
charbon pour le traitement du minerai. L’augmentation de l’efficacité énergétique doit donc porter à la fois sur la centrale électrique et sur l’usine.
La forte demande en nickel de ces dix dernières années cumulée à un
coût raisonnable de l’énergie n’a pas incité la SLN à se rénover et à chercher
de nouvelles niches d’économie énergétique de ses procédés. Une visite de
l’usine de Doniambo montre que le personnel est extrêmement compétent
et conscient des problèmes énergétiques et environnementaux. Cependant,
quelques points noirs ont été constatés : Doniambo souffrirait d’une
augmentation des coûts de production imputables à la baisse des teneurs
du nickel, aux coûts de maintenance et de personnel, aux obligations
gouvernementales, à la hausse du prix du fioul et du fret maritime, etc.
Autant dire qu’un accroissement de l’efficacité énergétique de l’usine demeure
possible.
Le procédé pyrométallurgique comporte plusieurs étapes bien définies
qui correspondent à des changements d’état physique et chimique du minerai
avec des opérations de chauffage et de refroidissement. On doit certainement
pouvoir identifier des récupérations d’énergie sur les transferts de chaleur
entre les fours électriques et les fours rotatifs de calcination, et le séchage,
même si des échanges de vapeur entre la centrale et les fours se font
déjà.
De plus, il semble que lors de la conception, on n’a pas suffisamment
réfléchi à une approche de type « système couplé » nouvelle centrale/usine.
Cette étape exige de revisiter le procédé dans sa globalité, en partant si
possible du produit final, le nickel. À chaque étape, on doit évaluer l’aptitude
de nouvelles technologies, de nouveaux matériaux ou de nouveaux composants
à haute performance, à optimiser le procédé et sa gestion pour gagner en
efficacité énergétique. En l’améliorant, on réduira le coût en énergie fossile
et les rejets nocifs pour l’environnement et la santé du personnel et des
populations avoisinantes.
Le potentiel d’efficacité énergétique
La centrale thermique de Prony
Un des atouts de cette centrale dont la chaudière fonctionne à charbon
pulvérisé a été son coût minimal par rapport à des CP ou LFC. Malheureusement,
ce type d’unité possède une empreinte écologique très défavorable à cause
des émissions dues à l’emploi de lignite. La petite puissance des tranches fait
que l’adjonction d’unités de dépollution des fumées n’est pas rentable. Par
conséquent, il sera impossible, sans modifications majeures, de l’équiper
d’une unité de captage de CO2.
Pour limiter les rejets de polluants dans l’atmosphère, Enercal alimentera le
foyer avec du brown coal d’Australie. La relative faiblesse de la teneur en soufre
de ce charbon pauvre limitera les rejets de soufre, mais le facteur d’émission du
CO2 de la centrale est encore plus mauvais (faible Pouvoir calorifique inférieur
du lignite).
L’usine de Goro Nickel
En utilisant un procédé hydro-métallurgique pour le traitement du minerai,
cette usine exige un besoin moins important en énergie, puisqu’une partie
vient de la fabrication in situ de l’acide sulfurique au moyen de la réaction
très exothermique du soufre. La modernité de cette usine laisse penser que
son efficacité énergétique a été considérée lors de sa conception. Mais
attention à une pollution chimique de l’environnement !
La future centrale de Koniambo
La conception de cette future centrale à charbon et de l’usine pyrométallurgique devra intégrer l’expérience de Doniambo concernant la chaudière à LFC.
QUELS RÉSULTATS ATTENDRE
DE L’AMÉLIORATION DE L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE ?
Et d’abord, quelques conseils pour savoir où faire porter les efforts.
Effectuer une veille scientifique
La veille scientifique sur les procédés permet de réduire le coût de l’énergie
et les émissions de polluants.
93
94
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Optimiser les procédés
En partant du produit, nickel ou production d’électricité, on revisitera le
procédé à partir d’un bilan énergétique réalisé à chaque étape pour trouver
le schéma énergétique optimal et mettre en œuvre du matériel performant.
On peut aussi intégrer et coupler les systèmes énergétiques. On cherchera
encore à utiliser des approches informatiques systémiques et des outils
performants pour la conduite, le contrôle, la régulation et la gestion optimisée
des procédés. Enfin, on produira un bilan financier et environnemental
favorable en minimisant les émissions de polluants ; sans oublier de prendre en
compte l’impact des nuisances sur la santé des ouvriers et des populations.
Se préparer au captage et au stockage du CO2 émis
Cela commence par le choix d’un procédé de combustion adaptable à
une capture du CO2 et de son stockage (réserver l’espace à proximité de la
centrale) et prévoir, si possible, le captage simultané du CO2 venant de
l’usine pyrométallurgique et de la centrale à lit fluidisé circulant. Cela suppose
aussi d’étudier et de prévoir un réseau de CO2 dans l’île pour un transport
éventuel vers des lieux de stockage dans les massifs de péridotites ou vers un
terminal portuaire ; et de là, par la voie maritime, vers un lieu de séquestration
off shore ou dans un autre pays (l’Australie, par exemple).
Valoriser les déchets de chaleur, urbains et agricoles
On peut récupérer et valoriser l’énergie des fumées à l’aide de pompes à
chaleur pour la climatisation d’ensemble de bâtiments industriels et tertiaires ;
on peut aussi envisager la création d’un réseau de transport et de distribution
du froid à petite et moyenne distances (inférieure à 10 km) dans l’agglomération de Nouméa (une proposition valable pour des lotissements neufs).
Des PME/PMI pourraient s’installer à proximité d’une usine et profiter de la
chaleur fatale disponible (des entreprises de congélation de produits alimentaires, par exemple, avec la création de filières agricoles et piscicoles). On
peut aussi penser à des unités de fabrication de biocarburants de première
génération qui nécessitent de la chaleur basse température (inférieure à 100 °C)
pour leurs procédés de distillation de l’éthanol ou de trans-estérification des
huiles végétales brutes. Dans tous les cas, un effort maximum devra porter
sur la recherche de marchés pour le déploiement de ces filières.
Le potentiel d’efficacité énergétique
QUELLES INCITATIONS POSSIBLES POUR FAVORISER LES INNOVATIONS ?
Des incitations fiscales du gouvernement et/ou de l’État peuvent être
envisagées pour favoriser la recherche de nouvelles pistes d’économie en
intégrant des innovations dans les procédés. A contrario, l’adoption de
pénalités pourrait contraindre les industriels à réaliser des économies d’énergie,
à condition que ces mesures soient additionnelles par rapport à leur activité
habituelle. Une politique de ce type devrait s’accompagner du développement
de filières d’enseignement supérieur à caractère technologique, en partenariat
avec les centres de recherches internationaux, et de la création d’un tissu de
bureaux d’études capables d’intégrer les résultats de la recherche dans
l’économie locale.
CONCLUSION
La Nouvelle-Calédonie possède une mono-industrie métallurgique grosse
consommatrice en énergie et grande émettrice de pollutions. Son insularité
pénalise la recherche de l’efficacité énergétique des systèmes industriels
(impossibilité d’importer du gaz naturel, par exemple). En revanche, l’introduction de technologies modernes et performantes, l’optimisation de l’approche
système et du contrôle commande devraient permettre un gain énergétique
substantiel sur la consommation des industries locales en énergie primaire
fossile. Pour y parvenir, il faudra valoriser les fuites de chaleur et, dans une
moindre mesure, utiliser de façon progressive les énergies renouvelables
ainsi que les déchets. Des pénalités libératoires pourraient être décidées en
cas de non-respect de la prescription.
Des techniques se développent pour permettre le captage et le stockage
du CO2 de la centrale de Doniambo (cf. « Les émissions et les réductions
d’émissions de gaz à effet de serre en Nouvelle-Calédonie », p. 193) qui,
même si elles sont encore à l’état de recherche, doivent dès maintenant faire
l’objet d’un suivi.
L’industrie minière et métallurgique possède des atouts et présente les
conditions nécessaires pour parvenir à une meilleure maîtrise énergétique et
une réduction des émissions de CO2 par captage. Il faudra veiller à ce que ces
évolutions ne s’opèrent pas au détriment de la qualité et du prix du produit
final, de l’emploi, et de la santé des personnels et des populations.
95
96
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Les industriels devront poursuivre leurs efforts pour maîtriser leur
demande énergétique en augmentant l’efficacité énergétique de leurs
procédés, ce qui leur permettra de réduire leurs coûts de production et, à
terme, d’induire des économies pour leurs clients. Il leur faudra prévoir dans
la prochaine décennie une réduction significative des quantités de carbone
rejetées grâce à la capture du CO2 et des polluants dans leurs effluents.
La maîtrise de l’énergie
dans le domaine des transports
Dans les pays importateurs de pétrole, comme la Nouvelle-Calédonie, les
hausses erratiques des prix des carburants affectent fortement la rentabilité
des entreprises du secteur, en particulier l’aérien et le camionnage, et les
comportements de déplacements des ménages. Ainsi, en métropole, le
« choc pétrolier » de 2008 s’est traduit dans les mois qui ont suivi par une
baisse des consommations des carburants automobiles de 12 %.
Les transports sont aussi un contributeur majeur aux émissions de gaz à
effet de serre et, dans beaucoup de pays, cette contribution augmente plus
vite que celle des principaux autres secteurs de l’économie. En métropole, ils
sont responsables d’un peu plus du quart des émissions (principalement du
fait du transport routier de marchandises), si l’on exclut les transports aériens
internationaux et les transports maritimes. Les accords internationaux pour
la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre conduisent donc chaque
pays signataire à prendre des mesures pour réduire cette contribution.
ÉTAT DES LIEUX DE LA MDE DANS LE DOMAINE DES TRANSPORTS
EN NOUVELLE-CALÉDONIE
En Nouvelle-Calédonie, tous les moyens de transport ne fonctionnent que
grâce au pétrole importé. D’après la Dimenc, ils consomment environ le quart
des importations de produits pétroliers en poids et un peu plus en valeur.
C’est le deuxième secteur de consommation après la production électrique
(qui, à elle seule, représente la moitié du total) et avant l’industrie.
Quelle est la part des différents modes de transport dans cette consommation ? Pour l’essence, qui est quasi exclusivement utilisée par les voitures,
et pour le fioul lourd qui ne sert qu’à la navigation, l’affectation des tonnages
de pétrole aux modes de transport ne pose pas de problème. Il en va différemment pour le gazole et pour le kérosène qui sont aussi utilisés par différents
modes de transport et également à l’extérieur de ce secteur. Le gazole est
98
L’énergie dans le développement de la N.-C.
en effet utilisé par les ménages propriétaires de voitures diesel, mais aussi
par le secteur du camionnage, des transports publics, de l’industrie et de la
pêche pour ses bateaux. Comme partout, c’est le transport routier qui est le
plus gros consommateur de pétrole, mais l’aérien et le maritime ont aussi un
poids très important à cause de l’insularité.
La consommation énergétique du transport routier
augmente rapidement
On constate tout d’abord que les ventes de voitures neuves ont augmenté,
avec une accélération depuis 2003 des ventes de pick-up et de camionnettes.
Cette accélération est généralement expliquée par la croissance du revenu
par habitant, passée d’un rythme de 2 % par an en 2000-2002 à 4 % en
2003-2008, et par les mesures mises en place par le gouvernement pour
lutter contre l’insécurité routière qui ont sans doute motivé l’achat de gros
véhicules. Au-delà de l’engouement des Néo-Calédoniens pour ce type de
véhicules et de l’effet d’aubaine, cette évolution trouve aussi son origine dans
les investissements en matériel automobile liés aux grands projets miniers.
Cette croissance des ventes se traduit évidemment par une augmentation
du parc en circulation qui, entre 2000 et 2005, a connu une croissance forte
de 5,1 % en moyenne annuelle10.
Contrairement à ce que l’on constate en métropole, où la consommation
totale de carburants par les voitures diminue depuis quelques années du fait
de l’amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules et de la stagnation
du parc, en Nouvelle-Calédonie elle connaît une croissance rapide due à
la croissance du parc automobile, à l’augmentation de la puissance des
véhicules et de leur usage et à la généralisation de la climatisation à bord.
Ici, surgit une contradiction entre les informations que nous avons reçues :
en effet, la Dimenc a produit un bilan énergétique qui montre qu’après une
croissance ininterrompue de 3 % par an entre 1995 et 2004, la consommation
d’énergie par les transports aurait chuté à partir de 2005, passant de 231 à
201 mille tonnes équivalent pétrole entre 2004 et 2007, soit une baisse de
13 %. C’est un point important car il indiquerait que la demande de carburant
par les transports est très sensible aux prix.
D’après Isee Bilan économique et social 2003, p. 52 et Isee Bilan économique et social 2006,
p. 57.
10
La maîtrise de l’énergie dans les transports
On peut cependant douter de ces résultats car, en dépit de l’évolution
des prix, les importations de carburant n’ont pas diminué sur la période,
bien au contraire ! Les importations d’essence ont stagné sur toute la
période et se retrouvent en 2007 au même niveau qu’en 2004 ; en revanche,
entre 2004 et 2007, les importations de gazole ont augmenté de 30 %. Ce
gazole n’est certes pas entièrement consommé par les véhicules routiers,
mais pour chacun des deux carburants, la croissance des consommations
semble bien corrélée avec l’évolution du parc de véhicules.
En effet, en cinq ans, le parc de véhicules diesel a augmenté de 56 % : on
voit donc mal comment la consommation de gazole aurait baissé… D’une
façon générale, nous avons pu observer que les données brutes disponibles
pour le secteur des transports sont souvent rares et très partielles. Les données
transformées, quant à elles, sont intéressantes, mais restent fragiles et parfois
contradictoires. Il nous semble donc important, pour une politique énergétique
des transports bien informée, de mettre en œuvre des moyens pour suivre
plus étroitement les consommations de carburants par les différents modes
de transports.
La motorisation des ménages est une variable clé pour comprendre et pour
prévoir la consommation d’énergie par le secteur des transports. Avec 75 %
des ménages équipés d’au moins une automobile, la Nouvelle-Calédonie
atteint un niveau relativement élevé pour une économie insulaire (63 % dans
les Antilles françaises), proche des niveaux atteints en métropole (81 %).
Avec une différence cependant : alors qu’en métropole la motorisation est
plus faible dans les grandes villes et nettement plus élevée en zone rurale,
en Nouvelle-Calédonie c’est l’inverse. Le taux de motorisation dans le Grand
Nouméa est de 84 %, il n’est que de 55 % dans le reste du territoire11.
Contrairement à la métropole également, en Nouvelle-Calédonie, la croissance
démographique soutenue (2 % par an) et la pyramide des âges ne contribueront
pas à ralentir la croissance du parc automobile.
Le secteur du camionnage est sans doute plus étroitement tributaire de
la conjoncture : sa croissance est deux fois plus rapide que celle des ventes
de voitures et pick-up, mais beaucoup plus irrégulière, sans doute liée à des
11 Source : calcul de l’auteur d’après Insee-Isee, Recensement de la population Nouvelle-Calédonie
2004, « Ménages ordinaires selon la possession de véhicules et de bateaux par commune et province
de résidence ».
99
100
L’énergie dans le développement de la N.-C.
cycles économiques. En perspective, il serait intéressant de pouvoir séparer la
consommation énergétique du camionnage liée au transport de minerai de
celle du camionnage liée aux autres activités économiques, car les opportunités
d’économie d’énergie ou de substitution sont sans doute différentes dans
ces deux marchés.
La consommation énergétique du transport aérien intérieur :
des données inhabituelles à expliquer par le contexte néo-calédonien
Le trafic aérien intérieur tient une place inhabituellement importante en
Nouvelle-Calédonie. Elle s’explique en partie par l’éloignement des îles et
la faible densité des populations. Curieusement, les données disponibles
montrent une très faible croissance du trafic intérieur de voyageurs (1 % par
an en moyenne depuis 1995, un rythme égal à celui de la croissance démographique dans les îles), alors que le revenu par habitant a augmenté et que
le trafic international a crû à un rythme bien plus élevé (près de 3 % en
moyenne annuelle). L’explication tient peut-être au prix puisque les tarifs
voyageurs des vols intérieurs ont augmenté de façon significative, au rythme
annuel de 2 % ou 3 % en termes réels selon les destinations alors que, sur
la même période, les tarifs des vols internationaux sont restés stables en
termes réels ou ont baissé.
Quant au transport de fret aérien, il présente un fort déséquilibre : le tonnage
au départ de Nouméa est plus de trois fois plus élevé que le tonnage à l’arrivée.
Le transport des marchandises par avion consomme beaucoup plus d’énergie
que celui par bateau, et coûte plus cher. C’est pourquoi on réserve généralement ce transport aux marchandises dont la valeur décline rapidement
avec le temps ou dont les besoins sont urgents et imprévus. D’après nos
informations, le fret aérien intérieur vers les îles échappe assez largement à
ces deux conditions et les marchandises transportées ne sont, pour l’essentiel,
pas différentes de celles qui transitent habituellement par bateau.
Expliquer ces particularités est un préalable à toute politique qui viserait à
réduire la consommation énergétique dans le transport aérien néo-calédonien
car elles répondent sans doute en partie à des objectifs sociaux ou politiques,
comme celui d’assurer la « continuité territoriale ». En soi, ce sont des objectifs
parfaitement légitimes, mais ils doivent donner lieu à des réévaluations
périodiques pour s’assurer qu’ils ne sont pas devenus obsolètes, ni que les
moyens choisis pour les atteindre n’ont pas perdu leur pertinence.
La maîtrise de l’énergie dans les transports
La consommation énergétique du transport maritime :
une connaissance plus fine serait nécessaire
Nous n’avons pas de données détaillées sur la répartition des consommations d’énergie par le transport maritime selon sa destination – transport
international, transport intérieur, minerai, marchandises, etc. Bien que les
perspectives d’économie d’énergie dans ce domaine soient limitées et, pour
une bonne part, hors de portée des compétences réglementaires du territoire étudié, une connaissance plus fine du secteur permettrait au moins
d’évaluer les potentialités de report modal, par exemple du transport aérien
ou routier vers le maritime et, à l’intérieur même du secteur, les possibilités
de rationalisation et de maîtrise de l’énergie.
ÉTAT DE L’ART DE LA MDE DANS LE DOMAINE DES TRANSPORTS
EN DEHORS DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE :
DE L’ÉNERGIE À L’ENVIRONNEMENT
La réduction de la dépendance pétrolière
Le souci de la maîtrise de l’énergie dans le domaine des transports n’est
véritablement apparu qu’avec le choc pétrolier de 1974. Il s’agissait pour les
pays importateurs de réduire leur dépendance. Plusieurs mesures ont été prises dans l’urgence, comme la limitation de la vitesse sur les autoroutes en
France et aux États-Unis et d’importants programmes ont été lancés, comme
le programme Proálcol au Brésil ou le programme Cafe aux États-Unis.
Le Proálcol brésilien visait à produire de l’alcool de canne à sucre pour les
automobiles. Il s’agissait dans un premier temps d’alcool anhydre qui peut
être additionné à l’essence jusqu’à une proportion de 20 % sans modification
des moteurs. Après le deuxième choc pétrolier en 1981, Proálcol II a considérablement augmenté la mise en se fixant pour objectif de remplacer totalement
l’essence. Il s’agissait alors d’alcool hydraté, ce qui nécessitait un redéploiement
de l’industrie automobile nationale, la mise en place d’un réseau complet de
distribution du nouveau carburant, la mise en culture de vastes étendues et
l’investissement dans des distilleries de taille très importante.
Le programme américain Cafe (pour Corporate Average Fuel Economy)
imposait aux constructeurs automobiles de faire en sorte que la moyenne
101
102
L’énergie dans le développement de la N.-C.
harmonique des consommations de leurs véhicules (en miles par gallon)
pondérées par les ventes respecte une norme rendue plus stricte chaque
année selon un programme pré-établi. Une pénalité de 5,50 dollars par
voiture vendue et par dixième de mile par gallon de déficit était appliquée.
Le programme a été efficace puisque les voitures neuves vendues en 1989
consommaient près de deux fois moins que les modèles de 1975. Cependant,
pour toutes sortes de raisons, le programme a été gelé à partir de 1989.
Améliorer les services de transports collectifs est aussi apparu comme
une manière d’offrir une alternative à l’usage de la voiture particulière et donc
de réduire la dépendance pétrolière pour les déplacements de personnes. En
France, cela a été une des principales justifications pour développer le réseau
de TGV et multiplier les projets de tramway dans les villes.
La lutte contre l’effet de serre
La chute des cours du pétrole aurait rendu ces politiques obsolètes si le souci
du changement climatique n’avait pas pris le relais. Dans les pays engagés par
le protocole de Kyoto, elles connaissent donc un regain d’intérêt. L’Europe,
par exemple, est en train d’imposer à ses constructeurs automobiles des
politiques inspirées du programme Cafe américain ; et plusieurs États, trente ans
après le Brésil, incitent maintenant par la défiscalisation leurs agriculteurs à
produire des agrocarburants.
La panoplie des instruments de politique pour lutter contre l’effet de serre
dans les transports diffère radicalement de celle utilisée pour réduire la consommation de pétrole : cette fois, le prix des carburants n’est plus une donnée
exogène, mais une variable que l’on peut ajuster par des taxes pour rendre
moins attrayants les modes de transport qui utilisent des énergies fossiles.
À priori, pour lutter contre le réchauffement climatique dans les transports,
l’instrument fiscal rend même toutes les autres politiques redondantes.
La taxation des carburants
Avec une taxe carbone pour internaliser le coût de l’effet de serre dans
le prix des carburants, inutile d’obliger les constructeurs automobiles à
concevoir et à produire des voitures moins voraces, la demande des consommateurs rebutés par les prix des carburants fossiles les orientera d’elle-même
vers ces modèles. Inutile d’inciter les affréteurs à choisir des modes et des
La maîtrise de l’énergie dans les transports
circuits économes en énergie, ils le feront d’eux-mêmes sous la pression de la
concurrence pour éviter le surcoût des modes de transports trop consommateurs
de carburants fossiles taxés. Inutile de subventionner les carburants issus de
la biomasse, le fait de ne pas supporter la taxe carbone les rendra suffisamment
attrayants.
Si ces arguments sont irréfutables sur le long terme, dans le transport,
taxer les carburants n’est cependant pas la panacée pour le court et moyen
terme. Dans les pays où, pour des raisons purement budgétaires, le carburant
automobile est déjà lourdement taxé, une taxe carbone véritable – c’est-à-dire
une taxe qui s’applique au même taux et à tous les carburants fossiles –
n’aura qu’une incidence faible sur le prix de l’essence et une incidence
énorme sur le prix du charbon qui n’est généralement pas taxé et est même
parfois subventionné.
Par ailleurs, la taxe carbone n’affecte pas toutes les contributions du secteur
des transports à l’effet de serre. En particulier, les transports frigorifiques et
la climatisation des voitures émettent aussi des quantités non négligeables
de gaz à effet de serre. Enfin, la taxe sur les carburants utilisée par les automobiles est régressive : comme toute la fiscalité des carburants, elle affecte
davantage les pauvres que les riches.
PROPOSITIONS D’AMÉLIORATION EN MATIÈRE DE MDE
DANS LE DOMAINE DES TRANSPORTS EN NOUVELLE-CALÉDONIE
La plupart des politiques énumérées dans ce qui précède ne sont pas
pertinentes pour le cas calédonien. En effet, le marché automobile est trop
petit pour imposer des normes aux constructeurs, la production d’agrocarburants n’arrivera jamais à proposer des prix compétitifs par rapport à
ceux du marché international, et le recours à des véhicules électriques est
exclu tant qu’une partie au moins de l’électricité calédonienne sera produite
à partir de combustibles fossiles.
Pour se protéger des prix fluctuants du pétrole et pour réduire la contribution de ses transports à l’effet de serre, la Nouvelle-Calédonie ne peut donc
que rationaliser son système de transports en s’orientant vers des véhicules
moins voraces, en les utilisant au mieux de leurs performances et en réduisant
ses besoins de transport.
103
104
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Une taxe carbone sur les carburants ?
La façon la plus élégante d’atteindre ces objectifs est, bien sûr, d’inciter
tous les acteurs du secteur à réduire leur consommation directe ou indirecte
de produits pétroliers. Dans ce but, la meilleure incitation est le prix, c’est-à-dire
la taxe carbone, assortie d’une information qui aide chacun des acteurs à
prendre conscience de l’incidence du coût des carburants sur son budget, et
de méthodes qui lui permettront de réduire sa consommation.
Quel doit être le montant d’une telle taxe et doit-il être le même pour
tous les combustibles fossiles ? Faut-il en exonérer certains secteurs d’activité ?
Doit-on compenser son effet sur les budgets des ménages les plus modestes ?
Dans son principe, le montant de la taxe carbone qui frappe les combustibles fossiles est assis sur leur nocivité pour le climat, nocivité qui est
proportionnelle à leur contenu en carbone. Son montant devrait donc être
déterminé au niveau international car un litre d’essence a le même effet sur
le climat, qu’il soit brûlé dans un embouteillage à New York, lors d’un raid
à travers le Sahara ou dans les rues de Nouméa.
Mais une telle harmonisation n’est malheureusement pas à l’ordre du jour,
tandis qu’une convergence entre les différents systèmes qui se mettent en
place en Europe et aux États-Unis est probable (taxe ou système d’enchère
des droits à émettre des GES). Le montant de la taxe ou le prix du droit
pourrait avoisiner les 100 euros par tonne de CO2 à l’horizon 2030 (proche
de 30 euros la tonne de CO2 aujourd’hui et entre 150 et 350 euros en 2050).
Si la Nouvelle-Calédonie appliquait une taxe carbone de 30 euros par
tonne de CO2, cela correspondrait à une taxe carbone de 9 et de 10 F CFP,
respectivement sur le litre d’essence et le litre de gazole. L’augmentation du
prix de vente qui en résulterait, de l’ordre de 6 %, est à comparer à la forte
fluctuation du prix qui a accompagné la flambée du prix du pétrole l’année
dernière : en moins d’un an, de mai 2008 à mars 2009, le prix du gazole a
d’abord augmenté de 33 F CFP pour ensuite baisser de 52 F CFP. Pour suivre
le scénario européen, la taxe carbone calédonienne sur les carburants pourrait
progressivement atteindre une trentaine de F CFP à l’horizon 2030.
Ce montant doit-il être le même pour tous les combustibles fossiles ?
Logiquement oui, c’est le principe et la justification même de la taxe carbone,
mais il faut noter que cette taxe aurait pour effet de doubler le prix du charbon
La maîtrise de l’énergie dans les transports
importé. On peut dès lors s’interroger sur l’impact d’une telle taxe sur l’industrie
métallurgique et, au-delà, sur la balance commerciale de la Nouvelle-Calédonie
(mais une telle problématique dépasse l’ambition de notre contribution).
Quel serait l’effet de la taxe carbone sur la consommation de carburants
automobiles par les ménages, et quel serait son effet redistributif ? On a
montré qu’en métropole, cette taxe affecterait plus fortement les ménages les
plus modestes, mais il n’est pas sûr que ce soit le cas en Nouvelle-Calédonie.
Les données sur la consommation des ménages calédoniens par classe de
revenu que l’Isee est en train de constituer permettront de mesurer l’incidence
d’une telle taxe sur les ménages selon leur revenu, leur localisation et leur degré
de motorisation. Si ces données devaient révéler des effets trop régressifs de la
taxe carbone sur les ménages les plus modestes, des mesures compensatoires
spécifiques pourraient être mises en œuvre.
La forte fluctuation récente du prix des carburants à la pompe devrait
permettre d’évaluer l’élasticité à court terme de la demande d’essence et de
celle de gazole. C’est ce que nous avons fait à partir de données mensuelles
de ventes de carburants dans les stations-service qui sont disponibles pour les
deux dernières années. Les résultats, illustrés dans les deux graphiques sont
pour le moins surprenants : ils montrent que la consommation d’essence a
m3
m3
10 000
Essence
8 000
9 500
7 500
9 000
7 000
8 500
8 000
6 500
R2 = 0,00032
6 000
R2 = 0,54728
7 500
7 000
5 500
5 000
120
Gazole
Prix FCFP
130
140
150
160
170
6 500
6 000
90
Prix FCFP
110
130
150
Figure 4
Corrélation entre prix (F CFP) et quantité (m3) de la demande
mensuelle de carburants pour la période 2007-2008
Source : calculs de l’auteur à partir de données de ventes en stations-service fournies par la Dimenc.
105
106
L’énergie dans le développement de la N.-C.
fluctué de façon totalement indépendante du prix (coefficient de détermination
R2 = 0,00) et que celle de gazole aurait plutôt eu tendance à augmenter
quand les prix augmentaient. Bien que la corrélation ne soit pas très forte,
elle reste significative (coefficient de détermination R2 = 0,55).
Comment expliquer ce résultat paradoxal, très différent du phénomène
enregistré en métropole pour la même période ? Une part de l’explication
tient sans doute au fait que contrairement à la métropole, il n’existe pas de
véritable alternative à l’automobile, pour les déplacements de la majorité des
personnes, et à la route, pour l’essentiel du transport de marchandises. Quant
à l’évolution paradoxale de la consommation de gazole, elle tient peut-être
en partie au transport de marchandises (mais faute de données séparées sur
les consommations et de mesures du trafic lié à l’activité industrielle, nous
ne pouvons pas estimer cet effet).
Que la demande de carburant soit inélastique à court terme n’implique pas
nécessairement qu’elle le soit à long terme aussi. Comme toutes les taxes
d’accise, et contrairement aux taxes proportionnelles comme la TVA, la taxe
carbone a pour effet d’amortir les fluctuations du prix des carburants et,
puisqu’elle est indexée, de donner un signal cohérent sur le long terme.
À condition d’être bien informés sur l’importance des dépenses de carburants
dans leur budget et des manières de les réduire, les Néo-Calédoniens modifieront leur comportement en faisant un plus grand usage des transports
collectifs, à condition qu’ils soient plus pratiques et plus confortables, et en
choisissant un véhicule plus économe au moment de le renouveler.
La fiscalité à l’achat d’un véhicule (le bonus/malus)
Dans la plupart des pays de l’Organisation de coopérations et de développement économiques (OCDE), il existe une taxe sur la possession de véhicules
comme la défunte « vignette » et, presque partout, cette taxe a été modifiée
plus ou moins récemment pour tenir compte de l’impact environnemental
du véhicule. Dans l’Union européenne, c’est même devenu une obligation à
terme. La plupart des pays appliquent aussi une fiscalité à l’achat (ou un système
bonus/malus) modulé directement ou indirectement selon la contribution
potentielle du véhicule à l’effet de serre.
À contresens de cette évolution, la Nouvelle-Calédonie a récemment aboli
la vignette et accordé une réduction sensible de la fiscalité à l’achat d’un certain
La maîtrise de l’énergie dans les transports
type de véhicules 4x4 forts contributeurs à l’effet de serre. Une étude spécifique
sur la possession et sur l’utilisation du parc devrait permettre de donner une
mesure de cet effet pervers et fournirait des éléments utiles pour concevoir des
instruments de politique mieux ciblés pour atteindre les objectifs initialement
prévus par cette politique de défiscalisation.
On peut aussi s’interroger sur la justification économique du différentiel
de fiscalité qui existe entre le gazole et l’essence. Aux États-Unis, le gazole est
de 10 % à 20 % plus taxé que l’essence. En Europe c’est l’inverse, l’essence est
plus lourdement taxée que le gazole. L’écart moyen est de 32 %, mais il varie
de 0 % au Royaume-Uni à 86 % en Belgique, alors qu’en Nouvelle-Calédonie
l’écart en faveur du gazole est de 132 %.
Des solutions alternatives comme mesures complémentaires
Dissuader l’usage de l’automobile au moyen de taxes sur les carburants,
éviter la multimotorisation des ménages par des taxes sur la possession de
véhicules, rencontrera d’autant moins de résistance que des solutions alternatives seront rendues plus attrayantes. Les recommandations du Plan de
déplacement de l’agglomération nouméenne (PDAN) vont dans ce sens, et
préconisent l’amélioration de la desserte en transports collectifs, la création
de pistes cyclables, etc. Mais il en faudra sans doute plus pour que des
automobilistes consentent à laisser occasionnellement leur voiture au garage
et se résolvent à utiliser les transports collectifs. Il faudra améliorer leur
confort : les projets de climatisation des autobus de Nouméa y contribueront
certainement et le bilan de cette opération en termes de rejets de gaz à effet
de serre sera d’autant moins négatif qu’elle réussira à attirer vers les transports
collectifs des personnes qui, autrement, se déplaceraient en voiture.
Il existe en Nouvelle-Calédonie un secteur qui n’est peut-être pas utilisé au
mieux de son potentiel, ce sont les véhicules de location avec chauffeur (VLC).
Pour l’instant, leur marché est principalement constitué par le transport
scolaire, mais ils pourraient sans doute faire beaucoup plus car, contrairement
aux taxis, leurs prix sont libres et sans doute proches de leurs coûts réels. Ces
coûts pourraient baisser substantiellement en réduisant les temps morts entre
les courses, ce que permettent à des prix maintenant très bas les technologies
combinées de l’informatique, de la localisation par GPS et des communications
GPRS.
107
108
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Dans la plupart des pays de l’OCDE, ce secteur, qui se distingue de celui des
taxis par l’obligation qui leur est faite de ne répondre qu’à des commandes
de courses passées par téléphone, est de plus en plus souvent sollicité pour
offrir un service complémentaire à celui des transports collectifs de grande
capacité, en particulier en heure creuse, en zone de faible densité ou encore
quand un meilleur confort est nécessaire de porte-à-porte. Il tient aussi une
place centrale dans les « plans de déplacements d’entreprise », des systèmes
par lesquels les entreprises incitent leurs employés à délaisser leur voiture
quand ils viennent travailler. Il y aurait un grand intérêt à réaliser une étude
spécifique pour examiner comment acclimater ces expériences à la NouvelleCalédonie en mettant à profit le potentiel des VLC.
Le problème de la climatisation
Les transports frigorifiques et la climatisation des véhicules ont un effet
particulièrement négatif sur le climat, non seulement parce qu’ils augmentent
la consommation de carburants, mais aussi parce qu’ils émettent des gaz
dont l’effet de serre est très prononcé. Pour réduire ces nuisances, les réglementations existantes peuvent être renforcées et, surtout, leur mise en œuvre
contrôlée. Un effort d’information doit aussi être fait en direction du public
qui n’a, bien souvent, pas conscience de ce que lui coûte l’utilisation de la
climatisation de son véhicule et, encore moins, de l’impact d’un mauvais
entretien sur l’effet de serre.
À terme, des voitures électriques ?
Les politiques de lutte contre l’effet de serre dans les transports semblent
promettre un avenir à la voiture électrique en raison de ses avantages en
termes de réduction des nuisances locales et des progrès prévisibles des
batteries. La limite principale à son développement étant son faible rayon
d’action, limite qui n’est pas dirimante pour des petits pays confinés dans
leurs frontières. C’est sans doute la raison pour laquelle c’est en Israël qu’un
projet ambitieux de voiture électrique a été récemment lancé.
Cependant, tant qu’une part importante de l’électricité produite en
Nouvelle-Calédonie sera d’origine fossile, l’option « voiture électrique » ne
nous paraît pas justifiée. À plus long terme, il faudrait toutefois envisager la
possibilité pour les ménages qui fourniraient de l’électricité photovoltaïque
La maîtrise de l’énergie dans les transports
au réseau de pouvoir la racheter, à un tarif intéressant, la nuit chez eux ou
le jour sur leur lieu de travail pour recharger les batteries de leur véhicule
électrique.
Et le vélo électrique ?
De ce que nous savons des pratiques de déplacements, il semble que l’usage
du vélo ait un grand potentiel de développement en Nouvelle-Calédonie.
Pour l’instant, son développement a été freiné en raison de l’état du réseau
routier, particulièrement hostile, et du relief accidenté avec de fortes pentes.
Il est possible que s’y ajoute un troisième obstacle : une image dévalorisante
du vélo vu comme le « véhicule des pauvres ». Nous pensons, en accord avec
le PDAN, que le premier obstacle devrait être levé en priorité par la construction
de pistes cyclables sécurisées. Avec une campagne d’informations appropriée,
ce réseau de pistes cyclables devrait rapidement être mis à profit car les
progrès récents de la technologie ont levé les deux autres obstacles. En
effet, les vélos à assistance électrique qui permettent de gravir les côtes sans
effort sont devenus très pratiques, pour un prix d’investissement deux à trois
fois inférieur à celui d’un scooter standard, et un coût de fonctionnement
négligeable à côté de celui d’une automobile. C’est aussi, au moins pour
quelque temps encore, un produit valorisant par sa connotation high-tech et
écologique, encore plus si la batterie du vélo est rechargée par un panneau
photovoltaïque.
Les biocarburants, une option à étudier au cas par cas
Dans le domaine des transports, il n’est pas possible d’évaluer l’intérêt des
biocarburants en général. En fait, il faut faire autant d’analyses économiques
qu’il y a de biocarburants adaptables aux transports. Certains, comme l’alcool,
peuvent se substituer à l’essence ; d’autres, comme les huiles végétales, se
substituent au gazole. D’autres encore, comme l’alcool anhydre, peuvent se
mélanger avec le carburant pétrolier au niveau de la raffinerie ; d’autres enfin,
comme l’alcool hydraté, ne se mélangent pas et demandent un circuit
spécifique de distribution vers les stations-service.
On ne peut toutefois pas exclure à priori cette option pour les transports
de Nouvelle-Calédonie, mais elle devra faire l’objet d’une évaluation au cas
par cas selon des filières de production qui pourraient apparaître et selon
109
110
L’énergie dans le développement de la N.-C.
l’arrivée de nouveaux modèles de véhicules sur le marché international (par
exemple, les voitures « flexfioul » qui se généralisent au Brésil et se substituent
aux voitures à alcool pur que le pays a cessé de produire). Les aspects
techniques de la question de la production locale de biocarburants seront
abordés dans la deuxième partie.
On doit cependant garder à l’esprit le fait que le marché international des
biocarburants commence à se développer. C’est un marché où les fournisseurs
ont des avantages comparatifs (grande échelle de production, main-d’œuvre
très bon marché, vastes terrains agricoles) que la Nouvelle-Calédonie ne
possède pas. Sur le plan strictement économique, importer sera probablement
plus justifié que produire localement. Du point de vue des émissions de GES
également, car l’efficacité énergétique de la production à grande échelle
compensera probablement la dépense énergétique du transport maritime
pour les amener en Nouvelle-Calédonie.
Mais si on choisit de subventionner une production locale ou même si on
importe du biocarburant à un coût guère plus bas que l’essence ou le gazole,
il faudra subventionner les automobilistes et les transporteurs pour qu’ils
prennent la peine de changer leurs habitudes. Pour le trésor public, la perte
sera double puisqu’il perdra aussi la recette fiscale des taxes qui frappent les
carburants pétroliers.
CONCLUSION
Dans le domaine des transports, la politique énergétique cherche à
traiter deux problèmes : l’instabilité du coût des carburants et l’aggravation
de l’effet de serre. Ces deux questions sont d’autant plus prégnantes en
Nouvelle-Calédonie que la totalité de l’énergie actuellement utilisée dans le
transport est d’origine pétrolière.
Malgré la fragilité et l’imprécision des données disponibles, on peut estimer
que la consommation de pétrole par les transports a connu ces dernières
années une croissance forte qui n’est pas prête de ralentir, sauf à ce que
soient prises des mesures pour atténuer les effets des erreurs passées et
réorienter les choix des individus et des institutions vers des modes de
transport moins consommateurs.
La maîtrise de l’énergie dans les transports
Malheureusement, l’éventail des instruments de politique disponibles qui
s’offre à la Nouvelle-Calédonie n’est pas très large. Il nous semble qu’une
première mesure devrait porter sur la rationalisation (et l’augmentation) des
taxes sur les carburants et sur les véhicules. Mais des mesures complémentaires nous paraissent indispensables, en particulier celles recommandés par
le PDAN : pistes cyclables, meilleure desserte en transports collectifs, etc.
Des études spécifiques devraient aussi être menées pour examiner la
viabilité économique et sociale de politiques telles que le transfert modal de
l’avion vers le bateau ou la libération des contraintes qui pèsent sur les
voitures de location avec chauffeur (VLC). Enfin, une meilleure maîtrise de
l’étalement urbain ne pourrait que renforcer les effets du PDAN.
111
112
L’énergie dans le développement de la N.-C.
CONCLUSIONS
ET RECOMMANDATIONS
Pour le détail des recommandations exposées ci-dessous, le lecteur
pourra se reporter aux fiches de recommandations rassemblées à la fin de la
synthèse (p. 387), après la partie « Conclusion et recommandations ».
La maîtrise des consommations d’énergie :
dans tous les secteurs des économies substantielles sont possibles
La préoccupation de la maîtrise des consommations d’énergie est devenue
générale, avec la conscience des limites et du coût croissant des ressources
énergétiques fossiles, et avec les exigences de la lutte contre les changements
climatiques provoqués par les émissions de gaz à effet de serre.
Dans tous les secteurs, une réduction de la consommation d’énergie est
possible dans le contexte néo-calédonien. Outre son coût financier, cette
réduction suppose une évolution forte des modes de production, de
construction et de consommation.
Dans le secteur résidentiel, du fait de ses conditions climatiques, la
Nouvelle-Calédonie peut s’affranchir de la plupart de ses dépenses de
climatisation dans les nouvelles constructions, à condition de respecter
certaines règles. Dans le tertiaire, les charges de climatisation peuvent être
considérablement réduites par une maîtrise des apports climatiques et internes.
La réglementation des appareils ménagers permettrait en particulier des gains
importants. Comme l’engagement en a été pris en métropole, un objectif
pourrait être donné à la consommation énergétique par m2, en allant jusqu’à
la construction de bâtiments à énergie positive.
D’où les recommandations suivantes :
1. Inciter aux actions de maîtrise de l’énergie dans les domaines
du bâtiment et de ses équipements.
2. Adopter une réglementation thermique dans le tertiaire et
l’habitat neuf et existant, et développer prioritairement le solaire
thermique partout où existe une demande d’eau chaude.
La maîtrise de l’énergie dans les transports
Dans le domaine des transports, les habitudes ne vont pas à l’économie
d’énergie. L’amélioration des transports en commun, une politique incitative sur
les vélos et un urbanisme adapté permettraient des économies substantielles.
La rationalisation des transports de minerais est bien assurée, grâce au cabotage,
mais le transport des pondéreux vers les îles doit être réexaminé.
D’où les recommandations suivantes :
3. Réaliser des études pour améliorer les connaissances sur le secteur
des transports.
4. Supprimer les distorsions fiscales qui affectent les choix des
automobilistes, instaurer une taxe carbone et une vignette automobile
assise sur la consommation de carburant.
5. Mettre en œuvre des propositions du Plan de déplacement urbain
(PDU) de Nouméa en matière de transports.
Dans le domaine de l’industrie, l’efficacité énergétique des systèmes
industriels néo-calédoniens doit être sérieusement améliorée pour réduire le
coût de l’énergie du produit final ainsi que les émissions des GES.
Pour la production d’énergie électrique, la gestion du parc des centrales
thermiques doit être considérée globalement. Avec les centrales de Prony et
la future de Doniambo, la puissance électrique disponible doit être capable de
subvenir à la demande énergétique à tout moment. Des outils informatiques
intelligents doivent être développés pour anticiper et répondre à la demande
de pointe afin d’éviter le recours à des dispositifs à faible rendement. Ces
logiciels doivent également gérer et optimiser l’usage d’énergies renouvelables
(biomasse, déchets verts, boues d’incinération) pour la production thermique
en prenant en considération la souplesse (modification de puissance disponible
sans perte de rendement notable), la flexibilité (changement de combustible)
et le temps de réponse des unités.
Dans le procédé pyrométallurgique, on doit rechercher des économies et
des récupérations d’énergie tout au long du procédé de production du nickel,
limiter et valoriser les pertes de chaleur, en évaluant le bénéfice de l’usage de
nouveaux éléments plus performants (isolation thermique renforcée, moteurs
optimisés, éclairage adapté…). La baisse du cours du nickel doit être l’occasion
de réduire les consommations d’énergie afin de diminuer les émissions de GES
et d’abaisser le coût du produit final pour agir sur la compétitivité et l’emploi.
113
114
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Dans le processus hydro-métallurgique, les consommations sont moindres
à la tonne de nickel produite : de l’ordre de 75 %, selon un chiffre fourni par
Goro Nickel.
D’où la recommandation suivante :
6. Améliorer l’efficacité énergétique des procédés industriels.
Enfin, en matière de connaissance des pratiques et d’appropriation,
deux recommandations transversales d’ordre sociologique sont formulées :
7. Sensibiliser l’usager final (grand public, entreprises) aux enjeux
énergétiques et climatiques et le convaincre de leur importance.
8. Réaliser des enquêtes qualitatives de type socio-anthropologique
pour avoir une connaissance et une compréhension fine des discours
et des pratiques des Néo-Calédoniens en matière d’énergie.
Les nouvelles technologies
en matière de production
et de stockage d’énergie
116
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Rappelons tout d’abord que les problématiques sont différentes selon
qu’il s’agit de satisfaire les besoins industriels, ceux de l’habitat ou des
transports, et que les technologies de production d’énergie, à partir des
diverses ressources énergétiques existantes, sont très nombreuses. C’est
pourquoi, nous nous attarderons plus particulièrement sur les technologies
exploitant les ressources disponibles et/ou économiquement accessibles en
Nouvelle-Calédonie. Nous proposons donc d’établir des liens entre les
technologies de production (et de stockage), les ressources disponibles (ou
supposées car tous les recensements n’ont pas été faits) et les besoins.
Gardons également à l’esprit que la maîtrise de l’énergie, traitée dans la
première partie, constitue la priorité avant tout développement de nouvelles
technologies de production car, à satisfaction identique des besoins, économiser l’énergie coûte en général moins cher que d’investir dans de nouveaux
moyens de production. En outre, certaines technologies de production,
comme les chauffe-eau solaires, étant parfois rangées dans la catégorie des
technologies permettant d’économiser l’énergie, il y a par conséquent
d’inévitables interactions entre les deux premières parties.
Enfin, il nous semble utile de préciser que la notion de rendement de
conversion est particulièrement importante lorsque l’on exploite des ressources
non renouvelables et polluantes, mais qu’elle l’est beaucoup moins lorsqu’il
s’agit de ressources renouvelables comme le soleil, le vent, la houle… (c’est
moins vrai avec la biomasse). Dans ce dernier cas, les conséquences d’un faible
rendement se traduisent par un accroissement des espaces ou dimensions
nécessaires et, compte tenu de l’abondance de ces ressources, cela constitue
assez rarement un problème. Dans ces systèmes de conversion des ressources
renouvelables, il existe un rendement optimal, c’est celui qui minimise, sur
cycle de vie, le coût de revient et/ou les coûts environnementaux.
Les ressources énergétiques et le potentiel exploitable
Un premier ordre de grandeur montre que compte tenu d’un rayonnement
solaire annuel moyen d’environ 2 000 kWh/m2 avec une variabilité saisonnière
assez faible (5 à 8 kWh/m2/jour), on obtient une énergie annuelle brute rayonnée
au sol d’environ 3 Gtep (sur 19 000 km2), soit 3 000 fois la consommation en
2007 d’énergie primaire de toutes les activités de Nouvelle-Calédonie.
Notons que cette énergie solaire peut servir à produire de l’électricité, de la
chaleur ou encore des carburants, via la biomasse par exemple. Bien sûr, les
technologies de conversion de cette ressource gratuite en une forme d’énergie
finale exploitable sont encore coûteuses, mais à l’avenir leur prix ne fera que
baisser pendant que celui des énergies fossiles ne fera qu’augmenter.
En France métropolitaine, environ 20 m2 de toiture par habitant sont accessibles.
En supposant qu’en Nouvelle-Calédonie la même surface soit disponible, si
chaque m2 de toiture était équipé de capteurs photovoltaïques on obtiendrait
une productivité totale annuelle de 600 GWh, soit l'ordre de grandeur de la
consommation actuelle d’électricité de la distribution publique. Et ce, pour un
investissement d’environ 300 milliards de francs CFP (2,3 G )12.
Les autres ressources disponibles sont :
Le vent qui, avec une productivité annuelle de l’ordre de 1 500 à 2 000 h
en équivalent pleine puissance, est une ressource intéressante pour produire de
l’électricité ou pomper de l’eau.
La biomasse qui est une ressource sans doute importante pour produire des
carburants gazeux ou liquides ou des combustibles solides, avec des usages
dans les transports ou pour la production d’électricité.
L’énergie thermique des mers (ETM), qui consiste à exploiter l’énergie solaire
accumulée dans les eaux de surface océaniques et leur différence de température
avec les eaux profondes froides, peut permettre de produire de l’électricité mais
également du froid. Sans posséder un potentiel exceptionnel, la Nouvelle-Calédonie
dispose probablement de ressources intéressantes dans ce domaine car ses eaux
de surfaces restent au-delà de 20 °C toute l’année et ses fonds marins sont
profonds comme l’atteste la bathymétrie au-delà de la barrière de corail13. […]
12 Calculs
faits sur la base de 230 000 habitants, 1 400 h annuelles en équivalent pleine puissance
et avec un coût du Watt crête installé égal à 5 .
13 La
réalisation de cette carte de bathymétrie est le résultat d’une consultation avec Pablo Chavance,
halieute du programme ZoNéCo (http://www.zoneco.nc/) et d’une rencontre à Nouméa avec
Jérôme Lefevre.
118
L’énergie dans le développement de la N.-C.
suite
[…]
La houle qui résulte de l’interaction du vent avec les eaux de surface.
D’après une étude récente, la Nouvelle-Calédonie bénéficie de conditions
assez favorables sur certains sites, comme à Lifou et Maré où des relevés ont
été effectués. Les périodes de houle sont assez régulières (autour de 8 à 9 s),
ce qui est favorable aux houlogénérateurs flottants (par exemple, Pelamis, Searev),
mais les hauteurs crête à creux restent assez modestes (moins de 2 m en moyenne)
alors que la ressource est proportionnelle au carré de cette grandeur. Cela
conduit toutefois à des valeurs de productivité du même ordre de grandeur
que l’éolien (moins de 2 000 h annuelles).
Les courants marins (effets de marées). Il semble que cette ressource soit très
faible en Nouvelle-Calédonie, des études effectuées dans le cadre du programme
ZoNéCo ont mis en évidence des intensités de courant faibles et insuffisantes
pour une exploitation réaliste.
L’énergie osmotique récupérable lors de la recombinaison de l’eau douce
avec l’eau de mer salée. L’utilisation d’une membrane spécifique peut permettre
d’obtenir une pression osmotique due à la diffusion de l’eau douce vers l’eau
de mer, pression exploitable pour entraîner une turbine. Les moyens de conversion
imaginés au début des années 1970 sont encore à l’état de projets très amont
et nous avons choisi de ne pas développer ces technologies ici.
• La géothermie qui résulte de la chaleur dégagée par le noyau terrestre et
qui s’échappe à travers la croûte terrestre. Dans certaines zones géologiques,
généralement volcaniques, les fuites de chaleur peuvent être très intenses et
l’on peut rencontrer des gisements d’eau très chaude exploitables pour produire
de l’électricité (plus de 150 °C) via des turbines à vapeur ou pour des usages
de chaleur basse température (moins de 100 °C). En Nouvelle-Calédonie, les
seules informations que nous avons obtenues résultent d’une thèse de 1981
qui fait mention de quelques sources thermales (à la Crouen, au sud de Canala,
de Nakety et de Thio ainsi qu’à Prony), les températures de ces sources sont
comprises entre 30 et 43 °C environ et peuvent révéler des ressources profondes
plus importantes.
Les dernières ressources présentées, même si elles peuvent contribuer à la
production de chaleur, de froid ou d’hydrogène, sont actuellement plutôt
envisagées pour la production d’électricité.
[…]
Les nouvelles technologies à mobiliser
suite
[…]
Le rapport Enerdata de 2007, commandé par la Dimenc pour construire un outil
d’aide à la décision permettant d’évaluer les scénarios de mix énergétique,
fournit notamment une évaluation du gisement et du potentiel des ressources
renouvelables réalisable en matière de production d’électricité.
800
700
600
30
300
500
400
300
200
Biomasse
200
100
200
5
30
40
60
Gisement
Potentiel réalisable
0
Source : Enerdata.
Photovoltaïque
Hydrolique
Éolien
Figure 5
Estimation des gisements et potentiels
de production d’électricité (en MW)
à partir des ressources renouvelables à l’horizon 2015
119
Les nouvelles technologies à mobiliser
pour la Nouvelle-Calédonie
LES CARBURANTS CLASSIQUES ET ALTERNATIFS
Pour produire de l’électricité par conversion chimique de l’énergie pour
l’industrie, l’habitat et le tertiaire, il faut effectuer deux choix : celui du
combustible et celui du procédé de combustion lui-même. Pour s’adapter aux
évolutions du marché, le système optimal doit être flexible aux combustibles,
qu’ils soient conventionnels (hydrocarbures fossiles gazeux, liquides ou solides)
ou alternatifs, et souple lors de son utilisation (une modification de la puissance
demandée ne doit pas détériorer le rendement énergétique du système).
Notons que les combustibles liquides trouvent sans doute leur meilleur usage
dans le domaine des transports où ils offrent des performances incomparables
en termes de masse et de volume.
Le potentiel des combustibles fossiles conventionnels
pour la Nouvelle-Calédonie
Pour une application donnée, le combustible est sélectionné en fonction
de son adaptation à l’usage demandé, de son prix et de sa sûreté d’emploi
et, depuis quelques années, par son aptitude à produire la quantité minimum
de CO2 par kWh converti.
Le gaz naturel est composé en majorité de méthane (généralement
95 %, mais sa teneur peut varier entre 70 et 100 %) et possède un pouvoir
calorifique inférieur (PCI) moyen de 38,1 MJ/kg, soit 10,6 kWh/kg, selon sa
composition et sa provenance. En 2005, il représentait 23 % de l’énergie
consommée dans le monde. C’est l’hydrocarbure émettant le moins de CO2
par kWh produit puisque son facteur d’émission (FE) est de 201 gCO2/kWhth.
Les nouvelles technologies à mobiliser
Le monde possède de très importantes réserves de gaz naturel et il est très
largement utilisé dans les pays industrialisés.
Le gaz naturel est transporté du pays producteur jusqu’à l’utilisateur final
par gazoducs ou, sous forme liquéfiée, par bateaux (méthaniers). Mais pour
les îles en général, la construction d’un terminal méthanier est coûteuse,
perturbe l’écosystème et ne nous semble pas présenter d’intérêt pour la
Nouvelle-Calédonie en comparaison des faibles quantités de gaz susceptibles
d’être importées. L’existence de systèmes flottants, peut-être mieux adaptée
à l’échelle de la Nouvelle-Calédonie, se heurte aux conditions des zones
cycloniques et ne nous semble pas plus adaptée.
Les hydrocarbures liquides représentent 37 % de l’énergie consommée
en 2005 dans le monde et sont utilisés par l’industrie, l’habitat, le tertiaire et
les transports qui en sont dépendants à 95 %. Leurs PCI sont les plus élevés
(39,9 MJ/kg pour le fioul lourd, soit 11,1 kWh/kg) et possèdent un facteur
d’émission de 282 gCO2/kWhth pour le fioul lourd et de 267 gCO2/kWh pour
le kérosène. Pour les transports, les hydrocarbures fossiles liquides resteront
sans doute encore longtemps l’énergie la plus utilisée, même avec l’adjonction
de biocarburants. Pour l’industrie, à cause de leur coût élevé et fluctuant et
la concurrence d’usage avec les transports, les combustibles liquides seront
de moins en moins économiquement attrayants pour une utilisation à long
terme.
La tourbe et le lignite font partie des browncoal ; le flambant sec, le Gras
(bitumineux) et l’anthracite des hardcoal. Du browncoal au hardcoal, le
pouvoir calorifique augmente et l’humidité, les matières volatiles et la teneur
en cendres diminuent. Le PCI du charbon est compris entre 15 et 27 MJ/kg
soit de 4,16 à 7,5 kWh/kg, valeurs qui sont fonction des pourcentages en
carbone, soufre, hydrogène et humidité. Le lignite n’enferme que peu de
soufre, mais contient une forte humidité. Le charbon présente un facteur
d’émission de 364 gCO2/kWhth pour le lignite et de 347 gCO2/kWhth pour
l’anthracite : c’est le combustible le plus défavorable en ce qui concerne les
émissions de GES mais il représente 24 % de l’énergie primaire mondiale.
Son coût et ses réserves importantes font que c’est encore le combustible
primaire actuellement le plus compétitif pour produire de l’électricité.
121
122
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Les combustibles alternatifs sont-ils adaptés à la Nouvelle-Calédonie ?
L’hydrogène est l’élément le plus abondant de l’univers et il est présent
en grande quantité dans les étoiles et les planètes. Sur Terre, l’hydrogène est
surtout le principal constituant de toute matière vivante, puisqu’il est présent et associé au carbone dans tous les composés organiques. Son PCI est
de 10,7 MJ/Nm314 soit 2,98 kWh/Nm3 et son FE est nul puisque les produits
de combustion sont composés majoritairement d’eau avec 0 % de CO2. Lors
de sa combustion, des précautions doivent être prises pour limiter la formation
de polluants, comme les oxydes d’azote d’origine thermique, et l’oxydation
des corps subsistants de son procédé de fabrication.
Mais pour produire de l’hydrogène, plusieurs procédés sont utilisés qui tous
nécessitent un apport d’énergie supérieur à ce qui sera restitué lors de sa
transformation finale. La méthode de fabrication actuellement la plus utilisée
est le reformage du méthane, du méthanol ou de l’éthanol (ou du bio-méthanol
ou du bio-éthanol) ; un procédé basé sur la transformation d’hydrocarbures
fossiles avec production simultanée de CO2.
L’apport d’énergie nécessaire à la production de l’hydrogène se retrouve,
aux pertes de conversion près, lors de son utilisation, c’est pourquoi on
considère l’hydrogène plutôt comme un vecteur énergétique : la production
d’hydrogène par hydrolyse pendant les périodes de surproduction d’énergie
électrique peut être vue comme une forme de stockage de l’énergie.
La voie classique consiste à stocker et véhiculer ce gaz dans des bouteilles
sous une pression de 700 bars. Le danger lors d’un choc condamne, du
moins à moyen terme, l’emploi de l’hydrogène gazeux dans les automobiles
et seuls des prototypes expérimentaux de véhicules avec pile à combustible
ou moteur à hydrogène existent et sont en cours d’évaluation. D’autres
technologies consistent à adsorber l’hydrogène sur des hydrures métalliques
(hydrure de magnésium) ou dans des nanotubes de carbone, mais les résultats
n’ont pas atteint les objectifs au niveau escompté. Enfin, des réservoirs
hybrides, haute pression et paroi absorbante pour réduire les fuites, sont
encore à l’état de recherche.
14 Nm3 = normaux mètre cube, soit le volume occupé par le gaz dans les « conditions normales de
température et de pression ».
Les nouvelles technologies à mobiliser
Le développement d’une filière hydrogène (incluant production, distribution
et stockage) ne nous semble donc pas adapté aux conditions de la NouvelleCalédonie.
Le biogaz est composé essentiellement de méthane (entre 50 et 90 %) et
de dioxyde de carbone (10 à 40 %), avec des quantités variables d’eau, et du
sulfure d’hydrogène (H2S) de 0 à 0,1 %. Son PCI (9,42 x 0,7 = 6,59 kWh/m3
pour un biogaz à 70 % de méthane, à 15 °C et à la pression atmosphérique)
provient uniquement du méthane et est fonction du taux de dilution dans le
CO2. Sa productivité est estimée entre 0,15 à 0,30 m3 de biogaz par m3 de
digesteur et par jour.
Le biogaz est ainsi la forme renouvelable du gaz naturel. La récupération
du biogaz produit par les décharges est d’autant plus intéressante que le
méthane est un puissant gaz à effet de serre (sa valorisation constitue un puits
de GES, elle devrait être obligatoire). Pour utiliser le biogaz dans un moteur
ou une chaudière, il faut impérativement procéder à un séchage du gaz afin
de limiter la corrosion par les composés halogénés qu’il contient.
En Nouvelle-Calédonie, quelques milliers de m3/h de méthane pourraient
sans doute être récupérés et utilisés sur les grandes décharges (1 m3 de
méthane équivaut à 1 litre d’essence !) car un centre d’enfouissement de
déchets récupère en moyenne 100 m3 de méthane par tonne de déchets
traités. La gestion optimisée énergétiquement des décharges fournirait une
image écologique et un apport énergétique améliorés de la NouvelleCalédonie.
Quels sont les déchets qui peuvent être méthanisés ? Les déjections
agricoles animales et végétales – résidus de culture et d’ensilage, effluents
de laiteries, retraits des marchés, gazons, etc. Notons tout de même qu’en
Nouvelle-Calédonie la centralisation vers un digesteur des excréments des
bovins semble difficile car l’élevage est extensif. Les effluents des industries
agro-alimentaires peuvent aussi être méthanisés ainsi que le fond des lacs et
marais.
La méthanisation des boues des stations d’épuration urbaines ou industrielles permet d’éliminer les composés organiques liquides et de rendre la
station plus ou moins autonome en énergie. Une installation moyenne
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124
L’énergie dans le développement de la N.-C.
produit environ un excès de 40 g de matière sèche par jour et par habitant.
Leur quantité est réduite de 35 % et une tonne de ces déchets génère jusqu’à
175 m3 de biogaz, soit l’équivalent énergétique de 190 litres d’essence. Les
boues sont le plus souvent mises en décharge ou valorisées en agriculture par
épandage ou compostage, quand il est autorisé ; mais elles pourraient aussi être
digérées par des bactéries anaérobies pour produire du biogaz et le digestat
être ensuite épandu sur les terres (éventuellement après compostage).
Le biogaz apporte une réponse énergétique et écologique au problème du
traitement des déchets organiques. C’est également un biocarburant présentant
de nombreux avantages en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et
en se substituant à d’autres énergies exogènes (fossile et nucléaire). Après
une séparation du CO2 du biogaz, ses utilisations sont identiques à celles du
méthane. La combustion du biogaz issu de la méthanisation réduit de 20 fois
l’émission des GES vis-à-vis des gaz issus de la fermentation.
Le marché des biocarburants a connu une forte croissance dans le monde
ces dernières années. Pour intensifier cette tendance, le Conseil européen a
fixé une proportion minimale à respecter de 10 % de biocarburants dans la
consommation totale d’essence et de gazole dans l’Union européenne d’ici à
2020. Une première génération de biocarburants est déjà opérationnelle, mais
leurs rendements énergétiques sont controversés et ils sont en concurrence avec
les utilisations alimentaires. Une seconde génération à base de valorisation
énergétique du bois est à l’étude pour les décennies futures.
La publication, en janvier 2008, de la directive ENR maintient l’objectif
d’incorporation de 10 % de biocarburants dans le pool carburant à horizon
2020. Elle introduit plusieurs critères permettant de qualifier la durabilité des
biocarburants : ils doivent assurer une réduction des émissions de gaz à effet
de serre de 35 % au moins par rapport aux équivalents fossiles ; ils ne doivent
pas être produits à partir de terres de grande valeur sur le plan de la diversité
biologique ni à partir de terres présentant un important stock de carbone,
c’est-à-dire de zones humides ou de zones forestières continues.
Ces critères, assez contraignants, montrent la nécessité d’assurer un
développement durable des biocarburants avant de considérer l’économie
substantielle apportée en combustibles fossiles et en rejets de CO2. Mais,
avant de se lancer dans leur production, il faut s’assurer d’une filière
Les nouvelles technologies à mobiliser
d’approvisionnement continu en biomasse comprenant la plantation, la
culture, l’exploitation, le conditionnement, le transport et la préparation de
la ressource de biomasse, sachant que des volumes très importants sont mis
en jeu.
Il faut aussi tenir compte des indicateurs d’impacts environnementaux.
En effet, l’étape agricole des biocarburants s’accompagne de fuites de nitrates
et de produits phytosanitaires dans les sols, et d’émissions d’oxydes d’azote
dans l’air ; la phase industrielle provoque des rejets d’hexane lors de la trituration des graines ; enfin, la combustion rejette également des oxydes d’azote,
du CO, des particules et des hydrocarbures imbrûlés. D’autres études montrent
que globalement l’utilisation de biodiesel peut augmenter les émissions de
NOx mais réduire celles de CO et de particules. De nombreuses réflexions
sont actuellement menées pour quantifier au moyen d’analyses de cycles de
vie (ACV) détaillées les rendements énergétiques, écologiques et économiques
des biocarburants.
Enfin, Il faut aussi considérer la concurrence des usages entre des terres
agricoles dédiées à la culture vivrière et celles qui sont dédiées à la production
d’énergie : la demande d’énergie des pays industrialisés ne doit pas affamer
l’autre moitié de la planète…
Les biocarburants de première génération
Déjà présents sur le marché, fabriqués au moyen de technologies matures,
les biocarburants de première génération n’utilisent qu’une partie de la plante
en valorisant soit l’amidon qu’elle contient, soit l’huile de sa graine. Deux
filières classiques sont actuellement exploitées : la filière éthanol qui conduit
à la production de bio-essence (éthyl tertio butyl éther, ETBE) et la filière
gazole qui, à partir du traitement d’huiles végétales, produit du carburant
pour moteur diesel (esters éthyliques d’huiles végétales, EEHV).
La fabrication de bioéthanol à partir de céréales ou de plantes amylacées en
vue de la fabrication de biocarburants (ETBE) est techniquement envisageable
en Nouvelle-Calédonie à condition que la disponibilité de la ressource agricole
soit effective. Des unités de production de bioéthanol d’un volume de 6 m3
existent sur le marché à des coûts modestes (échelle d’une grosse exploitation
agricole ou d’un village). Le bioéthanol obtenu peut être directement
mélangé à l’essence dans des proportions allant jusqu’à 20 % sans changer
les réglages moteurs. Pour un pourcentage d’éthanol de 85 %, appelé en
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126
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Europe E85, le véhicule doit être équipé d’un système FlexFioul-Ethanol et le
pays doit déployer une filière de distribution de ce biocarburant. Notons
aussi que des procédés permettent de valoriser les effluents et coproduits de
la fabrication de l’éthanol.
Les huiles végétales brutes (HVB), après purification, sont quelques fois
utilisées comme carburants dans les moteurs diesel, mais la technologie et
les performances des nouveaux moteurs s’accompagnent d’exigences qu’elles
ne peuvent satisfaire. Aujourd’hui, on effectue une trans-estérification de
ces dernières avec de l’alcool (généralement du méthanol) pour produire un
ester méthylique (esters méthyliques d’huiles végétales, EMHV) qui peut
alors être utilisé dans tous les moteurs diesel, soit en mélange dans le gazole
à toutes concentrations, soit pur – ce qui permet de réduire la consommation
de combustibles fossiles.
Dans le monde, l’huile de soja représente la production globale d’huiles
végétales la plus importante, suivie par l’huile de palme ; viennent ensuite
l’huile de colza, de tournesol, d’arachide, de noix de coco (coprah) et d’olive.
Pour obtenir des HVB, le procédé comporte trois étapes : la trituration,
l’extraction et le raffinage. On obtient alors une huile alimentaire. Les
consommations énergétiques pour atteindre l’étape de raffinage sont de
150 MJ sous forme vapeur et de 10 kWh électrique.
Pour une utilisation dans un moteur, la forte viscosité de ces HVB agit sur
la pulvérisation, leur faible volatilité augmente le temps d’auto-inflammation
et les dépôts sur les parois de la chambre, et on observe des figeages à froid,
toutes propriétés qui perturbent le fonctionnement du moteur diesel. Il faut
également signaler leur dilution dans les huiles de lubrification, ce qui
provoque une usure plus rapide du moteur. Si de telles huiles ont pu être
utilisées directement dans les tracteurs ou groupes électrogènes, leur emploi
dans les moteurs modernes devient de plus en plus critique.
L’emploi direct des EEHV dans les moteurs diesel n’entraîne pas les
inconvénients liés à l’utilisation des HVB. Ces esters sont même bénéfiques
pour la lubrification des gazoles à très basse teneur en soufre. Ils sont
miscibles avec le gazole, mais leur pouvoir calorifique est légèrement inférieur,
ce qui entraîne une consommation de 7 % plus élevée. Leur impact environnemental est positif avec généralement une baisse des émissions de CO,
HC et des particules, mais une augmentation des NOx.
Les nouvelles technologies à mobiliser
Ces résultats montrent le potentiel de production et d’utilisation des
biocarburants en Nouvelle-Calédonie. Bien que plusieurs plantes cultivables
sur l’île puissent être utilisées, le coprah peut être attractif, il a d’ailleurs déjà
été exploité mais la filière, nécessiterait d’être relancée. Cette filière comprend
la plantation, la culture (eau, intrants), la récolte, la transformation du fruit en
biocarburants EMHV et son utilisation locale. Les dispositifs de prétraitement
de l’huile et de trans-estérification sont commercialisés, les coûts d’équipement
sont raisonnables (quelques milliers d’euros) et leur fonctionnement est
simple.
En conclusion, du point de vue technique, les deux filières, ETBE et EMHV,
pourraient être facilement déployées en Nouvelle-Calédonie. Pour chacune
d’entre elles, l’équipement nécessaire est abordable financièrement et s’adapte
aisément à des petites productions.
Les biocarburants de deuxième génération
Ce type de carburants est encore en phase d’étude avec plusieurs
objectifs : la valorisation de la plante entière (graines et tiges), l’utilisation du
bois et de déchets de bois et l’évaluation de leur concurrence avec les cultures
vivrières.
La biomasse ligno-cellulosique provient aussi bien de déchets agricoles,
forestiers ou des sous-produits de transformation du bois, que de cultures
dédiées (plantes ligneuses ou herbacées). La transformation du bois génère
une quantité importante de déchets valorisables sous forme d’énergie ou de
matière première pour trituration, tout comme les déchets agricoles et forestiers
secs qui fournissent également des quantités importantes de biomasse
ligno-cellulosique. Quant à la culture dédiée, elle représente un gisement de
ligno-cellulose important valorisable énergétiquement.
Comme pour les carburants de première génération, deux filières permettent de valoriser cette ressource ligno-cellulosique, une voie thermochimique
(sèche) et une voie biologique (humide).
La conversion thermochimique de la biomasse ligno-cellulosique, qu’on
appelle Biomasse to Liquid (BtL), est porteuse de réels enjeux dans le monde
à l’horizon 2020. Il existe deux voies principales pour produire des produits
valorisables énergétiquement : la pyrolyse et la gazéification. La première, qui
est une étape de d’homogénéisation et donc de pré-conditionnement de la
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128
L’énergie dans le développement de la N.-C.
biomasse, présente le double avantage de découpler spatialement production
et utilisation de la biomasse (l’unité de production est implantée près de la
ressource) et d’orienter la réaction vers le liquide, le solide ou le gaz et, ainsi, de
récupérer ou de concentrer des fractions indésirables dans une des phases.
La technologie est mature, mais manque actuellement de débouchés. En
effet, les huiles de pyrolyse ne peuvent être utilisées que dans quelques moteurs
spécialement conçus pour les groupes électrogènes et doivent être exclues
pour une utilisation dans une turbine à gaz ou un moteur automobile.
L’opération la plus prometteuse est plutôt la gazéification des huiles et/ou
du charbon végétal pour la production de gaz de synthèse convertis ensuite en
méthanol ou hydrocarbures par synthèse Fischer Tropsch. La gazéification est
la transformation thermochimique d’un combustible solide (charbon, biomasse)
en présence d’un réactif gazeux (oxygène, vapeur d’eau, hydrogène). Son
objectif est de convertir le solide en un mélange gazeux, appelé gaz de
synthèse ou « syngas », qui peut être utilisé pour différentes applications : la
combustion dans un moteur, la cogénération électricité-chaleur avec un
rendement amélioré vis-à-vis de la combustion directe de la biomasse, et la
synthèse de biocarburants.
C’est cette dernière application qui présente le plus d’intérêt car elle
valorise tous les constituants de la biomasse ligno-cellulosique en biocarburants
comme le méthanol, le diméthyléther (DME) ou les hydrocarbures obtenus
par procédé Fischer Tropsch (le gazole ou le kérosène de synthèse). Mais ce
procédé de gazéification en est encore au stade de pilote et est plutôt favorisé
par l’effet d’échelle – ce qui n’est pas à l’avantage de la Nouvelle-Calédonie.
Reste la voie biochimique : si la production d’éthanol à partir du saccharose
des plantes sucrières ou de l’amidon des plantes amylacées est un procédé
mature, celle qui se fait à partir des matières ligno-cellulosiques se heurte à
deux verrous – l’hydrolyse de la cellulose en sucres fermentescibles et la
conversion des pentoses issus des hémicelluloses en éthanol. En effet, la
lignine ne pouvant être fermentée en éthanol, la matrice ligno-cellulosique
doit être prétraitée pour rendre la cellulose et l’hémicellulose hydrolysables
afin d’obtenir des sources potentielles de sucres fermentescibles. Enfin, la
matière première ainsi traitée peut être séparée du moût de fermentation
éthanolique pour obtenir de l’éthanol qui peut être mélangé à l’essence
jusqu’à des proportions importantes de 85 % (E85).
Les nouvelles technologies à mobiliser
L’utilisation de la biomasse ligno-cellulosique pour la production d’éthanol
carburant présente de multiples avantages du point de vue environnemental :
son bilan CO2 est meilleur que pour les plantes sucrières ou amylacées et la
valorisation des déchets de la plante entière n’entre pas en concurrence avec
les cultures vivrières. Des schémas de procédés existent, mais de nombreux
verrous subsistent qui nécessitent de réaliser des progrès en enzymologie de
la cellulose et en physiologie des levures. L’avenir de cette filière repose
essentiellement sur le développement des biotechnologies avec, comme
sous-jacent, celui de plantes génétiquement modifiées.
Au cours de leur évolution, les micro-organismes photosynthétiques se
sont adaptés à des conditions environnementales très diverses. On en trouve
d’ailleurs à peu près partout dans le monde, dans les océans, en eau douce ou
dans les eaux saumâtres, et ce à toutes les températures, y compris extrêmes.
Cette acclimatation à des milieux très différents explique l’étendue taxonomique de ce groupe d’êtres photosynthétiques qui comporte de nos jours,
selon les estimations, entre 20 000 et 40 000 espèces différentes, rien que
pour les micro-algues et cyanobactéries. Pourtant, cette bioressource reste
largement sous-exploitée, du fait notamment de l’intérêt relativement récent
du monde scientifique pour ces micro-organismes.
Leur intérêt est double : elles peuvent constituer un puits de CO2 et être
une source de combustible. Alors que les bactéries appartiennent au règne
animal, les micro-algues et cyanobactéries sont des cellules végétales et leur
croissance est donc basée sur le même principe que celle, par photosynthèse,
des plantes supérieures. Elles ont par conséquent la capacité de se développer
sur milieu entièrement minéral, en milieu aqueux, la lumière leur permettant
alors de croître par absorption des minéraux nécessaires et du carbone
inorganique environnant.
Les procédés de culture des algues : les photobioréacteurs (PBR)
On appelle photobioréacteur les procédés dédiés aux micro-organismes
photosynthétiques et donc aux micro-algues. La particularité de ces systèmes
réside dans la nécessité de fournir de l’énergie lumineuse en plus des conditions
générales de culture. En effet, contrairement aux substrats usuels que l’on
ajoute au milieu, les sources de lumière sont forcément extérieures à la culture.
Les besoins en énergie lumineuse des micro-organismes photosynthétiques
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L’énergie dans le développement de la N.-C.
(ou phototrophes) sont très importants : c’est là une limitation importante du
rendement des réacteurs puisque la lumière est absorbée par les algues en
surface et ne peut pénétrer et agir en profondeur.
La conception la plus simple consiste à cultiver les micro-organismes
phototrophes en bassin ouvert (lagunes, circuits en boucle dits raceways,
canaux en forme de méandres). Aujourd’hui, une grande partie de la
production vient de ces systèmes extensifs (5 000 à 6 000 tonnes par an de
matière sèche). En utilisant des géométries adéquates, il est possible de
tendre vers des optimums de conversion par photosynthèse de l’énergie
lumineuse reçue en biomasse : on peut ainsi atteindre une production de
100 tonnes/ha/an de matière sèche avec un système captant directement
l’énergie solaire.
En comparaison des végétaux supérieurs, les micro-algues ont des capacités
intrinsèques qui les positionnent favorablement dans nombre d’applications.
Comme principaux atouts, on retiendra leur vitesse de croissance élevée
(doublement d’une population en quelques heures), leur grande diversité (due
à leur longue évolution : 3,7 milliards d’années) et leur plasticité métabolique qui
permet, par imposition de conditions adéquates, de forcer le micro-organisme
à une production d’un métabolite donné.
Capables de synthétiser la plupart des éléments organiques essentiels
comme les protéines, les sucres et les lipides, les micro-algues et cyanobactéries
présentent une biochimie très variée en comparaison d’autres micro-organismes.
C’est d’ailleurs l’identification de métabolites particuliers qui a fortement
encouragé la recherche, et notamment sur les molécules prisées des industries,
comme les pigments, les polysaccharides ou divers composés biologiquement
actifs. Les applications possibles se sont alors révélées dans des domaines
aussi variés que l’alimentation, la pharmacologie ou la cosmétologie. Le choix
de souches adaptées et leur mise en culture dans des systèmes adéquats
devraient permettre de répondre à de grands enjeux agro-alimentaires, de
production d’énergie, de dépollution d’effluents et de recyclage de l’eau.
Selon l’espèce et les conditions appliquées, il est possible de produire de
l’hydrogène par biophotolyse de l’eau, de la biomasse végétale riche en lipides
à vocation énergétique (biodiesel) ou en sucres utilisables pour l’obtention
de méthane ou d’hydrogène par gazéification ou fermentation. De plus, la
croissance photosynthétique impose la fourniture de carbone inorganique
Les nouvelles technologies à mobiliser
(puits à CO2), et le fonctionnement en milieu aqueux permet une gestion
maîtrisée des apports en sels minéraux. Tous ces avantages font que les microorganismes photosynthétiques sont souvent envisagés comme une source
bioénergétique d’avenir, renouvelable et respectueuse de l’environnement.
Les algues comme puits de carbone
Pour atteindre un rendement optimal les algues ont besoin de CO2 en grande
quantité dans les bassins ou les bioréacteurs. Ces derniers doivent donc être
couplés à des centrales thermiques classiques productrices d’électricité et
qui rejettent du CO2 avec une teneur moyenne de 13 %. Le CO2 est mis à
barboter dans les bassins et est assimilé par les algues. Il s’agit donc d’une
technologie permettant d’augmenter le rendement de la photosynthèse et
de traiter les eaux usées. C’est en ce sens qu’elles constituent une avancée
dans le domaine environnemental.
Par exemple, la centrale de Prony comportant 2 tranches de 40 MWelectrique,
soit 240 MWthermique, rejette 4 500 tCO2/jour. Si l’on considère que nous
puissions disposer de PBR actuels et solaires, il faudrait pour absorber le CO2
produit une surface de captage du soleil de 2,5*4 500 = 11 250 ha et un
volume de 11,106 m3, soit une masse d’algues produite de 5 625 tonnes
pour un flux incident de 100 W/m2. Si la recherche mettait au point des PBR
avec distribution interne de lumière de façon à atteindre le rendement
thermodynamique maximum, la masse d’algues formée resterait de l’ordre
de 5 400 t/jour. Il faudrait, pour cet optimum, tout de même fournir l’énergie
pour filtrer 360 000 m3 d’eau par jour !
On pourra se reporter également au paragraphe intitulé « La séparation
biologique du CO2 par les algues ou enzymes » dans « Les émissions et les
réductions d’émissions de gaz à effet de serre en Nouvelle-Calédonie ».
Les algues source de triglycérides
Ces micro-organismes ont aussi des avantages sur les espèces oléagineuses
terrestres : ils peuvent accumuler jusqu’à 50 % de leur poids sec en acides
gras, d’où la possibilité d’obtenir des rendements à l’hectare supérieurs d’un
facteur 30 aux espèces oléagineuses terrestres. La culture de micro-algues en
serre à grande échelle n’a pas besoin d’apport de produits phytosanitaires et
permet de maîtriser le cycle de l’azote et du phosphore en contrôlant le
recyclage des éléments nutritifs.
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L’énergie dans le développement de la N.-C.
Dans l’exemple de la centrale de Prony : le captage des deux tranches
pourrait produire 6 300 t de matière sèche par jour soit 4 400 t/acides gras
par jour (~70 % de triglycéride). Une transestérification de ces huiles
fournirait alors environ 4 400 t de biodiesel/jour. Autrement dit, dix jours de
production/an suffiraient à couvrir la consommation en diesel de la
Nouvelle-Calédonie ! Rappelons tout de même que cela nécessiterait d’avoir
un réacteur optimisé (actuellement théorique), de l’énergie pour le pompage,
que le processus soit validé sur des pilotes, etc. Il s’agit donc là d’une recherche
et, a fortiori, d’un déploiement à très long terme (on dit d’ailleurs parfois
que les algues sont des biocarburants de troisième génération).
Les algues pour produire du biohydrogène
Dans une optique d’énergie durable, nul doute que l’hydrogène devrait
à l’avenir être promu comme nouveau vecteur d’énergie : il trouvera de
nouvelles applications dans les domaines du résidentiel et des transports, via
une transformation en électricité et en chaleur dans les piles à combustibles
ou les turbines à gaz avec cycle combiné.
Les algues vertes unicellulaires, micro-algues ou bactéries, possèdent la
propriété unique de produire de l’hydrogène à partir d’énergie solaire et d’eau :
c’est une enzyme, l’hydrogénase, qui est au cœur de ces processus. On peut
donc développer des procédés de photobioproduction d’hydrogène nongénérateurs de gaz à effet de serre, basés sur la domestication des processus
naturels de production d’hydrogène. Mais là encore, les procédés ne sont pas
matures et exigent des développements importants avant déploiement.
LES TECHNOLOGIES DE PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ
L’électricité constitue une forme d’énergie particulièrement facile à
transformer et à contrôler, mais elle est souvent aussi plus coûteuse au plan
économique et environnemental. C’est la raison pour laquelle, répétons-le,
la maîtrise de sa consommation doit être la première priorité avant le
développement de nouveaux moyens de production.
Notons que si l’on observe les évolutions récentes en matière de développement de nouvelles installations de production d’électricité, celles qui exploitent
les ressources renouvelables (photovoltaïques et éoliennes principalement)
détiennent les records de croissance relative.
Les nouvelles technologies à mobiliser
Les procédés de combustion et de conversion
Plusieurs technologies permettent de produire de l’électricité, par exemple :
la conversion des photons de la lumière par effet photoélectrique, celle de la
chaleur par effet thermoélectrique, et la conversion par transfert d’électrons
lors d’une réaction chimique ou mécanique au moyen d’un générateur ou
d’un alternateur. C’est ce dernier procédé qui est actuellement le plus utilisé
par les centrales thermiques ou nucléaires de grande puissance.
Une centrale thermique produit de l’électricité à partir d’une source de
chaleur provenant de la combustion d’un hydrocarbure gazeux ou liquide, du
charbon, de la biomasse, de déchets industriels ou ménagers. Le dégagement
de chaleur produit lors de la combustion chauffe un fluide, généralement de
l’eau, qui passe ainsi de l’état liquide à l’état de vapeur. Celle-ci entraîne, lors
d’un cycle thermodynamique, une turbine couplée à un alternateur qui
transforme l’énergie mécanique en énergie électrique. Pour entraîner la turbine
à vapeur, on provoque une chute de pression entre son entrée et sa sortie,
en condensant en aval le fluide à l’état gazeux à l’aide d’une source froide.
Le fluide condensé est en général réutilisé comme source de vapeur (cycle
de Rankine).
Une turbine à gaz (TAG), ou turbine à combustion, est une machine
tournante thermodynamique appartenant à la famille des moteurs à combustion interne. Son rôle est de produire de l’énergie mécanique à partir de
l’énergie contenue dans un hydrocarbure et de la transférer à un générateur
ou un alternateur.
Le rendement théorique d’une TAG croît avec le taux de compression et la
température de combustion. Son rendement faible (25 à 35 %) est dû au fait
que l’énergie fournie par le combustible est détournée par le compresseur
ou perdue sous forme de chaleur dans les gaz d’échappement. Le rendement
est amélioré en augmentant la température dans la chambre de combustion
(plus de 1 200 °C), mais on se heurte à des problèmes de la tenue en
température des matériaux utilisés pour la réalisation de la partie turbine.
Des systèmes de refroidissement au moyen de multi-perforations sont alors
mis en place dans les parois de la chambre et des aubes en alliage réfractaire
à base de nickel.
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L’énergie dans le développement de la N.-C.
L’expression « cycle combiné » caractérise une production d’énergie
ou une centrale utilisant plus d’un cycle thermodynamique. Les TAG
transforment une partie de l’énergie fournie par la combustion en travail
moteur qui est convertie en électricité au moyen d’un générateur ou d’un
alternateur. Le rendement est généralement de l’ordre de 25 à 30 %. C’est
en récupérant la chaleur des gaz d’échappement que le rendement global
de la machine peut alors dépasser 50 %. On utilise pour cela la chaleur des
gaz d’échappement (plus de 600 degrés) pour produire de la vapeur dans
une chaudière qui alimente une turbine à vapeur entraînant un second
générateur électrique. On peut aussi augmenter le rendement de la turbine
en réchauffant les gaz en sortie des étages de compression (avant les
chambres de combustion), en les faisant passer dans un échangeur situé
dans le flux des gaz d’échappement.
Les centrales thermiques à flammes stabilisent une combustion dans une
chaudière au moyen de brûleurs à flamme de diffusion. Des jets de combustibles gazeux, liquides ou solides sont injectés au nez du brûleur à proximité
de jets d’air ou d’oxygène. La combustion se stabilise dans la zone de
mélange combustible/comburant. Ce procédé est sûr car il n’y a pas de
formation de mélanges des réactifs avant le foyer, mais il permet mal de
contrôler la zone de réaction et de formation des polluants. Ce type de centrale
est tout de même le plus répandu dans le monde et permet de disposer
d’unités de très grande puissance.
Les chaudières à lit fixe établissent la combustion au sein d’une couche
de particules combustible qui reste stationnaire quand le fluide (oxydant : air,
oxygène) la traverse et réagit au sein du lit. Les réacteurs à lit fluidisé, quant
à eux, sont constitués d’un ensemble de particules solides (charbon ou
biomasse) traversé de bas en haut par un fluide dont le débit est tel que le
frottement du fluide sur les grains équilibre leur poids. Au-delà d’un certain
débit de fluide, on assiste à l’entraînement du lit. Le solide peut être séparé
du fluide en tête de colonne par un cyclone et recyclé à la base : c’est le lit
fluidisé circulant (LFC) qui reste relativement dense avec de nombreuses
interactions gaz-solide.
Les nouvelles technologies à mobiliser
C’est ce type de chaudière qui est prévu par la SLN pour la nouvelle
centrale de Doniambo (cf. dans « La maîtrise de l’énergie : un enjeu majeur
pour le développement durable de la Nouvelle-Calédonie et sa sécurité
énergétique » le paragraphe p. 90 sur « Les points forts de l’efficacité énergétique sur le site de la SLN » dans lequel ont été décrits les avantages du
LFC).
Pour accroître le rendement du cycle thermodynamique du système qui
peut passer de l’ordre de 35 % à près de 50 %, la vapeur d’eau doit être
portée à haute température et haute pression dans la chaudière. On parlera
d’un fonctionnement avec de l’eau dans des conditions super-critiques
(Tc = 376 °C et Pc = 221 bar) ou même hyper critiques (Tc = 700-720 °C et
Pc = 350 bar). Pour cela, il faut réaliser des tuyauteries et une turbine à vapeur
en alliage à base de nickel. Le coût de telles installations est donc très élevé
et ne s’adapte qu’à des unités de puissance supérieure à 400 MWelectrique.
Pour accroître le rendement énergétique global de production d’électricité, la chaleur fatale de la chaudière ou d’une TAG est valorisée par sa
distribution au travers d’un réseau industriel ou domestique de vapeur et
de chaleur : c’est la cogénération électricité/chaleur ou même tri-génération
électricité/chaleur/froid.
Une unité de gazéification intégrée avec cycle combiné ou IGCC est une
centrale thermique fonctionnant avec du gaz de synthèse syngas. Ce gaz est
souvent utilisé pour actionner une turbine à gaz dont la chaleur des effluents
est ensuite valorisée par une turbine à vapeur (TAG à cycle combiné). La
technologie IGCC consiste à transformer du charbon ou de la biomasse, lors
d’une gazéification en gaz de synthèse composé d’un mélange de CO et
d’hydrogène. Les impuretés du combustible sont ainsi retirées avant la phase
de combustion, d’où des rejets limités de polluants comme le dioxyde de soufre,
les particules et les métaux. Le rendement global est également amélioré par
rapport à une unité conventionnelle à charbon pulvérisé.
