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Dossier
MIRANDA-PÉREZ, Fabiola (2015). Le rôle de l’expert social dans la mise en oeuvre de la politique
publique de lutte contre les violences conjugales au Chili. Nouvelles pratiques sociales, vol. 27, no 2,
p. 77-95.
Le rôle de l’expert social dans la mise en
œuvre de la politique publique de lutte
contre les violences conjugales au Chili.
Fabiola Miranda-Pérez1
Enseignante-chercheure, Escuela de Gobierno y Gestión Pública2
Université Academia de Humanismo Cristiano (Santiago du Chili, Chili)
Partant des travaux existants sur les dispositifs de gouvernement (Foucault,
2001 ; Ihl, Kaluszynski et Pollet, 2003) et sur la sociologie de l’expertise (Delmas, 2011), cet article cherche à analyser la mise en œuvre des deux dispositifs gérés par le Service national de la femme (Servicio Nacional de la Mujer
(SERNAM)) à partir d’une étude des pratiques menées par les professionnels
du secteur social auprès des femmes vivant des situations de violences au
sein de leur couple. Les dispositifs étudiés sont les « Maisons d’accueil pour
les femmes victimes de violences graves » et les « Centres de la femme ».
S’adressant principalement à un public marginalisé à cause de son appartenance à une classe défavorisée, il s’y met en place des pratiques visant à
contribuer à la ‘normalisation’ des femmes, par le biais de processus à but
émancipateur. Ainsi, dans cet article nous nous demanderons si les professionnels du social intégrés à ces dispositifs participent à la construction de
nouvelles altérités ou bien si leurs interventions continuent à reproduire un
système d’inégalités sociales présent au sein de cette société.
Mots clés : politiques publiques ; violences conjugales inégalités ; émancipation ; dispositifs.
Starting from the existing literature on governmental apparatus (Foucault
2001 ; Ihl, Kaluszynski; Pollet, 2003) and from the sociology of expertise
(Delmas, 2011), this article seeks to analyse the implementation of two institutions utilised by the National Women's Service (abbreviated to SERNAM in
Spanish). We begin with a study of the practices of professionals in the social
sector, who work with women suffering domestic violence. The institutions
studied are the "Refuges for women victims of serious violence" and the
"Women's Centres". These institutions cater mainly for a marginalised population, excluded from society because of their origins in the economically disadvantaged social classes. They implement practices that contribute to the
1 L’auteure est également doctorante en Science politique à l’Institut d’Études Politiques de Grenoble de l’Université de Grenoble 2 en France.
2
École de gouvernement et de gestion publique (traduction de la rédaction).
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'normalisation of women' through the distortion of processes with an originally
emancipatory aim. Thus, in this article we pose the question as to whether
social work professionals involved with these institutions participate in the
construction of new 'alterities' or whether their interventions constitute the reproduction of the system of social inequalities that is present it the core of this
society.
Keywords : public policy ; domestic violence ; inequality ; emancipation, devices.
INTRODUCTION
L’objectif de cet article est d’étudier la mise en place des programmes associés à la
politique publique de lutte contre les violences conjugales dans le Chili actuel. Depuis
l’adoption, en 2005, de la Loi 20 066 en remplacement de la Loi 19 325, de 1994,
portant sur les violences « intrafamiliales » (VIF), l’émergence ou bien la restructuration de différents dispositifs témoigne d’un intérêt croissant de l’État pour prendre en
charge une partie de la population concernée par cette question, notamment composée de femmes issues des milieux défavorisés.
Il est nécessaire de souligner que le nouveau corpus légal, qui demeure en vigueur à ce jour, appelle les autorités politiques à développer des politiques publiques
pouvant contribuer à la diminution des violences intrafamiliales3. Ainsi, la Loi transfère au Service national de la femme (Servicio Nacional de la Mujer SERNAM)4 la
responsabilité de mettre en place des actions et des programmes à cette fin. Gardant
à l’esprit ce dernier élément, nous allons nous centrer, dans le cadre de cette analyse, sur les politiques à caractère social et procéderons à l’étude de
deux programmes : les « Centres de la Femme5 » (Centros de la Mujer) et les « Maisons d’accueil » (Casas de Acogida) pour les femmes victimes de violences graves
dans le contexte intrafamilial. Ces deux dispositifs visent à intégrer une « perspective
de genre » au sein de leurs directives, à travers l’octroi aux femmes victimes des violences d’outils pouvant favoriser leur émancipation.
Compte tenu du contexte chilien et des derniers éléments signalés, cette
étude s’interroge sur l’efficacité des processus d’émancipation mis en place à
3
Article N°4, Loi 20 066 de 2005.
4
Agence étatique à rang ministériel créée en 1991, dépendante du Ministère de protection et planification sociale, et qui a comme objectif principal de promouvoir l’équité de genre à travers les politiques publiques.
5
Toutes les traductions (de l’espagnol au français) présentées dans le texte, incluant les extraits d’entretien,
sont de l’auteure.
