ARCHIMÈDE N°4
ARCHÉOLOGIE ET HISTOIRE ANCIENNE
DOSSIER THÉMATIQUE 1 : NOMMER LES « ORIENTAUX » DANS L’ANTIQUITÉ
1
Dominique LENFANT, Agnès MOLINIER ARBO et Pascale GIOVANNELLI-JOUANNA
Nommer les « Orientaux » dans l’Antiquité : présentation du dossier
6
Luca MACALE et Francesco MARI
Le lexique grec de l’Oriental dans la poésie lyrique archaïque et chez Eschyle
19
Dominique LENFANT
Les « Asiatiques » du traité hippocratique Airs, Eaux, Lieux ont-ils été les premiers « Orientaux » ?
26
Yannick MULLER
Le monde « oriental » et ses habitants chez Thucydide
35
Emanuele PULVIRENTI
Des désignations des « Orientaux » chez Xénophon ? Le cas des Helléniques et de l’Anabase
45
Pascale GIOVANNELLI-JOUANNA
Isocrate et l’ennemi commun des Grecs : désignation et représentation des peuples d’Asie
dans le corpus isocratique
54
Charlotte LEROUGE-COHEN
Aristote, la Politique et les « habitants de l’Asie »
60
Dominique LENFANT
À la recherche des Orientaux dans l’œuvre d’Athénée
68
Jean-Luc VIX
L’Orient chez Ælius Aristide
73
Agnès MOLINIER ARBO
Ammien Marcellin. L’Orient et les Orientaux dans l’Empire au
80
Agnès MOLINIER ARBO
Le vocabulaire de l’Orient et de l’Oriental dans l’Histoire Auguste. Regards d’un Romain
sur l’Est de l’Empire à la in du ive siècle
ive
siècle
87 DOSSIER THÉMATIQUE 2 : PRYTANÉE ET REGIA
155 ACTUALITÉ DE LA RECHERCHE : DYNAMIQUES HUMAINES ANCIENNES
216 VARIA
236 LA CHRONIQUE D’ARCHIMÈDE
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2017
,
REVUE
RCHIMeDE
ARCHÉOLOGIE ET HISTOIRE ANCIENNE
LE LEXIQUE GREC DE L’ORIENTAL
DANS LA POÉSIE LYRIQUE ARCHAÏQUE ET CHEZ ESCHYLE
Luca MACALE
Francesco MARI
Doctorant en histoire grecque
Sapienza Università di Roma
Docteur en histoire grecque
Université de Strasbourg
UMR 7044 Archimède
Università degli Studi di Genova
luca.macale@uniroma1.it
fmari@unistra.fr
RÉSUMÉ
Cet article étudie l’évolution sémantique des
concepts d’« Asie » et d’« Asiatique » dans la poésie
lyrique grecque d’époque archaïque et chez Eschyle.
L’attention se focalise notamment sur le processus
par lequel le choronyme grec Ἀσία, qui désignait
initialement une partie de l’Anatolie nord-occidentale, élargit son spectre sémantique en suivant les
développements géopolitiques qui caractérisèrent
l’Asie Mineure, le Proche et le Moyen-Orient aux
viie et vie siècles av. J.-C., jusqu’à recouvrir le continent asiatique tout entier. Au ve siècle, enin, l’Asie
paraît coïncider tantôt avec le continent, tantôt avec
l’empire perse, mais ses frontières demeurent susceptibles d’être ajustées selon les buts littéraires
et politiques divers des auteurs envisagés. Quant
à l’enquête sur les mots désignant les Asiatiques,
l’étude des textes met en
lumière l’absence d’éléments
qui permettent d’attribuer avec
Mots-clés
sûreté des connotations quelAsie,
conques — et notamment négaEmpire perse,
poésie lyrique grecque,
tives — aux « Orientaux » pris
Eschyle,
dans
leur ensemble.
orientalisme.
The aim of this paper is to study the semantic evolution of the concepts of “Asia” and “Asiatic” in both
the archaic Greek lyric poetry and Aeschylus’s works.
Particular attention is devoted to the process through
which the term Ἀσία – initially used to designate the
Anatolian norther-western region – ended up indicating what the Greeks considered to be the Asiatic continent: it seems plausible that such a semantic development is to be linked to the political events which
took place in Asia Minor and in the Near East during
the 7th and the 6th centuries BC. Finally, during the 5th
century, the idea of Asia seems to coincide with both
the Persian Empire and the continent, while its borders
seem to remain quite luid and susceptible to be
adjusted to the literary or political aims of the different
authors. As for the inquiry on the terms which indicate
Asiatic people (or which are
linked to them), textual analysis seems to show that oriental
Keywords
populations are not always negAsia,
atively connoted, since we can
Persian Empire,
Greek lyric poetry,
also ind them in junction with
Aeschylus,
positive judgements.
Orientalism.
Article accepté après évaluation par deux experts selon le principe du double anonymat
6
ARCHIMÈDE Archéologie et histoire Ancienne N°4 2017 - p. 6 à 18
Dossier « Nommer les “ Orientaux ” dans l’Antiquité »
Dans le cadre de ce dossier intitulé Nommer les
« Orientaux », qui se focalise sur les questions
lexicales pour tester la pertinence du concept
d’« orientalisme » d’Edward Said pour l’étude des
sociétés grecque et romaine, la présente contribution se concentrera sur les termes en rapport
avec l’Orient dans la poésie lyrique [1] de la Grèce
archaïque et dans les tragédies d’Eschyle. Elle
couvrira une période qui s’étend du viie siècle à
la première moitié du ve siècle av. J.-C. En ce qui
concerne la poésie lyrique, il convient d’abord
de mentionner les dificultés que l’on rencontre
lorsqu’on cherche à envisager des productions
diverses, dont chacune répond aux contraintes du
genre auquel elle appartient et de l’occasion pour
laquelle elle fut composée. En outre, il vaut mieux
ne pas sous-estimer ni l’état fragmentaire dans
lequel pareilles productions sont arrivées jusqu’à
nous ni l’ampleur de leur distribution chronologique et géographique. Quoique liées, dans leur
ensemble, aux contacts humains qui avaient lieu
à l’époque, les raisons qui poussèrent les poètes
lyriques à s’intéresser à l’Orient et à le mentionner sont donc de nature différente : politique, ethnographique ou mythographique. Ce dernier cas
concerne aussi les tragédies d’Eschyle, dont l’inspiration est notamment mythologique. Bien entendu,
dans la mesure où le répertoire mythique auquel
puisait Eschyle comprend des épisodes qui se
déroulent en terre d’Asie, l’intérêt de ce dramaturge
pour l’Orient peut assumer lui aussi un caractère
ethnographique ou plus précisément historico-politique : c’est le cas des Perses (472 av. J.-C.), une
[1] L’emploi du terme « lyrique » est parfois considéré
comme ambigu et inadapté à la déinition d’une poésie à la
fois complexe et variée (voir, par exemple, Calame 1998).
Toutefois, en l’absence d’une expression capable d’indiquer synthétiquement et eficacement tous les genres
poétiques qui vont être envisagés (aussi bien que d’exclure ceux qui ne vont pas l’être), on a préféré utiliser
cette expression. Cf. Rossi & NiColai 2002, p. 207.
[2] said 1978, p. 21.
[3] Cf. par exemple : sChwabl et al. 1962 ; lévy 1984 ;
hall 1989 ; TupliN 1999 ; haRRisoN 2002 ; isaaC 2004 ;
GazzaNo 2009 ; GRueN 2011). Jusqu’aux décennies centrales du ve s. le mot βάρβαρος ne semble guère s’éloigner de la signiication de « non-Grec ». C’est aussi le cas
tragédie au contenu historique tournant autour de
la bataille de Salamine, à laquelle Eschyle avait luimême participé.
Dès les premières pages d’Orientalisme [2], c’est
justement dans les Perses d’Eschyle qu’Edward Said
reconnaît la première construction du stéréotype
occidental sur l’Asie et sur les Asiatiques. Par conséquent, non seulement l’étude du lexique de l’Orient
dans les sources lyriques archaïques et chez Eschyle
permet de cerner le développement des idées d’Asie
et d’Asiatiques dans la pensée grecque, mais elle
joue aussi un rôle important dans l’évaluation de
ces propos de Said.
Ain de garantir à notre étude sa cohérence avec
les objectifs généraux du dossier, nous avons choisi
de n’inclure dans l’analyse lexicale que les termes
se référant à l’Asie de manière claire et distincte.
