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western Canada helped to create Canada’s legacy of the dispossession of
Aboriginal peoples, as well as discussion of the changing relationship
between colonizers and colonized during this period, and how these
processes were fundamental to Canadian development. The ideas presented
in this work, though complex with often interwoven processes at work, are
well developed and easily comprehensible. Though not an intention of this
work in particular, more focused attention to conceptions of identity
(Canadian and otherwise) amidst all of these interwoven processes would be
a worthy endeavour by either the author or another interested scholar. This
book has done its task and better still provides a starting point for additional
research paths in the area.
SHANNON CONWAY
PhD Student, University of Ottawa
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CATHY MCCLIVE. M EN STRUATION AN D P ROCREATION
E ARLY M ODERN F RANCE . (SURREY ET BURLINGTON :
ASHGATE, 2015). ISBN : 978-0-7546-6603-5. 125 $.
IN
Démystifier les perceptions du cycle menstruel en France
d’Ancien Régime, c’est à quoi nous convie l’historienne Cathy McClive dans
sa toute première monographie Menstruation and Procreation in Early Modern
France. Cette monographie est tirée de sa thèse doctorale, intitulée Bleeding
Flowers and Waning Moons : A History of Menstruation in France, c. 1495-1761,
soutenue en 2004 sous la supervision de Colin Jones, d’Hilary Marland et de
Penny Roberts, de l’Université de Warwick, et de Danielle Jacquart de
l’École Pratique des Hautes Études de France. Cathy McClive est
actuellement membre du département d’histoire de l’Université de Durham.
Elle a coédité avec Nicole Pellegrin le collectif Femmes en fleurs, femmes en
corps : sang, santé, sexualité du Moyen Âge aux Lumières et a publié des articles sur
les perceptions de la masculinité et de la féminité, sur l’hermaphrodisme, sur
le cycle menstruel et sur la médecine en France d’Ancien Régime.
D’emblée, Cathy McClive indique au lecteur que son étude a pour
objectif de déconstruire trois postulats concernant les conceptions du cycle
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menstruel sous l’Ancien Régime. Elle défend la thèse que ces trois
présuppositions sont uniquement le fruit d’une construction
historiographique et qu’elles ne reflètent pas les réflexions réelles de la
période sur le flux menstruel. Elle avance que cette vision erronée des
conceptions du flux menstruel a pour origine l’article « Attitude to
Menstruation in Seventeenth-Century England » de l’historienne
Patricia Crawford publié en 1981 où l’auteure argumente que les experts
médicaux et juridiques de la France moderne ont développé une forme de
« menstrual misogyny ». Cathy McClive précise que cette interprétation de
Crawford s’inscrit dans une mouvance des années 1970-1980 où certains
historiens féministes ont analysé certains phénomènes historiques, dont les
perceptions des corps masculins et féminins, avec un biais idéologique
important en voulant démontrer l’oppression historique des femmes dans
tous ses angles. Sans rejeter entièrement les recherches de cette période,
Cathy McClive indique qu’au contraire, les autorités médicales et morales de
la France d’Ancien Régime (juristes, médecins, anatomistes et moralisateurs)
n’avaient pas une vision fondamentalement misogyne des menstrues
féminines.
Dans ses deux premiers chapitres, Cathy McClive s’attaque au mythe
historiographique indiquant que les autorités médicales et morales de la
France d’Ancien Régime percevaient négativement le flux menstruel
féminin. Empruntant des méthodes analytiques proches des études
littéraires, Cathy McClive revisite certains textes d’Aristote, d’Hippocrate et
de Pline l’Ancien pour constater que contrairement à ce qu’affirmaient
Lisa Wynne Smith et Wendy Churchill, entre autres, le cycle menstruel
féminin n’était pas uniquement conceptualisé comme un phénomène négatif
et dangereux, bien au contraire. Par exemple, elle conclut qu’il est tout à fait
exact de dire que Pline l’Ancien considérait que les femmes en fleurs
pouvaient faire surir le vin et pourrir les récoltes. En contrepartie, et c’est là
toute l’innovation de McClive, il croyait aussi que le sang menstruel avait de
propriétés médicinales importantes et qu’il était essentiel dans le processus
de procréation.
