Marie-Laure Basilien-Gainche et Antoine Guérin
Centre d'information et d'études sur les migrations internationales | « Migrations
Société »
2019/1 N° 175 | pages 31 à 45
ISSN 0995-7367
Article disponible en ligne à l'adresse :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2019-1-page-31.htm
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Distribution électronique Cairn.info pour Centre d'information et d'études sur les migrations
internationales.
© Centre d'information et d'études sur les migrations internationales. Tous droits réservés pour tous
pays.
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)
MOBILIS IN MOBILI. LA CIRCULATION ENTRE LIBÉRALISATION ET
MARGINALISATION DANS L’ESPACE EUROPÉEN
31
Mobilis in mobili. La circulation entre
libéralisation et marginalisation dans
l’espace européen
Marie-Laure BASILIEN-GAINCHE *
Antoine GUÉRIN **
RÉSUMÉ
À l’origine économique, la libre circulation des personnes est devenue un droit
subjectif des citoyens européens, cependant reconnu « sous réserve des limitations et
conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son application ». La directive 2004/38 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États
membres a ainsi ouvert dans ce droit à la mobilité de profondes brèches, accusées
par la jurisprudence. La libre circulation est soumise à des conditions de ressources
qui créent une hiérarchisation entre Européens, et devient une condition d’accès à
leurs droits fondamentaux.
MOTS-CLÉS :
citoyenneté, CJUE, droit au séjour, droit communautaire, Européens de l’Est, jurisprudence, libre circulation, ressortissant communautaire, Union européenne
Aux côtés de celle des marchandises et des capitaux, la libre circulation des personnes constitue à la fois un vecteur essentiel et une
finalité majeure de la construction européenne, comme l’affirme le
traité de Rome du 25 mars 1957. Son article 3 sous c) énonce en effet
pour objectif de la Communauté économique européenne (CEE)
« l’abolition, entre les États membres, des obstacles à la libre circulation des personnes, des services et des capitaux ». Certes, l’article 48
du traité instituant la Communauté économique européenne (TCEE)
envisage une telle liberté pour les travailleurs, pour les ressortissants
des États membres se déplaçant en Europe au titre de leur emploi.
Comme le résume bien Paul Magnette, « c’était un âge où le sujet du
politique n’était plus l’homme abstrait des philosophes mais l’homme
situé des sociologues : la politique comprenait l’homme dans sa situation sociale, en tant que membre d’une société de travail »1. Le béné*
Professeure de droit public, Université Jean Moulin Lyon III. Membre honoraire de l’Institut
universitaire de France.
**
Doctorant en droit public, Université Jean Moulin Lyon III.
1.
MAGNETTE, Paul, La citoyenneté européenne, Bruxelles : Éditions de l’Université de
Bruxelles, 1999, 249 p. (voir p. 14).
Migrations Société
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Mobilis in mobili
Dossier : Soixante ans de « libre circulation » en Europe
fice du régime de la libre circulation des personnes découle alors de la
combinaison de trois éléments : la situation de ressortissant d’un État
membre (nationalité) ; l’existence d’un élément transfrontalier (extranéité) ; l’exercice d’un emploi (activité). À la faveur de la jurisprudence
de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) et de
l’adoption de normes de droit dérivé, la libre circulation des personnes
étend au fil des années son champ d’application rationae personae aux
travailleurs, qu’ils soient salariés ou indépendants2, effectifs ou potentiels, actuels, futurs (étudiants3 et demandeurs d’emploi4) ou passés
(retraités)5, jusqu’à embrasser les membres de leur famille6.
La libre circulation des personnes, ayant ainsi vu son caractère essentiellement économique s’estomper progressivement, connaît avec
l’adoption du traité de Maastricht en 1992 un changement de nature. Le
traité instituant la Communauté européenne (TCE) donne naissance en
son article 17 à la citoyenneté européenne7, et y associe en son article
18 « le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des
États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par
le présent traité et par les dispositions prises pour son application »
(ces deux dispositions sont devenues respectivement les articles 20 et
21 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne — TFUE — à la
suite de l’adoption du traité de Lisbonne). Le traité de l’Union européenne (TUE) développe ce dernier point en affirmant que « l’Union
offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans
frontières intérieures, au sein duquel est assurée la libre circulation
des personnes » (article 2 § 2). La liberté de circulation des citoyens
européens n’est plus un objectif à atteindre, mais un acquis à garantir.
Bien plus, elle devient un droit subjectif fondamental des ressortissants
des États membres, puisque la Cour de Luxembourg a consacré le
2.
Directive 73/148/CEE du Conseil du 21 mai 1973 relative à la suppression des restrictions au
déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l’intérieur de la Communauté en matière d’établissement et de prestation de services ; CJCE, 21 juin 1974, Reyners, Aff. 2-74, § 24.
3.
Directive 90/366/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour des étudiants.
4.
CJCE, 26 février 1991, Antonissen, Aff. C-292/89.
5.
Règlement 1251/70 (CEE) de la Commission du 29 juin 1970 relatif au droit des travailleurs
de demeurer sur le territoire d’un État membre après y avoir occupé un emploi.
6.
Règlement (CEE) 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des
travailleurs à l’intérieur de la Communauté ; directive 68/360/CEE du Conseil du 15 octobre 1968 relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l’intérieur de la Communauté ; directive 73/148/CEE du
Conseil du 21 mai 1973 relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l’intérieur de la Communauté en matière
d’établissement et de prestation de services ; CJCE, 7 juillet 1992, Singh, Aff. C-370/90.
7.
WIHTOL DE WENDEN, Catherine, La citoyenneté européenne, Paris : Presses de Sciences
Po, 1997, 108 p. (voir pp. 51-67).
Vol. 31, n° 175
janvier – mars 2019
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
32
33
statut de citoyen comme ayant « vocation à être le statut fondamental
des ressortissants des États membres »8 ; elle a affirmé son opposabilité aux États membres à raison de l’effet direct reconnu à l’article 18 du
9
TCE .
La CJCE décline une telle affirmation dans de multiples affaires, au
gré desquelles elle lie la liberté de circulation des citoyens européens à
l’égalité de traitement des ressortissants communautaires qu’induit
l’interdiction faite des discriminations à raison de la nationalité posée à
l’article 12 du TCE10. Cependant, la Cour ne peut se départir des termes
de l’article 18 §1 du TCE qui reconnaît la liberté de circulation des personnes « sous réserve des limitations et conditions prévues par le
présent traité et par les dispositions prises pour son application ». Or,
c’est sur une telle base juridique qu’est adoptée le 29 avril 2004 la
directive 2004/38 relative au droit des citoyens de l’Union et des
membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le
territoire des États membres, dont l’objectif est de rassurer les États
inquiets de mouvements massifs de populations de l’Est à l’Ouest à
raison des élargissements, dont l’application ouvre de profondes
brèches dans un droit à la mobilité pourtant affirmé comme fondamental. Des évolutions jurisprudentielles attentives aux préoccupations
et réticences des États membres les ont même considérablement
accrues et creusées11. La libre circulation ne paraît alors praticable que
sous conditions de ressources, de telle sorte qu’une catégorisation,
voire une hiérarchisation des citoyens européens est instaurée ; elle
apparaît même comme une condition posée à l’accès des citoyens
européens à leurs droits fondamentaux, si bien que le droit se trouve
transformé en devoir.
8.
CJCE, 20 septembre 2001, Grzelczyk, Aff. C-184/99, § 31.
9.
CJCE, 17 septembre 2002, Baumbast, Aff. C-413/99, § 84.
10. Notamment CJCE, 12 mai 1998, Martinez Sala, Aff. C-85/96 ; 24 novembre 1998, Bickel &
Franz, Aff. C-274/96 ; 21 septembre 1999, Wijsenbeek, Aff. C-378/97 ; 11 juillet 2002,
d’Hoop, Aff. C-224/98 ; 21 octobre 2003, Garcia Avelo, Aff. C-148/02. Pour une analyse
détaillée, voir ILIOPOULOU, Anastasia, “Le principe de non-discrimination devant les juges
communautaire et national”, in : BERRAMDANE, Abdelkhaleq ; ROSSETTO, Jean, Regards
sur le droit de l’Union européenne après l’échec du traité constitutionnel, Tours : Presses
universitaires François Rabelais, 2007, pp. 243-261.
11. CARLIER, Jean-Yves ; GUILD, Elspeth, The Future of Free Movement of Persons in the EU,
Bruxelles : Bruylant, 2006, 328 p. ; VITORINO, Antonio ; MENGHI, Mariana ; QUÉRÉ, Jérôme,
La libre circulation des Européens. État des lieux d’un droit fantasmé, Paris : Institut Jacques Delors - Notre Europe, 2016, 94 p.
Migrations Société
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Mobilis in mobili
Dossier : Soixante ans de « libre circulation » en Europe
La circulation sous conditions : la mobilité facilitée, la
citoyenneté hiérarchisée
La liberté de circulation des personnes est affirmée par l’article 21
du TFUE, et confirmée par l’article 45 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (CDFUE), comme un élément essentiel de la
citoyenneté européenne. Il en découle deux types d’obligations pour
les États membres. D’une part, et selon une acception négative, ces
derniers ne doivent pas porter atteinte à la liberté d’aller et venir des
ressortissants communautaires. D’autre part, selon une logique positive cette fois, les États membres doivent non seulement protéger mais
encore promouvoir le droit à la mobilité des citoyens européens, en
assurant les conditions de sa pleine réalisation. L’article 45 du TFUE
énonce les trois politiques nécessaires à une telle libre circulation des
personnes dans l’Union européenne : le déploiement de mesures en
faveur de l’emploi ; la promotion de l’égalité de traitement en ce qui
concerne les conditions de travail, les avantages sociaux, la formation
professionnelle, l’affiliation aux associations et syndicats, la santé,
l’éducation des enfants, le logement12 ; la reconnaissance des diplômes
et des qualifications13.
