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Annales des Sciences Agronomiques 20 – spécial Projet Undesert-UE : 177-185 (2016) ISSN 1659-5009 MÉTHODES DE COLLECTION D’HERBIERS M. SCHMIDT*, A. OUÉDRAOGO**, S. DRESSLER***& A. THIOMBIANO** * Senckenberg Biodiversity and Climate Research Centre (BiK-F), Data and Modelling Centre, Senckenberganlage 25, 60325 Frankfurt am Main, Germany ** Université de Ouagadougou, Laboratoire de Biologie et Ecologie Végétales, 09 BP 848 Ouagadougou 09,Burkina Faso ***Senckenberg Research Institute and Natural History Museum, Department of Botany, Senckenberganlage 25, 60325 Frankfurt am Main, Germany RÉSUMÉ L’herbier est un outil fondamental pour la gestion de la diversité végétale. C’est pour cela qu’il convient d’outiller les gestionnaires forestiers et les botanistes débutants sur les bonnes pratiques en matière d’herborisation et de préparation des échantillons d’herbier. C’est l’objet du présent article qui informe sur le concept et l’importance de l’herbier et donne des indications sur les pratiques à adopter au cours des différentes étapes de sa réalisation. Le matériel nécessaire étant réuni, les étapes fondamentales pour la réalisation d’un herbier sont l’herborisation, les informations de terrain à noter, le séchage et pressage des échantillons, le montage, l’étiquetage et la conservation des spécimens. Pour chaque étape, le matériel technique utilisé est cité ainsi que les méthodes pour parvenir à la réalisation d’une bonne collection d’herbier. Mots-clés : documentation, herbier, collections d'histoire naturelle, systématique HERBARIUM COLLECTION METHODS ABSTRACT The herbarium is a fundamental tool for the management of plant diversity. That is why it is appropriate to empower forest managers and novice botanists on good practices for preparing herbarium samples. This is the aim of this paper that provides information on the concept and importance of herbarium and provides guidance on the practices to adopt during the different steps of its implementation. Having the necessary equipment, the basic steps for making a herbarium are specimen collection, field information gathering, drying and pressing, assembling, labeling and packing specimens. For each step, the technical equipment is cited and the methods to achieve the realization of a good herbarium collection are described. Keywords: documentation, herbarium, natural history collections, systematics INTRODUCTION Concept d’herbier L’herbierest une collection d’échantillons (specimen) de plantes, généralement séchés, pressées et montés. Quelquefois des échantillons de bois ou d’autres organes végétaux sont conservés dans l’alcool à ce sujet. Les Publié en février 2016 Schmidt et al. échantillons conditionnés sont conservés à long terme pour servir des travaux de recherche (notamment en Taxinomie,Systématique et Biogeographie) mais également de banque de données floristique. Le terme herbier (herba rium) désigne aussi l’établissement ou l’institution qui assure la conservation de la collection des échantillons. Il appartient souvent à uneuniversité, à un musée, à un institut de recherche ou à un jardin botanique. Un catalogue à l’échelle mondiale des herbiers, l’Index Herbariorum (Thiers (continuellement mis à jour, http://sweetgum.nybg.org/ih/ ; la version imprimée précédente est : Holmgren et al., 1990) répertorie près de 3400 herbiers renfermant environ 350 millions d’échantillons de plantes. Cet index assigne à chaque herbier une immatriculation officielle qui est utilisée par exemple dans la citation des spécimens. Les importantes collections d’herbier de l’Afrique de l’Ouest sont conservées dans les pays de la région mais également en Europe. Dans le cas particulier des premières collections avec des types (échantillons de référence) qui sont importants pour la taxonomie, elles sont généralement déposées dans les pays colonisateurs comme en France (Muséum national d'histoire naturelle de Paris (P)) et aux Royaumes Unies (Royal BotanicGardens de Kew à Londres (K)). Les autres collections européennes sont aussi connectées à l’Afrique de l’Ouest par l’intermédiaire des collecteurs ou deschercheurs, comme les herbiers d’Aarhus (AAU), Berlin (B), Francfort (FR), Genève (G), Montpellier (ALF, MPU) et Wageningen (WAG). Certains herbiers de l’Afrique de l’Ouest ont une longue tradition de collecte et de conservation comme l’Herbier de l’Institut Fondamental de l’Afrique Noire de Dakar (IFAN) ou l’Herbier Forestier d’Ibadan (FHI) avec près de 100 000 spécimens.Les herbiers les plus récents sont généralement plus petits. Importance des collections d’herbiers Depuis la période de Linné, les noms scientifiques des plantes et animaux sont basés sur les spécimens généralement conservés dans des collections scientifiques et dans quelques rares cas sur des illustrations graphiques. Ces spécimenssont appelés spécimens types et constituent avec la description qui les accompagne, l’essentiel du concept de l’espèce et l’attribution du nom. Le travail taxonomique repose principalement sur ces spécimens types et ils constituent de ce fait, des outils très importants. Un nombre important de spécimens types ont été digitalisés par le programme African Plants Initiative et sont disponibles avec les flores digitalisées et d’autres informations dans Jstor Plant Science (http://plants.jstor.org/). 