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Eau des Villes et Eau des Champs

2009, Économie rurale

Économie rurale Agricultures, alimentations, territoires 310 | Mars-avril 2009 La gestion de l'eau en France Eau des Villes et Eau des Champs Vers des accords coopératifs entre services publics et agriculteurs ? Towards cooperative agreements between water utilities and farmers in France Bernard Barraqué et Christophe Viavattene Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/economierurale/708 DOI : 10.4000/economierurale.708 ISSN : 2105-2581 Éditeur Société Française d'Économie Rurale (SFER) Édition imprimée Date de publication : 5 avril 2009 Pagination : 5-21 ISSN : 0013-0559 Référence électronique Bernard Barraqué et Christophe Viavattene, « Eau des Villes et Eau des Champs », Économie rurale [En ligne], 310 | Mars-avril 2009, mis en ligne le 01 mars 2011, consulté le 02 mai 2019. URL : http:// journals.openedition.org/economierurale/708 ; DOI : 10.4000/economierurale.708 © Tous droits réservés Eau des Villes et Eau des Champs Vers des accords coopératifs entre services publics et agriculteurs ? Bernard BARRAQUÉ • CNRS, Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (CIRED), Nogent/Marne Christophe VIAVATTENE • Flood Hazard Research Centre, Middlesex University, Enfield (U.K.) es mesures réglementaires de protection de la ressource en eau tendent à être Lcomplétées par des dispositifs d’incitation des agriculteurs à réduire l’utilisation d’intrants (Villey et al., 2001). Dans certains cas, les coûts d’actions volontaires, locales et plus ambitieuses, sont compensés par des fonds issus d’augmentations de prix de l’eau potable. Quatre Länder (République fédérale allemande), dont la Bavière, ont choisi cette voie. En France, on connaît bien le cas de l’eau minérale de Vittel. Mais il manque encore un inventaire, une analyse et une évaluation systématiques des Accords coopératifs (AC) éventuellement passés par les services publics d’eau potable. Celle-ci ayant une valeur économique très nettement plus grande que les profits de l’agriculture intensive, l’échange entre les deux types d’acteurs est a priori économiquement réaliste. Le projet EVEC1 (Eaux des Villes, Eaux des Champs) a donc cherché en France des cas où ont été tentées de nouvelles approches territoriales négociées pour protéger la ressource en eau (solution préventive) comme alternative à une sophistication croissante des procédés de traitement de l’eau (solution curative), et au recours à des approfondissements de forages existants, à la recherche de nouveaux forages ou à des 1. Quatre équipes de recherche (LATTS, CERTOP, Cemagref, CREDECO) ont été associées dans ce projet financé par le CNRS (PIDUD), le MEDD – D4E, l’AESN et la FPEE. Un premier contrat (Salles, Barraqué, Garin, 2006) a été prolongé : voir le rapport final sur : http://www.territoiresrdd.net/recherches_axe1.html interconnexions (solution palliative). Déclarons tout de suite que compte tenu de la petitesse moyenne des réseaux de distribution d’eau en France, c’est à cette troisième solution qu’on pense d’abord, puis à la seconde, et la prévention par AC avec les agriculteurs reste rare : avec plus de 10 000 unités de gestion et plus de 30 000 points de captage, la France doit d’abord concentrer ses services publics, et de nombreux départements travaillent à des schémas regroupant les unités sur des points de captage plus « sanctuarisés ». À l’inverse, nous savons que Paris, tout comme New York, mène depuis longtemps une politique d’accompagnement de la protection sur des territoires dont le développement économique est contraint. Comment se développent ces actions, avec quels acteurs, et pourquoi y en a-t-il si peu en France ? Au passage, nos études de cas ont contribué à un inventaire, une caractérisation et une évaluation comparée, des dispositifs de protection de l’eau destinée à l’alimentation humaine ou ayant un effet indirect sur celle-ci : la procédure des périmètres de captage avec des servitudes plutôt imposées, et les Mesures agro-environnementales (MAE) plus incitatives de la PAC. Dans la plupart des cas que nous avons analysés, il n’y a pas eu de démarche préventive négociée avec les agriculteurs. Ils permettent d’analyser la situation de base, de loin la plus répandue, par conséquent les blocages et les limitations fréquemment rencontrés. Aux États-Unis, ces politiques, et les réflexions qui les ont précédées, sont conduites avec une certaine antériorité par ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 • 5 Eau des villes, eau des champs : les accords coopératifs rapport à l’Europe. Un courant disciplinaire appelé Law & Economics étudie comment recombiner la réglementation et l’incitation économique pour une action publique plus efficace. Autrement dit, comment donner une valeur économique digne de son rôle à la nature ? L’expérience américaine des paiements pour services écosystémiques Un long article (Salzman, 2005), consacré aux services écologiques rendus à la société par les propriétaires ruraux contre indemnisation, commence ainsi : « Les services écosystémiques sont créés par les interactions d’organismes vivants avec leur environnement, et ils soutiennent notre société en lui apportant de l’eau et de l’air purs, en décomposant les déchets, en pollinisant les fleurs, en régulant le climat, et en fournissant toutes sortes d’autres avantages. Pourtant, à de rares exceptions près, ces services ne sont pas rémunérés par des marchés ni explicitement protégés juridiquement. Ces dernières années, des initiatives en nombre croissant partout dans le monde ont cherché à créer des marchés pour ces services, certaines prises par des gouvernements, d’autres issues de projets purement privés. Ces expériences ont démontré qu’investir dans du capital naturel plutôt que financer de la technologie pouvait avoir du sens à la fois aux plans économique et politique. [...].Cet article examine les enjeux et les opportunités d’une approche en termes de services écosystémiques pour la protection de l’environnement. Il passe en revue l’éventail des types de paiements qu’on rencontre, et identifie les principales conditions nécessaires pour la conception de ces instruments. Il rebondit sur ces analyses pour élaborer une réflexion sur les enjeux politiques de fond du paiement des améliorations de l’environnement. Malgré leur (mauvaise) réputation de subventions dispendieuses et inefficaces, les démarches 6 • ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 de compensation monétaire sont omniprésentes dans le droit et dans la politique de l’environnement, aux États-Unis et ailleurs ». Depuis quelques années, « neuf ans » dit l’auteur, cette idée s’est institutionnalisée : aux États-Unis l’Environmental Protection Agency (EPA) a créé en 2003 un Comité consultatif scientifique sur la valorisation de la protection des écosystèmes et de leurs services ; l’Australie s’est dotée d’un Comité similaire de haut niveau appelé le Wentworth Group ; au Costa Rica, le gouvernement a adopté un dispositif national de Paiements pour services écosystémiques (PSE). La réflexion part d’une analyse de l’expérience du Conservation Reserve Program (CRP) des États-Unis qui constitue l’un des systèmes de PSE les plus importants du monde. Créé dans les années 1980 pour réduire l’érosion