Bien qu’elle soit affirmée et garantie par les textes européens, la libre circulation des personnes, quand elle s’inscrit dans la durée et
s’accompagne de l’intention de séjourner, n’est que peu utilisée par les
ressortissants des États membres. En 2017, seuls 3,8 % des citoyens
européens en âge de travailler (de 20 à 64 ans) résidaient dans un autre
14
État membre que celui dont ils ont la nationalité . Selon Adrian Favell, il
s’agit pour l’essentiel de citoyens européens qui se sont formés au gré
des programmes « Erasmus », qui se retrouvent dans les « Eurocities »
(Bruxelles, Amsterdam, Londres, Berlin, etc.), qui empruntent fréquemment les « Eurostars », et qui composent somme toute une sorte
d’élite européenne15. Certes, le droit de l’Union européenne (UE) a bien
offert des facilités non négligeables aux travailleurs transfrontaliers ;
pourtant, il n’est pas parvenu à supprimer les obstacles persistants à la
mobilité auxquels demeurent confrontés ces quelques Européens qui
choisissent de s’installer dans un autre État de l’Union. En dépit de la
12. Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative aҒ la mise en œuvre du principe de
l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique.
13. Directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative
à la reconnaissance des qualifications professionnelles.
14. EUROSTAT, “EU Citizens Living in another Member State. Statistical Overview” [Online], April
2018, https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=EU_citizens_liv
ing_in_another_Member_State_-_statistical_overview.
15. FAVELL, Adrian, Eurostars and Eurocities. Free Movement and Mobility in an Integrating
Europe, Oxford: Blackwell Publishing, 2008, 279 p.
Vol. 31, n° 175
janvier – mars 2019
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
34
35
suppression des contrôles aux frontières intérieures des États membres de l’Union induite par l’affirmation de la liberté de circulation des
personnes16, la remise en cause des accords de Schengen en 201117,
leur réforme du régime de l’Espace qui en a découlé18, la restauration à
partir de 2015 des contrôles aux frontières intérieures pour endiguer
les mouvements de migrants19, interrogent sur la réalité de cette liberté
fondamentale de circulation des personnes qui se révèle être un droit
limité, voire un privilège réservé.
La libre circulation : un droit limité
La liberté de circulation est certes fondamentale ; elle n’est cependant pas absolue. C’est ainsi qu’elle est parfois soumise à des restrictions qui peuvent d’abord être transitoires. De telles limitations temporaires à la liberté de circulation des citoyens européens ont été amplement utilisées par les États de l’Europe des Quinze à l’encontre des
ressortissants des États nouvellement entrés dans l’Union en 2004 et
2007, générant de la sorte un droit à la mobilité différencié à raison de
la nationalité20. Actuellement, seuls les ressortissants croates sont
soumis à de telles restrictions. Treize États ont en effet décidé de
limiter l’accès de ces nouveaux citoyens européens à leur marché du
travail lors de la première phase des mesures transitoires (du 1er juillet
2013 au 30 juin 2015)21. La France a ainsi imposé aux Croates de disposer d’un titre de séjour sur le territoire national pour pouvoir exercer
16. CJUE, 22 juin 2010, Melki & Abdeli, Aff. C-189/10.
17. BASILIEN-GAINCHE, Marie-Laure, “La remise en cause des accords de Schengen” [En ligne],
Ceriscope Frontières, 2011, http://ceriscope.sciences-po.fr/content/part2/la-remise-encause-des-accords-de-schengen?page=1.
18. Règlement (UE) 1051/2013 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013
modifiant le règlement (CE) 562/2006 afin d’établir des règles communes relatives à la
réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures dans des circonstances
exceptionnelles.
19. PIÇARRA, Nuno, “Frontières de l’Union : chronique d’une recommandation annoncée ou la
flétrissure” [En ligne], GDR ELSJ, 9 septembre 2016, http://www.gdr-elsj.eu/
2016/09/09/informations-generales/frontieres-de-lunion-chronique-dune-recomman
dation-annoncee-ou-la-fletrissure/. À noter que l’argument de la lutte contre le terrorisme a pu être exploité pour ce faire notamment par la France au titre de l’état d’urgence
déclaré le 13 novembre 2015 et prorogé jusqu’au 30 octobre 2017, les contrôles aux frontières étant maintenus par la suite et ce au moins jusqu’à fin avril 2019.
20. PULLANO, Teresa, “La citoyenneté européenne : les mesures transitoires concernant la
libre circulation des travailleurs comme productrices de différences”, Droit et société,
2014, n° 86, pp. 55-75.
21. Décision du Conseil de l’Union européenne du 5 décembre 2011 relative à l’admission de la
République de Croatie à l’Union européenne, annexe V, « Liste visée à l’article 18 de l’acte
d’adhésion : mesures transitoires ».
Migrations Société
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Mobilis in mobili
Dossier : Soixante ans de « libre circulation » en Europe
une activité professionnelle (salariée ou non)22, en application de
l’article L.121-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et des
demandeurs d’asile (CESEDA). Cinq États (Autriche, Malte, Pays-Bas,
Slovénie, Royaume-Uni) ont maintenu des restrictions durant la
deuxième phase (du 1er juillet 2015 au 30 juin 2018). Seule l’Autriche a
maintenu des restrictions transitoires concernant l’accès des Croates à
son marché du travail pendant la phase 3 qui se terminera le 30 juin
2020 (avec la fin de la première présidence croate de l’Union). En
matière de restrictions à l’accès à l’emploi pour les ressortissants
européens non nationaux, il convient également de mentionner la
condition de nationalité que les États peuvent imposer pour les emplois
de l’administration publique, autrement dit pour les postes de la fonction publique impliquant la « participation, directe ou indirecte, à
l’exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet
la sauvegarde des intérêts généraux de l’État ou d’autres collectivités
publiques »23. La Cour précise ainsi que seul peut être fermé aux
ressortissants communautaires non nationaux l’accès aux postes
impliquant l’exercice de l’autorité publique et la responsabilité de
préservation de l’intérêt général de l’État, ce qui suppose une évaluation au cas par cas des tâches et des responsabilités inhérentes aux
postes en question24.
Outre ces limitations à la liberté de circulation des citoyens européens par le biais de restrictions à leur accès à l’emploi, d’autres
existent qui excipent de raisons d’ordre public, de sécurité publique ou
de santé publique. Si le droit de l’Union européenne ne fournit pas de
définition de ces notions, comme le reconnaît la Cour de justice qui
renvoie aux autorités nationales le soin de les préciser25, il encadre
cependant le recours par les autorités nationales à ces motifs d’ordre
public afin de restreindre le droit à la mobilité d’un ressortissant communautaire. La Cour énonce au fil de ses décisions des exigences, dont
l’article 14 de la directive 2004/38 fait une synthèse ; elle vient borner
la capacité des États à mobiliser de telles raisons pour limiter la libre
22. Ministère de l’Intérieur, secrétariat général à l’immigration et à l’intégration, note relative à
l’adhésion de la Croatie de l’Union européenne à compter du 1er juillet 2013 : période transitoire applicable aux travailleurs salariés croates en matière d’accès à l’emploi, 17 juin 2013.
23. La Cour de Luxembourg développe une conception restrictive de ses emplois (voir par
exemple CJCE, 17 décembre 1980, Commission contre Belgique, 149/79), ce qui a conduit
certains États membres à opérer une refonte de leur droit de la fonction publique pour
permettre l’accès des ressortissants des États membres à certains pans de leur administration. Sur ce point, voir BASILIEN-GAINCHE, Marie-Laure, “Le juge communautaire et la loi
nationale. Réflexions sur l’affaire Burbaud”, Parlement[s], Revue d’histoire politique, vol. 1,
nº 11, 2009, pp. 67-79.
24. CJCE, 3 juillet 1986, Lawrie-Blum, Aff. C-66/85.
25. CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn, Aff. 41/74 ; 28 octobre 1975, Rutili, Aff. 36-75.
Vol. 31, n° 175
janvier – mars 2019
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
36
37
circulation des citoyens européens. La mesure de limitation doit être
fondée « exclusivement sur le comportement personnel » du ressortissant communautaire considéré, ce qui disqualifie toute mesure prise
au titre d’une « prévention générale » ; l’individu en cause doit représenter « une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un
intérêt fondamental de la société » ; la restriction à la liberté de circulation doit nécessairement être proportionnée à la menace que constitue la personne. En outre, il revient aux autorités nationales, quand
elles mobilisent les raisons d’ordre public pour adopter des restrictions
à la liberté de circulation d’un citoyen européen, de respecter le principe de non-discrimination, autrement dit l’obligation de ne pas réprimer les agissements d’un ressortissant communautaire non national
s’ils ne le sont pas pour un ressortissant national26. En dépit de ces
limites opposées aux possibilités pour les États membres de limiter la
libre circulation des citoyens européens, les autorités nationales
n’hésitent guère à utiliser les raisons d’ordre public, quitte à considérer
par exemple que des faits de mendicité constituent une menace à la
sécurité publique appréhendée comme un « intérêt fondamental de la
société française » justifiant l’éloignement d’une citoyenne euro27
péenne d’origine rom . La liberté de circulation des personnes, qui
peut être restreinte de différentes manières, est en effet soumise à des
conditions de ressources qui peuvent la faire apparaître comme un
privilège réservé aux plus fortunés.