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l’intérieur de ces deux programmes à l’intention des femmes violentées. Pour ce
faire, nous chercherons à savoir si ces programmes contribuent à diminuer les inégalités entre les sexes présentes dans les dynamiques de couple affectés par des situations de violence, ou bien s’ils contribuent plutôt, d’un point de vue intersectionnel,
à reproduire des inégalités tant de genre que de classe (Crenshaw et Bonis, 2005),
en devenant un dispositif de reproduction de celles-ci. Lorsque nous parlons de dispositif, nous entendons par là un instrument de contrôle qui permet d’établir quelles
sont les normes et les paramètres à suivre afin d’accomplir ce que l’État et la société
attendent des individus en utilisant des techniques et « savoirs experts » (Foucault,
2001; Ihl, Kaluszynski, et Pollet, 2003) visant l’obtention d’un résultat précis ou bien
d’un comportement. Dans ce sens, l’incorporation ces dernières années des psychologues et des travailleurs sociaux rend compte du besoin de l’État de prendre appui
sur leurs connaissances dans une arène qui, avant la Loi de 2005, comprenait essentiellement les professions juridiques. Par ailleurs, dans cette analyse, nous nous
demanderons également si les contraintes (durée prévue de l’intervention, caractéristiques du groupe ciblé par la politique, etc.) imposées aux travailleurs sociaux, fonctionnaires de l’État, favorisent des procédures à but émancipateur ou, si, dans un
souci de normalisation de la situation des bénéficiaires, les fonctionnaires assument
un rôle pédagogique. Ce dernier, au travers d’une prise de distance en termes
d’altérité (Jodelet, 2005), tend à considérer l’autre comme un sujet lointain devant
corriger la manière dont il mène ses rapports sociaux, à travers l’imposition d’un
mode de vie qui ne tient pas compte de sa propre identité.
Suivant la ligne travaillée par Jenson (2011), notre hypothèse questionne la
portée émancipatrice, en termes de genre, proclamée par la politique sociale chilienne destinée aux femmes affectées par les violences conjugales. Signalons ici que
nous entendons le concept d’émancipation selon les critères énoncés par Nancy
Fraser, c’est-à-dire, comme l’ensemble des processus visant « à mettre en lumière la
domination d’où qu’elle vienne, de la société comme de l’économie » (Fraser, 2011,
p. 26). De là, nous postulons que les buts émancipateurs énoncés par les deux programmes étudiés trouvent leurs limites dans la structure même desdits programmes,
puisqu’ils ne s’inscrivent pas une perspective de genre visant la fin d’un rapport de
domination. Ils se présentent plutôt comme une alternative palliative à l’inexistence
d’une politique publique. Tout cela, dans un contexte où le système capitaliste néolibéral régnant dans le pays depuis le début des années 1980 (Gárate, 2012) cherche
à réduire ses dépenses sans relâche dans le domaine de l’aide sociale, ce qui augmente les inégalités (sociales, économiques, intellectuelles) entre citoyens et citoyennes. De plus, nous pouvons penser que les pratiques des fonctionnaires accentuent aussi ces inégalités, en reproduisant des logiques de domination entre les
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hommes et les femmes, mais aussi entre les agents étatiques et les usagères, souvent minorisées.
Ce travail de recherche s’appuie sur l’analyse de trois documents officiels à
propos des violences domestiques produits par l’État chilien : Les Orientaciones técnicas para la intervención psicosocial con mujeres – (Directives techniques
d´intervention psychosociale avec des femmes) – (Gobierno de Chile, Servicio Nacional de la Mujer (SERNAM), 2012); le Informe de política social 2011 – (Le rapport
de politique sociale 2011) – (Gobierno de Chile, Ministerio de desarollo social,
2011) ; et les Orientaciones técnicas 2013. Modelos de intervención en terreno
Programa Chile Acoge (Lignes directrices 2013. Modèles d’intervention sur le terrain
du programme Le Chili accueille) – (Gobierno de Chile, SERNAM, 2013).
La présente étude a été aussi formulée à partir d’un travail de terrain au Chili
entre 2012 et 2013, où nous avons sélectionné parmi un total de 66 entretiens semidirectifs, 15 entretiens réalisés de manière individuelle auprès des professionnels du
domaine du social travaillant au sein des deux dispositifs étatiques signalés plus
haut. Les entretiens ont eu une durée moyenne d’une heure et les questions se sont
focalisées sur leur perception des destinataires de la politique publique, sur les actions menées par les dispositifs pour lutter contre les violences faites aux femmes,
sur leur opinion à propos de l’effectivité de leurs méthodes, et sur ce que signifie
pour eux le fait de travailler dans une perspective de genre.
Nous avons également inclus au sein des entretiens analysés ceux qui ont été
réalisés auprès de deux hautes fonctionnaires publiques ayant travaillé à la création
de la politique publique durant le premier gouvernement de la Présidente socialiste
(2006-2010) Michelle Bachelet, à savoir une ancienne ministre du SERNAM et une
ancienne directrice régionale de la même institution. Ces dernières ont été interrogées sur le processus de mise en œuvre initiale de la politique publique6.