et aider des agriculteurs à l’occasion d’une crise du marché, il conduit à dépenser (en 2004) 1,6 milliard de dollars ($) pour des actions couvrant 13,6 millions d’ha. On estime que sur ces terrains (avec des contrats de 10 à 15 ans) l’érosion a diminué de 21 % et que le lessivage des nitrates et des pesticides se sont également réduits. Mais le CRP a aussi ses détracteurs : on risque de déplacer le problème (des agriculteurs labourent de nouvelles terres à la place) ; les terrains à protéger n’ont pas été bien choisis, et les contrats ne protègent pas grand-chose ; le programme envoie « le mauvais message », car les fermiers qui protégeaient déjà leurs terrains de l’érosion ne sont pas éligibles au CRP ; enfin, les agriculteurs sont soupçonnés d’entente illicite dans les procédures d’appel d’offres. En cas de market failure (dysfonctionnement du marché), l’intervention des autorités est nécessaire, et l’auteur voit cinq possibilités, appelées les « 5P » : 1. la prescription : l’approche réglementaire et le command-and-control, sont adaptés pour lutter contre la pollution ponctuelle industrielle, moins pour la pollution diffuse ; RECHERCHES Bernard BARRAQUÉ, Christophe VIAVATTENE 2. la pénalité : il ne s’agit plus d’interdire ou de réglementer les activités, mais de les soumettre à des redevances. Nous connaissons cette approche en France ; 3. la persuasion : en informant les propriétaires fonciers ou les exploitants sur les effets négatifs de leurs pratiques et sur les alternatives : on vise une autorégulation ; 4. la propriété : la ressource est répartie et privatisée, et on encourage ensuite la vente des droits de propriété ; le plus souvent, cet outil n’est pas utilisé seul et une réglementation doit d’abord créer la rareté ; 5. le paiement : il s’agit de subventionner, directement ou par des dégrèvements fiscaux, des pratiques bénéfiques pour la société mais non intégrées au marché. Le caractère grossier de bien des expériences (du genre « la même taille pour tous ») a conduit à les mettre en doute ; mais certaines tentatives plus récentes ont en partie répondu à cet argument d’inefficacité, en introduisant de fait une émulation entre les partenaires potentiels. Après d’autres études de cas, Salzman rappelle : « Quel que soit l’outil préféré parmi les 5P, il faut déterminer quel service doit être fourni, comment il doit l’être, qui le fournit, et combien payer. » Tous les services écosystémiques ne peuvent pas faire l’objet de marchés intéressants. En revanche, en pratique, il suffit souvent de pouvoir comparer les PSE au coût d’une solution technologique. Salzman n’esquive pas la question de la légitimité des paiements et a contrario il présente diverses critiques : il évoque notamment le « principe pollué-payeur » et les effets pervers des subventions ; la marchandisation de l’environnement sape la nouvelle Exemple New York doit faire face à une injonction de l’US EPA de filtrer son eau, provenant pourtant à 90 % des Catskills, une zone déjà protégée, située à 200 km. Le coût de la filtration se situait entre 6 et 8 milliards de $. La ville a pu se dégager de cette obligation en lançant un programme de reconquête de la qualité de l’eau brute, basé sur des acquisitions foncières et sur d’autres mesures, pour seulement 1,5 milliard de $. Et en 1996, l’EPA avait identifié 140 municipalités qui utilisaient la protection des milieux aquatiques comme moyen d’améliorer la qualité de l’eau destinée à l’alimentation humaine. Le cas de New York est plus connu à cause du conflit suscité : « les riches des villes » allaient régenter les pratiques agricoles à 200 km sans consultation préalable. Il a fallu 2 ans et 150 réunions pour arriver à un compromis signé avec 60 villes, 10 villages, 7 comtés et divers groupes de défense de l’environnement. Une corporation du Bassin des Catskills, à but non lucratif, a été créée pour gérer l’affaire. L’essentiel des investissements a cependant concerné les réseaux d’égouts et les stations d’épuration dans la région, ainsi que des projets de développement local ; l’acquisition de terrains et de servitudes n’a représenté que 250 millions de $, et des programmes en partenariat ont représenté 270 millions. Seulement 160 ha ont fait l’objet d’une plantation d’espèces indigènes au bord des cours d’eau, alors que la ville offrait 250 $/ha par an pour un contrat de 15 ans. C’était semble-t-il moins que ne rapporte le maïs. Peu de terrains ont été acquis, car l’annonce d’un important programme d’acquisition lors de la signature du contrat a fait monter les prix... Mais les fermiers ont su tirer parti des services de conseils gratuits pour les bonnes pratiques agricoles ; en définitive, l’objectif a été atteint, puisque EPA a accordé cinq ans de grâce (jusqu’en 2007) à New York avant de décider ou non d’imposer la filtration. ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 • 7 Eau des villes, eaux des champs : les accords coopératifs éthique recherchée. Mais depuis le temps que cette discussion dure (cf. Ellickson, 1973), la question essentielle n’est pas tant la prévention de beaucoup d’économistes contre toute forme d’aide, que de savoir s’il faut encourager le changement des utilisations du sol par des compensations plutôt que par la coercition, et ce que cela signifie pour notre représentation de ce que sont les droits et les devoirs de la propriété. Mais les autres « P » sont aussi discutables. Ceci conduit l’auteur à en proposer une utilisation combinée, les paiements étant utilisés de façon transitoire, le temps de faire accepter les nouvelles normes. Finalement, les PSE peuvent être préférés à d’autres instruments dans de nombreuses situations : – lorsque le droit est du côté des offreurs et que les moyens réglementaires sont limités ; – lorsque l’asymétrie d’information est importante, et/ou que les coûts d’obtention de l’information sont élevés ; – quand le territoire visé est hétérogène et qu’on recherche des changements ponctuels de pratiques, par rapport à une norme sociale moins stricte que ce qui est désiré ; – lorsque le contexte politique est semblable à celui de la négociation du changement climatique : en l’absence d’une autorité supérieure, la coercition est impossible. L’auteur favorable aux approches négociées, ciblant les aides au niveau local, cite Ellickson (1973) pour nous rappeler utilement la position d’Alasdair Pigou : « Les chercheurs d’aujourd’hui seraient surpris d’apprendre que Pigou pensait que la bonne manière de réduire la pollution de l’air est de donner des récompenses aux usines qui réduisent leurs émissions, plutôt que de taxer les pollueurs. À une époque où il était normal d’utiliser des poêles à charbon très polluants, Pigou avait sans doute raison d’admettre que les récompenses constituaient la méthode d’internalisation la plus efficace, et de considérer les rares non-pollueurs comme des producteurs d’externalités positives.» 