La libre circulation : un privilège réservé
La liberté de circulation n’a de sens que si elle s’accompagne d’un
droit au séjour du citoyen européen sur le territoire d’un État membre
de l’Union dont il n’a pas la nationalité. La Cour de Luxembourg les a
logiquement liés, considérant même que le ressortissant d’un État
membre a droit, dans un autre État membre au titre de sa citoyenneté
de l’Union, à l’égalité de traitement en matière de prestations sociales,
quand bien même il ne détiendrait pas de titre de séjour28, ni ne justifierait de ressources suffisantes ou de couverture sociale29. Si le citoyen européen dont le séjour est inférieur à trois mois est soumis à la
seule condition « d’être en possession d’une carte d’identité ou d’un
passeport en cours de validité » (article 6 de la directive), tel n’est plus
le cas pour un séjour de longue durée qui est supérieur à 90 jours.
26. CJCE, 18 mai 1982, Rezguia Adoui & Cornuaille, Aff. 115-81 & 116-81.
27. CE, 1er octobre 2014, Req. nº 365054. AUBIN, Emmanuel, “Citoyen européen mendiant en
France : ne circulez plus, il n’y a rien à voir !”, AJDA, n° 1, 19 janvier 2015, pp. 64-67.
28. CJCE, 8 avril 1976, Royer, Aff. 48/75.
29. CJCE, 12 mai 1998, Martínez Sala, Aff. C-85/96.
Migrations Société
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Mobilis in mobili
Dossier : Soixante ans de « libre circulation » en Europe
Dans une telle hypothèse, l’article 7 de la directive 2004/38 impose en
effet au citoyen européen de disposer « pour lui et pour les membres
de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une
charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil
au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète dans
l’État membre d’accueil » ; l’article 14 insiste sur ce point en disposant
que « Les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ont un
droit de séjour tel que prévu à l’article 6 tant qu’ils ne deviennent pas
une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de
l’État membre d’accueil ». La Cour a limité dans un premier temps les
implications du texte, en adoptant une position favorable aux droits des
ressortissants communautaires non nationaux, à la faveur d’une jurisprudence leur permettant de se prévaloir du bénéfice des prestations
sociales, en vertu de l’égalité de traitement prévu à l’article 24 de la
directive30. Mais la Cour de Luxembourg a modifié par la suite son
mode d’appréhension et d’interprétation du droit dérivé, en liant le
bénéfice des prestations sociales au droit au séjour.
L’arrêt Dano fait date, selon lequel « l’article 7, paragraphe 1, sous b),
de la directive 2004/38 cherche à empêcher que les citoyens de l’Union
économiquement inactifs utilisent le système de protection sociale de
l’État membre d’accueil pour financer leurs moyens d’existence »31. Sur
cette base, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) développe un
raisonnement qui s’appuie sur l’examen du critère des ressources suffisantes dont doit disposer le ressortissant communautaire pour bénéficier
du droit au séjour de plus de trois mois : elle étudie la dépendance de
celui-ci à l’égard des prestations sociales, mais sans jamais interroger le
caractère déraisonnable de la charge qui en découle pour les régimes
d’assistance de l’État membre d’accueil. Autrement dit, le juge de l’Union
opère ainsi une double limitation — d’une part celle du champ
d’application de la liberté de circulation des personnes, d’autre part celle
du principe de non-discrimination des citoyens européens —, sans même
avoir questionné la proportionnalité des restrictions ainsi faites à des
éléments essentiels de la construction et de la citoyenneté européennes
aux charges supportées par les États d’accueil au titre de l’aide sociale.
C’est ainsi que désormais le droit au séjour des ressortissants communautaires, qui découle de leur liberté de circulation et qui est un attribut de
leur citoyenneté européenne, se trouve conditionné ; c’est ainsi que
30. CJCE, 23 mars 2004, Collins, Aff. C-138/02 ; 7 septembre 2004, Trojani, Aff. C-456/02 ;
15 mars 2015, Bidar, Aff. C-209/03.
31. CJUE, 11 novembre 2014, Dano, Aff. C-333/13, §76. TAMBOU, Olivia, “CJUE et prestations
sociales : les citoyens inactifs peuvent être exclus”, Dalloz Actualité, 21 novembre 2014.
Dans le même sens, CJUE, 15 septembre 2015, Alimanovic, Aff. C-67/14 ; 16 juin 2016,
Commission c. Royaume-Uni, Aff. C-308/14.
Vol. 31, n° 175
janvier – mars 2019
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
38
39
désormais une catégorisation entre citoyens économiquement actifs et
citoyens économiquement inactifs se trouve établie. Les juridictions
nationales peuvent se montrer encore plus incisives. Ainsi en est-il du
Conseil d’État français, pour qui l’insuffisance des ressources peut à elle
seule justifier une décision d’éloignement à l’encontre d’un citoyen européen souhaitant prolonger son séjour au-delà de trois mois « alors même
que l’intéressé n’est pas encore effectivement pris en charge par le système d’aide sociale »32 ; et pour qui la combinaison des articles 6 et 14 de
la directive 2004/38 implique que les citoyens européens non nationaux
peuvent séjourner sur le territoire de l’État membre pour un séjour de
moins de trois mois « tant qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État d’accueil »33. Or, la
liberté de circulation n’est pas seulement soumise à conditions ; elle est
également constitutive d’une condition au bénéfice des droits fondamentaux reconnus et garantis par le droit de l’Union.
La circulation comme condition : la nécessaire mobilité,
les droits délaissés
Depuis les années 1990, la doctrine — essentiellement anglosaxonne — met en évidence le lien qui existe entre la qualité de citoyen
européen et la protection des droits fondamentaux34. Elle s’interroge en
particulier sur l’éventuelle confrontation entre liberté de circulation
d’une part et protection des droits d’autre part, autrement dit sur les
potentielles atteintes aux droits fondamentaux des citoyens européens
que peut emporter la promotion de la liberté de circulation des personnes. Une telle tension vient questionner la signification et la substance de
la citoyenneté européenne, dans la mesure où « la capacité de garantir
les droits des plus vulnérables est une preuve de l’effectivité de la citoyenneté européenne en tant que statut juridique protecteur de
l’individu », « est aussi une concrétisation de l’engagement de l’Union de
servir, par son action, un socle des valeurs formant le patrimoine commun des Européens » comme le souligne à juste titre Anastasia Iliopou-
32. CE, avis, 26 novembre 2008, Silidor, Req. nº 315441. CRUSOÉ, Lionel, “Séjour et éloignement des ressortissants roumains et bulgares : un droit en trois dimensions”, Plein droit,
vol. 4, n° 99, 2013, pp. 1-8.
33. CE, 19 mai 2008, Association S.O.S. Racisme, Req. nº 305670. Cela a été repris à l’article
L.121-4-1 CESEDA qui a été inséré par la loi nº 2011-672 du 16 juin 2011 relative à
l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.
34. O’LEARY, Siofra, “Developing an Ever Closer Union between the Peoples of Europe. A
Reappraisal of the Case Law of the Court of Justice on the Free Movement of Persons and
EU citizenship”, Yearbook of European Law, Vol. 27, No. 1, January 2008, pp. 167-193.
Migrations Société
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Mobilis in mobili
Dossier : Soixante ans de « libre circulation » en Europe
lou35. Celle-ci, à la faveur d’une analyse de la situation des droits et
libertés des populations roms dans l’Union européenne, en vient à
exhorter l’Union et ses États membres à penser les droits fondamentaux
au-delà de la libre circulation. En vain, car la situation des droits fondamentaux des pauvres dans l’UE s’avère être celle de pauvres droits, pour
paraphraser le titre du rapport dirigé par Diane Roman36.
En ce que « la citoyenneté de l’Union, prévue à l’article 18 du traité
CE [art. 20 du TFUE], n’a pas pour objectif d’étendre le champ
d’application matériel du traité également à des situations internes
n’ayant aucun rattachement au droit communautaire » ainsi que le
pose la CJCE en 199737, elle ne permet pas aux ressortissants communautaires de se prévaloir des droits reconnus et garantis par les normes
de l’UE s’ils n’ont pas au préalable activé leur citoyenneté européenne,
s’ils n’ont pas fait usage de leur liberté de circulation dans l’Union.
L’exigence d’un élément d’extranéité s’impose donc pour que le droit
de l’UE trouve à s’appliquer, ce qui induit des différenciations entre
« situations purement externes » (pour lesquelles le droit de l’UE est
mobilisable) et « situations purement internes » (pour lesquelles il ne
l’est pas), qui se déclinent parfois de manière quelque peu sibylline en
« situations partiellement externes » et « situations partiellement
internes » au gré des décisions de la Cour de Luxembourg. Qu’est-ce à
dire ? Les citoyens européens pauvres, qui manquent de moyens financiers pour user de leur liberté de circulation dans le territoire de
l’Union, ne peuvent pas bénéficier de la protection offerte par les
instruments européens de garantie des droits fondamentaux. La formule « Malheur aux immobiles ! » lancée par Jean-Yves Carlier et
Gautier Busschaert résume bel et bien l’effet négatif de la liberté de
circulation sur la protection des droits38, dans la mesure où son usage
permet d’activer l’application du droit de l’Union, au point de constituer une contrainte additionnelle opposée aux citoyens européens les
plus vulnérables.
35. ILIOPOULOU, Anastasia, “‘Le temps des gitans’. À propos de la libre circulation des Roms
dans l’Union”, Europe, vol. 21, n° 1, 2011, pp. 5-10.