Ce type de procédé IGCC est dit « intégré » car les gaz de synthèse
sont produits par une unité de gazéification qui est optimisée par un cycle
135
136
L’énergie dans le développement de la N.-C.
combiné. Pour améliorer le rendement global du procédé, les chaleurs
provenant des fumées de la TAG et du réacteur de gazéification sont valorisées
par une chaudière et une turbine à vapeur qui produit à son tour de l’électricité
additionnelle. La gazéification et la combustion de l’hydrogène font de ce
système un procédé possédant une empreinte environnementale minimum
et un rendement énergétique optimisé grâce au cycle combiné.
On peut également produire de l’électricité en site délocalisé ou avec des
groupes électrogènes lorsque le réseau est arrêté. Ceux-ci se composent
d’un moteur voisin de celui d’une automobile couplé à un générateur ou un
alternateur. Mais le rendement est en général assez faible. En revanche, ce
système devient performant avec la combustion de biogaz issu de fermenteurs
ou de décharges (cette utilisation permet d’ailleurs d’acquérir des crédits de
CO2).
À priori, toutes les techniques de production industrielle d’électricité par
conversion chimique de l’énergie peuvent être introduites en NouvelleCalédonie, les critères de choix ainsi que les limites techniques d’utilisation
étant ceux de la puissance recherchée, du combustible, de la valorisation de
la biomasse et du procédé de combustion.
L’analyse technologique désigne ainsi les meilleurs choix économiques à
opérer pour la Nouvelle-Calédonie :
Une centrale thermique à charbon à flamme, la moins chère à l’achat.
Par contre, ce procédé rejette du SOx et du NOx si elle n’est pas équipée
d’unités de dépollution. L’emploi de lignite limite les émissions de SOx, mais
les rejets de tCO2/kWh sont plus importants et le fonctionnement moins
optimal. C’est ce procédé qui a été choisi pour la centrale de Prony.
Une chaudière à lit fluidisé circulant, ce système présentant le meilleur
potentiel pour la Nouvelle-Calédonie. C’est ce choix qui a été retenu pour
les futures centrales de Doniambo et Koniambo.
Les centrales hydroélectriques
Les technologies de production d’électricité à partir des ressources
hydrauliques sont relativement matures et bien que nous ne puissions pas
Les nouvelles technologies à mobiliser
les qualifier de nouvelles, nous proposons une courte synthèse, notamment
pour mettre en évidence les évolutions récentes. En France, on qualifie de
petites centrales hydroélectriques, celles dont la puissance est comprise
entre 2 et 10 MW, de minicentrales, celles de 500 kW à 2 MW, de microcentrales, celles de 20 à 500 kW et de picocentrales, celles de moins de
20 kW. La productivité des centrales hydroélectriques dépend directement
de l’hydraulicité des cours d’eau dans le cas des usines au fil de l’eau et,
dans une moindre mesure, lorsqu’il existe un barrage de retenue qui offre
alors une capacité de stockage permettant de mieux répondre à la demande
et de fortement contribuer à la stabilisation du réseau. Le barrage de Yaté,
qui exploite un lac artificiel, offre une capacité de plus de 300 millions de m3
et une très importante quantité d’énergie stockée (environ 100 GWh, soit
5 % de la consommation annuelle 2008). Sa puissance est de 68 MW
(4 groupes) avec une productivité annuelle d’environ 5 000 h (+/- 20 % selon
les années) équivalentes à pleine puissance. Précisons également qu’il est
possible d’alimenter un microréseau (en site isolé) avec un système hydroélectrique, généralement sans recours à un stockage électrochimique, si la
régularité du cours d’eau est suffisante. Différents dispositifs de régulation
existent et permettent de stabiliser tension et fréquence pour offrir une
qualité de service satisfaisante avec une bonne fiabilité.
En grandes ou petites puissances, des hauteurs de chutes les plus grandes
aux plus faibles, les turbines utilisées sont respectivement de type Pelton,
Francis et Kaplan. Pour les petites machines, il existe quelques technologies
spécifiques comme les turbines Banki (roues à aubes). Les rendements de
conversion sont très élevés (généralement supérieurs à 90 %) et d’autant
plus que les puissances nominales sont élevées. Les génératrices électriques
utilisées en grande puissance (au-delà de quelques MW) sont quasiment
exclusivement de type synchrone à excitation bobinée, ce qui leur permet de
participer au réglage de tension par action sur le courant inducteur. En
situation raccordée au réseau, pour les puissances inférieures à quelques MW,
on utilise plutôt pour des génératrices asynchrones à cage qui permettent une
réduction des coûts aux dépens de la possibilité de participer au réglage de
tension. Des génératrices à aimants permanents, plus compactes, permettent
de réduire les coûts de génie civil, mais toujours sans possibilité de réglage.
L’introduction de la vitesse variable, qui permet à la fois d’accroître la
productivité lorsque les débits et hauteurs de chute sont variables et de
participer au réglage de tension, peine encore à se développer, mais la
technologie existe.
137
138
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Les éoliennes
Un seul constructeur propose des éoliennes conçues pour les régions
cycloniques et pour les zones peu accessibles, il s’agit de Vergnet SA. Ses
machines sont rabattables avec un système de haubans et de treuil automatique
et permettent, en cas d’annonce de cyclone, de se protéger de la destruction.
En outre, elles sont constituées de pièces de taille et de masse raisonnables
aisément transportables dans les zones peu accessibles et ne nécessitant pas
de grues de grande taille.
Plus d’une centaine de machines de ce type sont actuellement en service
en Nouvelle-Calédonie avec des puissances unitaires de l’ordre de 250 kW.
La dernière génération est sensiblement différente, elle dispose d’une
nacelle qui peut descendre le long du mât : c’est le modèle retenu pour la
ferme de Yaté qui devrait être mise en service entre 2010 et 2012 avec
35 unités pour une productivité annuelle de 60 GWh.
Le coût installé de ces machines est élevé, soit environ 2,3 à 2,5 /W,
c’est-à-dire près du double des installations européennes. Ce surcoût est
justifié par les originalités de la technologie, l’éloignement et, peut-être, par
l’absence de concurrence. Le seul fabricant alternatif est Vestas qui, de 1996
à 1999, a installé 20 machines de 225 kW au Negandi. Elles ont été détruites
par le cyclone Erica, en mars 2003, et 15 d’entre elles ont été remplacées,
mais il semble que Vestas ne veuille plus s’impliquer dans la construction de
nouvelles fermes éoliennes en Nouvelle-Calédonie.
La productivité des machines Vergnet a subi quelques revers, liés semblet-il à une maintenance insuffisante. La création de Vergnet Pacific et les
nouveaux modes tarifaires devraient résoudre ces problèmes temporaires.
Avec un fonctionnement normal, les machines Vergnet doivent produire
environ 1 600 à 1 900 h annuelles selon les sites et les années, ce qui signifie
que 1 MW éolien produit entre 1,6 et 1,9 GWh par an.
Notons enfin qu’il existe sans doute un potentiel éolien off shore important
mais que les technologies actuelles sont sans doute mal adaptées aux zones
cycloniques. Il faut toutefois garder à l’esprit que des technologies off shore
flottantes commencent à être testées et que, d’ici quelques années, elles
pourraient présenter un intérêt grâce à leur plus grande souplesse face aux
vents violents.
Les nouvelles technologies à mobiliser
Les houlogénérateurs
Résultante de l’effet du vent sur les surfaces marines, l’énergie des vagues
représente une ressource considérable et pourrait satisfaire un certain
pourcentage de la consommation mondiale d’électricité à l’horizon de
quelques décennies. La ressource houlomotrice brute est quantifiée en
kiloWatts par mètre de front de vague, avec des ordres de grandeurs
compris entre 10 et 100 kW/m (Cap Horn). Il faut cependant considérer le
rendement de conversion assez faible des systèmes de récupération actuels,
de l’ordre de 10 % sur les moyennes annuelles.
La profondeur des fonds marins joue également un rôle important dans
le sens où de faibles profondeurs favorisent la dissipation énergétique. Ainsi,
en arrivant sur les côtes, la houle a généralement perdu une grande partie
de son potentiel énergétique.
Un champ de vagues est composé d’ondes multiples qui ne se propagent
pas toutes dans la même direction. Pour caractériser la houle aléatoire, une
façon simple est donc de se limiter à deux paramètres : une hauteur crête à
creux notée Hs accompagnée d’une période Tp, ces deux paramètres
permettant de représenter un état de mer aléatoire en se référant à un
modèle standard de répartition spectrale de l’énergie (Tp est alors la période
du pic spectral).
Outre le fait que la houle ondule à basse fréquence et engendre des
fluctuations de puissance instantanée, la puissance moyenne de la ressource
fluctue considérablement en fonction de l’état de mer. La puissance
récupérable dépend ensuite de la largeur de houle captée et de l’efficacité du
dispositif de conversion. Les houlogénérateurs ont souvent un comportement
relativement accordé pour un type de houle donné et, même si un contrôle
avancé permet d’optimiser l’extraction de puissance dans des conditions
variées, leurs caractéristiques de puissance de sortie ne sont pas vraiment
proportionnelles à Hs2.Tp (puissance brute issue de la loi théorique).
Les houlogénérateurs peuvent être situés sur la côte (shoreline), en mer
au voisinage des côtes (nearshore) avec des fonds inférieurs à 50 m pour
permettre un ancrage, ou encore au large (off shore).
Le coût d’investissement des houlogénérateurs proches de la maturité est
estimé aujourd’hui dans une fourchette 1 à 3 /W et les coûts de production,
139
140
L’énergie dans le développement de la N.-C.
dépendant bien sûr de la technologie et des conditions locales, pourraient
passer d’ici quelques décennies de quelques 10 c /kWh à quelques c /kWh.
Ils pourraient aussi profiter du développement des éoliennes off shore et,
notamment, des infrastructures de transport de l’électricité à terre.
Depuis les années 1970, de très nombreux dispositifs ont été imaginés,
brevetés et/ou testés, dont on retiendra ici la classification simplifiée suivante.
Les houlogénérateurs à rampe de déferlement : dans cette famille de
générateurs conçus initialement pour exploiter les caractéristiques de sites
côtiers, on trouve un système flottant, le Wave Dragon, avec une hauteur de
flottaison ajustable en fonction des caractéristiques de la houle. L’eau de
mer déferle sur une rampe, franchit son seuil et remplit un réservoir situé
derrière, elle est ensuite turbinée à « basse chute » pour retourner à la mer.
Ces systèmes présentent l’avantage de lisser la puissance et d’obtenir une
production relativement régulière, en tout cas, qui ne fluctue pas au rythme
des vagues.
Les houlogénérateurs à colonne d'eau oscillante : c’est peut-être l’un
des principes les plus utilisés, il est d’ailleurs emprunté à la nature où les
« trous de souffleur » présents dans les côtes rocheuses mettent bien en
évidence les flux et reflux d’air piégé dans une cavité soumise aux fluctuations
des vagues. Les systèmes sont placés sur les côtes ou sur des machines
flottantes, une cavité ouverte à l’action des vagues par une embouchure
submergée voit sa surface libre interne osciller comme un piston liquide. L’air
de la cavité est alors alternativement expulsé puis admis par une canalisation
de sortie vers l’atmosphère. Une turbine, dont le sens de rotation ne change
pas en fonction du sens de circulation de l’air, est placée dans la canalisation.
La turbine entraîne un alternateur qui produit ainsi de l’énergie en continu.
Parmi les systèmes non flottants, citons la colonne Kvaerner (Norvège) et le
projet-pilote européen Pico, du nom de l’île des Açores au Portugal. Il existe
également des systèmes flottants à colonne d’eau oscillante permettant
d’accéder à une plus grande variété de sites, comme le Sperboy (UK).
Les houlogénérateurs à corps mus par la houle. Cette catégorie regroupe
une très grande diversité de principes et de systèmes, dont le Power Buoy
(Ocean Power Technologies, Inc., États-Unis), le Searev (Système électrique
autonome de récupération de l’énergie des vagues, projet porté par l’École
Centrale de Nantes), le Ceto Cylindrical Energy Transfer Oscillator (projet
Les nouvelles technologies à mobiliser
australien de Carnegie Corp. dans lequel EDF Énergies nouvelles est impliqué)
et le système Anaconda de la société anglaise Checkmate. Mais le plus connu
est sans conteste le Pelamis, grand serpent articulé et aujourd’hui l’un des
houlogénérateurs les plus matures sur le plan industriel.
Cette forme générale lui permet de supporter des houles relativement
variées et de bien exploiter leur énergie. Il présente l’avantage de lisser une
énergie naturellement fluctuante. Sa durée de vie envisagée est de 20 ans
et sa puissance électrique maximale est de 750 kW. Trois unités P750 ont
été installées en 2008 à 5 km des côtes du Portugal pour former une ferme
houlogénératrice expérimentale de 2,2 MW pour un montant de 8 M .
Dans le principe, une superficie de 1 km2 permet d’installer une capacité de
production de 8 à 30 MW. Comme dans les fermes éoliennes off shore, les
unités, espacées d’environ 150 m, sont organisées en clusters.
Les générateurs photovoltaïques
Le principe de la production d’électricité photovoltaïque (PV) exploite la
conversion directe de la lumière en électricité. L’absence totale de mouvements
mécaniques permet de réaliser des technologies particulièrement fiables
et totalement silencieuses, bien adaptées à l’intégration aux bâtiments.
Aujourd’hui, le marché de la production PV au fil du soleil (raccordé au
réseau sans stockage) est massivement dominant avec des taux de croissance très élevés (plus de 50 % annuels).
Les technologies photovoltaïques les plus matures sont à base de silicium
polycristallin et monocristallin (rendement légèrement meilleur : environ 17 %),
voire de silicium amorphe (bas coût et plus faible rendement). Des technologies
plus marginales existent et permettent notamment d’accroître les rendements
grâce à des cellules multi-spectrales qui élargissent le spectre de sensibilité.
Les limites théoriques sont de l’ordre de 86 % et les meilleurs résultats
expérimentaux actuels frôlent les 37 % avec une structure triple du type
InGaP/GaAs/Ge. Des technologies couches minces, comme celle à base de
séléniure de cuivre indium (CIS), ainsi que les matériaux organiques permettent
d’envisager de meilleures performances de coût mais elles peinent encore à
émerger et/ou ont encore des durées de vie insuffisantes (cas des organiques).
Enfin, il existe des structures à concentration dont les rendements sont
accrus à haute intensité du rayonnement mais qui nécessitent des systèmes
optiques pénalisants en termes de coût et de fiabilité (salissures).
141
142
L’énergie dans le développement de la N.-C.
La production électrique photovoltaïque est sensiblement proportionnelle
à l’intensité du rayonnement solaire et est sensible à la température, c’est
pourquoi il est préférable de prévoir une ventilation naturelle des panneaux,
notamment de la face arrière. La production PV fluctue donc directement
avec les variations naturelles d’ensoleillement. En cas de développement
massif des systèmes PV raccordés au réseau, leur production engendrerait les
mêmes difficultés que l’éolien, nécessitant de nouveaux modes de gestion
du réseau ainsi que le développement de systèmes de stockage.
En Nouvelle-Calédonie, la productivité PV annuelle effective est de l’ordre
de 1 500 h équivalentes à pleine puissance, ce qui diminue les coûts de
revient de cette électricité par rapport aux régions moins ensoleillées comme
l’Europe du Nord.
Les centrales solaires thermodynamiques à concentration
(CSP, Concentrated Solar Power)
Les centrales solaires thermodynamiques (ou héliothermodynamiques) à
concentration exploitent le rayonnement direct du soleil, il convient donc de
s’assurer qu’il est suffisant pour envisager une rentabilité économique de ces
procédés. Le seuil de rentabilité admis est de 1 800 kWh/m2/an. Il existe
différentes technologies de centrales solaires à concentration.
Les centrales à tour (Solar Tower) : les miroirs orientables selon deux
axes focalisent le rayonnement solaire vers une tour où l’on réchauffe un
fluide caloporteur (sels fondus) pour produire ensuite de la vapeur, la turbiner
et produire de l’électricité avec un classique alternateur. La possibilité de
stocker la chaleur permet de lisser les effets des passages nuageux, voire les
alternances jour/nuit, et de mieux optimiser le dimensionnement de la turbine
à vapeur.
Les centrales à miroirs de type auges cylindro-paraboliques (Parabolic
Trough) : cette technologie consiste à utiliser des miroirs en forme d’auges
orientables en rotation selon un seul axe, et focalisant le rayonnement solaire
sur une ligne sur laquelle se trouve un tube parcouru par le fluide caloporteur.
La suite est identique à celle des centrales à tour. Cette technologie est
exploitée depuis les années 1980 en Californie (désert de Mojave) et d’autres
réalisations sont programmées dans le monde.
Les nouvelles technologies à mobiliser
Les centrales à miroirs de Fresnel linéaires (Linear Fresnel) : même principe
que les précédentes, mais avec des miroirs plans articulés pour obtenir une
focalisation du rayonnement solaire vers le tube à moindre coût et avec un
rendement légèrement plus faible (besoin de plus d’espace).
Les unités à miroir parabolique focalisant le rayonnement sur la source
chaude d’un moteur Stirling (fonctionnement sans combustion). Cette
technologie, à priori plus chère que les précédentes a déjà fait l’objet d’une
évaluation/proposition pour la Nouvelle-Calédonie en 2002 par la société
australienne Solar Systems Corp15.
Les convertisseurs exploitant l’énergie thermique des mers
(Otec, Ocean Thermal Energy Converter)
Les océans et les mers constituent un immense capteur du rayonnement
solaire qui stocke et transfère de gigantesques quantités de chaleur, contribuant ainsi significativement aux équilibrages thermiques de la planète. On
peut envisager d’exploiter une part de ce gisement d’énergie dans les zones
où il existe des écarts de température suffisamment élevés pour envisager de
faire fonctionner des machines thermodynamiques au meilleur coût. C’est
dans les zones équatoriales et tropicales que l’on trouve des gradients de
température suffisants : sans disposer de conditions exceptionnelles, la
Nouvelle-Calédonie semble assez bien dotée.
La ressource brute de l’énergie solaire captée annuellement par les océans
est énorme, de l’ordre de 400 000 TWh, mais seule une infime partie est
accessible et il est indispensable de ne pas puiser massivement dans ce cycle
naturel qui joue un rôle crucial dans la stabilité climatique. En considérant le
débit global de l’ensemble des courants froids en profondeur, le fait que les
machines thermodynamiques envisageables nécessitent un débit d’eau
froide très élevé et de faibles rendements de conversion (principalement dus
au faible écart de température entre sources chaude et froide), on atteint un
potentiel mondial annuel renouvelable maximal de 80 000 TWh.
Parmi les projets envisagés, citons la centrale Otec (Ocean Thermal Energy
Converter) d’Hawaï, mise en service en 1979, qui produit 18 kW électriques
durant sensiblement 8 000 h par an, selon les arrêts de maintenance. Le
15
http://www.solarsystems.com.au/
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144
L’énergie dans le développement de la N.-C.
principe des dispositifs Otec est fondé sur une machine à turbine utilisant la
détente d’un fluide évaporé sous l’effet d’une source chaude (température
des eaux de surface : 26 à 30 °C) puis condensé grâce à une source froide
(température des eaux profondes pompées et ramenées au niveau de la
machinerie). Il est donc nécessaire de pomper à des profondeurs de l’ordre
de 800 à 1 000 m pour disposer d’un écart de température le plus élevé
possible sans toutefois dépenser une quantité d’énergie excessive pour le
pompage.
En outre, il faut des débits considérables d’eau chaude et d’eau froide,
de l’ordre de 2 à 3 m3/s par MWe. Les pertes de pompage associées (d’eau
chaude comme d’eau froide) sont d’autant plus faibles que les pertes de
charge dues à l’écoulement dans les tuyaux sont réduites. Il est donc essentiel,
tout particulièrement pour la longue canalisation d’eau froide, de disposer
d’un diamètre de conduite suffisamment élevé. Il résulte de tout cela un
rendement net de production d’électricité d’environ 2,5 à 3 %. Jusqu’à
maintenant, l’un des principaux freins au développement des technologies
Otec, hormis leur manque de maturité et les difficultés techniques, comme
la résistance du tuyau de grande longueur, est le coût d’investissement qui
reste très élevé (4 à 12 /W pour des unités de 100 MW, selon la distance
de la côte).
Les centrales Otec peuvent être construites sur la côte, ce qui simplifie
les problèmes de transport d’électricité, mais accroît le coût du pompage car
il faut augmenter la longueur des conduites, notamment celle d’eau froide.
Cela se révèle même techniquement infaisable si la profondeur ne décroît
pas suffisamment vite au voisinage de la côte. Dans les autres cas, l’usine de
conversion doit être construite sur une barge.
Le récupérateur de l’énergie cinétique des courants marins
La récupération de l’énergie marémotrice peut se faire à partir de la
variation du niveau de la mer et de l’exploitation via un barrage, ou par l’exploitation directe des courants par des turbines placées dans le flux, comme
des éoliennes sous-marines, appelées aussi hydroliennes. L’un des avantages
des marées est leur grande prédictibilité qui facilite la planification et permet
de mieux insérer de tels systèmes de production dans les réseaux. Avec les
systèmes à barrage, l’effet de stockage dans des bassins amont et aval peut
Les nouvelles technologies à mobiliser
être mis à profit pour faire du stockage, éventuellement en pompant dans
les phases avantageuses du cycle.
La technique de récupération des courants libres est très proche de celle
des aérogénérateurs, à ceci près que la direction des courants est constante,
que leur sens est alternatif (effets de marée) ou continu et que les turbines se
trouvent dans l’eau salée (cette technologie a déjà été éprouvée en eau douce,
notamment dans des fleuves amazoniens). On retrouve ainsi deux grandes
familles de turbines selon que l’axe de rotation est vertical ou horizontal,
mais également d’autres technologies plus originales comme celle utilisant
des ailes planes oscillantes (Système Stingray d’Engineering Business Ltd), ou
encore des systèmes flottants de type « roue à aubes » (projet français
Hydrogen).
Mis à part quelques projets d’extraction de l’énergie du Gulf Stream, la
plupart des projets actuels concernent les courants de marée. Les générateurs
immergés de petite puissance peuvent être flottants, placés sous une barge,
ce qui permet de régler plus aisément le problème des variations de hauteurs
dues aux marées elles-mêmes et de faire en sorte que les machines restent
toujours au voisinage de la surface. Ils peuvent être également flottants,
portés par une bouée et amarrés, comme le propose la société SMD
Hydrovision ou encore Ponte de Archimede avec sa turbine Kobold à axe
vertical. Ce principe est déjà exploité dans des rivières. Les hydrogénérateurs
peuvent également être posés au fond sur base gravitaire ou encore portés
par un monopieu métallique. En fait le choix des structures porteuses est
principalement dicté par la profondeur et par la nature des fonds. Enfin, les
différents prototypes ou systèmes au stade préindustriel ont des puissances
de quelques dizaines à quelques centaines de kW.
La production électronucléaire16
Dans un réseau électrique, il est fortement souhaitable que la puissance
maximale des unités reste inférieure à 10 % de la puissance totale installée
pour pouvoir compenser une unité défaillante dans de bonnes conditions de
stabilité de la tension et de la fréquence. Sur la base d'environ 500 MWe de
Avec l’appui de Franck Carre (CEA/DEN/DDIN), de la direction du développement et de l'innovation
nucléaires.
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146
L’énergie dans le développement de la N.-C.
puissance totale (peut-être un peu plus d'ici à 2015 si de nouvelles usines
s'implantent comme à Koniambo), cela donnerait une puissance maximale
d'environ 50 MWe, ce qui est très en dessous de ce qui existe aujourd'hui sur
le marché des réacteurs et même probablement de ce qui sera développé dans
les années à venir. À noter que de « petites » unités de ce type résoudraient
le problème d'interruption de production soulevé par les process de production
métallurgique qui ne doivent pas subir d'arrêt.
Par ailleurs, Areva n'a pas de projet de réacteur d'une puissance inférieure
à 1 000 MWe et le recours à une offre russe (dans la gamme de 40 à 300 MWe)
ne manquerait pas de soulever des difficultés de certification. De même que
pour une offre américano-japonaise ou chinoise dans la gamme de 300 MWe,
si ce niveau de puissance pouvait être considéré.
La modestie des besoins en électricité de la Nouvelle-Calédonie, de même
que la nécessité d'investir dans des infrastructures industrielles spécifiques
rendent probablement le coût de l'option nucléaire peu compétitif avec celui de
centrales à gaz, charbon ou fioul, malgré l'isolement de la Nouvelle-Calédonie
(probablement > 5 000 /kWe pour l'investissement seulement).
De plus, l'approvisionnement du réacteur en combustible et la reprise du
combustible usé pour retraitement vers la France métropolitaine, voire le
Japon en cas d'accord, imposeraient des transports sécurisés sur de longues
distances.
Bref, ces considérations techniques et économiques peu favorables,
auxquelles s'ajoute l'exigence d'une procédure administrative lourde pour
la création d'un site nucléaire conduisent à penser qu’en l'état actuel des
connaissances – et sans même aborder les aspects politiques et sociologiques – on peut exclure l'option nucléaire du futur énergétique des
prochaines décennies de la Nouvelle-Calédonie.
Les piles à combustible et l’hydrogène
Les piles à combustibles sont des convertisseurs d’énergie électrique
qui permettent de convertir la réaction chimique d’oxydo-réduction hydrogène/oxygène en électricité et en eau avec un excellent rendement, non
limité par le second principe de la thermodynamique (rendement de Carnot).
Le rendement typique d’une pile à combustible est d’environ 50 % à la
Les nouvelles technologies à mobiliser
puissance nominale ; il peut être plus élevé, mais au prix d’un surdimensionnement et donc d’un surcoût. Ainsi une pile à combustible produit de
l’électricité, de la chaleur et de l’eau.
L’hydrogène, qui constitue le carburant de cette réaction, n’est pas
librement disponible dans la nature : au même titre que l’électricité, il doit
être converti à partir d’une ressource primaire. Si cette dernière est un
combustible fossile, le bilan global de la conversion est généralement
mauvais, à la fois du point de vue du rendement sur cycle de vie et des rejets
de gaz à effet de serre, il est donc nécessaire de produire l’hydrogène à
partir de ressources renouvelables.
Certaines piles à combustibles, dites directes, peuvent transformer
directement un combustible carboné, comme le méthanol ou le méthane,
mais la transformation s’accompagne alors de rejet de gaz à effet de serre ;
il faut donc s’assurer que le bilan global incluant la production du carburant
est avantageux, ce qui n’est pas toujours le cas, par exemple lorsque le
combustible est issu de ressources non renouvelables (gaz naturel par exemple)
ou de certains biocarburants.
Dans le cas de la production par un électrolyseur, les rendements
d’électrolyse sont compris entre 70 et 85 %. La consommation électrique
des électrolyseurs industriels est généralement de 4 à 6 kWh/Nm3 et celle
d’eau (la plus pure possible) vaut environ 1 litre par Nm3.
Électrolyser de la vapeur d’eau à très haute température permet de réduire
de façon significative la consommation d’énergie électrique. Enfin, certains
procédés thermochimiques peuvent permettre d’extraire l’hydrogène de l’eau
à partir d’une source de chaleur haute température comme le raisonnement
solaire concentré.
Même s’il existe des produits commerciaux ou quasi-commerciaux, leur
durée de vie, leurs contraintes d’emploi et leur coût sont encore actuellement
incompatibles avec les exigences des applications stationnaires et des
transports terrestres. C’est pourquoi d’intenses programmes de recherches
sont menés à tous les niveaux. De même que pour la filière électronucléaire,
nous ne pensons pas que les piles à combustibles constituent une voie de
conversion d’énergie à promouvoir sur le sol de la Nouvelle-Calédonie à
moyen terme, notamment parce qu’il existe d’autres voies plus prometteuses
et moins risquées.
147
148
L’énergie dans le développement de la N.-C.
La filière aluminium-air17
Si l’on considère l'aluminium comme un vecteur énergétique destiné à être
« consommé » dans des piles à combustible aluminium-air, il est nécessaire de
raisonner sur son cycle de vie, en calculant notamment la dépense énergétique
primaire globale nécessaire pour produire 1 kWh électrique.
Avec les process industriels actuels, la production d'aluminium consomme
elle-même environ 32 kWh d'énergie primaire par kg de matériau pour une
production à partir de minerai (comme une partie de l’aluminium ne peut à
priori être recyclée après consommation, nous avons préféré effectuer une
comptabilité à partir de la ressource primaire et d’inclure les possibilités de
recyclage). Dans une pile à combustible (PAC) Al-air, 1 kg d'aluminium permet
de produire environ 3 kWh électriques, sachant que la valeur théorique limite
est de 4,8 kWh.
Le procédé de recyclage de l'alumine (trioxyde d'aluminium) nécessite
d'éliminer les traces de potassium et coûte alors environ 3 kW électriques
plus 5 à 6 kWh thermiques, soit environ 15 kWh primaires sur la base des
moyens courants de production d'électricité. En supposant environ 8 % de
pertes de matières premières à chaque opération de recyclage, le coût
énergétique pour produire 1 kWh électrique (0,3 kg d'aluminium) peut être
estimé, hors coût de transport, à environ 17 kWh. En ce qui concerne le
transport, il faudrait également prendre en compte les allers-retours de
l'aluminium et de l'alumine vers le pays producteur car le recyclage doit se
faire ailleurs étant donné qu'il faut plus d'énergie que la combustion de
l'aluminium n'en fournit.
Sans aller plus loin, et même s’il existe sans doute un potentiel d’amélioration, ces chiffres sont nettement en défaveur de l'aluminium comme
vecteur énergétique pour produire de l'électricité. Un rendement énergétique
de 1/17e conduira à priori à un coût prohibitif de cette électricité en
comparaison avec tous les autres moyens de production actuellement
connus.
Ce paragraphe répond à une sollicitation particulière de la Dimenc et son contenu a été rédigé avec
l’appui scientifique du professeur Jean-François Fauvarque, titulaire de la chaire d’électrochimie du
Cnam.
17
Les nouvelles technologies à mobiliser
Le bâtiment producteur d’énergie
Le bâtiment (habitat, tertiaire et industriel) reçoit une quantité significative
de rayonnement solaire, voire de vent, et peut satisfaire, au moins en
moyenne annuelle, plus que ses propres besoins : on parle alors de bâtiment
à énergie positive. Il s’agit d’une production d’électricité qui est renvoyée
sur le réseau auquel est raccordé le bâtiment. Ces aspects ont déjà été
développés dans la première partie du rapport. Les ordres de grandeur du
potentiel de production solaire dépendent de l’orientation des surfaces
équipées de générateurs photovoltaïques, l’ordre de grandeur moyen étant
de 100 kWh/m2/an (cf. p. 45 « La maîtrise de l’énergie : un enjeu majeur
pour le développement durable de la Nouvelle-Calédonie et sa sécurité
énergétique » dans laquelle les aspects liés à la production d’énergie dans le
bâtiment ont été développés).
LES TECHNOLOGIES DE STOCKAGE DE L’ÉNERGIE
Le stockage de l’électricité
Le stockage de l’énergie électrique est aujourd’hui généralisé et banalisé
dans de nombreuses applications électroniques portables (ordinateurs,
téléphones) et stationnaires (alimentations sans coupure : onduleurs, alimentations des sites isolés par une production photovoltaïque ou éolienne). Il est
également utilisé dans le domaine des transports terrestres pour alimenter
les automobiles et deux-roues électriques.
Les technologies qui dominent pour satisfaire ces besoins sont quasi
exclusivement électrochimiques : ce sont les batteries. Leur qualité essentielle
réside dans leurs performances massiques et volumiques qui sont les
meilleures de tous les systèmes de stockage d’électricité existants, même si
elles nous semblent souvent encore insuffisantes. Les plus diffusées sont :
le plomb acide surtout employé pour les applications stationnaires car
lourdes (environ 20 à 30 Wh/kg) ;
le nickel cadmium (NiCd) : naguère très utilisé pour les applications
portables grand public, il a fait l’objet d’une interdiction à cause de la
toxicité du cadmium non recyclé, mais est encore largement employé pour
les chariots de manutention dans un secteur cette fois professionnel et
149
150
L’énergie dans le développement de la N.-C.
encadré. Ses performances sont supérieures à celles du plomb, de l’ordre de
40 Wh/kg avec des possibilités de charge et décharge plus rapides sans
dégradation et sans pertes significatives d’énergie ;
le nickel-métal-hydrures (NiMH) dont les performances sont supérieures
à celles du NiCd : il constitue l’essentiel du marché des « piles rechargeables »
standard et celles employées dans les transports terrestres (Toyota Prius
hybride, deux-roues…) ;
le lithium dont il existe plusieurs familles offre les performances massiques
les plus élevées (de 80 à 200 Wh/kg selon les caractéristiques de puissance).
Cette technologie est abondamment utilisée dans les applications portables
à hautes performances (téléphones, PC portables) et devrait déboucher très
prochainement dans le domaine de la propulsion terrestre et, probablement,
des applications stationnaires.
Globalement, toutes ces technologies offrent des rendements potentiellement élevés en charge et décharge, à condition que les puissances demandées
restent relativement faibles. En outre, l’un des points faibles des technologies
électrochimiques est leur vieillissement rapide en cyclage. C’est pourquoi les
analyses économiques, mais également environnementales, doivent être
effectuées sur l’ensemble de la durée de vie du système global considéré.
Pour les applications stationnaires, les contraintes de masse sont moins
cruciales que dans les applications embarquées, et la palette des solutions de
stockage de l’énergie électrique s’étend considérablement. Parmi les systèmes
de stockage massif adaptés aux réseaux et à longue « constante de temps »,
on peut citer :
Les stations de transferts d’énergie par pompage (STEP), appelées
également systèmes de stockage hydraulique gravitaire ou centrales de
pompage-turbinage. Cette technologie est aujourd’hui largement dominante
dans les grandes puissances avec des rendements de l’ordre de 80 %. La
contrainte majeure est liée à la nécessité de sites au relief adapté. Malgré
leurs grandes puissances, ces systèmes peuvent fonctionner aujourd’hui à
vitesse variable, ce qui permet d’ajuster finement la puissance et d’apporter
une contribution de haut niveau à la stabilisation du réseau. Cette option
pourrait être étudiée pour la Nouvelle-Calédonie où les configurations
semblent favorables. On peut penser en effet que des STEP construites en
bord de mer avec un relief important sur la côte permettraient de transférer
l’eau de mer vers un bassin haut, ce qui éviterait la construction du bassin
Les nouvelles technologies à mobiliser
supérieur. Bien sûr, il faudrait assurer une étanchéité suffisante pour éviter
des infiltrations d’eau de mer dans les sols, notamment dans le cadre d’une
prise en compte des risques sismiques. De plus, les technologies seraient
disponibles et les coûts acceptables.
Le stockage d’air comprimé en caverne (CAES, Compressed Air Energy
Storage) représente une technologie déjà relativement mature avec plusieurs
réalisations de grande puissance. La construction de systèmes CAES nécessite
de disposer d’une géologie favorable avec de grandes cavités (anciennes
mines de sel, par exemple). La définition du rendement est ici particulière car
on brûle dans une chambre de combustion du gaz naturel pour réchauffer
l’air, avant de le détendre dans la turbine. Les installations sont très peu
nombreuses, notamment parce que les contraintes d’exploitation sont fortes
(couplage à des usages de gaz naturel, sites favorables). Des systèmes plus
perfectionnés (Advanced CAES) permettent d’améliorer le bilan énergétique,
mais toujours en combinaison avec une turbine à gaz.
Les batteries à circulation d’électrolyte (redox flow batteries) permettent
de contourner la limitation des accumulateurs électrochimiques classiques
dans lesquels les réactions électrochimiques créent des composés solides qui
sont stockés directement sur les électrodes où ils se sont formés. La masse
qu’il est possible d’accumuler localement est forcément limitée, ce qui fixe un
maximum à la capacité. Dans les batteries dites à circulation d’électrolyte, les
composés chimiques responsables du stockage de l’énergie sont liquides et
restent en solution dans l’électrolyte. Trois technologies sont en développement
avec des électrolytes à base de ZnBr (Zinc-brome), de NaBr (Sodium-brome) et
de VBr (Vanadium-brome). L’électrolyte est pompé vers des réservoirs externes
dont le volume représente l’énergie stockée. Des systèmes de capacité élevée
(qq 100 kWh à qq 10 MWh) sont en expérimentation.
Le stockage de chaleur haute température avec turbine, système à l’état
de projet qui n’a pas encore fait l’objet de réalisation, mais qui mérite que
l’on s’y attarde. Le principe : des réfractaires sont chauffés par des résistances
lors du stockage ; pour récupérer l’énergie accumulée, l’air chaud est injecté
dans une turbine à cycles combinés et l’on peut espérer des rendements de
l’ordre de 60 %. La réalisation de ces réservoirs de chaleur n’est pas liée à des
contraintes géologiques et les pertes d’autodécharge sont relativement faibles,
surtout si le système est de grandes dimensions. Les coûts d’investissement
sont parmi les plus bas, mais la faisabilité et les performances restent à
démontrer.
151
152
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Parmi les systèmes de stockage à moyenne et petite échelle, on trouve :
les accumulateurs électrochimiques déjà évoqués plus haut. Aux
technologies présentées, on peut ajouter celle au sodium soufre (NaS) qui
trouve des applications au niveau des réseaux électriques. Elle fonctionne à
haute température (environ 300 °C) avec des produits commerciaux fiables
et quasi standardisés (ce qu’il faut signaler car c’est rare à ce niveau de puissance et d’énergie) de quelques MWh, pour des puissances de quelques
MW (typiquement des modules de 1 MW – 10 MWh) ;
les supercondensateurs sont des condensateurs à très haute énergie
volumique ou massique avec des capacités en puissance très élevées et une
très grande tenue au cyclage. À la différence des dispositifs électrochimiques,
l'énergie électrique est accumulée dans le champ électrique, il n'y a pas de
réaction chimique ce qui accroît considérablement la cyclabilité. Le principe
est voisin de celui du condensateur, mais l’isolant qui sépare les électrodes
est remplacé par un électrolyte conducteur ionique dans lequel le déplacement
des ions s'effectue le long d'une électrode conductrice à très grande surface
spécifique ;
les inductances supraconductrices (SMES, Superconducting Magnetic
Energy Storage) sont des bobines, sans circuit ferromagnétique, à conducteurs
supraconducteurs fonctionnant à des températures cryogéniques, en général
l’hélium liquide pour les technologies basse température, ou à l’azote liquide
pour celles qui sont à « haute température ». La bobine se présente comme
une source de courant continu ; celui-ci varie en fonction de l’état de charge
et doit être converti pour être exploitable sous forme de tension continue ou
alternative. Comme les supercondensateurs, les SMES sont bien adaptés aux
faibles constantes de temps ;
les accumulateurs à volants d’inertie (FES, Flywheel Energy Storage)
comprennent un volant d’inertie massif ou composite associé à un moteurgénérateur et à des paliers spéciaux (souvent magnétiques), le tout dans une
enceinte de confinement sous très basse pression afin de minimiser les
pertes d’autodécharge. On peut ainsi atteindre des taux d’autodécharge de
quelques %/heure. Ils offrent une très grande capacité au cyclage, déterminée
par un dimensionnement en fatigue. De façon simpliste, le volant est dimensionné en énergie et le moteur-générateur en puissance, énergie et puissance
sont ainsi facilement découplables. On considère habituellement que les
Les nouvelles technologies à mobiliser
accumulateurs inertiels se rangent dans la catégorie des systèmes à faible
constante de temps : c’est d’ailleurs dans ce domaine qu’ils ont trouvé leurs
premières applications commerciales, mais ils peuvent également permettre
de réaliser des systèmes plus lents et étendre leur champ d’application ;
les systèmes à air comprimé en bouteilles : un compresseur électrique
permet de mettre de l’air sous haute pression dans des bouteilles. La compression s’accompagne de pertes et le rendement électrique est souvent
médiocre. Mais des technologies plus performantes exploitant un fluide
d’interface permettent d’obtenir des rendements très améliorés. L’air est
comprimé de façon sensiblement adiabatique par le fluide, lui-même compressé
par un compresseur/moteur hydraulique réversible associé à une machine
électrique. L’ensemble est plus lourd et plus encombrant que la solution
purement à air comprimé des applications embarquées et, pour cette raison,
il est destiné aux applications stationnaires. Il n’existe pas encore de produits
commerciaux, mais des développements sont en cours ;
les systèmes électrolyseur-hydrogène-pile à combustible (ou à PAC
réversible) utilisent l’hydrogène comme combustible intermédiaire stocké
sous faible pression et transformable à partir de l’électricité et d’eau pure.
Leur rendement global sur cycle de charge/décharge est faible et leur durée
de vie est insuffisante dans le contexte des applications couplées au réseau
électrique. En outre, les coûts d’investissements et de fonctionnement de la
chaîne électrolyse-stockage-pile à combustible à prévoir sont très importants.
Mais ces sujets faisant l'objet de nombreux travaux de recherche dans le
monde, on peut imaginer une amélioration de ce rendement et une baisse
des coûts des différents systèmes, mais on imagine mal aujourd'hui un
débouché direct d'une telle filière. En revanche, la production d’hydrogène
seule à partir de surplus de production d’électricité pourrait être avantageuse
en présence de réseaux d’hydrogène : elle permettrait de les valoriser par
une utilisation directe. Enfin, il faut noter que le rendement et la durée de
vie des électrolyseurs sont affectés en cas de fluctuations de l’alimentation
électrique, ce qui est le cas avec les ressources intermittentes photovoltaïques
et éoliennes.
En conclusion, le stockage d’électricité dispose d’un large panel de solutions
adaptées à une grande diversité de situations, mais leur coût est souvent un
obstacle. Le renforcement des contraintes environnementales va accélérer la
pénétration de cet élément des chaînes de conversion électrique. Pour bien
153
154
L’énergie dans le développement de la N.-C.
optimiser son dimensionnement, son insertion dans les systèmes ainsi que
sa gestion, il est indispensable de raisonner en cycle de vie, tant du point de
vue économique qu’environnemental, ce qui nécessite, entre autres, une
prise en compte des durées de vie, notamment en cyclage, et des coûts de
fonctionnement (pertes énergétiques en particulier).
Le stockage de l’hydrogène
Pour les applications stationnaires, on procède généralement à un stockage
gazeux sous basse pression dans des réservoirs cylindriques en acier. En Europe,
ces réservoirs stockent typiquement sous 50 bars 115 à 400 kg d’hydrogène
dans un volume compris entre 100 et 350 m3.
Pour les applications embarquées où l’on recherche une énergie massique
élevée, l’hydrogène possède intrinsèquement un pouvoir calorifique élevé
(34 kWh/kg, soit environ 3 fois plus que les hydrocarbures liquides) à première
vue très attractif. Mais son stockage soulève des difficultés très importantes
et constitue l’un des points durs de la filière hydrogène dans le domaine des
transports. Dans des réservoirs à haute pression, par exemple à 700 bars, la
masse du réservoir est environ 20 fois supérieure à celle de l’hydrogène
contenu, ce qui fait chuter sévèrement l’énergie massique de l’ensemble
réservoir/combustible (soit 1,6 kWh/kg) et cela sans comptabiliser la dépense
énergétique de compression qui pénalise encore plus les performances.
Si l’hydrogène est stocké sous forme de liquide cryogénique (-253 °C et
5 à 10 bars), les performances massiques sont similaires et la dépense énergétique de liquéfaction est encore supérieure. Cette fois, c’est l’isolation
thermique qui est associée à une fuite continue dont on estime qu’une
déperdition d’un pour mille par heure peut être acceptable (cela donne une
perte d’environ 18 % en une semaine). Enfin, le stockage dans des hydrures
métalliques, théoriquement plus performant du point de vue du volume et
de la sécurité, est encore au stade de la recherche avec des performances
massiques inférieures ou égales aux précédentes.
Le stockage de froid
Le stockage de froid permet d’accumuler de l’énergie frigorifique pendant
les périodes économiquement favorables et de la décharger pendant les
périodes où les besoins de froid sont plus importants et plus chers à produire.
Les nouvelles technologies à mobiliser
Outre le gain économique, le stockage de froid permet de réduire la puissance
des groupes froids ainsi que les impacts environnementaux des installations.
Les applications potentielles concernent la climatisation et le froid dans le
tertiaire et les process industriels nécessitant du froid (entrepôts frigorifiques,
cuisines centrales, abattoirs).
Deux techniques existent pour répondre aux différents besoins de
stockage :
Le stockage dynamique est caractérisé par le fait que l’eau utilisée par
le stockage est mise directement en circulation vers les utilisateurs. Cette
technique est commercialisée selon trois procédés : la glace sur tubes à
fontes externes, la glace moissonnée ou la boue de glace.
Dans le stockage statique, l’eau ou le matériau de stockage reste à
l’intérieur de la cuve. Ce système s’est imposé dans le domaine de la climatisation avec de nombreux procédés (glace sur tubes à fonte interne, glace
ou eutectique encapsulée).
Plusieurs stratégies de stockage peuvent être envisagées selon le signal
tarifaire (en Nouvelle-Calédonie, il y a lieu de différencier la saison chaude
et la saison fraîche), pour effacer ou limiter l’appel de puissance aux heures
les plus chargées du réseau électrique.
Pour les grands immeubles neufs, les constructeurs proposent une
installation ad hoc dimensionnée et construite spécifiquement. Les offres
récentes du type package, destinées aux bâtiments tertiaires de tailles petite
et moyenne, permettent d’étendre progressivement le stockage de froid
latent réservé jusqu’à peu aux gros projets (>100 kW), grâce au mini
stockage de froid commercialisé d’abord au Japon puis, aujourd’hui, partout
dans le monde. Cette orientation est particulièrement intéressante dans la
perspective d’un développement de la filière en Nouvelle-Calédonie dont le
marché potentiel est constitué de bâtiments petits et moyens. Cependant, il
est indispensable que, localement, les bureaux d’études, les installateurs et
les exploitants maîtrisent les techniques de stockage de froid par des actions
de formations, d’accompagnement et de suivi.
155
156
L’énergie dans le développement de la N.-C.
On trouvera, dans la partie « Quel cadre pour une politique de l’énergie
et du climat au service du développement de la N.-C. ? » de la synthèse, la
figure 14 (p. 340) reprenant les principales technologies évoquées ici avec
une indication de leur niveau de maturité technologique qui permet de les
placer sur une échelle de 1 à 4, depuis le niveau de la R&D ou des toutes
premières opérations de démonstration (1), en passant par les premières
applications commerciales sur des marchés niches (2), jusqu'au stade où la
technologie devient plus compétitive et se diffuse rapidement (3) avant de
se stabiliser et de perdre progressivement des parts de marché (4).
La gestion des réseaux électriques
avec intégration d’une production intermittente
L’accroissement potentiel de la production d’électricité d’origine éolienne
pose des problèmes de stabilité des réseaux classiques dont le bon fonctionnement est fondé sur l’équilibre instantané production/consommation,
équilibre lui-même largement dépendant d’une bonne planification des
moyens de production hiérarchisée selon des critères de coûts. On estime
généralement qu’un taux de pénétration en puissance inférieur à 20 %
n’introduit pas de perturbations majeures pour le réseau, mais ces chiffres
concernent généralement des réseaux continentaux interconnectés où les
problèmes de stabilité sont moindres.
Dans ces conditions, en l’absence de moyens de stockage comme c’est
le cas en Nouvelle-Calédonie, et pour un taux de pénétration de l’ordre de
10 %, la production intermittente d’électricité peut être traitée comme de
la consommation négative. De même que les profils de consommation font
l’objet de prévisions liées aux activités humaines et à la météo, les profils de
production intermittente doivent faire l’objet de prévisions fiables. Il faut
cependant noter une tendance à accroître fortement les taux de pénétration
comme le montre l’arrêté du 23 avril 2008 « relatif aux prescriptions techniques
de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau
public de distribution d’électricité en basse tension ou en moyenne tension
d’une installation de production d’énergie électrique ». Pour les réseaux
faibles des zones insulaires (article 22), il est mentionné un taux maximal de
30 % au-delà duquel le responsable de l'équilibre production consommation
est en droit de déconnecter des générateurs éoliens ou photovoltaïques.
Les nouvelles technologies à mobiliser
Actuellement, il est sérieusement envisagé de dépasser les 30 % en ajoutant
des dispositifs de stockage.
Si l’on considère les moyens actuels (les deux tranches de Prony incluses),
la puissance crête de production du réseau néo-calédonien est d’environ
470 MW (incluant la production hydraulique et éolienne) et la puissance
éolienne installée (ou en voie de l’être avec la ferme de Touango) est d’environ
36 MW. La puissance photovoltaïque étant encore négligeable, on peut considérer que la puissance des systèmes de production intermittente représente
déjà plus de 7 % de la puissance planifiable.
En améliorant la qualité de la planification, en favorisant une meilleure
communication entre les opérateurs, et en agissant autant que possible sur
le réglage des moyens de production actuels, il est sans doute techniquement
possible d’atteindre un taux de pénétration de l’ordre de 25 à 30 %. Un
équilibre des puissances éoliennes et photovoltaïques installées permettrait
probablement un meilleur foisonnement de la production intermittente,
mais cela reste à démontrer. Des études pourraient être menées en ce sens
sur la base des données de productivité mesurées au minimum sur un an et
sur différents sites géographiques.
Ensuite, des actions incitatives pour agir sur les profils de consommation,
en incluant par exemple la possibilité de délester (moyennant des contrats
spéciaux) durant les pointes, permettraient de pousser encore plus loin le
taux de pénétration.
Enfin, l’implantation de moyens de stockage offrirait une beaucoup plus
grande souplesse dans la gestion du réseau. Un taux de pénétration atteignant
100 % en puissance est sans doute possible si l’on dispose de moyens de
stockage appropriés. Le stockage hydraulique gravitaire constitue alors probablement la technologie la mieux adaptée aux spécificités de la Grande
Terre ; en outre, c’est la technologie de loin la plus utilisée dans le monde.
Pour obtenir des stockages à action plus rapide à très rapide, on peut envisager
d’autres technologies de stockage (sodium soufre, par exemple) comme l’a
prévu actuellement l’île de la Réunion.
En ce qui concerne les petites îles, des microréseaux de type photovoltaïques hybrides (avec groupe électrogène et stockage électrochimiques)
constituent sans doute les meilleures solutions technico-économiques. Le
coût de production de ces petits systèmes est évidemment plus élevé que
157
158
L’énergie dans le développement de la N.-C.
celui de la Grande Terre, mais le coût d’un raccordement sous-marin ne
s’amortirait sans doute pas et serait source de risques accrus de défaillances.
De tels systèmes hybrides peuvent être dimensionnés pour une très faible
consommation de carburant des groupes électrogènes qui ne sont utilisés
qu’en situation exceptionnelle (ensoleillement anormalement faible durant
une durée imprévue ou surconsommation imprévue ou défaillance), sauf si
des biocarburants locaux sont suffisamment abondants.
Aspects non technologiques
LES PERFORMANCES ÉCONOMIQUES DES NOUVELLES TECHNOLOGIES
L’objectif de cette partie est de situer les performances économiques des
nouvelles technologies de l’énergie en rappelant les coûts (coûts d’investissement et coûts de production) des technologies de référence (state of the
art) ainsi que les coûts atteints par les technologies installées dans les zones
insulaires. Les données économiques s’appliquent pour l’essentiel à des
technologies connues qui seraient mises en service industriel à brève échéance.
Nous indiquons également les perspectives de baisse de coûts à moyen terme
associées au progrès technique, mais compte tenu de leur caractère prospectif,
ces données sont à considérer avec une certaine prudence. Pour les technologies encore immatures n’ayant pas fait l’objet de développements industriels,
les performances futures sont plus incertaines encore et tout particulièrement
les données de coût.
L’éolien terrestre et l’éolien en mer
Les parcs éoliens terrestres développés aujourd’hui en Europe se situent
dans des gammes de puissance de l’ordre de 50 à 100 MW pour des éoliennes
de puissance unitaire de 2 à 3 MW. Leur durée de vie estimée est d’environ
20 ans.
Selon la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), le coût
d’investissement pour un parc éolien est de 1 300 /kW. Ce coût est composé
pour 87 % de celui des machines, le reste correspondant au génie civil, au
raccordement au réseau18 et aux études. Pour l’éolien en mer, la dispersion
est plus importante en raison d’un retour d’expérience plus limité.
Néanmoins, les coûts unitaires sont clairement plus élevés (2 600 /kW) en
Les coûts de raccordement peuvent varier selon la distance au réseau existant. La variabilité est plus
grande encore pour l’off shore, selon la distance au rivage et la nature des fonds.
18
160
L’énergie dans le développement de la N.-C.
raison des difficultés techniques spécifiques que posent l’installation des
éoliennes et le raccordement au réseau en particulier.
Les coûts de production varient selon la qualité de la ressource éolienne.
La DGEC estime le coût de production pour un site on shore de bonne qualité
(2 400 h) à 74 /MWh et 120 /MWh en off shore (3 000 h). La prise en
compte des processus d’apprentissage suggère une poursuite de la baisse
des coûts de production qui pourraient atteindre 62 /MWh en 2020 sur un
site on shore de bonne qualité et 98 /MWh en off shore.
Les zones insulaires présentent des caractéristiques spécifiques qui
modifient sensiblement l’économie de l’énergie éolienne. Tout d’abord, les
contraintes de transport imposent d’utiliser des éoliennes de taille inférieure
au standard technologique actuel. Ensuite, le risque de cyclone a conduit à
développer des technologies spécifiques (essentiellement des structures
rabattables) à priori de plus petite taille. Enfin, l’étroitesse du marché potentiel
que représentent ces régions n’a pas suscité une grande diversité de l’offre
comparable à ce que l’on observe en Europe, avec pour conséquence une
moindre incitation à la baisse des prix par la pression concurrentielle. Pour
des systèmes éoliens installés dans les DOM avec des machines rabattables
de taille inférieure (1 MW), la DGEC indique ainsi un coût de référence de
2 000 /kW avec des coûts de production de l’ordre de 140 - 150 /MWh
(ibid).
De plus, selon nos informations, le coût global actuel d’un projet éolien
en Nouvelle-Calédonie serait plus élevé que le coût moyen considéré par la
DGEC, en raison notamment de l’éloignement : il représenterait de 2 300 2 500 /kW en intégrant les surcoûts de transport maritime et terrestre, les
coûts d’installation, de raccordement au réseau, etc. Pour un facteur de charge
estimé à 1 400-1 600 h de fonctionnement à pleine puissance, nous estimons
que les coûts de production seraient voisins de 200 /MWh pour une durée
d’amortissement de 20 ans.
Mais, en réalité, le coût de production est inférieur grâce aux dispositifs
de défiscalisation existants qui ramènent le coût d’investissement autour de
1 200 /kW. Sur cette nouvelle base, le coût actualisé de production du kWh
éolien en Nouvelle-Calédonie tombe à 116 /MWh.
Aspects non technologiques
On notera que les indications de coûts ci-dessus ne tiennent pas compte
des contraintes spécifiques que pose l’intégration des sources d’énergie
intermittentes dans les réseaux électriques. Lorsque le taux de pénétration
reste de l’ordre de quelques pour cent, ces coûts sont négligeables, mais ils
peuvent devenir significatifs lorsqu’il dépasse 10 - 15 %. La nécessité de
disposer de capacités de réserve supplémentaires (ou de moyens de
stockage) pour assurer la sécurité et la qualité de l’alimentation induit alors
des coûts supplémentaires qui renchérissent les coûts de production, de
l’éolien notamment.
L’électricité photovoltaïque (PV)
En Europe, il y a aujourd’hui deux types d’installations photovoltaïques
de référence, les installations de petite taille, intégrées en toiture dans une
maison individuelle, et les installations de plus grande taille, posées en terrasse
sur des entrepôts ou posées au sol. En l’absence de contraintes foncières, il
peut être intéressant d’envisager la réalisation de ces dernières qui permettent
de bénéficier d’économies d’échelle et donc d’en limiter les coûts.
USD/kWh
0.50
0.40
0.30
0.20
0.10
0.00
750
1 000
Coût
ACT Map
BLUE Map
1 250
1 500
1 750
2 000
2 250
2 500
Production de l’électricité (kWh/kWp+yr)
Note : sur une durée 35 ans et un taux d’intérêt de 10 %.
Figure 6
Coûts de production de l’électricité photovoltaïque
en fonction de l’ensoleillement (en 2050)
Source : AIE, 2008.
161
162
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Selon la DGEC, les coûts d’investissement sont de 5 900 /kWc pour
une installation individuelle (3 kWc) et de 4 000 /kWc pour une installation
de 300 kWc (mise en service en 2012). Pour un niveau d’ensoleillement de
1 400 kWh/kW/an qui correspond à celui de la Nouvelle-Calédonie, les coûts
de production s’étagent entre 400 /MWh pour la centrale de 300 kW et
570 /MWh pour une installation individuelle.
Comme pour l’éolien, mais de façon plus marquée, les perspectives de
baisse de coût sont importantes. En 2020, les coûts devraient ainsi se
situer entre 3 000 et 4 000 /kW. L’AIE estime même que la baisse de coût
devrait se poursuivre au-delà et atteindre 1 600 - 2 000 /kW en 2030. Les
coûts de production seraient réduits en proportion et pourraient atteindre
60 - 80 /MWh19 en 2050.
Pour les zones insulaires en général et la Nouvelle-Calédonie en particulier,
il faut considérer deux types d’installations de natures très différentes dont les
coûts unitaires ne sont pas comparables : les systèmes raccordés au réseau,
dont la puissance peut varier de quelques kW à plusieurs centaines de kW, et
les systèmes individuels autonomes d’une puissance de quelques centaines
de watts destinés, en général, à alimenter une famille en électricité.
Pour les systèmes raccordés au réseau, les informations recueillies sur le
terrain donnent pour la Nouvelle-Calédonie des ordres de grandeur de
coûts très comparables à ceux qu’indique la DGEC : 5 800 /kWc pour une
installation de grande taille. Il n’y aurait donc pas ce décalage important
constaté pour l’éolien entre les prix de la métropole et les prix pratiqués en
Nouvelle-Calédonie. Selon cette hypothèse, les coûts de production seraient
donc situés dans une fourchette allant de 300 à 400 /MWh.
Les modules PV sont également utilisés pour l’électrification de populations
non raccordées au réseau avec des systèmes de petite taille, et intégrant des
moyens de stockage, dont les coûts sont variables suivant les pays concernés
(de 8 000 à 30 000 /kW selon l’AIE), mais systématiquement supérieurs à
ceux des systèmes raccordés au réseau, non équipés de dispositifs de
stockage et de taille plus importante. Malgré cela, ils peuvent présenter un
19
Le taux de change utilisé pour passer de $ 2005 aux
2008 est 0,86.
Aspects non technologiques
intérêt économique lorsqu’il n’existe pas de possibilités satisfaisantes (kérosène
pour l’éclairage, par exemple), ou lorsque celles-ci présentent des coûts élevés
ou rencontrent des difficultés d’approvisionnement (groupe électrogène).
Les autres moyens de production d’électricité distribuée
Les microcentrales hydrauliques diffèrent des moyens de production
d’électricité décentralisée évoqués précédemment car elles dépendent dans
une très large mesure du site à équiper (haute/basse chute, débit important
ou faible, accessibilité, etc.). En conséquence les coûts d’investissement
varient dans une forte proportion d’un projet à un autre et la notion de coût
moyen a ici moins de sens que pour les autres technologies. À titre d’illustration, les coûts d’investissement retenus par la DGEC pour les centrales de
basse-chute varient de 1 800 à 2 500 /kW et de 1 700 à 2 200 pour les
centrales de haute-chute (DGEC, 2007). Avec des coûts d’exploitation de
l’ordre de 2 à 3 % de l’investissement, les coûts complets de production se
situent entre 62 et 121 /MWh. Cette fourchette de coûts correspond à peu
près à celle que retient la Commission européenne pour la période actuelle
(60 - 185 /MWh). S’agissant d’une technologie mature, les perspectives
d’évolution des coûts sont limitées ; la DGEC n’envisage pas de baisse de
coûts et la Commission européenne une baisse limitée qui conduit à une
fourchette de 50 - 145 /MWh en 2030.
Trois autres technologies de production d’électricité méritent d’être
examinées dans le contexte de la Nouvelle-Calédonie (toutefois, ces technologies en sont encore, à des degrés divers, au stade de la recherche et
développement ou de la démonstration. Les valeurs qui suivent sont donc à
considérer avec toute la prudence nécessaire).
Pour la géothermie comme pour la micro-hydraulique, les coûts
d’investissement sont étroitement liés au site et à la qualité de la ressource.
L’AIE situe les coûts entre 1 000 /kW pour des installations de grande taille
sur des sites de très bonne qualité et 4 700 /kW pour des installations de
petite taille. Dans ces conditions (ressources en eau à haute température
accessible), les coûts de production peuvent se situer entre 40 et 70 /MWh,
selon l’AIE, et entre 70 à 100 /MWh, selon la DGEC.
Pour l’énergie marine (on parle ici des courants marins et de l’action
de la houle), les premières réalisations industrielles devraient voir le jour au
163
164
L’énergie dans le développement de la N.-C.
cours des prochaines années. L’AIE situe les coûts de production entre 130 et
260 /MWh, la partie inférieure de la fourchette correspondant plutôt aux
dispositifs exploitant l’énergie des courants marins et la partie supérieure à
l’énergie des vagues. Les perspectives de baisse de coûts sont importantes
(ils seraient divisés par deux ou trois à l’horizon 2040-2050), mais encore
fortement incertaines. Les ordres de grandeur avancés dans l’étude de la DGEC
sont, eux, plus favorables avec des coûts de production de 60 à 80 /MWh
en 2015.
Les centrales solaires à concentration nécessitent un rayonnement
solaire important (2 000 kWh/m2 au minimum) et essentiellement direct
– une condition que remplit la Nouvelle-Calédonie. Plusieurs nouveaux
projets ou réalisations sont apparus en Europe ou aux États-Unis ces dernières
années indiquant un regain d’intérêt pour cette technologie. Les coûts
actuels pour des centrales à construire (faibles effets de série) sont estimés
par l’AIE entre 3 400 et 7 700 /kW suivant la qualité de la ressource, l’importance du stockage désiré, etc., pour des coûts de production de l’ordre
de 110 à 190 /MWh. Mais les progrès techniques attendus sont importants
et les coûts futurs pourraient se situer entre 40 et 50 /MWh, voire entre
30 et 50 pour les centrales à tour.
À titre de synthèse, nous avons extrait d’une publication de la Commission
européenne (Commission européenne, 2008, Energy Sources, Production
Costs and Performance of Technologies for Power Generation, Heating and
Transport, COM 2008 744) les données de coûts et de performances pour
les principales technologies de production d’électricité (tableau 4). Ces valeurs
ne recoupent pas toujours celles figurant dans le texte, mais constituent une
base cohérente reposant sur une hypothèse d’évolution modérée des prix
des énergies fossiles.
Les capteurs solaires pour la production d’eau chaude sanitaire
L’énergie solaire à basse température pour la production d’eau chaude
sanitaire est une technologie mature largement répandue dans certains pays
(par exemple, Israël, Chypre ou la Grèce). Les coûts des systèmes installés
sont toutefois extrêmement variables d’un pays à l’autre selon le climat et
les surfaces installées : ils sont plus bas dans les pays fortement ensoleillés
qui permettent l’utilisation de technologies moins sophistiquées et dans les
pays en développement ou émergents en raison du fait de coûts d’installation
Tableau 4 – Coûts présents et futurs des principales technologies de production d’électricité
Énergie
Charbon
Technologie
de production
2030
40-50
65-80
65-80
1 265
60
40
725
80-105 75-100
2 250
90
40
145
45-55
75-85
75-85
1 400
70
40
850
50-60
65-75
70-80
635
25
25
350
nd
85-95
80-90
1 200
40
25
60
Cycle vapeur
grande taille
80-195 90-215 95-220
3 800
260
30
6
Photovoltaïque
520-880 270-460 170-300
4 700
80
25
0
Concentration
(backup GN)
170-250 110-160 100-140
5 000
115
40
120
Charbon pulvérisé
Gaz naturel Cycle combiné
Cycle combiné
+ capture CO2
Éolien
Hydro
nd
On shore
75-110
55-90
50-85
1 140
35
20
0
Off shore
85-140 65-115
50-95
2 000
80
20
0
Grande hydro
35-145 30-140 30-130
1 350-2 510
40-75
50
0
Micro hydro
60-185 55-160 50-145
2 900-4 500
85-130
50
0
Source : CE, 2008.
Aspects non technologiques
2020
Lit fluidisé circulant
Solaire
Investissement Exploitation Durée Émissions
/kW
/kW
de vie
directes
Années kgCO2/MWh
2007
Charbon pulv.
+ capture CO2
Biomasse
Coûts de production
/MWh
165
166
L’énergie dans le développement de la N.-C.
plus faibles. Les coûts les plus bas sont observés en Chine, en Inde, en Turquie
ou en Israël avec 200 à 300 /m2, contre 600 à 900 /m2 en moyenne en
Europe.
En Nouvelle-Calédonie, les coûts pour un chauffe-eau solaire de 300 litres
(soit 4 m2 de capteurs) sont en moyenne de l’ordre de 800 /m2, auxquels
il convient d’ajouter ceux de l’installation, soit un coût global de l’ordre de
900 /m2, supérieur à ceux observés dans les DOM. Mais, malgré des coûts
relativement élevés, la rentabilité économique des systèmes de production
d’eau chaude solaire est bonne par rapport aux dispositifs classiques en raison
des prix élevés du kWh électrique et gaz. Il n’existe que deux entreprises
produisant des capteurs solaires en Nouvelle-Calédonie dont l’une détient
85 % de parts de marché. Quant au montant des taxes sur les chauffe-eau
solaires importés de plus de 250 litres, il est de 62 %.
Une analyse plus approfondie serait sans doute nécessaire pour mieux
appréhender le marché des capteurs solaires en Nouvelle-Calédonie, mais
on ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec la situation de la
Tunisie qui, dans les années 1990, avait souhaité soutenir le développement
d’une société nationale de production de capteurs en taxant les importations
de matériels concurrents. Finalement, la société nationale a fait faillite en raison
des performances insuffisantes des matériels commercialisés et de prix trop
élevés. Cet exemple souligne la difficulté de protéger durablement une
filière industrielle émergente comme celle-ci en établissant des frontières
étanches avec la dynamique technologique internationale.
La production d’électricité à partir de biomasse et de biocarburants
Pour la production d’électricité ex-biomasse, les technologies éprouvées
présentent aujourd’hui les coûts les plus faibles (1 700 - 2 600 /kW pour la
combustion directe ; surcoût de 100 - 1 000 /kW pour la co-combustion
biomasse/charbon), mais également les rendements les moins élevés (entre
20 et 40 %). Avec les technologies de gazéification associées à des cycles
combinés (BIGCC), on pourrait atteindre des rendements de 50 % et plus,
mais les coûts sont très élevés (3 700 - 5 300 /kW) en raison de technologies
encore peu matures.
Les perspectives offertes par la technologie de gazéification sont cependant très intéressantes à moyen terme, à la fois en termes de progression des
Aspects non technologiques
rendements et de baisse des coûts. L’AIE prévoit que les coûts pourraient à
l’avenir descendre à 1 100 - 2 100 /kW en raison notamment de l’augmentation des capacités de production. Dans un horizon peut-être plus proche,
des perspectives intéressantes sont également à attendre des lits fluidisés qui
constituent une autre technique de gazéification.
À la différence des autres technologies utilisant des sources d’énergie
renouvelable, les technologies utilisant la biomasse ont une structure de
coût dans laquelle les coûts variables sont importants : ce sont ceux de la
production, de la collecte, du transport et de la transformation éventuelle de
la ressource. Selon l’AIE toujours, les coûts de production actuels du kWh
électrique à partir de la biomasse se situent entre 50 et 160 /MWh, mais ces
chiffres doivent être maniés avec prudence car le coût de la ressource utilisée
n’est pas précisé. Ils sont toutefois susceptibles de diminuer sensiblement
avec la croissance des capacités unitaires des unités de production.
En ce qui concerne les biocarburants, il est plus difficile encore d’indiquer
des coûts de référence en raison des problèmes méthodologiques qu’ils
soulèvent. Plus encore que pour la production de chaleur ou d’électricité,
dans le cas des biocarburants issus de matières premières agricoles, il est en
effet nécessaire de conduire des analyses sur cycle de vie incluant la préparation des sols, l’utilisation d’engrais et pesticides, la mécanisation de la
récolte, le transport, etc. Par ailleurs, les coproduits (tourteaux de soja, par
exemple) peuvent aussi avoir une valeur marchande importante et donc
modifier le coût de production du biocarburant.
La plupart des études convergent néanmoins sur le fait que la production
de biocarburant dans les conditions technologiques actuelles n’est pas
rentable, même en tenant compte de prix élevés du pétrole car ceux-ci ont
des répercussions immédiates sur les coûts de production des matières
premières agricoles. L’éthanol, produit à partir de canne à sucre au Brésil,
constitue une exception notable, mais la possibilité de répliquer les conditions
de production brésiliennes dans d’autres pays est incertaine.
Le développement des biocarburants de deuxième génération permettrait
cependant de résoudre une partie des problèmes soulevés par la première
génération en s’appuyant sur des ressources non agricoles : résidus, déchets,
bois. Le bilan économique et énergétique en serait sensiblement amélioré.
167
168
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Les impacts économiques et environnementaux
des filières renouvelables
La création de nouveaux emplois est un avantage souvent associé au
développement des filières d’énergie renouvelables qu’il est relativement
difficile d’établir de façon précise et incontestable. La comptabilisation des
emplois directs mais aussi indirects (dans la sidérurgie pour les éoliennes, par
exemple), le décompte des emplois substitués dans les filières traditionnelles,
la prise en compte des aides aux filières renouvelables et leur possible utilisation pour soutenir la création d’autres emplois figurent parmi les difficultés
méthodologiques classiquement rencontrées. On peut néanmoins citer
quelques ordres de grandeur pour l’Union européenne pour des filières en
développement rapide comme l’éolien ou le PV photovoltaïque.
Le secteur de l’éolien emploie directement en Europe quelque 20 000 personnes, pour l’essentiel dans des PME, dont une partie (6 personnes/MW)
pour la construction et l’installation des équipements et une autre partie
pour en assurer le fonctionnement et la maintenance (0,05-0,2 pers/MW).
Pour chaque emploi direct, il existe au moins un emploi indirect dans des
secteurs connexes comme les bureaux d’études, la recherche, la finance, le
marketing, etc.
En ce qui concerne le photovoltaïque (PV), l’ouverture de nouvelles usines
de production entraîne la création de 20 postes/MW de capacité, auxquels
il faut ajouter 30 emplois par MW associés à la vente de gros ou de détail et à
l’installation d’équipements. La seule maintenance des systèmes PV représente
en moyenne un emploi par MW installé. Une partie (importante) de ces emplois
ne touche que les pays dans lesquels se situent les usines de production,
mais la création d’emplois ne concerne pas que les seuls producteurs de
technologie. Ainsi, le syndicat des énergies renouvelables avait estimé que le
développement des filières renouvelables entraînerait en France métropolitaine la création de 75 000 emplois entre 2004 et 2010, dont 22 000 dans
les secteurs de l’éolien et du photovoltaïque : 90 % de ces créations d’emplois
étaient attendues dans l’éolien alors que la France n’est pas productrice de
technologie.
Le développement de l’éolien et du PV en Nouvelle-Calédonie devrait de
la même façon se traduire par des créations nettes d’emplois dans les secteurs
Aspects non technologiques
situés en aval de la production de technologie. Ainsi, l’audit de la filière éolienne
fait clairement apparaître que l’installation des fermes éoliennes a entraîné
la création d’emplois permanents et, selon les informations rassemblées au
cours de nos entretiens, la filière éolienne représente une cinquantaine
d’emplois permanents en intégrant les chantiers et la maintenance des
machines, soit de l’ordre de 0,5 pers/MW.
Pour autant, ce sont surtout dans les filières de valorisation de la biomasse
que sont à attendre les créations massives d’emplois, car elles sont fortement
intensives en main-d’œuvre pour l’exploitation des forêts, la transformation,
le conditionnement, le transport, etc.
Enfin, parmi les retombées économiques des filières renouvelables, il faut
insister sur leur intérêt pour le développement du territoire du fait de leur
meilleure répartition spatiale et des retombées potentielles pour les collectivités et populations locales en termes d’emplois et de fiscalité.
Les bénéfices environnementaux procurés par les énergies renouvelables
viennent de ce qu’elles se substituent aux sources d’énergie fossiles qui sont,
elles, émettrices de polluants et de gaz à effet de serre. Dans le cas de la
Nouvelle-Calédonie, la production d’électricité d’origine renouvelable viendrait
se substituer aux centrales à charbon (Prony et suivantes) et les émissions
évitées dépendraient de la qualité du charbon utilisé, du rendement de la
centrale et des dispositifs anti-pollution installés.
Lorsque la production éolienne vient en substitution de la production
thermique, le régime de fonctionnement des moyens classiques de production
peut être modifié (ralentissement ou arrêt complet) et tout ou partie des
émissions de CO2 sont alors évitées. Si la production éolienne vient en complément de la production thermique et s’il n’y a pas de dispositifs de
stockage spécifiques, la puissance des moyens de production thermiques
programmables doit être modulée en complément de la production intermittente et le gain sur les émissions de CO2 est alors moindre.
En ce qui concerne les capteurs thermiques basse-température, l’étude
réalisée sur la Nouvelle-Calédonie montre que les gains en termes d’émissions
de CO2 peuvent être très importants si la production d’énergie solaire se
substitue à des chauffe-eau électriques, compte tenu de la structure de
169
170
L’énergie dans le développement de la N.-C.
production du parc électrique. Le gain est moins important, mais reste toutefois
significatif, lorsque les capteurs solaires remplacent des chauffe-eau à gaz.
Le développement de l’hydraulique suscite souvent des mouvements
d’opposition en raison de son impact sur les populations locales et sur l’environnement. S’agissant d’installations de petite puissance, l’impact est bien
évidemment moindre et concerne surtout la question du débit réservé et de
l’impact sur les poissons. Des solutions techniques existent aujourd’hui qui
permettent de limiter ces impacts mais la question ne doit pas être négligée
pour autant. Les études d’impact et procédures de dialogue avec les riverains
sont ici particulièrement importantes.
Pour préserver la qualité et la sécurité d’approvisionnement lorsque la
proportion de sources intermittentes augmente, il faut pouvoir disposer de
moyens de production permettant d’assurer l'équilibre instantané entre offre
et demande. Des capacités thermiques additionnelles peuvent ainsi être
nécessaires, à mesure que le taux de pénétration des sources intermittentes
augmente, pour pallier les risques de défaillance en période de pointe ou
disposer de réserves tournantes supplémentaires.
L’insertion d’une production intermittente en proportion croissante dans
les systèmes électriques entraîne donc des conséquences économiques qui ne
sont généralement pas prises en compte par les producteurs renouvelables
et constituent des externalités (difficiles à chiffrer, car elles dépendent de
nombreux facteurs). Notons qu’il existe aussi des options moins conventionnelles qui peuvent faciliter cette insertion : les modèles météorologiques
permettant de mieux anticiper les injections (éolien, solaire), les options de
mutualisation visant à bénéficier du foisonnement de la production, les
dispositifs de stockage de grande taille parmi lesquelles les systèmes de
pompage-turbinage et la production thermique renouvelable (biomasse).
CONCLUSIONS
Les coûts de production d’électricité à partir de sources renouvelables
restent supérieurs aux coûts de production des moyens thermiques classiques,
mais tendent à s’en rapprocher. En effet, les coûts de production de l’électricité
d’origine fossile sont très fortement corrélés aux coûts des combustibles
Aspects non technologiques
alors que ceux exploitant les ressources renouvelables (hors combustibles
issus de la biomasse) sont exclusivement liés aux dépenses d’investissement
et de maintenance, car la ressource est gratuite.
Les perspectives de baisse des coûts des technologies d’énergie renouvelable, liées au progrès technique, la croissance prévisible des prix des
combustibles fossiles à moyen ou long terme et l’introduction d’une valeur
carbone vont contribuer à améliorer la compétitivité économique de ces
moyens de production comparée à celle des moyens classiques à flamme.
L’hydraulique et l’éolien terrestres sont les technologies actuellement les
plus proches de la rentabilité économique. Le solaire thermodynamique et,
plus encore, le photovoltaïque en sont encore éloignés mais la dynamique
de baisse de coût est rapide. L’incertitude est plus grande pour d’autres
technologies émergentes comme la géothermie ou les énergies des océans
qui sont encore très peu industrialisées.
Cette analyse reste pertinente pour la Nouvelle-Calédonie, même si les coûts
d’investissement y sont plus élevés (sauf apparemment pour le photovoltaïque)
en raison de l’éloignement, de technologies spécifiques et de conditions de
marché peu favorables à la concurrence. Mais les coûts des moyens de production concurrents (thermique à flamme) sont également plus élevés : leurs
coûts d’investissement sont aussi plus importants (quoique dans une moindre
mesure) du fait de faibles économies d’échelle, les coûts des combustibles
sont plus élevés en raison des coûts de transport et les rendements sont plus
faibles que sur des centrales classiques de plus grande taille.
Ces deux effets se compensent et, finalement, les surcoûts de la production
renouvelable ne devraient pas être plus importants qu’en Europe, surtout si
les dispositifs de défiscalisation profitent prioritairement aux ressources énergétiques locales qui limiteront la dépendance énergétique de la NouvelleCalédonie, et à la production sans émissions de gaz à effet de serre.
FAISABILITÉ POUR LES FILIÈRES ENVISAGÉES,
COMPTE TENU DES CONTRAINTES LIÉES À L’OCCUPATION DU TERRITOIRE
Les spécificités de la production de biomasse
En l’absence de régulations particulières, ce sont les conditions de marché
et les avantages comparatifs sur le plan économique qui déterminent le plus
171
172
L’énergie dans le développement de la N.-C.
fortement les décisions sur l’utilisation des terres. Cependant, des politiques
spécifiques peuvent aussi les modifier, qui dépendent du contexte international,
mais aussi de l’importance que l’on accorde à la souveraineté alimentaire, à
la réduction de la vulnérabilité énergétique, à l’environnement local ou à la
réduction des émissions de gaz à effet de serre.
On distingue plusieurs catégories de biomasses suivant leur origine :
des déchets déjà mobilisés (déchets urbains) ;
des coproduits de filières (bois, canne à sucre, céréales, élevage) qui
pourraient être mieux valorisés ;
des ressources naturelles déjà existantes, non encore valorisées, mais
dont la récolte devrait pouvoir être mécanisée au moins partiellement
(Leuçaena leucocephala – des arbres fixateurs d’azote poussant le long
des routes ou sur des terres pauvres –, cocotiers poussant le long de la
côte…) ;
des productions dédiées (plantes ligno-cellulosiques, céréales et nouvelles
plantes herbacées comme le miscanthus, plantes sucrières comme la canne
à sucre, plantes oléagineuses comme le tournesol et les plantations nouvelles
de cocotiers, plantes amylacées).
Les productions de bioénergies issues des deux premières catégories ne
posent pas de problèmes particuliers du point de vue de l’aménagement du
territoire. Mais il faut que leurs productions soient suffisantes pour les utilisations
et conversions envisagées : la production de chaleur des usines sidérurgiques,
la production d’électricité dans des centrales de plus de 3 MW, celle de
biogaz à partir des lisiers de porcs et la production d’électricité à base d’huiles
végétales brutes20.
Pour les trois premières catégories, il faudrait évaluer concrètement les
ressources réellement mobilisables et surtout les acteurs susceptibles de mettre
en œuvre les filières correspondantes suivant les besoins. De nombreuses
sociétés de gestion de déchets ont une longue expérience dans ce domaine
et seraient parfaitement bien placées pour étudier la faisabilité technique et
économique de telles filières.
Les constructeurs de petits moteurs ne donnent actuellement pas de garanties pour les moteurs
à huile végétale brute, mais des recherches sont en cours chez certains fabricants de tracteurs pour
y remédier.
20
Aspects non technologiques
Les usines de nickel qui utilisent actuellement du charbon fortement
émetteur de GES sont des consommateurs potentiels de chaleur. En cas de
montée suffisante du prix de la tonne de CO2 sur les marchés de carbone, la
recherche éventuelle de solutions pour produire également des biomasses lignocellulosiques sur des terres actuellement non forestières pourrait se justifier.
Les productions de bioénergies sur les terres agricoles cultivées
Concernant la couverture des besoins alimentaires de la Nouvelle-Calédonie
par les productions locales et les importations, on note l’importance de la
dépendance en produits importés dans le domaine laitier, en céréales, en
production de viande et en fruits.
Sur le plan économique, c’est donc seulement si la rentabilité des productions énergétiques était supérieure à celles des productions agricoles que
des changements d’utilisation des terres pourraient s’effectuer. En effet, rien
ne se produira si les agriculteurs n’y trouvent pas leur compte.
La production d’huile de Jatropha par hectare est en général médiocre sur
les terres pauvres. Elle pourrait devenir satisfaisante sur des terres agricoles
bien fertilisées, non hydromorphes et irriguées. Mais les tourteaux de Jatropha
ne sont actuellement pas consommables par les animaux, ce qui en limite considérablement l’intérêt économique et, de plus, en Nouvelle-Calédonie comme
en Australie, le Jatropha serait considéré comme une espèce invasive…
Il existe aussi une certaine superficie de terres non forestières, du type
agricole, avec des jachères très longues, dont la production pourrait être
techniquement intensifiée en vue de produire de la biomasse pour l’énergie.
Il faudrait alors en étudier sa rentabilité par rapport à d’autres productions,
ses effets sur la balance commerciale et l’existence de débouchés potentiels.
Malgré tout, il ne semble pas qu’on puisse envisager de développer
d’importantes productions de biocarburants sur les terres agricoles de
Nouvelle-Calédonie. Ce qui mérite d’avoir une vision claire d’utilisation des
terres de la Nouvelle-Calédonie.
Les productions de bioénergies sur les terres forestières
La Nouvelle-Calédonie importe actuellement entre 50 et 80 % du bois qui
y est utilisé. La récolte de bois d’œuvre se heurte tout d’abord aux conditions
173
174
L’énergie dans le développement de la N.-C.
de relief particulièrement accidenté. De plus, une partie seulement des
plantations de pins réalisées depuis les années 1960 pourra être exploitée,
l’autre partie étant économiquement non rentable. Or, le bois d’œuvre a une
plus haute valeur par tonne de bois récoltée que le bois énergie destiné à la
production de chaleur : son exploitation est donc plus avantageuse.
Des études (Enercal et CTFT) ont été réalisées sur la possibilité d’effectuer
des plantations sur des terres moins pentues à Lifou, mais la récolte paraissait
difficilement mécanisable à cause des affleurements de roches.
À ces difficultés s’ajoutent les risques très élevés d’incendie, ce qui
constitue un autre facteur dissuasif pour des investisseurs privés, de même
que la nécessité de s’équiper de matériel spécifique. Pour toutes ces raisons,
le développement de la production locale de biomasses issues d’arbres ne
pourra se faire qu’avec la mise en place de filières prenant en compte tous
ces aspects. Mais le potentiel technique est suffisamment élevé pour qu’un
effort soit fourni en ce sens.
Les spécificités d’autres filières énergétiques
Parmi les technologies prometteuses pour la production d’électricité en
Nouvelle-Calédonie, nous avons identifié la production thermodynamique
solaire à concentration et le stockage par STEP (stations de transfert d’énergie
par pompage), technologies qui requièrent une certaine occupation des sols.
La petite méthanisation est également à considérer, mais il faut lancer des
opérations pilotes pour déterminer dans quelles conditions ces petites unités
sont socialement acceptables.
On peut estimer qu’une usine de production d'énergie solaire thermodynamique à concentration nécessite environ 1 ha/MW ou encore 0,4 ha/GWh
annuel variable selon les conditions d'ensoleillement et les capacités de
stockage (thermique) mises en œuvre. Une centrale de 50 MW aurait ainsi
besoin de 50 ha pour une productivité annuelle d'environ 120 GWh.
Quant aux STEP qui pourraient jouer un rôle très important pour accepter
une proportion beaucoup plus forte de production photovoltaïque et éolienne,
elles nécessitent des bassins pour accumuler l'eau. Si l’on considère la possibilité en bord de mer d'exploiter l'eau de mer, un seul bassin supérieur
pourrait suffire. La quantité d'eau stockée (et indirectement la superficie
Aspects non technologiques
occupée) est directement liée à l'énergie stockée. Typiquement pour un
dénivelé de 100 m, et une capacité de stockage de 1 GWh (50 MW x 20 h),
il faudrait environ 4 millions de m3, soit par exemple une superficie de 40 ha
avec une profondeur de 10 m.
Ces ordres de grandeur permettent de constater que les superficies requises
par de tels systèmes ne posent pas de problèmes majeurs en termes de foncier.
L’INFLUENCE DU CONTEXTE RÉGLEMENTAIRE
SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES
Avant de devenir compétitives et de pouvoir se diffuser largement sur le
marché, les nouvelles technologies doivent suivre un processus de développement qui comprend plusieurs étapes : celles de la R&D, de la démonstration
(première réalisation en vraie grandeur), de l’émergence (faisabilité technique
démontrée) et enfin celle de la commercialisation (la technologie est compétitive sur des marchés de niches ou plus largement).
Dans le cas des nouvelles technologies de l’énergie, de nombreuses
barrières, techniques et non techniques, contribuent à ralentir ce processus
de diffusion, en raison notamment des interventions des pouvoirs publics.
Ceux-ci disposent de différents moyens pour soutenir la diffusion des nouvelles technologies d’énergie et leur intervention est en particulier décisive
pour protéger une technologie émergente d’une concurrence frontale avec
les technologies établies et lui permettre d’améliorer ses performances grâce
à un processus cumulatif d’apprentissage.
Pour mémoire, rappelons que d’autres moyens, indirects ceux-là, peuvent
également contribuer à favoriser le développement des sources d’énergie
renouvelable : ce sont les taxes sur les énergies fossiles ou encore l’introduction d’une valeur carbone (taxe ou quotas d’émission) qui, en accroissant
leur coût, améliorent la compétitivité économique et donc la diffusion des
énergies renouvelables.
Mais ces actions, certes positives, ne peuvent suffire. C’est la raison pour
laquelle l’Union européenne a introduit dans son paquet « énergie-climat » des
objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de développement
des énergies renouvelables.
175
176
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Les dispositifs de soutien
à la production d’électricité d’origine renouvelable
Ils correspondent à des subventions allouées à l’investisseur sous forme de
don ou de prêt à taux bonifié, d’exemption de charges ou de crédits d’impôts
qui visent à réduire le coût d’achat ou d’installation de la technologie.
Les dispositifs de soutien au développement de l’éolien au début des
années 1980 se sont principalement appuyés sur ce type d’instrument, aux
États-Unis notamment. On considère aujourd’hui qu’ils sont peu appropriés
lorsqu’ils sont utilisés seuls car ils n’incitent pas à rechercher une meilleure
productivité, mais favorisent surtout l’installation de capacités de production
supplémentaires.
Le crédit d’impôt est aujourd’hui largement utilisé en France pour inciter
les particuliers à s’équiper de chauffe-eau solaires, chaudières à bois ou
systèmes PV et à réaliser des investissements d’économie d’énergie. Pour ces
cas spécifiques, le soutien à l’investissement est efficace parce que les
technologies qu’il promeut sont coûteuses mais rentables (biomasse, eau
chaude sanitaire – ECS solaire –, isolation) ou parce qu’elles bénéficient
d’incitations complémentaires (le tarif d’achat pour le PV).
L’AIE considère que les soutiens à la production qui valorisent les
kiloWattheures produits et non les seules capacités de production sont plus
efficaces que le soutien à l’investissement.
Le principe des prix d’achat garantis consiste à imposer aux distributeurs le rachat de l’électricité produite par les producteurs d’électricité
renouvelable situés sur leur zone de desserte, à un tarif déterminé imposé
par les pouvoirs publics et garanti sur une certaine durée (en général de l’ordre
de 15 ans). Le tarif est fixé à un prix généralement supérieur à celui du marché
de gros de l’électricité et à un niveau qui autorise une certaine marge de
rentabilité pour les investisseurs. Avantage du dispositif, il peut être modulé
en fonction de la maturité de la technologie : on peut ainsi instaurer un tarif
d’achat proche du prix de marché pour une technologie mature, tout en
proposant un tarif plus élevé pour une technologie émergente encore peu
développée.