8 • ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 Les accords coopératifs dans trois pays européens En Europe, une analyse comparative sur quelques pays a été conduite par un partenariat financé par l’Union européenne (Brouwer et al., 2003). Les trois équipes qui se sont réunies étaient néerlandaise, allemande et britannique. La France a été couverte plus sommairement. Les critères retenus pour définir les Cooperative Agreements (accords coopératifs ou AC), sont : – le volontariat des parties prenantes, – l’autorégulation entre les acteurs, – la participation d’un gestionnaire d’eau potable à la négociation ou au financement, – le caractère localisé et spécifique du partenariat. Les AC étudiés sont donc distincts des mesures agro-environnementales : ils visent à aller au-delà des normes imposées par la Directive nitrates2 ainsi que par la Directive eau potable, voire même à faire baisser la contamination en dessous de la valeur guide pour les nitrates (25 mg/l). Pour cadrer théoriquement l’enquête, les auteurs se sont appuyés sur des approches qui traitent de la gouvernance autonome des usagers des ressources naturelles, et qui rejettent le discours idéologique de la « tragédie des communaux » de Hardin : par exemple la gestion communautaire de Elinor Ostrom ; la négociation de Ronald Coase ; et l’approche par les réseaux sociaux. La première est adaptée à la résolution d’un problème local, et passe par la mise en place de règles de type communautaires. Cependant, il n’existe en général aucun sentiment d’appartenance à la même communauté entre des agriculteurs et un distributeur d’eau, fûtil public : ils n’ont guère de valeurs en commun ni de tradition de réciprocité, ils n’ont pas de relations multiformes, et la plupart des agriculteurs n’ont pas le senti2. Directive 91/676 CE qui oblige à conduire des actions de reconquête du milieu dans les « zones vulnérables », où le seuil moyen de 40 mg/l de nitrates a été dépassé. RECHERCHES Bernard BARRAQUÉ, Christophe VIAVATTENE ment d’être eux-mêmes victimes de la pollution diffuse dans l’eau. On serait plutôt dans la négociation, selon Coase, entre deux usagers de la même ressource : s’il revient moins cher au secteur de l’eau potable de dédommager les agriculteurs que d’investir dans des solutions techniques, la négociation devrait aboutir. Pourtant ce n’est pas si simple en pratique : s’éloigner par trop du principe pollueurpayeur, qui est l’un des principes de base de la politique de l’environnement de l’UE, conduit à soumettre différentes catégories d’usagers de l’eau à des règles très différentes : cela pose un problème politique. C’est pourquoi les auteurs se sont tournés vers une approche plus empirique en termes de réseaux sociaux : on se centre sur la capacité à mobiliser des ressources sociales en face des contraintes et des opportunités d’un contexte social particulier, d’une histoire culturelle spécifique, qui peut changer dans le temps. Cela permet d’ailleurs de mieux comprendre les différences entre les différents cas étudiés : certains se développent sur fond d’expériences de partenariats plus anciennes, mais aussi de régimes de propriété variant selon les endroits. En définitive, si l’on ne prend pas les AC comme des modèles de portée générale, on peut trouver un intérêt à leur existence temporaire, le temps que se fasse l’acculturation à la nouvelle norme sociale selon laquelle l’agriculture intensive est polluante, et donc sujette à des contraintes comme les autres pollueurs. « En tant que solutions d’autogestion, les AC ne sont pas une alternative à des obligations réglementaires ou à des systèmes généraux de taxes ou de compensations (les MAE par exemple), mais ils viennent plutôt soutenir ces outils plus traditionnels. Ce livre montre la tendance à développer des politiques agro-environnementales mêlant instruments volontaires et réglementaires, qui, séparément, seraient incapables de réguler les pratiques... » (Brouwer et al., 2003, introduction). • Aux Pays-Bas, c’est la réglementation des zones de protection des eaux souterraines, qui est à l’origine des démarches contractuelles. En effet, les agriculteurs concernés pouvaient exiger des compensations selon la procédure Agriculture Settlement Claim ; le contentieux apparaissant contre-productif, l’approche dite de paiements sur résultats fut préférée. Les agriculteurs ont vite réalisé que la réglementation ne pouvait que se renforcer à leur encontre, et qu’il fallait changer de méthodes de production pour une gestion de l’eau plus durable. De plus, une émulation s’est produite, certains agriculteurs voulant avoir l’image de pionniers vis-à-vis des demandes exprimées par l’opinion et matérialisées par les sociétés de distribution d’eau. Aujourd’hui les AC perdent de l’importance, par rapport à un retour vers les politiques réglementaires : c’est de plus en plus le command-andcontrol, qui sera pratiqué, et de façon uniforme dans le pays. Les AC auront joué leur rôle dans l’apprentissage collectif des agriculteurs. • En Allemagne, les politiques liées à la pollution diffuse sont différenciées selon les Länder. Il n’existe pas de taxes sur les pesticides et les engrais : elles sont considérées comme peu efficaces. En revanche, la plupart des Länder ont créé une redevance sur les prélèvements d’eau (notamment d’eau potable) qui peut être utilisée pour protéger les eaux souterraines3. Le Land de Bade-Wurtemberg a systématisé des servitudes compensées aux agriculteurs pour réduire le reliquat d’intrants en fin de saison de cultures (il vise à protéger ainsi jusqu’à 25 % de son territoire). D’autres préfèrent soutenir des actions plus locales et plus ambitieuses : garder une eau aussi naturelle que possible a conduit à réduire la contamination en deçà des valeurs guides, en s’y prenant dès qu’elles étaient atteintes ; l’implication 3. En Allemagne, elles sont utilisées pour produire les deux tiers de l’eau potable. ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 • 9 Eau des villes, eaux des champs : les accords coopératifs des entreprises municipales (ou intercommunales) de distribution d’eau dans des partenariats avec les agriculteurs permet de mobiliser la facture d’eau potable. Comme aux Pays-Bas, l’appartenance des entreprises de distribution d’eau à des collectivités publiques leur donne davantage de légitimité pour intervenir sur le territoire. Les périmètres de captage semblent plus étendus et surtout plus stricts qu’en France. En revanche, les agriculteurs peuvent exiger des paiements compensatoires. Les accords volontaires jouent alors un rôle majeur dans la protection des captages (435 accords en 2003), et ils peuvent être combinés avec les programmes agro-environnementaux. On les trouve essentiellement en Basse Saxe, Rhénanie du Nord Westphalie, Hesse et Bavière (1/3 des AC dans ce seul Land). En général, on constate d’abord un changement de pratiques agricoles : fertilisation plus précise, davantage de cultures intermédiaires et maintien en place plus longtemps ; en Bavière, le changement va jusqu’à la conversion à l’agriculture biologique. En ce qui concerne l’impact sur la contamination des sols, malgré des variations dues au climat et à la géologie, on constate une nette diminution des teneurs en nitrates dans les zones d’AC : en 6 ans, les zones en dessous de 60 kg N/ha en Nmin sont passées de 12 à 44 % en proportion, et celles à plus de 120 sont descendues de 46 à 22 %. Enfin, l’impact sur la qualité des eaux souterraines est aussi positif, bien que plus difficile à évaluer du fait de l’hystérésis de la contamination des sols. Le coût de ces AC reste modeste, puisque rapportés au m3 d’eau il se situe entre 0,005 et 0,10 euros (€). Surtout, ils rendent l’application des mesures