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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
MEFRA – 122/1 – 2010, p. 227-330.
Activités archéologiques
de l’École française de Rome
Chronique
Année 2009
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
Loron
Chronique
LORON (TAR-VABRIGA. CROATIE)
Musée régional de Poreč (Croatie), Ausonius
(Université de Bordeaux 3), École française de
Rome et Istituto di Topografia antica (Università
di Padova)
Les fouilles conduites sur le complexe artisanal de
Loron se concentrent sur un important atelier
d’amphores installé sur la terrasse supérieure du module
oriental (fig. 1). Elles révèlent une organisation particulièrement planifiée des espaces de productions (fours
à amphores, préaux de séchage, espaces de cuisson),
répartis en trois édifices autour d’une vaste cour
centrale, dotée d’une réserve d’eau (fig. 2). Différents
sondages montrent que ce plan d’architecte remonte à la
création du complexe artisanal vers 10 ap. J.-C. par
Sisenna Statilius Taurus, fils cadet du grand Statilius
Taurus, ami d’Auguste. Il est maintenu sans grandes
modifications durant toute la période d’activité de l’atelier, soit du Ier au IVe siècle ap. J.-C.
La mission franco-croate intervient dans la partie
occidentale de l’atelier (secteur C). Financée par l’École
française de Rome et le ministère des Affaires étrangères,
elle fait partie du programme L’Istrie et la mer associant le
Musée territorial de Poreč (Croatie-V. Kovačić), le centre
Ausonius-université de Bordeaux 3 et l’École française
de Rome. Elle reçoit, pour la partie croate, un soutien
logistique et financier apporté par les municipalités de
Tar-Vabriga et de Poreč, par l’office du tourisme de la
commune de Tar-Vabriga (Turistička Zajednica TarVabriga) et par le ministère croate de la recherche. Enfin,
la fouille est menée en étroite collaboration avec l’université de Padoue qui intervient également sur le site (Dipartimento di Topografia antica-G. Rosada; A. Marchiori).
La campagne 2009 a permis d’achever l’étude de la
vaste structure hydraulique (47) occupant l’angle nordouest de la cour (fig. 3). Trois sondages réalisés à la pelle
mécanique ont contribué à préciser la datation et la
fonction de la structure (S30; S31; S32). La découverte
d’un bassin de fontaine confirme ainsi qu’il s’agit d’une
importante réserve d’eau destinée à approvisionner
l’ensemble de l’atelier (S30). La nécessité de protéger les
éléments les plus fragiles (pavements, bourrelets en
béton hydrauliques) a conduit à recouvrir l’ensemble de
la structure en fin de campagne, sous la direction de
V. Kovačić, responsable de la conservation du site.
La campagne 2009 a été menée par une équipe
composée d’Audrey Bertrand (Université de Paris 1),
Anne-Laure Foulcher (Université de Grenoble), Valerio
De Leonardis (Università di Roma 3) et Claudio Taffe-
tani (Università di Roma 3), responsables de secteur;
Giulia De Palma (Université de Paris 10), Elyssa Jerray
(Université de Provence Aix-Marseille 1), Erika Jurisevič
(Università degli studi di Trieste), Julie Marangoni
(Université de Bordeaux 3) et Giuseppe Silvestri
(Università di Roma 3).
Paola Maggi (Università degli studi di Trieste) a
réalisé l’ensemble de l’inventaire du mobilier déposé au
musée territorial de Poreč, grâce à une mission financée
par l’École française de Rome. L’étude du mobilier des
précédentes campagnes, coordonnée par F. Tassaux et
Y. Marion, a été poursuivie en parallèle de la fouille.
La grande réserve d’eau dans l’angle nord-ouest
de la cour
Les résultats obtenus en 2009 permettent désormais
de restituer l’ensemble de la structure hydraulique,
constituée d’un vaste bassin ouvert servant de réservoir,
alimentant un petit bassin de fontaine accolé au mur sud
de la structure. L’ensemble occupe près d’un 1/6e de la
superficie de la cour (fig. 4).
Le réservoir
Le réservoir correspond à un vaste bassin ouvert,
mesurant 14,4 m de long sur 10,3 m de large (fig. 5). Le
dégagement du mur oriental (MR 3320) montre que la
structure est entièrement fermée, sans liens fonctionnels
avec les substructions accolées, à une époque indéterminée, au côté est du bassin (MR 3610-MR 3611MR 3774).
Les murs, épais de 70 cm, sont fondés directement sur
le substrat et liés à ce dernier par du mortier. Un épais
renfort en béton hydraulique a été coulé le long du parement interne directement à partir du substrat pour former
une sorte de contre-mur. Large de 40 cm, il est conservé
dans l’angle nord-est du bassin sur toute l’élévation du
mur (1 m). Tout en assurant l’étanchéité de la structure,
ces épais bourrelets de béton hydraulique permettent de
renforcer la résistance des murs soumis à la pression de
l’eau. L’aménagement du fond du réservoir traduit le
même souci de solidité et d’étanchéité, avec la réalisation
d’un pavement en opus spicatum qui vient s’appuyer à
angle droit sur les parois en béton hydraulique (PA 3295).
La réalisation d’un sondage (S 3728) au sud d’une
des fosses occupant le centre du bassin indique que le
pavement en opus spicatum repose sur une épaisse préparation de mortier (US 3597), recouvrant à son tour un
niveau de cailloutis, composé d’éclats de taille jetés en
vrac (US 3725) et un nivellement d’argile pure de
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Fig. 1 – Loron. Le complexe artisanal, sur la côte sud de la péninsule délimitée par les baies de Cervar et Santa Marina (réalisation A. Marchiori).
Fig. 2 – Loron. L’atelier d’amphores occupant la terrasse supérieure du module oriental du complexe artisanal (CAO C. Rousse).
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Loron
Chronique
Fig. 3 – Loron. Vue d’ensemble du secteur C dégagé en 2009. Structure hydraulique (espace 47) et sondages S30-32
(cliché G. Brun – EFR; CAO : C. Rousse).
Fig. 4 – Loron. La grande réserve d’eau dans l’angle nord-ouest de la cour. Vue de l’est (cliché C. Taffetani – EFR).
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Fig. 5 – Loron. Planimétrie de la structure hydraulique (réservoir et bassin de fontaine) avec les deux niveaux de pavement (CAO C. Rousse).
couleur verte (US 3727). Sous cette dernière couche
apparaît le substrat rocheux (US 3731), probablement
retaillé pour offrir une surface stable, à une cote de
4,8 m (fig. 6). Ces aménagements préalables à l’installation du pavement en opus spicatum se retrouvent le long
du côté est du bassin au niveau d’une fosse de spoliation
(FS 3743) qui entaille le pavement. Ces observations
montrent que le fond du bassin a été réalisé en aménageant une dépression du substrat rocheux, qui a été
régularisée, puis nivelée avec un apport d’argile pure
constituant un premier isolant. La préparation du pavement consiste ensuite en une couche de cailloutis,
recouvert d’un lit de mortier particulièrement solide et
étanche. Cette construction soignée a permis d’assurer la
stabilité et la résistance du pavement en opus spicatum,
qui reste encore le niveau le mieux conservé de la structure. Elle explique également l’orientation parfaitement
plane du pavement.
À une époque indéterminée, le réservoir est réaménagé : un nouveau pavement, en petites briques rectangulaires (tommettes) posées à plat, est installé sur le fond
en opus spicatum (MEFRA, 121-1, 2009). Sur ses côtés
ouest, sud et est, ce pavement de tommettes (PA 3290)
est isolé des renforts en béton hydraulique par des
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Loron
Chronique
Fig. 6 – Loron. Sondage S3728 au centre du réservoir
(cliché C. Rousse).
bordures en creux, larges de 29-30 cm, destinées à
accueillir un aménagement de tegulae liées par du mortier
(CN 3294, CN 3585, CN 3738) (fig. 7). Dans l’angle
nord-est du bassin, le nettoyage du parement interne du
bourrelet d’étanchéité conservé sur 1m garde l’empreinte
verticale de cet aménagement, ce qui suggère un système
de banquette ou de caisson constitué de tegulae superposées : il devait servir à renforcer l’étanchéité au niveau
d’un point de faiblesse que constitue la liaison entre le
second pavement et les parois en béton hydraulique. Cet
aménagement ne concerne que les murs les plus exposés
à la pression, du fait du pendage général du terrain. En
revanche, sur le côté nord, le pavement de tommettes est
directement lié au bourrelet en béton hydraulique, avec
l’ajout d’une deuxième couche d’enduit pour assurer
une bonne étanchéité. Les interventions de spoliation
intervenues à l’époque tardive (IVe-Ve siècles) ont
complètement détruit ce curieux système de banquette,
ainsi qu’une bonne partie des élévations en béton
hydraulique, afin d’atteindre les blocs taillés du parement
interne des murs. Elles expliquent la forte concentration
de tuiles fragmentées retrouvées dans les couches
d’abandon du bassin.
Il est impossible de dater les réfections effectuées à
l’intérieur du bassin. La technique de l’opus figlinum
appliquée au nouveau pavement est attestée de la fin de
la République jusqu’à l’Antiquité tardive. Quant aux
fines couches de chaux trouvées dans l’aménagement
des bordures, sous ou entre les tegulae, elles n’ont fourni
aucun mobilier. Les seuls indices chronologiques sont
donc deux tessons inclus dans la préparation du pavement de tommettes, qui correspondent à une amphore
Dressel 2/4 importée de la côte tyrrhénienne, dont la
période de diffusion se situe entre la fin du
Ier siècle av. J.-C et la fin du Ier siècle ap. J.-C. Mais les
réfections ne peuvent être antérieures à la deuxième
moitié du Ier siècle ap. J.-C., en raison du terminus post
quem fourni par la datation du premier état du bassin.
La phase d’abandon de l’ensemble de la structure
hydraulique est en revanche mieux connue grâce au
mobilier contenu dans les couches de destruction recouvrant le pavement de tommettes et celles venant combler
le bassin de fontaine. Ce dernier se caractérise par la
présence d’importations africaines et orientales diffusées
entre la fin du IIIe s. ap. J.-C. et le début du Ve s. ap. J.-C.
Il comprend également l’ensemble des productions de
Loron, dont les amphores de type «tardif», qu’on
retrouve ailleurs sur le site dans différentes couches
datées du IVe s. ap. J.-C. Enfin, un bronze de
Constance II (émission : 355-361 ap. J.-C.) a été trouvé
dans la couche de destruction recouvrant le pavement de
tommettes (US 3508). Ces strates d’abandon de la
seconde moitié du IVe s. sont scellées par des couches
plus tardives (Ve s. ap. J.-C.), qui correspondent à la
destruction et à l’arasement du complexe.
Le bassin de fontaine
Fig. 7 – Loron. Photogrammétrie de la réserve d’eau, avec dégagement
complet des aménagements de bordure du pavement de tommettes
(cliché et redressement photographique C. Taffetani – EFR).
La réalisation d’un sondage à la pelle mécanique au
sud du réservoir a permis de dégager, sous la couche
d’abandon recouvrant le côté sud de la cour, un petit
bassin de fontaine (FN 3734) relié au réservoir par une
arrivée d’eau (fig. 8). De forme rectangulaire, ce bassin
mesure 2,64 m de long sur 2,18 m de large. Il présente
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Fig. 8 – Loron. Le bassin de fontaine en cours de dégagement (cliché C. Rousse).
une margelle en opus quadratum formée de 11 blocs
taillés de pierre calcaire disposés en panneresse et en
partie posés sur le substrat (fig. 9). L’excellent état de
conservation de la structure permet d’observer les
systèmes de scellement des blocs, constitués de crampons en pi réalisés en fer et scellés au plomb aux extrémités, selon l’une des techniques les plus courantes
utilisées dans le monde romain. Ces crampons sont
encore présents dans 8 des 10 mortaises relevées. Le
bassin lui-même est creusé dans la roche et aménagé au
moyen d’un épais mortier mêlé de cailloux, recouvert
ensuite d’un enduit fin et soigné en mortier hydraulique. Le fond de la vasque est parfaitement plan et
recouvert d’un pavement en opus spicatum de bonne
facture, qui rappelle le pavement originel du grand
réservoir. La cuve rectangulaire ainsi réalisée mesure
1,76 m de long sur 1,20 m de large, pour une profondeur de 86 cm. Elle permettait de stocker une petite
quantité d’eau (1,8 m3), facile à puiser à l’aide d’un seau.
La trace de l’arrivée d’eau observée en 2008 au
niveau du mur sud du réservoir (empreinte en mortier
d’un aménagement hydraulique en plomb) se trouve
parfaitement alignée avec une mortaise aménagée dans
l’un des blocs de la margelle, présentant une forme et
des dimensions atypiques (fig. 10). La fonction de cette
mortaise est certainement d’accueillir un système de
scellement, probablement coulé en plomb, destiné à
maintenir un bloc vertical traversé par un tuyau en
plomb. On pense par conséquent à un système de
bouche d’eau, peut-être doté d’un système de régulation
sous la forme d’un robinet. Étant donné l’importance
des spoliations menées sur le site, il n’est guère étonnant
d’avoir perdu ces éléments. Dans l’Antiquité, les
bouches étaient souvent décorées et constituent aussi
des blocs particulièrement aisés à récupérer, de même
que les éléments en plomb. Ainsi, seuls quelques fragments de plomb ont été relevés dans et autour du bassin,
Fig. 9 – Loron. Vue axonométrique du bassin de fontaine
(CAO C. Rousse).
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Loron
Chronique
besoins d’une intense activité de production, déjà bien
attestée par les batteries de fours relevées dans
l’espace 45. L’eau servait également au personnel de
l’atelier et pouvait être utilisée pour le nettoyage et
l’entretien des pièces de travail. Situé à proximité des
fours à amphores, le grand bassin ouvert constituait enfin
une réserve aisément accessible en cas d’incendie : un tel
incident a peut-être provoqué la destruction d’un des
premiers fours de Sisenna, dont les vestiges ont été
remployés dans le nivellement du secteur nord de la cour.
Fig. 10 – Loron. Alimentation du bassin de fontaine depuis le réservoir
(cliché C. Taffetani – EFR).
tandis que les blocs solidement fixés de la margelle ont
été laissés en place. Du système d’alimentation en eau
de la fontaine ne subsiste donc plus que la trace en
négatif des scellements au niveau du mur MR 3275 et
du bassin de fontaine.
La margelle du bassin est installée au niveau du plan
de circulation dans la cour, constitué d’une couche
d’argile mêlée de tessons (US 3747) qui recouvre le
substrat rocheux (US 3767). L’absence de dispositif
d’écoulement suggère que l’on pouvait fermer l’arrivée
d’eau du bassin, probablement à l’aide d’un robinet. Le
pendage naturel de la cour permettait, si besoin d’évacuer le trop-plein. Une direction préférentielle au débit
des eaux (trop-plein, mais aussi eau de pluie) était
probablement donnée par le passage en pente aménagé
dans l’angle sud-ouest entre la cour et la terrasse inférieure du complexe (soit entre les murs MR 3223 et
MR 3238 qui longe l’espace 38).
Les données stratigraphiques montrent que le bassin
de fontaine, aménagé en même temps que le grand
réservoir, fonctionne jusqu’au IVe s. ap. J.-C., soit
durant toute la période d’activité de l’atelier. Il est
ensuite comblé par différents niveaux de remblais datés
de la fin du IVe s. ap. J.-C., ce qui correspond à la phase
de spoliation et d’abandon du réservoir.
Le sondage dans la cour au nord
de la réserve d’eau
L’espace situé entre la grande réserve d’eau et la
limite nord de la cour (mur MR 3284) est étudié par
sondage depuis 2007. Il présente, sous les niveaux
tardifs, des remblais chronologiquement homogènes
constitués de déchets de cuisson (amphores Dressel 6B
timbrées SISENNA; sigillée de production locale, dont
un exemplaire timbré SISENNA; céramique commune),
de concentrations d’argile rubéfiée et des fragments d’un
four détruit, probablement l’une des premières structures de cuisson en activité sur le site.
L’élargissement du sondage à la pelle mécanique
(S31) a permis de confirmer la datation précoce de ces
remblais uniquement constitués des premières productions amphoriques de l’atelier, associées à des sigillées
d’époque augusto-tibérienne (fig. 11). Les données céramiques conduisent donc à dater la réalisation de cet
important nivellement des premières phases d’aménagement du site, soit entre 10 ap. J.-C. et la fin du règne de
Tibère, sous le premier propriétaire connu, Sisenna
Statilius Taurus. La réalisation de ce remblais précoce,
La disponibilité en eau : une nécessité pour
le fonctionnement de l’atelier d’amphores
Durant les phases d’activité de l’atelier, une grande
quantité d’eau douce était nécessaire pour la préparation
de l’argile et la réalisation des amphores. Le vaste réservoir construit dans la cour assurait cet approvisionnement en eau. Ses dimensions imposantes répondent aux
Fig. 11 – Loron. Sondage S31 au nord de la réserve d’eau, avec profil en
escalier du substrat (cliché C. Taffetani – EFR).
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Fig. 12 – Loron. Couche d’éclats de taille au fond du nivellement
précoce entre la réserve d’eau et la limite septentrionale de la cour
(cliché C. Rousse).
appuyé à la fois sur le mur nord de la cour et sur le parement externe du mur nord du bassin, semble directement liée à la construction du bassin et à la nécessité
d’aménager un niveau de circulation cohérent, dans un
espace où le substrat présente de fortes irrégularités : les
couches de remblais recouvrent directement le substrat,
dont la cote varie de plus d’1 m (6,22-5,30). Cette déclivité n’est pas seulement naturelle. Le dégagement du
secteur longeant le mur nord du bassin montre en effet
les traces d’un chantier de construction, avec l’extraction de blocs de pierres ayant pu servir aux élévations.
Cette activité de taille explique le profil en escalier
donné au substrat (fig. 11) et la concentration d’éclats
calcaires (US 3762) dans la couche la plus basse du
nivellement (fig. 12). La circulation au niveau même du
substrat n’a dû être que de courte durée. Dès le bassin
construit, la zone de chantier a été nivelée à partir des
matériaux à disposition, soit principalement des
amphores et les déchets de four déjà en activité.
Données chronologiques sur l’aménagement
ex nihilo de l’atelier
Les différents sondages réalisés montrent que l’atelier d’amphores de Loron suit un plan d’architecte défini
dès l’implantation du complexe artisanal, autour de
10 ap. J.-C., par le premier propriétaire Sisenna Statilius
Taurus. Les édifices disposés en U autour de la cour
s’appuient directement sur le substrat de calcaire blanc
qui présente une forte déclivité en direction de la mer.
Les murs porteurs sont systématiquement fondés à sec
sur la roche et liés à celle-ci par un mince lit de mortier.
Ils suivent ainsi le pendage général du terrain, pourtant
non négligeable (7‰). Les irrégularités de la roche sont
comblées par du gravier, par une accumulation d’éclats
de taille, voire pour les creux les plus importants, par un
aménagement de blocs grossièrement taillés. L’absence
de fosse de fondation suggère que le substrat rocheux
était affleurant lorsque le complexe a été édifié ex nihilo.
La présence d’une vaste dépression dans l’angle
nord-ouest de la cour explique certainement le choix
réalisé pour implanter la grande réserve d’eau alimentant le complexe, en réalisant un vaste réservoir semienterré, doté d’une fontaine. La construction modifie
légèrement le plan originel, en bloquant un des escaliers
d’accès à la cour (fig. 4), mais elle ne peut dépasser les
années 30 de notre ère, en raison du terminus ante quem
fourni par le remblai dans l’angle nord-ouest de la cour.
Des fours à amphores fonctionnaient déjà, probablement installés au centre de l’aile nord : l’un d’entre eux
a été abattu et réemployé pour remblayer le chantier de
construction, avec de nombreuses amphores correspondant aux premières séries fabriquées sur le site. La
construction du bassin suit donc de près l’établissement
des premiers édifices de l’atelier et marque l’aménagement définitif de la cour, dans la première moitié du Ier s.
ap. J.-C., avec la réalisation d’un niveau de circulation
conservé jusqu’à l’abandon du complexe.
Les résultats obtenus en 2009 ont donc permis de
préciser la chronologie des premières phases de l’atelier,
au-delà d’une étude architecturale complète de la structure hydraulique implantée dans l’angle nord-ouest de
la cour. Les prochaines campagnes de fouilles (20102011) pourront être consacrées à l’analyse de l’aile occidentale de l’atelier, tandis que l’équipe italienne,
conduite par A. Marchiori, poursuit l’étude des fours à
amphores (espace 45) et des espaces orientaux.
Les équipes françaises ont également poursuivi leurs
travaux le long de la côte. L’équipe subaquatique de
Marie-Brigitte Carre (Centre Camille Jullian) a complété
son étude des vestiges des baies de Valeta et de Busuja
avec le Musée de Poreč (V. Kovačić), tandis qu’elle entamait de nouvelles recherches sur le grand vivier à poissons de Katoro, en collaboration avec le Musée d’Umag
et Katia Katunaric. Enfin, Christine Machebœuf
(université de Boulogne) et Alexandra Hanry (INRAP)
ont travaillé sur deux sites riches en murex destinés à la
fabrication de la pourpre, à Sv. Ivan et Zambratija,
toujours avec le Musée d’Umag.
Corinne ROUSSE et Francis TASSAUX
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Apollonia d’illyrie
Chronique
APOLLONIA D’ILLYRIE (ALBANIE)
Institut archéologique de l’Albanie (Centre
d’études albanologiques, Tirana), Mission épigraphique et archéologique française en Albanie
(Ministère des Affaires étrangères et européennes), UMR 5189 (Lyon2-CNRS), École française de Rome et École française d’Athènes
Grâce au renouvellement de l’accord de coopération, cosigné par les organismes susnommés, les
programmes scientifiques consacrés à l’étude du site
d’Apollonia peuvent se poursuivre dans les meilleures
conditions, et c’est l’occasion pour les directeurs de
mission de remercier, en dehors des cosignataires, toutes
les instances qui contribuent au succès de cette collabo-
ration, et en particulier l’Ambassade de France en
Albanie, la commission des fouilles du Ministère français
des Affaires étrangères et européennes, et le Conseil
national de l’archéologie du Ministère de la Culture
albanais. Outre la poursuite des publications qui restent
la priorité, la campagne de 2009 a lancé de nouvelles
opérations de terrain dans le secteur G de la cité,
consacré à l’habitat et à l’architecture domestique de
l’époque hellénistique et romaine, ce qui permet de
reprendre le dossier d’une partie des fouilles de
Léon Rey et des fouilles albano-soviétiques qui
n’avaient pas fait l’objet de publications; c’est aussi
l’occasion de participer à la valorisation du site, en collaboration avec le Parc archéologique d’Apollonia et l’Institut des Monuments de Tirana.
Jean-Luc LAMBOLEY (directeur de la Mission épigraphique et archéologique française) et Faïk DRINI
(directeur de la Mission albanaise d’Apollonia)
1. Exploration archéologique de la ville haute :
mission d’étude du matériel et préparation de la
publication des prospections géophysiques
(2004-2005) et des sondages topographiques et
stratigraphiques (2006-2008)
Dans le cadre de la Mission franco-albanaise d’Apollonia et en étroite collaboration avec les Écoles françaises d’Athènes et de Rome, le programme consacré à
l’étude de la ville haute a vu du 5 août au 9 septembre
2009 l’achèvement de la phase d’étude et d’acquisition
des données. Cette chronique est consacrée aux fragments architecturaux (F. Q. et Ph. L.), aux figurines en
terre cuite (F. Q.) et à la céramique d’époque romaine
(S. Sh.); elle complète ainsi le texte publié l’an passé,
essentiellement composé d’une contribution liminaire
de Stéphane Verger sur les céramiques archaïques et
classiques (MEFRA, 121-1, 2009). La céramique hellénistique est en cours d’étude sous la responsabilité de Vasil
Bereti. Le programme est donc dans sa phase de publication. Grâce à l’autorisation de la directrice de l’IAA,
Shpresa Gjongecaj, et de Faïk Drini, directeur des études
antiques de cette même institution, nous avons pu
travailler dans les réserves du Musée archéologique de
Tirana, afin de comparer le matériel apolloniate aux
faciès céramique et architectural d’autres sites archéologiques albanais. Le même travail a été réalisé dans les
réserves du Musée historique de Fieri.
Les fragments d’architecture
L’enregistrement des fragments architecturaux
découverts lors des derniers sondages effectués en 2008
est achevé. Dans la perspective d’une typologie partant
des époques les plus anciennes, il a paru important
d’enregistrer les moindres variations morphologiques et
de prendre en compte toutes les séries, même les plus
modestes, afin d’établir une grammaire de référence. La
récupération a donc été systématique quand une forme
ou une surface travaillée était conservée. Le degré de
fragmentation des blocs d’architecture est remarquable,
et indique à l’évidence que l’exploitation de cet
ensemble architectural comme carrière, fut, au moins
dans l’une de ses phases, organisée et rationnelle. Les
difficultés engendrées par cette fragmentation peuvent
être dépassées de deux façons : la première démarche
consiste à partir des vestiges en place, des fondations,
afin d’établir l’échelle approximative de l’élévation, le
diamètre et la hauteur des colonnes, les entraxes etc.; la
seconde procédure, concomitante, impose naturellement d’attribuer les nombreux fragments architecturaux
à des groupes fonctionnels (bases, fûts, chapiteaux,
entablement etc.), et à des familles morphologiques
(éléments de décor, moulures, motifs iconographiques
etc.), selon la méthode exposée par Y. Ubelmann et
expérimentée à Rome sur le Palatin (Ubelmann 2006).
L’étude de ces fragments architecturaux, parfois
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Fig. 13 – Apollonia, Ville haute. Plan de positionnement des sondages 2006-2008 sur l’image de la prospection géophysique (Ph. L.).
même de leur position stratigraphique quand elle est
fiable, de leur distribution topographique, de leur état de
conservation, documentent non seulement les monuments tels que les Apolloniates pouvaient les admirer,
mais aussi, plus directement encore, une phase de
destruction. Dans le secteur 10 par exemple, la couche
superficielle s’appuyait sur un véritable niveau de chantier de démolition composé de fragments, somme toute,
peu dispersés. La grande quantité de fragments de
cannelures de même taille indique que les tambours de
colonne ont été débités selon la même technique
– impacts de pioche – afin de produire un bloc brut. En
revanche, les fragments de blocs de construction sont
rares, ce qui montre qu’ils ont été emportés en l’état, ou
sciés. Ces matériaux ont servi à la construction du
monastère, des maisons villageoises et des fermes
isolées; ils étaient aisément réunis sur un point haut, sur
une aire dégagée, d’où il était facile de les évacuer par la
«glissière» que représentait la grande rue au sud-ouest
(Lamboley 2007). En outre, les édifices ottomans de
Berat, dont on sait que certains furent construits avec
des pierres provenant d’Apollonia (Leake 1835), sont
composés de petits moellons qui sont probablement
partis sous cette forme du lieu de débitage. À l’extrémité
occidentale du portique, la fouille a révélé l’existence
d’un four à chaux; un fragment de fût dorique brûlé
indique sans doute quel fut le sort réservé aux décors.
La grande majorité des raccords (éléments de décors,
petits blocs de construction, fragments de tuiles de
courant ou de couvre-joint) réalisés par le restaurateur de
l’équipe Avni Alcani réunissent des cassures anciennes.
Une des pièces les plus remarquables à cet égard est un
couvre-joint peint en rouge sombre sur la face convexe
provenant du secteur 8e (40 x 28,5 x 10,6 cm), et
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Apollonia d’illyrie
Chronique
Fig. 14 – Apollonia. Fragment de base attique découverte en 2007.
Secteur 5, US 489 (Dessin de Ph. L et F. Q.).
composé de 17 fragments. À l’une des extrémités, non
conservée, on observe des traces de scie qui prouvent que
la tuile a été coupée pour être remployée, sur un autre toit
ou bien pour construire une conduite d’eau au sol.
Le catalogue des fragments de couvertures est
achevé. L’objectif est d’établir, après la mise au net de
plus d’une centaine de fragments, une typologie qui
précise et complète celle que proposait naguère A. Mano
(Mano 1965). Des séries peuvent être établies. On
remarque l’usage important, à l’époque archaïque, du
système dit laconien. Un grand couvre-joint faîtier en
argile jaune correspond à des tuiles découvertes dans le
secteur C en 1991 : ces éléments appartiennent à un
grand édifice équipé d’un toit corinthien. Un fragment
de tuile de courant corinthienne en marbre blanc des
carrières de Karaburun découvert dans le secteur 9
(fig. 13) appartenait très probablement au temple érigé à
la fin de l’époque archaïque au sommet de la colline 104.
Un plan de répartition topographique des fragments de
couverture est en cours de réalisation.
Fig. 15 – Apollonia. Fragment de chapiteau dorique en calcaire
découvert en 2007. Secteur 11, US 545 (Dessin de Ph. L et F. Q.).
Il est trop tôt pour attribuer au grand portique ou à
la fondation en arc de cercle du secteur 12 les séries de
fûts doriques, ou de fûts à cannelures profondes, appartenant à des colonnes ioniques, ou, plus vraisemblablement ici, corinthiennes. Néanmoins, on distingue par
exemple une série de fragments composant une sima à
anthémion en pierre de petites dimensions, des
éléments d’une frise de rinceaux appartenant sans doute
à une sima plus monumentale, des fragments de
plusieurs bases attiques (fig. 14). La présence dans les
environs d’un grand édifice dorique est attestée par des
fragments de fût de calcaire tendre identique et un fragment de chapiteau dont le profil de l’échine peut être
daté provisoirement vers 500 av. J.-C. (fig. 15).
F. Q.
Les figurines en terre cuite
La coroplathie est bien représentée par des figurines
en terre cuite et quelques masques miniatures (secteurs
5, 8 et 13). Les plus anciennes proviennent du secteur 5
à l’extrémité orientale du grand portique, secteur situé à
proximité d’une zone interprétée naguère comme une
décharge d’atelier céramique, mais qui pourrait corres
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
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Fig. 16 – Apollonia. Figurine en terre cuite d’époque archaïque.
Secteur 5, US 601 (Dessin d’Ilir Zaloshnja).
Fig. 18 – Apollonia. Représentation de statue? Secteur 8e, FM 694
et 731, US 400 = couche superficielle (Dessin d’Ilir Zaloshnja).
Fig. 17 – Apollonia. Épouse ou divinité trônante. Secteur 5, US 623
(Dessin d’Ilir Zaloshnja).
pondre au dépôt secondaire d’un sanctuaire lié à la
colline voisine (voir Dimo-Lenhardt-Quantin 2007, et
Delouis et alii 2007). L’une d’elles est une figurine
modelée d’un personnage masculin assis
(6,7 × 4,3 × 3,5 cm), peut-être un comaste accroupi
(fig. 16). Elle s’apparente au type C des figurines en terre
cuite de Pérachora, à tête d’oiseau (Payne 1940, en
particulier la figurine féminine no 263, pl. 111; voir aussi
l’exemplaire no 152, pl. 99, p. 227). On trouve aussi des
parallèles à Tirynthe et à Argos. Cette statuette date vraisemblablement de la seconde moitié du VIe siècle. Du
même secteur provient une autre statuette archaïque,
une épouse ou une divinité trônante le bras droit replié
sur la poitrine (8,7 × 5,4 × 2,5 cm), tenant un attribut
disparu dans la cassure (un oiseau?) et couronnée d’un
polos (fig. 17). Le type est conventionnel et courant dans
les sanctuaires (Payne 1940, pl. 96, no 102, et
R. J. H. Jenkins npréciser n, p. 219-220, type LC. IV
Seated Types (matériel votif du sanctuaire d’Héra
Liménia); Muller-Tartari 2009, p. 20, fig. 1-3).
Du secteur 8, à l’extrémité occidentale du portique,
provient une intéressante statuette brisée en deux d’une
femme ou d’une déesse en himation, les bras repliés sur
le ventre (9,2 × 5 × 3 cm; fig. 18). On trouve le même
type iconographique à Épidamne-Dyrrhachion, où un
exemplaire complet montre que le personnage est dressé
sur une base moulurée, et au «petit sanctuaire
d’Artémis» de Corcyre. Selon A. Muller et son équipe,
attitude et présence d’une base suggèrent, sans certitude, qu’il s’agit de la représentation d’une statue de
culte (Muller-Tartari 2009, p. 24, fig. 1 et 2). Le raccord
entre les deux fragments et le rapprochement avec la
série de Durrës sont de notre collègue Belisa Muka, que
nous remercions. La diffusion géographique de ce type
iconographique paraît marquée par la carte de la
présence corintho-corcyréen dans ces régions; le lien
avec Artémis est probable en raison des différents
contextes de découverte (sanctuaires de la déesse à
Corcyre, à Durrës et à Apollonia, sur la colline 104),
mais reste à préciser. Néanmoins, à l’instar des quelques
exemplaires de petits brûle-parfum à acrotères aux
angles, ces figurines peuvent aussi témoigner de la
pratique de cultes domestiques. Notons aussi la présence
de deux fragments de moules, qui illustrent l’activité des
coroplathes apolloniates (secteur 8a et 8c); l’un de ses
moules porte à l’arrière inscription [...] KEOS.
F. Q.
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
Apollonia d’illyrie
Chronique
La céramique romaine
Les sondages effectués dans la ville haute ont naturellement mis au jour du matériel céramique d’époque
romaine. Moins abondant que la céramique plus
ancienne découverte dans les mêmes sondages, ce
matériel doit être étudié avec attention, car la céramique d’époque romaine, à Apollonia comme ailleurs
en Illyrie méridionale, n’a jamais été découverte dans
un contexte stratigraphique fiable. Des études précédentes ont été consacrées aux amphores de transport,
mais les autres catégories de céramique ont été négligées. Dans la publication à venir, notre objectif est de
combler cette lacune en fournissant des types de référence pour d’autres sites, mais aussi, ce qui est plus
important, de compléter nos connaissances sur la céramique romaine à Apollonia. Dans ce rapport préliminaire nous exposons un premier état de la recherche
sur la céramique romaine, à l’exception des amphores
qui seront étudiées par V. Bereti.
Contexte de découverte et chronologie
La meilleure séquence stratigraphique riche en
matériel d’époque romaine est l’US 422 du sondage 4. Il
s’agit en effet d’une couche argileuse jaunâtre où
abondent fragments de sigillée arétine du
Ier siècle ap. J.-C., de pseudo-sigillée, ainsi que de céramique commune et de cuisine. Cette couche n’est pas
clairement associée aux vestiges d’une construction, le
sondage étant situé au pied de la colline 104; il s’agirait
plutôt de matériels provenant du sommet ou des pentes
de la colline. Quoi qu’il en soit, le contexte est chronologiquement sûr et cohérent.
Le matériel provenant des autres sondages est
souvent mélangé à de la céramique hellénistique tardive
(secteurs 1 US 445; 1B US 456; 2 US 411 et 439; 5
US 574; 13 US 634). Ce matériel, en contexte stratigraphique peu homogène, appartient aux IIe-Ier siècles
avant J.-C. Néanmoins, ces couches sont fondamentales
puisqu’elles offrent l’exemple d’une coexistence des
formes hellénistiques avec les nouvelles formes de céramique introduites par les Romains. Ces unités stratigraphiques correspondent le plus souvent à des niveaux
de circulation, à des remblais ainsi qu’à des couches de
destruction.
Les catégories de céramique romaine sont les
suivantes : les sigillées, les pseudo-sigillées, la céramique
commune et la céramique de cuisine. En ce qui
concerne la céramique sigillée, bien que l’on sache
qu’elle fût introduite très tôt à Apollonia, elle est très
peu attestée dans les fouilles de 2006-2008 (sauf dans
Fig. 19 – Apollonia. Bol en sigillée italique.
l’US 422), comme dans les travaux plus anciens. La
sigillée italique est la plus présente (fig. 19). À peu près
dans les mêmes proportions que la sigillée, on relève de
nombreux tessons de pseudo-sigillée. Souvent, on
estime que cette céramique est une production locale,
puisqu’elle ne peut être attribuée aux grands sites de
production de l’est ou de l’ouest. Sa production
commence à la fin du IIe siècle av. J.-C. et se poursuit
parallèlement à celle des sigillées italiques et provinciales jusqu’au Haut-Empire. Les pseudo-sigillées
imitent presque toutes les formes des sigillées, mais
l’argile et la peinture ne sont pas de bonne qualité
(fig. 20). Les formes les plus représentées dans la céramique pseudo-sigillée sont les plats et les coupes. Il est
important de noter que les sigillées et les pseudo-sigillées
ne remplacent pas immédiatement la céramique à vernis
noir, puisqu’aux IIe et Ier siècles av. J.-C. les deux
Fig. 20 – Apollonia. Pseudo-sigillée.
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
241
coexistent, par exemple dans l’US 421 du secteur 4, ou
dans l’US 610 du secteur 13.
En ce qui concerne les autres catégories, la céramique commune et la céramique culinaire sont les
catégories qui constituent la plus grande quantité de
matériel provenant des sondages et qui présentent aussi
la plus grande multiplicité de formes : principalement
des cruches, casseroles, bols, plats, lampes, unguentarii,
etc. (fig. 21), le plus souvent sans décor. Notons la
fréquente application de bitume à l’intérieur de ces
vases, bien observable par exemple dans l’US 422 du
secteur 4 (pour l’exploitation régionale du bitume, cf.
entre autres témoignages, celui de Poseidonios, chez
Strabon, VII, 5, 8, C 316). Malgré l’absence d’études
systématiques de ces céramiques de table et de cuisine
dans la région, on suppose qu’il s’agissait principalement d’une production locale. Cette supposition est
fondée sur le fait que le catalogue des formes reste le
même à Apollonia depuis la fondation de la cité jusqu’à
la fin de l’époque impériale (voir Bereti et alii 2007,
p. 140).
La chronologie de la céramique romaine provenant
des sondages 2006-2008 commence avec au IIe siècle
av. J.-C., et s’interrompt nettement au Ier siècle ap. J.C. Reste à déterminer si cette interruption correspond
à un abandon du secteur de l’agora au Ier siècle
ap. J.-C., avant la construction au IIe siècle d’un nouvel
espace public au sud-ouest de la colline 104, appelé
conventionnellement «centre monumental»; une autre
hypothèse est envisageable, plus prosaïque : cette
situation pourrait être due aux travaux réalisés par les
militaires qui occupaient tout récemment encore le
secteur.
L’étude de la céramique romaine provenant des
sondages topographiques et stratigraphiques de 20062008 permettra de mieux connaître les conditions de
l’introduction et de l’utilisation de cette vaisselle dans le
contexte apolloniate, tout en établissant, grâce à sa
pertinence stratigraphique, un ensemble de référence
pour d’autres sites de la région. Nous serons aussi
amenés à reconsidérer certains aspects importants,
Fig. 21 – Apollonia. Bol de céramique commune.
comme le passage de la céramique hellénistique à vernis
noir à la sigillée, ainsi que la distinction entre les productions locales et les importations.
La nouvelle convention a pris effet en janvier 2009;
elle prévoit, entre autres programmes, de lancer la
fouille et le projet de présentation au public du grand
portique et de son environnement archéologique. Cette
fouille sur l’agora de la ville haute n’a pu être
commencée cet été, en raison de l’urgence que représentait la préparation de la publication des prospections
géophysiques et des sondages topographiques et stratigraphiques dans la ville haute. L’un des nombreux intérêts de ces études du matériel issu des sondages est la
richesse archéologique et la diversité fonctionnelle des
contextes stratigraphiques et topographiques. Des
assemblages céramiques comme le service de banquet de
l’époque classique découvert dans le quartier du
rempart, ou peut-être le grand cratère corinthien du
secteur 11 (cf. MEFRA 121-1, 2009, fig. 12, p. 266), les
éléments d’architecture monumentale à décor végétal
mais aussi figuré, documentent la vocation publique de
ce secteur de la ville d’Apollonia. Parallèlement, l’équipement architectural et céramique de l’habitat n’a
jamais fait l’objet à Apollonia d’une enquête aussi vaste,
de la fondation de la colonie à l’époque romaine. Cette
enquête devrait favoriser à l’avenir une archéologie
historique des espaces urbains dans la ville haute, mais
aussi sur l’ensemble du site.
S. SH.
2. Les sondages dans le secteur G
Cinq sondages ont ensuite été ouverts (SG1 à SG5
sur le plan de la fig. 22). Seul le sondage 4 s’est avéré
négatif, sans doute parce qu’il n’est pas arrivé à une cote
suffisamment basse.
