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See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/32229023 Villes et Pays d’art et d’histoire en RhôneAlpes : bilan et perspectives Article · December 2007 Source: OAI CITATIONS READS 3 24 3 authors, including: Guy Saez Pierre-Antoine Landel 41 PUBLICATIONS 52 CITATIONS 41 PUBLICATIONS 24 CITATIONS Sciences Po Grenoble SEE PROFILE University Joseph Fourier - Grenoble 1 SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Guy Saez on 22 August 2014. The user has requested enhancement of the downloaded file. « Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes » : bilan et perspectives Rapport final Pilotage de l’étude : Observatoire des politiques culturelles Commanditaires : Ministère de la Culture et de la Communication (Direction régionale des affaires culturelles Rhône-Alpes et Direction de l’Architecture et du Patrimoine) Réalisation : Guy Saez, directeur de recherche, Université de Grenoble, PACTE - CNRS, co-directeur scientifique de l’étude Pierre-Antoine Landel, maître de conférences en géographie, Université de Grenoble, PACTE - CNRS, codirecteur scientifique de l’étude Samuel Périgois, docteur en géographie, Université de Grenoble, PACTE - CNRS Réalisation des monographies : Samuel Périgois, docteur en géographie, Université de Grenoble, PACTE - CNRS Annie Marderos, consultante, Lyon Décembre 2007 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Étude réalisée par l’Observatoire des politiques culturelles (directeur : Jean-Pierre Saez), en partenariat avec l’Université de Grenoble, PACTE – CNRS, à la demande du ministère de la Culture et de la Communication (DRAC Rhône-Alpes – directeur régional : Jérôme Bouët, avec le soutien de la DAPA – directeur : Michel Clément) – décembre 2007 Réalisation : - Guy Saez, directeur de recherche, PACTE, co-directeur scientifique de l’étude - Pierre-Antoine Landel, maître de conférences, PACTE, co-directeur scientifique de l’étude - Samuel Périgois, docteur en géographie, PACTE Réalisation des études de terrain : - Samuel Périgois, docteur en géographie, PACTE - Annie Marderos, consultante, Lyon Coordination scientifique et technique : - Cécile Martin, directrice des études, Observatoire des politiques culturelles - Élisabeth Renau, chargée de mission études, Observatoire des politiques culturelles Suivi du projet à la DRAC Rhône-Alpes : - Béatrice Grandchamp, conseillère pour l’action culturelle patrimoniale Comité technique : - Anne-Christine Ferrand, animatrice de l’architecture et du patrimoine du Pays d’art et d’histoire du Forez ; - Béatrice Grandchamp, conseillère pour l’action culturelle patrimoniale (DRAC) ; - Michel Kneubühler, chef du Centre d’information et de documentation (DRAC) ; - Chrystèle Orcel, animatrice de l’architecture et du patrimoine, ville de Vienne ; - François Portet, conseiller pour l’ethnologie (DRAC) ; - Michel Prosic, directeur régional adjoint (DRAC). Une étude pilotée par l’Observatoire des politiques culturelles 1 rue du Vieux Temple 38000 Grenoble – France Site Internet : www.observatoire-culture.net Directeur : Jean-Pierre Saez Directrice des études : Cécile Martin Chargée de mission études : Elisabeth Renau L’Observatoire des politiques culturelles tient tout particulièrement à remercier les membres des comités de suivi de l’étude, ainsi que les chercheurs impliqués dans cette étude et les acteurs rencontrés dans le cadre de ce travail. Décembre 2007 2 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 SOMMAIRE INTRODUCTION MÉTHODOLOGIQUE ........................................................................7 ÉLÉMENTS DE PROBLÉMATIQUE ...............................................................................9 Enjeux et questionnements proposés dans le cadre de l’enquête ............................................... 11 Quelques hypothèses de travail .................................................................................................. 14 I. LE LABEL VPAH COMME PLAN D’ACTION..........................................................17 1.1. Un plan d’action national pour construire un référentiel..................................................... 18 Élargissement du patrimoine, démocratisation, professionnalisation ................................... 18 Développement local .............................................................................................................. 20 Contractualisation .................................................................................................................. 21 1.2. Des plans d’action territoriaux ............................................................................................ 23 La dimension temporelle ........................................................................................................ 23 La dimension territoriale........................................................................................................ 26 II. LE LABEL ET LES LOGIQUES SYMBOLIQUES DU PATRIMOINE .................33 2.1. Représentations et attentes des acteurs politiques vis-à-vis du label................................... 33 Le patrimoine vu comme une ressource ................................................................................. 34 La notion de qualité dans les représentations du patrimoine................................................. 35 Des attentes plurielles vis-à-vis du label ................................................................................ 37 2.2. La mission d’animation du patrimoine au plan local : significations et rapport aux autres fonctions patrimoniales............................................................................................................... 38 Les notions de médiation et d’animation et les représentations des professionnels .............. 38 Le label et l’animation dans la chaîne patrimoniale.............................................................. 39 Des spécificités de la mission d’animation dans les pays : l’animateur comme porteur de projet....................................................................................................................................... 42 2.3. L’animation et les représentations des différents publics par les animateurs de l’architecture et du patrimoine.................................................................................................... 43 Le public résident ................................................................................................................... 43 Les visiteurs touristiques ........................................................................................................ 45 Le jeune public........................................................................................................................ 46 2.4. De nouvelles logiques symboliques émergentes : les différentes stratégies liées aux CIAP, points de tension entre des logiques divergentes ........................................................................ 48 III. LA MATERIALITE DU LABEL................................................................................53 3.1. La logique matérielle et spatiale du label : objets et évolutions .......................................... 53 Le label et l’élargissement du champ patrimonial ................................................................. 54 Une nécessaire démarche de mise en cohérence patrimoniale .............................................. 57 3.2. Les moyens du label : pilotage, budget, organisation.......................................................... 60 Un pilotage évolutif ................................................................................................................ 60 Des budgets complexes et hétérogènes................................................................................... 61 Des budgets potentiellement générateurs d’autres recettes ................................................... 62 La diversité des modes d’organisation ................................................................................... 63 3.3. L’évolution des techniques et des modes de médiation, entre tradition et innovation ........ 65 Logiques de diversification des items et de spécialisation en fonction des publics ............... 65 3 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 La problématique des référentiels mobilisés et la recomposition du champ de l’animation . 67 3.4. L’importance croissante des enjeux de communication et la prise en considération très hétérogène des technologies de l’information et de la communication...................................... 69 Visibilité du label et enjeux de communication ...................................................................... 70 Une utilisation encore faible des technologies de l’information et de la communication ..... 72 3.5. Le réseau, lieu de rencontre des porteurs du label............................................................... 74 Les fonctionnalités du réseau ................................................................................................. 75 La perception positive du réseau rhônalpin ........................................................................... 76 Les échelles de référence et la dynamique du réseau............................................................. 77 Les élus et le réseau................................................................................................................ 80 IV- LA GOUVERNANCE DU LABEL.............................................................................85 4.1. Une obligation de partenariat, sur la base de supports institutionnels différenciés ............. 85 Deux formes de partenariats institutionnels : ceux des villes et ceux des pays ..................... 85 Le label, interface entre des systèmes de normes d’origines différentes................................ 89 4.2. Le système de relations entre les professionnels de l’animation, les élus, la DRAC .......... 91 Un double système de gouvernance : le label et le réseau ..................................................... 91 Un système fermé.................................................................................................................... 93 Le rôle pivot de l’animateur ................................................................................................... 94 Trois champs de coopération difficiles : le tourisme, la muséographie et l’urbanisme......... 95 L’implication limitée des associations ................................................................................... 97 La faible prise en considération des publics .......................................................................... 97 4.3. La gouvernance du label au sein des politiques patrimoniales locales................................ 98 Le label, outil de développement (Vienne) ............................................................................. 98 Le label, outil de dialogue interterritorial (Hautes vallées de Savoie) .................................. 98 Le label, accompagnateur des mutations identitaires (Saint-Etienne)................................... 99 Le label, partenaire des politiques urbaines (Chambéry) ...................................................... 99 Le label, outil de légitimation des recompositions territoriales (Annecy) ........................... 100 CONCLUSION.................................................................................................................103 L’évolution des critères et des modalités d’obtention du label ............................................ 103 VPah dans le contexte de prolifération des labels................................................................ 105 Le label et les logiques normatives....................................................................................... 106 PISTES DE RÉFLEXION POUR UNE ÉVOLUTION DU LABEL VPAH..................109 I -Propositions concernant le label VPah ................................................................................. 109 1- Distinguer les « Villes d’art et d’histoire » et les « Pays d’art et d’histoire » ................ 109 2- Spécifier le cas des agglomérations ................................................................................. 110 3- Développer la capacité d’intermédiation de l’Etat .......................................................... 111 4- Insérer le label dans des opérations de type « plan patrimoine » ................................... 111 5- Accroître la sensibilisation des élus et leur capacité de réflexion sur leurs territoires... 112 II- La logique symbolique du patrimoine ................................................................................. 112 6- Pour un diagnostic patrimonial : rapprocher le travail de l’inventaire et celui de la valorisation et de la médiation du patrimoine...................................................................... 112 7- Utiliser les compétences de l’animateur pour mobiliser la population ........................... 113 8 - Développer la relation entre le label VPah et les parcs nationaux ou les PNR ............. 113 9 - Pour une évaluation plus soutenue du label ................................................................... 113 10 - Une communication plus active pour rendre plus visible le label VPah ...................... 114 4 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 11 - Laisser un temps de maturation pour la mise en place des CIAP, en particulier dans les pays....................................................................................................................................... 115 III - Matérialité du label............................................................................................................ 115 12- Refondre le cadre budgétaire ......................................................................................... 115 13- Pour un catalogue des techniques et modes de médiation ............................................. 116 14- Pour une formation mieux adaptée et plus évolutive ..................................................... 116 15- Une urgence : revoir les statuts professionnels ............................................................. 117 IV – Gouvernance..................................................................................................................... 118 16- Renforcer les transversalités et les échanges entre réseaux .......................................... 118 17- Organiser le pilotage de la convention dans le temps ................................................... 118 18- Etablir une durée limitée de contractualisation............................................................. 118 19- Créer une Agence régionale du patrimoine ................................................................... 118 20- Etablir un plan stratégique de développement du patrimoine en région ....................... 119 ANNEXES ........................................................................................................................121 ANNEXE 1 – PERSONNES RENCONTRÉES DANS LE CADRE DE L’ÉTUDE ......123 ANNEXES 2GRILLE D’ENTRETIEN « ANIMATEUR DE L’ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE » ........................................................................................................127 ANNEXE 3 – GRILLE D’ENTRETIEN DES ÉLUS......................................................131 ANNEXE 4 – PROGRAMME DU SÉMINAIRE DE TRAVAIL DU 26 JUIN 2007.....135 ANNEXE 5 – PROGRAMME DU COLLOQUE NATIONAL DU 24 JANVIER 2008 139 5 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 6 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 INTRODUCTION METHODOLOGIQUE Initié dès 1985 par le ministère de la Culture et de la Communication dans un contexte de renouvellement des politiques patrimoniales, le label « Villes et Pays d’art et d’histoire » correspond à une politique de valorisation et d’animation du patrimoine et de l’architecture menée en partenariat avec les collectivités territoriales. Il recouvre des objectifs directement liés au contexte dans lequel il est apparu : volonté de considérer le patrimoine dans toutes ses composantes, de le rendre accessible et « appropriable » par les populations, de garantir la qualité des actions menées, de faire du patrimoine un objet de cohésion sociale, un support aux projets des territoires, un facteur de développement local, un objet de partenariat entre l’Etat et les collectivités locales. Plus de vingt ans après sa création (et dix ans après la déconcentration du suivi des conventions), le label existe encore et est porté par des collectivités de plus en plus nombreuses (130 Villes ou Pays dans l’ensemble du territoire national). Il rencontre néanmoins des difficultés tant dans sa définition que dans sa mise en œuvre. En région Rhône-Alpes, dix sites bénéficient du label VPah 1. Ils constituent un réseau dynamique qui s’est développé et se développe encore quantitativement (trois nouvelles demandes de label sont en cours d’étude) et qualitativement (croissance de l’offre proposée sur chaque territoire, mise en réseau et formation des professionnels…). Ce réseau est animé par la DRAC RhôneAlpes qui fait partie des DRAC les plus investies sur ce dispositif. L’étude confiée par la Drac Rhône-Alpes (avec le soutien de la Direction de l’Architecture et du Patrimoine) à l’Observatoire des politiques culturelles, avait pour objectif de dresser le bilan de cette politique au niveau régional et de dégager des perspectives pour les années à venir. Cette analyse a principalement porté sur les points suivants : - histoire et modalités de mise en œuvre du label VPah sur chaque site (nature des objets patrimoniaux mobilisés, bilans quantitatif et qualitatif des moyens mis en œuvre, stratégies et partenariats, estimation des effets de cette politique…) ; - fonctionnement du réseau des VPah (évaluation de la dynamique du réseau en RhôneAlpes, identification des spécificités régionales du réseau, mise en perspective avec le réseau national…) ; - enjeux et perspectives d’évolution du label VPah (identification des objectifs majeurs en fonction des catégories d’acteurs, des partenariats à privilégier, modalités d’intégration du label dans une réflexion plus globale sur les politiques du patrimoine et de l’architecture…). 1 Villes d’art et d’histoire : Valence (26), Vienne (38), Saint-Etienne (42), Chambéry et Albertville (73). Pays d’art et d’histoire : Trois Vals - Lac de Paladru (38), Forez (42), Hautes vallées de Savoie (73), Vallée d’Abondance et Communauté d’agglomération d’Annecy (74). 7 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Une méthodologie de travail en plusieurs étapes a été mise en place. Tout d’abord, il a été procédé à un travail d’analyse documentaire (analyse des conventions signées pour chaque site, élaboration de tableaux sur le patrimoine mobilisé avec le concours des animateurs de l’architecture et du patrimoine, collecte d’informations relatives aux sites (profils de postes, budgets, documents pédagogiques, plaquettes…), analyse succincte des caractéristiques sociodémographiques des territoires…). La deuxième étape de cette enquête a consisté à réaliser une série d’entretiens auprès des élus référents de chaque site, des animateurs de l’architecture et du patrimoine, et d’interlocuteurs choisis en fonction des caractéristiques des différents territoires et des partenariats établis. Des entretiens complémentaires auprès de la DAPA, de la DRAC, de l’Association nationale des Villes et Pays d’art et d’histoire et des villes à secteur sauvegardé, du Conseil national des Villes et Pays d’art et d’histoire, de la Région Rhône-Alpes, des conservations départementales… ont également été menés, soit un total de plus de 50 entretiens2 réalisés entre février et juin 2007. Afin de compléter cette approche de terrain et de mettre en débat les premiers constats et analyses, la troisième étape de l’étude a pris la forme d’un séminaire régional de travail réunissant des représentants de chaque site (élus et animateurs) et des partenaires3. Cette journée s’est déroulée à Chambéry le 26 juin 2007. Enfin, quatrième et dernière étape, l’ensemble du matériau réuni à partir de ces différentes approches (analyse documentaire, entretiens sur le terrain, séminaire régional) a été traité et mis en perspective pour aboutir au présent rapport analytique et prospectif. Pour mener à bien ce travail, l’Observatoire des politiques culturelles a travaillé en partenariat avec le laboratoire PACTE (Université de Grenoble – CNRS). L’équipe de recherche a été placée sous la direction scientifique de Guy Saez, directeur de recherche en sciences politiques (PACTE) et de Pierre-Antoine Landel, maître de conférences en géographie (PACTE). Deux chargés d’étude ont également été mobilisés : Annie Marderos, consultante spécialiste des musées et du patrimoine (Lyon) et Samuel Périgois, docteur en géographie (PACTE). Deux groupes de suivi ont également été mis en place pour accompagner l’ensemble de l’enquête : - un comité de pilotage qui réunissait des représentants de la DRAC, de la DAPA et des 10 sites labellisés (élus référents du label et animateurs de l’architecture et du patrimoine) ; - un comité technique, plus restreint, qui réunissait des représentants de la DRAC et de la DAPA, deux animateurs de l’architecture et du patrimoine et l’équipe de recherche. Nous tenons à remercier ici l’ensemble des personnes qui se sont impliquées dans ce travail, en particulier les membres des deux groupes de suivi qui ont accompagné l’ensemble de la démarche. 2 3 Voir la liste des personnes rencontrées en annexe. Voir le programme du séminaire en annexe. 8 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 ELEMENTS DE PROBLEMATIQUE Lorsque le ministère de la Culture et de la Communication met en place en 1985 un nouvel instrument de coopération entre l’Etat et les collectivités locales dans le domaine patrimonial, il inscrit ce geste dans un contexte marqué par trois grands dynamiques. - Dynamique de la décentralisation d’abord, dont le ministère a une approche particulière : il privilégie nettement la recherche de collaboration avec les collectivités territoriales plutôt que la définition de pans de compétences à leur transférer. - Dynamique du patrimoine ensuite. Certes, c’est sous le gouvernement de R. Barre qu’avait été instituée en 1980 une « année du patrimoine » et ce gouvernement, en tout cas ce ministère, passe encore en 1985 pour avoir d’autres priorités, la création et les « grandes opérations d’architecture et d’urbanisme » à Paris, par exemple. Mais les premières journées « portes ouvertes dans les monuments historiques », promues à un grand avenir, datent de 1984 ; les zones de protection du patrimoine architectural et urbain sont créées par la loi du 7 janvier 1983 sur la répartition des compétences ; les commissions régionales du patrimoine historique, archéologique et ethnologique (COREPHAE) voient le jour par le décret du 15 novembre 1984. Par ailleurs, les crédits accordés au patrimoine dans son ensemble se sont accrus. Tout ceci montre un certain intérêt pour le patrimoine qui reste cependant l’objet d’une querelle politique4. Cette dynamique répond à une « demande sociale de patrimoine » qui s’affirme avec force et en toutes directions : l’élargissement des pratiques culturelles suppose une représentation élargie de la culture et donc l’élargissement des pratiques patrimoniales suppose aussi une représentation élargie du patrimoine5. - Dynamique des territoires enfin, qui voit les collectivités développer leur action selon des principes nouveaux : généralisation de la contractualisation des politiques publiques, organisation des réseaux de partenariat, conception englobante de l’espace local, élaboration plus délibérative des projets…6 C’est en quelque sorte à la confluence de ces trois dynamiques qu’il faut saisir l’innovation qu’a été la création d’un label « Villes et Pays d’art et d’histoire ». Cette initiative s’inscrit dans un contexte où le patrimoine occupe une place grandissante dans les politiques territoriales7 (qu’elles soient régionales ou européennes), aussi bien dans leurs volets culturels que dans les volets 4 C. Mollard, Le 5e Pouvoir. La culture et l’Etat de Malraux à Lang, Paris, A. Colin, 1999. Parmi de très nombreux travaux, citons Alain Bourdin, Le patrimoine réinventé, Paris, PUF, 1984 ; Francine Bercé, Des monuments historiques au Patrimoine, Paris, Flammarion, 2000 ; Dominique Poulot (dir.), Patrimoine et modernité, Paris, L’Harmattan, 1998 ; Henri-Pierre Jeudy (dir.), Patrimoines en folie, ministère de la Culture et de la Communication, Coll. Ethnologie de la France, cahier 5, Paris, Editions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1990. 6 Le thème de la « nouvelle action publique » débute sa carrière dans les années 80, citons : Jean-Pierre Gaudin, Les nouvelles politiques urbaines, Paris, PUF, 1993 ; Anne-Cécile Douillet, Alain Faure (dir.), L’action publique territoriale, Grenoble, PUG, 2006. 7 Jean-Marc Ohnet, Jean-Michel Tobelem, Patrick Poncet, Fabrice Thuriot, « Décentralisation : les nouveaux espaces du patrimoine », Pouvoirs Locaux, n°63-IV, Paris, 2004. 5 9 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 sociaux, touristiques et économiques… Elle est également une forme de prise en compte de l’élargissement du champ patrimonial sensible depuis les années 1970, et une forme de réponse nécessaire en termes de politiques publiques, à l’attente pressante du corps social qui se manifeste dans les phénomènes de « patrimonialisation » et d’effervescence associative, particulièrement vifs depuis les années 1980 8. La politique des « Villes et Pays d’art et d’histoire », qui est avant tout une politique partenariale, doit être analysée dans toutes ses dimensions : c’est un label qui concerne la mise en valeur du patrimoine, autrement dit la « valorisation » ou plus largement l'animation du patrimoine, c’est-àdire un aspect moins connu et moins central que la sauvegarde ou la protection. Cette politique prend sens dans des territoires particuliers et précisément nommés : les villes et les pays. Il faut dire ici que, tout comme la notion de patrimoine, la notion de territoire est polysémique et renvoie à des critères de définition (géographiques, administratifs, identitaires, politiques, économiques, culturels...) qui, le plus souvent, ne sont pas liés au patrimoine. Cependant, la valorisation du patrimoine est volontiers placée au cœur des politiques de développement local. Elle est manifestement utilisée comme catalyseur d’une dynamique territoriale (c’est le cas des dispositifs comme les Pôles d’économie du patrimoine, les « Villes et Pays d’art et d’histoire », les Parcs naturels régionaux...) ; elle contribue encore plus fréquemment à la construction de territoires sur des espaces qui ne possèdent pas d’identité patrimoniale spécifique (dans certains contrats de développement en Rhône-Alpes par exemple). L’inflation d’équipements patrimoniaux (maisons de Pays ou de Parcs naturels régionaux, musées d’arts et traditions populaires, maisons de l’environnement, des savoir-faire…) qui se sont développés ces dernières années notamment en région Rhône-Alpes ont, dans la plupart des cas, été portés par des associations et des collectivités locales dans le cadre de procédures contractuelles. Ils traduisent eux aussi deux évolutions du champ patrimonial : l’élargissement continu de son champ de définition et la multiplication des acteurs impliqués. Si le patrimoine apparaît souvent comme une source de dépenses pour les collectivités, son ancrage dans le « local » le transforme en ressource nouvelle pour les territoires9. Il suscite de fortes attentes en termes de retombées économiques10 (attractivité pour les entreprises, les populations résidentes, les touristes), mais également symboliques11 (image et rayonnement du territoire) et sociales (source d’éducation, de citoyenneté, de lien social...). Ainsi après avoir été considéré comme produit, il est de plus en plus étudié en tant que ressource pour le 8 Voir Herve Glévarec, Guy Saez, Le patrimoine saisi par les associations, Paris, La documentation Française, 2002. 9 Voir Pierre-Antoine Landel, « Invention de patrimoines et construction des territoires », in Hervé Gumuchian, Bernard Pecqueur (dir), La ressource territoriale, Paris, Economica, 2007. 10 Xavier Greffe, La valeur économique du patrimoine (La demande et l’offre de monuments) Paris,, Anthropos, 1990 ; Régis Neyret (dir.), Le patrimoine atout du développement, Coll. Transversales II, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, Centre Jacques Cartier, 1992. 11 Jacques Le Goff (dir.), Patrimoine et passions identitaires, Paris, Fayard, Editions du Patrimoine, 1998 ; Patrice Beghain, Le patrimoine : culture et lien social, Paris, Presses de Sciences Po, La Bibliothèque du citoyen, 1998 ; André Micoud, Michel Péroni (dir.), Ce qui nous relie, Editions de l’Aube, La Tour d’Aigues, 2000 ; Jean-Pierre Saez (dir.), Identités, cultures et territoires, Paris, Desclée de Brouwer, 1995. 10 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 développement des territoires, selon des processus qui restent à expliciter dans quatre champs : la construction des territoires, leur structuration, l’émergence et la résolution des conflits et la création d’activités. Le label « Villes et Pays d’art et d’histoire » correspond également à une volonté de démocratiser l’accès au patrimoine, volonté qui mêle les aspirations sociales à l’élargissement du champ patrimonial, et le désir des autorités locales de développer de nouvelles pratiques de démocratisation sur la base de ce patrimoine. Cette double volonté de démocratisation doit composer avec le souci de garantir la qualité des visites proposées au plus grand nombre. Il faudra confronter cette démocratisation culturelle à différentes formes de participations démocratiques locales. En effet, animation du patrimoine et qualité de cette animation sont les principes à l’origine du renforcement du rôle de la médiation et de la professionnalisation des acteurs. Ceci s’est traduit par la création des postes d’animateur de l’architecture et du patrimoine sous le contrôle du ministère de la Culture, et de la formation contrôlée des guides conférenciers agréés par le ministère de la Culture. Cette professionnalisation n’est pas sans effet sur la modernisation des modalités d’accès et des formes de présentation du patrimoine. Elle pose en retour de difficiles problèmes de gestion des effectifs et des statuts des intervenants. Enfin, il faut souligner que le développement des synergies entre le patrimoine et les arts vivants (arts visuels, spectacle vivant) mises en oeuvre par les sites, et l'apport de ce type de stratégies transversales au développement artistique, culturel et territorial des territoires est en voie de banalisation. Il génère ses propres contraintes et contribue en même temps à mieux insérer la patrimoine dans un projet culturel global. Enjeux et questionnements proposés dans le cadre de l’enquête On le voit, les questions soulevées par l’évolution et le fonctionnement du label VPah sont nombreuses et particulièrement complexes. Cette complexité conduit naturellement à s’interroger sur la cohérence de toutes les dimensions convoquées, car des « désajustements » sont toujours possibles du fait même des évolutions contrastées que peuvent connaître les différentes dimensions de cette politique. Compte tenu de la vitalité qu’affiche ce label après plus de vingt ans d’existence, il est sans doute utile d’examiner plus à fond cette politique publique et ses évolutions, tant dans les villes que dans le monde rural. Nous nous sommes attachés à définir, parmi d’autres possibles, quatre grands axes de problématiques. Le premier concerne le label en tant que plan d’action commun à l’Etat et aux collectivités territoriales. En second lieu, il faut interroger les logiques symboliques qui informent sur les représentations des acteurs et définissent le cadre de leur action. Le troisième axe de questionnement concerne la matérialité même de l’intervention, c’est-à-dire la nature des objets patrimoniaux mobilisés dans le cadre des contrats VPah et leurs évolutions. Enfin, il s’agira d’analyser le système d’acteurs impliqués, leurs partenariats et les formes de gouvernance du label. Le premier axe considère l’élaboration et la mise en oeuvre du label comme un plan d’action partenarial. Ce partenariat s’exprime dans une convention passée entre les parties et dont le contenu est plus ou moins précis, plus ou moins contraignant. Si elle appartient à la vaste 11 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 catégorie des contrats entre autorités publiques, ici la convention n’est pas une simple entente sur des objectifs généraux ni, à l’inverse, un catalogue extrêmement détaillé des opérations à entreprendre, mais un accord sur des principes clairement exprimés d’une politique d’animation du patrimoine (par exemple, la notion de qualité de l’intervention des animateurs) telle que la conçoit l’Etat et un ensemble de caractéristiques territoriales, singulières par définition. En effet, une politique nationale d’animation du patrimoine n’a ici de sens que si elle permet aux collectivités territoriales détentrices de ce patrimoine de valoriser ce qui fait leur différence, c’està-dire en l’occurrence leur identité. C’est donc dans la rencontre entre ce plan national et les plans locaux, élaborés par chacune des collectivités candidates au label, que celles-ci deviennent à leur tour des acteurs de cette politique. La convention, dûment validée, donne la prérogative de se prévaloir du label « Ville et Pays d’art et d’histoire », mais aussi, et peut-être surtout, donne aux collectivités l’opportunité d’entrer dans un réseau d’action publique dont les caractéristiques doivent être spécifiées. Ce plan d’action n’est possible et pensable que s’il s’articule sur une logique symbolique partagée. Nous cherchons à mettre en relief les constructions symboliques qui assurent une certaine densité au réseau constitué et une certaine cohérence au plan d’action. On sait que les représentations du patrimoine varient fortement dans le temps, dans l’espace, et selon les acteurs. Une politique publique ne peut naître non seulement sans accord de volonté, mais aussi, et là également surtout, sans le partage de références ou de croyances communes. Agir ensemble, oui, mais agir ensemble selon un certain ordre de valeurs, pour défendre certaines conceptions du patrimoine, de son rapport aux mondes sociaux dans lesquels il se déploie devient ici fondamental. Ces références renseignent sur les motivations des acteurs et sur les choix opérationnels qu’ils effectuent. Cependant, elles ne sont pas une donnée immédiate : elles s’élaborent lentement, cherchent à entrer en cohérence avec des références contextuelles plus globales (quelle démocratie urbaine ? quel développement territorial ?). Notre travail ne consiste pourtant pas à établir un catalogue des références patrimoniales que les acteurs rhône-alpins mettent en jeu, mais à comprendre ce qui fait sens pour eux et à montrer comment ce sens guide l’action, ou la freine. Quand un responsable d’un pays rural et un responsable d’une ville déclarent « nous n’avons pas de patrimoine ici », que veulent-ils dire ? Disent-ils la même chose ? Quel est le rapport entre ce qu’ils pensent de ce patrimoine (pour eux absent) et ce qu’ils font réellement ? Analyser la logique symbolique du (des) patrimoine(s) nous met ainsi sur la voie des constructions imaginaires des acteurs12, qui façonnent, par l’action patrimoniale, l’identité des communautés sociales que sont les villes et les pays. On s’interrogera ici sur la façon dont le label peut participer à la redécouverte, à la réinvention d’un patrimoine au sens large, ce qui peut amener à « institutionnaliser » plus fortement ce patrimoine ou inciter à le protéger. Ce plan d’action est relatif à une matérialité. Notre troisième axe de questionnement porte sur les objets mobilisés dans le cadre du label. Il s’agit d’identifier la nature des objets patrimoniaux sélectionnés dans le cadre des VPah, de caractériser les évolutions et de tenter d’expliciter les processus de sélection opérés par les acteurs. Au niveau des pays, il semble intéressant de bien pouvoir appréhender ce qui, en amont, a conduit les acteurs à choisir le patrimoine comme ressource pour le développement du territoire. Il s’agit aussi de repérer les logiques en présence au travers de différentes questions : qui a été à l'initiative de la demande de labellisation ? Quelles ont été les modalités pratiques de l'élaboration de la convention ? Y a-t-il 12 Nous nous inspirons ici des hypothèses de Benedict Anderson, L’imaginaire national, Paris, La Découverte, 2002. 12 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 divergences ou convergences de perceptions et d'attentes entre les animateurs, les élus, les responsables ministériels, en termes de bénéfices escomptés par l'obtention du label, mais aussi de moyens à mettre en place, pour quels résultats et dans quels délais ? Mais la question de la matérialité du label ne se limite pas aux seuls objets patrimoniaux. Une idée-forte du plan d’action national est la création, dans chaque site labellisé, d’un centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine (CIAP), c’est-à-dire d’un équipement culturel d’un type nouveau qui va être à la fois un objet matériel ayant certaines propriétés et un objet de symbolisation de la politique d’animation du patrimoine. Il convient donc d’être vigilant quant à la carrière de ce nouvel objet, à ses usages, aux significations qu’il revêt. Enfin un plan d’action est lié aux acteurs qui s’impliquent dans son élaboration et sa mise en oeuvre. C’est cette dernière dimension que nous privilégierons pour comprendre la dynamique de développement des partenariats. Sommes-nous en présence d’un monde social très fragmenté, où diverses catégories d’acteurs poursuivent des buts particuliers en instrumentalisant le label autant qu’ils le peuvent ? Voyons-nous, au contraire, se constituer un véritable système d’acteurs qui tente de surmonter les obstacles pour installer le label dans une situation politique et administrative plus sûre ? Répondre à ces questions suppose d’une part, de considérer le positionnement et l’équilibre des rôles entre les partenaires, la place occupée par les élus locaux dans ce dispositif, la contribution des VPah dans la consolidation des partenariats avec les professionnels des différents secteurs concernés (tourisme, éducation, aménagement urbain...), l’analyse des relations entre publics et professionnels. D’autre part, il faut porter une attention particulière à l’articulation entre les VPah et d’autres politiques patrimoniales (Inventaire, PNR, PEP13, secteurs sauvegardés...) menées par les partenaires publics (Région, Département notamment). En définitive, de la force et de la cohérence de la gouvernance mise en place dépend la capacité du label VPah à fédérer en vue d’une approche plus globale du patrimoine, dépend également la capacité des élus locaux à renforcer le décloisonnement des politiques du patrimoine et la transversalité avec d’autres politiques (aménagement urbain, développement touristique, éducation artistique...). À travers l’orientation problématique que nous venons d’esquisser, nous pensons éclairer les différents niveaux de problèmes que se posent les acteurs. Des problèmes pratiques comme les besoins en formation des professionnels, les méthodes d’évaluation des actions, les modes d’animation des projets selon les publics, la visibilité et l’attractivité du label par une politique de communication des sites. Des problèmes structurels comme la dynamique du réseau dans la région et au plan national, l’articulation entre une dynamique d’action publique innovante parce que transversale et les pesanteurs liées à des systèmes administratifs encore trop fortement sectorisés. Des problèmes cognitifs posés par le concours qu’apporte le label à la construction d’une identité territoriale, à la connaissance (de type historique et esthétique) d’un environnement, à l’appropriation de son espace local et à la compréhension des enjeux dont il est l’objet. 13 DATAR, ministère de la Culure et de la Communication (DAPA), Pays d’art et d’histoire et Pôles d’économie du patrimoine, Paris, La Documentation française, 2001. 13 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Quelques hypothèses de travail Nous insisterons, pour finir, sur les quelques hypothèses que nous pouvons formuler pour préciser notre recherche. La problématique du projet VPah pourrait être interrogée à un double niveau (le rapport, la « coïncidence » entre les deux pouvant être révélateur) : telle qu’elle a été (ou est encore ?) pensée dans l’élaboration du projet, et telle qu’elle est mobilisée au quotidien, au travers des patrimoines sélectionnés. On peut d’ailleurs se demander si, au fil des années, il n’existe pas une tendance à rechercher une plus grande légitimation en termes de cohésion territoriale plutôt que de valorisation du patrimoine. On peut également émettre l’hypothèse selon laquelle les modalités de mobilisation et l’effet recherché n’introduisent pas une disparité entre les pays et les villes. Il faut alors se demander si les pays ne sont pas davantage centrés sur une dynamique de développement local tandis que les villes s’inscrivent plutôt dans une logique d’image, cet « effet d’image » étant lui-même différent d’un pôle à un autre. L’effet de levier du label doit être apprécié tant du point de vue des retombées (territoriales, économiques, sociétales) que des attentes des acteurs : le label comme gage de qualité, comme opportunité de coordination saisie par les acteurs territoriaux, outil de communication au service d’une politique de territoire. Mais on peut se demander si les acteurs se saisissent réellement de ces questions en construisant des outils d’observation et de mesure de leur action ou s’ils se contentent d’une rhétorique bien rodée. Le label VPah constitue-t-il un tremplin favorisant a posteriori la mise en place d’une politique de protection (création d’une ZPPAUP, d’un secteur sauvegardé) ou constitue-t-il une alternative à une politique de protection perçue comme trop stricte ou restrictive (protection Monument Historique par exemple) ? Cette question des effets institutionnels rejoint celle de la politique du réseau et de l’intégration réticulaire (exemple : association des VPah et villes à secteur sauvegardé) – réseau de protection, de gestion, de valorisation, et celle de l’emboîtement des échelles d’action et des périmètres territoriaux. Le label, en tant que référentiel, participe à un processus de normalisation et de professionnalisation. Il participe à l’interrogation sur la norme énoncée par les professionnels, la vision de ce qui « fait » patrimoine selon les spécialistes et les modalités de mise en valeur. Le développement de thématiques transversales, pluridisciplinaires, autour des questions urbanistiques, architecturales et de notions comme celle d’espace public, le développement des modalités de communication autour du patrimoine, toutes ces notions portées par les professionnels semblent être très ambitieuses (trop ?) par rapport à la réalité de cette professionnalisation. Une forme de sous dimensionnement des services et de persistance de problèmes liés au statut des professionnels semblent relativiser cette ambition. Enfin, la question des interactions entre les nouvelles modalités d'organisation induites et/ou souhaitées par la décentralisation et la mobilisation du label VPah pourrait être un facteur d’évolution non seulement du label VPah comme outil pertinent dans une perspective d’intégration plus forte des différents aspects de la chaîne patrimoniale, mais aussi comme 14 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 instrument privilégié d’une ré-allocation des compétences des acteurs institutionnels (Etat, Région, Département, ville) autour du patrimoine. Mais on est déjà ici dans le domaine de la prospective. Les Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes En Rhône-Alpes, le label « Villes et Pays d’art et d’histoire » concerne dix sites : les villes d’Albertville, Chambéry, St-Etienne, Valence et Vienne, l’agglomération d’Annecy, les pays du Forez, des Trois Vals – Lac de Paladru, de la Vallée d’Abondance, et des Hautes vallées de Savoie. Ces dix sites présentent un bon équilibre entre villes et pays. Les deux Départements de Savoie laissent apparaître une concentration de sites existants ou potentiels (Aix les Bains), le nord et le sud de la région restent relativement vierges. Les candidatures de la Communauté de communes Saône Vallée (01), de la Vallée de la Galaure (26) et de l’Ardèche méridionale (07) devraient rééquilibrer la situation. Alors que les villes restent, à l’exception de Saint-Etienne, des villes moyennes, les pays sont très hétérogènes, avec des tailles différentes selon la nature des structures porteuses du label. 15 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 16 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 I. LE LABEL VPAH COMME PLAN D’ACTION Dans ce chapitre, nous nous concentrerons sur les caractères généraux du label dans la mesure où ils configurent un projet, un plan d’action. Ce plan n’est pas identique à lui-même dans le temps. Créé en 1985 14 sous l’impulsion de Max Querrien, alors directeur de la Caisse nationale des monuments et de sites, le label est protégé par son dépôt à l’Institut national de la protection industrielle. Un décret du 28 janvier 1994 décide de décharger la CNMHS de la gestion du label qui est confiée à un Bureau de l’action culturelle de la Direction du patrimoine alors sous l’autorité de Maryvonne de Saint-Pulgent. L’année suivante, un Conseil national des Villes et Pays d’art et d’histoire voit le jour, étape nécessaire pour évaluer de manière pluraliste15 les dossiers de candidature et formuler un avis. Les prérogatives des Directions régionales des affaires culturelles ont, elles, été spécifiées par la loi sur l’administration territoriale de la République et la charte de la déconcentration du 1er juillet 1992. Lors de la réorganisation de la Direction, devenue DAPA en 1998 avec l’intégration de la Direction de l’architecture (raccrochée au ministère de la Culture en 1995), c’est un Bureau des réseaux et partenariats (devenu aujourd’hui Bureau de la diffusion) qui gère le label. Les objectifs que poursuit l’Etat évoluent en fonction des changements du cadre institutionnel ; ils évoluent également en fonction des positions changeantes de ses partenaires. Etat et collectivités territoriales, malgré l’asymétrie de leurs positions quant à la définition des composantes du plan d’action, sont dans une relation d’interdépendance. Ceci nous incite à penser leur relation dans le cadre d’un échange politique16. La ressource principale de l’Etat réside dans son offre de label, celle des collectivités dans la capacité à mobiliser des moyens humains et matériels pour faire vivre le label et lui donner un sens en fonction des considérations et priorités locales17. On verra qu’il n’y a pas d’opposition entre les plans d’action de l’Etat et ceux des collectivités ; on remarque plutôt un écart qui tient à la différence des logiques que produit la dynamique locale elle-même. Mais avec le temps, le plan national est à son tour parfaitement capable d’intégrer des dimensions produites par cette dynamique locale. On verra aussi que le label met en place des formes d’obligations au statut bien différent. Il paraît ainsi plus facile de s’accorder sur des principes généraux (démocratisation, élargissement du patrimoine) que de respecter des dispositions plus précises (par exemple, l’obligation de réunir une commission de coordination ou de s’engager à équiper un centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine). Le socle de 14 Dès 1967, la CNMHS avait attribué par convention une appellation de « Villes d’art » aux Villes souhaitant mettre en valeur leur centres anciens en offrant aux touristes des visites de qualité menées par des guides conférenciers compétents, c’est-à-dire ayant reçu une formation et étant agréés par le ministère de la Culture. En 1985, l’objectif était que la plupart des Villes d’art (une soixantaine) se transforme en VAH, processus qui est loin d’être achevé. 15 Le CNVPAH est composé de 4 représentants des ministères intéressés au développement du patrimoine, de 4 élus locaux et de 4 personnalités qualifiées. 16 On renvoie ici aux travaux d’Emmanuel Négrier, Bernard Jouve (dir.), Que gouvernent les régions d’Europe ?, Paris, L’Harmattan, Logiques Politiques, 1998. Voir particulièrement Bernard Jouve, « D’une mobilisation à l’autre. Dynamique de l’échange politique territorialisé en Rhône-Alpes ». 17 Notons ici la création en 2001 de l’Association nationale des Villes et Pays d’art et d’histoire (rejointe par les Villes à secteur sauvegardé depuis 2003) qui regroupe les élus de certains sites labellisés (cf. plus loin 3.5). 