réglementaires plus effective. • L’Angleterre offre un cas inverse : il n’y a guère d’accord de partenariat dans ce pays. Cela résulte non seulement d’une tradition de captage d’eau potable en rivière, mais surtout de l’approche libérale et étatique à la fois en matière de services publics. En 10 • ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 effet, les services d’eau et d’assainissement sont rendus par des compagnies puissantes et concentrées : elles devraient pouvoir entrer facilement en négociation avec des agriculteurs. Mais, contrepartie du monopole, c’est l’Office of Water Services (OFWAT) qui fixe le prix de l’eau de chaque société de distribution pour 5 ans, en fonction de l’inflation et des besoins d’investissement à venir (à la hausse) et des gains d’efficacité demandés (à la baisse). Si une société réussit à signer un contrat avec les agriculteurs, elle ne peut pas répercuter la compensation versée sur le prix de l’eau payé par les abonnés, sauf à avoir convaincu à l’avance l’OFWAT qu’un certain volume de contrats serait signé. La libéralisation s’accompagne d’une régulation centralisée qui entraîne une sectorisation verticale des politiques, et c’est sur cette logique que s’applique le principe pollueur-payeur dans la version préférée des économistes de l’environnement, c’est-à-dire dans la confrontation « principal-agent », et non dans la négociation « à la Ronald Coase ». Et puisque l’industrie de l’eau est dominée par les ingénieurs, ce sont les solutions techniques qui sont privilégiées. Comme en France, des programmes agro-environnementaux, assortis de compensations aux agriculteurs, ont été lancés peu avant l’adoption de la Directive nitrates, mais ils semblent avoir été plus nombreux pour la protection de la biodiversité, les paiements étant assurés par des fondations et des organisations de défense de la nature. Des MAE assorties de compensations et concernant l’eau ont été officialisées dans les Nitrate Sensitive Areas (NSA) en 1994 ; Il s’agissait de préparer le monde agricole à l’adoption des zones vulnérables prévues par la Directive ; mais dès 1998, le programme a été arrêté, et seules les 32 NSA fixées auparavant peuvent se poursuivre jusqu’à leur terme ; les 36 autres Nitrate Vulnerable Zones (NVZ) font désormais l’objet de mesures réglementaires non-compensées. Au total, les 68 NVZ représentent RECHERCHES Bernard BARRAQUÉ, Christophe VIAVATTENE 600 000 ha. Le plus souvent, la contribution des sociétés de distribution d’eau a été limitée à la réalisation et à la diffusion de documents sur l’agriculture raisonnée et la gestion intégrée par bassin-versant. De toute façon, les MAE se limitent généralement à la mise en place d’une animation pour apprendre aux agriculteurs qu’ils peuvent économiser sur les intrants, et donc y gagner sans qu’on les aide davantage. Il était difficile de finir cette étude européenne sans un chapitre sur la France. Par opportunité, l’analyse des AC dans notre pays a été sous-traitée à Anjou-Recherches, filiale de Veolia Eau. Peu au fait, semble-til, de l’existence d’accords coopératifs spécifiques4, ces partenaires français ont choisi de présenter les opérations ferti-mieux et irrimieux. Ils ont admis le caractère limité des programmes suivis par l’Association nationale pour le développement agricole (Anda), voire leur position hors du champ des accords partenariaux ; mais les coordinateurs du livre ont estimé qu’ils « peuvent être considérés comme un genre spécial d’AC, puisque les distributeurs d’eau partagent les coûts des Agences de l’eau (en payant des redevances de prélèvement) qui jouent un rôle clé dans [le financement] des AC. De plus, les opérations se centrent spécifiquement sur des bassins versants localisés » (Brouwer et al. 2003). Or, non seulement ces opérations « mieux » représentent un investissement très marginal des Agences de l’eau5, mais elles correspondent aussi à des 4. À l’époque de la recherche présentée dans ce livre, Marc Benoît (Inra Mirecourt) suivait de véritables AC pour l’eau potable dans le territoire de Rhin Meuse, et pas seulement le cas exceptionnel de Vittel, internationalement connu, et qui aurait mérité une étude de cas. 5. L’auteur du chapitre sur la France mentionne un coût moyen par opération ferti-mieux de 88 550 €, soit 3,50 €/ha, auquel on doit ajouter le coût d’administration des procédures. Doit-on s’étonner de la modicité des résultats ? MAE nationales et forfaitaires, et similaires aux mesures adoptées dans les autres pays étudiés, qui eux, ne les considèrent pas comme des AC. Leur efficacité est limitée (Busca, 2002). L’auteur du chapitre mentionne certes le cas exceptionnel de la Société anonyme de la gestion des eaux de Paris (SAGEP), créée en 1984 pour produire l’eau de la capitale, qui contribuait alors pour 24 % au montant des dépenses de certains contrats passés avec les agriculteurs. Mais ce cas n’est pas présenté en détail, contrairement à ceux du projet EVEC. Méthode et résultats Nos équipes ont pu conduire 12 études de cas en profondeur, variées par la région, le type de pollution diffuse, et surtout la taille des unités de distribution d’eau. Nous n’avons pas trouvé de cas de partenariat lancé dès l’atteinte des valeurs guides comme en Allemagne. Dans tous les cas, les unités de distribution d’eau devaient faire quelque chose, car le niveau de contamination atteignait ou dépassait les normes. La méthode consiste d’abord à resituer le cas dans le double contexte, départemental et régional de la protection des captages d’une part, et des MAE d’autre part. Puis des entretiens ont été conduits avec les acteurs locaux, y compris des agriculteurs. Cette approche permet de faire d’abord le point sur la situation générale de relatif blocage. De plus, contrairement à ce qui nous était parfois annoncé comme un accord coopératif, très peu ont effectivement mobilisé la facture d’eau potable pour aider les agriculteurs à ne plus dégrader la ressource en eau. Le plus souvent, on ne s’est guère éloigné de mesures agro-environnementales classiques, ou bien on a accompagné la mise en place d’un périmètre de captage rapproché. Dans ce cas, on s’est situé dans une logique historique bien française de confrontation entre contrainte publique et propriété privée ; on n’a pas offert de compensations très ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 • 11 Eau des villes, eaux des champs : les accords coopératifs intéressantes aux agriculteurs6, et par contrecoup, on a essentiellement imposé des servitudes en périmètre rapproché, alors même que ce dernier n’est pas fait pour protéger contre des pollutions diffuses à long terme, mais contre des pollutions accidentelles. L’hostilité de nombreux agriculteurs, la perte de légitimité des chambres d’agriculture sur ces dossiers, dès qu’il s’agit d’aller vraiment au-delà d’une simple animation autour des bonnes pratiques agricoles et d’une agriculture raisonnée, font que bien des services d’eau potable sont tentés en définitive par une politique de « sanctuarisation » : on rachète les terres bien au-delà du périmètre immédiat, et on les boise. Cette stratégie accompagne de fait une concentration des unités de gestion, qui se fait en pratique dans le cadre des schémas départementaux d’alimentation en eau potable : avec plus de 10 000 unités de gestion, et environ 30 000 points de prélèvement en eau souterraine, la France se trouve dans une situation d’émiettement de ses services publics qui rend bien difficile l’application des directives européennes. Pourtant, on trouve des exceptions : certaines villes comme Auxerre ont fait un AC avec les agriculteurs. Dans cet article nous préférons nous limiter à ce cas pour illustrer la méthode. Les captages de la plaine du Saulce Un cas de paiements pour services écosystémiques ? La situation du département de l’Yonne (carte 1), est présentée en détail dans l’étude de cas7 : on observe une pollution diffuse croissante en nitrates et en pesticides (Diren, 2006) du fait de l’activité agricole8. Quelques vignobles se situent sur les coteaux au sud du département aux alentours d’Auxerre, de 6. Notamment parce qu’on indemnise le propriétaire des terrains, et beaucoup moins son exploitant. 