36. ROMAN, Diane, Droits des pauvres, pauvres droits ? Recherche sur la justiciabilité des
droits sociaux [En ligne], Rapport de recherche, 2010, 480 p., http://www.on
pes.gouv.fr/IMG/pdf/Justiciabilit_C3_A9_droits_sociaux_rapport_final.pdf.
37. CJCE, 05 juin 1997, Uecker & Jacquet, Aff. C-64/96 & C-65/96.
38. CARLIER, Jean-Yves ; BUSSCHAERT, Gautier, “La libre circulation des personnes dans
l’Union européenne : malheur aux immobiles ?”, Reflets et perspectives de la vie économique, vol. 3, n° 4, 2013, pp. 9-18.
Vol. 31, n° 175
janvier – mars 2019
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
40
41
La circulation comme activateur européen
La Cour de justice s’est attachée à sécuriser l’accès des citoyens
européens et des membres de leur famille aux droits reconnus et
garantis par les normes de l’Union, manifestant une appréhension
constructive de leur champ d’application. Telle est sa position dans sa
décision Carpenter : l’épouse d’un citoyen européen, ressortissante
d’un État tiers, ne peut se voir refuser un droit au séjour dans l’État
national du citoyen européen en cause, en ce que cela constituerait
pour ce dernier « une ingérence dans l’exercice de son droit au respect
de sa vie familiale au sens de l’article 8 de la Convention de sauvegarde
39
des droits de l’homme et des libertés fondamentales » . Le considérant introductif n° 5 de la directive 2004/38 semble adopter une même
perspective : « le droit de tous les citoyens de l’Union de circuler et de
séjourner librement sur le territoire des États membres devrait, pour
qu’il puisse s’exercer dans des conditions objectives de liberté et de
dignité, être également accordé aux membres de leur famille quelle
que soit leur nationalité ». Mais l’emploi du conditionnel ouvre une
brèche dans la détermination du champ d’application des dispositions
protectrices du texte. La brèche est d’importance, car elle conditionne
l’applicabilité de la directive au franchissement d’une frontière interne : en effet, selon l’article 3 §1, « la présente directive s’applique à
tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre
autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa
famille ». En dépit de la lettre du texte, la Cour de Luxembourg maintient une interprétation constructive du droit de l’UE en vue d’assurer la
garantie de leurs droits40. Dans sa décision Zambrano, elle affirme ainsi
la nécessité de faire bénéficier du droit au séjour dans un État membre
les ressortissants de pays tiers parents d’un mineur citoyen européen
afin de ne pas priver ce dernier de « la jouissance effective de
l’essentiel des droits conférés par leur statut de citoyen de l’Union »41.
Pour ce faire, elle se fonde sur l’article 20 du TFUE, afin de contourner
l’obstacle posé par l’inapplicabilité de la directive 2004/38 dans des
situations purement internes ou partiellement internes42.
Il n’en demeure pas moins que la jurisprudence considérée, qui
concerne le cas particulier du droit au séjour du parent du citoyen
européen mineur, repose à tout le moins en partie sur les impératifs de
la prise en considération de l’intérêt supérieur de cet enfant, et insiste
39. CJCE, 11 juillet 2002, Carpenter, Aff. C-60/00, §41.
40. CJCE, 19 oct. 2004, Zhu & Chen, Aff. C-200/02 ; 25 juillet 2008, Metock, Aff. C-127/08.
41. CJUE, GC, 8 mars 2011, Ruiz Zambrano, Aff. C-34/09, §20.
42. CJUE, 12 mars 2014, O. & B., Aff. C-456/12 ; 12 mars 2014, S. & G., Aff. C-457/12.
Migrations Société
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Mobilis in mobili
Dossier : Soixante ans de « libre circulation » en Europe
sur la nécessité d’apprécier la réelle dépendance du mineur d’avec le
parent considéré43. Dans toutes les autres hypothèses, les droits
fondamentaux en matière de vie privée et familiale, garantis par la
CDFUE et par la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH),
ne peuvent être garantis qu’à la condition qu’existe un élément
d’extranéité44. La jurisprudence de la CJUE précise cette exigence. Le
franchissement d’une frontière interne, le déplacement circonstanciel
dans un autre État membre, ne permettent que l’application des dispositions européennes concernant l’entrée et la sortie dans cet autre État
membre, car le citoyen européen n’exerce que son droit à circuler
dans l’Union. Le séjour effectif, résidentiel, du ressortissant communautaire dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité est
nécessaire pour que puissent être activées les dispositions concernant
le droit au séjour des membres de sa famille, car le citoyen européen
exerce alors lui-même son droit au séjour tel que prévu aux articles 7 et
16 de la directive. C’est donc en fonction non seulement du franchissement d’une frontière intérieure, mais encore de la durée du séjour
effectif dans un État membre autre que celui dont le citoyen européen
a la nationalité, que sont définis les différents degrés de droits dont ces
citoyens et les membres de leur famille peuvent se prévaloir au titre du
droit de l’UE. Par conséquent, le ressortissant communautaire, quoique
citoyen européen, ne peut se prévaloir des protections des droits
fondamentaux offertes par les principes généraux du droit de l’Union et
par la CFDUE quand sa situation est purement interne. Il est dès lors des
plus délicats pour les citoyens européens victimes de violations de
leurs droits dans leur État national d’exciper des normes de l’Union
pour obtenir la cessation des atteintes subies et la réparation des
dommages causés.
La circulation comme contrainte supplémentaire
Alors que la Cour se montre souvent ambitieuse et constructive en
matière de libre circulation des marchandises pour souligner
l’application du droit de l’Union européenne y compris dans des situa43. CJUE, 13 septembre 2016, CS, Aff. C-304/14 ; 13 septembre 2016, Rendon Marin, Aff. C165/14 ; 10 mai 2017, Chavez-Vilchez & autres, C-133/15. PEERS, Steve, “Think of the Children: the ECJ Clarifies the Status of Non-EU Parents of EU Citizen Children Living in their
Own
Member
State”
[Online],
EU
Law
Analysis,
10
May
2017,
http://eulawanalysis.blogspot.com/2017/05/think-of-children-ecj-clarifies-status.html.
44. CJUE, 5 mai 2011, McCarthy, Aff. C-434/09. Dans le même sens, CJUE, 15 novembre 2011,
Dereci, Aff. C-256/11 ; 8 novembre 2012, Iida, Aff. C-40/11. Voir GKEGKA, Maria ;
RÉVEILLÈRE, Vincent, “Précisions juridictionnelles sur l’octroi d’un droit de séjour aux ressortissants de pays tiers dans l’État membre d’origine du citoyen européen avec lequel ils
nouent un lien familial” [En ligne], La Revue des droits de l’homme, 1er avril 2014,
http://journals.openedition.org/revdh/639 ; PATAUT, Étienne, “Citoyenneté de l’Union
européenne”, RTDeur, 2017, pp. 581-596.
Vol. 31, n° 175
janvier – mars 2019
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
42
43
tions à première vue parfaitement internes45, elle se révèle plus réservée, voire réticente, en ce qui concerne la libre circulation des personnes. L’avocat général Eleanor Sharpston n’a pas manqué de relever
l’absurdité d’un tel hiatus : « il y a quelque chose de profondément
paradoxal dans l’idée que, en dépit des efforts faits ces cinquante
dernières années pour abolir les barrières à la liberté de circulation
entre États membres, des autorités décentralisées d’États membres
puissent néanmoins réintroduire des barrières par la petite porte en
les instaurant à l’intérieur des États membres » par le biais des régimes
46
d’assurance maladie . Parce qu’ils ne peuvent pas librement circuler
dans l’Union, parce qu’ils ne peuvent séjourner plus de 90 jours dans
un autre État membre faute de disposer des ressources suffisantes que
les normes européennes exigent, les ressortissants communautaires les
moins fortunés se voient éloignés de leurs droits et de la garantie de
leur effectivité. Certes, la Cour de Luxembourg admet que le ressortissant d’un État tiers membre de la famille d’un citoyen européen puisse
bénéficier du droit au séjour en application de l’article 45 du TFUE. Mais
cette reconnaissance n’intervient que si le refus d’un tel droit serait de
nature à dissuader le citoyen européen d’exercer son droit à la libre
circulation47. Autrement dit, la prééminence est accordée non pas aux
droits fondamentaux mais à la libre circulation : cette dernière est
garantie par le juge de l’Union en toute circonstance, tandis que les
droits fondamentaux ne le sont que dans la mesure où la libre circulation serait menacée. La hiérarchie ainsi établie entre la liberté de
circulation des personnes, qui serait primordiale, et la protection des
droits fondamentaux, qui serait accessoire, est pour le moins troublante. Elle atteste de la persistance de la logique propre du marché
intérieur qui s’oppose à la conception et à la consolidation d’une réelle
48
dimension sociale européenne .
C’est à l’arrêt Dano, déjà mentionné, qu’il convient de se référer ici49.
La Cour de justice ne met pas en cause la liberté de circulation des
ressortissants communautaires. Elle remet en cause l’approche résolu45. CJCE, 9 août 1994, Lancry & alii, Aff. C-363/93, C-407/93, C-408/93, C-409/93, C410/93 & C-411/93 ; 14 septembre 1995, Simitzi, Aff. C-485/93 & C-486/93 ; 9 septembre
2004, Carbonati Apuani, Aff. C-72/03 ; 8 novembre 2005, Jersey Produce Marketing Organisation, Aff. C-293/02 ; 14 juillet 1988, Smanor S.A., Aff. 298/87 ; 7 mai 1997, Pistre & alii,
Aff. C-321/94, C-322/94, C-323/94 & C-324/94. ; 5 décembre 2000, Jean-Pierre Guimont, Aff. C-448/98.