17 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 l’accord, et la raison ultime du label, demeure la certification par l’Etat des compétences techniques des professionnels, animateurs de l’architecture et du patrimoine et guides conférenciers. Nous traiterons de ces thèmes en nous intéressant dans un premier temps à la construction du référentiel qui donne son sens au plan d’action national, puis nous verrons la structuration des plans d’action locaux à travers leurs dimensions temporelles et territoriales. 1.1. Un plan d’action national pour construire un référentiel Élargissement du patrimoine, démocratisation, professionnalisation L’extension du champ patrimonial, discernable chez quelques esprits avant les années 80, est inséparable des tentatives d’institutionnalisation d’une conception élargie de la culture après la victoire de la gauche en 1981. Jack Lang, alors ministre de la Culture, a cherché cet élargissement dans différents domaines, comme en témoigne la série de rapports qu’il a alors commandés : ouverture vers le monde économique, le monde du travail, les musiques « actuelles » etc. En ce qui concerne le patrimoine, le rapport commandé à Max Querrien Pour une nouvelle politique du patrimoine ne fait pas exception à la règle. « Nouvelle politique » doit s’entendre aussi bien par rapport au contenu de la notion de patrimoine que l’on veut rendre « familier à la population tout entière » 18 , que l’on conçoit comme s’ajoutant à la liste des droits de l’homme et s’étendant aux « confins du visible, de l’acceptable et du nécessaire »19. Cette extension à ce qu’on appelle justement les « nouveaux patrimoines » a provoqué une interrogation passionnée, loin d’être épuisée, qui a déplacé la réflexion vers le processus de patrimonialisation, « la mise en patrimoine » alors que l’accent était traditionnellement porté sur les opérations visant les objets patrimoniaux et leurs significations. Il s’agit de réaliser l’idée que « la totalité de la culture matérielle et symbolique est potentiellement patrimonialisable sur le modèle d’un héritage » 20. Ceci s’est traduit concrètement par la prise en compte de mémoires et d’objets extrêmement diversifiés, la prise en compte des promoteurs de ces mémoires et des promoteurs de la patrimonialisation au rang d’acteurs intervenant d’une manière plus ou moins intense dans la politique patrimoniale. Les changements apparus dans la dynamique patrimoniale et dans les rapports entre celle-ci et la culture ont fait l’objet de nombreuses études21. On retiendra, en ce qui nous concerne, le déplacement de l’intérêt du monument historique à la ville (le monument contesté, la ville patrimonialisée, dit Lamy), patrimonialisation qu’il faut étendre plus généralement à d’autres territoires que celui de la ville. Il y a là selon nous, une clé de lecture féconde pour appréhender l’évolution du label VPah. On y voit à l’oeuvre le double effet de la 18 Max Querrien, Pour une nouvelle politique du patrimoine. Rapport au ministre de la Culture, Paris, La documentation Française, 1982, p.7. 19 Jean-Yves Andrieux, Patrimoine et histoire, Paris, Belin, 1997, p. 26. 20 Yvon Lamy a très justement indiqué que ce changement s’inscrit en réalité dans le principe de démocratisation, principe fondateur de la politique culturelle française. 21 Pour une synthèse, voir Yvon Lamy, L’Alchimie du patrimoine, Toulouse, MSH Aquitaine, 1996. 18 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 patrimonialisation du territoire et de la territorialisation du patrimoine. Rien n’exprime mieux cette dynamique que l’entrée en scène de ce qu’on appelle des « territoires de projets » comme partenaires d’une action patrimoniale avec l’Etat, ce qui a conduit à intégrer dans le label la formule « Pays d’art et d’histoire » Par cette formule sont également désignées toutes les modalités de la politique patrimoniale, la structuration de l’action publique par des normes et des systèmes d’acteurs en rupture avec ceux du passé. Il s’agit non seulement de faire une place dans l’action publique aux nouveaux acteurs qui réclament d’être pris en compte, mais aussi d’établir des procédures qui correspondent aux attentes et aux intérêts d’une pluralité d’acteurs dans le contexte général de l’époque, la décentralisation. Si l’on veut que le patrimoine soit familier à la population tout entière, il faut encore trouver les médiations qui rendent possible cette proximité. On peut la rechercher du côté des associations ; c’est ce que l’administration culturelle a toujours fait pour accompagner l’émergence de nouvelles pratiques, mais on a affaire ici à un monde foisonnant, divisé et fort peu organisé22. On les trouvera plus sûrement du côté des collectivités territoriales, partenaires désignés de la politique de développement culturel qui se met en place à partir de 1982. Faire advenir cette familiarité pour le plus grand nombre, c’est aussi, fort logiquement, se tourner vers les expériences qui se sont déjà déroulées dans d’autres champs du domaine culturel. Faciliter le contact avec le patrimoine, développer sa connaissance et son appropriation, le rendre non seulement objectif mais désirable, socialement accessible, c’est en fait retrouver toute la problématique de l’animation culturelle. Transférée au domaine du patrimoine, — au passage, les professionnels (animateurs de l’architecture et du patrimoine) y gagnent une appellation conventionnelle qui ne les satisfait toujours pas —, l’animation devient une nouvelle composante de la chaîne patrimoniale. Dernière venue, celle-ci n’est pas toujours bien accueillie, et elle restera marginale si l’on en juge par les moyens qui lui sont accordés. Il faut insister sur cette marginalité de l’animation dans la conception nationale de la politique culturelle. Le rapport Bady 23, Pour une politique nationale du patrimoine par exemple, ne lui accorde que peu d’attention. Par essence pourrait-on dire, l’animation relève des politiques locales. On notera que le même transfert de savoir-faire a eu lieu de l’action culturelle vers le domaine des musées, mais qu’ici il a été assez profondément transformé. Par exemple, dans les musées, on évite soigneusement le terme d’animation, lui préférant celui de médiation, plus moderne et plus légitimé aux yeux des acteurs culturels24. Entretenir un « dialogue » entre l’objet patrimonial et celui qui souhaite s’en saisir, c’est en cela que consiste une politique d’animation, qu’il faut élaborer à partir des années 80 puisqu’elle n’existe pas. Le terme de médiation est cependant en voie de généralisation dans les documents de la DAPA. On y parle certes toujours des animateurs de l’architecture et du patrimoine25, mais on leur assigne désormais une mission de médiation. La DAPA a d’ailleurs 22 Cf. Hervé Glévarec, Guy Saez, op. cit. Jean-Pierre Bady, Marc Sanson, Réflexions et propositions pour une politique nationale du patrimoine (Etat, collectivités territoriales et secteur privé), Paris, La documentation Française, 2002. 24 La médiation culturelle dans les musées va faire l’objet d’une théorisation, encouragée par la Délégation au développement et aux formations du ministère de la Culture dans les années 90. Elle a pris pour support la revue Public(s) et musées. Voir également le travail d’Elisabeth Caillet, A l’approche du musée la médiation culturelle, Lyon, PUL, 1992. 25 Dans les documents écrits, la mention à l’architecture est systématique depuis le début des années 2000 ; il n’est pas passé dans la langue courante. Pour être plus juste le titre devrait être animateur de 23 19 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 proposé une définition adaptée de la médiation comme une « intervention qui se situe entre le patrimoine et les publics, avec la volonté de contribuer, aussi bien à favoriser le moment de plaisir de la découverte ou un temps de délectation, qu’à faciliter le travail d’appropriation des connaissances » 26… Quel pourrait être le fondement de cette politique d’animation sinon le principe de démocratisation ? A condition de le mobiliser tel qu’il a toujours été entendu au ministère de la Culture, c’est-à-dire comme un processus qui doit nécessairement reposer sur l’exigence de la plus haute qualité27. Démocratisation et qualité, on reconnaît là l’alliage paradoxal de la politique culturelle de Malraux, régulièrement dénoncé comme impossible ou utopique, mais qui se révèle finalement durable, sinon inoxydable. Ce principe laisse en tout cas une empreinte institutionnelle profonde au delà des changements politiques et c’est lui qui ressurgit, tel le phénix de ses cendres, pour légitimer de nouvelles politiques ou de nouveaux programmes. Tel est le cas ici pour le label VPah. La traduction de l’exigence de qualité s’apprécie à plusieurs niveaux. D’abord, on labellise des sites qui, bien entendu, ont un patrimoine de qualité et ont fait des efforts pour sa protection. C’est en ce sens que le Conseil national doit juger des projets qui lui sont soumis. Ensuite, et c’est ici que la DAPA exprime toute sa responsabilité, on labellise à condition que l’encadrement soit pris en charge par des personnels spécifiquement formés. Les animateurs de l’architecture et du patrimoine sont recrutés sur des critères de diplôme et par un concours national. Les guides conférenciers doivent eux-mêmes être agréés par l’Etat à la suite d’un examen. Développement local Le principe de démocratisation combiné à l’animation, la recherche d’une proximité sociale, satisfait une orientation actuelle bien résumée par Patrice Béghain quand il écrit « notre conception et notre pratique du patrimoine (…) se sont élargies à la prise en compte des communautés concernées. Cette évolution (…) sanctionne une articulation nouvelle entre le concept de patrimoine et la notion de territoire, et replace la demande patrimoniale au coeur des enjeux collectifs » 28. Quels pourraient être ces enjeux collectifs pour le label VPah, en plus ou à côté de la démocratisation ? Dans le rapport sur L’Impératif culturel publié en 198229, il est très clairement indiqué que la dimension économique de la culture devrait être systématiquement recherchée, point de vue que Jack Lang avait spectaculairement argumenté lors de la conférence de Mexico le 27 juillet 1982 en proclamant « économie et culture, même combat ». Un tabou de la politique culturelle tombait avec ce slogan. L’idéologie entrepreneuriale qui se répand dans le pays au cours des années 80 fera le reste : il n’est plus inconvenant ou politiquement incorrect de rechercher à travers l’investissement culturel des retombées économiques, ou, de manière plus l’architecture, du patrimoine et du paysage, appellation qui serait trop longue et confuse, d’où l’urgence de la changer complètement ! 26 Cette définition tirée de Daniel Jacobi, la Communication scientifique ; discours, figures, modèles, Grenoble, PUG, 1999, figure dans le guide des CIAP édité par le ministère de la Culture en 2007. 27 Voir Philippe Urfalino, L’invention de la politique culturelle, Paris, La Documentation française, 1996 ; Guy Saez, article « Démocratisation », Dictionnaire des politiques culturelles, Paris, Larousse, CNRS Editions, 2001. 28 Patrice Béghain, Le patrimoine, culture et lien social, Paris, Presses de Sciences po, 1998, p. 59. 29 Marc Guillaume, L’Impératif culturel, Paris, La documentation Française, 1983. 20 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 générale, des effets de développement territorial. Une économie du patrimoine se met en place : « c’est un extraordinaire potentiel de développement » dit un chef d’entreprise30, « c’est un atout du développement » renchérit Régis Neyret, figure lyonnaise de la cause patrimoniale31... Un consensus peut s’établir sur ces bases. L’introduction du patrimoine dans la problématique du développement local va se complexifier pour aller bien au delà des simples considérations économiques. On ne recherche pas seulement des bénéfices directs ou indirects32, on souhaite inscrire le patrimoine dans un développement que l’on peut, justement, qualifier de durable. Mais cette orientation prometteuse n’empêche pas de faire preuve de réalisme et il faut comprendre en ce sens l’avertissement de Xavier Greffe selon qui « les liens de causalité entre la mise en valeur du patrimoine, et les effets dus au développement peuvent être partiels ou factices » 33. Si on ne peut pas affirmer que ce réalisme a mortellement atteint les espoirs de gains économiques à partir de la valeur d’échange des biens patrimoniaux, il a sûrement renforcé l’intérêt pour leur valeur d’usage. Selon Xavier Greffe : « Le label n’est donc pas, en lui même, générateur de tourisme et l’augmentation des touristes ne serait donc pas le fruit du label mais l’effet de la mise en place par les villes d’une offre de visites plus large »34. On peut expliquer ainsi le fait que les conventions proposées aujourd’hui insistent davantage sur les services que le label peut offrir aux habitants plutôt qu’aux touristes d’une part, et sur les questions de l’architecture et de l’urbanisme contemporain d’autre part. Ce sont là des évolutions significatives du plan d’action national. On y retrouve la propension classique des acteurs du patrimoine à privilégier une approche « culturelle » plutôt que « touristique » et l’effet de la fusion des administrations du patrimoine et de l’architecture dans la DAPA qui explique l’attention portée aux pratiques urbaines des habitants. On est donc bien loin de dispositifs anciens comme les conventions appelées « Villes d’art » que la CNMHS avait initiées pour assurer une plus grande qualité aux visites organisées par les villes, essentiellement à destination des touristes. En créant le nouveau label, la CNMHS a souhaité se moderniser, s’ouvrir à des nouveaux publics, élargir sa conception du patrimoine. En résumé, elle a cherché à être en phase avec les nouvelles orientations de la politique culturelle de l’Etat décidée depuis 1981. Contractualisation On vient de détailler les principaux éléments référentiels qui composent le plan d’action du ministère : conception élargie du patrimoine, volonté de le faire connaître par une politique d’animation, principe de démocratisation et de qualité des professionnels, orientation culturelle et citoyenne plutôt que touristique. Mais tout ceci resterait à l’état de potentialité si on ne trouvait pas la formule qui peut les mettre en mouvement et enclencher une dynamique qui passe du plan formel à l’action réelle. La formule est celle du partenariat entre l’Etat et les collectivités territoriales et de la contractualisation qui le matérialise. Les conventions de développement culturel (CDC) dont le ministère a fait le pivot de son intervention, en reprenant et en généralisant 30 Roger Fauroux, Patrimoine et société contemporaine, Paris, Ministère de la culture, 1986, p. 2. Régis Neyret, Le patrimoine atout du développement, Lyon, PUL, 1992. 32 Voir sur ce point Xavier Greffe, La valorisation économique du patrimoine, Paris, La Documentation française, 2003. L’auteur émet des réserves quant à l’utilisation de « l’effet multiplicateur » p. 232. 33 Idem, p. 233. 34 Idem, p. 339. 31 21 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 la méthode des chartes initiées par Michel Guy en 1974, servent ici de modèle. Les CDC ont connu un succès croissant qui est dû à la fois au contexte ouvert par la décentralisation, à la reconnaissance du rôle et des capacités des équipes locales d’un côté, et de l’autre à la reconnaissance de l’expertise légitime du ministère et donc à sa fonction de pilotage. Cette reconnaissance mutuelle des acteurs, la connaissance réciproque de leurs objectifs et moyens sont les supports indispensables d’un accord de volonté sur la politique à entreprendre. Pour les collectivités territoriales, les CDC apparaissent également comme une opportunité pour entreprendre un diagnostic complet de la politique culturelle locale, confronter l’analyse qui en est faite au regard d’experts extérieurs, mobiliser les acteurs locaux afin qu’ils se concertent et établissent des priorités et des stratégies à long terme. Le succès des CDC repose en grande partie sur la pédagogie de l’action publique qu’elles mettent en œuvre. La méthode adoptée à partir de 1985 dans le domaine de la valorisation du patrimoine emprunte aux CDC la plupart de leurs caractères. De ce point de vue, on peut dire que la convention « Ville et Pays d’art et d’histoire » est dans la ligne de l’action publique culturelle depuis les années 80. Elle s’en écarte pourtant sur quelques points, ce qui lui confère toute son originalité. L’objet du contrat est de s’accorder sur une politique patrimoniale partagée, mais il va bien au delà. Il est en effet de décerner un label, c’est-à-dire de proposer aux collectivités une offre qui comporte des contraintes. Il ne s’agit pas d’un contrat de type gré à gré, mais d’un engagement spécifié et circonstancié pour le contractant local à souscrire à des obligations décidées et (en principe) contrôlées par le contractant national. Solliciter le label, c’est reconnaître la nécessité et l’intérêt de ces contraintes et s’engager (en principe) à les respecter. Certains ont vu dans ce dispositif une forte obligation à passer « sous les fourches caudines des services de la culture » 35. On peut à l’inverse faire l’hypothèse que ces conventions dessinent un cadre essentiellement rhétorique où dérogations, compromis, indifférence, vident les obligations de leur substance. Une hypothèse médiane peut ne pas être dénuée d’intérêt : la contrainte peut être forte au moment de la signature de la convention et beaucoup plus douce, au point de disparaître, dès lors que la convention est signée. Aucune de ces hypothèses ne peut être écartée, comme nous le verrons au cours de l’étude. Le partenariat proposé est donc d’une nature particulière. Il ne s’agit certes pas d’imposer une norme à toutes les collectivités puisque chacune a le choix de solliciter le label ou d’en rester à l’écart. Mais il ne s’agit pas non plus, comme l’énonce souvent le discours ministériel « d’accompagner » simplement les collectivités ou de « reconnaître » leurs politiques patrimoniales puisque le label comporte bien des obligations précises et opposables à chacun. Cette configuration particulière confère au label une identité que le ministère a souhaité protéger puisqu’il l’a déposé à l’Institut national de la protection industrielle en 1986. On ajoutera que même si les subventions du ministère qui accompagnent la signature de la convention ne sont pas une motivation décisive, elles ne doivent cependant pas être négligées dans le cas des collectivités aux ressources modestes. Ainsi, proposition, incitation, négociation et imposition sont-ils ici inextricablement liés. Tout cet ensemble de références36, s’il paraît cohérent avec les principes d’une action publique culturelle et en phase avec les attentes de ses différents acteurs, ne prend véritablement son sens 35 Jean-Michel Leniaud, La mauvaise conscience patrimoniale, Le Débat, 1994, n°8, p. 172. Ces éléments référentiels sont complétés par des dispositifs particuliers qui seront traités plus loin, mais qu’il faut rappeler : une communication nationale destinée à mieux faire connaître le label (logo, brochures 36 22 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 que dans son articulation aux plans d’action locaux. C’est donc sur ces plans et la stratégie commune que développent l’Etat et les collectivités territoriales qu’il faut se pencher maintenant. 1.2. Des plans d’action territoriaux On vient de décrire ce qui permet de caractériser le label comme un plan d’action national. Qu’en est-il maintenant des plans d’action territoriaux ? On doit en effet présumer leur existence si l’on veut rester dans le paradigme de la coopération et du partenariat. Il convient donc de s’intéresser à la manière dont se rencontrent ces deux catégories de plans et aux interactions qu’ils produisent. La préparation d’une convention culturelle est, idéalement, le moment que la collectivité met à profit pour organiser un processus d’élaboration ou de recomposition de sa politique culturelle. Dans cette perspective, la préparation d’une convention VPah se conçoit comme le moment de la mise en cohérence des divers aspects d’une politique patrimoniale locale dans ses rapports avec l’ensemble des autres acteurs. Chacun insiste sur ce point : la DAPA et la DRAC font de ce travail en amont une garantie de la mobilisation et de l’engagement des élus ; pour ceux-ci, c’est l’assurance de l’adéquation entre ce projet et les autres initiatives locales, et de sa pertinence sociale. A défaut d’une analyse approfondie de la genèse des conventions, nous avons cherché à travers les documents existants et les entretiens menés sur le terrain, en quoi les conventions témoignent de la réalité d’un plan d’action local, en faisant ressortir les deux dimensions qui structurent cette évolution. La dimension temporelle Les plans d’action, tels qu’ils sont définis par chaque site au moment de la candidature ou du renouvellement du label, accusent de fortes différences. Ainsi, entre les débuts de l’existence du label en 1985 et les années 2000, les conventions ont notablement évolué. Cette évolution est particulièrement sensible lorsque le site, anciennement labellisé, demande son renouvellement ou l’extension de son périmètre. Dans notre échantillon, les premières conventions de villes — Valence, 21 janvier 1985, Chambéry, 3 décembre 1985 et même Vienne, 5 février 1990 — ne nous renseignent que très médiocrement sur le projet local. La dimension touristique est mise en avant ; on y insiste sur la qualité des visites et sur des actions en milieu scolaire. Les autres habitants ne sont pas pris en considération, sauf à Chambéry qui prévoit des conférences « destinées à la population locale et aux associations ». Et, en guise de programme, on trouve une liste des points forts du patrimoine local « traditionnel » — sauf, là encore, à Chambéry qui place etc.) et la mise en place d’un réseau d’échanges entre les responsables de sites (assises nationales, réunions de travail, revue interne, etc.). Ce réseau ne doit pas se confondre avec celui de l’association nationale des villes et pays d’art et d’histoire et des villes à secteurs sauvegardés, émanation d’élus locaux, dont il sera également question plus loin. 23 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 « l’architecture contemporaine et la vie quotidienne » parmi ses thèmes prioritaires — et un catalogue d’activités. Figure déjà dans le plan d’action, la promesse d’organiser une « exposition permanente sur le patrimoine » (Valence) ou dans un local spécialement aménagé (Vienne). La lecture des premières conventions fait apparaître un aspect un peu figé de « statut type » qui révèle un manque de distance des collectivités à l’égard de l’offre ministérielle et on ne peut déceler en quoi une identité locale ou un projet original s’exprime à travers elles. On relèvera que ces conventions sont signées par le Président de la CNMHS, Max Querrien à cette époque, et que deux des villes signataires sont dirigées par des personnalités socialistes (Rodolphe Pesce à Valence et Louis Mermaz à Vienne). La position occupée par les signataires confère aux conventions de cette époque une symbolique politique que les conventions plus récentes n’ont plus. On le remarque également dans le cas des deux conventions de pays. Celle de Paladru est signée, comme il se doit, par le président de la CNMHS qui se trouve être l’ancien responsable des chantiers archéologiques du lac de Paladru, et le président de la maison de pays et les maires des communes adhérentes. On ne s’étonnera donc pas que le projet soit très centré sur le Moyenâge et l’archéologie subaquatique. Celle des deux vallées Maurienne-Tarentaise est signée le 5 décembre 1991 entre le directeur de la CNMHS et la fondation FACIM représentée par son président (et président du conseil général), Michel Barnier, en présence, fait exceptionnel, du ministre de la Culture Jack Lang. Une première évolution se remarque dans la convention signée le 21 avril 1998 par le pays du Forez représenté par une Société mixte d’aménagement du Forez et la CNMHS. En raison des évolutions liées à la déconcentration, la signature des conventions a été tranférée à partir de 1995 de la CNMHS aux Préfets. Désormais, c’est le Préfet qui est l’autorité habilitée à représenter l’Etat en région et c’est par lui que passent les dossiers. Pour la signature le 12 décembre 2000, de la convention de la ville de Saint-Etienne, représentée par son maire Michel Thiollière, le Préfet de la Loire représente l’Etat en présence de la DRAC. La convention du Forez tranche nettement avec les précédentes dans la mesure où elle met l’accent sur « la richesse et l’abondance des savoir-faire, du petit patrimoine mobilier et bâti et la diversité des paysages ». Elle prend acte de l’élargissement du patrimoine mais aussi de la logique de développement local en faisant du public touristique sa priorité. La rédaction de la charte fait penser à un « contrat de développement local » tel que les rédacteurs ont l’habitude de les écrire pour candidater devant les autorités régionales ou européennes plutôt qu’à une convention culturelle. La convention de Saint-Etienne est la première dans la région Rhône –Alpes qui soit aussi étoffée. Un préambule donne des indications sur le label et la DAPA fournit une définition du patrimoine comme « l’ensemble du patrimoine bâti d’une ville : patrimoine naturel, industriel, maritime, ainsi que la mémoire vive des habitants à travers leurs témoignages ». Cette définition, qui ne sera pas reprise dans les autres conventions marque l’achèvement de l’intériorisation des nouvelles conceptions patrimoniales. La convention est l’occasion pour la ville de Saint-Etienne de se présenter et de présenter sa politique culturelle en mettant en avant des caractéristiques choisies. La valorisation du patrimoine stéphanois s’inscrit dans un domaine d’action très large dont « tous les maillons sont solidaires : recherche scientifique, action culturelle, valorisation touristique, intervention dans le tissu urbain ». Un objectif ambitieux est formulé : faire des stéphanois les « ambassadeurs d’un patrimoine réhabilité ». Les objectifs plus opérationnels inaugurent une hiérarchie de priorités qui, depuis, n’a pas changé : d’abord sensibiliser la population locale, ensuite initier le jeune public, enfin accueillir le public touristique. On notera qu’il ne s’agit plus du tourisme en général ou des « touristes » comme catégorie sociale mais d’un « public touristique », ce qui suppose de les 24 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 inclure dans une réflexion générale sur une « politique des publics ». Les explications quant à la mise en œuvre du programme font appel aux notions de transversalité, d’unité de gestion, de projet urbain. Ainsi le lexique de la « nouvelle action publique » se trouve-il approprié. La structure de la convention de Saint-Etienne, revue, augmentée, adaptée aux particularités de sites urbains est encore celle qui est en place aujourd’hui. On le voit notamment dans le cas des renouvellements qui concernent les villes de Vienne et Chambéry ou dans le cas de la convention inaugurale d’Albertville signée en 2003, bien que dans ce dernier cas, la partie « déclaration de politique culturelle générale » soit absente. Elle est au contraire très présente l’année suivante dans la convention signée par la communauté d’agglomération d’Annecy. Sans doute fallait-il donner à cette occasion des informations plus complètes pour expliquer le passage d’une convention de ville à une convention d’agglomération d’art et d’histoire, soit un ovni patrimonial. Les rédacteurs insistent d’ailleurs sur l’excellence et l’ancienneté du partenariat entre l’Etat et Annecy, excellence transférée maintenant sur l’ensemble de l’agglomération avec la signature l’année précédente (2003) d’une convention de développement culturel, « la première de ce type en France » entre l’Etat et la communauté. C’est cette première convention qui définit la politique patrimoniale communautaire, de sorte que la convention Art et histoire ne fait que s’insérer dans un document plus large, pour en préciser certains objectifs comme « faire émerger une véritable construction intercommunale », adopter une « politique de développement durable ». En ce qui concerne les conventions de pays, celle de la vallée d’Abondance signée le 20 septembre 2003 enregistre d’importants changements par rapport aux rédactions plus anciennes. Par exemple, de nouveaux types de patrimoines (patrimoine agropastoral et sportif) sont l’objet d’attention. Dans cette région touristique, il est affirmé : « le pays d’art et d’histoire est un projet de médiation culturelle destiné en priorité à la population locale ». Il s’agit de « fédérer l’ensemble des acteurs autour d’un projet de territoire cohérent, de faire prendre conscience et de penser la valorisation du patrimoine dans le cadre d’une entité globale et ainsi de renforcer l’intercommunalité ». Les pays qui sollicitent le renouvellement de leurs conventions (les Hautes Vallées de Savoie et le pays du Forez en 2006) explorent davantage encore cette veine de développement culturel, social et économique. L’évolution du projet qu’exprime le label n’est pas linéaire, elle se fait rarement par une série d’ajustements incrémentaux, ce qui supposerait une sorte d’observation et d’évaluation continues du label, impliquant elle-même une gestion plus collective de son devenir. Dans la mesure où la convention ne détermine pas une durée de validité du label, on peut assister à une dissociation progressive entre le plan initial et les modifications du contexte apparues depuis la première signature. Dans ce cas, le projet risque de se scléroser avec le temps et d’apparaître très en décalage avec ce que cherchent à faire les partenaires locaux et ministériels à l’occasion des nouvelles conventions. Cette non mise à jour des options du plan, menace également la cohérence du réseau régional puisque des décalages nets sont sensibles entre les attentes et besoins des différents sites qui le constituent. C’est la raison pour laquelle le ministère encourage, chaque fois que c’est possible, les sites les plus anciennement labellisés à renouveler leur convention. On vient de voir que le label a subi plusieurs évolutions et que celles-ci convergent d’une manière assez cohérente vers un usage socio-politique de plus en plus inscrit dans une dynamique de développement territorial dont on donne maintenant les principaux caractères. 25 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 La dimension territoriale Les évolutions et les différenciations que nous venons de constater nous permettent déjà d’affirmer que le label n’est pas une entreprise d’effacement des singularités locales ou d’indifférence à leur égard bien qu’il comporte des obligations générales. Avec le temps, il devient au contraire un moyen au service des collectivités pour qu’elles manifestent leur personnalité, même si des « ajustements » sont parfois nécessaires. Si la diversité domine, on peut tout de même percevoir, en première approximation, deux grandes familles de stratégies, selon que l’on est dans une « ville » ou dans un « pays », ce qui conduit à donner un éclairage plus précis de la formule Ville et Pays d’art et d’histoire. Ce clivage mérite à son tour d’être précisé et nuancé. On peut s’attendre en effet à ce que la dimension essentielle de la différence tienne très trivialement au caractère urbain des villes et au caractère rural des pays, c’est-à-dire en définitive, à la densité, à la notoriété, à l’importance des patrimoines supports des projets. Mais la présence d’une communauté d’agglomération, celle d’Annecy, dans notre échantillon, nous conduit à penser que la vraie différence se situe entre une stratégie de « diffusion patrimoniale » des villes et une stratégie de « construction territoriale » qui est celle des pays et de la communauté d’agglomération, c’est-à-dire de systèmes territoriaux entièrement nouveaux. En d’autres termes, ce qui détermine ces stratégies, ce n’est pas la composition patrimoniale des projets mais les usages sociaux et politiques qui sont faits de ces patrimoines. Et, dans le cas des pays et des agglomérations, ces usages sociaux et politiques sont gouvernés par un impératif de construction territoriale. Il n’est pas téméraire de penser qu’à l’avenir, cette stratégie s’imposera également dans les villes. Un problème d’ajustement La mobilisation du patrimoine est apparue comme une voie possible de développement après plusieurs années sans neige dans le pays d’Abondance. Les communes du haut de la vallée avaient bénéficié d’un contrat « station moyenne » dans le cadre du XIe contrat de plan EtatRégion. Ainsi le souci de la diversification des activités était-il déjà une préoccupation. Ce contrat a permis le recrutement en 1999 d’un agent de développement dont la mission était de coordonner le tourisme à l’échelle intercommunale en privilégiant, notamment la question de l’identité de la vallée. C’est dans ce contexte que le syndicat intercommunal a mené une étude de valorisation culturelle patrimoniale et touristique du territoire et a envisagé la création d’un « Pays d’art et d’histoire ». Le recrutement d’un chargé de mission a alors permis de faire avancer le dossier de candidature. Il a été l’occasion de prendre conscience du manque de cohérence entre les actions culturelles menées sur le territoire, et a permis d’organiser plusieurs actions de sensibilisation en direction de la population locale, des élus, des scolaires et des touristes en 2001 et 2002. Le dossier a été instruit entre fin 2002 et 2003 et la convention a été signée avec l’Etat le 20 septembre 2003. Le financement du Pah a été inscrit au contrat de station moyenne et au contrat européen Leader+. Ces subventions sont venues abonder un budget qui, avec la part de l’Etat et du Département de Haute-Savoie, situent au même niveau autofinancement et subventions. Avec cet exemple, on se situe bien dans la perspective du développement territorial, par l’emprunt de sa problématique de diversification des ressources patrimoniales, par la diversité des enjeux, la capacité à solliciter les procédures contractuelles existantes. 26 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Si la convention reprend les grands objectifs de valorisation du patrimoine et de promotion de la qualité architecturale, elle insiste également sur « la sauvegarde et la protection du patrimoine naturel ». En réalité, c’est la connexion entre divers patrimoines qui fait la particularité du pays, comme le dit l’animatrice : « il n’y en a pas un qui ressort plus que les autres. C’est ce qui fait la spécificité et la difficulté aussi, il faut s’occuper de tout en même temps. On parle aussi bien de patrimoine naturel, montagnard, agropastoral, avec une faune et une flore particulières et certaines espèces protégées, on parle de bâti architectural, en particulier de patrimoine religieux ; on a une abbaye qui a une emprise religieuse, spirituelle et temporelle sur toute la vallée. » Toutefois, derrière l’évocation de la pluralité des champs patrimoniaux labellisés, on perçoit plus que des nuances. Un interlocuteur a le sentiment d’une imposition venue d’en haut : « il y a des exigences déontologiques au niveau de ce label, c’est vraiment très jacobin, ça vient d’en haut et ça ne s’adresse pas à un milieu comme le nôtre (…) Toutes les richesses qui ne sont pas estampillées ont du mal à être prises en compte, et les personnes aussi. Pour moi, c’est une des questions. Et du coup il n’y pas de visibilité de ce Pah ». Même discours pour cet élu qui se plaint d’une focalisation sur l’abbaye : « le label est surtout perçu par une partie de la population comme étant une procédure administrative de plus qui est principalement faite pour l’abbaye d’Abondance. (…) l’abbaye, c’est un grand monument mais il y a aussi beaucoup de petits patrimoines à côté qui existent, qui méritent d’être relevés. » Ces propos laissent entrevoir une différence entre les attentes des acteurs locaux et ce qu’apporte le label. Les modalités de valorisation du patrimoine bâti et architectural ne sont pas les mêmes que celles des savoir-faire et du patrimoine paysager. Pour ce dernier domaine, le label ne semble pas avoir été d’une grande aide. On voit donc qu’une partie de nos interlocuteurs jugent que les plans d’action national et local ne sont pas bien « ajustés ». Le malaise provient de la différence de considérations et de priorités sur les patrimoines entre l’Etat et la vallée d’Abondance. Cette différence de regard est elle-même référée à l’opposition ville/milieu rural37 : « Je pense que le label s’adresse d’abord à des villes ; il a été créé à mon sens pour de l’urbain. Alors quand on se retrouve dans un milieu rural, ce n’est pas évident, ce n’est pas forcément ajusté et il y a donc un côté très lent et parfois décevant. Il a quelque chose de plaqué, qui ne correspond pas à la réalité. J’ai le sentiment que les choses sont mal ajustées» (un élu). Une opportunité d’innovation La ville d’Annecy possédait un label Ville d’art obtenu en 1978. Elle n’est donc pas une nouvelle venue dans le domaine du patrimoine et peut se prévaloir d’une expérience importante et d’un savoir-faire tant dans le domaine patrimonial que dans le domaine touristique et dans la mise en relation de ces domaines. La ville avait signé avec l’Etat une convention pour l’architecture et le patrimoine et, dans ce cadre, souhaitait préparer une candidature au label Vah. La décision de s’engager dans un renouvellement de la politique d’animation du patrimoine s’est trouvée confronté au projet plus général de construire une communauté d’agglomération selon la loi de 1999, projet qui intégrerait, fait relativement rare, la politique culturelle au niveau communautaire. La communauté d’agglomération d’Annecy (C2A) est créée le 1er janvier 2001 et 37 Opposition qui se retrouve dans l’appréciation selon laquelle les Journées du patrimoine de pays ne sont pas suffisamment relayées par le ministère de la Culture contrairement à l’opération « Vivre les villes ». 27 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 c’est elle qui va instruire le dossier de candidature qui est présenté au conseil national VPah en novembre 2003. Le simple rappel de ces faits contient déjà une large part de l’explication du projet ; la ville d’Annecy n’a pas cherché à améliorer sa notoriété et son attractivité, déjà exceptionnelles, en modernisant grâce au label son offre patrimoniale. Elle a souhaité l’utiliser pour mieux affirmer le rôle de la culture et du patrimoine dans la réussite de son projet d’intercommunalité. Le dossier de convention précise que le label est une « chance pour fédérer les initiatives des différentes acteurs, qu’ils soient élus, professionnels ou bénévoles de la C2A ou des différentes communes» 38. Bien entendu, cette nouvelle orientation doit composer avec les pratiques héritées de l’ancien statut de « Ville d’art ». Dans la convention nouvelle, la prise en compte des caractéristiques de chacune des communes qui composent la C2A a conduit à inclure les patrimoines industriels et ruraux des communes de périphérie et les témoignages divers de l’architecture du XXe siècle. C’est plus qu’une retouche à l’image devenue classique d’Annecy, ville prospère, « bien léchée, bien propre » qui, comme le dit un interlocuteur, cache aux Annéciens, et particulièrement aux nouveaux habitants d’autres pans de l’histoire locale. En même temps, la convention nouvelle a été l’occasion pour les élus des autres communes de perdre certains complexes qu’ils pouvaient avoir à l’égard de la ville centre, et de leur faire prendre conscience des richesses qu’ils ont en commun – le lac, les paysages, par exemple, – face aux défis qu’ils ont également en commun, notamment la maîtrise de l’expansion urbaine. Ces données revêtent une importance que le dossier de convention a bien souligné : « en fédérant l’agglomération autour d’un projet structurant, le label représente également le moyen de mettre en place une politique de développement durable s’appuyant sur une meilleure connaissance de l’agglomération, une prise en compte des enjeux de sa croissance et de la préservation de son cadre de vie » 39. Une manière de traduire cette orientation se remarque dans la mission donnée au Palais de l’Ile, transformé en centre d’interprétation, non plus sur la vieille ville, mais sur l’ensemble du territoire, en déclinant des thématiques transversales (rural/urbain, paysage et environnement, mentalités et patrimoine religieux) pour mieux expliquer la pluralité des objets patrimoniaux choisis. L’animateur voit déjà les premiers effets de ce nouveau projet : « la population locale commence à fréquenter ce lieu. Le Palais de l’Ile est avant tout un lieu visité par les touristes. Notre objectif à travers les expositions temporaires et le parcours permanent, c’est de progressivement faire venir les habitants dans ce lieu pour les sensibiliser à l’architecture, au patrimoine, avec des expositions qui les concernent vraiment ». Puisqu’il n’est pas possible « d’éclater » les activités du Palais de l’Ile sur plusieurs communes de l’agglomération et que son fonctionnement aboutit paradoxalement à un renforcement de la centralité culturelle d’Annecy, il est prévu la mise en place d’une signalétique pour six itinéraires du patrimoine sur l’ensemble de l’agglomération. C’est l’occasion de travailler directement avec les communes et d’identifier sur le territoire une action concrète du label. 38 39 Dossier de candidature au label national Ville et Pays d’art et d’histoire, C2A, novembre 2003, page 7. Idem, p.5 28 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 L’affirmation d’un volontarisme municipal Le renouvellement donne l’occasion d’intégrer les nouvelles dispositions du cahier des charges national. Mais il peut aller bien au delà et être l’occasion de dresser un bilan, d’identifier les points forts et les faiblesses, d’affiner le champ d’intervention des orientations nouvelles. À Chambéry, les discussions ont mis en relief la nécessité de mieux articuler le label avec des procédures apparues après la première convention, comme la ZPPAUP. Il est prévu, par exemple, que le service Vah participe avec le service urbanisme à un travail conjoint d’inventaire sur les immeubles du secteur sauvegardé. D’une manière générale, c’est l’introduction au sein du label de problématiques liées à l’architecture contemporaine et à la prospective urbaine qui marque la plus grande différence avec les premières conventions. Cela suppose de nouvelles méthodes de travail entre services de la municipalité, et surtout l’élaboration de programmes spécifiques visant de nouveaux espaces de la ville et par conséquent de nouveaux publics. Comme le dit l’animatrice : « Ici, on est peut-être moins présent sur les publics touristiques que d’autres sites ; cela vient de sensibilités différentes mais surtout du fait que le travail, pour le moment, est avant tout réalisé par rapport aux habitants. Notre objectif est de réconcilier les habitants avec leur ville ». Valence compte parmi les premières villes labellisées puisque la convention a été signée le 21 janvier 1985. Vingt-deux ans après, son contenu – « présenter et mettre en valeur le patrimoine de Valence » n’a pas été formellement actualisé. Cependant, de nouvelles orientations de travail sont apparues, même si elles n’ont pas fait l’objet d’une réflexion d’ensemble. « Aujourd’hui le label fait écho à une dimension qui est plutôt généraliste, dit l’animatrice du patrimoine. On ne fait pas que de la valorisation du patrimoine ». Elle évoque une mission de prospective urbaine en lien avec les quartiers neufs de Valence le haut : « le lieu où vivent les gens aujourd’hui, quelle que soit l’antériorité des constructions, a un sens et est porteur de racines, il ne faut pas l’oublier ». Des opérations concernant le réaménagement des boulevards, ou la réhabilitation des canaux, de la ZUP, des châteaux d’eau et de la piscine ont permis au service Vah d’établir une programmation diversifiée des visites et de fidéliser des publics locaux. La convention de la ville de Vienne date de 1990. Elle semblait s’imposer alors tant aux responsables de la CNMHS que des élus locaux compte tenu de la richesse du patrimoine galloromain et médiéval (22 monuments classés, 18 inscrits). Le principe de mise en valeur de ce patrimoine tient alors lieu de projet. Il faut attendre cependant 1999 pour que soit créé un service municipal d’animation du patrimoine distinct de l’office du tourisme. En 2001, la nouvelle équipe municipale, encouragée par la DRAC, entreprend un processus de révision de la convention avec pour objectif central d’améliorer l’attractivité de la ville et d’inscrire le patrimoine dans une logique de développement économique. Cette volonté s’étend à d’autres aspects du patrimoine puisque un Plan patrimoine visant une réhabilitation sur dix ans des monuments historiques est engagé, la mise en place d’une ZPPAUP est prévue en 2008, ainsi que le développement d’un Plan lumière. Il s’agit donc d’une démarche globale de requalification urbaine et de mise en cohérence du patrimoine mobilisant toute une panoplie de moyens (nouvelle signalétique, nouveaux audio-guides, site internet, publications, etc.). Si la modernisation de l’offre vise clairement les visiteurs comme cible principale, on constate une évolution significative des visites des habitants concernant le patrimoine moderne et contemporain, le patrimoine paysager ainsi que les aspects ethnologiques et mémoriels. Développer un tourisme de qualité, favoriser l’appropriation du patrimoine par les habitants, tels sont désormais les deux piliers du projet qui 29 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 doivent s’équilibrer et se reconnaître l’un l’autre. La directrice des affaires culturelles présente cette orientation en ces termes : « (…) pour que le Plan patrimoine passe et pour qu’il devienne une cause nationale, il faut déjà qu’au niveau local ce soit la cause de tous : on ne pourra pas faire de Vienne une cause nationale si personne n’y croit localement. Ça veut dire que, par exemple, pour les Journées du patrimoine, les vallées, les quartiers vont avoir un objectif de fréquentation, on va leur demander de faire venir du monde. » À Saint-Etienne, disposer du label est un atout supplémentaire dans un projet qui vise à dépasser une histoire récente douloureuse, faite de désindustrialisation et d’abandon des grands fleurons économiques de la ville (Manufrance, par exemple). Dépasser, mais assumer ce passé de grande ville industrielle « avec tout ce que ça a pu laisser comme traces, présence architecturale, physique, urbaine » (un élu) pour définir une nouvelle image de la ville. Dans cette perspective, les professionnels de l’animation du patrimoine participent, par leurs avis et leurs connaissances, au fonctionnement général de la politique patrimoniale (préservation, mise en place des zones de protection). Ils sont donc reconnus comme des partenaires par les autres services. « On travaille beaucoup ensemble (…) Même s’il n’y avait pas le label, dit l’un des responsables de l’urbanisme, on se poserait des questions. Le patrimoine a une vraie expertise sur la ville et nous, à l’urbanisme, notre objectif est de travailler avec pour donner un sens aux actions globales, une valeur ajoutée dans ce que l’on va faire ». D’une manière générale, cette instrumentalisation du label dans les objectifs municipaux participe d’une indifférenciation des actions pour autant qu’elles sont dirigées vers un objectif bien défini. Mais cela peut être de nature à contrarier l’identification même du label et mettre ses professionnels dans une situation ambiguë entre la tutelle de l’Etat et celle de leur administration municipale. Un engagement imprécis : le cas du CIAP Les premières conventions évoquent, sans aucun autre détail, l’engagement à organiser une « exposition permanente », ainsi que celui de mettre à disposition une salle spécialisée, « un local spécialement aménagé ». Panneaux d’accueils, films, diapositives présentés sous un angle didactique sont les moyens techniques pas lesquels doit prendre forme ce lieu. Au début des années 90, la convention de pays Maurienne-Tarentaise évoque un « espace de compréhension » dédié au baroque dans chacune des deux vallées. Toutefois, la notion de centre d’interprétation n’est guère explicitée avant la convention de Saint-Etienne (2000). On parle alors de « véritable équipement culturel » qui doit être « pour la population locale un lieu de rencontre et d’information ». Cependant il n’est pas précisé dans quel délai cet équipement devra voir le jour et l’annexe financière est muette à ce sujet. La convention d’Albertville (2003) innove en détaillant un projet de CIAP installé au Musée d’ethnographie et d’histoire : le conservateur du musée devient en même temps l’animateur de l’architecture et du patrimoine. Mais cette intégration est provisoire puisque le CIAP devrait être installé ensuite dans les locaux de la Maison du tourisme, « en fonction des contraintes liées à sa réalisation », précise prudemment la convention. Dans la convention-type de 2003, la création du CIAP est officialisée (Titre II, article 2) comme « un lieu d’information et de présentation des enjeux de l’évolution architecturale urbaine et paysagère de la ville ou du pays ». On voit ici encore un effet de la pénétration de la logique urbaine dans laquelle s’est engagée la DAPA. Pour les habitants, le CIAP doit être « un lieu de rencontre et d’information sur les activités du patrimoine et les projets urbains et paysagers ». 