Par conséquent, nous avons laissé de côté les
mots auxquels il n’est pas toujours possible d’attribuer avec sûreté le sens d’« Oriental », et notamment βάρβαρος, qui a d’ailleurs déjà fait l’objet de
maintes études savantes [3].
LA POÉSIE LYRIQUE ARCHAÏQUE [4]
Les témoignages de la poésie lyrique archaïque
qui permettent de cerner des références lexicales
spéciiques à l’Orient revêtent une importance
particulière. D’abord, parce que ces références
comptent parmi les plus anciennes que nous avons,
mais aussi parce qu’elles ont permis de saisir le
développement particulier que les termes « Asie »
dans les Perses d’Eschyle (voir bRoadhead 1960, p. 79 ;
166 ; GaRvie 2009, p. 118). Chez Eschyle, d’ailleurs, l’idée
de barbare n’est explicitement connotée qu’en un seul
passage (Agamemnon, 918-920), où il n’y a aucun doute
que les barbares soient les Orientaux et que leur représentation soit totalement négative (voir FRaeNkel 1950, I,
p. 145 ; II, p. 416-417 ; deNNisToN & paGe 1957, p. 149 ad
v. 920). Il ne s’agit, pourtant, que d’un passage isolé, qui
témoigne sans doute plus de l’évolution sémantique que
le mot βάρβαρος connut durant le ve siècle que de l’usage
de ce mot propre à Eschyle (cf. aussi Suppliantes, 234236, où βάρβαρος signiie probablement « Oriental »,
quoique la nuance négative soit absente).
[4] Ce paragraphe a été écrit par Luca Macale.
7
Le lexique grec de l’Oriental dans la poésie lyrique archaïque et chez Eschyle
et « Asiatiques » ont eu en grec. Dans ce cadre,
il convient de relever qu’un tel développement
semble devoir être relié aux changements géopolitiques qui ont touché l’Asie Mineure et le ProcheOrient aux viie et vie siècle av. J.-C.
Dans un premier temps, il est possible de distinguer deux types principaux de témoignages lexicaux : les ethnonymes de populations qui peuvent
être associées à l’Orient, et, de manière plus parlante, les occurrences du terme « Asie » ou de la
désignation collective « Asiatiques ».
Dans la poésie jusqu’à Eschyle, on trouve un bon
nombre d’occurrences d’ethnonymes de populations non grecques [5]. Cependant, les contextes
sont souvent très fragmentaires, c’est pourquoi il
n’est pas toujours aisé de comprendre la connotation de ces dénominations (une dificulté similaire
à celles que l’on rencontre pour le terme βάρβαρος
[6]). On peut tout de même signaler que, alors que
dans certains cas ces populations non grecques
semblent être caractérisées négativement, dans
d’autres elles sont considérées, par certains
aspects, de manière positive [7].
Il est désormais admis que le mot « Asie » (et
par conséquent « Asiatiques ») a eu en grec une
évolution particulière et qu’il a progressivement
désigné d’abord une portion de l’Asie Mineure occidentale, puis l’empire perse, en raison des changements politiques intervenus dans ces régions [8].
Certains témoignages issus de la poésie lyrique
d’époque archaïque (auxquels s’ajoutent les Perses
d’Eschyle) permettent de mieux saisir les phases
de cette évolution. Il convient par ailleurs de noter
que, en raison du petit nombre de témoignages,
il est ardu d’appréhender le rôle qu’ont dû jouer,
d’une part, la provenance micrasiatique de la
[5] Deux fragments de Simonide (7, 5-7 W. : παισὶν
μη[/ Φρυξί τ̣[ε/ Φοινίκω[ν ; 13, 8-10 W. : ὄφρ᾽ ἀπὸ μὲν
Μήδ[ων/ καὶ Περσῶν, Δώρου δ[ὲ/ παισὶ καὶ Ἡρακλέο̣ς̣ [ )
apparaissent tout à fait intéressants à ce propos : le
premier mentionne en même temps plusieurs peuples
non grecs faisant partie de la lotte de Xerxès ; il se peut
que ceux-ci soient présentés sous forme de catalogue :
voir lulli 2011, p. 63-64 (avec bibliographie). Le deuxième fragment, qui mentionne à la fois les Mèdes et
les Perses (cf. Simonide XI FGE), est signiicatif pour
le cas particulier de l’ethnonyme des Perses : voir
TupliN 1994 ; lulli 2011, p. 83-84 (en général sur le
fragment, avec bibliographie).
[6] Cf. supra, n. 3.
[7] Voir, par exemple, hall 1989 ; huTzFeldT 1999,
p. 9-23 ; TupliN 1999.
[8] Voir, par exemple, dyeR 1965 (cf. LfgrE s. vv. Ἀσίη ;
Ἄσιος, ἄσιος) ; Talamo 1979, p. 106-107 ; Càssola 1998,
p. 43-44 (cf. Càssola 2007, p. X-XII) ; Cassio 2000,
plupart des auteurs envisagés et, d’autre part, le
genre de leurs compositions [9].
Les premières attestations d’« Asie » et
d’« Asiatique » dans la lyrique datent du viie siècle
av. J.-C. : chez Callinos et Archiloque, dans les fragments ci-dessous, ces mots semblent se référer à
une zone précise de l’Asie Mineure, à savoir la Lydie.
Callinos fr. 5b W.
φησὶ δὲ Καλλισθένης (FGrHist 124 F 29) ἁλῶναι
τὰς Σάρδεις ὑπὸ Κιμμερίων πρῶτον, εἶθ᾽ ὑπὸ
Τρηρῶν καὶ Λυκίων, ὅπερ καὶ Καλλῖνον δηλοῦν
τὸν τῆς ἐλεγείας ποιητήν, ὕστατα δὲ τὴν ἐπὶ
Κύρου καὶ Κροίσου γενέσθαι ἅλωσιν. λέγοντος
δὲ τοῦ Καλλίνου τὴν ἔφοδον τῶν Κιμμερίων ἐπὶ
τοὺς “Ἠσιονῆας” γεγονέναι, καθ᾽ ἣν αἱ Σάρδεις
ἑάλωσαν, εἰκάζουσιν οἱ περὶ τὸν Σκήψιον (fr. 41
Gaede) Ἰαστὶ λέγεσθαι Ἠσιονεῖς τοὺς Ἀσιονεῖς·
τάχα γὰρ ἡ Μῃονία, φησίν [10], Ἀσία ἐλέγετο.
Callisthène assure que Sardes fut prise une
première fois par les Cimmériens ; qu’elle le
fut ensuite par les Trères et les Lyciens, que le
témoignage de Callinos (le poète élégiaque) est
formel sur ce point, qu’enin, au temps de Cyrus
et de Crésus, elle fut prise une dernière fois. Mais
comme, en parlant de l’invasion des Cimmériens
pendant laquelle Sardes fut prise, Callinos ajoutait qu’elle avait été dirigée contre les Ésionéens,
le Scepsien [11] conjecture que Ésionéens est
une forme ionienne mise là pour Asionéens : la
Méonie, dit-il, s’appelait peut-être Asie [12].
Archiloque fr. 227 W.
ὁ δ᾽ Ἀσίης καρτερὸς μηλοτρόφου.
Le maître de l’Asie nourrice de brebis [13].
Le fragment de Callinos fait référence à l’invasion
des Cimmériens pendant laquelle fut prise la ville
de Sardes. Callinos aurait afirmé que cette invasion
était dirigée à l’encontre des Ἠσιονεῖς. Or, selon le
p. 107 ; mazzaRiNo 2007, p. 43-101 ; FowleR 2013,
p. 14 ; DGE s. v. Ἀσία, II, 1.
[9] On pense en particulier à l’élégie (narrative), notamment à la lumière des hypothèses modernes quant à
la position que celle-ci occupe dans l’évolution de la
pensée et de la rélexion historique et historiographique
grecques. Voir, par exemple, mazzaRiNo 2011, p. 37-46 ;
bowie 2001 ; lulli 2011 ; bowie 2010.
[10] GeNTili & pRaTo 1988 ; RadT 2004 ; φασίν chez
wesT 1989-1992.
[11]
Selon l’interprétation de RadT 2008, p. 555.
D’autres pourtant préfèrent lire « les disciples du
Scepsien » : voir, par exemple, lulli 2011, p. 25.
[12] Callinos fr. 5b W. (Strabon, XIII, 4, 8), trad. TaRdieu
1867-1890 modiiée.