178 Les méthodes de collection d’herbiers Les spécimens types à eux seuls ne sont pas représentatifsde la diversité taxonomique. Pour une compréhension globale de cette diversité, les spécimens d’herbiers de différentes provenances avec leurs variations morphologiques, les données écologiques et quelquefois certaines études additionnelles (comme les études moléculaires, anatomiques) sont nécessaires. Le caractère d’archive des collections permet de reconfirmer la détermination des échantillons collectéssur le terrain, ce qui est important pour le concept scientifique de la validation des résultats. Il sert également à confirmer la découverte de nouvelles espèces et aide à leur description. Avec les différentes mises à jourdes groupes taxonomiques, il est toujours possible de se référer aux spécimens et de les réassigner au concept d’espèce ou tout autre niveau taxonomique. Les flores (catalogues taxonomiques) locales, nationales et régionales reposent sur les collections de plantes comme base scientifique et citent généralement les spécimens d’herbiers. Les collections d’herbiers permettent ainsi de constituer la flore d’une localité (flore de l’Afrique Occidentale Tropicale) mais aussi la flore d’un domaine d’utilisation quelconque (flore médicinale). Les initiatives de digitalisation des collections d’herbiers comme celles de Global Biodiversity Information Facility (GBIF) sont en cours et sont de plus en plus utilisées dans les études de biogéographie et/ou d’écologie, comme par exemple la modélisation des aires de distribution des espèces. RÉALISATION DE L’HERBIER Matériel d’herborisation et de conditionnement des échantillons Le matériel d’herborisation consiste en : - un carnet de notes pour la prise des informations sur le terrain ; - un crayon à papier pour les prises de notes ; - un sécateur pour couper les échantillons ; - des étiquettes pour la numérotation des échantillons ; - un sac en plastique épais pour conserver les échantillons. Le matériel de traitement et de conditionnement des échantillons comporte : -une presse simple qui consiste en 2 planches de bois rigides ou légèrement flexibles mais bien aérées, ou en métal quadrillé, 2 ceintures, des papiers de journal. Les papiers ne doivent pas être glacés de sorte à pouvoir absorber 179 Schmidt et al. l’humidité des échantillons qui s’évapore. L’utilisation des cartons ondulés dans la presse présente l’avantage de faciliter l’aération de la presse, (les éponges ont l’effet contraire de conserver l’humidité et on risque la pourriture des spécimens). -du papier canson épais de taille A3 pour le montage des échantillons ; - du fil ou du papier adhésif pour la fixation des échantillons sur le papier canson ; - des étiquettes de renseignement sur l’échantillon. Elles comportent certaines informations essentielles notées sur le terrain ; - des chemises cartonnées pour ranger les échantillons. Herborisation : collecte des échantillons de plantes sur le terrain La valeur d’un spécimen d’herbier pour les études taxonomiques et floristiques, de même que sa valeur comme matériel de référence, dépend dans une large mesure de sa représentativité pour une bonne détermination. Ainsi, il est toujours indiqué de récolter des rameaux florifères ou fructifères (pour les ligneux)et la plante entière en fleurs et/ou fruits, y compris la partie souterraine pour les herbacées. Les échantillons doivent être récoltés en double sur le même individu (chez les plantes assez grandes) ou dans la même population (chez les petites herbacées). Les doublons sont recommandés pour constituer des duplicata de sécurité dans un autre herbierpour prévenir la destruction ou la perte éventuelle des spécimens de l’herbier d’origine. Informations à collecter sur le terrain Il y a des informations primordiales qui doivent être notées sur le terrain pour accompagner les échantillons récoltés. Il s’agit de la date, la localité y compris les coordonnées géographiques, l’habitat, les observations écologiques (perturbations, topographie, …) ou les notes ethnobotaniques (noms locaux, usages, …), les dimensions de la plante, la couleur des fleurs ou toute autre information qui n’est pas préservée sur le spécimen séché. Habituellement les collecteurs numérotent leurs collections en utilisant un seul ordre chronologique. Les doubles d’un spécimen doivent avoir le même numéro et aucun numéro ne doit être répété dans la mesure où ces numéros, ensemble avec le nom du collecteur et le code de l’herbier, constituent les références habituelles dans les publications. 