46. Conclusions sur Aff. C-212/06, CJCE, GC, 1er avr. 2008, Gouvernement de la Communauté
française et Gouvernement wallon c. Gouvernement flamand (voir p. 1715).
47. CJUE, 12 mars 2014, S. & G., Aff. C- 457/12, §44.
48. MAILLARD, Sandrine, L’Émergence de la citoyenneté sociale européenne, Aix-en-Provence :
Presses universitaires Aix-Marseille Université, 2008, 472 p.
49. CJUE, 11 novembre 2014, Dano, Aff. C-333/13
Migrations Société
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Mobilis in mobili
Dossier : Soixante ans de « libre circulation » en Europe
ment constructive de la citoyenneté européenne que d’aucuns avaient
décelée dans sa décision Martinez Sala50. En effet, elle réduit à peau de
chagrin le droit de séjour des ressortissants communautaires inactifs
et/ou pauvres sur le territoire d’un État membre dont ils n’ont pas la
nationalité, dépouillant la citoyenneté européenne de toute substance.
Pour Emmanuel Aubin, « la solution de l’arrêt Dano consacre une citoyenneté européenne socialement « évanescente » puisque les droits
qu’elle procure ne sont plus liés à la qualité substantielle de citoyen de
l’Union mais aux conditions dans lesquelles un tel citoyen exerce sa
liberté de circulation sur le territoire d’un État membre autre que celui
dont il a la nationalité » ; elle « semble refléter l’inversion des rapports
entre les notions en faisant primer les conditions du droit de séjour à
l’aune du droit de l’Union sur l’égalité de traitement entre les citoyens
51
européens » . En effet, la détention de la citoyenneté européenne
n’assure pas par elle-même l’égalité entre les ressortissants communautaires ; plus encore elle n’emporte pas l’accès à ses attributs — au
premier chef desquels se place le droit au séjour — qui sont conditionnés aux moyens d’existence, créant de la sorte des inégalités entre
citoyens européens, instaurant des différenciations entre les citoyens de
première zone (les ressortissants des États membres disposant des
ressources suffisantes), de deuxième zone (les ressortissants pauvres des
États membres et les ressortissants des États membres pauvres) et de
troisième zone (les populations roms)52. Les citoyens européens ne sont
de toute évidence pas tous égaux. Leurs ressources déterminent leur
capacité à être mobiles, et ce faisant déterminent également le niveau de
protection des droits fondamentaux dont ils peuvent espérer pouvoir se
prévaloir. Le droit de l’Union vient de la sorte consacrer une inégalité des
droits (dans leur protection), qui est corrélée à une inégalité des richesses (dans leur disposition).
Conclusion
La garantie des droits fondamentaux des citoyens européens est
donc variable selon qu’ils sont ou non mobiles, leur mobilité étant ellemême dépendante des ressources dont ils disposent. Apparaissent
ainsi « de nouvelles frontières juridiques faisant jouer à la citoyenneté
européenne une fonction d’exclusion sociale de celles et de ceux qui
50. CJCE, 12 mai 1998, Martínez Sala, Aff. C-85/96.
51. AUBIN, Emmanuel, “L’arrêt Dano de la CJUE : quand sonne le glas de la citoyenneté sociale
européenne ?”, AJDA, n° 14, 2015, pp. 821-825.
52. LOCHAK, Danièle, “La citoyenneté européenne entre égalité des droits et discrimination”,
communication durant le colloque Citoyenneté et intégration européennes : 7 et 10 ans
après, avril 2014, Sofia (Bulgarie), 2014.
Vol. 31, n° 175
janvier – mars 2019
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
44
45
représentent un coût social que les États membres ne veulent pas
assurer », pour reprendre les termes d’Emmanuel Aubin53. L’Europe
n’est pas seulement fermée aux plus pauvres du monde54 ; elle se
ferme également aux pauvres en provenance de ses États membres les
plus modestes (sont considérées la Roumanie et la Bulgarie, de même
que la Grèce et l’Italie). Certes, l’Europe ne coalise pas des États. Hélas,
elle n’unit pas des hommes non plus ! Sauf ceux qui en ont les moyens.
❏
53. AUBIN, Emmanuel, “Citoyen européen mendiant en France : ne circulez plus, il n’y a rien à
voir !’”, art. cité (voir p. 65).
54. HARGREAVES, Alec G., “Migration Controls, Open Frontiers and European Unity”, Journal of
Area Studies, Vol. 1, No. 1, 1992, pp. 74-86 ; BASILIEN-GAINCHE, Marie-Laure, “Leave and
Let Die. The EU Banopticon Approach of Migrants at Sea”, in: MORENO-LAX, Violeta ;
PAPASTAVRIDIS, Eftymios (eds), Boat Refugees’ and Migrants at Sea. A Comprehensive Approach Integrating Maritime Security in Human Rights, London: Brill, 2016, pp. 327-350.
Migrations Société
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Lyon 3 - - 193.52.199.24 - 09/04/2019 08h14. © Centre d'information et d'études sur les migrations internationales
Mobilis in mobili
Mobilis in mobili
59
Mobilis in mobili. La circulation entre
libéralisation et marginalisation dans
l’espace européen
Marie-Laure BASILIEN-GAINCHE *
Antoine GUÉRIN **
RÉSUMÉ
À l’origine économique, la libre circulation des personnes est devenue un droit
subjectif des citoyens européens, cependant reconnu « sous réserve des limitations et
conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son application ». La directive 2004/38 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États
membres a ainsi ouvert dans ce droit à la mobilité de profondes brèches, accusées
par la jurisprudence. La libre circulation est soumise à des conditions de ressources
qui créent une hiérarchisation entre Européens, et devient une condition d’accès à
leurs droits fondamentaux.
MOTS-CLÉS :
citoyenneté, CJUE, droit au séjour, droit communautaire, Européens de l’Est, jurisprudence, libre circulation, ressortissant communautaire, Union européenne
Aux côtés de celle des marchandises et des capitaux, la libre circulation des personnes constitue à la fois un vecteur essentiel et une
finalité majeure de la construction européenne, comme l’affirme le
traité de Rome du 25 mars 1957. Son article 3 sous c) énonce en effet
pour objectif de la Communauté économique européenne (CEE)
« l’abolition, entre les États membres, des obstacles à la libre circulation des personnes, des services et des capitaux ». Certes, l’article 48
du traité instituant la Communauté économique européenne (TCEE)
envisage une telle liberté pour les travailleurs, pour les ressortissants
des États membres se déplaçant en Europe au titre de leur emploi.
Comme le résume bien Paul Magnette, « c’était un âge où le sujet du
politique n’était plus l’homme abstrait des philosophes mais l’homme
situé des sociologues : la politique comprenait l’homme dans sa situation sociale, en tant que membre d’une société de travail »1. Le béné*
Professeure de droit public, Université Jean Moulin Lyon III. Membre honoraire de l’Institut
universitaire de France.
**
Doctorant en droit public, Université Jean Moulin Lyon III.
1.
MAGNETTE, Paul, La citoyenneté européenne, Bruxelles : Éditions de l’Université de
Bruxelles, 1999, 249 p. (voir p. 14).
Migrations Société
Dossier
60
fice du régime de la libre circulation des personnes découle alors de la
combinaison de trois éléments : la situation de ressortissant d’un État
membre (nationalité) ; l’existence d’un élément transfrontalier (extranéité) ; l’exercice d’un emploi (activité). À la faveur de la jurisprudence
de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) et de
l’adoption de normes de droit dérivé, la libre circulation des personnes
étend au fil des années son champ d’application rationae personae aux
travailleurs, qu’ils soient salariés ou indépendants2, effectifs ou potentiels, actuels, futurs (étudiants3 et demandeurs d’emploi4) ou passés
(retraités)5, jusqu’à embrasser les membres de leur famille6.
La libre circulation des personnes, ayant ainsi vu son caractère essentiellement économique s’estomper progressivement, connaît avec
l’adoption du traité de Maastricht en 1992 un changement de nature. Le
traité instituant la Communauté européenne (TCE) donne naissance en
son article 17 à la citoyenneté européenne7, et y associe en son article
18 « le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des
États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par
le présent traité et par les dispositions prises pour son application »
(ces deux dispositions sont devenues respectivement les articles 20 et
21 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne — TFUE — à la
suite de l’adoption du traité de Lisbonne). Le traité de l’Union européenne (TUE) développe ce dernier point en affirmant que « l’Union
offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans
frontières intérieures, au sein duquel est assurée la libre circulation
des personnes » (article 2 § 2). La liberté de circulation des citoyens
européens n’est plus un objectif à atteindre, mais un acquis à garantir.
Bien plus, elle devient un droit subjectif fondamental des ressortissants
des États membres, puisque la Cour de Luxembourg a consacré le
2.
Directive 73/148/CEE du Conseil du 21 mai 1973 relative à la suppression des restrictions au
déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l’intérieur de la Communauté en matière d’établissement et de prestation de services ; CJCE, 21 juin 1974, Reyners, Aff. 2-74, § 24.
3.
Directive 90/366/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour des étudiants.
4.
CJCE, 26 février 1991, Antonissen, Aff. C-292/89.
5.
Règlement 1251/70 (CEE) de la Commission du 29 juin 1970 relatif au droit des travailleurs
de demeurer sur le territoire d’un État membre après y avoir occupé un emploi.
6.
Règlement (CEE) 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des
travailleurs à l’intérieur de la Communauté ; directive 68/360/CEE du Conseil du 15 octobre 1968 relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l’intérieur de la Communauté ; directive 73/148/CEE du
Conseil du 21 mai 1973 relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l’intérieur de la Communauté en matière
d’établissement et de prestation de services ; CJCE, 7 juillet 1992, Singh, Aff. C-370/90.