[13] Archiloque fr. 227 W., trad. lasseRRe &
boNNaRd 1958. On trouve la même déinition d’Asie chez
les Perses d’Eschyle (v. 763 : Ἀσίδος μηλοτρόφου). Voir
GaRvie 2009, p. 302.
8
Le lexique grec de l’Oriental dans la poésie lyrique archaïque et chez Eschyle
commentaire de Démétrios de Scepsis (ou de ses
disciples), ce terme serait la forme ionienne du mot
« Asiatiques » : le témoignage du poète fait donc
émerger une correspondance entre l’Asie et la Lydie
(Méonie), que le commentaire conirme explicitement [14]. D’autres témoignages anciens semblent
d’ailleurs conirmer cette assimilation de la Lydie à
l’Asie (à savoir une partie de la région nord-occidentale de l’Asie Mineure) [15]. Chez Homère, on
trouve une autre attestation d’« Asie » qui pourrait
avoir la même signiication : au chant II de l’Iliade
(v. 461) on mentionne « la prairie asiate, sur les
deux rives du Caÿstre » [16], le leuve qui coulait à
travers Éphèse [17]. Pareil usage homérique trouve
un écho chez Hérodote (IV, 45, 3), selon lequel
l’Asie est appelée ainsi « d’après Asiès ils de Cotys,
ils de Manès, de qui tirerait également son nom la
tribu de Sardes Asiade » [18].
Quant au fragment 227 W. d’Archiloque, il évoque
le « maître de l’Asie nourrice de brebis », que la
comparaison avec le fragment 19 W. permet d’identiier très probablement à Gygès [19] : ce serait par
conséquent un autre témoignage où « Asie » correspondrait à « Lydie ». D’après les témoignages
évoqués, il semblerait qu’autour de la première
moitié du viie siècle av. J.-C., le mot « Asie » indiquait très probablement la Lydie. Ces deux mots
ne sont pourtant pas synonymes, comme l’indique
Mazzarino : « Ἀσία non è Λυδία; questa è la terra
dei Λυδοί, il nome della regione derivato dal nome
[14] Sur la dénomination des Méoniens et sur le rapport
avec les Lydiens, voir Talamo 1979, p. 65-98.
[15] Cf. par exemple Homère, Iliade, II, 461 ; Hérodote,
IV, 45, 3 ; schol. Apollonios de Rhodes, II, 277 ; Étienne
de Byzance, α 474 (éd. Billerbeck) ; Étienne de Byzance,
η 25 (éd. Billerbeck). Des témoignages hittites (pour
la forme mycénienne a-si-wi-ja voir maddoli 1967) qui
datent probablement du xve siècle av. J.-C. env. (voir
Càssola 1998, p. 43 ; Càssola 2007, p. xi avec bibliographie) sembleraient démontrer qu’« Aššuwa » indique
l’Anatolie du nord-ouest, voire la région qui va de la
Troade jusqu’à la Méonie (cette dernière est la région
qui s’étend entre le cours du leuve Caïque et celui du
leuve Hermos). Voir FoRReR 1932 ; Càssola 1998, p. 43 ;
Talamo 1979, p. 99-107 (qui, à la lumière des témoignages hittites ainsi interprétés, précise que l’élargissement sémantique du mot « Asie » s’est opéré en relation
avec les transformations politiques de la Lydie dès avant
la période envisagée par mazzaRiNo 2007, p. 43-101).
D’autres témoignages grecs semblent conirmer l’hypothèse qu’il y ait eu une période pendant laquelle « Asie »
n’a pas correspondu à « Lydie ». Cf. Homère, Iliade, II,
835-839 ; Hésiode, fr. 165, 11 M.-W. ; peut-être Sappho,
fr. 44 V. (cf. infra).
[16] Trad. par mazoN 1955.
[17] kiRk 1985, p. 164. Par rapport aux témoignages
hittites, Càssola (1998, p. 43) pense que chez Homère
le mot « Asie » est associé à des régions qui sont situées
del popolo; viceversa Ἀσία è concetto territoriale
che si può estendere con l’estendersi del territorio
lidio. Così, mentre Λυδία resterà sempre la terra
dei Λυδοί veri e propri, viceversa Ἀσία è concetto
che tende ad estendersi a tutta la zona anatolica
ad est dell’Halys. [...] Per questo Λυδία resterà
sempre la “Lidia”, e Ἀσία diviene l’Asia Minore, il
complesso delle regioni che costituiscono lo stato
lidio » [20].
Les auteurs lyriques postérieurs clariient encore
la situation. Chez Mimnerme (fr. 9 W.), et aussi,
peut-être, chez Sappho (fr. 44 V.), on peut constater une évolution ultérieure de la signiication du
mot « Asie » : entre la deuxième moitié du viie et
le début du vie siècle av. J.-C., il semble en effet
qu’« Asie » ait commencé à recouvrir toute la péninsule anatolienne.
Mimnerme, fr. 9 W.
Αἰπὺ < > τε Πύλον Νηλήϊον ἄστυ λιπόντες
ἱμερτὴν Ἀσίην νηυσὶν ἀφικόμεθα,
ἐς δ᾽ ἐρατὴν Κολοφῶνα βίην ὑπέροπλον ἔχοντες
ἑζόμεθ᾽, ἀργαλέης ὕβριος ἡγεμόνες·
κεῖθεν †διαστήεντος ἀπορνύμενοι ποταμοῖο
θε͜ῶν βουλῆι Σμύρνην εἵλομεν Αἰολίδα.
Ayant quitté Pylos, la cité de Nélée, nous
atteignîmes avec nos vaisseaux l’Asie désirée,
et munis d’une force écrasante, nous nous
établîmes à Colophon l’aimable [21], chefs d’une
arrogance terrible ; de là, partant du leuve ...,
par le vouloir des dieux, nous conquîmes Smyrne
l’éolienne [22].
plus à l’est (avec le Phrygien Asios, Homère, Iliade, XVI,
715-719) et au sud (Homère, Iliade, II, 461).
[18] Trad. par leGRaNd 1945. Sur ce passage, voir
asheRi, lloyd & CoRCella 2007, p. 614.
[19] Voir par exemple wesT 1989-1992, I p. 85.
[20] mazzaRiNo 2007, p. 54-55 (« Ἀσία ne recoupe pas
Λυδία ; cette dernière est la terre des Λυδοί, le nom de
la région dérivant du nom du peuple ; Ἀσία, au contraire,
est un concept territorial, qui peut s’étendre au fur et
à mesure que s’étend le territoire lydien. Ainsi, si, d’un
côté, Λυδία reste toujours le territoire des Λυδοί à proprement parler, Ἀσία est, de l’autre côté, un concept
qui tend à s’étendre à toute la région à l’est du leuve
Halys. C’est pourquoi Λυδία demeura toujours la “Lydie”,
tandis qu’Ἀσία devint l’Asie Mineure, voire l’ensemble des
régions qui composaient le royaume lydien »).
[21] Sur les deux adjectifs (ἱμερτήν et ἐρατήν) qui
qualiient « Asie » et « Colophon », voir alleN 1993,
p. 81-82, en particulier p. 81 : « vivaNTe 1982, 120 f.,
examines Homer’s use of adjectives meaning “desiderable” or “lovable” or “lovely” with the names of cities
and other places. It is because localities are inhabitated,
loved and admired, he suggests, that they merit such
epithets as ἐραννός, ἐπήρατος, and ἐρατεινός. So, too,
for Mimnermus, Asia is “desiderable” and Colophon in the
next line is “lovely” ».
[22] Trad. beRGouGNaN 1940 modiiée.
9
Le lexique grec de l’Oriental dans la poésie lyrique archaïque et chez Eschyle
Sappho fr. 44, 1-4 V.
Κυπρ̣.[
- 22 ]α̣·
κᾶρυξ ἦλθ̣ θ̣[
- 10 ]ελ̣[. . .].θεις
῎Ιδαος ταδεκα . . . φ[. .].ις τάχυς ἄγγελος
<«
>
τάς τ’ ἄλλας Ἀσίας .[.]δε.αν κλέος ἄφθιτον·
Chypre... héraut est venu..., Idaos... le prompt
messager... et du reste de l’Asie... gloire impérissable [23].