Aspects non technologiques
Tableau 5 – Les tarifs d’achat garantis pour la production
distribuée en France
Photovoltaïque
07/2006
20 ans Métropole : 30 c /kWh
+ prime intégration (25 c )
Corse et Dom : 40 c /kWh
+ prime 15 c
(revalorisés depuis 2006)
Biogaz
de décharge
07/2006
15 ans Entre 7,5 et 9 c /kWh selon la puissance
+ prime à l’efficacité énergétique
entre 0 et 3 c /kWh
+ prime méthanisation 2 c /kWh
Cogénération
07/2001
12 ans 6,1 à 9,15 c /kWh environ
en fonction du prix du gaz, de la durée
de fonctionnement et de la puissance
Hydraulique
03/2007
20 ans 6,1 c /kWh selon la puissance
+ prime 0,5 - 2,5 c /kWh petites instal.
+ prime 0 et 1,7 c /kWh en hiver
selon régularité production
Hydraulique
marine
04/2007
20 ans 15 c /kWh pour la production
issue d’installations utilisant l'énergie
houlomotrice, marémotrice
ou hydrocinétique
Éolien on shore
07/2006
15 ans 8,2 c /kWh pendant 10 ans,
puis 2,8 à 8,2 c /kWh pendant 5 ans
selon les sites
Éolien off shore
07/2006
20 ans 13 c /kWh pendant 10 ans,
puis 3 à 13 c /kWh pendant 10 ans
selon les sites
Source : www.industrie.gouv.fr, 2009
L’Allemagne, le Danemark, l’Espagne ou la France, plus récemment, ont
par exemple choisi de soutenir le développement de la filière éolienne par
des systèmes de prix garantis avec des résultats très favorables, tant sur le
plan des capacités installées que sur le plan industriel.
177
178
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Les enchères concurrentielles mettent en concurrence les producteurs
spécialisés pour la production d’une quantité donnée d’électricité renouvelable
ou, plus souvent, d’une capacité donnée de production à installer. Ils diffèrent
des systèmes de prix garantis parce qu’ils s’appuient sur des quantités et non
sur des prix et surtout parce qu’ils introduisent de la concurrence entre les
opérateurs.
Les enchères concurrentielles qui ont été utilisées en Angleterre et en
France (programme Éole 2005) ne subsistent plus aujourd’hui que comme
instrument complémentaire ciblant une filière ou une technologie spécifique,
comme l’éolien off shore ou la production d’électricité à partir de biomasse.
Les quotas échangeables ou certificats verts : dans un dispositif de
certificats verts, la puissance publique impose des objectifs (quotas) de production d’électricité renouvelable aux entreprises électriques. Les certificats
sont utilisés pour vérifier que les objectifs ont bien été atteints et constituent
par ailleurs un système de flexibilité qui permet aux distributeurs d’atteindre
leurs objectifs à moindre coût.
Les producteurs d’électricité renouvelable qui reçoivent des certificats verts
correspondant à leur production vendent leur électricité au prix du marché
et les certificats qu’ils détiennent aux distributeurs à un prix déterminé par
l’offre et la demande. Pour réaliser leur quota, les distributeurs peuvent
produire de l’électricité renouvelable, en acquérir ou acheter des certificats à
des producteurs. Si le quota n’est pas atteint, des pénalités proportionnelles au
nombre de certificats verts manquants peuvent s’appliquer. Le Royaume-Uni,
l’Italie, la Belgique, la Pologne et la Suède ont adopté des dispositifs de
certificats verts pour soutenir le développement des énergies renouvelables.
Les dispositifs de soutien en faveur des chauffe-eau solaires
Elles sont destinées à réduire le prix d'achat des systèmes solaires et à
améliorer le temps de retour sur investissement qui restent les principales
contraintes à la diffusion de ces équipements. Elles offrent également la
possibilité d'apporter un soutien différencié en fonction de critères de qualité
portant sur les équipements eux-mêmes ou sur les installateurs. Enfin, elles
attestent de l'intérêt que les autorités publiques portent à ces technologies,
ce qui, avec l'annonce d'objectifs de développement ambitieux, peut
Aspects non technologiques
contribuer à mobiliser les professionnels de la filière et conforter les acheteurs
sur la fiabilité des équipements.
Les incitations fiscales se présentent sous différentes formes : réduction des
taxes (TVA, par exemple) appliquées aux équipements, à l'installation ou, le
cas échéant, à l'importation, crédits d'impôts, amortissement accéléré, etc.
Dans les objectifs, elles sont tout à fait comparables aux subventions directes,
mais présentent l'intérêt pour les finances publiques de se traduire par une
absence de recette plutôt que par une dépense supplémentaire. En revanche,
le crédit d'impôt ne diminue pas la barrière de l'investissement, comme le
font les subventions directes, et ne permet donc pas de toucher les ménages
à bas revenus.
Les prêts à taux bonifiés
L'accès au crédit est un autre moyen d'abaisser la barrière de l'investissement, à condition de proposer des taux plus avantageux que les taux habituels
des prêts à la consommation. Les dispositifs de crédits sont souvent mis en
place en complément des subventions directes pour réduire le coût restant
à la charge des investisseurs.
Les approches réglementaires
Même lorsque le marché a atteint une certaine maturité, les systèmes
d'ECS solaire ne sont pas utilisés dans l'ensemble des situations qui pourraient
le justifier sur le plan économique. C’est pourquoi la réglementation qui
impose le recours aux énergies renouvelables est une solution pour élargir la
diffusion et profiter de rendements croissants d'adoption.
La municipalité de Barcelone a adopté une réglementation de ce type en
1999 qui stipule que dans tous les bâtiments qui y sont soumis, 60 % des
besoins de chaleur pour la production d'eau chaude doivent être fournis par
l'énergie solaire. Résultat : la surface moyenne de capteurs installée chaque
année est passée de 1 650 m2 avant l'ordonnance à 19 600 m2 en 2004 !
Quelle est l’efficacité des dispositifs existants ?
Des études récentes conduites notamment par la Commission européenne
font apparaître un net avantage comparatif en faveur des dispositifs de prix
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L’énergie dans le développement de la N.-C.
garantis, notamment pour l’éolien et le photovoltaïque, et une majorité de
pays européens les ont aujourd’hui adoptés.
L’efficacité des dispositifs de prix garantis est due aux bonnes perspectives
de rentabilité des investissements et à la faiblesse du risque encouru par les
développeurs de projets ; avec les prix garantis, le risque de marché est nul du
fait de l’obligation d’achat et la rentabilité des projets dépend essentiellement
du niveau des prix garantis et de la capacité des investisseurs à maîtriser
leurs coûts. Autre avantage essentiel, la possibilité de différencier les prix
pour tenir compte de l’inégale maturité des technologies : il est ainsi très
facile de racheter le kWh produit par l’éolien off shore à un prix plus élevé que
le kWh on shore, pour que la rentabilité des deux investissements soit du
même ordre et que l’incitation à investir dans les deux filières soit comparable.
De même, il est possible de définir un tarif d’achat spécifique pour le photovoltaïque, très supérieur à celui de l’éolien sans pour autant créer une rente
en faveur du premier.
Avec les systèmes d’enchères, il est possible d’organiser des appels d’offres
différents pour chaque filière technologique, mais les coûts administratifs sont
beaucoup plus importants qu’avec des prix garantis. Par ailleurs, l’expérience
de la Grande-Bretagne, notamment, a fait apparaître les limites du dispositif
pour ce qui concerne le développement industriel (effet de stop and go)
ainsi qu’un effet contreproductif de la forte pression à la baisse sur les prix.
Avec les dispositifs de quotas échangeables, la différentiation devient tout
simplement impossible puisqu’il n’existe qu’un seul prix de certificat et que
seules les technologies les plus matures profitent du dispositif. Ce dispositif
ne prend en réalité tout son sens que dans un espace économique élargi, par
exemple à l’Union européenne. Les différences de coûts entre les états membres
peuvent alors justifier la mise en place d’un système de flexibilité comme le
permettent les certificats verts. Il reste toutefois extrêmement complexe à
mettre en œuvre, à la fois sur le plan administratif et politique.
En contrepartie, on a reproché aux prix garantis de ne pas être totalement
compatibles avec la libéralisation du marché électrique (l’obligation d’achat
pour les distributeurs), de ne pas susciter la concurrence entre les producteurs
renouvelables et, en conséquence, de coûter trop cher aux contribuables.
L’expérience allemande montre toutefois qu’un dispositif de prix garantis
bien pensé peut limiter les rentes entre producteurs et stimuler le progrès
technique malgré l’absence de concurrence directe.
Aspects non technologiques
Au final, les systèmes de prix garantis présentent une efficacité reconnue
pour stimuler le développement des nouvelles technologies de l’énergie et
une efficacité économique tout à fait comparable, sinon supérieure, à celle
des enchères ou quotas échangeables. Ils sont à recommander pour les filières émergentes, même si d’autres instruments peuvent intervenir de façon
complémentaire (subventions à l’investissement, enchères concurrentielles).
Il peut être tentant de développer une filière locale de production de
capteurs solaires et de la protéger, au moins provisoirement, de la concurrence
extérieure en instaurant des taxes élevées sur les matériels importés. En
Nouvelle-Calédonie, deux entreprises produisent ainsi des capteurs solaires
sans être directement exposées à la concurrence internationale. Cette politique
légitime de protection des emplois locaux peut être contre-productive pour
le développement d’une filière technologique. La Tunisie avait ainsi, dans les
années 1990, souhaité soutenir le développement d’une société nationale
de production de capteurs en taxant les importations de matériels concurrents.
Mais la société nationale a fait faillite en raison des performances insuffisantes
des matériels commercialisés et de prix trop élevés. Cet exemple souligne la
difficulté à protéger durablement une filière industrielle émergente comme
celle-ci (sur laquelle le progrès technique est encore significatif) en établissant
des frontières étanches avec la dynamique technologique internationale.
Les subventions directes sont efficaces pour stimuler le développement
de la production d'ECS solaire, mais elles ne suffisent pas seules à abaisser
la barrière de financement. Pour les ménages à bas revenus notamment, la
disponibilité de crédits à taux préférentiel est indispensable. Il est même
possible de définir les remboursements des prêts en fonction des économies
que le système d'ECS permet de réaliser pour ne pas limiter le pouvoir
d’achat des familles les plus pauvres.
Le programme Prosol mis en œuvre en Tunisie, par exemple, organise le
financement à crédit des systèmes d'ECS solaire et le remboursement des
mensualités d'emprunt par le biais des factures d'électricité. L'opération
débutée en avril 2005 a permis l'installation de 7 200 systèmes d'ECS solaire,
soit l'équivalent de 23 000 m2 sur une base annuelle (contre 14 000 m2/an
les années précédentes).
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L’énergie dans le développement de la N.-C.
Les subventions présentent cependant plusieurs inconvénients, dont le
principal est le coût pour les finances publiques lorsque les incitations portent
sur un volume important et sur des durées longues. Elles peuvent aussi avoir
des effets négatifs sur les marchés (impact négatif sur la demande et possibles
répercussions sur les prix).
La réglementation permet aussi d’élargir le marché des systèmes d’ECS
solaire comme le montre l’exemple de Barcelone. Il faut toutefois veiller à
imposer des niveaux de performance minimum (standards ou labels de
qualité) pour éviter que l'obligation d'utiliser l'énergie solaire ne profite à
des équipements à bas coûts mais inefficaces. En complément, la mise en
place d'incitations économiques peut être nécessaire pour que les surcoûts
initiaux qu'impose la réglementation (au moins au début) n'entraînent pas
une augmentation du coût de la construction et une difficulté d'accès à la
propriété des ménages les moins fortunés.
CONCLUSIONS ET POTENTIEL D’APPLICATION À LA NOUVELLE-CALÉDONIE
Pour les filières de production d’électricité d’origine renouvelable et sur
la base du retour d’expérience international en la matière, l’adoption d’un
dispositif de prix garantis assorti d’une obligation d’achat par le distributeur
nous semble être l’option à privilégier.
Le dispositif devrait concerner en priorité les technologies matures,
comme l’éolien, l’hydraulique et le photovoltaïque. Ce qui signifie qu’il est
encore prématuré de l’envisager pour des technologies comme l’énergie des
océans, la géothermie ou le solaire thermodynamique qui doivent s’appuyer
sur des programmes plus classiques de R&D puis de démonstration. Pour
l’éolien off shore et la production d’électricité à partir de biomasse (si on
devait considérer cette option), des projets de démonstration peuvent être
nécessaires avant de passer à la phase de diffusion plus large qu’autorisent
les prix garantis.
Sur quelle base définir les niveaux de prix garantis ?
L’élaboration des tarifs d’achat des kWh d’origine renouvelable peut
répondre à deux logiques.
Une logique de coûts évités qui conduit à proposer un prix correspondant
au coût de production des moyens de production qui seront substitués par
Aspects non technologiques
la production renouvelable, auquel il convient d’ajouter les externalités environnementales évitées par la production renouvelable. C’est la logique suivie
par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) dans son avis sur les tarifs
d’achat de l’électricité éolienne en France.
Une logique de couverture des coûts de production du kWh d’origine
renouvelable qui garantit une rentabilité minimum aux producteurs et incite
donc au développement de nouvelles capacités de production ; l’élargissement
de la diffusion induit des processus d’apprentissage qui favorisent la baisse
des coûts et l’amélioration des performances, ce qui se traduit en retour par
une accélération de la diffusion.
La seconde approche conduit à des tarifs plus élevés que la première,
mais elle se justifie pour des technologies émergentes qui bénéficient d’une
dynamique de baisse de coûts favorable. Dans le cas de la NouvelleCalédonie, le tarif devra intégrer l’existence de la double défiscalisation et
son impact sur les coûts d’investissement pour éviter de créer des rentes en
faveur des producteurs.
Un élément important des dispositifs de prix garantis, outre la différenciation entre filières, est la tarification dynamique qui se traduit par une
diminution régulière des tarifs d’achat pour les nouveaux entrants et impose
une réduction parallèle des coûts de production pour maintenir les marges.
Négocié avec le constructeur d’éoliennes, un dispositif de ce type pourrait
rendre visibles les baisses de coûts attendues sur la production éolienne en
Nouvelle-Calédonie et, simultanément, la réduction des aides publiques sur
ce secteur.
Pour la production d’eau chaude sanitaire solaire, l’expérience internationale
révèle que les subventions sous formes d’aides directes ont presque partout
été nécessaires au décollage de la filière, mais qu’elles ne sont réellement
efficaces que lorsque l’offre est suffisamment diversifiée (est-ce le cas en
Nouvelle-Calédonie ?). Des dispositifs complémentaires aux aides directes
sous forme de prêts bonifiés ou des systèmes de tiers investisseurs sont
également efficaces dans certaines situations, notamment pour stimuler la
diffusion auprès des ménages à bas revenus.
Le cas de l’eau chaude sanitaire solaire illustre surtout l’intérêt de mesures
complémentaires comme des subventions associées à des labels de qualité
ou des aides directes complétées par un accès facilité au crédit. Outre ces
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L’énergie dans le développement de la N.-C.
modes d’action classiques, l'approche réglementaire pourrait être étudiée pour
la Nouvelle-Calédonie. Elle suppose une forte volonté politique, mais présente
l’intérêt d’une efficacité certaine. Compte tenu des temps de retour que
présentent les installations d’ECS solaire en Nouvelle-Calédonie, l’instauration
d’une contrainte réglementaire n’introduirait pas de surcoûts significatifs
pour les ménages et présenterait des avantages importants, en termes
d’environnement notamment. La mise en place d’une action de ce type
nécessite toutefois d’agir à différents niveaux pour informer et sensibiliser la
population, élargir l’offre disponible, améliorer la qualité, former les installateurs, modifier les règles d'urbanisme pour tenir compte de l'option solaire,
et, plus largement, motiver et impliquer l'ensemble des acteurs de la filière.
Le cas des biocarburants
Avant de s’interroger sur les instruments à mettre en oeuvre, la première
question est de savoir si l’on veut favoriser leur seule utilisation ou bien si l’on
veut également développer leur production. Dans le premier cas, l’objectif est
clairement de lutter contre l’effet de serre ; dans le second cas, il peut s’agir de
réduire la dépendance énergétique de la Nouvelle-Calédonie ou de favoriser
le maintien de populations rurales en développant une activé agricole.
Dans le cas de la Nouvelle-Calédonie, la manière la plus économique
d’atteindre le premier objectif est sans doute d’imposer aux importateurs de
produits pétroliers un contenu minimum de biocarburants dans les carburants qu’ils distribuent. Ils s’approvisionneront sur le marché international où
les prix ont des niveaux bien inférieurs à ceux que pourrait atteindre une
production locale ne bénéficiant pas des mêmes avantages comparatifs
(main-d’oeuvre bon marché, vastes territoires exploitables à proximité des
usines de traitement).
En deçà d’une certaine teneur (10 % ou 30 % selon les cas), l’utilisation de
ces mélanges ne demande pas de modification des moteurs. Il se peut que
le prix de revient de ces mélanges soit pour quelque temps encore supérieur
au prix du carburant pur, mais cet écart de prix (comme une taxe carbone)
serait une incitation à réduire la consommation.
Si l’objectif est seulement de subventionner le maintien de populations
rurales tout en réduisant marginalement la dépendance énergétique de la
Nouvelle-Calédonie, on peut imaginer de favoriser la production d’huiles
Aspects non technologiques
végétales brutes qui, après filtrage poussé (1 µm à 5 µm) et neutralisation,
peuvent être directement injectées dans un moteur diesel souvent peu sensible
au carburant utilisé, mais pas dans les voitures diesel récentes ni dans n'importe
quelles conditions.
Les projets devront donc faire l’objet d’une évaluation au cas par cas
pour juger de leur viabilité économique et environnementale et du niveau
de subvention requis. Une première subvention consiste à exempter les
carburants produits de toutes les taxes qui frappent les produits pétroliers.
DISPONIBILITÉ DES DONNÉES
Les données concernant le rayonnement solaire et le vent sont relativement
bien identifiées. Si la voie de la production d’électricité solaire thermodynamique à concentration s’avérait intéressante, il serait sans doute nécessaire
de mieux identifier la part du rayonnement direct puisque la part diffuse ne
contribue pas à cette production, et de rechercher sur l’ensemble territoire
les sites éventuellement favorables.
Les ressources géothermiques semblent faibles, mais n’ont pas vraiment été
identifiées. La géothermie, en présence de sites favorables, permet d’obtenir
à relativement bon marché une production d’électricité de base qui pourrait
se révéler très intéressante, notamment pour l’industrie du nickel.
En ce qui concerne les ressources marines, les courants marins globaux
sont assez bien identifiés mais les focalisations locales le sont moins.
Toutefois, il est très peu probable que les gisements soient significatifs et les
rares lieux où les courants pourraient être suffisamment intenses (valeurs
supérieures à 2 ou 3 m/s) sont exploités pour d’autres usages, notamment
la navigation (dans les passes de la barrière de corail en particulier). Reste la
ressource houlomotrice que la Société de recherche du Pacifique (SRP) a
commencé à évaluer sur ses fonds propres21 : les séries de données encore
incomplètes recueillies laissent espérer un potentiel qui, sans être exceptionnel, n’est cependant pas négligeable. Si la voie de la houlogénération
devait être retenue pour la production d’électricité, il serait nécessaire de
mener des campagnes de mesures plus importantes, notamment sur des
21
Informations recueillies auprès de Guillaume Dréau, ingénieur Énergies nouvelles à la SRP.
185
186
L’énergie dans le développement de la N.-C.
sites plus nombreux, sans doute au sud-est de la Grande Terre, voire tout le
sud, car les houles dominantes viennent du sud-est et sont atténuées par
l’archipel.
Enfin, pour l’exploitation de l’énergie thermique de l’océan, procédé
également très intéressant pour disposer d’une production de base peu
fluctuante, il serait utile d’avoir une meilleure connaissance de la répartition
en profondeur et dans le temps des températures des eaux.
Aspects non technologiques
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
Pour le détail des recommandations exposées ci-dessous, le lecteur
pourra se reporter aux fiches de recommandations rassemblées à la fin de la
synthèse (p. 387), après la partie « Conclusion et recommandations ».
Quelles filières expérimenter en Nouvelle-Calédonie ?
L’éolien est déjà largement exploité pour la production d’électricité,
notamment sur la Grande Terre, mais, semble-t-il, avec une productivité
inférieure à ce qui se fait en général (probablement à cause de problèmes
de maintenance ou de gestion du réseau). À court et moyen termes, les
coûts de production devraient encore diminuer pour être comparables à
ceux de l’électricité thermique, surtout lorsque les coûts des combustibles
augmenteront significativement.
La production photovoltaïque commence seulement à se développer
en situation raccordée au réseau. Elle dispose également d’un potentiel
important qui peut, par exemple, permettre de soutenir et compenser la
consommation des climatisations électriques. Les prix sont encore élevés,
mais devraient baisser significativement et, dans une dizaine d’années,
permettre des gains substantiels en économies de combustibles fossiles. La
production photovoltaïque peut se faire en toiture, sans consommation
d’espace supplémentaire et en rapprochant la production de la consommation, et également en fermes centralisées. Ces développements tiendront
principalement aux incitations tarifaires éventuelles, les deux situations
pouvant d’ailleurs faire l’objet d’incitations différentiées.
À court et moyen termes, nous préconisons un déploiement plus ambitieux
des technologies éoliennes et photovoltaïques, suffisamment matures pour ne
pas prendre de risques exagérés. Celui-ci nécessitera alors de mieux optimiser
la gestion des réseaux, c’est-à-dire de mettre en œuvre des incitations tarifaires
adaptées (effacement des pointes, tarifs heures de pointes/heures creuses),
une planification exploitant une prédiction météorologique avancée, et de faire
en sorte que toutes les informations de productivité et de production soient
transmises par les exploitants de façon totalement transparente au gestionnaire
du réseau. Enfin, l’implantation de moyens de stockage devra accompagner ce
déploiement si l’on souhaite augmenter le taux de pénétration de la production
intermittente (théoriquement au-delà de 30 %, en pratique sans doute avant).
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L’énergie dans le développement de la N.-C.
Nous préconisons d’étudier plus particulièrement le stockage hydraulique
gravitaire car le relief de la Nouvelle-Calédonie semble bien s’y prêter. La
possibilité d’exploiter l’eau de mer dans le cas de systèmes situés en bord de
mer pourrait permettre une économie d’investissement substantielle, à condition que le bassin supérieur de stockage garantisse une totale étanchéité
pour éviter des pollutions de l’eau douce et des écosystèmes. Une étude
technico-économique, prenant en compte la nécessité d’une minimisation
des risques environnementaux et sismiques nous semble indispensable. Il est
également envisageable de tester d’autres solutions de stockage (par exemple,
sodium soufre), à l’instar de ce qu’a prévu l’île de la Réunion.
En ce qui concerne la valorisation énergétique de la biomasse, deux
ressources principales d’importances inégales sont à considérer : les déchets
humides pour la production de biogaz et la biomasse ligneuse pour la
production de chaleur et/ou d’électricité.
À court terme, nous préconisons une évaluation du potentiel de valorisation
des déchets pour la production de biogaz (méthane), en particulier dans les
zones à forte densité de population où une exploitation comme carburant
pour des bus ou autres véhicules lourds est possible. À priori, la petite
méthanisation semble moins pertinente puisque l’élevage se pratique en
ranching et qu’il n’y a pas de concentration suffisante des déchets organiques
pour les méthaniser.
À court et moyen termes, la transformation de la biomasse ligno-cellulosique
en combustible exploitable pour la production de chaleur, puis d’électricité
dans des centrales thermiques pourrait être intéressante. Elle est, en effet,
extrêmement simple et peu énergétivore contrairement à celle en biocarburant.
D’un point de vue purement technique, environ 1 % de la superficie du
territoire (soit 18 000 ha) pourrait donner environ 300 GWh annuels, à condition
de trouver les superficies disponibles et mécanisables et, bien sûr, d’inciter à
la création de telles filières.
Nous préconisons d’évaluer ce potentiel qui pourrait se révéler particulièrement intéressant. La technologie des centrales à lit fluidisé circulant
présentant l’avantage de pouvoir substituer une part du charbon actuel par
de la biomasse ligno-cellulosique, on disposerait là d’un moyen significatif
de réduire la dépendance énergétique de la Nouvelle-Calédonie. Notons que
cette possibilité a déjà été étudiée par la SLN qui a estimé que le gisement
Aspects non technologiques
calédonien était insuffisant et/ou insuffisamment organisé, mais le rapport
EEC nous conduit à insister sur l’intérêt d’apporter un regard nouveau à ce
sujet. Dans une note récente (SLN, Projet Centrale C – Mémoire de réponse,
octobre 2008, pp.15-16), la SLN indique que sur ses nouvelles centrales
charbon à lit fluidisé, des équipements seront intallés pour pouvoir bruler
jusqu'à 10 % de biomasse (soit 60 000 t) ce qui nécessitera la mise en place
d'une filière d'approvisionnement adaptée. Par ailleurs, la SLN envisage
la possibilité de compenser une partie des émissions de CO2 liées à la
combustion de charbon en développant des puits de carbone (nouvelles
plantations).
Pour les sites isolés, le photovoltaïque reste la solution la plus pertinente
(fiabilité, coûts), en configuration PV avec stockage pour les petites installations
(les résultats d’exploitation d’Enercal sont d’ailleurs très positifs). Dans les îles,
lorsqu’il s’agit de microréseaux, les configurations hybrides (PV et/ou éolien
avec groupe électrogène, par exemple à l’huile de coprah, et avec stockage)
présentent sans doute la meilleure solution du point de vue économique.
Sur la base notamment des retours d’expérience actuels, nous préconisons
d’étudier de telles solutions dans les conditions météorologiques spécifiques
des îles.
Les perspectives de valorisation de la biomasse sous forme de biocarburants
nous semblent en revanche plus incertaines, même si l’expérience en cours
de valorisation du coprah doit être poursuivie. Dans les îles, la production
d’huile de coprah et sa combusation dans des groupes électrogènes diesel
ont été démontrées. Malheureusement, les nouveaux moteurs diesel ne
peuvent plus brûler directement ces huiles : il faut introduire une étape de
transestérification pour obtenir un carburant compatible avec les moteurs
modernes et leurs normes de rejets, ce qui est techniquement réalisable à
l’échelle d’une petite île. Il n’est d’ailleurs pas exclu que certains fabricants
relancent la production de moteurs adaptés aux huiles végétales brutes.
À moyen terme, les centrales solaires thermodynamiques à concentration
semblent constituer une voie de production d’électricité particulièrement
attrayante. Cette technologie, déjà relativement mature, n’exploite que la part
directe du rayonnement solaire, elle nécessite donc des sites bien exposés.
Nous suggérons tout d’abord une recherche de sites privilégiés répondant à
cette condition disponibles sur le territoire (superficies nécessaires de l’ordre
de 1 ha par MW pour une productivité comprise entre 3 et 5 GWh/ha). L’un
189
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L’énergie dans le développement de la N.-C.
des avantages majeurs de ces usines de production d’électricité réside dans
la possibilité de réaliser un stockage intermédiaire de chaleur qui permet un
certain découplage entre la production électrique et le rayonnement solaire
et offre donc la possibilité de produire de l’électricité la nuit. Enfin, la taille
des unités actuellement en construction dans le monde est bien compatible
avec les exigences du réseau de la Grande Terre qui pourrait par conséquent
accueillir une telle centrale. Nous recommandons une veille active sur les
réalisations en cours dans le monde, puis une étude plus précise pour
évaluer les caractéristiques techniques et économiques appliquées à la
Nouvelle-Calédonie lorsque le retour d’expérience sera suffisant.
Globalement, mieux exploiter des ressources locales renouvelables demande
de mieux les connaître, c’est pourquoi, nous recommandons d’établir, dès
maintenant, un atlas des ressources énergétiques, complémentaire à l’existant
ou mis à jour.
À moyen terme et de façon encore plus marginale, on peut penser à
valoriser la chaleur fatale des centrales thermiques de production d’électricité
pour la production de biocarburants de première génération. Cette chaleur
permettrait d’améliorer le bilan énergétique de production de bioéthanol et
de baisser son coût de manière significative. Celui-ci pourrait ensuite être
incorporé à l’essence utilisée dans les transports automobiles dans les limites
des possibilités des moteurs actuels (15 % d’éthanol sans modifications).
Notons que cette filière nécessiterait le développement de cultures énergétiques dont il faudrait s’assurer qu’elles ne rentrent pas en compétition avec
les cultures alimentaires.
Sur le long terme, la production algale et l’hydrolyse des esters associés
pourraient constituer une source intéressante de carburants liquides. Mais la
chaîne des technologies nécessaires est encore immature et de nombreuses
difficultés subsistent. Compte tenu de la situation maritime privilégiée des
îles, nous recommandons une veille technologique dans ce domaine.
À long terme également, l’exploitation de l’énergie thermique des mers
(ETM) pourrait constituer une voie intéressante pour la production de base
et le remplacement des centrales à charbon, en particulier pour l’industrie du
nickel. Pour bien évaluer le potentiel, nous recommandons une évaluation des
gradients de température des eaux (jusqu’à environ 1 000 m) sur une durée
de quelques années, afin de prendre en compte les fluctuations climatiques
Aspects non technologiques
sensibles dans cette région, ainsi qu’une veille technologique sur les centrales
ETM. Une meilleure connaissance de la ressource et des technologies expérimentées permettrait de préparer l’accueil éventuel d’expériences de production
ETM, comme la Polynésie semble vouloir le faire avec son projet d’usine
pilote de 5 MW à Tahiti. Notons également que le constructeur naval DCNS
s’implique actuellement (2009) dans un projet de construction d’un
démonstrateur de 1,5 MW à la Réunion (les premiers dimensionnements
font état d’une plateforme off shore de 7 000 tonnes, de 30 m de diamètre
et 15 m au-dessus de la surface.
191
Les émissions
et les réductions d’émissions
de gaz à effet de serre
en Nouvelle-Calédonie
194
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Les chocs pétroliers avaient fait prendre conscience de la nécessité de
réduire les consommations d’énergies fossiles. Avec la menace climatique,
il faut intensifier la maîtrise de ces consommations, car en continuant à
augmenter les émissions nettes de gaz à effet de serre, le risque est
aujourd’hui d’aboutir à des dérapages incontrôlables du climat.
Pour cela, il convient non seulement de promouvoir les économies
d’énergie, d’utiliser les meilleures technologies disponibles pour les activités
émettrices de CO2 et de recourir aux énergies renouvelables, mais aussi
d’augmenter les stocks de carbone et, en particulier, de recourir au stockage
géologique de CO2.
La question climatique
et les émissions de gaz à effet de serre
C’est le rapport de 1990 du Groupe intergouvernemental sur l’évolution
du climat (Giec) qui a alerté la communauté internationale sur la nécessité
d’agir pour limiter le changement climatique provoqué par les émissions de
GES.
Le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat
(Giec ou IPCC)
Le Giec mis en place en 1988 sous l’égide des Nations unies dépend de
l’Organisation mondiale de la météorologie (OMM) et du Programme des
Nations unies pour l’environnement (PNUE). Il fait l’état des connaissances sur
la question climatique à l’intention des décideurs politiques : sur la climatologie
(Groupe 1), sur les impacts et l’adaptation aux changements climatiques
(Groupe 2), sur les moyens d’atténuer ces changements en réduisant les
émissions de GES (Groupe 3) et sur les méthodes pour déterminer ces
émissions (Groupe 4). Une architecture à plusieurs niveaux garantit la qualité
et l’indépendance des évaluations scientifiques. Le Giec a reçu le prix Nobel de
la Paix en 2007, conjointement avec Al Gore.
Pour ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, on notera trois rapports spéciaux ;
sur la capture et la séquestration géologique du CO2, sur le stockage du
carbone dans la végétation et sur les émissions de gaz fluorés également
considérés sous le protocole de Montréal (www.ipcc.int).
Les concentrations des gaz à effet de serre dans l’atmosphère sont passées
de 280 ppm au début de la révolution industrielle à près de 400 ppm
aujourd’hui. Selon des travaux récents (Ramstorf 2009), le niveau moyen des
mers pourrait s’élever d’un mètre d’ici à 2100, si nous continuons avec le
rythme actuel d’émissions de GES.
196
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Pour stabiliser le climat d’ici à 2050, il faudrait diviser les émissions
mondiales actuelles par deux. En 2050, le climat serait alors plus chaud
qu’actuellement d’environ 2 °C. En effet, même si on arrêtait brutalement
toutes les émissions anthropiques de GES, le réchauffement se poursuivrait
encore pendant une trentaine d’années à cause de l’excédent de ces gaz
déjà accumulé dans l’atmosphère. En divisant ces émissions par deux, on
espère au moins pouvoir éviter des changements encore beaucoup plus
importants d’ici la fin de ce siècle. Aussi, les chefs d’États présents au
sommet du G8 à Hokkaido au Japon, en juillet 2008, ont-ils adopté pour la
communauté internationale cet objectif de stabilisation du climat.
L’ÉVOLUTION DU CLIMAT
Les hausses de température dues à l’augmentation de l’effet de serre
auront des effets très divers, directement sur les températures et, indirectement,
sur les précipitations et l’élévation des niveaux des océans. Les petites îles du
Pacifique à faible élévation pourraient disparaître. Toutes les zones côtières,
en général fortement peuplées, seront affectées ; les surfaces cultivables y
diminueront et les intrusions salines deviendront plus menaçantes.
En d’autres endroits du globe, les précipitations devraient diminuer. Ce
qui, combiné au réchauffement et à des évapotranspirations potentielles
plus élevées, augmentera l’aridité dans certaines régions. Ailleurs encore,
par exemple sous les hautes latitudes, les conditions pourraient devenir plus
favorables pour les productions végétales, par suite de l’allongement des
saisons de végétation.
L’évolution du climat et les petites îles
Les petites îles sont particulièrement vulnérables aux effets des changements
climatiques, à la montée du niveau des mers et aux événements climatiques
extrêmes (dont les cyclones). Dans les Caraïbes et les îles du Pacifique, 50 %
de la population vit à moins de 1,5 km de la côte. L’augmentation du niveau
des mers aggravera vraisemblablement les inondations, les tempêtes et
l’érosion côtière. Les infrastructures aéroportuaires, maritimes et industrielles
seront affectées ainsi que les routes situées majoritairement en bordure des
côtes. Dans tous les scénarios, les pluviométries diminueront en été et ne
seront en général pas compensées par leur augmentation en hiver.
La question climatique et les émissions de GES
La pêche commerciale et artisanale, une ressource importante pour bon
nombre d’îles, sera également affectée par la fréquence et l’intensité d’El Niño.
Quant à l’agriculture des zones côtières, elle est également menacée par
l’élévation du niveau de la mer, les intrusions d’eau salée et la baisse des
ressources en eau. Plus loin des côtes, elle sera probablement aussi affectée
par les événements extrêmes comme les sècheresses et les inondations.
Dans les basses latitudes, le tourisme pourrait souffrir de ces changements
ainsi que de l’augmentation des risques d’apparition de certaines maladies
(dengue, paludisme, filariose, schistosomiase, etc.). Dans les hautes latitudes,
les conditions pourraient au contraire devenir plus favorables.
L’évolution du climat en Australie et en Nouvelle-Zélande
Depuis 1950, la température moyenne a augmenté de 0,3 et 0,7 °C. Les
vagues de chaleur sont plus fréquentes, les gelées plus rares. Les précipitations
ont augmenté dans le nord-ouest de l’Australie et dans le sud-ouest de la
Nouvelle-Zélande : en revanche, elles ont diminué dans le sud et l’est de
l’Australie et dans le nord-est de la Nouvelle-Zélande. Les sécheresses sont
devenues plus intenses en Australie. Les glaciers se sont modifiés de même
que les couvertures neigeuses, ce qui a eu un impact sur les régimes des
eaux, les écosystèmes et l’agriculture.
Au cours du XXIe siècle, les températures augmenteront très probablement,
de même que l’intensité et la fréquence des vagues de chaleur et de sécheresse.
Cela pourrait conduire à une aggravation des conditions hydriques vers
2030 dans les deux pays, entraînant un déclin des productions agricoles et
forestières et une perte de biodiversité, dès 2020, dans certaines zones.
Les émissions de gaz carbonique
En dehors de la concentration de vapeur d’eau dans l’atmosphère, sur
laquelle on a peu de prise directe, le gaz carbonique est le plus important des
gaz à effet de serre. Les émissions nettes de gaz carbonique proviennent
essentiellement des combustibles fossiles dans l’hémisphère nord et des changements d’utilisations des terres dans les pays en développement – déforestation,
transformation des pâturages en terres labourées, urbanisation, reboisement
artificiel ou spontané de terres cultivées puis abandonnées, etc.
197
198
L’énergie dans le développement de la N.-C.
L’augmentation ou non des émissions de CO2 dans l’atmosphère dépend
tout à la fois des consommations de combustibles fossiles, de leur substitution
par des biomasses végétales et d’autres formes d’énergie renouvelables, des
variations de stocks de carbone dans la végétation et de la séquestration
géologique du CO2. La complexité née de l’imbrication de ces différents
cycles conduit souvent à des approches partielles, parfois assez éloignées de
la réalité. Or, pour l’atmosphère, ce qui compte c’est la quantité et les variations
nettes de CO2. C’est pourquoi il nous a paru utile de faire figurer une série
de schémas dans l’article plus complet qui figure dans le CD-ROM.
L’utilisation de combustibles fossiles ou de biomasses végétales
Les rôles des productions d’énergie à partir de biomasses végétales et de
combustibles fossiles diffèrent tant en absence qu’en présence de capture et
de stockage géologique du gaz carbonique émis par les centrales. Avec les
captures et les stockages géologiques des émissions de CO2, le bilan net des
émissions de CO2 des combustibles fossiles pourrait devenir nul, alors que
celui des bioénergies pourrait devenir négatif, c’est-à-dire se traduire par un
prélèvement net de CO2 de l’atmosphère.
Les changements d’affectation des terres
Lorsqu’il y a des changements d’utilisation des terres, les stocks de carbone
dans la végétation et dans les matières organiques des sols varient également.
Par exemple, le passage d’une forêt à une prairie fait perdre en moyenne 60 t
de carbone (220 t de CO2) par hectare au niveau de la végétation. En passant
à une culture, on perd en outre de la matière organique au niveau des sols,
soit environ 25 t de carbone par hectare, mais beaucoup plus lentement.
Le déboisement conduit à une perte rapide, en deux à trois ans, des stocks
de matière organique dans la végétation. Alors que les pertes de matière
organique des sols sont beaucoup plus lentes, d’environ 1 t de carbone par
hectare et par an. Avec le boisement, les stocks de carbone dans la végétation
augmentent de nouveau, mais lentement.
Les stocks moyens de carbone en forêt peuvent également varier, sans
qu’il y ait pour autant des changements d’affectation des terres. Le stock
moyen de carbone d’une forêt sous-exploitée pourra augmenter pendant
La question climatique et les émissions de GES
un certain nombre d’années. Mais à long terme, celui d’une forêt non
exploitée et non perturbée par des incendies, des tempêtes ou des insectes
ravageurs, n’augmente plus guère. En revanche le stock de carbone d’une
forêt surexploitée diminue.
La substitution de biomasses végétales à des énergies fossiles
L’utilisation de biomasses végétales à la place des combustibles fossiles,
notamment de pétrole et de charbon, permet de réduire les émissions de GES
provenant de ces derniers. En consacrant une petite surface supplémentaire
pour produire un supplément de biomasse, on peut même produire des biomasses végétales neutres sur le plan énergétique et des émissions de GES.
À la différence des combustibles fossiles, les productions de biomasses
végétales ont en revanche besoin de surfaces importantes. C’est une différence
essentielle, particulièrement importante à souligner pour les pays, comme la
Nouvelle-Calédonie, qui ont peu de surfaces agricoles cultivables et de faibles
superficies de forêts exploitables. Il faut donc chercher à utiliser le plus efficacement possible tout à la fois les terres, pour éviter de déboiser quand les
productions de biomasses alimentaires et non alimentaires doivent augmenter,
et les énergies fossiles.
À noter également que les augmentations de productions de biomasses
végétales alimentaires exigent soit d’augmenter les rendements agricoles
soit de défricher des prairies ou des forêts. Mais les émissions annuelles de
GES résultant de cultures, même fortement fertilisées, sont en général faibles
(un centième) par rapport aux émissions résultant des changements des
stocks de carbone consécutifs aux déboisements. Il faut donc, pour le climat,
chercher à maximiser les productions agricoles et forestières par unité de
surface, sous réserve que cela soit acceptable pour l’environnement local et
la santé humaine.
Les dynamiques des stocks de carbone
dans les différentes parties du monde
Les émissions annuelles nettes de CO2 s’élèveraient maintenant à près de
10 milliards de tonnes de carbone (tC), soit 36,7 milliards de tonnes de CO2 :
environ 7,5 milliards de tC proviendraient des consommations de combustibles
et d’autres produits fossiles et 1,5 milliard de tC proviendrait des défrichements.
Mais les absorptions annuelles nettes par la végétation du monde s’élèveraient
199
200
L’énergie dans le développement de la N.-C.
maintenant à environ 2,6 milliards de tC, soit environ 29 % des émissions nettes
totales. Les absorptions nettes par les océans atteindraient 26 %. Le restant,
environ 46 %, resterait dans l’atmosphère, contribuant ainsi au renforcement
de l’effet de serre.
Les augmentations de stocks de carbone en forêt (ce que l’on appelle
communément les « puits ») et les stockages géologiques du CO2 dans la
croûte terrestre devraient permettre d’absorber une partie des excédents qui
s’accumulent dans l’atmosphère. Le stockage géologique sera certes plus
coûteux que les déforestations évitées ou que l’augmentation des stocks en
forêts, mais potentiellement plus important que l’augmentation des stocks
de carbone en forêts.
LES AUTRES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE
Le méthane
À 100 ans, son potentiel de réchauffement global (PRG) est à poids égal
23 fois plus important que celui du CO2, mais pour un horizon de 20 ans,
ce PRG est de 62 fois plus important. À 50 ans – le nouvel horizon apparu
depuis 2001 avec l’obligation de stabilisation du climat (division par deux
des émissions mondiales de GES) –, ce PRG est 42 fois plus important que
celui du CO2, c’est-à-dire presque deux fois plus que ce que l’on considérait
jusqu’à présent en prenant un horizon de 100 ans.
L’objectif de réduction des émissions de méthane issues des décharges,
des mines et des élevages, devient ainsi d’autant plus important.
Le protoxyde d’azote
À l’horizon de 100 ans, l’impact de ce gaz dont la durée de vie est
semblable à celle du gaz carbonique est, à poids égal, 296 fois plus actif que
celui du CO2. Les émissions de ce gaz sont importantes dans la fabrication
du nylon et dans l’industrie des nitrates, où l’on peut les réduire moyennant
des consommations d’énergie légèrement plus élevées ou en traitant correctement les lisiers des élevages industriels.
Il faut souligner que lorsqu’il y a des changements d’utilisation des terres,
les émissions de protoxyde d’azote résultant des intrants agricoles sont
relativement faibles par rapport aux émissions de CO2, de même que par
La question climatique et les émissions de GES
rapport aux réductions d’émissions de combustibles fossiles obtenues en
convertissant toutes les récoltes de phytomasses pour remplacer ces derniers.
On peut d’ailleurs encore souvent éviter des défrichements quand il faut
augmenter les productions agricoles, par exemple en augmentant l’efficacité
territoriale (productivité des surfaces déjà cultivées ou nombre de têtes de
bétail par hectare). Dans le cas des biomasses végétales, il faut donc toujours
considérer les bilans à l’échelle de tout l’espace rural et de toute la planète.
Les approches ne prenant en compte que les variations au niveau des
champs conduisent à des diagnostics erronés pour le climat.
Ainsi l’augmentation des rendements en blé en France a un peu augmenté
les émissions de protoxyde d’azote et de CO2 attribuables à la production et
au transport des engrais ou des fumiers. Mais, sans ces augmentations de
rendements, il aurait fallu défricher plus de 13 millions d’ha de terres pour
augmenter de manière identique la production totale de blé, ce qui aurait
conduit à émettre plus de 4 milliards de tonnes de CO2 et à supprimer toutes
les récoltes annuelles de bois. On doit donc chercher à diminuer les émissions
de ce gaz en appliquant mieux les engrais organiques ou minéraux, mais en
évitant de le faire au détriment des rendements et, plus généralement, de
l’efficacité territoriale.
Les CFC, HFC et autres gaz de synthèse
Les chlorofluorocarbones (CFC) de l’industrie du froid et des mousses
isolantes, les hydrofluorocarbones (HFC) fabriqués, tout comme les perfluorocarbones (PFC), pour remplacer les CFC (moindre nocivité pour la couche
d’ozone), ainsi que l’hexafluorure de soufre (SF6) utilisé dans l’industrie
électronique, sont des gaz de synthèse à potentiel de réchauffement beaucoup
plus important que celui des gaz évoqués précédemment. Cependant, ils
sont peu à peu éliminés à cause des engagements pris sous le protocole de
Montréal et remplacés par des HFC. Ces derniers sont moins nocifs pour la
couche d’ozone, mais ont des PRG également très élevés et sont comptabilisés
sous la convention sur le changement climatique.
L’ozone troposphérique
L’ozone troposphérique est également important à considérer. Ce gaz
n’a cependant pas été retenu dans la liste des gaz à réduire sous le protocole
de Kyoto, car sa formation est difficile à prévoir. Le monoxyde de carbone qui
201
202
L’énergie dans le développement de la N.-C.
résulte des mauvaises combustions des voitures, des chaudières et, surtout, des
feux de forêts et de savane, est en partie responsable de sa formation.
Les émissions de protoxyde d’azote, de gaz de synthèse (hors ceux,
comme les CFC comptabilisés sous le protocole de Montréal) et d’ozone
troposphérique auraient été responsables, en 1990, d’environ 20 % de
l’effet de serre additionnel comptabilisé sous la convention sur le changement
climatique.
Les autres facteurs (aérosols, albédo)
Les aérosols sont de fines particules (de 0,01 à 10 µm) en suspension
dans l’air qui modifient également le bilan thermique de la planète : sulfates
émis par les volcans, cristaux de sodium et de chlore formés à partir de
l’assèchement des embruns marins, particules émises par les centrales thermiques, feux de savanes et de forêts, etc. Les suies ou poussières noires
absorbent les rayonnements et contribuent par conséquent au réchauffement.
À la différence des gaz à effet de serre, les aérosols ne s’accumulent cependant
pas dans l’atmosphère et leur durée de vie n’est en général que de quelques
jours car ils sont éliminés par les pluies. Leur effet direct est globalement
négatif, tandis que celui, indirect, qu’ils ont sur les nuages est encore mal
quantifié ; c’est pourquoi les aérosols n’ont pas été pris en compte pour la
première période d’engagement sous le protocole de Kyoto.
Les corps noirs absorbent tous les rayonnements qu’ils reçoivent, alors
que les surfaces blanches (neige, glaciers, toits blancs des maisons des
régions chaudes) en réfléchissent une très grande partie : c’est ce qu’on
appelle l’albédo. La disparition des glaces augmentera le réchauffement en
réduisant cette réflexion. Les changements de couverture végétale des sols
modifient simultanément l’albédo et l’évaporation, donc les bilans thermiques
locaux.
LES ÉMISSIONS DE GES DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
Les inventaires des émissions de GES de la France au titre de la Convention
cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC), réalisés par
le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique
(Citepa), comprennent la métropole (MT), les DOM, les COM, la Polynésie
La question climatique et les émissions de GES
française et la Nouvelle-Calédonie. Mais seuls la métropole et les DOM
entrent dans le périmètre retenu sous le protocole de Kyoto.
Avec un PIB de 5,8 milliards d’euros, la Nouvelle-Calédonie atteint 0,3 % de
l’ensemble qui atteignait 1 938,4 milliards d’euros en 2007, soit pratiquement
la moitié de l’ensemble « Nouvelle-Calédonie plus collectivités d’outre-mer »
(NC+COM).
Entre 1990 et 2007, les émissions de GES ont diminué de 5,6 % pour
l’ensemble soumis à la contrainte Kyoto (métropole + DOM), de 6,5 % en
métropole, mais elles ont augmenté de 73,4 % dans les DOM et de 63,5 %
dans l’ensemble « Nouvelle-Calédonie + COM ». Dans cette comptabilité,
l’essentiel de cette augmentation est attribuable à l’augmentation des émissions
de gaz carbonique (+ 1,7 Mt), c’est-à-dire à l’industrie, aux transports et à la
production d’électricité. Les émissions de méthane provenant des décharges
et des fermentations entériques des ruminants ont peu varié. Les émissions
de HFC, comptabilisés sous la Convention climat, ont augmenté de 0,1 million
de tonnes d’équivalent CO2.
Par habitant (mais cet indicateur est à prendre avec précaution pour les
petits ensembles où dominent, comme en Islande, au Groenland ou en
Nouvelle-Calédonie, des industries très intensives en carbone), les émissions
de GES ont, entre 1990 et 2007, fortement diminué : de 13,6 % pour
l’ensemble soumis à la contrainte Kyoto (métropole + DOM) et de 20,6 %
en métropole. Elles ont en revanche augmenté de 36,8 % dans les DOM et
de 10,7 % dans l’ensemble « Nouvelle-Calédonie + COM ». Elles sont
passées respectivement de 9,6 à 8,3 teqCO2 dans le périmètre de Kyoto, de
9 à 7,2 teqCO2 en France métropolitaine, de 5,7 à 7,8 teqCO2 dans les DOM
et de 6 à 6,6 teqCO2 dans l’ensemble « Nouvelle Calédonie + COM ».
On notera que les émissions pour l’ensemble des communautés d’outremer et de la Nouvelle-Calédonie représentent moins de 1 % de l’ensemble
des émissions « métropole plus DOM » déclarées sous le protocole de Kyoto.
En 1990, elles ne représentaient que 0,5 % de ces émissions. Mais, dans cet
ensemble, 70 à 90 % des émissions de CO2 proviennent vraisemblablement
(« à dire d’expert ») de la Nouvelle-Calédonie.
Ajoutons qu’il conviendrait de comptabiliser aussi les émissions des produits
alimentaires importés et de défalquer les émissions liées à la production de
nickel, qui n’est évidemment pas consommée par les habitants du Territoire,
203
204
L’énergie dans le développement de la N.-C.
mais exportée. Il ne faut pas, en effet, confondre les inventaires des émissions
de GES sous le format des Nations unies, destinés à permettre l’obtention
de réductions d’émissions vérifiables, avec les inventaires des émissions réelles
moyennes par habitant dans un pays ou sur un territoire donné.
Pour une présentation détaillée des émissions des six gaz à effet de serre
retenus dans le protocole de Kyoto – en métropole, dans les DOM et dans
l’ensemble COM plus Nouvelle-Calédonie –, se reporter à la contribution
intégrale qui figure dans le CD-ROM annexé.
Le captage et le stockage géologique
du gaz carbonique
Le captage et le stockage durable du gaz carbonique (Carbone dioxide
Capture and Storage ou, CCS) peuvent être obtenus par la voie géologique,
une approche qui se distingue à bien des égards de la capture et du stockage
de CO2 par et dans la végétation. D’abord parce que celle-ci ne peut le
stocker que temporairement – moins d’un an dans les plantes annuelles ou
plusieurs siècles dans les phytomasses des arbres. Ensuite, parce que la capture
du CO2 s’accompagne d’une bioconversion de l’énergie solaire qui est alors
stockée sous forme biochimique dans les phytomasses.
Tant que les arbres croissent, les stocks de carbone dans leurs phytomasses
augmentent, de façon rapide quand les arbres et les peuplements sont jeunes,
mais de moins en moins vite lorsqu’ils vieillissent. D’où une limite à la fonction
« puits » de la végétation. Enfin, quand les phytomasses se décomposent,
elles libèrent à nouveau le CO2 qu’elles avaient prélevé dans l’atmosphère
durant leur croissance.
Autre différence : alors que la bioconversion de l’énergie solaire et du
CO2 par la végétation (ou les algues) demande essentiellement de l’énergie
solaire (qui est renouvelable), la capture et le stockage géologique de CO2
demandent quant à eux un supplément d’énergie fossile. Le CO2 stocké
géologiquement ne peut plus fournir d’énergie, alors que l’accroissement du
stock de carbone dans les phytomasses (ou la production de glycérides par
les algues) donne des matières végétales dont la décomposition thermique
(y compris comme biocarburant) ou biologique fournit à nouveau de l’énergie
utilisable.
Ces options ne sont cependant pas exclusives l’une par rapport à l’autre ;
le captage (suivi d’une séquestration géologique) d’une partie du CO2 provenant
de combustibles fossiles peut être combiné avec le captage du CO2 provenant
des biomasses végétales également brûlées dans ces chaufferies. Le stockage
géologique du CO2 d’origine biologique conduit cependant à un prélèvement
206
L’énergie dans le développement de la N.-C.
net de CO2 dans l’atmosphère, alors que celui de la totalité du CO2 provenant
des combustibles fossiles ne conduirait qu’à des productions d’énergies sans
émissions nettes de CO2, (tout comme les productions de biomasses végétales
renouvelées non combinées avec une séquestration géologique du CO2 émis
lors des conversions en énergie utile). Pour plus de détails, le lecteur est invité
à se reporter aux schémas dans « Les émissions et les réductions d’émissions
de gaz à effet de serre en Nouvelle-Calédonie » du CD-ROM. Le stockage
géologique s’affirme cependant comme une option forte du développement
de vecteurs énergétiques et de procédés industriels à moindre contenu en
carbone. Selon l’AIE, les potentiels sont de 920 Gt pour les gisements épuisés
de gaz ou de pétrole, compris entre 400 et 10 000 Gt pour les réservoirs
salins profonds et supérieurs à 15 Gt pour les mines de charbon inexploitables.
Le potentiel total est à comparer avec les émissions totales de CO2 qui sont
de l’ordre de 2 000 Gt/an, selon une projection du Giec concernant les
années 2000 à 2050.
On estime qu’il est possible de stocker le CO2 capturé à la sortie des
centrales dans d’anciens puits de pétrole, de gaz, dans des aquifères salins
ou encore par minéralisation du CO2 dans des roches comme les péridotites.
Ces dernières sont présentes dans de nombreux bassins du monde, en
particulier dans celui d’Oman et en Nouvelle-Calédonie (voir plus loin).
Actuellement, le captage et le stockage du CO2 ne sont envisagés que
pour des sources importantes et localisées, principalement les centrales
thermiques et les industries lourdes avec des rejets supérieurs à
100 000 tCO2/an. Autant dire que les émissions diffuses de CO2 par le
secteur des transports et du résidentiel ne peuvent pas faire l’objet
d’une capture en l’état. Les quantités de CO2 rejetées dans l’atmosphère
par les centrales de Nouvelle-Calédonie sont relativement faibles (Prony :
2*40 MWelectrique : 400 tCO2/jour soit ~550 000 tCO2/an et Doniambo :
3*70 MWelectrique 4 000 t CO2/jour soit ~1,4Mt CO2/an) ; elles sont cependant
faibles par comparaison avec celles rejetées par les centrales de grands pays
industrialisés. Il faudra donc compter sur la mise au point – sans doute d’ici
à 2020 – des technologies de capture dans des pays ayant les capacités de
R & D requises. Le moment venu, celles-ci pourront faire l’objet d’un
transfert vers les centrales de la Nouvelle-Calédonie. En revanche le
stockage géologique dans les péridotites nécessitera des études et des mises
au point sur place. L’ensemble de ces techniques de captage et de stockage
Le captage et le stockage géologique du CO2
ne deviendra sans doute pas économiquement compétitif avant 2020, et
encore seulement sous contrainte climatique forte visant à stabiliser le
climat d’ici à 2050, avec un prix de rachat à la tonne de CO2 émise de façon
nette avoisinant les 25 /tCO2 et un coût de stockage compris entre 60 et
80 /tCO2 !
Considérant l’intérêt croissant de développer des recherches dans le
domaine du CCS, le ministère français de la Recherche a demandé à l’ANR
de financer, de 2005 à 2008, un programme sur « le captage et le stockage
du CO2 ». Puis, en 2009, un nouveau programme sur « l’efficacité énergétique
des systèmes industriels » a été amorcé dont les objectifs sont de valider des
solutions technologiques et géologiques permettant de traiter durablement
le CO2 à un coût acceptable et de surveiller les stockages souterrains.
D’ores et déjà, des plates-formes sont construites (ou en projet) par les
grands groupes industriels dans le monde, mais aucune technologie ne
s’impose encore réellement. Pour déployer cette technologie il faudra prendre
en compte le contexte économique et énergétique, sans oublier les aspects
sécuritaires et d’acceptabilité par les populations. Il devra également comporter
une approche systémique globale incluant la ressource énergétique, le procédé
industriel de conversion chimique de l’énergie et la gestion des effluents,
des particules et aérosols, et du bruit.
LES GRANDES ORIENTATIONS TECHNOLOGIQUES
POUR RÉDUIRE LE COÛT DU CAPTAGE DU CO2
Dans la chaîne de CCS, le coût le plus important est celui du captage du
CO2 qui consiste à séparer celui-ci des autres produits de combustion
(l’azote pour des combustions à l’air, l’oxygène non consommé, l’eau et les
polluants). Un des procédés envisagés consiste à effectuer une combustion
dans de l’oxygène pur (oxy-combustion) ou dans de l’air enrichi en oxygène,
de façon à obtenir en postcombustion et après séchage des fumées une
forte concentration en CO2 qui peut alors être capté plus facilement. Le coût
énergétique de la production doit inclure la production d’oxygène.
L’applicabilité du procédé est néanmoins soumise à une diminution drastique
du coût de capture du gaz carbonique.
207
208
L’énergie dans le développement de la N.-C.
LES PROCÉDÉS EN COURS DE DÉVELOPPEMENT
POUR LE CAPTAGE DU CO2 DES CENTRALES THERMIQUES
Parmi les étapes de captage, transport et stockage du CO2, c’est le captage
qui déterminera le coût global de la CCS avec une contribution aux alentours
de 75 % du coût global. Sachant qu’il pourrait aussi augmenter le coût de
production de l’électricité de 50 %, c’est donc sur l’abaissement du coût de
la capture que doit porter l’effort majeur pour rendre cette option économiquement acceptable. Trois systèmes de capture du CO2 sont actuellement
en cours de développement.
Le captage en postcombustion
L’opération de captage consiste à extraire le CO2 des autres constituants
des fumées au moyen de techniques d’absorption (chimique et physique),
d’adsorption, cryogéniques ou membranes.
N2O2H2O
Fumées
Combustible
Air
Séparation du CO2
Chaleur et travail
CO2
Figure 7
Technologie de capture du CO2
en postcombustion
Déshydratation,
compression,
transport
et stockage
du CO2O2H2O
Réactions de combustion Charbon : C + Air ® CO2 Gaz naturel CH4 + Air ® CO2 + H2O.
Principe : élimination du CO2 des fumées.
Il s’agit donc d’adjoindre une unité de captage du CO2 à une centrale
conventionnelle (chaudière ou turbine à gaz).
Le captage et le stockage géologique du CO2
Dans le cas d’une chaudière à LFC, le combustible (lignite ou biomasse)
est injecté avec l’air dans le foyer de la chaudière ; les échangeurs thermiques
élèvent la température de la vapeur d’eau (700 °C) qui se détend dans une
turbine à vapeur pour produire l’électricité grâce à un alternateur couplé.
Les cendres sont récupérées dans la partie inférieure de la chaudière et les
fumées sont dépoussiérées, désulfurées, refroidies et l’eau de combustion
est condensée. Puis, le CO2 est capturé (par absorption) par un solvant aux
amines, ammoniac ou autres. Le solvant est ensuite régénéré par chauffage
et relâche le CO2 qui est alors compressé puis introduit dans le réseau de
transport vers le lieu de stockage.
Dans le cas d’une TAG avec cycle combiné, le principe est semblable mais
c’est une turbine à combustion ou à gaz, fonctionnant au gaz naturel, qui est
utilisée et couplée à un alternateur. Pour accroître le rendement du procédé,
une turbine à vapeur, couplée à un second alternateur, est utilisée pour valoriser
la chaleur des gaz de sortie de la TAG.
Ce procédé est le seul capable de s’adapter directement sur une installation
existante dès que les effluents du procédé de combustion sont suffisamment
épurés pour satisfaire les conditions de compression, de liquéfaction, de
transport et de stockage géologique du CO2. Il faudra s’assurer de cela pour
adapter les centrales de Prony, Doniambo ainsi que l’usine pyrométallurgique
à la capture des effluents. Une étude préliminaire pourra imposer d’adjoindre
des unités de dénitrification et de désulfurisation des fumées avant de procéder
au captage du CO2 ; en raison de l’investissement très important nécessaire,
cela augmenterait le coût de la tonne de CO2 évitée.
La capture en précombustion
L’objectif de ce procédé est de capturer le CO2 en précombustion avec
de l’oxygène, avant d’effectuer une combustion à l’air de l’hydrogène produit.
Pour cela on effectue une gazéification du combustible (charbon, lignite,
biomasse), généralement à la pression atmosphérique ou à haute pression
(15 à 40 bars). Les produits de gazéification, appelés gaz de synthèse ou
syngas, sont composés majoritairement d’un mélange CO/H2. Ce rapport est
ajusté en fonction de l’application, il varie avec le combustible utilisé et la
quantité d’eau introduite sous forme de vapeur dans le gazéifieur. Le CO est
oxydé en CO2 (réaction de shift) qui va se retrouver en forte concentration
209
210
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Fumées
N2O2H2O
Combustible
Air
Gazéification +
CO2 séparation
Séparation
de l’air
Figure 8
H2
Chaleur et travail
Air
N2
CO2
Déshydratation,
compression,
transport
et stockage
du CO2
Technologie de capture du CO2
en précombustion
Réaction de combustion
Charbon C + O2 ® CO et CO + H2O ® CO2 + H2 Gaz naturel CH4 + H2O ® CO2 + H2
Principe : combustion de gaz de synthèse sans carbone.
(15 à 40 %), et sera séparé de l’hydrogène. L’hydrogène est alors brûlé avec
de l’air dans une turbine à gaz.
L’avantage majeur de cette technique est la production d’hydrogène à
grande échelle. Même si le procédé a encore besoin d’être démontré, il présente
à priori plus d’avantages. Il nécessite toutefois une unité de séparation de
l’oxygène et de l’azote de l’air.
La technique de gazéification consiste en une oxydation partielle (ou
ménagée) du combustible (charbon, lignite, biomasse). Lors de cette étape,
le combustible est pyrolysé puis oxydé afin de former des gaz de synthèse
composés d’un mélange de CO et de H2. Le rendement de la gazéification
est augmenté si elle est effectuée sous pression et en présence d’oxygène
pur.
Une première filière consiste à produire des gaz de synthèse épurés, au
moyen d’un procédé Fischer Tropsch (pour l’explication du procédé, se
reporter à la partie « Les nouvelles technologies en matière de production et
de stockage d’énergie », p. 115.
Le captage et le stockage géologique du CO2
Une seconde filière consiste à convertir les gaz de synthèse en un
mélange CO2/H2, par la réaction de shift avec injection de H2O en présence
d’un catalyseur ; le CO2 est alors séparé de l’hydrogène sous pression par
des procédés d’absorption chimique ou physique ; il doit ensuite être extrait
par une technique de lavage par solvant ou toute autre technique (adsorption,
membrane) applicable au traitement de gaz sous pression. Le CO2 est ensuite
conditionné pour un transport vers le lieu de stockage et l’hydrogène est
épuré.
L’hydrogène est brûlé soit dans une chaudière, soit dans une turbine à
gaz fonctionnant avec ou sans cycle combiné (combinaison de turbines à
gaz et à vapeur), les instabilités de la combustion restant toujours un verrou
à résoudre préalablement au déploiement de la technique.
Par rapport au captage du CO2 dans les fumées d’une centrale à la pression
atmosphérique, ce procédé à haute pression, dénommé IGCC (Integrated
Gasification Combined Cycle) va permettre de réduire la taille du gazéifieur et
de limiter la perte de rendement. C’est donc un gaz très riche en hydrogène
qui sera brûlé dans la turbine à combustion et le CO2 capté sera très propre
(85 %). Cette technique est la seule qui ouvre la voie à des centrales productions
d’électricité, de chaleur, et d’hydrogène peu émettrices de CO2.
Néanmoins, il ne peut s’implanter que sur des installations neuves et
pour des grandes capacités de production centralisée avec co-génération
électricité-chaleur à partir de gaz naturel, de charbon, d’huiles lourdes ou de
biomasse. En outre, la recherche doit continuer pour améliorer la disponibilité
des centrales IGCC, diminuer le coût et la consommation énergétique de
l’unité de production d’oxygène, développer de meilleurs catalyseurs pour la
conversion shift du CO en CO2, mettre au point des solvants plus performants
pour l’absorption physique et maîtriser des méthodes performantes nouvelles
pour la séparation CO2/H2.
La technique IGCC, actuellement la plus chère mais la plus à même de
mener à une combustion très propre, est-elle appropriée à un déploiement en
Nouvelle-Calédonie ? Sans doute non, si l’on considère que le Territoire n’a pas
de débouchés pour un marché de l’hydrogène et que le fonctionnement d’un
procédé IGCC utilisant de la biomasse n’est envisageable qu’avec du bois
importé puisque la ressource végétale locale est insuffisante.
211
212
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Les procédés d’oxy-combustion
L’objectif de ce procédé est d’obtenir un flux de CO2 très concentré à la
sortie de la chambre de combustion afin d’éviter d’avoir à le séparer de
l’azote après la combustion. Pour cela, l’azote est exclu du système avant ou
pendant les étapes de combustion/conversion. Le procédé va consister à
produire un flux gazeux à très haute teneur en oxygène, obtenu à partir de
la séparation de l’air en oxygène et azote, avant de l’introduire dans le foyer.
CO2(H2O)
Combustible
Chaleur et travail
O2
Air
Séparation
de l’air
Recirculation CO2
H2O
N2
Figure 9
Technologie de capture du CO2
par oxy-combustion
CO2
Déshydratation,
compression,
transport
et stockage
du CO2
Réactions de combustion :
Charbon C + O2 ® CO2O Gaz naturel CH4 + O2 ® CO2 + H2O
Principe : Production d’un flux de CO2 pur.
La combustion à l’oxygène est une technologie utilisée avec succès depuis
de nombreuses années pour améliorer les performances des procédés industriels (en particulier les fours verriers). C’est aussi une des voies majeures
pour réduire les émissions de CO2. En effet, les produits de combustion sont
alors essentiellement constitués de vapeur d’eau et de CO2 dont la séparation
s’effectue dans un premier temps par condensation. Plus précisément,
l’étape de séparation du CO2/azote dans les fumées en aval du procédé est
remplacée par une étape de séparation d’air en amont du procédé.
Le captage et le stockage géologique du CO2
Ce procédé particulièrement attrayant réduit en plus la taille des fours ou
foyers, il augmente les transferts radiatifs flamme/cible (échangeurs thermiques)
et diminue le bruit d’écoulement. Par contre les oxy-flammes sont très chaudes
(Tflamme>2 800 K), ce qui pose des problèmes de tenue des matériaux et
engendre une production de NOx très importante à partir de la moindre
trace d’azote présente dans le four. Des techniques complexes de combustion
étagée ou de dilution des réactifs dans des produits de combustion (CO2-eau)
avant combustion doivent alors être employées. Autre avantage, toutes les
impuretés sont capturées en même temps que le CO2 en sortie de chambre,
le procédé étant découplé des produits de combustion.
L’oxy-combustion ne requiert pas de modifications majeures sur une installation existante et a prouvé sa faisabilité technique. Quelques problèmes
spécifiques restent à résoudre comme la formation des suies, l’oxy-combustion
diphasique, l’oxydation des parois en milieu oxydant à haute température, la
filtration des effluents, les couplages thermo-acoustiques ainsi que la maîtrise
des instabilités de combustion dans les turbines à gaz.
Le combustible est brûlé dans une chaudière à charbon pulvérisé (CP)
fonctionnant avec un mélange d’oxygène (environ 25 % du volume) et de
fumées recirculées (essentiellement du CO2), et un rétrofit est possible sans
modification de la géométrie de la chaudière. Ce procédé permet une adaptation simple à la technologie actuelle du CP à l’air ; des gains énergétiques
importants sont possibles sur les systèmes de posttraitement des fumées
avec lavage aux amines et les briques technologiques sont disponibles pour
la séparation de l’air et le conditionnement du CO2.
Reste un verrou concernant la production d’oxygène à grande échelle et à
bas coût. Des analyses technico-économiques préliminaires sont actuellement
réalisées pour des unités de 450 MWelectrique ainsi que pour le dimensionnement
d’une installation à charbon pulvérisé en oxy-combustion supercritique de
1 200 MWelectrique.
Quand elle sera disponible commercialement, cette technique sera adaptable
à la centrale de lignite pulvérisé de Prony en tenant compte de la petite taille
des unités, mais sans modification majeure de la chaudière ; seule une unité de
séparation d’air devra être ajoutée. Les fumées nécessiteront le cas échéant une
épuration avant un conditionnement et leur transport vers le lieu de stockage.
Le délai de disponibilité commerciale de ce procédé est d’environ 10 ans.
213
214
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Le domaine d’application de cette technologie reste identique, c’est-à-dire
la production d’électricité avec capture in situ du CO2 pour une récupération
assistée et un stockage. Le combustible est brûlé dans un lit fluidisé circulant
compact fonctionnant avec un mélange d’oxygène (70 % vol.) et de fumées
recyclées (essentiellement CO2). Seule une adaptation simple de la technologie
actuelle du LFC à l’air par extrapolation des lits extérieurs est nécessaire.
Des gains importants peuvent être réalisés sur les coûts en raison d’une
diminution importante de la taille de l’îlot chaudière comparée à une version
LFC à l’air, ainsi que sur le système de post-traitement des fumées du type
lavage aux amines. Des analyses technico-économiques préliminaires ont déjà
été réalisées pour des unités de 40 et 250 MWelectrique et un développement
est en cours pour le dimensionnement d’un LFC oxy-combustion supercritique
de 400 MWelectrique et de 600 MWelectrique.
En résumé, il n’y aurait pas d’obstacle technique à l’adaptation des installations industrielles calédoniennes à une oxy-combustion, puisque ce procédé
s’applique aussi bien sur une chaudière à charbon pulvérisé ou à lit fluidisé
que sur une turbine à gaz. Des modifications de la géométrie interne de la
chambre seraient tout de même à réaliser, en particulier pour optimiser les
recirculations internes ou externes permettant la dilution des réactifs dans
les produits de combustion. L’implantation de l’option d’oxy-combustion sur les
centrales électriques de Doniambo et Prony serait réalisable si une pré-étude
économique et énergétique validait son intérêt.
LES PROCÉDÉS DE SÉPARATION ET DE CAPTAGE
La séparation du CO2 par absorption aux amines
Ce procédé consiste à capter le CO2 au moyen d’un solvant physique ou
chimique dans une phase d’absorption. Pour l’optimiser, le choix de l’amine
(mol CO2/mol amine) s’effectue en fonction de sa concentration dans la
solution aqueuse, de la chaleur de la réaction et de gazéification, de la cinétique
chimique, du niveau de température de régénération, de la corrosion… Le
solvant est ensuite régénéré par apport énergétique et le CO2 libéré lors de
la régénération est alors compressé puis dirigé vers le lieu de stockage.
Notons que des recherches sont conduites sur les amines en Australie (Csiro).
Le captage et le stockage géologique du CO2
Pour espérer le déploiement du procédé de captage aux amines, il faudra
améliorer les techniques permettant de réduire fortement l’énergie de régénération, réduire la taille et le coût considérable des installations de capture,
limiter les pertes de solvants et, enfin, résoudre les problèmes de corrosion
dus à la présence d’oxygène et de CO2.
La séparation du CO2 par membranes
Il s’agit d’effectuer une séparation par perméation membranaire. Les
membranes sont composées de matériaux polymères ou métalliques, ou
zéolithiques, et ont une épaisseur pouvant varier de quelques nanomètres à
quelques millimètres. Cette technologie est difficilement applicable pour
la séparation du CO2 dans des fumées atmosphériques du fait de la trop
faible pression partielle du CO2. Pour devenir compétitif, ce système doit
être utilisé sur des fumées riches en CO2 correspondant, par exemple, au cas
d’une combustion à l’air enrichi.
Les verrous restent liés au développement de nouvelles membranes plus
perméables au CO2 dont le prix et la tenue mécanique, thermique et chimique
seraient améliorés. Ce procédé devient compétitif dès que les différences de
pression et de concentration entre les côtés de la membrane augmentent.
La séparation du CO2 par procédé cryogénique
(procédé Armines de givrage/dégivrage)
Ce procédé consiste à givrer le CO2 à pression atmosphérique sur des
surfaces à basse température (- 120 °C) après avoir condensé la vapeur d’eau
présente dans les fumées. Pour être économiquement performant, il doit
être utilisé pour des fumées à haute teneur en CO2. Son avantage est d’être
applicable à des installations de combustion, existant dans tout secteur
industriel. Il assure une bonne pureté du CO2 et permet le passage direct du
CO2 solide au CO2 liquide qui peut être introduit dans les pipelines – un
avantage important du point de vue énergétique.
La séparation du CO2 par adsorption sur un solide
Cette technique revient à adsorber le CO2 contenu dans les fumées sur
un solide en mode continu ou discontinu. Ce dernier est alors régénéré par
un apport énergétique caractérisé par une élévation de la température ou
par une baisse de la pression. Le CO2 libéré lors de la régénération est dirigé
215
216
L’énergie dans le développement de la N.-C.
vers son stockage. Le solide régénéré est ensuite réutilisé en adsorption. La
limitation principale de ce procédé tient à la sélectivité et à la capacité des
absorbants ainsi qu’à la réduction des surfaces adsorbantes afin de diminuer
la taille des installations.
La recherche des solides destinés à la captation du CO2 fait toujours
l’objet d’intenses recherches, aussi bien au Japon qu’aux États-Unis.
L’Institut français du pétrole (IFP) possède également une grande expérience
de ce type de solides pour des applications autres que la capture du CO2.
Mais, comme précédemment, des recherches restent indispensables pour
minimiser le coût énergétique de la régénération et le prix de l’adsorbeur, et
pour réduire la taille des installations.
La distillation cryogénique apparaît aujourd’hui comme la seule voie
susceptible d’être appliquée pour des unités commerciales d’oxy-combustion,
à l’horizon 2015. En effet, les débits requis sont très importants (ordre de
grandeur : 1 000 tO2 par jour pour une centrale au charbon de 50 MWelectrique),
ce qui rend actuellement impensable l’utilisation des autres procédés. Les
technologies cryogéniques existantes atteignent des tailles de 5 000 tO2/jour,
et des études de design en cours ont établi que des tailles de l’ordre de
7 000 tO2/jour seront atteintes dans les années à venir sans rupture technologique majeure. L’accès à la production d’oxygène sur le sol calédonien est
donc envisageable.
La maîtrise de la technologie de production d’oxygène pour la production
d’énergie est primordiale, mais d’autres aspects jouent un rôle non moins
important et doivent être intégrés à la feuille de route pour la capture du
CO2 : ce sont la fiabilité, la disponibilité et la maîtrise de l’opération, la
maîtrise des risques liés à l’utilisation d’oxygène et la possibilité d’intégration
plus ou moins importante de l’unité de production d’oxygène dans le
schéma global de production d’énergie.
CONCLUSION : CES TECHNIQUES DE PIÉGEAGE DU CO2
SONT-ELLES APPLICABLES À LA NOUVELLE-CALÉDONIE ?
Toutes ces techniques de capture de CO2 (membranes, cryogénique,
absorption aux amines ou adsorption sur un solide) sont connues, mais aucune
d’elles n’a atteint un degré de maturité suffisant pour être implantée sur une
Le captage et le stockage géologique du CO2
unité industrielle. Leur validation nécessite le développement de plateformes
et de démonstrateurs et des efforts de recherche doivent encore être fournis.
Les constructeurs devront proposer des solutions pour 2015 en livrant des
centrales thermiques CO2 Capture Ready.
Quelques filières innovantes de captage du CO2
Le procédé consiste à effectuer un cycle du calcium qui absorbe le CO2
contenu dans les fumées pour former du carbonate de calcium. Ce dernier
est régénéré sous forme de chaux après craquage dans un réacteur à un lit
fluidisé circulant fonctionnant en oxy-combustion. Une simple condensation
de l’eau conduit ensuite à un courant de CO2 pratiquement pur qui peut
ensuite être comprimé et transporté vers le lieu de stockage. Il est en outre
possible de produire un ciment de type bellite à partir des pertes de produits
calciques. Les avantages de cette technique sont le faible prix du calcaire,
une technologie LFC bien maîtrisée et la faible quantité d’oxygène nécessaire.
L’adaptation sur une installation existante est aisée.
Le procédé est encore à l’état de recherche et comporte quelques verrous
liés à la durée de vie du composé calcique, au contrôle de la porosité lors
des cyclages et aux écoulements de solides dans les réacteurs.
Le domaine d’application de cette technologie est la production d’électricité avec capture in situ et stockage du CO2. Il s‘agit d’une combustion
indirecte du charbon (ou du gaz naturel) par cycle chimique. Des solides
vecteurs d’oxygène (oxydes de nickel, de fer ou de manganèse, par exemple)
réalisent l’oxydation complète du combustible dans un lit fluidisé circulant
en un mélange gazeux contenant principalement du CO2 et H2O. Une simple
condensation de l’eau conduit ensuite à un courant de CO2 pratiquement
pur qui peut ensuite être conditionné et transporté. Les solides appauvris en
oxygène subissent une oxydation complète dans un second LFC fonctionnant
à l’air, avant d’être réinjectés dans le réacteur de combustion. Le nickel pourrait
être ce vecteur d’oxygène.
La technologie du LFC CLC (Chemical Looping Combustion) est très proche
de la technologie actuelle du LFC. L’oxygène est apporté sans la pénalité
énergétique associée à une unité de séparation d’air et le coût d’investissement
217
218
L’énergie dans le développement de la N.-C.
associé à l’unité de production d’oxygène est supprimé. Les principaux verrous
identifiés résident dans la mise au point d’une barrière de carbone entre les
deux LFC, la durée de vie des oxydes et la méthode d’élaboration de ces oxydes
à grande échelle. L’adaptation au charbon constitue un pas important du
développement et de l’intérêt de la filière. Le procédé en est à un stade initial
de développement, une application commerciale résidus lourds/charbon
étant envisagée vers 2015.
CONCLUSION GÉNÉRALE CONCERNANT LE CAPTAGE DU CO2
SUR LES SITES DE PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ
ET DE TRAITEMENT DU NICKEL EN NOUVELLE-CALÉDONIE
L’adjonction d’unités de capture de CO2 sur les sites de Prony et de Doniambo
sera coûteuse étant donné la faible puissance des centrales, même en tenant
compte des décisions prises et des investissements engagés.
Quelle adaptation possible sur les installations actuelles ?
Pour la centrale de Prony à charbon pulvérisé, malgré l’emploi de lignite
pauvre en soufre, la capture par absorption aux amines ou à l’ammoniaque
conduirait, sans installation de dénitrification et de désulfuration, à une
pollution et une dégradation rapide du solvant. Un résultat identique serait
obtenu avec des membranes qu’il serait difficile à régénérer.
La seule solution envisageable serait d’effectuer une oxy-combustion
pour laquelle il serait nécessaire d’ajouter une unité de séparation de l’air en
amont des brûleurs à CP et d’effectuer à nouveau un design du foyer de la
chaudière, ce qui permettrait de favoriser les recirculations internes ou externes
des produits de combustion afin de diluer les réactifs et de s’affranchir ainsi
de la présence de zones trop chaudes. On stabiliserait ainsi un régime de
combustion diluée. Les effluents privés d’azote pourraient, après conditionnement (compression, épuration), être directement transportés vers leur lieu
de stockage.
Pour l’usine pyrométallurgique de Doniambo, il semble difficile de
capter les effluents du four rotatif ; par contre, des systèmes de réchauffage
fonctionnant au fioul pourraient être transformés en procédés électriques, à
condition que la centrale électrique soit équipée d’un captage du CO2.
Le captage et le stockage géologique du CO2
Le développement d’un cycle chimique
sur la future centrale de Doniambo avec zéro rejet de CO2
La future centrale thermique à charbon pulvérisé de Doniambo présente,
quant à elle, de bonnes opportunités pour intégrer un captage du CO2.
S’agissant d’un foyer à lit fluidisé circulant, le combustible et le comburant
(air) sont introduits dans la chambre de combustion dont les parois sont
constituées de matériaux réfractaires. Une gazéification du charbon se produit
alors et il y a combustion entre ces produits de dégradation du charbon et
l’air ambiant à une température de l’ordre de 920 °C. Les effluents chauds
passeront alors dans une chaudière pour élever la température de la vapeur
qui servira à faire fonctionner la turbine à vapeur. Notons que ce type de
combustion est particulièrement bien adapté à une centrale îlienne (taille
optimale pour un LFC, flexible au combustible utilisé), même si le rendement est
légèrement plus faible que celui d’une flamme CP car le cycle thermodynamique
s’établit avec une température légèrement plus faible.
La technique proposée est celle du cycle chimique ou chemical looping
présentée précédemment. Le cycle thermochimique a pour principe d’oxyder
dans le réacteur de combustion un combustible gazéifié par un oxyde métallique (typiquement un oxyde de nickel). Cette oxydation du combustible
s’effectuant en absence d’air, les produits de combustion sont essentiellement
de l’air et de la vapeur d’eau, les effluents peuvent donc être amenés vers le
lieu de stockage après conditionnement. L’oxyde de métal est donc réduit
en métal (le nickel) qui est amené vers un réacteur d’oxydation où le métal
s’oxyde avec l’air à haute température, avant d’être à nouveau amené vers
le réacteur de combustion – le cycle est ainsi bouclé.
La future centrale de Doniambo présente l’avantage de posséder déjà un
LFC qui pourrait devenir le futur réacteur d’oxydation ; il suffirait donc de lui
adjoindre le second LFC, identique mais de plus petite taille que le premier,
et un système de transport du métal. Quant au métal lui-même, le nickel en
l’occurrence, il est évidemment disponible sur le site.
Un des verrous de cette technique est la dégradation des sites d’oxydation
et de réduction sur le métal, d’où une diminution des rendements du transport.
Ce frein est facile à lever à Doniambo si on intègre de temps en temps dans
la boucle la régénération du nickel dans les fours.
219
220
L’énergie dans le développement de la N.-C.
La future centrale de la SLN a donc des atouts très importants pour une
transformation en cycle chimique, que nous résumerons ainsi :
pas de remise en cause des choix déjà opérés puisqu’il s’agirait d’un
réaménagement ;
présence de nickel avec possibilité de sa régénération sur le site ;
pas de rejets de CO2 ;
participation d‘Eramet au développement d’une technique de captage
du CO2 ;
offre d’un nouveau débouché international pour la régénération de
nickel pollué par des produits de combustion ;
coût énergétique et économique faible en comparaison des autres
procédés de capture ;
équipement complémentaire de taille et de coût raisonnables.
Si une action forte contre les changements climatiques était décidée
dans le monde, et que la Nouvelle-Calédonie envisage effectivement de
réduire ses émissions de CO2, des actions pourraient donc être engagées, à
Prony comme à Doniambo. Des aides incitatives de l’Europe, de l’État et des
différents gouvernements calédoniens pourraient, le moment venu, contribuer à l’adaptation de cette technique innovante et à sa validation en pilote,
à sa viabilité économique et au rayonnement international du Territoire.
Le transport du CO2
Les seules solutions envisageables, étant donné les volumes à transporter,
sont les gazoducs (pipelines) et la voie maritime en cas de stockage off shore
ou dans un site extérieur à la Grande Terre (par exemple, dans les aquifères
australiens).
Le procédé de construction des gazoducs est maintenant pleinement
maîtrisé, mais des spécifications techniques pour le transport du CO2 doivent
être prises en considération. Si le CO2 est sec et purifié, de l’acier au carbone
standard est suffisant ; par contre, de l’acier inoxydable peut être nécessaire
dans des conditions spécifiques pour éviter la corrosion. La pression de
fonctionnement pour le transport sera de 100 à 150 bars, ce qui permet
d’utiliser les technologies employées pour le gaz naturel (90 à 100 bars).
Un contrôle terrestre ou aérien accompagné de mesures de pression permet
de surveiller le gazoduc. Le CO2 est acheminé soit en phase dense sous
Le captage et le stockage géologique du CO2
pression soit à l’état liquide, ce qui impose des isolations thermiques et de
recompressions intermédiaires. Ces technologies sont déjà utilisées en
Amérique du Nord et en Norvège pour le transport sur de longues distances
de CO2.
Dans le transport maritime, le CO2 est généralement à l’état liquide à
pression modérée et à basse température comme dans les méthaniers. Le
transfert de chaleur avec l’environnement au travers des parois du réservoir
favorisera son évaporation et augmentera la pression, d’où la nécessité de
le refroidir en permanence. Des recompressions peuvent s’avérer nécessaires
pour son acheminement vers le lieu de stockage géologique.
Quelques contraintes sont inhérentes à ce type de transport, parmi
lesquelles la corrosion des métaux par le CO2, qui devient très importante
en présence d’eau, ou encore la toxicité du CO2 lors d’une fuite dès que la
concentration devient supérieure à 5 % dans l’air.
Quant au coût, il pourrait être compris entre 0,5 et 10 /100 CO2 pour
le transport par pipeline ; pour le transport par bateau, le coût est plus réduit
sur les longues distances, mais dans ce cas des stockages intermédiaires sont
nécessaires.
En conclusion, dans l’hypothèse d’une capture du CO2 produit par les
centrales thermiques de Nouvelle-Calédonie, et compte tenu des faibles
tonnages annuels émis, il faudra envisager de regrouper les émissions et de
les centraliser en un point du territoire. De là, un gazoduc pourra les
conduire vers les lieux de stockage intérieurs (les sites de péridotites) et/ou
vers un terminal gazier (vers un site de stockage hors de l’île).
Les technologies de conditionnement et de transport terrestre ou maritime
existent, mais seront forcément assez onéreuses à mettre en place. De plus,
l’effet d’échelle n’est pas bénéfique pour ces petites unités d’émission de
CO2. Le captage et le stockage du gaz carbonique (CCS) ne pourront donc
pas être projetés en Nouvelle-Calédonie sans un engagement mondial en
faveur d’une réduction massive des émissions des gaz à effet de serre.
La bioconversion du CO2 par les algues
Signalons également la possibilité de valorisation des émissions de CO2
des centrales via la bioconversion par les algues. Cela réduit les coûts de
captage du CO2 et supprime les besoins directs de stockage géologique du
221
222
L’énergie dans le développement de la N.-C.
CO2 émis par les centrales. Pour optimiser le rendement de la photosynthèse
les algues des bassins ou des bioréacteurs ont besoin d’un rayonnement
solaire adéquat et de CO2 en grande quantité. Or, les rejets gazeux des
centrales thermiques classiques productrices d’électricité (centrales au charbon,
par exemple) ont une teneur moyenne en CO2 de 13 % contre moins de
0,4 ‰ dans l’atmosphère. Ce CO2 est mis à barboter dans les bassins ou
réacteurs, puis assimilé par les algues. Les algues peuvent ainsi produire
davantage de biomasses par unité de surface au sol. Cela permet de traiter
en même temps des eaux usées. Les biomasses ou molécules ainsi produites
par les algues peuvent ensuite être utilisées pour réduire les consommations
d’énergie fossile, donc indirectement les émissions nettes de CO2. Mais cela
ne permet pas de réduire directement les émissions de CO2. Il ne s’agit donc
pas ici d’une voie d’élimination du CO2 comparable au stockage géologique
du CO2, mais d’une voie de bioconversion de l’énergie solaire analogue à
celle des plantes terrestres cultivées puis récoltées. Le métabolisme des
algues peut aussi être orienté pour optimiser la fabrication de molécules
éventuellement utilisables directement comme biocarburant. S’il n’y avait
que du gaz carbonique pur à la sortie des centrales, les mêmes réacteurs
pourraient être utilisés pour fabriquer des molécules à haute valeur ajoutée
ou des aliments. On explore ces voies depuis le second choc pétrolier. Les
triglycérides, que les algues peuvent produire, peuvent théoriquement être
transformées en huiles végétales brutes ou en biodiesel. Le rendement de
bioconversion par hectare est toutefois plus élevé que pour les végétaux
supérieurs de plein champ, mais suppose des investissements également
plus élevés. Ces filières n’ont, jusqu’ici, encore jamais pu être mises en
œuvre industriellement pour la production d’énergie, faute d’avoir pu devenir
économiquement compétitives avec les productions classiques de biomasses
végétales. L’intérêt renouvelé pour ces filières orientées vers la production de
biocarburants est cependant réapparu récemment dans plusieurs pays
industrialisés. Un nouveau bioréacteur permettant également de piéger une
partie des émissions de NOx dans les algues a été mis au point (cf. « Les
nouvelles technologies en matière de production et de stockage d’énergie »,
p. 115). Divers types d’algues sont sélectionnés pour leur aptitude à capter
le CO2 et en même temps pour leur résistance aux poisons que peuvent
contenir les effluents de combustion des centrales. Des améliorations techniques
devront cependant encore être apportées pour se rapprocher des limites de
rendements de la photosynthèse et améliorer la conversion de ses produits.