Elle argumente également, grâce à une analyse exhaustive des
principaux traités médicaux et moralisateurs de la France moderne, dont le
traité de Jacques Duval sur l’accouchement de femmes et sur
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l’hermaphrodisme ainsi que celui de Gaspard Bauhin sur les mêmes thèmes,
que ces autorités partageaient un même objectif commun, soit celui de
déterminer le moment propice pour faciliter la procréation. Leurs
interdictions et leurs recommandations de ne pas avoir de relation sexuelle
durant les règles n’avaient pas, pour McClive, des fins misogynes et
antiféministes, mais bien un objectif de faciliter la naissance d’enfants sains
et de réduire les risques de fausses-couches en s’appuyant sur les
connaissances médicales de l’époque.
Dans les chapitres trois, quatre et cinq, Cathy McClive déconstruit le
postulat que le cycle menstruel féminin était considéré comme un marqueur
temporel fiable et immuable sous l’Ancien Régime. L’auteure stipule que les
experts médicaux de la France moderne établirent qu’un cycle menstruel
normatif était mensuel et qu’il pouvait signifier que la femme était fertile et
en santé. Elle argumente que ces mêmes experts n’étaient pas en mesure
d’utiliser le cycle menstruel féminin comme outil fiable pour déterminer si
une femme était enceinte ou non. McClive cite notamment la
correspondance entre Marie-Antoinette et sa mère qui s’interrogeait à savoir
si elle était enceinte malgré des pertes de sang sporadiques. Dans son
cinquième chapitre, Cathy McClive réaffirme, par une étude pointue des
écrits de médecins et de chirurgiens-accoucheurs de la période, l’idée que la
preuve ultime de la grossesse d’une femme n’était pas la fin d’un cycle
menstruel, mais bien le début des mouvements du fœtus dans le ventre de la
femme.
Le dernier chapitre est sans l’ombre d’un doute le plus intéressant et le
plus fascinant de cette œuvre. Cathy McClive expose que dans les
conceptions médicales de la période, les menstruations n’étaient pas
uniquement un phénomène caractérisant le genre féminin, mais que les
hommes pouvaient être l’objet de tels saignements. Elle démontre
efficacement que selon les conceptions scientifiques de la période, un
homme qui saignait soudainement du nez ou des oreilles pouvait être
considéré comme un homme en fleurs (bleeding men). De ce fait, elle avance
que ces mêmes experts n’étaient pas en mesure de déterminer le genre d’un
individu par la présence, ou l’absence, d’un flux menstruel régulier. McClive
a aussi analysé certains cas célèbres d’hermaphrodisme de la période pour
déterminer que dans les rapports médicaux exigés par la justice, le cycle
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menstruel n’était pas considéré comme une preuve médicale suffisante pour
affirmer le genre juridique d’un individu. Elle mentionne de rares cas étudiés
dans des traités médicaux d’individus ayant été l’objet d’un cycle menstruel
léger et régulier, mais tout de même catégorisés comme étant hommes par
les autorités médicales et juridiques.
Dans Menstruation and Procreation in Early Modern France, l’historienne
Cathy McClive sait brillamment utiliser les documents médicaux, juridiques,
littéraires et religieux à sa disposition pour déboulonner certains mythes et
préconceptions sur les perceptions des menstruations en France
d’Ancien Régime. En utilisant une approche pluridisciplinaire et les
nouvelles approches en histoire du genre, de la médecine et du corps,
l’auteure avance par un argumentaire solide et dénué de tout militantisme
que les menstruations n’étaient pas uniquement un phénomène attribué au
genre féminin, nous forçant ainsi à revoir nos postulats sur les définitions du
masculin et du féminin en France moderne. Elle conclut également que,
contrairement à ce qu’affirmaient ses prédécesseurs, les perceptions du flux
menstruel féminin par les autorités de l’époque n’étaient pas teintées d’une
misogynie flagrante, mais étaient plutôt le fruit des avancées scientifiques de
la période.
Par une remarquable synthèse des concepts et des théories en histoire
du genre et de la médecine, l’auteure permet ainsi aux lecteurs moins
familiers avec ces approches conceptuelles et méthodologiques de bien
cerner le propos et l’argumentation. Le sujet innovateur, tracé par la plume
fluide de l’auteure, procure une lecture plaisante et aisée. Nous pourrions
critiquer les quelques répétitions dans l’argumentaire et les traductions libres
des textes français de la période moderne, mais ces légères critiques ne
diminuent en rien la qualité indéniable de cet ouvrage. La conclusion de
l’ouvrage est cependant quelque peu courte et aurait mérité une plus grande
attention. En somme, cette œuvre est un exemple remarquable du
renouvellement des approches méthodologiques, conceptuelles et théoriques
en histoire du genre en France d’Ancien Régime.
MATHIEU LAFLAMME
Étudiant à la maîtrise, Université d’Ottawa
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