Le fragment de Sappho qui décrit le mariage d’Hector et d’Andromaque emploie l’expression « du reste
de l’Asie », que Mazzarino interprète comme « du
reste de l’Asie Mineure » (puisque, selon Mazzarino,
« Saffo guarda a tutta l’Asia Minore, da cui l’epos
faceva venire gli alleati dei Troiani » [24] ; le savant
pense donc que cette expression ne peut se référer
ni exclusivement à la Lydie ni aux régions qui font
partie du Proche-Orient). Il faut cependant signaler
que Dyer use d’une plus grande prudence [25] : ce
chercheur envisage aussi que, dans ce cas précis,
« Asie » ne se réfère pas à l’Asie Mineure, mais à la
région nord-occidentale de l’Anatolie, ou peut-être à
la seule Troade : ce passage contiendrait ainsi une
trace de la valeur la plus antique du terme [26].
Dans l’élégie de Mimnerme, qui, selon Strabon
(XIV, 1, 4), vient de la Nannô, le mot « Asie » a
[23] Trad. ReiNaCh & pueCh 1937 modiiée.
[24] mazzaRiNo 2007, p. 59. Cf. DGE, s. v. Ἀσία, II, 1,
qui cite le fragment de Sappho parmi les témoignages qui
montrent que Ἀσία a été « una de las partes en que los
antiguos dividieron el mundo, inicialmente Anatolia o Asia
Menor ».
[25] dyeR 1965, p. 126-127. Cf. maddoli 1967, p. 14 ;
Talamo 1979, p. 106.
[26] Cf. paGe 1955, p. 71 et n. 5. Cf. supra, n. 15. En
général sur le fragment voir, par exemple, dale 2011 (avec
bibliographie).
[27] dyeR 1965, p. 127 ; mazzaRiNo 2007, p. 60-66.
Plus prudent sur l’extension d’« Asie » chez Mimnerme :
wesT 1966, p. 267. Sur le mot « Asie » chez Mimnerme,
voir aussi alleN 1993, p. 80-81.
[28] mazzaRiNo 2007, p. 61-62.
[29] kuhRT 1995, p. 567-572 ; liveRaNi 2011, p. 749-756.
[30] mazzaRiNo 2007, p. 55.
[31] mazzaRiNo 2007, p. 68-70 considérait que le concept
d’« Asie » au sens d’empire perse pouvait déjà exister
chez Hécatée : une question irrémédiablement liée aux
idées géographiques de l’historien grec. Sur cette question, voir, par exemple, zimmeRmaNN 1997 ; asheRi, lloyd &
CoRCella 2007, p. 608-615 ; FowleR 2013, p. 14. Un autre
témoignage pris en compte par Mazzarino est la Lettre de
Darius à Gadatas (ML 12) qui contient l’expression τοὺς
πέραν Εὐ[φ]ράτου καρποὺς ἐπ[ὶ] τὰ κάτω τῆς Ἀσίας μέ[ρ]η
καταφυτεύων (lignes 10-13) ; cette tournure présuppose
une idée d’Asie déjà étendue. Cependant, la critique n’est
pas parvenue à résoudre tous les doutes quant à l’authenticité du texte portant cette inscription et sa datation
(qui, au cas où nous aurions affaire à un faux, pourrait ne
été interprété au sens d’ « Asie Mineure » [27],
mais on peut encore noter un lien avec la signiication homérique d’Asie : en parlant de la fondation
de Colophon, qui est proche de la région indiquée
par Homère, le poète évoque encore une arrivée
en « Asie » [28]. On peut donc émettre l’hypothèse
que le mot « Asie », à partir d’une période comprise
entre la deuxième moitié du viie et le début du vie
siècle av. J.-C., indique l’Asie Mineure.
Cette nouvelle signiication est liée à la situation
politique de la région : après la chute du royaume
de Phrygie, au cours du viie et du vie siècle av. J.-C.,
il y eut une expansion progressive de la domination
lydienne en Asie Mineure ; les Lydiens obtinrent inalement une position hégémonique dans la péninsule
[29]. À l’expansion des Lydiens correspond l’élargissement, dans la langue grecque, du sens du mot
« Asie », qui en arrive à désigner à peu près l’Asie
Mineure tout entière [30].
Il faut attendre les Perses d’Eschyle (à moins que
ce ne fût déjà le cas chez Simonide, mais la question est plus douteuse) pour qu’apparaissent les
premières attestations du mot « Asie » au sens
d’empire perse [31] (et de continent asiatique
[32]) ; c’est également chez ces auteurs que
l’on trouve les premiers témoignages de l’opposition entre l’Asie ainsi conçue et la Grèce [33].
pas remonter à l’époque de Darius et être postérieur aux
Perses). Voir bRiaNT 2003 ; TupliN 2009 ; leNFaNT 2015,
p. 102-104.
[32] On peut signaler le développement intéressant de
ἤπειρος, que l’on emploie parfois avec le sens d’« Asie » (cf.
par exemple LSJ s. v. ἤπειρος III ; pRoNTeRa 2011a, p. 118
qui cite Eschyle, Perses, 718 ; 737 ; Hérodote, IV, 91, 2),
et de ἠπειρώτης comme « Asiatique » (cf., par exemple,
Euripide, Andromaque, 159 ; 652 ; Isocrate, Panégyrique,
157 ; Harpocration, η 13 [éd. Keaney]. Voir LSJ s. v.
ἠπειρώτης III ; ReNehaN, 1982 p. 77).
[33] Hésiode, Théogonie, 357-359 ne doit pas être considéré comme un témoignage de l’opposition entre l’Europe et
l’Asie : voir wesT 1966, p. 266-267. Vis-à-vis des Perses, les
témoignages de Simonide dans lesquels on trouve à la fois
l’opposition entre la Grèce/Europe et l’Asie et l’idée d’Asie
comme empire perse (XXIV ; XLV FGE) ont des problèmes
d’attribution et de datation (en particulier le deuxième, qui,
de toute façon, est postérieur aux Perses). Sur XXIV FGE,
voir paGe 1981, p. 236-238 ; molyNeux 1992, p. 156-157
avec bibliographie. Sur XLV FGE, voir bRavi 2006, p. 81-83 ;
peTRoviC 2007, p. 56 n. 13 avec bibliographie. Dans la
mesure où il est possible de comprendre les textes, dont
l’état est très fragmentaire, il se peut d’ailleurs que ces
deux idées d’Asie aient été présentes également dans les
élégies de Simonide sur les guerres médiques : à la lumière
de cela, l’hypothèse de la présence de sections en forme
de catalogues, dans lesquelles pouvaient être présentés
les différents peuples faisant partie de l’armée perse et
de l’empire devient particulièrement intéressante. Cf., par
exemple, Simonide, fr. 7 W. Voir lulli 2011, p. 63-64 ;
83-84, avec bibliographie. Voir aussi Pindare, fr. 189 Sn.-M.
(auquel on ajoutera Olympique, VII, 18, où l’on trouve une
mention d’Asie). Sur Eschyle, cf. infra.
10
Le lexique grec de l’Oriental dans la poésie lyrique archaïque et chez Eschyle
Cette dernière évolution de la signiication du mot
Asie est liée aux changements politiques qui se
déroulèrent en Asie Mineure autour de la moitié du
vie siècle av. J.-C., à savoir la venue des Perses. Pareil
événement entraîna une nouvelle signiication du
mot « Asie » qui, comme on va le voir, tendit à se
superposer à l’idée d’empire perse : pour la première
fois, il existait un empire oriental en contact étroit
avec les Grecs, qui avait réuni à la fois les formations
étatiques du Proche-Orient et de l’Asie Mineure.
ESCHYLE [34]
Le discours sur l’idée d’Asie dans les tragédies
d’Eschyle n’est pas aussi linéaire qu’il pourrait
paraître, et les conclusions auxquelles on peut
parvenir sont loin d’être univoques. En effet, chez
Eschyle aussi, l’enquête lexicale met en lumière un
certain intérêt pour différents peuples et régions
non grecs, sans pourtant offrir de certitudes concernant les idées d’« Asie » et d’« Asiatique ». Même
si de tels concepts sont présents et, en comparaison avec ce que l’on a pu constater pour la poésie
lyrique, se rapprochent davantage des signiications
qu’on leur a attribuées par la suite, il est clair que
leur spectre sémantique est encore en évolution.
Ainsi, pour fonder toute considération ultérieure à
ce sujet, il faut sans doute partir de la destination
des œuvres d’Eschyle.