30 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Enfin, les touristes doivent y trouver les clés de lecture de la ville ou du pays, et les jeunes « un support pédagogique dans le cadre des ateliers d’architecture et du patrimoine ». Ce CIAP est bien entendu à la charge de la collectivité locale qui est le maître d’ouvrage de sa réalisation, avec une aide de l’Etat pour la scénographie. Cependant, sa localisation « est définie en concertation avec la DAPA et la DRAC», ce qui limite l’autonomie du choix de la collectivité. Une nouvelle innovation apparait avec la convention de la communauté d’agglomération d’Annecy : le CIAP prend ici la suite d’un équipement appelé « Centre d’interprétation urbain » situé au Palais de l’Ile qui a été transformé pour proposer « une mise en débat de la ville, (…) une vision globale des développements de ce territoire ». La convention des Hautes Vallées de Savoie (2006) s’engage à programmer la construction du CIAP dans les 5 ans, selon une recommandation explicite de la DAPA. En raison de son éclatement géographique en quatre vallées, il est prévu un centre itinérant appelé Archibus, sur le modèle du Bibliobus et du Cinebus « qui sillonnent avec succès les vallées ». La même année, c’est une solution toute différente qu’adopte le Pah du Forez, pourtant aussi éclaté géographiquement. Le CIAP sera, dans le même délai contractuel de 5 ans, un équipement principal relié à des lieux déjà existants et spécialisés appelés « portes d’entrée thématiques ». En 2007, la DAPA a publié un mode d’emploi copieux (79 pages) pour la programmation et la réalisation des CIAP40 dans lequel est repris la définition de l’interprétation suivante : « l’interprétation ne se contente plus d’expliciter des contenus. Elle se préoccupe aussi de leur transmission et de leur appropriation par les visiteurs. Et pour ce faire, elle n’hésite pas à faire appel au registre socio-affectif, c’est-à-dire à l’implication du visiteur en jouant sur sa sensibilité et en cherchant à créer du plaisir et de l’émotion ». Cette orientation est importante à plus d’un titre : elle consacre une conception nord-américaine « sensible » de la médiation contre une vision plus « rationaliste » de l’animation à la française ; elle laisse libre cours à l’imagination quant aux moyens à mettre en œuvre pour « sensibiliser », « créer du plaisir et de l’émotion », ce qui peut conduire à une très grande diversité des actions. Toutefois, la question centrale reste celle du rythme de création de ces CIAP. Le document cité de la DAPA en recense seulement une quinzaine en France en 2007, dont trois en Rhône-Alpes : Vienne, Lanslebourg (en Maurienne) et le centre de Séez (en Tarentaise). 40 Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine, mode d’emploi, Ministère de la Culture et de la Communication, DAPA, Association nationale des animateurs du patrimoine (Anap), 2004, réédition 2007. 31 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 32 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 II. LE LABEL ET LES LOGIQUES SYMBOLIQUES DU PATRIMOINE Si on met en parallèle les exigences fortes de l’Etat, que l’on peut constater par exemple dans les critères fixés pour l’élaboration des candidatures, et les sommes financières relativement mesurées qu’il attribue aux territoires labellisés, la vivacité de ce label peut sembler étonnante a priori. De même, le fort attachement des acteurs envers le label, même s’il est variable selon les sites, nous incite à nous interroger sur les significations du patrimoine dans son usage symbolique. La candidature à la labellisation relève d’une démarche politique volontaire. L’appréhension des conditions d’émergence de la mission de valorisation et d’animation du patrimoine nécessite, dans un premier temps, d’interroger les représentations et attentes des acteurs politiques locaux vis-àvis du label, à partir de l’hypothèse selon laquelle le patrimoine peut être mobilisé pour un usage autre que strictement patrimonial et donc que le label peut servir à autre chose qu’à son animation. Dans un second temps, la dimension symbolique du patrimoine peut être analysée en fonction de la caractérisation de l’animation par ses propres acteurs et ses rapports avec les autres fonctions patrimoniales. Quelles sont les spécificités des missions d’animation et de médiation identifiées par les acteurs rhônalpins? Comment la question des publics est-elle traitée ? Il s’agit d’étudier les représentations qu’ont les acteurs de la mission d’animation du patrimoine et la place de cette animation par rapport à d’autres représentations du patrimoine. A travers les logiques liées à différents publics (résidents, scolaires, touristes…), c’est le sens de la mise en récit du patrimoine et de l’architecture qui sera ici interrogé. Enfin, l’avènement des CIAP avec leurs problématiques propres, semble recomposer aujourd’hui certaines logiques symboliques attribuées au patrimoine, qui elles doivent être réinterrogées sous l’effet de cet équipement structurant. 2.1. Représentations et attentes des acteurs politiques vis-à-vis du label La multiplicité des attentes et des motivations pour la labellisation doit tout d’abord être soulignée. Parallèlement à l’évolution des objets dans le temps (cf. partie 3.1) et à leur investissement symbolique, on peut noter des évolutions dans les représentations de l’animation et de la mise en valeur du patrimoine. Sans chercher à recenser d’une manière exhaustive les évolutions des attentes pour chacun des sites, il s’agit ici de donner une vision globale des représentations du patrimoine qui motivent les candidatures au label. 33 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Le patrimoine vu comme une ressource Si le label a parfois été vu comme une enveloppe budgétaire ou comme la possibilité de recevoir des financements (en contrepartie de l’inscription dans la procédure normative de labellisation), les élus ne s’engagent pas actuellement dans cette procédure pour de simples motifs de retombées économiques directes41. Ils conçoivent plutôt, et de manière croissante, le patrimoine comme une ressource. Dans un premier temps, le label peut matérialiser une ressource en termes de développement local, avec le postulat que la valorisation du patrimoine est nécessaire au développement du territoire et à son devenir économique et social. Il importe alors de relativiser les retombées quantitatives directes en termes financiers et en termes de fréquentation. « On a intégré l’attente économique dans son deuxième niveau : on ne dit plus "le patrimoine va faire venir des touristes" ; on dit "le patrimoine va nous faire de l’image qui va faire s’implanter des entreprises, venir aussi des touristes". On dit maintenant au second degré que le patrimoine est un outil de développement, mais indirectement » (un élu). Cette posture est peu éloignée de celle formalisée par Alain Bourdin lorsqu’il parle d’« entrepreneurs de localisation » 42 pour qualifier les producteurs d’une construction signifiante qui vise à l’attachement des individus et des groupes à un lieu. La distinction entre ressource générique et ressource spécifique prend tout son sens dans la conception d’un patrimoine ressource du développement territorial. L’idée que le devenir économique passe en partie par la revalorisation du patrimoine se concrétise par exemple par la mise en œuvre de la deuxième convention VPah à Vienne où existe une réelle volonté politique en faveur de ces questions. Les mutations de l’économie touristique montagnarde illustrent aussi ce cas : en vallée d’Abondance, confrontée à des problèmes de faible enneigement, la mobilisation du patrimoine via le label est pensée comme une voie possible de diversification des activités du territoire. Dans un second temps, le patrimoine peut être appréhendé comme une ressource pour accompagner des opérations urbaines et citoyennes, et la labellisation comme un élément structurant des mutations des territoires. Ainsi, un des objectifs de l’animation du patrimoine énoncé par certains acteurs, consiste à renforcer la cohésion sociale par la création de lien entre les différents quartiers d’une ville. Un autre aspect de cette logique symbolique réside dans la coordination des actions culturelles et patrimoniales dans la perspective d’une meilleure cohésion territoriale. Dans le premier cas, le label peut pallier un manque constaté de structuration des sites patrimoniaux et muséographiques existants sur les territoires, la démarche visant à coordonner des 41 « Quel impact économique voulez-vous que le label ait ? […] Les démarches ne sont pas tant de dire "avec le label, les touristes vont venir dans notre ville", à de rares exceptions près. C’est beaucoup plus le fruit d’une démarche de mise en cohérence d’un certain nombre de politiques, d’un partenariat avec l’Etat, où l’Etat apporte certes un petit peu d’argent, mais apporte surtout de l’expertise et de l’exigence, et que grâce à ça on tire le projet par le haut» (un élu). 42 Alain Bourdin, « Patrimoine et demande sociale », in Régis Neyret (dir.), Le patrimoine, atout du développement, Presses Universitaires de Lyon, Lyon, 1992, pp.21-25. 34 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 synergies43, proposer un projet commun, notamment sur des pays lorsque les actions semblent diffuses. L’animation peut alors être perçue comme une modalité de mise en récit et de communication concernant d’autres opérations, patrimoniales ou non 44. La préexistence de politiques patrimoniales peut d’ailleurs être un élément déclencheur d’une démarche de labellisation. La préexistence du label « Ville d’art » et la volonté de la transformer en « Villes et Pays d’art et d’histoire » a amené des sites à candidater : c’est le cas pour les villes d’Albertville et d’Annecy qui bénéficiaient de ce premier label depuis 1978. Dans le second cas, le label VPah peut participer à la constitution et à l’affirmation d’une entité géographique et institutionnelle45. Cette logique a pris une ampleur grandissante avec la labellisation croissante de pays. Les territoires complexes et récents (notamment intercommunaux) éprouvent le besoin de montrer une certaine légitimité politique tout en apportant une preuve d’identité territoriale. Le rapport entre territorialisation et patrimonialisation, avec le patrimoine conçu comme un bien commun, a déjà été mis en exergue46. Les interrogations portent alors sur la place du label dans cette structuration, et sur les accords ou contradictions entre les stratégies identitaires des territoires et la réalité vécue sur le terrain. La notion de qualité dans les représentations du patrimoine La démarche de candidature à la labellisation peut cristalliser un souhait de reconnaissance de la qualité des richesses locales d’une part, et de la qualité de l’action patrimoniale d’autre part. « Les villes qui ont un label ont besoin de montrer et de revendiquer quelque chose qui, a priori, n’est pas évident. Aigues-mortes ils n’ont pas besoin d’être labellisé, Lyon non plus ! » (un animateur). Le label est assimilé à l’idée d’une promotion, d’une « reconnaissance de notre propriété culturelle […]. Et c’est important d’avoir ce label pour que la population se dise ‘on a un label PAH, pourquoi on a un label, comment on l’a obtenu’. A partir de là, ils vont rechercher et s’approprier le patrimoine culturel » (un élu). L’idée que sur les territoires, le label permet de voir et de montrer que l’on a du patrimoine est revenue de manière récurrente dans certains entretiens. Pour plusieurs sites, la mobilisation du patrimoine engendrerait une sorte de processus permettant à la population de s’insérer dans cette 43 À Annecy, le label est vu comme une « chance pour fédérer les initiatives des différents acteurs, qu’ils soient élus, professionnels ou bénévoles de la C2A ou des différentes communes » (« Dossier de candidature au label national Ville et Pays d’Art et d’Histoire », Communauté de l’agglomération d’Annecy, novembre 2003, p.7). 44 « Le label PAH c’est l’affiche pour nous, c’est sous cette bannière qu’on fait un peu le Pôle d’Economie du Patrimoine » (un élu). « Vah c’est en fait le volet communication, promotion, pédagogie et sensibilisation des publics d’une politique plus large qui est celle de la valorisation du patrimoine» (un directeur des affaires culturelles). 45 « Un des enjeux majeurs de l’obtention du label est aujourd’hui de faire émerger une véritable construction intercommunale autour de projets forts tenant compte de tous les éléments qui construisent l’identité de ce territoire, en s’appuyant sur les liens géographiques, historiques, sociologiques et culturels qui unissent les communes. » (« Convention Art et histoire de l’agglomération d’Annecy », 2004. p.5). 46 Guy Di Méo, « Patrimoine et territoire, une parenté conceptuelle », in Espaces et Sociétés, n°78, 1995, pp.15-34. 35 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 dynamique culturelle. Des acteurs politiques du Pah des Hautes vallées de Savoie ont insisté sur la « réappropriation » de l’environnement culturel par les populations depuis 1992. L’un des usages symboliques induits du label est alors la sensibilisation des populations à l’architecture et au patrimoine, avec notamment l’objectif d’une transformation du regard des habitants et d’une meilleure implication de la population résidente dans le devenir du territoire. On verra que les animations mises en place visent à conférer aux résidents de nouvelles conceptions, plus dynamiques, que celles qu’ils ont en tête à propos du patrimoine. C’est l’objectif énoncé à SaintEtienne : « faire prendre conscience aux Stéphanois que leur ville est singulière, qu’elle a une identité urbaine et patrimoniale, [...] ils n’avaient pas conscience qu’ils pouvaient vivre dans un environnement urbain qui pouvait avoir une valeur patrimoniale » (un élu). La sensibilisation concerne également les élus du territoire et les professionnels. Cette attente d’une meilleure sensibilisation des élus et de l’élaboration d’une conscience collective patrimoniale à travers le label se retrouve par exemple pour le Pah des Trois Vals – Lac de Paladru et la démarche d’élargissement au pays Voironnais. L’attachement fort au label est lié en outre à la notion de qualité pour une immense majorité d’acteurs, qu’il s’agisse d’élus ou de professionnels de l’animation. Le label VPah est perçu comme un label de qualité, cette garantie de sérieux valant essentiellement, d’après les entretiens effectués, pour la formation des guides et les prestations (en particulier les visites guidées et les prestations scolaires). Cet objectif de qualité des visites guidées est associé dans les discours à la qualité professionnelle des personnels d’animation et de médiation. Le jugement sur le travail des guides et la restitution qu’ils font durant les visites est jugé très positivement par les élus et les animateurs.47 La caractérisation de la politique du label est en grande partie fondée sur cette notion de qualité : la DAPA insiste sur l’exigence de qualité et le terme lui-même est présent dans le descriptif de la politique sur le site Internet du ministère de la Culture48. Se dessine alors une difficulté dans la mise en œuvre et l’évaluation du label entre, d’une part, les mécanismes de toute labellisation, reposant par principe sur des cadres normatifs, et d’autre part l’application faite du label VPah centrée sur l’objectif d’une qualité qui apparaît bien complexe à qualifier. Quelle est, par ailleurs, la part de la richesse du patrimoine dans cette notion de qualité qui tend à caractériser le label ? Le rapport entre la perception du label comme un signe de qualité et les apports possibles en termes d’image est relativement mécanique dans les représentations des acteurs. La logique 47 « Le guide conférencier connaît vraiment sa ville, il est vraiment capable de la présenter, de parler de l’identité du territoire, et ne pas se cantonner à des généralités » (un animateur). « C’est une garantie dans le travail de fond qui est fait sur la valorisation du patrimoine» (un élu). « On a des guides conférenciers de bon niveau, ils s’entourent de précautions historiques, ils ne mélangent pas les dates […], ça c’est le label. […] Moi j’attends de ce label des gens qui sont capables de dominer complètement leur sujet» (un élu). 48 « Le label Villes ou Pays d’art et d’histoire est attribué par le ministère de la Culture et de la Communication à des collectivités locales qui souhaitent valoriser leur patrimoine, favoriser la création architecturale et promouvoir la qualité dans les espaces bâtis ou aménagés. Le terme de patrimoine doit être entendu dans son acception la plus large puisqu’il concerne aussi bien l’ensemble de patrimoine bâti de la ville que les patrimoines naturel, industriel, maritime ainsi que la mémoire des habitants. Il s’agit donc d'intégrer dans la démarche tous les éléments qui contribuent à l’identité d’une ville ou d’un pays riche de son passé et fort de son dynamisme. » (http://www.VPah.culture.fr/VPah/label/label.htm) 36 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 symbolique est celle de la construction d’une image positive de la ville ou du territoire, pour les habitants mais aussi pour l’extérieur. L’utilisation du label pour la communication et la notoriété des sites, par exemple avec l’usage du logotype dans les documents des collectivités, accrédite cette démarche qui s’appuie sur l’idée d’une reconnaissance nationale à travers un label qui est censé faire autorité. Le croisement de ces différentes logiques symboliques renvoie à l’idée de fierté : « On a un patrimoine qui a été reconnu, ça évoque quand même une certaine qualité, à nous de bien le mettre en valeur, c’est une fierté aussi de voir qu’on a une terre d’histoire, de culture, de patrimoine » (un technicien). « Il y a peut-être une certaine fierté en disant ‘on a ce label, parce qu’on a quand même quelque chose de précieux’» (un élu). « Il faut que les gens soient fiers d’être dans un Pah» (un élu). Cette perception positive des enjeux symboliques du patrimoine ne doit pas masquer une certaine confusion dans la formulation des attentes des élus vis-à-vis du label. Ce flou renvoie aux difficultés qui existent pour identifier les apports du label, ainsi qu’à la posture plus ou moins volontariste des acteurs locaux. Certaines démarches de labellisation s’avèrent plus ou moins subies, perçues comme une émanation « d’en haut » (par exemple à Vienne où la première convention a surtout été portée par les services de la CNMHS) ou impulsées par des échelons territoriaux supérieurs (rôle du Conseil général par exemple pour le Pah Tarentaise-Maurienne qui deviendra Hautes vallées de Savoie). Des attentes plurielles vis-à-vis du label Ce sont finalement la diversité et la pluralité des attentes à l’égard du label qui ressortent, entre les différents territoires mais aussi entre les acteurs politiques au sein d’un même site. L’existence de ces multiples enjeux inscrit également le label dans les enjeux plus généraux de la mobilisation du patrimoine (enjeux sociaux, économiques, politiques, dimension sécurisante, etc.)49. La multiplicité et le croisement des attentes vis-à-vis du label s’illustrent par exemple à SaintEtienne, où la volonté de structurer les actions dans les domaines urbanistique, social et culturel, s’accompagne d’une politique de requalification de la ville et de repositionnement de son image, en la faisant connaître et en la rendant attractive. Sollicité pour transformer le regard des habitants d’un territoire soumis à de fortes mutations économiques, sociales et urbaines, le label constitue ainsi un des maillons du projet global de la ville. Autre exemple, en vallée d’Abondance où des enjeux de type culturel (sensibilisation des habitants à l’architecture et au patrimoine, mise en valeur des ressources), social, touristique (logique de diversification, attractivité de la vallée) et en termes de cohésion territoriale (dimension fédérative du Pah autour d’un projet de territoire et renforcement de l’intercommunalité) ont marqué la démarche politique de labellisation. Il apparaît toutefois que les élus des sites rhônalpins manifestent moins d’attentes une fois que leurs sites sont labellisés. Ceci peut expliquer en partie pourquoi ils sont relativement en retrait 49 Patrice Béghain, Le patrimoine : culture et lien social, Paris, Presses de Sciences Po, La Bibliothèque du citoyen, 1998. 37 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 concernant le fonctionnement du réseau (cf. partie 3.5.). Les entretiens réalisés montrent que, une fois le label obtenu, leur attention se porte essentiellement sur la question du fonctionnement du service au sein de l’organisation de la collectivité et de ses articulations avec d’autres services. Si les élus paraissent en retrait concernant l’énonciation d’usages symboliques du patrimoine, ce sont alors les animateurs qui s’en saisissent et il est nécessaire de mettre en évidence le regard porté par les acteurs de l’animation et de la médiation sur leur propre activité. 2.2. La mission d’animation du patrimoine au plan local : significations et rapport aux autres fonctions patrimoniales Les notions de médiation et d’animation et les représentations des professionnels Le label «Villes et Pays d’art et d’histoire» correspond à une volonté de démocratiser l’accès au patrimoine tout en garantissant la qualité des visites proposées au plus grand nombre. En ce sens, il participe au renforcement du rôle de la médiation. Guides conférenciers et animateurs de l’architecture et du patrimoine sont des médiateurs. La médiation s’entend ici au sens large de transmission de savoirs et contenus historiques et culturels. Elle s’inscrit dans un ensemble d’actions qui visent à faciliter l’accès à la culture. « Médiation », « animation », « interprétation » : un certain flou terminologique est perceptible. Si la muséographie privilégie parfois l’expression « médiation culturelle » alors que l’« interprétation » serait plutôt utilisée par les acteurs traditionnels du patrimoine, l’évolution que l’on constate dans la conception des modalités d’animation et de sensibilisation et dans le rapport aux publics rend cette distinction moins pertinente dans le cadre du label. Telle qu’elle est formalisée par les animateurs, la mission dépasse les notions de diffusion et de transmission de savoirs : l’objectif est l’appropriation, ce qui souligne l’importance du lien sensible entre les patrimoines et les individus, qui appartiennent à une même collectivité et qui sont au cœur du projet50. Il s’agit d’offrir aux visiteurs une expérience où les dimensions scientifiques et sensibles paraissent imbriquées. Les moyens ont également évolué (cf. partie 3.3.), notamment avec l’essor des techniques d’interprétation et l’importance conférée aux sens et aux émotions. Aux yeux des animateurs tout comme du ministère de la Culture, il importe de supprimer la sacralité qui peut exister autour du patrimoine et de « toujours replacer le patrimoine dans une problématique contemporaine » (un animateur). La démarche vise à amener les publics à l’observation et faire en sorte que les « gens voient qu’ils sont porteurs eux aussi de quelque chose »: si elle privilégie le partage, le contact et l’émergence de la parole des individus, l’exigence de qualité (scientifique, pédagogique) est permanente et le souci de rigueur omniprésent dans le contenu. 50 Jean Caune, Pour une éthique de la médiation, le sens des pratiques culturelles, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1999. 38 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Cette idée de qualité précédemment évoquée est très forte dans les représentations que se font les animateurs (et les guides) de leur mission. Elle s’exprime à travers une distinction fréquemment énoncée entre les actions proposées par les guides conférenciers agréés par le ministère de la Culture dans le cadre du label, et celles proposées par les guides pour autocaristes ou organisées par des structures telles que les offices de tourisme et dont les finalités peuvent différer. Les animateurs décrivent les visites des offices de tourisme comme étant plus « commerciales » que celles qui relèvent des services VPah (« visite historiquement réelle, riche »). La reconnaissance de la qualité des personnes qui travaillent pour le label en fait une référence pour l’activité touristique : « C’est important. Le label si on ne l’avait pas, je pense qu’on serait déjà absorbé par le marché, par le commercial. Là, on est encore dans la culture, et dans le rapport à la culture dans les actions qu’on fait» (un élu). « Le patrimoine est une ressource, ce n’est absolument pas un produit comme peuvent le considérer les gens du tourisme, pour eux le patrimoine c’est un produit, il faut en faire quelque chose, le vendre» (un animateur). Cette vision d’une animation de « confiance » rejoint celle de certains élus qui conçoivent le label en quelque sorte comme un garde-fou contre les faux patrimoines, une « garantie de sérieux dans ce qu’on peut dire être culturel ou patrimonial ». Cette conception du label comme une « estampille » de qualité est particulièrement recherchée dans le cas de territoires soumis à des enjeux touristiques ou à des pressions socio-économiques et foncières fortes. Les animateurs insistent sur la polyvalence de leur mission, avec les activités liées à la gestion du service, la formation, la conception et la réalisation de supports écrits, la programmation d’animations variées, ainsi que la dimension documentaire et de recherche scientifique. Le temps consacré aux différentes fonctions varie selon les sites et la notion d’animation admet des contours relativement variables. Les animateurs mobilisent des compétences scientifiques et des compétences personnelles, mais ils se sentent perçus comme des médiateurs plutôt que des scientifiques. Ils ont parfois l’impression de ne pas être suffisamment pris au sérieux quant à leurs missions : « parfois, ce que je reprocherais à la DRAC, c’est que les autres services et les gros services, surtout les Monuments historiques, ont tendance à ne pas nous prendre au sérieux. Médiation : nous, on amuse les gens. […] La DRAC ne voit pas assez en nous des relais » (un animateur). Le souhait d’une meilleure reconnaissance du caractère scientifique de leur travail est émis par les animateurs. Leur existence professionnelle s’inscrit dans les représentations patrimoniales en vigueur, et notamment la différence entre le patrimoine conçu comme une ressource et comme un produit. Le label et l’animation dans la chaîne patrimoniale La décision – politique – de mettre à la disposition du public des objets patrimoniaux est un préalable à la mission d’animation. Les opérations proposent des activités et services qui ne sont pas à visée uniquement patrimoniale. Une politique d’animation confère du sens à une politique patrimoniale en positionnant les ressources locales dans un panel d’activités. 39 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 L’animation est l’une des modalités de valorisation du patrimoine. Elle constitue un des maillons de la chaîne et doit s’appuyer sur les autres fonctions patrimoniales telles que le recensement et la désignation, la restauration, la protection, la conservation, et différentes modalités de valorisation. La relativité de chacune des fonctions, et donc de la politique de label, est exprimée par certains acteurs politiques ou professionnels au regard de la complexité et de l’étendue du champ patrimonial. « Je pense que ce label doit nous faire garder en mémoire qu’on a un devoir par rapport à ce patrimoine : un devoir de restauration de ce patrimoine et d’animation. Le restaurer pour le restaurer ça ne sert à rien : il faut lui donner des destinations intéressantes et attrayantes » (un élu). « Le patrimoine ce n’est pas simplement Vah. Le patrimoine c’est une entité… ça comprend aussi les musées, les archives, énormément de choses… » (un animateur). La nécessité de différencier les composantes d’une politique patrimoniale a été soulignée par Jean Guibal, directeur de la Culture et du Patrimoine au Conseil Général de l’Isère, mais, pour lui, elle n’est pas toujours assimilée sur le terrain : « Un Pays d’art et d’histoire ne fait pas une politique culturelle, ni une politique patrimoniale ; il en est l’aboutissement et l’outil de mise en valeur. […] le ‘Pays d’art et d’histoire’ est un outil de valorisation mais, avant de valoriser, il faut avoir fait le travail de fond, qui est d’abord de connaître, conserver, restaurer si le besoin s’en présente, et faire tout le travail de connaissance… Si vous valorisez un lieu que vous ne connaissez pas, vous avez peu de chance d’en faire partager l’intérêt ». Jean Guibal insiste ainsi sur le fait qu’il ne faut pas prendre la finalité pour le projet. L’existence d’inventaires patrimoniaux participe fréquemment à la prise de conscience patrimoniale des acteurs du territoire et peut apparaître comme un levier pour l’animation et la valorisation. Ce fut le cas en vallée d’Abondance (1990-1993), à Saint-Etienne et dans le Forez. L’élaboration du projet VPah du site de Trévoux (Ain), actuellement en phase de candidature et bénéficiant d’un inventaire, devra être observée avec attention. En effet, les représentations du patrimoine portées par l’inventaire peuvent influencer la définition du projet VPah, concernant les objets mobilisés mais aussi les modalités de valorisation. Cette relation entre l’inventaire et le label pose la question de l’acte de désignation, qui est essentiel dans la chaîne patrimoniale et en constitue un des premiers maillons. La politique du label amène les professionnels à dire ce qui « est » ou ce qui « fait » patrimoine pour le territoire et les habitants. Avec ce rôle dans la désignation, on assiste à un décloisonnement des fonctions patrimoniales mais le label n’est ici qu’un des révélateurs – et un des acteurs – de ce processus. L’animation constitue aussi un moyen de donner une visibilité aux autres fonctions patrimoniales. L’interaction entre les fonctions se concrétise avec le développement de la médiation autour des projets urbanistiques, architecturaux, paysagers ; par exemple la sensibilisation des publics autour des opérations de réhabilitation du bâti ou de restauration de monuments : à Vienne, la brochure éditée sur la cathédrale Saint-Maurice accompagne les travaux de restauration engagés en 2006 sur l’édifice, en présentant le projet de l’architecte en chef des monuments historiques et le savoirfaire des restaurateurs ; ce document constitue une aide à la visite. Les animations, la diffusion de documents, s’inscrivent de cette façon dans l’actualité des projets urbains. Le positionnement particulier de l’animation par rapport à la conservation, la restauration ou d’autres fonctions renvoie à la question de la finalité de la labellisation pour les sites. La première 40 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 convention signée à Vienne (1990) établit ainsi une articulation étroite entre l’animation et la conservation du patrimoine archéologique. Les attentes énoncées par les élus ont montré que, pour eux, la labellisation pouvait apparaître comme une solution à des problèmes qui ne relèvent pas forcément du label, comme la restauration ou la gestion des monuments historiques. Or, les services VPah n’ont pas de compétence directe concernant la protection. Mais ils peuvent participer à des actions de sensibilisation et de mutualisation en faveur des techniques de restauration, en offrant aux professionnels des lieux de réflexion ou en participant à des projets architecturaux et urbanistiques (formations aux techniques anciennes, chartes paysagères). Les édifices anciens constituent un important marché de restauration pour les artisans. Le label peut impulser des actions à ce niveau ; des réflexions en ce sens sont menées sur le Pah du Forez par exemple. A Vienne, des rapprochements sont en cours entre l’animateur et les artisans dans le cadre d’une opération de communication permettant un enrichissement mutuel. L’articulation s’y fait aussi avec d’autres politiques patrimoniales, culturelles et sociales (projet de ZPPAUP, Plan lumière, Plan patrimoine et opérations en cours sur les monuments historiques). L’exemple d’une ville comme Vienne montre que l’animation peut parfaitement s’inscrire dans une démarche globale de requalification urbaine. Si les conceptions de l’animation influent sur ses rapports avec les autres fonctions patrimoniales, elles influent également sur la structuration des services et sur l’aspect organisationnel. Certaines représentations privilégient ainsi des démarches de transversalité et de mutualisation d’action. Des cas illustrent la volonté de joindre les logiques de conservation et d’animation du patrimoine. L’animateur de l’architecture et du patrimoine du site d’Albertville est aussi conservateur du musée d’Ethnologie, d’Art et d’Histoire. Ce cas illustre la problématique du rapport entre la muséographie et les actions du label « Ville d’art et d’histoire » : au-delà des contraintes techniques et temporelles, la difficulté à remplir cette double mission tend à favoriser la première au détriment de la seconde. Cette configuration permet toutefois de développer des relations privilégiées avec le secteur muséographique (en raison notamment du profil de l’animateur, de sa formation qui relève du domaine des musées et non du label VPah). De même, on peut citer la configuration particulière de l’animation du patrimoine dans l’agglomération d’Annecy avec l’intégration du service art et histoire à la Direction des musées et du patrimoine ; elle constitue un atout en termes de transversalité pour les actions menées et pour la mutualisation des moyens. Le label enfin peut permettre enfin à des territoires qui n’ont pas de politique patrimoniale, d’engager quelques actions, en tant qu’outil de mobilisation des collectivités locales et de sensibilisation des citoyens au patrimoine et à la qualité architecturale. Les VPah peuvent-ils avoir un rôle effectif de catalyseur des politiques locales ? Certains sites-phares patrimoniaux ne cachent-ils pas l’absence de travail de fond ? Concernant les VPah, le discours d’un animateur vient renforcer cette impression (qui ne peut être généralisable à l’ensemble des sites) que l’animation existe pour un patrimoine dont les autres fonctions sont déficitaires : « Le patrimoine en tant que tel devrait avoir beaucoup d’autres fonctions, mais, actuellement, elles ne sont pas remplies. Une fonction, comme c’est dans la convention, vis-à-vis de la 41 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 population locale : de découverte, d’intégration, de compréhension de ce patrimoine ; ça c’est déjà un point. Il y a aussi une connaissance scientifique qui n’est pas du tout mise en avant. Je pense qu’avant de se lancer dans tout et n’importe quoi, il faudrait peut-être mener des études plus approfondies sur ce patrimoine, alors que ça n’est pas fait. De mise en valeur également : ça n’est pas une fonction ça mais ça participe à sa connaissance, sa mise en valeur, sa protection. […] Il y a énormément de fonctions que ce patrimoine pourrait remplir mais ne remplit pas actuellement» (un animateur). Des spécificités de la mission d’animation dans les pays : l’animateur comme porteur de projet L’étude des plans d’action territoriaux (cf. partie 1.2.) a mis en évidence des différences de logiques entre les villes et les pays, ces derniers étant plus centrés sur une logique de développement territorial que de diffusion patrimoniale. La spécificité des missions des pays d’art et d’histoire a également été soulignée dans les discours des professionnels. Elle a été formalisée au cours d’une formation à l’autoévaluation en novembre 2006 par des animateurs de pays51. Il apparaît que, si les objectifs des villes et pays sont communs, les missions diffèrent sensiblement : « 1. Définir et insérer le projet culturel du « Pays d’art et d’histoire » dans le développement local du territoire, 2. rassembler les populations et les acteurs autour d’éléments identifiants tout en évitant les dérives identitaires, 3. construire des projets transversaux en fédérant les acteurs locaux, 4. mailler le territoire de façon équilibrée par des actions culturelles régulières pour lui donner corps, 5. sensibiliser les publics et impliquer les acteurs locaux dans une démarche de qualité architecturale et paysagère, 6. créer des outils pertinents adaptés à l’échelle et au potentiel du territoire, 7. participer à la vie du réseau national tout en faisant intégrer les spécificités des pays. » Les représentations des missions par les pays introduisent la spécificité du métier d’animateur qui repose sur la spécificité du projet. Dans les pays, le label se caractérise par son inscription dans un projet de développement local, les activités d’animation du patrimoine ayant ici une fonction spécifique, articulée avec l’ensemble du projet de développement. L’animateur de pays apparaît alors comme un porteur de projet. Le métier d’animateur mobilise des compétences spécifiques aux agents de développement local : développeur, agent de développement, chargé de mission, animateur, chef de projet. Cette dénomination floue illustre la diversité des tâches, faites de mise en relation, de gestion de projet, qui ne sont pas reconnues comme compétences spécifiques en général, et encore moins dans le champ du patrimoine. Elles sont toutefois essentielles dans la construction de la gouvernance du label, du fait de la capacité des animateurs à dialoguer avec les 51 « On a dit comment on voyait les missions des pays. La convention de l’Etat mentionne « sensibiliser le public scolaire etc. » : ce sont des objectifs, pas des missions. Les missions, on les a écrites lors du brainstorming proposé et on a ressorti des choses extrêmement étonnantes ; la DAPA était extrêmement étonnée et s’est dit : c’est sûr, les pays, on ne les a pas compris, on applique aux pays le moule des villes » (un animateur). 42 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 acteurs de la ville ou du pays, ainsi que de développer des relations avec les professionnels du patrimoine. Cette mission qui positionne le développement local au cœur du métier ne confère parfois au patrimoine qu’un rôle de prétexte. Ainsi, le projet patrimonial doit être considéré comme une construction collective, ce qui pose le problème des modalités d’élaboration du diagnostic territorial partagé. En effet, si l’on considère que l’implication de la population locale est fondamentale dans l’animation, sa participation devrait se faire en amont, et particulièrement au moment du diagnostic. Or ce diagnostic est souvent mené avant même que les animateurs soient en place. Il semble opportun de revoir les procédures délibératives et les modes d’élaboration du diagnostic patrimonial tout en rendant ce dernier plus visible (cf. pistes de réflexion à la fin du rapport). 2.3. L’animation et les représentations des différents publics par les animateurs de l’architecture et du patrimoine Avec la valorisation du patrimoine et la promotion de la qualité architecturale, les conventions ont pour objectif le développement d’une politique des publics. Elle s’articule autour de la sensibilisation des habitants à leur environnement architectural et paysager, l’initiation du jeune public à l’architecture et au patrimoine et l’accueil des visiteurs. Plusieurs catégories de publics sont communément identifiées dans le cadre des actions du label : les habitants, les visiteurs touristiques, les scolaires et le jeune public. La prise en compte du public local résident est constitutif du label. A la différence du label « Ville d’art », créé en 1967 par la CNMHS et destiné communément au public touristique, VPah diversifie les cibles en étant plus fortement tourné vers les habitants et les jeunes. Il intègre de ce fait différentes actions pédagogiques et d’animation que ne développait pas le label « Ville d’art ». Cette évolution de la conception de l’animation culturelle a des répercussions dans les modalités mêmes qui sont proposées, à travers les actions de médiation variées auprès des publics : accueil des publics dans le cadre de visites guidées (programmes de visites à l’intention des individuels et des groupes ; visites thématiques et spécialisées à destination de publics spécifiques…), ateliers, lieux ressources (le CIAP quand il existe), conférences, expositions, ainsi que lors d’événements particuliers comme les Journées européennes du patrimoine et à travers la politique d’édition et les publications (cf. partie 3.4). Le public résident Si la sensibilisation à l’architecture et au patrimoine constitue un objectif transversal du label, la population locale est considérée comme un public prioritaire. L’importance du lien avec les habitants a été soulignée par tous les acteurs de l’animation, le souhait étant de créer un sentiment d’appartenance à un collectif. La notion de proximité du patrimoine est fondamentale à cet égard, 43 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 c’est-à-dire que le patrimoine est entendu à la fois comme « situé à faible distance du lieu de vie quotidien » et « avec lequel les liens sont étroits » 52. Le label vise à donner un sens aux mutations des territoires pour les populations qui y vivent. En quelque sorte, l’animation d’un patrimoine local permet de donner des repères face aux transformations socio-spatiales en cours. Pour sensibiliser à la dimension dynamique du patrimoine et faire comprendre que l’ensemble de la ville et des habitants sont concernés, les actions d’animation privilégient les circuits dans les quartiers (balades urbaines), les visites thématiques (visites d’édifices, de lieux contemporains), les ateliers, les conférences et les expositions. La participation à des manifestations événementielles (Journées européennes du patrimoine, Nuit des musées), l’inscription dans des opérations qui offrent une bonne visibilité mais aussi les actions qui s’insèrent dans des politiques plus globales liées à l’action culturelle et l’urbanisme, favorisent également la recherche de rencontre et d’interactivité avec les citoyens. Des difficultés existent concernant l’identification de ce « public qui ne vient pas de très loin » (un animateur), population qui semble assez disparate et d’autant plus complexe à cerner que les études approfondies des publics font largement défaut53. Les inscriptions aux visites guidées permettent toutefois de se faire une idée de certaines catégories de public: une partie notable est constituée d’un public plutôt âgé et des femmes seules d’environ 50-60 ans qui deviennent des fidèles des visites guidées ; cela semble assez net dans le cas des villes. Une partie de ce public se caractérise parfois par son indisponibilité estivale lorsqu’il est impliqué dans une économie touristique locale (par exemple en montagne) ou son absence pour cause de départ en vacances, ce qui oblige à des adaptations de la part des professionnels de l’animation. L’approfondissement du travail de sensibilisation de la population est jugé nécessaire sur une majorité de sites. L’attention particulière portée aux résidents peut renvoyer simultanément à l’objectif énoncé précédemment de favoriser « l’appropriation » patrimoniale, mais aussi au rôle essentiel des habitants dans l’efficacité de l’animation ainsi que pour la mobilisation des autres publics (le rapport des populations locales aux touristes) : « La conviction que l’on partage avec l’Office de tourisme, c’est que les meilleurs ambassadeurs d’un territoire, ce sont les habitants eux-mêmes. Sans leur contribution, une politique de valorisation est vouée à l’échec. C’est d’abord les habitants que l’on veut toucher » (un animateur). « Nous croyons beaucoup à l’enrichissement des actions lorsque les publics se croisent, se rencontrent » (un animateur). « Faire en sorte que la population s’approprie sa culture pour la transmettre à la population touristique et aussi pérenniser le tourisme dans la vallée » (un élu). La ville de Vienne affiche cette volonté de transversalité, à travers le renforcement des liens entre le domaine social et le domaine culturel mais aussi entre les acteurs du patrimoine, les services de la collectivité54 et les différents publics. La volonté de renforcer le croisement des publics et d’éviter leur cloisonnement amène d’ailleurs à s’interroger sur la place et la pertinence des actions 52 Michel Kneubühler, « Patrimoine et territoire : un argumentaire », texte publié à l’occasion des Journées du patrimoine 2002, consultable sur http://www.vie-publique.fr/documents-vp/journeespatrimoine.shtml. 53 La ville de Vienne tente de pallier cette absence en mettant en place des outils concernant la connaissance des publics. 54 « Le service s’appelle Animation du patrimoine et non pas Vah ; l’idée est de dire que, pour qu’il ait tout son sens, ce label doit être porté par l’ensemble des services municipaux. C’est peut-être ambitieux mais l’objectif à se fixer dans les années à venir, c’est ça » (un animateur). 44 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 ciblées pour tel ou tel type de personnes. De manière pragmatique, les sites doivent gérer le mélange des publics et la pluralité des attentes55. Et certains événements nationaux tels que les Journées européennes du patrimoine, « Rendez-vous aux jardins » permettent de toucher tous les publics. Les visiteurs touristiques La place du public touristique est variable selon le profil des sites rhônalpins. L’équilibre entre résidents et touristes est par exemple un enjeu pour le Pah des Hautes vallées de Savoie et la Communauté d’agglomération d’Annecy. À Annecy, les touristes constituent la part essentielle du public mais la volonté de renforcer la sensibilisation de la population locale a été soulignée56. Le Palais de l’Ile est fréquenté majoritairement par des touristes et l’objectif est d’amener plus de résidents locaux à le fréquenter. Vis-à-vis des touristes, l’animation a pour objectif d’accueillir et de faire découvrir le territoire. Sont organisées des visites guidées traditionnelles, des animations itinérantes et des circuits thématiques (comme sur le Pah des Hautes vallées de Savoie), mais aussi des expositions. Aux yeux des animateurs, il s’avère important d’éviter les choses trop pointues pour les touristes ; de même, certaines thématiques liées à la prospective urbaine les intéressent souvent moins que les résidents. Ceci pose la question des complémentarités et des synergies entre patrimoine et tourisme ainsi que celle de la perception des actions : sur les territoires alpins touristiques, certains entretiens auprès d’élus mettent en avant l’idée que les actions sont trop fortement à destination des touristes et qu’il faudrait toucher plus les habitants. De même, la forte saisonnalité dans les animations est soulignée pour les territoires touristiques comme les Hautes vallées de Savoie et la vallée d’Abondance. Les territoires de montagne ont en effet pour caractéristique une concentration accrue des animations pendant les saisons touristiques hivernales et estivales, en lien avec les périodes d’activités des stations. L’essoufflement général de la fréquentation touristique constaté sur certains sites (comme Chambéry) pose par ailleurs la question de l’adéquation entre l’offre et la demande. La diversification de l’offre proposée aux visiteurs constitue fréquemment un enjeu pour les sites. La prise en compte des publics touristiques reste assez peu formalisée dans les discours des professionnels. Toutefois, l’utilisation significative du patrimoine et du label dans la politique touristique de certaines collectivités (affichage de la politique dans les plaquettes à destination des touristes) révèle l’intérêt plus global des acteurs du territoire pour ce type de public et les enjeux économiques qui lui sont associés. 55 « L’été, on réfléchit plus pour le public de passage mais on n’exclut pas les locaux, comme d’ailleurs on n’exclut pas les touristes le week-end, ou dans notre cycle en semaine» (un animateur). 56 « Notre ciblage permanent ce sont les habitants, mais on a notre fond de commerce qui continue à être les touristes ». L’animateur a pour objectif d’« essayer de rééquilibrer… que le patrimoine ne soit pas seulement un produit pour le touriste » et de « faire du patrimoine aussi une valeur culturelle et citoyenne ». 