Le captage et le stockage géologique du CO2
S’il faut recourir à la transgenèse pour accroître les rendements, le risque
éventuel de diffusion de ces organismes dans l’environnement devra également
être pris en considération. Les diverses étapes de la mise au point de cette
technologie en sont encore aux premiers stades de la recherche fondamentale.
Avant de pouvoir être diffusée, cette filière devra encore bien progresser. Un
prix élevé de la tonne de CO2 non émise pourrait cependant aider à la rendre
plus rapidement compétitive.
223
Comment la Nouvelle-Calédonie
pourrait-elle tirer parti
de son contexte géologique
en matière de recherche et d’expérimentation
sur les technologies de stockage de CO2 ?
Il existe trois options potentielles pour le stockage de CO2 :
L’immersion de CO2 (liquide) dans l’océan profond : elle soulève des
difficultés quant à son efficacité, son coût, son impact sur l’environnement
et sur la pérennité du stockage. Les techniques en sont encore au stade de
la recherche.
Le stockage par séquestration minérale ex situ (carbonatation minérale
à partir de déchets) : ce procédé, qui consiste à fixer industriellement le CO2
dans des carbonates inorganiques, en est au stade de la démonstration (site
pilote) et demande de l’énergie pour la carbonatation ainsi que la construction
d’usines pour réaliser cette opération.
Le stockage dans les formations géologiques : cette option propose
des pistes paraissant actuellement plus proches de la possibilité de mise en
œuvre. Au plan mondial, plusieurs projets sont arrivés à maturité technique,
mais ne sont encore, faute d’un prix de la tonne de CO2 émise suffisamment
élevé, économiquement réalisables que pour obtenir, par exemple, une
exploitation plus complète des gisements de pétrole. L’Australie fait partie
des cinq pôles mondiaux importants développant des recherches sur le
stockage géologique.
BREF APERÇU DU CONTEXTE GÉOLOGIQUE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
L’archipel de la Nouvelle-Calédonie se situe dans la zone de transition entre
le domaine continental australien et le domaine océanique de la plaque
Comment tirer parti du contexte géologique ?
Pacifique. L’île de la Nouvelle-Calédonie (la Grande Terre) correspond pro
parte à la partie émergée et septentrionale de la ride de Norfolk (figure 10)
qui n’est autre qu’un lambeau de la marge orientale du super-continent
Gondwana s’étant séparé de l’Australie il y a environ cent millions d’années.
Plus au nord, la Ride des Loyauté est constituée d’anciens édifices volcaniques ennoyés et recouverts par d’importants dépôts carbonatés récifaux.
Ces deux unités insulaires sont jalonnées de bassins sédimentaires ayant un
potentiel économique en cours d’évaluation.
La présence de massifs de péridotites et de basaltes
L’histoire géologique de la Nouvelle-Calédonie, quoique complexe, est
relativement bien connue. La Grande Terre résulte de l’émersion d’un prisme
orogénique (chaîne de montagne) qui s’est formé entre 36 et probablement
28 millions d’années, en se propageant vers l’ouest dans un contexte géodynamique de subduction-obduction. Cette obduction s’est manifestée de
façon spectaculaire par le chevauchement vers le sud-ouest de la lithosphère
océanique du bassin des Loyauté sur la Grande Terre. Les témoins de ce
chevauchement correspondent aux restes d’une nappe de péridotites qui
s’enracine sous le bassin des îles Loyauté et que l’on retrouve donc sous une
faible épaisseur de sédiments le long de la côte est. Cette nappe de péridotites recouvre encore aujourd’hui une partie de l’île de la Nouvelle-Calédonie
et en fait sa richesse et son originalité. Les péridotites constituent aujourd’hui
d’importants massifs qui représentent un tiers de la Grande Terre
(5 500 km2) et sont répartis dans le sud et sur la côte ouest. Le massif du sud
est le plus grand massif du monde après celui d’Oman ; il pourrait atteindre
par endroits 3 000 m d’épaisseur.
Cette abondance exceptionnelle de roches ultrabasiques est non seulement
à l’origine de réserves considérables de nickel et de cobalt, mais peut aussi
contribuer au stockage géologique de CO2 via la carbonatation.
Sur la côte ouest, la nappe des péridotites chevauche l’unité géologique
de Poya qui correspond à un empilement d’écailles chevauchantes de croûte
océanique et est constituée à 95 % par des basaltes (cette unité est appelée
aussi nappe des basaltes). Ces basaltes ont une extension importante et
affleurent sur la moitié nord de la côte ouest.
225
Figure 10
Carte géologique de la Nouvelle-Calédonie
d’après Pierre Maurizot, BRGM-Dimenc, 2001
Les massifs de péridotites représentent un tiers de la surface de la Grande Terre et sont situés à proximité des centres d’émission de CO2. L’unité de Poya qui jalonne une grande
partie de la côte ouest comprend essentiellement des basaltes (95 %) propices, eux aussi, au stockage de CO2.
228
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Des bassins sédimentaires importants et peu connus
Sur la bordure ouest, et à l’ouest de la Grande Terre, les bassins sédimentaires associés à l’orogenèse néo-calédonien, bien que reconnus pour leur
potentiel pétrolier, restent sous-explorés. Ces bassins sédimentaires représentent
un important potentiel pour le piégeage de CO2 puisqu’ils sont susceptibles
de renfermer de futurs gisements pétroliers et des aquifères salins.
LE STOCKAGE DE CO2 DANS LES FORMATIONS GÉOLOGIQUES :
ÉTAT DE L’ART
Les solutions de stockage géologique de CO2 les plus conventionnelles que
l’on trouve dans les bassins sédimentaires en sont déjà au stade commercial
lorsqu’elles apportent par ailleurs un autre gain que celui du stockage du CO2.
Parmi ces solutions, on peut d’emblée éliminer en Nouvelle-Calédonie la
récupération assistée de méthane dans une couche de houille ; en effet, les
gisements de charbon n’y sont pas assez importants pour appliquer ce procédé.
En revanche, on peut ajouter aux options de stockage géologique
envisageable sur le Territoire la séquestration minérale in situ dans des
roches basiques (basaltes) ou ultrabasiques (péridotites). Cette option, moins
conventionnelle, en est au stade de la recherche et de la démonstration
(deux sites pilotes au monde) et pourrait trouver en Nouvelle-Calédonie un
excellent terrain d’expérimentation, dont les résultats pourraient alimenter
les réseaux de recherche internationaux.
La séquestration géologique dans les bassins sédimentaires
Les bassins sédimentaires représentent de nos jours le potentiel de stockage
le plus important à l’échelle planétaire. Des projets commerciaux ou de
démonstration ont été lancés par l’industrie pétrolière, ces dernières années,
en partenariat avec des réseaux de recherche nationaux et internationaux.
Leur répartition à travers le monde est encore assez hétérogène.
Les gisements d’hydrocarbures
Les réservoirs de pétrole et de gaz (roches poreuses) ont prouvé leur
étanchéité pendant plusieurs millions d’années ; ils sont donc susceptibles
de pouvoir être utilisés pour le stockage de CO2. On connaît d’ailleurs des
gisements naturels découverts lors de forages d’exploration pétrolière et
Comment tirer parti du contexte géologique ?
exploités industriellement (par exemple, le gisement de Montmirail dans la
Drôme). Les gisements d’hydrocarbures constituent pour le moment l’option de
stockage géologique la plus facile à mettre en œuvre et la plus économique.
Le stockage de CO2 dans un champ de pétrole avec récupération assistée
La technologie d’injection du CO2 est déjà connue par l’industrie pétrolière
qui pratique la récupération assistée de pétrole (RAP) depuis le début des
années 1970. Le CO2 est injecté dans les gisements en cours d’exploitation
pour réduire la viscosité du pétrole. À la fin du cycle de récupération de
l’énergie, le CO2 peut être emprisonné au lieu d’être libéré dans l’atmosphère.
Parmi les sites de stockage en cours d’activité, l’un des plus importants est le
projet commercial Weyburn au Canada – un projet international commencé
en 2000 sous l’égide de l’AIE – où 3 000 à 5 000 tonnes de CO2 sont injectées
chaque jour. Ce projet, auquel participent aussi l’Union européenne et Total,
doit durer 15 ans et permettre de stocker définitivement plus de 20 millions
de t de CO2 tout en récupérant 130 millions de barils de pétrole.
Le stockage de CO2 dans les anciens champs de gaz épuisés ou déplétés
Les anciens gisements de pétrole ou de gaz épuisés ou en phase de
déclin (déplétés) constituent aussi des sites de stockage économiquement
très intéressants. Plusieurs projets pilotes sont en cours d’expérimentation
au niveau mondial pour essayer de démontrer la fiabilité et la pérennité de
ce type de stockage géologique à long terme. En France, le premier projet
pilote vient de démarrer dans l’ancien gisement de gaz de Lacq (Pyrénées)
où 15 000 t de CO2 seront injectés pendant deux ans dans un réservoir
déplété. Le projet est piloté par Total qui s’est entouré de la communauté
scientifique française (IFP, BRGM, Cregu, CNRS, Université). Dans le même
ordre de grandeur, l’Australie a démarré, en 2008, le projet pilote d’Otway
(CO2CRC Otway Project) considéré comme un des plus démonstratifs au monde
par l’AIE pour la qualité du monitoring mis en place (100 000 t de CO2 y seront
injectés pendant deux ans). L’AIE évalue par ailleurs les capacités de stockage
de gisements d’hydrocarbures épuisés ou déplétés à 920 Gt de CO2.
Les recherches en cours, financées par les compagnies pétrolières et le
domaine public, mettent l’accent sur les outils et techniques de surveillance
de l’étanchéité des sites de stockage (fuites dans les forages, étanchéité de
la couverture). On estime actuellement que les fuites ne doivent pas dépasser
1 % du CO2 total stocké pendant 1 000 ans.
229
230
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Les aquifères salins
De même que les gisements pétroliers, les aquifères salins profonds se
rencontrent dans les bassins sédimentaires en mer et en terre ferme, mais ils
sont beaucoup plus nombreux et à des profondeurs moins importantes. Le CO2
injecté dans le réservoir reste séquestré par piégeage hydrodynamique, par
solubilité dans les fluides en place, et par minéralisation. Les aquifères doivent
se situer à plus de 1 000 m de profondeur, afin de permettre le stockage de
CO2 à l’état supercritique.
Les programmes de recherche les concernant sont moins avancés que
ceux qui portent sur les gisements d’hydrocarbures, mais plusieurs projets de
démonstration sont déjà en cours. Une première expérience commerciale de
stockage d’1 million de t de CO2 par an a été lancée en mer du Nord, en 1996,
par le pétrolier norvégien Statoil (projet européen Sleipner). Le deuxième
projet commercial le plus connu est celui de In-Salah en Algérie (BP, Sonatrach,
Statoil), débuté en 2004, où le CO2 provenant de l’exploitation du gaz naturel
est réinjecté (1,2 million de t/an) dans l’aquifère du champ de gaz en production, ce qui en fait l’unique projet de ce type au monde. En France, c’est
le bassin sédimentaire de Paris qui a été retenu pour réaliser une première
évaluation du potentiel de stockage en aquifère avant de lancer un projet de
démonstration.
Comme pour les gisements d’hydrocarbures, les recherches sur les aquifères
salins portent surtout sur le comportement à long terme du stockage, mais
les incertitudes concernant leur étanchéité sont plus importantes. Selon l’AIE,
les aquifères profonds offrent les plus importantes capacités de stockage de
CO2 au niveau mondial (400 et 10 000 Gt).
Les bassins sédimentaires de Nouvelle-Calédonie
présentent un potentiel considérable
La présence de bassins sédimentaires sur la côte ouest de la NouvelleCalédonie est incontestablement un avantage. Ces bassins se trouvent
relativement près des centres d’émission de CO2 ; ils contiennent forcément
des aquifères salins, mais restent sous-explorés. Le contexte géologique est
relativement bien connu, mais il faudra attendre de nouvelles campagnes
d’exploration pétrolière pour disposer d’une bonne évaluation du potentiel
de stockage.
Comment tirer parti du contexte géologique ?
Si des gisements d’hydrocarbures sont découverts lors des activités
d’exploration prévues à court et à moyen termes, des stockages géologiques
de CO2 pourraient être envisagés à moindre coût par récupération assistée
de pétrole dans un premier temps, puis dans les gisements déplétés. La
découverte de gisements d’hydrocarbures sur la côte ouest de la NouvelleCalédonie, près des centres d’émission de CO2, n’est pas exclue. On connaît
déjà l’anticlinal de Gouaro où a été détectée une petite accumulation de gaz
dans des réservoirs de faible qualité. D’autres structures comparables doivent
exister sur la côte ouest, à mettre en évidence par de nouvelles campagnes
d’exploration. Dans le cas de gisements plus lointains, qui restent à découvrir
dans les bassins sédimentaires off shore de la ZEE de Nouvelle-Calédonie, il
faudra envisager des moyens de transport de CO2 sous forme liquide par
voie maritime, ce qui est aussi réalisable (selon le Giec, une distance de 300 km
entre le site d’émission et le site de stockage reste raisonnable), mais à des
coûts plus élevés.
La séquestration minérale in situ
dans les roches basiques et ultrabasiques
L’idée de transformer le CO2 par minéralisation s’appuie sur l’observation
du processus de formation des roches carbonatées dans la nature, qui se
déroule sur des échelles de temps géologiques. À la suite d’interactions entre
fluides aqueux et fragments de roches silicatées, le calcium et le magnésium,
dissous dans un premier temps, précipitent ensuite en présence de gaz
carbonique sous forme de carbonates et de magnésite. On sait reproduire
artificiellement ces réactions naturelles, ce qui a conduit aux différentes pistes
de recherche de séquestration minéralogique de CO2.
La séquestration minéralogique in situ consiste donc à injecter du CO2 dans
des roches basiques (basaltes) ou ultrabasiques (péridotites), de manière à ce
qu’il reste piégé naturellement sous forme minérale par carbonatation (transformation des roches en carbonates). D’importantes études expérimentales
sont en cours pour quantifier les vitesses de minéralisation et l’efficacité du
procédé. Les recherches portent aussi sur le potentiel de micro-organismes
vivant à grande profondeur et pouvant améliorer la minéralisation. S’il
fonctionne, ce procédé aura l’avantage d’être un des plus économiques et
de stabiliser la séquestration du CO2 pendant des millions d’années. En
outre, avec cette option de stockage, on s’affranchit des risques de fuites
231
232
L’énergie dans le développement de la N.-C.
qui constituent le problème majeur de la séquestration gazeuse dans les
gisements pétroliers ou les aquifères salins.
La séquestration dans les basaltes
Les premières études sur la séquestration minérale in situ ont porté sur
les roches basiques, en particulier sur les basaltes qui sont les roches les plus
réactives pour la séquestration minéralogique de CO2. On sait que les roches
basaltiques affleurant sur la planète consomment par processus d’altération du
CO2 atmosphérique Elles ne représentent que 5 % des surfaces continentales.
Il existe actuellement deux sites pilotes au monde où le CO2 est injecté dans
des basaltes contenant des aquifères. Le premier, le BSCSP Project, est aux
États-Unis dans l’État de Washington – il a démarré en 2008, mais rencontre
actuellement des problèmes opérationnels.
Le second projet est situé en Islande (90 % de basaltes), pays comparable
à la Nouvelle-Calédonie en nombre d’habitants. Ce projet de démonstration,
Hellisheidi CO2 Injection Pilot Study, est financé par la compagnie Reykjavik
Energy qui en fait bénéficier un consortium de recherche constitué de laboratoires islandais, nord-américains et français (LMTG, Toulouse). Le CO2
provenant d’une centrale géothermique est réinjecté, sous forme dissoute
dans de l’eau froide, dans les basaltes, à une profondeur de 400 à 800 m et
en réutilisant des forages d’exploration. Il est ainsi prévu, à partir d’août 2009,
d’injecter 32 000 t de CO2 par an dans ce laboratoire naturel. Si elle s’avère
effective, la technologie pourra s’exporter dans d’autres régions basaltiques
du monde.
Elle pourrait trouver naturellement une application en Nouvelle-Calédonie
qui possède une surface importante de basaltes répartie sur la moitié nord
de la côte ouest. À noter que le projet de Koniambo (KNS) est situé tout près
des affleurements de basaltes.
La séquestration dans les péridotites
Les recherches réalisées sont beaucoup moins avancées que dans le cas
des basaltes, probablement car les massifs de péridotites sont beaucoup
moins importants dans le monde. Il n’existe pas encore de projet pilote, mais
de récentes découvertes scientifiques réalisées par le Lamont–Doherty Earth
Observatory de l’université de Columbia (New York, États-Unis), dans le
massif de péridotites d’Oman, montrent l’importance du potentiel de la
séquestration minéralogique des roches ultrabasiques. Les chercheurs estiment
Comment tirer parti du contexte géologique ?
qu‘un procédé de carbonatation à 3 km de profondeur, très économique après
son initialisation, pourrait permettre de stocker jusqu’à 1 Gt de CO2 par an
dans le massif de péridotites d’Oman. Ils insistent également sur le potentiel
des péridotites de Nouvelle-Calédonie et de Papouasie-Nouvelle-Guinée qui,
comme en Oman, se prolongent en mer sous une faible tranche de sédiments
et sont accessibles à 3 km de profondeur. Il est évident que ce procédé
nécessitera la réalisation d’un site pilote dans une de ces trois régions du
monde. Ajoutons que, par rapport à la séquestration minéralogique ex situ,
cette option nécessite moins d’énergie, n’occasionne pas de transport de
matériel (roches) et pourrait donc s’avérer beaucoup plus économique.
Là aussi, la Nouvelle-Calédonie a des avantages certains : elle possède,
après celui d’Oman, le deuxième plus grand massif de péridotites au monde
qui peuvent être atteintes à 3 km de profondeur, dans une zone où le procédé
proposé par l’université de Columbia pourrait être appliqué.
COMMENT LA NOUVELLE-CALÉDONIE
PEUT-ELLE TIRER PARTI DE SON CONTEXTE GÉOLOGIQUE ?
La séquestration géologique dans les bassins sédimentaires
Il n’y a pas d’expérience en matière d’exploitation pétrolière et gazière
en Nouvelle-Calédonie, mais il existe un réel potentiel de sites d’entreposage
dans les bassins sédimentaires de sa côte ouest et de sa ZEE deep off shore.
Il est fort probable que des campagnes d’exploration s’effectuent à moyen
et court termes. Ces campagnes impliqueront la réalisation de forages qui
pourraient découvrir des gisements d’hydrocarbures ou, dans le pire des cas,
des aquifères salins.
Dans le cas de gisements, le CO2 pourrait être stocké lors de récupération
assistée de pétrole et/ou dans les aquifères salins qui se situent au contact
des hydrocarbures. La Nouvelle-Calédonie doit être prête à négocier avec les
compagnies pétrolières internationales cette option de stockage géologique
dès que des campagnes d’exploration seront lancées dans sa ZEE. Le stockage
en aquifère salin nécessitera une phase de démonstration, les éventuels
projets pourront faire appel à des financements européens et à des labellisations internationales (AIE). Le CO2CRC d’Australie pourrait être un excellent
partenaire pour mener ces recherches, en particulier sur la Ride de Lord Howe,
cible d’exploration commune à l’Australie et la Nouvelle-Calédonie.
233
234
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Avant cela, la Nouvelle-Calédonie peut continuer à promotionner le
potentiel pétrolier de ses bassins sédimentaires, et leur potentiel en termes
de stockage géologique de CO2, qui peut intéresser les pays voisins. Ainsi, le
service de la géologie de Nouvelle-Calédonie (Dimenc), qui a su très bien
mettre en valeur l’intérêt économique de ses bassins sédimentaires, devrait
inclure cette plus-value dans ses actions de promotion. Il pourrait pour cela
intégrer les réseaux nationaux de recherche français (Club CO2), européens
(CO2GeoNet) et de la région Asie-Pacifique (CO2CRS australien).
Les bassins sédimentaires les plus attrayants du point de vue économique
sont les bassins de la côte ouest puisqu’ils sont relativement proches des sites
d’émission de CO2 et facilement accessibles. L’anticlinal de Gouaro qui a déjà
été foré peut être une cible de stockage intéressante malgré l’évaluation
pétrolière peu encourageante qui en a été faite. Une étude à moindre coût
pourrait s’envisager, en révisant et en synthétisant les données acquises
jusqu’à maintenant pour réaliser des modélisations prédictives de stockage,
en collaboration avec l’IFP et le BRGM qui sont des spécialistes mondiaux
dans ce domaine.
Dans le cas de cibles de stockage off shore, des problèmes demeurent qui
sont liés à l’éloignement et aux coûts des forages. D’après le Giec, l’éloignement
des sites d’émission de CO2 reste néanmoins raisonnable s’il ne dépasse pas
300 km. Des installations et des moyens de transport maritime de CO2 sous
forme liquide pourraient donc être concevables.
La séquestration minéralogique in situ dans les basaltes
La séquestration minéralogique in situ dans des basaltes peut être envisagée
en Nouvelle-Calédonie puisqu’une importante unité de basaltes jalonne la
moitié nord de la côte ouest de la Grande Terre. Il faudra attendre les résultats
des sites pilotes nord-américains (BSCSP Project) et islandais (Hellisheidi CO2
Injection Pilot Study) pour vérifier si ce procédé est exportable à la NouvelleCalédonie. En attendant, il serait judicieux de commencer à évaluer le potentiel
des basaltes de la côte ouest de la Grande Terre par des expériences en laboratoire. Ce type de recherche est à la hauteur des financements proposés par
le programme ANR, « Captage et stockage du CO2 », qui devrait relancer un
appel d’offre prochainement sur la séquestration de CO2. Ce projet pourrait
impliquer la Dimenc, l’université de Nouvelle-Calédonie, le BRGM, l’IFP et des
laboratoires de recherche français, comme le LMTG (université de Toulouse),
Comment tirer parti du contexte géologique ?
qui sont à la pointe dans ce domaine. Ils devront se faire avec l’appui financier
de groupes comme Eramet et Xstrata.
Du point du vue de la maturité des procédés, l’option « basaltes » se
situe entre les options « bassins sédimentaires », déjà au stade opérationnel
dans certaines conditions, et l’option « péridotites » qui en est encore au stade
de la recherche et attend un site pilote. Un des avantages de la séquestration
dans les basaltes est qu’elle nécessite des forages moins profonds (400-800 m)
que la séquestration dans les péridotites (3 000 m). Un second avantage est
la situation de la future centrale de Koniambo (projet KNS) très proche des
affleurements de basaltes. Vu l’intérêt que porte la Province Nord aux problèmes
environnementaux, cette solution devrait fortement intéresser la future centrale
de Koniambo qui pourrait intégrer captage et stockage de CO2, d’autant que
le groupe Xstrata, actionnaire à 49 % du projet Koniambo, est partenaire du
CO2CRC australien et déjà impliqué dans les recherches sur le stockage de
CO2 de la région. Il a d’ailleurs déjà investi 30 millions de dollars dans
l’Otway Pilot Project, en Australie.
La séquestration minéralogique in situ dans les péridotites
La séquestration minéralogique in situ dans les péridotites est l’option de
stockage la plus séduisante au niveau de la recherche et de l’expérimentation.
Même si les recherches en sont à un stade de maturité beaucoup moins avancé
que l’option « bassins sédimentaires », si ce procédé s’avère fiable et efficace,
la Nouvelle-Calédonie sera au premier rang mondial pour en bénéficier.
L’opération pourrait même être moins coûteuse que d’autres options. Les
capacités de stockage mises en évidence par l’université de Columbia, dans
les péridotites d’Oman sont comparables à celles de la Nouvelle-Calédonie.
Comme le soulignent les chercheurs, il ne manque plus qu’un laboratoire
naturel pour passer du stade de la recherche à celui de la démonstration.
Avec son contexte géologique et ses sites d’émission de CO2, la
Nouvelle-Calédonie réunit toutes les conditions pour mettre en place un site
pilote collaboratif, comparable à celui de Hellisheidi en Islande. Ce projet
pilote doit se faire sur la côte est de la Grande Terre, si l’on en croit les
spécialistes de l’université de Columbia qui préconisent des forages en mer
pour trouver des zones de stockage dans des péridotites à 3 km de profondeur.
L’enracinement des massifs de péridotites sur la côte est dans le bassin des
Loyauté a déjà été montré par des campagnes de géophysique marine. Un tel
235
236
L’énergie dans le développement de la N.-C.
projet doit être financé par le gouvernement et les industries responsables
des émissions de CO2, comme c’est le cas en Australie. Au plan européen, les
électriciens producteurs de CO2 n’hésitent pas à s’impliquer et à cofinancer
des travaux sur toute la chaîne de capture et de séquestration.
Un projet pilote de séquestration de CO2 dans les péridotites de la
Grande Terre serait donc une occasion unique pour valoriser une fois de plus
le contexte géologique de la Nouvelle-Calédonie et apporter un nouveau site
expérimental (le troisième au monde en séquestration minéralogique in situ,
et le premier dans des péridotites) aux réseaux de recherche internationaux.
L’absence de données pétrophysiques et géophysiques sur ces formations
rend actuellement délicate l’estimation de leurs capacités réelles en volumes
de stockage de CO2. Comme pour les basaltes, des études préliminaires
devraient être entreprises, via les appels d’offres de l’ANR.
L’INTÉRÊT DU STOCKAGE DU CO2 EN AUSTRALIE
Avec les États-Unis, le Canada, l’Europe et le Japon, l’Australie fait
partie des cinq pôles importants qui développent des recherches sur le
stockage géologique. L’Australie fait du CCS (Carbone Capture and Storage)
une priorité nationale et a créé le CO2CRC (The Cooperative Research
Centre for Greenhouse Gas Technologies), une joint-venture entre industrie,
gouvernement, universités et centres de recherches australiens et étrangers.
Ces recherches ont pour but de réduire les coûts du CCS et de montrer sa
fiabilité et son efficacité, en particulier en Australie et en Nouvelle- Zélande.
Parmi les différentes options d’élimination du CO2, l’Australie a choisi le stockage
géologique dans les bassins sédimentaires à terre ou près de ses côtes. Elle
souhaite être à la pointe et exporter son savoir-faire dans ce domaine.
L’Australie a un projet pilote opérationnel depuis 2008, qui est considéré
comme un des plus démonstratifs au monde, le CO2CRC Otway Project où
100 000 tonnes de CO2 vont être injectées pendant deux ans dans un gisement
de gaz déplété avec un important programme de surveillance. Le même type
d’opération vient d’être mis en route par Total dans les Pyrénées françaises
(gisement de Lacq). Parallèlement, deux autres projets arrivés à maturité
pour le stockage géologique devraient être lancés prochainement en
Australie. Le premier projet australien « charbon propre » ZeroGen, projet de
démonstration sur la côte est, capturera le CO2 produit par la gazéification
Comment tirer parti du contexte géologique ?
de charbon et le transportera grâce à un gazoduc de 220 km sur un site de
stockage géologique plus à l’intérieur des terres (début du projet prévu
pour 2012). Sur la côte ouest, un projet industriel de LNG (Gorgon Project),
planifié par les compagnies Chevron, Shell et Exxon, prévoit d’injecter
3,3 millions de t de CO2 par an dans un aquifère salin près de l’île de Barrow,
soit un total de 125 millions de t pour toute la vie du projet ; la phase de
construction des installations doit commencer fin 2009 et durera 5 ans.
L’Australie s’investit donc considérablement dans des projets de recherche
et développement sur le stockage géologique de CO2 dans les bassins sédimentaires et est en train de devenir un leader mondial dans ce domaine. La
Nouvelle-Calédonie aurait donc tout intérêt à rejoindre le réseau CO2CRC
dans lequel la Nouvelle-Zélande est également fortement impliquée. Bien que
se trouvant à un stade de connaissance beaucoup moins avancé, les bassins
sédimentaires de la côte ouest de Nouvelle-Calédonie présentent un intérêt
certain pour le stockage géologique, au même titre que les bassins australiens.
Lors des probables campagnes d’exploration pétrolière qui seront réalisées
sur la ride de Lord Howe qui s’étend sur les ZEE d’Australie et de NouvelleCalédonie, le CO2CRC sera certainement intéressé par l’évaluation des
possibilités de stockage de CO2.
MUTUALISER L’EXPÉRIENCE NÉO-CALÉDONIENNE
DE SÉQUESTRATION MINÉRALOGIQUE DU CO2 ?
Le CCS est un défi planétaire vis-à-vis duquel la France souhaite jouer un
rôle important dans l’organisation de la recherche et la promotion de solutions
technologiques. Si la Nouvelle-Calédonie se lance dans la réalisation d’un site
pilote de séquestration de CO2 dans les péridotites, les résultats des travaux
seront des éléments de référence dont bénéficieront les différentes équipes
de recherche internationales et les industriels.
L’exportation du savoir-faire pourrait se faire en particulier avec l’Oman,
où les péridotites pourraient stocker le CO2 émis par de nouvelles centrales
électriques fonctionnant au gaz naturel provenant du Golfe. La côte ouest des
États-Unis est également intéressée par cette option de stockage, comme le
montrent les travaux de l’université de Columbia. La Papouasie-NouvelleGuinée possède des massifs de péridotites comparables à ceux d’Oman et de
237
238
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Nouvelle-Calédonie par leur superficie et leur contexte tectonique (présence
de péridotites en mer sous faible tranche de sédiments, rendant accessible
des zones de stockage à 3 km de profondeur) : elle pourrait, de la même
manière, envisager cette option de séquestration le moment venu. Enfin,
d’autres régions du monde comme les Balkans présentent aussi d’importants
massifs de péridotites.
CONCLUSION
Par son contexte géologique, la Nouvelle-Calédonie a la possibilité de
s’investir dans trois pistes de recherche pour la séquestration de CO2.
L’option des bassins sédimentaires : les bassins sédimentaires de la côte
ouest de la Grande Terre présentent probablement des cibles de stockage
(aquifères salins, gisements d’hydrocarbures à découvrir) facilement accessibles, proches des centres d’émission de CO2. Les recherches doivent se faire
avec l’industrie pétrolière et seront donc conditionnées par la reprise de
l’exploration de ces bassins. Elles peuvent être menées en partenariat avec
le réseau CO2CRC australien qui se spécialise dans ce type de séquestration
en mettant en place des sites de démonstration et, bientôt, des projets
commerciaux dans les bassins sédimentaires des côtes australiennes.
L’option de la séquestration minéralogique dans des basaltes : elle serait
particulièrement intéressante pour le projet Koniambo (KNS) situé non loin
des affleurements de ces roches basiques. Il faudra attendre les résultats des
deux sites de démonstration, nord-américain et islandais, pour confirmer la
fiabilité du procédé. En attendant, des études préliminaires peuvent être
menées pour étudier les potentialités des basaltes de la côte ouest (études
de terrain et de laboratoire).
La mise en place d’un site pilote collaboratif de séquestration minéralogique dans les péridotites est envisageable et mettrait la Nouvelle-Calédonie
en avant sur la scène internationale. Ce site devrait se trouver sur la côte est
pour obtenir les conditions optimales de séquestration (stockage dans des
péridotites à 3 km de profondeur). Il serait le troisième site de démonstration
de séquestration minéralogique in situ dans le monde et le premier dans des
péridotites. Si ce procédé s’avère fiable et efficace, le savoir-faire est exportable
dans plusieurs régions du monde, en particulier en Oman où l’industrie
pétrolière installe des centrales électriques au gaz naturel.
L’utilisation éventuelle
des biomasses ligno-cellulosiques
importées et produites localement
pour substituer du charbon
dans la production de nickel
Quelle est la possibilité de réduire les émissions de GES en remplaçant le
charbon par d’autres sources d’énergie, en particulier par des biomasses
ligno-cellulosiques ? Celles-ci devraient sans doute être importées en grande
partie, mais aussi reposer pour une petite part sur des productions locales,
éventuellement grandissantes si l’aménagement du territoire néo-calédonien
le permet.
L’industrie du bois génère couramment son électricité avec du bois et il
existe aussi, aux États-Unis notamment, de nombreuses centrales électriques à
bois avec des puissances généralement plafonnées à 49 MW. Il en existe aussi
en Europe : ainsi, la centrale électrique de la ville de Liège qui fonctionnait
autrefois au charbon pulvérulent utilise maintenant des granulés de bois
importés par bateau. À Copenhague, on utilise des granulés de paille à la
place du charbon et les Pays-Bas étudient également très sérieusement les
possibilités d’importation de bois pour améliorer leurs bilans de GES. Il est
prévu d’installer une grande centrale thermique sur le port de Rotterdam. En
Pologne, des centrales électriques à charbon ont réalisé des investissements
pour remplacer au moins 20 % de ce combustible par du bois depuis que les
émissions de CO2 sont passées à 20 la tonne.
LE NICKEL, UNE INDUSTRIE TRÈS INTENSIVE EN CARBONE
Le meilleur procédé de production de nickel émet presque autant de GES
par tonne que la production d’une tonne d’aluminium, qui émet elle-même
dix fois plus de GES que la production moyenne d’une tonne d’acier. Avec la
240
L’énergie dans le développement de la N.-C.
mise en service de deux nouvelles unités, les émissions vont encore augmenter.
Il est donc important de trouver les moyens de les réduire, notamment en
adoptant des process industriels plus performants. On pourrait donc envisager,
le moment venu, de remplacer les anciennes usines par de nouvelles plus
performantes. Mais les nouveaux investissements nécessaires ne pourront
s’envisager que lorsque les installations seront devenues obsolètes, ou si la
pénalité par tonne de CO2 émise augmentait au point de rendre rentable le
renouvellement anticipé des anciennes installations.
Dans le courant de la prochaine décennie, il sera possible de réduire les
émissions de GES avec un changement de combustibles. Et à un stade ultérieur,
éventuellement après 2020, on pourrait également coupler l’utilisation des
biomasses avec le stockage géologique de CO2. Les émissions de CO2 du
charbon deviendraient alors nulles et celles des biomasses négatives. Mais il
faut sans doute insister sur le fait que la première phase peut être réalisée
indépendamment de la faisabilité du stockage géologique.
L’INTÉRÊT DES BIOMASSES LIGNO-CELLULOSIQUES PAR RAPPORT AU CHARBON
DANS LES CENTRALES ÉLECTRIQUES ET LES USINES MÉTALLURGIQUES
Les émissions de gaz carbonique par tep d’énergie primaire varient avec les
combustibles : à rendement de chaufferie identique, le charbon émet 40 % de
plus de CO2 que le pétrole et 87 % de plus que le gaz naturel. Toutes choses
étant égales par ailleurs, les productions de chaleur à partir de déchets lignocellulosiques, de produits ligno-cellulosiques renouvelés (bois herbes, etc.), de
gaz naturel ou de pétrole, sont donc beaucoup plus intéressantes qu’à partir
du charbon. Le remplacement dans tout le processus industriel du charbon
par des biomasses ligno-cellulosiques renouvelées permettrait d’éviter l’émission
d’environ 4,5 teqCO2 par tep. Or, la production d’une tonne de nickel nécessite
actuellement entre 4,5 tep et 6 tep de charbon.
Selon la source d’énergie primaire employée pour produire de l’électricité
– lignite, charbon, fioul, gaz naturel, biomasses, uranium, vent ou centrales
hydrauliques –, les émissions peuvent passer de 400 g à 1 kg de CO2 par kWhe
(un tableau complet des émissions de CO2, selon la source d’énergie primaire
employée, figure dans le CD-ROM).
Par kWh électrique produit, les émissions des biomasses n’atteignent
que 4,4 % de celles du charbon (46 g de CO2 contre 1 022 g de CO2). La
L’utilisation des biomasses ligno-cellulosiques
production d’électricité, avec gazéification et en cycle combiné à partir du
charbon ou de la biomasse, est également plus favorable pour le climat
lorsqu’on utilise de la biomasse renouvelée, parce que cette dernière est
quasiment neutre du point de vue du climat et que l’épuration des fumées
d’une centrale à charbon demande plus d’énergie que celles des fumées issues
des biomasses. À raison d’un apport de 5 % ou 15 % de biomasses, on peut
réduire les émissions de gaz à effet de serre d’une centrale à charbon,
respectivement de 6,7 % et de 22,4 % par kWh électrique produit.
La co-combustion du charbon avec des biomasses est déjà pratiquée en
bien des endroits : aux Pays-Bas, des centrales à charbon de 250 MW utilisent
(pour environ un dixième de la puissance) des bois de rebut et des fientes de
poulets pulvérisés ; à l’île de la Réunion et à l’île Maurice, on utilise du charbon
en complément de la bagasse, en dehors de la période de disponibilité de
cette dernière.
Les grandes chaufferies municipales de Finlande, par exemple de la ville
de Jyväksla, coproduisent de la chaleur et de l’électricité à partir de bois et
de tourbe.
L’entreprise Arcelor (devenue Arcelor Mittal) a aussi lancé, en 2000, un
programme de recherche (Ulcos, Ultra Low CO2 steel) pour remplacer le
charbon minéral dans la production de fonte brute par du charbon de bois,
comme au Brésil. Mais le surcoût de la carbonisation du bois ne se justifie
actuellement encore que pour la production d’acier de haute qualité.
LA FAISABILITÉ TECHNIQUE D’UNE CO-UTILISATION DE CHARBON
ET DE BIOMASSES LIGNO-CELLULOSIQUES SÈCHES
La co-combustion de bois et de charbon dans de grandes chaufferies reste
théoriquement la solution la plus économique, mais ce n’est pas la solution
la plus performante sur le plan énergétique. Pour optimiser les rendements,
mieux vaut théoriquement brûler les combustibles solides dans des chaufferies
différentes et centraliser la production de chaleur.
D’où proviendraient ces biomasses ligno-cellulosiques ?
Elles pourraient provenir de biomasses ligno-cellulosiques renouvelables
(comme des déchets) ou actuellement non récoltées. On pourrait aussi en
241
242
L’énergie dans le développement de la N.-C.
produire davantage en Nouvelle-Calédonie sous certaines conditions (cf. « Les
nouvelles technologies en matière de production et de stockage d’énergie »,
p. 115) On peut estimer que les productions des taillis d’eucalyptus pourraient
ainsi fournir de 10 à 12 t de matière sèche par hectare22, soit environ 4 t tep.
En fertilisant bien ces peuplements, on pourrait sans doute arriver à produire
sur un hectare l’énergie nécessaire à la production de 1 tonne de nickel.
Pour les 200 000 t de nickel produites en 2007, il faudrait donc environ
200 000 ha de forêts très productives (soit 500 000 t de matière sèche, un
peu moins que les besoins d’une grande usine de pâte à papier) pour
fournir l’énergie nécessaire à la production de nickel à très bas niveau
d’émissions. Or, on ne pourrait sans doute installer en Nouvelle-Calédonie,
dans le meilleur des cas, que quelques centaines d’hectares de forêts très
productives et exploitables mécaniquement. Pour le restant des besoins, qui
augmenteront avec la mise en service prochaine des deux nouvelles unités,
il faudrait par conséquent s’appuyer sur des importations de biomasses tout
en continuant à utiliser du charbon.
Comme les usines de pâtes à papier, ces unités de production pourraient
importer du bois par bateau – bois rond, plaques grises de bois (copeaux
non écorcés), ou encore granulés ou briquettes de bois. La NouvelleZélande, le Canada et le Brésil pourraient sans doute fournir de tels produits
le moment venu. Sous les tropiques, on ne sait en général que faire de
certaines productions de biomasses ligno-cellulosiques. Mais, là encore,
quand on vise un marché mondial, la faisabilité réelle dépend du coût de
récolte des produits et de celui de leur transport jusqu’à l’usine ou au port
(le coût économique et le coût énergétique du transport par bateau en
général très faible).
La substitution partielle du charbon par des biomasses pourrait donc
devenir très rapidement intéressante en Nouvelle-Calédonie, même avec des
biomasses pour partie importées. Une étude de faisabilité pourrait estimer
à partir de quel prix de la tonne de CO2 évitée et à partir de quel prix du
bois importé l’opération pourrait devenir bénéficiaire. Il faut aussi dès
maintenant envisager la possibilité de mise en place d’aires de stockage, des
Au Brésil, on peut arriver à des accroissements moyens par ha et par an allant jusqu’à 40 t de
matières sèches dans l’État de San Paulo. Des productions moyennes de 20 t de matières sèches
sont maintenant courantes quand la fertilisation et le régime pluviométrique sont adéquats.
22
L’utilisation des biomasses ligno-cellulosiques
systèmes de transferts et de conditionnement des biomasses dans les usines
qui en consommeraient. Pour rester économiquement compétitives, elles
doivent être manipulées le moins souvent possible et leur récolte doit être
mécanisable.
À un stade ultérieur, sans doute après 2020, on pourrait combiner la
production d’énergie à partir des biomasses végétales avec le stockage
géologique. Là encore, des simulations économiques pourraient s’avérer
utiles.
Les études de préfaisabilité et de faisabilité pourraient être cofinancées
par les industriels, Enercal et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
243
Les variations de stocks de carbone
dans la végétation en Nouvelle-Calédonie
La végétation et les boisements de terres agricoles non boisées représentent
un potentiel d’accroissement des stocks de carbone qui pourrait, sous certaines
conditions et dans certaines limites, compenser une partie des émissions
résultant de l’usage des combustibles fossiles et les déforestations.
Les aspects liés aux usages des sols, aux changements des sols et à la forêt
constituent un « secteur d’activité » spécifique sous la Convention sur le climat
et par le protocole de Kyoto.
LES FORÊTS ET L’ESPACE RURAL :
ASPECTS INSTITUTIONNELS ET SOCIAUX
Les compétences respectives du gouvernement et des Provinces
sur les questions forestières
La Nouvelle-Calédonie dispose d’un important domaine forestier public
recouvrant la plus grande partie des 11 900 km2 constituant le « domaine
privé » des collectivités publiques. Ce domaine des collectivités représentait
(en 2001) 64 % de la surface totale de la Nouvelle-Calédonie, le solde étant
constitué par 19 % de propriétés privées et 17 % de terres coutumières
(inaliénables, incessibles, incommutables et insaisissables). La gestion du
domaine qui appartient à la Nouvelle-Calédonie est une attribution du
gouvernement (article 127 de la loi organique), gestion qui doit se faire « dans
le respect des réglementations existantes, et notamment des réglementations
provinciales dans les domaines relevant de la compétence des Provinces, et
dans l’intérêt général ».
Au moment de la provincialisation (1989), le service des forêts a été scindé,
pour la Grande Terre, en un « service des forêts » en Province Nord (intégré dans
la Direction du développement économique et de l’environnement, DDEE),
Les variations de stocks de carbone
et en une « section forêt et bois » du service des productions végétales et
des forêts en Province Sud (intégré à la Direction du développement rural,
DDR). Le gouvernement n’a conservé aucun service forestier, alors que la
quasi-totalité du domaine forestier public reste sa propriété. Les Provinces
sont investies de compétences réglementaires leur donnant la possibilité
d’édicter des normes applicables à tout le territoire de la Province. Leurs agents
assermentés ont la possibilité de constater les infractions commises sur le
domaine privé de la Nouvelle-Calédonie. En pratique, le faible nombre de
ces derniers, fait que la surveillance n’est guère exercée concrètement.
Les opérations de reboisements actuelles sont réalisées par les Provinces,
généralement sur les terres de la Nouvelle-Calédonie, ce qui entraîne la cession
des terrains concernés. Plus de 7 000 ha de parcelles anciennement reboisées
sont situés sur le domaine de Nouvelle-Calédonie, majoritairement en Province
Nord, mais aussi en Province Sud.
L’exploitation forestière de la forêt naturelle par les sociétés privées se
réalise sous forme de Permis temporaires d’exploitation (PTE), délivrés par le
service provincial compétent. Cela concerne 0,46 % du domaine de la
Nouvelle-Calédonie. Les prélèvements de moindre ampleur, opérés par des
particuliers, relèvent de permis de coupe délivrés par les services provinciaux.
Le fait que peu de demandes soient déposées signifie, qu’en pratique, les
usages sont peu réglementés.
Plus du quart du domaine privé de la Nouvelle-Calédonie, soit 86 % des
superficies sur terrains ultrabasiques, est d’ores et déjà grevé par des concessions minières. Cela pose la question des modalités de prise de décision, et
notamment des rôles respectifs des collectivités publiques et des exploitants,
quant aux futurs choix de défrichements sur ces superficies.
Les usages de l’espace rural :
l’élevage extensif qui occupe la plus grande part des terres utilisées
est en déclin
Les contraintes de topographie et de qualité des sols pèsent fortement
sur l’agriculture. Les meilleures terres sont occupées par l’arboriculture et le
maraîchage. En 2002, année du dernier recensement agricole, la surface
agricole utilisée (SAU) correspondait à 13,5 % de la superficie du pays et la
surface agricole entretenue (SAE) représentait 57 % de la SAU, ce qui fait, par
245
246
L’énergie dans le développement de la N.-C.
différence, une surface non utilisée ou peu entretenue de près de 110 000 ha,
essentiellement des pâturages peu productifs. De fait, l’élevage, plutôt
extensif (0,4 UGB/ha en moyenne), occupe 90 % de la SAU, mais ce secteur
est en déclin. Cela pourrait donc avoir pour conséquence d’augmenter les
importations de viandes, donc de déplacer les émissions de méthane
correspondantes vers d’autres pays. À noter que si la SAU est passée, entre
1991 et 2002, de 12 % à 13,5 % de la superficie du pays (soit 20 000 ha
d’après le RGA), la SAU entretenue a baissé de plus de 15 %.
Le prix du foncier privé semble devenir rédhibitoire (1 à 3 millions de FP/ha),
pour le lancement d’activités agricoles, et ce, même loin du grand Nouméa, et
il n’existe pas de mécanisme de préservation du foncier agricole, souvent vendu
lors des successions en l’absence de retraite agricole. Outil de réorganisation
foncière, les Ogaf restent gérées par les services de l’État (Direction du service
d’État de l’agriculture, de la forêt et de l’environnement, Dafe) ; en NouvelleCalédonie, il s’agit de petites opérations qui n’ont jamais impliqué de volet
de plantation à finalité forestière ou de production de biomasse. En 2002,
la surface totale des exploitations comprenait, hors SAU, plus de 17 000 ha
de friches non productives et près de 18 000 ha de « forêts naturelles », les
reboisements ne s’élevant qu’à 632 ha, dont la majorité a sans doute été
réalisée avant 1990. Or, des surfaces en savane ou en forêt dégradée pourraient sans doute théoriquement être boisées. Cela pourrait conduire à des
augmentations de stocks de carbone en forêts ou sur des terres agricoles.
Cette question de l’utilisation des terres mérite donc d’être clarifiée par les
institutions locales de recherche et d’appui technique, par exemple par l’IAC.
Faut-il boiser des terres ou augmenter la production agricole locale ? Répondre
à cette question complexe nécessite un travail de longue haleine et l’accumulation de nouvelles connaissances comme la remobilisation d’anciennes,
dans les domaines de l’agronomie comme de la foresterie. Il serait hasardeux
de prétendre apporter une réponse sur la seule base des informations
existantes lors de cette expertise.
Les surfaces et les ressources forestières
La définition retenue pour la mise en œuvre du protocole de Kyoto inclut
simultanément trois critères : la surface minimale de la formation classée
(entre 0,05 et 1 ha), le couvert minimal de la végétation ligneuse à l’âge
adulte (entre 10 % ou 30 % de la surface) et la hauteur potentielle minimale
Les variations de stocks de carbone
à maturité du peuplement (de 2 m à 5 m). Cette dernière référence fait que
tous les jeunes peuplements ligneux, appelés à croître par la suite, sont
classables comme forêt.
En Nouvelle-Calédonie, malheureusement, la seule couverture aérienne
intégrale du Territoire remonte à 1954 ! Sur cette base, les travaux de l’inventaire forestier général de 1975 ont produit une carte des formations végétales
de la Grande Terre et des Îles qui distingue les formations suivantes : forêt
dense sempervirente (23 %), formations à « Niaoulis23 » (14 %), formations
forestières diverses (1 %), maquis (25 %), fourrés (8 %), savane (22 %). Ces
pourcentages se rapportent à la Grande Terre (la prise en compte des Îles ne
les modifie que marginalement), à l’exclusion des surfaces agricoles ou habitées.
Le complément correspondait, à l’époque, aux surfaces agricoles et habitées
pour 5 % et 2 %, respectivement. À noter, qu’en 2002, on arrive à une surface
agricole entretenue (SAE) d’environ 7,5 % probablement comparable avec
les 5 % mentionnés à l’époque.
L’Atlas de la Nouvelle-Calédonie (IRD éditions, 1981) présente une carte
des principaux types de végétations qui est en cours d’actualisation. La DTSI
(service du territoire), qui a pour mission de centraliser et d’intégrer l’ensemble
de l’information cartographique, vient de réaliser une cartographie complète
à paraître de l’occupation du sol et des principaux types de végétations. Elle
distingue les types de peuplements végétaux suivants (les pourcentages
s’entendent par rapport à l’ensemble du territoire) : forêt dense sur sol volcanosédimentaire ou ultrabasique (22 % et 9 %, respectivement), maquis dense
para-forestier (8 %), végétation épaisse sur sols ultrabasiques (4 %), maquis
ligno-herbacé (9 %), végétation arbustive sur sols volcano-sédimentaires (14 %),
savane (22 %).
Les différences de méthode et de nomenclature rendent les comparaisons
impossibles avec la cartographie de 1975. De fait, les continuums entre forêt
dense et forêt dégradée, entre forêt ouverte et savane, entre maquis et fourrés
de différentes hauteurs, rendent la recherche d’une cohérence intrinsèquement
difficile, et exigent qu’une méthode de cartographie unique, robuste et
reproductible soit définie et mise en œuvre pour le suivi multitemporel de la
végétation, des surfaces forestières et de la biomasse.
23
Melaleuca quiquenerva (Myrtacées).
247
248
L’énergie dans le développement de la N.-C.
LA VÉGÉTATION DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
Les principales caractéristiques du milieu physique
La Grande Terre est divisée, sur toute sa longueur, par une chaîne centrale
(altitude moyenne 1 100 m) qui culmine au nord de l’île, au Mont Panié à
1 628 m et au sud au Mont Humboldt. Des chaînes secondaires se déploient
selon des axes perpendiculaires, approximativement est-ouest. Les versants
ouest sont prolongés par de larges plaines côtières, alors que les versants est
sont abrupts et entaillés par des vallées profondes. Le sud de la NouvelleCalédonie est un vaste plateau de roches ultrabasiques (altitude moyenne
250 m). Insistons sur le fait que, sur la majorité des terres forestières domaniales de Nouvelle-Calédonie, la pente représente une contrainte très forte
pour la récolte du bois d’œuvre, et encore davantage pour la récolte des
biomasses dont la valeur pondérale unitaire est encore plus faible que celle
du bois d’œuvre. Il faut donc distinguer les terres où l’on peut espérer pouvoir
récolter des biomasses, des terres où l’on peut seulement augmenter les
stocks de carbone sous réserve de pouvoir les protéger, notamment contre
les feux.
Les facteurs déterminant les variations de la végétation naturelle
Trois facteurs expliquent les principales variations naturelles de la végétation
de la Nouvelle-Calédonie, en particulier de la Grande Terre : l’opposition entre
côte ouest (sèche) et côte est (humide), les variations d’altitude et les différences
de substrat géologique. Les variations de précipitations résultent tout à la fois
de l’opposition est-ouest et du gradient d’altitude. Dans les secteurs les plus
élevés, une partie des précipitations s’effectue sous forme de brouillards.
L’influence de la géologie est flagrante au travers de l’opposition majeure
entre roches ultrabasiques (encore dénommées ultramafiques, « péridotites »)
et roches acides, de type volcano-sédimentaire. Les roches ultrabasiques
occupent toute la partie sud de la Grande Terre, formant le « grand massif
du sud » qui culmine au Mont Humboldt. Ces roches se retrouvent sous
forme de massifs particuliers dans la partie centrale et le long de la côte
ouest de la Grande Terre. Les sols dérivés de ces roches, ferralitiques de type
ferritique, sont exceptionnellement pauvres en nutriments (Ca, P) et, à l’inverse,
exceptionnellement riches en certains métaux (chrome, manganèse, nickel).
Les variations de stocks de carbone
D’où leur dénomination usuelle de « terrains miniers ». Les îles Loyauté,
relativement plates, ont un substrat caractéristique (calcaire corallien, plateau
madréporique) et un relief karstique.
Ces facteurs naturels de variation de la végétation interagissent depuis
au moins 4 000 ans avec l’impact – direct ou indirect – des activités humaines,
ces dernières s’étant diversifiées et amplifiées depuis l’arrivée des Européens.
Parmi les effets anthropiques indirects, on peut citer l’introduction de
nombreuses espèces végétales ou animales. Parmi ces dernières, le cerf rusa
est en situation de surpopulation et représente, de ce fait, une contrainte
systématique pour la végétation. Dans le même ordre d’idée, on peut aussi
mentionner le bétail ensauvagé, en particulier les nombreux cochons.
Les feux, dont la plupart sont d’origine anthropique, sont sans doute la
source d’impact humain parmi la plus ancienne et dont les effets sont parmi
les plus étendus dans l’espace.
Une biodiversité exceptionnelle par son originalité
La Nouvelle-Calédonie est reconnue mondialement comme un des « points
chauds » de la biodiversité, dénomination qui exprime à la fois la richesse et
l’originalité (endémisme) des formes biologiques, mais aussi les pressions et les
risques qui pèsent sur les écosystèmes concernés. La vulnérabilité des espèces
est accentuée en milieu insulaire et les petites îles de la planète abriteraient
environ un sixième du total mondial des espèces végétales menacées. Cette
biodiversité exceptionnelle, héritage de l’histoire géologique, impose une
attention patrimoniale particulière dans la gestion de la végétation forestière.
Cette préoccupation s’est concrétisée par la création de réserves, notamment au cours des deux dernières décennies. Mais cela implique également
l’adoption de « bonnes pratiques » concernant la gestion de l’ensemble du
territoire, sans lesquelles la mise en réserve peut se révéler inopérante. Il faut
souligner ici que les variations de stocks de carbone des « réserves intégrales »
n’ont pas à être comptabilisées sous le protocole de Kyoto.
Parmi les devoirs patrimoniaux liés à la diversité de la Nouvelle-Calédonie
figure la vigilance face aux risques de prolifération d’espèces introduites dans
les milieux naturels ou semi-naturels, ce qui définit la notion « d’invasion
biologique ». Ce devoir peut parfois entrer en contradiction avec des objectifs
de foresterie visant à la production économiquement viable de production
249
250
L’énergie dans le développement de la N.-C.
de biomasse ou à l’augmentation des stocks de carbone. En effet, certaines
espèces, dont la faculté de croissance très rapide est reconnue en Asie insulaire
et dans le Pacifique, y sont aussi référencées comme envahissantes en dehors
de leurs aires d’origine par la base de données de l’Union internationale pour
la conservation de la nature (UICN). Parmi ces espèces, on peut mentionner
Paraserienthes falcataria24 et Pinus Caribaea, l’usage de ce dernier ayant pourtant
été important dans les boisements forestiers en Nouvelle-Calédonie.
Les principaux types de végétation
Les versants de la chaîne centrale sont encore couverts par d’importants
massifs de forêt dense humide sempervirente que l’on observe principalement
sur roches acides (volcano-sédimentaires), soit environ 300 000 ha, et sur roches
ultrabasiques, soit près de 100 000 ha. En dépit des variations en fonction
de l’altitude, certaines constantes de ces forêts sont de présenter une canopée
fermée, d’une hauteur d’environ 20 m en moyenne, composée principalement
par des espèces à feuilles persistantes d’où émergent nettement un nombre
plus limité d’espèces (araucarias, kaoris, Houp). Autre constante : l’abondance
des palmiers, pandanus et fougères. La richesse spécifique et le niveau
d’endémisme sont partout élevés, mais particulièrement marqués sur substrat
ultrabasique et en altitude.
À moyenne altitude (300 à 1 000 m), les forêts s’observent surtout sur le
versant ouest de la chaîne centrale, mieux protégé des vents et des cyclones,
avec une majorité en Province Nord. Au-dessus de 1 000 m, la forêt est
caractérisée par l’omniprésence des mousses et des lichens, par une canopée
plus basse (dépassant rarement 10 m), la présence plus marquée de fougères
et d’épiphytes, et par l’existence de sols (de type mor ou ranker) dont
l’horizon organique superficiel épais atteint souvent plus de 20 cm. Les
forêts de basse altitude sont aujourd’hui rares, limitées à la réserve de la
Rivière bleue sur substrat ultrabasique et à quelques forêts très morcelées
dans des vallées de la chaîne centrale ; les forêts de « chêne gomme »,
autrefois étendues sur la côte est à basse altitude, ne sont plus représentées
que par quelques peuplements ponctuels.
24
Synonymes : Albizzia falcataria, Falcataria moluccanna.
Les variations de stocks de carbone
Les précipitations vont de 1 500 à 3 500 mm par an à moyenne altitude
pour atteindre 4 000 mm au-dessus de 1 000 m, avec quelques records (8-10 m)
sur le versant est, près des crêtes. Ces forêts de montagne jouent donc un rôle
important dans la régulation hydrologique en réduisant les risques d’érosion,
notamment grâce à la forte capacité d’absorption des sols ; elles augmentent
la ressource en eau disponible en captant l’humidité des brouillards.
Sur roches ultramafiques, la forêt dense sempervirente est caractérisée par
des espèces spécialisées, mais l’effet du substrat ne se traduit pas forcément
sur la physionomie de la végétation en l’absence de perturbation humaine :
hauteur modeste de la canopée, mais assez forte densité. Une part importante
de ces forêts a souffert de l’exploitation minière conjuguée aux incendies,
notamment près des sommets de la côte ouest.
Il s’agit d’une formation basse existant à l’état naturel hors dégradation,
avec faciès spécifique orophile près des sommets. Ces maquis sont composés
d’une strate herbacée à Cypéracées et d’une strate arbustive ou arborée
pouvant parfois excéder 5 m de haut, sans compter la distribution lâche des
araucarias et kaoris. Selon l’importance relative des composants, on peut
distinguer des faciès fortement herbacés, buissonnants ou arbustifs. Selon
l’inventaire de 1975, ces formations occuperaient 450 000 ha.
Il est probable que cette végétation, appelée aussi « forêt sèche », était
autrefois répandue sur toute la côte ouest de la Grande Terre, à basse et
moyenne altitude (moins de 300 m) dans les zones de pluviométrie inférieure
à 1 m/an. Ces forêts sont constituées par des arbres et arbustes sempervirents
à feuilles adaptées à la sécheresse, petites, et à cuticules (sclérophylles). Les
arbres sont de faibles dimensions (15 m de haut et 40 cm de diamètre pour les
plus gros) et le sous-bois peut former des fourrés plus ou moins denses, avec
peu d’herbacées. La richesse taxonomique n’égale pas celle de la forêt dense
humide, mais la flore de la forêt sèche est profondément originale avec de
nombreuses espèces endémiques (10,4 % des espèces endémiques du pays).
Comme presque partout dans le monde tropical, les formations végétales les
plus sèches ont le plus souffert des activités humaines, des feux et de la pression
des cervidés. On estime que les forêts naturelles sèches qui occuperaient
aujourd’hui 4 000 ha ne représentent plus que 1 à 2 % de leur aire naturelle
d’origine. Elles font l’objet d’un programme de protection spécifique.
251
252
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Les savanes sont essentiellement observées sur la côte est de la Grande
Terre, sous les conditions climatiques les moins arrosées ; elles peuvent sans
doute être interprétées comme des formes de dégradation de la forêt sclérophylle sous l’effet historique de la coupe de bois, des feux et du pâturage
par le bétail ou les cervidés. Le Niaouli est généralement l’espèce arborée
dominante, même si son abondance locale est souvent décrite comme associée
au caractère plus ou moins marécageux de la savane. Un autre aspect, peu
documenté, bien qu’important pour la compréhension du régime des feux,
concerne la nature et la composition de la strate herbacée. L’inventaire de
1975 fait état de 230 000 ha de formations savanicoles « à Niaouli », de
370 000 ha de « savanes » et de 220 000 ha de « fourrés » (dont 36 % dans
les îles).
Si l’écobuage est une pratique ancienne et courante de toutes les sociétés
humaines, cette dernière devient particulièrement prégnante en contexte
tropical, dès lors que le climat présente des saisons sèches et pluvieuses
fortement contrastées. Les très fortes quantités de biomasses, notamment
herbacées, produites en saison des pluies sont bien supérieures à ce que l’on
peut observer en contexte méditerranéen ou tempéré. Une fois desséchée
avec la fin ou l’espacement des pluies, la biomasse herbacée ou sous-ligneuse
forme un combustible idéal. Les raisons de mise à feu résultent souvent de
la volonté de « dégager » le terrain d’une biomasse jugée gênante (obstacle,
présence d’insectes ou de serpents, biomasse dangereuse en cas de feux
accidentels). Les mises en cultures et la chasse sont aussi fréquemment
évoquées comme justifications. Dans tous les cas, les surfaces effectivement
brûlées excèdent parfois largement les intentions initiales de la mise à feu.
La facilité de propagation du feu invite aussi à la malveillance, en cas de
litige foncier ou de conflits divers. Il s’agit alors de marquer son emprise sur
une portion de territoire ou d’affirmer des droits d’usage implicites ou
contestés. Ces motivations et comportements ne sont pas spécifiques à la
Nouvelle-Calédonie.
Les surfaces brûlées ont pu atteindre 50 000 ha certaines années, pour une
moyenne de 20 000 ha parcourus par an, mais il n’y a pas vraiment de bilan
annuel qui fasse consensus. Les essais de cartographie à partir d’images
satellite Modis, qui indiquent les foyers actifs et non directement les surfaces
Les variations de stocks de carbone
brûlées, ne concordent pas avec les estimations de la protection civile. Toute
estimation de ces surfaces devra être relativisée en fonction des formations
végétales affectées, puisque les conséquences d’un feu peuvent être très
différentes, en termes écologiques comme en termes de carbone relâché.
Un programme de recherche sur la prévention des incendies, à laquelle
participent les gestionnaires des forêts sèches et le WWF, est en cours et
commence par une analyse des causes des mises à feu.
Une première tentative d’estimation des stocks de carbone
dans la végétation de Nouvelle-Calédonie
(d’après Durrieu de Madron, 2009)
La grande pauvreté des informations spécifiques à la Nouvelle-Calédonie
a contraint l’auteur à de nombreuses approximations ou extrapolations de
données provenant de la littérature mondiale. Les résultats obtenus ne doivent
donc être considérés qu’avec prudence, seulement comme des ordres de
grandeur. On note que les valeurs estimées pour les forêts denses sont
relativement élevées compte tenu des hauteurs de canopée relativement
basses (rarement plus de 25 m) qui caractérisent les forêts de NouvelleCalédonie. Cette question pourrait être approfondie, mais cela demanderait
un travail plus spécifique et des données qui, actuellement, ne sont pas
disponibles. Quoi qu’il en soit, on peut sans doute retenir des valeurs de
stocks de matière sèche 180 à 190 t/ha (pour la biomasse épigée comme
une fourchette supérieure, correspondant à des forêts en bon état, pour la
plupart non exploitées25. Ces valeurs ne prennent pas en compte les surfaces
exploitées depuis les inventaires de référence qui traitaient majoritairement
de forêts à biomasse relativement forte.
En France, les biomasses forestières atteignent une valeur moyenne d’environ 69 t de carbone
soit, environ, 120 t de MS. Les diminutions de stock de carbone des forêts converties en cultures
avoisinent les 85 t/ha, environ 312 t de CO2/ha.
25
253
254
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Tableau 6 – Ordre de grandeur obtenu par des extrapolations
et non par des mesures directes, des biomasses et des stocks de carbone
dans les principales formations boisées de Nouvelle-Calédonie
Volume
inventaire
fût (troncs)
en m3/ha
Forêt dense
sempervirente
Biomasse Biomasse
arborée
totale
épigée
en t/ha
(AGB)
en t/ha
Quantité
de carbone
en tC/ha
(dont quantité
prise pour
le carbone du sol
entre parenthèses)
100
190
230
210 (100)
Forêt dense
sempervirente
sur calcaire (îles)
90
180
220
160 (60)
Savanes
à Niaoulis
40*
140
160
140 (60)
Forêt
sclérophylle
40
90
110
130 (60)
Peuplement
à Araucaria
columnaris**
200
120
140
120 (60)
Plantations pins
170
100
120
120 (60)
40
20
25
50 (40)
360
-
285
200
-
150
190
170 (80)
Plantations
(araucarias,
kaoris)***
Cocoteraie****
Mangrove
* Mais grande variabilité de densité des arbres donc de la biomasse ;
** dans les îles ;
***de moins de 20 ans pour la plupart ;
**** extrapolation directe de l’estimation à Wallis.
Les variations de stocks de carbone
Parmi les formations boisées décrites dans le tableau, les forêts denses et
les savanes à Niaoulis représentent, de loin, les superficies les plus importantes
avec, respectivement, 59 % et 36 % dans la cartographie de 1975. Concernant
les savanes, une grande incertitude subsiste compte tenu du flou entourant
leur définition et aux fortes variations dans l’espace de la densité de leur
strate arborée.
Sous la Convention climat, les signataires s’engagent à effectuer des
inventaires des émissions par les sources, donc en provenance des forêts et
des absorptions par les puits pour contribuer au recensement des émissions
de GES par pays. Cela suppose de pouvoir mesurer, de manière acceptable,
des variations de stocks. Ces premières informations sont donc totalement
insuffisantes pour déterminer précisément de telles variations en forêt néocalédonienne. Il n’est même pas encore possible de donner une estimation
précise du stock total actuel de carbone dans les écosystèmes forestiers de
la Nouvelle-Calédonie.
QUELLES CAPACITÉS D’AUGMENTATION DE STOCKS DE CARBONE
ET QUELS RISQUES DE DIMINUTION DES STOCKS MOYENS
DANS CES DIVERSES FORMATIONS VÉGÉTALES ?
En faveur de l’augmentation des stocks,
les reboisements forestiers et la revégétalisation
En Nouvelle-Calédonie, les essais et programmes de reboisement remontent
aux années 1970 avec des tests d’espèces exotiques (eucalyptus, pins tropicaux),
et autochtones (kaoris, araucarias, chêne gomme), la plantation de ces
dernières se révélant possible sur substrat ultrabasique. Parmi les espèces
introduites, le Pinus caribaea (var. Hondurensis) et, à un degré moindre, le
Pinus elliottii se sont alors révélés comme les plus adaptés et ont été les plus
utilisés. L’essentiel de ces reboisements « historiques » (années 1970-1980)
en pins a été réalisé dans la Province Nord. Sur 4 600 ha réalisés, seulement
2 800 ha seraient, essentiellement dans le secteur de Tango, dans un état
acceptable ou dans des conditions satisfaisantes d’accessibilité permettant
de récolter du bois d’œuvre. Les conditions de récoltes se sont souvent révélées
plus difficiles qu’estimées par les planteurs !
255
256
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Depuis la provincialisation, ce sont les services provinciaux qui sont en
charge du suivi des plantations situées pour la plupart sur le domaine foncier
de la Nouvelle-Calédonie, ainsi que de la création de nouveaux reboisements.
Dans les deux Provinces, l’objectif principal est de proposer de l’activité en
milieu rural et, si possible, de fournir des produits à l’usage du marché intérieur.
La Nouvelle-Calédonie est très largement déficitaire en produits forestiers, en
particulier en bois d’œuvre et bois de service. On estime que le taux de couverture des besoins a reculé ces dernières années de 30 % à 20 %, principalement
sous l’effet de la hausse de la demande. Les principales importations se font
à partir de la Nouvelle-Zélande (Pinus raddiata notamment).
En Province Sud, la DDR affiche une politique ambitieuse et estime à
1 300 ha les surfaces de terres forestières reboisées depuis 1989-1990. Il semble
que l’essentiel de ces reboisements ait été mené sur terrains publics non
agricoles donc ne pouvant pas être comptabilisés sous l’article 3.3 du protocole.
Les reboisements dans le sud de la Province en Pinus Caribaea var. Hondurensis
ont été maintenant arrêtés compte tenu de la faculté de l’espèce à essaimer
dans le maquis minier et à y augmenter les risques d’incendie. La DDR a
d’ailleurs mené des opérations d’arrachements autour de certaines de ses
plantations, dans les zones « d’intérêt écologique ». En même temps, elle
assure la gestion de boisements de Pinus « naturalisés » dans l’île des Pins.
Le total des plantations en Province Sud est de 1 700 ha (dont 10-20 %
d’araucariacées, relativement jeunes). Le temps de rotation des pins est
d’environ 30 ans, de l’ordre du siècle pour les kaoris et de 60 ans pour les
araucarias.
Les reboisements actuels et futurs sont plutôt tournés vers les essences
locales (kaoris, araucarias), malgré encore quelques incertitudes techniques.
Le système de fourniture de semences aux pépiniéristes privés, jusque-là
entièrement assuré par l’IAC, a été jugé peu satisfaisant, avec recrutement
d’un ingénieur Inra détaché en appui aux pépiniéristes privés. Un effet est
attendu des nouvelles dispositions du code de l’investissement qui prévoit
une aide à hauteur de 80 % pour les reboisements privés.
En Province Nord, les surfaces reboisées sont de l’ordre de 15 ha par an,
après avoir peut-être atteint 30 ha par an il y a quelques années. Le cumul
planté sur des terres forestières depuis 1990 serait de l’ordre de 300 à 600 ha.
Dans l’absolu, les surfaces adéquates ne semblent pas actuellement limitantes,
et sans doute moins qu’en Province Sud. Mais le montage de projets sur foncier
Les variations de stocks de carbone
coutumier (et ailleurs) est un processus lent impliquant des négociations. Les
boisements concernent cinq à six essences susceptibles de valorisation économique (notamment bois d’œuvre), dont agathis, araucaria, faux-tamanou
et gaiac. Après quelques années, les surfaces suffisamment entretenues et
protégées pour donner un peuplement viable – donc une biomasse sur pied
excédant substantiellement la végétation dégradée spontanée –, semblent,
là encore, ne pas dépasser la moitié des surfaces reboisées en forêt (150 à
300 ha).
Les superficies relevant du domaine privé de la Nouvelle-Calédonie et
présentant des caractéristiques naturelles favorables en vue d’une exploitation
ne semblent pas excéder 1 000 ha en Province Sud. En Province Nord, les
surfaces potentiellement reboisables sont peut-être plus étendues, sans pour
autant excéder quelques milliers d’hectares, comme le suggèrent Hygen et al.
(2006).
Le potentiel de reboisement en terrain privé est aujourd’hui de nouveau
encouragé. Mais comme les expériences passées l’ont démontré, la réussite
de toute plantation reste soumise aux aléas des feux, au broutage par les
cerfs, à la question du foncier et, bien évidemment lorsqu’il s’agit d’inciter
des particuliers à planter, à la rentabilité économique.
Les perspectives réelles de boisements et de reboisements économiquement et socialement acceptables apparaissent donc limitées, au vu des
connaissances disponibles lors de cette expertise. Sur le plan technique, on
ne pourrait envisager des programmes de reboisement de grande ampleur
que sur la base de connaissances nouvelles concernant les potentialités de
production forestière basées sur des placettes expérimentales conduites sur de
longues périodes et dans diverses situations représentatives des conditions
néo-calédoniennes, sur les possibilités de mécanisation des récoltes ou des
boisements, etc.), et enfin sur les conditions socio-économiques rurales de
la Nouvelle-Calédonie. Ces travaux doivent être conduits localement par
une équipe ayant une certaine pérennité sur ces sujets. Les connaissances
techniques validées localement nous ont, en effet, paru faire défaut lors de
cette expertise, malgré des travaux anciens et un regain d’intérêt très récent
dans les services des Provinces. Cela rejoint les interrogations formulées
précédemment sur l’affectation des terres entre productions agricoles (élevages
notamment) et forestières.
257
258
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Jusqu’à l’adoption récente du nouveau code minier qui joue sur l’incitation
fiscale, la revégétalisation des sites miniers restait liée à la bonne volonté des
industriels. Un travail spécifique de la DTSI estime à 20 000 ha le cumul des
surfaces dégradées par l’activité minière – on parle de sites « orphelins » lorsque
les exploitants actuels n’ont pas (ou plus ?) de responsabilité vis-à-vis des
surfaces dégradées. Actuellement, l’effort de réhabilitation dépasse à peine
100 ha par an sur l’ensemble de la Nouvelle-Calédonie. Il pourrait être porté
prochainement à 200 ha (il y en aurait alors pour un siècle pour revégétaliser
ces sites !). Mais de toute façon la faible croissance des espèces non envahissantes limite sérieusement les augmentations de stocks de carbone que l’on
peut espérer obtenir sur ces terrains. Le recours à des amendements risquerait
en outre de favoriser des espèces envahissantes. Dans le meilleur des cas, on
n‘arrivera sans doute qu’à reconstituer lentement les stocks de carbone
antérieurs à l’exploitation minière. Même en cas de succès – pas toujours acquis
et longtemps fragile –, les reconstitutions des biomasses resteront lentes.
Les causes de diminution des stocks
Nous avons vu que l’extension de la surface agricole utile a concerné
20 000 ha entre 1991 et 2002, soit sans doute nettement plus que l’extension
des habitations et des infrastructures pour laquelle nous ne connaissons pas
de chiffre global. Dans les deux cas, les défrichements se sont probablement
faits au détriment de savanes ou de forêts dégradées et non de forêts denses,
sans qu’il soit possible de le préciser.
En forêt naturelle, l’exploitation a toujours été de type sélectif, quatre
espèces représentant 80 % de la production (tamanou, houp, kaoris, « hêtre »).
On estime que, depuis la Seconde Guerre mondiale, l’exploitation forestière
a parcouru 40 000 à 50 000 ha pour un prélèvement sélectif de 15 à 20 m3/ha
de grumes (volume fûts). La diminution des stocks de biomasses par ha en
forêt naturelle durant les dernières décennies pourrait avoir atteint de l’ordre
de 50 t de matière sèche (25 t de carbone). Mais on ne dispose pas de mesures
réelles.
Dans la décennie 1980, 700 à 900 ha étaient exploités annuellement
pour une production totale d’environ 14 000 m3 grumes. On peut donc penser
Les variations de stocks de carbone
que depuis les inventaires qui ont permis d’évaluer les valeurs de biomasse
sur pied (cf. tableau 5, p. 177), environ 20 000 ha de forêts ont été exploités,
et que, sur cette superficie, les valeurs de référence mentionnées pour la
forêt dense ont pu être substantiellement diminuées d’environ 25 %. Mais
tout cela reste très approximatif.
Le système des PTE n’a pas réussi à garantir la pérennité des prélèvements
et des inquiétudes ont été exprimées concernant la résilience des écosystèmes
de montagne calédoniens. De fait, aucun site exploité au cours des 3040 dernières années n’a fait l’objet d’une seconde coupe. L’inventaire
postexploitation du chantier-pilote de l’Aoupinié (Province Nord) aboutit à des
conclusions assez pessimistes, malgré un niveau de préparation et de suivi
des travaux qui se voulait supérieur à la pratique courante. Cette étude menée
en 1996 constate, pour un taux de prélèvement conforme à la moyenne
calédonienne, une dégradation sanitaire des arbres réservés, l’absence de
croissance significative en volume de ces derniers après exploitation, l’envahissement par les espèces héliophiles (23 % de la surface) qui bloque la
régénération des espèces recherchées, et des signes nets d’érosion sur les
pistes (6 % de la surface). Cette prise de conscience conjuguée au contexte
socio-économique (malgré une subvention des travaux), mène à un déclin
de l’activité qui semble inexorable. En Province Sud, l’exploitation de la forêt
naturelle sera d’ailleurs arrêtée en 2012.
L’influence de la récolte en forêt naturelle sur les variations de stocks de
carbone est donc en train de devenir négligeable. La reconstitution de la
biomasse dans les zones anciennement exploitées pourrait peut-être conduire
à un accroissement de leurs stocks.
Des modifications de régime d’El Niño dans la zone Pacifique pourraient
aussi renforcer la fréquence des périodes et années sèches, ce qui pourrait
accroître les risques de propagation des incendies. Les recherches en cours
(projet ANR INC) devraient améliorer les connaissances sur les causes et les
risques de feu.
L’extension des surfaces minières
Dans la zone géologique ultrabasique, convoitée pour l’exploitation du
nickel, une grande partie de la superficie forestière subsistante est grevée par
des concessions minières (environ 30 % de la superficie des forêts situées sur
259
260
L’énergie dans le développement de la N.-C.
le domaine de Nouvelle-Calédonie). En l’absence d’information plus précise
sur le rythme de défriche dans les concessions, on peut faire l’hypothèse
que les 20 000 ha dégradés par l’exploitation minière l’ont été au cours des
50 dernières années, ce qui ferait un rythme annuel d’environ 400 ha.
CONSÉQUENCES PAR RAPPORT AUX ENGAGEMENTS
DEMANDÉS AUX PAYS DE L’ANNEXE I SOUS LA CONVENTION CLIMAT
ET SOUS LE PROTOCOLE DE KYOTO
Nous retenons l’hypothèse que, conformément à son revenu par habitant,
la Nouvelle-Calédonie relève des pays « industrialisés » de l’annexe I. Le raisonnement qui suit se place dans l’hypothèse d’une éventuelle mise en
conformité de la Nouvelle-Calédonie par rapport aux exigences de la
Convention et surtout du protocole de Kyoto.
L’article 4.1a de la Convention relatif aux inventaires des émissions de
gaz à effet de serre précise qu’il faut recenser toutes les émissions par les
sources et tous les prélèvements par les puits. Considérées dans le cadre de
la France, ces variations de stocks de carbone en forêt néo-calédonienne
seraient faibles. Ce n’est donc pas une source « clef » dont il faut prioritairement améliorer la connaissance lorsque l’on considère ces émissions dans
l’ensemble « France plus DOM, plus COM et plus Nouvelle-Calédonie ».
Mais il faudrait tout de même les recenser plus précisément si les émissions
de la Nouvelle-Calédonie devaient être considérées séparément.
Sous le protocole de Kyoto
Il faut ici bien distinguer les variations de stocks sous l’article 3.3 (dont la
prise en compte est obligatoire dès la première période d’engagement), des
variations sous l’article 3.4. Sous ce dernier, la France n’a retenu que le volet
forestier, mais la prise en compte était facultative et à géométrie variable lors
de cette première période. La comptabilité est aussi particulière.
Article 3.3 :
« Les variations nettes des émissions de gaz à effet de serre par les sources
et l’absorption par les puits résultant de l’activité humaine directement liée
Les variations de stocks de carbone
au changement d’affectation des terres et à la foresterie et limitées au
boisement, au reboisement et au déboisement depuis 1990, variations qui
correspondent à des variations vérifiables des stocks de carbone au cours de
chaque période d’engagement, sont utilisées par les parties visées à l’annexe I
(par les pays industrialisés), pour remplir leurs engagements (de limitation et
de réduction des émissions de gaz à effet de serre) prévus au présent article.
Les émissions des gaz à effet de serre par les sources et l’absorption par les puits
associées à ces activités sont notifiées de manière transparente et vérifiable
et examinées conformément aux articles 7 et 8. »
Tout pays de l’annexe I ayant pris des engagements sous le protocole de
Kyoto a l’obligation de faire ce bilan de carbone pour la période 2008-2012.
On peut comptabiliser les accroissements de stocks des boisements d’origine
directement humaine de terres non forestières effectués depuis 1990.
Au débit du bilan, défini par l’article 3.3, il faut noter la diminution des
stocks de carbone, entre 2008 et 2012, résultant de l’extension urbaine ou
de la création d’infrastructures, du défrichement pour raisons agricoles et de
l’extension des surfaces d’exploitation minière.
Au crédit du bilan, il faut relever les augmentations des stocks de
carbone, mais seulement entre 2008 et 2012, dans les boisements sur terres
agricoles, à partir de 1990, et dans les boisements des terrains miniers qui
n’étaient plus considérés comme des forêts en 1990 (c’est-à-dire qui ont été
défrichées avant et non reboisées avant 1990). Remarquons que l’essentiel
des reboisements réalisés depuis 1990 l’a sans doute été sur des terrains
publics non agricoles, même s’il s’agissait probablement de végétation
dégradée. Ces boisements ou reboisements ne peuvent donc être considérés
sous l’article 3.3.
La date de référence concernant l’affectation officielle des terres est
1990, ce qui pose le problème fondamental, en Nouvelle-Calédonie, d’absence
d’informations pouvant faire référence concernant l’affectation des terres à
cette date. L’exploitation fine des résultats du recensement agricole pourrait
être utile. Encore faudrait-il pouvoir montrer que ce qui a été recouvert d’une
couverture végétale n’est pas le résultat d’un abandon des terres, mais de réels
boisements.
Le revégétalisation des terrains miniers, entre 1990 et 2008, n’a sans
doute pas toujours abouti à la création d’une végétation pouvant déjà être
261
262
L’énergie dans le développement de la N.-C.
considérée comme forestière. Mais cela importe peu si, à terme, ces végétations remplissent les critères de la FAO de définition de la forêt. Cependant,
si on estime que cet accroissement de stock entre 2008 et 2012 est trop faible
pour mériter d’être mesuré précisément, il suffira simplement de l’ignorer.
Dans le cas de la Nouvelle-Calédonie, il faudra probablement s’attendre à
un bilan négatif (diminution nette des stocks comptabilisés sous l’article 3.3),
principalement sous l’effet des défrichements agricoles, miniers et urbains.
Il faudra donc mesurer les stocks de carbone des surfaces qui seront défrichées
entre 2008 et 2012 (ou au cours des périodes d’engagement qui suivront,
après 2012).
Article 3.4 :
« Avant la première session de la conférence des parties (…) chacune des
parties visées à l’annexe I fournit à l’Organe subsidiaire du Conseil scientifique
et technologique, pour examen, des données permettant de déterminer le
niveau de ses stocks de carbone en 1990 et de procéder à une estimation
des variations des stocks de carbone au cours des années suivantes. À sa
première session, ou dès que possible par la suite, la Conférence des Parties
(…) arrête les modalités, règles et lignes directrices à appliquer pour décider
quelles activités anthropiques supplémentaires ayant un rapport avec les
variations des émissions par les sources et de l’absorption par les puits des
gaz à effet de serre dans les catégories constituées par les terres agricoles et
le changement d’affectation des terres et la foresterie doivent être ajoutées
aux quantités attribuées aux Parties visées à l’annexe I ou retranchées de ces
quantités et pour savoir comment procéder à cet égard, compte tenu des
incertitudes, de la nécessité de communiquer des donnes transparentes
et vérifiables du travail méthodologique du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’Évolution du Climat, des conseils fournis par l’Organe subsidiaire de Conseil scientifique et technologique conformément à l’article 5 et
des décisions de la conférence des Parties. Cette décision vaut pour la
deuxième période d’engagement et pour les périodes suivantes. Une partie
peut l’appliquer à ses activités anthropiques supplémentaires lors de la
première période d’engagement pour autant que ces activités aient eu lieu
depuis 1990. »
Les variations de stocks de carbone
Cet article définit des dispositions facultatives jusqu’à la fin de la première
période d’engagement, donc jusqu’en 2012, qui devraient devenir contraignantes ensuite. Par rapport à l’article précédent, elles offrent, dès 2008 et
pour les pays de l’annexe I, la possibilité de bénéficier de quelques crédits de
carbone supplémentaires (attention, dans certaines limites seulement et
avec des comptabilités particulières ; le lecteur intéressé ne souhaitant pas se
tromper est invité à lire « Les émissions et les réductions de gaz à effet de
serre en Nouvelle-Calédonie » et « L’insertion internationale de la NouvelleCalédonie » dans le CD-ROM). Encore faut-il que le bilan soit avantageux
pour le pays, ce qui n’est pas toujours le cas. C’est ainsi que le Canada n’a
pas retenu la gestion forestière sous l’article 3.4, car les stocks moyens de
carbone de ses forêts risquaient de diminuer entre 2008 et 2012.
Seulement une petite fraction de cet accroissement des forêts (une valeur
d’environ 15 %) peut être prise en compte dans la comptabilité pour la première
période d’engagement. On ne sait pas encore comment cette proportion
sera modifiée après 2012. Cette option permet éventuellement de compenser
un bilan de carbone négatif sous la comptabilité de l’article 3.3.
Il est fort possible, mais pas certain, que l’accroissement des forêts existantes en Nouvelle-Calédonie sur la période considérée soit positif, compte
tenu de la production des plantations anciennes (d’avant 1990) et, surtout,
du ralentissement progressif de l’exploitation forestière. On peut penser que
les 50 000 à 60 000 ha exploités durant les 50-60 dernières années (près de
20 % de la surface totale des forêts denses) soient dans une logique de
reconstitution et de recapitalisation lente de la biomasse. Cet accroissement peut
aussi être annulé par la dégradation de la forêt dense par des processus qui
ne relèvent pas de l’exploitation forestière formelle. Compte tenu de l’absence
d’informations précises, il ne s’agit que de pistes de réflexion.
Pour aller plus loin, il faudra déterminer les variations de stocks des forêts
existantes (hors 3.3) par une procédure d’inventaire conforme aux demandes
de la Convention sur le climat et du protocole de Kyoto.
Cet article 3.4 concerne aussi les réductions d’émissions de GES résultant
notamment de la gestion et de la croissance des forêts non considérées sous
l’article 3.3, des cultures et des prairies, et de la revégétalisation. Elles ne
sont pas considérées ici, mais seulement dans « L’insertion internationale de
la Nouvelle-Calédonie » sur le CD-ROM.
263
264
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Considérées dans l’ensemble français, les variations de stocks en
Nouvelle-Calédonie sont relativement mineures. En revanche, quand elles
sont considérées isolément de l’ensemble français, les conséquences sous la
comptabilité de Kyoto sont différentes. Les mesures doivent alors être plus
précises notamment pour éviter des débits sous l’article 3.3 dès 2008 et sans
doute aussi, à partir de 2012, sous l’article 3.4, si sa prise en compte devenait
obligatoire comme le cours des négociations le laisse prévoir.
La situation de la Nouvelle-Calédonie est, à première vue, apparemment
paradoxale : ses obligations sont celles d’un pays relevant de l’annexe I, alors
que son système d’information sur l’occupation du sol, et plus précisément
sur les ressources forestières, est peu développé. Cela peut s’expliquer dans
une large mesure par l’absence de réels intérêts industriels de la forêt. Il
n’empêche que, sur le territoire métropolitain, des forêts guère rentables
(méditerranéennes, montagnardes) sont inventoriées par l’Inventaire forestier
national (IFN) au même titre que des boisements nettement plus productifs.
Mais on ne peut pas ignorer les coûts supplémentaires que cela engendre.
Les perspectives post 2012 sous le protocole de Kyoto
Pour cela, la logique d’inventaire doit être cohérente avec les principes
définis par le Giec en 2006. Mais les précisions exigées dépendent des
périmètres considérés. Compte tenu de la faible expérience des opérations
d’inventaire en Nouvelle-Calédonie, les réflexions générales de l’ouvrage
GOFC-GOLD (2008) peuvent être une source d’inspiration même s’il n’offre
pas de solution « clés en main ». L’expertise de l’IFN pourrait certainement
être sollicitée de façon régulière dans la période de construction et de
lancement des protocoles de mesures et de suivi. Pour satisfaire de façon
efficace les obligations d’inventaire et de suivi des surfaces forestières et
des stocks de carbone, il est souhaitable de retenir une approche à deux
niveaux qui couplerait nécessairement l’observation par télédétection avec
des mesures au sol pour la vérification de l’approche de télédétection
(vérité-terrain) et la prise de mesures complémentaires. Il faut cependant
signaler que pour l’article 3.3 les approches par télédétection ne sont pas
suffisantes : il faut en effet pouvoir déterminer dans quel ensemble ces
variations de stocks ont lieux, par exemple si les boisements ont été réalisés
ou non sur des terres agricoles.
Les variations de stocks de carbone
LES INVENTAIRES POUR DÉTERMINER LES VARIATIONS DE STOCKS
Les enjeux de la cartographie pour le suivi
Ils consistent à définir une nomenclature des divers types de végétation,
qui puisse être appliquée sous forme cartographique de façon cohérente,
dans l’espace et dans le temps, et qui soit en adéquation avec les moyens
d’observation qui pourront être mobilisés de façon récurrente. Pour la
première période d’engagement sous le protocole, il faudrait disposer
d’informations pour une période de cinq ans, par exemple entre 2008 et
2012, soit directement soit par interpolation entre des inventaires réalisés
avant 2008 et en 2012.