7.
WIHTOL DE WENDEN, Catherine, La citoyenneté européenne, Paris : Presses de Sciences
Po, 1997, 108 p. (voir pp. 51-67).
Vol. 31, n° 175
janvier –mars 2019
Mobilis in mobili
61
statut de citoyen comme ayant « vocation à être le statut fondamental
des ressortissants des États membres »8 ; elle a affirmé son opposabilité aux États membres à raison de l’effet direct reconnu à l’article 18 du
9
TCE .
La CJCE décline une telle affirmation dans de multiples affaires, au
gré desquelles elle lie la liberté de circulation des citoyens européens à
l’égalité de traitement des ressortissants communautaires qu’induit
l’interdiction faite des discriminations à raison de la nationalité posée à
l’article 12 du TCE10. Cependant, la Cour ne peut se départir des termes
de l’article 18 §1 du TCE qui reconnaît la liberté de circulation des personnes « sous réserve des limitations et conditions prévues par le
présent traité et par les dispositions prises pour son application ». Or,
c’est sur une telle base juridique qu’est adoptée le 29 avril 2004 la
directive 2004/38 relative au droit des citoyens de l’Union et des
membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le
territoire des États membres, dont l’objectif est de rassurer les États
inquiets de mouvements massifs de populations de l’Est à l’Ouest à
raison des élargissements, dont l’application ouvre de profondes
brèches dans un droit à la mobilité pourtant affirmé comme fondamental. Des évolutions jurisprudentielles attentives aux préoccupations
et réticences des États membres les ont même considérablement
accrues et creusées11. La libre circulation ne paraît alors praticable que
sous conditions de ressources, de telle sorte qu’une catégorisation,
voire une hiérarchisation des citoyens européens est instaurée ; elle
apparaît même comme une condition posée à l’accès des citoyens
européens à leurs droits fondamentaux, si bien que le droit se trouve
transformé en devoir.
8.
CJCE, 20 septembre 2001, Grzelczyk, Aff. C-184/99, § 31.
9.
CJCE, 17 septembre 2002, Baumbast, Aff. C-413/99, § 84.
10. Notamment CJCE, 12 mai 1998, Martinez Sala, Aff. C-85/96 ; 24 novembre 1998, Bickel &
Franz, Aff. C-274/96 ; 21 septembre 1999, Wijsenbeek, Aff. C-378/97 ; 11 juillet 2002,
d’Hoop, Aff. C-224/98 ; 21 octobre 2003, Garcia Avelo, Aff. C-148/02. Pour une analyse
détaillée, voir ILIOPOULOU, Anastasia, “Le principe de non-discrimination devant les juges
communautaire et national”, in : BERRAMDANE, Abdelkhaleq ; ROSSETTO, Jean, Regards
sur le droit de l’Union européenne après l’échec du traité constitutionnel, Tours : Presses
universitaires François Rabelais, 2007, pp. 243-261.
11. CARLIER, Jean-Yves ; GUILD, Elspeth, The Future of Free Movement of Persons in the EU,
Bruxelles : Bruylant, 2006, 328 p. ; VITORINO, Antonio ; MENGHI, Mariana ; QUÉRÉ, Jérôme,
La libre circulation des Européens. État des lieux d’un droit fantasmé, Paris : Institut Jacques Delors - Notre Europe, 2016, 94 p.
Migrations Société
Dossier
62
La circulation sous conditions : la mobilité facilitée, la
citoyenneté hiérarchisée
La liberté de circulation des personnes est affirmée par l’article 21
du TFUE, et confirmée par l’article 45 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (CDFUE), comme un élément essentiel de la
citoyenneté européenne. Il en découle deux types d’obligations pour
les États membres. D’une part, et selon une acception négative, ces
derniers ne doivent pas porter atteinte à la liberté d’aller et venir des
ressortissants communautaires. D’autre part, selon une logique positive cette fois, les États membres doivent non seulement protéger mais
encore promouvoir le droit à la mobilité des citoyens européens, en
assurant les conditions de sa pleine réalisation. L’article 45 du TFUE
énonce les trois politiques nécessaires à une telle libre circulation des
personnes dans l’Union européenne : le déploiement de mesures en
faveur de l’emploi ; la promotion de l’égalité de traitement en ce qui
concerne les conditions de travail, les avantages sociaux, la formation
professionnelle, l’affiliation aux associations et syndicats, la santé,
l’éducation des enfants, le logement12 ; la reconnaissance des diplômes
et des qualifications13.
Bien qu’elle soit affirmée et garantie par les textes européens, la libre circulation des personnes, quand elle s’inscrit dans la durée et
s’accompagne de l’intention de séjourner, n’est que peu utilisée par les
ressortissants des États membres. En 2017, seuls 3,8 % des citoyens
européens en âge de travailler (de 20 à 64 ans) résidaient dans un autre
État membre que celui dont ils ont la nationalité14. Selon Adrian Favell, il
s’agit pour l’essentiel de citoyens européens qui se sont formés au gré
des programmes « Erasmus », qui se retrouvent dans les « Eurocities »
(Bruxelles, Amsterdam, Londres, Berlin, etc.), qui empruntent fréquemment les « Eurostars », et qui composent somme toute une sorte
d’élite européenne15. Certes, le droit de l’Union européenne (UE) a bien
offert des facilités non négligeables aux travailleurs transfrontaliers ;
pourtant, il n’est pas parvenu à supprimer les obstacles persistants à la
mobilité auxquels demeurent confrontés ces quelques Européens qui
choisissent de s’installer dans un autre État de l’Union. En dépit de la
12. Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de
l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique.
13. Directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative
à la reconnaissance des qualifications professionnelles.
14. EUROSTAT, “EU Citizens Living in another Member State. Statistical Overview” [Online], April
2018, https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=EU_citizens_liv
ing_in_another_Member_State_-_statistical_overview.
15. FAVELL, Adrian, Eurostars and Eurocities. Free Movement and Mobility in an Integrating
Europe, Oxford: Blackwell Publishing, 2008, 279 p.
Vol. 31, n° 175
janvier –mars 2019
Mobilis in mobili
63
suppression des contrôles aux frontières intérieures des États membres de l’Union induite par l’affirmation de la liberté de circulation des
personnes16, la remise en cause des accords de Schengen en 201117,
leur réforme du régime de l’Espace qui en a découlé18, la restauration à
partir de 2015 des contrôles aux frontières intérieures pour endiguer
les mouvements de migrants19, interrogent sur la réalité de cette liberté
fondamentale de circulation des personnes qui se révèle être un droit
limité, voire un privilège réservé.
La libre circulation : un droit limité
La liberté de circulation est certes fondamentale ; elle n’est cependant pas absolue. C’est ainsi qu’elle est parfois soumise à des restrictions qui peuvent d’abord être transitoires. De telles limitations temporaires à la liberté de circulation des citoyens européens ont été amplement utilisées par les États de l’Europe des Quinze à l’encontre des
ressortissants des États nouvellement entrés dans l’Union en 2004 et
2007, générant de la sorte un droit à la mobilité différencié à raison de
la nationalité20. Actuellement, seuls les ressortissants croates sont
soumis à de telles restrictions. Treize États ont en effet décidé de
limiter l’accès de ces nouveaux citoyens européens à leur marché du
travail lors de la première phase des mesures transitoires (du 1er juillet
2013 au 30 juin 2015)21. La France a ainsi imposé aux Croates de disposer d’un titre de séjour sur le territoire national pour pouvoir exercer
16. CJUE, 22 juin 2010, Melki & Abdeli, Aff. C-189/10.
17. BASILIEN-GAINCHE, Marie-Laure, “La remise en cause des accords de Schengen” [En ligne],
Ceriscope Frontières, 2011, http://ceriscope.sciences-po.fr/content/part2/la-remise-encause-des-accords-de-schengen?page=1.
18. Règlement (UE) 1051/2013 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013
modifiant le règlement (CE) 562/2006 afin d’établir des règles communes relatives à la
réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures dans des circonstances
exceptionnelles.
19. PIÇARRA, Nuno, “Frontières de l’Union : chronique d’une recommandation annoncée ou la
flétrissure” [En ligne], GDR ELSJ, 9 septembre 2016, http://www.gdr-elsj.eu/
2016/09/09/informations-generales/frontieres-de-lunion-chronique-dune-recomman
dation-annoncee-ou-la-fletrissure/. À noter que l’argument de la lutte contre le terrorisme a pu être exploité pour ce faire notamment par la France au titre de l’état d’urgence
déclaré le 13 novembre 2015 et prorogé jusqu’au 30 octobre 2017, les contrôles aux frontières étant maintenus par la suite et ce au moins jusqu’à fin avril 2019.
20. PULLANO, Teresa, “La citoyenneté européenne : les mesures transitoires concernant la
libre circulation des travailleurs comme productrices de différences”, Droit et société,
2014, n° 86, pp. 55-75.
21. Décision du Conseil de l’Union européenne du 5 décembre 2011 relative à l’admission de la
République de Croatie à l’Union européenne, annexe V, « Liste visée à l’article 18 de l’acte
d’adhésion : mesures transitoires ».