45 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Le jeune public Les scolaires et plus largement le jeune public sont considérés comme une cible importante. Les actions de sensibilisation au patrimoine envers ce public sont perçues comme essentielles, les enfants étant considérés comme les acteurs de demain. Ainsi, élus et animateurs s’accordent habituellement pour reconnaître la nécessité de sensibiliser les enfants dès le plus jeune âge pour que le patrimoine ne reste pas quelque chose d’anecdotique pour les générations futures. Cette volonté d’implication forte du jeune public amène au développement de nombreuses actions spécialisées qui peuvent reposer sur la mise en œuvre de relations privilégiées avec des acteurs autres que ceux du patrimoine (le site de Chambéry s’illustre ainsi par un bon partenariat avec l’Education nationale) ou encore des dispositifs financiers, à l’exemple des aides proposées par le Conseil général de la Savoie en faveur des projets pédagogiques des classes. La gratuité des animations VPah mise en place par des collectivités locales pour les établissements scolaires va aussi dans ce sens. L’action envers le public jeune, dans le cadre scolaire ou non, vise à initier et sensibiliser : visites autour de thématiques liées aux programmes scolaires, parcours découvertes, activités éducatives et ateliers avec supports pédagogiques renouvelés (cf. partie 3.4). L’animation est adaptée en faisant par exemple passer la culture sous un angle ludique et pas uniquement scientifique. Le public scolaire concerné va de la maternelle à la terminale, mais dans les faits, ce sont surtout les écoles primaires et dans une certaine mesure les collèges qui sont les plus mobilisés, comme sur le site de Saint-Etienne. Rares sont les sites qui parviennent à toucher toutes les tranches d’âges de la jeunesse. La volonté des animateurs est que les jeunes se dotent d’une conscience patrimoniale, qu’ils se perçoivent comme des acteurs du patrimoine et n’adoptent pas une attitude passive de « consommateur ». Cette démarche implique de mobiliser les enseignants sur un registre dynamique et l’une des difficultés rencontrées est justement de parvenir à faire passer ce message ainsi qu’à montrer le rôle que peut avoir le service d’animation auprès des établissements et des publics scolaires57. Il semble que certaines publications constituent une base de dialogue avec le monde de l’enseignement, un fondement du travail pédagogique avec les écoles. On peut alors distinguer : - les actions ponctuelles où l’animation s’adapte en quelque sorte au projet et au souhait de l’enseignant ; - les projets pédagogiques plus globaux avec une co-construction et un suivi dans le temps, le souhait étant alors de pouvoir mobiliser les retombées liées aux projets menés avec les scolaires pour élargir aux autres publics. Lorsqu’il y a restitution auprès d’un public plus large, cela peut favoriser une meilleure implication des partenaires. 57 « On se rend compte que notre service éducatif, qui pourtant a plus de 20 ans, a encore du mal à toucher les écoles. Pourtant on envoie les plaquettes mais c’est la connaissance directe avec les enseignants qui fait qu’on va pouvoir faire connaître et faire comprendre l’action qu’on mène. On en ressent les bénéfices mais c’est très long. Un directeur d’école va plutôt dans un musée ; pour la ville c’est plus dur. Et notre directeur de service insiste pour qu’on mène des actions avec les scolaires» (un animateur). 46 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Il est plus aisé de toucher le public scolaire, relativement captif, que le public extrascolaire, mais ici encore la variété des territoires et leurs configurations rendent délicate toute généralisation. L’existence d’un pôle muséographique fort peut avoir des répercussions sur la fréquentation du jeune public ; il détermine ainsi fortement celle du Pah Trois Vals – Lac de Paladru 58. D’autres types de publics plus spécifiques sont parfois identifiés, tels les professionnels et les personnes handicapées. Par exemple, certaines formes de sensibilisation sont développées en faveur des professionnels du bâtiment, des personnels d’Offices de tourisme mais aussi des commerçants, hôteliers, restaurateurs, propriétaires de gîtes. En vallée d’Abondance, un projet d’édition d’un guide de recommandations architecturales pourrait participer à une sensibilisation des professionnels à la qualité, ainsi que des visites thématiques en moyenne saison. Parmi les exemples d’outils de sensibilisation, on peut citer la charte paysagère et architecturale qui existe dans le pays du Forez. Certains professionnels et habitants considèrent parfois le patrimoine sous l’angle de la contrainte, d’après ce qu’expriment les animateurs. Le public handicapé est, lui, plutôt appréhendé en termes d’adaptation et d’équipement des sites. Un travail est particulièrement mené envers les personnes handicapées sur certains sites comme les villes de Chambéry, Vienne (partenariat et accessibilité du patrimoine) et le pays Trois Vals – Lac de Paladru. Ainsi, il apparaît que la prise en compte des différents publics est variable selon les sites. L’observation des VPah rhônalpins montre que l’appropriation citoyenne du patrimoine et de l’espace urbain par les habitants est centrale pour les villes, autour de l’idée de prospective urbaine, tandis que la préoccupation patrimoniale semble laisser un peu plus de place au public touristique dans le cas des pays. Les usages symboliques et politiques différents complexifient le nécessaire travail de coordination sur les sites, la mise en cohérence des activités étant liée aux représentations d’un but à atteindre pour les professionnels. La volonté des animateurs est de répondre aux exigences jugées fortes des publics en termes de prestations. Alors que le panel des actions prévues dans les conventions est généralement large, des choix sont effectués au regard de la réalité des sites, ce qui amène à privilégier telle ou telle opération, et donc, tel ou tel public. Enfin, la représentation que les professionnels se font des publics n’est pas déconnectée de la question de l’évaluation. En effet, l’émergence de volontés de se doter d’outils de mesure et de véritables politiques des publics, s’accompagne d’une transformation des logiques symboliques du patrimoine. Les modalités d’une évaluation efficace des publics restent à mettre en œuvre sur la plupart des sites à ce jour. Cela rend difficile la mise en perspective entre résultats de l’évaluation et représentations que se font les professionnels des publics. 58 « Le point fort de notre fréquentation, toujours lié à la conjoncture ‘musée’, c’est le public scolaire » (un animateur). 47 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 2.4. De nouvelles logiques symboliques émergentes : les différentes stratégies liées aux CIAP, points de tension entre des logiques divergentes Le développement du label VPah s’accompagne du développement de nouveaux espaces du patrimoine, intitulés Centres d’interprétation de l’architecture et du patrimoine (CIAP). Dans le cadre des conventions qui définissent le label « Villes et Pays d’art et d’histoire », les collectivités territoriales s’engagent à mettre en œuvre des actions de valorisation du patrimoine et de l’architecture. Si le CIAP n’est pas une initiative des animateurs de l’architecture et du patrimoine, il est néanmoins une « invention » du label. Il a pour objectif d’être un lieu « d’information et de présentation des enjeux de l’évolution architecturale, urbaine et paysagère de la ville » 59 et d’accueil des différents publics concernés par le label : habitants, touristes, jeunes. Pour les habitants, il s’agit d’un lieu de rencontre et d’information sur les activités de valorisation du patrimoine, et les projets urbains et paysagers. Pour les touristes, il s’agit d’un espace d’accueil et d’information, et pour les jeunes d’un support pédagogique dans le cadre des ateliers de l’architecture et du patrimoine. La création des CIAP amène ainsi un renouvellement des logiques et des représentations liées aux différents types de publics. Dans la perception qu’en ont les responsables de sites et les instances de régulation et de mise en œuvre de la politique de label, le caractère transversal du lieu est en effet essentiel. Les animateurs sont attachés aux objectifs ambitieux de cet équipement structurant (« Si le CIAP est perçu comme lieu de vie de la convention, avec salle de médiation, centre de ressource, accueil des publics, etc. … oui, mais si c’est juste une vitrine épurée du patrimoine, non. »). Mais dans les faits, des difficultés existent quant à sa mise en œuvre. Les monographies réalisées sur les sites de Rhône-Alpes mettent en évidence une forte diversité des situations et en font un objet problématique. VPah Albertville Etat du projet de création du CIAP Situation problématique liée au report de la rénovation du musée où le CIAP devait être installé. Chambéry Ouverture prochaine dans un espace de 600 m², dans l’Hôtel Cordon, au cœur du secteur sauvegardé. Accès gratuit à destination du public local. Saint-Etienne Retard sur l’ouverture prévue, pas de site choisi. Passage du programme de 2000 m² à 361 m². 59 Caractérisation du projet Association d’une approche muséographique et d’une trame évoquant l’évolution de l’architecture et de l’urbanisme. Lieu de découverte et de réflexion, mais aussi lieu de référence sur l’urbanisme et lieu de dialogue : information sur les projets et travaux, permanences de l’ABF, information sur les démarches en cas de travaux réalisés par des particuliers. Situation caractéristique d’un débat sur les objectifs : lieu d’exposition ? lieu de synergie avec les archives municipales ? Convention « Ville d’art et d’histoire » entre l’Etat et la Ville de Vienne, Titre II, Moyens, Article 2. 48 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Valence Vienne Vallée d’Abondance Agglomération d’Annecy Pays du Forez Les Trois Vals-Lac de Paladru Hautes Savoie vallées de Absence de CIAP mais existence d’un lieu d’accueil du public installé dans la maison des Têtes, au cœur de la vieille ville. Projet prioritaire de rénovation du musée. CIAP dénommé « Salle du patrimoine » et installé dans un local de 80 m², situé à proximité d’une église. Projet mettant en réseau des pôles d’interprétation structurants de qualité : 5 sites secondaires à partir de l’abbaye d’Abondance. Difficultés financières. Installation dans le Palais de l’Ile, exCentre d’interprétation urbain. Présentation d’expositions temporaires. Un projet de « pôles de vie » a été abandonné au profit de dispositifs en réseau et du renforcement de la signalétique. Elément problématique pour le pays : difficile à concilier avec une démarche de pays non polarisée autour d’une ville centre. Idée d’un réseau de lieux, complété par un site à vocation de formation, de rencontre et d’échanges. Actuellement assimilation au musée archéologique du Lac de Paladru. Interrogations sur le CIAP : lieu de vie de la convention, avec une salle de médiation, centre de ressources, accueil des publics. Projet de restauration de la grange « dimière », propriété du pays Voironnais, en lien avec le Musée Dauphinois. Question complexe : 2 centres d’interprétation existants sur le baroque (Lanslebourg et Séez). Nombreux musées et maisons thématiques locaux. Lieu d’accueil des publics dans le cadre d’ateliers notamment scolaires et point de départ d’un parcours patrimonial. Espace contraint par sa taille modeste. Site multipolaire relié à un pôle central, sur la base de thématiques complémentaires (montagne et nature, douane et contrebande, architecture traditionnelle). Fort impact en termes d’accueil touristique. Volonté d’impliquer plus fortement la population locale. Débat entre la vision du ministère - le CIAP comme lieu structurant à l’échelle du territoire - et la vision locale, qui le perçoit comme une structure « de plus ». Développement d’expositions temporaires, en parallèle aux expositions permanentes, à destination de 3 publics : scolaires, touristes, population locale. Proposition d’itinérance du CIAP, au travers d’un « Archibus » présentant une exposition générique, des expositions temporaires thématiques, des ateliers éducatifs, des outils de médiation, des outils d’information et un point rencontre. Cette présentation souligne une situation problématique au niveau des objectifs affichés. Au travers des orientations nationales, l’Etat affiche dans le cadre des conventions un certain nombre d’orientations, qui sont ensuite reprises, contournées ou abandonnées au niveau local. Loin d’être forcément négative, la diversité des situations illustre la difficulté à concentrer sur un même lieu, des activités destinées à des publics différents. Les attentes et besoins respectifs ne convergent pas 49 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 vers des objectifs compatibles. L’accueil des touristes n’est pas facile à concilier avec l’activité pédagogique, pas plus qu’avec les dispositifs d’information et de concertation développés au niveau de l’urbanisme. De plus, si la polarisation des activités sur un site répond aux attentes des porteurs du label en termes de lisibilité, elle pose des problèmes en termes d’efficacité au regard des objectifs poursuivis. Enfin, le problème des coûts d’investissement et de fonctionnement de tels équipements est posé. La situation la plus fréquente est celle d’une concurrence avec les équipements muséaux en place ou en projet. C’est ainsi que chaque territoire labellisé va en fait fabriquer son propre projet, en fonction des objectifs et priorités définis, mais aussi des moyens mobilisables. En premier lieu, il y a ceux pour lesquels le CIAP n’est en aucun cas une priorité. Cette situation ne peut être éludée, et traduit la réalité des priorités liées au label « Ville et Pays d’art et d’histoire ». L’enjeu essentiel est plus d’obtenir une reconnaissance extérieure que de développer une politique d’ensemble associant architecture et patrimoine, à destination des habitants, scolaires et visiteurs. Valence illustre le cas d’une situation bloquée. La ville ne manifeste pas le souhait de créer un CIAP. Son investissement se fait sur d’autres équipements, en particulier le Centre du patrimoine arménien (ouvert en 2005) ou encore la rénovation du musée. Ce cas soulève le rôle que peut prendre l’équipement CIAP dans le cadre du renouvellement de la convention et souligne son positionnement ambigu dans l’avenir de la labellisation. Ensuite, viennent ceux pour lesquels le CIAP est en projet. Dans ce cas, la situation la plus fréquente est celle d’un débat sur les objectifs. Bien souvent, la dimension touristique est privilégiée, au détriment des dimensions citoyennes et urbanistiques. La situation des pays révèle un souci réel de diffusion, contraire à un objectif de polarisation. Différentes solutions sont envisagées, allant de la mise en réseau de plusieurs sites à la conception de dispositifs d’itinérance, proposant une diversité de services ajustés en fonction des publics visés : expositions, informations, actions pédagogiques, rencontres et débats60. En pays du Forez par exemple, l’élaboration du CIAP est confrontée à un double problème : - celui de son emplacement puisqu’un site avait été initialement proposé mais qu’un conflit est né entre le maire de la commune et la DRAC. Dans les Pah, la question de la localisation cristallise fréquemment les difficultés des CIAP ; - celui de la définition de l’équipement, du sens et du rôle du lieu entre support touristique structurant, mission de conseil, centre de formation et de documentation… Pour certains élus, le CIAP n’apparaît que comme une structure supplémentaire parmi d’autres. Selon l’animatrice du Pah du Forez, il doit accompagner le public et ne doit pas être conçu comme un espace préalable qui conditionne toute découverte du territoire. La complexité à faire coïncider les objectifs de l’outil avec les enjeux du territoire et son échelle retarde sa concrétisation. 60 « Le CIAP ça doit être un service, ça ne doit pas être un lieu figé. L’exposition permanente, pour moi, c’est figé, pour 10-15 ans, ce n’est pas évolutif et ce n’est pas un service qu’on propose à la population. L’exposition, c’est annexe. On a tellement de musées qui font déjà la présentation du territoire […]. Nous, on est plutôt en train de réfléchir en matière de service plutôt que de truc statique où on va attendre les gens et les attendre dans des structures qui coûtent cher en fonctionnement » (un animateur). 50 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Dans le cas de Saint-Etienne, la création se heurte à la fois au choix du lieu d’implantation dans la ville et à la conception même de l’équipement que l’animatrice de l’architecture et du patrimoine souhaitait étroitement lié aux archives municipales, avec qui la labellisation a été conduite. La perception que peut en avoir le politique ne permet pas toujours une logique transversale ou une mutualisation des moyens et des modes de valorisation. Les réalisations effectives sont au nombre de deux : Vienne et l’agglomération d’Annecy (transformation du Centre d’interprétation urbain en CIAP avec projet d’exposition permanente), auxquelles il faut ajouter la ville de Chambéry qui doit faire l’objet d’une ouverture prochaine. Basés sur des équipements et des modes de fonctionnement très différents, les trois sites révèlent la difficulté à homogénéiser le dispositif. Les différents sens conférés au CIAP renvoient à des logiques symboliques du patrimoine, de l’animation et de la valorisation qui peuvent être divergentes. « Les objectifs sont intéressants mais c’est un concept qui ne parle à personne sauf à ceux chargés de le mettre en place» (un animateur). Le CIAP est révélateur de tensions au sein de la politique de label et il apparaît comme une entrée particulièrement pertinente pour mettre en exergue ces tensions. Dans certains cas, il s’agit d’un problème de volonté politique, dans d’autres, il renvoie à un choix de localisation ou un choix concernant le rôle du CIAP par rapport aux musées. On peut ainsi s’interroger sur le choix de la création de CIAP sur des territoires où des musées existants pourraient être redynamisés et avoir un rôle moteur dans la politique patrimoniale61. Le problème est en effet d’insérer le CIAP dans les équipements existants, de répondre aux objectifs définis dans la convention et aux attentes de publics très divers. Les compromis obtenus montrent que les collectivités territoriales privilégient souvent une des dimensions, en veillant à faire de cet équipement un outil nouveau par rapport à l’existant. Le problème qui apparaît alors est celui de la visibilité (en termes d’identification des objectifs et des publics) de l’équipement CIAP sur les territoires. Ainsi, les logiques symboliques renvoient aux perceptions de la mobilisation du patrimoine et de la mission d’animation et de valorisation. Elles donnent des indications sur la façon dont les sites visent à faire exister un patrimoine pluriel tout en étant contraint par la réalité locale. 61 Jean Guibal s’interrogeait à ce sujet sur la création du CIAP de Vienne : « au lieu de restaurer le musée, de dire ‘le musée va être le centre d’interprétation du patrimoine de Vienne’, on laisse à l’abandon le musée et on créé ailleurs un centre d’interprétation du patrimoine. » 51 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 52 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 III. LA MATERIALITE DU LABEL Aborder la question de la matérialité implique d’abord de s’attacher aux types d’« objets patrimoines » mobilisés, au régime de ces objets et aux évolutions que l’on peut constater dans les modalités de mise en valeur et d’animation. La mutation des objets sélectionnés et leur organisation ne sont pas indépendantes des représentations du patrimoine et des logiques symboliques que l’on a mises en évidence dans la partie précédente. Les implications de la mobilisation des patrimoines immatériels et émergents doivent alors être considérées avec intérêt. La matérialité renvoie également à l’hétérogénéité des sites en termes d’ancienneté, de taille de territoires, de projets ainsi qu’à la diversité qui existe dans l’organisation des structures porteuses, des supports institutionnels, des partenariats et des moyens mis en œuvre. Plus largement, cette partie interroge les techniques et modes de travail, c’est-à-dire la quotidienneté de la mission des équipes d’animation. Les objets mobilisés influencent la manière de travailler et posent la question des modalités nouvelles de l’animation et de la médiation. On peut penser que l’émergence de nouveaux modes d’animation répond à des attentes nouvelles des publics, renvoyant également à des conceptions réactualisées du patrimoine. L’utilisation des nouvelles technologies, qui peut faire partie des éléments de normalisation de l’action professionnelle, doit par ailleurs être interrogée puisqu’elle participe à une reproblématisation des aspects matériels du label. La politique du label renvoie, enfin, à l’existence d’un réseau. Il s’agit d’étudier la construction réticulaire en abordant les fonctionnalités de ce réseau, ses dynamiques et les manières dont s’en saisissent les acteurs. 3.1. La logique matérielle et spatiale du label : objets et évolutions Les dossiers de candidature au label et les conventions sont des sources de renseignements intéressantes concernant les types d’objets patrimoniaux mobilisés dans le cadre du label : ils mettent communément en évidence une diversification des patrimoines représentatifs des territoires labellisés. Une observation de l’évolution des objets entre des conventions signées à quinze ans d’intervalle, ou une étude diachronique des objets au sein d’un même territoire labellisé, montrent un élargissement des champs patrimoniaux. L’exemple de l’évolution du site de Vienne sur la quinzaine d’années de conventionnement est révélateur de ce processus : à la signature de la première convention en 1990, la période romaine a été privilégiée62 avec le patrimoine 62 Le bilan réalisé sur la période 1990-2005 le souligne : « malgré une grande variété de thèmes proposés, les visites sur le patrimoine gallo-romain sont prédominantes. Cela s’explique par deux phénomènes : - Vienne est principalement connue comme ville gallo-romaine, avec deux monuments emblématiques, le théâtre romain et le temple d’Auguste et de Livie. 53 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 monumental et archéologique ; ces dernières années, un intérêt accentué pour le patrimoine moderne, industriel, le patrimoine naturel et paysager ainsi que le patrimoine ethnologique, a permis un élargissement des périodes et champs couverts pour une ville dont le « spectre » patrimonial mobilisable est large (de la préhistoire jusqu’au patrimoine du 20e siècle). Le label et l’élargissement du champ patrimonial Une première observation des types de patrimoine mis en avant sur les sites rhônalpins amène à distinguer : - les champs patrimoniaux « traditionnels », mobilisés de manière significative par un nombre représentatif de territoires labellisés et dont la valeur patrimoniale est assez consensuelle socialement. Ces champs sont multiples, englobant le patrimoine bâti ancien, les monuments historiques, le patrimoine rural vernaculaire (villages, architecture traditionnelle et matériaux), le patrimoine religieux (églises, chapelles), militaire et fortifié (châteaux, forts), archéologique. L’époque médiévale constitue un bon exemple de période historique qui appartient aussi à cette catégorie très mobilisée ; - les patrimoines émergents et en voie d’affirmation. Parmi ces champs qui sont plus ou moins mobilisés selon les sites, on peut identifier : • le patrimoine naturel (géologie, faune, flore…) et la problématique paysagère ; particulièrement sur les Pah des Hautes vallées de Savoie, de la vallée d’Abondance, du Forez ou encore à travers les canaux à Valence. Des différences d’appréhension du patrimoine paysager peuvent exister entre les Villes et les Pays d’art et d’histoire, les logiques de ces derniers pouvant sembler plus proches de celles du monde rural. Les territoires de montagne semblent particulièrement confrontés à ces problématiques paysagères, d’une part à cause de la singularité environnementale de ces espaces, d’autre part parce qu’une partie notable de ces territoires est habituellement dépendante d’une activité touristique reposant ellemême sur la dimension paysagère. Les enjeux sont parfois articulés avec la problématique des savoir-faire (agro-pastoralisme par exemple), des terroirs agricoles et des AOC ; • le patrimoine industriel : l’avènement des thématiques industrielles dans le champ du patrimoine renvoie à des éléments multiples : lieux et modalités de production, savoir-faire et mémoire ouvrière, friches (usines, exploitations minières), sociabilité et activités (logements, commerces). L’exemple de Saint-Étienne est assez représentatif de cette mobilisation des items industriels des 19e et 20e siècles. Selon la convention, il s’agit d’un « patrimoine fragile, car non reconnu comme tel, qui ne s’impose pas au regard, mais qui participe par sa dimension - Aucune promotion des autres périodes ne semble avoir été faite de façon systématique. Le personnel répondait aux demandes mais ne cherchait pas à faire évoluer de manière marquante les choix des visiteurs. Ces travers seront à rectifier à l’avenir, afin de diversifier les publics. Il n’en reste pas moins que les guides-conférencières ont évolué dans leur pratique vers plus de professionnalisme. En plus des formations continues, un outil de médiation a été mis en place en 2000 sous la forme d’un dossier iconographique qui permet à chacune de disposer d’un support présentant au public l’actualité de la recherche archéologique, notamment par le biais de photographies, de maquettes et de cartes. » (Ville de Vienne, Service Animation du patrimoine, « Bilan des actions conduites à Vienne dans le cadre du label ‘Ville d’art et d’histoire’ de 1990 à 2005 », p.8) 54 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 • • humaine à la qualité de vie » (Convention, 2000, p.3). Le Pah des Hautes vallées de Savoie mobilise également le passé industriel, en particulier celui lié au développement de l’hydroélectricité et de l’électrométallurgie ; les savoir-faire et les questions mémorielles font l’objet d’une prise en compte croissante, dans une approche qualifiable d’ethnologique. Cette saisie du patrimoine immatériel par des opérations concrètes reste très variable selon les sites. La Communauté d’agglomération d’Annecy s’illustre par l’intérêt porté à la question des mentalités (le mouvement de l’Ecole d’Uriage au milieu du 20e siècle puis l’association « Peuple et Culture » autour de Joffre Dumazedier, les mouvements liés à la Résistance et la conception de projets d’éducation populaire). Le patrimoine immatériel renvoie communément à la problématique de la cohésion sociale et peut participer à conférer une dimension citoyenne aux rapports des habitants à leurs patrimoines ; l’architecture du 20e siècle et le patrimoine bâti contemporain font l’objet d’un intérêt croissant, en lien avec des enjeux urbanistiques et avec la question du cadre de vie. La prise en compte de l’histoire récente des villes et des phases d’urbanisation répond à une volonté d’articuler les hauts lieux patrimoniaux (cité médiévale et monuments historiques par exemple) avec le projet urbanistique d’ensemble. C’est le cas notamment pour l’agglomération d’Annecy (opérations d’urbanisme et d’habitat, requalifications d’immeubles de logements, ZUP de Novel…) et pour la ville de Valence (avec la Zone à Urbaniser en Priorité, les immeubles contemporains d’habitation, les châteaux d’eau ou la piscine Tournesol) où la dimension « prospective urbaine » est explicitement posée. « Il y a une volonté de s’adapter à des réalités d’aujourd’hui et de ne pas fonctionner uniquement sur une idée patrimoniale historique mais aussi sur une actualité, voire sur une prospective urbaine. […] On a entamé un travail sur les quartiers, travail que l’on va continuer de développer, avec ce souci de faire en sorte que la modernité de ces quartiers ne soit pas oubliée et qu’on ne pense pas qu’il n’y ait que les éléments du Moyen Age qui aient une importance. Le lieu où vivent les gens aujourd’hui, quelle que soit l’antériorité des constructions, a un sens et est porteur de racines, il ne faut pas l’oublier. » (un directeur des affaires culturelles). Enfin, des thématiques plus ponctuelles sont en voie de « patrimonialisation », comme celle liée à l’économie touristique et sportive avec l’exemple des stations de sports d’hiver et avec leur architecture (Pah des Hautes vallées de Savoie). Autre élargissement constaté, les Jeux olympiques, leurs impacts et leurs valeurs désormais abordés comme une thématique à part entière, par exemple dans les livrets à destination du jeune public à Albertville en complément de thèmes plus ancrés historiquement. Cependant, la collecte de ces tendances est rapidement confrontée à des difficultés d’analyse si l’on souhaite mettre en perspective des évolutions temporelles et spatiales. D’une part, parce que la diversité des champs mobilisés dépend des spécificités « matérielles » des sites, du « potentiel » de leurs ressources, au-delà même de la période de candidature. D’autre part, parce qu’il est nécessaire de distinguer objets mobilisables et objets réellement mobilisés. Une distinction doit être faite entre les champs patrimoniaux identifiés durant les phases de candidature des villes et pays (c’est-à-dire dans les dossiers de candidature), dans les conventions et les « objets 55 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 patrimoines » réellement mis en valeur par les acteurs c’est-à-dire faisant l’objet d’animation et de médiation. L’étude de leur coïncidence amène à nuancer quelque peu l’impact des nouveaux champs patrimoniaux dans les animations mises en œuvre. Si les thématiques patrimoniales émergentes font l’objet d’un intérêt croissant de la part des acteurs de l’animation et de certains publics, les modalités de valorisation concrètes qui mettent en avant le patrimoine contemporain comme les visites thématiques restent pour l’instant encore assez minoritaires sur une majorité de sites. Les raisons peuvent être diverses, notamment juridiques et matérielles (certains lieux ne sont pas aptes à accueillir du public dans des conditions satisfaisantes ; des sites industriels et leurs abords peuvent être conditionnés par des contraintes liées aux modalités de leur mise en valeur) ou liées aux représentations de ces objets. Les mutations constatables sur les sites visent donc, sans délaisser les patrimoines « conventionnels », à acquérir une approche dynamique du patrimoine et à sensibiliser les publics à cette conception élargie. Cette évolution renvoie à une tendance plus profonde dans la société, c’est-à-dire qu’elle s’inscrit dans un contexte global d’élargissement du patrimoine et de prolifération du champ : prolifération en termes d’objets, issus d’époques de plus en plus variées, de thèmes plus diversifiés, en termes de types d’espaces concernés et d’acteurs émettant des discours patrimoniaux (protection, valorisation, animation). Cette évolution quantitative et qualitative du champ d’application et de la définition du patrimoine lui fait englober monuments, sites, paysages, jardins, traditions, éléments bâtis et architecturaux, industriels, naturels, ruraux, urbains, objets d’art, objets archéologiques, archives, patrimoine écrit, domaine ethnologique et immatériel lié en particulier aux savoir-faire et à la mémoire. L’attachement récent à la mémoire rurale, aux enjeux architecturaux, aux transformations urbaines et au patrimoine du 20e siècle, n’est pas indépendant des mutations contemporaines des territoires rhônalpins confrontés à la métropolisation, aux logiques périurbaines et à une mobilité accrue des citoyens. L’élargissement des champs patrimoniaux peut résulter, dans le même temps, d’une conjonction d’opérations culturelles, socio-politiques, scientifiques. Elles peuvent être impulsées par l’Etat avec l’événementiel – par exemple la manifestation « Rendez-vous au jardin » – ou relever d’une attention particulière au niveau local63, renforcée avec les projets de ZPPAUP qui participent à l’ouverture à de nouveaux champs patrimoniaux. Cet effet d’impulsion n’est pas négligeable, en particulier lorsqu’il existe une réelle interaction entre les différentes politiques territoriales. L’évolution des objets sélectionnés dans l’animation est liée à l’élargissement des acteurs et une articulation plus grande entre patrimoine, culture, urbanisme, tourisme, celle-ci étant à la fois cause et conséquence potentielle. L’élargissement des « objets patrimoines » est l’occasion de 63 « Par exemple, depuis l’année dernière, une étude ethnographique a été réalisée sur le marché de Chambéry : quelle place, lieu de mixité sociale ou pas. Cela a été entrepris parce qu’il y a un gros projet de requalification du quartier et c’est le moment de s’intéresser à la mémoire vive du lieu et pouvoir aussi accompagner le projet » (l’animatrice). 56 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 nouvelles collaborations et partenariats avec des acteurs des domaines socio-culturels, ethnologiques et urbanistiques (CAUE par exemple). Il apporte des transformations dans les modalités de médiation et d’animation (cf. partie 3.3). « Le patrimoine est une notion qui a évolué ces dix dernières années. Au début, quand la convention a été signée, il y avait un public curieux de son patrimoine. Aujourd’hui, la notion de curiosité a été dépassée et cela va au-delà : on a envie de savoir ce qu’on peut en faire, comment on peut le mettre en valeur. C’est pour ça que les conventions évoluent. Au départ, c’était de la visite guidée essentiellement, nous n’étions pas dans les rapports de partenariats avec le CAUE, les notions de charte architecturale, de charte paysagère. Il y a une évolution des demandes des publics et forcément une adaptation des activités. Même si la convention n’est pas re-signée, on a fait évoluer nos prestations dans cette nouvelle dynamique » (un animateur). Une nécessaire démarche de mise en cohérence patrimoniale Le patrimoine est donc entendu au sens large et les candidatures au label manifestent leur volonté de prendre en compte toutes les facettes qui font l’identité du territoire et particulièrement les patrimoines émergents. Ce souhait est aussi une demande forte des services de l’Etat. En annexe du dossier de candidature de la Communauté d’agglomération d’Annecy (2003) figure par exemple un inventaire des richesses patrimoniales de l’agglomération ainsi qu’une liste d’immeubles ou territoires susceptibles de bénéficier du label « Patrimoine du 20e siècle ». Les dossiers de candidature sont porteurs d’un discours et d’une volonté de mise en cohérence territoriale. Cette volonté d’articulation explique en partie les logiques de complémentarité affichées dans les conventions à propos des caractères des territoires : complémentarités urbain / rural (à Annecy, à Chambéry), plaine / montagne, architecture traditionnelle / architecture contemporaine. La convention de Chambéry de 2007 parle par exemple d’un « territoire contrasté », avec les complémentarités suivantes : « urbain / rural ; fond de cluse / plateau ; habitat pavillonnaire / habitat collectif ; architecture traditionelle / architecture contemporaine ». La recherche d’un « fil conducteur », d’un dénominateur commun au territoire, apparaît essentielle dans le montage des projets. Et la cohérence dans la construction d’un ensemble patrimonial est censée permettre le développement de thématiques diversifiées en direction de différents publics. Pour les pays en particulier, on peut s’attendre à l’affichage simultané d’une pluralité patrimoniale – liée généralement à la diversité des caractères et des paysages du territoire labellisé – et d’une spécificité « identifiante ». Le besoin de définition lors du dossier d’extension du pays du Forez a soulevé la nécessité de faire ressortir un thème patrimonial fort : « Avant, on disait dans le Forez : ‘on a de tout !’ : patrimoines vernaculaires liés à la diversité des paysages (plaine, coteaux, montagne) ; techniques de construction ; habitats ; terroirs agricoles avec 2 AOC (côtes du Forez pour le vin et la fourme de Montbrison) ; toutes les périodes sauf gallo-romaine pour le bâti historique ; des savoir-faire traditionnels (fer, verre, bois) […]. On peut parler d’ensembles : églises, édifices remarquables, musées, tout le patrimoine, toutes périodes confondues. S’il faut une image forte du Forez, c’est le réseau de sites 57 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 fortifiés, à animer en principal. Ce qui peut déboucher in fine sur une image touristique structurante […]. Des Régions ou Départements ont su trouver un fil conducteur fort, par exemple, les villages perchés Sud Ardéchois ou les bastides du Rouergue… c’est ce qui manquait au Pays d’art et d’histoire » (un animateur). De même, archéologie et période médiévale constituent la trame de la dominante identifiée sur le pays des Trois-Vals – Lac de Paladru : les fouilles notamment médiévales sont présentées au musée à travers des expositions. Le risque d’une assimilation du territoire – par nature complexe – à un ou plusieurs éléments réducteurs, c’est-à-dire à sa simplification en une image « clichée » qui gomme la pluralité de ce territoire, existe. Ce problème a été soulevé sur plusieurs sites, en particulier touristiques : en vallée d’Abondance où le Pah est trop souvent résumé à l’abbaye d’Abondance selon certains acteurs ; dans l’agglomération annecienne avec le risque perçu d’une assimilation du territoire à la vieille ville d’Annecy 64. Pour ce dernier cas, l’animateur a souligné l’importance du travail consistant à « élargir la notion de patrimoine, d’architecture à ce qu’elle est vraiment », ce qui passe par la prise en compte des mutations paysagères et l’intégration des périphéries urbaines. La tendance du grand public à réduire le patrimoine de l’agglomération à la vieille ville se retrouve dans la perception d’une partie des élus locaux, à travers le fait qu’un certain nombre d’entre eux pensaient ne pas avoir de patrimoine. Avec la présentation des patrimoines et la réalisation d’une fiche complète des richesses de chaque commune, le dossier de candidature « a renversé la vision qu’ils avaient de ces questions là » (directeur général adjoint). Cet exemple qui renvoie à une idée préconçue d’une suprématie patrimoniale de la vieille ville d’Annecy et du patrimoine « traditionnel » pose la question, plus large, de la « réception » d’une conception patrimoniale élargie. Y a-t-il appropriation sociale de ces items ? Ce qui fait patrimoine pour les porteurs du label fait-il sens pour les habitants et les touristes ? Le problème de cette convergence des regards se pose aussi en termes spatiaux, puisqu’une recomposition géographique de la patrimonialisation est engendrée par les mutations du patrimoine et de l’animation. Pour les villes, les lieux privilégiés des opérations (prévues dans les conventions et mises en oeuvre) sont les centres-villes ; ce sont eux qui regroupent habituellement un pôle de patrimoines variés. L’ouverture aux quartiers périphériques et aux sites plus récemment urbanisés est une tendance qui se renforce ces dernières années ; elle est liée à l’évolution des champs patrimoniaux précédemment mise en évidence. Mais cet élargissement spatial est variable selon les sites. Pour les pays, il peut favoriser une meilleure irrigation du territoire. Pour les villes, il tend à engendrer une certaine « dédensification » patrimoniale ; c’est le cas par exemple à Vienne avec les actions en cours sur la vallée de la Gère et la requalification du patrimoine industriel, tandis que la vieille ville de Vienne et le site de Saint-Romain-en-Gal constituaient les pôles principaux des actions menées après la signature de la première convention (1990). La carte 1 synthétise cette évolution spatiale des objets. Pour autant, sur le plan quantitatif, les éléments patrimoniaux les plus 64 « […] Il y a un côté construction de cette image patrimoniale. À Annecy, on est dans une ville très fortement marquée par et pour le tourisme ; ça se ressent terriblement. On a construit l’image d’une vieille ville, c’est vendu comme tel. Autour, on est dans du petit patrimoine vernaculaire ou du patrimoine architectural d’aujourd’hui » (la directrice du patrimoine et des musées). 58 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 mobilisés dans la convention renouvelée en 2007 restent en majorité ceux du centre ancien : s’il y a « dédensification », il ne s’agit pas d’une « décentration ». Carte 1 : schématisation de l’évolution spatiale des opérations patrimoniales à Vienne Concentration des actions sur le centreville ancien Concentration du patrimoine galloromain, bâti, religieux… Concentration des monuments historiques, des musées Opérations de réhabilitation urbaine, Plan Lumière, signalétique patrimoniale Chemin du patrimoine 1 Salle du patrimoine (CIAP) 2 Office du tourisme 3 Emergence d’un intérêt patrimonial : vallée de la Gère, Estressin Requalification des sites industriels, patrimoine moderne, patrimoine paysager… Musée et site archéologique de Saint-Romain-en-Gal Ouverture sur le Rhône 59 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 3.2. Les moyens du label : pilotage, budget, organisation L’étude des aspects matériels du label nécessite une prise en considération des mutations contemporaines des territoires et des objets mobilisés, ainsi que de la distribution des compétences entre échelons territoriaux. Le label s’inscrit en effet dans un contexte qui a été renouvelé avec le transfert de compétences précises aux Départements (Archives) et aux Régions (inventaire du patrimoine)65. L’échelon communal ne fait pas l’objet de transferts précis, à l’exception de la terminologie générique de « Services culturels, bibliothèques, musées » que l’on trouve à tous les niveaux d’intervention. Cette présentation ne signifie pas que les communes ne développent pas de politiques qui leur soient spécifiques, ni que l’Etat se désintéresse totalement de ces initiatives. Le cadre d’intervention le plus fréquent devient celui du partenariat, le plus souvent matérialisé au travers d’un contrat ou d’une convention. C’est le cas des « Villes et Pays d’art et d’histoire » dont l’existence est matérialisée par une convention entre l’Etat et une collectivité locale, comme on l’a indiqué précédemment (cf. partie 1). Cette convention traduit la recherche locale du compromis entre les objectifs de l’Etat et ceux des collectivités locales, à trois niveaux : le diagnostic de départ, les objectifs partagés, ainsi que les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre. Un pilotage évolutif Un pilotage des candidatures assuré par les maires ou présidents d’intercommunalités Dans les villes, les maires sont le plus souvent impliqués dès l’origine de la démarche, au moment stratégique de la candidature au label. Rappelons ici brièvement les conditions qui ont entouré la candidature des villes de Rhône-Alpes au label VPah. La convention de Valence est définie en 1985, à l’époque où le député maire, rapporteur du budget de la culture, redéfinit l’ensemble de la politique culturelle de la ville en favorisant les rapprochements entre les services. L’engagement, toujours en 1985, de la ville de Chambéry s’inscrit dans un processus de continuité, amorcé par un tissu associatif actif, doté de guides-conférenciers et relayé par un partenariat ancien entre la municipalité et la CNMHS. De même, celle de Saint-Etienne est signée en 2000 à l’époque où le maire engage sa ville dans un vaste programme de reconstruction et requalification, qui coïncide avec l’intégration par les services de l’Etat, de nouveaux champs patrimoniaux (en l’occurrence le patrimoine des XIXe et XXe siècles). La signature en 2003 de la convention avec la ville d’Albertville, répond au renouvellement du label « Ville d’art » existant depuis 1978, mais aussi à la volonté de prolonger l’impact des Jeux Olympiques. Les démarches de pays sont plus singulières. Ainsi le pays du Forez est impulsé par le maire de Montbrison qui, encerclé d’intercommunalités, retrouve un leadership autour du label « Pays d’art et d’histoire » initié en 1998. La construction en 1991 du Pays d’art et d’histoire MaurienneTarentaise (futur Pah des Hautes vallées de Savoie) résulte du projet de développement culturel initié à l’occasion des Jeux Olympiques, par l’Etat et le président du Conseil général, coorganisateurs des Jeux Olympiques. Elle permet un rééquilibrage symbolique entre la Vallée de la 65 Jean-Marc Ohnet, Jean-Michel Tobelem, Patrick Poncet, Fabrice Thuriot, op. cit. 60 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Maurienne, exclue des Jeux et celle de la Tarentaise. Elle s’appuie sur le projet culturel et patrimonial de la FACIM, créée à Courchevel dans les années 1970. La labellisation de l’agglomération annécienne en 2004, accompagne quant à elle la construction de l’intercommunalité engagée en 2001, et dotée de la compétence culturelle. Enfin, dans d’autres cas, la convention résulte d’interventions extérieures. Celle du pays des Trois Vals - Lac de Paladru signée en 1991 est portée par le SIVOM, mais aussi par le directeur de la CNMHS, qui était découvreur du site de Paladru. La signature tardive, en 1990, de la convention de la ville de Vienne, malgré sa « densité patrimoniale », traduit une forte présence des services de l’Etat (CNMHS) plutôt qu’une impulsion locale. La convention du pays d’Abondance s’inscrit en 2003 dans la continuité d’un inventaire patrimonial mené par les services de la DRAC de 1990 à 1993, relayé par un syndicat intercommunal confronté à la nécessité d’engager le développement d’activités touristiques de diversification. Une gestion partenariale La phase de gestion ou d’animation du label voit l’implication des élus se réduire, sans qu’ils ne disparaissent totalement. Des élus référents suivent les activités liées au label. L’examen du cas des villes montre que dans deux cas sur cinq, leur positionnement est lié au développement touristique. Les services de la DRAC assurent dans le dispositif une présence constante, au travers de l’animation du réseau des animateurs, mais aussi dans le cadre du suivi des conventions. Les comités de coordination prévus dans les conventions ne semblent pas réguliers, et ne constituent pas un cadre de concertation permettant de suivre les activités et de valider les évolutions. Le moment particulier du renouvellement des conventions Depuis leur mise en place, plusieurs conventions ont fait l’objet de renouvellement : Chambéry (2007), Vienne (2007), Forez (2006), Hautes vallées de Savoie (2006). L’élargissement du label attribué au site Trois Vals-Lac de Paladru donne lieu à la l’élaboration d’un nouveau projet avec l’agglomération Voironnaise. Dans chacun des cas, la collectivité procède à un bilan approfondi des actions réalisées, et redéfinit la convention, tant sur le plan des objectifs que sur celui des moyens mis en œuvre. Les nouvelles conventions intègrent un élargissement des objets et acteurs mobilisés ainsi qu’une diversification des projets définis. Alors que les premières conventions donnaient lieu à des rédactions succinctes, les derniers textes sont beaucoup plus importants, avec une vingtaine de pages et des annexes très détaillées. Il en est de même pour les dossiers de candidature, dont les plus récents révèlent un important travail de fond. Le processus confirme le renforcement des négociations partenariales. Des budgets complexes et hétérogènes Les entretiens réalisés auprès de chacun des sites ont mis en évidence la difficulté à appréhender de façon simple les budgets affectés aux « Villes et Pays d’art et d’histoire ». Les budgets restent très hétérogènes, et ce d’autant plus que les structures porteuses, hormis les villes, sont 61 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 différenciées. Les résultats soulignent les difficultés à appréhender les questions budgétaires, et à permettre une approche comparative efficace. En effet, la diversité de nature des structures porteuses génère des systèmes comptables très différents, rendant très difficiles les analyses de synthèse. L’objectif serait de garantir la transparence de l’action, en particulier au niveau des subventions attribuées par l’Etat, tout en veillant à ne pas alourdir les procédures de saisie des données. Les monographies révèlent des possibilités d’orientation dans ce sens. Ainsi, la ville de Chambéry présente un budget analytique de chaque opération, en dépenses et en recettes, à partir des rubriques suivantes : formation continue du personnel VPah et des guides conférenciers, actions pédagogiques, études et recherches, outils de communication et de sensibilisation, projets en direction de la population locale. La ville de Vienne a mis en place un bilan des actions conduites de 1990 à 2005, faisant apparaître des indicateurs qui pourraient être précieux quant au suivi des activités : • fréquentation du CIAP, mois par mois, globale, individuels et groupes ; • évolution globale par an de la fréquentation des visites guidées : total, groupes, individuels et scolaires ; • nombre d’élèves accueillis en atelier du patrimoine ; • évolution des vacations des guides conférenciers et du nombre de visites. Ces éléments fournissent des pistes de réflexion pour la mise en place d’indicateurs de suivi du label sur un plan budgétaire, susceptibles d’être transmis annuellement à la DRAC. Ils pourraient être utilisés en complément de ceux proposés dans le cadre du Guide pour l’évaluation réalisé par le ministère de la Culture66. Ils soulignent également l’absence d’étude de fonds sur l’impact du label, qui nécessiterait des approches plus détaillées sur un ou deux territoires. Des budgets potentiellement générateurs d’autres recettes Les dépenses affectées à l’animation des labels sont susceptibles de générer dans certains cas d’autres participations financières. Le cas le plus fréquent est celui de l’attribution de subventions par d’autres collectivités, dans le cadre des missions du label. Ainsi, le Conseil général de la Savoie intervient dans l’animation du label du pays des Hautes vallées de Savoie, au travers du financement des activités de la FACIM. Le Conseil général de l’Isère intervient de façon régulière sur les sites de Vienne et de Paladru, traduisant ainsi la forte orientation de sa politique dans le secteur du patrimoine. Les autres Conseils généraux n’interviennent pas sur les sites labellisés. Le Conseil régional intervient dans le cadre de ses procédures de développement territorial, contractualisées avec des intercommunalités ou les pays. C’est le cas dans le Val d’Abondance, au travers du Contrat station de moyenne montagne, et en Forez, qui fait l’objet d’un Contrat de développement Rhône-Alpes. Outre la mission d’animation du label, l’animatrice est intégrée à l’équipe d’élaboration du contrat de pays. Ce dernier intègre une forte dimension patrimoniale, au travers d’actions de nature très diverse permettant d’amplifier les actions liées au label : 66 Laissez-vous conter l’évaluation VPah, ministère de la Culture et de la Communication. En ligne : http://www.vpah.culture.fr/vpah/publi/evaluation/html/edito.html 62 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 animation, études, expositions, communication, projets d’équipements et de services. Cette action peut être amplifiée par d’autres procédures au niveau européen (programme d’intérêt communautaire Leader), ou national (Pôle d’excellence rural, etc). Ainsi le pays s’affirme comme un niveau cohérent de coordination des financements, qui permet une amplification des interventions de divers financeurs. L’exemple de la Région Rhône-Alpes montre qu’en milieu rural, cela ne fonctionne que pour le Forez, reconnu comme un territoire de projet tel que les définissent l’Etat et la Région. Ce dispositif n’est pas le cas pour les sites du Val d’Abondance et des Trois Vals-Lac de Paladru. C’est un Contrat station de moyenne montagne qui a été développé en Val d’Abondance, mais qui se termine en 2007. Les Hautes vallées de Savoie rassemblent au moins deux territoires de projet, faisant l’objet de Contrats de développement Rhône-Alpes différents. Dans ce cas, le label doit s’insérer dans les projets de territoire existants, avec une place variable selon les cas. Ainsi en Maurienne, le label n’occupe qu’une place limitée dans les préoccupations du pays. La mobilisation de financements complémentaires à ceux du label en devient donc marginale. La diversité des modes d’organisation La place des animateurs de l’architecture et du patrimoine dans les organigrammes, et les services de rattachement sont différents d’un territoire à l’autre. À Albertville, l’animateur exerce également la fonction de directeur du musée et est rattaché à la Direction des services à la population. À Chambéry, le label est géré au sein du service d’art et d’histoire d’un Etablissement Public Industriel et Commercial (EPIC). Cette structure présidée par le maire, réunit l’Office de tourisme de la ville et trois équipements (le Centre des congrès, la maison des parcs et de la montagne et le CIAP) au service d’une mission générale de coordination de la promotion touristique de Chambéry. Dans les trois autres villes, les équipes d’animation sont rattachées aux directions des affaires culturelles. Au-delà des positionnements hiérarchiques, les services VPah sont concernés par les transformations des modes de management de l’action publique. Même si les transformations sont lentes et affectent les services de façons différenciées, le passage d’une administration de service à une administration de projet se traduit par le développement de la culture du partenariat, et la montée en puissance des processus de participation et d’évaluation intervenant à certaines phases de la construction de l’action : identification de la demande sociale, définition des objectifs, mesure d’efficacité et d’impact. Ainsi le service VPah de la ville de Vienne a-t-il construit un dispositif de suivi intégrant différents objectifs liés à l’action. Dans les intercommunalités, la configuration la plus fréquente est celle d’une administration de mission, à l’exception de l’agglomération d’Annecy où le service est intégré à la Direction des musées et du patrimoine. Dans les Hautes vallées de Savoie, l’animation est assurée par la FACIM, fondation fortement appuyée par le Conseil général. Dans le Forez, le service est assuré dans le cadre d’une administration de mission totalement intégrée au pays. Contrairement au système hiérarchisé des villes, il y a clairement un objectif de coordination avec le service du pays. 63 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Les organigrammes révèlent aussi la faiblesse des moyens humains affectés aux services VPah. Dans de nombreux cas, l’animateur de l’architecture et du patrimoine, chef de projet, encadre une équipe réduite (une personne !), qui peut parfois accueillir des assistants spécialisés (notamment en termes de pédagogie, de promotion ou de communication) ou une secrétaire apportant un appui administratif et éventuellement comptable. De plus, dans de rares cas, les services pédagogiques sont assurés par un enseignant mis à disposition par l’Education nationale pour quelques heures par semaine. Ces aspects organisationnels soulèvent la question de la taille critique des services. Notons également que la majorité des sites dispose de postes d’assistants, à l’exception de la vallée d’Abondance. Dans la plupart des cas, les guides-conférenciers relèvent du statut de vacataire ce qui explique leur positionnement décalé dans les organigrammes. Ils sont mobilisés au coup par coup en fonction des besoins. Les effectifs sont très variables selon les sites. Ainsi, on dénombre trois guides conférenciers sur le Val d’Abondance et trente sur les Hautes vallées de Savoie. De plus, des gradations peuvent être observées dans la mobilisation des guides conférenciers. Sur les 24 guides de Chambéry, seuls 12 sont régulièrement impliqués. Tous les entretiens soulignent les difficultés liées à l’absence d’un véritable statut. Cette situation traduit la mutation du métier de guide, qui passe de celui d’une occupation intermittente à celui d’un véritable emploi, même si celui-ci s’inscrit dans une pluriactivité. La FACIM a élaboré une charte des guides conférenciers qui précise leurs droits et leurs devoirs ainsi que les conditions d’exercices, tout en soulignant que ces derniers font partie intégrante de la FACIM sur la base de la même convention collective. La charte précise leur statut : contrat de travail à durée déterminée d’usage dans le domaine de l’action culturelle, pour les guides salariés qui n’ont pas le statut de travailleur indépendant ; signature d’une convention pour les guides ayant le statut de travailleur indépendant. La création d’un CDD d’usage avec prise en compte de l’ancienneté, des congés payés, le paiement en heures de bureau pour les réunions de travail, mais aussi la formation, le travail réalisé dans le cadre de la mise en place et du suivi des activités, constituent une avancée par rapport à d’autres territoires où le statut des guides conférenciers est plus précaire. Cet exemple illustre de façon intéressante la capacité que peuvent avoir des structures supraterritoriales pour intégrer et à résoudre des problèmes que les collectivités porteuses du label ne peuvent assumer seules. Une autre piste de réflexion, esquissée par quelques animateurs, pourrait consister en une plus forte mutualisation des guides entre différents sites. Enfin, l’observation des budgets pose le problème de l’inadéquation entre les objectifs énoncés et les moyens financiers et humains attribués. Elle a été soulignée sur certains sites. Ainsi, un bilan réalisé à Saint-Etienne en 2006 met en évidence une sous dotation en moyens humains et financiers pour mener à bien la réalisation de l’ensemble des objectifs transversaux énoncés dans la convention. 64 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 3.3. L’évolution des techniques et des modes de médiation, entre tradition et innovation L’observation des modes d’animation et de médiation des sites labellisés amène à un premier constat qui est celui de la diversification des modalités. De façon complémentaire aux visites guidées qui constituent la modalité fondatrice dominante de l’animation, de nouvelles techniques de sensibilisation se sont développées, tout comme le recours à de nouveaux supports. On le remarque avec les ateliers pédagogiques, les publications, l’usage d’audio guides ou d’Internet (sur Internet et les TIC, cf. partie 3.4). Cette diversification dans les moyens a une conséquence évidente : l’animation du patrimoine ne se résume plus à la visite guidée. On peut noter l’essor de circuits thématiques « décalés », de spectacles avec animations musicales, danse, visites théâtralisées, visites rallye, visites nocturnes déambulatoires avec des artistes, des conteurs ou encore des projets assez novateurs dans le cadre des Journées européennes du patrimoine. Sans viser à l’exhaustivité, quelques exemples parmi les initiatives de sites rhônalpins peuvent illustrer cette évolution des formes de valorisation proposées aux publics. La mise en place de visites nocturnes à Valence, programmées les jours de relâche du Festival d’Eté organisé par la ville depuis la fin des années 1990, est une formule qui connaît un succès certain. Les « Stac Tours » à Chambéry constituent un exemple intéressant de visites décalées, menées sur les lignes de bus de la ville avec un guide particulier: « ça a été assez fort, il y a eu plein de réactions. Les gens voient qu’ils sont porteurs eux aussi de quelque chose » (l’animatrice). Le cheminement et la déambulation apparaissent également comme des modalités intégrées à l’animation. Vienne a élaboré un chemin du patrimoine (matérialisé au sol par des clous en bronze et complété par un audio guide de visite en plusieurs langues) qui structure en partie la valorisation de l’histoire, du patrimoine et de l’architecture de la ville. Circuits thématiques et circuits découvertes constituent des formes privilégiées par certains sites comme les Hautes vallées de Savoie, le Pah Trois-Vals – Lac de Paladru, en particulier à destination du jeune public. Dans ce dernier cas, les premiers circuits découvertes mis en place en 1991 sur l’architecture militaire, religieuse et traditionnelle ont évolué et ont été complétés par des ateliers pédagogiques (archéologie, poterie, arts plastiques…) et un jeu de l’oie pour découvrir l’archéologie et le mode de vie des chevalierspaysans de l’an mil sur le mode de l’enquête ludique (« Archéo-police »). Logiques de diversification des items et de spécialisation en fonction des publics Ceci conduit à un autre constat : la diversification des formes et au sein même des formes, peut être combinée à une diversification des lieux, des types de patrimoines mobilisés ainsi qu’à une spécialisation en fonction des types de publics. Des lieux décalés ou insolites sont amenés à accueillir des animations théâtrales et artistiques ; alpages et sites fortifiés en Savoie sont des exemples de lieux originaux pour des opérations coordonnées par la FACIM. Les animations mobilisent de manière croissante les quartiers périphériques des villes, le patrimoine contemporain, industriel, naturel ainsi que le patrimoine immatériel, en plus des monuments plus classiques. On a préalablement souligné l’ouverture à des patrimoines moins 65 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 traditionnels et la prise en compte croissante de nouvelles périodes dans la valorisation patrimoniale. Le patrimoine végétal, le patrimoine du XXe siècle sont désormais proposés à la découverte et l’enjeu pour les acteurs du label est d’élaborer une animation qui combine connaissances et apports scientifiques, sensibilisation du public et attrait de celui-ci vis-à-vis de l’action proposée. Entre l’exposition annecienne « Bouge la ville » (2007) sur les pratiques urbaines, le skateboard et les musiques amplifiées, et la visite guidée de l’abbaye Notre-Dame d’Abondance, la pluralité s’exprime. Il est nécessaire d’insister sur les disparités pouvant exister dans l’animation des différents champs patrimoniaux : on ne valorise pas de la même façon le patrimoine bâti, le patrimoine paysager et les savoir-faire. Différences de modalités d’animation en fonction des types de patrimoines mais aussi disparités techniques, stratégiques, symboliques… les réponses sont multiples mais pas toujours adaptées à tous les champs patrimoniaux et architecturaux ainsi qu’à tous les publics : itinérance et cheminements, expositions, restitutions artistiques, visites guidées et thématiques… Ainsi, l’animation, la valorisation du patrimoine immatériel apparaît complexe, non pas qu’il ne soit pas identifiable et identifié sur les sites ; la question est celle de la destination de la mobilisation (« qu’en faire » ?) ; comment valoriser, sensibiliser ? Le champ des savoir-faire est d’ailleurs apparu négligé sur certains territoires. Des lacunes dans leur mise en valeur et leur animation montrent toute la difficulté du label – et plus largement des politiques patrimoniales – à se saisir de ces champs et à élaborer des outils pertinents pour communiquer auprès des publics. Des modes d’animation spécifiques aux différents types de publics existent (cf. partie 2.3). Concernant l’évolution des techniques, il importe de souligner l’existence d’animations ludiques pour le jeune public avec des outils qui mobilisent beaucoup l’imagination à l’exemple des jeux de l’oie (« Sur la piste de Giacomo », Vallée d’Abondance ; « Archéo-police », Trois Vals – Lac de Paladru), des ateliers avec des outils pédagogiques novateurs comme les mallettes éducatives (mallettes « Paysages du Forez » et « Bois : essences du Forez et utilisation dans l’habitat du pays », pays du Forez) et les cd-rom interactifs (cd-rom bilingue « Spencer explore le Forez »). Le « Kit station » (élaboré en 2004) est un outil pédagogique qui permet une réflexion des enfants sur l’urbanisme et l’organisation d’une station de sports d’hiver sur le Pah des Hautes vallées de Savoie ; le travail sur une maquette en trois dimensions est complété par des ateliers, une visite sur le terrain avec un guide conférencier. L’apparition des CIAP a aussi entraîné des modifications profondes dans les modalités d’animation et la conception même des fonctions culturelles. Quel est le rôle de la mise en récit du patrimoine et de l’architecture dans un équipement structurant ? Cette problématique doit être traitée comme une question à part entière (cf. éléments problématiques + parties 2.4). L’importance des nouveaux outils de médiation et du CIAP dans la recomposition des modalités de l’animation est observable sur le terrain. Cette évolution a par exemple été soulignée dans le bilan des actions, mené sur le site de Vienne en 2005 : « Durant ces quinze dernières années, l’évolution des goûts du public et les innovations technologiques modifièrent radicalement les pratiques en matière d’animation du patrimoine. Si dans les premiers temps les visites guidées étaient un mode privilégié de découverte du patrimoine, elles diminuèrent fortement au profit d’autres modes de sensibilisation (ateliers, sites web, audioguides, etc.), s’appuyant sur des équipements tels que le Centre d’Interprétation de l’Architecture et du patrimoine (CIAP). Vienne 66 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 est l’un des premiers sites du réseau des « Villes et Pays d’art et d’histoire » à disposer à la fois d’un CIAP […] et d’un site internet (www.vienne-patrimoine.com) s’adressant à différents publics. » 67 La problématique des référentiels mobilisés et la recomposition du champ de l’animation Les formes de valorisation moins conventionnelles, et qui mêlent parfois artistes, conteurs et guides, conduisent à distinguer la visite conférence au sens strict des autres formes de visite et d’animation. Ces animations originales et visites ludiques amenant à une variété et un certain renouveau des techniques, doivent être interrogées au regard des modèles et référents mobilisés d’une part, des recompositions dans le champ de la médiation auxquelles elles participent d’autre part. Quels sont les modèles et les sources d’inspiration – sachant que, par exemple, le spectacle vivant comme outil d’animation du patrimoine ne figure pas explicitement dans les conventions ? Quels sont les liens entre les professionnels du patrimoine, du monde des musées et les autres professionnels ? Le recours à des acteurs a priori extérieurs au label est une caractéristique à prendre en compte. L’articulation du patrimoine avec les activités sportives en constitue une facette, par exemple avec l’expérience concluante menée dans le Forez, combinant randonnée et visite culturelle, soustendue par l’idée qu’il faut aller aussi vers le public là où il se trouve. Parmi les secteurs impliqués, celui du théâtre et du spectacle est important. Plusieurs exemples relèvent de cette logique : des animations théâtrales dans les forts savoyards sur le Pah des Hautes vallées de Savoie en 1998 ; des représentations estivales théâtralisées à Albertville-Conflans (« Histoires d’un soir ») qui sont élaborées avec des groupes de théâtre en amateur ou professionnels et la présence d’un metteur en scène ; des tables rondes et lectures théâtrales intitulées « Théâtres dans la cité » à Annecy… Ces processus induisent des interactions entre guides, comédiens, conteurs et techniciens, et impliquent la prise en compte des contraintes liées à la création artistique. La question qui se pose est celle de l’équilibre entre animation et représentation : les acteurs doivent rester attentifs à ce qui est mis en avant. Si les capitalisations d’expériences peuvent apparaître comme un atout dans ces logiques de diversification, le chevauchement des secteurs d’animation ne peut-il pas amener un brouillage des références culturelles, patrimoniales, historiques, artistiques et autres ? La séparation patrimoine / création / spectacle vivant apparaît moins pertinente aujourd’hui et le label VPah peut constituer un cadre propice aux interactions entre professionnels du patrimoine, professionnels de la culture, et artistes. Il peut alors sembler plus pertinent de raisonner en termes d’effets recherchés de ce genre d’animation : que veut-on transmettre ? Les visites ludiques et animations innovantes sont un moyen « alternatif » de sensibilisation au patrimoine et à l’architecture. Complémentaires des 67 Ville de Vienne, Service Animation du patrimoine, « Bilan des actions conduites à Vienne dans le cadre du label ‘Ville d’art et d’histoire’ de 1990 à 2005 », p.8. 67 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 visites traditionnelles, elles peuvent constituer des tremplins pour amener le spectateur à une visite guidée classique. L’émergence de ces « petites formes » constitue un outil pour élargir les publics, les croiser et éventuellement les fidéliser. Ainsi, le recours à de nouvelles méthodes n’enlève rien à la visite guidée classique. Elles s’ajoutent aux modalités plus traditionnelles et il faut les appréhender comme des démarches complémentaires. La visite guidée traditionnelle reste en effet le mode d’animation référent en termes d’usage sur les sites. Plusieurs raisons peuvent être avancées. Tout d’abord, il s’agit d’une modalité bien rodée68, en termes de mécanismes humains et financiers ; elle constitue une action incontournable en tant que moyen pour mettre en valeur et animer le patrimoine qui a peu d’équivalence en efficacité in situ. Egalement, la posture des métiers de la médiation face à l’innovation mérite une attention et en particulier la position de certains guides conférenciers : on note des réticences d’une partie d’entre eux vis-à-vis d’outils qu’ils peuvent percevoir comme détournés du patrimoine ou ne l’utilisant qu’en « toile de fond ». Cette conception « traditionaliste » de la visite par les guides a été soulignée sur plusieurs sites : « On n’a pas réussi à faire évoluer les visites par rapport aux attentes. Notamment sur la durée, [...] certains guides disent qu’une bonne visite dure 2h-2h30, alors qu’on sait que les gens ne sont pas du tout dans cette attente. Il faut être à l’écoute du public. [...] On avait les « visites loufoques », mais pour les guides c’est trop déstabilisant ; on a arrêté au bout de deux ans. Cela pose la question : qu’est-ce que c’est que le rôle du guide ? Faut-il faire appel à des comédiens ? [...] On est face à un renouvellement générationnel des guides. Il y a aussi un autre souci : on a l’équipe, avec un certain esprit et comme les guides sont vacataires, un peu électrons libres, il y a un décalage entre nous, ce qu’on imagine, et la façon dont ils se l’approprient ; parfois on a des chocs » (un animateur). Le profil des guides participe à forger des représentations sur les pratiques traditionnelles et innovantes. Les guides conférenciers d’Annecy s’inscrivent par exemple dans une pratique ancienne de la ville touristique qui a tendance à conditionner les échanges avec le public. Avec la reconversion d’une partie de l’équipe, de nouveaux moments d’interaction avec la population pourront être construits selon les projets construits par l’animateur. Enfin, certains profils de public peuvent manifester un attachement accru à une médiation de type traditionnel. Cette dialectique de l’innovation et de la tradition questionne ce qu’est aujourd’hui la médiation, qui est confrontée à une double logique de restitution scientifique et de vulgarisation. Le terme même de « visite guidée » est-il toujours pertinent ? Il ne reflète pas exactement le contact qui s’établit entre le professionnel de la médiation et le public. La connotation savante de l’expression a pu être soulignée comme un frein au succès de ce type d’animation. Une tendance des acteurs de la médiation est de le percevoir plutôt comme des rendez-vous donnés à la population (cf. partie 2.2) remettant en cause la dualité « délivrance de connaissances par le guide conférencier / réception par le public ». Or l’innovation alimente relativement bien cette idée d’une coconstruction durant la visite. 68 « On aimerait bien faire plus mais on n’a pas de moyens humains, ni financiers, ni de lieu (pour faire une exposition, organiser une conférence…). Les moyens humains manquent : pour les visites, on est rodé. D’autres projets que les visites nécessitent des compétences qui ne sont pas les nôtres, on n’a pas de budget pour faire appel à un consultant. On a déjà tout le quotidien à traiter. C’est pour ça qu’on ne se lance pas dans des projets autres» (un animateur). 68 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Dans de petits villages du pays du Forez qui ne sont pas touristiques, des visites ont été proposées aux populations locales résidentes. Par le biais d’une invitation déposée dans les boîtes aux lettres, les habitants du lieu sont invités à venir raconter leur histoire et à la transmettre au guide conférencier. Ce type de rencontre participative et gratuite est un succès et permet un recueil de la mémoire locale. L’importance de la « parole des gens » reconfigure les référentiels – scientifiques notamment – de la médiation et l’une des pistes pourrait consister à distinguer les visites guidées des situations de visites. Si elles ont fortement évolué, les problématiques des pratiques de médiation ne sont pas une spécificité du label : elles nécessitent des réflexions renvoyant à la médiation en général et ne peuvent être cantonnées au cadre restrictif des VPah 69. Le mouvement d’individualisation que l’on constate dans les techniques et les actions de médiation peut s’inscrire dans l’hypothèse d’une individualisation des modèles d’accession au patrimoine et de consommation culturelle. Pour le tourisme culturel par exemple, les ressources du territoire sont fréquemment mobilisées dans la construction de soi autour des valeurs de la découverte d’une communauté et d’échange. Le rôle des ressources du territoire, mises en perspective avec les attentes individuelles, n’est pas anodin dans l’individualisation de la consommation « de masse ». Avec les nouvelles modalités de médiation et de mise en valeur, la diversification des modes d’animation et la complexification des missions, les questionnements sur les statuts et le positionnement des animateurs et des guides sont accrus. La problématique de leurs compétences, en termes de formation et de collaboration avec d’autres intervenants, doit être interrogée au regard de la spécificité de la médiation dans le champ patrimonial. 3.4. L’importance croissante des enjeux de communication et la prise en considération très hétérogène des technologies de l’information et de la communication La communication reste un des points sensibles du label « Villes et Pays d’art et d’histoire ». La problématique de la communication s’entend ici au sens large, englobant à la fois les démarches de promotion du label et des sites à tous niveaux territoriaux et les modalités notamment techniques de l’animation et de la médiation culturelle. 69 Parmi les réflexions menées sur ces questions, on peut notamment noter : - le colloque organisé à Dieppe en 2005 sur « les enjeux de la collaboration entre les Musées de France et les VPah » au service des publics ; http://www.vpah.culture.fr/vpah/publi/colloque-dieppe.pdf. - le séminaire des 6 et 7 juin 2001 à Saintes, organisé par la DAPA et l’Atelier du Patrimoine de Saintonge (dans le cadre du Plan national de formation des animateurs de l’architecture et du patrimoine et des guides conférenciers des VPAH) intitulé « La visite guidée, nouvelles approches ». 69 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Visibilité du label et enjeux de communication Le constat transversal aux terrains étudiés est celui d’un déficit de communication qui s’exprime dans les difficultés du label à être connu. Il y a un manque de reconnaissance et de visibilité du label auprès des habitants, des touristes mais aussi des élus et des acteurs du territoire. Ce point a été souligné par un nombre significatif d’animateurs et d’élus dans les pays et les villes. Si une date d’obtention récente du label peut accentuer cette insuffisance, elle n’explique pas tout. Il apparaît aussi que certaines actions d’animation sont perçues comme très concrètes et bien appréhendées par les populations (visites guidées clairement identifiables ; itinéraires des Chemins du Baroque en Savoie…), mais leur lien avec le label n’est pas toujours évident ; le label resterait alors trop « abstrait » et confidentiel70. La nécessité de mieux faire connaître le label, notamment en tant que label national, et de communiquer plus pour faire en sorte que la population locale, cible prioritaire, se l’approprie, apparaît comme un gage de maintien du label pour l’avenir. En ce sens, le développement d’actions concrètes et efficaces en termes d’appropriation et de visibilité du label est souhaité par certains élus71. En vallée d’Abondance par exemple, la consultance architecturale montée avec le CAUE est perçue comme un « domaine qui atteint les gens directement donc il y a une visibilité » (un élu) ; le banquet médiéval organisé en 2006 à l’abbaye est un autre exemple qui a bien fonctionné auprès de la population locale. Les fêtes locales peuvent constituer également un lieu de visibilité privilégié. Pour la communication envers les touristes et les visiteurs, les acteurs du tourisme doivent être plus fortement mobilisés selon les porteurs locaux du label, même si parfois les logiques et objectifs diffèrent. Les offices de tourisme sont perçus comme des relais incontournables du label. Pour donner une meilleure visibilité, l’affichage de la labellisation par le biais de panneaux aux portes des territoires et sur les sites d’animation se renforce, en même temps que la constitution d’itinéraires avec signalétique jalonnant les territoires. Différentes démarches sont en cours pour la mise en place de panneaux touristiques, par exemple sur le Pah des Hautes vallées de Savoie72 ou en vallée d’Abondance. 70 « Les gens savent ce que sont les Chemins du Baroque, aucun problème là-dessus, ils savent aussi ce qu’est la FACIM, ils connaissent les guides conférenciers qui font visiter la chapelle des Vernettes, l’église, les chapelles, les visites de villages. Mais le label Pah, c’est quelque chose qui est complètement confidentiel. […] Ce n’est pas du tout quelque chose qui est partagé, sur lequel les gens s’impliquent » (un élu). 71 « Le label aujourd’hui est surtout perçu par une partie de la population comme étant une procédure administrative de plus, qui est principalement faite pour de grands monuments entre guillemets. Moi je trouve que c’est un peu dommage que ce soit perçu comme ça, parce que ça réduit beaucoup la portée que le label peut avoir sur l’ensemble du territoire. Il y a aussi beaucoup de petits patrimoines à côté qui existent, qui méritent d’être relevés. […] On a un gros défaut : le Pah n’est pas présenté comme une démarche de territoire mais il est trop lié à des guides patentés qui détiennent un savoir, et à des bâtiments inscrits principalement. L’architecture rurale, le petit patrimoine est un peu oublié dans cette démarche-là. Et les actions ne sont peut-être pas assez portées en direction des populations» (un élu). 72 Par exemple en Val d’Arly à travers le discours de cet élu : « A Lanslebourg on va mettre le panneau à l’entrée du village parce que c’est important. Je pense qu’il faudrait que toutes les communes qui font partie de la Maurienne aient à l’entrée de chaque village et de chaque ville ‘Pays d’art et d’histoire’. » 70 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Dans le projet de la vallée d’Abondance, cette matérialisation du Pah reprendrait le logotype du label en mettant en avant des hauts lieux qui symbolisent le territoire (l’abbaye d’Abondance et le sommet des Cornettes de Bise). L’opération de marquage est ici souhaitée par les élus, portée par le syndicat et soutenue par le Conseil général. Les acteurs politiques sont demandeurs de ce type d’affichage qui peut participer à rendre plus concrète la politique d’animation mais surtout l’image du territoire. Les modalités de la communication peuvent se heurter à la complexité des territoires, en particulier dans le cas des pays les plus vastes qui peuvent souffrir de difficultés d’harmonisation (techniques, politiques, symboliques…). Le souhait mis en évidence en vallée d’Abondance est de renforcer la coordination pour unifier la communication concernant le contenu, la diffusion et la charte graphique des dépliants. Sur le Pah des Hautes vallées de Savoie, certains acteurs sont attachés à l’idée du format commun pour les quatre vallées. Le problème de la communication ne se pose pas qu’en termes de label, il se pose aussi pour le réseau comme en témoigne cette déclaration d’un élu de site labellisé : « je serais incapable de vous dire à quelle institution le Pah renvoie, si c’est une association, une fondation, une excroissance du ministère de la Culture, je n’en sais rien. ». Certains élus ont en effet pointé un problème de lisibilité concernant les aspects organisationnels, problème semble-t-il plus prononcé sur les pays que sur les villes en raison de la complexité du partenariat institutionnel. Insuffisamment connu des élus, le label VPah nécessiterait une explicitation plus transparente de sa gestion et de ses objectifs (la problématique de la restauration de monuments tels que les églises a par exemple plusieurs fois été mise en perspective avec les actions du label dans des discours d’élus). Un autre aspect du double problème de lisibilité et de visibilité est celui de la promotion du label. L’amélioration de la communication à tous les niveaux, souhaitée par une majorité d’interlocuteurs rencontrés, nécessite-t-elle de remanier l’affichage visuel ? Des interrogations ont été soulevées par certains animateurs et élus concernant l’intitulé même du label, les disparités entre l’appellation – jugée compliquée par quelques-uns –, les caractéristiques de l’animation et les réalités patrimoniales et culturelles. L’obsolescence de la charte a aussi été soulignée, mais de manière très variée, les avis étant partagés : adaptée pour certains acteurs, la charte graphique art et histoire est jugée ancienne par d’autres qui la voient « trop classique, trop culturelle, un peu traditionnelle ». La charte a l’inconvénient de ses avantages, entre logique d’identification via son caractère normatif et quête de singularité des sites. Certains territoires affichent ainsi une relative latitude par rapport à la charte VPah ; l’adaptation est privilégiée par exemple dans l’agglomération d’Annecy, étant donnée la configuration particulière des services et le lien étroit entre le label « art et histoire » et Musée-château. En pays du Forez, l’importance de la charte nationale a été soulignée par l’un de nos interlocuteurs dans la pérennisation de l’image du site labellisé : « cela permet de ne pas tomber en local dans des systèmes de communication de collectivités locales qui changent très souvent au rythme des modes graphiques. L’application de la charte graphique nationale dans nos documents est une garantie de longévité et de lisibilité du label ». Le mode écrit reste privilégié pour la communication. La diffusion des documents est une autre difficulté pointée par les animateurs ; à cause, d’une part des moyens globalement restreints 71 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 attribués à la promotion 73, d’autre part des compétences des équipes d’animation dans ce domaine. La FACIM se distingue toutefois à travers la mise en œuvre d’une stratégie intégrant le management et le marketing. La ville de Vienne souhaite également s’inscrire dans une telle dynamique avec l’insertion de compétences en commerce et communication au sein du service, et l’élaboration d’une politique des publics basée sur des objectifs quantitatifs et une démarche d’évaluation des actions. Selon un animateur, « seule une agence de communication spécialisée dans le secteur du tourisme est capable de nous dire ce qu’il faut faire, ou quelqu’un qui a reçu la formation pour ». L’interaction entre les logiques scientifiques de connaissance du patrimoine et les logiques économiques ou « marketing » semble freinée par certaines réticences, à tous les échelons et pas uniquement au niveau local74. Le rôle du CIAP et son implication dans le domaine de la communication et de la diffusion ne doivent pas non plus être négligés : « le fait de ne pas avoir fait de CIAP, qui est aussi un lieu d’appel, a retardé la matérialisation de tout ce qu’on fait. [...] Je n’ai pas fait d’affiche. Je n’ai pas fait non plus de ‘Laissez-vous conter’. J’attendais le CIAP pour ça aussi. J’aurais dû dissocier ces éléments» (un animateur). Pour autant, les éléments manquent afin de connaître les impacts directs réels des CIAP dans la promotion des sites. Une utilisation encore faible des technologies de l’information et de la communication La prise en considération des enjeux de communication apparaît croissante sur les sites. L’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) reste pourtant assez peu développé. Le traitement relativement pauvre de cette question dans les entretiens menés auprès des acteurs du label est révélateur à cet égard. Or, les technologies de l’information et de la communication en tant que modalité de l’animation culturelle ne permettent-elles pas d’associer médiation à médiatisation ? On a montré la tendance au développement des ressources multimédia, des cédéroms, afin de valoriser et diffuser des données, de partager des savoirs et des savoir-faire. Mais ces pratiques restent cantonnées à des animations ponctuelles destinées à des publics ciblés, en particulier les scolaires et le jeune public. Qu’en est-il de l’utilisation d’Internet par les acteurs du label ? Il n’est pas dans les habitudes des services d’animation de l’architecture et du patrimoine des villes et pays labellisés d’œuvrer à l’élaboration de sites Internet. Citons toutefois le cas intéressant de la Ville d’art et d’histoire de Vienne où un site a été mis en ligne en 2002, ce qui assure une complémentarité avec le site Internet du ministère de la Culture sur la Vienne antique75. Le site, intitulé « Patrimoine de 73 Cette question se pose à tous les niveaux. « On déplore tous l’absence de budget de communication » souligne un animateur à propos du réseau VPah. 74 Selon un animateur on est vite « confronté à une logique d’Etat, une logique encore très française de division entre l’Etat d’un côté et le secteur économique de l’autre ». 75 www.culture.gouv.fr/culture/arcnat/vienne/fr/index.html 72 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Vienne, état et traces » a été conçu par l’animatrice du patrimoine et une guide conférencière (http://www.vienne-patrimoine.com). Il présente des caractères du patrimoine et de la culture viennois et a fait l’objet d’une extension destinée au jeune public en 2004, conduisant à un travail avec les enfants. En Forez, le fait que l’échelon institutionnel du pays et le Pah coïncident a permis un affichage commun par le biais d’un site Internet (http://www.paysduforez.fr/) qui présente le label, différents dossiers thématiques et les actions en faveur de publics identifiés. La configuration territoriale permet ainsi, à travers le site Internet, une meilleure visibilité et l’affichage d’une certaine cohérence dans les actions. Dans certains cas, les structures porteuses peuvent également mobiliser le label sur leurs propres sites Internet : le Pah des Hautes vallées de Savoie ne dispose pas d’un site mais la FACIM, à travers le sien, y présente succinctement ses activités. L’existence de la labellisation et une présentation légère des actions peuvent, enfin, être présentes sur les sites Internet des collectivités locales (Albertville, Saint-Etienne). Globalement, l’utilisation d’Internet pour la médiation culturelle et la valorisation patrimoniale et architecturale des territoires reste limitée, à l’exception du dossier figurant sur le site de la DRAC Rhône-Alpes (http://www.rhone-alpes.culture.gouv.fr/VPah/)76 qui présente sous l’angle géographique et historique les VPah rhônalpins ainsi que quelques-unes des actions menées. Des thématiques transversales du réseau régional sont également mises en évidence, parmi lesquelles l’urbanisme et l’habitat, le patrimoine fortifié, les matériaux, l’architecture du XXe siècle, le patrimoine industriel, les jardins, la montagne… Si certains territoires, principalement touristiques, mettent en place des outils innovants combinant un portail d’information plus ou moins généraliste et des services en ligne (centrale de réservation par exemple), ces démarches ne relèvent pas du label. L’expérience de ce type (opensystem) menée par la vallée de la Maurienne (Savoie) concernant Internet est intéressante à cet égard. Même si l’on ne constate pas d’investissement fort dans ce champ dans le cadre du label, la question de l’importance des TIC ne doit pas être minimisée pour le secteur de la culture et du patrimoine. Le problème de la gestion de la numérisation du cadastre a ainsi été soulevé en Savoie… Le rapport Ory-Lavollée (2002) souligne la place importante de la diffusion numérique du patrimoine dans les politiques culturelles et les enjeux de la démocratisation de l’accès aux œuvres77. On peut penser que le rôle des territoires sera renforcé à l’avenir concernant la diffusion numérique du patrimoine et de la culture. Sauf de manière ponctuelle, les échelons locaux n’apparaissent pas comme les plus en mesure de mettre en œuvre une valorisation culturelle des territoires mobilisant pleinement les techniques nouvelles de l’information et de la communication. Concernant l’usage des TIC, cette faiblesse de l’échelon local dans l’accès aux savoirs patrimoniaux contraste avec le dynamisme des projets culturels impulsés au niveau européen, les institutions européennes incitant fortement à la 76 Complémentaire au site national http://www.VPah.culture.fr/. Bruno Ory-Lavollée, La diffusion numérique du patrimoine, dimension de la politique culturelle, Rapport au ministère de la Culture et de la Communication, 2002. 77 73 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 coopération internationale. Le projet MICHAEL mérite d’être signalé en tant qu’exemple de mise en valeur du patrimoine culturel numérique européen (http://www.michael-culture.org/fr/home). Enfin, concernant l’usage des TIC dans la politique des VPah, il importe de souligner leur double rôle potentiel : • en tant que moyen de communication, d’une part entre les acteurs du label, d’autre part envers les publics : dans le premier cas, les TIC peuvent servir au renforcement des partenariats et du réseau (par exemple avec la réalisation du site Internet régional sur les VPah, et dans une possible mutualisation des ressources et des pratiques). Dans le second, elles renvoient à des stratégies de communication et de marketing par exemple à destination touristique, avec un but d’augmentation de la fréquentation et du rayonnement. Il s’agit dans les deux cas d’une problématique de visibilité. De par sa technologie, l’outil présente l’avantage d’être actualisable à volonté ; mais avec l’approvisionnement en contenu se pose le problème de la charge de travail supplémentaire pour les personnels ; • en tant que média pédagogique, en particulier avec le rôle des TIC au service de l’éducation et l’utilisation qui peut en être faite par les enseignants. Fondées sur l’expérience, les perceptions sensorielles et l’interactivité, les TIC se présentent comme des outils d’apprentissage et de connaissance scientifique pertinents. L’intérêt pédagogique peut exister dans la création d’un cédérom : constitution de bases de données, méthodologie de traitement des ressources patrimoniales… Le champ d’application est donc vaste, englobant la gestion, la médiation et la promotion de la culture, du patrimoine et de l’architecture. La malléabilité des TIC ouvre aux sites labellisés un « champ des possibles » qui reste à s’approprier. Face à leur faible usage, quelques pistes d’explications peuvent être avancées. Tout d’abord, le coût technique constitue un frein réel. Il ne doit pas masquer un manque d’intérêt relatif à l’égard de ces techniques en termes de contenu. Ce retard conduit à poser la question au niveau du label, puisque la politique nationale n’incite pas véritablement à l’usage des TIC. Il doit prendre en compte les répercussions que leur usage implique sur l’organisation. La faiblesse de l’usage des TIC pourrait également s’expliquer par une relative réticence des acteurs de l’animation, en particulier des guides. Le lien qui se tisse entre le public et le guide conférencier durant la visite a été souligné ; l’attachement à des modalités traditionnelles de médiation peut engendrer une certaine méfiance vis-à-vis d’outils perçus comme « déshumanisés » et qui participeraient à transformer l’organisation symbolique et hiérarchique du service d’animation. 3.5. Le réseau, lieu de rencontre des porteurs du label Les relations qui se tissent entre les animateurs de l’architecture et du patrimoine, les services d’animation, la DRAC et la DAPA incitent à envisager le réseau comme un lieu privilégié de rencontre et d’échange. Il s’agit ici d’étudier cette construction réticulaire en abordant les fonctionnalités du réseau, c’est-à-dire en quelque sorte les « services » offerts à l’animation, et la perception qu’en ont les acteurs. 74 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Les fonctionnalités du réseau Le réseau propose, tout d’abord, un support d’échange et de formation. Ses fonctionnalités premières prennent forme dans le cadre de réunions organisées au sein de la DRAC Rhône-Alpes et sur les sites labellisés. Les articulations entre les sites, la DRAC et la DAPA concernent les labellisations78, les renouvellements de conventions (Chambéry et Vienne récemment) ainsi que différentes réunions telles que celles des travaux de comités scientifiques pour la préfiguration de CIAP, des réunions budgétaires et des commissions de coordination (dont la fréquence reste faible). La DRAC, qui met en œuvre la politique au niveau régional, accompagne les collectivités durant les phases de candidature, et apporte un soutien technique, scientifique et financier (projets conventionnés, participation au poste d’animateur de l’architecture et du patrimoine pendant les deux premières années ainsi qu’au montage du CIAP). Elle intervient également dans le recrutement des animateurs sur les sites. La DRAC Rhône-Alpes organise chaque année plusieurs rencontres des animateurs de l’architecture et du patrimoine et de leurs assistants qui sont des moments d’échange, d’information, de réflexion et de mutualisation des expériences. Ces rencontres permettent aussi la concrétisation de projets collectifs impulsés par la DRAC, comme celui consacré aux actions éducatives pour le jeune public (état des lieux de l’offre, publication d’une plaquette de présentation à destination des enseignants, organisation d’une formation à la médiation – en 20032005) ou la mise en ligne d’un dossier électronique sur les VPah sur le site Internet régional de la DRAC (2006), travail qui est jugé positivement par les animateurs. Parallèlement aux réunions des animateurs des sites (trois réunions en 2006), l’animation du réseau régional se fait à travers les moments de formation : formation préparatoire à l’examen de guide conférencier et formation continue des guides et des animateurs. Les thèmes des formations sont relativement variés, mêlant la connaissance du patrimoine régional et des aspects plus méthodologiques. Les animateurs ont par exemple bénéficié de formations ciblées sur la démarche de projet en 1999-2000 et le droit du patrimoine et de l’urbanisme en 2000-2001. Pour que les thèmes abordés soient utiles et concrets, les animateurs ont été sollicités et leurs propositions permettent de rendre ces moments d’échanges plus efficaces. Les échanges sont jugés intéressants ; le souhait d’un plus grand renouvellement des thématiques abordées a toutefois été exprimé. Des échanges individuels entre animateurs de l’architecture et du patrimoine et plus largement entre équipes VPah existent. Les discours montrent que ces liens sont importants pour les animateurs ; dans l’ensemble ils se connaissent assez bien et une bonne entente règne. « Quand on veut un renseignement, une méthodologie, quand on a un projet, on appelle celui qui a eu l’expérience » témoigne l’un des animateurs rencontrés. « On va puiser dans ce qui se fait sur d’autres sites, et ça c’est assez rare de pouvoir échanger avec des collègues. J’ai telle problématique, je fais un mail, et dans la foulée, quinze personnes 78 Le Conseil national des VPah émet des avis sur les candidatures (et les retraits de label, qui restent exceptionnels) et participe au développement de la politique du réseau. 