Cette nomenclature devra intégrer la dichotomie fondamentale entre
« forêt » et « non-forêt », selon la définition qui sera officiellement adoptée par
la Nouvelle-Calédonie, et permettre des subdivisions raisonnables à l’intérieur
de ces deux classes pour qualifier les changements d’affectation des terres, et
quantifier leurs conséquences en termes de capture et de stockage de carbone.
À l’intérieur de la classe « forêt », les subdivisions devront constituer des
strates d’échantillonnage pertinentes par rapport aux campagnes de mesures
au sol qui viseront à l’estimation de la biomasse et du carbone. Enfin, la
« dégradation », au sens de la baisse des stocks de carbone sur des terres
restant dans la classe « forêt », devra pouvoir être évaluée par des variations
de surfaces entre sous-classes « forestières » de la cartographie avant d’être
affinée par des informations de terrain.
Le rôle de l’observation spatiale aérienne ou satellite :
intérêts et contraintes des différentes techniques
et des diverses sources d’information
Compte tenu des objectifs, une dichotomie fondamentale existe entre
informations spatiales à résolutions moyenne, à haute (pixels de l’ordre de
10-20 m ou plus) et très haute (pixels d’une taille effective inférieure à 4-5 m).
Ces valeurs s’entendent pour des « images » optiques multispectrales, c’està-dire donnant des informations dans plusieurs canaux du spectre visible et
un à deux canaux du spectre infrarouge.
La photographie aérienne moderne, par exemple telle que fournie par
l’IGN à partir des années 1970, possède un grain suffisamment fin pour relever
265
266
L’énergie dans le développement de la N.-C.
de la très haute résolution, que l’interprétation finale soit visuelle ou semiautomatique, après numérisation. L’information correspondant au procheinfrarouge, importante pour la caractérisation des variations de végétation,
n’est, par contre, pas toujours présente : les photographies livrées par l’IGN
à l’IFN comportent cette information, alors que les couvertures IGN de la
Guyane côtière n’y donnent pas accès. En mode panchromatique, les images
satellitaires à très haute résolution (THR) autorisent aujourd’hui une qualité
d’interprétation visuelle se rapprochant de celle obtenue à partir de photographies aériennes.
Selon GOFC-GOLD, des coûts de 0,1 à 0,5 $/km2 et de 2 à 40 $/km2 sont
avancés, respectivement pour une couverture HR et THR (ou photographies
aériennes). La différence de coût est donc sensible. Cependant, il ne semble
pas qu’une information de type HR puisse correspondre aux besoins et aux
conditions propres de la Nouvelle-Calédonie considérée isolément dans un
périmètre restreint (18 000 km2), au couvert végétal très varié pour des raisons
à la fois naturelles et humaines. À noter néanmoins que la Guyane côtière,
d’une superficie comparable à celle de la Nouvelle-Calédonie, fait l’objet
d’une couverture aérienne (IGN) relativement régulière. Dans le contexte des
DOM-COM, l’acquisition de données THR n’est donc pas irréalisable dans
une logique d’actualisation cartographique décennale.
Pour le futur, des pistes existent concernant une estimation directe de la
biomasse à partir de données de télédétection radar, en particulier sur la
base du satellite radar japonais Alos de l’Agence spatiale japonaise et du
programme Alos Kyoto & Carbone initiative. La gamme des valeurs de biomasse
épigée (AGB) observées, qui n’excèdent pas substantiellement 200 t/ha,
laisse à penser que les problèmes de saturation de ce type de signal ne seraient
peut-être pas rédhibitoires pour une application en Nouvelle-Calédonie.
Cependant, une étude de préfaisabilité serait nécessaire et imposerait des
travaux de calibration par rapport à des biomasses mesurées au sol.
Les mesures récurrentes au sol et le suivi de la croissance des arbres
Bien menée, l’observation spatiale peut permettre le suivi des changements
d’affectation des terres et la cartographie diachronique de sous-classes à
l’intérieur de la classe « forêt ». Elle ne peut permettre, à elle seule, de réaliser
des mesures de stocks carbone dans ces différentes classes (flux), ni même
Les variations de stocks de carbone
donner des valeurs précises de leurs biomasses épigées moyennes (stocks).
Pour cela, il est nécessaire de réaliser des inventaires de terrain selon un plan
de sondage systématique dans l’espace et de façon répétée dans le temps
(cycle d’inventaire).
Les points de sondage permettent de vérifier sur le terrain l’interprétation
réalisée à partir des documents de télédétection et, surtout, donnent lieu à
un inventaire des arbres présents sur une surface de référence (placette), à
leur identification botanique et à leur mesure au travers d’une variable simple,
le diamètre du tronc. Il s’agit d’une approche classique d’inventaire forestier
qui pourra s’inspirer, moyennant des ajustements à de nouvelles finalités, des
protocoles qui ont été utilisés par le passé en Nouvelle-Calédonie (inventaire
de 1975, inventaires locaux des années 1980-1990). La visite des points
de sondage sur le terrain peut être l’occasion d’un relevé d’informations
supplémentaires concernant la végétation et le milieu.
Des mesures plus lourdes doivent être envisagées sur un sous-ensemble
de placettes de terrain pour établir un système de relations allométriques
permettant, in fine, l’estimation de la biomasse épigée totale d’un arbre à
partir de la mesure de son diamètre. De telles relations sont actuellement
inexistantes pour la Nouvelle-Calédonie, mais elles peuvent être construites
directement ou indirectement. Comme il s’agit de mesures destructrices,
nécessitant abattage et tronçonnage des arbres, il pourrait être intéressant
de profiter de l’opportunité des quelques chantiers d’exploitation encore en
cours, même s’il faudra probablement rééquilibrer la logique d’échantillonnage
pour mieux couvrir la diversité des forêts de Nouvelle-Calédonie. En l’absence
de technique simple et opérationnelle de mesures à posteriori de la croissance
des arbres tropicaux, la caractérisation de la croissance demande que des
superficies de référence (« placettes de croissance permanentes ») soient
suivies durablement. Celles-ci devront être localisées de façon à couvrir les
principales classes de formations forestières, y compris dans les plantations.
L’ensemble de ces travaux, nécessaires au suivi des variations de stocks
de carbone dans la végétation forestière, ne pourra être mené qu’avec la mise
en place d’une cellule d’inventaire des « ressources forestières » qui n’existe
pas aujourd’hui. Cette cellule pourrait être composée de trois à quatre
agents permanents pour les travaux de terrain et d’un à deux agents pour
les travaux relevant de la cartographie, pour ces derniers en relation étroite
avec la DTSI. Au-delà de la mise en conformité avec les engagements de la
267
268
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Convention sur le climat, les résultats régulièrement obtenus par une cellule
pérenne d’inventaire contribueraient utilement à la gestion des ressources
forestières menées par les services techniques des Provinces. Comme c’est le
cas en métropole, ils pourraient aussi constituer une contribution utile à la
caractérisation des habitats et à la conservation des biotopes.
LE STOCKAGE DE CARBONE DANS LE BOIS DES CONSTRUCTIONS
L’augmentation du stock de carbone dans les constructions n’a, pour le
moment, pas encore été retenue. Mais on peut inventorier les variations de
stocks sous la Convention. Il est cependant difficile de les déterminer avec
une précision suffisante.
CONCLUSIONS – RECOMMANDATIONS
Les quantités de carbone en jeu dans le domaine
de l’utilisation des terres et de la foresterie
ne peuvent couvrir ce qui sera émis par la métallurgie
Bien qu’il soit difficile, en l’absence de données précises pour la NouvelleCalédonie, d’indiquer quel est le bilan de carbone au sens du protocole de
Kyoto, il semble néanmoins utile de situer les enjeux par rapport aux autres
sources d’émission de GES sur le Territoire.
Supposons que le bilan des émissions sous l’article 3.3 soit égal à zéro
pour la période d’engagement considérée, par exemple entre 2008 et 2012,
ou entre 2012 et 2020. Cela revient à considérer que le déstockage de carbone
dû aux défrichements de forêts serait compensé par des augmentations de
stocks de carbone dans des boisements de terres agricoles effectués depuis
1990. C’est une hypothèse sans doute trop optimiste, compte tenu de la
faiblesse du niveau des boisements de terres agricoles, mais nous la retenons
provisoirement.
Supposons que l’accroissement moyen annuel des forêts de NouvelleCalédonie, dont les sols sont relativement peu favorables, puisse atteindre
Les variations de stocks de carbone
1 t de carbone par ha (2 t de MS/ha ou 4 m3 de bois « commercialisable »), ce
qui est vraisemblablement optimiste, et capter ainsi 3,67 t CO2 par ha pendant
un certain nombre d’années. En prenant les règles de comptabilité sous
l’article 3.4, cela conduirait à l’octroi de 0,55 t de CO2 par ha. La production
de nickel émettant environ 20 t de CO2 par tonne, il faudrait environ 36 ha
de forêts pour compenser les émissions d’une tonne de nickel. La production
de 200 000 t de nickel contenu demanderait alors 7,2 millions d’ha, chiffre
qui excède évidemment largement la superficie du territoire de la NouvelleCalédonie. En supposant que les règles de comptabilité changent en 2012 et
qu’on puisse prendre en compte non plus 15 %, mais 50 % de l’augmentation
des stocks de carbone en forêts (ce qui est peu probable, car cela mettrait
en péril, dans de nombreux pays, les activités liées à l’exploitation et à la
transformation du bois), il faudrait encore une surface d’environ 11 ha de
forêt par tonne de nickel, soit 4,4 millions d’ha au total.
En d’autres termes, même avec des hypothèses d’accroissement des
stocks de carbone et de comptabilisation très favorables, les forêts de la
Nouvelle-Calédonie ne pourront compenser les émissions que d’une petite
partie de la production actuelle de nickel.
Comme les augmentations de stocks de carbone, que l’on peut prendre en
compte sous l’article pour les forêts, sont plafonnées par une valeur forfaitaire
que l’on ne peut renégocier (environ 15 % des augmentations annuelles qui
avaient été prévues en 2000 pour la période 2008-2012, toute augmentation
supplémentaire des stocks de carbone en forêt n’apporte donc pas de crédits
carbone supplémentaire. En revanche, sous l’article 3.3, les débits continueraient
à être comptabilisés.
Quelques recommandations
relatives aux relations entre forêts et GES
en Nouvelle-Calédonie
Dans l’ensemble français comprenant la Nouvelle-Calédonie, c’est la France
qui fournit les informations demandées aux Nations unies.
269
270
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Si les inventaires des émissions de GES de la Nouvelle-Calédonie devaient
être fournis uniquement pour ce territoire, les priorités dans les précisions de
mesures à augmenter prioritairement pourraient changer et de nouvelles
mesures, parfois relativement coûteuses, pourraient alors s’imposer.
Pour le moment, la Nouvelle-Calédonie n’a pas d’obligations sous le
protocole de Kyoto. Si elle désirait adhérer au protocole, via la France, elle
devrait réaliser les inventaires imposés sous l’article 3.3 et l’article 3.4, même
si les contributions des variations de stocks de carbone au bilan de GES
restent minimes.
Pour l’article 3.3, on pourrait sans doute se contenter de recenser les
diminutions de stocks résultant des déboisements de terrains miniers, pour
l’urbanisme et pour l’augmentation des surfaces agricoles. Les augmentations
de stocks dues aux boisements des terres agricoles pourraient sans doute
être négligées. On aurait ainsi un bilan sans doute un peu moins favorable
qu’en mesurant tout, mais sans doute beaucoup plus facile à réaliser et
beaucoup moins coûteux.
Pour l’article 3.4, il faudrait faire des mesures de variations de stocks de
carbone en forêts restant forêts, mais compte tenu du fait que la France a de
la marge (elle n’utilise pas toutes les augmentations de stocks réalisées dans
les forêts) il suffirait de faire des mesures d’accroissement des stocks avec un
faible taux de sondages. On pourrait alors facilement montrer, même en cas
d’accroissement négligeable des stocks de carbone en Nouvelle-Calédonie,
que cela n’a pas d’incidence notoire sur les engagements de la France en y
incluant la Nouvelle-Calédonie. En cas de diminution des stocks, il faudrait
être un peu plus précis, mais surtout déterminer des valeurs peut-être par
excès, pour bien montrer que l’augmentation des stocks sous l’article 3.4, en
France, reste toujours au-dessus de la valeur z (c’est-à-dire au-dessus des
15 % d’augmentation des stocks prévus en 2000 pour 2010). Tant que
l’augmentation du stock reste supérieure à la valeur z, cela ne changera rien
au bilan final.
Comme la France a pris en compte dès 2008 le volet « forêt » de l’article 3.4,
on pourrait sans doute, sauf modification du protocole d’ici à 2012, satisfaire
aux articles 3.3 et 3.4 dès 2012. Il suffirait donc simplement de recommander
la mise en place de mesures un plus précises qu’aujourd’hui, tendant à se
Les variations de stocks de carbone
rapprocher progressivement du niveau de précision des mesures demandé
par les Nations unies.
Si la Nouvelle-Calédonie désirait prendre des engagements de nature
différente, par exemple de manière autonome, comme envisagé dans l’un des
scénarios examinés dans « Linsertion internationale de la Nouvelle-Calédonie »,
il faudrait sans doute qu’elle se dote de moyens de mesures plus performants,
pour évaluer les variations de stocks de carbone, notamment dans ses forêts.
En conclusion, nous sommes conduits à faire les recommandations
suivantes :
réaliser une étude prospective sur les utilisations agricoles et forestières
des terres envisageables théoriquement et réalisable économiquement, pour
le développement durable en Nouvelle-Calédonie. Cela implique d’identifier
les potentialités d’augmentation des productions agricoles et forestières à
des fins alimentaires et non alimentaires ainsi que les stations où l’on pourra
augmenter les stocks de carbone en étant raisonnablement capable de les
protéger. Cette question mérite d’être clarifiée par les institutions locales, et
pourrait être pilotée par exemple par l’IAC (Institut agronomique calédonien) ;
mettre en place un service forestier capitalisant les informations et
capable de passer des commandes pour la réalisation d’inventaires forestiers
suivant les besoins de la Convention et du protocole et des divers autres
conventions environnementales. Ce service doté devrait être pourvu de
moyens adéquats pour compléter les inventaires par télédétection par des
travaux de terrains ;
pour une gestion et un développement durable des ressources
forestières et contribuer ainsi de façon modeste à l’amélioration du bilan
GES de la Nouvelle-Calédonie, nous recommandons :
– d’augmenter, si possible, l’effort de plantation de bois d’œuvre récoltable
en fin de cycle : sur la base des araucariacées locales, même si les surfaces
reboisées ne seront sans doute pas très étendues (quelques milliers d’ha).
Pour cela, il y a nécessité de rebâtir une cellule de recherche forestière
appliquée, en relation étroite avec les services des Provinces et la mise en
place de politiques forestières volontaristes ;
– de reconstituer des stocks dans les forêts naturelles plus ou moins
dégradées, si possible par des méthodes de régénération peu coûteuses par
271
272
L’énergie dans le développement de la N.-C.
hectare, par exemple des semis directs de graines pré-germées. Cela impliquera
la mise au point de nouvelles techniques, donc des programmes de recherche
bien orientés vers cet objectif ;
– de tenter de lutter plus efficacement contre les feux, en particulier pour
protéger les formations forestières denses des risques de dégradation à partir
des savanes ou des formations ouvertes. C’est une tâche difficile, surtout en
l’absence de valorisation économique des forêts. Il faut donc faire prendre
conscience aux populations que protéger les forêts c’est aussi lutter contre
le changement climatique.
La mise en œuvre de ces recommandations ne permettra certes pas de
modifier notablement le bilan des émissions et du captage de CO2, mais elle
pourra avoir des bénéfices connexes pour l’aménagement du territoire et la
protection de la biodiversité du cycle de l’eau, etc.
L’intérêt des productions des biomasses pour l’énergie est également
souligné dans « Les nouvelles technologies en matière de production et de
stockage d’énergie », p. 115.
Considérations sur les réductions d’émissions,
notamment via le stockage,
et recommandations pour la Nouvelle-Calédonie
LES ACTIONS À ENVISAGER
POUR STABILISER LES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE
Pour stabiliser les concentrations de CO2 à l’échelle de la planète, il faut
évidemment agir à divers niveaux :
mieux maîtriser l’énergie, notamment promouvoir des économies
d’énergie26 ;
accroître, quand cela est possible, la sobriété en énergies fossiles ;
utiliser les meilleures technologies disponibles pour les activités émettrices de CO2. ;
recourir aux biomasses végétales renouvelées dans la production
d’énergie, afin de remplacer des combustibles fossiles ;
recourir aux autres énergies renouvelables (énergies éoliennes, marémotrices, hydrauliques, photovoltaïques, géothermiques, nucléaire, etc.) à
très faibles exigences territoriales et n’entrant pas en compétition avec
l’usage des terres pour les productions alimentaires ou forestières ;
augmenter les stocks moyens de carbone en forêts ;
recourir, quand cela sera possible, à des coûts économiquement
acceptables, au stockage géologique de CO2 issu des combustibles fossiles
et des biomasses.
À condition que cela ne se fasse pas au détriment de l’efficacité territoriale dans les productions
de phytomasse.
26
274
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Les rapports du Giec font tous les cinq ou six ans, depuis 1990, le point sur
l’état des connaissances en matière de réduction des émissions de GES dans
les différents secteurs (énergie, industrie, transport, habitat, agriculture, déchets,
utilisations et changements d’utilisation des terres et forêts). Des rapports
spéciaux font également le point sur l’état des connaissances sur des sujets
particuliers, comme la séquestration géologique, les changements d’utilisation
des terres, l’aviation, les CFC et les HFC, etc. Mais il appartient ensuite aux
décideurs locaux et nationaux d’utiliser ces informations pour définir des
politiques de réduction des émissions de GES sur leur territoire et de hiérarchiser les actions à entreprendre. Pour chaque territoire, il faut notamment
identifier non seulement les réductions d’émissions les moins coûteuses et
la meilleure manière de mettre en œuvre les politiques correspondantes. Il
faut également tenir compte des capacités du tissu d’artisans et d’industriels
à assurer les suivis et les services après-vente.
Nous mentionnons ici seulement quelques conditions et pistes, pour atteindre cet objectif, discutées dans cette partie. Ce travail est donc à compléter par
des équipes locales néo-calédoniennes connaissant bien le terrain.
LE SUIVI DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE
Hors prise en compte des changements d’utilisation des terres, les émissions
de la Nouvelle-Calédonie et des COM ont augmenté de 63,5 % (+ 1,8 million
de tonnes d’équivalent CO2), entre 1990 et 2007, et l’essentiel de cette augmentation est attribuable à l’augmentation des émissions de gaz carbonique
(+ 1,7 Mt), c’est à dire à l’industrie, aux transports et à la production d’électricité.
L’augmentation de ces émissions de même que celles des CFC et des HFC
est donc à surveiller.
Pour le respect des engagements sous le protocole de Kyoto, l’augmentation
de la précision des mesures dépend de l’ensemble considéré.
LA RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE D’ORIGINE FOSSILE
Pour les émissions de GES d’origine fossile, les approches sont assez simples
et pratiquement toutes connues depuis 1992. Les productions d’électricité
de la Nouvelle-Calédonie sont assez intensives en carbone compte tenu du
Pour réduire les émissions de GES
fait qu’on y utilise du charbon. Mais il n’est à priori pas facile de remplacer le
charbon par d’autres combustibles. On a vu que l’utilisation du gaz naturel,
préférable au charbon, n’est pas accessible en Nouvelle-Calédonie. Il reste
donc à étudier la possibilité de faire des économies d’énergie et de réduire
les émissions des centrales électriques et thermiques en remplaçant le charbon
par du bois importé.
Pour l’agriculture et les forêts, les approches sont un peu plus compliquées.
L’ADEME expérimente actuellement des approches territoriales avec le projet
Climaterre. Remarquons cependant que l’augmentation des productions de
biomasses ligno-cellulosiques en Nouvelle-Calédonie reste extrêmement mal
cerné et est sans doute limitée. La production de matières végétales pour
l’énergie dans les pays qui importent une part non négligeable de leur alimentation ne devrait en général être envisagée que sur des terres inaptes à
la production d’aliments ou de bois d’œuvre. Les produits alimentaires
importés génèrent en effet aussi des GES. Il n’est donc pas évident, sauf
pour la comptabilité actuelle des émissions de GES de la CCNUCC, que la
production locale de bioénergie se traduise par de vraies réductions d’émissions
de GES au niveau planétaire. Peut-être vaudrait-il mieux développer d’abord la
production agricole locale. Il faut donc réaliser une étude prospective sur les
utilisations agricoles et forestières des terres non seulement théoriquement
envisageables mais aussi réalisables économiquement, pour le développement
durable en Nouvelle-Calédonie.
À court terme, la détermination des possibilités d’augmentation des stocks
moyens de carbone dans les forêts de Nouvelle-Calédonie paraît indispensable,
à la fois pour la Convention climat, pour le protocole de Kyoto et, sans
doute également, pour la période post 2012, pour laquelle on ignore encore
les modalités d’application. Mais selon qu’on voudra utiliser ces informations
dans l’ensemble français ou uniquement à l’échelle de la Nouvelle-Calédonie,
la précision des mesures demandées (donc les coûts) ne sera pas identique. Elle
dépendra notamment des comptabilités qui seront retenues sous l’article 3.4
du protocole pour la période post 2012 et des engagements, évoquées dans
« L’insertion internationale de la Nouvelle-Calédonie », que pourrait prendre la
Nouvelle-Calédonie. Dans tous les cas, il serait utile qu’un ingénieur forestier
et des techniciens soient chargés du suivi de ces inventaires afin de pouvoir
prendre, le moment venu, les décisions qui s’imposent dans le contexte local,
français ou international.
275
276
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Le stockage géologique
Entre notamment dans cette catégorie le stockage géologique du CO2
dans les puits de pétrole et dans les aquifères salins. On sait déjà utiliser du
CO2 pour la récupération assistée du pétrole par injection de CO2 dans les
puits de pétrole. On sait aussi stocker les émissions dans les aquifères salins.
Il faudra encore quelques vérifications techniques, notamment pour pouvoir
garantir que les fuites de CO2 seront minimes et, surtout, mettre en place
un accompagnement législatif pour rendre ces opérations acceptables.
Le stockage géologique du CO2 dans les basaltes et les péridotites est
moins avancé que le stockage géologique dans les aquifères salins. Il faut donc
dans un premier temps des compléments de recherche. Toutes ces solutions
sont encore trop coûteuses et aujourd’hui on ne sait pas laquelle sera, d’ici
à dix ans, la plus performante. Les différences actuellement signalées ne
sont pas de nature à favoriser une voie plutôt qu’une autre.
Les promoteurs de la séquestration géologique de l’AIE et certains
professionnels estiment que le coût du stockage d’une tonne de CO2 se
situe actuellement entre 60 et 90 . Or, en 2008, sur le marché de l’Union
européenne, le coût de l’acquisition du droit d’émission d’une tonne de CO2
était approximativement trois fois moins élevé (15 à 20 par tonne de CO2).
On estime que le coût actuel pourrait être divisé par deux entre 2015 et
2020. Pour de nouvelles centrales électriques à charbon, le coût de la
séquestration pourrait descendre, vers 2030, jusqu’à 30-45
par tonne de
CO2. Pour les nouvelles centrales à charbon de 300 MW, équipées pour la
capture et le stockage géologique du CO2, pour les premières opérations, le
surcoût se situerait entre 0,5 à 1,1 million d’euros.
Mais si on veut pouvoir diviser les émissions mondiales de GES par deux
et permettre que le développement se poursuive, il faudra bien que les
gouvernements deviennent plus exigeants et fassent monter le prix de la
tonne de CO2 évitée. Selon certaines études japonaises, son prix devrait
même atteindre plus de 140
s’il fallait diviser les émissions par 4 dans les
pays industrialisés. Cette option ne deviendra économiquement viable et
pourra être déployée à grande échelle que lorsque le prix de la tonne de CO2
atteindra 60
et que le coût du stockage géologique aura également
atteint ce niveau. Sinon il faudra subventionner plus ou moins fortement
ces filières. En attendant, les promoteurs de cette technologie souhaitent
Pour réduire les émissions de GES
pouvoir obtenir des financements spécifiques pour une série d’opérations
pilote à mettre en œuvre, entre 2015 et 2020, y compris dans les pays en
développement. Ils aimeraient que ces opérations puissent être financées
par des prélèvements sur les ventes aux enchères des droits d’émission du
marché européen.
Dans l’immédiat, on ne voit pas comment un secteur industriel soumis à
la concurrence internationale et à des obligations de réduction des émissions
dans le cadre d’un PNAQ pourrait aujourd’hui envisager de recourir au stockage
géologique. Mais il n’est pas interdit d’imaginer que des arrangements
pourraient être obtenus : les industriels qui contribueraient financièrement à
la mise au point de cette technique pourraient, par exemple, demander à
être libérés des obligations de réduction d’émissions de CO2 ou à être exclus
du PNAQ. L’Union européenne a déjà décidé de soutenir certaines opérations
pilotes, notamment le stockage géologique des émissions d’Arcelor Mittal
en Lorraine, et trois autres opérations pilotes sont également envisagées en
France.
277
278
L’énergie dans le développement de la N.-C.
RECOMMANDATIONS
Pour le détail des recommandations exposées ci-dessous, le lecteur
pourra se reporter aux fiches de recommandations rassemblées à la fin de la
synthèse (p. 387), après la partie « Conclusion et recommandations ».
1. Créer un pôle néo-calédonien sur la maîtrise de l’énergie
et des émissions de GES
Nous recommandons la mise en place d’un pôle néo-calédonien spécialisée
dans le suivi et la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre. Le recensement
des émissions de GES pourrait être affiné, notamment s’il fallait fournir des
informations spécifiques au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Cette
cellule pourrait par exemple également quantifier, au moins approximativement,
les émissions des produits importés et consommés sur le Territoire. Certes, ces
dernières émissions ne sont actuellement pas encore prises en compte dans les
négociations internationales sur le climat, car on s’est intéressé d’abord aux
grands pays émetteurs. Mais, pour des petits territoires, la prise en compte
de ces émissions est importante quand on veut participer à la limitation du
changement climatique.
Pour plus de précisions, cf. « L’insertion internationale de la NouvelleCalédonie », p. 281.
2. Limiter aussi les émissions de GES autres que le CO2
Il paraît très important de surveiller et de limiter les émissions de CFC et
de leurs substituts, comme les HFC et les émissions de méthane.
3. Créer un pôle néo-calédonien sur la valorisation
des espaces agricoles et forestiers
et des biomasses alimentaires et non alimentaires
Il serait souhaitable de constituer un pôle se consacrant à la valorisation
agricoles forestière, par exemple appuyé et piloté par l’IAC, prenant en
considération simultanément les aspects économiques, sociaux et environnementaux (donc aussi le stockage de carbone) des production de biomasses
végétales alimentaires et non alimentaires en Nouvelle-Calédonie.
Pour réduire les émissions de GES
Il faudra également affecter un ingénieur et des techniciens au suivi des
variations de stocks de carbone en forêt, en liaisons notamment avec des
équipes extérieures spécialisées dans les inventaires par télédétection.
Et il faudrait enfin mettre en place des programmes de recherche sur des
techniques non conventionnelles pour les forestiers, de « regonflage » de la
végétation.
4. Réduire les émissions des centrales thermiques
par substitution de combustible
Il conviendrait d’étudier la possibilité de réduire les émissions de GES des
centrales électriques et thermiques en remplaçant une partie du charbon
par du bois importé. À cette fin, il faudrait d’abord réaliser une étude de
préfaisabilité, puis éventuellement une étude de faisabilité, associant le
gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, Enercal et les industriels des filières
de production de nickel. Celle-ci pourrait, par exemple, être cofinancée
partiellement par le Programme territorial pour la maîtrise de l’énergie, sur
la base d’un cahier des charges à établir conjointement avec les industriels.
5. Le stockage géologique du CO2,
après la capture du CO2 des centrales thermiques
Pour stabiliser le climat il faudra inévitablement développer les techniques
de captage et de stockage géologique du CO2.
Pour la mise au point de techniques moins onéreuses de captage de CO2
à la sortie des centrales thermiques, la Nouvelle-Calédonie devrait pouvoir
se contenter de transférer, le moment venu, les technologies qui auront été
perfectionnées ailleurs. Actuellement il suffit donc de seulement s’assurer de
pouvoir disposer auprès des centrales la place requise pour les installations
de captage et, par ailleurs, exercer une veille technologique afin de s’assurer
que les recherches, pouvant servir à des unités de la taille présente en
Nouvelle-Calédonie, sont bien menées dans d’autres pays.
Le stockage géologique en Nouvelle-Calédonie demande, en revanche,
des recherches menées localement. Le substrat géologique de la NouvelleCalédonie paraît en effet particulièrement favorable pour expérimenter des
filières originales notamment sur péridotites. Cela demande encore des
279
280
L’énergie dans le développement de la N.-C.
recherches et des mises au point. Il est donc important de recommander la
mise en place d’un programme de recherche avec notamment l’Université,
l’ANR et les industriels du nickel. La Nouvelle-Calédonie aurait aussi tout
intérêt à rejoindre le réseau CO2CRC dans lequel la Nouvelle-Zélande est
fortement impliquée également.
La mise au point de techniques applicables dans ce domaine intéresserait
non seulement la Nouvelle-Calédonie, mais également les pays les plus vulnérables aux changements climatiques, plus particulièrement les petites îles
ayant l’essentiel de leur territoire à faible altitude.
L’exportation du savoir-faire pourrait enfin se faire en particulier vers
Oman et en Papouasie Nouvelle-Guinée.
À toutes ces actions, dont nous avons volontairement restreint le nombre,
il conviendra d’affecter des moyens humains et matériels appropriés.
L’insertion internationale
de la Nouvelle-Calédonie
La présente analyse du fonctionnement des marchés régionaux de
l’énergie et des mécanismes internationaux de réduction d’émission de GES
se justifie à plusieurs titres. Tout d’abord, la dépendance durable de la
Nouvelle-Calédonie vis-à-vis des importations d’énergie nécessite une vision
prospective régionale. Ensuite, le débat sur sa position par rapport aux
émissions de gaz à effet de serre est inévitable, même s’il n’a pas été encore
ouvert du fait de son statut particulier. Enfin, une réflexion a été amorcée à
l’occasion de la préparation du schéma d’aménagement 2025, qui considère
explicitement la mondialisation et les instances d’intégration et de coopération
internationale comme une dimension indispensable pour l’avenir du territoire.
Comme la politique étrangère demeure de la compétence de l’État français,
la Nouvelle-Calédonie peut à la fois jouer de cet effet de levier que représente
la diplomatie française et, d’autre part, envisager de privilégier certains partenariats stratégiques, notamment avec les pays de la région.
Plus industrialisée que les petites îles du Pacifique, la Nouvelle-Calédonie est
beaucoup plus petite que ses voisins immédiats (Australie, Nouvelle-Zélande)
ou plus lointains (Indonésie, Philippines, Papouasie-Nouvelle-Guinée) qui
disposent de ressources d’énergie fossiles plus abondantes et, pour certains,
de fortes capacités technologiques. La problématique des gaz à effet de
serre et des changements environnementaux planétaires la place dans une
position-charnière : sujette aux évolutions climatiques qui pourraient mettre
en danger son environnement – particulièrement, les récifs coralliens et le
lagon –, elle doit se poser, comme les États industrialisés, la question de la
maîtrise de ses émissions de gaz à effet de serre.
La géopolitique de l’énergie27
DEMANDES ÉNERGÉTIQUES ET STRATÉGIES DE SÉCURITÉ
Les statistiques globales de consommation de l’énergie montrent une
croissance tirée par le grand ensemble Asie-Pacifique. La Nouvelle-Calédonie
fait partie de ce grand ensemble qui comprend les pays riverains de l’ouest
du Pacifique, la Péninsule indochinoise, l’Inde, le Pakistan et l’Océanie, mais
pas les États de l’est du Pacifique – pourtant leurs principaux partenaires
commerciaux – ni la Russie dont la façade Pacifique accueille de nombreux
projets de développement énergétiques.
Depuis la fin des années 1980, la consommation de cette grande région
a été multipliée par deux et demi, soit une croissance qui n’est dépassée que
par celle du Moyen-Orient, dont le volume total est moins important.
Autrement dit, le grand ensemble Asie-Pacifique représente les deux tiers de
l’augmentation de la consommation d’énergie mondiale, passée en vingt ans
de 7 600 Mtep à 11 000 Mtep (BP). Sa consommation de pétrole a dépassé
celle de l’Europe, en 1992, et celle de l’Amérique du Nord, en 2006. Sa
consommation totale d’énergie primaire a dépassé celle de l’Amérique du
Nord, au début des années 2000.
Cet accroissement est dû principalement au triplement de la consommation
chinoise (1 800 Mtep en 2007), les autres pays de la région connaissant aussi
d’importantes augmentations, en particulier le Japon, la Corée du Sud, la
Thaïlande et la Malaisie.
Les besoins sont couverts en premier lieu par le charbon qui représente
presque la moitié de la consommation d’énergie primaire, mais c’est le gaz
qui augmente le plus vite, même s’il ne représente en 2007 que 10 % de la
consommation. À ce niveau de généralité, les énergies renouvelables non
conventionnelles ne sont pas statistiquement significatives.
Les informations de ce chapitre proviennent des organismes internationaux (Agence internationale
de l’énergie, Apec, World Energy Council), nationaux (Energy information administration, Abare,
IFP, ministères nationaux) et d’entreprises (BP, Total) et de consultants (Oil and Gas journal,
Petroleum Economist).
27
284
L’énergie dans le développement de la N.-C.
12 000
Asie-Pacifique
10 000
Afrique
Moyen Orient
8 000
Europe et Eurasie
Amérique centrale
et sud
Amérique du Nord
6 000
4 000
2 000
0
1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007
Figure 11
Source : BP Statistical Yearbook.
Évolution de la consommation d’énergie primaire
par grands ensembles 1987-2007 (Mtep)
Ce grand ensemble est par nature divers, tant par la taille des États que
par leurs priorités en matière d’énergie. Tous partagent cependant une
préoccupation pour la sécurité de leurs approvisionnements : au développement économique énergétivore sans ressources nationales significatives du
Japon et de la Corée du Sud, s’ajoutent les demandes des pays émergents
qui posent le problème de l’accès aux ressources. D’où des situations de
concurrence, des stratégies agressives ou la recherche d’accords et de
solutions communes, bilatérales ou multilatérales.
Par ailleurs, alors que le marché mondial du pétrole s’était structuré
historiquement selon les complémentarités entre pays producteurs de
l’Opep et pays consommateurs regroupés dans l’OCDE, le grand ensemble
La géopolitique de l’énergie
4 000
3 500
Hydro
Nucléaire
3 000
Charbon
Gaz
2 500
Pétrole
2 000
1 500
1 000
500
0
1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007
Figure 12
Source : BP Statistical Review.
Les sources d’énergie primaire
pour l’Asie-Pacifique (Mtep)
Asie-Pacifique est loin d’être aussi lisible. L’Australie fait partie de l’OCDE,
mais c’est le principal exportateur d’énergie pour l’ensemble de la région ;
les alliances régionales comme l’ASEAN sont partielles et l’Apec comprend
également les États-Unis et certains pays latino-américains.
La Nouvelle-Calédonie s’inscrit en plein dans ces évolutions régionales,
à la fois par la croissance rapide de ses besoins énergétiques portée par
l’accroissement de l’activité économique et de la demande des ménages.
Comme dans les autres pays de la région, c’est le charbon qui a été choisi
pour les satisfaire. En ce sens, son modèle énergétique se rapproche, de fait,
plus de celui des économies émergentes de l’ensemble Asie-Pacifique que
de l’Europe ou des petites îles.
285
286
L’énergie dans le développement de la N.-C.
L’organisation des échanges régionaux des énergies
Malgré les efforts réalisés en exploration et production, le grand ensemble
Asie-Pacifique est relativement moins bien doté en pétrole que les grandes
régions productrices déjà connues. En 2007 comme en 1997, ce grand
ensemble représente un peu moins de 4 % des réserves mondiales et un peu
moins de 10 % de la production. Depuis dix ans, la production a reculé
en Australie et en Indonésie et a augmenté significativement en Thaïlande
et au Vietnam dont les réserves ont aussi considérablement augmenté. Des
ressources pourraient également se trouver au large de la Nouvelle-Calédonie
dans la Zone économique exclusive (ZEE) (cf. encadré).
La demande croissante de pétrole en Asie-Pacifique (East of Suez) face à
la relative médiocrité des ressources met ce grand ensemble en concurrence
avec les consommateurs européens et nord-américains (West of Suez) pour
accéder au pétrole du Moyen-Orient. Cela justifie la recherche active de
ressources pétrolières nouvelles en Asie-Pacifique, dans laquelle sont engagées
toutes les grandes compagnies internationales. Des découvertes ont été faites
en off shore, ce qui provoque différentes tensions entre États : c’est particulièrement le cas de la délimitation de la ZEE chinoise. Pour la Nouvelle-Calédonie,
les espaces les plus prometteurs se trouvent à l’ouest de la Grande Terre,
proches de la limite avec la ZEE australienne.
L’organisation des échanges de produits pétroliers est plus complexe que
celle des marchés pétroliers, puisqu’il y a un plus grand nombre de produits
répondant à des spécifications différentes. La Nouvelle-Calédonie qui ne
dispose pas de raffinerie est donc dépendante de ces disponibilités, même si
du pétrole est découvert dans sa ZEE. Qui plus est, sa demande en produits
de raffinage, dominée jusqu’à présent par la demande en fioul pour la centrale
de Prony, devrait diminuer avec la mise en service des centrales au charbon
et se réorienter vers les produits plus légers pour le transport terrestre, routier
et maritime.
Les capacités de raffinage se concentrent chez les grands pays consommateurs, particulièrement la Chine et le Japon. Les raffineries australiennes
ont interrompu leurs livraisons pour la Nouvelle-Calédonie, car elles vendent
intégralement leurs produits sur le marché australien, obligeant les importateurs
néo-calédoniens à s’approvisionner à Singapour.
La géopolitique de l’énergie
Que sait-on de la géologie de la zone,
en termes de ressources énergétiques ?
La zone économique exclusive (ZEE) de Nouvelle-Calédonie se situe entre deux
provinces pétrolières importantes faisant l’objet d’exploitation, la PapouasieNouvelle-Guinée au nord et la Nouvelle-Zélande au sud. Ces trois régions ont
un héritage géologique commun reconnu pour son potentiel pétrolier. La
Nouvelle-Calédonie et les bassins sédimentaires off shore de sa ZEE sont
sous-explorés, mais le contexte géodynamique, à l’origine des grands traits
structuraux de la Nouvelle-Calédonie, est globalement favorable à la génération
et au piégeage des hydrocarbures. Les bassins sédimentaires à potentiel pétrolier
sont de trois types :
Les bassins sédimentaires de la côte ouest de la Grande Terre sont en
position très favorable pour l’accumulation des hydrocarbures, puisque c’est
dans cette zone que l’on trouve généralement des structures géologiques
préservées susceptibles de former des pièges. Le système étudié montre qu’il
y a eu des générations d’hydrocarbures, en grande majorité du gaz, mais
qu’il reste à identifier de bons réservoirs et des pièges permettant des
accumulations de gaz susceptibles d’être commercialisées. Tout le monde
s’accorde à dire qu’il faut acquérir de nouvelles données géologiques et
géophysiques pour bien évaluer ces bassins on shore, ainsi que leurs prolongements en mer. L’IFP recommande de surcroît une exploration détaillée du
lagon ouest, qu’il considère comme un des thèmes d’exploration pétrolière
les plus intéressants. La région du Grand Passage au nord de l’île présente
le même type d’intérêt.
Le bassin sédimentaire de la Nouvelle-Calédonie : ce bassin deep off shore
contient les épaisseurs sédimentaires les plus importantes de la ZEE (jusqu’à
8 km) et a fait l’objet de nombreuses campagnes de géologie-géophysique, sans
que toutefois un forage d’exploration pétrolière ait pu être réalisé. Ces études
montrent que la partie nord du bassin de Nouvelle-Calédonie a un substratum
constitué de croûte continentale, comparable à celle de la côte ouest néocalédonienne, où l’existence d’un système pétrolier actif a été démontrée. Vu
l’ampleur du bassin et les épaisseurs sédimentaires, les quantités d’hydrocarbures
liquides et gazeux générées pourraient être assez considérables. Le problème
majeur réside dans l’importante tranche d’eau qui rend les coûts d’exploration
très élevés. Cette tranche d’eau diminue en se rapprochant de la ride de
Farway qui est une zone non moins intéressante.
[…]
287
288
L’énergie dans le développement de la N.-C.
suite
[…]
Le bassin de Farway et ses bordures : l’ouest du bassin de la NouvelleCalédonie, la ride et le bassin de Farway, puis la ride de Lord Howe, semblent
réunir eux aussi des conditions favorables à la génération et au piégeage
d’hydrocarbures. Les campagnes de géophysique Faust et ZoNéCo 5 ont
permis non seulement de confirmer l’intérêt du style structural et de l’épaisseur
sédimentaire du bassin de Farway et de ses bordures, mais aussi de mettre en
évidence la présence d’un important réflecteur sismique interprété comme la
base d’un niveau d’hydrate de gaz, d’une extension de 80 000 km2. Mais la
présence de ces hydrates de gaz reste à prouver par un forage d’exploration.
Conclusion
Il est important d’acquérir de nouvelles données géologiques et géophysiques
pour finir de bien évaluer les bassins sédimentaires on shore et leurs prolongements en mer. L’inventaire de structures géologiques pouvant piéger des
hydrocarbures, à terre, ou recouvertes par une faible tranche d’eau (lagons
ouest et nord), restent à faire. Pour la partie deep off shore, on ne pourra vraiment
se prononcer qu’à partir des premiers forages d’exploration. C’est probablement
les bordures du bassin de Farway qui seront les premières cibles d’exploration.
Ces zones, où la bathymétrie est la moins forte, semblent présenter des structures
géologiques susceptibles de piéger des hydrocarbures ayant migré et provenant
des parties profondes du bassin de Farway. Avec la montée du prix du baril en
2008, l’industrie pétrolière internationale a montré un regain d’intérêt pour ces
prospects à fort potentiel, mais à coûts d’exploration élevés.
L’évaluation du potentiel pétrolier des bassins deep off shore de la NouvelleCalédonie ne peut se faire que dans un cadre régional, et leur exploration sera
probablement menée en collaboration avec les pays voisins. La Ride de Lord
Howe, qui est concomitante aux ZEE de Nouvelle-Calédonie et d’Australie, a
été présentée récemment comme un prospect pétrolier, dont l’exploration sera
conditionnée surtout par l’évolution du prix du baril.
L’une des questions clés concernant la fourniture de carburants est celle
des spécifications. En 2006, l’Australie a modifié ses normes, pour aller dans
le sens d’une plus grande rigueur environnementale. Malgré ces exigences
et le fait que les capacités de raffinage soient utilisées, l’Australie prévoit de
La géopolitique de l’énergie
Figure 13
Les unités morphostructurales de la ZEE de
Nouvelle-Calédonie d’après Lafoy et al., 1996
La Grande Terre est entourée d’importants bassins sédimentaires qui sont reconnus pour leur potentiel
pétrolier, mais qui restent sous-explorés.
pouvoir importer le carburant dont elle a besoin des principaux raffineurs de la
région, particulièrement de Singapour, de Taïwan, d’Inde et de Corée du Sud.
L’amélioration des raffineries asiatiques leur permet déjà de respecter la nouvelle
norme australienne et devrait évoluer vers les normes européennes.
D’après un rapport destiné au ministère australien des Ressources de
l’Énergie et du Tourisme, de nouvelles capacités de raffinage sont en
construction. En Inde, Reliance Petroleum a mis en service à Jamnagar une
raffinerie d’une capacité de 600 kbj qui double les capacités existantes dans
ce port du Gujarat. Il s’agit d’une raffinerie complexe qui peut raffiner des
pétroles lourds et produire des carburants de qualité pour l’exportation. Au
Vietnam, la raffinerie de Dung Qhat doit commencer ses opérations, en 2008 ;
289
290
L’énergie dans le développement de la N.-C.
la construction de deux autres raffineries devrait suivre. En outre, des plans
d’expansion ou de construction de raffineries existent pour Taïwan et pour
les pays du Golfe qui devraient approvisionner sans problème les marchés
asiatiques. Inversement, l’Australie a diminué ses capacités de raffinage et
celles de la Nouvelle-Zélande sont limitées alors que la demande a augmenté.
Ainsi, les pays de l’Océanie devront importer de plus de plus de produits
pétroliers des raffineries asiatiques.
La question de la sécurité des routes maritimes (en particulier le passage
du détroit de Malacca) est souvent posée. Il s’agit d’un passage très étroit
qui pourrait être coupé en raison d’actes de guerre ou de terrorisme ou, plus
simplement, à cause d’un problème technique comme l’échouage d’un
pétrolier, par exemple.
Ce risque ne semble pas préoccuper les importateurs australiens qui
comptent sur les routes maritimes alternatives si un problème survenait.
Certains passages (Ormuz) sont inévitables : ils représentent un enjeu mondial
qui dépasse largement la Nouvelle-Calédonie. L’usage des routes maritimes
alternatives ne va cependant pas de soi, et même si elles pouvaient être utilisées pour desservir l’Océanie, le problème de l’approvisionnement des
raffineries de Singapour, sans lesquelles les capacités de raffinage régionales
ne pourraient faire face à la demande, continuerait de se poser.
Autrement dit, des tensions passagères sur les routes maritimes ou à la
suite de problèmes techniques dans les raffineries asiatiques peuvent affecter
l’approvisionnement de la Nouvelle-Calédonie, dont les réserves de carburant
sont limitées. En effet, alors que les dispositions légales prévoient des stocks
stratégiques égaux à 20 % de la consommation (73 jours), ceux-ci ne dépassent
pas 60 jours en raison de l’insuffisance des capacités de stockage.
Depuis une vingtaine d’années, le gaz s’affirme à l’échelle mondiale
comme un combustible relativement abondant et moins polluant que les
hydrocarbures liquides. Il a été privilégié par les grands consommateurs qui
ont fait des investissements substantiels dans la construction de terminaux
de regazéification et investi en conséquence pour utiliser cette énergie, plus
propre que les hydrocarbures (moitié moins de CO2 à contenu énergétique
égal).
La géopolitique de l’énergie
Les réserves sont très inégalement réparties dans le monde et sont relativement modestes dans la région. Les principales sont en Indonésie avec un peu
moins de 100 000 milliards de pieds cube, ce qui place ce pays au treizième
rang mondial. Cependant l’AIE prévoit une assez forte augmentation de la
production, particulièrement pour l’Australie qui devrait rester exportatrice
de gaz pour au moins une décennie. La part de l’Asie-Pacifique est supérieure
à celle qu’elle représente pour le pétrole, et sa croissance est plus rapide, particulièrement en Inde, en Birmanie, au Pakistan, en Thaïlande et en Australie.
L’augmentation de la part du gaz dans les consommations de ce grand
ensemble répond à la réorganisation complète des échanges à partir du
développement de terminaux d’expédition et de réception de Gaz naturel
liquéfié (GNL). Il s’agit pour le moment d’une technologique qui n’est pas
adaptée pour la Nouvelle-Calédonie dont le marché est trop petit pour les
solutions existantes.
Le Japon a construit ses premiers terminaux de réception de gaz dès le
début des années 1970 et dispose, en 2007, d’une trentaine de terminaux
de réception. Il a été suivi par la Corée du Sud, qui s’est équipée à partir des
années 1980. La République populaire de Chine et Taïwan ont suivi dans les
années 2000. Enfin, des projets sont en cours pour la réception de gaz en
Thaïlande et à Singapour.
Le commerce de gaz se fait en grande partie entre les pays de l’Asie-Pacifique.
La Corée du Sud achète un peu moins de la moitié de son gaz à des fournisseurs
régionaux, mais pour les autres importateurs cette part est bien plus élevée.
Inversement, les producteurs de la région vendent exclusivement à ces grands
consommateurs régionaux.
Les projets actuels portent sur le développement de terminaux de gazéification dans tous les pays déjà exportateurs de la région, avec notamment un
très fort développement pour l’Australie, ainsi que la création de nouveaux
terminaux au Pérou et à Sakhalin (Russie) pour approvisionner le bassin
Pacifique. D’autre part, il existe de grands projets de gazoducs internationaux
avec notamment la création d’un réseau de gazoducs entre États de l’Asie
du Sud et l’extension de réseaux entre la Russie et la Chine. Ces grands
projets n’émergent que lentement, freinés par le manque de confiance
entre partenaires, mais n’en restent pas moins des thèmes centraux qui
structurent les relations interétatiques et le fonctionnement des instances
291
292
L’énergie dans le développement de la N.-C.
formelles d’intégration. Selon les prévisions de l’AIE, la Chine qui reçoit son
gaz de l’Australie devrait compléter cette source dans les prochaines décennies,
par des importations provenant de Russie et d’Asie centrale.
Même si la Nouvelle-Calédonie est pour le moment – et sans doute pour
longtemps – à l’écart de ce marché, il n’en reste pas moins que le développement de la production et de la commercialisation du gaz a plusieurs effets
importants pour sa propre situation. Tout d’abord, la part croissante du gaz
dans les bilans énergétiques des autres pays de la région soulage d’autant
les pressions sur les hydrocarbures liquides et le charbon. Ensuite, l’usage du
gaz permet un moindre accroissement des émissions de CO2 des autres pays
de la région, ou leur diminution si le gaz se substitue à d’autres carburants,
soulignant par contraste la trajectoire défavorable de la Nouvelle-Calédonie.
Enfin, le commerce du gaz, qui justifie de lourds investissements en terminaux
GNL et gazoducs, consolide des relations privilégiées entre partenaires et des
solidarités de fait entre les pays de la région, sans que la Nouvelle-Calédonie
y participe.
C’est le charbon qui soutient la croissance de la consommation d’énergie
en Asie-Pacifique. Considéré comme « l’énergie du XIXe siècle », le charbon est
en passe de devenir celle du XXIe. Délaissée par les États qui voyaient dans le
charbon plus un problème social et environnemental, qu’une solution pour
leur sécurité énergétique, son exploitation dépend largement des compagnies
privées qui l’ont considérablement modernisée. Il s’agit d’un produit très
différencié, les qualités de charbon pouvant avoir des usages industriels
(charbon sidérurgique, coke) ou thermiques (charbon vapeur). Ce pondéreux
requiert des installations logistiques spécifiques qui se transforment parfois en
goulots d’étranglement. Il a plutôt mauvaise presse sur le plan environnemental, une réputation qui doit beaucoup à son passé, qui n’est plus entièrement
justifiée depuis que les nouvelles technologies permettent de réduire les
émissions de cendres et de poussière (mais pas encore celles de CO2).
L’Indonésie et l’Australie sont les principaux fournisseurs de charbon sur
les marchés régionaux et exportent principalement vers le Japon et la Corée
du Sud. L’Indonésie est en mesure de dépasser l’Australie pour les exportations,
car sa demande interne est moindre. La Chine exporte également du charbon
thermique sur les marchés régionaux, mais les volumes sont en baisse : ils
La géopolitique de l’énergie
sont passés de 73 Mt, en 2003, à 45 Mt, en 2007, et devraient continuer à
décroître. Ces exportations, provenant principalement des provinces du nord,
sont compensées par des importations par les provinces du sud provenant
des pays voisins (Vietnam, Indonésie). La croissance de la demande de charbon
en Chine pourrait d’ailleurs amener l’État chinois à restreindre ses exportations
de charbon. La mise en service des centrales en construction au Japon, en
Corée du Sud à Taïwan et à Hong Kong devrait se traduire par une croissance
soutenue de la demande de charbon. Conséquence : on pourrait aboutir à
des tensions temporaires sur le marché du charbon et à des fluctuations de
prix, mais, à moyen terme, les producteurs disposent de réserves suffisantes
pour faire face à l’accroissement de la demande.
L’importance de la demande du Japon et, secondairement, de la Corée
du Sud en fait un déterminant essentiel de la demande totale de la région
qui influence directement les prix. Toutefois, le système de prix de référence,
basé sur des contrats à long terme entre les exportateurs australiens et les
électriciens japonais, a été progressivement abandonné au profit d’achat au
prix du marché, déterminé à partir du prix FOB d’un chargement à
Newcastle. L’amélioration des centrales thermiques japonaises et coréennes
autorise l’emploi d’une plus grande variété de charbons que par le passé, ce
qui ouvre des marchés aux producteurs. Même après la mise en service des
centrales prévues, la Nouvelle-Calédonie restera un petit importateur de
charbon, comparé aux principaux marchés du Pacifique.
D’après les projections de l’Energy Information Administration (2009),
l’Australie devrait devenir le premier exportateur mondial de charbon vapeur
et de charbon sidérurgique, devant l’Indonésie, suivie par l’Afrique du Sud, la
Colombie et le Venezuela. La construction de nouveaux terminaux portuaires
et l’extension des installations de Newcastle sont essentielles pour garantir
la croissance de ces exportations, actuellement limitées par la saturation des
infrastructures d’expédition. Des programmes sont en cours pour augmenter
les capacités de charge de Newcastle, en augmentant les capacités du terminal
existant et en créant un nouveau terminal qui fera passer la capacité du port
d’environ 110 Mt/an à 140 puis 170 Mt/an.
La situation de la Nouvelle-Calédonie ne diffère pas de celle de la grande
région dans laquelle elle s’insère. Elle a d’ailleurs adopté les mêmes spécifications que l’Australie pour les carburants. La croissance de la demande
énergétique, portée par l’activité industrielle et les demandes des ménages, et
293
294
L’énergie dans le développement de la N.-C.
le recours au charbon sont conformes à la tendance générale. Sa petite taille
l’empêche de bénéficier des possibilités du GNL et du nucléaire, l’oblige à
dépendre également des capacités de raffinage extérieures et empêche les
acheteurs calédoniens de peser sur les prix. Cette situation n’est pas forcément
défavorable eu égard à la croissance des capacités de raffinage prévues, à
l’instauration de normes plus rigoureuses pour les carburants et à l’augmentation des capacités d’exportation des producteurs de charbon. Elle plaide
pour un suivi attentif des évolutions régionales, notamment pour s’aligner
sur les spécifications de carburants correspondant au meilleur compromis
entre la facilité d’acquisition et la minimisation des pollutions, et pour tirer
parti des dynamiques se mettant en place au niveau régional pour organiser
les activités dans le domaine de l’énergie.
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE DES ÉTATS DE LA RÉGION
L’Australie : une politique énergétique particulièrement active
Avec le développement du charbon et du gaz, mais aussi de l’uranium,
l’Australie renforce sa position d’exportateur d’énergie sur les marchés régionaux.
Il existe une conscience forte que le maintien de marchés d’exportation pour
le charbon australien passe nécessairement par des solutions technologiques
allant dans le sens du « charbon propre ».
Le pays lui-même consomme beaucoup d’énergie puisque se combinent
des activités à très forte demande énergétique (les mines, en particulier), de
grandes distances pour le transport et des formes d’urbanisme de faible
densité, associées à l’usage des véhicules individuels avec un goût certain pour
les grosses cylindrées. Ne disposant que de peu de ressources hydrauliques
utilisables pour la production d’énergie et refusant le développement d’une
filière nucléaire, la production d’électricité est pour l’essentiel thermique et
repose principalement sur des centrales à charbon.
L’un des débats les plus vifs concernant l’énergie en Australie a porté sur
la ratification et la mise en application du protocole de Kyoto, auquel le pays
n’a adhéré qu’en 2007, après l’arrivée au pouvoir des travaillistes et du
Premier ministre Kevin Rudd. Ces derniers ont repris largement à leur
compte les propositions de l’économiste R. Garnaut, auteur d’un rapport sur
les possibilités de réduction des GES pour un État qui en émet beaucoup, et
La géopolitique de l’énergie
sera particulièrement affecté par le changement climatique (notamment les
sécheresses auxquelles sont imputés les grands incendies de l’été 2008-2009).
Il existe toutefois une forte opposition des industriels à l’instauration de
mesures coercitives de réduction des émissions de GES. Vu le poids économique des activités à forte consommation énergétique, ces arguments ne
peuvent être ignorés. Le gouvernement actuel propose une réduction très
progressive des émissions de GES, et privilégie les recherches sur le captage
et le stockage de CO2.
La politique énergétique de l’Australie est partagée entre les États et le
niveau fédéral (Commonwealth). Bien qu’il s’agisse d’une économie libérale
dans la tradition de la libre entreprise, le secteur de l’énergie n’en est pas moins
piloté à ces différents niveaux, avec une forte prise en compte des intérêts
des parties prenantes. Le département de l’énergie a ainsi lancé, en 2009, la
rédaction d’un livre bleu sur l’énergie, document de réflexion devant servir
à orienter la politique énergétique dans les prochaines années ; en outre, des
études spécifiques portent sur la vulnérabilité de l’approvisionnement en
combustibles liquides.
L’Australie est particulièrement active dans le développement de ses ressources énergétiques : recherche et l’exploration du pétrole et du gaz, campagnes
pour fournir aux investisseurs des données sur les potentiels géologiques du
pays, programmes de recherche sur la géothermie, programme de promotion
des énergies renouvelables (la production d’énergie éolienne est passée de
0,6 PJ en 2001-2002 à 22,5 PJ en 2006-2007 pour un parc installé de
1 250 MW), etc. L’action publique passe aussi par le soutien à des programmes
de recherches public-privé pour développer de nouvelles technologies.
Des travaux de recherche de haut niveau sont menés par le centre de
Newcastle du CSIRO, organisme public de recherche fonctionnant sur projets,
ainsi que dans des laboratoires universitaires, en association avec des entreprises privées. Toutefois, la plus grande part de la recherche est menée par
les compagnies privées dont les dépenses en R&D ont beaucoup augmenté
depuis le début de la décennie.
Les technologies privilégiées sont le solaire de concentration (le potentiel
solaire de l’Australie est énorme), le captage et le stockage du CO2, un enjeu
majeur pour l’industrie du charbon et la gestion intelligente des réseaux
(smart grids).
295
296
L’énergie dans le développement de la N.-C.
La Nouvelle-Zélande :
les énergies renouvelables représentent un tiers de l’énergie totale
L’approvisionnement énergétique de la Nouvelle-Zélande repose sur des
ressources nationales (charbon, gaz, pétrole, hydroélectricité) qui ne sont
toutefois pas suffisantes pour éviter de recourir à des importations de
pétrole et, de plus en plus, de produits pétroliers. La production de pétrole
et de gaz a décliné, à partir de 1997, avec l’épuisement des gisements de
Maui, mais a repris, depuis 2004, sur les gisements de Pohokura, Waihapa,
Piakau et Stadford.
Les énergies renouvelables prennent une part très importante puisqu’elles
représentent environ un tiers de l’énergie totale et les deux tiers de l’électricité.
Cette situation exceptionnelle s’explique en partie par les conditions favorables
du pays pour les installations éoliennes, géothermiques et hydroélectriques.
Il n’existe pas d’aides spécifiques pour les énergies renouvelables, hormis
l’attribution de crédits de carbone aux projets dans le cadre de la politique
nationale de réduction des émissions de GES. Les usages domestiques
(chauffe-eau solaires) ont été fortement développés. Toutefois, en l’absence
d’incitations financières, la croissance de la consommation énergétique se fait
surtout à partir des ressources fossiles, si bien que la part des renouvelables
a tendance à diminuer.
En 2002, la Nouvelle-Zélande a ratifié le protocole de Kyoto et s’est
engagée dans des programmes de contrôle de ses émissions de GES, avec une
certaine difficulté à appliquer les mesures de réduction, car près de la moitié
des émissions de GES provient de l’agriculture. L’idée d’une taxe carbone
ayant été abandonnée pour ne pas nuire à la compétitivité des industries, la
Nouvelle-Zélande privilégie désormais la mise en place d’un marché des
permis d’émission.
En 2007, le pays a adopté une stratégie énergétique, à l’horizon 2050,
prévoyant notamment le renforcement des énergies renouvelables, dont la
compétitivité relative serait supérieure à celle des énergies fossiles du fait des
coûts associés aux émissions de GES. Outre les énergies déjà existantes, la
stratégie insiste sur le potentiel de biomasse et les biocarburants pour les
besoins du transport.
La géopolitique de l’énergie
LES GRANDES ENTREPRISES
Les acteurs du pétrole et du gaz :
entreprises privées et compagnies nationales
Le marché du pétrole a été longtemps dominé par les grandes compagnies
intégrées provenant d’Europe et d’Amérique du Nord (« les sept sœurs ») qui
sont aujourd’hui largement concurrencées par les grandes compagnies des
pays producteurs, des compagnies de taille moyenne et celles de pays
consommateurs qui participent à leur stratégie de sécurisation des ressources
énergétiques.
Cette concurrence est particulièrement vive en Asie-Pacifique où se
combinent croissance rapide des besoins énergétiques et zones nouvelles
d’exploration et de production. On y repère aussi bien les grands groupes
mondiaux, comme ailleurs, mais également des compagnies nationales des
pays producteurs et consommateurs, ainsi que des entreprises privées
originaires de la région et qui y développent leurs activités. Certains groupes
miniers, comme BHP Billiton, sont aussi présents dans la production de
pétrole et de gaz en Australie.
Les acteurs du charbon et de la mine
L’organisation du marché du charbon est bien différente de celle du
pétrole et du gaz. Pendant la seconde moitié du XXe siècle, le charbon n’était
plus une ressource stratégique mondiale comme par le passé, elle ne l’est
demeurée que dans certains États (Allemagne de l’Est, États-Unis, Russie,
Chine) qui y avaient recours pour satisfaire les besoins nationaux. Ailleurs,
les politiques publiques ont davantage porté sur la fermeture de mines que
sur le maintien de l’activité. Inversement, les producteurs ont cherché des
débouchés au charbon en réduisant leurs coûts.
Cette évolution a redessiné la carte mondiale du charbon en favorisant
les grands gisements exploitables à faible coût. Les grandes entreprises
productrices ne sont pas aussi diversifiées sur le plan géographique que les
producteurs de pétrole et de gaz. Parmi les principaux producteurs mondiaux,
on trouve des groupes nationaux, comme Coal India (Inde) et Shenhua (Chine),
qui réalisent toute leur production dans un seul pays et principalement pour
leurs besoins nationaux. Le géant charbonnier mondial Peabody n’est que
297
298
L’énergie dans le développement de la N.-C.
peu diversifié : il extrait environ 200 Mt aux États-Unis et seulement 10 Mt
en Australie, mais il est actif sur les marchés internationaux et le trading.
En Australie, la production de charbon est le fait de trois types d’entreprises : des groupes charbonniers australiens spécialisés qui n’exploitent de
gisements qu’en Australie (Anglo Coal), un grand conglomérat australien
très diversifié (Westfarmer), des spécialistes du charbon et les trois grands
groupes miniers diversifiés BHP Billiton, Xstrata et Rio Tinto.
Le tableau des acteurs du charbon est évolutif : les grandes compagnies
pétrolières qui possédaient des actifs miniers (BP, Shell) les ont en effet cédés
à des entreprises minières. Ce désengagement qui a eu lieu dans les années
1990 s’explique par la baisse de rentabilité des mines de charbon et a ouvert
la porte aux groupes miniers mondiaux qui ont procédé dans les dernières
années à de nombreuses opérations de fusion et d’acquisition.
Les entreprises japonaises consommatrices de charbon (Mitsui, Mitsubishi)
sont présentes dans le capital de certains groupes et de certaines mines, ce qui
leur permet de renforcer la sécurité de leurs approvisionnements. Le groupe
Vale, autre géant minier, n’exploite pas encore de mines de charbon, mais il
a ouvert une unité de négoce en Australie. Il développe actuellement (2009)
deux mines de charbon, l’une au Mozambique et l’autre, en association avec
la firme australienne Aquila, dans le Queensland, qui devrait entrer en production en 2011.
Tableau 7 – Les producteurs de charbon en Australie en 2008, en Mt
Entreprises
Production en Australie
Production totale
EXstrata
52
85
Rio Tinto
45
150
Anglo Coal
41
41
Peabody
21
230
Centennial
20
20
Westfarmers
15
15
BHP Billiton
12
80
Données compilées par S. Velut d’après des rapports des compagnies australiennes et du gouvernement
de l’Australie.
La géopolitique de l’énergie
La production indonésienne est organisée différemment, avec la présence de nombreuses entreprises locales qui s’appuient sur les réseaux commerciaux de Glencore-Xstrata et de BHP Billiton, ce qui leur a permis de
pénétrer de façon agressive les marchés d’Asie-Pacifique.
Contrairement aux marchés pétroliers, qui ont été largement organisés
par les producteurs contrôlant une ressource stratégique, les marchés du
charbon sont plutôt le théâtre de la concurrence entre fournisseurs pour
trouver des débouchés – ce qui est une situation plus favorable pour les
acheteurs. Malgré cela et le développement de marchés spots, les principaux
acheteurs emploient différentes stratégies pour s’assurer le contrôle d’une
partie des ressources : prises de participation aux activités de production,
contrats d’approvisionnements à long terme, regroupement dans des
grands groupes diversifiées (qui sont d’ailleurs leaders ou associés aux usines de nickel prévues en Nouvelle-Calédonie).
La Nouvelle-Calédonie ne peut intervenir directement sur l’organisation
des marchés énergétiques d’échelle régionale, mais pourrait le faire indirectement par ses participations dans les sociétés minières et énergétiques
(SLN, Koniambo, Enercal). Elle peut aussi trouver en Nouvelle-Zélande et,
surtout, en Australie des situations comparables par certains aspects à la
sienne, qui ont donné lieu à des solutions intéressantes ou à des travaux de
recherche dont elle pourrait bénéficier.
299
Quels scénarios possibles
d’insertion de la Nouvelle-Calédonie
dans la dynamique internationale
de la Convention des Nations unies
pour le climat ?
La Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique
(CCNUCC) constitue le cadre dans lequel toutes les actions concernant
l’évolution du climat sont négociées au niveau international. La NouvelleCalédonie, tout comme les DOM et les COM, est actuellement, via la France,
partie à cette Convention.
Le protocole de Kyoto est un instrument sous la Convention. Son but est de
réussir à réduire effectivement les émissions de GES de la planète de manière
organisée et contraignante, tout en évitant que la production alimentaire soit
menacée, et de manière à ce que le développement puisse se poursuivre de
manière durable. Contrairement aux DOM, les COM et la Nouvelle-Calédonie
ne sont pas soumis aux obligations de ce protocole.
Le revenu par habitant place sans ambiguïté la Nouvelle-Calédonie
dans le groupe des pays industrialisés ayant à montrer la voie dans la lutte
contre le changement climatique. Par ailleurs, les émissions par habitant
y sont supérieures à celles des habitants de la France métropolitaine et
même des États-Unis. Le non-engagement de la Nouvelle-Calédonie
pourrait donc attirer l’attention internationale, notamment celle des petits
États insulaires (PEI ou Aosis) qui ont fortement œuvré pour que les instruments des Nations unies sur le climat, la Convention et le protocole voient
le jour.
La Convention cadre pour le climat
HISTORIQUE ET CONTEXTE DES NÉGOCIATIONS
Le rapport du Giec de 1990
et la mise en chantier de la Convention sur le climat
Après le premier rapport du Giec de 1990, les Nations unies décidèrent
de mettre en chantier, dès le début de 1991, la CCNUCC qui fut finalisée en
mai 1992. Elle entre en vigueur en 1994 lorsqu’un nombre suffisant de pays
l’eurent ratifiée par la voie parlementaire.
Cette convention fixait à la fois un cadre et des principes, comme celui
de l’article 3.1, « la responsabilité commune mais différenciée des pays
[auxquels il appartient] d’être à l’avant-garde de la lutte contre le changement
climatique ».
Plusieurs types d’obligations étaient imposés aux pays industrialisés
figurant à l’annexe I de la Convention : fournir régulièrement l’inventaire de
leurs émissions de GES et préciser les actions qu’ils mènent pour réduire ces
émissions, mais aussi aider les pays en développement (dits « non-annexe I »)
à lutter contre le changement climatique ou à s’y adapter.
Au sein des pays en développement, on a distingué différentes catégories
de pays selon leur vulnérabilité au changement climatique et aux mesures
de riposte, c’est-à-dire à la réduction des consommations de combustibles
fossiles, pour limiter les changements climatiques. Une attention particulière
était, par ailleurs, accordée aux pays les moins avancés.
Toutefois, la Convention cadre ne fixait pas d’objectifs contraignants de
réductions quantitatives des émissions de GES.
De la mise en chantier du protocole de Kyoto
à son entrée en vigueur en 2005
Conscients de l’insuffisance des objectifs et de l’absence de dispositions
contraignantes, les pays partis à la Convention mirent ensuite en chantier le
protocole de Kyoto, en 1995, sur la base du mandat de Berlin. Ce dernier
précisait que seuls les pays développés devaient, dans un premier temps,
prendre des engagements quantifiés de réductions. Il convenait d’aboutir,
autour de 2010 (d’où la période 2008-2012), à des émissions inférieures au
niveau de 1990. C’est sur cette base que l’on se mit d’accord sur le protocole
de Kyoto, en décembre 1997.
301
302
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Avant de le ratifier, les pays de l’annexe I exigeaient de connaître les
modalités selon lesquelles ils devraient respecter les engagements souscrits ; ce
que le protocole ne précisait pas. D’où les longues négociations qui aboutirent,
en 2001 seulement, aux accords de Bonn et de Marrakech.
L’Union européenne, le Japon et la quasi-totalité des pays industrialisés
de l’annexe I de la Convention l’ont alors ratifié, à l’exception notable des
États-Unis dont le Congrès s’y opposait, tant que les pays susceptibles de
concurrencer l’économie américaine – la Chine, l’Inde et le Brésil – ne
prendraient pas eux-mêmes des engagements de réduction de leurs
émissions. Il fallut donc attendre que la Russie le ratifie à son tour pour que
le protocole puisse enfin entrer en vigueur, le 16 février 2005.
L’Australie, comme très souvent dans les négociations internationales sur
le climat, a suivi les États-Unis, mais a décidé ensuite, en 2007, de revenir
sur sa décision.
La période post 2012, les nouveaux constats du Giec
et la déclaration du G8 à Hokkaido, en 2008
Entre-temps, les travaux des scientifiques, notamment les rapports du
Giec de 2001 et 2007, ont permis de mieux cerner la question climatique.
Selon des travaux présentés à Copenhague en mars 2009, le niveau moyen
des mers pourrait, avec le rythme actuel des émissions, s’élever d’un mètre
d’ici à 2100 et se poursuivrait au-delà.
Les scientifiques estiment maintenant que pour stabiliser le climat et
éviter toute dérive incontrôlable, il faudrait, d’ici à 2050, diviser par deux les
émissions mondiales actuelles ! En 2050, le climat serait alors plus chaud
qu’aujourd’hui d’environ 2 °C (cf. « Les émissions et les réductions de gaz à
effet de serre en Nouvelle-Calédonie », p. 193). C’est sur la base des résultats
les plus récents des travaux du Giec que les chefs d’États présents au
sommet du G8, à Hokkaido en juillet 2008, ont adopté l’objectif, non pas
de stabilisation des émissions, mais de stabilisation du climat. Ce qui implique
une division par deux des émissions, d’ici à 2050 et, entre 2012 et 2020, des
réductions bien plus fortes que celles envisagées précédemment sous le
protocole de Kyoto. Ces engagements seraient à prendre en décembre 2009
et/ou après, toujours dans le cadre de la Convention cadre sur le changement
climatique, avec un protocole de Kyoto amendé ou un nouveau protocole
La Convention cadre pour le climat
Principales dates relatives aux actions
concernant le changement climatique
1979
Première conférence mondiale sur le climat à Genève et deuxième
choc pétrolier.
1985
Réunion à Villach, en Autriche, organisée par le Programme des
et 1987 Nations unies sur l’environnement (PNUE), l’Organisation mondiale
de la météorologie (OMM) et le Conseil international pour la science
(ICSU) recommandant de développer des recherches sur l’effet de
serre.
1988
Décision de mise en place du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) sous l’égide des Nations unies, en particulier
de l’OMM et du PNUE.
1990
Remise du premier rapport du Giec alertant sur les risques climatiques résultant des émissions de GES d’origine anthropique.
L’Assemblée générale des Nations unies décide de la mise en place
du Comité intergouvernemental de négociation (CIN) pour élaborer
une Convention cadre sur le changement climatique.
1991
Mise en place du CIN.
1992
En mai, approbation par les délégués des gouvernements de la Convention
cadre sur le changement climatique.
En juin, présentation de celle-ci à la Conférence des Nations unies sur
le développement et l’environnement se tenant à Rio.
1994
Entrée en vigueur de la Convention, après ratification par les parlements d’un nombre suffisant d’États membres des Nations unies.
1995
Première Conférence à Berlin des parties (CdP) à la Convention.
Adoption du mandat de Berlin pour la mise en chantier d’un protocole avec des réductions d’émissions contraignantes.
1997
3e CdP aboutissant au protocole de Kyoto.
1998
4e CdP : mandat de Buenos-Aires prévoyant d’aboutir à la mise en
place de règles d’application du protocole.
2000
Rapport spécial du Giec sur « L’utilisation des terres, les changements
d’utilisation des terres et les forêts ».
6e CdP à La Haye : échec des négociations sur les règles d’application
du protocole.
[…]
303
304
L’énergie dans le développement de la N.-C.
suite
[…]
2001
7e CdP : accords de Bonn et de Marrakech relatifs aux règles d’application du protocole.
Troisième rapport du Giec indiquant que pour stabiliser le climat il
faudrait diviser les émissions mondiales de GES par 2 d’ici à 2050.
2005
Entrée en vigueur de ce protocole après ratification par les parlements
d’un nombre suffisant d’États membres des Nations unies.
CdP de Montréal précisant encore des règles d’application du protocole pour la première période d’engagement (2008-2012) et début
des négociations pour la période post 2012.
Revirement des petits États insulaires quant à la prise en compte des
boisements et des déboisements.
2006
CdP de Nairobi.
2007
Quatrième rapport du Giec confirmant la nécessité de réduire très
fortement les émissions de GES pour stabiliser le climat et éviter des
évolutions incontrôlables.
CdP et mandat de Bali.
2008
Le G8 réuni à Hokkaido adopte l’objectif de division par 2, d’ici à 2050,
des émissions mondiales de GES. CdP de Poznan, en Pologne.
L’Union européenne s’engage à réduire ses émissions de GES de 20 %
par rapport à 1990 et jusqu’à 30 % en cas d’accord international.
2009
CdP de Copenhague en décembre, au cours de laquelle les engagements
de limitation et de réduction des émissions des pays des Nations
unies pour la période 2012-2020 devront être finalisés.
(de Copenhague, par exemple) qui pourrait reprendre une grande partie des
obligations et modalités d’application du protocole de Kyoto.
Depuis 2009, le président des États-Unis fait montre de la volonté que
son pays prenne sa place dans la lutte contre le changement climatique dans
la période post 2012. Dans quelle mesure et sur quelles bases des pays comme
la Chine, le Brésil et l’Inde accepteront-ils de prendre des engagements de
limitations de leurs propres émissions ?
La Convention cadre pour le climat
Yvo de Boer, le secrétaire de la Convention des Nations unies, avait souligné,
à Pozna’n, en décembre 2008 : « que l’accord de Copenhague en décembre
2009 ne serait pas détaillé. L’essentiel, estimait-il, est d’avoir de la clarté sur
les engagements [de réduction des émissions de GES], sur le financement et
sur les institutions (…), pour que ensuite il n’y ait plus de négociations sur
les points fondamentaux ». Il pourrait donc y avoir, après la réunion de
Copenhague, des négociations sur les détails, c’est-à-dire sur les modalités
d’applications. D’aucuns pensent même qu’un accord ne pourrait intervenir
qu’après 2009.
Les négociations
Les séances de négociations relatives à la Convention ont commencé
début 1991, puis abouti à la version finale, en mai 1992, à New York, après
quatre réunions d’une quinzaine de jours chacune. Tous les accords des
Nations unies sont obtenus par consensus. Il devient ensuite assez difficile de
les renégocier, même si parfois cela peut se justifier. C’est pourquoi il faut être
présent, non seulement aux séances de négociations officielles, mais aussi
dans les groupes de contact des négociations où s’élaborent les différentes
propositions sur la base des intérêts des groupes de pays.
Ce sont ces groupes de pays qui négocient au préalable des positions
communes qu’ils défendent ensuite, en désignant un porte-parole pour les
groupes de contact où s’élaborent les textes. Les ministres chargés de
l’Environnement des pays Parties à la Convention ou au protocole prennent
en général le relais des négociateurs à la fin des CdP qui se tiennent en
général en fin d’année. C’est seulement en cas de litige que les propositions
des groupes de contacts sont ensuite soumises en séance plénière, puis
éventuellement transmises au segment ministériel. Toutes ces négociations
ont lieu en anglais. Le processus peut paraître assez laborieux, mais reste
incontournable.
Si les Nations unies ne reconnaissent que les États, ceux-ci peuvent en
revanche composer leur délégation comme ils l’entendent. La francophonie
organise par ailleurs régulièrement des sessions d’information et publie un
bulletin, Objectif Terres, relatant les négociations.
305
306
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Les groupes de négociation
Les groupes de négociation
des pays figurant à l’annexe I
Le groupe de l’Union européenne à 15 au moment des négociations de Kyoto
comprend maintenant 27 membres.
Le JUSSCANZ, composé initialement de l’Australie, du Canada, du Japon, de la
Norvège, de la Nouvelle-Zélande et de la Suisse, s’est par la suite subdivisé en
groupe « parapluie » (États-Unis, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Japon) et
en groupe de « l’intégrité environnementale » (Suisse, Corée du Sud et quelques
autres pays).
Le Canada, adhérent au protocole de Kyoto, et les États-Unis, actuellement
non adhérents, ont des intérêts quelque peu divergents, mais il est possible
que leurs intérêts se rapprochent de nouveau d’ici à 2012.
La création d’un groupe d’îles des pays développés (dont l’Islande) pourrait
sans doute être possible le moment venu.
Les groupes de négociation
des pays ne figurant pas à l’annexe I :
le G77 et la Chine
Le groupe du G77 et de la Chine comprend l’ensemble des pays en développement, c’est-à-dire quelque 140 pays. Au sein de cet ensemble, on
trouve des groupes ayant des intérêts divergents et même parfois totalement
opposés :
le groupe des pays de l’Opep et celui des PEID (petits États insulaire en
développement) ;
le Grulac qui comprend les pays de l’Amérique centrale et du Sud, à l’exception du Brésil et du Mexique ;
le groupe des pays africains ;
le groupe des PMA ;
le groupe des pays asiatiques.
Il y a aussi des groupes non officiels, comme celui des pays émergents (Chine,
Inde, Brésil, parfois Afrique du Sud). De nouvelles coalitions peuvent évidemment
encore apparaître.
La Convention cadre pour le climat
LA CONVENTION CADRE SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE
ET LES OBLIGATIONS DES PAYS L’AYANT RATIFIÉE
Rappelons tout d’abord l’objectif de cette Convention : « L’objectif ultime
de la présente Convention, et de tous les instruments juridiques connexes que
la Conférence des parties pourrait adopter, est de stabiliser, conformément
aux dispositions pertinentes de la Convention, les concentrations de gaz à
effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation
anthropique dangereuse du système climatique. Il conviendra d’atteindre ce
niveau dans un délai suffisant pour que les écosystèmes puissent s’adapter
naturellement aux changements climatiques, que la production alimentaire ne
soit pas menacée, et que le développement économique puisse se poursuivre
de manière durable. »
On distingue deux grandes catégories de pays avec un sous-ensemble
pour les pays en développement :
les pays riches figurant à l’annexe I de la Convention (et en général à
l’annexe B du protocole de Kyoto) ;
les Pays en développement (PED) ne figurant pas à l’annexe I.
Les obligations minimales des pays sont indiquées dans l’encadré.
Principales obligations des pays de l’annexe I sous la Convention
L’inventaire national des émissions de GES (article 4a)
Ces inventaires par pays sont demandés aux pays de l’annexe I et aux PED. Ils
doivent être réalisés selon les règles décrites dans les guides méthodologiques
des inventaires du Giec et suivant les formats décidés par la Convention.
Les émissions sont d’abord exprimées en poids pour chacun des gaz, puis
converties en équivalent CO2 en tenant compte des potentiels de réchauffement
global (PRG) de chacun des gaz, pour un horizon de 100 ans. Elles sont ensuite
ventilées suivant diverses catégories (énergie, industrie, solvants, agriculture,
changements d’affectation des terres et foresterie, déchets et autres, le cas
échéant).
Ces inventaires peuvent faire l’objet d’audits, comprenant des membres de pays
de l’annexe I et de pays ne figurant pas dans cette annexe. Ils servent à calculer
les émissions et, donc, les réductions que devront réaliser les pays.
[…]
307
308
L’énergie dans le développement de la N.-C.
suite
[…]
Seules les émissions ayant lieu sur le territoire du pays considéré sont comptabilisées (les émissions des produits et services importés ou exportés ne sont pas
prises en compte).
En France c’est le Citepa qui réalise ces inventaires pour le compte du ministère,
mais c’est le gouvernement qui est responsable de la transmission des inventaires
aux Nations unies, sous le format requis.
Les communications nationales (article 4.1b)
Elles doivent être établies périodiquement suivant les décisions et les formats
retenus par les CdP. Les pays en développement, comme la Chine, l’Inde, le Brésil
et l’Afrique du Sud ont, comme les pays de l’annexe, à réaliser des inventaires
et des communications nationales, mais moins fréquemment. Les pays les
moins avancés, très peu émetteurs de gaz à effet de serre par habitant, peuvent
se contenter de réaliser des programmes nationaux d’adaptation aux changements
climatiques (Pana).
Communications diverses
Tout au long des négociations, divers avis, informations aux Parties de l’annexe
I et justificatifs d’actions peuvent être requis. Par exemple, envers les pays non
annexe I, sur les transferts de technologies, l’aide aux pays en développement
les plus vulnérables et aux pays les moins avancés.
Autres engagements des pays de l’annexe I
Les pays de l’annexe I remplissent en partie leurs obligations vis-à-vis des PED, via
le Fonds mondial pour l’environnement (FEM) (financements de formations pour
des pays en développement, notamment pour la réalisation des inventaires, des
communications nationales, des plans nationaux d’adaptation aux changements
climatiques, etc.).
Actuellement, la Nouvelle-Calédonie, partie à la Convention via la France,
a les obligations des pays de l’annexe I sous la Convention, mais n’a besoin
de fournir ni d’inventaires spécifiques de ses émissions (celles-ci figurent dans
la communication de la France à la rubrique des émissions de la France
métropolitaine, des TOM, des COM et de la Nouvelle-Calédonie) ni de communications nationales spécifiques. C’est le gouvernement français qui est
responsable des éléments transmis ou à transmettre aux Nations unies.
La Convention cadre pour le climat
LE PROTOCOLE DE KYOTO
ET LES OBLIGATIONS DES PAYS L’AYANT RATIFIÉ
L’intérêt du protocole de Kyoto et les lenteurs de sa ratification
Pour que le protocole de Kyoto puisse entrer en vigueur, il fallait qu’au
moins 55 pays Parties à la Convention le ratifient, et que les émissions des
pays figurant à l’annexe I représentent au moins 55 % du volume total des
émissions de dioxyde de carbone de l’ensemble des Parties visées à cette
annexe. En l’absence de ratification des États-Unis, ces modalités rendaient
l’entrée en vigueur du protocole extrêmement difficile. C’est en définitive la
ratification de la Russie qui a permis de débloquer la situation et de franchir
les seuils requis pour l’entrée en vigueur effective du protocole, en 2005.
Les engagements de réduction des émissions
sous le protocole de Kyoto, entre 1990 et 2010
Les pays industrialisés se sont engagés à réduire leurs émissions annuelles de
5,5 % en moyenne par rapport à 1990.
Répartition mondiale
-8 % pour l’Union européenne ; -7 % pour les États-Unis ; -6 % pour le Japon,
le Canada et la Pologne ; 0 % pour la Nouvelle-Zélande, la Fédération de Russie et
l’Ukraine ; +1 % pour la Norvège ; +8 % pour l’Australie ; +10 % pour l’Islande28.
Répartition des objectifs de réduction des émissions
au sein de l’Union européenne
-28 % pour l’Allemagne et le Danemark ; -13 % pour l’Autriche ; -12,5 % pour
la Grande-Bretagne ; -7,5 % pour la Belgique ; -6,5 % pour l’Italie ; -6 % pour
les Pays-Bas ; 0 % pour la France et la Finlande ; +4 % pour la Suède ; +13 %
pour l’Irlande ; +15 % pour l’Espagne ; +25 % pour la Grèce ; +27 % pour le
Portugal.
Il faut aussi noter que les pays de l’Union européenne à 15 sont solidairement
responsables vis-à-vis des Nations unies de la diminution de 8 % de leurs émissions
par rapport à 1990. Les pays entrés récemment dans l’Union européenne n’ont
pas bénéficié du partage de ce fardeau. C’est ainsi que la Pologne doit réduire
ses émissions de 6 % alors que le Portugal peut les augmenter de 27 %.
28
Avec des conditions particulières pour des pays comme l’Islande qui sont précisées plus loin.
309
310
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Dans le cadre du protocole de Kyoto, l’ensemble des pays de l’annexe I
devait s’acheminer vers des réductions d’émissions par rapport à 1990. Ces
engagements ont été toutefois modulés pour tenir compte des situations
particulières des divers pays, y compris d’un petit pays comme l’Islande.
Ces précisions montrent combien d’efforts sont nécessaires à l’élaboration
d’un accord international, surtout quand celui-ci est contraignant et concerne
le développement économique, comme c’est le cas pour le protocole de
Kyoto : chaque gouvernement cherche alors à préserver ses intérêts.
Comment furent déterminés les niveaux de limitation
et de réduction des émissions des divers pays ?
Il n’y a pas de document officiel justifiant du partage du fardeau climatique.
On peut tout de même risquer quelques explications :
Comme la croissance démographique des États-Unis est plus forte que
celle de l’Union européenne, une différence de réduction des émissions de
1 % entre ces deux entités peut se comprendre.
La Norvège utilisant beaucoup d’hydroélectricité, il était difficile d’y réduire
les émissions dans le secteur de l’énergie, on l’autorisa donc à augmenter
ses émissions de 1 %.
L’Union européenne à 15 avait pris collectivement l’engagement de
réduire ses émissions de 8 % par rapport à 1990, mais on avait par ailleurs
également envisagé un partage du fardeau en son sein. Ainsi la Suède, la
Finlande et la France, dont la part d’énergie nucléaire et d’hydro-électricité
est forte dans les productions d’électricité, furent-elles autorisées à maintenir
leurs émissions au niveau de 1990. Quant aux pays ayant récemment adhéré
à l’Union (le Portugal, l’Espagne, l’Irlande et la Grèce), ils furent en revanche
autorisés à augmenter leurs émissions. L’Allemagne s’engagea à réduire ses
émissions bien au-delà de 8 %. Cet effort paraissait réaliste compte tenu des
économies d’énergies réalisables notamment dans l’ex-Allemagne de l’Est.
L’Australie demanda, dès avant les négociations de Kyoto, à ce que les
émissions dues aux changements d’utilisations des terres et à la foresterie
soient prises en compte, dans son cas, pour le calcul des engagements chiffrés.
C’était en effet le seul pays de l’annexe I dont les émissions avaient augmenté
depuis 1990 à cause des changements d’utilisation des terres.
La Convention cadre pour le climat
Les réductions d’émissions demandées aux pays industrialisés sous le
protocole de Kyoto étaient très faibles (- 5 % en moyenne d’ici à 2012 par
rapport à 1990). On se contenta donc de partir des inventaires des émissions
de GES que les pays étaient obligés de fournir aux Nations unies, mais sans
tenir compte des émissions dues aux changements d’utilisation des terres et à
la foresterie (sauf pour l’Australie). On pouvait ainsi, sur la base des inventaires
fournis par les pays, réellement contrôler les engagements de réduction des
émissions de GES que les pays s’étaient engagés à réaliser. C’était évidemment
une cote mal taillée, mais acceptable pour la plupart de pays, moyennant
quelques ajustements. Pour l’Islande, il fallut en revanche une négociation
spécifique.
Comment aurait-on pu faire autrement ? L’idéal aurait été de pouvoir
déterminer précisément les émissions moyennes de GES par habitant pour
chaque pays, comme on a tenté de le faire avec la formule de Kaya29 utilisée
pour les scénarios d’émissions du Giec, ou comme on pourrait le faire avec la
formule Kaya-Riedacker30 quand on prend également en compte les émissions
résultant des changements d’utilisation des terres. Il aurait fallu, dans ce cas,
pouvoir déterminer, par pays, les émissions résultant des importations de
produits et de services, et défalquer celles attribuables aux exportations,
mais on n’avait pas les données pour le faire.