Le sondage 1 dans le carré 2930-2940/740-750 avait
pour objectif de compléter le plan de la maison romaine
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242
B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
Apollonia d’illyrie
Chronique
Fig. 22 – Apollonia. Plan du secteur G avec emplacement des sondages.
dite à impluvium, dont toute la partie occidentale est
manquante. L’assise de fondation du mur intérieur du
péristyle sud a pu être dégagée (US 1005), et a abouti à
une pièce, située à un niveau légèrement inférieur, dont
a été dégagé l’angle nord-est (US 1015), parfaitement
intégrée à l’édifice romain, mais dont le module des
briques et le matériel récupéré dans les tranchées de
fondation (US 1028) prouvent qu’elle appartient à la
phase d’époque hellénistique. On a là une information
très importante, qui prouve que l’habitat d’époque
impériale a parfaitement respecté le schéma d’urba-
nisme de l’époque précédente, et qu’il se présente non
pas comme une phase de reconstruction, mais comme
une phase de reprise et d’agrandissement des habitations d’époque hellénistique. L’étude stratigraphique des
parois du sondage a permis d’établir que cette pièce
d’époque hellénistique n’avait pas été atteinte par les
fouilles albano-soviétiques. En effet le remblai de ces
fouilles, US 1022, n’entame pas la couche de destruction
des murs (US 2003). Le sol vierge n’a pu être atteint
dans le sondage, pour des raisons de sécurité, car la
profondeur atteinte dépasse déjà les 2 m et les poussées
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
243
du terrain d’est en ouest sont très fortes (cf. déformation
du mur est de la pièce). Cela confirme l’organisation en
terrasse de l’habitat. La présence au fond du sondage
d’un amas de blocs de grès (US 1037) dont une assise
semble repartir dans la berme nord, atteste une phase
précédente peut-être d’époque classique. Aucun tesson
d’époque archaïque n’a été recueilli dans ce sondage. A
noter que le sol correspondant à cette pièce n’a pu être
identifié ce qui est assez surprenant; la fouille a permis
d’identifier un sol en cailloutis (US 1004) mais très
sporadique, conservé en partie le long du mur nord de la
pièce. Deux couches, US 1022 et 2026, situé sous ces
lambeaux de cailloutis viennent s’appuyer sur les murs
des pièces.
Le sondage 2, situé le long du mur nord (US 1001)
de la maison à impluvium dans les carrés 2950-2960/
750-760, a permis de dégager un grand caniveau à ciel
ouvert (US 1016), en U, construit à l’époque hellénistique, mais qui continue à être utilisé pendant toute la
période romaine (fig. 23). Il a toutefois été abandonné à
une époque qui reste à déterminer, vraisemblablement
Fig. 23 – Apollonia. Le caniveau 1016 dans le sondage 2.
au moment de la destruction des habitations dans le
courant du IVe siècle ap. J.-C. À l’intérieur du caniveau
on a pu en effet identifier deux couches différentes :
l’une de terre grise très riche en matériel d’époque
romaine (US 1012), au contact avec le fond du caniveau,
et au-dessus une couche de destruction avec de très
nombreux fragments d’enduits peints, et de briques
(US 1006). Le caniveau qui suit la pente naturelle de la
colline a été dégagé sur une longueur de 3,90 m et
présente un dénivelé de 1,18 m, soit une pente de plus
de 30% (la partie la plus haute du fond du canal à l’est
se situe à 59,13 m au-dessus du niveau de la mer). Le
fond, 76 cm de large, est constitué par deux rangées de
briques disposées sur au moins deux assises. Le bord
méridional est lui aussi formé de briques de mêmes
dimensions qui s’appuient obliquement sur le parement
externe du mur 1001 ce qui lui donne une section
évasée; ainsi la largeur du canal dans sa partie supérieure atteint en moyenne 1,15 m Les dimensions des
briques s’établissent autour d’une moyenne de
37 × 37 cm (= module d’époque hellénistique à Apollonia) lorsqu’elles sont carrées, et de 37 × 45 lorsqu’elles
sont rectangulaires Par contre le bord nord (US 1035)
semble être un mur autonome pouvant appartenir à une
autre maison; il est très détruit, n’étant conservé que sur
8 assises dans la partie la mieux conservée. Il s’accroche
par un petit mur de refend au sol géologique (conglomérat) qui remonte très haut à cet endroit de la pente;
c’est ce même sol géologique que l’on peut observer sur
la partie haute du mur oriental de la maison. Cela
explique que l’on n’ait pas retrouvé de sol en contact
avec le parement interne de ce mur qui disparaît à
l’extrémité est du sondage, mais on peut en observer la
trace négative dans la section. Sa destruction correspond
à l’US 1006.
L’intérêt des résultats de ce sondage est double.
D’abord il fournit un élément important pour l’organisation urbanistique de cette partie de la ville, en pente, où
l’évacuation des eaux de ruissellement est un problème
crucial. La datation de sa construction, à l’époque hellénistique, confirme les observations précédentes :
l’habitat d’époque romaine respecte scrupuleusement
les orientations et les infrastructures de la période précédente. D’autre part, le matériel très abondant retrouvé
sur le fond du caniveau, et scellé par la couche de
destruction et d’abandon qui le recouvre, permettra
d’établir une typologie complète du matériel domestique
d’époque romaine impériale d’Apollonia.
Le sondage 3 le plus grand par son extension
(27m2), est situé au bas de la pente, en contrebas des
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Apollonia d’illyrie
Chronique
déblais de fouilles de la période albano-soviétique
(carrés 2930-2940/760-780) Il a été ouvert en raison
d’un gros bloc qui affleurait à la surface à l’issue du
débroussaillage. Il a permis de libérer sur environ 7 m la
façade d’un bâtiment (US 1008), dont la base est constituée de blocs en grès, et l’élévation de briques (fig. 24).
Elle se situe à 52,60 m au-dessus du niveau de la mer.
D’orientation nord-est/sud-ouest, la ligne de cette
façade est parfaitement parallèle aux murs de même
direction de la maison à impluvium. À l’extrémité nord
qui est la mieux conservée, on a pu mettre au jour la
première assise de fondation, les orthostates (4 blocs
dégagés) et sept assises d’élévation en brique. À l’autre
extrémité l’angle a été dégagé et le mur de retour sud
(US 1044) présente une base avec un bel appareillage à
bossage et ciselure d’encadrement. Un mur de refend a
également été dégagé (US 1033) qui crée avec le mur de
retour d’angle une pièce de 1,80 m de large; ce mur
comme les autres présente une base en blocs de grès et
une élévation en brique; il a été en grande partie détruit
par un obus dont on retrouvé l’ogive éclatée encore
fichée dans les briques qui sous l’effet de la chaleur et du
choc, se sont réduites en poudre mais en restant en
place.
La découverte la plus importante reste la présence
d’un grand caniveau souterrain, US 1017, passant sous
le seuil du bâtiment, et qui a été dégagé sur 1,80 m vers
l’ouest; d’une largeur variant entre 62 et 70 cm, son
fond, constitué d’un sol de galets, qui a été atteint à
l’issue de la campagne, s’enfonce à plus de 2 m
au-dessous du niveau de sol. Les parois latérales
présentent plusieurs phases de construction, correspondant sans doute à des réfections après destruction, qui
Fig. 24 – Apollonia. L’édifice du sondage 3.
mêlent l’emploi de gros blocs de grès et de briques. Les
dalles de couverture ont toutes disparu, à l’exception du
seuil du bâtiment. Le matériel récupéré à l’intérieur est
très abondant; on a déjà pu identifier une monnaie en
bronze de l’époque de Dioclétien. Il faut souligner que
ce caniveau est en parfait alignement avec le caniveau à
ciel ouvert du sondage 2. On a donc là un élément de
continuité tout à fait intéressant qu’il conviendra
d’exploiter lors de la prochaine campagne. Pour l’instant
le vidage de ce caniveau a permis d’identifier trois
couches successives : la couche supérieure au contact
avec le seuil du bâtiment (US 1011), est constituée d’une
terre fine et noire; elle recouvre une couche plus argileuse et compacte, avec des charbons de bois (US 1025),
qui couvre elle-même une couche sableuse avec beaucoup d’éléments de destruction (US 1040).
Enfin, plusieurs éléments d’époque tardive ont pu
être identifiées dans ce sondage : d’abord à l’extrémité
nord, le creusement d’une fosse circulaire au fond de
laquelle a été retrouvée une cruche médiévale
(US 1045), et qui a entaillé une grande partie de l’élévation en brique du mur 1008; ensuite un embryon de
mur très détruit (US 1046) situé au-dessus du mur 1033
près de la berme orientale (fig. 8), un alignement de
fragments de blocs de grès en remploi (US 1032), parallèle au mur 1033, mais situé à une cote beaucoup plus
haute (ce mur a été déposé après photographie et
relevé); enfin à moins de 20 cm du mur de façade sud,
un ensemble constitué d’un mur en dalles de grès
(US 1048) et, à l’arrière, un mur en briques (US 1047)
dont la première assise est très endommagée. L’aspect
tardif de ce dernier ensemble se justifie par le fait qu’il
masque totalement la façade sud du bâtiment 1008, ce
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
245
qui suppose qui lui est postérieur. Par contre il respecte
l’orientation générale des bâtiments précédents.
À l’intérieur du bâtiment, la fouille s’est contentée
de décaper les couches jusqu’à la libération des assises
des murs 1033 et 1044. Sous l’humus de surface, toute la
surface présente une couche de destruction (US 1009),
qui déborde également à l’extérieur du bâtiment
(US 1010); on rencontre ensuite une couche d’occupation de nature argileuse et de couleur marron, US 1036.
Un sondage a cependant été effectué sur la moitié nord
de l’espace compris entre les murs 1033 et 1044; il a
permis d’identifier une couche de terre grise cendreuse,
US 1050, située sous l’US 1009 et qui couvre une couche
argileuse compacte US 1034 qui devrait être la même
que la 1036.
Le sondage 4 (carrés 2940-2050/780-790) n’a malheureusement donné aucun résultat, malgré la présence
d’un bloc erratique situé sur son bord méridional.
Le sondage 5, le plus au nord (carrés 2950-2960/
790-800) a permis de dégager sur la moitié ouest du
sondage un sol dense en cailloutis (US 1043) qui pourrait être celui d’une rue Il faudra élargir le sondage pour
déterminer les dimensions et surtout l’orientation de
cette rue si c’en est une.
J.-L. L.
3. La restauration de la mosaïque
de la maison romaine (fig. 25)
La maison a été découverte lors des fouilles albanosoviétiques dirigées par les professeurs V. Bllavatski et
S. Islami. Seuls trois des quatre couloirs ont été découverts entre les années 1958-60. Leurs mosaïques, datées
du IIe siècle ap. J.-C., ont été restaurées pour la dernière
fois en 1983; depuis, les seules opérations de conservation ont consisté à les aérer et à changer le plastique de
protection. Cette année, à cause du manque de temps et
de fonds, les opérations se sont concentrées sur l’aile
sud, sous la conduite d’Agron Islami, responsable du
département des mosaïques à l’Institut des Monuments
de Tirana, avec Admir Xhelaj. Après retrait et tamisage
Fig. 25 – Apollonia. La mosaïque de la maison à impluvium.
de la couche de sable, qui a permis de récupéré quelques
tesselles, on a procédé au nettoyage au scalpel du pavement envahi par de nombreuses racines. La surface a été
ensuite lavée avec de l’eau et du dissolvant (solution
Twin à 3%). Ensuite a commencé la pose des tesselles
manquantes.
Dès les premiers mètres carrés découverts, on a vu
que la mosaïque avait besoin d’interventions urgentes
pour la consolidation et la conservation de la surface
décorée, si on voulait ensuite envisager la possibilité de
laisser ouvert au moins une partie de ce pavement.
Plusieurs pathologies ont pu être observées :
1. Fracture du radier, plus considérable dans la partie
sud, nord et ouest.
SPIOX
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La nécropole celto-étrusque de monterenzio vecchia
Chronique
2. Dégradation du mortier avec de nombreuses
lacunes.
3. Présence d’incrustations et intrusion de la végétation.
4. Les murs qui longent le couloir sont endommagés
et des briques se sont détachées.
5. Beaucoup de tesselles se sont détachées de leur
support.
Plusieurs échantillons de mortier ont été testés pour
retrouver la composition, la consistance et la couleur du
matériau d’origine. Les murs qui entourent le couloir
ont été renforcés. On a essayé de trouver une solution
pour que les eaux de la pluie puissent sortir du couloir.
On a enlevé le mortier des anciennes lacunes pour le
remplacer. Enfin les tesselles détachées ont été remises
en place. Un projet sera présenté l’an prochain par l’Institut des Monuments de Tirana pour permettre de laisser
les mosaïques visibles aux visiteurs, ce qui suppose
l’aménagement d’une protection adaptée.
J.-L. L.
Faik DRINI (IAA), Jean-Luc LAMBOLEY (UMR 5189), Philippe LENHARDT
(INRAP), François QUANTIN, Stéphane VERGER (EFA-EFR), Vasil BERETI,
Saïmir SHPUZA, Altin SKENDERAJ (IAA), A. ISLAMI (Institut des Monuments
de Tirana)
MONTERENZIO (PROV. DE BOLOGNE).
LA NÉCROPOLE CELTO-ÉTRUSQUE DE MONTERENZIO VECCHIA : PRATIQUES ALIMENTAIRES
ET CONSOMMATION CÉRÉMONIELLE
Université de Bologne, École normale supérieure
(Ulm)-Umr 8546 du CNRS, École française
de Rome
La quarantaine de tombes fouillées entre 2000 et
2005, auxquelles il faut ajouter les restes plus ou moins
bien conservés d’une demi-douzaine de sépultures
supplémentaires récupérés en 1988, donne une idée
significative des rituels funéraires d’un de ces ensembles
de l’Apennin bolonais, à l’origine certainement plus
important. La partie conservée s’inscrit dans une brève
période couvrant la fin du IVe et le début IIIe siècle
avant J.-C. Les données archéologiques des territoires
cispadans, boïens et sénons, témoignent pour cette
période d’un bien-être matériel qui se traduit notamment par une influence marquée des modes méditerranéennes.
Le complexe archéologique de Monterenzio Vecchia,
situé sur le tracé de la Flaminia minor, une des principales voies de communication antiques reliant la région
padane à l’Etrurie interne, domine les vallées de l’Idice à
l’ouest et du Sillaro à l’est. Il fait face à l’ensemble voisin
du Monte Bibele, également connu pour son importante
nécropole celto-étrusque. Installée sur le flanc sud-
occidental de la colline, la nécropole de Monterenzio
jouxte un habitat étrusque plus ancien dont on
commence à deviner l’importance. Pour une visite
détaillée du site et un aperçu de ces principales caractéristiques, on se reportera aux précédents comptesrendus. Rappelons pour mémoire que ce cimetière mêle
des enfants, en particuliers des enfants morts en bas-âge,
aux adultes des deux sexes. Il faut aussi insister sur
l’importance de la composante guerrière (40% des individus adultes). C’est dans le domaine très particulier de
la guerre que l’élément nord-alpin est le plus remarquable. Pour le reste, la référence est presque exclusivement étrusque et italique, comme nous allons le voir
avec l’exemple du banquet.
Tandis que les objets personnels du défunt (parure,
vêtements et instruments de toilette, ces derniers étant
le plus souvent rangés dans un vase, posé au pied ou le
long de la jambe droite) et les attributs qui le désignent
comme être social (armes, miroirs, quenouilles et
fusaïoles) sont placés au plus près du corps, les objets
destinés à l’accompagner et à assurer son passage vers
l’au-delà sont rassemblés sur le côté et parfaitement
individualisés. On trouve là des récipients, en céramique
ou en métal, des ustensiles en fer ou en bronze et des
restes osseux, que l’on peut mettre en relation avec le
cérémonial du banquet.
Le service de table ordinaire d’un adulte comprend
deux ou trois plats à pied, deux à quatre grandes coupes
d’une quinzaine de centimètres de diamètre, deux ou
trois coupes de taille moyenne, d’une dizaine de centi-
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mètres de diamètre, une ou deux coupelles ainsi qu’un
grand contenant, en général un vase ovoïde avec ou
sans anses (olla), plus rarement un cratère ou une situle.
Si la duplication des formes céramiques est la norme, le
triplement est plus exceptionnel et limité aux ensembles
les plus riches. À ce répertoire, il faut ajouter une coupe
à boire bi-ansée, une kylix pour les hommes, un skyphos
pour les femmes. Les cas d’inversion sont rares (tombes
21 et 22, il n’est pas inopportun de souligner dans ce cas
la proximité des deux tombes et la faiblesse numérique
de leur vaisselier, respectivement onze et neuf vases,
comparé à la quinzaine d’exemplaires qui caractérise la
plupart des contextes; par la quantité de pièces, le
service de table de ces sépultures est plus conforme à
celui rencontré dans les tombes d’enfants qui intègrent
ce rituel) et leur association davantage encore (tombe
5). Ces vases, toujours uniques et sexuellement discriminants, sont complétés dans un tiers des tombes par
des coupes à pied sans anse (jusqu’à trois exemplaires).
Le service à boisson comprend aussi dans quelques cas
une cruche, un canthare ou un gobelet à puiser en terrecuite dont la fonction paraît analogue à celle des kyathoi
en bronze, à la différence toutefois que ces derniers,
lorsqu’ils sont attestés, sont documentés par quatre ou
même cinq spécimens de différents modules. Une
passoire en bronze, référence implicite à la préparation
du vin, complète parfois le service à boisson (tombes 3, 5
et 36). La râpe à fromage, également utilisée pour
aromatiser le vin dans les contextes étrusques plus
anciens, n’apparaît ici que sous la forme de résidus. On
ne saurait donc, dans ce cas, comparer cet ustensile aux
autres accessoires culinaires, qui sont toujours complets.
Si la râpe métallique n’est pas autrement attestée, nous
trouvons en revanche des mortiers qui ont pu jouer un
rôle plus ou moins équivalent. Ces vases à fond granuleux, qui paraissent avoir été l’apanage des hommes,
devaient remplir une fonction bien précise. Ces vases,
limités à une unique pièce par tombe, ne sont jamais
séparés du service de table. On peut donc penser dans ce
cas à une utilisation pour la préparation de mets ou de
breuvages réservés aux seuls individus de sexe masculin.
Enfin, il faut signaler la présence avec le service de table
de gobelets d’un genre particulier qui se distinguent des
autres vases déposés dans les tombes par une pâte exclusivement grossière. Déposés par paire, ces récipients, au
fond souvent perforé, présentent des traces de brûlé et
sont fréquemment et volontairement brisés au moment
du dépôt. Leur aspect fruste est une constante qui
répond très certainement aux impératifs du rituel. Bien
qu’associés aux ustensiles de table, tout usage alimentaire paraît exclu. Il nous semble préférable de les inter-
préter comme des accessoires utilisés, dans le cadre du
rituel funéraire, en marge du banquet. Des analyses
permettront peut-être de préciser leur fonction et de
valider l’hypothèse de vases brûle-parfum, précédemment avancée.
Les broches et couteaux à viande, rares, sont attestés
dans trois contextes seulement, tous masculins (tombes
8, 15 et 36). Dans la dernière tombe, broches et
couteaux étaient associés à une paire de chenets, les
seuls documentés dans toute la nécropole (fig. 26).
Au-delà des ustensiles et contenants qui garnissent
la tombe, il nous faut imaginer la nature des contenus et
leur utilisation dans le rituel funéraire. Il s’agit de boissons (du vin comme le laissent deviner certains ustensiles comme la passoire et la kylix, mais pas uniquement)
et d’aliments solides. Des offrandes végétales (les
analyses archéobotaniques donnent, pour l’habitat de
Monte Bibele, un aperçu des denrées végétales produites
et consommées à cette époque, dans la région) nous ne
savons rien puisqu’il n’a été trouvé ni graines, ni
noyaux, ni résidus d’aucune sorte. Les offrandes carnées
ne sont repérables que dans la mesure où elles sont associées à des restes osseux. Des pièces désossées pouvaient
également participer de cette mise en scène, mais il n’en
subsiste aucune trace, seule le dépôt de broches permet
d’envisager la présence de tels morceaux.
Les ossements animaux, documentés dans plus des
deux tiers des cas, démontrent la matérialité de ces
denrées. Font exception la plupart des contextes infantiles et deux tombes d’adultes (la tombe 21 qui dispose
d’un service de table réduit, et la tombe 28 où l’on ne
trouve ni vase ni ossement animaux). Les parties
osseuses conservées indiquent qu’il s’agit dans tous les
cas de porcs, l’animal qui entre dans plus de 50% de
l’alimentation carnée de l’habitat de Monte Bibele. Il
s’agit d’animaux immatures ou de jeunes adultes. Le
choix des morceaux, également standardisé, se limite à
des plats de côtes qui sont prélevés entre la V-VIIe et XIVe
vertèbres, avec ou sans les vertèbres correspondantes.
Des traces de découpes sont visibles sur la plupart des
côtes recueillies. La localisation et la forme des entailles
indiquent pour la préparation des morceaux des
pratiques de boucherie parfaitement réglées (fig. 27). Le
thorax et la colonne vertébrale sont sectionnés longitudinalement. Les deux moitiés étaient ensuite divisées en
portions plus petites, avec les parties de vertèbres attenantes (les processus épineux) ou en les séparant, après
avoir taillé les têtes articulaires des côtes. La pièce de
viande était ensuite brisée et peut-être repliée comme
l’indiquent les entailles visibles sur la partie médiane de
la face ventrale et les traces de fracture observées en vis
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La nécropole celto-étrusque de monterenzio vecchia
Chronique
Fig. 26 – Monterenzio Vecchia, tombe 36, candélabre et ustensiles pour la préparation et la cuisson des viandes (broche, couteau et chenet)
(T. Lejars del.).
à vis sur la face externe. L’expérimentation pratiquée
sur des animaux actuels a montré, avec des traces de
découpe et des fractures comparables à celles observées
ici, qu’une telle pratique correspond à un mode opératoire bien déterminé. L’objectif n’était pas la découpe
nette des côtes en deux parties, mais l’affaiblissement de
Fig. 27 – Monterenzio Vecchia, reconstitution anatomique de la cage
thoracique des restes de porc déposés dans la tombe 32
(cliché E. Maini).
l’arc costal – d’abord les entailles rapprochées, sur la face
ventrale, puis la pression exercée sur les extrémités et la
fracture de la face externe – de manière à replier les
deux parties ainsi obtenues.
L’absence de trace de décharnement, le fait que ces
côtes constituent parfois des ensembles de trois ou
quatre pièces maintenus en position anatomique, et que
la plupart sont dépourvus de leurs articulations,
démontrent qu’il s’agissait de pièces de viande à part
entière, analogues à celles consommées dans la vie
quotidienne. Ces morceaux, pour n’être pas les meilleurs, n’en était pas moins de bonne qualité. On peut
également se demander si la viande a été déposée dans
la tombe encore crue ou si elle a été cuisinée, bouillie ou
rôtie, avant le démembrement de l’animal. Des indices
de cuisson, même limités, peuvent être retenus si l’on
tient pour pertinent le noircissement des surfaces
visibles sur quelques os.
Les morceaux ainsi préparés étaient déposés en
quantité variable, de deux à six pièces par tombe, et
placés sur des vases ouverts, des coupes principalement
et des plats (fig. 28). La répartition des ossements
indiquent qu’ils dépassaient souvent les limites du vase.
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immédiat (fig. 29 et 30). On note enfin, au sein de ces
amas, des vides qui trahissent la présence d’objets en
matériaux périssables (par exemple, tombe 12).
Dans la tombe 7, le service de table et les offrandes
alimentaires étaient déposés sur une table rectangulaire
Fig. 28 – Monterenzio Vecchia, tombe 20. Distribution
des restes osseux animaux à l’intérieur des contenants en céramique,
détail (cliché T. Lejars).
Dans d’autres cas, ils paraissent avoir été déposés directement sur le sol ou plus probablement sur des supports
organiques (plat, écuelle, assiette, etc.) qui ont depuis
disparu sans laisser d’autres traces que leur contenu.
Les éléments constitutifs du service de table (vaisselle, ustensiles et nourriture carnée) sont présents dans
la plupart des tombes, à l’exception d’une partie des
individus les plus jeunes et d’un adulte. Il est remarquable que les enfants des tombes 24, 25 et 33, âgés de
3/5 ans, aient reçu les mêmes honneurs que leurs aînés.
Le guerrier incinéré de la tombe 28, complètement
atypique dans ce contexte, se distingue quant à lui par
une absence de vases et d’ossements animaux, alors que
sa sépulture s’intègre parfaitement dans l’organisation
du cimetière. Cette anomalie peut s’expliquer de bien
des manières. On peut avancer, parmi diverses hypothèses, une origine exogène de ce guerrier ou encore des
conditions de décès particulières, qui ont conduit à
modifier les règles et la pratique funéraire. Partout
ailleurs, la vaisselle et les restes alimentaires sont
présents et ont été déposés ensemble à la droite du
défunt, à la hauteur de la tête ou du thorax. Les vases,
serrés les uns contre les autres, le plus souvent à plat,
parfois inclinés ou couchés, parfois renversés, suggèrent
qu’ils avaient été placés sur un support en matériau
organique, sorte de table basse. L’espace circonscrit
dessine dans plusieurs cas un tracé nettement quadrangulaire (de 60 sur 80 cm pour la tombe 12). Les récipients les plus volumineux (cratère, situle et olla) ont
souvent été brisés et écrasés consécutivement à l’effondrement de la couverture du caveau (tombes 3, 5, 14 et
36). Les ossements animaux sont posés pour partie sur
les vases, en particulier les formes basses ouvertes, pour
partie sur le sol, mêlés aux vases ou dans leur voisinage
Fig. 29 – Monterenzio Vecchia, tombe 22. Distribution
des restes osseux animaux et des contenants en céramique,
détail (cliché T. Lejars).
Fig. 30 – Monterenzio Vecchia, tombe 7. Plan de répartition des vases
et offrandes alimentaire (bleu : olla, skyphos et canthare, rouge :
coupes, vert : coupelles, orange : plat à pied, marron : gobelets;
M. della Casa del.).
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La nécropole celto-étrusque de monterenzio vecchia
Chronique
d’environ 50 cm sur 90, placée à la droite du défunt
(fig. 30). La disposition des vases ne doit rien au hasard.
Le service est divisé en deux groupes symétriques
disposés de part et d’autre d’un canthare à vernis noir.
Les côtelettes de porc placées sur la table respectent cette
partition de l’espace. Les grands contenants (vin ou
eau?), décalés vers le Nord, paraissent quant à eux
directement posés sur le sol. L’ensemble était complété
au Sud par un candélabre avec pied et fût en bois et
porte-chandelles en fer. Chandeliers et brûle-parfums
participaient de cette ambiance festive comme
l’indiquent les représentations figurées sur les monuments étrusques contemporains. Situé à l’écart, sur le
côté Ouest, un vase à parfum (amphorisque en céramique à vernis noir), complétait le mobilier. Ce souci de
la mise en scène du mobilier déposé est fréquent. Dans
un autre genre, on peut signaler l’olla de la tombe 1 qui,
placée au centre du dispositif, supportait un canthare
étrusque, posé à l’envers, que recouvrait un casque, à la
manière de certains vases cinéraires d’époque villanovienne.
Une telle mise en scène n’est pas sans rappeler les
représentations de banquets, peintes sur les parois de la
tombe Golini I à Orvieto, datée du milieu du IVe siècle
av. J.-C. et contemporaine des tombes les plus anciennes
de Monterenzio Vecchia. On découvre là, près de grands
chandeliers et des brûle-parfums, des tables chargées de
boissons et de victuailles présentées dans des récipients
qui ne sont pas très différents des nôtres. L’analogie,
toute proportion gardée, est saisissante.
Si la duplication du service de table caractérise de la
même manière les ensembles funéraires de Monte
Bibele (deux gobelets, deux plats, deux grandes coupes,
deux coupes de taille moyenne et parfois deux plus
petites), le triplement de certaines formes (plats à pied,
grandes coupes à vernis noir surtout, coupes moyennes,
coupes à pieds) est plus fréquent à Monterenzio Vecchia.
A Bologne, la situation est sensiblement différente,
puisque si l’on trouve effectivement dans les sépultures
de la phase celtique de la vaisselle en bronze étrusque et
certains accessoires du cérémonial du banquet, la part de
la céramique paraît plus ténue et le service de table, lorsqu’il est attesté, se limite généralement à un seul
convive. Dans les ensembles funéraires de la basse vallée
du Reno (Marzabotto et Casalecchio di Reno), pour se
limiter au domaine des Boïens, le rituel très différent
exclut aussi bien les objets que les usages et concepts
d’origine étrusco-italique. Par leur aspect et la sobriété
de leur mobilier, ces sépultures sont similaires à celles
des régions transalpines. Les groupes inhumés dans les
cimetières de Monterenzio Vecchia et Monte Bibele,
bien qu’appartenant à la zone d’influence boïenne,
présentent de ce point de vue davantage d’affinités avec
leurs homologues Sénons qui furent incontestablement,
parmi les Celtes établis dans la péninsule, les plus
ouverts aux influences méridionales.
La signification de ces offrandes alimentaires est plus
difficile à cerner. On peut supposer que les objets utilisés
au cours du rituel et laissés dans la tombe, étaient indissolublement liés au mort, et peut-être même lui appartenaient-ils au même titre que les effets personnels
(comme le couteau à découper les viandes, etc.). La
présence de services avec des vases destinés à plusieurs
participants (deux ou trois suivant les cas) permet toutefois d’écarter l’idée d’un simple viatique réservé au seul
défunt pour son voyage dans l’au-delà (suggéré par la
présence fréquente dans la main droite d’un fragment
métallique, désigné comme aes rude). La référence au
banquet avait indéniablement une valeur sociale et
marque un moment important pour la communauté des
vivants – il s’agit de groupes élitaires qui fondent leur
pouvoir sur la puissance guerrière – qui se retrouve et
rend un hommage au disparu. Cet hommage ne s’arrête
pas là puisque l’on a retrouvé en surface de plusieurs
tombes des concentrations d’ossements animaux et de
vases brisés, qui indiquent que l’on ne manquait pas de
revenir sur la tombe pour quelque célébration (repas
d’anniversaire, etc.).
Si les céramiques peintes, les vases à vernis noir ou
encore les récipients et ustensiles métalliques nous
invitent à regarder du côté de l’Étrurie tyrrhénienne,
nous savons que la pratique du banquet funèbre était
partagée par la plupart des peuples italiques. De fait, on
reconnait dans le rituel mis en œuvre à Monterenzio
Vecchia, comme à Monte Bibele, des traits singuliers qui
trouvent davantage d’analogie chez les Ombriens que
chez les Étrusques. Cela n’a rien de surprenant si l’on
considère la position géographique des groupes de
l’Idice, en limite des territoires émiliens et romagnols, et
la présence de populations ombriennes à l’Est du Sillaro
(par exemple, à Montericco, près d’Imola). On trouve
dans les ensembles funéraires ombriens, comme à
Monterenzio, les mêmes gobelets en céramique grossière, alors qu’ils paraissent absents des contextes funéraires étrusques padans. Il en va de même de la présence
du mortier en contexte masculin ou de l’usage préférentiel de vase à boire comme la kylix ou le skyphos (Montericco, Colfiorito di Foligno, etc.).
Ces remarques, suscitées par l’étude du service de
table et des accessoires qui l’accompagnent, montrent
l’importance et le poids des composantes étrusques et
ombriennes, à partir du début du IVe siècle av. J.-C.,
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251
dans le processus de construction des nouvelles communautés qui résultent d’apports multiples, d’interactions
et de fusions. L’analyse des nécropoles boïennes, de
Bologne, de la vallée du Reno et de l’Idice, montre
également que ce processus n’est pas uniforme et que
les Celtes ne furent pas tous, loin s’en faut, aussi réceptifs aux modes et coutumes des populations indigènes.
Melissa DELLA CASA (Université de Bologne), Thierry LEJARS
(CNRS-Umr8546, ENS, Paris), Elena MAINI (Université de
Bologne), Venturino NALDI (Musée archéologique de Monterenzio)
et Daniele VITALI (Université de Bologne)
LES SITES DE HAUTEUR DES VESTINS :
ÉTUDE DE L’ORGANISATION TERRITORIALE
D’UN PEUPLE DE L’ITALIE PRÉROMAINE
École française de Rome, Soprintendenza per i
Beni archeologici dell’Abruzzo, Université de
Picardie-Jules Verne
La 4e campagne d’étude des sites fortifiés et de
l’organisation territoriale des Vestins Cismontani et des
Péligniens Superaequani s’est déroulée du 5 au 31 juillet
2009, en collaboration avec le Vincenzo d’Ercole
(Soprintendenza per i Beni archeologici dell’Abruzzo).
Comme les années précédentes, nous avons profité
d’une précieuse contribution matérielle de la Comunità
Montana Amiternina, dirigée par Giacomo Di Marco.
Malgré les circonstances difficiles et la situation
d’urgence créée par le séisme du 6 avril 2009, nous
avons bénéficié d’un accueil chaleureux de la part de la
population du village de Fossa, dont nous avons partagé
le quotidien à la tendopoli. Une quinzaine d’étudiants,
provenant de diverses Universités françaises et
italiennes, a participé à cette campagne 2.
À l’issue des trois précédentes campagnes, 36 sites
fortifiés ont déjà été étudiés et nous avons dans un
premier temps complété nos observations en examinant
les quelques centres fortifiés signalés qui n’avaient pas
encore été vus. Nous avons également conduit des prospections dans plusieurs secteurs : le massif du Monte
Sirente, les versants méridional et septentrional de la
plaine de L’Aquila et le pourtour de la vallée de Caspes-
2. Les étudiants qui ont participé à cette campagne 2009 provenaient des Universités Lumière Lyon 2, Lille 3-Charles-deGaulle, Picardie-Jules Verne, Provence, G. D’Annunzio
trano, avec une attention particulière pour le territoire
de Villa Santa Lucia degli Abruzzi. Nous possédons
désormais une carte archéologique à jour, documentant
l’occupation des sommets de la région de l’Âge du
Bronze final à l’époque médiévale. Enfin, nous avons
complété nos observations en réalisant une série de
sondages sur le Monte di Cerro (communes de Sant’Eusanio Forconese et Fossa), aussi bien à l’intérieur de la
surface enclose que dans le secteur de la porte orientale
et de sa rampe d’accès.
Les opérations de prospection
Nous avons poursuivi l’étude du versant septentrional du massif du Monte Sirente, le long duquel on
peut supposer l’existence d’un itinéraire antique reliant
le territoire des Èques à ceux des Péligniens et des
Marses et passant par le haut-plateau des Rocche, les
Prati del Sirente, avant de longer le flanc du Monte
Sirente et du Monte San Nicola, pour déboucher sur le
Piano di Baullo et la Forca Caruso. Pour documenter la
dernière portion de cet itinéraire, nous avons exploré le
secteur du Pianoro di Canale jusqu’à Cerreta (commune
de Gagliano Aterno). Après avoir passé le Pianoro
dell’Acqua (1337 m), dont le fond est occupé par une
petite cuvette qui sert d’abreuvoir pour les troupeaux,
en parcourant tout le chaînon calcaire qui domine la
conque de Castelvecchio Subequo, nous avons découvert un site sur le sommet du Capo della Piaia (1410 m).
Au SE, ce sommet est protégé par un fossé, dont la
largeur varie de 5,90 à 7,60 m et que l’on peut suivre
Chieti, Roma 1-La Sapienza, Marc Bloch-Strasbourg, ainsi
que de l’École normale supérieure.
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Les sites de hauteur des vestins
Chronique
sur 44 m de longueur. Au-delà, la cime forme une
espèce de «motte» de forme ovale, en surplomb
d’environ 8 m par rapport au reste du terrain. Cette
«motte» s’étend sur environ 2773 m2 et présente du
matériel en surface (67 artéfacts, soit une densité de
0,024 objets / m2) renvoyant à l’époque romaine (céramique à vernis noir et sigillée) et peut-être médiévale. Il
semble donc s’agir d’un point d’observation fortifié,
occupé à l’époque romaine, en liaison avec l’élevage
transhumant et avec l’itinéraire reliant le Pianoro di
Canale au col de la Forca Caruso, emprunté par la uia
Valeria (fig. 31).
Plus au sud, sur le plateau de Cerreta à 1155 m
d’altitude, se trouve une enceinte formée d’une simple
accumulation de blocs, dont la largeur varie de 3 à
3,55 m, sur les côtés ouest, sud et est. Le versant nord
est simplement défendu par l’à-pic de la falaise.
L’enceinte, longue de 239 m, ferme une surface de
3733 m2 ; dans la partie orientale, un mur long de 44 m,
assez labile, qui plie à angle droit, délimite une surface
de 731 m2, distinguant peut-être la partie réservée à
l’habitat et celle qui sert à la stabulation. La situation
topographique (site appuyé à la falaise), le type de
construction de l’enceinte, la présence d’une subdivision
interne etc. rappellent fortement la situation des Colli et
de Costa Carbone. Il pourrait alors s’agir d’un ensemble
de sites destinés à protéger les troupeaux dans le cadre
de l’élevage transhumant. Dans la surface enclose et
dans les alentours immédiats de la fortification, on a
découvert une faible quantité de matériel en surface
(céramique d’impasto et à argile dépurée).
Nous avons également complété les prospections
dans la plaine de L’Aquila, en nous concentrant sur les
Fig. 31 – Les sites de hauteur des Vestins. Capo della Piaia,
vu du Castiglione (cliché S. Bourdin).
alentours du Monte di Cerro et sur l’ubac boisé qui
domine le cours de l’Aterno. Ainsi, au-dessus du bourg
de Casentino (commune de Sant’Eusanio Forconese),
sur un petit sommet (773 m) prolongé par un plateau à
748 m, on a découvert de la céramique à argile dépurée
ainsi que des tessons à surface peignée ou portant des
traces de glaçure plombifère, qui font penser à un
habitat médiéval, peut-être fortifié, dans la mesure où
des traces de fossé sont visibles en contrebas. Tout le
secteur a été en grande partie épierré, avec la mise en
culture de champs clos, la réalisation des maceri caractéristiques de la région et la construction de cabanes et de
terrasses de culture en pierres sèches. Toutes les structures médiévales correspondant au matériel de surface
ont semble-t-il été systématiquement démontées.
Nous avons également exploré l’autre versant de la
plaine de L’Aquila, dans les environs du bourg de
Pescomaggiore. Dans l’ensemble, nous n’avons noté que
quelques traces de fréquentation pastorale : un tesson
médiéval sur la pente du Monte La Fronte, un peu de
matériel à la cote 1251 et sur le versant oriental du Colle
Perno, ainsi que des traces d’activités plus récentes
(champ de tir de l’artillerie italienne). Sur l’ensellement
entre le Monte La Fronte et le Monte del Prato
(1291 m), on a repéré plusieurs tumuli, dont le principal
(pillé) a un diamètre de 29,5 m pour une hauteur
conservée de 1,65 m. La présence de nécropoles sur des
cols est bien documentée dans ce massif et l’on retrouve
plus à l’est la nécropole tumulaire de Vallicella, signalée
l’année précédente. Trois autres tumuli intacts ont été
découverts vers la cote 1361 m, sur le versant occidental
du Colle Oragno. Ils sont constitués d’une accumulation
de pierres sèches, conservée sur 0,50 à 0,78 m de
hauteur, pour un périmètre allant de 19 à 31 m. Cette
nécropole se situe encore une fois en position de col et la
proximité de l’enceinte de la Croce di Picenze nous
conduit à considérer qu’elle en constitue le cimetière.
Enfin, nous avons poursuivi l’enquête entreprise
l’année précédente, visant à contrôler tous les sommets
bordant la vallée de Capestrano, avec une attention
particulière pour le territoire de Villa Santa Lucia degli
Abruzzi, commune perchée sur un plateau dont le
rebord est formé d’un chaînon calcaire à une altitude
moyenne de 800 m et qui domine la nécropole de Capo
d’Acqua (Capestrano). Ce plateau remonte en pente
douce à ses deux extrémités et permet de passer au NO
sur le territoire de Castel del Monte et de là au Campo
Imperatore; au SE, on parvient à un col à 1335 m, situé
entre le Monte Cappucciata (1801 m) et le Monte Scarafano (1432 m), qui permet de rejoindre le versant adriatique via Brittoli. Cet itinéraire est donc une bonne
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alternative à la route de la Forca di Penne et un des rares
sentiers permettant de traverser le massif du Gran Sasso
dans ce secteur. Au NO du village, sur le chaînon du
Colle della Guardia (1017 à 1060 m), on ne voit que des
traces d’aménagements agricoles (terrasses, enclos en
pierres sèches, pierriers) et du matériel qui renvoie
essentiellement au Moyen Âge et à l’époque moderne.