75 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 qui sont sur une réflexion identique me répondent. On n’a pas tous la même vision, mais j’apprends beaucoup de certains collègues qui sont de véritables références dans ce qu’ils font » (un animateur). Concernant ces relations entre animateurs, il apparaît donc que les échanges par mail ou téléphone avec les membres du réseau national ou régional complètent l’animation proposée par la DRAC. Ces échanges fructueux sont rendus possibles par la densité du réseau. La perception positive du réseau rhônalpin Les entretiens auprès des porteurs du label font ressortir une bonne perception du réseau rhônalpin : le dynamisme du réseau régional a été souligné et les relations au sein du réseau sont jugées positives. Il permet en effet une coopération non hiérarchique entre les animateurs qui « se connaissent et se reconnaissent, négocient, échangent des ressources et peuvent partager des normes et des intérêts » 79. Il est perçu comme un support efficace d’échanges, d’aide et de formation pour les sites, justifiant l’usage du terme « réseau » dans les discours des animateurs. L’appartenance à un réseau est jugée importante, à la fois par les animateurs et les élus, notamment pour la diffusion de bonnes pratiques. Les bénéfices liés au fonctionnement d’un réseau renvoient également aux attentes d’une partie des élus vis-à-vis du label : « si on est en réseau on est mieux connu, on est mieux apprécié » (un élu). Pour les animateurs, qui parfois peuvent se sentir « isolés » sur leur territoire, l’existence d’un réseau est essentielle. Certaines problématiques ne peuvent trouver de solutions localement et individuellement, en particulier celles sur les politiques des publics. D’autres mériteraient une appréhension plus collective, par exemple la question du mécénat qui reste un point faible sur les sites et pourrait peut-être être envisagée de façon commune sur plusieurs sites… La DRAC est le lieu privilégié de rencontre des animateurs de la région. Elle assure un lien entre les sites et répond au besoin de mutualisation et d’échange d’expériences. La bonne structuration du réseau au niveau de la DRAC, d’après les acteurs rencontrés, est perçue comme un atout permettant de nombreux échanges entre collègues. Le bon suivi dans le temps est apprécié, qu’il s’agisse du label VPah mais aussi des actions plus larges des services de la DRAC en faveur de l’architecture, du patrimoine et de la culture. L’animation du réseau DRAC Rhône-Alpes, jugée majoritairement satisfaisante par les acteurs des sites, repose en grande partie sur la personnalité de la conseillère à l’action culturelle patrimoniale, dont la forte implication a été soulignée. Pour certains, le réseau rhônalpin ressemble à une communauté familiale. Mais le niveau d’exigence de la DRAC dans la mise en œuvre du label a parfois été perçu comme tendant à nier ponctuellement les réalités des terrains et les difficultés rencontrées par les animateurs. L’existence et la matérialité du réseau sont particulièrement ressenties en Rhône-Alpes et on peut penser que la structuration serait inférieure dans un nombre notable d’autres régions. 79 P. Le Galès, M. Thatcher (dir.), Les réseaux de politique publique, Paris, l’Harmattan, 1995, p. 14. 76 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Les discours des élus oscillent, eux, entre l’idée d’un certain éloignement80 des services de la DRAC (c’est-à-dire qu’ils ne la voient pas comme une administration de terrain), et un rôle de pilier et d’expert81, les deux postures n’ayant par ailleurs rien de contradictoire. Pour certains élus, la DRAC peut effectivement apparaître comme l’organe garant du label, à travers les priorités et les préconisations qu’elle émet : « c’est bien qu’il y ait une instance extérieure […], quand on n’est qu’entre locaux, chacun tire la couverture à soi […], on a du mal encore à faire de l’intercommunal, donc heureusement qu’on a une instance comme la DRAC». Les échelles de référence et la dynamique du réseau Les porteurs du label ont insisté sur l’importance de la double échelle, locale et nationale, du réseau. La participation de l’Etat dans le subventionnement des actions est limitée, mais le suivi technique et scientifique qu’il propose apparaît capital pour les acteurs du label. Si les actions de la DRAC Rhône-Alpes semblent faciles à qualifier, une certaine difficulté à caractériser le niveau national et les insuffisances du label à cet échelon se dégage des entretiens avec les animateurs. L’une des raisons est l’effet d’éloignement : la DRAC Rhône-Alpes constitue le premier interlocuteur des services art et histoire tandis que les services du ministère au niveau de la DAPA ne se situent qu’au rang secondaire. Par rapport à l’échelon régional et au-delà des questions de proximité, la perception du niveau national est plus nuancée. La DAPA est perçue comme moins impliquée par certains animateurs. Les interactions semblent faibles entre réseaux régional et national. Ainsi, les animateurs posent la question du processus de capitalisation des données qu’ils transmettent annuellement à partir de l’activité des sites. Ils soulignent l’absence d’informations en retour. Ces données pourraient faire l’objet d’analyses, d’approches comparatives qui permettraient d’interroger les pratiques, de les analyser, d’interpeller et de chercher des solutions aux problèmes rencontrés. Dans un contexte marqué par la complexité des interventions, ce processus pourrait faire l’objet d’un séminaire annuel, permettant de partager les problématiques, d’apporter des regards extérieurs et de permettre une meilleure transmission des connaissances et une évaluation de l’action publique. Des animateurs ont par ailleurs souligné leur attachement à l’autonomie du réseau régional pour cette « politique plus construite en proximité avec la DRAC qu’avec la centrale qui est toujours un peu loin des réalités de nos terrains ». 80 « La DRAC, elle est loin... » (un élu). « La DRAC est plus qu’un référent, c’est l’expert. C’est important de l’avoir au-dessus de nous. […] on peut dire que c’est une assurance. Toutes proportions gardées, c’est presque au décideur de dire ‘ce patrimoine fait partie des Pah, ce patrimoine est valable ou pas valable’ » (un élu). 81 77 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Parmi les critiques émises sur l’échelon national, on peut relever : • son manque de réactivité vis-à-vis du traitement du problème des guides conférenciers et du statut des animateurs ; • les insuffisances de la communication et les lacunes concernant la promotion du label à l’échelon national. Or le rôle de l’Etat est déterminant dans la reconnaissance et la lisibilité d’un label national 82; • la tendance au désengagement de l’Etat. L’accompagnement financier de l’Etat dans la politique de label est un élément problématique qui a été abordé, renvoyant plus largement à une interrogation sur le rôle de l’Etat à long terme, dans le domaine du patrimoine : certains acteurs jugent son accompagnement insuffisant en termes de durée, et suggèrent par ailleurs une meilleure harmonisation des engagements financiers avec la durée des mandats ; ce point a été soulevé dans le cas du désengagement progressif du financement du poste de l’animateur. « C’est toujours plus facile quand on a vraiment le soutien appuyé de l’Etat, quand on a des perspectives de financement pluriannuel, que quand il faut revenir présenter les budgets en disant qu’il y a 10 000 € de moins cette année parce qu’on en est à la quatrième année de la convention et qu’il y a donc désengagement ; c’est ce point là qui est sûrement un point faible. Si on veut être vraiment dans une politique nationale je pense qu’il faudrait des engagements qui soient sur une durée de mandat […]. Je pense que la convention de trois ans c’est trop court, quand on démarre sur des politiques ambitieuses comme cela il faut pouvoir s’engager sur le long terme ; une durée de six ans ça me paraîtrait correct» (un directeur de la culture). Certains animateurs manifestent le souhait d’une pérennisation ou d’un renforcement de l’implication de l’Etat et s’inquiètent des conséquences notamment politiques que provoquerait son désengagement du réseau (répercussions sur les capacités d’action, risque de disparités, ingérence politique… en cas de transfert aux collectivités territoriales). Quel serait alors le cadre de référence ? Faut-il plus impliquer la Région par le biais de la signature de conventions ? Comment faire en sorte que la Région et le Département soient de véritables acteurs du réseau ? Le manque de soutien de ces échelons pour les sites rhônalpins favorise la fragilité du réseau, et du label. L’idée d’une forme d’autonomisation peut-elle être viable, à travers un réseau interterritorial encadré par les sites eux-mêmes ? Pourrait-on ainsi envisager la constitution de réseaux regroupant plusieurs Régions, qui à elles seules sont d’une taille insuffisante pour organiser une plateforme de rencontre et de mutualisation d’information ? Ceci pourrait s’accompagner de la création d’un poste pour que les animateurs et leurs services puissent avoir un interlocuteur collectif qui les accompagne dans une meilleure mise en réseau des savoir-faire et de la communication ? 82 « Je trouve que la politique patrimoniale du ministère n’est pas assez mise en avant. On est des acteurs aussi importants que les musées ou les archives. Souvent les musées de France sont plus connus que les VPah » (un animateur). « Le ministère privilégie l’investissement financier dans des réseaux ou des actions de prestige, des productions plus porteuses d’image que le réseau ‘Villes et Pays d’art et d’histoire’ qui est le parent pauvre […] la Direction, le ministre, traite à la marge ce réseau» (un animateur). 78 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 L’enjeu est aussi de savoir comment renforcer cette dynamique de réseau tout en préservant les spécificités et les intérêts de chacun des sites avec des stratégies qui peuvent être divergentes. Certaines insuffisances dans la clarté du réseau, notamment dans la vision générale que peuvent en avoir les élus, sont d’ailleurs liées aux disparités entre territoires et à des appropriations différenciées où chacun est amené à faire du label quelque chose de différent. L’intérêt à prendre connaissance des actions menées sur d’autres territoires a été souligné, par les animateurs et par les élus. C’est aussi le principe de la mise en réseau qui est posé ici. Pour les acteurs ou commissions culturelles de territoires qui réfléchissent à la mise en place d’un CIAP, la visite de cet équipement sur un autre site VPah est souvent souhaitée. Le risque de redondances pour des expositions ou valorisations thématiques conduit à envisager des modalités communes, pour éviter la concurrence entre sites. Une coordination est nécessaire également pour les guides dont certains exercent sur plusieurs sites, en Savoie notamment, ou qui bénéficient d’échanges d’expériences autour d’ateliers et de prestations mutualisés. Les sites disposent de moyens divers, les contextes et les réalisations diffèrent, d’où une difficulté qui peut exister à travailler avec d’autres sites. Le fonctionnement du réseau met en évidence à ce stade des distinctions entre villes et pays : pour des raisons de proximité des thématiques, certains animateurs de pays ont des relations privilégiées avec ceux d’autres pays plutôt que de villes. Comment au sein de la DRAC peut-on prendre en compte ces différences de façon pragmatique pour des réunions, des formations… ? Certains élus et animateurs sont demandeurs de plus d’échanges d’expériences et de partage de savoir-faire avec d’autres territoires ayant des points communs ou des problématiques similaires – l’organisation de ces échanges étant envisageable au niveau national en tenant compte des différences de territoires (taille, dimension rurale ou urbaine, spécificités patrimoniales, avancement des projets…)83 – ainsi qu’avec d’autres réseaux que VPah. Les avis sont partagés sur la mise en œuvre de moments supplémentaires d’échanges et l’invention de nouvelles formes de mise en réseau entre sites, en dehors des moments d’animation proposés par la DRAC. Le problème de disponibilité des animateurs et les temporalités différentes des opérations rendent parfois l’émergence de projets transversaux difficile à concrétiser : « On s’est réuni une fois en fait, de manière indépendante, sur notre propre initiative, avec l’idée d’essayer de monter un projet en commun, qui aurait été a priori une exposition itinérante sur le territoire. Il y a eu une réunion et on n’a pas donné suite pour l’instant parce qu’on est tous dans 83 « […] que Vah se structure pour peut-être créer des centres d’intérêts qui ne soient plus simplement locaux mais qui fédèrent et rassemblent les gens en fonction de leur niveau et de leur domaine. Par exemple nous on a beaucoup de similitudes avec Saintes ou La Rochelle qui ont un type de patrimoine équivalent, un niveau d’avancement un peu devant nous… […] peut-être qu’il faudra faire des formations plus à l’échelle nationale et rassembler dans une échelle nationale des gens qui ont les mêmes préoccupations, les mêmes niveaux et les mêmes centres d’intérêts et du coup aussi financer à l’échelle nationale les labels en fonction de ces éléments là, pour qu’il y ait toujours des villes qui soient moteurs de ce label » (un directeur de la culture). 79 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 nos territoires et c’est assez dur de pouvoir mener des projets en commun réellement» (un animateur). « On s’était dit, en dehors de notre action sur le territoire, que les animateurs pourraient arriver à monter un projet régional tous les deux-trois ans parce que c’est très lourd, mais cette réunion n’a pas eu de suite. Peut-être qu’il faut s’orienter vers une production culturelle régionale qui itinérerait comme ça, ou sur d’autres choses. On n’en a parlé qu’une fois et le thème retenu ça avait été l’exposition. Il y a encore beaucoup de liens à inventer » (un animateur). Aux contraintes de temps et aux difficultés techniques s’ajoute la question de la structuration de ces échanges et réflexions, alternatifs et complémentaires à l’offre de la DRAC. Ces moments pourraient, selon certains animateurs, constituer un cadre relativement informel, où chacun viendrait puiser en fonction de ses disponibilités, de ses projets et attentes. Par ailleurs, les jeux relationnels font apparaître une plus forte implication de certains animateurs et services d’animation dans les réunions et le réseau. Cet usage politique du réseau n’est pas anodin au vu des impacts potentiels : retombées directes en termes de dotations symboliques et relationnelles (en termes d’influence, de reconnaissance, éventuellement de pouvoir, sachant que ces implications différenciées des services peuvent avoir des répercussions dans la structuration même du réseau). On observe également des disparités dans l’accès à l’information selon les sites : lors du séminaire du 26 juin 2007 sur l’étude VPah en Rhône-Alpes, des animateurs ont souligné le fait que les sites ne sont pas tous au même niveau d’information, par exemple concernant les dispositifs du Conseil régional, les procédures dans le domaine du patrimoine et de l’Education nationale. Les élus et le réseau Les échanges entre élus sont, eux, plus restreints. La configuration du réseau ne leur offre pas de réelles possibilités de réunions et d’échanges en comparaison avec le niveau d’intégration des animateurs de l’architecture et du patrimoine. Les élus, s’ils sont au courant des formations, n’y sont pas associés. Certains élus référents conçoivent leur rôle comme celui de premier représentant du label vis-à-vis de l’extérieur du territoire : « il doit faire la relation entre les institutions, DRAC, Région, et le terrain. Et impulser de nouvelles politiques, de nouvelles orientations ». Les plus impliqués estiment qu’il serait souhaitable de mieux associer les élus aux séminaires et à certaines thématiques de formations de la DRAC (problématique de promotion par exemple) à condition que ces séminaires ne soient pas trop « pointus ». Pour autant, le constat est celui d’une faible mobilisation, voire d’une quasi-absence des élus dans le réseau. S’il existe une réelle consistance du réseau pour les animateurs et les professionnels, ce n’est pas le cas pour les élus. Des expériences (au moment de la candidature à la labellisation, en phase de suivi), tels que des séminaires avec les élus, pourraient être envisagés pour mieux les impliquer et faire en sorte que leurs relations avec le ministère de la Culture soient plus fructueuses. 80 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 L’intégration réticulaire des élus peut passer par l’Association nationale des Villes et Pays d’art et d’histoire et Villes à Secteur Sauvegardé. Cette association a été créée en 2001 pour regrouper des sites VPah, les villes à secteur sauvegardé ayant rejoint l’association en 2003. Il s’agit d’une association d’élus qui développe des relations avec les ministères et les parlementaires, contribuant ainsi à la promotion du label et à la construction de l’action publique patrimoniale. Face à la fragmentation et au cloisonnement des services publics de l’architecture et du patrimoine, ils peuvent construire un cadre permettant de mieux définir l’évolution de la demande sociale dans ces domaines, et de mettre en réseau des expériences et actions territorialisées. Les motivations des sites pour adhérer ou non à cette association sont variables (coûts, attentes, connaissance de la structure…). L’association regroupe une centaine de sites dont certains n’ont pas le label VPah. Les Vah d’Albertville, de Chambéry et Saint-Etienne ainsi que les Pah des Hautes vallées de Savoie, des Trois Vals – Lac de Paladru et l’agglomération d’Annecy sont adhérents à l’association depuis plusieurs années. La perception de cette association nationale est très variable selon les acteurs rencontrés. Certains la jugent peu active, d’autres y voient un intérêt en termes de mutualisation d’expériences et de dialogue. Le rôle même de l’association, composée majoritairement d’élus locaux, au sein du réseau semble avoir changé84. Elle milite pour une intégration plus complète des problématiques de l’urbanisme dans la conception de l’animation du patrimoine. C’est la raison pour laquelle, elle semble aujourd’hui davantage préoccupée par la question des secteurs sauvegardés, la mise en place des Plans de sauvegarde et de valorisation, la création des ZPPAUP, l’introduction des valeurs patrimoniales dans les Plans d’urbanisme locaux, enjeux effectivement de grande ampleur, que par le label lui-même85 Comparé à d’autres régions françaises, le réseau rhônalpin apparaît dense mais avec d’assez fortes hétérogénéités. La fragilité du réseau VPah, relativement jeune dans l’histoire du patrimoine et des politiques culturelles, est liée au fait qu’il repose sur quelques personnes ressources et à son manque de visibilité dans l’espace public. À travers la question de la communication (cf. partie 3.4) on a montré qu’une des faiblesses du réseau était sa difficile appropriation par les habitants et les élus. La faible mobilisation des élus au niveau national dans l’animation d’un réseau apte à constituer un lieu de réflexion et de coordination pertinent, reste également un point problématique. La difficile évaluation des effets du label Les problématiques de matérialité nous conduisent à conclure sur les effets et non-effets du label. Si les représentations et attentes des élus lors des candidatures sont ambitieuses dans certains cas, il est difficile d’estimer précisément les retombées du label : elles restent de l’ordre de l’intangible le plus souvent. 84 « Dans mon précédent poste, quand on était en train de discuter du label, on nous avait dit – les conseillers du ministère – ‘ne confondons pas, ça n’a rien à voir, c’est une association d’élus, ils font du lobbying’, et aujourd’hui on s’aperçoit que l’entité ministère de la Culture s’appuie aussi sur l’association maintenant. Les élus se retrouvent plutôt dans cette association nationale » (un directeur du patrimoine). 85 Voir par exemple, les Actes du colloque Secteurs sauvegardés, ZPPAUP et PLU patrimoniaux, Chinon, 19, 20, 21 janvier 2006. ANVPAH et VSSP. 81 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 La difficulté à évaluer les impacts a été mise en évidence lors des entretiens avec les acteurs des sites. Plusieurs éléments explicatifs peuvent être avancés : d’une part la complexité qui existe pour interroger les effets du label sur un site, c’est-à-dire la question méthodologique et la relative lacune des outils d’évaluation 86 ; d’autre part les impacts quantifiables ne relèvent pas strictement des actions qui découlent du label, d’où l’importance de la part des facteurs exogènes dans le dynamisme d’un site ou la bonne fréquentation d’une ville87 (les apports en termes de fréquentation touristique par exemple, sont issus d’une combinaison d’opérations qui concernent de multiples champs et intervenants). Cette question peut être mise en rapport avec le fait que les actions n’émergent pas ex nihilo. Il existe une difficulté à distinguer ce qui relève des actions mises en place par le label de celles préexistantes ou qui ne sont pas VPah bien que mobilisées tout de même par le label88. Par ailleurs, dans un nombre de cas significatif, le manque de recul temporel, lié à une date de labellisation récente, limite toute vision des impacts. L’importance de l’inscription du label dans le temps long a d’ailleurs été soulignée. Les impacts du label relèvent donc généralement de l’intuitif et de l’appréciation subjective et l’on ne dispose pas de la capacité à les évaluer correctement. Concernant la fréquentation, on note des différences selon les sites en termes d’évolution. On dispose de données émises par les sites en fonction de comptages (nombre de personnes ayant effectuées des visites guidées par exemple) mais ces données chiffrées ne sont pas toujours comparables et doivent être manipulées avec prudence89. Sur certains sites, des études préalables laissaient entrevoir des retombées significatives. Ainsi, en vallée d’Abondance, une étude de valorisation culturelle antérieure à la candidature prévoyait une augmentation de la fréquentation pour l’intersaison, notamment concernant les courts séjours et week-ends des clientèles de proximité. Dans les faits, cela n’est pas constaté par les acteurs locaux. Les retombées directes de l’animation du patrimoine semblent restreintes sur un certain nombre de sites. Les retombées économiques restent limitées. L’apport le plus concret réside dans les emplois de l’animation : le recrutement de personnel constitue le premier impact direct du label sur les territoires. Enfin, la question des effets pose celle de l’utilisation des données par les collectivités. Sur les sites où les élus ou les directions des affaires culturelles attendent des repères, l’évaluation semble se faire sur la fréquentation ; sur l’agglomération d’Annecy par exemple, la fréquentation du 86 Rappelons ici l’intérêt du document édité par le ministère de la Culture, « Laissez-vous conter l’évaluation », qui propose aux sites labellisés un guide pratique pour l’autoévaluation, pour l’évaluation des actions et pour une évaluation prospective. http://www.vpah.culture.fr/vpah/publi/evaluation/html/edito.html 87 « Je suis toujours très honnête avec la DRAC, et la DRAC en est consciente : cette activité de visites touristiques on n’en a pas la paternité, c’est le territoire qui fait qu’il y a du tourisme et qu’il y a des visites guidées » (un animateur). « Le travail sur le patrimoine, ce n’est pas le label qui le fait, c’est un ensemble de gens, label compris ». 88 Par exemple à Albertville, ou en vallée d’Abondance avec l’opération « Rondes de nuit » à l’abbaye d’Abondance qui a démarré avant la naissance du Pah (« on n’a pas attendu le Pah pour faire les choses mais on peaufine, on améliore, il y a une synergie», témoigne un élu). 89 Par exemple en vallée d’Abondance il est apparu que certains lieux promus par le Pah (dépliants et plaquettes) et qui ne dépendent pas du syndicat intercommunal, sont néanmoins intégrés dans les comptages de fréquentation (2006). 82 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Palais de l’Ile constitue une référence « sachant qu’ici il y a toujours le tourisme qui masque tout ». A l’inverse, sur d’autres sites, il est apparu que, si des informations quantitatives sur la fréquentation existent, il n’y a pas forcément d’usage des données par les signataires de la convention (Hautes vallées de Savoie, Albertville…). Cette absence de demande systématique de données quantitatives renforce l’hypothèse d’un intérêt politique prioritairement symbolique pour la mobilisation du patrimoine en lien avec la notion de qualité soulignée précédemment. 83 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 84 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 IV- LA GOUVERNANCE DU LABEL Le réseau forme un espace d’observation des dynamiques territoriales et des relations entre les acteurs. Les dix sites permettent une approche comparative, à partir de questions relatives aux relations entre les acteurs et aux systèmes qui en résultent. La réflexion sur la gouvernance du label pose en effet la question des stratégies des acteurs et de leurs modes de coordination et d’articulation. La démarche d’étude a permis d’identifier les acteurs impliqués et de mieux appréhender les enjeux dont ils sont porteurs, leurs ressources et leurs contraintes, qui vont expliquer leur positionnement vis-à-vis du label. Les liens et les conflits permettront d’introduire la question des systèmes d’acteurs, compris comme étant des modes de relations nécessaires, pour analyser les difficultés, mais aussi les potentiels d’évolution. 4.1. Une obligation de partenariat, sur la base de supports institutionnels différenciés Le label « Ville et Pays d’art et d’histoire » apparaît, à l’origine, dans un contexte de développement de la concurrence entre les villes, soucieuses notamment de leur construction identitaire, de leur promotion touristique et de leur attractivité. Il s’inscrit maintenant dans une stratégie de projet intégrant des acteurs multiples, dans une procédure de reconnaissance, puis de gestion et d’animation du label. Ce faisant, il va concourir à la production d’une « image facilitant la mise en valeur d’avantages génériques et spécifiques, … applicable à tout ce que va expérimenter le visiteur : communication, promotion, expositions, visites, animations, services, publications » 90. Le label répond à une politique normative de l’Etat, qui intervient dans le cadre d’une convention avec la collectivité porteuse du label. Celle-ci traduit la construction d’un double partenariat. D’une part, il s’agit d’un partenariat institutionnel, entre l’Etat et la collectivité, d’autre part, d’un partenariat fonctionnel, impliquant un nombre plus ou moins important de partenaires. Deux formes de partenariats institutionnels : ceux des villes et ceux des pays Le partenariat institutionnel est caractérisé par la nature de la collectivité signataire. La forme la plus simple est celle de la « Ville d’art et d’histoire ». Le partenariat se réduit à la relation entre la ville et l’Etat, au travers d’une relation linéaire : ville – DRAC – ministère, qui peut être schématisée comme suit : 90 Charles Pigeassou et al., « Les labels dans les services sportifs. Paradoxes et enjeux » in Cahier Espaces n°59, « Marques et labels touristiques », décembre 1998. 85 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Ministère de la Culture et de la Communication Ville d’art et d’histoire Services municipaux DRAC Autres partenaires institutionnels potentiels, exemple de Vienne : Conseil général de l’Isère et région Rhône-Alpes : actions ponctuelles du Contrat de Développement Rhône-Alpes (CDRA) Dans le cas des villes, le positionnement du label au sein des services municipaux renseigne sur la place accordée à l’animation de l’architecture et du patrimoine dans l’organigramme général, sur les possibilités de développement de partenariats avec d’autre services, et sur la possibilité réelle de l’intégration de la dimension architecturale. La situation la plus classique est celle d’organigramme en râteaux, inscrits dans des logiques de services, installés dans des systèmes hiérarchiques verticaux. La situation la plus fréquente est celle d’un rattachement à la direction des affaires culturelles comme à Saint-Etienne, Vienne et Valence. À Albertville, le service est rattaché à la direction des services à la population, dont on peut penser qu’elle intègre aussi l’action culturelle. Avec une intégration du service à un Etablissement Public Industriel et Commercial fortement orienté vers les fonctions d’ouverture et de rayonnement de la ville, Chambéry fait exception. La pénétration des logiques de projet est surtout perceptible au niveau de l’évolution des modes de management. Ainsi, la monographie réalisée sur le site de Vienne montre comment les ambitions de la ville en matière d’animation et d’attractivité, sont traduites en objectifs opérationnels quantifiés et négociés annuellement entre la direction des affaires culturelles et les agents du service VPah. La recherche d’une diversification des compétences, intégrant des fonctions commerciales et de marketing accompagne ce processus qui fait l’objet d’une évaluation annuelle. L’observation souligne une difficulté d’application du processus aux guides, du fait de la rapidité de rotation des personnels et des spécificités de leurs statuts. La transversalité avec d’autres services reste relativement limitée. Ainsi, si les relations avec les autres services culturels (archives, bibliothèques, musées, spectacle vivant) sont facilitées, elles restent le plus souvent problématiques avec les services de l’urbanisme. Les métiers de la 86 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 planification et de l’aménagement urbain intègrent difficilement les questions d’animation, l’enjeu étant de resituer cette problématique dans les processus d’aide à la conception, à la décision et à la réalisation des projets d’aménagement. Il en est de même avec les services du tourisme, et particulièrement les offices du tourisme. La difficulté porte là sur la différence de perception des publics concernés : « à l’office du tourisme, le grand public ; au label, l’élite ». Les labels continuent à être portés par les villes, qui affirment ainsi leur fonction de centralité culturelle, alors que les offices de tourisme sont de plus en plus portés par les structures intercommunales, ce qui accroît encore plus le risque de disjonction entre les services et leurs agents. Dans le cas des pays, le partenariat institutionnel est plus complexe. Le pays est un territoire au contour plus flou, positionné par définition dans une logique de projet, qui s’inscrit dans une forme différente au regard de la question du partenariat. En Rhône-Alpes, les cinq Pays d’art et d’histoire révèlent cinq formes différentes allant du simple syndicat de communes au groupement de plusieurs pays, schématisées comme suit : Trois Vals – Lac de Paladru Association Loi 1901 vers Communauté d’agglomération (Voironnais) Vallée d’Abondance Syndicat intercommunal à la carte Agglomération d’Annecy Communauté d’agglomération Intercommunalités Forez Hautes Vallées de Savoie Pays Pays + Communauté de communes + SIVOM, en convention avec la FACIM Région RhôneConseil général Alpes (CDRA) de Savoie (FACIM) Intercommunautarité (communauté de communautés) La situation des « Pays d’art et d’histoire » traduit la diversité des modes de coopération entre communes, avec des degrés d’intégrations croissants. Les cinq types de coopération décrits cidessus peuvent être répartis en trois catégories : celle de la simple association, celle d’une intercommunalité structurée, puis celle de l’intercommunautarité qui rassemble plusieurs intercommunalités. Les sept communes des rives du lac de Paladru sont regroupées dans une simple association, qui gère une maison de pays. Cette situation préfigure un rattachement du « Pays d’art et d’histoire » à la Communauté d’agglomération du Voironnais, qui compte 34 communes et 85 000 habitants. Le niveau d’intercommunalité le plus simple est celui du Syndicat de communes. La Vallée d’Abondance, qui porte le label, regroupe six communes d’un même canton autour d’objectifs communs, avec une possibilité d’implication différenciée. Le label a été attribué en 2004 à la communauté d’agglomération d’Annecy qui regroupe 13 communes et 135 000 habitants, et constitue une forme d’intercommunalité plus aboutie, dotée de moyens d’actions spécifiques. 87 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 88 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Les cartes précédentes illustrent les superpositions et les disjonctions entre les sites porteurs de label et les intercommunalités ou les territoires de projet (pays ou parcs). Le Forez est le seul territoire où le support correspond à un pays au sens de la loi. Il est le cadre d’autres procédures contractuelles, telles que par exemple le contrat de pays Rhône-Alpes (CDPRA). Après avoir eu le statut de Société d’économie mixte, puis d’une communauté de communes liée aux autres par convention, le pays du Forez est maintenant un syndicat mixte regroupant 136 communes et intercommunalités. Le pays des Hautes vallées de Savoie dépasse l’échelle du pays au sens de la loi. Il regroupe quatre vallées de dimensions différentes. La plus grande est celle de la Maurienne, elle-même pays, puis la Tarentaise, le Beaufortin et le Val d’Arly, reliées entre elles par une convention animée par une fondation reconnue, fortement soutenue par le Conseil général : la FACIM. Le label, interface entre des systèmes de normes d’origines différentes Dans le cadre des pays, le partenariat entre les collectivités et l’Etat s’inscrit dans un réseau de partenariats plus larges, au sein duquel le pays joue un rôle d’interface entre un ensemble d’acteurs du territoire et des partenaires prêts à s’engager dans une logique contractuelle. En effet, contrairement aux villes, les « Pays d’art et d’histoire » peuvent inscrire leur action dans le cadre d’un partenariat multiple. Ce peut être le cas avec l’Union Européenne, dans le cadre des Programmes d’intérêt communautaire LEADER, ou avec la Région dans le cadre de procédures contractualisées avec les territoires, voire avec les Conseils généraux. Le pays devient avant tout un espace de projet, qui articule une situation donnée, bien souvent faite de problèmes partagés, d’objectifs, et d’un programme d’actions pour les atteindre. Mobilisant les acteurs territoriaux que sont les collectivités locales, mais aussi les associations, et les entreprises, la démarche des pays associe le diagnostic, la prospective, la contractualisation et l’évaluation dans un cadre dont les contours sont définis par des règles induites par les différents partenaires financiers. Ainsi, le pays qui n’est pas doté de compétences spécifiques, devient un espace de coordination des normes qui lui viennent de ses partenaires extérieurs. Il trouve là une légitimité particulière au sein d’un dispositif complexe. Le label « Villes et Pays d’art et d’histoire » englobe des éléments qualitatifs de services, attestant de caractéristiques spécifiques et d’un niveau de qualité distinct. Il est constitutif au niveau local d’un réseau porteur de ces éléments plus ou moins tangibles. Le partenaire le plus constant est l’Office du tourisme. Il est cité dans la plupart des entretiens. 89 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Union Européenne Département Etat Structure de gestion Pays Région Département Intercommunalités Associations Offices de tourisme Communes Le pays joue là un rôle d’interface entre des acteurs territorialisés et des partenaires, au sein desquels l’Etat n’est pas le seul interlocuteur. Cette situation pose la question de l’autonomie des structures porteuses du label du territoire dans la construction du projet partenarial avec l’Etat. Celle-ci sera variable selon les moyens dont dispose la collectivité contractante. La taille de la ville ou du pays est importante pour expliquer les moyens disponibles à quatre niveaux : les volontés politiques locales et les capacités d’organisation, les dotations financières, les moyens en personnel, ainsi que les ressources patrimoniales mobilisables. Les villes trouveront là un instrument de mesure de l’importance accordée au patrimoine et à l’architecture dans la politique urbaine. Toutefois, ces quatre variables ne suffisent pas à « justifier » de l’efficacité du label. La capacité des acteurs locaux à articuler les systèmes de normes de l’Etat, particulièrement vigoureux dans les domaines du patrimoine, avec ceux des Régions voire des Départements, est aussi un paramètre à intégrer, dans la mesure du degré d’autonomie des territoires dans la construction du projet. C’est à ce niveau que certains pays pourront trouver leur spécificité. Par leur capacité à intégrer des logiques de projet, articulant la définition d’un horizon à atteindre avec des moyens d’actions adaptés, matérialisés au travers d’une convention, certains d’entre eux acquièrent des formes d’autonomie au regard des systèmes de normes extérieurs. Si la vallée d’Abondance et le site de Paladru sont limités par leur faible taille, le pays du Forez et les Hautes vallées de Savoie font preuve d’une capacité d’initiative leur permettant d’affirmer leurs propres objectifs dans la construction du projet. Le débat sur les centres d’interprétation de l’architecture et du patrimoine est révélateur de ces tensions. Les modes de résolution dépendent de la capacité de la structure porteuse à proposer son propre système de normes. Enfin, l’autonomie du territoire résulte de sa capacité à fédérer et à coordonner les acteurs du patrimoine. Les monographies mettent en évidence des logiques divergentes selon les thématiques (patrimoine, tourisme, urbanisme…). D’autres clivages émergent selon les métiers : conservateurs 90 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 du patrimoine, ingénieurs, urbanistes, animateurs, agents d’offices du tourisme. Enfin, les relations entre élus sont déterminantes en termes de capacités fédératives ou, au contraire de conflits plus difficiles à expliciter. Le mode d’intégration dominant de ces divergences reste l’élaboration du projet. En favorisant la construction d’un regard partagé sur le territoire, le projet constitue un espace de dialogue entre les différents acteurs. Le plan d’action qui en résulte assure la liaison entre des objectifs et des ressources mobilisables sur le territoire. La capacité de la structure porteuse du label à mobiliser, puis à faire vivre des partenariats serait donc expliquée par ces trois variables : les ressources mobilisables sur le territoire, la capacité de la structure à intégrer des systèmes de normes divergents et sa capacité à fédérer des acteurs autour d’un projet. 4.2. Le système de relations entre les professionnels de l’animation, les élus, la DRAC Les relations entre le ministère de la Culture (DAPA et DRAC) et les collectivités porteuses (villes, agglomérations, pays) sont régies par une convention, dont la durée n’est pas limitée. Ce texte présente les acteurs impliqués, leurs ressources et les enjeux dont ils peuvent être porteurs. Il identifie ensuite des objectifs susceptibles d’être partagés, ainsi que les moyens prévus pour structurer le service et développer les partenariats. La capacité d’articulation entre différents acteurs, porteurs de logiques différentes, doit être appréhendée comme un élément essentiel de l’efficacité du label. L’examen des conventions révèle les intentions affichées par les partenaires pour mettre en place des outils de coordination. Un double système de gouvernance : le label et le réseau Les dispositifs de concertation et d’encadrement mis en place dans le cadre du label sont particulièrement parlants. L’examen des conventions met, en effet, en évidence une nette évolution des modes d’organisation dans le temps. Une représentation de ces évolutions peut être obtenue par comparaison des deux conventions établies pour la mise en œuvre du label sur la ville de Vienne. 91 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 1990 Première convention 2007 Nouvelle convention Animation Mise en place de deux postes d’animateurs de l’architecture et du patrimoine à mi-temps Dispositif de concertation et d’encadrement Commission pédagogique : maire et adjoints concernés (culture, tourisme, urbanisme) + conservateurs + Office du tourisme, 1 association + Education nationale, ABF, DRAC, CNMHS, animateurs . Un animateur de l’architecture et du patrimoine (cat. A) à plein temps, un adjoint, un agent d’accueil et de développement Partenariat permanent, avec programme annuel d’actions instruit par la DRAC. Communication annuelle à la DRAC du bilan des actions, pour présentation au Conseil national des VPah. Commission de coordination : les mêmes qu’en 1990+ adjoint patrimoine, éducation, le directeur général des services, le directeur des affaires culturelles, le chargé de mission pour le développement du patrimoine historique, bâti et urbain, le responsable du service scolaire municipal, un représentant de la Conservation du patrimoine de l’Isère, le directeur du SDAP, Université Lyon 2. En moins : 1 association, la CNMHS. Objectifs de la commission Modalités de fonctionnement Conseiller et encadrer le conférencier animateur . Une réunion par an, sur convocation du maire : étudie les propositions du conférencier animateur, décide des moyens à mettre en œuvre, établit le bilan des actions. Une réunion tous les 2 ans, sur convocation du maire : étudie les propositions du conférencier animateur, décide des moyens à mettre en œuvre, établit le bilan des actions. L’analyse de ces deux documents montre que le pilotage se renforce, avec un dispositif de suivi permanent passant par l’établissement d’un programme d’actions et d’un rapport d’activités annuel, et d’un dispositif de concertation. Les listes des membres des commissions montrent un net renforcement du poids des administrations municipales, en parallèle à la disparition des associations. L’examen d’une autre convention signée en 2006 (Hautes vallées de Savoie) souligne la même tendance. À Vienne, la première convention proposait l’installation d’un partenariat entre la municipalité et les services de l’Etat organisé dans le cadre d’une commission pédagogique. Une réunion organisée annuellement avait pour objectif d’étudier les propositions d’actions des animateurs, de décider des moyens à mettre en œuvre pour la réalisation des projets et d’établir les bilans des actions. La convention renouvelée propose l’établissement d’un partenariat permanent, au travers de l’élaboration du programme annuel d’actions, « selon les objectifs prioritaires du ministère de la Culture et de la Communication, et du réseau national des « Villes et Pays d’art et d’histoire » ». Une commission de coordination élargie à d’autres élus et surtout à d’autres services municipaux et départementaux est créée. Elle se réunit tous les deux ans. 92 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 La nouvelle convention marque également l’affirmation d’un partenariat permanent, au sein duquel le rôle de l’Etat est reprécisé, parallèlement à l’allongement de la périodicité des réunions de concertation. Cet allongement témoigne de la difficulté à tenir un rythme de réunion annuel, mais aussi de la difficulté à impliquer les élus municipaux dans la gestion du projet. Le système traduit aussi la forte implication des services de l’Etat dans le maintien d’un système de normes intervenant à différents niveaux : - la protection et l’utilisation du label (identifié à une marque collective, un signe garantissant une certaine qualité au travers du dépôt à l’Institut national de la propriété industrielle) ; - les conditions d’utilisation du label par des collectivités ; - l’organisation et le contrôle des opérations de recrutement des animateurs et des guides. L’ensemble du dispositif conduit à un double contrôle du système d’acteurs. Le label est en effet porté par des collectivités indépendantes les unes des autres, mais coordonnées par les services de l’Etat dans le cadre d’un réseau national et de réseaux régionaux. Dans le sens vertical, l’Etat, à l’origine du label et de sa définition, intervient dans le cadre normatif, défini par l’appartenance à la marque collective. Dans le sens horizontal, le fonctionnement en réseau national et régional permet d’organiser un dialogue entre les collectivités et l’Etat. Il y a là un cadre transactionnel potentiel au sein duquel les difficultés rencontrées et les projets peuvent être analysés et comparés. Ce fonctionnement permet la circulation de l’information, ainsi que dans certains cas, la discussion de certaines des dispositions prévues dans le fonctionnement du label. Si les dispositifs de concertation et de bilan existent, leur utilisation ne semble guère dynamique, particulièrement en ce qui concerne la commission de coordination. Celle-ci représente idéalement l’ensemble des acteurs qui ont un titre ou un intérêt à se prononcer tous les deux ans sur le fonctionnement du label, à partir d’un bilan écrit par l’animateur. Ni dans les pays ni dans les villes, pas plus au début de l’existence du label qu’aujourd’hui, ces commissions se réunissent de façon régulière. En réalité, seul le moment du renouvellement de la convention est l’occasion d’un vrai bilan. La question se pose donc de savoir s’il convient de laisser cette clause particulière de la convention inchangée en encourageant les divers partenaires à se réunir régulièrement, ou s’il faut modifier en profondeur cette commission. Un système fermé En Rhône-Alpes, les conventions sont signées exclusivement entre l’Etat et les collectivités porteuses du label, et ce, même dans le cas d’intervention d’autres collectivités territoriales comme le Conseil régional ou un Conseil général. Dans ce cas, les collectivités n’apparaissent pas dans les conventions. Les interventions du Conseil régional s’effectuent dans le cadre des politiques de développement territorial, par exemple les Contrats de pays Rhône-Alpes. Ces procédures construites au niveau des pays, conçus comme des espaces de projet, se superposent plus ou moins avec les « Pays d’art et d’histoire ». La situation la plus fréquente est celle de la mobilisation de subventions ponctuelles par les « Villes » ou les « Pays d’art et d’histoire », au gré des projets développés et des cadres budgétaires offerts par les contrats. Les relations avec les Conseils généraux sont plus complexes. Elles sont fortement dépendantes des politiques développées au niveau départemental. Certains d’entre eux n’interviennent pas dans 93 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 le fonctionnement du label. C’est le cas du Département de la Loire. À l’inverse, l’Isère intervient au travers de conventions culturelles passées avec les sites porteurs. C’est le cas du site de Paladru et de la ville de Vienne. Le Conseil général de la Savoie est intervenu lors de la création du « Pays d’art et d’histoire des Hautes vallées de Savoie ». Il continue à intervenir fortement sur ce territoire au travers de la FACIM, fondation qui anime le label depuis sa mise en place en 1991. Enfin, le Conseil général de l’Ardèche joue un rôle important dans la candidature des pays en cours de labellisation (Ardèche méridionale). Le rôle pivot de l’animateur Le poste clé est celui de l’animateur de l’architecture et du patrimoine, dont les missions ont été précisées dans le temps. Les profils de postes sont similaires pour les animateurs de l’architecture et du patrimoine qu’il s’agisse d’une ville ou d’un pays, ce qui pose certaines questions (comme nous l’avons déjà évoqué dans les chapitres précédents). Principaux éléments du profil de poste d’un animateur de l’architecture et du patrimoine Recruté à l’issue d’un concours, chargé de mettre en œuvre un programme d’actions défini au travers de la convention. Missions : - sensibiliser la population locale ; - initier le public jeune au travers d’ateliers notamment; - accueillir le public touristique ; - former les guides conférenciers, les médiateurs touristiques et sociaux ; - mener des actions de communication de l’architecture et du patrimoine… En outre, diverses actions sont précisées : - participation au projet culturel de la collectivité ; est chargé de la mise en place du CIAP, effectue ou initie des travaux de recherche ; - développement d’actions pédagogiques : mise en place du service éducatif du patrimoine ; en lien avec les autres structures éducatives, culturelles ; - mise en place des formations des candidats à l’examen de guide professionnel ; - définition et mise en œuvre des visites et animations assurées par les guides conférenciers ; - définition et mise en œuvre des actions de communication : éditons, expositions, signalétiques ; - définition et gestion du budget de fonctionnement de la convention et recherche de subventions. La lecture de cette fiche type (réalisée par la DAPA) montre qu’à plusieurs reprises, la terminologie employée se réfère à des services urbains : participation au projet culturel de la collectivité, mise en place du service éducatif, mise en place du CIAP… L’activité est polarisée dans l’espace, comme peut l’être la ville. À l’inverse, le pays est diffus. Il est fait de pôles et de réseaux, nécessitant une adaptation du label. C’est ce qu’ont exprimé les animateurs de pays, lorsqu’ils ont proposé en 2006 une nouvelle rédaction des missions du label (cf. partie 2.2). Le 94 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 terme patrimoine n’y apparaît pas. Par contre, le projet culturel de pays s’affirme comme une ressource pour le développement, pour les liens entre les habitants, pour le maillage du territoire et à la construction de réseaux. Cette démarche souligne la dynamique de projet qui caractérise les pays. Entre ce qui n’est plus, et ce qui n’est pas encore, le pays est le lieu d’articulation entre une situation donnée, caractérisée par des problèmes locaux à résoudre et un horizon à atteindre, construit à partir d’une représentation du devenir du territoire. Le patrimoine contribue à donner du sens à ce projet, en offrant aux acteurs impliqués une possibilité de participer à la sélection des objets mobilisés dans la construction de cette représentation du devenir du territoire. Trois champs de coopération difficiles : le tourisme, la muséographie et l’urbanisme Parmi les partenaires cités par les animateurs de l’architecture et du patrimoine, l’Office de tourisme est déterminant, même si les conventions ont établi une hiérarchie des priorités qui a évolué : le public touristique est désormais placé derrière le public des résidents et des scolaires. Dans la plupart des cas, ce sont des relations de complémentarité qui sont développées, au travers des documents de communication et de l’organisation des visites guidées. Parfois, comme à Chambéry, l’élu en charge du patrimoine est également chargé du tourisme, mais sans qu’on puisse déceler une synergie forte. À Albertville, il était prévu que le CIAP s’installe dans la future maison du tourisme, mais le projet reste en suspens pour l’instant. Parfois la problématique de la concurrence, fréquente au moment de la mise en place du label, perdure. Si le label VPah témoigne d’actions de valorisation de qualité, il n’attire qu’un public trop limité pour les offices de tourisme. Inversement, la mission des animateurs n’est pas prioritairement d’augmenter la fréquentation touristique des sites. Il faut au contraire chercher de vraies complémentarités. Le label interviendrait sur l’image identitaire du territoire, en amont du produit touristique. Il aurait pour charge la définition des contenus, l’office de tourisme étant chargé de les promouvoir et de les commercialiser. La difficulté est alors de maintenir un minimum de dialogue permettant d’assurer une adéquation entre les contenus et les attentes des publics. Enfin, deux statuts de guides coexistent : les guides-conférenciers agréés par le ministère de la Culture, et les guides interprètes agréés par le ministère du Tourisme. Depuis 2001, il existe une passerelle entre les deux formations, mais ce double statut révèle la coexistence de deux approches différentes, ce qui ne manque pas d’interroger les différents acteurs. La résolution des conflits passe par leur reconnaissance, la recherche d’objectifs partagés et le partage des tâches. A Valence, la mise en place d’opérations concrètes de coopération, telle que la construction d’un itinéraire Bonaparte, permet progressivement de mieux connaître les attentes réciproques et les contraintes de chacun. La mise en place d’offices de tourisme intercommunaux, fréquente en milieu urbain (Chambéry, Saint Etienne, Vienne), élargit les champs d’intervention et pose la question de l’élargissement du label à l’agglomération. La relation avec les musées renvoie à celle des relations entre animateurs et conservateurs du patrimoine. Représentant d’institutions patrimoniales déjà en place, ces derniers contestent parfois aux animateurs la capacité à engager des études spécifiques à certains objets patrimoniaux, préalablement à la conception d’actions de valorisation. Cette forme de rivalité porte aussi sur l’accueil des publics scolaires, qui peut aussi être assuré par les musées. Le cas d’Albertville mérite d’être signalé : assurant les fonctions d’animateur du label, le conservateur du musée n’a que très peu de relations avec les autres services municipaux. La compétence sectorielle prend ici 95 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 le pas sur l’approche transversale. Notons enfin que des relations avec les autres services culturels (archives municipales, bibliothèques, théâtres) sont signalées sur plusieurs sites. Comme souvent, leur qualité fluctue en fonction des relations interpersonnelles. Les coopérations avec les services d’urbanisme sont très variables. Parfois, elles ne sont pas citées. De plus, dans le cas de l’intercommunalité et de pays, elle pose la question de la superposition de deux échelles d’action : communes pour l’urbanisme, intercommunalité pour le patrimoine. La prise en compte de la dimension architecturale sera alors plus difficile. Dans d’autres cas, les relations entre les deux secteurs de l’architecture et du patrimoine passent par la réalisation d’un inventaire du patrimoine, qui pourra constituer un cadre de dialogue pour l’élaboration des documents d’urbanisme. Certains éléments architecturaux seront intégrés dans les projets de valorisation (ex : villas contemporaines à Annecy). La mutualisation d’opérations sur des territoires où existent des outils pertinents comme les chartes paysagères et architecturales, par exemple en pays du Forez, devrait être renforcée pour les problématiques de paysages, de prospective urbaine, et, très concrètement, dans le cadre de l’élaboration de PLU ou de ZPPAUP. De plus, les relations avec les CAUE soulignent des potentialités de coopération ponctuelle sur des thématiques précises. Mais ces liens avec les CAUE restent variables selon les territoires et les types d’actions qui sont menées. Globalement, la question de l’efficacité du label sur les thématiques urbanistiques renvoie aux représentations différenciées des enjeux urbains et patrimoniaux par les acteurs impliqués. Certains discours d’animateurs rendent compte de la vision de l’animation de l’architecture et du patrimoine qu’ont les services d’urbanisme des collectivités. L’appréciation du label VPah par les personnels des services d’urbanisme privilégie la mise en valeur de l’histoire et du patrimoine du territoire sous l’angle touristique et scientifique, au détriment de son intégration réelle dans la politique urbanistique. C’est aussi la place de l’animateur du patrimoine et de l’architecture et du service VPah dans les projets de révision de documents d’urbanisme, d’élaborations de ZPPAUP, de secteurs sauvegardés, ou encore d’Opérations programmées d’amélioration de l’habitat, qui doit être clarifiée. Le rôle des élus territoriaux apparaît essentiel dans les conflits ou la résolution des problèmes de distribution des compétences : leur discours peut être moteur d’une plus grande convergence entre politiques paysagères, patrimoniales, architecturales et urbaines, notamment durant la mise en œuvre des actions. Le travail d’articulation avec le secteur urbanistique, souhaité par les services de l’Etat, apparaît en effet assez efficacement mené durant les phases de candidature au label (cf. par exemple le dossier de candidature de la communauté d’agglomération d’Annecy). Le projet de CIAP peut par exemple être un lieu de rencontre déterminant. En proposant enfin un lieu de présentation des dynamiques urbaines et des nouveaux projets, mais aussi un site de permanence pour l’architecte des bâtiments de France (cf. Chambéry), et une « matériauthèque » de présentation des différents matériaux, il devient un lieu vivant, identifiable par rapport aux autres sites muséaux... 