La solution islandaise
Quelle solution a-t-on trouvé pour l’Islande ? Tout d’abord, on l’a autorisée
à augmenter ses émissions de 10 % par rapport à 1990 : c’est le plus fort taux
d’augmentation affiché pour les pays de l’annexe B, quand on considère
l’Union européenne de manière globale. Mais cela n’était pas suffisant, d’où
la décision 14 CP7, retenue dans les accords de Bonn et de Marrakech, qui
définit, pour la première période d’engagement et pour des pays dont les
émissions représentent moins de 0,05 % des émissions des pays industrialisés
en 1990 et figurant à l’annexe I (§2a), des projets industriels isolés ou des
extensions d’activités industrielles entrées en service après 1990.
Émissions totales de GES = Population * [PNB/habitant * consommation d’énergie fossile par
unité de PNB * émission moyenne de GES par unité de produit fossile].
29
Émissions totales de GES = Population * [PNB/habitant * consommation d’énergie fossile par unité
de PNB5 * émission moyenne de GES par unité de produit fossile + Utilisation des terres par habitant
* Efficacité territoriale des bioproductions * émission moyenne de GES par unité de bioproduit].
30
311
312
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Lorsque les émissions des activités industrielles isolées de ces pays dépassent
5 % du total des émissions du pays en 1990 (ce qui serait aussi le cas si la
Nouvelle-Calédonie figurait à l’annexe B), celles-ci doivent être présentées
séparément et ne pas figurer dans le total national des émissions inventoriées
de la Partie, dans la mesure où elles conduiraient à un dépassement du
niveau des émissions autorisées (plus de 10 % d’augmentation par rapport
à 1990 dans le cas de l’Islande).
Il faut également que l’on utilise des énergies renouvelables pour réduire
les émissions par unité de produits obtenus dans ces sites industriels, et que
l’on recoure aux meilleures pratiques environnementales et aux meilleures
technologies pour réduire les émissions des procès industriels. Il faut enfin
que les émissions concernant ces sites restent inférieures, en moyenne,
durant la première période d’engagement, à 1,6 million de tonnes de CO2
par an. Ces émissions sont alors exclues du champ du marché de droits
d’émissions, dont les modalités de fonctionnement sont définies par l’article 17
du protocole.
Comment les pays peuvent-ils s’organiser
pour respecter les limitations ou les réductions d’émissions
auxquelles ils se sont engagés sous le protocole de Kyoto ?
C’est aux États de respecter leurs engagements et de décider des politiques
à mettre en place. Ils peuvent ainsi décider d’adopter des mesures spécifiques
(taxes, subventions, avantages fiscaux divers, règlements, etc.), à condition que
cela ne s’oppose pas aux règlements internationaux en vigueur, notamment
à ceux agréés dans le cadre de l’OMC ou, pour les États membres, à ceux
de l’Union européenne.
La création de nouvelles taxes est toujours impopulaire. C’est le cas pour
les « taxes carbone domestiques », sauf quand celles-ci sont fiscalement
neutres et qu’on arrive à l’expliquer correctement au grand public. Très
récemment, un parti ayant fait campagne dans ce sens vient de gagner les
élections dans l’état de Colombie britannique, au Canada.
Il existe aussi la possibilité de prendre en compte, de manière facultative
pour la première période d’engagement, l’article 3.4 du protocole relatif à des
comptabilités spécifiques des variations de stocks de carbone, c’est-à-dire
dans l’espace rural (forêts, prairies, etc.). En outre, ce dispositif est également
La Convention cadre pour le climat
complété par la possibilité d’utiliser les trois mécanismes de flexibilité retenus
sous le protocole de Kyoto, c’est-à-dire la mise en place d’un marché des
droits d’émissions, la réalisation de projets dans le cadre des Mécanismes de
développement propre (MDP) et la mise en œuvre conjointe de projets entre
des pays de l’annexe I, sous réserve que ceux-ci aient, non seulement, signé
mais aussi ratifié le protocole de Kyoto.
La prise en compte des forêts et des changements d’utilisation des terres
sous le protocole (les articles 3.3 et 3.4)
L’Union européenne et le groupe de pays des petites îles (Aosis) étaient
fortement opposés à la prise en compte des « puits » (augmentations des
stocks de carbone dans la végétation), du moins pour la première période
d’engagement (2008-2012). Tandis que le Japon, les États-Unis, le Canada et
les pays producteurs de pétrole, voulaient qu’on prenne en compte toutes
les émissions et réductions d’émissions, donc y compris celles attribuables à
la gestion des forêts et aux changements d’affectations des terres dans les
pays industrialisés.
D’où les deux articles 3.3 et 3.4, sans lesquels l’accord de Kyoto n’aurait
jamais pu être obtenu. Dans la pratique, les comptabilités retenues pour la prise
en compte de l’article 3.4 sous le protocole de Kyoto sont très compliquées
et parfois dissuasives. Pour une information plus précise concernant ces deux
articles relatifs aux variations de stocks de carbone dans la végétation, se
reporter à la partie « Les émissions et les réductions d’émissions de gaz à effet
de serre en Nouvelle-Calédonie ») de la synthèse (p. 193) et, dans le CD-ROM
annexé, « Les variations de stocks de carbone dans la végétation » et
« L’insertion internationale de la Nouvelle-Calédonie ».
Le marché des droits d’émissions (MDE)
Ce mécanisme, autorisé sous l’article 17 du protocole, doit permettre de
réduire les émissions de GES au coût le plus bas possible. En principe, il
suffit que les pays imposent une réduction d’émissions, par exemple de 10 %,
à toutes leurs entreprises. Celles dont les coûts de réduction des émissions sont
bas (les entreprises du type A) peuvent décider de réaliser des investissements
et ainsi se mettre en conformité avec les demandes de l’État. Celles dont les
coûts de réduction des émissions sont en revanche élevés (les entreprises du
313
314
L’énergie dans le développement de la N.-C.
type B) peuvent décider de ne pas réaliser des investissements et acheter des
droits d’émissions sur un marché qui est alimenté par des réductions d’émissions
excédentaires réalisées à moindre coût par des entreprises du type A, et dans
certaines limites sous le MDP.
Quand tout se passe bien, l’État aura ainsi obtenu les réductions d’émissions
voulues que les entreprises auront réalisées au coût le plus bas. Ce mécanisme
permet également une certaine flexibilité : imaginons qu’une amélioration
de procès (par exemple, l’achat d’une nouvelle chaudière plus performante)
soit prévue dans une entreprise de type B, mais seulement dans quelques
années. En attendant, cette entreprise pourra acheter des droits d’émissions
sur le marché des droits d’émissions. Lorsqu’elle réalisera cet investissement,
elle pourra vendre les droits d’émissions dont elle n’aura pas besoin pour
son propre compte ou les conserver temporairement.
Pour que le système fonctionne bien il faut pouvoir contrôler les émissions
des entreprises. C’est pourquoi on n’a retenu dans un premier temps que les
émissions de CO2 provenant des combustibles fossiles des grandes entreprises
fortement consommatrices d’énergie. Ces dernières doivent, notamment en
France et depuis le premier choc pétrolier, déclarer précisément leurs achats
d’énergies fossiles. On connaît donc leurs achats passés et actuels : c’est ce
qui permet de calculer leurs rejets d’émissions de gaz carbonique d’origine
fossile.
Il faut en outre que le non-respect des obligations de réductions soit
assorti de fortes sanctions et il faut, enfin, vérifier que les réductions d’émissions
des vendeurs, mises sur le MDE, aient été réalisées correctement car, sinon,
on obtiendrait des fausses réductions d’émissions, en quelque sorte de la
« fausse monnaie ». C’est pourquoi les droits d’émissions vendus sur le MDE
portent une référence permettant d’identifier l’origine des réductions
d’émissions et d’appliquer, le cas échéant, des sanctions, notamment l’interdiction ultérieure d’accéder au MDE. On comprend donc que ce système,
idéal sur le plan des principes, ne soit pas applicable aux petites entreprises
dont on ne connaît pas les consommations d’énergies et dont on ne pourrait
de toute façon pas vérifier les réductions d’émissions. Il est donc exclu de
l’appliquer, pour le moment et sans doute pour longtemps, dans les secteurs
diffus comme les transports et l’habitat.
La Convention cadre pour le climat
Il faut aussi que les États imposent des réductions d’émissions suffisantes
à leurs entreprises. Pour préserver la compétitivité de certains secteurs, un
État pourrait être tenté d’imposer des niveaux de réductions plus faibles.
Pour éviter de telles distorsions, un arbitrage est nécessaire, par exemple au
niveau de la commission dans le cas de l’Union européenne. C’est pourquoi
les États membres doivent envoyer à Bruxelles les projets des réductions
d’émissions qu’ils comptent imposer à leurs entreprises – le PNAQ – et ne
peuvent les mettre en œuvre qu’après un arbitrage européen final.
Comment déterminer le niveau de réductions des émissions à imposer ?
Ce point est sans doute l’un des plus délicats. Quand le prix des combustibles
fossiles est élevé, les entreprises ont naturellement intérêt à augmenter l’efficacité
énergétique, ce qui, à production inchangée, conduit à des réductions d’émissions de CO2. Il en est de même quand l’activité économique se ralentit, comme
durant la crise de 2009. En fin de compte, les marchés de droits d’émissions ne
jouent pleinement leur rôle que lorsque l’activité économique augmente, quand
les prix des énergies fossiles baissent et quand le niveau des réductions d’émissions, imposé par les États à leurs entreprises, est suffisamment élevé.
Jusqu’à présent, les droits d’émissions (par exemple, jusqu’à 90 % quand
la réduction imposée est de 10 %) sont donnés gratuitement sur la base des
émissions passées (grand-fathering). Ce qui rend difficile l’accès de nouveaux
entrants.
Lors des accords de Marrakech, on a décidé que les réductions d’émissions
provenant des variations de stocks de carbone dans la végétation et dans les
sols des pays de l’annexe B ne pourraient pas être mises sur le marché des
droits d’émission. Si l’on tient compte des difficultés pour mesurer et vérifier
précisément ces variations de stocks, cette décision est parfaitement justifiée.
Les réductions d’émissions obtenues à travers les projets MDP dans les
pays en développement peuvent être mises en vente sur le marché des droits
315
316
L’énergie dans le développement de la N.-C.
d’émissions, mais dans la limite de 2,5 % des unités de quantité attribuées
à chaque pays31. On craignait en effet que les projets MDP réduisent les
efforts de réductions des émissions dans les pays de l’annexe B.
En principe, les réductions d’émissions temporaires provenant de projets
forestiers dans les pays en développement pourraient être mises sur les marchés
des droits d’émissions dans une certaine limite. Les accords de Bonn et de
Marrakech ne s’y opposent pas, mais l’Union européenne n’a pas souhaité
accueillir ce type de réductions d’émissions sur son marché.
Les actions de réduction des émissions
sous le mécanisme de développement propre (article 12)
Primitivement, les pays en développement avaient demandé, par la voix du
Brésil, la mise en place d’un fonds de développement propre pour des actions
vertueuses en faveur du climat dans leurs pays. Cela aurait sans doute
conduit à de fortes dépenses de la part des pays industrialisés de l’annexe B.
Par ailleurs, la Chine souhaitait profiter d’un mécanisme pour promouvoir
des transferts de technologies. C’est ainsi que se mit en place un MDP.
Via ce mécanisme, une entreprise d’un pays de l’annexe B peut réaliser
des réductions d’émissions dans un pays non-annexe I en règle avec ses
engagements sous la Convention. En principe, ces réductions d’émissions sont
réalisées dans un autre pays, parce que l’entreprise espère pouvoir les obtenir
à des coûts moindres. Mais, pour acquérir des Certificats de réductions des
émissions (CER), il faut pouvoir prouver que celles-ci n’auraient pas été réalisées
sans le projet. Il y a donc, pour les grands projets MDP, à la fois une contrainte
environnementale et une contrainte économique. Faire la preuve de l’additionalité économique n’est cependant pas toujours facile. Il faut également
l’accord des gouvernements des pays concernés.
À ce stade, plus d’un millier de projets de ce type ont été approuvés,
essentiellement pour la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Asie du Sud-Est, mais très
peu pour les pays de l’Afrique subsaharienne. Cela tient en grande partie au
fait que les financements doivent être d’origine privée (on ne peut pas utiliser
l’aide publique au développement) ; or, les investissements étrangers directs
en Afrique subsaharienne et dans les PMA sont très faibles.
31
Pour la France 2,5 % des 92 % d’émissions en 1990.
La Convention cadre pour le climat
Dans l’article 12 du protocole de Kyoto, il n’a pas été fait mention de la
possibilité de réduire les émissions via des projets forestiers dans les pays en
développement. Seuls des projets de boisement de terres agricoles, effectués
après 2000, sont devenus finalement éligibles. Encore faut-il pouvoir montrer
que ces boisements n’induisent pas des déboisements ailleurs, dans le même
pays. Seuls quelques rares projets sont en voie d’approbation et les CER
attribués sont, dans ce cas, temporaires.
Les actions de réduction des émissions
dans le cadre d’une mise en œuvre conjointe
entre deux pays de l’annexe B ayant des engagements
de réduction de leurs émissions (article 6)
Le principe est le même que pour les projets sous le mécanisme de développement propre. Les réductions d’émissions ne peuvent cependant être
comptabilisées qu’entre 2008 et 2012, et non à partir de 2000, comme pour
les projets MDP. Cependant, comme les deux pays concernés ont ici des engagements de réductions d’émissions, contrôlés par ailleurs sous le protocole,
le contrôle des réductions d’émissions au niveau des projets n’a pas besoin
d’être aussi rigoureux que pour les projets MDP. Si l’article 6 autorise très
explicitement la réalisation de mise en œuvre conjointe de projets forestiers,
dans la pratique cela reste cependant très difficile, notamment à cause de la
complexité des articles 3.3 et 3.4.
LES PERSPECTIVES D’ÉVOLUTION POST 2012
En juin 2009, on ignore encore quelles seront précisément les modifications
apportées au protocole de Kyoto en décembre 2009 et après, mais c’est
actuellement que se discutent les trajectoires de développement à suivre par
les divers pays, d’abord d’ici à 2020 puis au-delà, afin de stabiliser le climat
d’ici à 2050.
Au moment de la mise en chantier du protocole de Kyoto, on ignorait
encore qu’il faudrait à cette fin diviser les émissions mondiales par deux en moins
de cinquante ans. Cela requiert une mobilisation beaucoup plus importante
que ce qui est déjà engagé, principalement dans les pays industrialisés et
dans les pays en développement à croissance rapide, comme la Chine, l’Inde
317
318
L’énergie dans le développement de la N.-C.
et le Brésil, ou dans les pays de l’OCDE ne figurant pas encore sur l’annexe I,
comme la Corée du Sud et le Mexique.
Bien que les émissions brutes dues aux déboisements dans les pays en
développement représentent entre 15 et 20 % des émissions de GES
provenant des énergies fossiles, les petits États insulaires, tout comme
l’Union européenne, s’étaient fortement opposés à leur prise en compte
lors de la première période d’engagement sous le protocole. Pour l’Union
européenne, cette position peut se comprendre puisque, avant 2012,
seuls les pays développés avaient à prendre des engagements de réduction
de leurs émissions. Or, l’Union européenne considérait, même en 1997,
que chaque pays de l’annexe B devait réduire les émissions chez lui, sans
même recourir aux mécanismes de flexibilité de Kyoto. Ce sont surtout
les émissions provenant des énergies fossiles qui sont importantes dans
ces pays.
La prise en compte des forêts après 2012
Mais, en 2005, lors de la conférence de Montréal, sous l’impulsion de la
nouvelle présidence des États insulaires en développement, notamment de la
Papouasie-Nouvelle-Guinée, la situation a radicalement changé. On considère
maintenant que les déboisements dans les pays non-annexe I doivent être
fortement réduits, mais on ne connaît pas encore les mécanismes d’aide qui
le permettront, ni combien cela coûtera aux pays industrialisés. On imagine
difficilement que la tonne de CO2 évitée, via le déboisement, puisse être
rémunérée comme la tonne de CO2 évitée ou réduite en provenance des
énergies fossiles.
Cette question a été largement débattue lors des conférences de Nairobi,
en 2006, de Bali, en 2007 et de Poznan, en 2008. Elle constituera sans
doute l’un des points les plus difficiles à résoudre lors de la conférence de
Copenhague, en décembre 2009.
Pourra-t-on rémunérer les émissions évitées par les déforestations évitées
dans les pays en développement via le MDE ? Les avis sont partagés sur ce
sujet et très peu de personnes savent combien il est difficile de mesurer
précisément les variations de stocks de carbone en forêt. L’absence de possibilité de vérification sérieuse des réductions d’émissions pourrait conduire
à la mise sur le marché de produits « toxiques ». C’est pourquoi certains
La Convention cadre pour le climat
pensent qu’il serait préférable d’arriver à réduire les émissions via des actions
financées par d’autres voies – des prélèvements sur les rentrées que pourraient
générer les ventes des droits d’émissions des MDE en 2012 ou des contributions
spécifiques des pays de l’annexe I.
On peut en revanche penser que les boisements sous le MDP pourront se
poursuivre suivant la formule actuelle, mais avec une plus grande acceptabilité
de ces projets sur les marchés des droits d’émissions, notamment au niveau de
l’Union européenne.
Les marchés de droits d’émissions
Pour la période post 2012, il y aura également des évolutions à prévoir sur
les marchés des droits d’émissions, notamment au niveau de l’Union européenne, Celle-ci envisage alors de ne plus donner, mais de vendre la plupart
des droits d’émissions aux enchères. Toute entreprise de taille suffisante et
ayant de fortes émissions de CO2 pourrait ainsi en acquérir.
L’Union européenne estime aussi que les divers marchés de droits d’émissions du monde resteront sans doute segmentés et qu’il ne sera pas possible,
avant 2020, d’avoir un marché unique de droits d’émissions, pour les pays
de l’OCDE.
Lors de la conférence de Bali, ainsi que dans des ateliers de la CCNUCC,
plusieurs pays ont mentionné la nécessité de traiter à part les secteurs industriels
et miniers très intensifs en carbone, ce qui est le cas de la filière nickel.
Certaines entreprises, soumises à la concurrence internationale et présentant
des risques de délocalisation de leurs activités, pourraient cependant être
partiellement exonérées, voire totalement, de l’obligation d’achat de tels droits
d’émissions. D’ailleurs, des groupes d’industriels s’activent très fortement
auprès de la commission de l’Union européenne dans ce sens. Tout cela
montre combien il est important de suivre ce qui va se passer sur le marché
des droits d’émissions en 2012, dans l’Union européenne et partout ailleurs
dans le monde.
D’ici à 2012, tout dépendra de l’évolution de la conjoncture économique
et des leçons qu’on tirera de la mise en place d’un tel marché aux États-Unis
ou en Amérique du Nord. Car, jusqu’ici, bien qu’ayant imposé ce MDE aux
Européens, les États-Unis ne l’ont pas encore expérimenté à l’échelle de
319
320
L’énergie dans le développement de la N.-C.
leur pays. Il y existe certes un marché de CO2, mais comme il n’y avait pas
d’obligation de réduction des émissions, la valeur de la tonne de CO2 y était
symbolique – dix à vingt fois moins chère que sur le marché européen !
Il y a par ailleurs beaucoup de propositions pour utiliser les produits de
la vente des droits d’émissions. Certains voudraient qu’une partie de la
recette soit affectée à la mise en place de projets pilotes de séquestration
géologique du CO2, notamment dans des pays en développement comme la
Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud. D’autres voudraient l’affecter aux projets de
déboisements évités dans les pays de l’annexe I. Et bien d’autres utilisations
sont encore envisageables…
Les stratégies
d’insertion internationale
de la Nouvelle-Calédonie
Cette démarche présente deux contraintes principales et complémentaires
qui la rendent tout à fait originale. D’une part, cette insertion devrait être
cohérente sur le question de l’énergie, vis-à-vis de laquelle la NouvelleCalédonie partage les mêmes enjeux que les pays émergents de la grande
région Asie-Pacifique, et sur les aspects liés aux changements climatiques,
qui la placent dans une situation singulière. D’autre part, la NouvelleCalédonie ne détient pas, en 2009, les compétences de politique étrangère,
exercées par l’État français : la loi organique lui reconnaît uniquement la
possibilité de devenir membre associé ou observateur d’organisations internationales, une compétence qui doit néanmoins être soumise à l’accord de
la France.
LES RELATIONS INTERNATIONALES
DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
D’un point de vue régional, la Nouvelle-Calédonie participe, ou directement
ou par l’intermédiaire de la France ou encore avec la France, à différentes
organisations. Il peut s’agir de forums intéressants pour avancer conjointement
sur les questions d’énergie et de climat, en affichant une position cohérente.
Ces relations formelles sont organisées par l’État français, principalement par
le Haut-Commissariat et le ministère de l’outre-mer qui associent les représentants de la Nouvelle-Calédonie à certaines réunions. Les relations de fait
entre la Nouvelle-Calédonie et d’autres États du Pacifique, du fait des migrations
de populations, des relations commerciales, des proximités culturelles, des
échanges scolaires, des investissements croisés, ne semblent pas faire l’objet
d’une stratégie systématique.
322
L’énergie dans le développement de la N.-C.
LES ORGANISATIONS RÉGIONALES :
L’ÉNERGIE RATTRAPÉE PAR L’ENVIRONNEMENT
La Nouvelle-Calédonie participe à plusieurs organisations régionales.
Celle dont le champ de compétences est le plus grand est la Commission du
Pacifique Sud (CPS) qui comprend les îles du Pacifique, y compris les grands
pays (Australie, Nouvelle-Zélande, États-Unis), mais il existe d’autres instances
dont les compétences se recoupent en partie. Des regroupements sont à
l’étude pour mieux utiliser les moyens disponibles.
La Commission du Pacifique Sud (CPS)
Il s’agit de la plus ancienne des institutions de coopération régionale
dont la Nouvelle-Calédonie fait partie, comme la Polynésie française, à titre
individuel. La CPS aborde trois domaines principaux : la terre (agriculture, forêt,
sécurité alimentaire, etc.), la mer (pêche, navigation, océanographie) et la
société (démographie, santé). Les questions énergétiques ne sont pas abordées
en tant que telles, mais sont introduites dans les réflexions sur le changement
global. Cependant l’essentiel des discussions porte sur la vulnérabilité des
îles face aux changements environnementaux.
La CPS ne s’intéresse pas pour le moment aux questions énergétiques
dans leur globalité : il s’agit plutôt de formes classiques de coopération pour
le développement, à partir de programmes ciblés et financés. Un rapport de
2006 souligne toutefois la parenté des problèmes environnementaux entre
les îles du Pacifique et insiste notamment sur les problèmes d’accès à l’énergie
et sur la dépendance énergétique de la plupart des îles.
La commission de géosciences appliquées du Pacifique Sud –
South Pacific applied Geoscience Commission (Sopac)
Cette commission a abordé plusieurs aspects constitutifs de l’énergie, en
particulier à travers le Pacific Islands Energy Policy and Strategic Action Plan
(PIEPSAP), un programme qui a porté, entre 2004 et 2008, sur la formulation
des politiques énergétiques, le développement des énergies renouvelables et
l’efficacité énergétique. Les équipes ont conseillé les petits États insulaires dans
la formulation de leurs politiques énergétiques, mais la Nouvelle-Calédonie
n’a pas participé à cette réflexion.
Les stratégies d’insertion internationale
Le programme régional océanien de l’environnement –
Pacific Regional Environment Program (PROE)
Cette organisation environnementale se penche également sur le changement climatique et ses impacts sur les États insulaires du Pacifique, sans
aborder réellement le problème des émissions de GES.
Le Conseil de coopération économique du Pacifique –
Pacific Economic Cooperation Council (PECC)
Le PECC (Pacific Economic Cooperation Council) est une organisation
tripartite regroupant des personnalités des affaires et de l’industrie, des
gouvernements et du monde académique de 26 économies du Pacifique.
Cette organisation est le lieu privilégié de discussions des sujets concernant
le développement et l’intégration économique de la région Asie-Pacifique.
Elle repose sur un large réseau composé des 26 comités du PECC, incluant
un membre associé qu’est la France au travers de ses territoires du Pacifique
(Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis-et-Futuna). Son rôle est de
permettre une meilleure coopération et coordination dans les domaines du
commerce, de l’investissement, des finances, de l’industrie, des ressources
humaines… et de fournir des informations et un support analytique aux
groupes de travail de l’Apec (Asia-Pacific Economic Cooperation). Les objectifs
de promotion de la coopération économique transpacifique sont couverts
par diverses task forces dont l’une conduite par le comité français est spécifiquement axée sur les énergies renouvelables et la gestion de l’eau.
À la différence du PECC, l’Apec est une institution régionale comprenant
21 pays membres de l’océan Pacifique notamment les pays émergents du
Pacifique et les grandes puissances (États-Unis, Canada, Japon, Corée du
Sud). En effet, l’Apec défend le libre-échange entre ses membres et souhaite
parvenir, à brève échéance, à supprimer toutes les barrières aux échanges et
aux investissements entre les pays membres – une position cohérente avec
la domination des États-Unis sur ce forum.
En même temps, l’Apec est l’organisation internationale qui a l’approche
la plus complète sur les questions énergétiques, dans l’objectif de garantir la
323
324
L’énergie dans le développement de la N.-C.
sécurité de l’approvisionnement de ses membres. Il existe des groupes de suivi
de la situation énergétique à court et à moyen termes et diverses instances
d’échange. L’initiative Nautile, en particulier, rapproche les acteurs de l’énergie
de différents pays pour partager références et instruments de prospective :
cette construction d’une vision commune sur les problèmes énergétiques de
la zone et son partage entre les responsables est tout à fait essentielle – la
Nouvelle-Calédonie ne peut l’ignorer.
L’Apec organise aussi des simulations de crise énergétique dans les pays
membres en vue d’élaborer des réponses communes par la mutualisation
des stocks. Ces derniers sont en principe plus importants dans les pays
membres de l’OCDE (ils doivent respecter la recommandation de l’AIE de
100 jours de stocks) que dans les petits États qui ne disposent pas de capacités
de stockage.
Participer à ces initiatives, éventuellement comme observateur, pourrait
être intéressant pour la Nouvelle-Calédonie qui s’apparente à bien des égards
aux pays émergents du Pacifique.
LA COOPÉRATION BILATÉRALE
La Nouvelle-Calédonie a peu de coopérations bilatérales formalisées avec
les pays de la région, même s’il existe de nombreuses relations avec l’Australie,
la Nouvelle-Zélande et les petites îles du Pacifique dont l’immigration est
importante, particulièrement de Wallis-et-Futuna. Il s’agit bien évidemment
d’une problématique qui dépasse celle de l’énergie, mais dans laquelle
l’énergie peut prendre place.
La France dispose de différents outils de coopération, particulièrement avec
l’Australie et la Nouvelle-Zélande, à commencer par son réseau diplomatique.
Les relations scientifiques et technologiques entre la France et l’Australie
sont particulièrement fournies, soutenues par plusieurs programmes.
D’autre part, la France se propose de renforcer ses relations de coopération
avec les pays océaniens, en s’appuyant sur les collectivités d’outre-mer et en
utilisant les moyens du Fonds européen de développement (FED).
La Nouvelle-Calédonie pourrait certainement tirer parti de ces différents
programmes pour bénéficier à la fois des dynamiques de recherche en sciences
Les stratégies d’insertion internationale
et en technologies avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, et pour servir de
point d’appui aux actions de développement en faveur des autres îles du
Pacifique.
Il ne s’agit pas seulement d’un enjeu d’image, mais, plus largement, de
placer la Nouvelle-Calédonie de façon favorable par rapport aux énergies renouvelables non conventionnelles et aux solutions innovantes de transport dans
l’archipel et dans les villes, comment autant d’apports au développement des
petits États insulaires. Inversement, la Nouvelle-Calédonie ne peut envisager
d’apparaître comme l’un des principaux émetteurs de GES par habitant, dans
un ensemble où les changements environnementaux planétaires apparaissent
extrêmement menaçants, sans proposer aussi des solutions de réduction des
GES et/ou d’adaptation aux changements environnementaux.
LA NOUVELLE-CALÉDONIE
ET LES NÉGOCIATIONS INTERNATIONALES SUR LE CLIMAT
Les modalités d’insertion de la Nouvelle-Calédonie
dans le cadre régional, en dehors du protocole de Kyoto
Les émissions de GES en Nouvelle-Calédonie proviennent principalement
de l’industrie du nickel et de ses autres activités économiques. Avec la montée
en puissance de la production de nickel – la mise en route de deux nouvelles
usines –, les émissions de GES ne peuvent qu’augmenter.
En adoptant diverses mesures, les émissions des autres activités pourraient
sans doute diminuer, mais ne compenseront pas l’augmentation des émissions
résultant de la production accrue de nickel, car celles-ci ne se stabiliseront
probablement que vers 2015 ou 2020. Il sera alors possible de commencer à
afficher des objectifs de réduction des émissions de GES pour l’ensemble de la
Nouvelle-Calédonie. D’ici là, il peut donc être utile d’avoir un affichage des
émissions distinguant celles qui sont attribuables à la production du nickel de
celles résultant des autres activités. La décision 14 CP7, adoptée dans le cadre
des Nations unies pour l’Islande, permet de justifier cette distinction.
Comme toutes les villes ou régions du monde, la Nouvelle-Calédonie
peut réduire ses émissions de GES de manière volontaire et le faire savoir.
325
326
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Les villes et les Provinces pourraient sans doute aussi engager des actions de
coopération dans le cadre de jumelages avec d’autres villes ou pays de la
région.
À ce stade de la réflexion, il est également possible de s’inspirer de la
communication nationale de l’Islande qui comprend huit chapitres. Le premier
décrit les spécificités nationales de l’Islande et le deuxième livre des informations sur les inventaires de GES du pays et sur les évolutions en cours. Le
troisième chapitre fait état des politiques et mesures adoptées dans le pays
pour réduire ou limiter les émissions de GES (on y examine les secteurs de la
production d’énergie, des transports, des pêches, de l’industrie, des déchets
et de l’agriculture, ainsi que les actions relatives à la séquestration de carbone
et les recherches en cours). Le quatrième chapitre présente des scénarios
d’évolution des émissions, qui tiennent compte des politiques et mesures
envisageables. Le cinquième concerne les impacts des changements climatiques
et les adaptations envisagées. Le sixième chapitre se réfère à la façon dont
l’Islande s’acquitte de ses obligations envers les pays en développement (aide
publique et transferts de technologies). Le septième mentionne les recherches
et observations relatives au climat, et le dernier évoque les politiques de
communication en direction de la population.
N’ayant pas, sous ce scénario, d’engagement contraignant de réduction
ou de limitation de ses émissions de GES, la Nouvelle-Calédonie n’aurait pas
à compenser les augmentations d’émissions résultant de la production de
nickel. Mais, il pourrait cependant être utile de mettre en avant, s’ils étaient
retenus, les projets de recherche sur la séquestration géologique du CO2
proposés dans « Les émissions et les réductions de gaz à effet de serre en
Nouvelle-Calédonie ». La mise au point de ce type de technologie apparaît
indispensable si l’on veut diviser par deux les émissions mondiales de GES
d’ici à 2050.
En cas de succès, il sera possible de continuer à utiliser du charbon, l’une
des ressources fossiles les plus abondantes et les moins chères du monde.
Elle est notamment abondante en Australie et en Indonésie : il y aurait là des
bénéfices mutuels justifiant des programmes conjoints. Cela pourrait ensuite
conduire à des transferts de technologies de captage et de stockage vers
d’autres régions du monde, par exemple vers la Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Les stratégies d’insertion internationale
Le protocole de Kyoto ne s’applique pas à la Nouvelle-Calédonie
Actuellement, la Nouvelle-Calédonie n’a pas à appliquer les dispositions du
protocole de Kyoto. Le principe en la matière est que les traités internationaux,
dont la France est partie, s’appliquent sur l’ensemble de son territoire, y compris
à l’outre-mer, sauf mention contraire expresse.
Lors de la publication du protocole de Kyoto, par décret du 22 mars 2005,
la France a émis une déclaration qui exclut de son application les territoires
d’outre-mer au motif qu’ils ne font pas partie de la Communauté européenne. Pourtant, le protocole indique bien dans son article 26 « qu’aucune
réserve ne peut être faite au présent protocole ». D’où des interrogations
soulevées par cette déclaration de la France ; interrogations qui se sont avérées
finalement inutiles en droit, mais utiles à la compréhension de l’applicabilité
territoriale du protocole de Kyoto.
En effet, la clause territoriale du traité de Rome de 1957 instituant la
Communauté européenne précise que ses dispositions sont applicables aux
départements français d’outre-mer, aux Açores, à Madère et aux îles Canaries.
Les pays et territoires d’outre-mer font, quant à eux, l’objet d’un régime
spécifique d’association, mais le traité de Rome ne leur est pas applicable. Dès
lors, la Nouvelle-Calédonie ne se voit pas appliquer le droit communautaire.
La France demeure toutefois responsable de la Nouvelle-Calédonie au
titre de la Convention sur le climat : c’est ainsi qu’elle déclare sous la
Convention l’ensemble des émissions, y compris de la Nouvelle-Calédonie,
conformément aux règles des Nations unies.
Ajoutons par ailleurs que les articles L. 229-1 à L. 229-4 du code de l’environnement français relatifs à l’effet de serre et à la prévention des risques liés
au réchauffement climatique s’appliquent bien en Nouvelle-Calédonie.
Comment la Nouvelle-Calédonie pourrait-elle, si elle le souhaitait,
intégrer les négociations sur le climat ?
Après 2012, la Nouvelle-Calédonie pourrait souhaiter intégrer les négociations sur le climat de manière à afficher une position plus forte à l’échelle
internationale et régionale quant à sa participation aux réductions des émissions
de GES, et à bénéficier des mécanismes associés. Quels en seraient les différents
scénarios ?
327
328
L’énergie dans le développement de la N.-C.
En ne faisant rien, la Nouvelle-Calédonie ne sera pas dans l’illégalité au
plan juridique puisque les textes ne lui sont pas applicables. Actuellement,
elle remplit ses obligations envers la Convention via la France, car seuls des
pays peuvent devenir membres des Nations unies. Sous ce scénario, la
Nouvelle-Calédonie est dispensée de prendre des engagements formels de
limitation ou de réduction de ses émissions. Ce qui rend évidemment inutile le
recours aux mécanismes de flexibilité de Kyoto pour compenser des émissions.
À court terme, cela la dispense de réaliser des inventaires supplémentaires
des variations de stocks de carbone dans les sols et dans les forêts pour remplir
les obligations sous les articles 3.3 et 3.4 du protocole.
Les grandes entreprises fortement émettrices de CO2, comme la filière
nickel ou la production centralisée d’électricité, sont de ce fait en dehors du
périmètre considéré par le Plan national d’affectation des quotas de la
France. D’où l’impossibilité de vendre ou d’acheter des droits d’émissions et
de participer à des projets MDP ou MOC (Mise en œuvre conjointe) à des
pays ayant ratifié le protocole de Kyoto.
Rien n’empêche cependant ces entreprises utilisant des quantités importantes de charbon de financer, si elles le souhaitent, des projets dans les pays
en développement pour y réduire des émissions, sous réserve évidemment
de l’accord des pays hôtes, mais en dehors des engagements internationaux
du protocole de Kyoto. Elles pourraient également, si elles voulaient améliorer
leur image de marque, acheter des réductions d’émissions sur un marché
volontaire.
Comment pourrait-on justifier ce statu quo ? Remarquons tout d’abord que
les industries fortement intensives en carbone ont un poids considérablement
plus élevé dans l’économie de la Nouvelle-Calédonie que dans les grands
ensembles ou pays (États-Unis, Europe, France, etc.). Dans le cas des États-Unis,
elles ne représentent que 6 % des émissions totales de CO2, 3 % de l’activité
économique et 2 % des emplois. En Nouvelle-Calédonie, la situation est fort
différente : en 2006, le nickel y représentait la moitié, voire plus, des émissions
de GES, 11 % de la valeur ajoutée et 97 % (en valeur) des exportations.
Par ailleurs, tous les pays producteurs de nickel n’ont pas les mêmes obligations. La Nouvelle-Calédonie est actuellement le premier exportateur
mondial de nickel oxydé. Cuba, le Brésil, les Philippines et l’Indonésie et
quelques autres pays de la ceinture tropicale n’appartenant pas à l’annexe B
Les stratégies d’insertion internationale
du protocole (donc actuellement non soumis à des contraintes de réduction de
leurs émissions) en exportent aussi. La Corée du Sud importe du minerai de
Nouvelle-Calédonie et exporte des produits contenant du nickel. En revanche
la Russie, le Canada et l’Australie, qui produisent du nickel sulfuré, font partie
de l’annexe B : ces pays doivent donc réduire leurs émissions de GES.
Cette situation est-elle tenable à long terme ? Cela dépendra des pressions
que pourraient exercer la communauté internationale, les pays voisins et les
pays producteurs et exportateurs de nickel, dont les usines pourraient devoir
réduire leurs émissions. Il faudrait donc, dans le cadre des accords de Kyoto
post 2012, être attentif aux évolutions des pays exportateurs et aux facilités
(octroi de droits d’émissions gratuits, fiscalité allégée, etc.) qu’ils pourraient
accorder à leurs industries fortement intensives en carbone.
Dans les conditions actuelles, cette intégration ne peut se faire qu’avec la
France qui, seule, a le statut international d’État et est habilitée à conclure des
traités dans le cadre des Nations unies ou avec d’autres États. La République
est libre d’associer telle ou telle institution territoriale à la négociation, voire
à la procédure préalable à la ratification ou à l’approbation de tels traités,
mais non à la conclusion d’accords.
Mais cela pose un problème symétrique de celui évoqué plus haut : si la
France signe le prochain protocole dans le cadre de l’Union européenne,
comme pour le protocole de Kyoto, la Nouvelle-Calédonie en sera exclue. La
seule possibilité serait sans doute d’intégrer la révision du protocole à venir, qui
entrera en vigueur en 2012. Pour cela, il conviendra d’obtenir une disposition
qui permette à la France d’intégrer une composante de son territoire à statut
spécifique, tout en lui permettant de poursuivre, le cas échéant, ses engagements en tant qu’État membre de l’Union européenne et, donc, dans le
cadre d’engagements conjoints avec les autres États membres. Ou alors il lui
faudra négocier des engagements spécifiques à la Nouvelle-Calédonie, mais
distincts des engagements français, même si l’accord est signé par la France
pour la Nouvelle-Calédonie.
Les négociations relatives à Kyoto soulèveront la question de la mutualisation de ses quotas avec ceux de la France métropolitaine : compte tenu
du statut de la Nouvelle-Calédonie et si l’Union européenne l’acceptait, il
329
330
L’énergie dans le développement de la N.-C.
conviendrait de négocier pour la Nouvelle-Calédonie des quotas spécifiques
distincts des français, ce qui permettrait en outre de responsabiliser les
acteurs du Territoire, même si la France, à titre individuel, en resterait responsable en tant qu’État. Dans tous les cas, la Nouvelle-Calédonie aurait
intérêt à être associée aux négociations, au sein de la délégation française.
Dans ce scénario, deux modalités d’insertion peuvent être envisagées.
Avec un accès au marché de droits d’émissions de l’Union européenne,
la Nouvelle-Calédonie devra réaliser les divers inventaires demandés, notamment ceux relatifs aux utilisations et aux changements d’utilisation des terres.
Elle devra donc limiter ou réduire ses émissions, comme la France métropolitaine, mais hors du « partage du fardeau » européen ; comme l’Europe ; et
suivant des modalités particulières à négocier. Les augmentations d’émissions
accordées à la Nouvelle-Calédonie devraient alors être compensées par des
réductions d’émissions plus fortes au niveau de la France métropolitaine ou
de l’Europe.
Les industries du nickel et le producteur d’électricité centralisée de la
Nouvelle-Calédonie qui utilisent d’importantes quantités de combustibles
fossiles seraient alors invités sans doute à réduire ou à limiter leurs émissions
dans le cadre des PNAQ. Ils pourraient, à cette fin, recourir à des économies
d’énergies et à des réductions d’émissions de CO2 au sein de leur entreprise,
ou faire appel aux mécanismes de flexibilité de Kyoto (MDP ou MOC et
marchés de droits d’émissions).
Si les droits d’émissions sont vendus aux enchères, au moins partiellement,
par l’Union européenne, comme c’est envisagé pour 2012, les entreprises
néo-calédoniennes devraient en principe en acheter. Mais combien ? De
quelles exonérations pourront-elles bénéficier ? Peut-on mettre en avant la
nécessité d’équilibrer la balance commerciale ou le statut particulier de la
Nouvelle-Calédonie pour obtenir des droits d’émissions gratuits, voire des
exonérations partielles ou totales ? Peut-on démontrer par ailleurs qu’il
existe des risques de délocalisation de l’activité ou de concurrence déloyale,
si ces entreprises devaient acheter des droits d’émissions ? Une procédure est
actuellement ouverte en ligne, au niveau de la Commission, pour recueillir
des avis sur cette question.
Il existe depuis décembre 2008, un « paquet climat » pour l’Europe et des
engagements de réduction des émissions d’ici à 2020 d’au moins 20 % par
Les stratégies d’insertion internationale
rapport à 1990. Si d’autres pays s’engageaient également, l’Union européenne
pourrait même afficher des ambitions plus fortes de réductions de ses émissions.
Dans ces conditions que pourrait réellement obtenir la Nouvelle-Calédonie
de l’Union européenne ? Serait-il possible de mettre en place un partage,
avantageux pour elle, du fardeau européen, comme en 1997 ? En l’absence
d’un tel partage, qui devrait alors compenser les augmentations d’émissions
de la Nouvelle-Calédonie ? Sans doute la France métropolitaine.
Sans accès au marché des droits d’émissions de l’Union européenne, l’une
des options du scénario précédent pour réduire les émissions disparaît. L’accès
à des marchés volontaires resterait-il alors fermé pour la Nouvelle-Calédonie ?
La réponse est vraisemblablement oui. Mais c’est un point qu’il conviendrait
sans doute de mettre sur la table, lors de négociations avec la France et
l’Union européenne, et qui pourrait constituer un argument pour faciliter
l’accès de la Nouvelle-Calédonie au marché européen (donc pour revenir au
scénario n° 1). En revanche, la question du partage du fardeau entre la
France métropolitaine et la Nouvelle-Calédonie demeurerait.
La Nouvelle-Calédonie pourrait aussi adopter une approche imitée de
celle de l’Islande, un petit pays adhérent aux Nations unies qui a beaucoup
de points communs avec elle. Les approches retenues dans le cadre des
négociations de Kyoto ne convenaient pas à l’Islande : faute de pouvoir
modifier l’approche générale, les Nations unies ont donc adopté la décision
14 CP7. Le lecteur pourra se faire une idée des obligations de ce pays au
regard de la décision 14 CP7 en consultant la Communication nationale de
l’Islande aux Nations unies, sur le site http://www.umhverfisraduneyti.is/
media/PDF_skrar/Icelands_Fourth_National_Communication_and_Report_on_
Demonstrable_Progress.pdf
En se référant à cette décision et en agissant comme l’Islande, mais sans
adhérer formellement au protocole de Kyoto, la Nouvelle-Calédonie pourrait
montrer, au niveau de la région Asie-Pacifique comme au niveau international,
que cette approche est parfaitement légitime, car conforme aux décisions
prises dans le cadre du protocole de Kyoto.
Une telle démarche ne supposerait pas nécessairement une adhésion
formelle et directe aux Nations unies ; elle impliquerait, en revanche, de
331
332
L’énergie dans le développement de la N.-C.
satisfaire progressivement à toutes les obligations de la Convention et du
protocole de Kyoto révisées pour la période post 2012, notamment les
inventaires sous les articles 3.3 et 3.4.
Dans ce scénario, il faudrait donc rester attentif aux nouvelles contraintes
et opportunités susceptibles d’apparaître. Il faudrait également savoir si et
comment la décision 14 CP7 sera reconduite après 2012 et quels engagements
prendra alors l’Islande.
L’avantage de cette solution serait de rendre compatible le développement
industriel de la Nouvelle-Calédonie avec l’esprit de la lutte contre le changement climatique au niveau planétaire. Il n’y aurait pas à acheter de droits
d’émissions. L’inconvénient, sans doute mineur dans ce cas, serait de ne pas
pouvoir réaliser de projets de MDP ou de mise en œuvre conjointe, mais la
réalisation de projets volontaires reste toujours possible en dehors du cadre
formel des Nations unies.
À noter également une analogie avec le Groenland qui vient d’obtenir,
en 2009, son autonomie. Ce pays est dans une situation comparable à celle
de la Nouvelle-Calédonie puisqu’il est également en dehors de l’Union européenne depuis 1985. Il serait donc utile de s’informer régulièrement des
intentions du gouvernement de ce pays et de l’état de ses négociations avec
le Danemark, notamment concernant les engagements pris pour la période
post 2012.
Dans tous les cas, la Nouvelle-Calédonie pourrait parfaitement, si elle le
souhaitait, effectuer des communications sur le climat inspirées de celles de
l’Islande ; celles-ci pourraient, le moment venu, s’insérer dans les communications nationales de la France aux Nations unies.
Les conséquences d’une démarche d’intégration
aux discussions pour la gouvernance en Nouvelle-Calédonie
Les aspects « climat » et « gaz à effet de serre » n’ont pas encore fait l’objet
d’une attribution explicite et, en matière de protection de l’environnement, la
répartition des compétences est floue, peu lisible et l’enchevêtrement complexe
entre les quatre niveaux de responsabilités – État, Nouvelle-Calédonie, Provinces
et communes. Une autorité devrait se voir attribuer ces questions qui requièrent
nécessairement des moyens humains et financiers spécifiques.
Les stratégies d’insertion internationale
Bien que la lutte contre les gaz à effet de serre et le changement climatique
fassent partie de la protection de l’environnement, il ne semble guère approprié
d’attribuer cette compétence aux Provinces, dans la mesure où il s’agit d’une
compétence de politique territoriale globale qui doit être centralisée. En
outre, les questions relatives au changement climatique ne peuvent ni être
soumises à réglementation ni à des initiatives différentes et non homogènes
au sein d’un même territoire. Cette attribution de compétence ne pourra être
effective juridiquement que par une insertion explicite dans la loi organique
de 1999.
Dès lors, sur le plan de l’organisation administrative, la Nouvelle-Calédonie
pourrait soit créer un service spécifique, soit insérer cette compétence au
sein d’un service existant, comme celui de l’énergie qui deviendrait « énergie
et climat », puisque les discussions sur ces deux thèmes sont fortement liées
(cf. les exemples actuels de plans énergie-climat). Ce service devrait également
prendre en compte les activités agricoles et forestières qui entrent dans la
comptabilité globale des émissions de GES.
CONCLUSION
La Nouvelle-Calédonie peut agir sur différents tableaux pour conforter sa
sécurité énergétique, accéder aux technologies de pointe et renforcer sa
crédibilité internationale, tout en préservant la compétitivité de ses industries
exportatrices.
En ce sens, il serait utile d’aborder de façon globale toutes les questions
de relations internationales, comme le font d’ailleurs toutes les régions de
France métropolitaine – avec d’autres priorités et d’autres perspectives.
L’effet de levier du réseau diplomatique français est un puissant atout pour
agir efficacement dans les intérêts du territoire.
Assumer cette position cohérente suppose une réflexion préalable et
l’existence en Nouvelle-Calédonie d’une capacité d’expertise à la fois sur les
thèmes conjoints de l’énergie et du climat et sur les modalités de l’action
internationale dans une situation juridiquement complexe. Cela implique
également de repenser la gouvernance du secteur énergie-climat : c’est ce
que propose la dernière partie de la synthèse.
333
334
L’énergie dans le développement de la N.-C.
RECOMMANDATIONS
Pour le détail des recommandations exposées ci-dessous, le lecteur pourra
se reporter aux fiches de recommandations rassemblées à la fin de la synthèse
(p. 387), après la partie « Conclusion et recommandations ».
1. Structurer un pôle de compétences locales sur le contexte régional
dans les domaines de l’énergie (y compris sur les énergies importées ou qui
pourraient l’être, comme le bois et les biomasses) et du climat, avec l’appui
éventuel de l’Université et des institutions de recherche présentes en
Nouvelle-Calédonie et dans le Pacifique. Créer ou soutenir des programmes
spécifiques de recherche (thèses, mémoires).
L’élaboration de représentations communes et vérifiées sur le contexte
régional paraît être un préalable. Il s’agit d’un objectif transversal allant de la
formation à la citoyenneté (dans quel environnement régional vivons-nous ?),
jusqu’à la formation des dirigeants de différents niveaux et de différents
milieux (entreprises, éducation, gouvernement, etc.). Les initiatives prises
dans le domaine des échanges scientifiques à l’échelle du Pacifique vont
dans ce sens, de même que les relations existant entre les organismes de
formation et de recherche de Nouvelle-Calédonie et leurs homologues de
France métropolitaine et d’autres pays.
2. Envisager tous les scénarios d’insertion de la Nouvelle-Calédonie dans
les négociations sur le climat. Constituer une capacité de veille, à commencer
par le suivi des négociations sur le climat, dès décembre 2009 à Copenhague.
Évaluer la possibilité de réaliser un plan climat et un inventaire des émissions
pour la Nouvelle-Calédonie (cf. également la recommandation n° 1 dans
« Les émissions et les réductions d’émissions de gaz à effet de serre en
Nouvelle-Calédonie », p. 193).
La Nouvelle-Calédonie a intérêt à réfléchir à la façon dont elle souhaite
s’insérer dans les négociations sur le climat, en adéquation avec les processus
en cours. La complexité des dossiers rend nécessaire un apprentissage qui peut
commencer en nommant un chargé de mission pour suivre les négociations
de Copenhague et en capitalisant les expériences.
De même, la Nouvelle-Calédonie peut commencer à travailler à son
propre inventaire, en suivant les formats existants, de manière à évaluer les
connaissances disponibles et à en acquérir.
Les stratégies d’insertion internationale
3. Construire une action internationale forte et cohérente avec la diplomatie
française. Tirer parti des relations existantes, notamment des relations bilatérales
dans les domaines de l’énergie et du climat avec les réseaux de recherche et
d’éducation. Faire des propositions innovantes sur ces questions dans les
forums régionaux. Mettre à disposition des États insulaires les expériences
de la Nouvelle-Calédonie. Aborder la coopération régionale (Australie,
Nouvelle-Zélande) sous l’angle de la recherche pétrolière et, éventuellement,
du stockage géologique de CO2.
La Nouvelle-Calédonie peut bénéficier du réseau diplomatique français
et des relations informelles existantes pour construire une politique cohérente
de coopération régionale dans les domaines de l’énergie et du climat. Ce qui
lui permettra à la fois de disposer des meilleures technologies – notamment
pour le captage et le stockage de CO2 – mais aussi de confronter ses propres
démarches aux initiatives des pays de la région, et de promouvoir les innovations dans les domaines de l’énergie et du climat. Ce n’est qu’à cette
condition qu’elle pourra jouer dans le Pacifique Sud le rôle moteur qui lui
revient en raison du niveau élevé de son revenu par habitant.
4. Renforcer la sécurité énergétique dans le cadre régional. Évaluer la
possibilité de coopérer avec les pays de l’Apec dans le domaine de l’énergie.
Réaliser des exercices conjoints sur la sécurité énergétique (gestion de crise).
Encadrer de façon appropriée les activités des entreprises du domaine de
l’énergie, notamment l’exploration pétrolière.
La Nouvelle-Calédonie se trouve dans une situation comparable à celle
de ses voisins, du point de vue de sa vulnérabilité/sécurité énergétique. Elle
a donc tout intérêt à mutualiser avec eux, autant que possible, les outils, les
instruments de gestion et, le cas échéant, les procédures de réponse à des
crises éventuelles.
La Nouvelle-Calédonie pourrait participer comme observateur à certains
forums régionaux orientés énergie-climat pour bénéficier de leurs dynamiques,
mais aussi adopter des mesures de régulation pensées en fonction des positions
de ses voisins, qu’ils soient partenaires ou concurrents.
335
Quel cadre pour une politique
de l’énergie et du climat
au service du développement
de la Nouvelle-Calédonie ?
Cette dernière partie a pour objet de proposer les voies de concrétisation des
options sur l’énergie et le climat qui pourraient être retenues, et d’en examiner
les modes possibles de gouvernance, dans l’optique du développement de la
Nouvelle-Calédonie.
La question de l’énergie est portée par trois logiques différentes du développement de la Nouvelle-Calédonie, trois logiques peu reliées entre elles.
Dans le domaine de l’habitat, la sécurité énergétique, la réduction des
émissions de gaz à effet de serre et la qualité de la vie conduisent à privilégier
un habitat à haute qualité environnementale, à énergie positive, avec une
climatisation la plus naturelle possible.
L’industrie métallurgique est soucieuse de la permanence de son approvisionnement en énergie électrique, ce qui conduit à avoir une centrale associée
à chaque usine (existante ou en cours de réalisation). Ce secteur mondialisé
achète son énergie sur les marchés mondiaux qui absorbent sa production
métallurgique : l’économie est en relation avec la géostratégie.
Deux enjeux ressortent pour ce secteur :
– celui de la sécurité d’un approvisionnement au meilleur coût, ce qui a
conduit à privilégier le charbon australien comme ressource pour la production
d’électricité et pour alimenter les usines métallurgiques ;
– celui relatif aux négociations mondiales sur les changements climatiques
et la réduction des émissions de gaz à effet de serre qui peuvent affecter la
Nouvelle-Calédonie et l’économie du nickel, et conduire à des évolutions
technologiques.
À lui seul, ce secteur représente les 2/3 de l’énergie primaire consommée
et du CO2 émis aujourd’hui en Nouvelle-Calédonie… Nous avons vu qu’il y
a des perspectives significatives de réduction des consommations d’énergie
et pour la prise en compte à venir des enjeux climatiques.
Dans le domaine des transports, ce sont des carburants liquides qui sont
actuellement demandés, dans une Asie qui en manque, beaucoup plus rares
que le charbon. Une filière néo-calédonienne d’agrocarburants d’ampleur
suffisante semble difficile à moyen terme, à la fois pour des raisons de disponibilité de la biomasse et de taille exigée pour certaines installations de
transformation. Sécurité énergétique et réduction des émissions conduisent
donc à chercher une moins grande dépendance vis-à-vis des carburants
fossiles. C’est donc surtout par économie que l’on peut gagner, et par transfert
vers d’autres modes de déplacement plus économes, en particulier les
transports en commun.
Des décisions importantes ont déjà été prises concernant la programmation des unités de production de nickel et la construction ou reconstruction
de centrales électriques au charbon. Le schéma de mise en valeur des richesses
minières en Nouvelle-Calédonie évoque également cette question de l’énergie
et pose le principe de la compensation des émissions de gaz à effet de serre.
Mais nous avons aussi retenu que la loi de programmation pluriannuelle de
la production électrique n’a pu être complètement adoptée.
Les politiques énergétiques et climatiques s’appuient classiquement
sur une typologie d’instruments qui comprend les aspects tarifaires et fiscaux,
les instruments économiques et la réglementation. On peut à cette liste
ajouter les instruments qui visent à faire évoluer par l’information et la communication les comportements ou les préférences des agents économiques
ainsi que la formation des acteurs et les programmes de R&D. Ces différents
aspects seront abordés ci-après. À une exception près : le collège des experts
n’a pas pu rassembler d’éléments pour élaborer des recommandations sur le
volet de l’action économique en faveur des entreprises des secteurs concernés.
On peut tout simplement dire que la Nouvelle-Calédonie doit tirer parti des
activités des organismes comme Oséo ou l’AFD.
À la fin de cette partie, des préconisations seront également apportées
dans une perspective d’évolution de la gouvernance accompagnant les
options nouvelles de l’énergie et du climat qui pourraient être prises en
Nouvelle-Calédonie.
Les options techniques,
les enjeux, atouts et contraintes
Des travaux d’expertise présentés précédemment, il ressort qu’il existe
en Nouvelle-Calédonie un fort potentiel de maîtrise de l’énergie dans les
secteurs résidentiel et industriel : une réduction de la consommation d’énergie
est possible, mais cela a un coût et suppose une évolution des modes de
production, de construction et de consommation.
Il existe aussi un fort potentiel de développement des énergies renouvelables
et de nouvelles technologies : certaines des énergies nouvelles développées
dans le monde offrent des possibilités à la Nouvelle-Calédonie, comme cela
a déjà été amorcé pour l’éolien et la production d’électricité photovoltaïque.
Mais la biomasse accessible souffre de la dispersion de sa production et de
la contrainte foncière, ce qui rend difficile son exploitation malgré un potentiel
technique renouvelable, sans doute non négligeable. Des moyens de stockage
devraient être développés, tout particulièrement le stockage hydraulique
gravitaire si l’existence de potentiels techniques est confirmée.
Il est apparu utile de tenter une synthèse sur la maturité des différentes
techniques de maîtrise de l’énergie, de nouvelles productions et de captage
du CO2.
Indicateur
de performance
(% marché
par ex.)
Maturité
Diffusion
R&D
Émergence
1
2
Diffusion
Consolidation/
Maturité
3
4
Aucune
Premières
applications
commerciales
Large diffusion
Faible progression
de la diffusion
4
3
1
2
Temps
Figure 14
R&D Émergence Diffusion
Maturité
La maturité se définit selon le graphique, adapté de Svi Griliches.
Représentation classique
du processus de classification
Options techniques, enjeux, atouts, contraintes
Tableau 8 – Les secteurs et leurs options technologiques
Options Secteurs
Options
MDE
Habitat/tertiaire
Rénovation thermique
Maison très basse consommation
MDE Éclairage
MDE Électroménager
3
2
3
3
Transport
Véhicule électrique
2
Industrie
Co-combustion biomasse
2
EnR Élec
Éolien
Hydroliennes
Photovoltaïque
Solaire thermodynamique
Énergie thermique des mers
Dispositifs houlomoteurs
3
1
3
2
1
1
EnR Chaleur/Carb ECS Solaire
Biogaz
Biocarburants 1re génération
Biocarburants 2e génération
Algues carburants
3
2
3
1
1
Nucléaire
Nucléaire petite taille
1
Autres
PAC
1
Stockage
Pompage turbinage
3
Stockage électro chimique
3
Stockage EC (nouvelles technos)
2
Stockage H2
2
NTE
CCS
Maturité
Captage CO2
Stockage
Niveau de maturité des technologies.
Précombustion
1
Postcombustion
2
Oxycombustion
1
Stockage géologique (péridotites)
1
Stockage biologique
1
341
342
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Même en adoptant une politique incitative dans les deux domaines
précédents, le niveau de consommation est tel, qui est dû aux grandes
entreprises métallurgiques notamment, que la demande en énergie ne
saurait être couverte par les énergies renouvelables ; dès lors, la nécessité
d’une production à grande capacité reste nécessaire.
Enfin, la Nouvelle-Calédonie ne peut faire l’économie de la prise en
compte de la protection de l’environnement et des gaz à effet de serre dans
le contexte régional et international.
L’ANALYSE TECHNICO-ÉCONOMIQUE RÉVÈLE QUELQUES PRIORITÉS
À ce stade, il serait utile de pouvoir disposer d’éléments objectifs permettant d’orienter les futures décisions publiques. L’analyse technico-économique,
complémentaire des options techniques, peut aider à identifier les priorités en
introduisant la dimension économique. Classiquement, celle-ci sert à évaluer
et comparer les coûts des options disponibles, puis à les organiser, par ordre
de mérite, dans un cadre de rationalité économique qui vise à minimiser le
coût global de réalisation.
Il n’a pas été possible ici de mettre en œuvre cette démarche car la
collecte des informations nécessaires à cette analyse n’entrait pas dans le
cadre de notre expertise collégiale. Pour apporter néanmoins des éléments
complémentaires à l’analyse, nous avons complété l’identification des
principales options techniques par une estimation pour chacune d’entre
elles des enjeux et des coûts représentés. Concrètement, nous avons estimé
les potentiels techniques de production ou d’économie d’énergie (ou de CO2
dans le cas du stockage) associés à chaque option ; nous avons également
évalué les dépenses globales auxquelles il faudrait consentir pour mobiliser
ces quantités d’énergie.
Chaque variable a été estimée sur une échelle à trois niveaux : faible,
moyen, élevé. Cette analyse, essentiellement qualitative, ne prétend pas à la
rigueur scientifique, mais elle s’appuie dans la mesure du possible sur des
connaissances issues d’autres expériences. Nous avons enfin complété cette
analyse par une estimation des contraintes et atouts associés à chaque
option, pour faire apparaître un critère de difficulté de mise en œuvre qui
intègre à la fois la disponibilité des technologies, la faisabilité des politiques
et les bénéfices associés (économies d’énergie, par exemple).
Options Secteurs
Options
MDE
Habitat/tertiaire
NTE
CCS
Enjeux
Coût
Difficultés
Réglement thermique ancien
Réglement thermique neuf
Rénovation parc public
MDE Éclairage
MDE Électroménager
Sobriété énergétique
++
+/++
+
+
+
+
++
+
+
+
+
0
++
+
+
0
0
+
Transport
Politique urbanisme
Transports publics, modes doux
Bonus / Malus
Taxes carburants
Transports scolaires
++
+/++
+
+
+
+
++
0
+
0/+
+/++
+
0/+
+/++
+
Industrie
EE process
Biomasse énergie
++
+/++
+
+
+
+/++
EnR Élec
Éolien
Photovoltaïque
Énergie thermique des mers
Solaire thermodynamique
+/++
++
+
+
+
+/++
++
+/++
+
+
++
++
EnR Chaleur/Carb ECS Solaire
Biogaz
Biocarburants 1re génération
Algues carburants
++
0/+
0
+/++
+
+
+
++
0
+
++
++
++
+
+
++
+
+
+
++
+/++
Stockage géologique
Stockage biologique
Oxycombustion
Options techniques, enjeux, atouts, contraintes
Tableau 9 – Analyse quantitative coûts/quantités
Chaque variable est estimée sur une échelle à trois niveaux : faible, moyen, élevé.
343
344
L’énergie dans le développement de la N.-C.
On observe ainsi qu’une option telle que la maîtrise de l’énergie dans le
parc de bâtiments anciens présente un potentiel d’économie d’énergie très
important, que le coût de cette rénovation est élevé (mais susceptible de
générer des économies dont profitent les consommateurs) et sa mise en
œuvre très complexe (la réglementation thermique dans le parc existant est
difficile à imposer et est relativement lente à produire ses effets).
Inversement, une option comme l’instauration du bonus/malus sur l’achat
de véhicules individuels présente des enjeux moins importants, mais elle est
peu coûteuse et relativement simple à mettre en œuvre.
Nous avons complété cette première analyse purement qualitative par
une tentative de hiérarchisation sous la forme d’un graphique (figure 15). Le
schéma reprend pour l’essentiel les informations figurant dans le tableau 9
et intègre, en plus, la dimension de la faisabilité que nous avons choisi de faire
coïncider avec une prise en compte de la dimension temps. Concrètement,
les options relativement simples à mettre en œuvre et immédiatement
disponibles apparaissent en gras ; sont en noir les options moins faciles et non
immédiatement disponibles, mais qui présentent une probabilité raisonnable
de réalisation, et les options plus prospectives et incertaines, ou susceptibles
de produire des résultats sur le long terme.
On voit ainsi apparaître au moins trois grands groupes d’options qu’il
conviendrait d’examiner :
les options qui présentent des enjeux très importants pour des coûts
qui restent modérés (la maîtrise de l’énergie dans l’industrie, l’eau chaude
sanitaire solaire, le photovoltaïque) ou des enjeux plus importants encore,
mais pour des coûts plus élevés (rénovation thermique de l’habitat existant) ;
les options qui présentent des enjeux peut-être un peu moins importants mais qui ne posent pas de difficultés majeures de mise en œuvre : la
réglementation thermique dans le neuf, la MDE pour l’éclairage et l’électroménager, la rénovation du parc public de bâtiments, le développement de
l’éolien, etc. ;
enfin, les options pour lesquelles les enjeux sont à priori plus modestes
ou mal connus, mais dont les coûts estimés sont assez faibles : sobriété
énergétique notamment, mais également le bonus-malus pour les véhicules
particuliers ou le développement des transports scolaires.
Options techniques, enjeux, atouts, contraintes
Coût
de mise en œuvre
Élevés
Algues
carburant
Énergie
thermique
des mers
Biogaz
Biocarburants
1re génération
Faibles
Réglementation
thermique neuf
Biomasse
énergie
MDE électroménager
Éolien
Sobriété
énergétique
Bonus / Malus
Transports
scolaires
Faibles
• Simple / Moyen terme
• Complexe / Long terme
Réglementation
thermique ancien
Stockage
géologique
MDE industrie
Eau chaude
solaire
Photovoltaïque
Enjeux
quantitatifs
Élevés
Figure 15
Quelles priorités technologiques sur l’énergie et le climat
en Nouvelle-Calédonie
La figure permet de visualiser les options en fonction des enjeux quantitatifs qu’elles représentent (énergie
économisée ou produite, GES évités) et des coûts associés ; toutes les options n’ont pas été représentées
sur le graphique pour des raisons de lisibilité.
Note : pour aller plus loin, le lecteur se reportera aux précisions utiles apportées dans le CD-ROM « Quel cadre
pour une politique de l’énergie et du climat au service du développement de la Nouvelle-Calédonie ? »
À l’inverse, il conviendrait, selon cette analyse, de laisser pour l’instant
de côté les options situées dans la partie supérieure gauche du graphique
qui sont plus coûteuses et dont les enjeux sont limités. C’est le cas, par
exemple, de l’énergie thermique des mers ou des biocarburants issus des
algues, options qui apparaissent aujourd’hui à la fois coûteuses et dont les
enjeux sont incertains.
345
346
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Le photovoltaïque et le solaire thermodynamique appellent des commentaires particuliers. Ces technologies sont aujourd’hui encore très coûteuses,
et l’on peut s’étonner de les retrouver ici positionnées dans une zone de coûts
moyens. En réalité nous avons tenu compte des perspectives de baisses de
coûts très conséquentes qu’elles offrent. S’il subsiste sur le solaire thermodynamique certaines incertitudes sur les coûts futurs (cf. « Les nouvelles
technologies en matière de production et de stockage d’énergie », p. 115), les
baisses observées depuis de nombreuses années et les progrès techniques
attendus sur le PV indiquent que les coûts vont continuer à baisser. Quant
au solaire thermodynamique, le stockage thermique intégré à ces systèmes
représente une caractéristique favorable pour faciliter son intégration au
réseau ; en outre, la dynamique importante de développement de cette
filière devrait conduire à des baisses significatives de coût.
Des progrès sont aussi attendus sur l’oxy-combustion, par exemple, mais
cette technologie fonctionne en système, et le stockage géologique présente
encore des incertitudes fortes quant à sa faisabilité. Seul le photovoltaïque
fait donc l’objet d’un traitement particulier pour tenir compte des progrès
techniques attendus.
Pour conclure, insistons sur le fait qu’il s’agit là d’un angle de lecture qui
privilégie la dimension technico-économique. D’autres dimensions doivent
être prises en compte, notamment au chapitre de la faisabilité et de
l’acceptabilité des politiques : la question foncière ou des problèmes de
gouvernance ; des perspectives de coopération régionale ou de recherche et
développement peuvent également conduire à reconsidérer les choix
suggérés ci-dessus.
Enfin, cette analyse économique par technologie a d’autres limites.
Certaines mesures de nature technologique ne doivent pas se mettre
en œuvre isolément, mais en association à d’autres, en particulier de nature
organisationnelle ou de tarification. Ainsi, l’établissement d’un signal prix
(bonus-malus ou vignette annuelle) sur les véhicules particuliers gros
consommateurs de carburants présente une plus grande efficacité s’il est
accompagné du développement des transports publics.
Pour pouvoir être généralisées, des technologies, même considérées
comme matures dans d’autres contextes, doivent faire l’objet de programme
de démonstration, pour mise au point technique et économique. Citons, par
Options techniques, enjeux, atouts, contraintes
exemple, l’utilisation de la biomasse dans l’industrie, ou le solaire thermodynamique.
Le coût net des opérations qui induisent des économies d’énergie ou des
réductions d’émissions de GES dépend, bien entendu, du prix des énergies
et du carbone économisés ; une forte augmentation des prix pourrait justifier
la mise en œuvre de certaines opérations qui peuvent sembler aujourd’hui
trop coûteuses.
Par ailleurs, nous devons souligner que la prise en compte du contexte de
la Nouvelle-Calédonie nous a conduit à considérer comme difficiles à adapter
certaines des pistes qui sont souvent citées ailleurs comme prometteuses.
Plusieurs raisons à cela : la situation à distance des grands flux mondiaux et
la relative petite taille de son marché intérieur (qui proscrivent, par exemple,
la solution du gaz naturel). La difficulté d’accès au foncier pour des projets
exigeant une emprise foncière importante et à la main-d’œuvre nécessaire à
des projets agricoles ou forestiers est également à prendre en compte.
Plus généralement, le secteur de l’énergie et des gaz à effet de serre évolue
beaucoup, sur tous les plans (technologiques, économiques, réglementaires,
dans les pratiques) et à toutes les échelles (depuis les particuliers, les communes, jusqu’à la planète) ; il est donc essentiel d’en avoir un suivi permanent.
La Nouvelle-Calédonie doit se doter d’une capacité de veille sur ces sujets,
au-delà de ce qui existe déjà.
LA QUESTION ÉNERGÉTIQUE EST LIÉE
AUX CHOIX D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
En Nouvelle-Calédonie, la maîtrise de l’étalement urbain du Grand Nouméa
semble être une priorité. Le plan d’urbanisme et le plan de déplacement
urbain indiquent les mesures à prendre à cet effet. Leur mise en œuvre
demandera une intégration plus forte des politiques suivies par les différentes
communes de l’agglomération. Les promoteurs du Schéma de cohérence de
l’agglomération de Nouméa, le Scan, en sont bien conscients. Le renforcement
du pôle VKP (Voh-Koné-Poumbout) avec la mise en service de l’usine du nord
est un enjeu important puisqu’on a là l’occasion, en réfléchissant en amont
sur l’urbanisme, la construction et les transports, de créer d’emblée une ville
adaptée et peu gourmande en énergie.
347
348
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Les plans climat territoriaux : un outil au service du développement
La réalisation de plans énergie climat a été lancée en France métropolitaine
comme une façon d’apporter des réponses locales aux enjeux d’économie
d’énergie et de lutte contre le changement climatique, tout en tenant compte
des conditions spécifiques des territoires. Il existe une méthodologie proposée
par l’ADEME pour la réalisation de ces plans, déjà mise en œuvre dans plusieurs grandes agglomérations métropolitaines (Nantes, Grenoble, Lyon, Paris,
Rennes, etc.). Le Grenelle de l’environnement en prévoit la généralisation aux
collectivités d’outre-mer.
Un plan énergie climat repose sur une approche fine du profil énergétique du
territoire concerné. C’est l’occasion d’évaluer avec précision les consommations
énergétiques et les émissions des bâtiments, de certains secteurs (par exemple,
le transport) ou encore le fonctionnement des services publics (écoles, mairies,
hôpitaux), et de proposer des améliorations.
Pour que les mesures proposées soient cohérentes, cette démarche implique la
participation des acteurs locaux. En ce sens, c’est aussi le moyen d’introduire
les problématiques de consommation d’énergie et de changement climatique
dans le débat public en s’appuyant sur des diagnostics.
À Grenoble, par exemple, le plan climat s’est appuyé sur un bilan énergétique
de l’agglomération, réalisé en 1999, pour fixer des priorités et des lignes d’action
thématiques. Les engagements du plan climat ont été souscrits par différents
acteurs locaux (collectivités, OPAH, ADEME, fournisseurs d’électricité, etc.)
pour une action concertée.
Il existe encore peu d’études sur les résultats obtenus par ces démarches, en
termes d’infléchissement des tendances de croissance à la consommation. Elles
ont cependant le mérite d’être une avancée pour mettre l’aménagement du
territoire au service des économies d’énergie et de la lutte contre le changement
climatique32.
En complément de l’aménagement du territoire proprement dit, une
réglementation devrait être rapidement élaborée et appliquée en matière
d’environnement dans les constructions et le bâtiment. Du fait de sa croissance
démographique et de ses besoins en logements, la Nouvelle-Calédonie présente
32
Cf. http://www.ale-grenoble.org/28-le-plan-climat-local.htm
Options techniques, enjeux, atouts, contraintes
en effet une opportunité pour mettre en œuvre les techniques et les conceptions
les plus récentes en matière de conservation de l’énergie.
Le bilan carbone des urbanisations nouvelles, tel qu’il a été pratiqué pour
les ZAC de Panda et Dumbéa-sur-mer, est une première étape qui montre
l’importance des enjeux. La méthodologie de ces bilans carbone pourrait
être affinée et adaptée au cadre calédonien, et systématiquement utilisée
comme un préalable à la réalisation de ce type de projets.
L’aménagement du territoire a aussi pour objectif habituel de lutter
contre la désertification et de maintenir les populations dans leur cadre de
vie. C’est le choix qui a été fait en Nouvelle-Calédonie avec les investissements
destinés à améliorer les conditions de vie dans les villages et les tribus.
L’extension du réseau électrique déjà en grande partie réalisé va dans ce
sens. Elle présente l’intérêt de favoriser la mutualisation des ressources et la
connexion de nouveaux dispositifs de stockage et de production.
LA PROBLÉMATIQUE FONCIÈRE DOIT ÊTRE PRISE EN COMPTE
Les options sur l’énergie impliquent l’implantation d’infrastructures à
vocation de production ou de distribution d’énergie, nécessairement localisées
sur un territoire donné, qui peuvent être des éoliennes, des usines à coprah ou
à charbon, un barrage hydroélectrique, des poteaux électriques, une plantation
de forêts pour faire de la biomasse, etc. Quelles que soient ces options, elles
vont immobiliser une partie du foncier. Autant dire que leur mise en œuvre va
en partie dépendre des règles d’accès à ce foncier et donc du statut de la terre.
Or, en Nouvelle-Calédonie, du fait de la colonisation européenne, la question
foncière est au cœur de conflits et de tensions majeurs, bien étudiés par de
nombreux travaux en sciences sociales. Sur l’ensemble du territoire, il existe trois
types de statuts fonciers : la propriété privée, la propriété publique ou domaniale
et les terres coutumières. Chacun de ces statuts est régi par des règles de propriété et d’accès différents. Les terres coutumières, régies par la coutume, ne
peuvent être ni vendues ni cédées, ni saisies ni touchées par une prescription.
La répartition géographique de ces différentes terres varie considérablement selon les provinces. La Province des îles est constituée à 97 % de terres
coutumières, il n’y a pas de propriété privée sur cet archipel. Inversement, les
terres coutumières en Province Sud ne représentent que 9 % du total et 24 %
349
350
L’énergie dans le développement de la N.-C.
en Province Nord. À l’échelle territoriale, le plus grand propriétaire foncier
est le gouvernement de Nouvelle-Calédonie qui possède 47,9 % des terres.
Dans les îles, tout aménagement et toute implantation se feront sur des
terres coutumières, ce qui implique un processus de négociation spécifique :
il faut en effet obtenir l’autorisation des « maîtres de la terre ». Les problèmes
de fonctionnement de l’usine de coprah d’Ouvéa renvoient en partie – mais
en partie seulement – à la problématique foncière. Les travaux en sciences
sociales ont en effet montré que l’accès aux terres dites coutumières ne
posait pas de problème tant qu’il n’y avait pas de véritable enjeu économique.
Mais dès qu’un projet touristique, agricole ou d’une autre nature, comporte
un enjeu économique fort, de nombreuses résistances et blocages surviennent.
Il existe cependant des fermes éoliennes implantées sur des terres coutumières,
dans les îles Loyauté (Lifou) ou dans le nord de la Grande Terre. Dans le
Grand Nouméa, le lien entre options sur l’énergie et problématique foncière
est davantage lié au coût important du foncier qui peut entraver la réalisation
de projets et d’équipements.
Les enjeux fonciers ont donc toute leur importance. L’expertise n’a pu en
faire une analyse détaillée qui sortait de son champ ; cependant, en première
approche, on pourrait émettre les hypothèses suivantes pour chacune des
trois situations :
dans les zones rurales, la place de la propriété publique devrait autoriser les principaux équipements à emprise foncière liés à l’énergie (petits barrages, parcs éoliens, centrales solaires) ;
dans le Grand Nouméa, la politique urbaine nécessite une politique de
réserves foncières accompagnée des outils correspondants de l’action publique ;
la question de la production de biomasse pour l’énergie demeure la
plus problématique : la politique de l’énergie rejoint celle de la production
agricole et forestière et de l’autonomie du Territoire.
QUELS MOYENS D’ACTION POUR METTRE EN ŒUVRE
UNE POLITIQUE DE L’ÉNERGIE ET DU CLIMAT ?
La nécessité d’orientations générales traduites juridiquement
De l’analyse du secteur et des besoins en énergie, ressort la nécessité
d’adopter des orientations générales car il n’existe pas actuellement d’objectifs
Options techniques, enjeux, atouts, contraintes
énergétiques, cohérents et globaux fixés au plus haut niveau de la NouvelleCalédonie33. Envisager une loi d’orientation sur l’énergie fixant les grands
principes et les objectifs de la politique énergétique de la Nouvelle-Calédonie,
quel qu’en soit le contenu, devrait donc être une première étape primordiale
afin de donner une impulsion politique, soutenue juridiquement dans un
cadre cohérent et réfléchi. Rappelons que la loi de programme de 2005 qui
fixe les orientations de la politique énergétique française n’est pas applicable
à la Nouvelle-Calédonie.
L’Autorité compétente en matière de politique énergétique est la
Nouvelle-Calédonie. Dès lors, deux supports juridiques peuvent être envisagés :
la loi du pays ou la délibération du Congrès (cette dernière ayant un caractère
réglementaire). C’est la première qui parait le mieux à même de définir de
telles orientations de politique énergétique, car elle serait adoptée par le
Congrès réunissant l’ensemble des acteurs concernés après avis du Conseil
d’État. Toutefois, la loi organique de 1999 a défini de façon stricte la liste
des matières dans lesquelles une loi de pays peut intervenir, et l’énergie n’en
fait pas partie.
Reste alors deux possibilités :
s’il est possible de recourir à une modification de la loi organique
n° 99-209 relative à la Nouvelle-Calédonie (ce que l’expertise ne peut apprécier,
mais il est aisé d’imaginer qu’une telle modification est soumise à des délais
longs et à une procédure lourde), de solliciter l’insertion de l’énergie à
l’article 99 de cette loi fixant la liste des domaines des lois de pays et, dans
ce cadre renouvelé, voter une loi de pays ;
recourir à une délibération du Congrès – ce qui n’aura pas la même
force juridique. Le schéma d’orientation minier a été pris de cette manière
et apparaît toutefois suffisant pour obtenir l’adhésion de tous les acteurs.
Cet acte juridique fondateur devrait, bien évidemment, être soumis à
concertation de tous les acteurs locaux concernés et du public, par exemple
sur le modèle des conférences d’acteurs associées à la préparation du Schéma
de développement de la Nouvelle-Calédonie. Ce serait en effet l’occasion de
convoquer un cadre de débat avec la population permettant une information
Le projet relatif à la programmation pluriannuelle des investissements, constituant la réforme du
secteur électricité, a échoué fin 2008 ; dans le cadre d’une délibération du Congrès définissant la
politique énergétique de la Nouvelle-Calédonie, son contenu pourrait y être intégré.
33
351
352
L’énergie dans le développement de la N.-C.
et une prise de conscience de tous les partenaires. La politique énergétique
définie pourrait être utilement complétée et renforcée par l’élaboration d’un
code de l’énergie de la Nouvelle-Calédonie, sur le modèle de ce qui a été
réalisé avec le code minier.
Compte tenu de ce qui est développé dans les parties précédentes, les
orientations de politique énergétique pourraient s’articuler autour de trois
objectifs généraux, qu’il serait d’ailleurs bon de chiffrer :
rendre l’habitat et les transports plus économes et veiller à l’efficacité
énergétique des industries ;
produire localement autant d’énergie qu’en consomment les particuliers
et les services ;
préparer l’insertion internationale de la Nouvelle-Calédonie, en particulier
en l’introduisant progressivement dans le processus de lutte contre les émissions
de gaz à effet de serre, par des accords de recherche et développement.
Notons que le projet de loi de programmation de la mise en œuvre du
Grenelle de l’environnement34 prévoit dans son article 56 des orientations
énergétiques pour la Nouvelle-Calédonie. Il s’agit d’une disposition applicable
à l’État auquel incombe l’objectif de coordination, mais non impérative pour
la Nouvelle-Calédonie. Cet article 56 affiche les orientations suivantes :
« parvenir à l’autonomie énergétique, en atteignant, dès 2020, un
objectif de 50 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale au
minimum ;
développer les technologies de stockage de l’énergie et de gestion du
réseau pour augmenter la part de la production d’énergie renouvelable
intermittente afin de conforter l’autonomie énergétique des collectivités
territoriales d’outre-mer ;
engager, dans le même temps, un programme de maîtrise des
consommations qui se traduira par l’adoption, dès 2012, d’un plan énergie
climat dans chaque collectivité ;
adopter une réglementation thermique adaptée qui encourage la production d’eau chaude sanitaire solaire dans les bâtiments neufs et d’électricité
Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de
l’environnement (1). L’article concernant la Nouvelle-Calédonie est le 56, JORF n° 0179 du 5 août 2009
page 13031 texte n° 2.
34
Options techniques, enjeux, atouts, contraintes
photovoltaïque dans ceux qui doivent être climatisés, qui favorise la réduction
de la climatisation au profit de l’isolation et de la ventilation naturelle et la
production d’électricité photovoltaïque dans ceux qui doivent être climatisés,
et mobiliser les pôles de compétitivité concernés sur les enjeux énergétiques
de l’outre-mer ;
dans les zones enclavées notamment, assurer un égal accès de tous les
citoyens à l’électricité et, en particulier pour la Guyane, prendre les mesures
d’adaptation nécessaires ; pour la Guyane, étendre les réseaux de transports
et de distribution d’électricité et faciliter et accélérer les autorisations de
raccordement des unités décentralisées de production électrique. »
La Nouvelle-Calédonie peut donc s’appuyer sur ces orientations et/ou en
définir de nouvelles, cet article n’étant pas impératif pour ce qui la concerne.
Il se conclut d’ailleurs par : « L’État veillera à la cohérence de son action avec
la Nouvelle-Calédonie et les collectivités qui la composent et les collectivités
d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution, selon les orientations
figurant au présent article ».
Les actions d’éducation et de sensibilisation
pour un changement des pratiques
La très grande majorité de la population, y compris les décideurs et les
élus, a une grande méconnaissance du sujet de l’énergie. C’est à la lumière de
ce constat, largement partagé dans le monde, que nous proposons quelques
orientations en vue d’améliorer l’éducation à l’énergie.
Sans vouloir stigmatiser les comportements de consommation, il faut
néanmoins insister sur le fait qu’en Nouvelle-Calédonie, comme dans nombre
de pays, les dynamiques de consommation et les émissions de gaz à effet de
serre ne vont pas dans le sens de leur réduction d’un facteur 4, considéré
aujourd’hui comme l’objectif à atteindre (hors pays émergents). Cet objectif
nécessaire, mais très difficile à atteindre, nécessite de profonds changements
de perception et de comportements, qu’il faut tenter d’initier dès le plus
jeune âge, d’où l’importance des actions en direction des jeunes.
Nous suggérons de mettre en place, à différents niveaux et pour différents
publics, des actions de formation/information qui peuvent être aisément
entreprises. Une première étape pourrait être la formation de formateurs
et/ou de conférenciers, les enseignants constituant sans doute le public le
353
354
L’énergie dans le développement de la N.-C.
plus indiqué pour cela. La mise en place de ces formations est certainement
l’étape la plus délicate car il faut trouver les bons mécanismes d’incitation et
identifier les formateurs initiaux. Un appel à candidature pourrait être lancé
à l’initiative du vice rectorat de Nouvelle-Calédonie.
Les programmes scolaires pourraient dès lors intégrer, de façon modeste,
une formation à l’énergie. Les aspects énergétiques qui y seraient traités
mériteraient d’ailleurs de faire partie plus largement d’une sensibilisation au
développement durable, problématique qui dépasse le cadre de l’énergie
mais dont c’est une composante majeure. L’initiative française des « thèmes
de convergence35 », instituée par le ministère de l’Éducation nationale au
niveau du collège, offre un exemple à suivre. Il s’agit de disséminer, au
sein des enseignements disciplinaires, quelques thèmes importants pour le
développement de la citoyenneté, dont l’énergie.
Concernant les publics adultes, des conférences grand public et des
expositions animées par des personnes compétentes constituent sans doute
la meilleure approche.
Nous proposons (cf. annexe dans le CD-ROM) un ensemble de connaissances en matière d’énergie, dans le contexte du développement durable,
qu’il nous semble important d’aborder et d’adapter.
Les liens entre énergie et développement durable sont très forts et d’une
intense actualité, c’est pourquoi nous pensons que le préalable à une
formation citoyenne est ce que nous appellerons sans effet la « conscience
planétaire et temporelle ». L’objectif est simplement de permettre de
comprendre dans toute sa relativité la place de l’homme sur la terre et dans
l’univers, et ses interactions avec sa planète.
Les aspects temporels sont également importants pour comprendre
comment l’atmosphère et notre biosphère ont évolué et se sont formées par
une interaction forte entre l’énergie et les matières premières, dans laquelle
la vie a joué un rôle majeur. La vie, notamment végétale, a façonné l’atmosphère pour sa propre expansion. Elle a subi diverses catastrophes naturelles
– l’évolution est loin d’être un long fleuve tranquille.
Sur cette initiative, cf. le site http://eduscol.education.fr/D0217/actes_themes_de_convergence.htm ;
cf. aussi pour d’autres applications pédagogiques dans tous les secteurs disciplinaires le site
http://www.snv.jussieu.fr/vie/programmes/themesconvergencecollege.htm
35
Options techniques, enjeux, atouts, contraintes
Sur tous ces plans, la perception temporelle de l’évolution de la vie en
général aide beaucoup à comprendre les notions d’évolution de la population
humaine et de changement climatique, et offre l’avantage de permettre de
relativiser la place de l’homme sur terre. Devraient être davantage connus,
et donc explicités dans toute formation, les notions physiques minimales
(comprendre et distinguer l’énergie et la puissance), l’économie de l’énergie
et les économies d’énergie, les ressources pour l’énergie, les impacts environnementaux et les écobilans des différentes solutions.
Les vulnérabilités d’une civilisation exploitant trop d’énergie sont mal
perçues : il faut donc également les mettre en évidence, les plus fragiles dans
un monde désormais globalisé étant celles du gaz, de l’électricité et du
transport de marchandises.
Il est en tout cas indispensable que les citoyens de la planète prennent
conscience de leur impact environnemental et de la solidarité qui doit les lier
devant la fragilité de leur écosystème.
La formation aux métiers, le soutien à la création d’entreprises,
le potentiel de R&D auquel il est nécessaire d’avoir accès
Une étude récente du Boston Consulting Group note que 60 % environ
des emplois induits par les mesures annoncées pour l’ensemble de la France
dans le cadre du Grenelle de l’environnement sont dans le bâtiment, les autres
étant dans les infrastructures de transports et, dans une moindre mesure,
dans les énergies renouvelables. En l’absence d’une évaluation économique
de mesures potentielles, on peut penser que cette proportion en faveur du
bâtiment serait probablement encore plus élevée en Nouvelle-Calédonie. Ce
constat nous a conduits à mettre ici l’accent sur le bâtiment.
L’efficacité énergétique n’est pas qu’une question de techniques et de
technologies ; sa mise en œuvre nécessite des professionnels sensibilisés et
bien formés. Or, le périmètre de la maîtrise de l’énergie touche des domaines
très variés : production énergétique, énergies renouvelables, éclairage public,
isolation, menuiseries, protection solaire, froid, climatisation, ventilation,
appareils électriques, maintenance, etc. Dans ces domaines, l’acquisition
de nouvelles compétences ou fonctions s’impose à toutes les échelles
d’intervention.
355
356
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Quelles compétences environnementales intégrer en phase de programmation ?
À l’échelle urbaine, le souci de l’efficacité énergétique dans les bâtiments
doit être introduit le plus en amont possible. Les principaux enjeux sont d’ordre
structurel : problématique transport/habitat, orientation des voiries/affectation
des parcelles vis-à-vis des éléments climatiques. Les urbanistes doivent se
faire épauler par des conseils formés à l’Analyse environnementale urbaine
(AEU) et capables de simuler les impacts climatiques pour mieux définir les
morphologies urbaines optimales et la meilleure affectation des parcelles
(tertiaire/résidentiel). Cette approche environnementale peut être complétée
par un bilan carbone dans l’aménagement des écoquartiers (comme cela a
pu être fait, par exemple, pour la ZAC de Dumbéa) qui permet de suivre à
intervalles réguliers l’évolution du projet. En matière d’éclairage public, les
principes de la MDE doivent être intégrés dans les plans lumières et dans les
cahiers des charges par des spécialistes en éclairage formés au développement
durable.