Les détails géographiques que l’on rencontre à plusieurs reprises dans les tragédies d’Eschyle ne sont
jamais invraisemblables. Néanmoins, il est possible
de constater un certain nombre de contradictions
d’une tragédie à l’autre : sans doute le poète a-t-il
eu recours, au cas par cas, à différentes visions
courantes de la géographie [35]. Ainsi, les tragédies eschyléennes ne témoignent pas tant d’un
souci de documentation et de précision propre à
l’auteur lui-même que de la volonté de produire une
impression chez le public qui assistait aux représentations théâtrales. Par exemple, les mots grâce
[34] Ce paragraphe a été écrit par Francesco Mari.
[35] Il devait y en avoir plusieurs et, pour longtemps
encore après Eschyle, elles ont dû faire l’objet de débats,
si « Erodoto (IV, 45, 2) protesta contro l’artiiciosità di
queste divisioni » (pRoNTeRa 2011a, p. 115).
[36] Eschyle, Agamemnon, 281-316.
[37] À la fois dans le Prométhée enchaîné (v. 700735) et dans les Suppliantes (v. 540-564). Au sujet de
l’itinéraire d’Iô chez Eschyle, voir l’étude, aussi pénétrante qu’approfondie, de boNNaFé 1991, qui consacre
aussi beaucoup d’espace à la pensée des chercheurs
auxquels Clytemnestre décrit au chœur le système
de signaux de feu qui ont permis aux habitants
d’Argos d’être informés de la prise de Troie [36].
Ces quelque quarante vers ne sauraient constituer
une simple démonstration de connaissance géographique : plutôt, lorsqu’il énumère les nombreux
sommets sur lesquels, pour transmettre le message
de victoire de la Troade à l’Argolide, un feu a été
allumé au cœur de la nuit, Eschyle vise à créer chez
les spectateurs un effet de distance, de profondeur
à la fois physique et temporelle. Il en va de même
pour d’autres passages de l’œuvre de cet auteur
qui concernent plus spéciiquement l’Asie envisagée
en tant que terre à traverser. Or, l’extension et les
limites — parfois imaginaires — de cette terre ne
sont pas toujours faciles à déterminer.
Les pérégrinations qui, selon le mythe, conduisirent Iô à travers l’Asie jusqu’à l’Égypte, par
exemple, sont décrites au moins deux fois par
Eschyle [37]. Comme on le sait, Iô est une
prêtresse du sanctuaire d’Héra à Argos lorsque
Zeus la remarque et se prend de passion pour elle.
Après maintes rencontres, pourtant, Zeus, craignant la vengeance de sa femme Héra, change Iô
en génisse. Dans un premier temps, Héra fait surveiller Iô par le géant Argos, mais, après la mort
de ce dernier, elle recourt à un taon qui, par ses
piqures continuelles, met en fuite la jeune vache
[38]. Son voyage est décrit par Eschyle dans le
Prométhée enchaîné, lorsque Iô, poursuivie par
le taon, arrive au Caucase et se met à dialoguer
avec le titan attaché aux rochers. La description du
passage d’Iô de l’Europe à l’Asie est contenue dans
une prophétie de Prométhée. Après être arrivée
aux bords du lac Méotide (l’actuelle mer d’Azov),
Iô devra traverser le détroit qui sépare ce dernier
du Pont-Euxin et qui tirera son nom de Bosphore
Cimmérien de cet événement [39].
Il n’est cependant pas aisé de conclure avec certitude, sur la base de ce seul passage du Prométhée
enchaîné que, pour Eschyle, la frontière du continent (ἤπειρος) asiatique [40] se trouvait au nord,
qui l’ont précédée, parmi lesquels on citera notamment
duChemiN 1979. Plus récemment, voir aussi Calame
2000, p. 127-135.
[38] Pour les différentes traditions mythiques sur Iô,
voir GaNTz 2004, p. 353-359.
[39] Eschyle, Prométhée enchaîné, 734-735 : « Laissant
le sol de l’Europe, tu prendras pied sur le continent
d’Asie. » (…Λιποῦσα δ’ Εὐρώπης πέδον / ἤπειρον ἥξεις
Ἀσιάδ’. Les textes grecs d’Eschyle sont tirés de l’édition
wesT [1991a, 1991b et 1992], les traductions françaises
sont empruntées à mazoN 1920-1925.)
11
Le lexique grec de l’Oriental dans la poésie lyrique archaïque et chez Eschyle
au niveau du Bosphore Cimmérien. En effet, nous
savons que — dans un fragment du Prométhée libéré
(191 TrGF) qui contient une description géographique comparable à celle que l’on vient de mentionner — cette frontière est placée ailleurs, sur le leuve
Phase (l’actuel Rioni, en Géorgie). Or, il est remarquable que le passage en question appartienne à
la même trilogie que le Prométhée enchaîné [41].
Pour résoudre cette incohérence, Alan Sommerstein
a récemment suggéré qu’Eschyle avait confondu
le Bosphore avec le Phase [42]. Mais peut-être
l’incohérence n’en est-elle une qu’aux yeux des
modernes : il se peut, en effet, qu’Eschyle n’ait pas
visé l’exactitude géographique, mais qu’il ait plutôt
adopté tour à tour la version de la géographie asiatique qui s’adaptait davantage à sa narration (Iô
igure seulement dans le Prométhée enchaîné, et
c’est justement en raison de sa présence que l’on
insiste sur l’importance du détroit du Bosphore)
[43]. Dans les Suppliantes (v. 544-546), d’ailleurs,
le Bosphore que le chœur mentionne au sujet du
passage d’Iô de l’Europe à l’Asie est le détroit qui
sépare le Pont-Euxin de la Propontide [44].
Le tracé de la frontière septentrionale entre l’Europe et l’Asie chez Eschyle apparaît donc lou et
partiellement conditionné par le contexte narratif à
l’intérieur duquel apparaît sa description. Mais que
comprend — ou semble comprendre — ce continent asiatique ? Quelles sont les régions qui en
font partie ? Il convient peut-être d’en rester, dans
un premier temps, à la fuite d’Iô décrite dans le
Prométhée et dans les Suppliantes. Après avoir traversé le Bosphore — poursuit le chœur des Danaïdes
dans les Suppliantes — Iô « se lance à travers l’Asie
[40] Bien que le choix lexical soit inluencé par les exigences poétiques et métriques de l’auteur, il n’est pas
anodin que le terme ἤπειρος soit appliqué ici à la seule
Asie, alors que l’Europe est évoquée par le mot πέδον.
[41] Qu’Eschyle ait bel et bien écrit une trilogie consacrée à Prométhée semble être un fait acquis. Il faut
néanmoins rappeler que la critique a exprimé des doutes
quant à l’authenticité du Prométhée enchaîné, que certains tiennent pour une œuvre postérieure au dramaturge (cf. par ex. GRiFFiTh 1977 et wesT 1979 ; contra
hubbaRd 1991). Si ces doutes devaient avoir quelque
fondement, l’incohérence que l’on vient de relever pourrait avoir trouvé son explication. Faute d’éléments probants, pourtant (cf. heRNáNdez muñoz 2003), nous préférons nous tenir aux attributions traditionnelles, sur
lesquelles nous basons également la possibilité de comparer le Prométhée enchaîné avec les Suppliantes (voir
boNNaFé 1991, p. 156). En général, sur la question, voir
saïd 1985, p. 25-63.
[42] Sur la base du fait qu’Hérodote aussi (IV, 45)
place la limite entre Europe et Asie dans la Colchide.
Cf. sommeRsTeiN 2009, I, p. 520-521 n. 85.
(ἰάπτει δ᾽ Ἀσίδος δι᾽ αἴας), coupe par la Phrygie
moutonnière, arrive à la cité de Teuthras en Mysie,
puis, par les vallons de Lydie, par-delà les monts
de Cilicie et Pamphylie aux leuves jamais taris, aux
pays d’opulence au terroir glorieux d’Aphrodite riche
en froment » [45]. Dans cette antistrophe, le verbe
ἰάπτει introduit une liste de terres (αἶαι) d’Asie : la
Phrygie, la Mysie, la Lydie, la Cilicie et la Pamphylie,
qui se trouvent toutes en Anatolie, puis la Phénicie
et la Palestine, appelées ici « terroir d’Aphrodite ».