180 Les méthodes de collection d’herbiers Les numéros doivent être attachés directement aux échantillons pendant la récolte pour éviter d’éventuelles confusions lors de leur traitement. Il est indiqué d’écrire les numéros au crayon car cela a l’avantage de ne pas s’effacer en cas d’humidité. Les notes sont prises dans un carnet de récolte avec des références claires relatives au numéro de l’échantillon. Avec l’avènement de la photographie digitale il est maintenant plus facile de documenter, avec illustrations, la description des plantes (par exemple l’habitat dans son ensemble, les couleurs des organes, etc.). Les images peuvent être stockées dans des bases de données photographiques ou rattachées aux spécimens d’herbier. Séchage et pressage des échantillons de plantes Les spécimens de plantes ramenée du terrain sont mis sous presse et séchés. Un séchage rapide permet de conserver les couleurs, la forme, l’ADN et de prévenir la moisissure. La mise sous presse consiste à placer soigneusement les échantillons entre des feuilles de papier (qui absorbent l’humidité) et à les attacher ensemble entre des cadres métalliques ou en bois (Photo 1). Les faces supérieure et inférieure des feuilles ayant une valeur taxonomique importante, l’échantillon doit être placé de sorte qu’elles soient toutes visibles. Si les échantillons ne peuvent pas être placés immédiatement sous presse après les récoltes, il convient de les garder dans des sacs en plastique épais pour les conserver frais. Toutefois, les échantillons délicats devraient être pressés immédiatement. Les bons endroits pour le séchage des échantillons en période sèche sont les toits de maisons ou tout autre endroit avec une bonne circulation d’air. En temps pluvieux, il est indiqué de sécher les spécimens en présence du feu (Photo 2), ou avec des ventilateurs (Photo 3). On pourrait également utiliser les étuves et dans ce cas il est impératif de régler la température à 50-60 °C et de surveiller le séchage qui ne doit pas excéder 72 heures et pour éviter la perte des échantillons. 181 Schmidt et al. Photo 1. Une presse et les journaux absorbent l’humidité Photo 3. Ventilation d’air chaud Photo 2. Gaz pour le séchage Montage des échantillons Pour être incorporés dans la collection de l’herbier, les échantillons dûment séchés sont montés sur les papiers canson, étiquetés, mis dans des chemises puis rangés dans des casiers d’herbier. Les spécimens sont généralement fixés sur le papier avec la colle ou du fil de couture en laissant de la place pour l’étiquette, le cachet, le numéro, les annotations et une poche pour les parties détachées (Photo 4). 182 Les méthodes de collection d’herbiers Au cours du montage, aucune partie de l’échantillon ne devrait déborder en raison des risques d’endommagement. Les échantillons doivent être fixés en veillant à ce que toutes les parties importantes soient clairement visibles (comme les fleurs). Si l’échantillon est trop grand, il peut être plié ou redimensionné mais en veillant à préserver sa représentativité. Si des feuilles doivent être ôtées, il faudra laisser les pétioles pour permettre de voir leur disposition sur le rameau. Photo 4. Un échantillon d’herbier a) la plante pressée, b) pochette pour les parties de plante détachées, c) annotation, d) étiquette, e) cachet d’herbier et le code barre Etiquetage Les étiquettes d’herbier renferment des informations capitales relatives aux spécimens.Elles doivent comporter au moins la date de récolte, la localité, le nom du collecteur et son numéro. De même, on doit y trouver le nom scientifique de la plante ainsi que sa famille, le nom de celui qui l’a déterminé, les notes de terrain relatives à l’habitat, aux dimensions, à la 183 Schmidt et al. couleur des fleurs, aux aspects ethnobotaniques, etc. Ces informations sont quelquefois très importantes et pourraient faciliter la détermination. Il est plus efficient d’entrer les données de terrain dans la base de données de l’herbier et de générer par la suite les étiquettes des échantillons. Les étiquettes originales sont collées sur le papier portant l’échantillon, en bas à droite, et les changements subséquents comme une nouvelle détermination ou une correction sont mentionnés séparément. Conservation Les collections d’herbiers sont des archives à long terme qui méritent une protection contre tout dommage. Par conséquent, la salle de conservation devrait être climatisée ou ventilée et un contrôle strict de l’humidité s’impose pour éviter la moisissure et les attaques d’insectes.Un contrôle régulier de l’état des échantillons doit être fait et des traitements d’éventuelles attaques d’insectes doit se faire avec des produits insecticides appropriés ou au froid (en dessous de 0° C). Le rangementméthodique des collections est aussi important pour permettre de retrouver facilement tous les spécimens.Pour cela, il est recommandé un rangement par ordre alphabétique des familles, genres et espècesdans des casiers affectés à cela (Photo 5). Photo 5. Casiers de rangement de la collection 184 Les méthodes de collection d’herbiers Les nouveaux spécimens et toute nouvelle déterminationdevraient être intégrés dans la base de données pour la mise à jour. Une collection de référence séparée pour les enseignements ou la détermination (1 à 3 échantillons représentatifs par espèce) serait indiquée en cas de forte demande de détermination ou dans le souci de sauvegarder l’herbier dans son ensemble pour les intérêts purement scientifiques. POUR EN SAVOIR PLUS BRIDSON D. & L. FORMAN. 1998. The Herbarium Handbook, ed. 3. Kew, United Kingdom. DE VOGEL E. F. 1987. Manual of Herbarium Taxonomy : Theory and Practice UNESCO, Jakarta, Indonesia. FISH L. 1995.Collecting, Pressing and Drying Herbarium Specimens.Pretoria, South Africa. FISH L. 2004. La préparation des échantillons d'herbier. Scripta Botanica Belgica 31. Meise, Belgium. FOSBERG F. R. & M.-H. SACHET. 1965. Manual for tropical herbaria. Regnum Vegetabile 39. Utrecht, Netherlands. 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