Nous avons, par la suite, procédé à une analyse de contenu des discours en
suivant la méthode proposée par Bardin (2007). Cette méthode, tel que le souligne
Feller (1977, p. 123-124) « vise à une lecture seconde d’un message pour substituer
à l’interprétation intuitive ou instinctive une interprétation construite ». Ainsi, nous
avons analysé les discours sur la base des contextes où ils ont été formulés.
DE LA FAMILLE AU TRAITEMENT DES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES
6 Ce travail de terrain a pu compter sur le soutien de L’Institut des Amériques”de Paris, sous le volet Aides à la
recherche doctorale 2013.
81
La prise en charge des questions familiales par l’État chilien commence à voir le jour
pendant les années 1970 avec la création du Servicio Nacional de Menores (Service
national des mineurs, SERNAM), institution ayant pour finalité la protection de
l’enfance. Cependant, pendant la dictature militaire du général Augusto Pinochet
(1973-1989), l’État se distancie de ces questions, considérant que celles-ci relèvent
de la sphère privée. L’instauration dans cette période d’un système économique néolibéral donne lieu à la validation de ces arguments puisqu’il est nécessaire de diminuer les dépenses sociales en poussant les citoyens à développer des stratégies
individuelles pour pouvoir assurer leur bien-être. De ce fait, il faut attendre le retour
de la démocratie, en 1990, pour que se déclenche le processus d’inclusion de la famille en tant que cible des politiques sociales, fondé sur la reconnaissance et la visibilité de nouveaux acteurs auparavant délaissés par les politiques publiques : les
jeunes, les femmes et les peuples autochtones (Nations Unies, 2011). On assiste
donc à une politisation progressive de questions antérieurement considérées comme
relevant de la vie privée des individus, comme le montre l’adoption, en 1994, de la
Loi sur les violences intrafamiliales qui sera réformée en 2005. Ce processus est
marqué par la création de différentes institutions étatiques responsables de la prise
en charge des affaires familiales. Ce dernier élément vient bien illustrer
« l’amplification de secteurs sociaux couverts par la politique sociale » (Nations
Unies, 2011) vécue par l’État chilien ces dernières décennies. Par ailleurs, il nous
montre aussi la nouvelle préoccupation que constitue, pour ce pays, la situation des
familles. En ce sens, la mise en place de ces organismes à caractère « social » répond à la nécessité, pour cet État, de subvenir à certains besoins très spécifiques
liés à l’évolution et au changement des liens familiaux, ainsi qu’à la nécessité
d’apporter des réponses à des familles vivant des situations de précarité (Gobierno
de Chile, Ministerio de desarollo social, s. d.). C’est sous cet angle que la politique de
lutte contre les violences intrafamiliales prend forme. Les dispositifs ayant ce but
s’orientent donc vers la protection et la prise en charge des femmes et des enfants
exposés à de situations de violences dans l’intimité. Nous allons maintenant nous
pencher sur ce dernier point, à travers l’analyse de deux programmes dépendants du
Ministère de développement social implantés par le SERNAM : les Centres de la
Femme, et le dispositif Maisons d’accueil pour les femmes victimes des violences
graves en contexte intrafamilial.
LES DISPOSITIFS ÉTATIQUES
Les centres pour femmes victimes de violence intrafamiliale
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Très peu de temps après sa création en 1991, le Service national de la femme accentue ses efforts pour lutter contre les violences intrafamiliales, en instaurant un axe
d’action spécialisé dans la prévention de ce genre de violences. Cependant, à ce
stade, la prévention s’effectue uniquement par le biais de la diffusion, à l’échelle locale, d’information sur les droits, et ne prévoit pas un plan d’action au niveau national
(SERNAM, 1994). Ni les acteurs du secteur judiciaire ni ceux du secteur de la santé
ne disposent d’instruments ou d’instances spécialisées vers lesquelles dériver les
personnes ayant vécu des situations de violences dans la sphère privée. Ce manque
de réponses se reflète dans plusieurs sondages ainsi que dans les premières études
menées sur la mise en œuvre de la Loi de 1994 (Berríos, Bonnetoy et Preminger,
2000).
Dans ce contexte, les premières études soulignent que la Loi sur les violences
intrafamiliales ne peut être effective sans l’existence de dispositifs formels pouvant
accompagner les victimes dans leur processus de demande de justice et de suivi
psychologique. Ainsi, est créé, en 2001, à la charge du SERNAM, un programme
appelé « Centre d’attention intégrale et de prévention de la violence intrafamiliale »
qui a pour objectif de sensibiliser la communauté à ce que les violences impliquent
au sein de la famille (Ministère du développement social, 2011). Ce programme vise
également à diminuer « les niveaux de violence et les risques encourus par les
femmes qui se rendent dans les centres » (p. 231). En 2005, sa portée a priori « familiale » change, suite à la réforme de la Loi sur les violences intrafamiliales. En effet,
ces centres changent alors d’appellation et deviennent des Centres de la femme. De
ce fait, le programme change d’orientation et se focalise sur la réduction des « violences à l’encontre des femmes, spécialement celles produites dans les relations de
couple »7 (Gobierno de Chile, SERNAM, s. d. -b) laissant en arrière son approche
familialiste.