7. Voir le rapport sur le site mentionné en note 1. 8. Selon l’état des lieux 2004 du bassin SeineNormandie, 46 masses d’eau souterraines sur 53 sont classées à risque dont 39 vis-à-vis des paramètres nitrates et pesticides. 12 • ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 Chablis et de Tonnerre, mais les productions dominantes sont des céréales et des oléoprotéagineux. L’eau distribuée approche souvent les 50 mg/l de nitrates et on les dépasse lors de pics de concentrations printaniers. Le département dispose de ressources en eau souterraine suffisantes pour une modeste population de 338 000 habitants et la distribution d’eau potable reste morcelée : pas moins de 327 captages (Reynaud, Carte 1. Teneurs moyennes en nitrates de l’eau distribuée en 2000-2001 dans l’Yonne Source : Reynaud et al. 2005 2005). Eau de Paris vient y chercher 55 millions de m3, soit plus du double des besoins en eau des Icaunais. Dans l’Yonne, les gestionnaires d’eau potable optent majoritairement pour des mesures palliatives : 28 interconnexions sur un autre réseau, 10 substitutions par une autre ressource, 10 solutions curatives de traitement. Les gestionnaires suivent finalement les orientations définies par le Schéma directeur pour l’Alimentation en eau potable9. 9. Par ordre de priorité : l’interconnexion, ressources profondes et protégées, traitement, eaux de surfaces (Reynaud, 2005). RECHERCHES Bernard BARRAQUÉ, Christophe VIAVATTENE Eau de Paris et ses captages distants10 L’approvisionnement en eau potable de la ville de Paris est à la charge de la société anonyme « Eau de Paris », (anciennement SAGEP). Dès la fin du XIXe siècle, la ville de Paris a adopté une stratégie basée sur l’accès à de multiples ressources pour assurer son alimentation en eau potable. La moitié de cette eau provient de ressources en eau souterraine prélevées loin de Paris, jusqu’à plus de 180 km, l’autre moitié d’un traitement des eaux de surface de la Marne et de la Seine. Les eaux d’origine souterraine sont issues de territoires ruraux situés à l’Ouest et au Sud de Paris et sont soumises à des pollutions diffuses d’origine agricole. La diversité des ressources permet un mélange des eaux évitant tout dépassement des normes d’eau potable. Néanmoins, Eau de Paris a rapidement engagé une politique de préservation par contractualisation avec les agriculteurs pour sécuriser ces captages. Tel est le cas autour des captages du Val d’Yonne situés à proximité de Sens. En collaboration avec la SAFER, Eau de Paris a racheté des terrains puis les a loués gratuitement aux agriculteurs avec un cahier des charges imposant une agriculture raisonnée. Face à l’inefficacité constatée de ces mesures, Eau de Paris impose actuellement la mise en jachère sur le terrain. Un des exploitants, déjà agriculteur biologique, a vu son exploitation pérennisée par une location gratuite et privilégiée de terrains acquis par Eau de Paris. Pour l’agent contacté, les opérations se passent plutôt bien avec les agriculteurs concernés et avec les collectivités, qui récoltent les bénéfices des opérations sur leur propre captage. En outre, certaines collectivités bénéficient depuis les années 1970 d’eau fournie gratuitement depuis ces captages. Les actions d’Eau de Paris sur le territoire sont acceptées. La pollution des captages du Val d’Yonne reste sous le seuil des 50 mg/l avec des valeurs moyennes de l’ordre de 28 mg/l (entre 20 et 40 selon les captages) mais elle augmente. La situation en Seine et Marne sur les captages de la Voulzie est plus dégradée avec des concentrations en hausse autour des 55 mg/l. Ayant vérifié l’inefficacité de l’agriculture raisonnée sur ces derniers captages (Fournol, 2003), Eau de Paris se propose actuellement de continuer d’acquérir des terrains autour des captages pour les maintenir en jachère ou en agriculture biologique, et d’engager une démarche de promotion d’une agriculture intégrée sur le bassin d’alimentation de captage. La démarche d’animation est confiée à une association spécifique regroupant les partenaires, Aqui’Brie. Ce type d’action est aussi affiché par la Direction de l’espace rural et agriculture (DERA) de l’Agence de l’Eau Seine-Normandie pour le prochain programme 2007-2012. Elle souhaite orienter son programme vers une sensibilisation des agriculteurs à des systèmes d’exploitation respectueux de la ressource en eau. Par là elle entend promouvoir l’agriculture intégrée et, sous conditions, l’agriculture biologique. L’agriculture raisonnée n’est quant à elle pas retenue dans le projet. Ce schéma ajoute toutefois que « ces propositions doivent être considérées comme un court terme et accompagnées d’une politique locale volontariste pour la prévention des pollutions diffuses à tout niveau ». Mais seulement deux unités de gestion ont fait ce dernier choix, plus Eau de Paris qui s’est engagée depuis plusieurs années dans des initiatives fortes et novatrices (voir l’encadré sur Eau de Paris). La faible mobilisation des acteurs locaux résulte largement de leur incapacité à faire face à la situation, elle-même liée à la petitesse et à l’émiettement des unités de gestion. 10. La politique d’Eau de Paris est traitée dans le rapport complet EVEC (cf. note 1). ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 • 13 Eau des villes, eaux des champs : les accords coopératifs Dans l’Yonne, plus de 90 % des captages étaient protégés dès les années 1980, ce qui s’avère finalement pénalisant, car les périmètres étaient faits pour protéger des risques accidentels, et la lutte contre les pollutions diffuses était encore méconnue. Faute de moyens et de personnel, la révision des périmètres de captage n’est pas à l’ordre du jour. Quant aux MAE, souvent utilisées en France pour préserver la qualité de l’eau, elles ont souffert de réductions d’intrants trop faibles sur des surfaces trop petites. Dans l’Yonne (Drass, 2003), les céréaliers ont largement résisté à la contractualisation (carte 2). Carte 2. Pourcentage de surfaces contractualisé en MAE selon la SAU cantonale changer de politique : elle n’envisage plus que des contrats collectifs où au moins dix agriculteurs, dont les parcelles se situent à proximité des captages, doivent s’engager pour que l’opération soit menée, et en ciblant quelques MAE (deux à trois), définies comme les plus pertinentes et efficaces par rapport aux problèmes locaux. Une partie de la profession remet en cause l’agriculture intensive au profit de l’agriculture biologique11 