Cette liste s’achève, dans la strophe suivante, avec
la mention de la « plaine de Zeus où s’écoule le
Nil » (v. 558-560) : l’Égypte. Est-ce que ce pays
représente, chez Eschyle, une partie de l’Asie ? La
lecture des Suppliantes ne donne pas cette impression. En effet, la liste de régions est construite de
manière à ce que l’Égypte ait une place indépendante par rapport aux αἶαι Ἀσίδος. Iô ne la traverse
pas, elle y arrive (ἱκνεῖται, v. 556). Du reste, dans
les Suppliantes, l’éponyme de l’Égypte est un descendant de Libye (v. 317-324), et la Libye comprend tout le territoire qui par la suite prendra le
nom d’Afrique.
S’ouvre à ce point la question du statut géographique de la Libye à l’époque d’Eschyle et, plus précisément, dans son œuvre : est-ce que, au début de
l’époque classique, ce territoire était tenu pour une
des parties majeures de la terre, à l’instar de l’Europe et de l’Asie ? Et dans la négative, ne faut-il pas
le considérer comme une sous-région, une sorte de
dépendance de l’Asie [46] ? Dans la mesure où ce
problème tourne autour des sources qu’Eschyle luimême avait à sa disposition, il n’est guère aisé de
fournir une réponse déinitive. Certains chercheurs
[43] Cf. boNNaFé 1991, p. 179 : « La carte mentale du
monde qui sous-tend les récits d’itinéraire du Prométhée
est beaucoup plus proche de celle d’Hésiode que de la
nôtre ou de ce que nous pouvons savoir des premières
cartes ioniennes. Elle situe dans un même espace ce qui
est purement humain et ce qui est divin […]. [E]lle fait
usage d’un concept de la réalité qui nous est étranger
et elle ne s’inscrit pas uniquement dans le plan ». Sur la
géographie d’Eschyle, voir aussi baCoN 1961, p. 49-56.
[44] Il en va de même dans les Perses (v. 65-72, 125132-736-737, 798-799).
[45] Ἰάπτει δ᾽ Ἀσίδος δι᾽ αἴας / μηλοβότου Φρυγίας
διαμπάξ· / περᾷ δὲ Τεύθραντος ἄστυ Μυσῶν / Λύδιά
τε γύαλα, / καὶ δι᾽ ὀρῶν Κιλίκων, / Παμφύλων τε
{γένη} διορνυμένα / γᾶν, ποταμούς τ’ αἰενάους / καὶ
βαθύπλουτον χθόνα, καὶ τὰν Ἀφροδί- / τας πολύπυρον
αἶαν (Eschyle, Suppliantes, 547-555. La traduction de
Mazon ne tient pas compte de l’intégration proposée par
West au vers 552).
[46] Cf. pRoNTeRa 2011c, p. 45 : « Al di là dell’odierno
istmo di Suez la “Libia” è […] concepita come un’appendice occidentale dell’Asia ».
12
Le lexique grec de l’Oriental dans la poésie lyrique archaïque et chez Eschyle
supposent que, pour les vers 16-58 des Perses — où
il dresse un catalogue de chefs de l’armée perse —
Eschyle a tiré son inspiration de l’œuvre d’Hécatée
de Milet [47]. Mais puisque nous ne connaissons
aucun fragment d’Hécatée contenant ne serait-ce
qu’une partie d’une liste semblable, l’hypothèse est
invériiable. Par conséquent, toute évaluation du
statut de la Libye par rapport à l’Asie chez Eschyle
doit être tirée de l’ensemble de l’œuvre d’Eschyle
lui-même. Sans surprise, la clé du problème a été
cherchée dans les Perses. Il n’en reste pas moins
que d’autres tragédies fournissent du moins un
élément de rélexion intéressant relatif à la place
géographique de l’Éthiopie. Sans entrer dans le
détail, on se contentera de remarquer que, chez
Eschyle, les deux Éthiopies, « africaine » et « orientale », parfois mentionnées dans les sources [48]
et homogènes quant à la couleur noire de la peau
de leurs habitants, semblent se toucher ; on dirait
presque qu’elles sont fondues en un seul pays qui,
tout en couvrant la marge méridionale du monde,
s’allonge vers l’est : ainsi, si dans les Suppliantes
le roi Pélasge mentionne des femmes indiennes qui
habitent à côté des Éthiopiens (v. 284-286), dans
un fragment du Prométhée libéré l’Éthiopie africaine
semble être rapprochée de l’océan indien [49], et
dans le Prométhée enchaîné le titan explique à Iô
comment remonter le leuve Aithiops depuis les
sources du soleil jusqu’au Nil [50]. Chez Eschyle,
[47] hall 1996, p. 15 fonde ses considérations à ce
propos sur Hérodote, Histoires, V 36, où l’historien d’Halicarnasse afirme qu’une fois, à Milet, Hécatée avait
dressé une liste de tous les peuples soumis à Darius pour
en montrer la puissance. Voir aussi supra, n. 31.
[48] Cf. Homère, Iliade, I, 423-425 ; XXIII, 206-207 ;
Odyssée, I, 22-26 ; V, 282-283 et 286-287 ; Hésiode,
Théogonie, 984-985 ; Hérodote, Histoires, III, 94 et VII,
70. À ce sujet, voir sNowdeN 1970, loNis 1981, p. 74-81
et boNNaFé 1991, p. 182 : « Sitôt que l’on accorde, dans
les poèmes consacrés à la défense d’Ilion, un rôle privilégié à Memnon l’Éthiopien, le peuple dont ce ils de l’Aurore est le roi tend inévitablement à se trouver lui-même
localisé au Levant du monde. […] L’Éthiopie des Grecs
[…] est d’abord un pays des conins. Sa caractéristique
essentielle est d’être au bout du monde. […] Dès l’Odyssée, les Éthiopiens sont représentés comme “partagés en
deux” […] et, de l’époque homérique à celle d’Auguste,
la situation dans l’espace des deux groupes d’Éthiopiens
dont on afirme l’existence ne cesse de varier en fonction
des époques comme des géographes ».
[49] Eschyle, fr. 192 TrGF : φοινικόπεδόν τ’ ἐρυθρᾶς ἱερὸν
/ χεῦμα θαλάσσης / χαλκοκέραυνόν τε παρ’ Ὠκεανῷ /
λίμναν παντότροφον Αἰθιόπων. (« Le lot sacré de la
mer Érythrée, / Roulant sur le sol pourpre l’onde / Aux
relets d’airain, au bord de l’Océan, / Nourricière des
Éthiopiens. » Trad. aujaC 1969.) Voir sommeRsTeiN 2009,
III, p. 201 : « The close connection made between the
Ethiopian Bay and the “Red Sea” [for the classical Greeks
l’Éthiopie semble donc se trouver à la fois en Asie et
en Libye. Plus précisément, ce pays au portrait quasi
mythique semble occuper une zone méridionale aux
frontières vagues où l’Asie et la Libye entrent l’une
dans l’autre, sans solution de continuité [51]. Or,
si cela ne constitue pas une preuve que, dans les
tragédies d’Eschyle, la Libye soit tenue pour une
sous-région de l’Asie, le statut ambigu, incertain et,
pour ainsi dire, mineur de la Libye par rapport au
continent asiatique en est renforcé.
Cette dernière considération nous fournit la base
de départ pour enin envisager la tragédie qui, plus
que toutes les autres, permet d’étudier l’idée d’Asie
chez Eschyle : les Perses. Reprenons d’abord nos
considérations sur l’Asie géographique et les régions
qu’elle contient. Nous avons déjà mentionné le
catalogue de peuples et de généraux composant
l’armée de Xerxès que — s’inspirant sans doute du
modèle homérique du νεῶν κατάλογος (Iliade, II
494-759) — Eschyle fait chanter par le chœur de
vieux Perses au début de la tragédie. La liste est
ouverte par la phrase πᾶσα γὰρ ἰσχὺς Ἀσιατογενὴς
/ ᾤχωκε (v. 12-13 : « la force née de l’Asie s’en
est allée tout entière ») [52], à laquelle font suite
la mention des villes de Suse et d’Ecbatane (v. 16),
de Cissie (v. 17), de l’Égypte (v. 34 et s.), du peuple
des Lydiens (« qui dominent tous les peuples de
leur continent [ἠπειρογενές] » [53], v. 41-43) et
de la ville de Sardes (v. 45), des Mysiens (v. 51),
this name denoted the whole Indian Ocean and its gulfs]
implies that we are to place it in the distant East ».