96 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 L’implication limitée des associations Les associations sont relativement peu présentes. Elles sont souvent citées comme des partenaires potentiels, associés de façon variable en fonction des besoins. Le conflit apparaît quand le service est créé dans une organisation préexistante. C’est le cas à Albertville avec les amis du Vieux Conflans qui pose la question des relations entre les services VPah et les acteurs déjà en place, en termes de responsabilité, de légitimité et de pouvoir. Les entreprises sont quasiment absentes du label. Seule la ville de Chambéry intègre formellement les commerçants et les professionnels du bâtiment aux publics concernés par le label. Ces remarques s’appliquent à la question des relations entre les sites porteurs du label VPah et les CAUE, qui restent en général limitées. Du fait de leurs statuts associatifs et de leurs cadres financiers, l’échelle d’intervention de ces derniers est départementale. En parallèle, depuis la loi sur l’architecture de 1977, le champ d’activité des CAUE s’est largement ouvert sur les territoires, avec des modes d’intervention modulés en fonction des objectifs locaux. Dans ce contexte, la relative distance entre les sites porteurs du label et les CAUE pose la question d’une logique de concurrence entre les services de l’Etat et les Départements par rapport aux villes et pays porteurs du label. La question se pose en particulier dans le champ de l’ingénierie territoriale, au sein desquels les services de l’Etat se positionnent, comme le font les organismes départementaux ou para départementaux qui développent ce type de compétence. L’enjeu pour les sites labellisés serait de passer de cette logique de concurrence à une logique de coopération. Cette mutation nécessiterait une identification des objectifs portés par chacun des partenaires, puis la définition de ceux qui pourraient être partagés par les CAUE et les partenaires du label, sur chacun des sites. Ils pourraient porter en particulier sur les champs du diagnostic de territoire et le développement d’actions de valorisation. La spécificité de l’intervention du CAUE pourrait porter sur l’architecture et le paysage, en permettant à chaque site d’approfondir les animations proposées dans le cadre du label vers l’analyse des dynamiques en œuvre, et de développer les outils de prospective. La faible prise en considération des publics On a souligné précédemment l’identification de différents types de publics. Les bilans d’activité annuels transmis à la DRAC sont très inégalement remplis, certaines rubriques restent vierges. Ils apportent des informations dont la fiabilité est elle aussi inégale puisqu’on ne sait rien des conditions de la mesure. Certains sites ont fait des efforts (par exemple les Hautes vallées de Savoie) pour indiquer dans la rubrique « commentaires » le détail des opérations « jeunes publics ». Le label fait l’objet d’un suivi qui mesure plus la capacité à développer des produits destinés aux publics qu’à évaluer leurs impacts ou effets. Ces mesures passent par des comptages de visites, sans que ne soit intégrée une dimension qualitative. Le ressenti et l’intuitif priment sur la mesure. L’interrogation porte aussi sur la perception que peuvent avoir les habitants et les visiteurs sur le label. Une meilleure connaissance de ces publics, de leurs motivations, de leurs contraintes mais aussi de leurs attentes permettrait d’adapter l’action à ces demandes, et de renforcer la capacité à évaluer l’impact réel du label. En, bref, si la formule « politique des 97 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 publics » a fait son apparition dans les conventions les plus récentes, on ne voit pas encore ce que cette formule recouvre, mais on comprend en revanche que la grande diversité des tâches demandées aux animateurs ne leur permettra pas des avancées significatives dans ce domaine à moins d’une profonde réorganisation de leur travail. 4.3. La gouvernance du label au sein des politiques patrimoniales locales Le label révèle des mutations de l’action publique, orientée par une mise en concurrence des territoires. Pour certains d’entre eux, leur compétitivité serait liée à leur capacité à construire des ressources spécifiques leur permettant d’exister dans une économie mondialisée. Leur attractivité serait fonction d’une richesse patrimoniale, conférant au territoire des qualités spécifiques lui permettant de se distinguer par rapport à d’autres. Tous les sites ont pour mission de sensibiliser au patrimoine et à l’architecture mais certains sites révèlent des traits particuliers dans les dynamiques mises en œuvre. Le label, outil de développement (Vienne) À Vienne, deux axes sont soulignés dans la mise en œuvre du label : favoriser l’appropriation du patrimoine par les habitants, en lien avec l’amélioration du cadre de vie, et développer un tourisme de qualité basé sur le patrimoine, en lien avec le rayonnement de la ville. Les publics visés sont les habitants, puis les touristes, en lien avec le Plan patrimoine, intégrant la conservation et la restauration à des actions de valorisation. « Pour que ce plan patrimoine passe et pour qu’il devienne une cause nationale, il faut déjà qu’au niveau local, ce soit la cause de tous », précise un interlocuteur. L’objectif affiché est que les habitants s’approprient la ville, et qu’ils en deviennent les promoteurs. La double compétence de la direction des affaires culturelles et des affaires sociales permet le croisement des publics, et le changement de regard sur les quartiers. Et cela permet aussi de garantir les conditions d’accueil des publics comme le souligne ce même interlocuteur: « Ce label Vah veut dire qu’il y a un certain nombre d’outils qui sont à la disposition du public : guides conférenciers, animateurs de l’architecture et du patrimoine, lieux référencés… ». Le développement touristique passe donc d’abord par des mesures en faveur de la cohésion sociale, et de l’implication des habitants. Le label, outil de dialogue interterritorial (Hautes vallées de Savoie) Comme nous l’avons déjà vu, le « Pays d’art et d’histoire des Hautes vallées de Savoie » couvre quatre vallées de l’est du département de la Savoie. La vallée de la Maurienne est la plus longue vallée alpine française. Elle a été marquée par l’essor de l’industrie aux XIXe et XXe siècles puis par la crise industrielle qui a entraîné le développement des activités touristiques. La vallée de la Tarentaise est depuis plus de 40 ans profondément marquée par l’activité touristique de masse, qui concentre domaines skiables et stations de type intégré. Le Beaufortin et le Val d’Arly sont restés très marquées par les traditions rurales, au travers de l’élevage et des activités forestières. 98 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Sur ces quatre vallées, la labellisation du « Pays d’art et d’histoire » a été profondément structurée par l’échelon départemental, à l’origine du volet culturel des Jeux Olympiques d’hiver de 1992. Alors que les Jeux étaient pour l’essentiel le fait des stations de Tarentaise, il s’agissait d’intégrer symboliquement la Maurienne au travers du volet culturel. Ainsi, des vallées jusqu’alors antagonistes et concurrentes trouvaient un motif de dialogue au travers d’un patrimoine commun : celui des édifices baroques. L’ajout en 2004 des vallées du Beaufortain et du Val d’Arly a permis une convergence d’intérêts au moment où les difficultés de l’industrie du ski nécessitaient une réorientation des activités. Le label, accompagnateur des mutations identitaires (Saint-Etienne) La labellisation de Saint-Etienne en 2000, bénéficie d’un contexte doublement favorable. L’Etat intègre de nouveaux champs patrimoniaux des XIXe et XXe siècles et la ville de Saint-Etienne s’engage dans un vaste programme de reconstruction-requalification, portant sur la ville ellemême et son image. Une croissance urbaine en champignon a fait de Saint-Etienne la première ville industrielle française du XIXe siècle, entraînant l’émergence de nouveaux quartiers et un urbanisme « en lanières ». La ville a connu depuis les années 1960 un lent déclin, marqué par la fermeture des mines et la fin de l’industrie de l’armement. La mobilisation du patrimoine industriel a pour objectif de mettre en valeur « un passé porteur d’avenir » (un élu), soulignant la singularité urbaine et la capacité d’innovation du territoire. Les actions prévues dans le programme sont nettement orientées vers la sensibilisation des populations locales, au travers d’actions auprès des médiateurs touristiques, et l’initiation des publics jeunes. Le label, partenaire des politiques urbaines (Chambéry) Avec 60 000 habitants, la ville de Chambéry est intégrée dans la communauté d’agglomération « Chambéry métropole » qui compte 24 communes et 120 000 habitants. La convention « Ville d’Art et d’Histoire » de 1985 répond à la nécessité de valoriser les traces d’un riche passé de ville capitale des Etats de Savoie, tout en intégrant de façon déterminée une politique urbaine et culturelle ambitieuse. Celle-ci a porté sur le centre ancien, mais aussi la rénovation de quartiers périphériques. Les objets mobilisés sont caractérisés par la permanence de complémentarités : rural/urbain, fonds de cluse/plateaux, habitat pavillonnaire/habitat collectif, architecture traditionnelle/architecture contemporaine. Si le patrimoine le plus mobilisé est concentré dans le centre ancien, l’ouverture à d’autres champs patrimoniaux s’opère avec la prise en compte des jardins, mais aussi d’une approche ethnographique du marché du centre-ville pour accompagner la rénovation des halles. Le projet de CIAP est conçu comme un lieu d’intégration du patrimoine et de l’urbanisme, au travers d’expositions permanentes, mais aussi de présentation des nouveaux projets urbains, et de permanence pour l’architecte des bâtiments de France, permettant aux habitants de faire le point sur les démarches à entreprendre en cas de construction ou de rénovation. 99 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Le label, outil de légitimation des recompositions territoriales (Annecy) Le label VPah d’Annecy est porté depuis 2004 par la Communauté d’agglomération, trois ans après la création de cette intercommunalité en 2001 et le transfert des équipements culturels. Les objets patrimoniaux mobilisés témoignent de cet élargissement puisqu’ils intègrent le patrimoine du XIXe siècle du bord de lac, le patrimoine industriel, le patrimoine rural, les immeubles de logement des années 1950, mais aussi l’architecture contemporaine. Outre ces objets matériels, la question des mentalités prend toute sa place, avec l’intégration de mouvements comme « l’Ecole d’Uriage » de 1940, de « Peuple et Culture », et de différents mouvements liés à la résistance et à l’éducation populaire. En présentant les patrimoines des communes, le dossier de candidature au label a révélé la diversité et la richesse des patrimoines, et permis de faire émerger l’importance du paysage et des patrimoines naturels. Le label est en effet mobilisé dans le processus d’aide à la construction d’une identité communautaire. « Faire en sorte que les habitants se sentent une histoire et un destin, et qu’on arrive à les fédérer autour de ces notions m’est apparu comme étant un enjeu important, un peu le ‘supplément d’âme’, le supplément d’histoire et d’appartenance… », précise un acteur rencontré. La difficulté réside dans la superposition des échelles d’action, entre le patrimoine, géré au niveau de l’agglomération, et l’urbanisme qui reste géré au niveau de chacune des communes. Toutefois, cette difficulté d’articulation avec les services de l’urbanisme n’est pas spécifique à Annecy. La relation est par essence problématique, et la démarche de l’agglomération vise à faire progressivement la démonstration du lien entre réalisation urbaine de qualité et valorisation du patrimoine. Au-delà de la diversité des territoires, les sites rhônalpins révèlent des logiques d’acteurs différentes et des enjeux variés de la mobilisation des ressources patrimoniales. Et malgré une image a priori consensuelle, le patrimoine est pourtant une question conflictuelle91. Les divergences interviennent à différents niveaux : la sélection des objets mobilisés, leur protection, leur valorisation, leur transformation. Les conflits peuvent porter entre des acteurs de statuts différents et limiter les possibilités de constructions de projets. Leur expression est le plus souvent atténuée par les jeux d’acteurs territoriaux, inscrits dans des équilibres sans cesse préservés. La mobilisation des patrimoines dans des projets de territoires risque alors d’être l’occasion pour les acteurs d’exprimer des désaccords, cachant des différences dans les perceptions du devenir potentiel du territoire. Une hypothèse à approfondir serait de faire du label un lieu de résolution du conflit en même temps qu’un lieu de régulation nécessaire à la cohérence de l’action. En effet, les phases de candidature puis d’élaboration de la convention sont l’occasion d’un diagnostic mobilisant un inventaire du patrimoine. Cette démarche devrait mieux impliquer des acteurs le plus souvent éloignés, en participant à la révélation des motifs de conflits potentiels autour des objets 91 Vincent Veschambre, Maria Gravari-Barbas, Isabelle Garat, Olivier Rialland, « Conflits patrimoniaux » in ESO Travaux et Documents, n° 15, mars 2001, pp.59-68. Patrice Melé, Corinne Larue, Muriel Rosemberg (coord.), Conflits et territoires, Tours, Presses Universitaires François Rabelais, 2003. 100 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 patrimoniaux. La discussion sur les enjeux portés par le territoire, ainsi que sur les objectifs partagés par l’Etat et le site porteur du label, permettent la recherche de compromis, portant sur l’adéquation entre les objectifs partagés et les moyens mobilisables. Dans ces conditions, le label devient un opérateur agissant sur la ressource patrimoniale dans des cadres définis au niveau des territoires. 101 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 102 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 CONCLUSION L’évolution des critères et des modalités d’obtention du label Notre enquête fait apparaître que le label VPah a su évoluer et s’adapter aux nouvelles attentes sociales en matière de patrimoine, aux nouvelles orientations de la politique culturelle depuis les années 80 et aussi aux changements des formes de l’action publique elle-même. L’évolution du processus de labellisation montre un effacement progressif des fondements patrimoniaux traditionnels, le monument, le patrimoine « remarquable » laissant place à d’autres critères. Cette évolution est le fruit d’interactions complexes entre une construction institutionnelle nouvelle au niveau national avec la création de la direction de l’architecture et du patrimoine, et des aspirations des élus et des professionnels au plan territorial qui ont nettement affirmé leur volonté politique de mettre en valeur des ressources du territoire et de les animer à partir d’enjeux précis. L’existence de projets favorisant les articulations et les synergies avec des outils patrimoniaux et urbanistiques (exemple de la ZPPAUP, du Plan patrimoine à Vienne) ainsi que l’importance d’une vision globale du projet culturel au sein du territoire font maintenant partie des acquis. Posséder un riche patrimoine d’exception (ou, du moins, perçu comme tel) n’est donc plus un critère prépondérant et, sans même caricaturer, toute ville peut devenir « Ville d’art et d’histoire ». L’exemple du récent conventionnement de la ville nouvelle de Saint-Quentin-enYvelines va dans ce sens. De plus en plus, l’approche à l’honneur « considère le territoire comme un tout et donc prend en compte la totalité des aménagements anthropiques présents (l’héritage physique au sens du programme de développement des Nations Unies) … On en arrive ainsi à une posture intellectuelle où toute exclusion de principe, du fait de l’insuffisance de nos moyens théoriques, matériels, humains et institutionnels ou de présupposés peu scientifiques, devient un obstacle à la compréhension des territoires »92. Une telle évolution pose plusieurs redoutables problèmes. Celui de la signification de la démocratisation culturelle et de la gestion de ses conséquences est posé depuis longtemps ; il n’est pas spécifique au domaine du patrimoine mais il entraîne une recomposition profonde des significations symboliques habituellement attachées au patrimoine. En examinant de près la vie du label dans les sites de cette enquête, on a vu s’imposer une stratégie de territorialisation du patrimoine et de patrimonialisation du territoire, un mouvement gouverné par la nécessité de reconstruire des territoires anciens sur de nouvelles bases, ou de construire de nouveaux territoires (les pays, les agglomérations). Les dimensions proprement artistique et historique du label ne sont donc plus convoquées pour elles-mêmes, mais pour autant qu’elles contribuent à ce projet de territoire. 92 Bernard Gauthiez, Un inventaire, des inventaires, Actes du colloque de Chinon, 19, 20, 21 janvier 2006, ANVPah&VSS, p. 126. 103 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Le problème des finalités du label est donc posé et avec lui celui des pratiques professionnelles qui doivent lui donner du sens. La certification d’une richesse patrimoniale s’accompagne de la certification des professionnels. C’est d’ailleurs préférentiellement d’une animation de qualité dont il s’agit dans l’esprit des acteurs, le label étant pensé comme un gage de qualité. Mais le contenu de ce qu’on entend par qualité ne doit-il pas évoluer en rapport à l’évolution des champs patrimoniaux mobilisés dans la politique des VPah. De la qualité patrimoniale, on est passé à la qualité urbaine, à une ville de qualité. Le règne des qualiticiens s’annonce, avec leur lourd appareillage normatif qui risque de rendre désuet nombre de labels93. Troisième problème redoutable : Il ne suffit pas de déclarer que tout est potentiellement « patrimonialisable » pour que tout le soit réellement. Il faut s’arrêter davantage sur le processus de patrimonialisation, le soumettre à la question à partir des outils dont les collectivités ont été dotées progressivement. On songe ici aux secteurs sauvegardés, aux ZPPAUP, aux mesures patrimoniales inscrites dans le Plan local d’urbanisme. Il y a là un ensemble de documents opposables aux tiers, dont les enjeux sont autrement mobilisateurs. De tels instruments vont entrer en interaction avec l’Inventaire maintenant décentralisé. De cette interaction et des acteurs qu’elle réunit va dépendre le processus de patrimonialisation, c’est-à-dire les choix de protéger, sauvegarder, valoriser… ou d’oublier. Dans cette perspective, le patrimoine, c’est ce qui reste de l’héritage, après inventaire. Dans quelle mesure les animateurs de l’architecture et du patrimoine et leurs services pourront-ils faire partie du club des prescripteurs de patrimoine ? Le ciblage fort sur les notions d’architecture et de patrimoine risque dans certains cas de rendre difficile l’identification des professionnels VPah en tant qu’acteurs à part entière de la prospective urbaine ou territoriale. On peut noter, durant la phase de candidature au label, une conscience encore trop limitée des enjeux alors que cette phase pourrait constituer un moment-clé, celui où une société locale donne, avec son plan d’action patrimonial une projection d’elle-même fabriquée à partir d’objets sélectionnés du passé, pour répondre à des enjeux présents et dessiner une prospective pour le futur. Tout ceci entraîne les césures que nous avons analysées entre les conditions d’accès au label, les critères d’attribution, et l’intitulé du label : si le label est attribué « aux collectivités locales qui animent leur patrimoine » (Convention Vienne, annexe 1, p. 20), quid de la dimension « art » et « histoire » ? En effet, dans l’intitulé du label, ces deux termes ont une connotation relativement « traditionnelle » et ils sont associés à un logotype dont la charte graphique est très classique. Au problème des conditions d’attribution s’ajoute celui de la temporalité du conventionnement : quelle est la durée la plus adaptée pour les signatures de conventions ? Trois ou dix ans comme les Parcs naturels régionaux ? La question se pose aussi en termes d’implications politiques puisque les changements de majorité politique ou d’élus référents ont des répercussions à la fois dans le suivi de la convention et les décisions qui sont prises, par exemple dans le cas de l’élaboration d’un CIAP pour un territoire. 93 Le mouvement est amorcé à la DAPA puisque celle-ci a établi la nouvelle version de son Guide d’évaluation en s’inspirant des normes de l’European Foundation for Quality Management et du Caf, (cadre d’autoévaluation de la fonction publique)… 104 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 VPah dans le contexte de prolifération des labels La question des enjeux et du sens du label se pose d’une part avec la multiplication des labellisations VPah, d’autre part avec la multiplicité des labels culturels et patrimoniaux. Si le nombre de sites labellisés a augmenté notablement en deux décennies, les moyens ne suivent pas forcément et l’enjeu sera de réussir la négociation du nombre de sites sans que le réseau et les sites déjà labellisés y perdent. Avec le Pah des Hautes vallées de Savoie, les Vah de Chambéry et d’Albertville, et le projet de candidature d’Aix-les-Bains, le département de la Savoie pourrait ainsi être très bien « couvert » par le label; se pose alors le problème de la pertinence du label dans ce qui devient un « département d’art et d’histoire » de même que celui du niveau le plus approprié pour sa gestion... La question de l’avenir du label se pose donc de manière encore plus aiguë lorsqu’il n’est plus attribué de façon parcimonieuse. Faut-il envisager un contrôle plus strict de la DRAC et une clarification des droits et des devoirs des signataires en lien avec la convention ? Un des animateurs rencontrés a particulièrement insisté sur l’importance de demander des comptes aux collectivités signataires : « Il faudrait un contrôle de l’Etat beaucoup plus strict, étant donné que beaucoup de municipalités se contentent d’avoir le label et ensuite s’endorment sur leurs lauriers. Il faudrait que la DRAC exerce un contrôle beaucoup plus sévère. » Selon ce professionnel, il faut que le label redevienne « quelque chose qui se mérite, et qui ne se mérite pas uniquement a posteriori mais également avant. ». Discours de qualité encore, mais qui se heurte au sous-dimensionnement financier du label, car le « contrôle beaucoup plus sévère » réclamé n’a de légitimité que pour autant que les termes de l’échange politique entre l’Etat et les collectivités territoriales ne seraient pas trop déséquilibrés. Le second aspect à prendre en considération réside dans la multiplication des labels et des appellations (« Alliance des villes européennes de culture », les « Plus beaux détours de France », les « Plus beaux villages de France », les « Villages de caractère »…), ce qui soulève des problèmes de compréhension, de cohérence et de pertinence. Au sein du champ patrimonial, les notions d’inscription et de classement se combinent avec celles de labellisation, de certification, de marquage et d’appellation, ce dernier intitulé apparaissant moins fort en termes de contraintes. Cette floraison de labels, de logotypes, d’images brouille l’appréhension de ce que doit être une identité territoriale, avec ses noyaux denses, sa cohérence, son immédiateté. Le cumul de plusieurs labels culturels et patrimoniaux est une stratégie qui pourtant séduit les élus locaux. On le voit à Vienne (Qualicities au sein du réseau « Alliance des villes européennes de Culture »), à Annecy où une réflexion des élus a émergé pour le classement des bords du lac au patrimoine mondial de l’UNESCO. La vallée d’Abondance s’intéresse (2007) quant à elle au label Geopark (UNESCO) : ce label s’attache à la préservation du patrimoine géologique et à la valorisation des sciences de la terre. Saint-Etienne lorgne du côté du titre de capitale européenne de la culture 2013 attribué par la Commission 105 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 européenne, et est en compétition pour cela avec d’autres grandes villes françaises94. Cette compétition, avec Lyon notamment, montre à quel point la structuration d’une véritable gouvernance est encore balbutiante. Les enjeux se posent ici essentiellement en termes de reconnaissance internationale, avec la motivation de changer d’image et l’idée sous-jacente de favoriser le développement économique de la ville et de la région. La mise en avant de la culture, du patrimoine, est liée au fait qu’ils apparaissent également comme des éléments de qualification pour le secteur touristique. Il existe en effet une concurrence forte entre les destinations, qu’il s’agisse des villes ou des territoires ruraux. En quête de singularité, les territoires voient dans la labellisation une démarche d’identification et l’acquisition d’une notoriété « positive ». Les labels associés à l’idée d’excellence et de qualité permettent l’inscription dans une stratégie de promotion concurrentielle du lieu. Le label et les logiques normatives La question des normes et des modalités de mise en œuvre des « modèles » traverse la lecture des enjeux symboliques, matériels et décisionnels que nous avons faite. La mobilisation de références normatives (dimension verticale) cumulée à des effets d’imitation entre villes (dimension horizontale) a été plusieurs fois soulignée par certains acteurs, qu’il s’agisse des modalités d’animation et des aspects promotionnels et de communication du label. « Pourquoi tout le monde se met à faire de la signalétique avec ses petites plaques sur les bâtiments ? Inventons, essayons de trouver quelque chose de novateur, une autre façon de faire. Les expériences extérieures ne sont pas inintéressantes mais trop souvent on est dans du copier-coller, de la reprise de ‘on va faire une expo’… Sur les visites guidées on est un peu sur ce même genre de choses, c’est d’ailleurs peut-être pour ça que cela s’essouffle. Ou sur les ateliers pédagogiques, les ateliers pour les enfants c’est toujours la même chose (…) vous avez l’atelier-type sur les matériaux traditionnels » (un animateur). L’alternative se situe entre la « charte graphique commune » identifiante mais banalisante, signe d’un pouvoir exercé par une autorité centrale qui décide, et la profusion des signes distinctifs qui ne renvoient qu’à eux-mêmes. Ce problème est posé pour la charte graphique, mal vécue par certains acteurs politiques et du tourisme, mais aussi pour d’autres produits. Ici c’est le réseau, plus que le label, qui crée des modes de faire assez prégnants dont certains ont valeur de recommandations en termes de prestations à réaliser. Il en va de même, paradoxalement, au sein des techniques d’animation « innovantes » : la généralisation de l’usage d’outils pédagogiques novateurs, d’ateliers et visites thématiques « décalés » ne peuvent-ils pas laisser craindre une certaine uniformisation et banalisation de l’innovation dans l’animation ? Cette dynamique n’est pas strictement imputable aux conventions. L’un des rares critères non négociables de la convention consiste en effet en la formation des personnels d’animation et 94 On peut consulter les sites http://www.saint-etienne2013.eu/ 106 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 le recours aux guides conférenciers agréés, alors qu’une large part de négociation existe concernant la mobilisation des objets patrimoniaux, leur animation ou encore l’élaboration des CIAP. Dans un contexte de compétition entre territoires, le label s’inscrit dans une logique de spécification, permettant de les différencier sur des marchés mondialisés. Il devient un « marqueur » d’identité et d’identification mobilisé dans la construction du projet de territoire. Certains éléments portant sur les modes de valorisation et les modes d’articulation entre les acteurs pourraient faire l’objet d’une plus grande autonomie. D’autres tels les outils de suivi pourraient par contre être plus normés. L’enjeu consiste à trouver un équilibre entre les domaines sur lesquels les équipes d’animation ont besoin d’avoir plus de latitude et ceux qui demandent un effort supplémentaire de normalisation, notamment la méthode de l’évaluation et du diagnostic, la formalisation des données budgétaires et des moyens humains. Cet équilibre renforcerait le réseau comme lieu de capitalisation des expériences locales, permettant de consolider progressivement la qualité du label aux différentes échelles d’application. Ces améliorations, dont la prise de conscience n’est pas nouvelle et dont aucun des acteurs ne conteste la nécessité, apparaissent pourtant bien modestes au regard des problèmes structurels que nous avons soulevés et qui appellent une action politique forte et résolue. Il n’est pourtant pas interdit de commencer modestement… 107 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 108 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 PISTES DE REFLEXION POUR UNE EVOLUTION DU LABEL VPAH Les propositions présentées ci-dessous sont formulées par l’Observatoire des politiques culturelles, à partir des résultats de l’étude menée en Rhône-Alpes, en concertation avec l’ensemble de l’équipe impliquée dans ce travail. Ces propositions pourraient être enrichies à partir des débats qui auront lieu lors du colloque national du 24 janvier 2008 (voir programme en annexe 5), et à partir d’études complémentaires, nécessaires, qui pourraient être menées dans une ou plusieurs autres régions. I -Propositions concernant le label VPah 1- Distinguer les « Villes d’art et d’histoire » et les « Pays d’art et d’histoire » Les termes de la convention VPah mériteraient d’être revus afin de distinguer les villes et les pays. Ceci permettrait d’adapter les objectifs du label aux conditions particulières du territoire sur lequel le label s’applique, dans des logiques différenciées de gestion, de planification urbaine et/ ou de développement territorial, d’articulation à des plans d’urbanisme (Plans de sauvegarde et de mise en valeur, ZPPAUP, Plan local d’urbanisme, charte de parc naturel régional, etc.) En effet, il nous semble que l’application du label dans les villes sanctionne une offre patrimoniale déjà présente sur le territoire et renvoie à une notion de « service » sur le plan organisationnel (un service municipal potentiellement ou réellement transversal) et sur le plan du rapport aux publics (un service à la population), alors que dans les pays, le label est avant tout mobilisé pour construire l’identité patrimoniale du territoire et s’articule avec l’ensemble du projet de développement territorial. Dans les villes, l’approche du patrimoine semble plus sectorielle95 (« que va-t-on faire pour l’animation du patrimoine ? ») même si de nouvelles dimensions sont de plus en plus fréquemment prises en compte (urbanisme, architecture, démocratie locale, populations locales et non plus seulement touristes…). Ces différences sont également liées aux types de patrimoine mobilisés (primauté du patrimoine bâti dans les villes, importance du patrimoine naturel dans les pays, du patrimoine immatériel), aux organigrammes des services concernés, aux profils de poste et aux missions des animateurs de 95 L’avenir est à la transversalité parce que tous les autres services sont obligés de sortir d’eux-mêmes pour continuer à se développer. La règle d’un service c’est qu’il a été fabriqué selon un périmètre précis et que sa dynamique d’évolution fait qu’il déborde de ce périmètre pour pouvoir absorber les évolutions. Mais en absorbant les évolutions, il modifie son environnement et il modifie les autres secteurs en une sorte d’anarchie organisée. Le label VPah est un « produit innovant » en termes d’action publique, le passage à l’agglomération sera-t-il le moyen de décontracter cette logique sectorielle et de repenser l’ensemble du patrimoine, de la culture ou d’autres services selon des articulations transversales ? 109 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 l’architecture et du patrimoine (proximité avec les élus, relations avec des professionnels d’autres secteurs, missions de développement…). Afin de rendre plus lisible la notion de « Pays d’art et d’histoire », une des propositions consiste à inscrire les limites du label dans celles des territoires de projets reconnus comme tels par l’Etat et les Régions au travers de procédures contractuelles territorialisées. Au-delà de la fonction d’animation, le label permettra la coordination des financements de projets de valorisation et d’animation du patrimoine sur le territoire de pays, renforçant ainsi son efficacité. Cela conférera au pays la possibilité de construire un véritable projet patrimonial partant d’un diagnostic et de la sélection d’objets patrimoniaux mobilisés en tant que ressources dans les projets de développement. Des objectifs stratégiques pourront être définis, mobilisant un certain nombre de moyens partagés par les acteurs du territoire pour les atteindre. Ils porteront sur la capacité d’animation du projet, ainsi que sur des outils de mise en réseau des acteurs, porteurs de projet. Les temporalités seront rythmées par les contrats de territoire, faits d’études successives, de réalisation puis d’évaluation, nécessitant une adaptation du dispositif de suivi et de mise en œuvre de la convention. La qualité de l’animation sera perceptible au travers de la capacité à construire et faire vivre des réseaux d’acteurs, l’aptitude à développer des liens avec des pôles extérieurs au territoire, ainsi que la coordination des différentes sources de financement. 2- Spécifier le cas des agglomérations Le cas des agglomérations constitue aujourd’hui un « point aveugle », un objet émergent dans la politique de labellisation. Dans l’hypothèse d’une distinction entre les conventions destinées aux villes et celles destinées aux pays, à quel type de convention devrait-on rattacher les agglomérations ? Faudrait-il imaginer un 3ème type de convention ? Il est aujourd’hui difficile de donner une réponse tranchée. En revanche, il est important de souligner l’enjeu de cette réflexion car, pour l’instant, le ministère de la Culture ne dispose pas de savoir-faire spécifique ni de politique identifiée en direction des agglomérations. Nous inclinons tout de même à penser que dans le cas où l’orientation du label dans les villes accentue l’emprise des problématiques architecturales et urbanistiques, s’inscrivant elles-mêmes dans une perspective de développement territorial, il conviendrait de garder séparés les conventions des villes (et/ou agglomérations) et celles des pays à dominante rurale. Ce point se rattache à une question de gouvernance plus globale : comment le patrimoine peut-il entrer dans une vision plus générale de l’évolution des territoires, et de l’évolution des politiques culturelles territoriales ? Va-t-on vers une généralisation de politiques culturelles d’agglomération ? Intermédiaire entre villes et pays, l’agglomération n’oblige pas à introduire une troisième catégorie de collectivité et de pratique. En revanche, elle est l’occasion d’un débat politique à de nouvelles échelles. La notion d’intérêt communautaire, qui vise à établir une distinction claire entre les actions relevant de l’intercommunalité et celles relevant des communes, pourrait être systématiquement mobilisée dans l’élaboration des conventions VPah. Définie au niveau de 110 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 l’intercommunalité, elle induit une réflexion sur les objectifs des politiques et des décisions relatives à la répartition des compétences entre les communes et l’intercommunalité. La convention gagnerait en lisibilité, en reliant l’animation et la valorisation du patrimoine aux autres politiques intercommunales, et en amplifiant ainsi son impact. 3- Développer la capacité d’intermédiation de l’Etat Il serait utile de développer la capacité d’intermédiation de l’Etat, pour aider les collectivités locales à mieux connaître les programmes européens ou internationaux et à être candidates sur certains d’entre eux. Comment le ministère de la Culture (notamment la DAPA) peut-il agir pour aider ces villes et intercommunalités à faire connaître leurs patrimoines et à participer au développement de ce type de programmes ? a) Une meilleure articulation est à prévoir avec l’Association nationale VPah et VSS qui a mis à son programme un important volet de coopération internationale (dans les Balkans) et de coopération décentralisée. b) Certains sites se sont engagés dans la coopération avec des pays étrangers (par exemple Vienne avec El Jem en Tunisie). La DAPA pourrait dresser avec les intéressés un bilan de ces opérations et le diffuser pour inciter les autres sites à suivre les exemples porteurs d’avenir. c) Une aide technique pourrait être proposée aux animateurs en termes d’information, de montage et d’ingénierie de projet (par exemple par le Relais Culture Europe sous la forme de séminaire annuel, puis d’aide ponctuelle et ciblée si un site souhaite se lancer dans un projet particulier). Il est important de veiller à ce qu’il y ait des aides spécifiques pour soutenir les sites souhaitant se lancer dans un programme européen (moyens humains et financiers). Par ailleurs, il pourrait être intéressant de favoriser l'inscription du réseau VPah dans la construction de l'agenda 21, et plus particulièrement de son volet culturel (lien entre culture et développement durable), ainsi que dans les journées européennes du patrimoine (bénéfice en termes d’inscription dans la dimension européenne, et bénéfice interne pour les animateurs et le label via l’inscription dans une logique transversale), et dans d’autres labels européens. Ces démarches valorisent et dynamisent la réflexion et les élus sont souvent motivés par ce type de projets. 4- Insérer le label dans des opérations de type « plan patrimoine » Il pourrait être intéressant de réfléchir à la mise en place d’un « plan patrimoine » sur l’ensemble des sites labellisés VPah. Le label trouverait alors sa place (valorisation et animation) parmi d’autres objectifs concernant le patrimoine. Ceci aurait l’avantage de mieux resituer le label dans une politique globale du patrimoine, et de mettre en place un système de coordination de l’ensemble des actions autour du patrimoine (comme cela existe déjà plus ou moins sur certains sites). 111 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Par ailleurs, ce « transfert » serait l’occasion pour l’Etat et la ville de revoir l’ensemble des opérations concernant le patrimoine (ce qui semble être déjà le cas en Rhône-Alpes dans le cadre de l’examen des nouvelles candidatures pour le label VPah, par exemple celle de Trévoux). 5- Accroître la sensibilisation des élus et leur capacité de réflexion sur leurs territoires Comment remédier à la faible implication politique et stratégique des élus et de la haute administration territoriale vis-à-vis de la gestion du label ? Comment ne pas voir, par ailleurs, que les élus sont très sensibles aux questions posées par les secteurs sauvegardés, les ZPPAUP et l’inscription dans les Plans locaux d’urbanisme de mesures patrimoniales ? On peut proposer deux pistes de réflexion : a) La contradiction entre ces deux attitudes pourrait se résoudre en faisant participer systématiquement les animateurs de l’architecture et du patrimoine aux instances d’élaboration et de réalisation de ces plans, dont les enjeux sont de grande ampleur et très mobilisateurs de la haute fonction publique territoriale et des élus. Si l’animateur devient le partenaire normal des professionnels de l’urbanisme patrimonial, il aura sans doute à modifier la hiérarchie de ses tâches, envisager le fonctionnement du CIAP dans la logique de fonctionnement de ces plans d’urbanisme patrimonial, etc. On peut néanmoins se demander si le label « art et histoire » conservera une signification dans ce contexte. b) Continuer le travail de sensibilisation à faire auprès des élus pour qu’ils aient une meilleure considération des problématiques que les animateurs incarnent. Il faut trouver des formules qui donnent envie, qui rassemblent par exemple les grands élus (maires, Conseil général, Conseil régional), les directions générales et DGA des services dans le cadre d’une réflexion sur les transversalités à construire, à partir du patrimoine. II- La logique symbolique du patrimoine 6- Pour un diagnostic patrimonial : rapprocher le travail de l’inventaire et celui de la valorisation et de la médiation du patrimoine L’étude met en évidence plusieurs problèmes liés au diagnostic patrimonial (réalisation le plus souvent avant l’arrivée de l’animateur de l’architecture et du patrimoine, sans lien avec les populations locales...). A partir de ce constat, il est nécessaire de s’interroger sur les modalités d’amélioration du processus de diagnostic patrimonial préliminaire : quels acteurs mobiliser ? Quelles procédures délibératives et participatives mettre en place ? Comment rendre ce processus plus lisible ? Quelles relations développer avec les autres acteurs de la chaîne patrimoniale, en 112 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 particulier ceux en charge de l’Inventaire général du patrimoine culturel ? Quelles sont les différentes façons de mobiliser les résultats de l’Inventaire pour la mise en place d’un plan patrimonial ? Comment enfin permettre à l’animateur de s’approprier l’adage suivant : le patrimoine, c’est ce qui reste de l’héritage, après inventaire. Avec la régionalisation de l’inventaire, celui-ci sera moins gouverné par des préoccupations d’histoire de l’art mais par les problèmes d’aménagement et d’urbanisme qui se posent aux sites. C’est une occasion unique de rapprochement entre les services VPah et les services de l’inventaire qu’ils se situent au niveau régional, départemental ou urbain. En région Rhône-Alpes, il existe une relation évidente entre la mission de l’Inventaire et le label sur plusieurs sites (Abondance, Forez, St-Etienne, Trévoux…). 