Dans les bâtiments neufs, la phase de programmation est déterminante
pour fixer les objectifs énergétiques et environnementaux. Des études de
faisabilité établies par des spécialistes en énergies renouvelables peuvent
aider le maître d’ouvrage à prendre les meilleures décisions environnementales
dans un cadre économique maîtrisé. L’obtention d’un label de haute efficacité
énergétique ou environnementale fait intervenir des auditeurs de certification
qui vont contrôler les engagements effectifs de la maîtrise d’ouvrage.
Dans les bâtiments existants, introduire de l’efficacité énergétique
nécessite au préalable un audit énergétique pour optimiser les interventions
et échafauder les meilleurs scénarios énergétiques et environnementaux de
réhabilitation. En Nouvelle-Calédonie, actuellement seul un bureau d’étude
est formé à ce type de prestation, et quatre ont signé la charte du CTME.
Étant donné que le plus fort gisement énergétique se situe dans l’existant,
ce métier est appelé à se développer considérablement.
Quelles compétences environnementales intégrer
en phase de conception et de réalisation ?
La maîtrise d’œuvre d’un projet de bâtiment réunit une équipe pluridisciplinaire : architectes, bureaux d’études, économistes, paysagistes…
Sous l’impulsion des démarches bioclimatiques et HQE, les maîtres d’ouvrage
et les maîtres d’œuvre ont compris l’intérêt de la participation très en amont
de l’ensemble des compétences pour une réelle optimisation économique et
Options techniques, enjeux, atouts, contraintes
environnementale des projets. Pour mieux assister les architectes, des spécialistes HQE permettent de formaliser le management environnemental en phase
de conception et de réalisation. Au-delà de ces aspects organisationnels, ces
bureaux d’études HQE accompagnent l’équipe de conception pour optimiser
l’enveloppe sur les volets lumière naturelle, acoustique, confort hygrométrique
et consommation énergétique, consommation d’eau, etc.
Les grands groupes du BTP, conscients de l’importance des enjeux
énergétiques et environnementaux, s’organisent actuellement pour qualifier
leurs entreprises et sous-traitants sur les techniques liées à l’écoconstruction
et l’écogestion. Ils ciblent prioritairement des opérations de constructions
neuves.
Au niveau des entreprises de second œuvre constituées la plupart du
temps de PME et artisans, l’intégration des dimensions environnementales
et énergétiques via des formations spécialisées est très peu répandue.
Pourtant, dans le secteur de la réhabilitation, ces PME et artisans vont devoir
jouer un rôle fondamental, mais ils ne sont pas encore préparés ni formés
aux techniques d’écorénovation, ni capables de fournir une offre globale et
qualitative de services intégrant plusieurs corps de métiers. Le cloisonnement des métiers étant particulièrement préjudiciable en matière efficacité
énergétique.
Comment renforcer les compétences énergétiques et environnementales
en Nouvelle-Calédonie ?
Les thématiques porteuses de l’environnement et l’opportunité de la
HQE pour réactualiser les pratiques sont un moyen de fédérer les différents
corps de métiers autour de nouvelles perspectives de développement et de
rebattre les cartes en matière de compétences.
Ainsi, la formation au bilan carbone lancée en 2007 à l’initiative de
l’ADEME a permis à plusieurs bureaux d’élargir leur offre de prestations et
de susciter une véritable demande, tant auprès des entreprises que pour des
projets urbains. Les sensibilisations et formations HQE programmées en
septembre 2009 à destination des maîtres d’ouvrages et des maîtres d’œuvre
constituent une bonne base pour renforcer les connaissances et redynamiser
l’intérêt de la profession pour la HQE. Cette action devra être prolongée de
sessions d’approfondissement en fonction des demandes des maîtres d’ouvrages et des maîtres d’œuvre (architectes et BET), mais surtout être étendue
aux entreprises.
357
358
L’énergie dans le développement de la N.-C.
La formation des entreprises est un challenge d’une autre ampleur, tant
les types de métiers sont nombreux. La maîtrise des nouvelles technologies,
les connaissances des solutions techniques adaptées, la connaissance
transversale des questions énergétiques seront, dans un futur proche, les
compétences les plus recherchées. Chaque corps de métier devra avoir une
connaissance des autres postes de rénovation (objectif de décloisonnement)
et aura une mission de conseil auprès de ses clients pour s’adapter à la
nouvelle demande. Pour atteindre ces objectifs ambitieux, les organismessupport à mobiliser sont les associations de professionnels, les syndicats
professionnels, les chambres de commerce et de métiers.
Créer des synergies entre certains corps de métiers est probablement le
plus difficile à réaliser. Pour la filière des installateurs de climatisation individuelle, on pourra s’appuyer sur les expériences de Qualiclim en Guyane et
d’Opticlim à la Réunion qui ont permis une montée en compétence des
installateurs.
On pourra utilement consulter dans le CD-ROM un tableau de l’état des
lieux et des actions de formation, de consolidation ou d’accompagnement
qu’il serait souhaitable de mener à court et moyen termes.
Pour atteindre leurs objectifs sur l’énergie et le climat, il est essentiel que
les acteurs néo-calédoniens aient accès à ces connaissances nouvelles. De
notre point de vue, plusieurs voies sont à utiliser en même temps.
Il serait bien utile de mettre en place un dispositif de veille sur les technologies identifiées dans le cadre de cette expertise, sur le retour d’expérience
international, sur les aspects économiques sociaux et organisationnels. Ce
dispositif aurait pour fonction de mettre à jour les connaissances rassemblées
ici tout en mobilisant progressivement les experts de Nouvelle-Calédonie.
Nous y incluons également l’analyse critique de toutes les connaissances sur
les expériences de production de biomasses non alimentaires déjà réalisées
en Nouvelle-Calédonie.
Elle pourrait aussi chercher à participer aux programmes de recherche
lancés par des agences en France, en Europe, ou en Australie et en NouvelleZélande sur des thèmes qui peuvent l’intéresser, mais non spécifiques à
son territoire. Cela concerne, par exemple, des projets ANR comme Habisol
Options techniques, enjeux, atouts, contraintes
(PV et habitat solaire), Stock-E (stockage d’énergie), EESI (Efficacité énergétique
des systèmes industriels). C’est déjà le cas pour un programme engagé sur
la recherche des causes des feux de forêt.
Cela conduira à établir des liens avec les organisations australiennes
visitées à l’occasion de cette expertise collégiale : CSIRO36 Newcastle (efficacité
énergétique, captage du carbone), CO2CRC37 (Carbon capture and storage),
solaire à ANU38.
Les recherches en sciences humaines et sociales portant sur l’énergie ne sont
pas très riches en France, en dehors de quelques spécialistes économiques
bien connus et de quelques laboratoires (Grenoble, Montpellier), mais il
s’agit d’un domaine en développement. Il existe néanmoins des pistes de
recherche qui pourraient profiter à la Nouvelle-Calédonie, notamment :
sur les usages de l’énergie qui sont à l’évidence très mal documentés, à
commencer par la connaissance élémentaire des consommations des ménages
en fonction de différents paramètres (urbain/rural, riche/pauvre, etc.). C’est
un aspect essentiel si on veut travailler sur les tarifs ;
sur les conflits et discours s’agissant de l’énergie : de quelles façons
sont-ils construits, comment les questions autour de l’énergie deviennent-elles
des points de conflits entre différents groupes sociaux ?
sur la situation régionale et les positions nationales touchant les thèmes
de l’énergie et du climat.
Il serait judicieux également de proposer la Nouvelle-Calédonie comme
terrain de recherche aux agences et organismes sur des thèmes spécifiques.
Ainsi sur le stockage géologique, nous proposons que des travaux soient
conduits sur le potentiel des péridotites, en élargissant les programmes
réalisés (en France le programme ANR GeoCarbone s’est terminé en 2008, mais
de nombreux programmes existent à l’échelle internationale, en particulier
en Australie avec le CO2CRC).
CSIRO est le Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation en Australie. Il a
plusieurs centres, dont celui de Newcastle qui est dédié à l’énergie.
36
CO2CRC est le Cooperative Research Centre for Greenhouse Gas Technologies (CO2CRC) qui
réalise des recherches en coopération sur le captage et le stockage géologique du CO2 (Carbon
capture and storage, ou CCS).
37
38
ANU : Australian National University, installée à Canberra, Australie.
359
360
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Enfin trois thématiques nous semblent pouvoir faire l’objet d’un investissement de R&D propre à la Nouvelle-Calédonie, qui pourraient lui conférer
une renommée internationale :
La réalisation d’un habitat à faible impact environnemental dans le
contexte tropical : climatisation, écomatériaux, énergie (en particulier en
relation avec le programme ANR Habisol).
Les techniques et modes d’organisation des réseaux électriques avec
forte proportion d’ENR, à production intermittente, dans des ensembles
isolés ou insulaires de 1 000 à 500 000 habitants – les technologies et les modes
d’organisation sont en effet en quasi-totalité conçus pour une distribution
en grands ensembles de centaines de millions d’habitants.
La production de biomasse alimentaire et non alimentaire (y compris
forêt) en situation tropicale de pays développé : agronomie, foresterie,
économie des entreprises, politique agricole et forestière. Pour cela, il est
nécessaire de disposer de parcelles expérimentales représentatives
permettant de déterminer les capacités réelles de production et de récolte
des biomasses dans les conditions néo-calédoniennes. Ce type de recherche
ne peut être réalisé qu’en Nouvelle-Calédonie. C’est pourquoi nous
suggérons d’affecter des moyens humains à cette thématique, par exemple
à l’IAC.
À l’image de ce qui a été fait pour le Groupement d’intérêt public du
Centre national de recherche technique « Nickel et son Environnement »
(CNRT), des moyens d’appel d’offre de R&D pourraient être prévus sur ces
trois thèmes. En outre, ce centre technique dont l’objectif est d’améliorer la
valorisation des ressources minières de la Nouvelle-Calédonie dans une perspective de développement durable, pourrait aussi avoir un volet « efficacité
énergétique pour l’industrie du nickel ». Le Programme ANR EESI peut être
un appui.
Sur un des thèmes présentés ci-dessus on pourrait aussi envisager la
création d’un pôle de compétitivité, rassemblant des forces de recherche,
des entreprises et, éventuellement, des organismes de formation. Il reste
toutefois à examiner si les forces en présence sont actuellement suffisantes
pour s’engager dans cette voie.
Options techniques, enjeux, atouts, contraintes
Les instruments réglementaires, tarifaires et fiscaux
La première recommandation en matière d’instrument de politique énergétique pour maîtriser la demande d’énergie consiste à rétablir un signal
tarifaire qui oriente les choix des agents (gestionnaires, industriels, consommateurs, etc.) en fonction des coûts réels des différentes sources d’énergie.
Concrètement, cela signifie une remise à plat des structures tarifaires existantes,
pour supprimer les éventuelles distorsions tarifaires ou subventions non justifiées
par l’existence d’externalités environnementales.
La suppression des écarts de fiscalité entre le diesel et l’essence relève de
cette logique, si l’écart de prix n’est pas justifié par un écart de coûts ou
d’impact sur l’environnement. De même, pour l’électricité, les subventions dont
bénéficient certaines catégories d’usagers devraient être progressivement
réduites, car elles dissuadent des investissements sur des technologies alternatives qui seraient collectivement préférables ; par exemple, les subventions
à l’électricité dans l’hôtellerie sont des contre incitations aux économies
d’énergie dans ce secteur.
En complément, dans le cadre d’une politique énergétique tenant
compte de la contrainte climatique, il est nécessaire d’intégrer dans le signal
tarifaire une composante « valeur du carbone » qui répercute l’impact sur le
changement climatique dans les prix des différentes énergies.
Le rétablissement d’un signal tarifaire reflétant les coûts n’exclut pas la mise
en place d’incitations économiques pour soutenir des filières ou technologies
émergentes, par exemple lorsque celles-ci réduisent la consommation d’énergies
fossiles et les dépenses énergétiques et limitent les émissions de GES. On
pense en particulier à des subventions directes ou à des dispositifs de crédits
d’impôts pour des investissements relativement importants, comme la rénovation thermique dans l’existant ou en faveur de technologies dont la diffusion
reste inférieure à l’optimum social (capteurs solaires, par exemple).
Pour des équipements nécessitant des investissements plus limités –
éclairage basse consommation ou électroménager performant – les dispositifs
d’étiquetage énergétique ont fait la preuve de leur efficacité. Ils peuvent être
361
362
L’énergie dans le développement de la N.-C.
assortis de primes ponctuelles à l’achat en faveur des équipements les plus
efficaces et complétés, ultérieurement, par des niveaux minimum de performance qui suppriment progressivement du marché les équipements les plus
consommateurs (exemple des réfrigérateurs en Europe).
La question de l’utilisation de Certificats d’économie d’énergie (CEE)
échangeables a été posée. Avant de disposer d’un système de CEE on peut
envisager, par exemple, d’imposer des objectifs d’économie d’énergie aux
opérateurs énergétiques sans pour autant instaurer de certificats, dispositif
relativement lourd pour sa mise en place et sa gestion.
Les idées suivantes sont certainement à approfondir :
fixation d’objectifs chiffrés (quantités, et rythme de réduction) aux opérateurs énergétiques, les associant ainsi aux actions d’économie d’énergie ;
rassembler dans un catalogue les différentes mesures d’économies
d’énergie avec leurs impacts.
Mais la mise en place d’un dispositif de CEE ne paraît pas indispensable
pour cela. Le retour d’expérience sur ces dispositifs est par ailleurs encore
trop limité pour conseiller d’engager aujourd’hui la Nouvelle-Calédonie dans
cette voie.
Enfin, la réglementation reste indispensable pour améliorer à moyen
terme la performance énergétique dans les secteurs résidentiel et tertiaire,
car on sait que le signal tarifaire seul ne permet pas d’atteindre le niveau de
performance énergétique souhaitable. Dans un premier temps, la réglementation s’applique exclusivement à la construction neuve, mais on peut
imaginer de l’étendre également aux opérations de réhabilitation et de
rendre obligatoire la mise aux normes de performance thermique lors de la
vente de biens immobiliers.
Dans le domaine des transports, outre la remise à plat de la fiscalité sur
les carburants et l’introduction d’une taxe carbone, les outils envisagés
dans une première phase sont de l’ordre de l’information et des incitations
économiques : adoption de l’étiquetage énergétique pour les véhicules
éventuellement associés à un dispositif de bonus/malus. Sur le moyen terme,
des programmes complémentaires destinés à soutenir ou faire émerger une
offre de moyens de déplacement alternatifs peuvent être nécessaires, qui
s’appuient sur des investissements publics (transport public en site propre,
Options techniques, enjeux, atouts, contraintes
pistes cyclables, etc.), des démarches volontaires (plans de déplacements
d’entreprises) et/ou des réglementations (plans de déplacements urbains).
En ce qui concerne les nouvelles sources d’énergie, l’adoption d’un dispositif de prix garantis, assorti d’une obligation d’achat par le distributeur
nous semble être l’option à privilégier pour les technologies matures comme
l’éolien, l’hydraulique et le photovoltaïque. L’expérience accumulée en Europe
a montré que ce dispositif pouvait être particulièrement efficace pour soutenir
le développement des sources d’énergie renouvelable. Cela n’exclut pas des
aides complémentaires à l’investissement (type défiscalisation), mais l’économie
des projets doit venir principalement des prix d’achats du kWh, l’aide à
l’investissement ne constituant qu’un complément.
L’intérêt de ce dispositif est qu’il permet de moduler les tarifs pour soutenir
en priorité certaines filières. Ainsi, il est possible de mettre en place un tarif
d’achat qui favoriserait, par exemple, le photovoltaïque intégré au bâtiment
plutôt que les centrales de puissance. Dans tous les cas, il est indispensable
de définir le tarif en fonction des coûts réels de production, de limiter la
durée des contrats d’achat (15 ans, par exemple) et d’introduire un dispositif
de décroissance des tarifs d’achat.
Les tarifs d’achats créent les conditions économiques favorables au développement des investissements de production renouvelable. Ils ne suppriment
pas pour autant toutes les barrières à ce développement, en particulier les
problèmes de raccordement au réseau qui doivent faire l’objet d’actions
spécifiques (réglementation).
Pour des technologies comme l’énergie des océans, la géothermie ou le
solaire thermodynamique, des programmes plus classiques de R&D sont une
étape indispensable. Les acteurs de l’énergie peuvent participer à des travaux
qui seraient conduits en Nouvelle-Calédonie, en Australie ou ailleurs, ou au
moins assurer une veille. Après ce premier temps, les programmes de
démonstration sont ensuite à privilégier. Pour l’éolien off shore et la production
d’électricité à partir de la biomasse (si cette dernière option était considérée),
les prix garantis ne devraient être stabilisés qu’après une première phase de
démonstration pour valider les choix technologiques.
Pour la production d’eau chaude sanitaire solaire, l’expérience internationale
suggère également les pistes à suivre pour soutenir le développement de la
filière. Dans les pays où cette technologie est devenue standard, la diffusion
363
364
L’énergie dans le développement de la N.-C.
initiale s’est appuyée sur des subventions, sous formes d’aides directes ou
de crédits d’impôts associés à des dispositifs complémentaires tels que des
prêts bonifiés ou, éventuellement, des systèmes de tiers investisseurs.
Lorsque les conditions économiques le permettent, un dispositif réglementaire
peut prendre le relais des incitations financières et imposer le recours à cette
technologie dans toutes les constructions neuves ou réhabilitations, si les
caractéristiques techniques l’autorisent.
La mise au point d’objectifs pour chacun de ces thèmes doit être accompagnée d’un dispositif de monitoring pour suivre l’efficacité des actions
engagées et vérifier la conformité des trajectoires avec les objectifs.
Quelle gouvernance de ces domaines ?
Quels rôles pour les différents acteurs ?
L’approche juridique
La gouvernance organise la coopération entre le corps politique, l’administration, la société civile et le monde économique. Par ailleurs, chez la plupart
de ceux qui, au sein du secteur public comme au sein du secteur privé,
emploient le terme de gouvernance, celui-ci désigne avant tout un mouvement
de « décentrement » de la prise de décision, avec une multiplication des lieux
et des acteurs impliqués dans cette décision. Il renvoie à la mise en place de
nouveaux modes de régulation, plus souples et fondés sur le partenariat
entre différents acteurs.
De ces définitions se dégagent deux orientations, l’une relative à la capacité
des institutions à réglementer et à gérer, l’autre relative à l’évolution des institutions elles-mêmes dans un objectif d’amélioration de la prise de décision.
La problématique de l’énergie et du climat dans le développement de la
Nouvelle-Calédonie nécessite une réponse suivant ces deux orientations. La
réflexion développée ici se situe dans le contexte statutaire actuel de la
Nouvelle-Calédonie, à savoir un statut de souveraineté partagée avec transfert
de compétences selon un processus défini par l’accord de Nouméa de 199839.
LES PRINCIPAUX ACTEURS DU SECTEUR DE L’ÉNERGIE
EN NOUVELLE-CALÉDONIE
Les principaux acteurs ont été décrits dans la partie introductive du rapport.
Nous considérerons ici uniquement ceux qui ont à être directement introduits
dans une analyse de caractère juridique : ce sont le gouvernement du Territoire,
Pour une analyse plus approfondie sur le contexte juridique, économique et politique, cf. la
Revue juridique, politique et économique de Nouvelle-Calédonie, depuis son 1er n° jusqu’au 13e,
dirigée par le professeur Jean-Yves Faberon.
39
366
L’énergie dans le développement de la N.-C.
l’État, les Provinces, les communes, les sociétés distributrices d’électricité,
EEC (filiale GDF-Suez) et la SAEM (Société anonyme d’économie mixte), et le
producteur d’électricité Enercal.
La Dimenc, créée en 200440, a dans ce domaine un rôle clé. Elle assure, pour
le compte de l’État, de la Nouvelle-Calédonie et des trois provinces, le contrôle
et la promotion de l’industrie en Nouvelle-Calédonie dans une perspective de
développement durable (par délégation ou par convention). De plus, son
directeur est conseiller industriel du Haut-commissaire de la République.
Le CTME n’est pas un service administratif permanent, mais se réunit
trois à quatre fois par an. Il est composé de représentants du gouvernement,
des assemblées des provinces, du Congrès, des maires, de l’ADEME, de la
direction de l’agriculture et de la forêt et de la paierie du Territoire. Son
secrétariat est assuré par le directeur de la Dimenc. Il gère le Fonds de
concours pour la maîtrise de l’énergie en Nouvelle-Calédonie (FCME), et
subventionne l’acquisition de matériels, comme des installations photovoltaïques et des aérogénérateurs en sites isolés exclusivement, et finance des
études de diagnostics énergétiques ou de faisabilité ainsi que des travaux de
maîtrise de l’énergie. Parallèlement, il mène des actions de sensibilisation et
d’information. Grâce à son concours, un grand nombre d’installations et
d’actions en faveur de la maîtrise de l’énergie ont été réalisées.
Les Programmes territoriaux de maîtrise de l’énergie (PTME) élaborés par
le CTME sont cofinancés par l’ADEME et par la Nouvelle-Calédonie (à hauteur
de 50 % chacune) par l’intermédiaire du Fonds territorial de maîtrise de
l’énergie (FTME) dont la mise en œuvre est définie par une convention annuelle.
Les ressources de la Nouvelle-Calédonie émanent d’une taxe parafiscale sur
l’essence de 0,6 F.CFP/l perçu par les douanes.
LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ACTUELLES DES AUTORITÉS PUBLIQUES
DANS LE DOMAINE DE L’ÉNERGIE ET DE L’ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL
Si la loi organique (LO) attribue la compétence en matière de réglementation électrique à la Nouvelle-Calédonie, ainsi que celles relatives aux
hydrocarbures, les économies d’énergie ne sont pas citées dans le texte ni les
En 1973, est créé le « Bureau des mines ». Après de nombreuses appellations, il est renommé
« Service des mines et de l’énergie » en 1981 et devient Dimenc en 2004.
40
Quelle gouvernance ? L’approche juridique
énergies renouvelables. Dans ces nouveaux domaines, peu ou pas réglementés
jusqu’ici et non affectés à une autorité, la question de la répartition des
compétences doit être soulevée, car ils sont fortement interdépendants avec
la protection de l’environnement, elle-même soumise à des compétences
très enchevêtrées. Le recours au principe de l’activité dominante doit pouvoir
permettre d’octroyer la compétence à l’une ou l’autre des collectivités.
L’examen de répartition des compétences (cf. CD-ROM) conduit aux
quelques remarques suivantes.
Les compétences de l’État se limitent au contrôle des stocks stratégiques
pétroliers, à celui des grands barrages au titre de la réglementation en
matière de sécurité civile (article 21, III, 5 de la loi organique) et, pour les
mines, aux substances utiles à l’énergie atomique.
Les compétences sur le contrôle des grands barrages pourraient être
transférées de l’État à la Nouvelle-Calédonie afin d’assurer une cohérence
quant à la gestion de ces activités au titre de l’eau ou de l’électricité. Le
transfert des compétences en matière de sécurité civile n’est toutefois envisagé qu’après modification de la LO, ainsi qu’il en a été décidé lors du
Comité des signataires, le 8 décembre 2008. Le rapport Viret41 explicite les
différentes problématiques liées à ce domaine. Aucune autre compétence
directe en matière énergétique n’est actuellement conservée par l’État.
Les communes ont quant à elles les compétences de droit commun
des collectivités locales de même niveau en métropole dont, notamment, la
concession de distribution électrique et une compétence de droit commun
en matière de pollutions.
Les Provinces ont de nombreuses responsabilités de réglementation et
de contrôle dans le domaine de l’environnement et des espaces naturels.
La Nouvelle-Calédonie n’a aucune compétence générale en matière de
changement climatique, comme on l’a vu dans la précédente partie. En
revanche, elle a des obligations environnementales de droit commun en matière
de gaz à effet de serre puisque les dispositions du code de l’environnement
relatives à la lutte contre l’intensification de l’effet de serre s’appliquent
explicitement à elle.
41 Le transfert de compétences à la Nouvelle-Calédonie en matière de sécurité civile, Jean Viret,
août 2008, 73 p.
367
368
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Ainsi, la Nouvelle-Calédonie et la Dimenc, en son sein, fixent les normes
techniques de transport et de distribution et les communes fixent le cahier
des charges des concessions. Cette situation, qui était compliquée à gérer
sur le terrain, a fait l’objet d’une clarification à travers une récente modification de la loi organique.
De l’analyse de cet état des lieux,
nous souhaitons retenir six aspects essentiels
1. Compte tenu de ce qui précède, l’enchevêtrement des compétences
ne paraît pas être aujourd’hui une difficulté majeure dans le domaine de
l’énergie en Nouvelle-Calédonie. C’est ce que prouve le faible contentieux dans
le domaine (une donnée confirmée lors de notre audition avec le conseiller
d’État Jean-François Merle, le 22 avril 2009). La seule question qui méritait
d’être tranchée concerne la construction des lignes électriques de distribution,
ce qui a été fait avec une récente modification de la loi organique.
2. Le découpage est plus imbriqué dans le domaine environnemental qui
a des conséquences non négligeables sur le droit de l’énergie. Les compétences
concernant l’intégration des enjeux environnementaux et énergétiques dans
les politiques de la Nouvelle-Calédonie sont en effet partagées entre la
Nouvelle-Calédonie et les Provinces. Le flou existant sur les responsabilités
respectives des communes et des Provinces en matière de documents d’urbanisme ainsi que le peu de principes directeurs peuvent avoir une influence
indirecte sur les orientations énergétiques. Il apparaît donc aussi nécessaire,
tant pour le secteur de l’énergie que pour celui de l’environnement, de clarifier
les compétences en matière environnementale. Bien que l’expertise n’ait pas
cette vocation, elle ne peut faire l’économie d’une alerte sur cet aspect.
Nous avons souligné plus haut le poids et les délais qu’entraînerait une
modification de la loi organique. Néanmoins, sans que cela doive paralyser
les initiatives, il nous semble qu’il serait pertinent d’engager une réflexion
relative à une telle modification pour régler la question des compétences
dans le domaine de l’environnement.
3. Si les niveaux de responsabilités paraissent non adaptés, la mutualisation de compétences au sein d’une seule administration, la Dimenc, est une
solution pratique. La réglementation des activités polluantes, de l’eau, des
études d’impact et des enquêtes publiques, qui portent sur des domaines de
grande technicité nécessitant une centralisation des compétences, sont de la
Quelle gouvernance ? L’approche juridique
responsabilité des Provinces, alors qu’elles nécessitent un niveau plus global
d’implication afin d’impulser de la cohérence. Toutefois, cette administration
qui agit à la fois pour le compte du gouvernement, de l’État et des Provinces,
n’a pas une responsabilité pleine et directe ; elle est face à des orientations
qui ne sont pas clairement définies par une politique ou un texte fondateurs
et qui peuvent s’avérer divergentes ou, à tout le moins, non cohérentes
entre elles.
4. Les première et deuxième parties du rapport montrent la difficulté à
construire des réglementations et des tarifications s’imposant aux opérateurs
publics et privés. Faut-il rééquilibrer le jeu des acteurs pour traiter cette
question de manière plus équitable ? Le poids dominant des opérateurs par
rapport à celui des régulateurs est souvent considéré comme un frein à la
mise en œuvre d’une réglementation adaptée. C’est ce qui a conduit la
France (dans le cadre des règlements européens) à mettre en place une
Commission de régulation de l’énergie (la CRE), et à dissocier la gestion du
réseau de transport électrique dans une filiale d’EDF (la RTE).
5. Lorsqu’un corpus de réglementations est mis en place, il y a nécessité
d’un réel contrôle sur leur mise en œuvre afin de garantir leur efficacité ; les
moyens humains de contrôle doivent donc être suffisants.
6. En ce qui concerne le climat, la dimension « environnement industriel »
ne recouvre pas tous les thèmes. La gestion des territoires pour la production
de biomasse est en relation étroite avec la politique agricole et forestière : il
faut en introduire les acteurs correspondants dans le processus de production
des politiques.
PROPOSITIONS D’ORIENTATIONS EN MATIÈRE DE GOUVERNANCE
Afin de donner une véritable impulsion au secteur de l’énergie et de la
réduction des émissions de GES dans le développement de la NouvelleCalédonie, la mise en place de nouvelles formes de régulation peut être
envisagée. Une redéfinition, si elle est envisagée, de la répartition des compétences entre les quatre niveaux de responsabilités devrait se fonder sur un
certain nombre de principes, dont :
la taille des projets et les relations avec les usagers (qu’ils soient de
dimension très locale ou non) ;
369
370
L’énergie dans le développement de la N.-C.
le savoir-faire acquis dans tel ou tel domaine par tel ou tel niveau de
l’administration ;
l’objet même des compétences en cause : compétence d’investissement
pour l’avenir, compétence de gestion de services, d’édiction de normes
générales ;
la compétence structurante au niveau de la Nouvelle-Calédonie, par
exemple en matière fiscale ou de fonction publique. Une vision d’ensemble
structurante doit être élaborée dans ces domaines, dont l’exécution peut
ensuite être confiée aux Provinces ;
la cohérence des attributions pour en faciliter la mutualisation (par
exemple, la Nouvelle-Calédonie est déjà compétente en matière de mines,
de domaine public, de propriété foncière, de PPI et d’électricité) ;
les attributions de compétences n’ayant pas directement le même
objectif mais qui sont fortement imbriquées entre elles, afin de favoriser leur
optimisation (par exemple, attribuer les compétences sur le changement
climatique à l’autorité chargée de l’énergie).
Nous avons traité deux enjeux pouvant servir de références au chantier
de cette redéfinition des compétences : les instruments de la coordination
entre les acteurs de l’énergie et du climat et, en s’inspirant des exemples
étrangers, le renforcement possible de l’autorité administrative en charge de
la régulation du secteur.
LA COORDINATION DANS LE DOMAINE DE L’ÉNERGIE
Elle a débuté avec la création de l’Observatoire de l’énergie et du Comité
consultatif de l’énergie, en 2008, qui participent désormais à la réflexion sur les
décisions dans le domaine de l’énergie. La Dimenc joue un rôle de coordination
technique pour ces différentes initiatives.
Selon les informations que nous avons obtenues, l’Observatoire de l’énergie
prend actuellement la forme d’une base de données construite par Enerdata
Services, qui est alimentée et mise à jour par le site internet de la Dimenc et qui
permet également de répondre aux diverses demandes de statistiques qui lui
sont adressées. Quant au Comité consultatif de l’énergie, il fera intervenir un
représentant des différentes collectivités (la Nouvelle-Calédonie, les 3 Provinces,
les maires), un représentant de l’ADEME et un autre de la Dimenc. Son programme de travail n’est pas encore fixé.
Quelle gouvernance ? L’approche juridique
La poursuite de l’effort de coordination est liée à la mise en place
d’orientations de politique énergétique ainsi que recommandé plus haut. En
outre, des partenariats ou collaborations peuvent et doivent être développés,
comme cela a pu être fait ponctuellement, afin de mettre en œuvre les
recommandations des deux premières parties. L’ADEME a un accord-cadre
avec chacune des Provinces. Quant au partenariat sur le volet énergie, il
existe depuis 1983, suite à la création de l’AFME. Ajoutons qu’une analyse
fonctionnelle de la gestion du réseau électrique pourrait être utile (l’augmentation des producteurs d’énergie renouvelable intermittente renforce ce
besoin).
LES RENFORCEMENTS POSSIBLES DE LA CAPACITÉ DE RÉGULATION,
DANS UNE PERSPECTIVE D’INTÉGRATION DES DIMENSIONS ÉNERGIE ET CLIMAT
Dans un domaine d’action collective comme l’énergie et le climat et, plus
généralement, l’environnement, il ne suffit pas de disposer d’un observatoire et d’un comité permanent regroupant les acteurs principaux pour avoir
une bonne gouvernance. La capacité à piloter et à préparer les décisions doit
être assurée par une structure administrative forte.
Plusieurs solutions sont envisageables, entre lesquelles il ne nous appartient évidemment pas de choisir : depuis la poursuite de l’organisation
actuelle, que l’on corrigerait aux marges (en particulier, en augmentant les
moyens), jusqu’à la création d’une autorité indépendante, distincte à la fois
de la Nouvelle-Calédonie et des Provinces (structure que l’on imagine mal
dans le contexte institutionnel et politique actuel du Territoire). Entre ces
deux options, la mise en place de structures plus ou moins autonomes a été
expérimentée par plusieurs pays.
Quelle que soit la structure choisie, son champ de compétences doit, si
possible, englober à la fois l’énergie et le climat et comprendre toutes les
composantes de l’énergie : les énergies fossiles, les énergies renouvelables,
l’électricité, le gaz ainsi que les mines, mais aussi la maîtrise de l’énergie et
celle des gaz à effet de serre.
Forte de cette vision globale, une telle structure pourra appréhender les
aspects contradictoires d’un secteur comme celui de l’énergie, et intégrer les
économies d’énergie et la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre dans
sa politique générale.
371
372
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Quelques exemples de structures administratives autonomes
De telles structures existent ainsi au Canada (avec l’Agence de l’efficacité
énergétique, qui est une agence d’État avec personnalité morale, ou avec
l’Office national de l’énergie, un organisme fédéral indépendant), en France
(l’Autorité de sûreté nucléaire ou la Commission de régulation de l’énergie,
qui sont des autorités administratives indépendantes) ou encore à Malte. La
création de ces agences, de statuts différents, répond au souci de disposer
de structures (légères ?) qui chapeautent plusieurs fonctions pour plus
d’efficacité.
L’exemple de l’île de Malte retient plus particulièrement l’attention : il s’agit
de la Malta ressources Authority, instituée par une loi de 2000 (cf. annexe
de « Quel cadre pour une politique de l’énergie et du climat au service du
développement de la N.-C. ? » dans le CD-ROM) Tout en ayant une personnalité morale, elle est directement liée au ministre responsable des Ressources
minières, énergétiques et de l’Eau. C’est ce dernier qui nomme les membres de
l’Autorité ; celle-ci a des missions très larges et pour fonction de réglementer,
de contrôler et de réviser le fonctionnement et les activités dans ses domaines
de compétences.
Dans le domaine spécifique de l’énergie, elle a pour mission de promouvoir,
encourager et réglementer le développement et l’utilisation de toutes les
formes d’énergie et d’encourager l’utilisation des sources d’énergie alternatives,
par le biais de taxes sur les énergies non renouvelables et de subventions
pour la production à partir d’énergies renouvelables. Elle a également pour
mission de gérer la distribution et la vente de pétrole. Ses ressources sont
multiformes – taxes, impôts, prêts publics. Ajoutons qu’elle est composée de
huit personnes et possède trois composantes : énergie, eau et minerai42.
D’autres structures administratives existent également, sans personnalité
morale, sur le modèle de l’Agence France nucléaire international ou de
l’Agence Iter France (cf. CD-ROM) : ces agences disposent d’une autonomie
administrative et budgétaire ; elles ont des missions précises, mais sont
intégrées dans une structure publique existante. L’intérêt de ces agences
est qu’elles sont autonomes, même si elles sont sous tutelle directe de l’organisme au sein duquel elles sont intégrées ; elles s’appuient d’ailleurs sur
42
Pour plus d’informations : http://www.mra.org.mt/home.shtml
Quelle gouvernance ? L’approche juridique
les moyens humains et fonctionnels dudit organisme, ce qui leur permet de
mutualiser les fonctions support.
Dans les deux cas, il conviendrait d’associer un conseil exécutif collégial,
comme le Comité consultatif de l’énergie, en intégrant à la fois les autorités
concernées actuelles, mais aussi les autorités coutumières, afin que l’énergie
devienne une problématique commune et consensuelle dans une perspective
de développement durable, avec des mandats à moyen terme, renouvelables
une seule fois et, éventuellement, une présidence tournante.
Dans la situation de la Nouvelle-Calédonie, et dans le prolongement de
l’existence de la Dimenc et de son partenariat original avec l’ADEME au sein
du CTME, il faut affirmer le besoin d’un pilotage cohérent dans la préparation
et la mise en œuvre des politiques de l’énergie et du climat. Quelle que soit
la forme de cette capacité de pilotage, elle doit permettre la préparation des
stratégies et des programmes, la définition des règlementations et leur mise
en œuvre.
Dans cette optique, il faut souligner l’importance de la liaison des politiques de l’énergie avec celles du climat, et les liens à établir avec celles
concernant l’utilisation du territoire pour l’agriculture, la forêt et la production
de biomasse.
Il ressort de l’étude des organisations administratives existantes, notamment
au sein des micro-États, que l’énergie est en général réglementée dans le
respect de l’environnement, mais n’est pas nécessairement confiée aux mêmes
autorités. Toutefois, la tendance dans de nombreux pays est actuellement à
associer l’énergie et le climat – c’est ce que la France a fait en créant le
ministère chargé de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et
de la Mer, ainsi que des négociations sur le climat (le MEEDDM).
La création des Dreal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) dans les régions françaises va dans le même sens,
même si les leviers des politiques pour l’agriculture et la forêt manquent à
cet ensemble.
Concernant la réorganisation des compétences entre les communes, les
Provinces et la Nouvelle-Calédonie en matière de réglementation de l’énergie
et du climat, les cas de la Nouvelle-Zélande et des îles Fidji peuvent être utiles :
ces compétences sont octroyées à la même autorité, comme en France. Mais
373
374
L’énergie dans le développement de la N.-C.
pour parvenir à cette solution en Nouvelle-Calédonie, une modification de
la loi organique de 1999 serait nécessaire.
Quoi qu’il en soit, la question du climat et de la lutte contre les GES est
plus globale que celle de la protection de l’environnement au niveau local et
doit être regroupée ou mutualisée avec celle de l’énergie. L’observation des
émissions des gaz à effet de serre (de tous les gaz) doit être assurée dans
cette logique. À ce jour, la compétence relative à la lutte contre l’effet de serre
appartient à l’État (les articles du code de l’environnement sont applicables
à la Nouvelle-Calédonie), mais sa mise en œuvre concrète n’a pas encore eu
lieu (des articles législatifs du code de l’environnement sur la lutte contre les
GES pourraient être mis en application par voie réglementaire).
QUELS SONT LES PROCESSUS D’ÉLABORATION DES DÉCISIONS PUBLIQUES ?
L’APPROCHE SOCIOPOLITIQUE
Comment et selon quels processus doit-on élaborer aujourd’hui la décision
publique alors que la méfiance est souvent forte dans l’opinion, que l’expertise
issue de la recherche se veut davantage accessible et que le débat public est
prôné comme indispensable ?
La Nouvelle-Calédonie fait l’expérience d’une démarche originale et ambitieuse pour l’élaboration du « Schéma d’aménagement et de développement
de la Nouvelle-Calédonie », engagée en mars 2008, et rythmée par des conférences des acteurs, à Koné le 14 mai 2008, et au centre Tjibaou, le 5 mars 2009.
Le chapitre qui suit propose d’apporter quelques éléments d’expériences
extérieures à la Nouvelle-Calédonie, pour inciter à prolonger cette expertise
collégiale sous la forme d’un processus, dans l’esprit de la démarche de
l’élaboration du Schéma d’aménagement et de développement.
Dans la « fabrication » des décisions,
l’expertise et le débat cherchent leur place
Avec Lucien Sfez43, nous disons qu’une décision est le résultat d’un
processus, d’une élaboration, qui ne se limite pas à la boîte crânienne d’un
43
La décision, L. Sfez,Que sais-je 2181, 3e édition corrigée, décembre 1994.
Quelle gouvernance ? L’approche juridique
prétendu « décideur » tout puissant. C’est en fait la traduction de l’anglais
decision making, le verbe to make voulant bien dire « fabriquer ».
Les responsables des décisions publiques demandent souvent beaucoup
à l’expertise issue de la recherche. On l’a vu dans toutes les crises sanitaires ou
environnementales, de même lorsqu’un Premier ministre a déclaré : « je suivrai
strictement les avis des chercheurs ». Ce qui a eu pour effet de paralyser
leurs avis…
Si la décision se fonde sur une rationalité scientifique, ce n’est pas le seul
élément à prendre en compte ! On ignore, en particulier, très souvent le fait
que la rationalité scientifique se construit dans des limites qui ne couvrent
pas tous les aspects de la question posée : elle est bornée par les données
apportées, les compétences rassemblées et les imperfections des échanges
entre spécialistes…
Les limites du dialogue entre experts et décideurs se constatent régulièrement. Les acteurs à un titre ou à un autre (entreprises, usagers, voisins,
partenariat, élus des collectivités territoriales) réclament leur place. Les processus
d’enquêtes publiques ont montré leurs limites qui sont liées à leur genèse :
il s’agissait à l’origine de légitimer la possibilité de limiter le droit de propriété
privée, droit constitutionnel et sacré.
D’où une demande d’information publique et de participation à l’élaboration des décisions, à travers des débats publics. Différentes formes en ont
été données. Nous en relevons deux en France, bien documentées.
La conférence de citoyens, organisée à Paris en juin 1998, par l’Office
parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques (OPECST),
portait sur le thème : « L’utilisation des organismes génétiquement modifiés
en agriculture et dans l’alimentation ». La démarche a effectivement permis,
notamment grâce au relais médiatique, une implication des citoyens dans
les débats politiques. Mais ses conclusions n’ont pas été reprises…
Les débats publics désormais consacrés au niveau législatif depuis la loi
du 27 février 2002 sur la démocratie de proximité, et organisés par la
Commission nationale du débat public (CNDP), dont certains portent maintenant sur des politiques (avec le cas des déchets radioactifs, en 2006) et non
plus seulement sur des projets. Dans les expériences que la France a connues,
le débat reste un objectif en soi, mal relié aux étapes qui l’ont précédé et
375
376
L’énergie dans le développement de la N.-C.
sans que le processus de la suite soit bien connu. L’exemple du débat public
sur le choix du site d’un 3e aéroport dans la région parisienne est typique
de cela. Les questions portaient en fait beaucoup plus sur « pourquoi un
3e aéroport ? » ! La même aventure a été vécue lors du débat préalable à la
décision de construction de l’EPR à Flamanville.
Il y a donc des limites au débat, qui ne prend sens que dans un système
de décisions.
La CNDP en exprime le souci, quand elle demande un dossier clair du
maître d’ouvrage qui explicite les raisons de la proposition faite ou des alternatives proposées au débat, et quand elle exige qu’une décision soit prise au
vu des résultats du débat. C’est reconnaître aussi qu’il y a des étapes dans
l’élaboration des décisions.
Ainsi l’expertise issue de la recherche et le débat public cherchent
encore, chacun de leur côté, leurs relations avec la décision publique.
Pour une ingénierie des processus de décision adaptée à notre temps
Nous affirmons qu’il n’est plus possible de se contenter d’améliorer les
relations entre « recherche » et « décideur public » pour réussir une gestion
des risques dits bio-sociaux – et, plus largement, toute politique publique. Il faut
bâtir des processus impliquant tous les acteurs, par étape, fondés sur une
recherche proactive (en particulier sur l’analyse des impacts des nouvelles
technologies), laissant le temps au débat.
Parce que l’on ne peut plus décider les actions publiques comme avant,
dans l’après-guerre au temps des pénuries ou de crises graves, s’impose une
prise de décisions au sein d’une stratégie élaborée dans une relation entre
trois groupes d’acteurs : les responsables des politiques publiques, les experts
et chercheurs, les représentants des partenaires intéressés de la société dite
civile. Cela exige un double mouvement l’un vers l’autre de l’univers de la
décision et de celui de la recherche, au sein de ces processus, en intégrant
les préoccupations des uns et des autres, de tous les partenaires, acteurs
économiques et citoyens.
Le Schéma d’aménagement et de développement de la NouvelleCalédonie correspond bien, dans sa définition, dans son agenda et dans le
rôle donné aux acteurs, à ce type de processus. La méthode, qui consiste à
s’appuyer sur l’élaboration en commun de scénarios pour le futur, permet
Quelle gouvernance ? L’approche juridique
de mieux dégager les points d’accord ou de désaccord, en créant des
moyens de communication entre les scientifiques, les autorités responsables
et le public.
Deux autres exemples
Deux cas, assez proches de celui de « L’énergie dans le développement
de la Nouvelle-Calédonie » peuvent éclairer la suite à donner à cette expertise
collégiale : l’élaboration des plans d’exposition aux risques inondation dans
la moyenne vallée du Rhône (département de la Drôme) et la définition du
programme Ecophyto pour la réduction par deux de l’usage des pesticides
en France.
L’élaboration des PPR Inondations est fondée sur un processus de décision,
avec une identification des 3 groupes d’acteurs retenus ci-dessus : les instances
de décision, les maires, le département et l’État ; les instances d’étude et
d’expertise ; les instances de concertation avec toutes les parties prenantes.
Un Comité territorial de concertation a été créé, avec un animateur spécialisé chargé de faire reformuler les questions et de passer la parole pour
que la participation soit réelle. Un cahier de séance est élaboré par le groupe
des experts dont le secrétariat est assuré par la Diren Rhône-Alpes.
Il faut retenir de ce cas l’importance de l’organisation tripolaire, avec le
pilotage politique du processus, particulièrement délicat quand plusieurs
autorités doivent coordonner les efforts, le groupe des acteurs et, enfin,
l’association d’une expertise organisée.
L’expertise collective réalisée en 2005 par l’Inra et le Cemagref44 a révélé
que peu de connaissances étaient acquises sur l’utilisation des pesticides et
les risques associés. Plus ou moins en lien avec cette expertise, plusieurs
décisions ont été prises, dans le cadre d’un plan interministériel de réduction
des risques liés aux pesticides 2006-2009, dit le PIRRP.
« Pesticides, agriculture et environnement, réduire l’utilisation des pesticides et en limiter les
impacts environnementaux », décembre 2005
44
377
378
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Pour connaître les voies possibles de réduction significative de l’usage
des pesticides, les ministères concernés ont décidé d’une étude de deux ans
(dite Ecophyto R&D) sur l’élaboration de scénarios de rupture plus ou moins
radicale par rapport aux pratiques courantes actuelles, et sur la définition d’un
système nouveau, plus complet, d’acquisition et de diffusion de références,
en rapport avec l’objectif affiché.
Une attention particulière a été apportée à la structuration des acteurs.
On y retrouve à peu près le dispositif tripolaire défini plus haut :
l’Inra est chargé de coordonner les experts ;
un comité de pilotage, qui se réunit tous les deux mois, regroupe les
directions des ministères concernés de l’Agriculture et de l’Écologie, responsables de porter la décision ;
un comité d’orientation regroupe les acteurs potentiels, en tant
qu’institutions.
Il faut retenir de ce cas la relation entre une expertise collégiale et la préparation des décisions sur un sujet difficile. L’expertise permet de poser un
problème, d’en fournir la structure à partir de laquelle les acteurs peuvent
mieux se saisir du sujet, et renseigne des scénarios possibles pour atteindre
un objectif, lui-même donné en conclusion du Grenelle de l’environnement.
Prolonger l’expertise par un processus d’élaboration des politiques
de l’énergie et du climat
Des expériences et travaux théoriques en nombre donnent des perspectives à une élaboration des décisions qui fasse appel à une meilleure
mobilisation de l’expertise – en particulier, celle issue de la recherche – et
permette un dialogue enrichissant entre toutes les parties. C’est un enjeu très
important pour bâtir une société démocratique dont le développement soit
fondé sur la connaissance. C’est essentiel pour que la confiance se construise
dans des choix de plus en plus techniques et sensibles. C’est indispensable
pour que les acteurs autonomes rentrent bien dans la même logique d’action
collective.
Nous proposons donc que l’expertise collégiale sur « L’énergie dans le
développement de la Nouvelle-Calédonie » soit prolongée par un processus,
dans l’esprit de ce qui se fait pour le Schéma d’aménagement et de développement de la Nouvelle-Calédonie. Il devra s’appuyer sur une expertise, le
Quelle gouvernance ? L’approche juridique
plus possible localisée sur son territoire, apte à assurer les approfondissements
considérés comme indispensables, au vu des insuffisances repérées par
l’expertise, ou qui se dégageront des discussions à venir.
Recommandation : mettre en route un processus de définition d’une
politique de l’énergie et du climat, associant les acteurs concernés, mobilisant
une expertise la plus locale possible, avec un pilotage légitime, et s’appuyant
sur les résultats de l’expertise, complétée par des études plus précises sur les
points qui le méritent, selon les orientations principales et les objectifs généraux
retenus.
CONCLUSION
Au service des actions possibles dans les domaines que sont l’habitat, les
transports, la production d’énergie et l’industrie métallurgique, l’analyse
technico-économique permet de donner quelques priorités : les solutions
techniques n’ont pas toutes le même coût ni la même échéance.
L’aménagement du territoire et la prise en compte des contraintes foncières
permettent de bâtir des réponses durables sur le long terme.
S’agissant des moyens d’action possibles, il est indispensable que les
orientations générales soient traduites juridiquement, que des actions
d’éducation et de sensibilisation soient généralisées, et que les instruments
réglementaires, tarifaires et fiscaux soient mobilisés.
Les acteurs de l’énergie et du climat ont besoin de l’appui de la formation
aux métiers, tout particulièrement dans le domaine du bâtiment, avec les
démarches de haute qualité environnementale. L’action économique en
faveur des entreprises pourrait également être un levier bien utile, même si
nous n’avons pas eu la possibilité d’en approfondir les modalités. Enfin, la
Nouvelle-Calédonie doit avoir accès à un potentiel de R&D au service des
activités qui concernent l’énergie et le climat.
Concernant la gouvernance, l’approche juridique a permis de montrer
des pistes pour une répartition des responsabilités et quelles coordinations il
convient de mieux organiser. L’approche sociopolitique, ensuite, a permis de
définir le processus qui pourrait utilement prolonger cette expertise collégiale
– puisque celle-ci n’a pas vocation à établir des priorités opérationnelles ni à
livrer des programmes d’action clé en main…
379
380
L’énergie dans le développement de la N.-C.
RECOMMANDATIONS
Pour le détail des recommandations exposées ci-dessous, le lecteur
pourra se reporter aux fiches de recommandations rassemblées à la fin de la
synthèse, après la partie « Conclusion et recommandations ».
1. Mettre en route un processus de définition d’une politique de l’énergie
associée à celle du climat :
mobilisant une expertise structurée, la plus locale possible, s’appuyant
sur les résultats de l’expertise, et complétée par des études plus précises sur
les points qui le méritent, selon les orientations principales et les objectifs
généraux retenus ;
avec un pilotage légitime par une autorité publique ;
associant les acteurs concernés, au sein d’un comité d’orientation.
Transformer les conclusions du processus de définition d’une politique
de l’énergie et du climat par une délibération du Congrès.
2. Lancer la définition d’un plan climat pour chaque Province, pour le
Grand Nouméa et la zone VKP (Voh-Koné-Pouembout).
3. Inscrire les productions de biomasse non alimentaires dans des politiques
de développement pour réduire la dépendance de la Nouvelle-Calédonie en
matière alimentaire, forestière et énergétique, tout en contribuant à la
réduction des émissions mondiales de GES.
4. Engager un travail de clarification des responsabilités des acteurs
publics sur l’environnement et les impacts sur le climat : il s’agit de construire
une répartition des compétences adaptée à ces nouveaux enjeux.
5. Définir les priorités des actions de maîtrise de l’énergie, de développement des ENR et de réduction des émissions, en introduisant des critères
de coûts et d’impacts.
6. Soutenir les filières industrielles et de service liées à la production et à
la maîtrise de l’énergie, adaptées à la dimension de la Nouvelle-Calédonie :
la formation aux métiers, l’action économique en faveur des entreprises, le
potentiel de R&D auquel il faut avoir accès.
7. Mettre les instruments économiques ou réglementaires au service de
la politique de l’énergie et du climat.
8. Engager un programme d’actions d’éducation et de sensibilisation
pour favoriser un changement des pratiques.
En conclusion,
pour quatre objectifs possibles,
des recommandations synthétiques
Les cinq parties ont permis de faire le point de l’état des connaissances
sur les différents aspects de l’énergie et du climat dans le contexte de la
Nouvelle-Calédonie et du diagnostic établi pour le Schéma d’aménagement
et de développement « Nouvelle-Calédonie 2025 ». Chacune de ces parties
est conclue par quatre à dix recommandations spécifiques. Il s’agit ici de
fournir une vue synthétique de ces recommandations.
Une expertise collégiale, réalisée dans un champ aussi large que celui de
l’énergie dans le développement de la Nouvelle-Calédonie, ne peut fournir un
plan d’action « clé en main ». Comme toute expertise scientifique collective
de ce type, elle n’en a pas la vocation, ni les possibilités d’ailleurs. Elle contribue
en revanche – et c’est là sa plus-value essentielle et une des responsabilités
du collège des experts – à asseoir avec rigueur et recul une structuration de
la question posée, à documenter les différents aspects de cette question, en
définissant des pistes possibles et en en fermant d’autres, et sur les sujets
qui s’y prêtent, à proposer des scénarios de réponses alternatives. Il faut
aussi que les acteurs concernés puissent s’approprier ces recommandations
et qu’elles soient insérées dans un processus.
Celles-ci doivent être mises au service de quatre objectifs, correspondant à
la situation particulière de la Nouvelle-Calédonie et pour son développement.
Ces objectifs devraient placer les ambitions de la Nouvelle-Calédonie sur
trois plans différents :
la réduction des consommations d’énergie, pour laquelle nous proposons
d’inverser la tendance actuelle à la croissance de toutes les formes d’énergie ;
l’augmentation de l’utilisation des ressources locales, avec l’objectif de
produire à terme l’équivalent de la consommation d’électricité des ménages
et des services sous forme d’électricité renouvelable ;
la prévention du changement climatique, en engageant la NouvelleCalédonie dans une dynamique de réduction de ses émissions de gaz à effet
de serre.
382
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Nous traduisons ces objectifs en dix recommandations, dont trois relatives
à la gouvernance et au processus d’élaboration de la politique sur l’énergie
et la réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui devraient prolonger
le travail engagé avec la présente expertise. Ces recommandations constituent
autant de lignes directrices considérées comme prioritaires, qui doivent être
développées localement pour orienter les mesures opérationnelles en vigueur
ou inspirer celles à venir.
Quatre objectifs :
Objectif 1 : inverser la tendance à l’augmentation des consommations
d’énergie dans l’habitat, les transports et l’industrie, et viser sur ce point à constituer
une référence régionale.
Objectif 2 : réduire les importations d’énergie fossile en visant un objectif de
production d’énergie électrique utilisant des sources renouvelables à hauteur
de la consommation des particuliers et des services à une échéance à
définir.
Objectif 3 : insérer la Nouvelle-Calédonie dans le processus international de
lutte contre le changement climatique, avec l’élaboration progressive
d’objectifs de stabilisation et de réduction des émissions de GES.
Objectif 4 : installer une gouvernance adaptée en matière de politique de
l’énergie, facteur de développement, et de maîtrise des émissions de GES.
RECOMMANDATIONS SYNTHÉTIQUES
1. Normes, règlements et incitations au service de l’objectif 1
Mettre en place un dispositif instrumental (information, incitations,
réglementation) pour réduire les consommations d’énergie dans l’habitat,
les transports et l’industrie, s’appuyant notamment sur la réglementation
thermique, la classification énergétique des équipements ménagers, le recours
obligatoire à l’eau chaude sanitaire (ECS) solaire dans les constructions neuves,
un système de bonus/malus sur les voitures, des audits dans l’industrie, etc.
Pour plus de détails, voir les recommandations de la 1re partie, p. 389-402.
Conclusion et recommandations
2. Former et informer, accroître la place des questions de l’énergie
et du climat dans le débat néo-calédonien
Renforcer/développer les actions déjà engagées dans le domaine de la
sensibilisation aux questions de l’énergie et du climat par des campagnes
d’informations (cf. ADEME en particulier), d’éducation et d’incitations, visant
à faire évoluer les préférences et les comportements des Néo-Calédoniens.
Pour plus de détails, voir les recommandations de la 1re partie, p. 389-402,
et la n° 8 de la 5e partie, p. 443.
3. Développer la production d’électricité éolienne et photovoltaïque
Poursuivre le développement de l’électricité éolienne et solaire photovoltaïque en définissant des tarifs d’achat appropriés. Faciliter l’insertion de cette
production intermittente en préparant le développement de réservoirs de
stockage hydraulique (pompage, turbinage), en assurant la coordination entre
producteurs, distributeurs et gestionnaire de réseaux, et en expérimentant
les réseaux électriques « intelligents ».
Pour plus de détails, voir les recommandations n° 1, 2, 3 de la 2e partie,
p. 403 à 408.
4. Dans les îles
Dans les îles, rechercher une plus grande autonomie et une meilleure
sécurité d’approvisionnement en levant les obstacles au développement de
petites productions décentralisées, de bioénergie ou de systèmes hybrides et
examiner les conditions de relance de la filière coprah.
Pour plus de détails, voir les recommandations n° 6 et 7 de la 2e partie,
p. 412 à 414.
5. Mettre le signal tarifaire au service des enjeux de l’énergie et
du climat
Pour soutenir les efforts de maîtrise de la demande et le développement de
la production renouvelable, établir une tarification de l’énergie adaptée aux
enjeux de l’énergie et du climat : suppression des subventions, rééquilibrage
diesel/essence, introduction d’un signal-prix approprié dans le secteur électrique
(base/pointe) et étude de l’introduction d’une valeur carbone.
Pour plus de détails, voir les recommandations de la 1re partie, p. 389-402,
et la n° 7 de la 5e partie, p. 442.
383
384
L’énergie dans le développement de la N.-C.
6. Insérer la Nouvelle-Calédonie dans les objectifs de stabilisation
du climat mondial
Réaliser des bilans annuels d’émissions de GES, élaborer un plan climat
énergie (objectifs de réduction, moyens d’action) pour la Nouvelle-Calédonie
et des plans climat territoriaux pour le Grand Nouméa et pour chacune des
trois Provinces : définition d’objectifs et mise en œuvre de politiques de
réduction des émissions de GES s’appuyant notamment sur les actions de
maîtrise de la demande d’énergie et le développement des énergies
renouvelables.
Pour plus de détails, voir les recommandations n° 1, 2, 4 de la 3e partie,
p. 419 à 422 et 425.
Explorer les possibilités de réduction des émissions de CO2 dans la production d’électricité et dans l’industrie métallurgique dans trois directions :
économies d’énergies, substitution partielle du charbon par de la biomasse
en chaudières, réservation d’emprises pour un futur captage du CO2.
Pour plus de détails, voir les recommandations n° 6 de la 1re partie, p. 398,
n° 4 de la 2e partie, p. 409, n° 3 de la 3e partie, p. 423, n° 3 de la 5e partie,
p. 436.
7. Renforcer les activités économiques
Il s’agit :
d’intensifier les efforts de formation professionnelle, particulièrement dans le cas du bâtiment à destination de l’ensemble des intervenants
(architectes, bureaux d’études, entreprises de construction, artisans, etc.),
sur les nouvelles technologies « basse consommation » d’énergie, et les
démarches HQE ;
d’utiliser les leviers disponibles de l’action économique au service de
filières technologiques (production/importation, vente, installation d’équipements, entretien et maintenance, etc.) et des entreprises engagées dans les
enjeux énergétiques et du climat, après mise à plat de l’ensemble des mesures
existantes et identification des freins ;
de permettre aux acteurs de l’énergie et du climat d’avoir un accès à la
recherche développement avec, localement, un investissement particulier
sur les techniques du bâtiment en milieu tropical, la technique et la gestion
des réseaux électriques de moyenne et petite tailles, et la production de
biomasse agricole et énergétique en milieu tropical développé.
Conclusion et recommandations
Ces secteurs d’activité doivent faire de la Nouvelle-Calédonie une référence
régionale.
Pour plus de détails, voir les recommandations n° 8 de la 2e partie, p. 415,
n° 5 de la 3e partie, p. 427, n° 1 de la 4e partie, p. 429, n° 6 de la 5e partie,
p. 440.
Et pour la gouvernance :
8. Au-delà de cette expertise collégiale, mettre en route un processus de
définition d’une politique de l’énergie et du climat, qui associe les acteurs
concernés, mobilise une expertise la plus locale possible, avec un pilotage
légitime, et s’appuie sur les résultats de l’expertise, complétée par des études
plus précises sur les points qui le méritent, selon les orientations principales
et les objectifs généraux retenus.
Pour plus de détails, voir les recommandations n°s 1 et 5 de la 5e partie,
p. 433 et 439.
9. Construire une répartition des compétences sur l’environnement,
l’énergie et le climat, qui préserve la subsidiarité et l’articulation entre les
politiques locales des communes et les décisions au niveau de la NouvelleCalédonie.
Pour plus de détails voir la recommandation n° 4 de la 5e partie, p. 438.
10. Renforcer la coopération avec les États voisins, ou ayant les mêmes
contraintes spécifiques, dans le domaine de la recherche, de l’innovation
technique et institutionnelle (y compris dans le cadre de la Convention des
Nations unies sur le climat) et de la veille technologique.
Pour plus de détails, voir les recommandations nos 2, 3, 4 de la 4e partie,
p. 430 à 432 et n° 6 de la 5e partie, p. 440.
385
Fiches
de recommandation
Partie 1
La maîtrise de l’énergie : un enjeu majeur pour le développement durable
de la Nouvelle-Calédonie et sa sécurité énergétique
Recommandation n° 1
Inciter aux actions maîtrise de l’énergie dans les domaines du bâtiment
et de ses équipements
Pour engager un réel mouvement dans un marché et créer des conditions de
compétitivité de nouvelle filière, il est nécessaire dans un premier temps de
combler tout ou partie du surcoût d’une action de maîtrise de l’énergie. Dans
ce type d’action, les institutions souhaitent modifier de façon active la grille de
décision du décideur final en fonction d’objectifs qu’elles se sont fixées.
Les incitations peuvent être d’ordre :
financière pour l’aide à la décision : diagnostic thermique, faisabilité énergétique
pour certaine filière… ;
tarifs d’achats des énergies renouvelables ;
aides directes pour supporter une partie du surinvestissement nécessité par
la mise en œuvre d’une action d’efficacité énergétique ou ENR ;
fiscale par des règles de défiscalisation, crédit d’impôt ;
indirecte par la mise en place de label, permettant éventuellement d’obtenir
des compensations (bonification de Coefficient d’occupation du sol…) ;
indirecte encore par l’obligation d’affichage énergétique attesté par un
diagnostic de performance énergétique.
La finalité est d’améliorer la rentabilité économique des actions. Ces incitations
n’ont pas, en général, vocation de perdurer au-delà de l’atteinte d’une certaine
maturité de marché devenu concurrentiel.
La puissance publique peut imposer aux concepteurs de bâtiments l’obligation
de respecter des règles de conception précises, interdire certaine catégorie
d’appareils et prescrire des comportements (cf. la recommandation suivante).
Mais il s’agit souvent d’entériner les bonnes pratiques et de les imposer au plus
grand nombre.
390
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Partie 1
La maîtrise de l’énergie : un enjeu majeur pour le développement durable
de la Nouvelle-Calédonie et sa sécurité énergétique
Recommandation n° 2
Adopter une réglementation thermique dans le tertiaire
et l’habitat neuf et existant, et développer prioritairement le solaire
thermique partout ou existe une demande d’eau chaude
La colonne vertébrale d’une politique de maîtrise de l’énergie repose sur la
mise en place d’une réglementation thermique. En effet, une réglementation
thermique exprime, donne toute la cohérence et la lisibilité à la politique énergétique et environnementale. Le chantier d’une réglementation nécessite une
connaissance précise des tenants et aboutissants, c’est-à-dire le climat, les
consommations, les consommateurs et les acteurs. Cette connaissance fine
traduite en termes d’indicateurs, de garde-fous, de niveaux de référence à
atteindre en fait un référentiel pour toutes les actions y compris pour les labels
ou certifications qui s’appuient dessus pour définir leur propre objectif. Par
exemple, le label Bâtiment basse consommation se définit comme un niveau
de consommation 50 % moindre que le niveau de référence définit par la
réglementation. C’est donc un instrument incontournable qui oblige à définir
des objectifs clairs et précis sur le long terme.
Le chantier lourd d’une réglementation comporte plusieurs étapes essentielles :
Étape nécessaire
Objectifs
Le climat
Connaissance du climat
Zonage de l’île
Détermination
des conditions de base
pour dimensionner
les installations
Les consommations
Connaissance fine
du profil de consommation
et puissance appelée
de chaque secteur
Projection sur moyen
et long terme
Détermination
des objectifs
énergétiques
et environnementaux
à moyen
et long terme
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Suite
Les études préalables
Structurer la réglementation
Se fixer les objectifs
à long terme
Définir les indicateurs
Se donner un cadre
de référence
pour fixer les curseurs
réglementaires
La concertation
avec les acteurs
Fixer les curseurs
en fonction
de l’acceptabilité
des acteurs économiques
Établir des scénarios
énergétiques,
environnementaux
et économiques
Approche économique
avec les maîtres
d’ouvrage pour régler
les curseurs aux niveaux
des bonnes pratiques
Comme indiqué dans la recommandation n° 1, il s’agit souvent d’entériner les
bonnes pratiques et les imposer au plus grand nombre : il est important de bien
les repérer.
Le solaire thermique doit être développé prioritairement partout où existe une
demande d’eau chaude. La production par pompe à chaleur ne doit être
envisagée que dans les cas où cette solution n’est pas envisageable. Le solaire
thermique souffre en l’état actuel d’une concurrence insuffisante due à la
volonté, louable, de faire émerger les filières solaires locales. Cependant les
coûts constatés sur le terrain sont élevés. Le soutien aux filières locales devrait
a minima être conditionné au développement du volume de chauffe-eau
vendu à prix raisonnable et en contre partie d’une promotion de l’emploi local,
afin de décourager la pratique actuelle de faible volume à prix élevés.
392
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Partie 1
La maîtrise de l’énergie : un enjeu majeur pour le développement durable
de la Nouvelle-Calédonie et sa sécurité énergétique
Recommandation n° 3
Réaliser des études pour améliorer les connaissances
sur le secteur des transports
Le secteur des transports (voyageurs et marchandises, urbain et régional) est
deuxième consommateur de pétrole, juste après la production d’électricité.
C’est aussi un secteur dont l’efficacité énergétique pourrait probablement être
fortement améliorée par des politiques judicieuses. Malheureusement, comme
le montre notre analyse, les données disponibles en Nouvelle-Calédonie sont
trop imprécises pour évaluer finement les effets des politiques envisageables.
On ne sait pas, par exemple, quelle est la part du gazole qui est consommée
par les camions et celle qui est consommée par les voitures particulières. Les
données disponibles ne permettent pas non plus d’estimer comment la
consommation de carburants est influencée par le prix de ces carburants.
Le débat métropolitain à propos de l’impact de la taxe carbone sur le budget des
ménages pauvres ne manquera pas de se poser dans les mêmes termes en N.-C.,
si notre recommandation suivante, taxer les carburants, était appliquée. Or, les
données existantes sur la consommation des ménages et sur les pratiques de
déplacements des Calédoniens sont actuellement trop lacunaires pour alimenter
objectivement un tel débat.
Enfin, il semble que des économies substantielles sont réalisables par une redistribution du transport de fret entre les avions et les bateaux, mais, là aussi, il
est impossible, à partir des informations existantes, de justifier les modalités
que pourrait prendre une telle politique de report modal.
Plusieurs actions nous semblent nécessaires pour combler ces lacunes.
Compléter les responsabilités de l’observatoire de l’énergie de la Dimenc
dans le domaine de la consommation de carburant par les différents types de
transport. La Dimenc pourrait ainsi estimer les kilométrages annuels des différents types de véhicules (voitures, poids lourds, utilitaires légers, par types de
carburants et types d’usages).
Conduire rapidement une analyse spécifique des résultats de l’enquête Isee
« Budget consommation des ménages (BCM) – 2008 » qui n’étaient pas disponibles
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Suite
au moment de notre mission pour évaluer l’incidence de différentes mesures
fiscales sur le budget des ménages selon le lieu de résidence et selon la catégorie
socio-professionnelle du chef de ménage.
Réaliser une enquête « Déplacement des ménages » comme en réalisent périodiquement les villes de métropole pour connaître les pratiques de déplacement
des ménages, la répartition modale, les distances parcourues, etc.
Réaliser une enquête sur le camionnage (types de marchandises, originedestination des liaisons routières, types de véhicules…) pour permettre d’identifier
les possibilités de report modal et l’impact probable d’incitations fiscales (redevances
ou subventions) aux économies d’énergie.
Réévaluer les systèmes de tarification et de subventionnement des transports
intérieurs aérien et maritime à la lumière des enjeux souvent contradictoires
d’économie d’énergie et d’intégration territoriale.
394
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Partie 1
La maîtrise de l’énergie : un enjeu majeur pour le développement durable
de la Nouvelle-Calédonie et sa sécurité énergétique
Recommandation n° 4
Supprimer les distorsions fiscales qui affectent les choix
des automobilistes, instaurer une taxe carbone
et une vignette automobile assise sur la consommation de carburant
En N.-C., le gazole est deux fois moins taxé que l’essence alors qu’il est plus
polluant et la fiscalité à l’achat des pick-up est plus légère que celle des voitures alors que leur contribution à l’effet de serre est généralement 50 % plus
élevée.
Les distorsions de prix qui en résultent incitent les Néo-Calédoniens à choisir et
à utiliser des véhicules polluants et voraces.
Trois mesures pourraient être prises pour que le signal prix reflète mieux le coût
environnemental des choix des automobilistes.
La suppression du différentiel de taxation en faveur du gazole et des véhicules
de type pick-up.
Actuellement la fiscalité totale sur l’essence est 2,3 fois plus élevée que sur le
gazole. Cette différence n’a pas de justification économique. Si l’on prend en
compte la circulation urbaine, c’est même une incitation à polluer plus car les
véhicules diesel sont plus polluants que les véhicules à essence. Ce différentiel
devrait être supprimé. De même, le taux réduit de TGI sur les pick-up double
cabine instauré en novembre 2005 semble avoir eu un effet pervers sur la composition du parc et mériterait un réévaluation.
L’instauration d’une taxe carbone
Si la N.-C. appliquait une taxe carbone de 30 euros par tonne de CO2, comme
elle est envisagée dans plusieurs pays européens, cela correspondrait à une
taxe carbone de 9 et de 10 XPF, respectivement sur le litre d’essence et le litre
de gazole. L’augmentation du prix de vente qui en résulterait, de l’ordre de
6 %, est à comparer à la forte fluctuation du prix qui a accompagné la
flambée du prix du pétrole l’année dernière : en moins d’un an, de mai 2008
à mars 2009, le prix du gazole a d’abord augmenté de 33 XPF pour ensuite
baisser de 52 XPF. Pour suivre le scénario européen, la taxe carbone calédonienne
sur les carburants pourrait progressivement atteindre une trentaine de XPF à
l’horizon 2030.
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Suite
Ce montant doit-il être le même pour tous les combustibles fossiles ? Logiquement
oui, c’est le principe et la justification même de la taxe carbone, mais il faut noter
que cette taxe aurait pour effet de doubler le prix du charbon importé. On peut
dès lors s’interroger sur l’impact d’une telle taxe sur l’industrie métallurgique et,
au-delà, sur la balance commerciale de la N.-C. (mais une telle problématique
dépasse l’ambition de notre contribution).
L’instauration d’une vignette automobile assise sur la consommation de
carburant
Dans la plupart des pays de l’OCDE, il existe une taxe sur la possession de
véhicules comme la défunte « vignette » et, presque partout, cette taxe a été
modifiée plus ou moins récemment pour tenir compte de l’impact environnemental du véhicule (contribution à l’effet de serre et/ou à la pollution locale).
Dans l’Union européenne, c’est même devenu une obligation à terme. La plupart
des pays appliquent aussi une fiscalité à l’achat (ou un système bonus/malus)
modulé directement ou indirectement selon la contribution potentielle du véhicule
à l’effet de serre. La N.-C. devrait sans doute suivre cet exemple en restaurant
la vignette automobile avec une grille de tarifs assise sur les rejets de CO2 par
km calquée sur des modèles européens.
Comme nous l’avons expliqué dans la fiche précédente, il nous paraît souhaitable
que ces réformes fiscales soient précédées d’une évaluation d’impact sur les
budgets des ménages pour s’assurer qu’elles seront supportables par les ménages
les plus pauvres et mettre en place d’éventuels mécanismes de compensation.
396
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Partie 1
La maîtrise de l’énergie : un enjeu majeur pour le développement durable
de la Nouvelle-Calédonie et sa sécurité énergétique
Recommandation n° 5
Mettre en œuvre des propositions du PDU de Nouméa
Dissuader l’usage de l’automobile au moyen de taxes sur les carburants, et la
multimotorisation des ménages au moyen de taxes sur la possession de véhicules, comme nous le recommandons dans la recommandation précédente,
rencontrera d’autant moins de résistance que des solutions alternatives seront
rendues plus attrayantes.
Les recommandations du Plan de déplacement de l’agglomération nouméenne
(PDAN) vont dans ce sens en préconisant l’amélioration de la desserte en
transports collectifs (fréquence, vitesse, extension du réseau), la création de
pistes cyclables, etc. Mais il en faudra sans doute plus pour que des automobilistes consentent à laisser occasionnellement leur voiture au garage et se
résolvent à utiliser les transports collectifs. Il faudra améliorer leur confort. Les
projets de climatisation des autobus de Nouméa y contribueront certainement.
Le bilan de cette opération en termes de rejets de gaz à effet de serre sera
d’autant moins négatif qu’elle réussira à attirer vers les transports collectifs des
personnes qui autrement se déplaceraient en voiture.
Il existe en N.-C. un secteur qui n’est peut-être pas utilisé au mieux de son
potentiel, il s’agit des VLC (Véhicule de location avec chauffeur). Pour l’instant,
leur marché est principalement constitué par le transport scolaire. En cela, les
VLC contribuent à réduire l’usage de la voiture particulière car ils dispensent les
parents d’avoir à conduire leur progéniture en voiture vers les écoles. Ils
pourraient sans doute faire beaucoup plus car, contrairement aux taxis, leurs
prix sont libres et sans doute proches de leurs coûts réels. Ces coûts pourraient
baisser substantiellement en réduisant les temps morts entre les courses ce
que permettent, à des prix maintenant très bas, les technologies combinées de
l’informatique, de la localisation par GPS et des communications GPRS.
Dans la plupart des pays de l’OCDE ce secteur, qui se distingue de celui des taxis
en cela qu’il ne peut répondre qu’à des commandes de courses passées par
téléphone, est de plus en plus souvent sollicité pour offrir un service complémentaire à celui des transports collectifs de grande capacité, en particulier en
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Suite
heure creuse, en zone de faible densité ou encore quand un meilleur confort
est nécessaire de porte-à-porte. Il tient aussi une place centrale dans les « plans
de déplacements d’entreprise », des systèmes par lesquels les entreprises incitent
leurs employés à délaisser leur voiture quand ils viennent travailler.
Une étude spécifique pourrait être conduite pour examiner comment ces
expériences de politiques de mobilité pourraient être acclimatées à la N.-C. en
mettant à profit le potentiel des VLC.
398
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Partie 1
La maîtrise de l’énergie : un enjeu majeur pour le développement durable
de la Nouvelle-Calédonie et sa sécurité énergétique
Recommandation n° 6
Améliorer l’efficacité énergétique des procédés industriels
L’efficacité énergétique, et tout particulièrement quand il s’agit de la production
d’électricité et des processus industriels, est très directement liée à la réduction
des émissions de GES. La stratégie est donc de mettre une priorité sur une
diminution du rapport tonnes de CO2,émis/kWhutiles dans les procédés de
conversion (production d’électricité) et pour la fabrication du produit (Nickel).
Dans ce double objectif, les efforts pourraient porter sur :
Une optimisation des procédés
– Identifier et évaluer, grâce à des campagnes de mesures in situ, les pertes
énergétiques et les gains potentiels d’efficacité énergétiques afin d’élaborer
des bilans énergétiques et de carbone des grandes entreprises industrielles ;
mettre en œuvre du matériel performant et optimisé.
– Intégrer et coupler les systèmes énergétiques (par exemple, centrale/usine ;
fours/sécheurs/le produit/…).
– Utiliser des approches systémiques et des outils performants pour la conduite,
le contrôle, la régulation et la gestion optimisée des procédés.
– Produire un bilan financier (économique) et environnemental (minimiser les
émissions de polluants tels que les oxydes d’azote, de soufre, de particules, de
suies) favorable. Considérer l’impact de ces nuisances sur la santé des ouvriers
et des populations.
Préparer à un captage et un stockage du CO2 émis par les usines métallurgiques et la centrale (procédé de combustion adaptable à une capture du
CO2, réserver l’espace à proximité de la centrale).
Valoriser les déchets de chaleur, pour une utilisation extérieure à l’usine :
énergie des fumées pour la climatisation ; création d’un réseau de transport et
de distribution du froid (climatisation) dans la partie de l’agglomération de
Nouméa ; transformation de biomasse en biocarburants…
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Suite
En s’inspirant des décisions récentes d’industriels et des gouvernements européens
présentées précédemment, le gouvernement calédonien pourrait se donner
comme objectif d’imposer une réduction des émissions de CO2 à l’horizon 2020
(des négociations bipartites peuvent être envisagées sur des procédés spécifiques).
En conséquence, les industriels calédoniens devraient, comme il est tenté dans
le monde, améliorer de 20 % l’efficacité énergétique de leur procédé (objectif
affiché du plan climat), avant même la capture du carbone.
Ces évolutions technologiques conduiront à terme à une diminution des coûts de
l’énergie dans le produit final, donc à une meilleure rentabilité, une économie
pour le client et des empreintes économiques et environnementales améliorées.
400
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Partie 1
La maîtrise de l’énergie : un enjeu majeur pour le développement durable
de la Nouvelle-Calédonie et sa sécurité énergétique
Recommandation n° 7
Sensibiliser l’usager final (grand public, entreprise) aux enjeux
énergétiques et climatiques et le convaincre de leur importance
L’usager final – grand public, entreprise – connaît mal sa consommation
d’énergie et les implications qu’elle induit sur la collectivité et l’environnement.
Faire partager au plus grand nombre les enjeux énergétiques et climatiques et
l’intérêt des actions de maîtrise de l’énergie fait partie du premier socle de base
d’une politique énergétique et environnementale. Dans le cadre du débat mondial
sur la raréfaction des ressources fossiles d’énergie et de la concrétisation des
premiers effets tangibles de l’effet de serre, on peut dire qu’il existe une réelle
attente de messages clairs pour placer les usagers dans l’action plutôt que dans
un stress synonyme d’impuissance. Les différents modes de communication
peuvent être engagés : campagne grand public (par exemple, spot publicitaire),
sensibilisation scolaire, faire connaître les incitations fiscales, organisation de
séminaires et salons sur les économies d’énergies, campagne de sensibilisation
à destinations de certains secteurs ou maître d’ouvrage, visites d’opération
exemplaires, voyage d’étude…
Un deuxième niveau d’information consiste à aller au-delà des cordes sensibles
du civisme (lutte contre l’effet de serre), du patriotisme (indépendance énergétique), pour se situer sur le terrain de la raison. Il s’agit de montrer, preuve
à l’appui, que l’intérêt de la collectivité et celui du décideur final coïncident.
L’exercice consiste à se placer sur le terrain économique et à démontrer l’intérêt
des démarches ou solutions proposées pour le décideur. On distingue deux cas
de figure :
des solutions permettant des économies d’investissement (ou sans surinvestissement) et de fonctionnement (par exemple, conception bioclimatique
liée à l’orientation, la forme du bâtiment, etc.) ;
des solutions à moindre coût de fonctionnement, mais nécessitant un surinvestissement initial.
Dans le deuxième cas, plus fréquent, l’exercice consiste à démontrer l’intérêt
économique en termes de coût global ou temps de retour. La difficulté surgit
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Suite
lorsque l’investisseur et le futur usager ou gestionnaire (celui qui empoche les
bénéfices de l’action) ne sont pas confondus.
Le mode de diffusion de ce type d’information utilise des canaux comme les
fiches ou brochures permettant d’optimiser les choix techniques, argumentaire
économico technique des bonnes pratiques, guide de conception, opérations
de démonstrations, des émissions ou reportages thématiques audiovisuels.
Cette recommandation est complémentaire de la recommandation n° 8, p. 443,
du chapitre : « Quel cadre pour une politique de l’énergie et du climat au
service du développement de la Nouvelle-Calédonie ? ».
402
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Partie 1
La maîtrise de l’énergie : un enjeu majeur pour le développement durable
de la Nouvelle-Calédonie et sa sécurité énergétique
Recommandation n° 8
Réaliser des enquêtes qualitatives de type socio-anthropologique
pour avoir une connaissance et une compréhension fine des discours
et des pratiques des Néo-Calédoniens en matière d’énergie
Critères :
– étude indispensable pour une meilleure connaissance des pratiques et discours
des Néo-Calédoniens en matière énergétique
– coût faible (les enquêtes socio-anthropologiques qualitatives ne sont pas très
coûteuses)
Horizon : 2 ans
Le volet anthropologique de cette expertise a montré le manque crucial de
connaissances sur les discours et les pratiques que les habitants de N.-C. ont
en matière d’énergie. Il n’existe pas, à ce jour, d’enquêtes qualitatives portant
sur les comportements des Néo-Calédoniens en matière énergétique, ni même
sur les discours qu’ils peuvent tenir en matière d’économie d’énergie, d’énergies
renouvelables, etc. Il serait donc tout à fait utile de lancer des enquêtes qualitatives, de type socioanthropologique, portant sur les comportements et les
discours que les habitants de N.-C. ont en matière d’énergie. L’enquête devrait
être menée auprès de différentes catégories de populations, selon leur situation
socio-économique (niveau de revenu, niveau de diplôme) mais aussi selon leur
localisation géographique (le centre de Nouméa, le Grand Nouméa, les habitants
de la Province Nord (des bourgs comme Koné ou Pouembout, mais aussi des
tribus), et les habitants des îles Loyauté.
Plutôt que de confier la réalisation d’une telle enquête à une seule personne,
il pourrait être intéressant de constituer un groupe de travail, composé en partie
d’étudiants du master Recherche de l’université de N.-C. (Espaces, Sociétés et
Littératures des Mondes océaniens) qui pourraient mener les enquêtes sous
l’encadrement de chercheurs de l’université de N.-C., du groupement de
recherches « Nouvelle-Calédonie Enjeux sociaux contemporains » et de l’IRD de
Nouméa.
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Partie 2
Les nouvelles technologies
en matière de production et de stockage d’énergie
Recommandation n° 1
Déployer plus largement la production d’électricité éolienne
et photovoltaïque raccordée au réseau sur la Grande Terre
Critères : enjeux énergétiques, facilité de déploiement/coût
Horizon : moyen terme
En ce qui concerne la production d’électricité, notamment sur la Grande Terre
où le réseau est déjà largement présent, nous préconisons un déploiement plus
ambitieux des technologies éoliennes et photovoltaïques (sur les bâtiments et
éventuellement sous forme de fermes centralisées).
Ces technologies sont relativement matures et leurs coûts, bien qu’encore
élevés, sont soit les plus favorables soit les plus susceptibles de baisses significatives pour la production d’électricité d’origine renouvelable. Le coût du
photovoltaïque va diminuer encore de façon importante ce qui, compte tenu de
l’ensoleillement favorable et du coût de ces technologies, offre des perspectives
de compétitivité intéressantes à moyen terme. Les perspectives de réduction de
coût peuvent sembler moins favorables pour l’éolien, mais les coûts devraient
également diminuer et la complémentarité temporelle avec le PV présente des
opportunités intéressantes (à étudier). Le déploiement simultané des deux
technologies est à envisager pour un mix énergétique diversifié.
Ce déploiement pourra nécessiter un renforcement du réseau électrique et
certainement une meilleure optimisation de sa gestion pour tenir compte de ces
apports intermittents : incitations tarifaires adaptées (effacement des pointes,
tarifs heures de pointes/heures creuses…), une planification exploitant une
prédiction météorologique avancée et de faire en sorte que toutes les informations de productivité et de production soient transmises par les exploitants
de façon totalement transparente au gestionnaire du réseau.
Les recommandations n° 2 et 3 (p. 405 et 407) proposent respectivement des
mesures à prendre dans ce sens et une évaluation des possibilités de stockage
hydraulique gravitaire massif pour pallier l’intermittence de la production.
404
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Suite
Enfin, pour atteindre des objectifs ambitieux de production d’électricité renouvelable nous recommandons l’adoption de tarifs d’achat appropriés. Si les tarifs
d’achat utilisés en métropole peuvent servir de référence pour le PV, des tarifs
spécifiques doivent être élaborés pour l’éolien compte tenu des coûts élevés de
cette technologie en N.-C. Les tarifs d’achat doivent tenir compte de la double
défiscalisation pour éviter les situations, possibles, de rente au producteur. De
même, un dispositif de décroissance progressif doit être mis en place pour
inciter à la baisse des coûts.
Fausse piste ou « fausse bonne idée »
Penser que le taux de pénétration de la production éolienne et/ou PV doit rester
très limité (par exemple 10 ou 20 %). Notons que cette affirmation serait vraie si
aucun effort n’était fait pour améliorer la gestion du réseau et/ou introduire des
moyens de stockage.
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Partie 2
Les nouvelles technologies
en matière de production et de stockage d’énergie
Recommandation n° 2
Améliorer le système électrique pour permettre un plus grand déploiement
de la production d’origine renouvelable intermittente
Critère : accompagnement de la recommandation n° 1, p. 403
Horizon : court/moyen terme
Un accroissement de la production d’électricité d’origine éolienne et photovoltaïque (intermittente et non corrélée à la demande) pose des problèmes de
stabilité des réseaux classiques dont le bon fonctionnement est fondé sur
l’équilibre instantané production – consommation. En l’absence de moyens de
stockage, si le taux de pénétration reste faible, la production intermittente
d’électricité peut être traitée comme de la consommation négative. En N.-C.,
la puissance des systèmes de production intermittente représente déjà plus de
7 % de la puissance planifiable ; un développement massif de l’éolien et du PV
nécessiterait la mise en œuvre de moyens spécifiques pour réaliser l’ajustement
instantané offre – demande. Il est intéressant de noter, que compte tenu de
l’arrêté du 23 avril 2008 de la République française, on considère aujourd’hui
qu’au-delà d’un taux de 30 % d’origine intermittente, le stockage deviendra
nécessaire notamment pour éviter les délestages de production que le gestionnaire réseau sera en droit d’opérer.
Les moyens à mettre en œuvre sont de différentes natures :
– Prévisions : de même que les profils de consommation font l’objet de prévisions liées aux activités humaines et à la météo, les profils de production intermittente doivent faire l’objet de prévisions fiables.
– Planification/gestion : amélioration de prévisions, meilleure communication
entre les opérateurs et réglage optimal des moyens de production existants
devraient permettre d’atteindre un taux de pénétration de l’ordre de 25 à 30 %.
La valeur exacte du taux de pénétration ne peut être fournie avec précision
sans une étude approfondie car elle dépend de nombreux paramètres.
– Foisonnement : mutualisation des productions pour bénéficier d’effets de
foisonnement ; évaluer également la complémentarité éventuelle des productions
éoliennes et photovoltaïques.
406
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Suite
– Gestion de la demande : mettre en place des actions incitatives pour agir sur
les profils de consommation, par exemple en incluant la possibilité de délester
(moyennant des contrats spéciaux) durant les pointes, cela permettrait de
pousser encore plus loin le taux de pénétration.
– Stockage : enfin, évaluer la possibilité d’implantation de moyens de stockage
qui offriraient une souplesse beaucoup plus grande dans la gestion du réseau
pour atteindre des taux de pénétration de tels moyens de production beaucoup
plus élevés, très faiblement émetteurs de CO2 et offrant une moindre dépendance. Le stockage hydraulique gravitaire constitue sans doute la technologie la
mieux adaptée aux spécificités de la Grande Terre, en outre, c’est la technologie
de loin la plus utilisée dans le monde.
En ce qui concerne les petites îles, des microréseaux de type photovoltaïques
hybrides (avec groupe électrogène et stockage électrochimique) constituent des
options intéressantes d’un point de vue technico-économique (cf. recommandation n° 7, p. 413).
Fausse piste ou « fausse bonne idée »
Penser que le taux de pénétration de la production intermittente doit rester
très limité (par exemple, 10 ou 20 %).
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Partie 2
Les nouvelles technologies
en matière de production et de stockage d’énergie
Recommandation n° 3
Évaluer la possibilité de construire des centrales électriques
de stockage par pompage
Critère : accompagnement de la recommandation n° 1, p. 403
Horizon : moyen/long terme
L’implantation de moyens de stockage massif augmenterait de façon significative
la capacité du réseau à accepter un taux de pénétration élevé de production
intermittente.