Au SE, nous avons inspecté toute la ligne de crête depuis
le Colle della Madonna jusqu’au Monte Scarafano. La
plupart de ces sommets ont fait l’objet d’aménagements
agricoles et sur la cime inférieure du Colle della
Madonna (1005 m) notamment, on voit un certain
nombre de tas d’épierrement et surtout un imposant
ensemble de terrasses. Le sommet de la colline lui-même
est couronné par un mur en pierres sèches, à double
parement, dont la hauteur conservée atteint par
endroits 2,40 m pour une largeur de 2 m. Ce mur de
belle facture, long de 196 m, ferme une surface de
2591 m2 ; il s’ouvre à l’est par une interruption et un
décrochement. À l’intérieur de la surface enclose, on ne
voit que des traces d’épierrement et la végétation dense
n’a permis de découvrir aucun matériel. Il est malheureusement impossible en l’état d’en dire davantage
sur cette structure ou sur sa datation. Dans le vallon
situé entre le Colle della Madonna (1036 m) et le Colle
San Nicola (1056 m), on a découvert du matériel en
abondance (céramique, fragments de tuiles), appartenant probablement à l’époque médiévale. On retrouve
le même type de matériel au sommet du Colle San
Nicola lui-même. À l’est du sommet, on voit un gros
pierrier au sein duquel a été aménagée une cabane à
tholos, avec une banquette interne. Ces structures sont
en général datées de la fin XVIIIe ou du XIXe siècle. Mis à
part cette occupation médiévale et ces traces d’exploitation agricole postérieure, aucun témoignage d’occupation protohistorique ou antique n’a pour l’instant été
relevé dans ce secteur.
L’étude du Monte di Cerro
Depuis 2006, l’enceinte du Monte di Cerro a été
étudiée en détail et les prospections réalisées à l’intérieur
de la surface enclose ainsi que dans les environs immédiats du site ont permis de documenter une fréquentation allant de l’Âge du Bronze final jusqu’au Moyen
Âge, avec une concentration particulière pour le 1er Âge
du Fer. Les témoignages des clandestins signalent en
outre la découverte de monnaies et de balles de fronde
datant de la fin de la période républicaine. Durant la
campagne 2009, nous avons d’une part nettoyé
plusieurs portions de l’enceinte et d’autre part réalisé
des sondages sur le secteur de la porte, mais également à
l’intérieur du site, notamment sur le versant septentrional et dans le secteur sommital. D’une façon générale, les sondages conduits à l’intérieur de la surface
enclose (sondages e, h, u, z) n’ont pas livré de séquence
stratigraphique significative, mais simplement une
couche d’humus posant directement sur la roche naturelle. Les sondages a, g et d ont livré des séquences
simples, documentant la construction de la fortification
ou des divers aménagements et seuls les sondages b et P
ont fourni une séquence stratigraphique en place,
correspondant à l’aménagement, à l’utilisation et à
diverses recharges dans le corridor d’accès de la porte
orientale.
L’enceinte du Monte di Cerro se présente actuellement sous la forme d’un ovale, ouvert à l’est par la porte
orientale, qui est formée du chevauchement du circuit
méridional et du circuit septentrional. La muraille, qui
conserve au maximum deux ou trois assises superposées, est constituée d’un double parement, avec un
remplissage (emplekton) de petits moellons et de terre.
Au NO, l’enceinte est doublée d’un fossé, que l’on peut
suivre sur une longueur de 86 m. L’accès oriental se
présente comme une porte à baïonnette : le mur septentrional se termine par un bastion quadrangulaire,
marqué par un léger décrochement à l’ouest. En
contrebas de ce mur septentrional, on trouve la rampe
d’accès, que l’on suit sur une longueur de 28 m, qui est
formée d’une assise de blocs et qui débouche sur un 2e
bastion carré, marquant le début du mur méridional de
la fortification. Entre les deux bastions, un corridor biais
large de 3,5 m permet de pénétrer sur le circuit annulaire et donne accès au site. Cette structure est désormais
réduite à une seule assise, mais la présence de
nombreux blocs en position de chute, aussi bien à l’extérieur de l’enceinte, que dans le corridor d’accès ou dans
le remplissage entre les deux parements, permet de
supposer qu’elle était à l’origine formée de trois ou
quatre assises superposées au moins, et probablement
renforcée par une palissade de bois.
Les deux murs se terminent chacun par un bastion
carré, qui apparaissent nettement quand on ôte les blocs
chutés. Le bastion du mur nord mesure environ 4 × 4 m
et celui du mur sud 3,70 × 3,70 m environ. La largeur
du mur lui-même, entre les deux parements, est
variable, de 2,90 m au SE à 4,50 m à l’est. Elle est toutefois le plus souvent comprise entre 3 et 3,5 m. Entre les
deux parements se trouve un emplekton de moellons de
calcaire et de terre. Le sondage g, implanté dans
l’emplekton du mur nord nous a permis de le vérifier :
après le dégagement de la couche superficielle, on a pu
SPIOX
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254
B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
Les sites de hauteur des vestins
Chronique
démonter un niveau homogène de moellons et de terre
brune (US 1024), profond de 0,77 m, qui repose directement sur la roche naturelle. À l’exception d’un tesson de
céramique à argile dépurée, le matériel contenu dans ce
remplissage est constitué exclusivement de céramique
d’impasto, dont un fragment de petite olla à corps globulaire ovoïdal et un fragment de paroi d’olla à cordon
horizontal lisse, qui renvoient au premier Âge du Fer,
ainsi que quelques fragments d’ossements animaux. Ce
matériel ne peut bien entendu fournir qu’un TPQ pour
la construction de l’enceinte : l’emplekton a été réalisé en
compactant des terres de remblai contenant ce matériel
proto-historique.
L’accès à la porte orientale se faisait par une rampe
large de 6,40 m, soutenue par un mur en pierres sèches,
qui utilise le même module et la même technique polygonale irrégulière que les deux parements de l’enceinte.
Ce mur est désormais réduit à une seule assise, qui est à
la même cote que la première assise du parement
externe du mur méridional, mais on peut estimer sa
hauteur initiale à quatre assises, soit environ 1,201,30 m. Un sondage (d) a été implanté le long de cette
première assise de la rampe, et a révélé la présence d’un
remplissage identique à celui de l’emplekton, ce qui laisse
supposer que l’ensemble a fait l’objet d’une réalisation
unitaire. On a donc dans un premier temps élevé le mur
de soutènement en pierres sèches et comblé ensuite la
rampe avec de la pierraille jusqu’à atteindre la hauteur
nécessaire pour obtenir un niveau de circulation régulier
(fig. 32 et 33).
Deux autres sondages documentent la construction
et le fonctionnement de ce corridor de la porte orientale,
le sondage P implanté le long du parement externe du
mur nord, au contact de celui-ci, dans un espace qui
constitue la partie supérieure de la rampe d’accès, et le
sondage. légèrement plus à l’ouest, au contact du parement interne du mur sud, longitudinalement à l’axe du
passage. Dans le sondage b, on a atteint la roche naturelle après le démontage de plusieurs niveaux, correspondants aux remblais et recharges (US 1026, 1031,
1032 et 1040) supportant le radier de fondation
(US 1023) de la route elle-même (les niveaux de circulation ont disparu). Parmi les couches de remblai, les
US 1031 et 1032 se distinguent par la présence de fragments de bois carbonisé, dont des traces de plusieurs
planches et des clous de fer. Ce niveau charbonneux,
dont on retrouve des traces dans le sondage., provient
peut-être d’un premier système de fermeture (portes en
bois), détruit, enfoui sur place et remplacé dans une 2e
phase. Dans le sondage., la situation est sensiblement la
même, mais en raison du pendage, la roche naturelle
affleure à une cote inférieure, ce qui a nécessité des
niveaux de remblai plus importants. On retrouve sous la
couche d’humus des portions d’un radier (US 1021), qui
devait porter le niveau de circulation antique disparu.
Lors de son démontage, on a récupéré notamment un
tesson de céramique à vernis noir, un anneau de plomb
et des fragments de tuiles. Ce hérisson résiduel s’appuie
sur une couche de préparation (US 1020), pauvre en
mobilier, qui recouvre une couche de terre jaunâtre
(US 1025), comprenant une grande quantité de tessons
de céramique d’impasto ou d’argile dépurée, des pointes
de clous en fer etudes fragments de bronze. Au-dessous,
on rencontre plusieurs niveaux de remblai, riches de
matériel provenant des structures démontées à l’intérieur de la surface enclose, parmi lesquelles un fragment
de tasse à petit col et un fragment de paroi décorée d’un
cordon digité, qui datent de l’Âge du Bronze final-début
Fig. 32 – Les sites de hauteur des Vestins. Coupe au niveau de la porte orientale et de la rampe (à gauche), avec les deux parements du mur septentrional sur la droite et la localisation des sondages b et g (relevé L. Ferreri, M. Davide, X.A. Magli).
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
255
Fig. 33 – Les sites de hauteur des Vestins. La rampe conduisant à la
porte orientale (cliché S. Bourdin).
du Ier Âge du Fer. Cette séquence stratigraphique correspond donc à plusieurs niveaux de remblai, de préparation et éventuellement de recharge, pour poser le radier
et le niveau de circulation (disparu et remplacé par une
légère couche d’humus) (fig. 34).
Le matériel découvert dans ces différents niveaux de
remblai fournit donc un TPQ pour la construction de
l’enceinte, ou plutôt pour sa réfection. En effet, il semble
peu probable que l’habitat du Monte di Cerro n’ait pas été
fortifié à l’Âge du Fer. On doit donc supposer qu’aux
Xe-VIe s., on trouvait sur le Monte di Cerro un habitat
fortifié, composé de cabanes et d’une fortification de type
«circuit annulaire», posant sur une seule assise retenant
un agger (comme on le voit encore dans le quadrant NO
du site), peut-être doublé d’un fossé. Dans un second
temps, un système plus complexe est mis en place, dont
le Monte di Cerro représente le seul exemple connu pour
la région. On construit un mur en appareil irrégulier,
composé de deux parements et d’un emplekton et on
aménage à l’est une porte à recouvrement, prolongée par
une rampe d’accès. En arrière du mur, et le long de la
rampe, on obtient un niveau régulier en remblayant avec
de la terre provenant des habitations détruites à l’intérieur du site. Le matériel contenu dans ces niveaux de
remblai nous amène jusqu’à une date postérieure au Ve,
voire au IVe s. On pourrait alors supposer que l’enceinte a
été reconstruite à l’époque hellénistique, peut-être dans
le cadre des guerres contre Rome, ce qui expliquerait la
présence de balles de fronde découvertes en prospection
ou prélevées par les clandestins.
Plusieurs sondages ont été implantés à l’intérieur de
la surface enclose (a, h, z, e, u). D’une manière générale,
à cause de l’érosion ainsi que des divers prélèvements
effectués pour construire l’emplekton et la rampe d’accès,
Fig. 34 – Les sites de hauteur des Vestins. Le sondage # en cours
de fouille, avec les lambeaux du hérisson de la route (US 1021)
(cliché S. Bourdin).
les niveaux d’occupation n’ont pas été conservés. On
rencontre partout une couche d’humus, riche en matériel, qui recouvre directement la roche naturelle. Le
matériel résiduel correspond à l’occupation du site au
Bronze final et au premier Âge du Fer, déjà bien documentée par les prospections de surface réalisées les
années précédentes. Ainsi, parmi le matériel découvert
dans le sondage, on note la présence d’un fragment
d’ollette à corps globulaire ovoïdal, bord évasé et épaule
décorée d’un cordon digité, qui rappelle un exemplaire
de Poggio Sommavilla, un fragment d’écuelle carénée à
paroi rentrante qui renvoie à un exemplaire de Lucostrada 45 et un fragment de vase à col cylindrique qui
rappelle un exemplaire de Celano Paludi.
Le seul aménagement visible à l’intérieur de la
surface enclose est une cuvette, qui s’étend sur 200 m2
environ, sur le versant nord. Un sondage a été implanté
sur le rebord de cette structure. Il a révélé la présence
d’une couche compacte de terre argileuse, mêlée de
moellons de calcaire, contenant un riche matériel (236
artéfacts) datant du Bronze final (deux fragments de
couvercle rappelant un exemplaire d’Ortucchio-strada
28) ou du premier Âge du Fer (fragments d’écuelle tronconique à calotte, d’olla à profil continu et corps cylindrique, d’olla à petit col et corps ovoïde). Il s’agit
clairement d’une couche de remblai, mais la signification et l’utilisation de cette petite dépression du terrain
demeurent encore, en l’état de la recherche, inexpliquées.
Les prospections conduites cette année nous ont
permis de découvrir deux nécropoles tumulaires protohistoriques, d’identifier un site d’époque romaine (Capo
La Piaia) et plusieurs secteurs d’occupation médiévale
SPIOX
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256
B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
Piazza navona
Chronique
(Cote 773, Colle della Madonna, Colle San Nicola). Nous
avons désormais, à l’issue de ces quatre campagnes
(2006-2009), une vue assez claire de tous les massifs qui
entourent la plaine de L’Aquila, le haut-plateau de
Navelli, la vallée de Capestrano et la conque de Castelvecchio Subequo, ainsi qu’une vue partielle des massifs
du Sirente et des abords du haut-plateau des Rocche.
Une quarantaine de sites fortifiés ont été contrôlés et
décrits au cours de ces quatre campagnes. Plusieurs sites
fortifiés inédits ont été découverts (I Colli, Costa
Carbone, Cote 1052), ainsi que de nombreuses zones
d’épandage de matériel d’époque proto-historique
(Monte Cogozza), romaine (San Pio...), médiévale (La
Corcumella, Cote 773 etc.) et plusieurs nécropoles
tumulaires (Vallicella, Croce di Picenze). Nous avons
documenté sur la plupart des sites pris en examen les
différentes techniques utilisées pour la construction des
enceintes, qui correspondent à deux types principaux :
une simple accumulation de blocs de pierre, servant
probablement d’appui à une palissade (Serra di Navelli,
Monte Mattone, Monte delle Croci, I Colli, Cerreta etc.)
ou un mur, en général réduit à une ou deux assises, qui
retient une accumulation de terre aplatie pour former
un chemin de ronde (Croce di Picenze, Collemaggiore,
Monte Cafanello, Monte Urano etc.). L’enceinte du
Monte di Cerro, étudiée cette année, représente un
modèle plus abouti, et pour l’instant unique dans la
région, qui combine un mur à double parement, probablement surmonté d’une élévation en matériaux périssables (brique crue ou palissade de bois), en arrière
duquel se trouve un circuit annulaire aplati, formant un
chemin de ronde. Cette enceinte s’ouvre par une porte à
recouvrement élaborée, prolongée par une rampe
d’accès, posant sur des niveaux de remblai qui
contiennent du matériel récupéré sur l’habitat et font
pencher pour une datation basse de l’ensemble.
L’analyse complète du matériel, en particulier de la
céramique découverte sur l’ensemble de ces sites,
permettra de proposer une datation précise de la
fréquentation de chacun d’entre eux et de sortir d’une
vision réductrice qui tend à considérer tous ces centres
fortifiés comme contemporains. Nous pourrons ainsi
mieux cerner, au travers des époques successives, les
différentes dynamiques du peuplement du territoire des
Vestins Cismontani et des Péligniens Superaequani.
Stéphane BOURDIN et Antonella NATALI
PIAZZA NAVONA 62 QUATRIÈME CAMPAGNE DE
FOUILLES DANS LES CAVES DE L’IMMEUBLE SITUÉ
AU NO 62 DE LA PLACE NAVONE
École française de Rome [en collaboration avec la
surintendance archéologique de Rome]
La quatrième campagne de fouilles archéologiques,
à laquelle ont participé Stéphane Abellon, Julie Leone,
Edwige Lovergne, Caroline Michel d’Annoville, Jacopo
Russo, Claudio Taffetani et Emmanuel Sanz, s’est
déroulée du 3 mars au 30 mai, du 30 juin au 24 juillet
et du 17 août au 18 décembre 2009. Les résultats
obtenus en 2008 ont induit à une extension importante
de la superficie à explorer : la fouille a concerné la totalité de l’imma cavea du stade de Domitien, soit les deux
salles aux piliers de part et d’autre de l’escalier qui
débouche au-dessus de l’ambulacre interne et mène au
départ de la première rampe de gradins, une grande
partie de l’ambulacre médian et le restant de la cavea
media où un sondage (espace 112) avait été ouvert en
2006 (fig. 35). La cavea media n’a pu être fouillée que
superficiellement ou sur une petite surface car les
espaces se sont présentés soit encombrés par un réseau
serré de canalisations et de puisards (espaces 110 et 131)
et couverts d’un pavement de briques récent, qui a été
laissé en place, soit inexplorables à cause de la remontée
de la nappe phréatique et l’insertion de nombreux
micro-pieux (espaces 132 et 124).
Aux collaborateurs externes cités dans la chronique
de fouilles 2008 et chargés d’études ponctuelles
s’ajoutent Hélène Eristov et Nicole Blanc (CNRS,
UMR 8546, CNRS-ENS – Archéologies d’Orient et
d’Occident) pour l’étude du décor stuqué et Lucia Saguì
(Università di Roma I La Sapienza – Ricercatore) pour
les objets en verre.
Toute la documentation graphique a été réalisée par
Julie Leone, Edwige Lovergne et Claudio Taffetani.
Cette chronique ne relatera que brièvement les
nouveaux résultats, laissant à la publication future les
données qui enrichissent les acquis des campagnes de
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
257
Fig. 35 – 62, Place Navone. Plan des structures du Stade de Domitien d’après I. Gismondi et localisation des sondages.
fouilles de 2005, 2006 et 2008, l’étude intégrale du
matériel et la reconstitution stratigraphique et chronologique des différentes phases d’occupation des espaces.
Les fondations du stade de Domitien
Une série de fondations continues, orientées estouest, a été mise au jour dans les deux salles aux piliers
nord et sud (espaces 126 et 108, espaces 104 et 101); les
fondations relient et sont chaînées aux éléments
portants de l’édifice, soit les deux piliers et piédroits de
chacune des deux ouvertures vers la piste aux deux
piliers respectifs qui leur sont alignés à l’est. Dans
l’espace 101, qui comprend le quart sud de la salle aux
piliers sud et le mur nord d’un escalier, des murs récents
et, en particulier l’empattement de leurs fondations,
englobent en grande partie l’espace entre les deux piliers
sud de la salle, ce qui a exclu la possibilité d’observer les
fondations qui les relient; en revanche, une fondation
continue a été mise au jour entre le mur nord de l’escalier et le pilastre du mur ouest de la salle. De même,
dans l’espace 107 où plusieurs fondations de murs
récents ainsi que le réseau particulièrement important
de canalisations d’égouts et de puisards ont empêché
d’explorer les deux passages situés entre les murs nord
et sud de l’escalier central et les piliers situés plus à l’est,
et, en conséquence, de vérifier la présence de fondations
continues.
Ce système de fondation est-ouest s’interrompt dans
l’ambulacre médian, ce qui n’est pas surprenant car les
éléments portants de la cavea media sont différents et ne
sont pas en axe avec ceux de l’imma cavea.
Dans l’espace 104, la fondation continue est en
légère pente d’ouest en est, et se situe aux cotes SLM de
11,96 à 11,90 (fig. 36 et 37); dans l’espace 101 à 11,94
(fig. 38), dans l’espace 126 à 11,87, dans l’espace 10801 à
11,96 (fig. 39). Les fondations entre les piliers sont,
comme ces derniers, larges 0,90 m, tandis que celle qui
relie le pilastre ouest au mur nord de l’escalier, dans
l’espace 101, est de 0,30 à 0,20 m plus large (le mur
nord est large 0,60 m et le pilastre ouest 0,70 m).
Les fondations, construites en béton, s’enfoncent
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
Piazza navona
Chronique
Fig. 36 – 62, Place Navone. Salle aux piliers sud (10401) : piédroit nord
de l’ouverture vers la piste et fondation (1040146); niveaux
de circulation (10401058 et 10401043) et sépulture (10401038).
Fig. 38 – 62, Place Navone. Salle aux piliers sud (10101) : mur nord de
l’escalier (10101006) et fondation (10101029).
Fig. 37 – 62, Place Navone. Salle aux piliers sud (10402) :
pilier nord-est et fondation (10402040).
dans un terrain constitué de limon argileux; là où les
conditions de fouilles ont permis un sondage en profondeur, c’est à dire dans l’espace 10401, on a pu constater
que les 0,17 m supérieurs de la fondation continue sont
parementés de quatre assises de briques (fig. 40). Dans
l’ambulacre médian (espace 111), un sondage en profondeur, ouvert le long de la face est du pilier Gismondi no 2
ou pilier nord-est de la salle, a permis de constater non
seulement l’interruption de la fondation continue estouest mais aussi un changement de technique de
Fig. 39 – 62, Place Navone. Salle aux piliers nord (10801) : Piédroit sud
de l’ouverture vers la piste et fondation (10801025); strate de marbres
(10801021).
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
259
Un niveau de mortier et pouzzolane couvre le
sommet des fondations.
Les niveaux antiques
La salle aux piliers nord
Fig. 40 – 62, Place Navone. Salle aux piliers sud (10401) :
fondation parementée, détail (10401046).
construction : la partie supérieure de la fondation (cote
SLM 11,89) est ici constituée de deux assises de briques
dont la première est en ressaut (fig. 41). Une extension
du sondage au sud (une fondation récente ne favorise
pas une fouille en profondeur au nord) serait souhaitable afin de vérifier la présence d’une fondation, annulaire, reliant les piliers qui bordent l’ambulacre et dotée
de deux assises de briques ou si celles-ci ne correspondent qu’aux piliers.
Fig. 41 – 62, Place Navone. Ambulacre médian (11101) : pilier
et fondation (11101023); sol (1101028) et niveau de chaux (11101026).
Dans l’espace 12601, seule une infime partie de la
fondation continue, qui relie le piédroit et le pilier nord
de l’ouverture vers la piste au pilier central, nord, de la
salle, n’a été mise au jour jusqu’à présent. Le niveau
correspondant au sommet de la fondation est couvert
par une strate de terre et de matériaux de destruction,
US 076/083 (cote SLM 11,87 à 12,10), sur laquelle se
superpose l’importante couche de fragments de marbres
colorés, US 055, disposés à plat, en partie dégagée en
2008.
La poursuite de la fouille dans cet espace a permis de
retrouver le niveau de circulation, compact, constitué de
fragments de mortier, US 082/063 (cote SLM 12,24),
déjà individualisé en 2008, qui scelle la strate des
marbres et qui s’était présenté en grande partie détruit
par le creusement de fosses de diverses sépultures; ce
niveau est de nouveau entaillé par une sépulture tardoantique, démantelée par une interférence postérieure.
Dans l’espace 10801, la fondation continue, US 025
(cote SLM 11,96), qui relie le piédroit et le pilier sud de
l’ouverture vers la piste au pilier central, sud (non
visible), de la salle, est couverte d’un mince lit de chaux
auquel se superpose une strate de terre argileuse,
US 023 (cote SLM de 11,98 à 12,08), compacte, qui
inclut de nombreux éclats de marbres et constitue le
fond de la strate de plaques de marbres colorés, US 022.
Celle-ci, en pente du nord au sud, est ici relativement
épaisse (15 à 20 cm environ – cote SLM de 12,08 à
12,27) et couverte à l’ouest par de nombreux grands
fragments de tuiles. À l’est, au même niveau, se trouve
la strate de grands fragments de marbres, US 021
(fig. 39), comparable à celle trouvée dans l’espace 126
(v. la chronique de fouilles 2008). Un niveau de terre
compactée, en pente vers le sud, scelle les marbres : sa
cote (SLM 12,34/24 à 12,29/19) correspond à celle du
niveau 12601082 et du sol de ciment 10401043.
Dans la salle aux piliers nord, la fouille des niveaux
situés sous le sommet des fondations n’a pas encore été
entamée. Toutefois, on a pu observer les traces d’une
cassure ou d’arrachement du revêtement stuqué à la
base des piliers sur une hauteur d’environ 0,20 m, ce
qui suggère une spoliation d’un dallage ou tout au
moins un passage à un type d’occupation différent de cet
espace. De fait, seule une couche de terre argileuse,
mêlée à de nombreux fragments de mortier et de
SPIOX
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260
B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
Piazza navona
Chronique
briques dans la moitié nord de la salle, sépare le sommet
des fondations du stade de la strate de fragments de
plaques de marbres colorés.
La salle aux piliers sud
La fouille de l’espace 104 a distingué deux secteurs,
10401 à l’ouest, 10402 à l’est, en conséquence du cloisonnement de la salle à l’époque moderne; ces travaux
et des fondations de murs récents ont également
restreint l’espace explorable et en particulier englobé ou
arasé les piliers sud de la salle.
Dans l’espace 10401, deux sondages de dimensions
réduites, afin de conserver le plus possible toute la stratigraphie sur le restant de l’espace, ont permis d’explorer
les strates situées sous le niveau de la fondation
continue et d’atteindre dans le premier la cote
SLM 11,39, dans le second la cote SLM 11, 80.
La fondation continue, US 046 (cote SLM 11,96), qui
relie le piédroit et le pilier nord de l’ouverture vers la piste
au pilier central, nord, de la salle (fig. 2), s’enfonce, à la
cote SLM 11,80, dans un terrain constitué de limon argileux verdâtre, US 063, qui continue au-delà des 0,40 m
fouillé. Cette cote correspond au plan de pose de la
première assise de briques (fig. 6) et à un niveau constitué
de terre cuite concassée et couvert par un lit de chaux,
US 064 (cote supérieure SLM 11,83) : il pourrait s’agir
d’un niveau de préparation de sol ou de chantier du stade.
Ce niveau est couvert par une première strate de
limon argileux, très pur et dépourvu de matériel, US 61,
puis par deux strates, US 059 et 060 (cote SLM 11,95 à
12), composées de terre argileuse compactée, de pouzzolane et d’un lit de chaux, qui englobent la partie haute
de la fondation et constituent la semelle d’un sol
construit, de mortier, en pente vers le nord, US 058/047
(cote supérieure SLM 12,01 à 12,15).
Plusieurs strates de faible épaisseur, de limon
verdâtre, US 051, de chaux, US 050, de terre compactée,
US 049, et de limon mêlé à des charbons de bois et des
débris de stuc, US 048, forment la préparation d’un
niveau de circulation, composé de mortier, qui maintient
la pente vers le nord, US 043 (cote supérieure SLM du
sud au nord 12,38 à 12,29). Ce sol est taillé par la sépulture 10401038 (v. la chronique de fouilles 2008 : le sol
12601063 taillé par les sépultures US 052, 061 et 064).
Dans l’espace 10402, la fondation continue, US 040
(cote SLM 11,90), relie le pilier central, nord, au pilier
nord-est (fig. 37) et se situe en prolongement de la
fondation 10401046. Malheureusement, l’espace 10402
a été tranché par deux canalisations superposées, orientées nord-sud, ce qui nuit à une vision d’ensemble et qui
a contraint d’attribuer, par prudence, une numérotation
d’US différente de part et d’autre des égouts même
quand il s’agissait d’une strate identique. L’étroitesse de
ces deux espaces n’a pas permis une fouille en profondeur qui aurait complété et conforté la lecture stratigraphique faite dans l’espace 10401; en particulier, le
parement de briques et le niveau correspondant observé
à l’ouest n’ont pas été mis au jour à l’est.
La fondation est couverte par une strate d’argile
verdâtre, US 39/52 (cote supérieure SLM 12,06), sur
laquelle a été déposée une couche de chaux, qui constituent la préparation d’un sol construit, de mortier, US 51
(cote SLM 12,06 à 12,11), à relier au sol 10401058. On a
pu observer, dans cet espace, le long de la base du pilier,
la présence d’une tranchée, US 038 (cote SLM 11,90 à
12,12), comblée de terre argileuse, qui a entaillé le sol et
sa préparation.
À l’ouest, une strate de terre compactée, US 50, et à
l’est, une mince strate de limon mêlé à des charbons de
bois, US 035, forment le fond d’un niveau de circulation
(fig. 42), composé de mortier, US 49 et 032 (cote
SLM 12,14 à 12,22), correspondant au niveau mis au
jour dans l’espace 10401.
La salle aux piliers sud a donc conservé un niveau
de circulation intermédiaire, absent dans la salle aux
piliers nord où, aux mêmes cotes, se trouve la strate de
fragments de plaques de marbres colorés.
L’espace 101 est limité au sud par le mur nord d’une
rampe d’escalier du stade; ce mur, conservé jusqu’au
Fig. 42 – 62, Place Navone. Salle aux piliers sud (10402) :
pilier nord-est et niveau de circulation (10402032).
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
261
niveau de fondation, a été ultérieurement arasé
jusqu’au niveau du sol actuel de la cave lors des travaux
des années 60.
La fondation continue, US 029 (cote SLM 11,96),
qui relie le mur nord de l’escalier au pilastre du mur
ouest de la salle (fig. 38), est couverte par une strate,
US 033/034, composée de fragments de briques et de
céramiques pilés qui pourrait correspondre à une préparation du sol, spolié, du stade (cote SLM 11,96 à 12,05).
Ce vestige de préparation de sol est scellé par une
couche d’argile verdâtre couverte par un lit de chaux,
US 028 et 031 (cote SLM 12,04 à 12,11); ces deux strates
constituent la préparation d’un niveau de circulation
et/ou de chantier successif, composé de pouzzolane et
d’argile, US 030 (cote SLM 12,10 à 12,15), et correspondant aux niveaux conservés dans l’espace 10401
(US 058 et 047). Une nouvelle couche, constituée de
plusieurs strates de limon et d’argile, US 027 et
US 019/020 (cotes supérieures SLM 12,32 et 12,38), s’est
présentée riche de fragments céramiques, de fragments
de stucs et de marbres et, en cela, pourrait correspondre
à une période d’abandon et peut-être de spoliation des
structures. Elle est scellée par l’épaisse couche de
remblai rapporté, US 012/018/014 (cote SLM 12,37 à
12,70; v. la chronique de fouilles 2008).
L’ambulacre médian
À l’est de la salle aux piliers Nord et de l’escalier
central, l’ambulacre médian n’a pu être exploré que par
trois sondages de dimensions réduites (espaces 10901,
10902 et 10903). La fouille a atteint le niveau de la strate
de fragments de plaques de marbres qui a été conservé
en vue de la muséalisation du site.
L’espace 10901 se situe le long du côté est de
l’ambulacre médian, entre les deux piliers sud et la baie
qui sépare l’espace 11201 (salle de l’imma cavea explorée
en 2008) de l’ambulacre. L’espace est traversé par une
canalisation moderne orientée nord-sud.
La strate de fragments de plaques de marbres,
US 008 (cote supérieure SLM 12,11) est couverte par
une strate de terre friable, US 006/009 (cote SLM de
12,11 à 12,30), contenant des éclats de marbre, des fragments de mortier et de nombreux fragments du revêtement stuqué des piliers et d’une corniche; cette strate de
destruction est scellée par une fine strate, blanche,
constituée uniquement de débris de stuc.
L’espace 10902 se situe à l’est du pilier Gismondi
o
n 3 ou pilier sud-est de la salle aux piliers Nord; de
nouveau, la superficie explorable a été entamée par le
passage d’une canalisation moderne, orientée est-ouest,
qui a en partie détruit le pilier antique. Toutefois, la
fouille s’est révélée riche de données sur l’intense
succession des niveaux d’occupation : la strate de fragments de plaques de marbres, US 023 (cote supérieure
SLM 12,03) est apparue grâce à une taille pratiquée dans
un niveau de circulation, compact, US 022 (cote supérieure SLM de 12,09 à 12,05) qui la scelle. Une strate de
terre, US 021 (cote supérieure SLM 12,16), mêlée à des
fragments de tuiles, de travertin, de mortier, de stucs et
quelques fragments de marbres, riche également de
fragments céramiques, couvrait ce niveau de circulation
sur lequel posaient un petit vase cassé contenant des
pigments de couleur bleu, de nombreuses tesselles en
verre et en pâte de verre concentrées plutôt vers l’ouest
et plus au nord un deuxième vase contenant des
pigments rouges. Une nouvelle strate de terre plus argileuse, US 020 (cote supérieure SLM 12,34/12,39),
contenant de grands fragments de marbres et des fragments céramiques, est scellée par deux niveaux de
circulation constitués de terre compactée, qui se superposent, US 019 (cote supérieure SLM 12,40/12,43) et
US 016 (cote supérieure SLM 12,44) et qui ont restitué
quelques fragments céramiques.
Cette intense succession de niveaux de circulation
avait déjà été observée dans l’espace 12601 où ils avaient
été datés à partir de la fin du IVe siècle (v. la chronique
de fouilles 2008) : l’étude du matériel céramique fourni
en 2009 permettra d’affiner leur chronologie.
L’espace 10903 se situe à l’est de l’escalier central;
l’espace explorable est limité par la présence d’une
fondation récente et d’un important égout moderne,
construit. La strate de fragments de plaques de marbres,
US 013 (cote SLM de 12,05 à 12,15), ne couvre pas la
totalité du sondage : dans l’angle sud-est, se retrouve
seulement la couche de terre cuite pilée, US 014, identique à celle qui englobait les fragments de marbres dans
l’espace 12601. Un niveau de terre, très compactée,
mêlée à du mortier, US 012 (cote supérieure
SLM 12,20), les couvre. Dans l’angle nord-ouest du
sondage, reste un vestige de la strate de fragments de
marbres blancs mêlés à des fragments céramiques,
US 011 (cote supérieure SLM12,29), et englobés dans du
limon argileux, US 010/009 (cote supérieure 12,39), ce
qui rappelle l’US 10801021 (fig. 5). On ne retrouve pas,
ici, le niveau compacté qui scelle les marbres mais une
série de strates de limon argileux contenant des fragments de tuiles, de briques et de céramiques couvertes
par une strate sableuse et cendreuse, blanchâtre, US 004
(cote SLM de 12,64/52 à 12,54/42), en pente vers le sud
et particulièrement riche de matériel. Cette dernière
strate est, par sa texture et le matériel qu’elle a restitué,
comparable à l’US 12601051, fouillée en 2008.
SPIOX
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262
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Piazza navona
Chronique
et serait postérieure à la spoliation du dallage au cours
de laquelle le revêtement stuqué de la base ou plinthe
aurait été arraché.
La strate US 022 correspondrait à un rehaussement
du niveau général scellé par un plan de circulation. Le lit
de chaux se situe au niveau de la cassure du revêtement
stuqué du pilier et au-dessous de la strate de fragments
de plaques de marbres colorés, US 013 (cote SLM 12).
Ces observations suggèrent que le lit de chaux est antérieur au milieu du IVe siècle.
La moitié nord du segment d’ambulacre médian
(espace 111) situé à l’est de la salle aux piliers Nord, n’a
été fouillée que sur une superficie réduite en raison de
l’interférence de structures modernes (canalisation, mur,
dalle de ciment); un sondage a été ouvert à l’est du pilier
Gismondi no 2 ou pilier nord-est de la salle.
Un sol construit, US 028, très compact, a été mis au
jour à la cote SLM 11,58 et laissé en place; il est
constitué d’un mortier renforcé par de nombreuses
inclusions, visibles également en surface, de travertin et
de pouzzolane (fig. 41). Le sol est couvert par une strate,
US 027, de terre friable, peu compacte, épaisse 0,14 m
environ, qui bat contre la fondation.
La strate supérieure, US 022, épaisse 0,20 m, se
distingue par sa composition argileuse et sa superficie très
compactée par la présence de nombreux éclats de
marbres (shemtou, rouge antique, serpentine). La surface
de ce niveau de circulation se trouve à la cote SLM 11,92/
11,90 tandis que le sommet de la fondation se situe à la
cote SLM 11,89 : ce niveau couvre et bat contre les deux
assises de briques qui couronnent la fondation. Deux
strates, l’une de limon sableux, US 021 (cote SLM 11,94)
et l’autre de chaux, US 026 (cote SLM 11,97) se superposent sur ce niveau (v. le niveau de chantier dans
l’espace 112, cité dans la chronique de fouilles 2006).
Le sol construit pourrait être le plan de pose d’un
dallage, spolié, dont l’épaisseur correspondrait à celle de
la strate US 027, et, dans ce cas, situé sous les deux
assises de briques; celles-ci (dont la première est en
ressaut), tout en liant le pilier avec la fondation, pourraient avoir constitué une base ou une plinthe, peut-être
stuquée, du pilier. La strate US 027 peut alors être artificielle, un remblai rapporté, ou naturelle, une alluvion,
L’extension de la fouille a permis de trouver les
limites de l’aire couverte par l’épaisse strate de fragments de plaques de marbres, disposés à plat, mise au
jour dans l’espace 126 (v. la chronique de fouilles 2008);
selon P. Pensabene, les fragments de marbres correspondent davantage, vues leurs petites dimensions, à des
rebuts d’un atelier plutôt qu’à une aire de stockage
comme on l’avait pensé.
La strate de fragments de plaques de marbres,
US 055, couvre toute la salle aux piliers nord
(espaces 126 et 108) (fig. 43) et le segment d’ambulacre
médian qui lui correspond (espaces 111 et 109) (fig. 44).
Toutefois, la composition de cette strate varie : dans la
moitié nord de la salle, les fragments de marbres étaient
disposés sur plusieurs couches et englobés dans une
strate granuleuse, constituée de terre cuite pilée, atteignant ainsi une épaisseur de 0,15 m. Dans la moitié sud,
la strate se compose en grande partie de terre argileuse
dans laquelle les fragments sont nettement moins
nombreux et elle accuse une forte pente nord-sud (cote
supérieure SLM 12,27 à 12,08-12,19 à 12,04). Il en est de
Fig. 43 – 62, Place Navone. Salle aux piliers nord (12601) :
strate de fragments de plaques de marbres colorés (12601055)
Fig. 44 – 62, Place Navone. Ambulacre médian (11101) : pilier et fondation (11101023); sol (1101028) et strate de marbres colorés (11101013).
La strate de fragments de plaques de marbres
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
263
même dans l’ambulacre médian, où la strate se situe
entre les cotes SLM 12,15 et 12,05.
Aux lambeaux de sol mis au jour dans l’espace 126
et qui scellent la strate, peuvent être reliés le niveau de
terre compactée, US 020 (cote SLM du nord au sud
12,34/24 et 12,29/19) dans la salle aux piliers nord, le
sol, US 10401043 et les niveaux, US 10402032 et 049,
dans la salle aux piliers sud. Dans l’ambulacre médian, le
sol qui couvre la strate de fragments de marbres est
mieux conservé, en particulier dans le secteur central
(espace 10902).
L’intensité et la complexité des nouvelles données
fournies par la campagne de fouilles de 2009 montrent
bien l’intérêt et l’importance de l’étude de toutes les
classes de matériel, sans laquelle il est difficile de
reconstituer les phases chronologiques et les types
d’occupation du site parallèlement à l’étude du bâti.
Martine DEWAILLY
DELTA DU TIBRE
CAMPAGNE DE CAROTTAGE 2009 : GEOARCHEOLOGIE DES CANAUX DE PORTUS : L’EXEMPLE DU
CANALE ROMANO
Université Lyon 2, British School at Rome, École
française de Rome, UMR-5600 EnvironnementVille-Société, UMR-5133 Maison de l’Orient et de
la Méditerranée, Soprintendenza per i Beni
archeologici di Roma
Suite à la campagne de carottages déjà effectuée à
Portus l’année dernière en 2008 (voir la chronique
précédente), cette année 2009 nous a permis de nous
positionner d’avantage vis-à-vis des problématiques
géoarchéologiques concernant les canaux de Portus.
L’aspect fluvial de portus
Si l’on souhaite restituer le système d’approvisionnement de Rome à l’époque impériale, on se doit
Fig. 45 – Delta du Tibre. Restitution générale de Portus, port impérial de Rome, et de ses canaux.
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Delta du tibre
Chronique
bien évidemment d’aborder le rôle primordial de Portus.
Quelques kilomètres au nord d’Ostie et de l’embouchure
du Tibre, les empereurs Claude et Trajan font creuser au 1er
et 2e siècle ap. J.-C., deux profonds bassins portuaires qui
permettent d’accueillir les plus imposants bateaux provenant de toute la méditerranée (fig. 45). Mais de quelles
manières les marchandises déchargées à Portus par des
navires maritimes sont-elles acheminées jusqu’à Rome? Il
existe deux possibilités : la voie terrestre et la voie fluviale.