Les fonctionnaires travaillant au sein de ce dispositif mettent alors en place un
modèle d’intervention communautaire, qu’on peut brièvement présenter ainsi : les
femmes bénéficiaires travaillent dans des ateliers groupés pendant une période qui
va de six mois à un an. Par le biais de ces interventions, le programme cherche à
« octroyer une instance locale de référence, contention, protection et attention aux
femmes qui vivent des violences, en fortifiant leurs habilités personnelles […] et en
créant une conscience de la violence de genre et de ses risques » (SERNAM, 2013).
En outre, le programme comprend un service d’assistance juridique, qui peut représenter les femmes issues de milieux défavorisés devant un tribunal de manière gra-
83
tuite. Il faut signaler que la plupart des fonctionnaires et agents qui travaillent dans
les Centres de la femme sont des professionnels du domaine « social », notamment
des travailleurs sociaux et des psychologues. Actuellement ce dispositif compte 94
locaux distribués dans les quinze régions du pays (SERNAM, s. d. -b).
Les hébergements d’urgence
Avec l’adoption de la nouvelle Loi sur les violences intrafamiliales en 2005, l’action
publique intègre une nouvelle ligne d’action : la protection des victimes, qui s’ajoute
au volet préventif. Ce nouvel aspect du dispositif s’occupe de la réparation des situations vécues par les victimes. Ainsi le secteur de la justice crée des dispositifs de
protection et le secteur du social, à travers le SERNAM, crée un nouveau programme : les Maisons d’accueil pour les femmes victimes des violences graves en
contexte intrafamilial. Le dispositif est mis en œuvre pour la première fois en 2007,
pendant le premier mandat de Michelle Bachelet et s’inspire du modèle d’intervention
espagnol8. Ces centres sont pensés comme un hébergement temporaire pour les
femmes victimes de violences et pour leurs enfants. Il s’agit d’un endroit isolé, placé
dans une commune différente de celle du domicile conjugal. Les femmes et leurs
enfants sont hébergés dans ces « maisons » pour une période de trois mois maximum. Toutefois, dans certains cas particulièrement compliqués, les professionnels
peuvent décider d’étendre la durée du séjour au sein de la structure9. Les Casas de
Acogida s’adressent exclusivement à une population vivant des situations de violences conjugales considérées comme à « haut risque » par les tribunaux pénaux ou
par les tribunaux civils, suite à la réalisation d’une évaluation par questionnaire permettant de mesurer le degré de risque associé à la situation particulière de la victime.
À l’intérieur des maisons d’accueil, les fonctionnaires mènent, auprès des
femmes et leurs enfants, des interventions destinées à la réparation psychologique
du traumatisme associé au vécu des violences, des ateliers de développement personnel, etc. Ainsi, les fonctionnaires réalisent des actions destinées à faciliter
l’insertion des femmes sur le marché de l’emploi, et établissent des connexions entre
elles et d’autres institutions de l’État pouvant leur apporter du soutien (Ministère du
8 Information obtenue en entretien avec une ex Ministre du Service National de la femme, mené en décembre
2012.
9 Cela n’est pas annoncé dans les lignes directrices du programme Casas de Acogida, mais il s’agit d’une situation possible selon l’expérience des professionnels interviewés. Ainsi, lorsqu’ils ont les moyens de garder
les femmes dans les maisons d’accueil, ils le font selon le cas de chacune.
84
développement social, 2012, p. 231), en termes d’accès aux soins de santé et au
logement, entre autres.
Le réseau des Maisons d’accueil couvre l’ensemble du territoire: actuellement
il en existe 24 réparties en fonction de la population régionale. Parmi ces 24 centres,
23 prennent en charge des situations de violences intrafamiliales et 1 s’occupe des
femmes victimes de la traite des personnes, où se concentre une population
d’immigrées venues notamment d’autres pays de l’Amérique latine (Gobierno de
Chile, SERNAM, s. d. -a).
En termes pratiques, ces deux instances, les Casas de Acogida et les Centros
de la Mujer, ont instauré au sein du SERNAM une nouvelle catégorie professionnelle
qui cherche à mettre en lien le domaine de la psychologie et le travail social, ce qu’ils
appellent le « binôme psychosocial ». En raison de cette réalité, nombreuses sont les
tâches que peuvent assumer indifféremment le psychologue ou le travailleur social,
ce qui révèle que les frontières entre disciplines vont à l'encontre de l’intervention
que veut assurer le SERNAM. Ainsi, nous pouvons remarquer que cette transdisciplinarité est une compétence valorisée par l’institution, laquelle associe ce savoirfaire à une expertise. En d’autres termes, le binôme psychosocial équivaut à
l’expertise dans le domaine de l’intervention en violence conjugale. De ce fait, ce professionnel est celui qui peut intervenir de manière légitime dans n'importe quelle problématique à laquelle peut être soumise une victime de violences conjugales.