7- Utiliser les compétences de l’animateur pour mobiliser la population Il serait intéressant de réfléchir aux modes de travail mis en place pour aboutir au diagnostic patrimonial qui devrait devenir un élément clé du dossier de candidature pour les collectivités candidates au label. La mobilisation et la sensibilisation des publics dans le cadre du diagnostic territorial, c’est vraiment le domaine du savoir-faire de l’animateur. Pour que les habitants soient participants au moment du diagnostic, ils peuvent être sollicités par les animateurs qui disposent de techniques de médiation, d’une capacité à mettre en place des formes de délibération plus démocratiques. Ceci est impératif pour aboutir à un « diagnostic territorial partagé ». En outre, cette démarche pourrait s’effectuer dans le cadre d’une mission de préfiguration menée par l’animateur de l’architecture et du patrimoine. 8 - Développer la relation entre le label VPah et les parcs nationaux ou les PNR Lorsque la structure d’un PNR est implantée sur un même territoire que le Pah, des questions spécifiques se posent : quelles articulations sont possibles entre les « Pays d’art et d’histoire » et les parcs qui ont une vocation patrimoniale, quelquefois plus ancienne que celle du Pah ? Cela pose également toute la question des relations entre patrimoine naturel et patrimoine culturel. Pour éviter des conflits sur les choix de patrimonialisation (par exemple le cas de l’architecture moderniste de montagne, Pah des Hautes vallées de Savoie), il nous semble nécessaire de développer un travail pédagogique sur la question du patrimoine, auprès des populations locales et des professionnels d’autres secteurs (notamment professionnels de l’urbanisme, ex. CIAPChambéry). 9 - Pour une évaluation plus soutenue du label La DAPA a mis en place un questionnaire d’auto-évaluation et diffuse un nécessaire discours sur l’impératif de l’évaluation. Plusieurs pistes de réflexion se dégagent : 113 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 a) Evaluer le processus d’auto-évaluation. Les résultats de l’enquête menée en Rhône-Alpes montrent la nécessité d’améliorer le système d'évaluation du label. Outre les mesures existantes qui restent modestes ou insuffisamment utilisées (bilans annuels demandés par le ministère de la Culture, guide pour l’autoévaluation…), il pourrait être intéressant de mettre en place des programmes pluriannuels avec des études d’impacts pilotes, des études de publics (sur un ou deux sites), ainsi que d’engager une réflexion sur la mise en place d’un système d’observation commun des publics. b) Rendre l’évaluation plus collective et plus participative. Le processus d’auto-évaluation est largement l’affaire de l’animateur. Or, il est prévu dans la convention-type qu’une commission de coordination, composée de nombreux acteurs intéressés par les questions patrimoniales, d’architecture et d’urbanisme, se réunisse tous les deux ans et se prononce à partir d’un rapport établi par l’animateur. On sait que cette commission ne se réunit pratiquement pas. Notre proposition consiste donc à supprimer cette commission inutile et à lui substituer une commission locale d’évaluation (Voir Proposition 15). Cette commission commanderait tous les deux ans un rapport d’évaluation à un professionnel extérieur qui baserait principalement son expertise sur un bilan d’activités à deux ans fait par l’animateur. La commission aurait pour rôle de valider ce bilan au regard de l’expertise d’évaluation et de proposer, éventuellement, les infléchissements nécessaires. 10 - Une communication plus active pour rendre plus visible le label VPah a) Harmoniser les messages. La communication nationale est très importante en termes de notoriété et d’image du label. Mais les stratégies de communication mises en place par le Conseil national des VPah et l’Association Nationale des VPah et des VSS sont peu « en phase » (l’Association nationale se positionnant plus sur la protection urbaine et les ZPPAUP, alors que le Conseil national communique sur le label VPah, c’est-à-dire l’animation du patrimoine). b) Repenser la communication. Un sentiment assez partagé est que la communication nationale est insuffisante. Il pourrait être intéressant de repenser la communication autour de « Laissez vous conter » qui propose des documents correspondant à des guides touristiques de qualité, et privilégie un mode écrit de communication. À l’heure où les habitants, comme les visiteurs s’informent de plus en plus sur Internet, il est indispensable de dresser une architecture de sites web pour chacun des VPah en région et de les mettre en réseau. Par ailleurs, il faut penser à mieux intégrer les TIC dans les parcours de visites et pas seulement dans les CIAP. c) Moderniser la communication en interne. Animateurs, guides, élus, conseillers des DRAC devraient avoir un Intranet ou une sorte de Bureau virtuel partagé sur lequel circulerait un grand nombre d’informations. Ce site web, alimenté en permanence par toutes sortes d’informations devrait augmenter la productivité du travail, aiguiser les imaginations et être un lien identifiant entre les personnes du réseau. 114 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 11 - Laisser un temps de maturation pour la mise en place des CIAP, en particulier dans les pays a) Donner du temps. La création des CIAP introduit un véritable changement dans les politiques de mise en valeur et de médiation du patrimoine. D’abord le CIAP introduit une logique d’équipement là où fonctionnait une logique de service. Il est nécessaire de donner du temps à cette évolution pour pouvoir l’analyser en profondeur. D’autre part, en créant un espace de « symbolisation » du patrimoine, un lieu de représentation de l’histoire de la ville et de prospective urbaine qui offrira une vision globale du passé et de l’avenir du territoire, le CIAP empiète peut-être sur les compétences d’autres équipements. D’une manière générale la mise en place des CIAP se heurte à des résistances locales ainsi qu’à des problèmes de faisabilité (statuts du lieu, des collections, de l’animateur...). b) Remettre le CIAP dans la perspective de l’évolution du label. Il est encore temps d’accentuer l’évolution du label vers les problématiques urbanistiques, comme le souhaite la DAPA ainsi que l’ANVPAH et VSS ou au contraire de le recentrer sur des missions plus patrimoniales. Selon l’option choisie on ne fait pas le même CIAP. Nous penchons pour que le CIAP devienne un Musée de ville. Il s’agit d’une institution qui concentre les aspects d’un musée d’histoire de la ville (politique, architecturale, artistique à partir de collections et d’expositions de type « musées de société ») et un espace d’exposition sur le devenir de la ville, support d’information et de participation du public aux grands enjeux urbains. c) Adapter le CIAP à l’intercommunalité. Les Pays d’art et d’histoire présentent là encore des spécificités. Par nature, un pays est un territoire non-polarisé (sauf exception), et la création d’un CIAP pose le problème de la polarisation sur un lieu ce qui est bien souvent insoluble. Pourquoi ne pas prévoir de laisser une place plus longue à la concertation et à l’expérimentation dans le cadre de la mise en place du label sur un pays, afin d’arriver au bout de quelques années à définir un projet qui émanera réellement du territoire local ? III - Matérialité du label 12- Refondre le cadre budgétaire Il serait intéressant de définir un cadre commun de présentation du budget prévisionnel des VPah, car aujourd’hui, il n’existe pas de visibilité globale au niveau budgétaire. Ce cadre pourrait recouvrir la forme d’un budget analytique en recettes et en dépenses, et serait réalisé à partir des budgets établis dans chaque territoire, dans le cadre des étapes d’évaluation du label. Ceci permettrait d’identifier le coût total de l’animation du patrimoine, la participation des différents partenaires (Etat, Région, Département), les recettes propres... ; cela permettrait également de réaliser une ventilation des dépenses selon les postes d’animation, de pédagogie, de documentation. Ce travail permettrait à la fois de garantir le maximum de transparence dans l’action (de l’Etat et des collectivités territoriales) et donnerait des éléments pour une meilleure 115 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 orientation stratégique des politiques. Il concerne à la fois la vie du réseau et le fonctionnement de chaque site. 13- Pour un catalogue des techniques et modes de médiation Il existe aujourd’hui différentes formes de circulation de l’information sur le réseau, de façon plus ou moins informelle : initiatives de mutualisation, veille technologique sur les innovations en matière de techniques de valorisation, catalogues des techniques (films, centres d’interprétation, métiers de la médiation en lien avec l’association des médiateurs culturels96…). Il s’agit de rationaliser ces informations et de mieux les diffuser (voir proposition 11 c). Un objectif simple serait que chaque site soit identifié sur Internet de façon claire, que l’ensemble des sites soient mis en réseau (traduction en anglais et dans une autre langue (si possible en italien) des sites). Il faut veiller en outre (voir proposition suivante) à disposer sur chaque site de compétences en langues étrangères. 14- Pour une formation mieux adaptée et plus évolutive Les entretiens réalisés avec les animateurs de l’architecture et du patrimoine soulignent largement l’inadéquation qui existe entre les programmes de concours et les pratiques réelles de cette profession. En particulier, les compétences requises pour le concours sont nettement orientées sur l’histoire de l’art ce qui pose un problème d’adéquation avec les orientations du travail de l’animateur sur les problématiques urbaines et les problématiques de développement territorial. Un recentrage des formations et du concours est nécessaire pour que ce dernier garde toute sa valeur. Il serait intéressant de penser le parcours professionnel en termes de formation, d’ouvrir des filières professionnalisantes pour les animateurs et les guides, par exemple : - un Master Pro pour les animateurs de l’architecture et du patrimoine : il existe déjà des formations proches (voir Université d’Angers, ENSAM de Cluny…) dont on peut se rapprocher, étudier la faisabilité d’une formation spécifique en Rhône-Alpes, étudier les possibilités d’accès avec la VAP et la VAE… ; - des Licences Pro pour les guides, en distinguant les enseignements pour les villes et les pays. La formation pourrait concourir à cet effort de professionnalisation des animateurs et des guides, et permettrait également d’élargir les parcours professionnels et les responsabilités de ces personnels à d’autres fonctions que celles de la médiation et du développement culturel local. En outre dans les pays, l’animation du patrimoine est véritablement une profession nouvelle en train de se créer, proche d’autres formations, par exemple celle des animateurs de découverte, etc. 96 www.mediationculturelle@free.fr 116 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Il faut également souligner le rôle que peut jouer la création d’un diplôme en matière de reconnaissance professionnelle. Ce pourrait être un moyen pour faire évoluer les représentations hiérarchiques et pour créer de la mobilité. 15- Une urgence : revoir les statuts professionnels a) Redimensionner les services. L’enquête révèle un sous-dimensionnement administratif des services VPah. La première difficulté à résoudre (et qui pourrait être abordée dans la convention VPah) est celle de la taille critique du service d’animation de l’architecture et du patrimoine. La qualité des actions réalisées repose en partie sur la qualité du service en tant que tel, et la capacité (en termes de compétences mais également de disponibilité) des personnes présentes à intégrer les différentes missions qui sont confiées à ce service : conduite du projet, animation, études, documentation, administration, accueil, communication... b) Revaloriser les médiateurs. Une mesure simple, peu coûteuse mais hautement symbolique serait de commencer par nommer différemment les animateurs de l’architecture et du patrimoine : ce sont des médiateurs. Il nous semble important ensuite qu’il y ait une reconnaissance du caractère scientifique de leur travail (dimension actuellement non reconnue par les autres professions et acteurs du patrimoine). Cet aspect pourrait être reconnu et valorisé dans les brochures de la DAPA et de l’ANVPAH et VSS. La dénomination actuelle de cette fonction fait disparaître cette dimension scientifique. On peut imaginer une évolution de cette fonction vers des postes à statut d’attaché de conservation du patrimoine ou d’attaché principal. c) Concernant les guides-conférenciers des VPah. Il y a là un problème des intermittents du patrimoine qui n’a pas reçu à ce jour l’attention qu’il mérite. Il nous semble important de distinguer les guides des villes et ceux des pays, afin de constituer des « pools » régionaux et locaux de guides ce qui pourrait faciliter la mobilité et l’adaptabilité. Il serait également intéressant de s’inspirer de la charte des guides conférenciers élaborée par la FACIM. Une base de données des guides pourrait être constituée : elle permettrait de disposer d’un outil prospectif, interne au réseau, qui serait un instrument de réflexion sur l’évolution des métiers, sur les besoins... (le management actuel étant relativement intuitif). Pour les pays, il est important de développer la notion de guide de pays « pluriactif » car la plupart des guides peuvent avoir une ou plusieurs autres activités (de type animation sportive, culturelle ou animation économique, artiste ou producteur agricole, etc.). Il s’agit là d’un autre type de polyvalence que celle des guides urbains, ce qui suppose une réflexion en termes de budget-temps et d’articulation des différentes missions qu’un guide est amené à faire. Tous ces éléments devraient se retrouver au moment de penser le contenu des examens, et être discutés notamment avec le CNFPT et le ministère de la Culture pour ouvrir aux guides des perspectives professionnelles plus riches. 117 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 IV – Gouvernance 16- Renforcer les transversalités et les échanges entre réseaux Dans l’immédiat, il faut améliorer le travail quotidien. Des transversalités simples sont à mettre en œuvre, qui lient le patrimoine avec le tourisme, l’Education nationale, l’urbanisme, l’architecture, la création artistique... Il s’agit d’organiser des séminaires de travail transversaux entre acteurs du patrimoine et acteurs du tourisme à l’échelle régionale, ou des séminaires associant différents services qui travailleraient à une réflexion partagée. D’autre part, il existe à côté des réseaux administrés, des réseaux auto-institués, informels. Comment faire en sorte que les acteurs travaillent plus ensemble quand la puissance publique ne peut plus être le seul moteur du réseau ? Il faut trouver des ressources du côté des acteurs pour qu’ils alimentent eux-mêmes ces différents réseaux. 17- Organiser le pilotage de la convention dans le temps Repenser ou supprimer la Commission de coordination ou de suivi. Garder en revanche présent à l’esprit l’utilité d’une instance pour le pilotage et l’évaluation et penser à sa composition, sa périodicité, son rôle, ses missions : à quelles conditions ce comité peut-il devenir le lieu de la transversalité ? Comment articuler le travail en réseau et celui des commissions locales d’évaluation ? … 18- Etablir une durée limitée de contractualisation L’enquête montre que les sites les plus dynamiques sont ceux qui font l’effort de renouveler leurs conventions. Il s’agit donc d’établir une durée limitée d’exercice de la convention (entre 8 et 12 ans) au terme de laquelle un nouvel agrément est sollicité, à la suite d’un bilan évaluatif complet et de la définition de nouveaux objectifs pour la nouvelle période contractuelle. Ce bilan prendrait en considération toutes les évolutions sociales, culturelles, et institutionnelles intervenues. Il devrait être articulé avec le plan stratégique de développement du patrimoine en région (voir propositions suivantes). 19- Créer une Agence régionale du patrimoine Malgré l’emploi d’une rhétorique qui sait parler la langue de la « nouvelle action publique », il faut reconnaître que le domaine du patrimoine reste très éclaté et l’animation du patrimoine incertaine quant à ses orientations futures. Il manque manifestement un lieu de négociation permanente entre l’Etat et les collectivités territoriales. C’est la raison pour laquelle nous proposons la création d’agences régionales du patrimoine. Cette innovation est d’autant plus nécessaire que l’on assiste à une restructuration des différentes agences culturelles, ce qui risque d’isoler le patrimoine et de l’affaiblir dans les arbitrages futurs. 118 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 En Rhône-Alpes se crée une nouvelle agence culturelle « NACRE » (création artistique et culturelle regroupant les anciennes ARSEC, AMDRA et CMTRA) qui n’aura pas son pendant patrimonial : la situation sera extrêmement déséquilibrée. Quelles pourraient être les fonctions de cette agence ? En premier lieu, la mutualisation, l’information, la formation, l’aide aux projets. Ce serait aussi un lieu de : - régulation des grands projets patrimoniaux, - reconstitution de la chaîne patrimoniale : inventaire, protection, - renforcement d’une dimension de valorisation du patrimoine : mise en commun, mutualisation, formation, veille technologique, - mise en place des instruments d’évaluation et d’appui à leur appropriation par les sites. 20- Etablir un plan stratégique de développement du patrimoine en région Une mission essentielle de cette agence serait d’élaborer un plan ou schéma directeur du patrimoine qui prendrait en considération les plans patrimoniaux des villes et agglomérations, des pays, des conservations départementales du patrimoine. On pourrait s’inspirer à la fois des schémas de services collectifs culturels et des schémas de développement artistique des départements. Cet outil de travail permettra une connaissance solide des ressources patrimoniales mobilisables, dressera des priorités, planifiera les besoins en formation, aidera les collectivités territoriales à mieux développer leurs projets. 119 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 120 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 ANNEXES ANNEXE 1 – PERSONNES RENCONTREES DANS LE CADRE DE L’ETUDE ANNEXES 2 – GRILLE D’ENTRETIEN « ANIMATEUR DE L’ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE » ANNEXE 3 – GRILLE D’ENTRETIEN DES ELUS ANNEXE 4 – PROGRAMME DU SEMINAIRE DE TRAVAIL DU 26 JUIN 2007 ANNEXE 5 – PROGRAMME DU COLLOQUE NATIONAL DU 24 JANVIER 2008 121 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 122 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 ANNEXE 1 – PERSONNES RENCONTREES DANS LE CADRE DE L’ETUDE Pays d’art et d’histoire des Hautes vallées de Savoie Pierre-Yves Odin, animateur de l’architecture et du patrimoine Jean-Pierre Jorcin, maire de Lanslebourg, vice-président du syndicat du pays de Maurienne Georges Ajoux, maire-adjoint d'Ugine et président du Sivom du Val d'Arly Patrick Givelet, maire de Peisey-Nancroix, membre de la commission Patrimoine et Culture de l'Assemblée du pays Tarentaise-Vanoise Béatrice Darves, responsable générale du syndicat du pays de Maurienne Jean-Paul Mollier, coordinateur Culture et Patrimoine, Sivom du Val d'Arly Léopold Viallet, président de Confluences, Beaufortain Nicole Chevallier, maire de Queige, vice-présidente de Confluences Dominique Pannier-Leclerc, directrice de la Facim Ville d’art et d’histoire de Vienne Chrystèle Orcel, animatrice de l’architecture et du patrimoine Patrick Curtaud, maire-adjoint délégué à la Culture, aux relations internationales, à l’environnement et à la communication Catherine Girard, directrice des affaires culturelles, des affaires sociales et du développement de la Ville Eric Chapand, directeur de l'Office du tourisme Ville d’art et d’histoire de Chambéry Cécile Verdoni, animatrice de l’architecture et du patrimoine Michelle Santelli, maire-adjointe au patrimoine et au tourisme Marie-Françoise Ollivier, conseillère pédagogique, Inspection académique de Savoie Catherine Frioll, responsable de l’action éducative Ville d’art et d’histoire d’Albertville Jean-Luc Bourges, animateur de l’architecture et du patrimoine, conservateur du musée de Conflans Christiane Bertrand, maire-adjointe chargée du tourisme, chargée du label Ville d'art et d'histoire Marie-Claire Large, responsable du service éducatif à l’Office du tourisme Pays d’art et d’histoire de la Vallée d'Abondance Anne-Catherine Xouillot, animatrice de l’architecture et du patrimoine Bernard Maxit, maire de la Chapelle d'Abondance Christiane Vincent-Genod, conseillère à la culture et au tourisme, Ville d’Abondance Agglomération d'art et d’histoire d’Annecy Yann Bazin, animateur de l’architecture et du patrimoine Marie-Noëlle Provent, vice-présidente de la communauté d’agglomération chargée de la culture et du patrimoine 123 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Laurent Roturier, directeur général adjoint chargé de la culture Brigitte Liabeuf, directrice du patrimoine et des musées Pays d’art et d’histoire du Forez Anne-Christine Ferrand, animatrice de l’architecture et du patrimoine Gabriel Vivien, vice-président du syndicat mixte des Pays du Forez Annie Arnoult, vice-présidente de la maison Sauvagnarde Pays d’art et d’histoire des Trois Vals - Lac de Paladru Christelle Four, animatrice de l’architecture et du patrimoine Nathalie Ageron, animatrice de l’architecture et du patrimoine Jean Papait, maire de Charavines, Président de la maison de pays Ville d’art et d’histoire de Saint-Etienne Cendrine Sanquer, animatrice de l’architecture et du patrimoine Robert Karulak, maire-adjoint délégué aux politiques du patrimoine Pierre Houssais, directeur du service de l’Urbanisme Prospectif et Réglementaire Ville d’art et d’histoire de Valence Viviane Rageau, animatrice de l’architecture et du patrimoine Frédérique Jakob, assistante de l'animatrice de l’architecture et du patrimoine Sylvain Fidenti, directeur des affaires culturelles Thomas Joulie, maire-adjoint à la Culture Départements Jean Guibal, directeur de la Culture et du Patrimoine, Conseil général de l'Isère Jean Luquet, directeur du patrimoine et des archives, Conseil général de la Savoie Chrystelle Burgard, Conservation départementale du patrimoine de la Drôme, ancienne directrice du musée de Valence Direction de l’architecture et du patrimoine Jenny Lebard, responsable nationale du label VPah, Direction de l’architecture et du patrimoine, ministère de la Culture et de la Communication Benoît Dusart, coordinateur du réseau de VPah, Direction de l’architecture et du patrimoine, ministère de la Culture et de la Communication Conseil national des Villes et Pays d’art et d’histoire Jean Launay, membre du conseil national des VPah Association nationale des Villes et Pays d'art et d'histoire et des villes à secteur sauvegardé Jean Rouget, vice-président Marylise Ortiz, directrice Région Rhône-Alpes Delphine Berne, chargée de mission, Direction des politiques patrimoniales au Conseil régional Rhône-Alpes 124 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Isabelle Arnaud Descours, direction de la culture, responsable du secteur patrimoine – arts plastiques Françoise Lapeyre-Uzu, conservateur régional de l’Inventaire du Patrimoine culturel Abraham Bengio, directeur général adjoint des services Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires Priscilla de Roo, Chargée de mission Direction régionale des affaires culturelles Jérôme Bouët, directeur régional des affaires culturelles Michel Prosic, adjoint au directeur Béatrice Grandchamp, conseillère pour l'action culturelle patrimoniale François Portet, conseiller pour l'ethnologie Michel Kneubülher, responsable du service du centre d’information et de documentation, chargé de communication Marie Bardisa, conservateur régional des monuments historiques Benoît Guillemont, conseiller pour l'action culturelle, politique de la ville Marie-France Lefebvre, conseillère pour l'éducation artistique Mission ingénierie touristique Rhône-Alpes Sébastien Favier, responsable ingénierie Expert Michel Colardelle, directeur du musée national des civilisations de l’Europe et de la Méditerrannée, membre du conseil national des VPah 125 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 126 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 ANNEXES 2 GRILLE D’ENTRETIEN « ANIMATEUR DE L’ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE » Trame commune pour l’ensemble des terrains Rappel des grands thèmes : I. Le label et les spécificités patrimoniales du territoire II. Stratégies et projets patrimoniaux III. Rôle des acteurs, partenariats, dynamique de réseau IV. Impacts du label sur le territoire V. Spécificités, enjeux et perspectives du réseau des VPah en Rhône-Alpes Entretien : Réalisé le : …………………………………………………………………..………………. A : ……………………………………………………………………………………………. Par : ………………………………………………………………………………………….. Nom et prénom de la personne rencontrée : ………………………………………. Titre, Fonction : ……………………………………………………………….……………. Adresse précise : ….……………………………………………………………………… E-mail : ………………………………………………………………………………………. Tél. : ………………………………………………………………………………………….. Introduction : demander quelques éléments de parcours (formations…) de la personne rencontrée. I. Le label et les spécificités patrimoniales et architecturales du territoire 1. Pouvez-vous revenir brièvement sur le contexte et les motivations de l’élaboration de la convention ? (En relance possible : comment a été abordée la mise en œuvre du label avec l’élu ?) 2. Comment qualifiez-vous les spécificités de votre territoire d’un point de vue patrimonial, architectural ? Support : tableau 1 3. Comment avez-vous abordé avec votre élu la mise en oeuvre de la convention, vos missions et vos objectifs ? Et aujourd’hui, comment sont élaborés les projets, les actions ? (Relance : comment la discussion se passe avec les élus ? Comment les décisions sont-elles prises ?) 127 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 3 bis. Avez-vous défini avec votre élu un projet de service ? Vous considérez-vous comme un chef de service ou vous sentez-vous plutôt comme responsable des actions menées ? II. Stratégies et projets patrimoniaux 4. Quels sont les projets et les actions que vous menez en faveur du patrimoine et de l’architecture ? Relance 1 : en termes de protection, de mise en valeur, de développement ? Relance 2 : en termes d’étude, d’insertion, d’éducation, de communication, de gestion, de restauration, de formation, de développement, de mise en réseau, expertise ? Support : tableau 2 5. Comment est-ce que vous définiriez les fonctions du patrimoine au niveau du territoire ? (Relance : par rapport à sa mobilisation, qu’est-ce que représente le patrimoine ? pourquoi mobiliser le patrimoine ?) 6. Quels sont les publics visés par ces projets ? 7. Quels sont les moyens humains, techniques et financiers mobilisés et comment ont-ils évolué ? 8. Comment s’articulent les projets liés au patrimoine avec d’autres domaines : culturel, touristique, des loisirs, sportifs, etc., … ? 9. Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans la mise en oeuvre de la convention ? Quels indicateurs, quelles évaluations mettez-vous en œuvre ensuite ? III. Rôle des acteurs, partenariats, dynamique de réseau 10. Pouvez-vous présenter le rôle des différents acteurs impliqués dans ces projets et les relations que vous entretenez avec eux ? (Relance : comment percevez-vous la qualité de vos partenariats :  internes aux services de la collectivité  avec d’autres collectivités publiques (différents services de l’Etat aux niveaux national et régional, Région, Département, regroupements intercommunaux…),  avec les professionnels de la culture et du patrimoine, (notamment les musées et les lieux de diffusion de l’architecture, CAUE, services de l’archéologie...),  avec les acteurs économiques,  avec les acteurs du tourisme,  avec les acteurs de l’éducation,  avec le milieu associatif local,  avec l’association nationale des VPah et des villes à secteur sauvegardé,  éventuellement d’autres associations ou fédérations régionales ou nationales (fédération des parcs naturels régionaux, fédération des CAUE, patrimoine rhône-alpin…)… ?). 11. Quelles sont les articulations du label avec les autres politiques sur le territoire, que ce soit en faveur du patrimoine mais également du développement, du tourisme, de l’éducation… (Place des VPah dans les contrats de développement (CDRA) ou contrats d’agglomération de la Région Rhône-Alpes ; schémas départementaux et régionaux, place des VPah dans les contrats du réseau des grandes villes et de celui des villes moyennes en Rhône-Alpes ; dans la politique des Parcs Naturels Régionaux ; des structures porteuses des Pôles d’Economie du Patrimoine ; …) 128 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 12. Quelles sont les relations existantes entre les sites du label, à l’échelle régionale et inter-régionale, en termes de communication, de promotion, d’échanges entre professionnels, entre élus… ? 12 bis. Comment définissez-vous votre rôle et votre implication au sein des actions menées au niveau national ? Au niveau régional ? 12 ter. Pouvez-vous porter une appréciation sur la diversité des actions et modalités d’intervention de la Drac à l’échelle du réseau (en termes d’animation, de formation, de certification des professionnels, d’animation de groupes de travail avec les élus, de communication (site Internet, plaquettes…) IV. Impacts du label sur le territoire 13. Qu’est–ce-que vous apporte le label ? Quels sont les effets du label sur le territoire ?  En termes d’image et d’attractivité pour le territoire ? en termes de reconnaissance ?  Sur l’économie locale ? (fréquentation touristique, emplois induits dans les secteurs de l’animation, du tourisme, de la culture, du bâtiment, …)  En termes social ? (lien social, éducation, …) 13 bis. Qu’est-ce qu’il apporte au public ? Aux habitants ? 14. Quel usage faites-vous de la communication et des nouvelles technologies ? (relance éventuelle pour plus de précisions : qui communique ? Pour quoi ? Quand ? Pour dire quoi ?) V. Spécificités, enjeux et perspectives du réseau des VPah 15. Quels sont pour vous les points forts et les insuffisances du label au niveau régional ? Et au niveau national ? (Relance : pouvez-vous identifier les partenariats à privilégier, relancer, dynamiser, 16. Quels seraient pour vous les objectifs majeurs du réseau régional pour les années à venir ? (Relance : et au niveau national ?) Conclusion : est-ce-qu’il y aurait quelque chose que vous auriez aimé dire que vous n’avez pas pu dire ? Un point à souligner ? -------------------------------------------------------------------------------------------------- Documents complémentaires à demander : • Profil de poste des animateurs • Organigramme, pour voir quelle est la position de l’animateur dans l’organigramme municipal 129 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 130 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 ANNEXE 3 – GRILLE D’ENTRETIEN DES ELUS Trame commune pour tous les terrains : I. Le label et la démarche de projet II. Objectifs des politiques publiques et projets liés au patrimoine III. Relations, partenariats et dynamique de réseau IV. Enjeux territoriaux et retombées du label V. Spécificités et perspectives du réseau des VPah en Rhône-Alpes Réalisé le : …………………………………………………………………..………………. A : ……………………………………………………………………………………………. Par : ………………………………………………………………………………………….. Nom et prénom de la personne rencontrée : ………………………………………. Titre, Fonction : ……………………………………………………………….……………. Adresse précise : ….……………………………………………………………………… E-mail : ………………………………………………………………………………………. Tél. : ………………………………………………………………………………………….. Question introductive : Comment êtes-vous venu à vous occuper de patrimoine, d’architecture et/ou de culture dans votre parcours politique ? I. Le label et la démarche de projet 1. Pouvez-vous revenir sur l’origine du projet de labellisation et ce qui a motivé la candidature de ce territoire ? (historique, acteurs porteurs, démarche) 1 bis. Quelle est la position de l’animateur dans l’organigramme municipal ? Avez-vous défini avec lui un projet de service ? (Relance : le considérez-vous comme un chef de service ou comme un responsable des actions menées ?) Comment ses missions ont été (sont) négociées (avec les élus, avec d’autres agents municipaux, avec les partenaires institutionnels, avec les professionnels...) ? 2. Quelles sont, selon vous, les spécificités de votre territoire d’un point de vue patrimonial et architectural ? 3. Quelles étaient les attentes locales vis-à-vis du label ? II. Objectifs des politiques publiques et projets liés au patrimoine et à l’architecture 4. Comment définissez-vous la place du patrimoine et de l’architecture au sein des projets de développement de votre territoire ? Quelles sont les fonctions du patrimoine sur votre territoire ? 131 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 5. Pouvez-vous nous dire quels sont les principaux objectifs du label par rapport à votre expérience (ou votre perception ?) sur le terrain ? 6. Quels sont les moyens mis en oeuvre pour atteindre ces objectifs ? III. Relations, partenariats et dynamique de réseau 7. Quel est le regard que portent les différents acteurs sur le patrimoine et l’architecture ? 8. Au sein de la politique de label, comment qualifiez-vous vos partenariats et relations avec les différents acteurs impliqués dans les projets de territoire ? (services de la collectivité, services de l’Etat, de la région, du département, intercommunalités ; professionnels de la culture, du patrimoine, de l’architecture, de l’urbanisme, de l’archéologie ; acteurs économiques et sociaux, du tourisme, de l’éducation ; milieu associatif…) 8 bis. Pensez-vous qu’il y a eu un changement des modalités d’organisation depuis la décentralisation ? Quel regard portez-vous sur les articulations qui existent avec d’autres politiques locales concernant l’éducation, la culture, l’animation du patrimoine, le développement local, le tourisme, l’aménagement urbain ? (Relance : pour vous le patrimoine constitue-t-il un domaine spécifique d’intervention ou un champ qui doit être articulé avec d’autres : culturel, touristique, économique, etc., …) IV. Enjeux territoriaux et retombées du label 9. Quels sont les effets du label pour votre territoire ? (Relance : en termes économiques ? Sociaux ?Fréquentation ? En termes d’image et d’attractivité pour le territoire ?) 9 bis. Quels sont les enjeux politiques et territoriaux du label ? 10. A quoi sert concrètement le label ? 10 bis. Pour qui ce label a t-il le plus de visibilité ? V. Spécificités et perspectives du réseau des VPah 11. Comment vous situez-vous par rapport au réseau régional des Villes et Pays d’art et d’histoire ? Quelle perception avez-vous de l’association nationale des Villes et Pays d’art et d’histoire (ANVPah) et du conseil national (CNVPah)? (Relance éventuelle : avez-vous des liens avec ce réseau national ? Etes-vous adhérent de l’association ? Etes-vous au courant des stages proposés ? Quelle information avez-vous sur l’association ?) 12. Quels sont pour vous les points forts et les insuffisances du label que ce soit au niveau régional ou national ? 132 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 13. Quelles actions pensez-vous nécessaires de développer pour améliorer le fonctionnement et les effets du label ? (Relance : en termes de communication, de partenariats, d’outils de gestion et de valorisation…) Quels seraient pour vous les objectifs majeurs du réseau régional pour les années à venir ? (Relance : et au niveau national ?) Question de conclusion : comment percevez-vous la place des élus au sein du fonctionnement du label ? 133 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 134 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 ANNEXE 4 – PROGRAMME DU SEMINAIRE DE TRAVAIL DU 26 JUIN 2007 Séminaire de travail Organisé par le ministère de la Culture et de la Communication / Direction des affaires culturelles Rhône-Alpes et l'Observatoire des politiques culturelles Lieu : Centre de congrès Le Manège 331, rue de la République à Chambéry (Tel. 04 79 33 30 30) Les villes et pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes : Bilan et perspectives Mardi 26 juin 2007 – Chambéry Ce séminaire de travail s’inscrit dans le cadre d’une étude en cours sur les Villes et Pays d’art et d’histoire en RhôneAlpes, confiée par le ministère de la Culture et de la Communication (DRAC Rhône-Alpes / DAPA) à l'Observatoire des politiques culturelles. Initié à partir de 1985 par le ministère de la Culture et de la Communication dans un contexte de renouvellement des politiques patrimoniales, le label des Villes et Pays d’art et d’histoire correspond à une politique de valorisation et d’animation du patrimoine et de l’architecture menée en partenariat avec les collectivités territoriales. Plus de vingt ans après sa création, ce label est porté par des collectivités de plus en plus nombreuses. En région Rhône-Alpes, 10 sites bénéficient du label VPah. Ils constituent un réseau dynamique qui s’est développé et se développe encore quantitativement et qualitativement. Il rencontre néanmoins des difficultés tant dans sa définition que dans sa mise en œuvre. L’étude confiée à l’Observatoire des politiques culturelles a pour objectif de dresser un état des lieux de cette politique au niveau régional et de dégager des perspectives pour les années à venir. Ce travail est placé sous la direction scientifique de Guy Saez (directeur de recherche en sciences politiques, IEP de Grenoble) et de Pierre-Antoine Landel (maître de conférence en géographie, Université J. Fourrier à Grenoble), avec la participation d’Annie Marderos et de Samuel Périgois (chargés de mission). Le séminaire de travail a pour objectif de restituer et de mettre en débat les résultats de la première phase de l’enquête réalisée de février à mai 2007, afin de compléter les résultats, de confronter les points de vue des différents acteurs sur les problématiques issues de l’enquête, et de compléter et de valider les hypothèses de l’équipe de recherche pour la phase prospective de l’étude. Les participants seront donc invités à prendre la parole sur les différentes thématiques proposées. Le séminaire fait partie intégrante de l’étude menée actuellement. 135 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Séminaire de travail en séance plénière Programme (sous réserve de modifications) 9 h 30 Accueil 9 h 45 Ouverture Jerôme Bouet, directeur régional des affaires culturelles Rhône-Alpes Bernadette Laclais, vice-présidente déléguée à la culture, Conseil régional Rhône-Alpes 10h Introduction et présentation du séminaire de travail Jean-Pierre Saez, directeur de l’Observatoire des politiques culturelles Cécile Martin, responsable des études, Observatoire des politiques culturelles 10 h 15 Présentation des premiers résultats de l’étude Guy Saez, directeur de recherche, PACTE-IEP de Grenoble, co-directeur scientifique de l’étude et Pierre-Antoine Landel, maître de conférences en géographie, Université J. Fourier, co-directeur scientifique de l’étude 10 h 45 Atelier 1 – Le patrimoine, une ressource pour les territoires L’approche la plus courante consiste à considérer le patrimoine comme un produit d’un territoire. Une autre approche consiste à s’interroger sur sa capacité, en tant qu’objet matériel ou symbolique à intervenir en tant que ressource, en amont des processus de développement. Comment le patrimoine est-il mobilisé dans les processus de dynamisation et de recompositions territoriales ? Comment participe-t-il à la singularisation des territoires ? Propos introductifs : Pierre-Antoine Landel, codirecteur scientifique de l’étude. Échanges et débats avec les participants 12 h Déjeuner 13 h 30 Atelier 2 – L’évolution des modes d’animation et de médiation Le label Villes et Pays d’art et d’histoire correspond à une volonté de démocratiser l’accès au patrimoine et de garantir la qualité des visites proposées au plus grand nombre. Il a renforcé le rôle de la médiation et la professionnalisation des acteurs. Quelles évolutions observe-t-on dans les modes d’animation et de médiation des sites labellisés ? Quel impact ces transformations ont-elles sur le statut et le positionnement de l’animateur et du guide conférencier, face notamment à la complexification des missions qui lui sont confiées ? Propos introductifs : Samuel Périgois, docteur en géographie, chargé de mission pour l’étude, et Annie Marderos, consultante, chargée de mission pour l’étude Échanges et débats avec les participants 136 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 14 h 45 Atelier 3 – Les partenariats entre le secteur du patrimoine et les autres domaines de l’action publique locale Comment s’articulent les politiques patrimoniales avec les autres politiques publiques (architecture, urbanisme, insertion, tourisme, développement…) ? Quels partenariats observe-t-on entre les sites VPah et les autres acteurs de terrain ? Comment consolider les partenariats avec les professionnels des différents secteurs concernés (tourisme, environnement, éducation, aménagement urbain...) ? Propos introductifs : Guy Saez, codirecteur scientifique de l’étude Échanges et débats avec les participants 16 h Atelier 4 – Vers une gouvernance territoriale du patrimoine : le partenariat entre institutions publiques et acteurs du patrimoine Comment peut-on favoriser la mise en cohérence des politiques patrimoniales menées par différentes institutions publiques sur un territoire donné ? Comment se construisent les négociations des politiques partenariales ? Le label VPah peut-il être fédérateur pour une approche plus globale du patrimoine ? Comment impulser un réseau rhône-alpin dynamique qui fonctionnerait comme un catalyseur de la structuration des politiques patrimoniales ? Propos introductifs : Guy Saez, codirecteur scientifique de l’étude Échanges et débats avec les participants. 17 h 15 Synthèse et conclusion Jean-Pierre Saez, directeur de l’Observatoire des politiques culturelles 137 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 138 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 ANNEXE 5 – COLLOQUE NATIONAL Organisé par le ministère de la Culture et de la Communication Direction des affaires culturelles Rhône-Alpes l'Observatoire des politiques culturelles Lieu du colloque : Auditorium de l’Institution Robin – Vienne (1 cours Brillier, 38200 Vienne, en face de l’Office du tourisme) EVOLUTIONS ET ENJEUX DU LABEL « VILLES ET PAYS D’ART ET D’HISTOIRE » : BILAN ET PERSPECTIVES DU RESEAU EN RHONE-ALPES Jeudi 24 janvier 2008 – Vienne Initié à partir de 1985 par le ministère de la Culture et de la Communication dans un contexte de renouvellement des politiques patrimoniales, le label des Villes et Pays d’art et d’histoire correspond à une politique de valorisation et d’animation du patrimoine et de l’architecture menée en partenariat avec les collectivités territoriales. Plus de vingt ans après sa création, ce label est porté par des collectivités de plus en plus nombreuses. Il rencontre néanmoins des difficultés tant dans sa définition que dans sa mise en œuvre. En région Rhône-Alpes, 10 sites bénéficient du label VPah. Ils constituent un réseau dynamique qui s’est développé et se développe encore quantitativement et qualitativement. L’étude confiée à l’Observatoire des politiques culturelles avait pour objectif de dresser un état des lieux de cette politique au niveau régional et de dégager des perspectives pour les années à venir. Ce travail a été réalisé en partenariat avec le laboratoire PACTE (Université de Grenoble - CNRS) et placé sous la direction scientifique de Guy Saez (directeur de recherche en sciences politiques) et de Pierre-Antoine Landel (maître de conférences en géographie), avec la participation d’Annie Marderos (consultante, Lyon) et de Samuel Périgois (docteur en géographie) en tant que chargés d’étude. L’objectif de ce colloque est de réfléchir aux enjeux du label, à partir des conclusions de l’étude menée en RhôneAlpes. Public : élus, animateurs de l’architecture et du patrimoine, responsables de services du ministère de la Culture et des Directions régionales des affaires culturelles, représentants des collectivités porteuses du label « Villes et Pays d’art et d’histoire », représentants de Conseils régionaux, Conseils généraux, CAUE, CDT, CRT, autres partenaires (urbanismes, tourisme, éducation nationale…), professionnels du patrimoine et de la culture. 139 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 Programme 9 h 30 Accueil 9 h 45 Ouverture Jacques Remiller, député maire de Vienne Isabelle Maréchal, directrice adjointe à la Direction de l'architecture et du patrimoine, ministère de la Culture et de la Communication Jerôme Bouët, directeur régional des affaires culturelles Rhône-Alpes 10 h Introduction Jean-Pierre Saez, directeur de l’Observatoire des politiques culturelles Cécile Martin, directrice des études à l’Observatoire des politiques culturelles 10 h 15 Présentation des résultats de l’étude sur le réseau des Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes Guy Saez, directeur de recherche, Université de Grenoble, PACTE – CNRS, co-directeur scientifique de l’étude Pierre-Antoine Landel, maître de conférences, Université de Grenoble, PACTE – CNRS, co-directeur scientifique de l’étude 11 h Table ronde 1 – Evolutions et transformations du label VPah La transformation des partenariats avec les secteurs du tourisme, de l’éducation, de l’aménagement et de l’urbanisme, ainsi que la complexification des missions des animateurs et guides-conférenciers interrogent sur les évolutions qui ont lieu dans les modalités d’animation et de médiation. Cette table ronde abordera la question du statut des acteurs et de la professionnalisation. Elle posera également la question des enjeux et du sens du label avec la multiplication des sites VPah et la multiplicité des labels culturels et patrimoniaux. L’élargissement actuel nécessite une réflexion sur les stratégies de réseau à mettre en œuvre, en particulier en termes de mutualisation et d’interconnexion avec d’autres réseaux notamment européens. Introduction : Samuel Périgois, docteur en géographie, Université de Grenoble, PACTECNRS, chargé d’étude sur l’enquête menée en Rhône-Alpes Animation et synthèse : Pierre-Antoine Landel Intervenants : Patrick Curtaud, maire adjoint en charge de la culture, Ville de Vienne Laurent Roturier, directeur général adjoint chargé de la culture, Communauté d’agglomération d’Annecy Colette Dréan, conseillère valorisation du patrimoine et archives, direction régionale des affaires culturelles du Nord-Pas-de-Calais Michel Raymond, président de la Commission tourisme de la Région Rhône-Alpes, président de la Communauté de communes de Saône Vallée, maire de Trévoux Jean Luquet, directeur du patrimoine et des archives au Conseil général de la Savoie Patrick Givelet, maire de Peisey-Nancroix, membre du comité de suivi du Pah des Hautes vallées de Savoie Cécile Verdoni, animatrice de l’architecture et du patrimoine, Ville d’art et d’histoire de Chambéry Débat 140 DRAC Rhône-Alpes – OPC / Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes / décembre 2007 13 h Déjeuner 14 h 30 Table ronde 2 – Evolution des politiques patrimoniales et gouvernance du label Fort du constat d’une mobilisation du patrimoine dans les processus de territorialisation, la seconde table ronde cible la problématique de la gouvernance et interroge la dimension structurante du label - et du réseau VPah - au sein des politiques patrimoniales. Comment peut-on favoriser la mise en cohérence des politiques patrimoniales menées par différentes institutions sur un territoire donné ? Les pistes d’évolution des VPah devront être questionnées sous cet angle. Introduction et synthèse : Guy Saez Animation: Cécile Martin Intervenants : Jean Launay, député du Lot, membre du conseil national des Villes et Pays d’art et d’histoire Abraham Bengio, directeur général adjoint culture et sports, Conseil régional Rhône-Alpes Jérôme Bouët, directeur régional des affaires culturelles de Rhône-Alpes François Deschamps, président de « Culture et Départements » Gabriel Vivien, vice-président du Syndicat mixte du Pays du Forez Débat 16 h 45 Le regard d’un grand témoin André Micoud, sociologue, directeur de recherche au CNRS, auteur notamment de Campagne de tous nos désirs ; patrimoine et nouveaux usages (éditions MSH, coll. 17 h Ethnologie de la France, 2000) Conclusion Béatrice Grandchamp, conseillère à l’action culturelle patrimoniale, Direction régionale des affaires culturelles Rhône-Alpes Jean-Pierre Saez, directeur de l’Observatoire des politiques culturelles 141 View publication stats