Pour la voie terrestre nous renvoyons le lecteur aux résultats récents des fouilles de la via Portuensis (Di Giuseppe
et alii 2008), nous nous intéresserons ici aux voies navigables et au transport fluvial : Comment s’effectuait la
connexion entre Portus et le Tibre? Cette question nous
fait nous intéresser non pas à la façade maritime de Portus,
mais à sa face fluviale. Le gigantisme de la conception des
bassins de Claude et Trajan en fait presque oublier la
dimension fluviale du port, non moins importante. La
question des ouvertures du bassin de Claude vers la mer
fait par exemple l’objet de nombreux débats (J.-P. Goiran
et alii 2008; J.-P. Goiran et alii 2009; Giraudi et alii 2009;
Arnoldus-Huyzendveld 2005), d’un autre côté, la question de la connexion de Portus avec le Tibre, a beaucoup
moins attiré l’attention des recherches pour l’instant,
mais la situation n’en est pas moins complexe : Combien
existe-t-il de canaux? Quelles ont été leur durée d’activité? Quels ont été leurs usages?
seur Simon Keay (Université de Southampton et British
School at Rome). Dans ce contexte, des prospections
géomagnétiques ont été effectuées depuis une dizaine
d’années autour de Portus par M. Millett et K. Strutt
(Keay et alii 2005). Ces études couplées avec la relecture
des photographies aériennes ont permis de reconsidérer
complètement l’organisation du port et ses infrastructures en particulier entre Portus et le Tibre (fig. 46).
À ce stade de la recherche, trois canaux pourraient
avoir été en fonction autour de Portus durant l’Antiquité
(fig. 45 et 46). Le premier canal est toujours en fonction
aujourd’hui sous le nom de Fiumicino. Il se situe au sud
de Portus. On le nomme communément Fossa Trajana,
mais il est difficile de savoir si il a été creusé sous Claude
ou Trajan, ou seulement réaménagée sous Trajan (Fea,
1824a, 1824b et 1835; Lugli et Filibeck, 1935, 29f; Testaguzza, 1970, p. 173-84; Meiggs, 1973, p. 159-60; Keay et
alii 2005, p. 275-278). Un deuxième canal se situe au
nord de Portus (Castagnoli, 1963, p. 643 n. 28; Giuliani,
1992). Il relierait le Tibre au littoral au nord du bassin de
L’étude des canaux de portus :
stratégie de carottage
D’une manière générale, l’étude des canaux antiques
souffre du peu d’intérêt qu’ils ont pour l’instant suscité.
Lorsque la littérature y fait finalement une place, c’est
souvent en indiquant un potentiel d’étude et le regret
que ce champs de recherche ne soit pas assez investi
(Arnaud 2008; Bonnin 1984; Wikander 2000). La raison
de cette carence vient probablement du fait que les
canaux sont difficilement repérables (Wikander 2000) et
que l’archéologie ne peut pas à elle seule tirer bénéfice de
tous les avantages de leur étude. Les méthodes de prospection classique étant inefficaces pour identifier des
canaux, il faut donc se tourner vers l’observation méticuleuse des photographies aériennes et les méthodes de
prospection géophysique. D’autre part, l’étude archéologique des structures propres au canal (contenant) doit
s’effectuer de concert avec l’étude du comblement sédimentaire du canal (contenu), grâce aux méthodes d’analyse proposées par la géoarchéologie.
L’étude des canaux de Portus s’effectue avec la collaboration de l’équipe archéologique dirigée par le profes-
Fig. 46 – Delta du Tibre. Résultats des prospections géomagnétiques
effectuées entre Portus et le Tibre (Keay et al. 2005, modifié).
SPIOX
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Fig. 47 – Delta du Tibre. Transect des carottages CN-1, CN-2 et CN-3 réalisés à l’intérieur du Canale Romano.
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Delta du tibre
Chronique
Claude. Les prospections géomagnétiques montrent un
relatif élargissement du chenal en direction de la mer
(20 m à 35 m de large) (fig. 46). Ces mêmes prospections
n’ont pas permis de repérer une éventuelle structure
maçonnée autour du canal, si elles n’ont pas été
détruites; cela pourrait indiquer qu’il s’agirait du canal
d’évacuation de crue évoqué dans une inscription attribuée à Claude (CIL XIV, 85) (Keay et alii 2005). Ce canal
n’a pas encore fait l’objet de datations. Enfin, un troisième canal, dit Canale Romano, situé entre les deux
canaux décrits précédemment, semble être connecté à
l’amont au Tibre, contourner le bassin de Trajan par le
sud et se jeter dans la dite Fossa Trajana (Testaguzza, 1970,
p. 39-40; Keay et alii 2005, p. 282).
Grâce au soutien de l’équipe archéologique de
Southampton et de la British School at Rome, trois
carottages de 9 m à 13 m ont pu être réalisés en
septembre 2009. Ils se répartissent en trois points selon
une logique amont/aval à l’intérieur du Canale Romano
(CN1, CN2 et CN3) (fig. 46, 47 et 48). Ses dimensions
sont estimées à 1,4 km de long et 35 m de large. S. Kay
et M. Millett ont été d’une aide précieuse pour placer
précisément les points de carottage sur le terrain.
La charge de fond du Tibre piégée
dans Canale romano
Une des grandes surprises de cette campagne 2009
a été de découvrir la charge de fond du Tibre antique
au fond du canal (fig. 47 et 48). Il s’agit d’une unité
constituée de sables très grossiers qui a été relevée
entre 6 m et 7,50 m de profondeur sous le zéro topographique. Cette unité comporte des fragments de céramiques émoussés ainsi que des coquilles de Bithynia
tentaculata et de Theodoxus fluviatilis et leurs opercules
(déterminés par Sheila Hamilton-Dyer). Ils indiquent
tous deux un environnement d’eau douce. Des datations C14 sont en cours sur ces carottages. Le
comblement du canal est constitué quand à lui de
limons et d’argiles gris et jaunes au sommet. Le premier
mètre se compose de remblai. Des études supplémentaires et plus précises seront effectuées sur ces
différents dépôts sédimentaires.
Le canal, comme les bassins portuaires (J.-P. Goiran
et alii 2003), constitue un piège artificiel. Il révèle l’activité du fleuve à une période donnée, en tenant bien
évidemment compte des modifications induites sur
l’écoulement des eaux du Tibre et la compétence du
fleuve par l’existence même des multiples canaux en
fonction. À l’inverse d’un chenal naturel mobile qui
construit ses archives sédimentaires dans la convexité de
ses méandres, les canaux pourraient être considérés
comme un cliché de l’activité fluviale à une époque
précise.
Comme nous l’avons dit, la charge de fond du
Tibre révélée dans ces sédiments est le résultat de la
compétence d’un Tibre réduite par l’existence même
des canaux en activité. Cette découverte constitue tout
Fig. 48 – Delta du Tibre. Vue en perspective d’une photographie aérienne de 1943 (No 3166 : 23S-167.5P.G 21/10/1943 12.45F/24 26 & 28,000’)
avec la représentation simplifiée des carottages réalisés dans le Canale Romano.
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
267
de même un référentiel solide pour aborder l’étude
future des sédiments du Tibre piégés dans les
convexités du méandre du Fiume Morto près d’Ostia
Antica.
Jean-Philippe GOIRAN, Jean-Paul BRAVARD, Ferréol
SALOMON, Simon KEAY, MnnMILLETT, Kristian STRUTT,
GnnEARL, Stephen KAY et Lidia PAROLI
CUMES
Centre Jean Bérard (USR 3133 CNRS-EFR),
Soprintendenza archeologica di Napoli e Pompei
et Ministère des Affaires Étrangères (Paris)
La nécropole romaine s’étendant au nord de Cumes
est en cours de fouille par le Centre Jean Bérard depuis
2001. En 2009, dans le cadre de la publication finale des
travaux, quatre secteurs ont fait l’objet d’enquêtes. Trois
sont situés le long de la voie qui, sortant de la ville par la
porte médiane en direction du nord : l’enclos D35 et ses
abords où la fouille stratigraphique commencée en 2007
a été poursuivie, le columbarium D31 et le mausolée
D47.
Enclos D35 et D66
Dans la zone des enclos D35 et D66, 144 faits
archéologiques (murs, fosses, fossés, sols, voies etc.) ont
été observés dont 92 sépultures (fig. 49). Ce secteur de
la nécropole situé sur le côté est de la voie est certainement occupé depuis l’époque archaïque et probablement depuis l’âge du Fer. Toutefois, du fait de la
présence de la nappe phréatique, il n’a pas été possible
d’atteindre les niveaux profonds, antérieurs au
IVe siècle av. J.-C. À partir de cette époque, la stratigraphie dégagée entre la cote 6 m SLM et la cote
1,10 m SLM peut être scandée en cinq grandes phases :
la phase samnite, la phase tardo-républicaine et augustéenne, le Ier siècle ap. J.-C., la période antonine correspondant à la monumentalisation du secteur et
l’Antiquité tardive.
La phase samnite est représentée par trois structures
mises au jour en 2009 : elles sont datables de la fin du
IVe siècle et du début du IIIe siècle av. J.-C. La tombe à
chambre SP66143 est la mieux conservée. Mesurant
2,40 m de longueur par 1,60 m de largeur et une
hauteur de 2,60 m, elle est construite en dalles de tuf
jaune. Sur la façade subsiste la décoration du linteau
resté hors de la nappe phréatique : grenades rouges sur
les côtés et feuilles rouges et noires au centre. On y accédait par une porte en plein cintre (fig. 50). Les parois
verticales de la chambre, hautes de 1,20 m, sont composées de deux files de dalles de tuf posées horizontalement. La couverture est formée de six dalles de tuf
posées en bâtière. L’intérieur de la tombe était peint :
quelques traces de peinture rouge, noire et blanche sont
encore visibles, mais presque toute la décoration a
disparu à cause de la montée de la nappe phréatique. Le
pillage de la tombe ne permet pas de préciser sa chronologie mais sa typologie renvoie au IVe siècle av. J.-C.
Aucune sépulture datable avec certitude du IIIe et du
début IIe siècle n’a été mise au jour dans cette zone, mais à
la fin du IIe siècle av. J.-C., deux ou trois sépultures
furent creusées en bordure de la voie. Dans le premier
quart du 1er siècle av. J.-C., un ensemble de 26 tombes
marquées par des cippes se développe en marge du niveau
de voie orienté sud-nord. Les restes osseux sont déposés
dans une urne cinéraire en céramique commune italique.
L’architecture funéraire comporte généralement un
marquage topographique (dalle couchée ou dressée) qui
individualise la tombe au sein du niveau de fréquentation. Les sépultures les plus anciennes sont pourvues d’un
bloc plus petit formant table (mensa). Les pratiques
évoluent jusqu’à la période impériale : la structure générale est maintenue (crémation secondaire, fosse
circulaire, stèle en tuf) mais la typologie des urnes change
et à partir de la fin du 1er siècle av. J.-C., le dépôt est
accompagné d’un voire deux unguentaria (fig. 51). Les
dernières tombes de cette phase contiennent des dépôts
secondaires (gobelets à paroi fine) et plusieurs éléments
attestent de la présence de dépôt primaire sur l’ustrinum.
Ces dépôts peuvent être constitués de monnaies,
d’appliques en bronze provenant de coffrets, de palettes à
fard, de jetons. L’étude carpologique atteste la présence
de grappes de raisin sur le bûcher. Plusieurs occurrences
montrent des offrandes de poisson matérialisées par des
vertèbres non brûlées. À l’origine, ces cippes devaient être
pourvus d’une inscription indiquant le nom du défunt sur
la partie sommitale. Certaines sont conservées, d’autres
ont disparu suite à des phénomènes d’érosion ou à des
SPIOX
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Cumes
Chronique
Fig. 49 – Cumes, vue aérienne l’enclos D35 (cliché J.-P. Brun, CNRS-EFR, Centre J. Bérard).
remaniements. L’agencement général des tombes indique
l’existence de travées. Le long de la voie, les blocs sont mis
en place côte à côte, le bloc table tourné vers l’espace
public. Derrière cette première rangée, à 1,60 m environ,
s’aligne une deuxième rangée. Sur le niveau d’occupation, on trouve des objets liés à l’activité rituelle : lampes à
Fig. 50 – Cumes, tombe à chambre d’époque samnite, vue de la porte
(cliché J.-P. Brun, CNRS-EFR, Centre J. Bérard).
Fig. 51 – Cumes, urne à incinération avec balsamaires en céramique
(cliché G. Brkojewitsch / J.-P. Brun, CNRS-EFR, Centre J. Bérard).
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
269
huile retournées, vases à parfum, pesons de terre cuite,
col d’amphore, cailloux lissés et polis et tessons roulés.
Au cours d’une troisième phase, datable du
er
I siècle ap. J.-C., les sépultures individuelles deviennent
plus imposantes et la crémation primaire se répand. Trois
chambres funéraires enterrées sont surmontées d’un
cube maçonné, recouvert d’enduit blanc. Elles peuvent
être attribuées à cette phase car l’étude de la céramique les
situe au début du règne des Flaviens.
La quatrième période est marquée par la construction du mausolée D64 et de l’enclos D35 au début du
IIe siècle ap. J.-C. À l’ouest, bien que les couches aient
été perturbées par des empierrements plus récents, la
limite semble continue. La pratique de l’inhumation
primaire devient majoritaire mais la crémation perdure
puisque des urnes sont aménagées dans des niches
murales de l’enclos D35. Le mausolée D64, édifié en
même temps que l’enclos était destiné à accueillir les
corps de plusieurs membres de la même famille. On y
accédait par l’arrière et la disposition des tombes à inhumation dessinait une sorte de triclinium. La partie nord
de l’enclos est dépourvue de tombes attribuables à cette
phase et l’on imagine la présence d’un jardin funéraire.
Dans la partie sud, un groupe de six sépultures est attribuable à des enfants, probablement ceux des propriétaires du mausolée Le petit Publius Iulius Alexander et
sa sœur (?) sont ensevelis dans l’angle sud-ouest et associés à des offrandes animales.
La cinquième phase correspond aux tombes de l’Antiquité tardive fouillées durant les campagnes 2007-2008.
Dans l’enclos D35, 18 sépultures sont mises en place au
cours des Ve et VIe siècles : tombes en pleine terre, tombes
sous bâtière simple ou double, en coffre de tegulae etc.
Columbarium D31
Le columbarium D31 est situé au nord du D35, le
long de voie principale sud-nord se dirigeant vers
Capoue. Le mausolée mesure environ 5,70 m du nord
au sud et 5,30 d’est en ouest. Son plan approximativement carré présente une nette déformation, les angles
n’étant pas droits (fig. 52). Le bâtiment conçu dès l’origine comme un columbarium était précédé d’un enclos.
Étant donné l’épaisseur des murs : 0,80 m et jusqu’à
1,15 m, il est vraisemblable que monument présentait
un étage. L’extérieur était recouvert d’une épais enduit
peint en rouge, conservé seulement en partie basse.
Le bâtiment en construit en opus reticulatum de tuf
jaune. Les angles et les piédroits de la porte sont bâtis en
moellons parallélépipédiques comme il est d’usage dans
le réticulé. La porte, large de 0,83 m, permettait de
Fig. 52 – Cumes, intérieur du columbarium D31
(cliché J.-P. Brun, CNRS-EFR, Centre J. Bérard).
pénétrer dans le monument; le sol est réalisé en éclats
de tufs noyés dans le mortier. Un conduit, formé de
deux tuiles rondes accolées, est scellé dans le sol immédiatement à l’est du seuil, dans l’axe de la porte. Sa
construction très particulière montre qu’il s’agit d’un
conduit de libation qui devait communiquer avec une
tombe qui n’a pas été fouillée car protégée efficacement
par une forte épaisseur de béton. Si cette hypothèse se
vérifiait, on en conclurait que le mausolée D31 a été
construit sur la tombe d’un personnage fondateur de
l’édifice. L’édifice se compose
d’une chambre principale, mesurant 3,78 × 2,90 m dont
les parois sont creusées de niches contenant des urnes
cinéraires. Huit niches sont ménagées dans les murs
nord, est et sud.; un deuxième rang de niches renfermant des urnes était superposé au premier, mais il a
presque partout disparu. Toutes les urnes ont été pillées
et vidées; parfois ne subsistait que le fond de l’urne en
céramique commune, voire seulement son empreinte.
Les loculi devaient être fermés par une plaque, le plus
souvent de marbre; aucune n’a subsisté en place mais
SPIOX
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270
B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
Cumes
Chronique
Fig. 53 – Cumes, façade du mausolée D47 (cliché J.-P. Brun, CNRS-EFR, Centre J. Bérard).
Fig. 54 – Cumes, arrière du mausolée D47 (cliché J.-P. Brun, CNRS-EFR, Centre J. Bérard).
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271
Fig. 55 – Cumes, intérieur du mausolée D47
(cliché J.-P. Brun, CNRS-EFR, Centre J. Bérard).
des clous en bronze ayant servi à fixer les plaques sont
encore en place. Dans la couche de terre humique
remplissant l’espace principal a un fragment de plaque
en marbre cipolin, lacunaire sur le côté droit et en bas
pourrait provenir d’une des niches. Le texte se déroule
sur cinq lignes : D(iis) [M(anibus)] / Monia [...] / qui
vixi[t...] / qui labo[ravit] / patrono [suo]. Les caractères
paléographiques suggèrent une datation au cours du
Ier siècle ap. J.-C. cohérente avec la chronologie relative
des monuments de cette zone; en effet, le mur de
l’enclos funéraire D35, bien daté du début du IIe siècle
s’appuie sur l’angle du columbarium D31.
Mausolée D47
Situé à une centaine de mètres de la porte septentrionale, le mausolée D47 fait partie des monuments
funéraires construit le long de l’axe nord-sud, orientée
en direction de Capoue. De plan rectangulaire
(3,60 x 4 m), le monument abrite une chambre funéraire pillée à plusieurs reprises.
Le monument D47 est implanté sur le côté oriental de
la voie. À l’emplacement où sera construit le monument
funéraire D47, existaient déjà des niveaux de voie et au
moins une sépulture datable de la première moitié du
Ier siècle avant notre ère. Le mausolée, de plan carré, est
couvert par une toiture à double pente recouverte d’une
couche de béton de tuileau (fig. 53 et 54). Les murs sont
construits en opus reticulatum avec des chaînages d’angle
en opus vittatum. La façade aujourd’hui dégradée par les
spoliations comportait une porte d’entrée probablement
surmontée d’une inscription. Le monument abrite une
chambre à laquelle on accédait par un couloir dont ne
subsistent que les murs latéraux. Cette chambre est un
espace voûté comportant deux banquettes sur ses côtés
nord et est; chacune d’elles a reçu une inhumation
(fig. 55). Ces dépositions ont été très fortement perturbées
lors du pillage du monument. Les restes des squelettes ont
été retrouvés au pied des lits, sur le sol de la chambre, dans
une couche mêlant restes humains et éléments de mobilier funéraire. Les éléments chronologiques sont trop peu
nombreux pour assurer une datation précise des dépositions. Des monuments funéraires relativement similaires
à celui de Cumes sont connus à Pompéi où ils sont généralement datés du milieu du Ier siècle de notre ère. Le fait
que le monument D47 s’installe sur un cippe funéraire
daté de la fin de la république ou du début de l’époque
augustéenne incite à fixer son implantation dans la
première moitié du Ier siècle de notre ère.
Une seconde phase est visible dans la construction;
le monument est ceinturé sur ses côtés sud, est et nord
par un mur construit en opus reticulatum alors que le toit
à double pente est recouvert d’une seconde strate de
béton de tuileau. Il est probable que cette reprise a dû
avoir lieu dans les années ou les proches décennies qui
ont suivi sa construction. Une troisième phase correspond à la fermeture définitive du mausolée : un bloc
monolithique de tuf jaune fermant la porte est scellé, le
couloir d’accès étant comblé par une épaisse couche de
mortier supportant un sol en béton de tuileau limité sur
trois côtés par un mur construit en opus reticulatum. Le
sol et les murs qui l’encadrent forment un petit enclos
qui devait servir aux cérémonies funéraires. Suivent
plusieurs phases marquées par l’implantation progressive de tombes à inhumation au cours de la période
comprise entre le IIe et le Ve siècle.
Jean-Pierre BRUN, Emmanuel BOTTE, Gaël BRKOJEWITSCH,
Laetitia CAVASSA, Nicola MELUZIIS et Priscilla MUNZI 3
3. Avec la collaboration de Luca Basile, Guilhem Chapelin,
Gilbert Ciervo, Anselme Cormier, Cyril Cornillot, Filomena
Costagliola, Gianluca D’Avino, Serena D’Onofrio, Stéphanie
Le Berre, Boris Marie, Milena Mazza, Stephan Naji, Pascal
Néaud, Dorothée Neymé, Elena Piccolo, Karine Peres, Julien
Plumereau, Laurence Sereney, Ilaria Turco, Claudia Turco,
Ophélie Vauxion.
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
Pompéi
Chronique
POMPÉI. PROGRAMME DE RECHERCHES SUR
L’ARTISANAT ANTIQUE
Centre Jean Bérard, École française de Rome,
Ministère des Affaires étrangères (pôle Archéologie), Agence nationale de la recherche (projet
Artifex)
Tannerie
Dans la tannerie de l’insula 5 de la Regio I qui fait
l’objet de travaux depuis 2001, les travaux complémentaires ont porté principalement sur l’angle nord-est du
portique 8 et sur les rues ouest (300) et sud (400)
(fig. 56). À ces sondages ont succédé un long travail de
restauration des bâtiments.
Les sondages
Sous le portique 8, l’objectif des sondages était de
clarifier la chronologie relative des structures situées
autour des bassins distribuant l’eau dans les ateliers de
Fig. 56 – Pompéi, tannerie I 5. Vue aérienne avec localisation
des secteurs sondés (cliché J.-P. Brun, CNRS-EFR, Centre J. Bérard).
trempage de peaux. Les fouilles ont conduit à la découverte d’un puits de plan rectangulaire (1,70 × 1,40 m),
creusé dans le basalte et ceinturé en partie haute par
trois rangs de blocs en calcaire du Sarno de grandes
dimensions (fig. 57).
Le puits a été transformé ultérieurement en noria.
La partie supérieure du puits a été modifiée, passant de
rectangulaire à elliptique pour permettre le passage de la
chaîne à godets. À l’ouest du puits, une structure de plan
carré, formée de quatre murets fondés sur le substrat
sert de socle à une structure supportant les montants du
bâti de bois permettant à la roue de fonctionner. Pour
mettre en place ces aménagements, on a détruit un mur
ancien et on a perforé des niveaux de sols déjà existant
pour creuser une tranchée de fondation. La construction
d’une noria s’explique aisément : le tremblement de
terre de 62 ou 63 ap. J.-C. ayant entraîné une rupture
de l’aqueduc, les artisans ont dû trouver une solution
pour augmenter le débit du puits, ce qui explique l’aménagement de la roue élévatrice. Peu de temps avant
l’éruption du Vésuve, le puits fut comblé, sans doute car
on disposait à nouveau dans l’atelier d’un apport d’eau
suffisant depuis l’extérieur. Entre le séisme et le moment
de l’éruption, l’alimentation en eau courante a dû être
rétablie et de ce fait les artisans n’avaient plus besoin du
puits et de la noria. Ainsi, le puits est comblé et la zone
remblayée, faisant disparaître les murs de support
utilisés pour le fonctionnement de la roue.
Dans la ruelle ouest (secteur 300), un sondage a été
ouvert pour vérifier que, dans la phase 2, l’îlot s’arrêtait
à l’angle des murs 4 et 5 et que la ruelle, au tracé un peu
tortueux existait dès l’urbanisation de cette partie de la
ville. Ce sondage a montré qu’antérieurement à la
construction de l’îlot, la zone était occupée par une
carrière de basalte exploitée au IVe siècle avant J.-C. La
Fig. 57 – Pompéi, tannerie I 5. Vue du puits transformé en noria
(cliché J.-P. Brun, CNRS-EFR, Centre J. Bérard).
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
273
carrière fut comblée en partie dans la seconde moitié du
IVe siècle et des colluvions se déposèrent durant la fin
IVe-première moitié du IIIe siècle. Le mur en grand appareil de l’îlot est bâti dans ces colluvions au cours de la
première moitié ou vers le milieu du IIIe siècle (fig. 58).
Dans ce secteur de la ruelle, le creusement de plusieurs
fosses a détruit les niveaux de chaussée des IIIe au
Ier siècles avant J.-C. Au début du Ier siècle après J.-C., le
début de la ruelle reçut un pavement de basalte. Le
dernier épisode notable est marqué par le creusement
d’une vaste fosse après le tremblement de terre, en
liaison avec les travaux de restauration des murs.
Un autre sondage a été réalisé dans la rue qui borde
l’îlot au sud séparant ce dernier des remparts de l’époque
samnite. Elle prend son origine à la Porte de Stabies, longe
l’îlot 1 où se trouve un bar, rencontre la ruelle 300 qui
sépare l’îlot 1 de l’îlot 5 et longe la façade méridionale de
la tannerie. Le mur de façade sur de l’îlot (M8) bâti en
opus incertum comporte, dans sa partie occidentale, sept
portes bouchées. Ces portes donnaient accès à autant de
pièces rectangulaires et de petite taille ultérieurement
détruites par la carrière de basalte implantée dans la partie
sud de l’îlot. De part leur plan et leur disposition, il est
probable que ces pièces servaient de lieux de prostitution.
Afin de dater l’ouverture et le bouchage de ces portes, le
sondage a été ouvert dans la rue à mètres de l’angle
sud-est de l’îlot. Limité au nord par le mur 8 dont l’élévation totale est de 4,80 m, il est bâti en opus incertum et
présente trois phases. De la fondation à 1,30 m de hauteur
environ, l’appareil est en tuf calcaire (M8A) recouvert
d’un enduit qui présente un angle (angle d’une porte ou
d’une maison). La stratigraphie permet de dater la
construction de ce mur dans la seconde moitié du
IIe siècle avant J.-C. Au-dessus de l’arase de ce mur
Fig. 58 – Pompéi, tannerie I 5. Angle de l’îlot reposant sur un ban de
basalte entamé par une carrière (cliché J.-P. Brun, CNRS-EFR, Centre
J. Bérard).
primitif et de la fondation 8B commence le mur 8C en
opus incertum mêlant du tuf calcaire, du basalte et des
tuiles dans un mortier de chaux (fig. 59). Ce mur est
percé de 7 ouvertures larges de 0,70 m et hautes de
1,75 m. Les pièces étaient larges en moyenne de 2,10 m,
sauf la première et la dernière. Le mur est recouvert par
un enduit blanc qui retourne à l’intérieur des portes
jusqu’à une feuillure qui marque l’emplacement de
l’huisserie. L’édification du mur et des portes est contemporaine ou postérieure à la fin du règne d’Auguste. Une
troisième phase est marquée par le bouchage des portes
avec des matériaux de remploi scellés à la chaux maigre
(M8D); le matériel associé au bouchage des portes permet
de dater cette modification dans le courant du second
quart du Ier siècle après J.-C. Vers le milieu du siècle, les
colluvions s’accumulent contre le bouchage des portes
jusqu’au tremblement de terre : à partir de cette époque,
ce secteur de la rue, comme la rue est (100), a été
remblayé par des gravats provenant des démolitions.
Fig. 59 – Pompéi, tannerie I 5. Le mur 8A-B et une porte bouchée
(cliché J.-P. Brun, CNRS-EFR, Centre J. Bérard).
Fig. 60 – Pompéi, tannerie I 5. La salle 16 en cours de restauration
(cliché J.-P. Brun, CNRS-EFR, Centre J. Bérard).
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
Pompéi, pistrina
Chronique
Fig. 61 – Pompéi, tannerie I 5. Les portiques nord et est de la cour
après pose des toitures (cliché J.-P. Brun, CNRS-EFR, Centre J. Bérard).
Fig. 62 – Pompéi, tannerie I 5. L’entrée de la maison I 5 2 après
restauration du porche (cliché J.-P. Brun, CNRS-EFR, Centre J. Bérard).
Restauration des bâtiments
tures no 6, des ateliers de travail sous le portique no 8,
et de la galerie nord de la cour no 29 (fig. 61). Il a aussi
semblé opportun de remonter le pilier ouest de
l’entrée monumentale I 5, 2 qui avait été détruit par le
bombardement de 1943. Dans cette zone, la restauration a consisté à remettre en place un chapiteau que
nous avions retrouvé dans nos dégagements et à poser
une toiture pour mettre les vestiges à l’abri (fig. 62).
Les travaux ont été complétés par la mise en place
d’une pergola au dessus du triclinium d’été de la cour
20. Grâce à ces travaux, le site ne présente plus de
dangers pour les visiteurs. L’ouverture au public
dépendra cependant de l’aménagement de la voirie et
de la restauration de l’îlot I 1.
À partir de janvier 2009, la Surintendance de Naples
et Pompéi a fait procéder à d’importants travaux de
restauration de la tannerie. Le financement a été octroyé
par la Surintendance spéciale avec une contribution de
l’Unione nazionale conciaria italiana. Sous l’autorité du
Surintendant P. G. Guzzo et du directeur du site de Pompéi
A. D’Ambrosio, l’architecte Paola Rispoli a procédé au
choix d’une entreprise chargée de consolider les murs, de
les reconstruire si nécessaire et de poser des couvertures.
L’équipe du Centre Jean Bérard a été chargée de la fourniture des documents techniques (plans, coupes) et a participé aux choix des actions prioritaires : couverture de la
salle des cuves no 16 (fig. 60), de la salle ornée de pein-
Jean-Pierre B RUN , Emmanuel B OTTE , Guilhem
C HAPELIN et Martine L EGUILLOUX 4
POMPÉI, PISTRINA :
RECHERCHES SUR LES BOULANGERIES DE L’ITALIE
européen d’histoire et des cultures de l’alimentation (Tours)
ROMAINE
École française de Rome, Centre Jean-Bérard
(USR 3133, CNRS-EFR), Soprintendenza speciale
per i Beni archeologici di Napoli e Pompei, Ministère des Affaires étrangères (Paris) et Institut
La seconde campagne du projet «Pistrina – Étude
des boulangeries de l’Italie romaine» s’est déroulée
à Pompéi du 31 août au 2 octobre 2009 5 , en continuant d’explorer deux voies. La première consiste à
étudier l’ensemble des 36 boulangeries pour
4. Avec la collaboration de Marie Delayeun, de Laura Goglio,
d’Étienne Jaffrot et de Victoria Leitch.
5. Outre les financements institutionnels, cette opération a
bénéficié du soutien de Fittes S.A. (Nîmes) au titre du
mécénat culturel; nous remercions vivement M. Tessier, son
gérant. Le projet a également remporté le prix d’aide à la
recherche octroyé par l’Institut Européen d’Histoire et des
Cultures de l’Alimentation (IEHCA, Tours). Les relevés ont
été effectués grâce au logiciel «Top Station», gracieusement
prêté par la société JSInfo. L’équipe de fouille et d’étude
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
275
comprendre leurs aménagements et leur agencement
spatial, tout en créant une documentation normalisé. La
seconde a été de poursuivre les sondages entamés l’an
passé.
Études thématiques
Dans le cadre de la campagne de relevé systématique, seize nouvelles boulangeries, s’ajoutant aux huit
de la campagne précédente, ont été dessinées et insérées
dans la trame urbaine géoréférencée de la ville. De plus,
huit fours ont été relevés de manière systématique et
détaillée : pour chacun d’entre eux, une ou deux vues
en élévation ont été réalisées, en fonction de la présence
ou non d’un mur diaphragme, ainsi que trois coupes
selon les axes horizontal, sagittal et frontal (fig. 63).
Les réflexions entamées l’an dernier sur l’état
d’usure des moulins ont été étendues à l’ensemble des
meules de type «pompéien» (entières ou fragmentées)
mises en évidence sur le site. Pour ce faire, une description de chaque fragment de meule a été réalisée sur des
fiches normalisées et vingt profils d’usure à l’échelle 1/1
ont été relevés. Le traitement des données recueillies
permettra de revoir la typologie dressée dans les années
1980 par D. P. S. Peacock, en l’affinant et en ne limitant
pas les critères déterminants aux seules dimensions. Une
grande partie de nos réflexions de cette année a porté
sur le système de fonctionnement des moulins, en particulier sur les techniques d’assemblage et de rotation du
catillus (meule active) sur la meta (meule dormante).
Pour l’heure, il faut repousser l’hypothèse que le catillus
ait été suspendu et que l’écartement des meules ait pu
être réglé : tous les exemples de ce type de système, de
l’époque romaine jusqu’aux moulins contemporains,
impliquent un système de réglage depuis la base de la
meta; les moulins pompéiens, dépourvus de perforation
dans l’œillard, ne permettent pas la mise en place d’un
tel système. L’anille aurait ainsi été simplement une
anille de centrage.
Les premiers résultats archéobotaniques (carpologie,
anthracologie, palynologie et étude des phytolithes) ont
été obtenus. Le bilan de l’expérience cherchant à caractériser les phytolithes sur les surfaces actives des meules
est contrasté : seule la boulangerie de la maison des
Chastes Amants (IX 12, 6) – fouillée en 1987 – a apporté
des données exploitables au-delà du «bruit de fond» des
graminées observé dans l’ensemble des échantillons. Il
en ressort cependant que les céréales broyées dans les
moulins étaient nues ou préalablement décortiquées, en
dépit de quelques résidus de tiges, feuilles et glumes. Par
ailleurs, le tamisage et l’étude des sédiments prélevés
l’an passé et cette année, en particulier dans les niveaux
Fig. 63 – Pompéi Pristina. Relevé de la façade et plan du four situé dans la boulangerie V 3, 8 (relevé – dessin : V. Albano; échelle : 3/200).
était composée de : S. Aho (étudiante Université
d’Helsinki); V. Albano (architecte); E. Bukowiecki, M. Célié
(INRAP) ; A. Coutelas (Arké Mine), M. Derreumaux
(Institut royal du patrimoine artistique); F. Fouriaux
(Maison de l’archéologie, Chartres); V. Lallet; L. Garnier,
É. Letellier et S. Longepierre (doctorants IRAA-Université
de Provence); R. Macario; V. Matterne (CNRS, UMR 7209
«Archéozoologie, archéobotanique : sociétés, pratiques et
environnements»); O. Mignot, N. Monteix (EFR); Ch.-É.
Sauvin (doctorant Université de Paris I); Sandra Zanella;
avec la collaboration d’Hélène Dessales (ENS, UMR 8546 :
«Archéologies d’Orient et d’Occident et textes antiques»).
Les photos des boulangeries de Pompéi (fig. 67, 69 et 70) ont
été réalisées par des membres de l’équipe, sur concession du
Ministero per i Beni e le attività culturali – Soprintendenza
archeologica di Pompei. Toute reproduction, par quelque
moyen que ce soit, reste interdite.
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
Pompéi, pistrina
Chronique
de circulation de la salle des meules de la boulangerie
I 12, 1-2, a progressé. Aux espèces déjà reconnues
(olivier, figuier, vigne et féverole) s’ajoutent le pêcher
(Prunus persica), le noyer (Juglans regia), l’ers (Vicia
ervilia), la gesse (Lathyrus), le cyprès (Cupressus sempervirens) et de la matière organique indéterminée. Le spectre
comprend donc des légumineuses et des fruitiers, mais
aucune céréale. Sur les 2780 restes recueillis cette
année, 2763 correspondent à des noyaux d’olive, soit
99% de l’ensemble, ce qui fait de cette espèce le taxon
largement prédominant. Leur utilisation comme
combustible pour le four à pain, ensuite épandu avec
des cendres dans la salle des meules, reste la seule interprétation raisonnable.
Avec l’achèvement de la recension et de la description des pétrins entamées l’an passé, nous avons abordé
un autre type d’aménagement cette année. Il correspond à de grandes jattes céramiques, installées soit sur
des podiums maçonnés, soit sur des catilli en remploi.
Onze exemplaires conservés ont été observés dans sept
boulangeries (V 3, 8; IX 1, 3.33 [2 ex.]; IX 3, 19-20 [2
ex.]; IX 5, 4; VI 3, 27-28; VI 11, 8-10 [2 ex.]; VII 15,
1-2), l’un d’entre eux étant sans provenance établie,
stocké dans les dépôts du site (Inv. no P52548). Il
convient d’ajouter la boulangerie des Chastes Amants
parmi les laboratoires dotés de cet aménagement, même
si le récipient céramique en a disparu. Contrairement à
ce qui a été observé pour d’autres équipements, aucune
conception normalisée ne se dessine : chaque boulangerie adapte un schéma général à sa situation particulière. Les lignes directrices semblent être de disposer
de récipients souvent évasés et de grandes dimensions,
relativement étanches – mais pas suffisamment pour
contenir des liquides –, fortement ancrés sur des
podiums. Ces récipients peuvent être regroupés par
deux ou trois et présentent alors parfois des formes
différentes. Les trois principaux types mis en évidence
sont les suivants : le premier est un récipient largement
ouvert, à parois évasées et lèvre aplatie, élargie vers
l’extérieur (fig. 64, a); le second est de dimension plus
réduite, les parois sont verticales, la lèvre est aplatie et
légèrement épaissie des deux côtés (fig. 64, b); le troisième est dépourvu de fond et pourrait correspondre à
un demi dolium globulaire, soit retaillé, soit cuit directement avec cette forme (fig. 64, c). En ce qui concerne la
forme des podiums, deux solutions ont été observées :
soit un aménagement intégralement maçonné dans
lequel est inséré le récipient, soit en fixant celui-ci sur
un catillus de meule en remploi à l’aide d’une importante couche de mortier. Lorsque le troisième type de
récipient est employé, une feuille de plomb obture l’œil-
lard de la meule (fig. 64, c et fig. 65). La large ouverture
de ces jattes, associée à une faible profondeur, permet de
proposer une première hypothèse d’utilisation : il s’agirait des récipients utilisés pour le pointage, première
fermentation légère de la pâte avant la formation des
pâtons. La proximité de ces aménagements avec le
pétrin pourrait conforter cette hypothèse.
L’étude des fours a abordé deux aspects distincts
mais complémentaires, l’analyse du bâti et l’approche
pétroarchéologique des matériaux de construction d’une
part, les aspects techniques et fonctionnels de la
construction des fours d’autre part. La mise en place
d’un système de description et d’enregistrement des
différentes éléments constitutifs des aménagements de
cuisson permet de proposer une première hypothèse
quant aux techniques et aux procédés de construction.
Dans un premier temps, un massif de maçonnerie de
forme quadrangulaire est érigé, fréquemment inséré
entre deux ou trois murs préexistant. Au centre de cette
plateforme, le diamètre de la chambre de cuisson est
dessiné, d’abord avec une ou deux assises de fragments
de tuiles, surmontées par une assise de blocs de lave de
20 à 40 cm de hauteur intégrant les piédroits et le
linteau de la gueule du four. Un tas de sable est ensuite
élevé dans cette circonférence, la forme de cet amas
déterminant celle de la future voûte. Celle-ci est alors
montée en superposant des assises de tuiles biseautées
disposées en encorbellement puis recouvertes de
blocage. Plus rarement, la voûte est coulée. Après
séchage, l’extrados est soigneusement lissé et le tas de
sable évacué par la gueule du four. Une partie de nos
réflexions s’est également tournée vers l’utilisation des
espaces situés au-dessus de la coupole, parfois appuyés
sur une voûte en berceau, généralement accessibles
depuis une pièce voisine. Parallèlement, une étude des
mortiers employés dans les maçonneries – essentiellement des fours mais également de certaines portions de
mur – a été amorcée durant cette campagne. Elle a pour
but d’aider à la distinction entre les constructions antiques et les restaurations modernes, mais également de
mettre en évidence l’existence de techniques propres
aux fours.
Études de cas
La boulangerie I 12, 1-2
En I 12, 1-2, nous avons étendu la fouille initiée
durant la campagne 2008 afin de comprendre les
rythmes d’installation de la boulangerie dans cette
maison (fig. 66).
Le sondage initié l’an passé dans la salle 4 a été
SPIOX
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Fig. 64 – Pompéi Pristina. Principaux types de
jattes céramiques utilisées pour le pointage
dans les boulangeries pompéiennes. Le trait
pointillé de la paroi extérieur est lié à l’insertion de ces jattes dans des éléments maçonnés. a) type «à parois évasées» (IX 1, 3.33); b)
type «à parois verticales» (IX 1, 3.33); c) type
«demi dolium» (V 3, 8; dans la coupe, la feuille de plomb constituant le fond a été représentée; dessins : N.M.; échelle 3/40).
Fig. 65 – Pompéi Pristina. Coupe restituée de la jatte de
pointage installée sur une meule en remploi dans la boulangerie IX 5, 4. 1) jatte (de type «demi dolium»); 2) meule en
remploi; 3) feuille de plomb utilisée comme fond, posée sur
du mortier; 4) muret contenant la meule (relevé : N. Monteix; DAO : R. Macario / N.M.; échelle : 3/40).
quelque peu approfondi, mettant au jour un mur
renvoyant à l’état probablement originel de la maison,
très antérieur à l’installation de la boulangerie.