Migrations Société
Dossier
64
une activité professionnelle (salariée ou non)22, en application de
l’article L.121-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et des
demandeurs d’asile (CESEDA). Cinq États (Autriche, Malte, Pays-Bas,
Slovénie, Royaume-Uni) ont maintenu des restrictions durant la
deuxième phase (du 1er juillet 2015 au 30 juin 2018). Seule l’Autriche a
maintenu des restrictions transitoires concernant l’accès des Croates à
son marché du travail pendant la phase 3 qui se terminera le 30 juin
2020 (avec la fin de la première présidence croate de l’Union). En
matière de restrictions à l’accès à l’emploi pour les ressortissants
européens non nationaux, il convient également de mentionner la
condition de nationalité que les États peuvent imposer pour les emplois
de l’administration publique, autrement dit pour les postes de la fonction publique impliquant la « participation, directe ou indirecte, à
l’exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet
la sauvegarde des intérêts généraux de l’État ou d’autres collectivités
publiques »23. La Cour précise ainsi que seul peut être fermé aux
ressortissants communautaires non nationaux l’accès aux postes
impliquant l’exercice de l’autorité publique et la responsabilité de
préservation de l’intérêt général de l’État, ce qui suppose une évaluation au cas par cas des tâches et des responsabilités inhérentes aux
postes en question24.
Outre ces limitations à la liberté de circulation des citoyens européens par le biais de restrictions à leur accès à l’emploi, d’autres
existent qui excipent de raisons d’ordre public, de sécurité publique ou
de santé publique. Si le droit de l’Union européenne ne fournit pas de
définition de ces notions, comme le reconnaît la Cour de justice qui
renvoie aux autorités nationales le soin de les préciser25, il encadre
cependant le recours par les autorités nationales à ces motifs d’ordre
public afin de restreindre le droit à la mobilité d’un ressortissant communautaire. La Cour énonce au fil de ses décisions des exigences, dont
l’article 14 de la directive 2004/38 fait une synthèse ; elle vient borner
la capacité des États à mobiliser de telles raisons pour limiter la libre
22. Ministère de l’Intérieur, secrétariat général à l’immigration et à l’intégration, note relative à
l’adhésion de la Croatie de l’Union européenne à compter du 1er juillet 2013 : période transitoire applicable aux travailleurs salariés croates en matière d’accès à l’emploi, 17 juin 2013.
23. La Cour de Luxembourg développe une conception restrictive de ses emplois (voir par
exemple CJCE, 17 décembre 1980, Commission contre Belgique, 149/79), ce qui a conduit
certains États membres à opérer une refonte de leur droit de la fonction publique pour
permettre l’accès des ressortissants des États membres à certains pans de leur administration. Sur ce point, voir BASILIEN-GAINCHE, Marie-Laure, “Le juge communautaire et la loi
nationale. Réflexions sur l’affaire Burbaud”, Parlement[s], Revue d’histoire politique, vol. 1,
nº 11, 2009, pp. 67-79.
24. CJCE, 3 juillet 1986, Lawrie-Blum, Aff. C-66/85.
25. CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn, Aff. 41/74 ; 28 octobre 1975, Rutili, Aff. 36-75.
Vol. 31, n° 175
janvier –mars 2019
Mobilis in mobili
65
circulation des citoyens européens. La mesure de limitation doit être
fondée « exclusivement sur le comportement personnel » du ressortissant communautaire considéré, ce qui disqualifie toute mesure prise
au titre d’une « prévention générale » ; l’individu en cause doit représenter « une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un
intérêt fondamental de la société » ; la restriction à la liberté de circulation doit nécessairement être proportionnée à la menace que constitue la personne. En outre, il revient aux autorités nationales, quand
elles mobilisent les raisons d’ordre public pour adopter des restrictions
à la liberté de circulation d’un citoyen européen, de respecter le principe de non-discrimination, autrement dit l’obligation de ne pas réprimer les agissements d’un ressortissant communautaire non national
s’ils ne le sont pas pour un ressortissant national26. En dépit de ces
limites opposées aux possibilités pour les États membres de limiter la
libre circulation des citoyens européens, les autorités nationales
n’hésitent guère à utiliser les raisons d’ordre public, quitte à considérer
par exemple que des faits de mendicité constituent une menace à la
sécurité publique appréhendée comme un « intérêt fondamental de la
société française » justifiant l’éloignement d’une citoyenne européenne d’origine rom27. La liberté de circulation des personnes, qui
peut être restreinte de différentes manières, est en effet soumise à des
conditions de ressources qui peuvent la faire apparaître comme un
privilège réservé aux plus fortunés.
La libre circulation : un privilège réservé
La liberté de circulation n’a de sens que si elle s’accompagne d’un
droit au séjour du citoyen européen sur le territoire d’un État membre
de l’Union dont il n’a pas la nationalité. La Cour de Luxembourg les a
logiquement liés, considérant même que le ressortissant d’un État
membre a droit, dans un autre État membre au titre de sa citoyenneté
de l’Union, à l’égalité de traitement en matière de prestations sociales,
quand bien même il ne détiendrait pas de titre de séjour28, ni ne justifierait de ressources suffisantes ou de couverture sociale29. Si le citoyen européen dont le séjour est inférieur à trois mois est soumis à la
seule condition « d’être en possession d’une carte d’identité ou d’un
passeport en cours de validité » (article 6 de la directive), tel n’est plus
le cas pour un séjour de longue durée qui est supérieur à 90 jours.
26. CJCE, 18 mai 1982, Rezguia Adoui & Cornuaille, Aff. 115-81 & 116-81.
27. CE, 1er octobre 2014, Req. nº 365054. AUBIN, Emmanuel, “Citoyen européen mendiant en
France : ne circulez plus, il n’y a rien à voir !”, AJDA, n° 1, 19 janvier 2015, pp. 64-67.
28. CJCE, 8 avril 1976, Royer, Aff. 48/75.
29. CJCE, 12 mai 1998, Martínez Sala, Aff. C-85/96.
Migrations Société
Dossier
66
Dans une telle hypothèse, l’article 7 de la directive 2004/38 impose en
effet au citoyen européen de disposer « pour lui et pour les membres
de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une
charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil
au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète dans
l’État membre d’accueil » ; l’article 14 insiste sur ce point en disposant
que « Les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ont un
droit de séjour tel que prévu à l’article 6 tant qu’ils ne deviennent pas
une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de
l’État membre d’accueil ». La Cour a limité dans un premier temps les
implications du texte, en adoptant une position favorable aux droits des
ressortissants communautaires non nationaux, à la faveur d’une jurisprudence leur permettant de se prévaloir du bénéfice des prestations
sociales, en vertu de l’égalité de traitement prévu à l’article 24 de la
directive30. Mais la Cour de Luxembourg a modifié par la suite son
mode d’appréhension et d’interprétation du droit dérivé, en liant le
bénéfice des prestations sociales au droit au séjour.
L’arrêt Dano fait date, selon lequel « l’article 7, paragraphe 1, sous b),
de la directive 2004/38 cherche à empêcher que les citoyens de l’Union
économiquement inactifs utilisent le système de protection sociale de
l’État membre d’accueil pour financer leurs moyens d’existence »31. Sur
cette base, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) développe un
raisonnement qui s’appuie sur l’examen du critère des ressources suffisantes dont doit disposer le ressortissant communautaire pour bénéficier
du droit au séjour de plus de trois mois : elle étudie la dépendance de
celui-ci à l’égard des prestations sociales, mais sans jamais interroger le
caractère déraisonnable de la charge qui en découle pour les régimes
d’assistance de l’État membre d’accueil. Autrement dit, le juge de l’Union
opère ainsi une double limitation — d’une part celle du champ
d’application de la liberté de circulation des personnes, d’autre part celle
du principe de non-discrimination des citoyens européens —, sans même
avoir questionné la proportionnalité des restrictions ainsi faites à des
éléments essentiels de la construction et de la citoyenneté européennes
aux charges supportées par les États d’accueil au titre de l’aide sociale.
C’est ainsi que désormais le droit au séjour des ressortissants communautaires, qui découle de leur liberté de circulation et qui est un attribut de
leur citoyenneté européenne, se trouve conditionné ; c’est ainsi que
30. CJCE, 23 mars 2004, Collins, Aff. C-138/02 ; 7 septembre 2004, Trojani, Aff. C-456/02 ;
15 mars 2015, Bidar, Aff. C-209/03.
31. CJUE, 11 novembre 2014, Dano, Aff. C-333/13, §76. TAMBOU, Olivia, “CJUE et prestations
sociales : les citoyens inactifs peuvent être exclus”, Dalloz Actualité, 21 novembre 2014.
Dans le même sens, CJUE, 15 septembre 2015, Alimanovic, Aff. C-67/14 ; 16 juin 2016,
Commission c. Royaume-Uni, Aff. C-308/14.
Vol. 31, n° 175
janvier –mars 2019
Mobilis in mobili
67
désormais une catégorisation entre citoyens économiquement actifs et
citoyens économiquement inactifs se trouve établie. Les juridictions
nationales peuvent se montrer encore plus incisives. Ainsi en est-il du
Conseil d’État français, pour qui l’insuffisance des ressources peut à elle
seule justifier une décision d’éloignement à l’encontre d’un citoyen européen souhaitant prolonger son séjour au-delà de trois mois « alors même
que l’intéressé n’est pas encore effectivement pris en charge par le système d’aide sociale »32 ; et pour qui la combinaison des articles 6 et 14 de
la directive 2004/38 implique que les citoyens européens non nationaux
peuvent séjourner sur le territoire de l’État membre pour un séjour de
moins de trois mois « tant qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État d’accueil »33. Or, la
liberté de circulation n’est pas seulement soumise à conditions ; elle est
également constitutive d’une condition au bénéfice des droits fondamentaux reconnus et garantis par le droit de l’Union.