Public concerné : le souci de la catégorisation
Les deux programmes s’adressent aux femmes affectées par des violences conjugales, sans condition d’appartenance à un groupe socioéconomique spécifique.
Néanmoins, on observe que les principales usagères des dispositifs sont des
femmes en situation de dépendance économique, provenant des secteurs les plus
défavorisés de la population. Les fonctionnaires des deux dispositifs s’entendent
pour décrire les profils des bénéficiaires de la manière suivante10 :
10
Les noms utilisés sont fictifs
85
Ce sont des jeunes, super jeunes, la moyenne d’âge des femmes qui sont là est de 25 ans..
Elles n’ont pas beaucoup d’études. […] Elles ont beaucoup d’enfants, et elles sont dans des
situations de grande vulnérabilité mais ce n’est pas seulement à cause des violences infligées
par leur partenaire… Ce sont des femmes qui ont peu d’autonomie […], dans des ambiances
très vulnérables, c’est-à-dire, d’extrême pauvreté, des secteurs très marginaux. (Carolina,
psychologue d’une Maison d’accueil d’une localité vulnérable de Santiago du Chili)
Dans les Maisons d’accueil, les femmes hébergées sont confrontées à un risque plus élevé,
mais ici [Centres de la femme] nous avons aussi eu des cas similaires… Cependant elles ont
de meilleures ressources pour s’en sortir. Entre les Maisons d’accueil et les Centres de la
femme, le profil général [des femmes] se ressemble : faible capacité d’autoprotection, secteurs de bas revenus, elles ont entre 20 et 35 ans… elles ont aussi en commun, en général,
des droits reniés pendant l’enfance, liés à des thématiques d’abus sexuel. Difficile à catégoriser mais c’est comme ça. (Daniela, travailleuse social d’un Centre de la Femme près de Santiago du Chili)
Il est intéressant d’observer par le biais de ces deux discours que les dispositifs s’adressent à une population considérée comme vulnérable à l’intérieur de la société chilienne. En dépit de l’existence d’une définition inclusive du public concerné
par les programmes, ces discours finissent par catégoriser la population bénéficiaire
par le biais des intersections (sexe, âge, et classe sociale) qui créent et caractérisent
le statut de « victime » (Lascoumes et Le Galès, 2004). De ce fait, la politique sociale, malgré son caractère non exclusif, se centre, en pratique, sur un groupe considéré comme dépendant vis-à-vis de l’État en raison de l’absence de moyens propres.
Pour les fonctionnaires interrogés, il existe l’idée que les femmes appartenant à des
secteurs plus aisés n’auront pas besoin de demander du soutien à l’État parce
qu’elles sont des sujets jugés plus autonomes, qui peuvent décider quand et où solliciter de l’aide. En conséquence elles ne se configurent pas comme un public cible de
la politique :
Peu nombreuses sont les femmes qui, ayant à leur disposition des moyens et des réseaux,
vont se rendre dans les Maisons d’accueil. (Andrea, psychologue, Coordination nationale du
Programme Maisons d’accueil,, entretien réalisé à Santiago du Chili)
Les femmes [violentées] qui ont une situation économique plus avantagée, vont probablement
se payer un psychologue, au lieu d’avoir recours à l’appareil public. (Paula, psychologue,
Coordination nationale du Programme Maisons d’accueil, entretien réalisé à Santiago de Chili)
86
DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA POLITIQUE PUBLIQUE
L’expert psychosocial et leur rapport à l’intervention
Sans aucun doute, le principal objectif de ces dispositifs est la lutte contre les violences à l’encontre des femmes, spécialement celles qui peuvent mettre en péril leur
intégrité physique et psychologique. Dans cette perspective, d’après le récit des fonctionnaires, un processus de réparation des effets des violences conjugales sur les
femmes est mis en œuvre : « En leur facilitant l’acquisition des outils pour commencer un nouveau projet de vie, […] un élément central [du processus] est le développement de l’empowerment par la femme elle-même » (Gobierno de Chile, SERNAM,
2012b, p. 21).
La mise en place de ces deux dispositifs fait apparaître la figure d’un nouvel
expert en matière de violence conjugale, tel qu’annoncé plus haut : le professionnel
psychosocial, qui est généralement un psychologue ou travailleur social devant
mettre en œuvre la politique publique. Si nous considérons que l’appel à l’expertise a
fait partie des processus de modernisation des États, afin de faciliter la tâche aux
gouvernements, étant donné la nécessité de la maitrise des connaissances bien particulières sur la population (Delmas, 2011). L’émergence de cet expert peut
s’expliquer par l’amplification des arènes d’intervention du secteur social depuis les
années 1990, et donc par l’augmentation de l’offre de travail dans ce secteur. Mais
elle peut également s’expliquer par le besoin de légitimiser les processus mis en
place au sein des dispositifs, qui ont pour objectif de normaliser les conduites de
celles qui sont l’objet de leur intervention.