Dans la pièce 1, nous avons approfondi la fouille des
niveaux de terre battue initiée en 2008, tout en étendant nos recherches à la pièce 3 où se trouvait, en 79, la
quatrième meule. Les sondages réalisés dans la salle des
meules permettent de proposer une scansion pour l’installation de la boulangerie. Il convient cependant de
noter que cet aperçu général reste hypothétique et pourrait être remis en cause par l’étude du matériel. Le principal problème rencontré tient en effet à la présence
d’une canalisation coupant la pièce en deux dans le sens
nord-sud, ce qui a occasionné une rupture stratigraphique majeure.
Une partie des murs de la construction originelle a
été aperçue lors des fouilles, exclusivement dans la
partie occidentale de la salle des meules. Ils ont été
partiellement arasés pour permettre la mise en place de
la boulangerie. Les travaux liés à cette installation sont
massifs. Après la pose du dallage des deux meules les
plus au sud et l’installation des moulins, l’ensemble du
sol est remblayé dans la pièce. Une partie des déchets
liés à la taille et à l’ajustement des deux meules a été
utilisée à cette fin (fig. 67). Un rehaussement de la canalisation paraît devoir être associé avec ces travaux.
L’hypothétique mur de refend nord-sud longeant le
bord oriental de celle-ci est partiellement arasé et
remplacé par deux colonnes. À l’est de celles-ci, un
enclos de fonction encore indéterminée est construit.
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
Pompéi, pistrina
Chronique
Fig. 66 – Pompéi Pristina. Plan schématique des transformations survenues depuis la création de la boulangerie I 12, 1-2 (échelle : 3/400).
Dans cette première phase de fonctionnement de la
boulangerie, deux ouvertures donnent sur la Via
dell’Abbondanza : une petite porte à l’est et un large seuil
– de boutique? – à l’ouest qui laisse voir le travail de
mouture.
Fig. 67 – Pompéi Pristina. Couche de déchets de taille de fragments de
basalte, probablement de meules, correspondant à l’installation de la
boulangerie I 12, 1-2 (cliché O. Mignot / EFR).
À un moment successif, une troisième meule est
ajoutée au nord des deux premières : le remblai préalablement déposé est recreusé pour permettre l’installation de nouveaux blocs de basalte. Il semble que ce soit à
ce moment là que le large seuil soit récupéré et la grande
porte donnant sur la rue bouchée.
Le séisme de 62 entraîne de nombreux désordres
dans les maçonneries. La couverture de la canalisation
doit être refaite. Dans la pièce 3, les niveaux existant
alors sont entièrement détruits pour vérifier et réparer le
mur est de la salle ainsi que le mur mitoyen avec la pièce
1. À cette occasion, les creusements nécessaires à la
restauration des deux murs sont profonds au point
d’atteindre un niveau de grey ash, issu d’une éruption
anté-plinienne. Le remblai utilisé pour combler ces tranchées sert de fondation à l’installation d’une quatrième
meule.
Plus tard, éventuellement en lien avec un second
événement sismique, d’autres travaux de restauration
sont entrepris. Le mur séparant la pièce 3 de la pièce 1
est arasé pour faciliter la circulation, attestée par la
formation d’un niveau de terre battue sur les vestiges du
mur. La porte de la pièce 3 est déplacée au sud,
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
279
l’ancienne porte ayant cédé sa place à un nouveau mur
de soutènement, réalisé en opus vittatum mixtum, comme
son pendant au nord de la pièce 1. Enfin, c’est à ce
moment que la petite porte située au nord de la salle des
meules est bouchée.
Dans la salle du pétrin (pièce 10), un nettoyage
méticuleux de surface a permis de mettre en évidence
les niveaux de sol «protégés» par la mise en place de fins
niveaux de ciment lors des restaurations survenues
depuis le dégagement de la maison dans les années
1950. Plusieurs fosses ont été observées mais présentent
toujours la difficulté de déterminer si elles précèdent
l’éruption – et ont été vidées lors de la fouille – ou si
elles ne remontent qu’aux travaux réalisés dans les
années 1990. Cependant au moins deux d’entre elles
situées dans l’angle nord-ouest de la pièce peuvent être
interprétées comme des étais, l’un vertical, l’autre
oblique, placés lors de la toute dernière phase d’activité
de la boulangerie. Deux autres points sont à noter. Le
premier est la confirmation d’une hypothèse avancée
l’an passé : la salle présente au moins deux phases. Dans
la première, une unique table de façonnage était
présente, individualisée par ses deux pieds. Lors de
l’extension de la pièce vers le sud, le pied méridional a
été abattu, déplacé et deux nouveaux pieds pour une
seconde table ont été construits. De plus, courant le long
du mur occidental, nous avons observé les traces d’une
banquette – éventuellement similaire à celle située
contre le mur oriental.
La boulangerie IX 3, 19-20 (en collaboration avec
l’Expeditio Pompeiana de l’Université d’Helsinki)
Dans cette boulangerie, nous avons procédé à
l’extension en profondeur des sondages commencés l’an
dernier dans les deux salles situées à l’ouest des meules
(118 et 121; fig. 68). Ces travaux ont permis de mettre en
évidence les transformations du système d’approvisionnement en eau, avant et après la création de la
boulangerie, mais également de cerner les modifications
successives du parcellaire. La stratigraphie observée s’est
Fig. 68 – Pompéi Pristina. Localisation des sondages réalisés en 2009 dans la boulangerie IX 3, 19-20 (échelle : 3/400).
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
Pompéi, pistrina
Chronique
révélée fortement perturbée notamment par un effondrement de terrain survenu dans l’antiquité, probablement en lien avec le(s) séisme(s) de la seconde moitié du
Ier siècle de notre ère. L’étude du matériel étant encore
en cours, la succession ici proposée reste relative.
Lors de la première phase reconnue, les pièces 118 et
121 apparaissent séparées par un mur. Dans la pièce 121,
une canalisation, probable conduite d’évacuation du
surplus d’une citerne située dans la partie septentrionale
de la pièce, se développe dans le sens nord-sud, en direction de la rue. Dans la pièce 118, de dimensions alors
plus réduites, le sol est composé de terre battue à l’ouest
et d’un pavement en galets liés au mortier qui se poursuit dans la salle des meules (113).
Au cours d’une seconde phase, la «pièce» 118 est
agrandie vers l’est par l’installation d’un muret de
facture grossière. Une nouvelle limitation à l’ouest est
érigée, puis le sol est refait en béton de tuileau. À l’est, le
mur est traversé par une canalisation qui se dirige vers la
pièce 113. Il est probable que ce soit l’avaloir recueillant
l’eau pluviale se déversant dans la pièce 118, probable
puits de lumière. Lors de cette même phase, la pièce 121
bénéficie également d’un nouveau revêtement de sol en
tuileau, après un rehaussement. À ce moment, 121
s’ouvre au sud vers la pièce 107.
La troisième phase paraît commencer en 62, avec le
séisme qui crée d’importants dégâts et conduit à des
remaniements notables dans l’ensemble de la zone
explorée. Il est possible que cette phase corresponde à
l’installation de la boulangerie. La citerne située sous 118
s’effondre, générant un fort pendage aux lambeaux du
sol qui subsistent. La porte liant la pièce 121 à la pièce
107 est obturée, tandis qu’une ouverture est créée entre
118 et 121. D’importants travaux liés à la gestion de l’eau
sont alors réalisés. La citerne principale devient celle
située en 121; elle reçoit l’eau de pluie tombant sur les
pièces 118 et 121. Dans cette dernière, un conduit est
percé dans l’angle sud-est pour convoyer l’eau vers la
citerne occidentale. Le mur oriental de la pièce 118 est
déplacé vers l’est. Il est doublement percé à sa base : par
une amphore qui fait office de canalisation vers la
citerne se développant sous la pièce 113; par une ouverture maçonnée qui devait se déverser sur le sol de 113
avant de rejoindre une canalisation d’eau usée dont le
premier tronçon a été détruit lors de l’éruption. Lors de
ces travaux, la pièce 118 est dotée d’un nouveau sol en
béton de tuileau. Deux probables installations liées au
lavage du grain ou à l’humidification des grains avant
mouture sont installées. Chacune comprend une base de
tuiles insérées dans le sol – possible support pour des
planches – et un réservoir d’eau, respectivement situés
dans les angles nord-ouest et sud-ouest.
La dernière phase est scandée par des travaux dont
seule la succession relative peut être déterminée pour
l’instant. Le principal d’entre eux est constitué par l’installation d’une arrivée d’eau sous pression, perceptible
par le réseau de tuyaux en plomb qui parcourt la pièce
121. Outre la fontaine de la pièce 122, ces fistulae servent
à irriguer au moins l’un des récipients de «lavage»,
peut-être les deux. Conséquemment, la bouche de
citerne de la pièce 121 est bouchée par un bloc de lave.
Le récipient de l’angle sud-ouest est probablement
Fig. 69 – Pompéi Pristina. Expérience de remplissage de la meule remployée comme bassin dans la boulangerie IX 3, 19-20. a) remplissage en
cours depuis le point d’arrivée de la fistula en plomb; b) débordement de la meule remplie, on note les traces de calcaire de part et d’autre du passage de l’eau s’échappant du récipient; c) vidange de la meule (clichés N.M. / EFR).
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
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Fig. 70 – Pompéi Pristina. Réfection de la couverture de la canalisation
traversant la pièce 121 du nord au sud. Dans la paroi méridionale, on
note, au-dessus du passage de la canalisation, un bloc en remploi
couvert de stuc de Ier style, correspondant au rehaussement de la
seconde phase de la pièce (cliché S. Aho / EFR).
changé : il s’agit désormais d’une meta de meule
remployée qui porte encore les stigmates de l’écoulement de l’eau calcaire de l’aqueduc (fig. 69). Enfin, dans
un second temps, sans que l’on ne puisse en déterminer
la raison – l’évocation d’un nouveau séisme reste
possible –, la canalisation acheminant l’eau hors de la
pièce 121 est refaite (fig. 70).
Par ailleurs, le nettoyage des niveaux de sol de la
salle des meules a permis de compléter ces informations,
en dépit de conditions de conservation assez médiocres :
outre un effondrement partiel de la citerne lié à l’éruption de 79, de fortes perturbations ont été observées
dans le reste de la salle, liées soit aux secousses ayant
ponctué l’ensevelissement final, soit aux conditions de la
fouille moderne, soit enfin à l’abandon des lieux après
leur dégagement à la fin des années 1860.
Nicolas MONTEIX
Institut national du patrimoine (Tunis), École
française de Rome, Collège de France, Ministère
des Affaires étrangères (Paris)
Des couches et des aménagements tardifs furent identifiés dans tous ces édifices. Dans la partie orientale de la
pente, les restes d’une maison tardive, dont l’axe n’est
pas le même que celui du clivus des siècles précédents,
furent découverts, ainsi qu’une partie d’un bassin (S37).
La fouille de la pente menant au sanctuaire
Sondages sur la pente menant au sanctuaire
La campagne de 2009 devait éclairer le problème de
la liaison entre le secteur du temple et celui du portique
des thermes, situé au bas de la pente, à l’est (fig. 71).
Jusqu’à présent il était admis qu’il s’agissait d’une voie
qui reliait les deux secteurs. Après plusieurs sondages,
qui révélaient l’existence de constructions sur la pente,
et d’un grand escalier, nous avons décidé en 2008
d’ouvrir l’ensemble de la pente pour être capables de
décrire et de dater les structures partiellement dégagées
jusqu’alors. Le campagne de 2008, qui partait d’un décapage général de la pente, a permis d’identifier un édifice
construit vers la fin du Ier s. de n. è. sur la partie supérieure de la pente, avec des mosaïques en noir et blanc,
ainsi que des restes d’une autre salle à la hauteur du
bassin S21. Nous avions alors conclu que vraisemblablement il s’agissait d’une phase de constructions liée à la
première phase du secteur du temple. L’édifice S25-26,
qui était soit un local de réunion, soit l’entrée vers les
premiers thermes du site, fut détruit à partir du milieu
du IIe siècle, date qui correspond à celle de la construction du deuxième temple, des portiques et des thermes.
Dans le secteur de la pente, notre travail a consisté
cette année en deux sondages au nord de S25 et S26,
fouillée déjà en 2008, et dans la fin de la fouille en S24,
dont les couches superficielles ont été dégagées par C. et
F. Bessière en avril 2008.
En effet, tandis qu’à l’ouest de la pièce S24, la fouille
d’avril 2008 s’était poursuivie jusqu’à la roche en place,
à l’est, il restait une bande de terrain le long du mur
MR 2581, large d’environ 2 m dont seules les couches
supérieures avaient été enlevées en avril 2008. Or, nous
avions constaté un alignement de traces de blocs suspect
au sol et nous voulions vérifier s’il s’agissait d’un mur.
Nous avons retrouvé, lors de la fouille, le mur MR 2470
apparu l’an dernier, qui fermait au sud la salle de la
mosaïque aux hexagones. Il se poursuit vers l’ouest et
fait apparemment retour avec le mur MR 2575, de
direction nord-sud, découvert cette année et confirmant
les traces vues l’an passé. Au nord du mur MR 2470,
nous avons retrouvé la mosaïque aux hexagones
UF 2472, sur laquelle est posé le mur MR 2581.
Conservée sur environ un mètre à l’ouest du mur, elle a
disparu vers l’ouest et aucune trace jusqu’au mur
JEBEL OUST (TUNISIE)
SPIOX
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282
B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
Jebel oust
Chronique
Fig. 71 – Djebel Oust. Plan d’ensemble des structures mises au jour sur la pente, éch. 1/200.
MR 2295 n’est visible, sauf peut-être sous la forme
d’une fine pellicule de mortier qui serait le résidu du
support de la mosaïque. Au sud du mur MR 2470, les
lambeaux d’une nouvelle mosaïque UF 2724 ont été
dégagés. Elle correspond au niveau de la pièce du bâtiment aux mosaïques à l’ouest de S26.
Au nord du mur MR 690, la fouille d’une deuxième
zone a permis de préciser au nord l’extension du bâti-
ment aux mosaïques. En effet, dans une zone qui
semble avoir été partiellement fouillée par Fendri, sous
des remblais qui pourraient provenir de ses fouilles,
nous avons pu dégager la suite de la mosaïque aux
hexagones UF 2472, sur laquelle est fondé à cet endroit
le MR 690. La limite nord de cette mosaïque nous est
donnée par la présence de la bande de raccord avec un
mur qui est totalement arasé, MR 2698. Au nord de ce
mur, le lambeau d’une nouvelle mosaïque, UF 2693, est
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
283
apparu : il s’agit d’une nouvelle pièce du bâtiment aux
mosaïques vers le nord. Il semblerait que le mur
MR 2581 ait coupé en deux cette nouvelle pièce, comme
il coupe la pièce à la mosaïque aux hexagones.
Nous serons ainsi à même de proposer un plan de ce
bâtiment aux mosaïques qui ne sera toutefois pas
complet : désormais en effet, nous pouvons encore
repousser son extension vers le nord, même si la limite
de la nouvelle pièce au nord reste à déterminer, de
même que le mur qui ferme cette pièce à l’ouest. Enfin,
à l’est, il est peu probable que nous puissions définir la
limite de la pièce, de même que la limite de celle à la
mosaïque aux hexagones. En effet, un mur MR 2694
vient s’appuyer sur le parement nord de MR 690 et
condamne les pièces du bâtiment aux mosaïques. On
note qu’aucune tranchée de fondation n’a été repérée le
long du parement ouest de ce mur.
Solange BIAGI
Sondage dans le secteur S36
Le secteur S36, exploré pour la première fois en
2008 est situé à l’extérieur du mur sud du clivus. Le
sondage pratiqué dans ce secteur, d’une largeur de 3 m
sur 10 m de long, visait à une première reconnaissance
de la zone au contact d’une pièce interprétée comme un
grand bassin (S21).
L’hypothèse d’une ou plusieurs salles thermales en
S36 et dans les secteurs environnants a conduit à entreprendre un sondage exploratoire dans cette zone afin de
repérer d’éventuelles structures en relation avec des
aménagements précoces liés à la source et au premier
état du sanctuaire. Cette opération était également
l’occasion de documenter un secteur «hors clivus» qui,
mis à part le bassin S21, semble avoir été relativement
épargné par les fouilles de M. Fendri.
À l’ouest du mur 2586 (fig. 72), au contact direct du
sol géologique une fine couche de terre sablonneuse
(US 2634) a mis au jour le sol géologique sur l’ensemble
de la surface fouillée à l’ouest du mur 2586. Dans la
Fig. 72 – Djebel Oust. Plan schématique du sondage dans le secteur S36.
moitié nord du sondage le substrat rocheux a été
profondément entaillé de rigoles. Deux creusements
principaux (tranchées 1 et 2) orientés ouest-est sont
parfaitement parallèles et leur parcours, tout d’abord
rectiligne, oblique légèrement vers le sud. Des rigoles
secondaires (tranchées 3, 4 et 5), orientées nord-sud,
recoupent à intervalles réguliers l’espace entre les deux
entailles principales définissant trois blocs subrectangulaires de dimensions sensiblement égales. Cet aménagement, qui se situe parfaitement dans l’axe de la
canalisation provenant du sanctuaire, passe sous les
murs 2760 et 2586. On peut interpréter ces creusements
comme des entailles de carrière destinée au débitage par
arrachage des blocs définis par les rigoles. Ce travail est
d’ailleurs visible sur le bloc oriental dont le retrait avait
déjà commencé avant d’être abandonné.
Immédiatement au sud et parallèle à l’aménagement
précédent un profond creusement (Tranchée 6) est
parallèle à la tranchée 2. Dans ce cas, peut-être s’agit-il
d’un canal. Enfin, un canal creusé en palier orienté
nord/ouest-sud/est recoupe le creusement précédent. Il
ne semble pas avoir été achevé non plus. Nous l’avons
reconnu sur un mètre environ, mais il est difficile d’en
comprendre l’utilité.
Ces creusements sont comblés par un sédiment
terreux recouvrant des fragments de sol géologique de
couleur rouge.
À l’est du mur 2586, après le fouille de la séquence
de strates qui dans la moitié sud du sondage la recouvre,
une couche 2592 (non fouillée) présente une légère
pente vers le sud. L’extrémité sud de cette couche
comporte des plaques de terre-cuite posées à plat et
quelques pierres qui forment certainement un niveau de
sol. Le retrait de 2588 a également permis de mettre au
jour l’arasement d’un mur orienté ouest-est (MR 2590)
qui semble séparer cet espace sud d’une petite pièce au
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
Jebel oust
Chronique
nord du sondage. Dans la moitié nord du sondage, une
petite pièce carrée d’environ 2,20 m de côté a été
dégagée. Elle est délimitée par les murs 2586 (à l’ouest),
2590 (au sud), le mur sud du clivus (au nord) et peut –
être un autre mur très arasé, que l’on devine dans la
berme est. Le sol de cette petite pièce (US 2591), légèrement en pente vers le sud-est, est constitué d’un agencement soigné de tegulae et de plaques de terre-cuite posés
bords à bords sur 4 rangées successives. Sur le côté est de
la pièce sont disposés des fragments de tegulae et de terre
cuite, afin de combler les lacunes le long des murs. S’il
est peu probable qu’il s’agisse d’un niveau de circulation
puisque les tuiles sont disposées rebords en haut, la
fonction de ce niveau de tuiles demeure difficile à interpréter.
Le mur 2590 qui ferme au sud la pièce présente une
harpe en place, en fait un seuil réemployé. À l’est de
cette harpe, l’arasement du mur est couvert de 3 plaques
de terre-cuite et une autre, conservée sur une hauteur
d’environ 40 cm, est dressée sur le parement sud du
mur, de façon à former une sorte de caisson dans l’épaisseur mur, ouvrant dans la pièce S37. Derrière cet
aménagement, un blocage de pierre (ou un mur 3163?)
semble avoir été posé.
FnnBESSIÈRE et John SCHEID
Secteur S37
La campagne 2008 avait mis au jour du côté nord du
clivus, sur le flanc de la salle S31, un bassin taillé dans la
roche en place. La campagne 2009 dans ce secteur
devait permettre de fouiller le bassin dans son intégralité
afin d’en comprendre l’architecture et d’en préciser le
phasage et l’implantation dans cette partie du clivus
située au-delà du mur nord (MR 690).
Pour répondre aux problématiques fixées cette
année nous avons ouvert en deux étapes un sondage
relativement large au nord de la partie déjà fouillée du
bassin : 3,40 m en direction du nord sur 4,90 m dans le
sens est-ouest. Cette fenêtre de fouille devait nous
permettre de distinguer le bassin dans son intégralité
ainsi que son environnement immédiat.
Comme pour tous les autres sondages menés dans
cette portion du clivus, la première étape de la fouille a
été le retrait des couches de remblais tardifs. Sous la fine
couche de terre végétale qui recouvrait l’ensemble du
sondage, deux couches successives de remblais de
destruction/abandon ont été mises au jour (UF 2636 et
2637). L’UF 2636 est composée d’une terre brun clair
mêlée à de très nombreuses pierres et moellons ainsi
qu’à divers fragments de matériaux de construction. Elle
recouvre l’UF 2637 qui est constituée de la même terre
brune, légèrement plus sombre, avec là encore de très
nombreux blocs et moellons ainsi que plusieurs harpes
de murs. Cette UF est de plus caractérisée par la
présence de poches de mortier rose friable. Du côté est
ces deux couches prennent appui sur un mur
(MR 2701), en partie détruit. Un second mur, grossièrement parallèle au premier (MR 2702) prend place du
côté ouest sous l’UF 2637. Les nombreuses pierres et
moellons retrouvés dans le remplissage des couches
2636 et 2637 proviennent sûrement, au moins en partie,
de la destruction et de l’arasement de ces deux murs.
Le sommet du bassin est arasé sur les côtés nord, est
et sud. On peut voir sur ces trois côtés les deux couches
d’enduits hydrauliques successifs. Le bassin mesure
environ 2,50 m dans le sens est-ouest sur 2,75 m dans le
sens nord-sud. Les parois du bassin sont couvertes de
deux enduits successifs (UF 2705 et 2709). Le premier
enduit (UF 2705) est un mortier hydraulique de couleur
rouge sombre. Il est de bonne facture, solide et il prend
place directement sur la roche en place. Le second
enduit (UF 2709) est beaucoup plus dégradé : enduit
fin, à la chaux de couleur blanchâtre, il s’effrite facilement. À noter que le premier enduit bouche déjà la
canalisation qui touche le bassin sur le côté sud
(UF 2291). La fonction de cette canalisation reste pour
l’instant indéterminée (adduction, évacuation?). Du
côté ouest le second enduit, bien lissé, épouse la forme
légèrement bombée de la paroi et ne laisse pas voir le
premier état.
C’est en observant le fond du bassin que les observations les plus intéressantes ont pu être effectuées. Deux
niveaux se succèdent en correspondance avec les deux
enduits successifs observés sur les parois. Le niveau le
plus tardif est formé d’un solide béton de tuileau soutenant un opus signinum formé avec des bris d’amphores
(UF 2710). Il est cohérent avec le second enduit des
parois (UF 2709) qui le recouvre en partie ainsi qu’avec
un boudin d’étanchéité qui court le long des parois
(UF 2838). Enfin, sous ce sol on trouve un niveau
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
285
mosaïqué qui constitue le premier état du bassin
(UF 2708). La mosaïque court le long des parois du
bassin. Dans l’angle sud-ouest du bassin la bande de
mosaïque conservée délimite l’emprise d’une marche
d’angle rectangulaire. La présence de cette marche
d’angle pourrait expliquer l’existence de la fosse
présente dans cet angle du bassin (UF 2835). Cette fosse,
qui coupe également le dernier état du bassin intervient
donc à la fin de l’utilisation du bassin et aurait pour
cause la récupération des blocs constituant l’emmarchement.
Pour conclure, la mise au jour de ce bassin comportant une première phase mosaïquée, invite à reconsidérer cette partie du clivus. Équipé d’une marche, au
moins, ce bassin qui s’appuie sur le mur Nord du clivus,
suppose l’existence d’un balnéaire à cet emplacement
dont l’organisation globale et la datation précise restent
encore à déterminer.
Rnn MACARIO
Les thermes
Dans les thermes la fouille de l’espace T10B a été
achevée. En revanche, le sondage projeté en T10C s’est
avéré impossible à pratiquer, l’ensemble de l’espace
étant recouvert d’un puissant radier de blocage reposant
sur un remplissage de pierres d’une épaisseur de plus de
2 m, visible en contrebas dans une brèche à la base du
mur de soutènement qui contenait le tout vers l’est. Les
six petits locaux T5A-F fouillés par M. Fendri ont été
nettoyés et étudiés, mettant ainsi en évidence une symétrie sinon formelle, tout au moins fonctionnelle; les
deux exèdres centrales sont occupées par des bassins
tièdes encadrés par des locaux dont la fonction nous
échappe tandis que celles situées aux deux extrémités
abritent des pédiluves.
L’étude du bassin T5J a révélé une évolution
complexe de son mode d’alimentation et de fonctionnement liée à l’encroûtement progressif de la canalisation
qui l’alimentait. Ce bassin semi-circulaire (fig. 73) qui
s’ouvre sur T5 et fait saillie dans l’espace de service T10 a
été construit dans la phase III des thermes, après ouverture d’une brèche à l’extrémité est de la paroi nord de
T5. L’accès au bassin, pourvu d’une marche margelle,
s’ouvre au droit de sa paroi ouest mais est limité à l’est
par l’angle de la salle T5. En revanche, les deux degrés
ayant fonction de siège, situés en contrebas, se développent sur toute la largeur de l’abside. Le sol du bassin
est recouvert d’une mosaïque inclinée vers le tuyau de
vidange en terre cuite situé dans sa partie orientale.
L’approvisionnement hydrique de ce bassin profond de
1,20 m a connu au moins trois états correspondant
chacun à un rehaussement du niveau d’arrivée d’eau
thermale dans la canalisation d’adduction qui longe la
paroi externe de l’abside. Le premier état correspond à
Fig. 73 – Djebel Oust. Le bassin T5J (phase III) : A et B, arrivées d’eau
respectives des états 1 et 2. D, E, F, et G arrivées d’eau des douches
de l’état 3 (vue prise vers le nord).
un bain chaud par immersion dont le tuyau d’alimentation sera rehaussé d’une vingtaine de centimètres
dans l’état suivant. Lors du troisième état l’arrivée d’eau
est démultipliée et encore rehaussée, de 30 cm environ.
Désormais l’ensemble fonctionne en tant que douche
avec quatre arrivées d’eau, espacées de 65 cm et débouchant à 1,60 m au-dessus du sol du bassin.
Nos recherches ont concerné aussi les autres espaces
avoisinant l’angle nord-est du portique de la salle T5.
L’analyse et le relevé des structures en T10C, T5I et T26
ont révélé une situation extrêmement complexe si bien
que, dans ce secteur, de nombreux problèmes restent
encore en suspens quant aux phases antérieures au
VIe siècle. En revanche, suite à cette campagne, il est
désormais possible de proposer une restitution précise
des deux derniers états de la phase IV, ceux qui précèdent
l’abandon définitif de l’édifice thermal en tant que tel.
SPIOX
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286
B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
Jebel oust
Chronique
Fig. 74 – Djebel Oust. Plan des thermes dans le dernier état de la phase IV, avant leur abandon : A, bain de la villa; B bain public (1/400. Le nord
est à droite) (fond de plan T. Triki).
Le dernier état de la phase IV correspond à la mise en
place d’un petit bain public à l’est de l’édifice (fig. 74).
On y accédait par l’impasse qui, ouvrant vers le sud,
longe la façade est des thermes. Ce bain comprenait un
vestiaire (R9) ayant aussi fonction de tepidarium (MEFRA
120-1, 2008, p. 267-268), une étuve T26 dont l’hypocauste était chauffée par un four s’ouvrant dans
l’espace de service R13 et un caldarium T5I pourvu d’un
unique bassin pouvant accueillir au maximum deux
personnes.
La construction de ce bain eut pour conséquence
directe de couper la canalisation d’eau thermale qui
après refroidissement à l’intérieur de la rotonde T9
alimentait le bassin tiède T15 du bain privé de la villa.
C’est pour remédier à la suppression de ce bassin tiède
qu’une canalisation sommaire faite d’imbrices (UF 297)
(MEFRA 116-1, 2004, p. 704 et fig. 68) fut alors mise en
place au nord-ouest de l’édifice pour acheminer l’eau
thermale vers le bassin triconque dans lequel eau
chaude et eau froide pouvaient être directement mélangées.
L’édification de ce bain public, très probablement à
l’initiative du propriétaire de la villa, prouve, s’il en était
besoin, qu’au VIe siècle le site était aussi occupé par une
population ne dépendant pas directement de la villa, ce
dont témoignent les structures de l’Antiquité tardive
mises au jour sur la pente et celles fouillées par
M. Fendri au nord-ouest des thermes.
Stéphane ABELLON, Henri BROISE avec la collaboration
de Chiraz GALLALA et Ahmed LARBI
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
287
Le secteur dit de la résidence
Lors de la campagne 2009, les efforts ont porté en
priorité sur le secteur nord, en vue de préciser l’emprise
des constructions de l’état final, d’où la nécessité d’une
fouille en aire ouverte. En outre, plusieurs sondages ont
été entrepris dans ce secteur ainsi qu’au sud de la résidence, dans le but de recueillir des données chronologiques. Parallèlement les relevés d’architecture au
1/50e ont été complétés.
Secteur nord
Suite au décapage mécanique d’une surface
d’environ 200 m2, dans le prolongement des espaces
étudiés en 2008, il a été possible de préciser l’aménagement de l’aile de bâtiments qui borde au nord le jardin
et de poursuivre les investigations vers le nord.
– L’aile de bâtiments au nord-ouest du jardin
(d’ouest en est R67, 72, 73, 68, 74, cf. fig. nn)
Quelques structures liées à un premier état ont été
reconnues : ainsi en R67, deux murs chaînés antérieurs
au mur est de la galerie R14. Toutefois, le principal
apport des recherches concerne l’état final des cinq
espaces précités qui forment, au nord-ouest du jardin,
une aile large de 4, 20 m et longue d’environ 17,50 m.
Le mur qui les limite au nord (UF 2316) est dans le
prolongement du mur du jardin identifié lors de la
campagne 2007 (MEFRA 120-1, 2008, fig. 66, p. 266 et
p. 268).
D’inégales dimensions, mais toujours réduites, sans
ouverture sur le jardin, ces pièces dépourvues de sol
décoré semblent correspondre à des espaces de service.
Plusieurs communiquent entre elles et en R73, au
niveau de la limite nord, la présence d’un seuil vers R64
a été observée dans la stratigraphie.
La pièce la mieux conservée, R68, a pu être fouillée
entièrement (2008-2009); communiquant avec R73 et
R74, elle présentait un niveau de sol rubéfié et induré
(UF 2432) correspondant au dernier niveau d’occupation pour lequel l’étude céramologique a fourni un
terminus post quem à la fin du Ve siècle.
– Les espaces R64 et R69 (fig. 75 et 76)
Au nord de l’aile de bâtiments précitée, deux grands
espaces R64 et R69 ont été explorés partiellement.
R64 a livré des vestiges d’une division antérieure
(murs UF 2878 et 2864, fig. nn), mais là encore c’est
l’état architectural final qu’on discerne le mieux.
Formant alors un espace en L orienté nord-sud, délimité
à l’est par les murs UF 2370, 2661 et 2662, R64 était
relié à R69 par une large ouverture de 2,40 m
(UF 2433). À l’ouest, il introduisait au petit espace dallé
menant aux galeries mosaïquées R14 et R15 (fig. nn) et
s’appuyait probablement aux murs est des pièces R37 et
R44 de la résidence. Des lambeaux d’un sol maçonné en
connexion avec les murs UF 2661 et 2662 ont été retrouvés dans la partie nord de l’espace.
R69 se moule à l’ouest contre les murs de R64. Ses
autres limites restent en dehors de la fouille, hormis une
petite section de son mur est, UF 2671, qui s’appuie à
angle droit au mur du jardin UF 2316, puis disparaît
sous la berme au bout de 70 cm.
Dans la partie sud de R 64, une fosse circulaire
(UF 2740) au remplissage moderne a fourni une
colonne stratigraphique intégrale avec huit niveaux
conservés sur 2 m au-dessus de la roche en place. Enfin,
la stratigraphie observée en R64 et R69 a permis d’établir un phasage des structures. La phase 4 qui voit
l’organisation architecturale finale est de loin la mieux
connue.
Dans cet état, R64 semble bien faire la transition
entre l’espace purement résidentiel fouillé par M. Fendri
et les nouvelles pièces, probablement de service, découvertes au nord du jardin. Quant à R69, il serait tentant
d’y voir une cour.
– Les espaces dallés au nord et à l’ouest
Le réexamen des espaces dallés qui ceinturent
l’angle nord-ouest de la résidence, sans communiquer
avec les salles mosaïquées, dans l’état final, suggère un
caractère de service pour ce secteur et il serait vraisemblable de supposer que ces espaces aient été en relation
avec R64. Quoi qu’il en soit, le mur nord du couloir R60
qui est en connexion avec le dallage paraît bien marquer
la limite septentrionale de l’édifice résidentiel aux sols
mosaïqués de l’état final.
Secteur sud
Au cours de la campagne 2009, un sondage a été
entrepris dans l’exèdre sud (R18) de la salle principale à
abside et une fouille en extension a été menée en R3
dans la continuité des nettoyages effectués en 2008.
– Sondage en R18
Grâce à la dépose d’une bande de mosaïque, un
sondage, long de 2 m et large de 1,80 m, en correspon-
288
Jebel oust
Chronique
Fig. 75 – Djebel Oust. Secteur de la résidence. R 69 au premier plan et R64 ouvrant vers la galerie R14.
Fig. 76 – Djebel Oust. Plan du sondage au nord-est de la résidence.
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
289
dance d’une harpe dans le mur sud de la pièce, a été
ouvert Au sud-est de R18. Lors de la fouille, trois phasesprincipales ont été observées, la première d’entre elles
comportant deux états.
Un mur sensiblement orienté nord-sud (UF 2614)
correspond à la première trace d’occupation. La seconde
phase est constituée par l’érection d’un mur orienté estouest (UF 2655) qui s’appuie sur le mur précédent sans
l’araser. C’est seulement au cours de la troisième – et
dernière – phase que R18 prend l’aspect encore observable en élévation. Deux opérations conjointes transforment considérablement la physionomie de l’espace :
la construction d’un mur au sud-est (UF 2656) et l’arasement du mur antérieur (2614). Après cet arasement,
un pilier de fondation est creusé très profondément,
destiné à former la base des deux piliers méridionaux
séparant l’exèdre de l’espace central de la pièce. Un
remblai (UF 2612), constitué d’argile jaune, est mis en
place pour niveler. Par-dessus celui-ci, est finalement
apposé le mortier de la mosaïque constituant le décor de
l’ensemble de la pièce.
– Recherches en R3
La remarquable préservation d’une séquence stratigraphique presque complète a permis de suivre l’évolution de cette pièce sur un temps relativement long. Lors
d’une ultime transformation, R3 est dotée d’un tour de
potier et s’étend au sud par la création d’un four à sole
suspendue.
Grâce aux données recueillies dans cet espace R3 et
grâce à une étude des murs entourant R3 et les
espaces environnants, une première esquisse de restitution de développement pour l’ensemble du secteur
méridional de la «résidence» a pu être proposée.
Aïcha BEN ABED -BEN KHADER , Nathalie ANDRÉ , Catherine
BALMELLE, Raphaël DUROST, Raphaël GOLOSETTI, Nicolas MONTEIX et
Chiraz GUELLELA, étudiante en architecture (Tunis)
KOUASS (ASILAH, MAROC)
Institut national des sciences de l’archéologie et
du patrimoine (Rabat, Maroc), Ministère des
Affaires étrangères et européennes (France),
École française de Rome et Agence nationale de
la recherche (programme «EauMaghreb»).
Le site de Kouass fait l’objet d’un programme de
recherche quadriennal associant l’Institut national des
sciences de l’archéologie et du patrimoine à Rabat
(INSAP), le Ministère des Affaires étrangères et européennes (MAEE) et l’École française de Rome (EFR). Il
bénéficie de financements complémentaires dans le cadre
du programme ANR «Eau Maghreb» (UMR 8546,
CNRS-ENS Paris Ulm; Université de Bordeaux) au sein
duquel sont impliqués plusieurs membres de l’équipe. Un
soutien logistique est en outre apporté par la commune
de Had el Gharbia et par le Service de coopération et
d’action culturelle de l’Ambassade de France à Rabat.
En 2009, la mission franco-marocaine, co-dirigée
par Virginie Bridoux (EFR) et Mohamed Kbiri Alaoui
(INSAP, Rabat), était constituée d’une équipe de 22
personnes comprenant des chercheurs-archéologues
marocains et français (Solange Biagi, chercheur associé à
l’UMR 8585, CNRS-Centre Gustave Glotz; Néjat
Brahmi, enseignante à Lorient; Hédi Dridi, professeur
d’archéologie à l’Université de Neuchâtel; Abdelfattah
Ichkhakh, conservateur à la délégation du ministère de
la Culture à Essaouira; Thierry Jullien, enseignant à
Tanger; Christine Machebœuf, chercheur associé à
l’UMR 8546, CNRS-ENS Paris Ulm; Halima Naji, conservateur, Division de l’inventaire du patrimoine à la Direction du Patrimoine Culturel de Rabat), des
topographes-dessinateurs (Mohamed Alilou, Conservation de Volubilis; Ugo Colalelli, EFR), des doctorants en
histoire et en archéologie des Universités de Bordeaux
(Séverine Garat), de Paris I (Edwige Lovergne), de
Lausanne (Adeline Pichot) et des étudiants de l’INSAP
(Soufiane Er-Rahoui, Abdelali Helouani). La conduite
de la prospection géophysique a été assurée par Claire
Brinon (doctorante, département de géophysique appliquée de l’UMR Sisyphe 7619, Université Pierre et Marie
Curie-Paris 6), assistée de Laëtitia Papaxanthos (élève de
l’ENS, Paris-Ulm). L’analyse géomorphologique de la
zone a été confiée à Mohamed Chaibi, Abdessamad
Charif, Mohamed Ridaoui et Mohamed Ougougdal
(Université polydisciplinaire de Safi, Maroc). Dix
SPIOX
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290
B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
Kouass
Chronique
ouvriers ont par ailleurs été recrutés sur place et ont
contribué aux travaux de terrain durant toute la durée
de la campagne (29 juin-31 juillet 2009).
L’équipe de Kouass remercie Aomar Akerraz, directeur de l’INSAP, Abdallah Salih, directeur du Patrimoine
culturel, Taoufiq Ouzgane, inspecteur des Monuments
historiques et des Sites de la région de Tanger, Hicham
Hassini, conservateur du site archéologique de Lixus, et
Brahim Mlilou, conservateur adjoint du site archéologique de Lixus, pour l’intérêt porté à nos travaux lors
de leurs visites à Kouass, ainsi que Rachid Arharbi,
conservateur du site archéologique de Banasa, qui a mis
à notre disposition une partie du matériel de dessin de la
mission archéologique de Banasa.
Les objectifs du programme
de recherche quadriennal
D’après les fouilles menées par Michel Ponsich dans
les années 1960, le site de Kouass est un établissement
antique dédié aux activités industrielles et commerciales. Sur une butte située à près d’un kilomètre de
l’océan atlantique (fig. 77), à une altitude d’environ
40 m, l’auteur mit au jour un ensemble de structures
relativement bien conservées qu’il identifia à un atelier
de potiers, sur la base de la découverte de trois fours, de
leurs annexes et d’une abondance particulière de mobilier céramique datable de l’époque préromaine
(Ve-Ier s. av. J.-C.). Les travaux de M. Ponsich démontrèrent par ailleurs la réoccupation partielle du site à
l’époque romaine, illustrée par la présence d’un
aqueduc et d’usines de salaison à proximité de l’embouchure de l’oued Rharifa. Enfin un important édifice
quadrangulaire, interprété comme un camp d’époque
préromaine par l’auteur, fut exhumé à quelque 300 m
au sud-ouest de la butte (cf. MEFRA 121-1, 2009).
Le bâtiment quadrangulaire et l’aqueduc
témoignent d’une occupation entre la zone située à
l’ouest de l’actuelle route nationale Tanger-Rabat et la
frange littorale, sans que l’on sache si cette occupation
présente un caractère continu. L’étendue de l’établissement, qui reste donc inconnue, constitue l’un des principaux axes de recherche du programme quadriennal en
cours. La définition du potentiel archéologique, par le
biais de prospections pédestres et géophysiques, doit être
réalisée en priorité dans la mesure où le site, en attente
de classement comme monument historique, s’étend en
plein cœur d’une zone qui fait actuellement l’objet d’un
grand projet d’aménagement à vocation touristique.