et de la remise en herbe. L’Agence de l’Eau Seine Normandie (AESN), tirant parti des premières expériences comme Plaine du Saulce, que nous allons aborder maintenant, est prête à accompagner cette rupture en proposant des contrats ruraux ou de Bassin d’alimentation du captage (BAC) sur les zones concernées. Les captages de la Plaine du Saulce (cartes 3 et 4) ont fait l’objet d’un « contrat rural » financé par l’Agence sur le bassin d’alimentation du captage. La protection des captages résulte d’une concertation entre trois acteurs : Auxerre et sa communauté de communes (où la distribution d’eau est déléguée à la Lyonnaise des eaux), des collectivités du territoire où Auxerre prend son eau potable, et des agriculteurs (soutenus par la Chambre d’agriculture). La négociation a abouti à une « Véritable entente entre la ville et la campagne pour une gestion solidaire de la qualité de l’eau »12, les agriculteurs étant en partie indemnisés à partir de la facture d’eau des urbains. Rappelons le déroulement des faits. Source : Drass-Bourgogne, 2003 Paradoxalement, c’est cette situation de blocage à la fois des périmètres et des MAE qui semble ouvrir une fenêtre d’opportunité à l’Agence de l’Eau et à des collectivités locales motivées pour tenter un AC. En effet, dans le cadre de la nouvelle PAC l’Administration de l’agriculture veut 14 • ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 11. BioBourgogne, association loi 1901 qui accompagne les agriculteurs dans leur conversion vers le biologique, adopte une démarche pro-active avec l’organisation de rencontres entre collectivités et agriculteurs. La Draf Bourgogne souhaite la mise en place, comme dans d’autres pays européens, d’une aide au maintien de l’agriculture biologique dans le prochain plan de développement rural hexagonal (2007-2013). Une telle demande devait être notifiée à Bruxelles fin 2006. 12. Titre de la plaquette de présentation du contrat rural Plaine du Saulce. RECHERCHES Bernard BARRAQUÉ, Christophe VIAVATTENE Carte 3. Plaine du Saulce13 Carte 4. Localisation des captages auxerrois Source : Association pour la qualité de l’eau potable de la Plaine du Saulce Source : Société d’étude des sols pour l’aménagement de l’espace rural (SESAER), mars 2005 En 1977, la commune d’Auxerre, dont les champs captants étaient situés en aval de l’agglomération (les Boisseaux et la Plaine des Iles), a construit de nouveaux puits en amont, près de l’Yonne, sur le bassin d’alimentation de la Plaine du Saulce, afin de sécuriser sa production en eau potable. D’une superficie de 9 000 hectares, ce bassin s’étend sur neuf communes rurales au sud de la ville. Son eau étant considérée comme une ressource importante et bien protégée, le conseil départemental d’hygiène a donné un avis favorable à l’extension de la zone industrielle de la Plaine des Iles, sur la base de l’abandon prochain des premiers captages qui s’y trouvaient. Mais entre l’avis de l’hydrogéologue (1974) et l’acquisition des terrains (1977), des gravières ont été autorisées sur le secteur ! Sur la dizaine de captages initialement prévue, 13. Au sud : Syndicat mixte du Saulce ; au nord : Communauté de communes de l’Auxerrois ; contour noir : bassin d’alimentation des captages. seuls deux captages ont pu être réalisés (P2 et P3). En 1977 une déclaration d’utilité publique (DUP) a été prise, sur un périmètre rapproché de 200 mètres de « rayon » autour des captages14. En dépit d’une étude du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), ce périmètre de protection (carte 5) est maintenu à sa surface initiale de 8 ha, alors qu’une pollution accidentelle (par exemple d’hydrocarbures sur la route nationale) mettrait en effet moins de 5 heures pour contaminer le captage P1. La Plaine du Saulce dessert finalement en eau potable, via cinq captages, quinze communes, soient 67 000 habitants dont 57 000 de la Communauté de communes de l’Auxerrois (CCA)15. Or, ils sont menacés par la pollution diffuse. 14. Ces périmètres rapprochés ont fait l’objet d’une acquisition et d’une remise en herbe. Ils représentent en moyenne moins de 13 ha par périmètre. 15. Créée en 1993 (compétence eau) ; les autres captages desservent des communes rurales proches. ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 • 15 Eau des villes, eaux des champs : les accords coopératifs Carte 5. Périmètres de protection de la Plaine du Saulce Yonne Réseau ferré Route nationale P2 PPR P1 P1 P3 PPR P3 100 m Traits fins et points noirs : les puits P1, P2 et P3 et PPR de la CCA Petits pointillés clairs : les puits et PPR des autres communes Gros pointillés : la route nationale et la voie de chemin de fer Gros trait noir : PPR initialement proposé pour P1 Source : d’après SESAER, mars 2005 Jusqu’en 1994, les concentrations en nitrates observées dans les eaux prélevées se situaient sous le seuil de 50 mg/l. La qualité de l’eau s’est ensuite dégradée avec l’apparition de pics de concentrations en nitrates supérieurs à la norme durant les périodes hivernales, la concentration moyenne se stabilisant autour de 45 mg/l. Le territoire est majoritairement agricole avec 63 % de grandes cultures (moitié blé, un quart colza), et les grandes exploitations céréalières (180 ha en moyenne) sont rapidement identifiées comme sources de pollution. Pour le reste, viticulture et arboriculture constituent une menace de pollution par les phytosanitaires. Le reste du territoire est essentiellement couvert de forêts (27 %). En fonction des caractéristiques pédologiques, hydrogéologiques et des pratiques de fertilisation, la vulnérabilité spatiale du bassin est définie en trois zones concentriques : forte vulnérabilité (2 000 ha), vulnérabilité moyenne (3 000 ha), faible vulnérabilité (3 100 ha). 16 • ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 Avec l’expansion de la zone industrielle environnant le site de la Plaine des Iles, les nitrates de la Plaine du Saulce deviennent dès lors un enjeu. En 1994, un vif débat éclate au sein de la CCA et au conseil municipal d’Auxerre, sur les actions à envisager pour résoudre le dépassement de normes. En effet, le délégataire et la DDAF proposent de traiter l’eau, mais Auxerre projette la construction d’une nouvelle station d’épuration et rechigne à investir en plus dans une solution curative pour le moins coûteuse. Conforté par une conférence par G. de Marsily sur les parcs naturels hydrologiques16, le maire propose d’acheter 1 000 ha pour sanctuariser le captage, solution rapidement jugée trop coûteuse et difficile à mettre en œuvre, même par les Verts. Informée par la Chambre d’agriculture et l’Agence de l’eau Seine Normandie (AESN), la CCA s’oriente finalement vers une solution préventive, basée sur la concertation et la persuasion des agriculteurs, pour obtenir une réduction des intrants azotés. Cette étape est délicate puisqu’elle remet en question les activités d’un autre territoire, territoire rural déjà en partie annexé par les logements de la population active d’Auxerre. Il faut donc éviter tout braquage des agriculteurs et responsables locaux contre la ville. Pendant l’étude hydrogéologique du captage, le maire d’Auxerre organise une rencontre avec les agriculteurs et les maires du secteur pour présenter le projet et réfléchir aux actions à entreprendre. La Chambre d’agriculture mène à l’époque des actions de sensibilisation auprès des agriculteurs, et, en collaboration avec l’Inra, elle organise un voyage sur le site de Vittel pour leur montrer les types d’actions envisageables. Un leader agricole, le président du réseau FARRE17 dans l’Yonne, 16. Professeur à l’université de Paris-VI, De Marsily défend l’idée de mener une politique territoriale soutenue par la création de parcs naturels hydrologiques (De Marsily, 2002). 