Malgré ce qui a été dit précédemment, la spécialisation en matière de violences intrafamiliales s’est amorcée au sein de l’administration nationale avec
l’intégration des professionnels du social aux équipes de coordination national à
l’intérieur du SERNAM. Ensuite, ces professionnels ont aussi été intégrés au niveau
local au sein des dispositifs, ce qui a « diminué » l’importance qu’avaient les avocats
dans les processus de réparation des victimes, par une vision plus globale qui tient
compte de l’ensemble des situations affectant les destinataires de la politique publique. Dans les deux dispositifs, les actions menées auprès des femmes violentées,
selon les lignes directrices de l’intervention psychosociale développées par le SERNAM, doivent pouvoir contribuer à l’émancipation et à l’autonomisation des femmes
bénéficiaires. Ces actions sont identifiées et mentionnées par les fonctionnaires :
Dans les Maisons [d’accueil] s’effectue un travail psychologique principalement focalisé sur le
fait de rendre visible la violence envers les femmes, en leur apprenant à s’autoprotéger. Dans
87
l’idéal nous réalisons un travail d’empowerment, en les orientant vers d’autres instances de
travail. L’idée c’est qu’elles soient au moins capables de visualiser les risques de la violence
subie. (Paula, psychologue, Coordination nationale du Programme Maisons d’accueil,, entretien réalisé à Santiago de Chili)
.
Nous cherchons à ce que la femme soit le moins longtemps possible dans la Maison
d’accueil. Il s’agit fondamentalement d’activer les réseaux de protection et les stratégies
d’autoprotection le plus vite possible. En fait, l’idée est que la femme soit le moins de temps
possible éloignée de son entourage, et de la possibilité de travailler. (Daniela, travailleuse social d’un Centre de la Femme près de Santiago du Chili)
Nous ne prétendons pas qu’une femme soit guérie dans une Maison d’accueil, on essaie au
moins qu’elle prenne conscience de la violence et du risque des dynamiques de violence.
C’est un travail à court terme, mais l’objectif est aussi difficile, car nous avons d’autres objectifs tels que l’empowerment, qui ont besoin d’un traitement plus profond. » (Carolina, psychologue d’une Maison d’accueil d’une localité vulnérable de Santiago du Chili)
Nous observons donc que les objectifs d’émancipation des femmes se voient
restreints à cause de la structure des deux programmes, étant donné que les deux
sont destinés à fournir une courte période d’intervention (3 mois maximum dans les
maisons d’accueil et entre 6 mois et un an pour les centres de la femme). Mais les
objectifs sont également restreints par des facteurs liés aux capacités cognitives des
femmes auprès desquelles s’effectue l’intervention; capacités « affaiblies » qui, du
point de vue des fonctionnaires, empêchent d’avancer vers l’objectif de la politique
publique. En conséquence, du point de vue des professionnels, le travail de terrain
finit par s’orienter principalement selon trois axes, malgré les lignes directrices des
programmes: d’abord, prendre conscience des rapports violents, pour que les bénéficiaires puissent comprendre leur vécu comme « anormal ». Deuxièmement, les experts doivent identifier et définir avec les femmes des stratégies de protection, ou, en
d’autres termes, comment éviter de s’exposer à des situations pouvant les mettre en
danger. Et finalement, encourager les femmes subissant des situations de violence
conjugale à dénoncer les situations vécues devant la justice. Ainsi, l’objectif
d’émancipation et de prise de conscience du rapport de domination est un objectif à
long terme qui ne peut pas se mettre en place, étant donné le manque d’outils qu’ont
les femmes qui fréquentent les dispositifs. C’est pourquoi les psychologues et les
travailleurs sociaux estiment que le temps qu’ils ont pour leur intervention est généralement en décalage avec les dommages subis par les femmes : il implique, selon ces
fonctionnaires du psychosocial, un travail d’apprentissage majeur de conduites pour
les femmes et leur entourage que les structures actuelles ne permettent pas de
mettre en place.