Par ailleurs, les résultats des travaux de M. Ponsich
étant restés en grande partie inédits, la chronologie
générale et la nature de l’établissement demeurent
incertaines, même si le réexamen du matériel des
fouilles anciennes atteste son occupation entre la fin du
VIe et la fin du Ier s. av. J.-C. et son implication dans la
commercialisation des produits dérivés de la pêche
(«Cercle du Détroit») (voir Kbiri Alaoui 2007). Il s’avère
cependant nécessaire de mieux déterminer les grandes
phases d’occupation du site, de pallier à l’absence de
stratigraphie de référence et de vérifier l’existence d’une
production de vases en céramique et d’amphores caractéristiques de l’aire du détroit de Gibraltar.
D’autres questions restent par ailleurs en suspens,
telles que le rôle et la datation précise de l’aqueduc, la
localisation exacte des usines de salaison, la chronologie
et la fonction de l’édifice quadrangulaire, ou encore les
raisons de l’abandon de l’établissement. En outre, l’existence vraisemblable d’une enceinte autour de la zone de
la butte (zone 1), révélée par la campagne de prospection magnétique effectuée en 2008 (cf. MEFRA 121-1,
2009), tend à renouveler les problématiques relatives à
la nature du site. La datation et les raisons de la mise en
place de ce système défensif font donc partie des axes de
recherche de ce programme.
Enfin la mission s’intéresse à la question de l’accès à
la mer et à la localisation du port de Kouass. Elle se
propose de vérifier si le grand golfe mentionné entre
Tanger et Lixus par le périple de Scylax au VIe s. av. J.C. (golfe Kôtes) peut correspondre aux grandes plaines
marécageuses de la basse vallée de l’oued Tahadart
(Oulad Khalouf) qui s’étendent à peu de distance du site
côté nord-est (fig. 77). Tout porte à croire que ces
plaines, largement inondables en hiver, étaient autrefois
envahies par les eaux marines. Si tel est le cas, et si
celles-ci étaient navigables, cette zone devait constituer
un lieu privilégié pour la pénétration et l’escale des
navires.
La résolution des problématiques relatives à la chronologie et à la nature du site est envisagée par le biais du
réexamen des structures mises au jour dans les années
1960, l’ouverture de sondages stratigraphiques et de
nouveaux secteurs de fouilles en extension en divers
points du site, l’examen du mobilier complété par des
analyses archéométriques sur le matériel céramique et
amphorique, ainsi que des études paléo-environnementales (analyses géomorphologiques; études de l’ichtyofaune et de la malacofaune).
Les opérations de la campagne 2009
La campagne 2009 a été principalement consacrée à
la poursuite de la prospection géophysique, à la mise en
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
291
Fig. 77 – Kouass. Carte topographique de la région d’El Manzla (1/50.000e). En rouge les points 17 et 21 prospectés.
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
Kouass
Chronique
place d’une méthodologie d’approche concernant les
analyses géomorphologiques, au dégagement et au
relevé des structures exhumées dans les années 1960, à
l’ouverture de nouveaux secteurs de fouilles sur la zone
de la butte (zone 1).
La prospection géophysique
La prospection géophysique a été effectuée aux
abords de la butte (zone 1), en complément des opérations réalisées en 2008. Le traitement des données récoltées n’étant pas totalement achevé nous nous limitons
pour l’heure à la présentation du choix de la méthode,
de l’appareil de mesure, du mode opératoire, de la localisation des surfaces prospectées et à la mise en valeur de
quelques résultats préliminaires.
L’emploi de la méthode magnétique s’est avéré le
plus approprié dans la mesure où la campagne menée en
2008 avait prouvé l’efficacité de son application sur le
site en mettant en évidence un agencement cohérent de
structures construites sur l’ensemble de la butte. Elle
s’avérait également bien adaptée pour tenter de
résoudre parallèlement une autre problématique relative à la nature du site, à savoir la localisation de fours
de potiers. Un magnétomètre à vapeur de césium G-858
(Geometrics) a été utilisé en configuration de gradiomètre. L’acquisition des données a été réalisée en
continu (5 à 10 mesures par seconde), le long de profils
parallèles espacés d’un mètre. La sensibilité de l’appareil
à la présence des lignes électriques (à l’est du site) et de
tout objet métallique au sol constitue la principale limitation de la méthode. Malgré un ramassage préliminaire
des éléments polluants repérés en surface (piles,
ferrailles, débris métalliques divers, ...), de nombreux
résidus d’origine moderne subsistent et sont causes
d’anomalies magnétiques ponctuelles difficilement différenciables des anomalies créées par des structures plus
anciennes.
Après traitement des données les résultats sont
présentés sous forme de cartes de gradient magnétique
vertical. Les angles de chaque surface prospectée ont fait
l’objet d’un relevé topographique afin de recaler géographiquement les cartes magnétiques sur un plan
d’ensemble (fig. 78). Les valeurs s’échelonnent entre
-8/8 nT/m, les plus élevées étant représentées en
niveaux de blanc. L’application d’une même échelle de
couleurs permet d’obtenir une vision relative des différentes zones.
La prospection magnétique a été réalisée sur une
surface de 4 ha, principalement dans les champs cultivés
et moissonnés qui couvrent les pentes et les alentours
immédiats de la butte. Priorité a été donnée aux
parcelles comprises entre la route nationale et la butte,
directement concernées par le projet d’urbanisation. Les
flancs de la butte ont été reconnus jusqu’aux obstacles
matériels que constituent la végétation et un terrain trop
accidenté. D’autre part deux secteurs ont été testés sur la
butte-même, au nord et au sud-ouest, en vue d’une
comparaison avec les données existantes. Les secteurs de
prospection ont été définis sous la forme de surfaces
rectangulaires regroupées et dénommées d’après leur
position par rapport à la butte (choix arbitraire).
Les résultats préliminaires font état de nombreuses
anomalies tant linéaires que ponctuelles qui ressortent
sur la quasi-totalité de la carte magnétique globale
(fig. 78) et sont le reflet de la présence de structures. Au
nord plusieurs anomalies d’origine non géologique sont
visibles, tandis qu’à l’ouest un ensemble d’alignements
est mis en évidence et qu’au sud-ouest un réseau d’anomalies rappelle le schéma organisé des structures localisées sur la butte. À l’est, vers le sommet de la pente, une
double anomalie d’orientation SO-NE s’étirant sur une
vingtaine de mètres et contournant la butte pourrait
correspondre au tracé de l’enceinte supposée de l’établissement. Outre les structures linéaires ou curvilignes
détectées et causées par des vestiges en pierres (murs)
ou des fossés/fosses, de nombreuses anomalies ponctuelles peuvent être rattachées à la présence de fours.
L’application de méthodes complémentaires (géophysiques ou sondages) devrait permettre de les identifier.
Seule la surface prospectée entre le chemin d’accès à la
butte et la route nationale, au nord-ouest, est caractérisée par une absence d’anomalies magnétiques similaires à celles repérées dans les autres secteurs et créées
par des structures enfouies (en dur ou en creux).
Les études géomorphologiques
La campagne 2009 a permis d’aborder, en collaboration avec l’Université polydisciplinaire de Safi, les
aspects géographiques et topographiques actuels de la
région, en premier lieu de récolter des enseignements
sur le substrat géologique du plateau de Kouass et la
nature des terres constituant les strates archéologiques
mises au jour sur la butte.
Pour apporter les premiers éléments de réponse et
installer une méthodologie d’approche des problématiques exposées concernant l’emprise des eaux marines
par rapport au site, l’accès à la mer, l’identification et
l’emplacement des installations portuaires de Kouass,
des enquêtes de terrain ont été effectuées à proximité du
site archéologique, le long des vallées des oueds Hachef,
Tahadart et Rharifa, le long de l’estuaire de l’oued Tahadart et du rivage atlantique. Deux des points culminants
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
293
Fig. 78 – Kouass. Carte magnétique globale de la prospection (mission archéologique de Kouass, juillet 2009).
des grandes plaines marécageuses des Oulad Khalouf
ont également été visités (points 21 et 17, fig. 77). Le
mobilier observé en surface témoigne d’une occupation
de ces collines à l’époque romaine.
À première vue, l’estuaire du Tahadart est creusé
dans des formations géologiques datant probablement
du pliocène. Une coupe géologique réalisée à proximité
de la butte (zone 1) montre la succession du haut vers le
bas de dunes pédogenèsées, d’un niveau de limons
calcaires riche en bioclastes (Pecteneidés), de marnes
calcaires à lentille de silex et de barres gréseuses.
L’estuaire du Tahadart offre des niveaux topographiques très bas auxquels l’eau de mer accède encore
actuellement avec des dépôts vaseux et salés, ce qui
laisse supposer qu’une navigation aurait été possible
avec un niveau d’eau plus haut. Néanmoins, la position
des usines de salaison datant de l’époque romaine à
proximité de l’oued Tahadart et leur basse altitude
conduisent à dire que si le niveau marin à l’époque
romaine était plus haut que l’actuel, les usines
n’auraient pas existé. Ainsi, si le niveau marin était à
l’époque romaine au niveau actuel, la navigation ne
serait possible que par une éventuelle profondeur du lit
de l’oued. La recherche de niveaux plus profonds offrant
une possibilité de navigation ne peut s’effectuer qu’à
travers la réalisation de sondages en plusieurs endroits
de l’estuaire et le long du lit actuel de l’oued El Hachef,
ainsi que par des analyses stratigraphiques et sédi-
SPIOX
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294
B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
Kouass
Chronique
mentologiques. À ces démarches doivent s’ajouter une
compilation de données et des synthèses appuyées par
des références bibliographiques, des cartes géologiques
et géomorphologiques, des données hydrologiques
(apport de l’oued et de la mer, charge des sédiments et
vitesse de sédimentation), des photographies aériennes
(échelonnées dans le temps).
Les fouilles, les relevés topographiques et architecturaux
L’ampleur de la documentation récoltée cette année
nous amène à ne présenter ici qu’un résumé des opérations réalisées et des principaux résultats obtenus.
Le travail a porté en 2009 sur la zone de la butte
(zone 1), où se situe l’essentiel des vestiges signalés
jusqu’à présent. Ces derniers, encore bien visibles
aujourd’hui dans le secteur sud (secteur 1) et dans les
quatre tranchées qui ont été pratiquées dans les années
1960 au nord, à l’est, à l’ouest et au centre de la butte
(fig. 79), n’avaient pas fait alors l’objet de relevés, ni de
descriptions particulières exception faite de la zone sud
de la butte (Kbiri Alaoui 2007, p. 52-59, fig. 25).
Un important travail de défrichage et de nettoyage,
Fig. 79 – Kouass. Situation des vestiges de la zone 1.
accompagné d’un ramassage du matériel de surface, a
dû être mené afin de dégager la végétation qui recouvrait la zone, en particulier dans les secteurs 1 et 3
(fig. 81). L’ensemble du mobilier, qu’il provienne des
ramassages de surface, des remblais de fouilles
anciennes ou des niveaux archéologiques en place, a été
traité en parallèle aux travaux de terrain.
– Le secteur sud (secteur 1)
Le plan général du secteur dressé en 1999 dans le
cadre de l’étude de M. Kbiri Alaoui (Kbiri Alaoui 2007,
fig. 25) fait état de deux ensembles constitués d’axes de
circulation et d’îlots. Leur appellation (ensembles 1 et 2)
a été conservée, tout comme celles des différents espaces
identifiés (espaces 1 à 35). Les murs qui ont fait l’objet
d’une étude lors de la campagne 2009 ont en revanche
été renommés selon les modalités de notre chantier
(fig. 80).
Les principaux objectifs étaient de rechercher des
niveaux en place susceptibles d’éclairer la nature des
espaces et d’établir une stratigraphie dans les ensembles
1 et 2, de préciser le relevé des structures établis en 1999
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
295
Fig. 80 – Kouass. Zone 1, secteur 1. Plan des vestiges, numérotation des espaces et des murs.
Fig. 81 – Kouass. L’espace 8 avant nettoyage, vu vers le nord (cliché mission archéologique de Kouass, juillet 2009).
SPIOX
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296
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Kouass
Chronique
afin de mieux comprendre les relations entre les murs et
la structuration de ces ensembles et enfin de restituer
autant que possible les phases successives d’occupation
dans ce secteur.
Le nettoyage des structures et des espaces intermédiaires dans la totalité de l’ensemble 1 et dans la
partie nord-ouest de l’ensemble 2 a permis de distinguer
les zones plus ou moins explorées par M. Ponsich. Les
travaux de fouilles effectués cette année, basés sur ce
constat, ont porté sur les espaces 4, 7, 8 de l’ensemble 1
et les espaces 10, 19 de l’ensemble 2 (fig. 80), où l’existence de strates archéologiques en place a pu être mise
en évidence. Le dégagement des niveaux superficiels a
par ailleurs permis d’observer, notamment dans les
espaces 7, 9 et 19, la dégradation récente de certaines
structures dont témoignent des effondrements de murs
postérieurs aux remblais des fouilles anciennes.
Dans l’ensemble 1, les fouilles ont permis la mise au
jour de structures supplémentaires qui constituent le
prolongement de murs déjà connus ou qui leur sont
antérieures : mur [1061] et prolongement septentrional
du mur [1016] dans l’espace 7; murs [1078], [1042],
[1046], [1063], [1044] et [1029] dans les espaces 4 Sud
et 8 (fig. 80). Au fur et à mesure de l’avancée des opérations, les espaces 7 et 8 ont davantage retenu notre
attention.
L’espace 8 est constitué dans sa partie ouest par de
gros blocs grossièrement posés à plat [US 1052] qui
correspondent manifestement à une zone dallée
(fig. 82). On ne sait dans quelle mesure ce dallage se
poursuivait vers l’est, la partie centrale de l’espace ayant
été fouillée plus en profondeur dans les années 1960. Sa
façade sud est par ailleurs bordée côté externe par de
gros blocs monolithiques alignés selon une orientation
Fig. 82 – Kouass. L’espace 8 à la fin de la campagne, vu vers le nordest (cliché mission archéologique de Kouass, juillet 2009).
E/O, posés de champ, dont on trouve le prolongement à
l’est le long du parement sud du mur [1003]. Le
nettoyage de la berme des fouilles anciennes limitant
l’espace 8 à l’est a permis de mettre en évidence une
succession de niveaux, caractérisés par des amphores
brisées (US 1040), de la brique crue (US 1034, US 1036,
US 1038, US 1041), des zones charbonneuses (US 1037),
des lentilles de chaux. Le dégagement de la couche charbonneuse (US 1037) a permis de mettre au jour un sol
constitué de chaux conservé sur une superficie
d’environ 1 × 1,50 m (fig. 83). Ce sol appartient à une
phase de circulation liée au mur [1016]. Les couches de
destruction de celle-ci, US 1037 et 1040, contiennent de
nombreux fragments d’amphores Maña-Pascual A4
datables du IIIe s. av. J.-C. (Ramon T.12.1.1.) ou au plus
tard du IIe s. av. J.-C.
Dans l’espace 7 (fig. 80), après dégagement des
niveaux superficiels, deux phases de construction ont pu
être identifiées clairement. La phase la plus antique
correspond à un niveau de circulation en place formé
par un sol (US 1075) composé d’argile et de chaux, et
Fig. 83 – Kouass. La berme de l’espace 8, vue vers le sud. Restes d’un
sol en chaux (cliché mission archéologique de Kouass, juillet 2009).
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
297
par un foyer (US 1074) de même composition, situé
dans l’angle N/O. Le mur [1016] semble appartenir à
cette phase. Le terminus ante quem nous est fourni par le
matériel des couches de destruction de l’espace 8 précédemment décrites. Dans la partie nord les murs [1005] et
[1006] sont contemporains et appartiennent à une phase
successive pour laquelle le manque de stratigraphie ne
permet pas de fournir une chronologie absolue.
Dans l’ensemble 2, la fouille a en premier lieu porté
sur l’espace 10, délimité au nord et au sud par des murs
([1003] et [2010]), à l’est et à l’ouest par des bermes laissées en place après les fouilles de M. Ponsich (fig. 80). Il
s’agit d’un espace à ciel ouvert en connexion avec les
espaces 8 Sud et 10bis, qui s’étend à l’ouest et à l’est
jusqu’aux talus constituant les limites des fouilles
anciennes. L’espace 10, partiellement excavé dans les
années 1960, comprend notamment dans sa partie nord
un sondage d’1,65 m de profondeur (fig. 84). Les
remblais de ces fouilles anciennes ont été dégagés
jusqu’à retrouver les niveaux archéologiques en place.
Fig. 84 – Kouass. La partie nord de l’espace 10, vue vers le nord
(cliché mission archéologique de Kouass, juillet 2009).
Au fond du sondage trois gros blocs de soutènement
[US 2072] s’appuient contre le mur [1003]. Ils sont
posés sur l’US 2070, intacte, dont la fouille peut ainsi
dater leur installation. La stratigraphie des bermes des
fouilles anciennes laisse apparaître une épaisse succession de couches cendreuses, d’argile rubéfiée, de
remblais jaunâtres s’appuyant contre le mur [1003] et
présentant un pendage N/S. La zone pourrait donc
s’identifier à un espace de travail en liaison avec un
atelier comprenant des structures de combustion. La
fouille des couches supérieures des bermes a notamment
livré de nombreux fragments d’amphores Maña-Pascual
A4 (Ramon 12.1.1.1.), des lèvres d’amphores de type
Tiñosa (Ramon 8.1.1.2.) et de la céramique de type
Kouass, soit un matériel typique du IIIe s. av. J.-C.
L’espace 19, qui correspond à la zone la plus méridionale explorée lors de cette campagne (fig. 80), est un
espace central de l’ensemble 2 relativement moins
touché par les fouilles anciennes. Les travaux effectués
cette année ont permis de définir plus nettement ses
limites. Au fur et à mesure de l’avancée des travaux
l’attention a été portée sur la partie occidentale de
l’espace. Les principaux éléments récoltés concernent la
mise au jour de deux fosses d’époque médiévale
(US [2030]/2031 et US [2032]/2033), de niveaux de
destruction d’un four manifestement en activité durant
l’époque préromaine et de structures qui n’apparaissaient pas jusque là et s’avèrent contemporaines ou
antérieures aux murs déjà connus : murs [2020],
[2040], [2063] et [2058] (fig. 9).
La fouille de la couche de destruction du four
(US 2021) n’a pu être achevée durant cette campagne
mais des indices permettent de penser qu’il s’agit d’un
four de potier. La destruction est une épaisse couche de
terre comprenant des zones fortement rubéfiées et une
très grande quantité de matériel céramique présentant
également des traces de rubéfaction. Les parties plus
claires de la couche, jaunes et argileuses, sont essentiellement composées de morceaux de briques crues. Au
centre de l’espace fouillé est apparue une zone plus
compacte, fortement arasée, qui pourrait correspondre
au pilier de la sole du four (US 2062, fig. 85). Tout
comme l’US 2021, les strates adjacentes, dont l’une
correspond à une couche de terre grise et cendreuse qui
s’étend vers le nord, s’appuient toutes, à l’ouest, contre
la structure de brique crue [2058] qui doit correspondre
au mur contre lequel était dressée la paroi ouest du four.
La fouille fait également apparaître autour de la couche
centrale cendreuse, en périphérie, au nord et à l’est une
terre plus compacte, claire (US 2065) qui pourrait être le
niveau arasé des parois du four. Au nord et à l’est la
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Kouass
Chronique
à mesure du nettoyage et de la mise au jour des
éléments construits. Il a été accompagné d’un travail de
description et de relevés au pierre à pierre, qui à ce jour
a été consacré aux espaces 2 à 9 dans l’ensemble 1 et
aux espaces 13, 19 et 21 dans l’ensemble 2 (fig. 80). Les
espaces fouillés ont donné lieu à la réalisation d’une
série de relevés en plan au 1/20e, complétée par des
coupes stratigraphiques et des sections au 1/20e ou au
1/50e. En complément de ce travail, les coupes ouest et
sud du sondage ancien de l’espace 9bis et la coupe de la
berme nord de l’espace 13 ont été relevées.
Fig. 85 – Kouass. L’espace 19 Ouest à la fin de la campagne, vu vers
le sud (cliché mission archéologique de Kouass, juillet 2009).
relation entre le four et les murs [2013] et [2020] reste à
préciser. L’abondant matériel contenu dans l’US 2021
comprend notamment des céramiques attiques à vernis
noir, dont les fragments d’un canthare de type Saint
Valentin et un fragment de lampe Howland 23A, des
fragments d’amphores Maña-Pascual A4 ainsi que de
nombreux restes de vases en céramiques peintes. Une
datation ne pourra toutefois être émise qu’après le dégagement total de la couche.
À l’heure actuelle, la fouille de l’espace 19 a permis
de reconnaître plusieurs phases qui peuvent s’établir
comme suit :
– l’état le plus ancien est représenté par le mur
[2040] situé dans la partie centrale de l’espace 19. Il
n’est pour l’instant pas daté, n’étant pas rattaché à une
phase précise.
– un état antérieur au four, représenté par les murs
et les structures [2063] et [2058] manifestement réemployés lors de la phase de fonctionnement du four.
– un état correspondant à la construction du four et
à son utilisation (US 2061, US 2065, US 2055,
US 2054);
– un état correspondant à la destruction du four,
matérialisée par la couche US 2021, et son abandon;
– un état correspondant à la construction des murs
[2013] et [2020]. Les niveaux appartenant à cette phase
ont vraisemblablement disparus suite aux fouilles des
années 1960;
– une phase médiévale au cours de laquelle sont creusées les deux fosses US [2030]/2031 et US [2032]/2033.
Pour compléter le plan de ces deux ensembles architecturaux désormais mieux visibles un relevé topographique avec une station totale a été effectué au fur et
– Le secteur nord-est (secteur 3)
Dans l’optique d’obtenir une séquence stratigraphique générale de la butte et de cerner son évolution,
un sondage de 4 m de côté a été ouvert dans une zone
intacte, non encore explorée, à quelques mètres d’une
ancienne tranchée ouverte par M. Ponsich (tranchée
nord, fig. 79). Cette dernière lui avait permis de retrouver des structures enchevêtrées similaires à celles du
secteur 1. Celles-ci ont fait cette année l’objet d’un
nettoyage avant d’être relevées et intégrées sur le plan
d’ensemble de la zone.
L’implantation du sondage dans cette zone répond
également à la nécessité de contrôler les résultats de la
prospection géophysique qui fait ici état d’anomalies
magnétiques d’origine anthropique, en particulier deux
tronçons de murs se recoupant à angle droit et une
anomalie peu magnétique, presque circulaire, se détachant de l’ensemble.
Des structures ont émergé à 30 cm environ du sol
actuel, ainsi que des niveaux en place témoignant d’une
occupation «tardive» de la zone. Les premières données
fournies par ce sondage permettent de proposer le
schéma évolutif suivant :
L’état le plus récent correspond à un niveau d’utilisation (US 3007) marqué par la forte présence de la
céramique islamique (essentiellement à glaçure) et à
une fosse-dépotoir (US 3009) contenant une quantité
considérable d’ossements et de matériel datable de
l’époque islamique. Ce niveau supplante immédiatement le sol antique, ce qui suggère un nivellement de la
zone à l’époque médiévale. Le mobilier contenu dans la
fosse ou issu du niveau d’utilisation ne permet pas
d’avancer, pour l’heure, une datation précise en
l’absence de matériel associé plus significatif.
À l’état le plus ancien découvert jusqu’ici se
rattachent les structures [3006] et [3014]. La caractéristique majeure de ces deux murs réside dans leur mode
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
299
de construction, en l’occurrence l’utilisation d’un
soubassement de pierres sommairement dégrossies et de
moellons vraisemblablement surmonté d’une élévation
de briques crues dont seules quelques traces subsistent
encore. Si aucun indice révélateur ne permet de dater
les structures construites [3006] et [3014], le matériel
provenant de la couche de destruction (US 3012)
suggère néanmoins une datation «basse» par rapport à
ce que l’on connaît de la chronologie de l’établissement
préromain. Ce matériel (amphore Dressel 1A, probables
parois d’amphores Dressel 7/11, céramique à vernis noir
de Calès et fragments de céramique à paroi fine) renvoie
à un contexte allant de -50 à +50.
LES APPORTS DE LA CAMPAGNE 2009
Apports relatifs à la connaissance des méthodes
de fouilles anciennes
Les travaux réalisés dans l’ensemble 1 du secteur 1
démontrent que M. Ponsich a en partie fouillé cette
zone en se basant sur la méthode Wheeler, consistant à
diviser géométriquement la zone à fouiller, généralement en carrés de 5 m de côté, et à réserver des bermes
larges d’1 m sur les côtés de chacun de ces carrés. Préservées après la fouille, ces bermes constituent désormais
des buttes témoins de la stratigraphie dans cette zone. La
méthode n’a manifestement pas été appliquée à la lettre.
Néanmoins, dans l’ensemble 1, une zone carrée de 8 m
de côté s’étendant sur les espaces 9, 9bis, 10 et 10bis a
été subdivisée en quatre carrés de 4 m de côté, comme
en témoignent les bermes bien conservées (fig. 80 et
84). Suivant les découvertes de terrain, M. Ponsich
semble avoir élargi les zones fouillées dans les espaces 9
et 10 afin de permettre la mise au jour des limites de ces
derniers (murs d’orientation est-ouest [1079] et [2010]).
L’utilisation vraisemblable de la méthode Wheeler
comme base de travail constitue une documentation
inédite sur les pratiques de fouilles employées dans les
années 1960 au Maroc.
Apports relatifs à l’étendue de l’établissement
Bien qu’en l’absence d’éléments datant, les opérations de prospection magnétique effectuées en 2009
révèlent l’occupation ancienne des pentes de la butte et
l’extension du site au nord, à l’est et au sud de celle-ci.
L’absence d’anomalies magnétiques dans le champ situé
entre le chemin d’accès à la butte et la route nationale,
côté ouest, semble en outre indiquer que l’occupation
du site aux abords de la butte trouve là une de ses
limites géographiques.
Apports relatifs à la chronologie de l’établissement
La relative abondance de la céramique d’époque
islamique observée dès 2008 parmi le matériel de
surface pouvait amener à douter de la chronologie de
l’ensemble des structures exhumées dans les années
1960 sur la zone de la butte. Les fouilles menées durant
la campagne 2009 démontrent la datation préromaine
de ces vestiges tandis que le mobilier recueilli, tant dans
les niveaux en place, qu’en surface ou dans les remblais
des fouilles anciennes confirme une chronologie générale d’occupation comprise entre la fin du VIe s. et la fin
du Ier s. av. J.-C. Toutefois, en l’absence d’information
sur les tout premiers niveaux d’occupation du site, on
ne peut exclure pour le moment que les débuts de
celle-ci remontent à l’époque phénicienne. La découverte d’amphores de type Rachgoun 1 dans les remblais
des fouilles anciennes tend d’ailleurs à plaider en faveur
de cette hypothèse. L’abandon de la zone de la butte
vers la fin du Ier s. av. J.-C. peut être, à titre d’hypothèse,
mis en relation avec la création entre 33 et 25 av. J.-C.
de la colonie romaine Iulia Constantia Zilil, située à quelques kilomètres au de sud-est Kouass. Enfin l’abondance
de la céramique islamique récoltée cette année et la
présence de fosses islamiques dans les secteurs 1 et 3
démontrent que le site a été réoccupé à l’époque médiévale. La chronologie précise et la nature de cette réoccupation font désormais partie des problématiques à
résoudre.
Apports relatifs à la nature de l’établissement
– Un site-atelier impliqué dans le «Cercle du
Détroit»
L’existence d’un atelier préromain producteur
entre autres, de céramiques peintes, communes, de
type Kouass, d’amphores à salaison, tel que le décrivait
M. Ponsich, ne nous était connue que par la présence
d’un certain nombre de ratés de cuisson (amphore
Ramon 7.4.3.3., amphore Ramon 8.2.1.1., amphore
Ramon 11.2.1.3. : voir Kbiri Alaoui 2007, p. 66, fig. 40,
41, 44). Elle tend aujourd’hui à être confirmée sur la
base des données récoltées cette année dans
l’espace 19 et certaines des anomalies ponctuelles relevées par la prospection magnétique. S’y ajoute la
présence sur le flanc nord-est de la butte et sur son
extrémité sud-ouest de deux zones comportant des
indices de production (fragments de briques crues
rougies et durcies par l’action du feu, zone d’argile
fortement rubéfiée). Ces deux zones pourraient correspondre à deux des fours mentionnés par M. Ponsich.
SPIOX
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300
B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
Kouass
Chronique
Parmi le mobilier récolté cette année sont en outre
attestées des scories qui peuvent correspondre à des
rebuts de cuisson.
L’intégration de Kouass aux courants commerciaux
et culturels qui caractérisent la zone du détroit de
Gibraltar est cependant évidente à en juger par la prédominance des productions locales ou régionales dites du
«Cercle du détroit». Les divers types d’amphores et de
vases en céramique attestés trouvent leurs plus proches
parallèles sur les sites côtiers d’Andalousie et
démontrent notamment la connexion étroite qui existait
entre Kouass et les établissements de la région de Gades
(Cadix).
Kouass constituait manifestement un établissement
commercial d’importance à l’époque préromaine, ce
dont témoigne non seulement l’abondance des
amphores mais aussi la présence, en quantité non négligeable, de la céramique attique des Ve-IVe s. av. J.C. pourtant peu diffusée au Maroc. S’ajoute à cela la
présence de quelques amphores carthaginoises
(Ve-IIe s. av. J.-C.), ébusitaines (IIIe-IIe s. av. J.-C.), des
importations ibériques (IIIe-Ier s. av. J.-C.) et italiennes
(fin IIIe-fin Ier s. av. J.-C.). L’ensemble de ces importations nous apportent des renseignements sur l’intégration de Kouass dans les circuits commerciaux et
culturels de Méditerranée et représentent des jalons
chronologiques indispensables à la connaissance des
productions locales, dont l’évolution reste fort
méconnue.
– Un établissement fortifié
Les premiers indices relatifs à la nature fortifiée du
site, apparus lors de la première campagne de prospection (2008), concernent les flancs nord-est de la butte où
une anomalie notable pourrait correspondre aux
vestiges d’une enceinte. La poursuite de la prospection
sur le flanc est de la butte met en évidence le même type
de résultats. L’attention portée aux structures existantes
dans la partie extrême sud-ouest de la butte incite également à penser que Kouass était muni d’un système
défensif. On relève dans cette zone, au sud de
l’espace 10, l’existence d’une structure renforcée ([2010]
et [CD]) constituant un ensemble de près d’1,50 m de
large, et plus au sud encore, celle de deux autres murs
épais de 1,50 m et 1,25 m de large ([BQ] et [X], fig. 80).
Enfin, trois boulets en pierre probablement exhumés
lors des fouilles anciennes sur la butte peuvent conduire
à penser que le site a fait l’objet d’un siège sans que l’on
soit en mesure pour l’instant de déterminer la datation
d’un tel événement.
Apports relatifs à l’architecture
et à l’urbanisme d’époque préromaine
Les premières opérations menées sur le site font état
de l’existence d’un urbanisme cohérent, constitué d’axes
de circulation et d’îlots dont la distribution spatiale
respecte un plan plutôt orthogonal. Les pièces, de forme
rectangulaire, sont de dimensions variées, parfois
munies d’un seuil tel qu’on peut le constater dans
l’espace 3 (fig. 4). L’ensemble actuellement dégagé
révèle l’emploi d’une assez grande diversité des matériaux et des techniques de construction. Les murs, de
largeur variable (de 0,45 m à 1,50 m), sont la plupart du
temps façonnés en galets d’oueds, non taillés mais
soigneusement ajustés, posés à plat et liés à de la terre.
Ces galets sont parfois assemblés à des blocs de petite ou
de moyenne taille constituant les parements. De plus des
dalles en grès de dimensions variables sont utilisées et
peuvent notamment constituer les socles des murs. Des
parois construites entièrement en briques crues ou des
élévations de briques crues sur soubassement de pierres
sont également attestées. Les parements pouvaient être
revêtus d’une couche d’argile (espace 23) ou de chaux
(espaces 7, 8, 19). L’emploi récurrent de la chaux, non
seulement utilisée pour les parements des murs mais
aussi le revêtement des sols (espace 8), et la découverte
de plusieurs boules de chaux dans des niveaux archéologiques en place (espace 10) nous indiquent que
celle-ci fut sans doute produite sur place.
L’ensemble architectural, d’ores et déjà imposant,
offre un état de conservation appréciable, comprenant
plusieurs structures préservées jusqu’à 1,50/1,60 m de
hauteur. Il permet d’envisager d’intéressantes perspectives d’analyse et de mise en valeur, notamment de
combler une partie des lacunes de nos connaissances
actuelles sur l’architecture et l’urbanisme des cités
maurétaniennes et de préciser l’évolution des techniques de construction (matériaux et types d’assemblage) sur une large période.
Conclusion
En grande partie consacrée aux travaux de défrichage, de nettoyage et de relevés, la première campagne
du quadriennal a néanmoins donné lieu à la mise au
jour des premiers niveaux archéologiques en place et a
confirmé l’intérêt de la reprise des activités archéologiques sur le site. Elle enrichit dès à présent nos
connaissances relatives à l’étendue, la chronologie, la
nature de l’établissement et ses relations avec le reste de
la Méditerranée. Elle apporte également une documentation complémentaire sur le répertoire des productions dites du détroit de Gibraltar et contribue à
SPIOX
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
301
renouveler nos connaissances relatives à la Maurétanie
préromaine, en particulier son implication dans la
production et la commercialisation des produits dérivés
de la pêche en Extrême Occident, ainsi que son insertion
dans les grands courants d’échanges méditerranéens
avant la fin du IIe s. av. J.-C., qui ont sans doute été
jusqu’à présent sous-estimées.
Virginie BRIDOUX et Mohamed KBIRI ALAOUI 6
AUTRES ACTIVITÉS ARCHÉOLOGIQUES FRANÇAISES
EN ITALIE
PORTUS.
LES ENTREPÔTS D’OSTIE ET DE PORTUS :
vaste bâtiment unitaire entretient avec les quais qui
l’entourent.
La construction des magazzini traianei :
premières considérations
LES MAGASINS DE TRAJAN
Agence nationale pour la recherche, Université
de Provence, Soprintendenza speciale per i Beni
archeologici di Roma, Direzione regionale per i
Beni culturali e paesaggistici del Lazio, Centre
Camille Jullian et Institut de recherche sur
l’architecture antique
Dans le cadre du projet quadriennal «Entrepôts et
structures de stockage dans le monde gréco-romain
antique», financé par l’ANR (ANR-08-BLAN-0059-01),
le volet consacré à l’étude des magazzini traianei à Portus
a été initié en juin 2009 7.
L’insertion des entrepôts de Trajan dans le système
portuaire de Portus nous a conduit a réaliser cette étude
en suivant deux directions indépendantes mais complémentaires. La première concerne l’étude de la construction des entrepôts et de son fonctionnement, la
secondevise à déterminer les rapports étroits que ce
6. Avec la collaboration de Solange Biagi, Claire Brinon,
Mohamed Chaibi, Abdessamad Charif, Hédi Dridi, Abdelfattah Ichkhakh, Edwige Lovergne, Adeline Pichot,
Mohamed Ridaoui et Mohamed Ougougdal.
7. Ces recherches s’inscrivent dans la continuité des travaux
effectués dans le programme Ramses2 (cf. MEFRA, 119-1,
2007 et 120-1, 2008). La campagne s’est déroulée en trois
temps : une intervention principale du 8 juin au 17 juillet,
complétée par une seconde opération principalement consacrée à l’étude des quais et à la réalisation de deux carottages,
du 23 septembre au 2 octobre; une dernière intervention,
réalisée entre le 24 novembre et le 4 décembre, a porté sur
les relevés topographiques. Sous la responsabilité de
G. Boetto (CNRS-CCJ), E. Bukowiecki (IRAA), N. Monteix
Respectant une certaine symétrie, les magasins de
Trajan s’organisent autour du petit bassin connu sous la
dénomination de «darsena» selon un plan en «U»
s’ouvrant vers l’est, en direction du bassin hexagonal de
Trajan. Le bloc rectangulaire constitué par les corps de
bâtiment et le bassin mesure approximativement 315 m
de longueur sur 175 m de largeur et occupe, dans cette
zone portuaire, une surface d’environ 5,5 ha dont près
de 4 ha sont consacrés aux entrepôts. À titre de comparaison, nous rappelons que la surface des Grandi Horrea
d’Ostie dépasse à peine 0,7 ha.
À l’occasion de travaux d’assainissement et de
fouille effectués dans les années 1930 par le Prince
Torlonia, alors propriétaire du site, une petite partie du
bâtiment a été dégagée et encore aujourd’hui, seules
40% des structures sont réellement visibles (fig. 86).
L’éparpillement des zones dégagées rend difficile une
vision globale de l’édifice et c’est pourquoi nous avons
organisé l’étude en 6 secteurs : le secteur A, bien déga-
(EFR), C. Rousse (CCJ-IRAA) et S. Zugmeyer (IRAA), ont
participé à la campagne 2009 : S. Della Giustina, G. Peresso
(Università di Roma-Tre) ; B. Rindone et M. Sardoni
(Università della Tuscia, Viterbo); Ch.-E. Sauvin, P. Wech
(doctorants Université de Paris I); S. Zanella (Università di
Siena). Nous remercions chaleureusement L. Paroli (Soprintendenza archeologica di Ostia) pour son accueil, pour la
confiance qu’elle nous a accordée et pour les échanges scientifiques qu’elle a entrepris avec nous. Nous remercions
également l’équipe responsable des espaces verts et
l’ensemble du personnel du Museo delle Navi pour leur
soutien au quotidien qui nous a permis d’organiser les
opérations de terrain dans les meilleures conditions.
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302
B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
Autres activités archéologiques françaises en italie
Chronique
Fig. 86 – Les entrepôts d’Ostie et de Portus. Plan schématique des structures visibles des magasins de Trajan à Portus, délimité en six secteurs d’étude.
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B1: MFA101 - cap. 16 - (1ª bozza)
303
gé, correspondant à l’angle nord-ouest du monument; le
secteur B à l’angle nord-est, le secteur C à l’angle
sud-est, à l’est du cimetière moderne; le secteur D
correspondant à la zone de la darsena et à ses alentours
immédiats; le secteur E, peu dégagé, compris entre les
secteurs A et B; et enfin le secteur F, incluant la zone
sud, à l’ouest du cimetière moderne et les structures
attenantes à la strada colonnata et au portico di Claudio. La
hauteur de conservation des structures dégagées atteint
parfois 5 à 7 m mais malheureusement, les intensives
restaurations réalisées à partir des années 1980 sur
l’ensemble des vestiges compromettent souvent la
bonne lecture stratigraphique des élévations.
Lors de la campagne d’étude du monument qui s’est
déroulée en 2009, une attention particulière a été portée
sur l’emploi des différentes techniques de construction :
opus reticulatum, opus mixtum à panneaux, opus testaceum
et opus mixtum à bandes (fig. 87). Dans cette première
phase de travail, ont déjà été relevées et analysées, 8
parements en opus reticulatum, 48 parements en opus
testaceum et 13 parements en opus mixtum à panneaux.
La variation dans l’emploi des techniques de parement semble correspondre, selon un premier examen
qui devra être approfondi lors de la seconde campagne
prévue en mai 2010, aux principales phases constructives de l’édifice qui s’étalent entre le milieu du
Ier siècle ap. J.-C. et l’époque médiévale. Pour la période
impériale, le premier chantier démarre sous le règne des
empereurs Claude et Néron et les dernières modifications substantielles sont attribuables au début de la
dynastie sévérienne, même si certaines traces
témoignent d’une occupation tardive du bâtiment
comme édifice de stockage (fig. 88). De plus, une
recherche systématique des timbres sur brique in situ a
Fig. 87 – Les entrepôts d’Ostie et de Portus. Différentes techniques de parement utilisées dans la construction ou les restaurations successives des
magasins de Trajan à Portus (Clichés E.B. et C.S.).
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Autres activités archéologiques françaises en italie
Chronique
permis, pour l’instant, l’identification de 56 exemplaires
épigraphiques (28 dans le secteur A, 1 dans le secteur D
et 27 dans le secteur F) dont les datations s’échelonnent
entre l’époque de Néron et à la dynastie antonine.
Ce qui caractérise en premier lieu la construction de
ce bâtiment est la performance du système de fondation.