17. FARRE est une association interprofessionnelle créée en 1993, qui a pour vocation de promouvoir l’agriculture raisonnée, mais qui est liée à l’UIPP (http :///www.farre.org). RECHERCHES Bernard BARRAQUÉ, Christophe VIAVATTENE qui milite pour l’agriculture raisonnée, n’hésite pas à donner l’exemple. Il s’engage dans le projet en tant qu’exploitant alors même que ses terres ne se situent pas sur le bassin d’alimentation de captage (commune d’Escamps). Il obtient l’adhésion des premiers agriculteurs. De son côté, l’AESN emmène les élus sur le même site pour les sensibiliser aux possibilités d’action préventive. L’Agence cherche en effet à lancer ses nouveaux contrats ruraux 1 8 dans le cadre du 7 e programme sur des bassins d’alimentation de captage test19. La Plaine du Saulce va permettre d’initier un projet qui devra être repris à terme en totalité par les collectivités. AESN obtient de la CCA qu’elle intègre l’action dans le prix de l’eau. Les collectivités du bassin de captage sont d’abord réticentes vis-à-vis du projet, craignant des contraintes sur leur développement. Elles veulent être associées à part égale avec la CCA qui en retour exige une participation financière. Le rôle joué par l’Agence de l’Eau et son contrat rural est alors primordial : dans son volet d’action « collectivités », elle offre aux communes une bonification de 10 % pendant cinq ans sur un ensemble d’investissements, dont le volet agricole n’est qu’une partie. Pour porter le projet en réduisant les oppositions, émerge l’idée d’une association mixte mettant les différentes institutions en partenariat. L’Association pour la qualité de l’eau potable de la Plaine du Saulce est 18. Ces contrats sont des actions locales promues par les Agences de l’Eau et ont été mis en place en 1996 lors du septième programme (1997-2001). Ils ont pour objectif principal de provoquer une prise de conscience locale et d’initier une dynamique territoriale de concertation et d’échanges entre les différents acteurs afin de développer une gestion coordonnée de l’eau à l’échelle d’une zone homogène et cohérente. Ils sont susceptibles d’une aide bonifiée. En 2002, on comptait sur le district de Seine Normandie, 31 « contrats ruraux » signés et une dizaine en préparation. 19. L’action est d’ailleurs soumise au suivi d’un Comité scientifique. finalement créée en automne 1998, seulement pour de support au volet agricole du contrat rural. Ses objectifs sont multiples : animation, diagnostic, discussion et choix des moyens à mettre en oeuvre. Association loi 1901, elle peut recevoir les aides financières de l’agence et des collectivités et les redistribuer aux acteurs privés. Les autres volets du contrat seront directement gérés par le Syndicat mixte de la Plaine du Saulce, spécialement créé à cet effet en 1999, pour des raisons de transparence, à la demande de l’Agence de l’Eau qui les finance seule. En 1999, pour préparer les trois volets du contrat rural (collectivités, artisanat et agriculture), un animateur est engagé pour conduire un diagnostic global du bassin. La Chambre d’agriculture obtient alors qu’il soit basé dans ses locaux. L’Agence de l’Eau y était opposée, mais elle a dû adopter une attitude conciliante pour rassurer les agriculteurs. Le diagnostic est validé en juin 2001 ; les mesures préventives et les modalités d’indemnisation en juillet. Faute de place, nous ne détaillerons pas la démarche souple et à la carte adoptée avec les agriculteurs dans des « CTE - Plaine du Saulce », ciblés afin de « maîtriser les pollutions d’origine agricole afin de préserver la qualité de la nappe qui alimente les captages de la Plaine du Saulce ». Mais elle a été critiquée comme trop timorée : par exemple, la réduction de 20 % des apports en azote n’a été contractée dans aucun cas. Par ailleurs, une action « diversification animale, agriculture biologique », envisagée au départ, a disparu du contrat rural. Pour la DRAF le projet manque de volonté politique et de lisibilité pour les agriculteurs : les CTE sont basés sur des mesures classiques peu contraignantes basées sur un engagement long, et il aurait été plus pertinent d’instaurer des mesures plus marquées mais flexibles sur le contrat rural. En définitive, il semble bien que la démarche Plaine du Saulce ait finalement conduit à une orientation vers l’agriculture raisonnée. ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 • 17 Eau des villes, eaux des champs : les accords coopératifs Au terme de cinq années de contrat rural, on peut considérer comme un succès d’avoir réuni l’ensemble des acteurs (collectivités, Agence, agriculteurs) pour réfléchir, négocier et orienter le développement local par rapport à l’eau. Et sur les 80 exploitations agricoles dont 40 sont des céréaliers qui travaillent la plus grande surface agricole, on compte, en 2003, 26 contractants en Cultures intermédiaires pièges à nitrates (Cipan), 16 en dispositifs enherbés, 11 en conseil en fertilisations. En surface, cela équivaut à près de 2 395 ha en conseil en fertilisation pour environ 6 000 ha de SAU et surtout à 757 ha en Cipan contre 800 ha en sol nu. Le travail des animateurs est reconnu par l’ensemble des acteurs. Ils ont pu cibler au mieux les objectifs en réduisant au minimum la surface de sol nu, et rempli leur fonction. Pourtant, 50 % des agriculteurs, soit 40 % de la surface, n’ont pas suivi le conseil en fertilisation, préférant celui des coopératives, dont l’intérêt réside dans la vente des intrants... Contrairement aux cas allemands, il n’y a pas de suivi à la parcelle. Au niveau du captage, on a observé une diminution notable des pics hivernaux et la période 2002-2005 n’a été marquée d’aucun dépassement. La concentration tendait vers les 40 mg/l. Malheureusement, 2006 déçoit les espoirs avec un léger dépassement de la norme20 (graphique 1). De toute façon, on est encore loin d’atteindre les 25 mg/l. Et il semble difficile d’améliorer la situation en Plaine du Saulce sans des actions plus 20. Cf. « Les nitrates au sommet ! », Lettre de la plaine du Saulce, 19-3-07 : « Le Comité scientifique, s’était étonné de nos bons résultats enregistrés jusqu’au début de 2006, arguant qu’ils étaient inhabituels par leur rapidité sur ce type d’opération. Les deux pics de nitrates enregistrés depuis leur ont donné raison. [...] Ces résultats mitigés ne doivent cependant pas nous décourager [...] Il n’y a pas l’ombre d’un doute quant à la détermination des uns et des autres à poursuivre l’action engagée, et prouver que l’agriculture raisonnable et raisonnée est compatible avec la préservation de la qualité du milieu. » 18 • ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 marquées : modification des assolements, changement de pratiques. En termes de coûts, il n’est pas facile non plus de faire une évaluation dans la mesure où le contrat rural de l’Agence couvre plusieurs opérations, dont les plus importantes concernent