88
Genre et violences au sein du couple
Les deux dispositifs étudiés sont conçus, dans les directives établies par le SERNAM, comme des lieux pouvant permettre aux femmes de questionner leur place à
l’intérieur de la société à travers leur participation à des ateliers animés par des professionnels du champ psycho-social. Ces ateliers ont pour objectif de leur montrer
que leur condition de femmes ne doit pas les amener à naturaliser les violences subies. Par conséquent, les programmes aspirent à travailler selon une « perspective
de genre », qui, selon les lignes directrices du SERNAM, cherche à montrer que les
violences envers les femmes «opèrent comme un mécanisme [de contrôle] social qui
perpétue l’intériorisation de la subordination des femmes » (Gobierno de Chile,
SERNAM, 2012b, p. 17). Les discours des fonctionnaires nous montrent de quelle
manière ils comprennent ce mandat, et la marge de manœuvre dont ils disposent
pour le mettre en place :
Nous faisons des ateliers éducatifs pour leur montrer [aux femmes] ce qui est machiste, et
ensuite nous travaillons sur la base de l’équité de genre. Ça c’est l’orientation transversale,
l’équité de genre, c’est-à-dire : il n’y a pas de supériorité de genre. Au cours des interventions
nous leur montrons un peu ce qu’est la domination, la soumission, et nous travaillons au niveau relationnel, […] pour pouvoir leur montrer les normes d’interaction : asymétriques et symétriques. (Carolina, psychologue d’une Maison d’accueil d’une localité vulnérable de Santiago du Chili)
Pour nous, l’accueil et le travail avec les femmes consiste à les respecter en tant que personnes. Les femmes qui arrivent ici, en général, sont très endommagées et elles ont des difficultés à prendre des décisions. Elles ont besoin que quelqu’un leur dise que ce n’est pas de
leur faute, et que ce n’est pas leur responsabilité. […] La perspective de genre, elle est cruciale, à mon avis… Cependant, l’autre jour pendant une conversation de l’équipe sur la perspective de genre, afin de savoir si on comprenait tous le concept de la même manière, un collègue psychologue a dit : « en réalité ça fait 2 ans que je suis en train de travailler ici, et la vérité c’est que je ne sais rien sur le genre ». Alors en vrai, tu ne peux pas travailler sur ce sujet
et n’avoir aucune notion de genre, mais ça arrive. (Valeria, travailleuse social d’un Centre de
la Femme à Santiago du Chili).
À partir de ces deux extraits d’entretiens, nous observons que la perspective de
genre se voit évoquée en tant qu’outil technique de référence pour les interventions
afin de montrer aux femmes les rapports dans lesquels elles se trouvent immergées,
mais qu’elle n’opère guère comme un concept permettant de dénaturaliser les rap-
89
ports de domination existants entre hommes et femmes. Il s’agit principalement de
mettre en évidence que leurs normes de comportement ne s’accordent pas avec ce
qui est attendu par la société. Le travail socioéducatif vise à leur apprendre des conduites comprises comme normales par les professionnels experts du secteur psychosocial. Paradoxalement, on observe que le manque d’expertise de certains fonctionnaires conditionne le traitement reçu par les femmes victimes de violences. En
effet, lorsque l’on assume que leur problème est principalement la conséquence
d’une situation de précarité, l’attention ne se centre pas sur le questionnement des
normes de genre présentes dans la société, mais sur une prestation de services où
les inégalités de genre demeureront, suivant la logique de reproduction de celles-ci
en rapport avec des autres inégalités, conséquence de leur situation socioéconomique.
Le professionnel psychosocial face au sujet
Lors de nos visites dans différents centres et de nos rencontres avec des professionnelles, des psychologues et des travailleuses sociales, nous avons pu nous
rendre compte à quel point les représentations que celles-ci ont des victimes conditionnent les interventions. Pour les fonctionnaires, ces femmes vivent « hors des
normes » à cause de leur manque de scolarisation et de leurs conditions de vie associées à la pauvreté 11 . Le fonctionnaire psychosocial se représente lui-même
comme un individu distant de la réalité vécue par le sujet d’intervention. Ces différences, souvent considérées de manière négative par les fonctionnaires justifient les
interventions, lesquelles prennent la forme d’un processus socioéducatif conduisant
à la transmission, aux femmes bénéficiaires des dispositifs, de conduites jugées plus
adaptées aux yeux de la personne ou du groupe chargé de mettre en place la politique publique. Cela a pour conséquence que ces deux programmes opèrent finalement comme un autre mécanisme de contrôle d’un groupe social sur un autre. Ainsi,
les femmes destinataires transmettent ce contrôle d’un sujet à un autre, ce qui nous
fait questionner leur portée émancipatrice.
Au cours de nos entretiens, par ailleurs, nous avons constaté chez les fonctionnaires du secteur psychosocial que ceux-ci assument le caractère normalisateur
de leurs interventions, à savoir l’apprentissage de leur propre mode de vie – généra-
11
Information obtenue à travers des entretiens et des dialogues informels tenus avec les interviewées.
90
lement assez éloigné de celui des victimes - aux femmes victimes de violences, ce
qui implique, de leur point de vue, l’acquisition d’un niveau plus élevé de bien-être
pour la population-cible (Foucault, 1988). Cependant, même si les professionnels
psychosociaux sont conscients des difficultés de la mise en œuvre effective, dans la
vie des femmes, de leur propre mode de vie, ce dernier est représenté comme celui
qui pourrait permettre l’émancipation des sujets auprès desquels s’effectue le travail.