En effet, implantée en zone maritime ou marécageuse,
la plateforme sur lequel ont été élevés les entrepôts
devait pouvoir assurer aux structures une stabilité
uniforme et c’est pourquoi, dès début du chantier, a été
installé un réseau de fondations remarquablement
unitaire et homogène. Réalisées en opus reticulatum ces
fondations ont une largeur variable entre 1,5 m et 2,5 m
et peuvent atteindre jusqu’à 3,5 m de profondeur, selon
les premiers résultats obtenus sur l’un des deux carottages programmés en septembre 2009 (cf. infra). Les
observations réalisées dans les secteurs A et B
permettent de constater que ce sont d’abord les longues
fondations est-ouest qui ont été installées, en correspon-
dance du quai nord, des façades et des murs de fond des
cellules de stockage. Puis, adossées à ces premiers alignements, en correspondance avec les murs diviseurs des
espaces, les fondations nord-sud ont complété le réseau,
créant un système solidaire de compartimentage appelé
caissons de fondation.
La disposition de ces caissons de fondation a déterminé la dimension moyenne des cellules de stockage
autour de 13,5 x 6 m, même si ces dimensions ne sont
pas toujours régulières d’une cellule à l’autre puisque la
largeur excessive des fondations à permis une certaine
variation dans le positionnement des murs de refend
allant parfois, d’une phase de construction à l’autre, au
doublement de ces murs.
Pour l’ensemble des magazzini traianei, une première
restitution des éléments manquants permet de compter
environ 150 cellules de stockage au rez-de-chaussée
(fig. 89). La présence de nombreux escaliers témoignent
de l’existence d’un étage et donc, sans doute, d’un autre
niveau de stockage nous permettant de pouvoir doubler
ce chiffre et atteindre un total de 300 magasins indépendants. En ne prenant en considération que le rez-dechaussée, la surface de stockage au sol des entrepôts de
Trajan atteint 12150 m2 soit plus d’un hectare. À titre de
comparaison, les quelques 80 cellules de stockage des
Grandi Horrea d’Ostie présentent une surface disponible
de 3.200 m2.
Du point de vue de la disposition architecturale, la
façade des cellules de stockage est systématiquement
orientée vers l’extérieur, le long des axes de circulations
externes donnant soit sur les quais du canal d’accès à
l’hexagone, sur les quais de la darse ou sur la façade
ouverte sur le vaste bassin de Claude à l’ouest. Les murs
a
b
Fig. 88 – Les entrepôts d’Ostie et de Portus. Insertion à l’époque tardive,
dans un espace de circulation des entrepôts antiques, qu’un système
rudimentaire de sol surélevé destiné au stockage des denrées
(Cliché N.M.).
Fig. 89 – Les entrepôts d’Ostie et de Portus. Cellules de stockage dans les magasins de Trajan à Portus (Clichés E.B. et C.S.).
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Fig. 90 – Les entrepôts d’Ostie et de Portus. Escalier d’accès à l’étage
dans le secteur A : espaces 31-32 (Cliché E.B.).
de fond des cellules de stockage délimitent, pour les
corps de bâtiment nord et sud, un large espace central de
circulation, d’orientation est-ouest. Cet espace, où
probablement il est possible de restituer de nombreuses
activités liées au fonctionnement quotidien des horrea
(comptage, vérification et comptabilisation des
marchandises; organisation de sa distribution; stockage
provisoire etc.), communique avec l’extérieur grâce à de
nombreux passages nord-sud, systématiquement
couplés aux rampes d’escaliers qui accèdent à l’étage.
Ces observations, réalisées en grande partie grâce à la
conservation quasi intégrale de la façade nord donnant
sur la darsena mais aussi grâce aux informations recueillies sur les autres secteurs dégagés du monument, nous
permettent de restituer pour chaque série est-ouest, cinq
passages nord-sud (environ 1 tous les 5 cellules), soit au
total, 20 espaces de communication nord-sud auxquels
correspondent 20 rampes d’accès à l’étage (fig. 90). Il est
intéressant de constater que les rampes d’accès sont
systématiquement orientées vers l’extérieur et qu’il
n’était donc pas possible d’accéder à l’étage depuis le
long couloir couvert central.
Ces premières considérations sur la construction des
magazzini traianei à Portus devront être vérifiés et approfondies au cours de la prochaine campagne. Nous chercherons en particulier à définir l’insertion chronologique
des différentes phases de construction reconnues mais
surtout à mieux comprendre le fonctionnement interne
de l’édifice et notamment, en consacrant une attention
particulière aux différentes techniques de stockage
employées au cours de la longue vie de ces entrepôts.
En association avec nos thèmes de recherches, nous
avons noué plusieurs collaborations scientifiques. Signalons entre autres la réalisation d’une tesi di laurea à l’Università della Tuscia (Viterbo) par B. Rindone, sous la
direction de C. Pavolini; l’intervention du Dipartimento
di Fisica tecnica de l’Università La Sapienza qui participera, suite à un accord de coopération scientifique avec
l’IRAA, à nos réflexions liées aux conditions de stockage
dans les magasins; une étude de L. Paroli (Soprintendenza archeologica di Ostia) et C. Panzieri (Università La
Sapienza) sur l’occupation tardive du bâtiment ainsi que
sur les entrepôts qui s’adossent à sa façade occidentale.
E. B. et N. M.
La façade portuaire :
les quais et leurs aménagements
Les magazzini traianei occupent une position stratégique à l’intérieur du complexe portuaire : situés entre
le bassin de Claude et celui de Trajan, ils sont bordés au
nord et à l’est par le canal de liaison entre les deux plans
d’eau et au sud par un petit bassin fermé (darsena) relié
directement au Tibre (fig. 91). Ce contexte spécifique
justifie une étude détaillée des systèmes de quais et de
mouillage facilitant le déchargement des cargaisons et
leur transfert à l’intérieur des magasins. Les résultats
obtenus devront être confrontés avec les données
acquises sur les caractéristiques architecturales du bâtiment (distribution des accès, circulation et systèmes de
stockage) et avec les données connues sur les types de
navires pouvant fréquenter les quais des entrepôts de
Trajan, situés à l’interface entre navigation maritime,
navigation fluviale et navigation portuaire.
La campagne 2009 a permis d’enregistrer les diffé-
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Chronique
Fig. 91 – Les entrepôts d’Ostie et de Portus. Plan des entrepôts de Trajan au sein du complexe de Portus.
rents aménagements de quais (murs de quais, niches,
bittes d’amarrage et escaliers) dont disposent les façades
nord, sud et est des entrepôts. Les structures sont
partiellement dégagées (quai nord), parfois difficilement
accessibles (quai sud ouvert sur la darsena) ou ont fait
l’objet d’important travaux de restauration remontant
au XIXe s. (quai est). Une première étape en cours est la
réalisation d’un relevé topographique complet, intégrant
pour la première fois ces structures portuaires au plan
d’ensemble de l’entrepôt. Ce relevé est réalisé sous la
direction de S. Zugmeyer (IRAA).
La réalisation de quatre sondages le long du quai
nord longeant le canal d’accès au bassin de Trajan a
permis d’observer deux phases de construction dans la
maçonnerie actuellement conservée. La première
correspond à un mur de quai accolé à la fondation en
opus caementicium du mur nord de l’entrepôt (fig. 92). Ce
premier mur de quai (quai de 1ère phase) présente un
unique parement en opus mixtum du côté du canal
d’accès (réticulé dans les sondages S301, S302; assise de
brique dans le sondage S303). Sa faible largeur (90 cm)
montre qu’il sert avant tout de parement à la paroi
externe du monument qui s’ouvre directement sur le
canal reliant les bassins de Claude et de Trajan. Ce
premier quai est ensuite englobé dans la maçonnerie
d’une seconde maçonnerie constituée d’un blocage de
petits blocs de tuf grossièrement taillés et de mortier de
chaux et dotée, sur la face externe, d’un parement en
briques (quai de 2e phase). Cet aménagement plus tardif
crée une véritable plateforme de circulation, large de
Fig. 92 – Les entrepôts d’Ostie et de Portus. Les deux phases du quai
nord, appuyées sur le mur de fondation de l’entrepôt (cliché C.R.).
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3,20 m, le long des entrepôts. Elle est desservie par un
double escalier (S302) réalisé à partir de blocs de
travertin en réemploi (fig. 93). D’autres blocs en
travertin pris dans la maçonnerie du quai semblent avoir
servi de bitte d’amarrage.
À l’angle nord-est du quai, particulièrement exposé
au courant et aux manœuvres des navires, deux niches
semi-circulaires en brique, dont on ignore encore la
fonction, ont été réalisées dans cette même maçonnerie
de 2o phase, puis rebouchées par d’ultérieures recharges
consolidant l’angle entre les quais nord et est (fig. 94).
Une autre niche de plan rectangulaire, mieux conservée
mais massivement restaurée, a pu être étudiée le long
du quai est (fig. 95). Elle est aménagée dans une large
maçonnerie constituée d’un blocage de lits réguliers de
fragments de tuf marron et protégée sur la face externe
d’un parement de fines briques rouge. Cette
maçonnerie, correspondante vraisemblablement au quai
de 2e phase, s’appuie sur une élévation en opus mixtum
identique à celle qui, au nord, recouvre la paroi externe
des entrepôts (quai de 1ère phase).
L’étude de la façade nord montre que les magazzini
traianei, dans leur premier état, s’ouvraient directement
sur le canal grâce à une colonnade monumentale en
travertin. Cette façade particulièrement aérée fut ensuite
progressivement fermée par plusieurs phases de
Fig. 93 – Les entrepôts d’Ostie et de Portus. Sondage S302.
Escalier aménagé dans le quai nord (cliché C.R.).
maçonneries en brique. Cette situation peut être mise en
relation avec les aménagements des quais observés. En
effet, dans la première phase, le bâtiment donnant sur le
canal permettait aux navires de stationner le long du
portique de façade, où ils étaient directement déchargés
de leurs marchandises grâce à une circulation aisée entre
les colonnes et dans le large couloir délimité par la
colonnade et la façade interne des premières cellules de
stockage. La restructuration de cette façade et la fermeture partielle du portique entrainent, dans un second
Fig. 94 – Les entrepôts d’Ostie et de Portus. Sondage S304. Dégagement de l’angle nord-est du quai (cliché G.B.).
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Autres activités archéologiques françaises en italie
Chronique
Fig. 95 – Les entrepôts d’Ostie et de Portus. Niche de plan
rectangulaire conservée le long du quai est (cliché E.B).
temps, l’installation d’un véritable quai offrant un
espace de déchargement et de manutention des
marchandises à l’extérieur du monument (transport à
dos d’homme des marchandises vers l’intérieur des
entrepôts).
Pour approfondir la relation entre les entrepôts, le
bassin portuaire et les navires qui fréquentaient les
divers secteurs, il est nécessaire d’évaluer la hauteur du
quai par rapport au plan d’eau antique. Cette question
rejoint la problématique géoarchéologique développée
par J.-Ph. Goiran et son équipe sur le site de Portus
(projet UMR 5133 Archéorient, Lyon - École française
de Rome). En septembre 2009, deux carottages ont été
effectués à l’intérieur de l’entrepôt (MT1) et dans le
canal d’accès, à proximité immédiate du mur de quai
nord, au niveau du sondage S301 (MT2). En attendant
les résultats de ces deux interventions, une première
observation importante a pu être réalisée in situ sur le
second carottage, qui est venu percer des niveaux de
maçonnerie et de bois (analyses xylologiques confiées à
F. Guibal, UMR 6116, IMEP, Aix-en-Provence) : il est
probable que le carottage ait traversé la fondation même
du quai, aujourd’hui enterrée. Elle semble avoir été
bâtie en caissons de bois avec poteaux de renfort transversaux, selon une technique de construction couramment utilisée en milieu humide.
Les prochaines missions permettront d’approfondir
les données déjà recueillies, en élargissant l’étude au
quai sud de l’entrepôt, ouvert sur le petit bassin fermé
que constitue la darsena.
G. B. et C. R.
Giulia BOETTO, Évelyne BUKOWIECKI, Nicolas MONTEIX
et Corinne ROUSSE
INCORONATA.
LA SEPTIÈME CAMPAGNE DE FOUILLE : CONFIRMATIONS ET NOUVEAUTÉS
Université de Haute-Bretagne, Rennes 2, Laboratoire LAHM, UMR 6566 CReAAH
La septième campagne de fouille de la mission
archéologique de l’Université de Rennes 2 à l’Incoronata
a eu lieu au mois de septembre 2009. Les opérations de
terrain et les activités de laboratoire, menées sous la
direction de Mario Denti, ont eu lieu grâce à la concession de la Soprintendenza per i Beni archeologici della
Basilicata et à l’aide financière de l’UMR 6566, du laboratoire LAHM et de la Mairie de Pisticci (que nous
souhaitons vivement remercier). Cette activité de fouille
et de recherche s’inscrit dans un projet de longue durée,
consacré à l’étude des modalités de l’occupation – dans
l’espace aussi bien que dans le temps – de la colline
traditionnellement nommée dans l’historiographie
«Incoronata greca», lieu privilégié pour la compréhension des relations entretenues par les Grecs et les indigènes entre VIIIe et VIIe siècle avant J.-C. sur la côte
ionienne de l’înôtrie.
L’exploration archéologique a porté sur la partie
nord-occidentale du plateau, où les Secteurs 1 et 4
(fig. 96) ont été étendus et approfondis, dans le but de
confirmer les données stratigraphiques et chronologiques issues des campagnes précédentes et de mieux
appréhender la physionomie des structures mises au
jour. En synthèse, les résultats sont les suivants :
– Secteur 1, sur le côté méridional du plateau :
approfondissement de la connaissance de l’extension et
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Fig. 96 – Incoronata, plan du plateau occidental de la colline.
de la chronologie des deux sols appartenant aux phases
œnôtres du VIIIe siècle (Phases 5 et 4); reconnaissance
des nouvelles structures relevant de la phase grécoœnôtre de la première moitié du VIIe siècle (Phase 3);
mise au jour d’une nouvelle portion de la grande strate
d’oblitération des phases précédentes, datable à partir de
la moitié du VIIe siècle (Phase 2) et d’un dépôt de céramique contextuel à celle-ci.
– Secteur 4, au centre du plateau : extension de la
fouille de la fosse quadrangulaire contenant d’importants restes d’argile, relevant du complexe des bassins
pour la décantation et le stockage de l’argile; identification définitive du plan de piétinement appartenant à la
dernière phase de l’occupation de la colline (troisième
quart du VIIe siècle, Phase 1).
Secteur 1 : le cailloutis de la plus ancienne phase
d’occupation de l’Incoronata (première moitié du
VIIIe siècle, Phase 5)
Dans la partie méridionale du Secteur 1 (fig. 97), la
fouille a été menée avec l’objectif de mieux déterminer
l’extension et la chronologie du cailloutis US 70, la
structure la plus ancienne actuellement découverte à
Incoronata. C’est pourquoi, la strate de terre US 45 et les
blocs de pierres qui devraient représenter la substruction
du pavement de la phase suivante (US 38, Phase 4) et
qui s’appuient directement sur le cailloutis US 70, ont
été enlevés. Le sol US 70, réalisé avec des cailloux de
petites et moyennes dimensions (fig. 98, au centre de
l’image), se réduit progressivement vers l’est, tout au
long d’une limite de forme irrégulièrement concave
(une fosse?), et s’appuie directement sur le terrain
naturel. La même situation peut être vérifiée en direction du sud, où le cailloutis s’arrête en correspondance
d’une série de pierres qui en représentent vraisemblablement la limite de consolidation vers la pente méridionale de la colline. Ici, encore, la strate argileuse jaune
du terrain naturel émerge juste en dessous de cette
préparation.
La donnée, certainement la plus importante, est
représentée par la découverte, dans la strate US 62 qui
recouvrait la situation que nous venons de décrire, d’un
tesson appartenant à l’orle d’une protokotyle corin-
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Autres activités archéologiques françaises en italie
Chronique
Fig. 97 – Incoronata, Secteur 1. Planimétrie.
thienne du Géométrique Moyen II, décorée avec des
chevrons (fig. 99). Associé avec de la céramique indigène à impasto ou à décor géométrique de très haute
Fig. 98 – Incoronata, Secteur 1. En premier plan, le cailloutis US 70, sur
lequel s’appuient les strates de substruction du pavement US 38 (à
droite) : US 45 (en terre) et US 46 (en pierres). Incoronata, Secteur 1.
US 62, fragment de protokotyle corinthienne du MG II, associé au sol
(US 70) de la plus ancienne phase d’occupation de la colline.
datation, il permet de préciser la chronologie de la
fréquentation de ce cailloutis – pendant la première
moitié du VIIIe siècle – et de confirmer ainsi la chronologie haute de sa réalisation, déjà proposée l’année
dernière (MEFRA 121-1, 2009, p. 350 s.) : au moins
pendant la première moitié du même siècle, et probable-
Fig. 99 – Incoronata, Secteur 1. Le pavement US 38, vu de l’ouest.
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311
ment dans son premier quart. Cette petite mais significative découverte se soude maintenant aux célèbres
tessons d’une coupe du même type retrouvés par la
mission de l’Université de Milan (Sondage A1, à
nouveau dans un contexte indigène; voir Orlandini
1974-76, p. 177-186), et confirme le vaste horizon des
relations internationales caractérisant l’émergence des
élites œnôtres de cette zone de la côte ionienne, et plus
particulièrement de l’Incoronata, dans les phases précédant l’arrivée des communautés grecques à l’époque
proto-coloniale. Nous commençons ainsi à percevoir de
façon tangible les structures fonctionnelles – et non
seulement une documentation jusqu’alors limitée à des
contextes secondaires comme les remplissages des
fosses – de la plus ancienne phase d’occupation de la
colline (Phase 5), dans lesquelles nous devons encadrer
ces cruciaux événements historiques.
Secteur 1 : le pavement de la phase œnôtre
de la deuxième moitié du VIIIe siècle (Phase 4)
L’extension de la fouille dans les extrémités occidentale et orientale du Secteur 1 (fig. 97) a permis de vérifier ultérieurement l’extension du pavement (US 38)
datable pendant la deuxième moitié du VIIIe siècle,
appartenant à la deuxième phase œnôtre de l’occupation de la colline (Phase 4). Réalisé dans une technique
extrêmement fine avec de minuscules cailloux battus
(fig. 98, sur la droite de l’image, 5, 7, 8), il s’étale en sens
est-ouest tout au long de la marge méridionale de cette
partie de la colline sur une longueur (à l’état actuel de la
recherche) de 18 m. Si d’un côté, nous pouvons saisir
son extension dans le sens de la longueur, d’un autre
cela se révèle impossible dans le sens de la largeur : les
limites méridionales et septentrionales ont en effet
disparu puisque, dans la phase suivante (datant de la
première moitié du VIIe siècle, Phase 3), l’implantation
d’un espace artisanal a eu comme conséquence le
remploi de ce sol, arraché au sud comme au nord.
Toutefois, sur la base des nombreuses pierres conservées
encore in situ (US 46, fig. 97 et 98, à gauche de l’image),
qui auraient pu en représenter la ruderatio, il serait
possible de récupérer l’extension première de ce pavement au moins vers le sud. Un petit sondage, réalisé
dans son bord septentrional (fig. 97, au centre, et 5), a
en effet permis de vérifier la fonction de substruction
jouée par la strate de terre US 45, laquelle s’appuie à la
fois sur les grandes pierres (US 46) vraisemblablement
aptes à consolider le pavement US 38. Or, les altitudes
mesurées sur la partie supérieure des pierres présentes
sous le pavement, aussi bien que de celles mises au jour
juste au nord de celui-ci (fig. 100, en premier plan) et de
celles conservées bien plus loin, au sud (fig. 98), sont
identiques. Compte tenu du fait que nous nous trouvons
dans une zone où la colline commence à diminuer
progressivement en hauteur, il semble légitime de
proposer pour ces pierres un rôle de régularisation et de
substruction pour la mise en place du pavement US 38;
et par conséquence d’imaginer – sur cette base – la
possible largeur originaire de ce sol au moins de 5 m et
demi environ (en mesurant la distance entre la limite
sud des pierres et la limite nord du pavement). Si cette
hypothèse devait être confirmée par la suite, nous
serions alors en présence d’un bâtiment qui devait
atteindre au moins une vingtaine de mètres en longueur
et environ 6 m en largeur.
L’interprétation de cette structure est pour le
moment prématurée. Toutefois, comme cela avait déjà
été suggéré l’année dernière (MEFRA 121-1, 2009, p. 350
s.), il n’existe aucun argument pour exclure que ce
pavement aurait pu appartenir à un bâtiment à caractère
«princier», apanage de l’élite œnôtre de la deuxième
moitié du VIIIe siècle (une autre possibilité serait l’appartenance à une construction donnant l’accès à la colline
depuis les zones d’habitat relevant du système de
l’occupation œnôtre de la zone : une terrasse?). Qualité
technique; parfaite identité de son altitude tout au long
de son étendue; orientation est-ouest; remarquable
extension; rapports entre la largeur et une longueur très
étendue : tous ces éléments correspondent bien aux
caractéristiques propres des bâtiments contemporains,
apanage des rulers, ou de l’élite, que nous connaissons
dans le monde méditerranéen (Mazarakis Ainian 1997,
p. X) mais également dans le milieu indigène de la Basilicate (Battiloro-Carollo-Osanna 2008, p. 113-129). Pour
vérifier cette hypothèse, nous aurons bien évidemment
besoin d’en détecter au moins quelques survivances
relatives à ses limites originaires. En ce sens, un premier
indice semblerait émerger de la découverte, à la limite
occidentale du sondage, d’une grande pierre de forme
quadrangulaire, qui semble fonctionner avec le pavement (fig. 97, à l’extrémité ouest). La continuation de la
fouille permettra de vérifier si cet élément appartient
– comme nous aimons l’imaginer – à une limite (mur?)
du pavement, en commençant ainsi à fournir des indices
concrets pour comprendre la physionomie réelle de cet
important bâtiment.
Dans la zone sud-orientale du secteur, l’enlèvement
d’une nouvelle partie de la strate de substruction US 45
de notre pavement a permis d’en confirmer une chronologie précédant le passage du VIIIe au VIIe siècle : la céramique grecque de production locale qui caractérisera la
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Autres activités archéologiques françaises en italie
Chronique
première moitié du VIIe siècle étant complètement absente, l’horizon archéologique apparaît profondément
ancré à la culture œnôtre de l’âge du Fer du VIIIe siècle,
comme le suggèrent les nombreux tessons de céramique
à impasto bucchéroide rouge et noir (fig. 100 et 101) et la
céramique œnôtre du Bradano Middle Geometric. Ce n’est
pas le hasard si les seuls tessons de céramique grecque
(très rares et minuscules), attestés dans ce contexte,
peuvent dater du Géométrique Tardif, comme on
pouvait s’y attendre s’agissant d’une phase où les Grecs
n’étaient pas encore arrivés sur la colline (situation qui
se vérifiera à partir du début du VIIe siècle, Phase 3). Il
semble donc légitime de proposer, pour la réalisation de
ce pavement, une chronologie à l’intérieur de la
deuxième moitié du VIIIe siècle (Phase 4).
Le nettoyage du bord septentrional du pavement
US 38 a permis en outre d’identifier une sorte de «profil»
en terre cuite rougeâtre, riche en inclusion charbonneux,
qui semble exister seulement sur quelques centimètres
en dessous de la strate supérieure du sol, pour disparaître
progressivement vers le sud. L’état actuel des recherches
ne permet pas une interprétation satisfaisante ni de sa
fonction ni de ses relations stratigraphiques exactes avec
le sol. Il s’agit, en tout cas, de la même situation que l’on a
pu vérifier plus au sud, comme on le verra, tout au long
du bord nord du même sol (fig. 102).
Secteur 1 : des structures de la phase grécoœnôtre de la première moitié du VIIe siècle
(Phase 3)
Dans la partie orientale du Secteur 1, l’extension de
la fouille au nord du pavement US 38 a mis au jour une
nouvelle situation, riche en perspectives nécessitant la
continuation de la fouille pour une meilleure compréhension des ses aspects chronologiques et fonctionnels.
Au delà de la limite septentrionale de ce pavement, ont
été découverts deux nouveaux trous de poteau, associés
Fig. 100 – Incoronata, Secteur 1. La strate de substruction (US 45) et
les pierres de la ruderatio (US 46) sous le pavement US 38.
Fig. 101 – Incoronata, Secteur 1. Céramique indigène à impasto,
de la strate de substruction US 45 du pavement US 38.
Fig. 102 – Incoronata, Secteur 1. Les trous de poteau (Phase 3) au nord
et sur le pavement US 38 (Phase 4).
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à un sol en terre battue et parfaitement orientés en sens
nord-sud (fig. 102). Ceux-ci doivent être mis en relation
avec un trou de poteau, fouillé l’année dernière, qui
avait été creusé dans la surface du pavement US 38
(fig. 102, en haut de l’image; fig. 103, à droite). L’emplacement topographique et les relations stratigraphiques
propres de ces structures suggèrent de les attribuer – en
guise d’hypothèse de travail – à l’espace artisanal actif
pendant la première moitié du VIIe siècle (Phase 3), dont
il est utile de rappeler ici les autres éléments que nous
avons reconnus (Denti 2008a, p. 111-138; Denti 2009a,
p. 350-357; Denti 2009b) : au sud du pavement US 38,
d’importants restes de fours associés à des rejets de
cuisson et à de la céramique indigène et grecque (de
fabrication locale et d’importation); au nord de ce même
pavement, une grande carrière d’argile, oblitérée par un
remplissage réalisé à partir de la moitié du VIIe siècle;
plus au nord, dans le Secteur 4, des fosses circulaires et
rectangulaires (présentant encore de l’argile sur leur
fond), identifiables comme bassins pour la décantation,
la transformation et le stockage de l’argile (voir infra,
fig. 106). À nouveau, le profil septentrional du pavement US 38, arraché irrégulièrement pour la mise en
place de ces structures, présente la même concentration
d’éléments en argile, avec des inclusions charbonneuses,
que nos avons décrits précédemment.
Secteur 1 : la grande strate d’oblitération (de la
moitié du VIIe siècle, Phase 2) et un dépôt appartenant au moment final de l’occupation du site
(Phases 2 et 1, troisième quart du VIIe siècle?)
Tout ce secteur de la colline, aux marges méridionales de l’ample plateau occidental (fig. 96), est caracté-
Fig. 103 – Incoronata, Secteur 1. La strate de nivellement-oblitération
US 8, sous lequel est la strate en cailloux (US 23),
sorte de «protection» du pavement US 38.
risé par une énorme strate de terre grisâtre (US 8),
identifiable juste en dessous de l’humus. Cette dernière,
recouvrant intégralement toute évidence précédente,
correspond à une grande opération de nivellement et
d’oblitération datable – sur la base de la céramique
qu’elle contient – à partir de la moitié du VIIe siècle
(Phase 2). Suite à l’extension de la fouille dans la partie
occidentale du Secteur 1, il a été possible de confirmer
que cette strate présente, en correspondance du pavement US 38, une importante concentration de cailloux
fluviaux de dimensions moyennes et grandes, sur une
hauteur variable entre 15 et 25 cm environ (fig. 103).
Cette concentration appartient à la même opération qui
a conduit à la réalisation du grand nivellement-oblitération US 8 : la terre de comblement, aussi bien que les
très nombreux tessons qu’elle contient (appartenant à
toutes les phases précédentes de l’histoire de l’occupation du site, Phases 3, 4, 5), sont en effet les mêmes dans
les deux strates. Des tessons d’un même vase sont
souvent présents dans les deux US.
La fonction exacte de cette opération se révèle à
l’heure actuelle de difficile compréhension. Il s’agit clairement d’une opération d’oblitération et en même
temps de nivellement, mais elle pourrait cacher également d’autres finalités. On se pose notamment la question de la raison pour laquelle la strate avec les cailloux
US 23, au lieu de se trouver au sud du pavement
(fig. 97) – où l’on aurait dû penser la trouver, en raison
de la fragilité d’une zone en pente, dépourvue de solidité – a été posée exclusivement en correspondance du
pavement US 38 (un espace, en soi, déjà bien consolidé). Ainsi, le ratio de cette oblitération ne pourrait pas
être forcement celle d’un simple aplanissement. Le volet
«oblitérant» pourrait-il s’ouvrir également à la notion
de «protection» d’une structure (comme ce pavement)
qui avait dû assumer avec toute évidence une certaine
signification aux yeux de celui qui a voulu cette opération?
L’étude préliminaire de la documentation céramique présente dans les US 8 et 23 a permis de
confirmer une importante donnée chronologique et
fonctionnelle : la contemporanéité de cette opération,
menée dans la zone méridionale du plateau, et de l’opération du remplissage et d’oblitération des bassins
circulaires qui se trouvent plus au nord (Secteur 4,
fig. 106). Stratigraphiquement contemporaines, les deux
situations dépendent d’une même et grande intervention de nivellement du sol de cette partie de la
colline et d’oblitération des phases précédentes, dont le
terminus post-quem (suggéré par la céramique) est la
moitié du VIIe siècle. Certains tessons appartenant à un
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Chronique
même vase sont en effet présents à l’intérieur des US de
nivellement, au sud (US 8 et 23), et même dans les
remplissages des fosses, au nord. Cette circonstance
représente une preuve décisive de l’identité de la source
– de la terre de remploi, très riche en tessons apparentant à toutes les phases précédentes – utilisée au
moment de la réalisation de ces opérations; une identité
qui confirme la coïncidence fonctionnelle et chronologique de ces deux opérations.
L’exemple le plus représentatif de cette situation
nous vient de quatre tessons, qui recollent parfaitement
entre eux, d’une lekythos du Protocorinthien Ancien
(fig. 104) laquelle «photographie» le moment du
passage entre la phase œnôtre et l’arrivée des Grecs à
l’Incoronata : fin VIIIe-début VIIe : ils sont été découverts
l’un dans l’US 8, l’autre dans l’US 23 (Secteur 1), deux
dans le remplissage d’une fosse (US 15, Secteur 4, 2008)
située à une quarantaine de mètres plus au nord!
À la limite opposée (est) de l’extension actuellement
connue du pavement US 38, la fouille a permis de
détecter une nouvelle situation, en mesure de confirmer
des données chronologiques et fonctionnelles relatives
aux dernières phases d’occupation de ce côté de la
colline (Phases 2 et 1). À quelque centimètre du bord
septentrional du sol a été mis au jour un nouveau dépôt
de céramique mélangée à des pierres (US 83, partielle-
ment bouleversé par des travaux mécaniques modernes),
qui semble avoir été réalisé à l’intérieur de la strate de
nivellement US 8 (fig. 97, extrémité est). La fouille de ce
secteur n’étant pas achevée, nous devrons confirmer par
la suite si nous nous trouvons – comme cela semble fort
probable à l’heure actuelle – à la limite définitive de cette
strate vers l’est. Ce dépôt montre la même nature et la
même composition des plus grands dépôts mis au jour
plus au nord, au centre du plateau (Secteur 4 et fouilles
Université de Milan), avec les mêmes modalités de déposition et de fracture volontaire des vases, la même typologie et la même chronologie de la céramique, en
prévalence grecque (Denti 2009c, p. nnn; Denti 2008b).
À l’intérieur ont été déposés, entre autres : une amphore
corinthienne fragmentée in situ; des tessons d’une hydrie
de production locale; des parties d’un vase grec de
production locale décoré par des bandes ondulées polychromes, selon une technique identique à celle caractérisant un grand récipient de forme ouverte, déposé
– entier – dans le dépôt US 2 du Secteur 4; une kotyle du
Protocorinthien Tardif, déposée renversée; la moitié
d’une coupe à une seule anse, déposée renversée
(fig. 105). L’ensemble des gestes accomplis et le choix des
formes céramiques permettent d’interpréter cette
évidence comme un «dépôt de fondation» du nivellement US 8, en le montrant extrêmement cohérent à
l’horizon archéologique et fonctionnel des grands dépôts
qui caractérisent, plus au nord, la dernière phase
d’occupation de ce secteur de la colline (Phase 1).
La présence de la kotyle du PC Tardif représente une
donnée chronologique importante pour encadrer la
réalisation de ce dépôt au moment final de l’occupation
du site (troisième quart du VIIe siècle, Phase 1) et permet
de formuler l’hypothèse que le moment de la réalisation
Fig. 104 – Incoronata, fragments d’une lekythos du PC Ancien, des US
8 et 23 (Secteur 1) et de l’US 15 (Secteur 4).
Fig. 105 – Incoronata, Secteur 1. Kotyle PC Tardif,
coupe avec une seule anse, céramique œnôtre, du dépôt US 83.
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du nivellement-oblitération de cette partie de la colline
(US 8, Phase 2), dans lequel ce dépôt semble se situer,
correspond au moment de la réalisation des grands
dépôts du Secteur 4. Par conséquent, il est fort probable
que le délai entre ces deux phases ait été très court.
Secteur 4 : fouille de la fosse quadrangulaire et
identification du plan de piétinement de la
dernière phase d’occupation (troisième quart du
VIIe siècle, Phase 1)
Dans le Secteur 4, au centre du plateau occidental
de la colline (fig. 96), nous avons mis au jour dans les
campagnes précédentes trois fosses circulaires (fig. 106),
orientées en sens est-ouest, qui (tout comme celles
découvertes par l’Université de Milan) servaient comme
bassins pour la décantation de l’argile (restes de l’argile
encore présents au fond de l’une d’elles). Relevant avec
toute évidence de l’espace artisanal dont nous avons
trouvé les débris des fours et la carrière dans le Secteur 4
(Phase 3), elles ont été définitivement oblitérées, à partir
de la moitié du VIIe siècle (Phase 2), par du remplissage
réalisé avec du matériel provenant de la zone artisanale
abandonnée, contenant des fragments de fours, des
restes de charbons, une énorme quantité de cendre et
des tessons de céramique grecque et indigène datables
de la première moitié du VIIe siècle (Phase 3).
Les restes de l’argile encore in situ sont particulièrement évidents dans une autre fosse, de forme quadrangulaire (le seul côté complètement dégagé mesure 3 m et
demi environ) et peu profonde (US 18), qui longe le profil
méridional des précédentes et qui avait été partiellement
fouillée l’année dernière (fig. 106 et 107, en deuxième
plan). L’extension réalisée vers le sud, si d’un côté elle n’a
pas pu définir les limites méridionales de cette fosse, elle
aura permis de l’autre de confirmer la présence d’importants restes d’argile gisant encore sur son fond (fig. 106,
US 26; voir MEFRA 2009-1, fig. 93 p. 352). L’étude
comparée (Denti 2009b) avec d’autres bassins de forme
rectangulaire, destinés au stockage, à la transformation
ou à la décantation de l’argile, documentés dans le monde
grec à l’intérieur d’espaces artisanaux contemporains au
nôtre, a permis de vérifier la récurrence de la présence des
deux cuvettes dans deux des angles de ce type de structure (interprétées comme des dépressions destinées à
recueillir les impuretés les plus lourdes), qui se trouvent
également dans notre fosse.
L’identification définitive, juste en dessus de l’humus,
du plan de piétinement correspondant à la dernière
phase d’occupation de ce secteur de la colline, la phase de
la réalisation des dépôts de céramique (troisième quart
du VIIe siècle, Phase 1) a été également un résultat important. Ce plan, extrêmement difficile à saisir – voir même
pratiquement impossible – juste autour des dépôts,
puisque correspondant à une zone très perturbée par le
même creusement des fosses recueillant les dépôts, avait
déjà été intercepté en 2008 dans le coin oriental du
sondage (US 22). Si cette année, ce même plan a été mis
au jour tout au long de la marge occidentale (US 34) et à
l’est (US 22) de la fosse US 18 (fig. 106 et 107), il n’a
cependant jamais été détecté en dessus de la surface des
fosses. Il est caractérisé par une superficie de consistance
extrêmement fragile, et pour cette raison il peut être
reconnu sur la base des tessons étalés à plat et par le fait
que l’humus qui le recouvre s’en détache, sous l’action de
la truelle, de manière très évidente. Ces tessons, peu
nombreux, incluant des fragments d’amphores corinthiennes et attiques et de la céramique monochrome
indigène tardive, confirment la datation de ce sol à la
phase la plus récente d’occupation du plateau occidental
de la colline (Phase 1). Sa faible consistance révèle qu’il
s’agit d’un sol qui n’a pas vécu longtemps, mais d’un plan
de piétinement plutôt éphémère, dépendant donc d’une
fréquentation très brève, liée à une action ponctuelle.
Ces caractéristiques permettent de formuler quelques, provisoires, conclusions. Le plan de piétinement,
appartenant à la dernière phase d’occupation de ce côté
de la colline, correspond à la phase de la réalisation des
dépôts (troisième quart du VIIe siècle, Phase 1) : il a dû
représenter le sol sur lequel les individus qui ont créé les
dépôts ont marché. Le fait qu’il ne se trouve en dessus
d’aucune des fosses – forcément remplies et oblitérées
avant la réalisation des dépôts – semble confirmer
l’hypothèse présentée plus haut, selon laquelle l’opération de remplissage et d’oblitération des fosses, avec le
nivellement de tout ce secteur (Phase 2), aurait dû
correspondre pratiquement au moment de la création
des dépôts. En effet, ce plan de piétinement existe seulement aux marges, à côté et autour des fosses (désormais
comblées) : si la fréquentation avait dû continuer longtemps après l’oblitération des fosses, un plan de piétinement se serait forcément formé en dessus de ces
dernières. Par conséquent, il est fort possible que les
dépôts (lesquels, rappelons-le, «coupent» les fosses
chaque fois qu’ils en rencontrent une) ont été réalisés
juste après le remplissage des fosses. Nous sommes ainsi
autorisés à commencer à imaginer que la Phase 2
(remplissage et oblitération des fosses) et la Phase 1
(réalisation des dépôts) auraient pu coïncider.
En conséquence, si les deux phases sont presque
contemporaines (même si, du point de vue logistique, la
Phase 2 précède évidemment la Phase 1), nous pour-
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Chronique
Fig. 106 – Incoronata, Secteur 4. Planimétrie. Les fosses circulaires et la fosse quadrangulaire US 18, avec les restes de l’argile encore in situ (US 26). Le plan de piétinement, contemporain au moment
de la réalisation des dépôts (Phase 1), est visible à l’est (US 22) comme à l’ouest (US 34).
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Fig. 107 – Incoronata, Secteur 4. En premier plan, le plan de piétinement
(US 22) appartenant à la dernière phase d’occupation de ce secteur de
la colline. En deuxième plan, la fosse quadrangulaire US 18 et, au fond,
les trois fosses circulaires.
rions être face à une seule et unique opération. Opération que la stratigraphie (dernières strates documentées)
et la chronologie de la céramique présente dans les
dépôts aussi bien que sur ce plan de piétinement,
poussent immédiatement à la limite inférieure de
l’occupation de ce côté du plateau de l’Incoronata : vraisemblablement – selon la datation traditionnellement
acquise – au troisième quart du VIIe siècle. Dans ce cas,
cette opération pourrait-elle être interprétée comme une
phase d’abandon définitif du site? Cela expliquerait
alors, avec beaucoup de cohérence, la présence de
nombreux gestes à caractère rituel (grands dépôts de
céramique; dépôt «de dé-fonctionnalisation» de la
carrière (Denti 2008b et Denti 2009b); dépôt associable
à l’US 8, découvert cette année) ainsi que la mise en
œuvre d’une énorme strate d’aplanissement-oblitération (US 8) des précédentes structures caractérisant la
partie méridionale du plateau (Secteur 1), solidaire avec
l’opération de comblement-oblitération des fosses mise
en place plus au nord (Secteur 4).
L’existence du plan US 22 et 34, que nous avons pu
détecter immédiatement en dessous de l’humus, permet en
outre de confirmer des observations que nous avons pu
développer récemment (Denti-Lanos 2007, p. 445-481;
p. 472), relatives à l’absence – au moins dans ce secteur
de la colline – de travaux agricoles modernes suffisamment profonds pour avoir pu remuer les strates archéologiques, ou bien pour avoir «arasé» les (supposés)
niveaux supérieurs de ces dernières, comme cela a longtemps été supposé. Nous sommes en effet face à la
même situation que nous avons pu observer par rapport
aux dépôts, toujours reconnaissables sur la superficie de
l’humus grâce à des fortes concentrations de céramiques
et de pierres : il s’agit, chaque fois, de l’émergence du
sommet d’un dépôt, correspondant à la partie la plus
haute du cumul qui existe en-dessous, lequel n’a donc
subi aucun bouleversement substantiel.
À l’Incoronata «grecque», les dépôts aussi bien que
le plan de piétinement associé à ces derniers (que nous
avons finalement reconnu) se sont conservés presque
intégralement. Pour cette même raison, nous fouillons
aujourd’hui des structures entières (des dépôts), et non
– comme il a été cru longtemps sur la base d’une interprétation à caractère domestique – des «bâtiments»
dont l’absence de restes de l’élévation avait été attribuée
à l’action de «traînement», de «remuement», ou bien
de «coupure» en horizontale, due à des labourages
estimés avoir agi en profondeur. Même si, dans certains
points de la colline, cela s’est sûrement vérifié. L’absence
de labourage en profondeur sur la colline de l’Incoronata nous a été plusieurs fois confirmée par les témoignages recueillis auprès des anciens agriculteurs.