l’assainissement public et l’épuration des communes de la plaine. Cependant le total des aides reçues par les agriculteurs serait en moyenne de 38 €/ha, dont un peu plus de 22 pour le coût de l’animation. Les transferts depuis la CCA reviennent à plus de 80 000 €/an, soit 0,2 €/m3 d’eau potable : en effet, la contribution au contrat figure en surtaxe communale dans le budget annexe de l’eau potable, et donc c’est bien la facture d’eau qui est mobilisée. Le contrat rural de l’Agence de l’eau permet aussi un financement planifié de la mise aux normes de l’assainissement et de l’épuration des collectivités locales, à hauteur de 6,6 millions d’euros sur cinq ans. La partie agricole du contrat rural est donc très modeste, et si l’échange nous paraît équilibré par rapport à d’autres cas étudiés, il reste très limité. Finalement, à Auxerre, le contrat rural est arrivé à son terme et les objectifs agricoles ont été atteints, mais on admet qu’il serait nécessaire d’aller plus avant dans l’objectif environnemental. Elus et animateurs sont donc en attente de réponses sur les suites à donner au contrat rural, et se réfèrent aux experts, en l’occurrence l’Agence de l’Eau et le Comité scientifique. Ce dernier ne peut pas imposer un changement agricole complet ; on s’orientera probablement plus vers une agriculture intégrée, en continuité avec l’agriculture raisonnée. De plus, les regards se tournent désormais vers les pesticides, qui impliquent les viticulteurs et les arboriculteurs ; or beaucoup sont des doubles emplois travaillant uniquement le weekend sur leurs terres. Moins formés, avec une rentabilité économique faible, ils seront plus difficilement mobilisables. RECHERCHES Bernard BARRAQUÉ, Christophe VIAVATTENE Graphique 1. Evolution des teneurs en nitrates en Plaine du Saulce 60 140 Pluviométrie Concentration en nitrates 120 100 40 Pluviométrie (mm) 80 30 60 20 40 10 20 0 3 03 s0 ai ar m m ju il 0 se 3 pt 03 no v0 3 ja nv 0 m 4 ar s0 4 m ai 04 ju il 04 se pt 04 no v0 4 ja nv 05 m ar s0 5 m ai 05 ju il 05 se pt 05 no v0 ja 5 nv m 06 ar s0 m 6 ai 06 ju il 06 0 03 nv ja Concentration en nitrates (mg/l) 50 Source : élaboration des auteurs après enquêtes Au-delà du problème des pratiques, se pose la question cruciale de la suite de l’opération : pour l’Agence de l’Eau, il s’agissait d’aider une opération dont à terme le financement serait assuré à 100 % par les collectivités : pourquoi poursuivre un projet qui ne réussit pas suffisamment vite pour offrir un modèle ? Pour le président de la CCA, il faut renouveler le contrat, sinon l’impact psychologique serait destructeur. Cet avis est partagé par les collectivités du bassin d’alimentation de captage. Pour les agriculteurs, notamment des petits exploitants, le maintien des pratiques est conditionné par les indemnisations, notamment sur les CIPAN. Les CTE ayant disparu, tout repose donc sur le futur contrat rural et sur l’Agence de l’Eau. Mais, comme ailleurs, celle-ci subordonne la poursuite de l’action à une révision de la DUP, avec extension du périmètre de protection des captages de la CCA. La réglementation « zone vulnérable » s’appliquant dans ce cas, un conflit pourrait donc apparaître avec les agriculteurs. Conclusion De tous nos cas d’étude, celui de la Plaine du Saulce est l’un des plus aboutis pour la contractualisation entre collectivités et agriculteurs pour la qualité de l’eau. Comme souvent en France, la prise de conscience est tardive et la décision hâtée par une pollution avérée des captages d’eau potable. Pour reprendre la classification de Brouwer et al. (2003), il s’agit typiquement d’un arrangement de reconquête, par opposition aux accords purement préventifs passés avant que la pollution des captages ne s’aggrave, comme en Allemagne. Si on a évité l’urgence absolue, rarement favorable au choix du préventif, c’est parce que les dépassements étaient épisodiques et qu’on pouvait mélanger les eaux avec les anciens captages. Mais ce n’est qu’un pis-aller, car ces captages sont eux-mêmes fragilisés. Trop coûteuse, la solution du traitement n’a pas été retenue, et les représentants d’Auxerre ont alors montré une véritable volonté de reconquête de la qualité des eaux, qui a rencontré une profession agricole emmenée par ses leaders dans une négociation soutenue par des animateurs de bon niveau. La taille réduite du territoire en jeu (9 000 ha) a aussi facilité l’identification des agents agricoles et des sources de pollution. Ensuite, il semble que ce soit l’institutionnalisation du contrat qui joue un rôle essentiel, par rapport à d’autres cas nombreux où on n’est pas allé plus loin qu’une animation provisoire par la Chambre d’agriculture, non suivie de contrôles. À Auxerre, l’Association pour la qualité de l’eau potable de la Plaine du Saulce permet de réunir les ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 • 19 Eau des villes, eaux des champs : les accords coopératifs acteurs concernés sur une base de démocratie participative, et de bénéficier d’un financement correspondant à la structure des PSE présentée en introduction du rapport. Mais est-ce un paiement pour services environnementaux ? Si on avait réussi à promouvoir une agriculture biologique, ou de la prairie extensive, cela aurait été plus clairement le cas. Pour reprendre les conclusions de D. Busca dans sa thèse, par le jeu des céréaliers et la domination du réseau FARRE, on a fini par « standardiser les moyens mise en œuvre et les solutions environnementales adoptées, conduisant à un allègement des objectifs environnementaux affichés » (Busca, 2002). Les consommateurs d’eau potable ont finalement financé, à peu de frais... la conversion de l’agriculture intensive au raisonné, la norme qui sous-tend actuellement la politique agricole commune. Or ce changement aurait dû être imposé, et bien moins indemnisé, si les périmètres de protection éloigné et rapproché avaient été redéfinis correctement. Le futur pourrait donc être conditionné par une révision de la DUP. Mais dans nombre de nos cas, on a pu 20 • ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 voir que l’application stricte de la réglementation est forcément inefficace, parce que le conflit conduit à se rabattre sur la pollution accidentelle et à renoncer à lutter contre la pollution diffuse. Par conséquent, si des actions comme la Plaine du Saulce doivent offrir de véritables cas de PSE en France, et si l’objectif reste les 25 mg/l, des engagements nouveaux devront être pris dans un proche avenir : remise en herbe, agriculture biologique, tout au moins sur les secteurs les plus vulnérables. Les agences de l’eau veulent d’ailleurs profiter du nouveau contexte de la PAC et de la récupération des produits de la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP « phyto »), pour proposer de cibler ses nouveaux contrats de Bassin d’alimentation de captage sur des opérations impliquant des changements bien plus substantiels : il est alors temps de tenir compte de l’expérience de nos voisins européens, et aussi de pays comme les États-Unis, où en définitive, les agriculteurs sont mieux indemnisés, mais en échange on leur demande davantage, et ils sont contrôlés. ■ RECHERCHES Bernard BARRAQUÉ, Christophe VIAVATTENE RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES AESN (2004). 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