Comme le signale l´historienne Joan W. Scott, le concept d’émancipation a
été, dans l’histoire, associé à celui de liberté, mais il n’a pas existé de lien direct avec
celui d’égalité. Ainsi,
« L’égalité en droit repose sur l’abstraction de l’individu, ce qui gomme, chez celui-ci les relations de pouvoir dans lesquelles il se situe. Et l’extension de l’émancipation à des groupes exclus jusque-là n’altère pas les structures de domination dans le domaine social »(Scott, 2014,
texte de la Communication Émancipation et égalité, presenté au Congrès « Penser
12
l´émancipation », Paris, Nanterre, Février 20144) )
La différence de classe est le principal point de départ de la distance qui se
crée entre le professionnel du social et le sujet auprès duquel est menée
l’intervention. L’usagère est souvent minorisée à cause de sa condition socioéconomique. La reproduction de logiques de domination de classe alimente celle du
genre, lorsque l’on considère que la première définit la seconde. Dans ces conditions, suivant la ligne de Scott (2014), les objectifs d’émancipation poursuivis par la
politique publique « de violence intrafamiliale » se voient restreints à cause des inégalités présentes au sein de la société, qui se fondent sur des représentations sociales souvent mobilisées par les fonctionnaires du secteur des violences conjugales
eux-mêmes. En revanche, il faut noter que chaque Centre de la femme ou Maison
d’accueil mobilisera des moyens différents d’approche envers l’usagère. Nous ne
pouvons pas généraliser sur les pratiques des fonctionnaires, même si la tendance,
lors de nos entretiens, nous révélait cette situation.
12
Émancipation et égalité : une généalogie critique. [Contribution au Colloque au Penser l'émancipation, organisé par le réseau « Penser l’émancipation » et le laboratoire Sophiapol, à l’Université Paris-Ouest Nanterre, du 19 au 22 février 2014.] Récupéré de : http://www.contretemps.eu/interventions/émancipationégalité-généalogie-critique
91
CONCLUSION
Nous avons pu identifier l’existence d’un décalage entre les objectifs des programmes visant à octroyer des outils aux femmes violentées pour les rendre plus
autonomes et les vrais moyens mis à disposition pour traiter la problématique (qui
demeurent restreints). Cependant, cela n’est pas le seul obstacle à l’application de la
politique publique, puisque les discours des fonctionnaires rendent aussi compte de
leur perception du public concerné par les programmes. Ce public, à leur avis, étant
donné son manque d’outils cognitifs et son degré d’endommagement issus des violences intergénérationnelles13, se constitue lui-même comme un frein pour pouvoir
atteindre les objectifs ultimes d’émancipation promus par la politique publique. De
cette manière, ils se disent contraints de ne pas toujours pouvoir donner des services
qui puissent intégrer la perspective de genre utilisée par l’État. De ce fait, dans la
plupart de cas, les interventions sur le terrain se sont limitées à rendre visible le
risque que les violences conjugales peuvent constituer, afin d’assurer d’abord la sécurité physique des femmes. Par conséquent, les processus d’émancipation sont
secondaires par rapport aux objectifs de protection des victimes que les dispositifs
étudiés se sont fixés.
L’expert psychosocial face à cette population minorisée assume un rôle pédagogique qui se présente comme la transmission de ses propres normes de vie aux
femmes bénéficiaires des programmes publics, sans considérer les spécificités du
public ciblé. Il est espéré et attendu que « l’autre » intériorise des comportements qui
sont très souvent en décalage avec la réalité qu’elle vit. C’est pourquoi nous pouvons
dégager de cette analyse que les programmes étudiés se constituent comme un dispositif du gouvernement pour les femmes victimes de violences, dans le sens où ils
cherchent, à travers l’intervention de leurs experts, à pouvoir contrôler et changer les
conduites des destinataires. Cela signifie qu’elles ne sont pas un sujet actif de leur
processus de réparation, mais un sujet qui doit intégrer des normes considérées
comme adéquates par un groupe socioéconomique (plus aisé) sur un autre (défavorisé). Ce qui, selon notre opinion, va à l’encontre des processus d’émancipation ou
d’autonomisation des individus.
Cependant, au Chili, les dispositifs analysés continuent d’être les principaux
outils pour faire face à la problématique de la violence de genre au sein du couple, et
se configurent comme les réponses étatiques apportées à la question. Sans doute,
ces programmes relativement récents doivent continuer à évoluer afin de s’adapter
13
Nous nous référons ici au fait que les violences font partie de la vie des personnes, enfance, adolescence et
âge adulte, de telle sorte qu’elles ont toujours été confrontés à un agresseur. De même, les agresseurs mêmes
ont été agressés. De ce fait, la violence est intégrée dans leur rapports avec les proches et dans leur quotidien.
92
aux réalités auxquelles les agents étatiques sont confrontés au cours de leur travail.
Par ailleurs, il est aussi important de retravailler la manière avec laquelle les politiques cherchent à contribuer à l’émancipation des citoyennes bénéficiaires afin
d’éviter de retomber sur des dynamiques qui finissent par ne guère participer à ce
processus.
93
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février
2014.]
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http://www.contretemps.eu/interventions/émancipation-égalité-généalogiecritique