Nous préconisons d’étudier plus particulièrement le stockage hydraulique gravitaire car le relief de la N.-C. semble bien s’y prêter. La possibilité d’exploiter
l’eau de mer dans le cas de systèmes situés en bord de mer pourrait permettre
une économie d’investissement substantielle à condition que le bassin supérieur
de stockage garantisse une totale étanchéité pour éviter des pollutions de l’eau
douce et des écosystèmes. Il est également envisageable de tester d’autres
solutions de stockage (électrochimique à circulation et sodium soufre), comme
l’île de la Réunion l’a prévu actuellement.
Les stations de transferts d’énergie par pompage (STEP appelées également
systèmes de stockage hydraulique gravitaire ou centrales de pompage-turbinage)
constituent la technologie actuellement largement dominante dans les grandes
puissances jusqu’à plusieurs GW. Les rendements sur cycle sont de l’ordre de
80 %. La contrainte majeure est liée à la nécessité de sites au relief adapté. Ces
systèmes, malgré leurs grandes puissances, peuvent fonctionner aujourd’hui à
vitesse variable ce qui permet d’ajuster la puissance finement et d’apporter une
contribution de haut niveau à la stabilisation du réseau.
Récemment, le rapport de l’OPECST de mars 2009 (C. Bataille et C. Birraux) sur
l’Évaluation de la stratégie de recherche en matière d’énergie rappelle la
possibilité de construire de telles stations en mer en créant des atolls artificiels.
Une digue s’élevant de 50 à 100 m au-dessus du niveau de la mer permettrait
de stocker 2 à 8 GWh par km2 pour des puissances possibles de plusieurs GW.
Les technologies seraient disponibles et les coûts acceptables. Cela permet de
penser que des STEP construites en bord de mer avec un relief important sur la
408
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Suite
côte, permettraient de transférer l’eau de mer vers un bassin haut ce qui éviterait
la construction du bassin supérieur. Bien sûr, il faudrait assurer une étanchéité
suffisante pour éviter des infiltrations d’eau de mer dans les sols. Cette option
pourrait être étudiée en N.-C. où les configurations semblent favorables.
Pour donner un ordre de grandeur des contraintes, un dénivelé de 100 m
permettrait une capacité énergétique de stockage de 1 GWh (50 MW x 20 h) à
condition de disposer d’un réservoir d’environ 4 millions de m3 qui pourrait
occuper une superficie de 40 ha sur une profondeur de 10 m. La puissance
maximale dépend des groupes de pompage-turbinage et des sections de canalisation. Les coûts dépendent beaucoup du génie civil et il est difficile de donner
des ordres de grandeur précis.
Nous recommandons d’étudier cette possibilité à la fois du point de vue
technique, économique et foncier.
Fausse piste ou « fausse bonne idée »
Croire que l’électricité ne se stocke pas.
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Partie 2
Les nouvelles technologies
en matière de production et de stockage d’énergie
Recommandation n° 4
Évaluer les possibilités de valorisation de déchets méthanisables
Critère : indépendance énergétique/réduction des rejets de gaz à effet de serre
Horizon : moyen terme
Nous préconisons une évaluation du potentiel de valorisation des déchets
(ordures ménagères, industries agro-alimentaires, abattoirs, boues de stations
d’épuration…) pour la production de biogaz (méthane), en particulier dans les
zones à forte densité de population comme Nouméa.
Les quantités d’énergie en jeu ne sont sans doute pas considérables, mais la
récupération éventuelle du biogaz de centres d’enfouissement techniques peut
permettre d’éviter le rejet d’un gaz à effet de serre à fort pouvoir radiatif.
Les industries agro-alimentaires, les stations d’épuration et des cultures spécifiques peuvent également produire du biogaz.
La valorisation de ce gaz sous forme de chaleur est la plus simple, mais elle
suppose l’existence d’un besoin de chaleur à proximité du lieu de production
(avec, éventuellement, des conduites de gaz vers quelques gros utilisateurs).
On peut aussi l’utiliser pour la production d’électricité ou, après épuration, en
tant que carburant.
Il faudrait donc :
– d’abord déterminer la taille du gisement, les possibilités de centralisation
des déchets et de réalisations de co-digestions ;
– ensuite choisir la filière de valorisation la plus intéressante (chaleur, électricité
ou carburant). Il faut pour cela notamment tenir compte des services après
vente pour la maintenance des générateurs. Quand on dispose de suffisamment
d’électricité peu émettrice de GES par ailleurs, comme en France et en Suède
où la production d’électricité à base d’hydraulique et de nucléaire est élevée,
mieux vaut valoriser le biogaz sous forme de carburant. En N.-C. la production
d’électricité étant encore dominée par le charbon, toutes les options peuvent
donc à priori rester ouvertes.
La valorisation du biogaz pour les transports suppose une flotte captive (par
exemple, des bus de ville de Nouméa).
410
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Partie 2
Les nouvelles technologies
en matière de production et de stockage d’énergie
Recommandation n° 5
Évaluer le potentiel de production de biomasse ligno-cellulosique
et son exploitation dans les centrales thermiques au charbon
Critère : coût/réduction des rejets de gaz à effet de serre
Horizon : court terme
La mobilisation de la biomasse ligno-cellulosique pour la production d’électricité
est à étudier. La préparation du combustible est extrêmement simple et peu
énergivore contrairement, par exemple, à la production de biocarburants. Les
centrales électriques au charbon (les lits fluidisés circulant en particulier)
peuvent absorber sans difficulté une proportion de combustible, par exemple
de la biomasse ligno-cellulosique, avec un surcoût qui dépend essentiellement
du coût de mobilisation de la ressource. Cette filière pourrait se révéler particulièrement intéressante en termes de réduction de la dépendance énergétique,
de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de création d’emplois.
La question de la ressource doit toutefois être examinée. On évoque, par
exemple, des productivités de 16 MWh électriques par hectare, à propos de
l’Acacia Mangium et l’Albiz(z)ia falcataria, qui forment la base des reboisements à croissance rapide à vocation papetière en Asie du Sud-Est. Mais on ne
peut pas affirmer sans étude supplémentaire que les terrains miniers en N.-C.
permettraient d’atteindre des rendements comparables. Il serait de fait imprudent
de confondre la revégétalisation des terrains miniers avec des terrains destinés
à produire des biomasses récoltables.
Pour avancer sur cette question de la ressource en biomasse pour l’énergie,
nous proposons dans un premier temps que les informations disponibles et
scientifiquement validées sur les potentialités de production de biomasses
ligneuses ou herbacées (comme les Miscanthus) tenant compte des caractéristiques des sols, de la pluviométrie, etc. de la N.-C. soient rassemblées et rendues
publiques.
Nous préconisons pour cela d’affecter du personnel de l’Institut agronomique
calédonien à l’étude de cette question importante pour que soit réalisé un suivi
historique des expérimentations déjà réalisées et de nouveaux essais en fonction
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Suite
des sites où des productions de biomasses ligno-cellulosiques herbacées ou
ligneuses pour l’énergie pourraient raisonnablement être envisagées.
Compte tenu de son importance potentielle, l’ensemble des conditions nécessaires à l’exploitation de cette ressource doit être examiné avec soin. Cette
possibilité a déjà été étudiée par la SLN qui a estimé que le gisement calédonien
était insuffisant et/ou insuffisamment organisé. Le rapport d’EEC nous conduit
à insister sur l’intérêt d’apporter un regard nouveau à ce sujet.
Fausse piste ou « fausse bonne idée »
Penser que les difficultés organisationnelles constituent un blocage irrémédiable
à l’exploitation de la biomasse.
412
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Partie 2
Les nouvelles technologies
en matière de production et de stockage d’énergie
Recommandation n° 6
Exploiter l’huile de coprah pour la production de biocarburant
compatible avec les moteurs modernes
Dans les îles, la production d’huile de coprah a déjà été techniquement
démontrée ainsi que sa combustion dans des groupes électrogènes diesel.
Mais les nouveaux moteurs diesel à injection ne peuvent plus brûler directement
de telles huiles. Aucun constructeur de moteur ne donne actuellement de
garantie pour des utilisations d’huile brute.
John Deer (comm. pers. A. Riedacker) travaille actuellement en Allemagne à la
mise au point d’un moteur de tracteur à huile brute. Sans ce type de moteur,
il est nécessaire d’introduire une étape de transestérification pour obtenir un
carburant compatible avec les moteurs modernes et leurs normes de rejets.
Cette étape serait techniquement réalisable à l’échelle d’une île.
La faisabilité de cette filière dépend donc surtout de la garantie régulière de la
fourniture de matière première et de sa viabilité économique. La durée limitée
de notre expertise et le manque de connaissances des conditions sociales locales
ne nous permettent pas d’apporter un avis définitif sur ces deux points.
En résumé, il nous semble que les conditions techniques sont réunies pour une
exploitation de l’huile de coprah sous forme de carburant, ce qui présente un
intérêt évident pour l’approvisionnement énergétique des îles. Toutefois, la
connaissance du gisement techniquement mobilisable ne suffit pas, les conditions
économiques et sociales de cette exploitation doivent être précisées et en particulier la volonté d’implication des acteurs locaux doit être réaffirmée avant
d’envisager de développer ce type de filière.
Fausse piste ou « fausse bonne idée »
Penser que l’abandon de la filière coprah est la preuve de sa non-viabilité.
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Partie 2
Les nouvelles technologies
en matière de production et de stockage d’énergie
Recommandation n° 7
Évaluer la complémentarité éolienne photovoltaïque pour la réalisation
de systèmes hybrides PV-éolien – groupe électrogène
Critère : approvisionnement énergétique des îles/coût
Horizon : moyen terme
En ce qui concerne les petites îles (N.-C. hors Grande Terre), des microréseaux
de type photovoltaïques hybrides (avec groupe électrogène et stockage électrochimique) sont des options à considérer. En particulier pour les îles éloignées
et lorsque la dynamique de demande reste faible (demande essentiellement
centrée sur la consommation domestique), ils représentent un bon compromis
technico-économique. Le coût de production de ces petits systèmes est élevé
comparé aux moyens de production thermique de grande taille, mais le coût
d’un raccordement sous-marin à la Grande Terre ne s’amortirait sans doute pas
(en particulier dans un contexte d’augmentation future des coûts des combustibles traditionnels) et cette option serait source de risques de défaillances
(rupture de câble). Par ailleurs, les systèmes alimentés par des sources locales
et renouvelables permettent de réduire les coûts de l’approvisionnement en
combustibles fossiles pour l’alimentation de groupes électrogènes de forte
puissance. De tels systèmes hybrides peuvent être dimensionnés pour une très
faible consommation de carburant des groupes électrogènes qui ne sont utilisés
qu’en situation exceptionnelle (ensoleillement anormalement faible durant une
durée imprévue, ou surconsommation imprévue ou défaillance).
Concrètement, un bilan approfondi de l’expérience internationale sur ce type
de dispositif pour des conditions d’utilisation comparables (systèmes insulaires
de petite taille, demande domestique ou petit tertiaire) est à réaliser. Si celui-ci
est positif, des réalisations de démonstration doivent être envisagées pour
déterminer non seulement les caractéristiques techniques optimales, mais également les modalités de fonctionnement et de maintenance. Au-delà, pour une
diffusion plus large, les conditions de financement devront être examinées ; on
observera que l’idée de prix garantis destinés à favoriser le développement des
systèmes isolés de production d’électricité sur le mode des prix garantis utilisés
414
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Suite
pour la production renouvelable centralisée apparaît dans certains pays (en
Équateur, par exemple). Cette option pourrait être envisagée comme une alternative aux modes de subventions classiques apportés aux systèmes isolés pour
faciliter l’extension ou le renforcement de l’électrification des zones insulaires
isolées.
Enfin, le volet maintenance et entretien de tels systèmes est crucial. Nous
préconisons d’étudier les modalités de maintenance, par exemple sur la base
de ce qui se fait aujourd’hui sur les systèmes autonomes photovoltaïques par
Enercal et dont le retour d’expérience semble très bon (qualité de service et
performances en durée de vie).
Fausse piste ou « fausse bonne idée »
Penser que les microréseaux hybrides sont des solutions dépassées.
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Partie 2
Les nouvelles technologies
en matière de production et de stockage d’énergie
Recommandation n° 8
Évaluer le potentiel et la faisabilité de centrales solaires
thermodynamiques à concentration
Critère : indépendance énergétique/réduction des émissions de gaz à effet de serre
Horizon : moyen/long terme
Les centrales solaires thermodynamiques à concentration peuvent constituer une
voie de production d’électricité particulièrement attractive à moyen terme. Cette
technologie, déjà relativement mature (centrales fonctionnant depuis plusieurs
décennies et nombreuses constructions en cours), n’exploite que la part directe
du rayonnement solaire, elle nécessite donc des sites bien exposés.
Nous suggérons tout d’abord une recherche de sites privilégiés en termes d’insolation directe disponible sur le territoire (superficies nécessaires de l’ordre de
1 ha par MW pour une productivité comprise entre 3 et 5 GWh/ha). L’un des
avantages majeurs de ces usines de production d’électricité réside dans la possibilité de réaliser un stockage intermédiaire de chaleur qui permet un certain
découplage entre la production électrique et le rayonnement solaire, et offre
la possibilité de produire de l’électricité la nuit. L’insertion dans le réseau pourrait
être grandement facilitée. Enfin, la taille des unités actuellement en construction
dans le monde est bien compatible avec les exigences du réseau de la Grande Terre.
Plusieurs technologies sont disponibles (centrales à tour, à miroirs cylindroparaboliques…) ; il est nécessaire de comparer ces différentes technologies
dans le contexte néo-calédonien afin de déterminer la plus appropriée.
Les coûts de cette technologie sont encore élevés, mais les projets de développement en cours ou prévus dans différentes régions du monde laissent
envisager une baisse significative au cours des prochaines années. Par ailleurs,
le potentiel de développement important de cette technologie en Australie
ouvre peut-être des possibilités de coopération régionale à considérer.
La Grande Terre pourrait accueillir sur son réseau une telle centrale. Nous recommandons une étude technico-économique pour évaluer les coûts, la productivité
et la technologie la mieux adaptée aux spécificités locales.
Fausse piste ou « fausse bonne idée »
Rappelons que la production photovoltaïque n’est pas la seule solution de production d’électricité d’origine solaire.
416
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Partie 2
Les nouvelles technologies
en matière de production et de stockage d’énergie
Recommandation n° 9
Réaliser un atlas des ressources énergétiques
Critère : nécessité pour optimiser le déploiement des nouveaux moyens de
production d’énergie (électrique et biomasse)
Horizon : court/moyen terme
L’équilibre du déploiement photovoltaïque et éolien et le dimensionnement de
systèmes hybrides (PV éolien + éventuellement groupe électrogène) pourraient
être mieux optimisés avec une meilleure connaissance des ressources en rayonnement solaire et vent sur l’ensemble du territoire. Pour cela, il serait utile de
rassembler les données existantes et de lancer des campagnes d’acquisition
supplémentaires.
L’exploitation des moyens de production thermodynamique solaire à concentration, dont la maturité et le potentiel de performances économiques nous semblent
suffisamment élevés, nécessite une bonne connaissance des parts diffuse et directe
du rayonnement solaire. Nous recommandons d’effectuer des relevés de rayonnement, au minimum sur un an, sur des sites potentiellement disponibles, pour
installer de telles usines, et réputés pour leur rayonnement direct plus élevé.
Pour les déchets méthanisables (d’industries agro-alimentaires, de déchets ménagers
de cantines, issus de cultures, d’élevages porcins, etc.), nous recommandons une
évaluation du potentiel, notamment pour des applications centralisées.
En ce qui concerne la biomasse ligno-cellulosique, notamment les arbres et autres
plantes à croissance rapide, il existerait un certain potentiel technique. Nous
préconisons de l’évaluer au cas par cas notamment en fonction des types de
terrain (contraintes foncières, rentabilité pour les propriétaires de terrains, volontés
de réaliser des plantations avec des contrats d’approvisionnement à long terme
avec des prix indexés, etc.). Cf. également la recommandation n° 5, p. 410.
L’énergie thermique des mers représentant une solution intéressante sur le long
terme et plusieurs programmes redémarrant actuellement (par exemple, à la
Réunion), nous suggérons d’effectuer des relevés de profils de température
jusqu’à des profondeurs d’environ 1 000 m en différents sites.
Selon les coûts et les choix qui devront être opérés, on peut également recommander de compléter les campagnes de mesure déjà effectuées sur les ressources
de la houle sachant que les technologies de houlogénération atteindront leur
maturité sans doute dans 10 à 20 ans.
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Partie 2
Les nouvelles technologies
en matière de production et de stockage d’énergie
Recommandation n° 10
Effectuer une veille technologique sur les moyens de capture de CO2
et de production d’énergie à partir de micro-organismes (micro-algues)
Critère : veille technologique sur filière à potentiel élevé
Horizon : long terme
La diversité et la faculté d’adaptation des micro-algues et cyanobactéries à des
conditions environnementales diverses et parfois hostiles leur confèrent un
intérêt important comme organismes capables d’assimiler le carbone inorganique
tel que le CO2 atmosphérique, pour le transformer, grâce à de la lumière, en
matière organique et en dégageant de l’oxygène. L’intérêt est donc double :
stockage de CO2 et source de combustible.
Des études, encore embryonnaires et encore à l’état de recherche à long terme,
tentent de lever les nombreux verrous scientifiques et technologiques existants
et d’effectuer une analyse complète de cycle de vie.
Dans l’état actuel de la technologie, la croissance de ces micro-organismes peut
être maîtrisée avec des conditions de culture adaptées : soleil, très importante
surface d’exposition (bassins ouverts ou tubes), apport de CO2 en proportion
adéquate localisé à proximité d’un lieu d’émission. La N.-C. possède donc des
atouts certains pour s’équiper en photobioréacteurs adaptés à l’assimilation du
dioxyde de carbone inorganique.
La production de biocarburants à partir de ces algues est toutefois plus
complexe. On pourrait cependant envisager de les méthaniser, puis épurer le
gaz produit. Mais cette filière n’est pas à l’heure actuelle suffisamment
attrayante sur le plan économique.
La production d’huiles végétales est plus complexe. La sélection des variétés
d’algues ou la mise au point de micro-organismes génétiquement modifiées,
le pompage des eaux, leur séchage, l’extraction et le traitement des graisses
ou la récupération de l’hydrogène produit, sont des technologies non matures
et encore très mal connues.
Les algues constituent probablement, à moyen ou long terme, une des solutions
pour la capture du CO2. Il faut impérativement insérer la réflexion dans le
contexte de la biodiversité spécifique de la N.-C.
418
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Suite
Les atouts de la N.-C. sont donc certains (ensoleillement, espaces…), les avancées
sur cette technologie non mature doivent être suivies.
Par conséquent, vu le potentiel à long terme de cette voie aux applications
multiples (production d’énergie et capture de CO2), nous recommandons une
veille technologique active.
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Partie 3
Les émissions et les réductions d’émissions de gaz à effet de serre
en Nouvelle-Calédonie
Recommandation n° 1
Créer un pôle technique de maîtrise de l’énergie
et des émissions de GES
Critère : faciliter la préparation de propositions pour la maîtrise des consommations d’énergie et des émissions de GES, en relation avec les choix politiques
à retenir par le gouvernement de la N.-C.
Cette recommandation concerne les quatre premières parties et notamment les
choix que pourrait faire la N.-C. sur le plan de l’énergie et des émissions de GES.
Pour la maîtrise des émissions de GES, il va de soi qu’on ne peut se limiter aux
secteurs de l’énergie et des forêts.
Cette cellule devra actualiser les divers inventaires de consommations d’énergie
et d’émissions de GES de la N.-C.
Ce pôle devrait aussi pouvoir servir de point focal pour toutes les questions
techniques concernant l’énergie et le climat, et suivre les négociations internationales.
L’adaptation aux changements climatiques pourrait être traitée par ailleurs, par
exemple au niveau des Provinces, en instituant des concertations entre ce pôle
et les entités chargées de l’adaptation.
Après les chocs pétroliers, la plupart des pays et régions se sont dotés d’agences
de maîtrise de l’énergie. Leur champ s’est maintenant élargi à la maîtrise des
émissions de GES.
Ce pôle devra évidemment avoir une bonne connaissance tout à la fois des
contraintes et des possibilités locales, et du processus de négociations des
accords pour la réduction des émissions mondiales de GES dans le cadre des
Nations unies.
C’est sur la base du travail de ce pôle que le gouvernement de la N.-C. pourra
arrêter ses choix. Ce pôle devra donc être capable de formuler des demandes
d’expertises plus précises plus ponctuelles, rédiger ou corédiger des cahiers des
charges pour des études ponctuelles comme, par exemple, l’utilisation de bois
importé pour substituer une partie du charbon importé, cf. recommandation
n° 3, p. 423.
420
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Suite
Il devra ensuite hiérarchiser, pour et avec les décideurs, les actions à entreprendre
en fonctions des coûts des actions et de leurs impacts (balance commerciale,
sécurité énergétique, réduction des émissions de GES), des capacités techniques
locales (entreprises, services après-vente, artisans, etc.), des contraintes et
opportunités sociales et économiques de la N.-C. Les résultats des expertises
extérieures (comme la présente expertise de l’IRD ou celle du ministère de
l’Agriculture et de la Pêche sur les forêts) devront être pris en compte et
passés en revue au travers du prisme local. Il est donc essentiel que cette
cellule accumule de l’information et des compétences à long terme sur toutes
ces questions.
Fausse piste ou « fausse bonne idée »
Se passer de la création d’une telle cellule en se fondant seulement sur des
expertises extérieures.
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Partie 3
Les émissions et les réductions d’émissions de gaz à effet de serre
en Nouvelle-Calédonie
Recommandation n° 2
Réduire les émissions de GES ne provenant pas des énergies fossiles
(CFC et leurs substituts, méthane, etc.)
Critère : réduire les émissions de GES autres que celles CO2 résultant des économies d’énergies et des énergies renouvelables
Ces GES ont un potentiel de réchauffement bien plus important que celui du
CO2 et ne permettent en général pas d’économiser directement de l’énergie
fossile.
• Si les émissions de CFC répertoriés sous le protocole de Montréal diminuent,
celles de leurs substituts en revanche augmentent, comme le montrent les
inventaires du Citepa. Ces substituts sont répertoriés sous la convention climat
et ont également un très fort potentiel de réchauffement.
• Le méthane. L’effet radiatif des émissions mondiales de GES devra être divisé
par 2 d’ici à 2050. pour stabiliser le climat. Or, le pouvoir de réchauffement relatif
du méthane par rapport au CO2 est plus important à l’horizon de 50 ans que
de 100 ans. Réduire ces émissions de méthane devient donc plus important.
Mais celles-ci sont actuellement mal recensées (cf. également « Les émissions
et les réductions d’émissions de gaz à effet de serre en Nouvelle-Calédonie »,
p. 193). La priorité serait donc d’éliminer le méthane des décharges en brûlant
le gaz en torchère dès que possible, et en le valorisant quand cela se justifiera
économiquement ce qui sera le cas notamment quand la taxe sur les GES sera
suffisamment élevée. Pour l’élevage, il s’agirait de bien nourrir les animaux
pour réduire les émissions par kg de lait et de viande et également d’augmenter
la charge du bétail par hectare.
Il semble y avoir peu d’émissions de SF6 et de N20 d’origine industrielle.
Fausse piste ou « fausse bonne idée »
Penser que l’élimination des effets des fluorocarbures sera réglée via le protocole
de Montréal.
Penser que réduire les productions locales de lait et de viande, en important
ces denrées, réduira les émissions mondiales de méthane des fermentations
entériques.
422
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Suite
Considérer seulement les productions de bioénergie sans tenir compte des
productions agricoles et des changements d’utilisation des terres.
Commentaires
La maîtrise de l’énergie permet de réduire les consommations d’électricité (CO2
du charbon) et de carburant (CO2 du fioul), cf. « Les nouvelles technologies en
matière de production et de stockage d’énergie », p. 115. Les recommandations
concernant les réductions de CO2 des usines métallurgiques provenant de
l’amélioration des techniques permettent en même temps de réduire les
consommations d’énergie, donc d’obtenir des gains au niveau de la balance
commerciale ainsi que pour l’utilisateur, certes avec des temps de retour pour
les investissements plus ou moins longs.
Les variations d’émissions de GES, et en particulier de CO2, provenant des
espaces ruraux (stockage en forêts, agriculture, terrains miniers, productions
de biomasse pour l’énergie, etc.) sont considérées dans la recommandation 3.
La substitution du charbon, dans les usines métallurgiques par des biomasses
importées et complétées par des biomasses locales, est traitée dans la recommandation n° 4, p. 425.
Le stockage géologique du CO2 qui ne génère pas d’économie d’énergie fossile (au contraire il augmente les consommations) est dans la recommandation
n° 5, p. 427.
Toutes les considérations et recommandations concernant l’insertion de la N.-C.
dans la stabilisation du climat via la Convention cadre des Nations unies sur le
changement climatique et les instruments qui en dérivent (protocole de Kyoto,
de Copenhague, etc.) figurent en revanche dans « L’insertion internationale de
la Nouvelle-Calédonie », p. 281.
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Partie 3
Les émissions et les réductions d’émissions de gaz à effet de serre
en Nouvelle-Calédonie
Recommandation n° 3
Créer un pôle néo-calédonien sur la valorisation des espaces agricoles
et forestiers et des biomasses alimentaires et non alimentaires
Critère : exigences de la convention sur le changement climatique et du protocole de Kyoto, production de biomasses ou stockage de carbone
1. Déterminer les émissions nettes de CO2 et d’autres GES d’origine
anthropique résultant de l’utilisation et des changements d’utilisation
des terres, sous la Convention climat d’une part, et sous le protocole de
Kyoto et un éventuel protocole post-Kyoto, d’autre part.
On découpera l’espace conformément aux articles 3.3 et 3.4 du protocole de
Kyoto et d’un éventuel protocole post Kyoto, afin de quantifier les crédits et
les débits de GES attribuables aux différents territoires, cela en tenant compte
des périmètres considérés suivant les engagements, soit avec la France, soit en
tant qu’entité à part, selon les choix locaux.
2. Constituer un pôle néo-calédonien se consacrant à la production et à
la valorisation des biomasses alimentaires et non alimentaires d’origine
agricole et forestière. Celui-ci pourrait par exemple être appuyé et piloté par l’IAC,
et prendre en considération simultanément les aspects économiques, sociaux
et environnementaux de ces productions et établir des scénarios prospectifs
d’utilisation des terres en N.-C.
3. Réduire les émissions nettes de GES, soit en augmentant les stocks
de carbone dans l’espace rural, soit en produisant plus de biomasses
pour l’énergie. Cela implique d’avoir un suivi des changements d’utilisation
des terres et de faire régulièrement des mesures pour déterminer notamment
les variations de stocks de carbone.
Pour améliorer les bilans de GES, il est par ailleurs recommandé de réellement
mobiliser 3 ou 4 chercheurs locaux, sans doute de l’IAC, pour effectuer des
recherches et des essais dans les domaines suivants :
• Étude des possibilités réelles de production de biomasses ligneuses ou herbacées à des fins de productions énergétiques : en recensant les résultats déjà
obtenus, y compris les échecs, et les validant scientifiquement, etc. ; en installant
424
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Suite
de nouvelles parcelles d’essais, tenant compte des résultats déjà obtenus, des
potentialités de production ligneuses ou herbacées et des récoltes en considérant
les projets locaux d’utilisation des terres. Ce qui suppose d’étudier cet aspect, et
d’avoir une vision claire sur les priorités (plus d’autonome sur le plan énergétique,
ou sur le plan alimentaire ou pour la fourniture de bois d’œuvre) ou augmenter
les stocks de carbone en forêt (sous réserve que l’on puisse raisonnablement
protéger ces stocks).
• Mise au point des méthodes peu onéreuses de « regonflages » de la végétation
forestière, avec des techniques à mettre au point pour les conditions locales et
avec les essences locales. On pourra certes s’inspirer d’expériences réalisées ailleurs,
mais ne pas faire l’économie de recherches et d’expérimentations locales.
• Préservation des stocks de carbone des forêts en limitant les feux (un programme
de recherches sur les feux a déjà été engagé avec l’ANR avec des équipes de
la N.-C.). Il convient également de sensibiliser le grand public sur l’importance
de la préservation des stocks de carbone.
Cela implique de mieux mobiliser tout à la fois les services forestiers et les
recherches agronomiques et forestières et d’y affecter des moyens humains et
matériels appropriés.
Fausse piste ou « fausse bonne idée »
Seulement s’intéresser à l’accroissement des stocks de carbone dans la végétation notamment dans les forêts, et penser que ceux-ci pourraient largement
compenser les émissions provenant de la production de nickel ou que l’on peut
indéfiniment augmenter les stocks de carbone en forêt.
Penser pouvoir obtenir des augmentations importantes de stocks sur terrains
miniers.
Commentaire
Un début de travail a été engagé avec le ministère français de l’Agriculture et
de la Pêche. Mais les éléments recueillis à ce stade sont encore très insuffisants
pour répondre aux exigences de la Convention et surtout du protocole de
Kyoto.
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Partie 3
Les émissions et les réductions d’émissions de gaz à effet de serre
en Nouvelle-Calédonie
Recommandation n° 4
Lancer une étude de préfaisabilité sur les possibilités
d’importation de bois, complétée en partie par des biomasses locales,
pour remplacer du charbon importé
Critère : réduction des émissions de CO2 des grandes chaufferies en substituant
partiellement du charbon et du pétrole par des biomasses
La production de nickel et d’électricité à partir du charbon est très intensive en
CO2 par tonne de nickel ou par MWh.
Le bois et les biomasses renouvelées permettent de réduire les émissions de
GES et en particulier quand ils sont utilisés pour remplacer du charbon.
Il y a un surcoût par rapport au charbon, mais pour des centrales électriques
et les grosses chaufferies, ce surcoût est compensé dès que la tonne de CO2
atteint une valeur suffisante comme, par exemple, sur le marché des droits
d’émissions européens en 2008.
Il est à noter que les émissions de GES résultant du transport du bois par bateau
sont en général faibles. Il faut donc identifier des possibilités de récolte à proximité
des ports des pays voisins (Nouvelle-Zélande, Papouasie-Nouvelle-Guinée, etc.)
ou même dans des pays plus lointains.
Il faut aussi :
– étudier la possibilité de passer des contrats d’approvisionnement à long terme
avec d’éventuels pays fournisseurs ;
– envisager la logistique (réserver de la place pour le stockage, le conditionnement et éventuellement le reconditionnement des biomasses importées et des
biomasses locales, modes de déchargement des navires et des transferts des
biomasses vers la chaufferie, etc.) ;
– étudier les modifications techniques des installations (de nombreuses installations
peuvent utiliser jusqu’à 20 % de biomasses avec du charbon sans nécessiter de
trop grandes modifications).
Il conviendra de déterminer la meilleure forme de transport des biomasses
(branchages et résidus compactés, copeaux, granulés, etc.).
426
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Suite
Il convient d’envisager deux étapes :
– une première étape, en principe applicable dès maintenant, qui ne viserait
qu’une substitution partielle du charbon pour réduire les émissions de GES ;
– une seconde étape applicable sans doute seulement après 2020, lorsque le
captage et le stockage de CO2 seront réalisables, afin d’obtenir des émissions
négatives de CO2.
Fausse piste ou « fausse bonne idée »
Penser que les émissions résultant du transport du bois par bateau vont annuler
tous les gains qui pourraient résulter la substitution du charbon par des biomasses.
Faire dépendre la première étape de la faisabilité du stockage géologique.
Commentaire
L’utilisation des biomasses à la place du charbon peut compléter les réductions
d’émissions que l’on peut obtenir en améliorant les procès au niveau des usines
(cf. les recommandations, p. 187, dans « Les nouvelles technologies en matière
de production et de stockage d’énergie »), puis ultérieurement le stockage
géologique du CO2 (cf. recommandation n° 5, p. 427).
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Partie 3
Les émissions et les réductions d’émissions de gaz à effet de serre
en Nouvelle-Calédonie
Recommandation n° 5
Développer les recherches sur le stockage géologique du CO2
émis par les grandes installations, notamment dans les roches
de la Nouvelle-Calédonie
Critère : il s’agit ici d’un programme important, mais à plus long terme : sans
la mise au point et la mise en œuvre du stockage géologique du CO2 on ne
pourra pas stabiliser le climat d’ici à 2050
Dans tous les cas il faut donc penser à réserver dès maintenant des aires pour
installer des systèmes de captage du CO2 dans les usines et dans les centrales
électriques.
Si les systèmes peuvent être couplés avec des utilisations des biomasses, avec
substitution de charbon, il faut également penser à réserver dès maintenant de
la place pour le stockage des biomasses (cf. recommandation n° 3, p. 423)
La N.-C. pourra profiter des progrès technologiques qui seront réalisés dans le
monde pour le captage du CO2 dans les usines.
Il faut ensuite envisager l’évacuation du CO2. Si le stockage ne pouvait s’effectuer
en Nouvelle- Calédonie, il faudrait le transporter par bateau vers des sites à
l’étranger, peut-être vers l’Australie.
La filière complète pourrait devenir économiquement acceptable après
2020.
Le substrat géologique de la N.-C. paraît particulièrement favorable pour expérimenter des filières originales de stockage dans les péridotites. Cela demande
encore des recherches et des mises au point, y compris pour abaisser les coûts
de stockages qui ne pourront pas être effectués ailleurs.
À l’heure actuelle, on ne sait pas, en effet, quelles sont les filières qui seront les
plus prometteuses, les plus fiables et les moins onéreuses. Il est donc important
de recommander la mise en place et l’amplification des recherches non seulement
pour réussir le stockage dans ces roches, mais encore pour le réaliser à bas coût
et, si possible, éviter de transporter le CO2 vers l’étranger.
428
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Suite
Fausse piste ou « fausse bonne idée »
Penser que les recherches sur le stockage faites ailleurs seront suffisantes (la
situation est différente pour le captage).
Commentaire
Des recherches ont déjà commencé notamment avec l’Université, l’ANR et les
industriels du nickel. Mais cet effort est à poursuivre en s’intéressant plus
particulièrement aux péridotites.
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Partie 4
L’insertion internationale de la Nouvelle-Calédonie
Recommandation n° 1
Structurer un pôle de compétence local sur le contexte régional
dans les domaines de l’énergie et du climat
Critères :
– mesure à faible coût tirant le meilleur parti des compétences existantes
– suivi indispensable pour une action à moyen et long termes
Pour éclairer les décisions prises dans le domaine de l’énergie, il convient de
s’appuyer sur une connaissance accumulée, systématique et suivie dans le
temps de l’évolution des principaux partenaires régionaux. Il est nécessaire de
suivre aussi bien l’évolution des principales puissances régionales que des
petits États insulaires et d’aborder les dimensions de l’énergie, des activités
minières et des émissions de GES.
À l’heure actuelle, ces évolutions sont peu étudiées de façon distanciée. Il existe
en particulier un déficit sur l’étude des politiques publiques et des stratégies
des acteurs économiques.
Pour cela, l’université de N.-C. et les organismes de recherche comme l’IRD
peuvent être sollicités pour structurer un pôle de connaissance.
Commentaire
Ce travail pourrait aussi servir à appuyer davantage les actions considérées dans
la recommandation n° 5, p. 439, de la partie « Quel cadre pour une politique de
l’énergie et du climat au service du développement de la Nouvelle-Calédonie ? ».
430
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Partie 4
L’insertion internationale de la Nouvelle-Calédonie
Recommandation n° 2
Envisager toutes les options d’insertion de la Nouvelle-Calédonie
dans les négociations sur le climat
Critère : des décisions doivent être prises à court terme dans un contexte
complexe et avec des conséquences importantes pour la N.-C
La N.-C. n’est pour le moment pas concernée par le protocole de Kyoto, alors
qu’en raison de l’activité du nickel, le pays est fortement émetteur de GES.
La position des États de la région est en train d’évoluer, avec en particulier la
décision de l’Australie de ratifier le protocole de Kyoto. Par ailleurs, les petits États
insulaires se sentent particulièrement menacés par le changement climatique.
Le gouvernement de la N.-C. ne peut ignorer ces enjeux et doit envisager les
différentes possibilités d’insertion dans les négociations sur le climat en dialogue
avec les partenaires locaux.
Trois scénarios principaux sont envisagés : la N.-C. pourrait s’aligner sur les positions
françaises, elle pourrait négocier avec la France des quotas spécifiques, elle
pourrait enfin avoir sa propre position.
Fausse piste ou « fausse bonne idée »
Maintenir un statu quo non explicité : celui-ci n’est pas tenable. Il risque de
conduire à des tensions avec les autres États de la région et/ou à des accusations
de dumping climatique à cause de la transformation du minerai de nickel.
Commentaires
Il est important de souligner que le mode de calcul des émissions par habitant
ne convient pas pour les petits États insulaires ayant des activités industrielles
ou minières comme, par exemple, l’Islande ou le Groenland.
Ne pas expliciter ce point compliquerait les actions évoquées dans la recommandation n° 3, p. 431.
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Partie 4
L’insertion internationale de la Nouvelle-Calédonie
Recommandation n° 3
Construire une action internationale forte et cohérente
avec la diplomatie française dans le domaine énergie et climat
Critère : action à moyen terme qui doit être cohérente avec les autres orientations
proposées
La N.-C. participe avec la France à différents forums régionaux et il existe des
coopérations bilatérales.
En s’appuyant sur l’existant, il est possible de renforcer les actions proposées dans
les autres recommandations en particulier dans les domaines de la recherche et
de l’éducation ; du développement de technologies innovantes pour la production
et le stockage d’énergie, de la capture et du stockage du CO2.
La N.-C. peut ainsi proposer ses propres efforts et expériences aux petits États
insulaires.
Avec l’Australie, des coopérations multiples peuvent être envisagées, associant
des acteurs de N.-C. et de France métropolitaine, en particulier dans le stockage
du CO2.
Fausse piste ou « fausse bonne idée »
S’en remettre à la seule diplomatie française.
Oublier de souligner les spécificités et l’inadéquation, pour des petits États
insulaires ayant une activité industrielle, des calculs des émissions de GES par
habitant ne prenant en compte que les émissions sur le territoire considéré.
Commentaires
Voir également les autres recommandations, notamment des trois premières
parties, pour la maîtrise de l’énergie et les réductions d’émissions de GES.
432
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Partie 4
L’insertion internationale de la Nouvelle-Calédonie
Recommandation n° 4
Renforcer la sécurité énergétique dans le cadre régional
Critère : renforcer la sécurité énergétique
La sécurité des approvisionnements énergétiques gagne à être envisagée régionalement puisque les pays voisins et particulièrement l’Australie se trouvent dans
une situation comparable à celle de la N.-C. pour les hydrocarbures, c’est-à-dire
la nécessité d’importer des produits pétroliers.
Les pays émergents du Pacifique Sud organisent leur réflexion sur la sécurité
énergétique et la gestion de crise dans le cadre de l’Apec (Asia Pacific Economic
Cooperation). La N.-C. aurait intérêt à participer à ces forums.
Dans le cas de problèmes d’approvisionnements en produits pétroliers la gestion
concertée des réserves stratégiques avec les pays voisins pourrait être avantageuse. La N.-C. devrait également s’assurer du niveau de ses stocks et envisager
de les augmenter pour s’aligner avec les recommandations de stockage de l’AIE
(90 jours).
La sécurité des approvisionnements en charbon paraît pouvoir être garantie par
les mécanismes de marché et les stratégies des entreprises privées.
Fausse piste ou « fausse bonne idée »
Compter sur le développement de l’extraction d’hydrocarbures en N.-C. pour
assurer la sécurité énergétique par la production locale.
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Partie 5
Quel cadre pour une politique de l’énergie et du climat
au service du développement de la Nouvelle-Calédonie ?
Recommandation n° 1
Mettre en route un processus de définition d’une politique
de l’énergie et du climat
Critères de priorité : organiser le travail de la suite de l’expertise, pour une
politique de l’énergie et du climat, et donner un cadre aux initiatives des différents
acteurs.
Mettre en route un processus de définition d’une politique de l’énergie
associée à celle du climat :
– mobilisant une expertise structurée, la plus locale possible, s’appuyant sur les
résultats de la présente expertise collégiale, et complétée par des études plus
précises sur les points qui le méritent, selon les orientations principales et les
objectifs généraux retenus ;
– avec un pilotage légitime par une autorité publique ;
– associant les acteurs concernés, au sein d’un Comité d’orientation.
La structuration de l’expertise sur Climat et GES peut se faire par l’organisation
d’un pôle technique (cf. recommandation « Créer un pôle technique de maîtrise
de l’énergie et des émissions de GES », p. 419). L’expertise de l’administration,
des opérateurs, des bureaux d’études et de l’Université sont à prendre en
compte.
C’est à une autorité administrative de piloter le processus, soit un service
comme la Dimenc renforcée et légitimée dans le domaine du climat, soit une
autorité autonome sous forme d’une agence, mise en place à l’image de
certains pays. Le lien avec le pilotage des politiques de l’agriculture et de la
forêt est indispensable.
L’association des acteurs concernés : opérateurs, collectivités entreprises,
autorités coutumières… est une nécessité.
Transformer les conclusions du processus de définition d’une politique de
l’énergie et contribuant à la protection du climat par une délibération du
Congrès.
434
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Suite
En ce qui concerne particulièrement l’énergie, la loi de programmation de la
mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dans son article 49, prévoit des
orientations énergétiques pour la N.-C. Celle-ci peut s’appuyer sur ces orientations et/ou en définir de nouvelles, cet article n’étant pas impératif pour ce
qui la concerne, dans ce domaine transféré.
Fausse piste ou « fausse bonne idée »
L’expertise ne fournit pas un plan d’action, mais des éléments pour. Le bon
usage d’une expertise collégiale suppose qu’elle soit prolongée dans un tel
processus : les experts ne peuvent intégrer tous les éléments que les acteurs
maîtrisent en N.-C.
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Partie 5
Quel cadre pour une politique de l’énergie et du climat
au service du développement de la Nouvelle-Calédonie ?
Recommandation n° 2
Lancer la définition d’un Plan climat territorial pour chaque Province,
pour le Grand Nouméa et la zone VKP (Voh-Koné-Pouembout)
Critères de priorité :
– instrument de clarification de l’action
– le Grand Nouméa représente les consommations énergétiques les plus fortes
par l’habitat, le tertiaire, l’industrie et les transports
Les plans territoriaux énergie – climat sont l’un des instruments privilégiés par la
France pour la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. L’article 56 prévoit
pour les départements et collectivités d’outre-mer d’« engager, dans le même
temps, un programme de maîtrise des consommations, qui se traduira par l’adoption, dès 2012, d’un plan énergie-climat dans chaque collectivité territoriale ».
Pour la N.-C., le Grand Nouméa représente un enjeu essentiel du point de vue
des consommations énergétiques, domestiques, industrielles et des transports,
en incluant en particulier la dimension urbanistique. Mettre en œuvre un plan
énergie-climat territorial, pour lequel il existe une méthodologie ADEME
(Construire et mettre en œuvre un plan Climat territorial, guide méthodologique,
ADEME, avril 2009) et des retours d’expérience en métropole (Nantes, Grenoble,
entre autres), présenterait trois avantages principaux :
– faire un bilan précis des sources d’émissions de CO2 et de consommation
d’énergie à une échelle fine (par exemple, les écoles, les bâtiments publics et les
administrations, les entreprises de transport, etc.) et par conséquent améliorer
la connaissance de l’énergie ;
– impliquer un grand nombre d’acteurs et susciter un débat public (presse,
télévision, etc.) sur le sujet ;
– fournir un cadre cohérent de diagnostic et d’actions. Dans le cas de VKP, en
plein développement cela s’impose aussi.
Fausse piste ou « fausse bonne idée »
Penser qu’un plan énergie-climat pour la N.-C. remplacerait un plan énergie-climat
local (provincial et par agglomération) : ces derniers appellent une analyse plus
fine des situations, et impliquent des moyens d’action spécifiques.
436
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Partie 5
Quel cadre pour une politique de l’énergie et du climat
au service du développement de la Nouvelle-Calédonie ?
Recommandation n° 3
Inscrire les productions de biomasse non alimentaires
dans des politiques de développement pour réduire la dépendance
de la Nouvelle-Calédonie en matière alimentaire, forestière et énergétique,
tout en contribuant à la réduction des émissions mondiales de GES
Critères de priorité : l’autonomie alimentaire, l’autonomie énergétique,
l’accroissement des productions de biomasses et de la réduction des émissions
de GES sont étroitement interdépendants.
Horizon : moyen terme
Orientations pour une politique alimentaire et forestière qui inclut les enjeux
énergétiques
1. Pour les biomasses des surfaces actuellement boisées
– Améliorer les dessertes permettant la récolte des biomasses. Lorsque l’on
considère les forêts, il faut que les biomasses produites soient récoltables. À
défaut, on peut seulement envisager d’augmenter les stocks de carbone en
laissant les arbres en forêt. Dans tous les cas cela suppose qu’on protège les
stocks de carbone par une bonne politique de maîtrise des feux de forêts.
– Quand les biomasses forestières sont récoltables, on peut envisager
d’augmenter les récoltes à conditions de mettre en place des politiques de
reboisement pour reconstituer les stocks et renouveler la production. Cela
suppose que les propriétaires soient motivés, notamment sur le plan financier,
obtiennent des garanties de débouchés suffisamment rémunérateurs et
acceptent de passer des contrats de livraisons de biomasses à long terme avec
des entreprises utilisatrices (industries et Enercal) qui feront les investissements
pour utiliser les biomasses produites. À défaut, mieux vaut récolter seulement
du bois d’œuvre qui sera converti dans une scierie (demandant moins d’investissement qu’une chaufferie) et dont la rémunération pour le propriétaire
forestier est actuellement supérieure à la valorisation énergétique des biomasses.
Avec un prix de la tonne de CO2 plus élevé, la situation pourrait néanmoins
changer.
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Suite
2. Pour les productions de biomasses sur des terres agricoles
Celles-ci peuvent entrer en concurrence avec les productions alimentaires.
Selon les priorités (alimentaires, énergétiques, réductions des émissions de
GES) définies localement on pourra décider soit d’augmenter les productions
agricoles par hectare (via des rendements et des charges en animaux par ha
plus élevées), soit les productions non alimentaires. Dans ce dernier cas, la
problématique est similaire à la production de bois, sauf qu’en général les
productions alimentaires rapportent davantage et plus vite que les productions
ligno-cellulosiques.
Pour le climat, il faut déterminer ce qui est le plus intéressant pour le climat
mondial (et pas seulement sur le bilan local) et mettre en place des politiques
cohérentes à long terme.
Des experts extérieurs à la N.-C. ne peuvent aborder cette question dans toutes
ses dimensions.
Fausse piste ou « fausse bonne idée »
Si l’on considère les conflits possibles dans l’utilisation d’un territoire limité, il
faut comparer, dans l’objectif d’amélioration du climat mondial :
– une augmentation des productions de biomasses pour l’énergie sur le territoire
de la N.-C. ;
– l’importation de produits alimentaires et de bois d’œuvre.
Il ne faut pas croire qu’augmenter la biomasse pour l’énergie soit nécessairement
plus vertueux : l’importation, si elle réduit l’émission de GES sur son territoire,
est responsable, par la consommation, d’émissions de GES ailleurs…
Croire qu’en reboisant des terrains miniers on obtiendra une production élevée
de biomasse.
Commentaires
Les comptabilités sous le protocole de Kyoto compliquent encore cette approche.
Mais on peut espérer qu’après 2012 on obtiendra une approche plus satisfaisante.
438
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Partie 5
Quel cadre pour une politique de l’énergie et du climat
au service du développement de la Nouvelle-Calédonie ?
Recommandation n° 4
Engager un travail de clarification des responsabilités des acteurs publics
sur l’environnement et les impacts sur le climat : il s’agit de construire
une répartition des compétences adaptée à ces nouveaux enjeux
Critère de priorité : après la définition des orientations et objectifs (recommandations n° 1 et 2), il faut organiser la cohérence des acteurs
Horizon : court terme
Engager au plus vite un travail de clarification des responsabilités des acteurs
publics sur l’environnement et les impacts sur le climat : il s’agit de construire
une répartition des compétences adaptée à ces nouveaux enjeux. Cela pourrait conduire à une modification de la loi fondamentale.
Deux écueils existent dans ce domaine : la confusion des responsabilités et le
manque de moyens. Ces écueils sont bien connus et analysés depuis des
années en N.-C. (cf. récemment l’atelier 6 de la NC2025 qui développe toutes
les difficultés et met en avant ses richesses, ainsi que ses atouts).
Les principes – qui restent à travailler – devraient en être les suivants :
– réorganisation des compétences environnementales afin d’attribuer des
compétences au niveau de la N.-C., notamment pour tout ce qui concerne le
climat mais aussi pour permettre une action coordonnée et harmonisée au
niveau de l’ensemble du territoire dans tous les domaines ;
– introduction d’une modification dans la LO de 99 qui précise les modalités de
coordination des compétences en matière environnementale entre les 4 niveaux
de collectivités (État, N.-C., Provinces et communes), avec l’avis d’un Comité
ad hoc qui intègre des représentants des 4 niveaux ;
– permettre l’édiction des lois de pays dans le domaine de l’environnement ;
harmonisation de la réglementation à l’échelle de la N.-C ;
– détermination d’un chef de file pour chaque sous-domaine qui guidera les autres ;
– renforcement des moyens humains et financiers (absolument nécessaires
pour que les choses avancent dans le domaine).
Fausse piste ou « fausse bonne idée »
Ne rien faire.
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Partie 5
Quel cadre pour une politique de l’énergie et du climat
au service du développement de la Nouvelle-Calédonie ?
Recommandation n° 5
Définir les priorités des actions de maîtrise de l’énergie,
de développement des ENR et de réduction des émissions
en introduisant les critères de coût et de terme d’impacts
Critère de priorité : il s’agit de travailler les priorités à donner aux différentes
actions des parties précédentes
Horizon : court terme
Nous recommandons qu’un travail spécifique soit effectué en complément de
la présente expertise qui viserait à établir un ordre de priorité parmi l’ensemble
des actions proposées. Ce travail devra reprendre les recommandations faites
et les ordonner en fonction de critères d’évaluation à élaborer devant refléter
la diversité des préoccupations des acteurs en N.-C.
Dans le cadre de l’expertise, un premier classement a été opéré pour tenter
d’indiquer, au-delà d’une première analyse essentiellement sectorielle, des
priorités transversales. Ce travail s’est appuyé sur des critères indicatifs de
gisement d’économie ou de production d’énergie, et de réduction des émissions
de GES (importance de la ressource) et de coûts (coût du kWh ou de la tonne
économisée).
Avec ces deux critères, certaines actions sont à considérer en priorité, notamment :
1. La maîtrise de l’énergie dans l’industrie.
2. La maîtrise de l’énergie dans les secteurs domestique et tertiaire (éclairage,
électroménager…).
3. Un système de bonus-malus pour les véhicules.
3. L’extension des chauffe-eaux solaires.
4. L’utilisation de la biomasse dans l’industrie.
5. La réglementation thermique dans l’habitat.
…/…
Mais ces deux critères ne sont pas les seuls à considérer pour établir un ordre de
mérite parmi l’ensemble des pistes proposées par l’expertise. Le travail à réaliser
devra donc réexaminer les options proposées en introduisant des dimensions
complémentaires pour aboutir à une liste d’actions prioritaires plus définitive.
440
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Partie 5
Quel cadre pour une politique de l’énergie et du climat
au service du développement de la Nouvelle-Calédonie ?
Recommandation n° 6
Soutenir les filières industrielles et de service
liées à la production d’énergie et à la maîtrise de l’énergie,
adaptées à la dimension de la Nouvelle-Calédonie :
la formation aux métiers, l’action économique en faveur des entreprises,
l’accès à un potentiel de R&D adapté
Critère de priorité : il s’agit là d’une proposition structurante, mais à long terme
1. Formation des acteurs dans le bâtiment
L’efficacité énergétique n’est pas qu’une question de techniques et de technologies : sa mise en œuvre nécessite des professionnels sensibilisés et bien
formés.
Il y a des compétences à développer, à destination des responsables urbains,
des maîtres d’œuvre et des entreprises.
En particulier :
Échelle urbaine – se faire épauler par des conseils environnementaux formés
à l’Analyse environnementale urbaine (AEU) et capable de simuler les impacts
climatiques (vent, soleil) ;
Bâtiments neufs – programmation et assistance à maîtrise d’ouvrage ;
Bâtiments existants – audit énergétique pour optimiser les interventions
et échafauder les meilleurs scénarios énergétiques et environnementaux de
réhabilitation.
L’offre de formation existante dans ce domaine, aussi bien pour la formation
initiale que pour la formation professionnelle continue, reste actuellement très
déficitaire.
La HQE est un bon angle d’attaque pour réactualiser les pratiques. On peut
tirer parti de deux expériences : Qualiclim en Guyane et Opticlim à la Réunion.
2. Action économique
Tirer parti des activités des organismes comme Oséo-Anvar, ou l’AFD. La N.-C.
peut aussi accéder aux aides à la création d’entreprises innovantes.
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Suite
3. Accès à un potentiel de R&D sur les sujets clés à travers plusieurs voies :
– veille sur les technologies, leur économie et leurs impacts, du niveau de cette
expertise collégiale ;
– participation à des programmes de recherche non spécifique (industrie…) ;
– proposer la N.-C. comme terrain de recherche (stockage géologique du
CO2…) ;
– mettre des moyens en N.-C. sur 3 thématiques : habitat en contexte tropical ;
organisation des réseaux électriques avec forte proportion d’ENR ; production
de biomasse en pays tropical développé.
Bien prendre en compte les forces, mais aussi les limites des compétences
actuellement rassemblées dans l’Université et dans les entreprises ou bureaux
d’études.
442
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Partie 5
Quel cadre pour une politique de l’énergie et du climat
au service du développement de la Nouvelle-Calédonie ?
Recommandation n° 7
S’appuyer sur les instruments économiques ou réglementaires
pour mettre en œuvre une politique énergétique en Nouvelle-Calédonie
Critère de priorité : indispensable pour la mise en œuvre d’objectifs pour
l’énergie, en relation avec la recommandation n° 4, p. 438
Horizon : court et moyen termes
Les instruments tarifaires, fiscaux et réglementaires et leur déclinaison pour ce
qui concerne la maîtrise de l’énergie (bâtiment, transport et industrie) et la
production de nouvelles sources d’énergie (pour le climat, cf. « L’insertion
internationale de la Nouvelle-Calédonie », p. 281) mobilisables sont :
1. Le signal tarifaire reflétant les coûts :
– suppression des écarts de fiscalité entre le diesel et l’essence, et réduction
progressive des subventions dont bénéficient certaines catégories d’usagers ;
– intégration dans le signal tarifaire d’une composante « valeur du carbone » ;
– mise en place d’incitations économiques pour soutenir des filières ou technologies émergentes.
2. Dispositifs d’étiquetage énergétique
– pour l’électroménager performant ;
– dans le domaine des transports, affichage énergétique pour les véhicules,
éventuellement associé à un dispositif de bonus-malus.
3. Pour les sources d’énergie
– adoption d’un dispositif de prix garantis assorti d’une obligation d’achat par le
distributeur, et modulation des tarifs pour soutenir en priorité certaines filières ;
– aides complémentaires à l’investissement.
Les problèmes de raccordement au réseau qui doivent faire l’objet d’actions
spécifiques (réglementation).
Pour la production d’eau chaude sanitaire solaire, l’expérience internationale
suggère également les pistes à suivre pour soutenir le développement de la
filière : incitation, puis généralisation par la réglementation.
La définition d’objectifs pour chacun de ces thèmes doit être accompagnée
d’un dispositif de monitoring.
FICHES DE RECOMMANDATION
Recommandations
générales
Partie 5
Quel cadre pour une politique de l’énergie et du climat
au service du développement de la Nouvelle-Calédonie ?
Recommandation n° 8
Engager un programme d’actions, d’éducation et de sensibilisation
pour un changement des pratiques
Critère de priorité : il s’agit d’une action structurante à long terme, mais qui
doit être lancée aussi tôt que possible
La responsabilisation en matière d’énergie des citoyens consommateurs, parfois producteurs, passe par une indispensable étape de compréhension des
notions associées. Les principales notions qui nécessitent d’être comprises
concernent notamment :
les définitions de l’énergie et de la puissance ;
la réalité des ressources énergétiques ;
et les impacts environnementaux associés à la consommation d’énergie,
notamment les émissions de gaz à effet de serre.
Nous préconisons pour cela des formations à différents niveaux et pour différents
publics.
Une première étape pourrait être la formation de formateurs et/ou conférenciers,
les enseignants constituant sans doute le public le plus à même de devenir
formateurs. Sa mise en place est sans doute l’étape la plus délicate car il faut
trouver les bons mécanismes d’incitation et les formateurs initiaux (ADEME,
autres personnes compétentes en N.-C. : à recenser).
Un appel à candidature pourrait être lancé à l’initiative du vice-rectorat de la
N.-C.
Les programmes scolaires pourraient dès lors intégrer de façon modeste une
formation à l’énergie. Une initiative métropolitaine parmi d’autres est citée
dans la version complète du rapport.
Concernant les publics adultes, des conférences grand public et des expositions animées par des personnes compétentes (personnels ADEME, autres…)
constituent sans doute la meilleure approche.
Annexes
ANNEXE 1
ANNEXE 2
Cahier des charges
de l’expertise collégiale
INTRODUCTION : CONTEXTE DE LA SAISINE
La Nouvelle-Calédonie, collectivité territoriale d’outre-mer à statut particulier,
est confrontée à l’enjeu de la dépendance énergétique et de la maîtrise de
l’énergie. Dans sa région Pacifique sud et face à la croissance continue de la
consommation d’énergie observée sur son territoire, elle doit être à même de
connaître avec précision les déterminants de son développement en matière
d’énergie, sur un plan tant technologique qu’économique, institutionnel et
réglementaire. Une attention particulière doit, en outre, être portée aux
questions de l’accès équitable à l’énergie et du coût de l’énergie.
De nombreux pays ont mis en place ou travaillent actuellement à la mise
en place de mesures portant sur l’efficacité énergétique, les technologies
nouvelles relatives aux énergies renouvelables et la réduction des gaz à effet
de serre (GES). Il convient donc aujourd’hui d’identifier les stratégies et les
outils les plus prometteurs en ces domaines, qui seront le cas échéant adaptés
au territoire aux horizons 2020 et 2030.
Conformément à l’article 211 de la loi organique qui la régit, la NouvelleCalédonie élabore son Schéma d’aménagement et de développement pour
2025 dans un calendrier défini devant se conclure fin 2009. Un volet « énergie »
y sera développé, probablement sous la forme d’un Schéma distinct. Des
décisions importantes ont été prises pour la production d’énergie : trois usines
sont programmées, chacune associée à une importante activité minière,
sans que la Nouvelle Calédonie soit intégrée dans l’annexe 1 du protocole de
Kyoto. Un plan pluriannuel d’investissements pour la production électrique
(PPIPE) a été élaboré pour l’horizon 2015 et est actuellement soumis à
l’approbation du Congrès. Un observatoire de l’énergie est, par ailleurs, en
cours de création.
Annexe 2 – Cahier des charges de l’expertise collégiale
Dans le même temps, la Nouvelle-Calédonie assume de hautes ambitions
environnementales, marquées notamment par le récent classement de la barrière
de corail au patrimoine mondial de l’humanité.
Dans ce contexte, le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a exprimé,
par le biais du Comité territorial pour la maîtrise de l’énergie (CTME), le
besoin de disposer d’un tableau complet des connaissances scientifiques qui
permettra de définir la politique de l’énergie du Pays et de hiérarchiser les
priorités de l’action des collectivités en ce domaine.
Il a décidé, pour ce faire, de solliciter l’Institut de recherche pour le développement (IRD) pour la réalisation d’une expertise collégiale.
L’EXPERTISE COLLÉGIALE
À L’IRD
L’IRD assure, au titre de ses missions, la réalisation d’expertises collégiales.
Outil original de transfert des connaissances scientifiques vers la sphère des
dirigeants et décideurs, l’expertise collégiale permet de réaliser, à la demande
d’un ou plusieurs commanditaires, une analyse scientifique pluridisciplinaire
sur un sujet déterminé à partir d’une revue complète de l’état de la connaissance
scientifique.
L’expertise collégiale peut donc constituer une aide précieuse à la prise de
décision en matière de politiques publiques.
L’expertise collégiale telle que conçue et mise en œuvre à l’IRD relève d’un
modèle méthodologique spécifique, certifié ISO 9001.
L’IRD a examiné et donné suite à la demande adressée à lui par le
Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, au vu des trois critères principaux
habituellement retenus :
– identification claire de la volonté d’action du demandeur et des processus
décisionnels en cours (rappelés ci-dessus) ;
– caractère central et indispensable de la connaissance scientifique pour la
conduite des politiques publiques concernées ;
– existence d’une littérature, notamment scientifique, suffisante sur le
sujet.
449
450
L’énergie dans le développement de la N.-C.
L’expertise collégiale est conduite par un collège d’experts pluridisciplinaire
recrutés pour leur compétence individuelle de chercheur et leur connaissance
avérée de la question abordée, sous la responsabilité de la coordination
scientifique et de son président. Elle est suivie par ailleurs par un comité de
pilotage, composé des représentants du commanditaire et de ses éventuels
partenaires, qui est régulièrement informé de l’avancement des travaux.
TITRE DE L’EXPERTISE COLLÉGIALE
Le titre retenu pour la présente expertise collégiale est : « L’énergie dans
le développement de la Nouvelle-Calédonie » (sigle : EDNC).
LIGNES DIRECTRICES DE L’EXPERTISE COLLÉGIALE
Cinq grands axes thématiques complémentaires ont été retenus pour la
présente expertise collégiale, à l’issue de l’atelier initial organisé à Nouméa
du 15 au 17 octobre 2008 en présence de l’ensemble des acteurs locaux
du secteur de l’énergie. Ils constituent en eux-mêmes les lignes directrices
données à l’expertise :
1. La maîtrise de l’énergie
2. Les nouvelles technologies en matière de production et de stockage
d’énergie
3. La réduction des GES et les moyens de compensation
4. La géopolitique de l’énergie et la coopération régionale
5. La gouvernance de l’énergie en Nouvelle-Calédonie
Annexe 2 – Cahier des charges de l’expertise collégiale
LISTE DES QUESTIONS TRAITÉES PAR L’EXPERTISE COLLÉGIALE
La liste détaillée des questions soumises à l’expertise collégiale est ordonnée selon le plan qui suit :
1
La maîtrise de l’énergie
Coordonnatrice : Elsa FAUGÈRE
1.1.1 Comment adapter à la Nouvelle-Calédonie les connaissances
contribuant à :
– la maîtrise de la demande d’énergie dans le bâtiment (réduction
des besoins à confort égal)
– l’efficacité énergétique des équipements (climatisation, ventilation,
eau chaude, éclairage, appareils domestiques, appareils bureautiques,
auxiliaires, gestion technique...) par la mise en œuvre des meilleures
techniques disponibles adaptées au contexte calédonien.
Un accent particulier sera porté sur la climatisation : maîtrise
des apports climatiques par l’architecture, utilisation de l’énergie
solaire pour refroidir, exploitation de la mer comme source froide...
Quelle démarche spécifique pour développer l’usage des éco-matériaux
et écoproduits (labels, certifications...) ?
Quels signaux possibles (tarifaire, réglementaire, fiscal) pour conforter
la maîtrise de l’énergie ?
Mohamed ABDESSELAM
1.1.2 Le potentiel d’efficacité énergétique des systèmes industriels,
et la valorisation des déchets de chaleur
Jean Michel MOST
1.2.1 Comment aborder et positionner dans la problématique générale
la question des transports (de personnes, marchandises et minerais)
en Nouvelle-Calédonie ?
Richard DARBERA
1.2.2 Quels impacts possibles du signal tarifaire, réglementaire, ou fiscal
pour les transports ?
Richard DARBERA
1.3
Quels sont les discours et les pratiques actuels des différents acteurs
vis-à-vis de l’énergie en Nouvelle-Calédonie ? Peuvent-ils évoluer ?
Que sait-on des facteurs de différenciation sociale et culturelle ?
Elsa FAUGÈRE
1.4
Méthodologies d’évaluation des dispositifs repérés : gains potentiels,
évaluation environnementale Mohamed ABDESSELAM, Richard DARBERA
451
452
L’énergie dans le développement de la N.-C.
2
Les nouvelles technologies en matière de production
et de stockage d’énergie
Coordonnateur : Bernard MULTON
2.1
Quelles nouvelles technologies mobiliser pour la Nouvelle-Calédonie ?
2.1.1 Technologies de production :
Bernard MULTON
– énergie des mers (thermique, courants, houle)
– énergie solaire de concentration, production de froid (cf. 1.1 bâtiments),
solaire thermique, éolien, photovoltaïque
Jean Michel MOST
– valorisation directe de la biomasse (co-combustible),
les biocarburants (carburant de 1è et 2è génération,
production algale de graisse ou hydrogène),
valorisation des déchets (biogaz)…
– petites centrales nucléaires
Expert associé CEA
2.1.2 Technologies de stockage de l’énergie
– hydraulique, piles, filière hydrogène
– chaleur et froid
Gestion des réseaux électriques avec raccordement des ENR
Bernard MULTON
2.2.1 Que sait-on de ces nouvelles technologies sous l’angle de leur
économie, de l’impact sur l’emploi, de l’évaluation environnementale et
bilan CO2 ?
Quelles solutions adaptées au cas des îles ?
Philippe MENANTEAU
2.2.2 Quelle faisabilité pour les filières envisagées compte-tenu
des contraintes liées à l’occupation du territoire ?
Arthur RIEDACKER
2.3
Comment le contexte réglementaire influence-t-il le développement
des ENR : typologie des solutions tarifaires et fiscales,
systèmes d’aide, différenciations tarifaires
Philippe MENANTEAU,
avec Richard DARBERA pour les agrobiocarburants
2.4.1 Les données de milieux sont-elles rassemblées ou non (ensoleillement,
vents, courants, thermique des mers…), quels dispositifs d’observation ?
Christophe Menkes (expert associé IRD),
mouvements de l’océan et de l’atmosphère dans le Pacifique
2.4.2 Quelles filières expérimenter en Nouvelle-Calédonie ?
Partagé entre les experts, coordonnés par Bernard MULTON
Annexe 2 – Cahier des charges de l’expertise collégiale
3
Les moyens de réduction des émissions de GES
Coordonnateur : Arthur RIEDACKER
3.1
Captage et stockage du CO2*
– quelles sont les technologies de captage de CO2,
existantes ou en recherche ?
– comment la Nouvelle Calédonie pourrait-elle tirer parti
de son contexte géologique en matière de programmes de recherche
et d’expérimentation sur les technologies de stockage du CO2
(ne pas oublier les autres gaz à effet de serre
(méthane, fluides frigorigènes…) ?
Jean Michel MOST,
Patrice BABY
3.2
Forêts et émissions de GES
3.2.1 Variations des stocks de carbone dans l’espace rural
– par boisements (reboisements, végétalisation des sites Miniers…)
et déboisements
– dans les forêts existantes par suite des gestions forestières
et hors espace rural
– dans les constructions, via l’utilisation du bois
3.2.2 Utilisations éventuelles de biomasses forestières pour substituer
des combustibles fossiles, notamment du charbon.
Examen des possibilités futures de couplage de ces substitutions
avec la séquestration géologique dans le cas de sites fortement
émetteurs de CO2 (industries, centrales électriques)
Pierre COUTERON
et Arthur RIEDACKER,
avec des contacts Cirad Forêts Montpellier
(Olivier Hamel)
et Institut agronomique calédonien Nouméa
3.2.3 Quels outils d’évaluation du stock ?
3.3
Aspects économiques de la réduction des émissions nettes de GES
(CO2 et autres gaz) :
comparaison des potentialités et des coûts
des différentes options présentées dans les axes 1, 2 et 3,
principalement à moyen et long terme
Arthur RIEDACKER,
Philippe MENANTEAU
453
454
L’énergie dans le développement de la N.-C.
4
La géopolitique de l’énergie et du climat,
la coopération régionale
Coordonnateur : Sébastien VELUT
4.1
Quels scénarios d’approvisionnement en combustibles fossiles
et comment peuvent-ils affecter la sécurité énergétique ?
Que sait-on de la géologie de la zone, en termes de ressources
énergétiques ?
Sébastien VELUT, avec Patrice BABY
4.2
Explorer toutes les dimensions de la coopération régionale
énergétique : échange d’expériences et de compétences,
négociations d’accès aux ressources Sébastien VELUT, Yves LE BARS
4.3.1 Quels scénarios possibles d’insertion de la Nouvelle-Calédonie
dans la dynamique internationale de la convention des Nations-Unies
pour le climat, en intégrant en particulier la valeur du CO2 émis,
les contraintes et les bénéfices ; réduction et compensation ;
présentation de cas voisins
Arthur RIEDACKER
4.3.2 Analyse juridique des obligations internationales
attachées à ces scénarios et de leur impact sur la gouvernance
Laetitia GRAMMATICO
5
La gouvernance de l’énergie en Nouvelle-Calédonie
Conclusions
Coordonnateurs : Yves LE BARS et Sébastien VELUT
5.1
Quelle concrétisation, dans le contexte spécifique
de la Nouvelle-Calédonie, des options sur l’énergie au regard :
5.1.1 de l’aménagement du territoire
5.1.2 de la problématique foncière
Richard DARBERA
Elsa FAUGERE
5.1.3 des dispositifs tarifaires, réglementaires, fiscaux souhaitables visant
à la maîtrise de l’énergie, au développement de nouvelles énergies et
à la réduction des impacts environnementaux ? Philippe MENANTEAU
avec Richard DARBERA
5.1.4 de constitution de filières d’entreprises : formation, amorçage…
Mohamed ABDESSELAM
5.1.5 d’éducation à l’environnement et de sensibilisation aux éco-gestes
en matière d’énergie, pour un changement de pratiques ?
Bernard MULTON
Annexe 2 – Cahier des charges de l’expertise collégiale
5.2
Quelles responsabilités peuvent être assurées par les différents acteurs
(communes, provinces, congrès, gouvernement, Etat, producteurs,
concessionnaires…) : formes de régulation, de coordination
et de mutualisation
Laetitia GRAMMATICO
5.3
Quels axes de recherche privilégier dans le prolongement
de l’expertise ?
Partagé entre les experts
455
ANNEXE 3
Présentation du collège des experts
Mohamed ABDESSELAM
Directeur de la société Solener
Société Solener
48, rue Gustave Nadaud
59000 Lille
mohamed.abdesselam@solener.fr
Patrice BABY
Directeur de recherche
IRD
LMTG
14, avenue Edouard Belin
31400 Toulouse
patrice.baby@ird.fr
Pierre COUTERON
Directeur de recherche
IRD
UMR Amap, Cirad Montpellier
Bd de la Lironde
TA A-51/ P 52
34398 Montpellier cedex 5
pierre.couteron@ird.fr
Richard DARBÉRA
Chargé de recherche
CNRS
École nationale des Ponts et Chaussées
Cité Descartes
77455 Marne la Vallée
darbera@enpc.fr
Annexe 3 – Présentation du collège des experts
Elsa FAUGÈRE
Chargée de recherche
Inra
Ecodéveloppement site Agroparc
84914 Avignon
faugere@avignon.inra.fr
Laëtitia Grammatico
Responsable juridique
CEA – Agence Iter France
laetitia.grammatico@cea.fr
Yves Le Bars
Ingénieur général honoraire Génie rural eaux et forêts
Société YLB Conseils
YLB Conseils
47, avenue Léon Blum
92160 Antony
ylb.conseils@orange.fr
Philippe MENANTEAU
Ingénieur de recherche
CNRS/Université de Grenoble
LEPII
BP 47
38040 Grenoble cedex 9
philippe.menanteau@upmf-grenoble.fr
Jean-Michel MOST
Directeur de recherche
CNRS
Ensma
Laboratoire de combustion et de détonique
1, avenue Clément Ader
BP 40109
86961 Futuroscope cedex
jean-michel.most@lcd.ensma.fr
457
458
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Bernard MULTON
Professeur des universités
ENS Cachan
Satie – CNRS
Campus de Ker Lann
Avenue Robert Schuman
35170 Bruz
bernard.multon@bretagne.ens-cachan.fr
Arthur RIEDACKER
Directeur de recherche
Inra
91, bis avenue Georges Gosnat
94200 Ivry
a.riedacker@wanadoo.fr
Sébastien VELUT
Professeur des universités
Université de Paris-3 Sorbonne nouvelle
Institut des hautes études d’Amérique latine
Directeur adjoint
Centre de recherche et de documentation sur l’Amérique latine
28, rue Saint-Guillaume
75007 Paris
Sebastien.velut@univ-paris3.fr
ANNEXE 4
Présentation du comité de suivi
Constitué pour délivrer aux deux commanditaires de l’expertise collégiale
(Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, Représentation territoriale de
l’ADEME en Nouvelle-Calédonie) une information régulière et recueillir leurs
observations en relation étroite avec l’évolution des travaux du collège des
experts, le comité de suivi a été réuni à cinq reprises. Le directeur du
Département expertise et valorisation, Stéphane Raud, ainsi que le représentant de l’IRD en Nouvelle-Calédonie, Fabrice Colin, ont animé ces réunions.
Yves Le Bars, président du collège des experts, a été convié à l’ensemble de
ces réunions.
Lors de sa dernière réunion, le 16 décembre 2009, le comité a donné acte
de la remise du rapport final.
À l’initiative des commanditaires qui ont souhaité associer au suivi de
l’expertise collégiale les diverses parties prenantes en Nouvelle-Calédonie, le
comité était composé ainsi qu’il suit :
AGENCE DE L’ENVIRONNEMENT ET DE LA MAÎTRISE
Véronique REIX
Représentante territoriale de l’ADEME
101, promenade Roger Laroque
BP C5
98844 Nouméa cedex
Veronique.reix@ademe.fr
DE L’ÉNERGIE
ASSOCIATION DES MAIRES DE NOUVELLE-CALÉDONIE
Daniel FISDIEPAS
Président
Centre ville 32, rue Galliéni
98800 Nouméa cedex
BP 4018
98846 Nouméa cedex
amnc@amnc.asso.nc
(ADEME)
460
L’énergie dans le développement de la N.-C.
ASSOCIATION FRANÇAISE DES MAIRES
Yves MAGNIER
Représentant le président
Plum 3804 route du Sud
98809 Mont-Dore
ydmagnier@lagoon.nc
DE
NOUVELLE-CALÉDONIE
CONGRÈS DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
J.-L. D’ANGLEBERMES, puis Christine GOYETCHE
Chargée des questions relatives à la recherche
cgoyetche@congres.nc
CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL (CES)
Robert LAMARQUE
Président
BP 4766
98847 Nouméa cedex
ces@gouv.nc
DIRECTION DE L’INDUSTRIE, DES MINES ET DE L’ÉNERGIE
(DIMENC)
Adeline FABRE, puis Aurélien LOUIS
Directeur
BP 465
98845 Nouméa cedex
Aurelien.louis@gouv.nc
ÉLECTRICITÉ ET EAU DE NOUVELLE-CALÉDONIE (EEC)
Yves MORAULT
Directeur général délégué
BP F3
98848 Nouméa cedex
eec@eec.nc
SOCIÉTÉ NÉO-CALÉDONIENNE D’ÉNERGIE (ENERCAL)
Jean BEGAUD
Directeur général
87, avenue du Général de Gaulle
BP C1
98848 Nouméa cedex
jbegaud@canl.nc
DE
NOUVELLE-CALÉDONIE
Annexe 4 – Présentation du comité de suivi
ENSEMBLE POUR LA PLANÈTE (EPLP)
Benjamin VIVES, puis Martine CORNAILLE
Présidente
BP 2357
98846 Noumea cedex
cornaille@mls.nc
GOUVERNEMENT DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
Gérald CORTOT, membre du gouvernement, en charge de l’énergie
puis Philippe GOMES, président du gouvernement,
en charge des mines, de l’énergie et du transport aérien international,
et des questions relatives aux transferts de compétences et à la recherche
Artillerie 8 route des artifices
BP M2
98849 Nouméa cedex
GOUVERNEMENT DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
Service de l’aménagement et de la planification
Roger KERJOUAN
Chef de service
Immeuble Jacques Lékawé
14, rue Georges Clémenceau
BP M2
98849 Nouméa cedex
sap@gouv.nc
PROVINCE DES ILES LOYAUTÉ
Jacques WAMALO
Secrétaire général
BP 50
Wé 98820 Lifou
wamalo@loyalty.nc
PROVINCE NORD
Laurent LEBRUN
Directeur - Direction du développement économique
BP 41
98860 Koné
presidence@province-nord.nc
461
462
L’énergie dans le développement de la N.-C.
PROVINCE SUD
Serge NEWLAND
Secrétaire général
BP L1
98849 Nouméa cedex
cabinet@province-sud.nc
SOCIÉTÉ D’ÉQUIPEMENT DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
Aude ELANDALOUSSI
Chargée d’études
BP 2517
98846 Nouméa cedex
aude.elandaloussi@secal.nc
SÉNAT COUTUMIER
Ambroise DOUMAI
Président
BP 1059
98845 Nouméa cedex
senat-coutumier@gouv.nc
SYNERGIE
Barbara Vlaeminck
Présidente
Syndicat des professionnels des énergies renouvelables
36, rue Jules Calimbre
98800 Nouméa cedex
b.vlaeminck@srp-nc.com
SOCIÉTÉ DE SERVICES PÉTROLIERS (SSP)
Philippe NICOLET
Directeur général
BP L2
98849 Nouméa cedex
pnicolet@pacificpetrole.com
SOCIÉTÉ LE NICKEL (SLN)
Maurice VERNE, puis Frédéric FERRET
Société Le Nickel
BP E5
98848 Nouméa cedex
m.verne@eramet-sln.nc
Annexe 4 – Présentation du comité de suivi
UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS - QUE CHOISIR NOUVELLE-CALÉDONIE
Laurent TOURETTE, chargé de la cellule environnement à l’UFC-Que Choisir,
représentant le président Michel DAVAREND
BP 2357
98846 Nouméa cedex
nouvellecaledonie@ufc-quechoisir.org
VICE-RECTORAT DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
B. MASSON
Enseignant, représentant M. le Vice-recteur
BP G4
98848 Nouméa cedex
Vanessa.Calvet@ac-noumea.nc
463
ANNEXE 5
Abréviations
ADEME
Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie
AEE
Agence pour les économies d’énergie
AEU
Analyse environnementale urbaine
AIE
Agence internationale de l’énergie
ANR
Agence nationale de la recherche
ANU
Australian National University
Apec
Asia Pacific Economic Cooperation
Asean
Association of South East Asian Nations
BBC
Bâtiment basse consommation
BCA
Building code of Australia
BREEAM
Building Research Establishment’s Environmental Assessment
Method
CCNUCC
Convention cadre des Nations unies sur le changement
climatique
CCS
Carbone dioxide Capture and Storage
CEE
Certificat d’économie d’énergie
CER
Certified Emission Reductions
Cesi
Chauffe-eau solaire individuel
CFC
Chlorofluorocarbones
Citepa
Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution
atmosphérique
CNDP
Commission nationale du débat public
Annexe 5 – Abréviations
CNRS
Centre national de la recherche scientifique
CNRT
Centre national de recherche technique
CO2CRC
Cooperative Research Centre for Greenhouse Gas Technologies
CPS
Commission du Pacifique sud
CRE
Commission de régulation de l’énergie
CSIRO
Commonwealth Scientific and Industrial Research
Organisation (en Australie)
CSP
Concentrated Solar Power
CTME
Comité territorial pour la maîtrise de l’énergie
Dafe
Direction du service d’État de l’agriculture, de la forêt et de
l’environnement
DDEE
Direction du développement économique et de
l’environnement
DDR
Direction du développement rural
DGEC
Direction générale de l’énergie et du climat
Dimenc
Direction de l’industrie, des mines et de l’énergie en NouvelleCalédonie
Dreal
Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et
du logement
DTSI
Direction des technologies et services de l’information
ECS solaire Eau chaude sanitaire solaire
EER
Coefficient d’efficacité frigorifique
EESI
Efficacité énergétique des systèmes industriels
EMHV
Esters méthyliques d’huiles végétales
ENR
Énergies renouvelables
ETM
Énergie thermique des mers
F CFP
Franc Pacifique
465
466
L’énergie dans le développement de la N.-C.
FCME
Fonds de concours pour la maîtrise de l’énergie
FED
Fonds européen de développement
FTME
Fonds territorial de maîtrise de l’énergie
GES
Gaz à effet de serre
Giec
Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat
HFC
Hydrofluorocarbones
HQE
Haute Qualité environnementale
HVB
Huiles végétales brutes
IAC
Institut agronomique calédonien
ICPE
Installations classées pour la protection de l’environnement
IFP
Institut français du pétrole
Isee
Institut de la statistique et des études économiques
LBC
Lampe basse consommation
LCD
Liquid crystal display
LED
Diode électroluminescente
LEED
Leadership in Energy and Environmental Design
LFC
Lit fluidisé circulant
MDE
Maîtrise de la demande en énergie
MDE
Marché des droits d’émissions
MDP
Mécanisme de développement propre
MEEDDM Ministère chargé de l’Écologie, de l’Énergie, du
Développement durable et de la Mer
OCDE
Organisation de coopération et de développement
économiques
Ogaf
Opérations groupées d’aménagement foncier
OMM
Organisation mondiale de la météorologie
Annexe 5 – Abréviations
OPECST
Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et
technologiques
Otec
Ocean Thermal Energy Converter
OTTV
Overall Thermal Transfer Value
PDAN
Plan de déplacement de l’agglomération nouméenne
PDU
Plan de déplacement urbain
PFC
Perfluorocarbones
PNAEE
Plan national d’amélioration de l’efficacité énergétique
PNAQ
Plan national d’allocation des quotas
PNLCC
Plan national de lutte contre le changement climatique
PNUE
Programme des Nations unies pour l’environnement
PPIPE
Programmation pluriannuelle d’investissements pour la
production électrique
Prerure
Plan régional des énergies renouvelables et d’utilisation
rationnelle de l’énergie
PRG
Potentiel de réchauffement global
PRME
Programme régional de maîtrise de l’énergie
PTE
Permis temporaire d’exploitation
PTME
Programmes territoriaux de maîtrise de l’énergie
PV
Photovoltaïque
RAP
Récupération assistée de pétrole
SAE
Surface agricole entretenue
Saem
Société anonyme d’économie mixte
Scan
Schéma de cohérence de l’agglomération de Nouméa
Shon
Surface hors œuvre nette
SLN
Société Le Nickel
467
468
L’énergie dans le développement de la N.-C.
SMG
Salaire minimum garanti
STCPI
Société territoriale calédonienne de participation industrielle
Step
Stations de transfert d’énergie par pompage
TAG
Turbine à gaz
TER
Taxe parafiscale pour les énergies renouvelables
UE
Union européenne
UICN
Union internationale pour la conservation de la nature
ZEE
Zone économique exclusive
ANNEXE 6
Personnes à remercier
pour leur contribution
Michel ALLENBACH, chargé de mission, Université de la Nouvelle-Calédonie
Gilles BEAUDOU, directeur adjoint, Direction de l’agriculture, de la forêt et de
l’environnement
François BERGER, directeur de la Distribution EEC
Andrew BLAKERS, directeur, Centre for Sustainable Energy Systems
Philippe BOURGINE, forestier, Direction du développement rural Province Sud
Yann-Eric BOYEAU, chef de projet, Direction des technologies et des services
de l’information, Nouméa
Martin BRINKERT, Direction du développement économique et de l’environnement, Province Nord
Jacques BUGUET, conseiller diplomatique, Haut-commissariat
Jean-Jérôme CASSAN, ingénieur Environnement, DDE Province Nord
Sylvie CHRISTOPHE, attachée de coopération et d’action culturelle, Ambassade
de France en Australie
Dominique CLUZEL, géologue, Université de la Nouvelle-Calédonie
Peter COOKE, directeur général, CO2 CRC
Martine CORNAILLE, présidente, Ensemble pour la planète
Guillaume DRÉAU, ingénieur Énergies nouvelles, Société de recherche du Pacifique
Glenne DROVER, Department of innovation, industry and regional development,
State government of Victoria
Adeline FABRE, directrice, Dimenc
Eric FAVRE, responsable d’équipe, laboratoire des Sciences du génie chimique
470
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Michel FILHOL, ambassadeur de France en Australie
Guy FOHRINGER, président, Action biosphère
M.de GARRIGUE, directeur technique, Enercal
Hubert GERAUX, coordinateur écorégional Milieux terrestres, WWF
Paul GRAHAM, économiste, CSIRO
Caroline GROSEILLE, Direction pour l’environnement, Province-Sud
Frédéric GUILLARD, chef du service Géomatique, Direction des technologies
et des services de l’information, gouvernement de la Nouvelle-Calédonie
Glenn HART, coordinateur de projet, CSIRO
Tanguy JAFFRE, chercheur émérite, IRD
Ali KARIMI, directeur Syndicat intercommunal du Grand Nouméa
Mme KERJOUAN, UFC Que choisir ?
Roger KERJOUAN, chef de service, SAP, gouvernement de la Nouvelle-Calédonie
Frédéric LAGUT, Observatoire de l’énergie, Dimenc
Christophe LAPOUS, adjoint du directeur de la production, EEC
Jean-Louis LATOUR, chef de la mission économique, Ambassade de France
en Australie
Jean LAURENT, chef Service géologique, Dimenc
Jérôme LEFEVRE, ingénieur Modélisation fluidique, Institut de recherche
pour le développement
Jack LEGRAND, professeur des universités, Université de Nantes
Guilhem LENIAL, ingénieur Environnement, chargé de mission Énergie ADEME
Laurent L’HUILLIER, Institut agronomique néo-calédonien
François MADEMBA-SY, directeur, Direction du développement rural (DDR),
Province Sud
Pierre MAURIZOT, géologue, BRGM
Annexe 4 – Personnes à remercier pour leur contribution
Jacques MERMOUD, président, Point Zéro
Simone MIGNARD, PDG Secal
Christophe MENKES, chercheur océanographe IRD
Jean-François MERLE, conseiller d’État
Yves MORAULT, directeur général d’EEC
Jean-Xavier MORIN, directeur Recherche et développement, Alstom-Power
Environment
Brendan MORLING, chef de division, Department of Ressources, Energy and
Tourism, Gouvernement d’Australie
Bastian MORVAN, chef du service Energie, Dimenc
Jérôme MUNZINGER, chargé de recherche, Institut de recherche pour le développement
M. NETHING, chef de service, Enercal
Anaïs ODDI, ingénieure forestier, Direction du développement rural, Province
Sud
Jean-Louis PANTZ, chef de service Études générales programmes, EEC
Christian PAPINEAU, directeur du programme Forêt sèche
Gwen PATUREL, directeur de Vergnet Pacific
Thierry PITOU, directeur Direction des infrastructures, de la topographie et
des transports terrestres (DITTT), gouvernement de la Nouvelle-Calédonie
Glenn PLATT, chef de projet, CSIRO
Christian PLAZANET, chef du département Hydrométallurgie, Eramet
M. POILVE, SLN
Roger POUTYELA, ingénieur Environnement, Direction du développement
économique et de l’environnement, Province Nord
Jean-Jacques REVERDY, Direction des affaires industrielles, Eramet
Jérôme RÉVOLE, attaché commercial, ambassade de France en Australie
471
472
L’énergie dans le développement de la N.-C.
Nicolas RINCK, chargé de projets pour le développement durable, Direction
pour l’environnement Province Sud
Patrick ROUSSEL, ambassadeur, ministère de l’Outre-mer
Robert ROWLAND, chercheur, CSIRO
Joseph SALIGA, président de Karuia (transport en commun de la ville de
Nouméa)
Stéfan SONTHEIMER, directeur délégué Aérowatt NC
Jérôme SPAGGIARI, Conservation international
Anne ROSAIRE, chef du département Observatoire économique, Institut de
la statistique et des études économiques
Michel THIBIER, conseiller scientifique, ambassade de France en Australie
M. TOURETTE, UFC Que choisir ?
Maurice VERNE, directeur de missions techniques de la SLN
Emmanuel VINCENT, directeur de Tenesol Nouvelle-Calédonie
Benjamin VIVES, Ensemble pour la planète
Jacques WAMALO, secrétaire général de la Province des Iles Loyauté
59, Av. Émile Didier
05003 Gap Cedex
Tél. 04 92 53 17 00
Dépôt légal : 122
Avril 2010
Imprimé en France
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Les eaux de mouillage des machines, les plaques, les produits
de développement et les chutes de papier sont recyclés.
Imprimerie certifiée IMPRIM’VERT.