[50] Eschyle, Prométhée enchaîné, 807-812 : […]
Tήλουρον δὲ γῆν / ἥξεις, καλαὶνον φῦλον, οἳ πρὸς
ἡλίου / ναίουσι πηγαῖς, ἔνθα ποταμὸς Αἰθίοψ. / Τούτου
παρ’ ὄχθας ἕρφ’, ἕως ἂν ἐξίκῃ / καταβασμόν, ἔνθα
Βυβλίνων ὀρῶν ἄπο / ἵησι σεπτὸν Νεῖλος εὔποτον ῥέος.
(« Et tu arriveras alors en un pays éloigné, celui d’un
peuple noir, établi près des eaux du Soleil, au pays du
leuve Aithiops. Suis-en la berge jusqu’à l’heure où tu
atteindras la “Descente”, le point où, du haut des monts
de Biblos [sic], le Nil déverse ses eaux saintes et salutaires. ») Cf. boNNaFé 1991, p. 180 : « Nous ne connaissons pas plus de leuve Éthiops (Visage-Brûlé) dont
le cours mène à celui du Nil que de Monts des Papyrus
(Byblos) où situer la “Descente”, c’est-à-dire la Cataracte
qui marque l’entrée du Nil en Égypte. Mais il s’agit une
fois encore de “noms parlants” ».
[51] La même impression que l’on tire, d’ailleurs, en
lisant Hérodote : voir boNNaFé 1991, p. 184-188.
[52] Pour les solutions possibles aux cruces textuelles
qui suivent les mots que l’on vient de citer et les complètent, voir GaRvie 2009, p. 53 ad v. 12-13.
[53] Ici ἤπειρος est utilisé en relation à une idée plus
restreinte de l’Asie, correspondant à l’Asie Mineure : la
signiication plus ancienne et plus spéciique – qui oppose
la terre ferme aux îles de l’Égée – coexiste avec une
signiication plus récente et inclusive (pRoNTeRa 2011a,
p. 118).
13
Le lexique grec de l’Oriental dans la poésie lyrique archaïque et chez Eschyle
et de la ville de Babylone (v. 50). Le catalogue
s’achève par un propos qui reprend l’idée initiale :
τὸ μαχαιροφόρον τ᾽ ἔθνος ἐκ πάσης / Ἀσίας ἕπεται /
δειναῖς βασιλέως ὑπὸ πομπαῖς (v. 56-58 « [Derrière
eux,] accourant de l’Asie entière, vient le peuple à
l’épée courte, docile aux mandements terribles du
Roi » [54]). Nous avons dit qu’il est possible d’afirmer que, pour Eschyle, l’Égypte est une partie
de l’Asie : voilà la justiication textuelle sur laquelle
s’appuie pareil constat [55]. Le passage le plus
intéressant quant à cette question, cependant, est
contenu dans les vers qui font immédiatement suite
à ceux que l’on vient de citer :
Τοιόνδ᾽ ἄνθος Περσίδος αἴας οἴχεται ἀνδρῶν,
οὓς πέρι πᾶσα χθὼν Ἀσιῆτις
θρέψασα πόθῳ στένεται μαλερῷ,
τοκέες τ᾽ ἄλοχοί τ᾽ἠμερολεγδὸν
τείνοντα χρόνον τρομέονται.
Ainsi s’en est allée la leur des guerriers du pays
de Perse, et sur eux la terre d’Asie, qui fut leur
nourrice, gémit toute d’un regret ardent, cependant que parents, épouses, en comptant les
jours, frémissent du temps qui s’allonge. [56]
Ces quelques vers constituent la vraie conclusion, et le complément, du catalogue eschyléen.
Ils reprennent pour la deuxième fois l’idée des
vers d’ouverture (12-13), mais présentent une
variatio importante : ce ne sont plus les forces
de l’Asie qui sont parties (verbe οἴχομαι), mais
la leur des hommes de la Perse. L’Asie, quant à
elle, est représentée comme la nourricière de ces
hommes, selon une métaphore qui avait été introduite par l’ Ἀσιατογενής du vers 12 [57]. L’équation
d’Eschyle paraît donc claire : en ce catalogue, l’Asie
[54] Voir GaRvie 2009, p. 69, ad v. : « It is doubtful
whether any such distinction is intended here. As the
catalogue passes from the individual contingents to the
Persian forces as a whole, A[eschylus] recognizes that,
although the bow is his symbol for Persian ighting, many
of Xerxes’ troops fought with the sword, which has not
yet been mentioned ».
[55] Mais Eschyle semble opérer quelques distinctions
entre ces peuples, que l’on doit sans doute aux formes
différentes de domination que les Perses exerçaient sur
eux : cf. TouRRaix 1992-1993, p. 104.
[56] Eschyle, Perses, 60-64.
[57] En fait, l’Asie est représentée comme une
femme, voire une mère qui pleure pour la perte de ses
enfants (v. 61-62, 548-549). À maintes reprises, ce
portrait a été interprété comme une preuve de la vision
« orientaliste » d’Eschyle : voir said 1978, p. 21 mais
aussi hall 1996, p. 13 : « The effeminisation of Persia
is achieved by various means : […] Repeatedly marriage beds, cities, and the whole continent of Asia are
described as “manless” or “unmanned” (117-119, 289,
579-80, 730) whereas “men remain” to Athens (349) ».
et l’empire perse coïncident parfaitement [58].
Voilà donc, pourrait-on conclure, le point d’achèvement du processus par lequel — comme on l’avait
anticipé ci-dessus en analysant la poésie lyrique —
l’idée d’Asie chez les Grecs s’élargit progressivement suivant les évolutions géopolitiques proche et
moyen-orientales jusqu’à assumer une dimension
continentale. Aussi va-t-il de soi que, en ce contexte,
l’Égypte soit traitée en pays asiatique, puisqu’elle
est en effet un pays sujet des Perses et, comme
on l’a vu, le statut et le rapport géographique de
la Libye vis-à-vis de l’Asie elle-même ne sont pas
assez déinis pour qu’une telle attribution apparaisse impropre. Nous nous garderions, pourtant,
d’afirmer que cette représentation de l’Asie relète
strictement la conception de l’Asie chez Eschyle
ou ses contemporains [59]. Il convient, plutôt, de
faire valoir les mêmes considérations que nous
avons formulées ci-dessus à propos de l’usage des
informations géographiques en d’autres tragédies
d’Eschyle : la superposition de l’idée géographique
d’Asie avec l’idée géopolitique d’empire perse dans
les Perses a un sens dans la mesure où elle s’intègre
bien à l’économie de la tragédie. Le catalogue géographique sert également à transmettre au public
une image de la Perse cohérente avec l’idéologie
athénienne, qui présente la victoire des Grecs dans
les guerres médiques comme la victoire des vertus
morales et politiques d’un petit nombre de citésÉtats contre un empire aussi grand qu’un continent
[60]. Le catalogue découle de cette idéologie et, en
même temps, il la construit. La représentation géographique participe du souci de décrire les guerres
médiques comme un choc de civilisations : sous la
Pareille interprétation pourrait dépendre moins de la
source grecque que de la grille d’interprétation contemporaine et post-colonialiste de l’interprète.
[58] Dans les Perses, Ἀσία est utilisé neuf fois pour se
référer à l’empire perse : 12, 57, 73, 249, 270, 549, 584,
763, 929. Pour les autres périphrases et tournures dont
use Eschyle pour indiquer l’empire, voir TouRRaix 19921993, p. 101 n. 12.
[59] Ainsi par exemple pRoNTeRa 2011a, p. 116-118.
heRReNsChmidT 1976, p. 45 et bRiaNT 1996, p. 192
pensent quant à eux que pareille superposition pourrait
s’expliquer par une interpretatio Graeca comme domination sur une partie tout entière du monde de la prétention
typique des empires orientaux à dominer la totalité des
terres et des peuples.
[60] Cette idée est surtout exprimée par hall 1989 : du
moins quant aux Perses, cependant, il convient de nuancer
les conclusions de cette chercheuse, car il n’y a guère de
jugements de valeur sur les Perses qui transparaissent des
vers de cette tragédie : voir TouRRaix 1984 et 1992-1993,
p. 101 (plus nuancé) ; huTzFeldT 1999, p. 24-96. Cf. aussi
haRRisoN 2000 ; leNFaNT 2011, p. 196 ; leNFaNT 2013.