Les dépôts de céramique de la dernière phase, aussi
bien que leur plan de piétinement, sont restés fondamentalement intacts, in situ, pendant des siècles. Ce seul
et dernier aspect nous oblige évidemment à entamer
une réflexion sur la nature de ces structures caractérisant la dernière phase d’occupation de l’Incoronata.
Nous avons présenté dans d’autres occasions les différentes pistes interprétatives qui – à l’état actuel de nos
connaissances – sont susceptibles d’être suivies pour la
compréhension de la fonction de ces dépôts.
La septième campagne de fouille à l’Incoronata a
donc permis de consolider des importants points de
repères stratigraphiques et de reconnaître ultérieurement toute une série de structures fonctionnant dans
des phases chronologiques désormais établies. Toutefois,
comme le lecteur a pu le vérifier, les instruments nous
font encore défaut pour saisir avec plus de certitude la
logique historico-archéologique capable d’expliquer la
nature des différentes phases d’occupation du site, aussi
bien que les relations fonctionnelles entre elles. Ce que
nous sommes en mesure de faire, à l’heure actuelle, est
de décrire simplement, de manière la plus précise
possible, l’état des évidences archéologiques. L’opportunité de nommer avec plus d’exactitude ces évidences
appartient à un chapitre qui reste à écrire dans le long
parcours de la compréhension de ce site.
Mario DENTI
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Chronique
RECHERCHES ARCHÉOLOGIQUES
À LAOS-MARCELLINA (CALABRE, CS)
La reprise des recherches archéologiques sur la
colonie grecque de Laos et la mise en valeur du site
archéologique de Marcellina (fraction de Santa Maria
del Cedro, province de Cosenza) ont pour ambition de
poursuivre et de développer la collaboration fructueuse entre institutions françaises et italiennes qui
avait permis entre 1973 et 1994 la fouille de l’établissement lucanien de Laos-Marcellina (fig. 108). Les
nouvelles fouilles entreprises par la Surintendance de
la Calabre et l’exploration du territoire menée par une
équipe de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne 8
s’inscrivent dans le prolongement de la création d’un
parc archéologique à Marcellina et visent à mieux
Fig. 108 – Laos-Marcellina. Localisation du site archéologique
de Laos-Marcellina (L. Costa et A. Duplouy).
8. Nous tenons à remercier tout particulièrement les autorités
de la Surintendance de la Calabre, en particulier la Surinten-
connaître le paysage et l’histoire de la basse vallée du
fleuve Laos.
État des recherches antérieures
La cité grecque de Laos sur le versant tyrrhénien de
la péninsule italienne est une colonie de Sybaris. Ni les
auteurs anciens ni les recherches archéologiques n’ont
pour l’heure permis d’établir avec précision la date de
cette fondation coloniale. D’aucuns y ont vu une création consécutive à la destruction en 510 avant J.-C. de la
métropole; comme le rapporte Hérodote (VI 21), la ville
accueille alors, avec Skydros, les réfugiés sybarites.
D’autres supposent une fondation antérieure à la catastrophe et inscrivent l’implantation de la colonie dans le
cadre d’une politique de contrôle des axes de circulation
reliant les deux côtes, ionienne et tyrrhénienne.
La cité archaïque et classique de Laos est assez mal
connue. Seules la tradition littéraire et les émissions
monétaires apportent un témoignage sur cette phase.
Laos possède alors son propre monnayage d’argent qui
commence dans la dernière phase de la frappe incuse
autour de 500. La colline de Marcellina a d’ailleurs livré
en 1986 un coin en pierre relatif à une série monétaire
incuse; bien que découvert dans le contexte de la ville
hellénistique, il s’agit actuellement du seul document
archéologique qui renvoie à la cité du Ve siècle (initialement mentionné par E. Greco; voir Greco 1986, p. 720).
L’établissement colonial grec est en effet inconnu et
aucune découverte archéologique n’a permis à ce jour
de lever un coin du voile sur ce problème historique.
Le devenir de la colonie grecque est particulier.
Située aux confins méridionaux du territoire lucanien,
Laos est peu à peu intégrée à celui-ci et voit l’implantation de populations italiques qui semblent absorber les
descendants des colons grecs. Il s’ensuit le développement d’une culture singulière, à la rencontre des
mondes grec et indigène. Comme Poseidonia, Laos
tomba vraisemblablement aux mains des Lucaniens vers
la fin du Ve siècle. Diodore de Sicile (XIV 101) évoque à
cet égard la campagne menée en 389 par les Grecs de
Thourioi en territoire lucanien «afin d’assiéger Laos, cité
prospère». La ville, dont nous n’avons malheureusement aucune trace archéologique, marque alors, avec le
fleuve du même nom, la limite méridionale de la
Lucanie (cf. Strabon VI 1, 1).
Le dernier quart du IVe siècle marque une nouvelle
dante S. Bonomi et l’Inspecteur G. Aversa.
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étape dans l’organisation du territoire. Les Lucaniens
installent alors un habitat fortifié sur les hauteurs du
village actuel de Marcellina, à 3 km au sud du fleuve
Laos. La création ex nihilo d’un nouvel établissement sur
la colline de San Bartolo (alt. 72 m) laisse penser à un
déplacement de l’habitat depuis l’ancien centre urbain
fondé par les Grecs. Si l’on excepte quelques traces
sporadiques de fréquentations indigènes à la fin du VIIe
et au VIe siècle, les structures mises au jour sur la colline
reposent en effet sur le sol vierge.
Découvert en 1929 lors des travaux de construction
de la route Naples - Reggio de Calabre (l’ancienne
SS 18), le site de Marcellina est d’abord fouillé par
E. Galli, qui en dresse le premier plan et identifie l’établissement à la station de Lauinium Bruttorium,
mentionnée dans la Table de Peutinger (Galli 1932,
p. 323-363). Entre 1973 et 1994, le site fait à nouveau
l’objet de fouilles sous la direction de P. Guzzo (puis de
G. F. La Torre), E. Greco et A. Schnap. Les recherches
visent tout d’abord, entre 1973 et 1985, à restituer la
trame urbaine; à partir de 1986, les archéologues poursuivent leur exploration par la fouille systématique de
plusieurs parcelles (Schnapp-Greco-Luppino 1989. À ce
sujet, un volume en préparation rassemblera les travaux
des années 1986-1994. Mentionnons également la thèse
de doctorat de Priscilla Munzi, Munzi 2000).
Les dégagements ont permis de mettre au jour un
ensemble urbain orthogonal (fig. 109). C’est là la
marque incontestable d’un processus d’acculturation des
populations lucaniennes aux modes de vie grecs. Une
grande artère (plateia A), large de 12 m, traverse la ville
du nord au sud. L’édification de portiques de part et
d’autre de celle-ci en a ultérieurement réduit la largeur à
un passage de 5 m. À une distance régulière de 96 m, la
plateia A croise des rues est-ouest larges de c. 4,80 m;
divers sondages ont permis de mettre en évidence six
d’entre elles. Une seconde rue parallèle, située à 175 m à
l’est de la plateia A, apparaît sur les photographies
aériennes de 1943 et a peut-être été retrouvée dans un
sondage proche du cimetière moderne. Plusieurs lots
urbains ont été fouillés de manière extensive, révélant
des habitations de taille imposante : la casa con la rampa
occupe ainsi plus de 600 m2, avec cour centrale et
dépendances. L’un de ces édifices a été identifié comme
atelier monétaire grâce à la découverte d’une série de
flans en bronze prêts pour la frappe. En dehors du parc
archéologique, le sommet de la colline n’a guère livré
d’autres vestiges que des tuiles et autres céramiques qui
affleurent à la suite des labours. L’ensemble urbain était
entouré d’un mur de gros blocs quadrangulaires. Son
tracé n’est que très partiellement connu : seule une
partie du mur ouest est identifiée sur un tronçon
d’environ 350 m, ainsi que diverses sections autour de
la colline. Le circuit des murs, tel qu’il a été fouillé et
étudié par E. Galli puis contrôlé par P. Guzzo, englobe
une superficie d’au moins 35 hectares.
La nécropole est située sous le bourg moderne de
Marcellina. Outre les quelques tombes fouillées en 1929
par la Surintendance, seule une riche tombe à chambre
révélée fortuitement à l’automne de 1963 a été publiée
in extenso (Galli 1932 et Greco-Guzzo 1992). Il s’agit
d’une double sépulture princière dont le mobilier
renvoie tantôt au monde masculin de la guerre, de l’athlétisme et du banquet, tantôt à la sphère féminine de
l’oikos. Elle appartient à cette première génération
d’individus qui s’installent vers 330-320 sur la colline
voisine de San Bartolo.
Le site de Marcellina est abandonné vers la fin du
III siècle avant J.-C., probablement à la suite de la
deuxième guerre punique. Aucune trace de destruction
ou d’incendie n’est cependant perceptible dans la stratigraphie du site. La colline ne fut réoccupée partiellement que deux siècles plus tard par un modeste
établissement agricole d’époque romaine, dont les
dernières campagnes de fouilles ont commencé à révéler
quelques éléments. C’est toutefois ailleurs, probablement à l’emplacement de la ville moderne de Scalea plus
au nord, que se développe un établissement d’époque
tardo-républicaine et impériale sous le nom de Lauinium
Bruttiorum, qui conserve ainsi le nom latinisé de
l’antique cité grecque de Laos.
En l’absence de la cité grecque et de l’établissement
romain, l’habitat lucanien de Marcellina constitue en
fait le principal site archéologique de la basse vallée du
Laos. Une série de découvertes ont néanmoins permis de
comprendre les dynamiques territoriales à l’œuvre au
cours de l’Antiquité. La bande côtière a en effet fait
l’objet d’un inventaire archéologique détaillé en 1999
par les soins de Gioacchino La Torre, qui est venu
compléter les recherches publiées en 1995 par Emanuele
Greco (Greco 1995, Greco-La Torre 1999 et La Torre
1999). La carte archéologique ainsi disponible repose
essentiellement sur des signalements ponctuels et des
opérations de sauvetage menées par la Surintendance
au fil du XXe siècle, mais aussi sur les résultats de quelques prospections de surface menées depuis les années
1980. Les données ainsi disponibles ont fourni un cadre
historique général.
Aux VIIe et VIe siècles, la bande côtière est occupée
par des groupes indigènes qui s’installent sur divers
promontoires rocheux (Tortora, Scalea, Marcellina) et
font un usage abondant de céramique grecque importée.
E
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Autres activités archéologiques françaises en italie
Chronique
Fig. 109 – Laos-Marcellina. Colline de San Bartolo : trame urbaine de l’établissement lucanien et extension du parc archéologique
(L. Costa et A. Duplouy).
Ces établissements de tradition œnotre sont abandonnés
vers la fin du VIe siècle, ce qui laisse penser à une
rupture importante dans l’histoire du territoire.
L’absence de trace repérable au sol d’un établissement
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grec de l’époque archaïque a fait douter de l’existence
d’une apoikia antérieure à l’arrivée des Sybarites vaincus
et exilés en 510. Mais il faut admettre aussi qu’il n’existe
pas davantage d’indices probants pour localiser la ville
grecque du Ve siècle, dont l’existence ne peut pourtant
être mise en doute. Avec la Laos lucanienne doivent être
associés une série d’établissements ruraux des IVe et
IIIe siècles dont aucun n’a pour l’heure été fouillé de
manière extensive. Enfin, à l’époque impériale,
plusieurs grandes villas sont attestées sur le littoral par
des découvertes de surface.
L’habitat lucanien de Marcellina
Grâce à une série d’acquisitions par la Surintendance, les découvertes effectuées à Marcellina ont
permis la création et l’extension progressive d’un parc
archéologique qui a vocation à devenir une attraction
touristique et culturelle pour la commune de Santa
Maria del Cedro. En l’état actuel, ce parc d’une superficie d’environ 3,5 hectares s’étend sur la pente occidentale de la colline de San Bartolo, de part et d’autre de
l’ancienne SS 18 (fig. 109). Le reste de la colline appartient à divers propriétaires privés. Afin de mettre en
évidence les structures archéologiques existantes, seule
une approche non destructrice et non invasive est donc
envisageable sur ces parcelles.
Pour confirmer l’implantation et mieux cerner
l’extension de la trame urbaine, une première campagne
de prospection géophysique a été conduite en septembre
2009 par Boris Di Fiore et Domenico Chianese (CNR,
Potenza) au moyen d’un magnétomètre. Le choix des
aires prospectées a dû tenir compte de l’état de la végétation, mais aussi et surtout des autorisations délivrées
par les propriétaires, fort inquiets de voir les archéologues s’intéresser d’un peu trop près à leur terre. Seuls
deux champs récemment moissonnés, pour une superficie totale d’environ un hectare, ont pu être explorés.
Le premier couvre une large zone est-ouest
(230 × 45 m) située à l’extrémité septentrionale de la
colline, tandis que la seconde parcelle (125 × 15 m),
également orientée est-ouest, s’inscrit à l’intérieur de
l’un des îlots définis par les rues transversales de la
trame urbaine. Les données collectées sur le terrain sont
encore à l’étude.
Entre juin et octobre 2008, la Surintendance de la
Calabre a du reste procédé à de nouvelles fouilles à
Marcellina dans le cadre d’un projet d’extension et de
valorisation de la zone archéologique. Les recherches
ont porté sur la zone située dans le prolongement méridional de la plateia A. Dans ce secteur, deux sondages
(alpha et bêta) ont permis de découvrir les restes d’un
îlot délimité, au nord, par l’angle de la plateia A et de la
rue 4 et, au sud, par une canalisation monumentale
perpendiculaire à la plateia, coupant celle-ci à une
distance de 35 m. Dans l’ensemble, les fouilles ont
confirmé le plan urbain mis en évidence par les
recherches italo-françaises menées entre 1977 et 1992.
D’une largeur initiale de 12 m, la plateia A, constituée de graviers, tessons et fragments de briques
concassés, fut ensuite réduite pour faire place à un vaste
portique (large de 3 m) sur le côté ouest. Ce dernier,
délimité par le front oriental de l’îlot et par un mur, était
complètement effondré lors de sa découverte. Au nord,
la plateia A croise de manière orthogonale la rue 4 (large
de 5 m), à laquelle appartient probablement un tronçon
pavé mis au jour à l’extrémité nord-ouest du secteur
fouillé. Le sol de la plateia a livré une canalisation
orientée nord-sud, creusée dans le sol vierge et constituée par l’association de tuyaux circulaires en terre
cuite. Cette canalisation présente une pente légère mais
constante du nord au sud; elle est reliée au grand collecteur découvert au sud dans le sondage alpha (fig. 4). À
cette canalisation semble se raccorder également un
petit bout d’une autre conduite en terre cuite provenant
de la zone bâtie (peut-être l’évacuation d’une toilette).
Les tuyaux sont endommagés en plusieurs endroits et
tout porte donc à croire que la canalisation était déjà
hors d’usage durant la première moitié du IIIe siècle
avant J.-C. (cf. infra).
Le sondage bêta a permis de découvrir deux îlots
donnant sur la plateia A : le premier, situé au nord de la
rue 4, est attesté par son seul mur méridional; le second,
au sud de la même rue, a en revanche été exploré de
manière extensive (fig. 110). Ce dernier, qui définit l’edificio con cortile, est délimité à l’est par un long mur
nord-sud, réalisé dans la même technique de construction que les autres murs mis au jour à Laos, qui croise à
angle droit le mur extérieur nord, orienté est-ouest. Le
mur extérieur est se prolonge au sud par un autre mur
de même orientation (US 316), assez imposant
(ép. 0,90 m sur 13 m de long) sur lequel il s’appuie; ce
dernier délimite un bâtiment composé de deux pièces (A
et B). Notons que le mur US 316 se poursuit plus au sud
dans le sondage alpha et pourrait représenter une phase
précédente de l’habitat lucanien utilisant la même trame
urbaine. Les deux pièces A et B de l’edificio con cortile se
présentaient dans des conditions bien différentes lors de
la découverte. La première (A), de forme quadrangulaire
et bien définie sur les quatre côtés par des murs apparemment dépourvus d’ouverture, ne montrait aucune
trace d’écroulement, ni d’ailleurs d’occupation ou
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Autres activités archéologiques françaises en italie
Chronique
Fig. 110 – Laos-Marcellina. Photographie du sondage bêta prise depuis le nord (Soprintendenza per i Beni Archeologici della Calabria).
d’abandon, mais seulement une couche rougeâtre, d’origine argileuse, presque exempte de matériaux, qui
recouvrait le sol vierge. La salle contiguë (B) présentait
en revanche une épaisse couche de destruction qui
couvrait un morceau résiduel de sol. En dehors de ces
deux pièces, le bâtiment ne présente aucune autre division interne. Quatre murets de dimensions identiques
(0,80 × 0,50 m), espacés régulièrement, s’appuient sur
les murs externes nord et est de la cour; ils formaient
peut-être un portique peu profond, comme le suggère la
présence de tuiles dans l’écroulement. Dans la partie
centrale de la cour, probablement hypèthre, se trouvent
au moins trois bacs pour la préparation de l’argile et
deux grands récipients, partiellement enterrés, ayant
peut-être eu des fonctions analogues. Enfin, la disposition des pièces suggère que l’entrée se faisait par le sud,
où est encore visible un étroit couloir d’accès. La taille
totale du complexe s’élève à quelque 700 m2, surface
comparable aux autres grandes résidences aristocratiques lucaniennes. L’absence de structures similaires
aux installations déjà explorées dans les autres maisons
du centre urbain porte à croire qu’il s’agit ici d’un espace
à destination non résidentielle, mais plutôt artisanale, lié
au travail de l’argile à des fins économiques et productives. La séquence stratigraphique permet de situer
l’abandon de l’édifice durant la première moitié du
IIIe siècle avant J.-C., tandis que la chronologie relative
des structures indique une antériorité du mur US 316 en
gros blocs, sans cependant qu’aucun niveau archéologique ne puisse y être associé.
En ce qui concerne l’égout découvert dans le
sondage alpha, il consistait, à en juger par les 15 m mis
au jour, en une simple tranchée d’environ 1 m de large
et de quelques dizaines de centimètres de profondeur
constituée de dalles de conglomérat local grossièrement
taillées, de formes et dimensions variables (fig. 111). Il
reste néanmoins à comprendre comment les piétons, les
animaux et les chars franchissaient cet obstacle (couverture en planches de bois?). En tout état de cause, les
données à notre disposition permettent d’établir une
discontinuité très claire entre les zones situées au nord
et au sud de cette canalisation, qui constituait apparemment une limite tangible à l’extension des bâtiments. Ce
grand égout ainsi que la conduite descendant la plateia A
paraissent avoir été abandonnés au bout de quelques
décennies d’utilisation. De la terre mêlée à un abondant
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Intégrant la composante environnementale, les
archéologues se sont tout d’abord attachés à une
approche paléographique du paysage. Celui-ci a en effet
connu des modifications profondes au cours des derniers
millénaires en raison des divagations du lit du fleuve
Laos et de l’apport de millions de mètres cubes d’alluvions. Nous nous heurtons cependant pour le moment à
une lacune de nos connaissances sur la configuration
antique des sols. L’avancement de la ligne de côte par
rapport à l’Antiquité n’est pas clairement défini, même
s’il est évident : jusqu’au début du XX siècle encore, la
mer arrivait au pied du centre historique de Scalea et la
Torre di Talao, aujourd’hui sur le littoral, était alors sur
un îlot. Depuis les années 1930, d’importants travaux
d’assainissement de la plaine du Laos ont en outre considérablement modifié un paysage jadis marécageux. En
revanche, les terrasses marines plus anciennes, constituées de sables, de graviers et de marnes, ne semblent
pas avoir connu de modifications majeures à époque
historique. La ligne de côte antique a donc été fixée de
manière commode sur l’ancien tracé du chemin de fer
qui, à la hauteur de la plaine du Laos, effectuait naguère
une courbe vers l’intérieur des terres. L’histoire du
paysage de la basse vallée du Laos revêt en ce sens une
importance considérable dans la compréhension des
phénomènes historiques.
Cette situation complexe, que des études géomorphologiques devraient permettre de clarifier dans les
années à venir, a bien évidemment orienté nos
recherches archéologiques de surface. En l’occurrence, il
était exclu d’explorer les plaines alluviales des fleuves
Laos et Abatemarco, respectivement au nord et au sud
de Marcellina, ainsi que toute la bande côtière (globalement délimitée par le tracé de la voie de chemin de fer).
La prospection s’est donc concentrée cette année sur les
collines basses situées à l’est du site lucanien de Marcellina jusqu’aux premières pentes de la Serra Bonangelo
(alt. 802 m). L’aire explorée s’étend sur une superficie
d’environ 6,5 km2, essentiellement sur le territoire de la
commune de Santa Maria del Cedro 9.
Ces collines, étroites et allongées, sont séparées par
des ruisseaux saisonniers. Le caractère sédimentaire des
sols a en outre donné lieu dans le temps à l’exploitation
de diverses carrières pour matériaux de construction qui
ont modifié par endroits la morphologie antique. Une
E
Fig. 111 – Laos-Marcellina. Photographie du sondage alpha prise depuis
l’ouest (Soprintendenza per i Beni Archeologici della Calabria).
matériel antérieur à la fin du IVe siècle avant J.-C. en
constitue le comblement. Le tout fut ensuite recouvert
2d’une couche de terrain bien compact élevant le niveau
du sol jusqu’à effacer toute trace de rupture dans le tracé
de la plateia A. La Laos du IIIe siècle avant J.-C. présente
ainsi à cet endroit une vaste esplanade non bâtie, dont la
destination reste pour l’heure incertaine.
Prospection et histoire du paysage
Parallèlement aux travaux menés sur l’habitat de
Laos-Marcellina, les recherches entreprises dans le cadre
de ce nouveau programme visent à mieux connaître la
structuration du territoire de Laos aux époques grecque,
lucanienne et romaine. Une première campagne de
terrain s’est déroulée en septembre 2009 (fig. 112).
9. Nous en profitons pour adresser tous nos remerciements au
maire de Santa Maria del Cedro, Giuseppe Aulicino, et à son
adjoint, Giuseppe Pisciotti, qui ont grandement facilité nos
démarches et ont toujours montré la plus grande disponibi-
lité à notre égard. Nous remercions également Grazia Cianciulli, directrice du collège Paolo Borsellino pour son
invitation à présenter nos recherches devant les élèves.
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Autres activités archéologiques françaises en italie
Chronique
Fig. 112 – Laos-Marcellina. Zone de prospection 2009 avec l’indication des sites inventoriés en 1995 et 1999 (L. Costa et A. Duplouy).
grande partie de ces zones est couverte par une végétation spontanée assez dense (chênes, broussailles,
roseaux à proximité des cours d’eau et des sources), qui
limite fortement la visibilité au sol, voire l’accessibilité.
En raison des mutations économiques des dernières
décennies et de l’abandon de nombreuses terres agricoles, seule une fraction des terrains est aujourd’hui
destinée à l’agriculture. Les cultures les plus répandues
sont l’olivier et la vigne, mais on trouve aussi des
céréales, des agrumes (en particulier le cédrat, pour
lequel Santa Maria del Cedro est mondialement
renommée) et des cultures potagères. Le village de
Marcellina et le hameau de Destri ont par ailleurs connu
au cours des dernières décennies une expansion immobilière irrégulière et frénétique qui rend impossible les
observations de surface, parfois même en périphérie
immédiate.
Pour faire face à ces difficultés, il était indispensable
d’avoir recours dès le départ à la collaboration de la
population locale, dont la connaissance et la pratique du
territoire ont constitué une aide précieuse pour cette
première campagne10, qui visait avant tout à évaluer le
potentiel archéologique de la zone et à adapter les
méthodes de recherche à celui-ci. Compte tenu des
moyens et du temps disponibles, notre petite équipe,
composée de 4 ou 5 personnes selon les jours, s’est attachée prioritairement à une prospection extensive, dont
les résultats qualitatifs ont pour l’heure été privilégiés à
l’exploitation quantitative des informations recueillies.
Partout où l’enquête était possible, des traces évidentes
d’occupation antique et médiévale sont apparues,
confirmant la richesse et la densité archéologiques du
territoire.
Il s’agissait en outre de construire les instruments
10. Nous remercions en particulier Antonio Durante, Angelo
Cava et Giuseppe Trifilio, qui nous ont souvent accompagnés
ou guidés sur le terrain; Pierluigi Maradei, Enrico Esposito,
Francesco Fazio, Angelo Napolitano et Lorenza Cupìdo nous
ont transmis leurs mémoires familiales et leurs connaissances. Enfin, Nicola Franco Parise, originaire de Marcellina,
a partagé avec nous ses souvenirs de jeunesse et nous a
donné des indications précieuses.
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325
nécessaires à la gestion des données. L’élaboration d’un
système d’information géographique (SIG) par Laurent
Costa (ingénieur CNRS) a permis d’unifier l’ensemble
des informations cartographiques déjà disponibles ou
produites au cours de la mission. Le fond de carte est
issu de la très récente carte technique régionale (CTR,
2008), acquise auprès du Centro cartografico regionale della
Calabria (Lamezia Terme). Sur celui-ci ont été positionnés les nouvelles cartes au 1/50.000 (f. 542 de 1992)
et au 1/25.000 (f. 542, I et IV de 2001) de l’Istituto geografico militare (Florence), la carte géologique d’Italie au
1/100.000 (f. 220 de 1970), les plans cadastraux et le
réseau de bornes topographiques des communes concernées, ainsi que les photographies aériennes orthogonales
commandées par la région pour la réalisation de la
CTR. Grâce à quelques mesures de contrôle, on a tout
d’abord pu repositionner dans le nouveau système
l’ensemble du travail topographique réalisé sur la colline
de Marcellina au cours des années 1980. On a ensuite pu
procéder au géoréférencement des sites mentionnés par
nos prédécesseurs : d’une part, dans le volume édité en
1995 par Greco où l’emplacement des sites est reporté
sur les anciennes cartes militaires au 1/10.000 des
années 1950 (vecchie tavolette) et, d’autre part, sur la carte
archéologique de La Torre basée sur les cartes au
1/50.000 de l’IGM. Tous les déplacements de l’équipe de
prospection, ainsi que les structures et le matériel
repérés au sol ont été localisés au moyen d’un GPS et
reportés dans le SIG. Enfin, une banque de données
relationnelle a été créée pour gérer l’ensemble des informations topographiques, archéologiques et photographiques recueillies sur le terrain. En relation avec le SIG,
celle-ci offrira à terme un outil précieux pour l’interrogation et l’exploitation des résultats de la prospection.
Notre objectif a tout d’abord été de retrouver sur le
terrain les sites mentionnés dans les publications antérieures. Pour ce qui est du secteur compris entre le Laos
et l’Abatemarco (fig. 112), seuls quelques sites étaient en
fait répertoriés dans l’inventaire de Greco (1995) et sur
la carte archéologique de La Torre (1999).
Le site no 24 (La Torre no 130, situé plus précisément
sur la carte) a longtemps donné des espoirs de localiser
la cité archaïque et classique de Laos. Lors de travaux
d’assainissement de la plaine du Laos, les ouvriers ont
mis au jour en 1959 un mur composé de blocs quadrangulaires en grès, parfaitement alignés. A. Maiuri proposa
d’associer ce mur à un établissement portuaire grec
(Maiuri 1962, p. 65). À l’époque de la découverte,
aucun matériel céramique n’avait toutefois été recueilli
pour situer chronologiquement la structure. En raison
de l’importante couche d’alluvions, le mur n’avait d’ail-
leurs pas pu être retrouvé à l’occasion des prospections
menées dans les années 1980, telles que signalées par
Greco. En revanche, les fouilles reprises en 1990 ont
révélé un complexe monumental présentant plusieurs
phases de construction allant du IVe siècle avant J.-C. à
la basse Antiquité, mais aucune trace de structures
archaïques ou classiques. Aujourd’hui, plus rien n’est
visible en surface.
Le site no 26 (La Torre no 131) correspond à une
petite église en ruine autour de laquelle de nombreuses
tuiles et plaques en calcaire servant de couverture à des
tombes à ciste ainsi que du mobilier funéraire sont
signalés depuis les années 1970 à l’occasion des travaux
agricoles. L’installation d’un poteau électrique de l’ENEL
à quelque 150 m plus à l’est a livré des vestiges similaires; ce qui donne une idée de l’extension de cette
zone de nécropole. Notre prospection a confirmé ces
données et les quelques tessons ramassés pourront peutêtre préciser une chronologie hellénistique déduite de la
typologie des tombes, semblables à celles de Marcellina.
La localisation du site no 27 ne va pas sans poser
quelques difficultés, car l’emplacement reporté sur les
vecchie tavolette reproduites en 1995 est non seulement
d’un accès très difficile, mais encore ne correspond pas
vraiment à la description donnée dans l’inventaire : en
lieu et place d’un vignoble, il s’agit d’une zone densément boisée. Dans le doute, nous en concluons à une
erreur de placement du point par nos prédécesseurs, qui
s’explique aisément par l’absence à l’époque de technologie de positionnement par satellites. D’autant qu’en
suivant leurs indications écrites, nous avons en
revanche retrouvé, à environ 350 m plus à l’ouest, une
zone de vignes et de cultures potagères où le matériel
hellénistique découvert correspond parfaitement à la
description de la publication (fig. 113, A). C’est là même
du reste que La Torre place son site no 134, sans pour
autant faire le rapprochement avec le site no 27 de
Greco, ni d’ailleurs confirmer l’hypothèse d’une nécropole. Pourtant, comme le rapportent les habitants du
secteur, les constructions des dernières années semblent
avoir livré du matériel funéraire. Signalons d’ailleurs la
découverte d’une plaque en pierre cassée dans sa
longueur (l. 63 cm; L. cons. 90 cm; ép. 9 cm) ayant
probablement servi de dalle de couverture à une tombe
à ciste; ce qui au final ne laisse guère de doute sur la
destination funéraire de la zone.
L’habitat lucanien de Laos paraît ainsi avoir été
entouré de plusieurs nécropoles, situées à l’ouest, au
nord-est et au sud-est de la colline de San Bartolo. Seule
la riche tombe à chambre découverte dans le village de
Marcellina est précisément datée et publiée. Elle n’était
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Autres activités archéologiques françaises en italie
Chronique
Fig. 113 – Laos-Marcellina. Principaux sites identifiés lors de la prospection de septembre 2009 (L. Costa et A. Duplouy).
d’ailleurs pas isolée : à côté des tombes signalées par
Galli, d’autres sépultures sont en effet attestées par les
nombreux témoignages des habitants et documentées
par divers fragments de céramique à vernis noir qu’ils
nous ont montrés. Cette nécropole occidentale reste
pourtant mal connue en raison de l’expansion immobilière de la seconde moitié du XXe siècle qui a oblitéré le
site. Afin de préciser son extension, nous avons entrepris de localiser sur la carte les souvenirs des habitants et
des ouvriers ayant procédé aux multiples travaux de
construction et de voirie qui n’ont jamais manqué de
révéler l’une ou l’autre tombe. Pour peu qu’ils soient
fiables et précis, ces renseignements viendront
compléter l’inventaire dressé par La Torre à partir des
seules notices publiées (no 128 et 129).
Enfin, ce dernier mentionnait également, à la suite
d’une prospection réalisée en 1980, la découverte de
tessons et tuiles d’époque hellénistique sur le sommet
d’une petite colline au sud-est de San Bartolo (no 132),
qui n’a pas pu être confirmée cette année en raison de la
végétation.
Au-delà de la reprise des anciennes prospections, il
s’agissait bien entendu d’étendre largement l’enquête de
terrain, en particulier vers l’intérieur des terres qui
n’avait pas été exploré par nos prédécesseurs. Plusieurs
nouveaux sites – entendus pour le moment au sens
commun du mot – ont été repérés, dont on retiendra ici
les plus significatifs (fig. 113). L’observation de matériel
épars (essentiellement des fragments de céramique, mais
aussi quelques restes architecturaux) dans les terrains
explorés dépend naturellement des conditions de visibilité au sol. Le matériel découvert a été documenté in
situ; les tessons les plus diagnostiques ont été ramassés.
L’étude du matériel étant encore en cours, il n’est pas
possible pour l’heure d’offrir une chronologie détaillée
et précise de ces découvertes au-delà de considérations
immédiates.
On commencera tout d’abord par signaler l’important gisement archéologique que constitue un terrain
situé à l’extrémité méridionale de la colline de San
Bartolo (fig. 113, B) et qui pourrait bien appartenir à
l’ensemble urbain, c’est-à-dire s’inscrire à l’intérieur de
l’enceinte lucanienne dont le tracé se perd au sud du
parc archéologique. À cet endroit se trouvent les ruines
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du monastère de San Bartolomeo (IXe siècle) fondé par
les moines basiliens. Ce monastère de «San Bartolomeo
in Abatemarco» est notamment mentionné dans un
document de 1491 (d’Avino 1848, p. 158). L’édifice
présente plusieurs phases de construction, dont les
murs remploient une grande quantité de tessons antiques et de tuiles. La structure, assez dégradée, n’a – à
notre connaissance – jamais fait l’objet d’un examen
approfondi, probablement en raison de sa localisation
dans une propriété privée. Le terrain, abandonné mais
menacé par l’expansion immobilière, a livré une grande
quantité de céramique, médiévale naturellement, mais
aussi antique. À une centaine de mètres plus au sud,
sans doute à l’extérieur des portes de la ville, La Torre
signalait déjà quelques fragments de céramique hellénistique (no 133) et rapportait la conviction diffuse des
paysans que le lieu abritait des tombes à chambres.
D’autres vestiges datables du Moyen Âge, souvent
associés à du matériel antique, se remarquent ailleurs
dans le paysage. Ils doivent peut-être être rapportés à
l’action et à l’influence de l’éparchie monastique du
Mercurion, qui occupait la moyenne et basse vallée du
Laos (Celico 2002).
Une structure en particulier mérite d’être signalée. Il
s’agit d’un édifice, aujourd’hui transformé en habitation
privée et actuellement en restructuration, situé dans la
contrada Marina sur l’une des dernières collines qui
dominent la partie orientale de la vallée du Laos, entre
le Fosso Cinquerime et la Valle della Menta (fig. 113, D).
La structure présente plusieurs phases de construction,
dont la plus ancienne pourrait remonter au haut
Moyen Âge, même si des réfections plus tardives
(XVIIIe-XIXe siècles) en ont profondément altéré l’aspect
originel. Les terrains environnants sont parsemés de
nombreux restes architecturaux et des tessons antiques
ont été remployés dans les murs du bâtiment, selon une
pratique assez diffuse dans les constructions rurales de la
zone. Si le matériel récolté doit encore être étudié avec
attention, certains fragments semblent dater de l’Antiquité, tandis que d’autres pourraient renvoyer à une
occupation protohistorique du site.
Plus complexe est en revanche l’interprétation
d’une structure en ruine située sur l’extrémité centrale
de la colline trilobée faisant face au site de San Bartolo
vers le nord-est (fig. 6, C). Il s’agit d’un édifice rectangulaire, orienté nord-ouest/sud-est, de 20 m de long sur
7,5 m de large. Les murs, en pierres sèches à peine
dégrossies, sont préservés sur une hauteur de 50 cm
environ; leur épaisseur ne dépasse pas 60 cm. Les
dimensions et les caractéristiques de la construction
diffèrent des édifices agricoles plus récents et la phase
d’abandon prolongée que semble avoir connue ce bâtiment révèle une datation au plus tard médiévale. L’intérieur de la ruine, envahie par la végétation et par trois
grands chênes, n’a pas pu être exploré. Dans le terrain
environnant, on remarque une concentration de tuiles
et quelques tessons de céramique antique non décorée
ont été prélevés.
D’autres traces à mettre en relation avec l’exploitation agricole du territoire peuvent être rapportées à
l’époque médiévale, si ce n’est à l’Antiquité. Parmi les
plus intéressantes, signalons les aménagements visibles
sur le flanc méridional de la colline de Pàstina (fig. 6, E).
Des murs de soutien en pierres sèches ont été construits
pour préserver des oliviers centenaires de l’action de
l’eau qui, délavant progressivement les terres, risquait
de mettre en péril la stabilité des arbres situés sur un
terrain escarpé. La présence dans cette zone de fragments de céramique médiévale (et peut-être antique)
dénote l’ancienneté des interventions.
Enfin, sur la pointe sud-ouest de la colline de
Pàstina (fig. 113, F), nous avons repéré quelques blocs
de pierre reposant directement sur la roche. Il semble
s’agir des fondations d’un bâtiment quadrangulaire,
dont l’angle nord-ouest est encore bien visible. Les
deux côtés sont préservés sur une longueur de 4,5 m
environ pour une épaisseur de 0,55 m. Les blocs
affleurent à peine du sol, tandis qu’il ne reste plus rien
de l’élévation. L’état de la structure et le peu de tessons
retrouvés ne permettent pas de préciser la nature de la
ruine; l’hypothèse (théorique) d’une «tour de garde»
doit néanmoins être formulée en raison de la position
dominante du site.
Les données réunies jusqu’ici, sans avoir aucune
prétention à l’exhaustivité, révèlent au contraire
l’étendue des questions qui demeurent ouvertes en
l’état actuel de la recherche sur le territoire de Laos, à
commencer par la localisation de la cité grecque. Cette
première campagne de terrain n’en a pas moins livré
des aspects inattendus. En particulier, les nombreuses
traces d’occupation médiévale, qui n’ont guère intéressé les archéologues classiques, méritent sans doute
une attention plus approfondie. Ainsi, la continuité
observée sur certains sites entre l’occupation antique et
médiévale n’est pas sans rappeler que dans la commune
de Santa Maria del Cedro, les fouilles récentes
conduites sur le Carcere dell’Impresa ont montré que
ce château médiéval, dont la dernière phase de
construction remonte au XVIe siècle, s’est installé sur
des structures antiques d’époques hellénistique et
romaine.
Pour toutes ces raisons et avec ces finalités, les
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Autres activités archéologiques françaises en italie
Chronique
travaux se poursuivront dans les années à venir par une
extension de la zone de prospection sur le territoire des
communes de Scalea, Santa Domenica Talao, Orsomarso, Verbicaro et Grisolia. La campagne 2009 s’est
clôturée par une rencontre avec les élèves du collège
Paolo Borsellino de Santa Maria del Cedro. Cette
présentation a permis de sensibiliser la population et en
particulier les jeunes générations aux richesses de leur
patrimoine et à l’intérêt de nos recherches.
Gregorio AVERSA, Alain DUPLOUY, Valentino NIZZO et
Alessia ZAMBON
Abréviations bibliographiques
APOLLONIA
D’ILLYRIE
(ALBANIE)
Bereti et alii 2007 = V. Bereti, V. Dimo, J.-L. Lamboley
et B. Vrekaj, La céramique d’Apollonia, dans Apollonia
d’Illyrie 1. Atlas archéologique et historique, Rome, 2007
(Collection de l’École française de Rome, 391), p. 140.
Delouis et alii 2007 = O. Delouis, J.-L. Lamboley,
Ph. Lenhardt, F. Quantin, A. Skenderaj, S. Verger et
B. Vrekaj, La ville haute d’Apollonia d’Illyrie : étapes
d’une recherche en cours, dans D. Berranger-Auserve
(éd.), Épire, Illyrie, Macédoine, Mélanges offerts au
Professeur Pierre Cabanes, Clermont-Ferrand, 2007
(Collection Erga, Recherches sur l’Antiquité, 10),
p. 43-44.
Dimo-Lenhardt-Quantin 2007 = V. Dimo, Ph. Lenhardt
et F. Quantin, dans Apollonia d’Illyrie 1. Atlas archéologique et historique, Rome, 2007 (Collection de l’École
française de Rome, 391), p. 246.
Lambolley 2007 = J.-L. Lamboley, Les fouilles actuelles,
dans V. Dimo, Ph. Lenhardt et F. Quantin (éd.),
Apollonia d’Illyrie 1. Atlas archéologique et historique,
Rome, 2007 (Collection de l’École française de Rome,
391), p. 217-221.
Leake 1835 = W. M. Leake, Travels in Northern Greece, I,
Londres, 1835, p. 373.
Mano 1965 = Të dhëna mbi qeramikën masive të Apolonisë
përdorur si material ndërtimi. Données sur la céramique
massive d’Apollonia employée dans le bâtiment, dans
Studime Historike, 1, 1965, p. 55-79, article réédité
dans le recueil des travaux apolloniates d’A. Mano,
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