14
Le lexique grec de l’Oriental dans la poésie lyrique archaïque et chez Eschyle
conduite du Grand Roi de l’empire perse [61], c’est
le continent asiatique entier et tous ses peuples qui
s’attaquent à la Grèce (cf. v. 74-80, 268-271, 474475). À travers le jeu de miroirs qu’il construit en
adoptant le point de vue de l’ennemi, Eschyle arrive
ainsi à célébrer la grandeur de la Grèce en mettant
en scène le désespoir des Perses. Par conséquent,
nous sommes autorisés à croire que l’équation entre
l’empire perse et l’Asie n’est pas, simplement, une
idée propre à Eschyle lui-même ou à ses contemporains. Plutôt, il s’agit de l’idée du pouvoir des Perses
que les Athéniens attribuaient aux Perses euxmêmes en raison de leur hubris. Et en effet, lorsque
cette hubris s’effrite à la nouvelle de la défaite de
l’armée de Xerxès contre les Grecs, il en est de
même pour l’équation Asie-empire perse :
Tοὶ δ᾽ ἀνὰ γᾶν Ἀσίαν δήν
οὐκέτι περσονομοῦνται,
οὐδ᾽ ἔτι δασμοφοροῦσιν
δεσποσύνοισιν ἀνάγκαις,
οὐδ᾽ εἰς γᾶν προπίτνοντες
ἄρξονται· βασιλεία
γὰρ διόλωλεν ἰσχύς.
Et de longtemps, sur la terre d’Asie, on n’obéira
plus à la loi des Perses ; on ne paiera plus le tribut
sous la contrainte impériale ; on ne tombera plus
à genoux pour recevoir des commandements : la
force du Grand Roi n’est plus ! [62]
Les propos du chœur sont clairs : sans le pouvoir
du Grand Roi, l’empire n’existe plus, mais l’Asie
demeure à sa place. Ce n’était que par outrecuidance — en aura conclu le public d’Eschyle — que
les Perses avaient cru identiier leur gouvernement
à l’ensemble du continent asiatique. En réalité,
s’ils en étaient arrivés à un tel pouvoir, c’était
d’abord par la volonté de Zeus qui, comme l’afirme le fantôme de Darius aux vers 762-764, avait
décrété qu’un seul homme gouvernerait l’Asie (ἕν᾽
ἄνδρ᾽ ἁπάσης Ἀσίδος μηλοτρόφου / ταγεῖν ἔχοντα
σκῆπτρον εὐθυντήριον). Et de la même manière
qu’il l’avait autrefois concédé, l’Olympien avait
retiré ce privilège face aux excès aveugles du jeune
Xerxès, qui avait voulu dépasser les limites imposées par la nature pour marcher contre la Grèce
(v. 739-752) [63].
Le cas des Perses n’est pas différent de celui des
deux autres tragédies d’Eschyle : la description de
l’Asie y est soumise aux exigences de la narration et
aux messages que le poète souhaitait transmettre à
son public.
Ainsi, dans le cadre de l’expansion sémantique
progressive du concept d’Asie chez les Grecs des
époques archaïque et classique, l’œuvre d’Eschyle
témoigne non seulement de la maturité d’une phase
où le terme Ἀσία a désormais atteint l’extension
qu’elle conservera durant de longs siècles ; elle
témoigne également de la relative plasticité d’un
concept géographique encore en pleine évolution, aussi bien que des facteurs culturels qui, par
la suite, contribuèrent à sa stabilisation. Ces facteurs sont les mêmes que ceux qui déterminèrent
la popularisation du stéréotype de l’Oriental en tant
que barbare pourvu de toutes les caractéristiques
contraires aux vertus grecques.
CONCLUSION
De l’analyse lexicale ici menée, il est possible de tirer
quelques conclusions intéressantes. En premier lieu,
jusqu’à Eschyle, les attestations concernant l’Asie
ou les Asiatiques sont très peu nombreuses dans
les sources. Cela pourrait, certes, être dû à la transmission des textes, mais sans doute aussi à l’histoire même du terme grec Ἀσία et de sa famille. En
effet, dans la poésie lyrique archaïque aussi bien que
dans l’œuvre eschyléenne, le concept d’Asie semble
avoir un caractère évolutif ; en particulier, il paraît
lié à l’histoire politique de l’Asie Mineure jusqu’au
milieu du vie siècle av. J.-C. Avant la conquête de la
région par les Perses, on relève en effet l’absence,
dans les témoignages que l’Antiquité grecque nous
a légués, d’un mot susceptible d’indiquer les peuples
de ce territoire pris dans leur ensemble. Pareil mot
ne pouvait pas encore être Ἀσία, car il était employé
pour dénoter non tant le continent tout entier qu’un
territoire qui, en suivant les étapes de l’histoire politique du royaume de Lydie, avait ini par s’étendre
à toute la péninsule anatolienne. Ce n’est qu’après
l’annexion du royaume de Lydie à l’empire perse que
Ἀσία devient un synonyme du continent asiatique :
dans la pensée grecque de cette phase, inalement,
le toponyme et la réalité étatique semblent se superposer jusqu’à se confondre. Et néanmoins la naissance d’un tel macro-concept n’empêche guère que
des réalités ethnico-territoriales mineures continuent
d’être mises en valeur. En effet, parmi leurs multiples
[61] Πολυάνδρου δ᾽ Ἀσίας θούριος ἄρχων […]
χρυ- / σογόνου γενεᾶς ἰσόθεος φώς (v. 74 et 79-80 :
« L’impétueux monarque de l’Asie populeuse, […] le ils
de la pluie d’or, mortel égal aux dieux ». La référence
est à l’éponyme que les Grecs avaient attribué aux
Perses, Persée, dont la mère Danaé avait été fécondée
par Zeus en forme de pluie d’or).
[62] Εschyle, Perses, 584-590.
[63] Cf. jouaNNa 1981, p. 4-7 ; TouRRaix 1992-1993,
p. 100-101 ; GaRvie 1999, p. 23 et Cipolla 2011.
15
Le lexique grec de l’Oriental dans la poésie lyrique archaïque et chez Eschyle
facettes, les catalogues de peuples dressés par
Eschyle témoignent aussi d’une conscience grecque
de la vitalité — à l’intérieur de l’empire — d’identités locales diverses : l’Asie a beau être une, elle ne
demeure pas moins une idée composite. Selon l’objet
de leur intérêt, les Grecs n’hésitaient pas à employer
le mot Ἀσία soit pour indiquer l’empire perse dans
son ensemble (y compris l’Égypte) soit, en revanche,
pour souligner la présence contemporaine, à l’intérieur de l’empire lui-même, d’une multiplicité de
populations et de territoires divers [64].
D’un point de vue géographique, à l’époque
d’Eschyle et pour longtemps encore, le processus de
déinition des frontières et de l’extension de l’Asie de
la part des Grecs ne semble pas être achevé, mais
paraît encore faire l’objet de débats. Chaque position particulière dépend de facteurs qui incluent non
seulement l’adhésion à une des théories géographiques diverses qui existaient à l’époque, mais aussi
— comme l’analyse des tragédies eschyléennes l’a
démontré — des éléments contingents (le contexte
narratif) ou politico-idéologiques (l’inluence du
conlit gréco-perse).
Pour conclure, il convient de s’éloigner brièvement de la rélexion sur le lexique et de revenir sur
l’opinion d’Edward Said, selon qui, rappelons-le, la
première construction du stéréotype occidental sur
l’Asie et sur les Asiatiques se trouve dans les Perses
d’Eschyle. Sans doute vaut-il mieux afirmer que les
traits qui caractérisent les Perses et les Orientaux
en général chez Eschyle sont déjà présents dans les
sources précédentes ; les Perses sont le document
le plus ancien dont nous disposons qui rassemble
beaucoup de ces aspects, mais il n’est pas possible
d’exclure qu’il y ait eu d’autres témoignages, encore
plus anciens. Ainsi, le jugement de Said quant à
l’image des Orientaux dans les Perses apparaît,
somme toute, trop tranché. La position d’Eschyle
ne diffère guère de celle que l’on peut tirer des
témoignages lyriques et ne semble pas être aussi
nettement déinie au sens négatif qu’il avait paru à
ce chercheur : dans les sources grecques un petit
nombre d’éléments susceptibles de faire partie du
stéréotype orientaliste mis en lumière par Said pour
l’époque moderne coexistent en effet avec d’autres
jugements, même positifs, qui nous imposent de
nuancer toute conclusion.
[64] Il convient de remarquer d’ailleurs que la multiethnicité est un aspect fondamental de l’idéologie impériale perse : voir bRiaNT 1996, p. 184-216.
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