La circulation comme condition : la nécessaire mobilité,
les droits délaissés
Depuis les années 1990, la doctrine — essentiellement anglosaxonne — met en évidence le lien qui existe entre la qualité de citoyen
européen et la protection des droits fondamentaux34. Elle s’interroge en
particulier sur l’éventuelle confrontation entre liberté de circulation
d’une part et protection des droits d’autre part, autrement dit sur les
potentielles atteintes aux droits fondamentaux des citoyens européens
que peut emporter la promotion de la liberté de circulation des personnes. Une telle tension vient questionner la signification et la substance de
la citoyenneté européenne, dans la mesure où « la capacité de garantir
les droits des plus vulnérables est une preuve de l’effectivité de la citoyenneté européenne en tant que statut juridique protecteur de
l’individu », « est aussi une concrétisation de l’engagement de l’Union de
servir, par son action, un socle des valeurs formant le patrimoine commun des Européens » comme le souligne à juste titre Anastasia Iliopou-
32. CE, avis, 26 novembre 2008, Silidor, Req. nº 315441. CRUSOÉ, Lionel, “Séjour et éloignement des ressortissants roumains et bulgares : un droit en trois dimensions”, Plein droit,
vol. 4, n° 99, 2013, pp. 1-8.
33. CE, 19 mai 2008, Association S.O.S. Racisme, Req. nº 305670. Cela a été repris à l’article
L.121-4-1 CESEDA qui a été inséré par la loi nº 2011-672 du 16 juin 2011 relative à
l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.
34. O’LEARY, Siofra, “Developing an Ever Closer Union between the Peoples of Europe. A
Reappraisal of the Case Law of the Court of Justice on the Free Movement of Persons and
EU citizenship”, Yearbook of European Law, Vol. 27, No. 1, January 2008, pp. 167-193.
Migrations Société
Dossier
68
lou35. Celle-ci, à la faveur d’une analyse de la situation des droits et
libertés des populations roms dans l’Union européenne, en vient à
exhorter l’Union et ses États membres à penser les droits fondamentaux
au-delà de la libre circulation. En vain, car la situation des droits fondamentaux des pauvres dans l’UE s’avère être celle de pauvres droits, pour
paraphraser le titre du rapport dirigé par Diane Roman36.
En ce que « la citoyenneté de l’Union, prévue à l’article 18 du traité
CE [art. 20 du TFUE], n’a pas pour objectif d’étendre le champ
d’application matériel du traité également à des situations internes
n’ayant aucun rattachement au droit communautaire » ainsi que le
pose la CJCE en 199737, elle ne permet pas aux ressortissants communautaires de se prévaloir des droits reconnus et garantis par les normes
de l’UE s’ils n’ont pas au préalable activé leur citoyenneté européenne,
s’ils n’ont pas fait usage de leur liberté de circulation dans l’Union.
L’exigence d’un élément d’extranéité s’impose donc pour que le droit
de l’UE trouve à s’appliquer, ce qui induit des différenciations entre
« situations purement externes » (pour lesquelles le droit de l’UE est
mobilisable) et « situations purement internes » (pour lesquelles il ne
l’est pas), qui se déclinent parfois de manière quelque peu sibylline en
« situations partiellement externes » et « situations partiellement
internes » au gré des décisions de la Cour de Luxembourg. Qu’est-ce à
dire ? Les citoyens européens pauvres, qui manquent de moyens financiers pour user de leur liberté de circulation dans le territoire de
l’Union, ne peuvent pas bénéficier de la protection offerte par les
instruments européens de garantie des droits fondamentaux. La formule « Malheur aux immobiles ! » lancée par Jean-Yves Carlier et
Gautier Busschaert résume bel et bien l’effet négatif de la liberté de
circulation sur la protection des droits38, dans la mesure où son usage
permet d’activer l’application du droit de l’Union, au point de constituer une contrainte additionnelle opposée aux citoyens européens les
plus vulnérables.
35. ILIOPOULOU, Anastasia, “‘Le temps des gitans’. À propos de la libre circulation des Roms
dans l’Union”, Europe, vol. 21, n° 1, 2011, pp. 5-10.
36. ROMAN, Diane, Droits des pauvres, pauvres droits ? Recherche sur la justiciabilité des
droits sociaux [En ligne], Rapport de recherche, 2010, 480 p., http://www.on
pes.gouv.fr/IMG/pdf/Justiciabilit_C3_A9_droits_sociaux_rapport_final.pdf.
37. CJCE, 05 juin 1997, Uecker & Jacquet, Aff. C-64/96 & C-65/96.
38. CARLIER, Jean-Yves ; BUSSCHAERT, Gautier, “La libre circulation des personnes dans
l’Union européenne : malheur aux immobiles ?”, Reflets et perspectives de la vie économique, vol. 3, n° 4, 2013, pp. 9-18.
Vol. 31, n° 175
janvier –mars 2019
Mobilis in mobili
69
La circulation comme activateur européen
La Cour de justice s’est attachée à sécuriser l’accès des citoyens
européens et des membres de leur famille aux droits reconnus et
garantis par les normes de l’Union, manifestant une appréhension
constructive de leur champ d’application. Telle est sa position dans sa
décision Carpenter : l’épouse d’un citoyen européen, ressortissante
d’un État tiers, ne peut se voir refuser un droit au séjour dans l’État
national du citoyen européen en cause, en ce que cela constituerait
pour ce dernier « une ingérence dans l’exercice de son droit au respect
de sa vie familiale au sens de l’article 8 de la Convention de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales »39. Le considérant introductif n° 5 de la directive 2004/38 semble adopter une même
perspective : « le droit de tous les citoyens de l’Union de circuler et de
séjourner librement sur le territoire des États membres devrait, pour
qu’il puisse s’exercer dans des conditions objectives de liberté et de
dignité, être également accordé aux membres de leur famille quelle
que soit leur nationalité ». Mais l’emploi du conditionnel ouvre une
brèche dans la détermination du champ d’application des dispositions
protectrices du texte. La brèche est d’importance, car elle conditionne
l’applicabilité de la directive au franchissement d’une frontière interne : en effet, selon l’article 3 §1, « la présente directive s’applique à
tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre
autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa
famille ». En dépit de la lettre du texte, la Cour de Luxembourg maintient une interprétation constructive du droit de l’UE en vue d’assurer la
garantie de leurs droits40. Dans sa décision Zambrano, elle affirme ainsi
la nécessité de faire bénéficier du droit au séjour dans un État membre
les ressortissants de pays tiers parents d’un mineur citoyen européen
afin de ne pas priver ce dernier de « la jouissance effective de
l’essentiel des droits conférés par leur statut de citoyen de l’Union »41.
Pour ce faire, elle se fonde sur l’article 20 du TFUE, afin de contourner
l’obstacle posé par l’inapplicabilité de la directive 2004/38 dans des
situations purement internes ou partiellement internes42.
Il n’en demeure pas moins que la jurisprudence considérée, qui
concerne le cas particulier du droit au séjour du parent du citoyen
européen mineur, repose à tout le moins en partie sur les impératifs de
la prise en considération de l’intérêt supérieur de cet enfant, et insiste
39. CJCE, 11 juillet 2002, Carpenter, Aff. C-60/00, §41.
40. CJCE, 19 oct. 2004, Zhu & Chen, Aff. C-200/02 ; 25 juillet 2008, Metock, Aff. C-127/08.
41. CJUE, GC, 8 mars 2011, Ruiz Zambrano, Aff. C-34/09, §20.
42. CJUE, 12 mars 2014, O. & B., Aff. C-456/12 ; 12 mars 2014, S. & G., Aff. C-457/12.
Migrations Société
Dossier
70
sur la nécessité d’apprécier la réelle dépendance du mineur d’avec le
parent considéré43. Dans toutes les autres hypothèses, les droits
fondamentaux en matière de vie privée et familiale, garantis par la
CDFUE et par la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH),
ne peuvent être garantis qu’à la condition qu’existe un élément
d’extranéité44. La jurisprudence de la CJUE précise cette exigence. Le
franchissement d’une frontière interne, le déplacement circonstanciel
dans un autre État membre, ne permettent que l’application des dispositions européennes concernant l’entrée et la sortie dans cet autre État
membre, car le citoyen européen n’exerce que son droit à circuler
dans l’Union. Le séjour effectif, résidentiel, du ressortissant communautaire dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité est
nécessaire pour que puissent être activées les dispositions concernant
le droit au séjour des membres de sa famille, car le citoyen européen
exerce alors lui-même son droit au séjour tel que prévu aux articles 7 et
16 de la directive. C’est donc en fonction non seulement du franchissement d’une frontière intérieure, mais encore de la durée du séjour
effectif dans un État membre autre que celui dont le citoyen européen
a la nationalité, que sont définis les différents degrés de droits dont ces
citoyens et les membres de leur famille peuvent se prévaloir au titre du
droit de l’UE. Par conséquent, le ressortissant communautaire, quoique
citoyen européen, ne peut se prévaloir des protections des droits
fondamentaux offertes par les principes généraux du droit de l’Union et
par la CFDUE quand sa situation est purement interne. Il est dès lors des
plus délicats pour les citoyens européens victimes de violations de
leurs droits dans leur État national d’exciper des normes de l’Union
pour obtenir la cessation des atteintes subies et la réparation des
dommages causés.
La circulation comme contrainte supplémentaire
Alors que la Cour se montre souvent ambitieuse et constructive en
matière de libre circulation des marchandises pour souligner
l’application du droit de l’Union européenne y compris dans des situa43. CJUE, 13 septembre 2016, CS, Aff. C-304/14 ; 13 septembre 2016, Rendon Marin, Aff. C165/14 ; 10 mai 2017, Chavez-Vilchez & autres, C-133/15. PEERS, Steve, “Think of the Children: the ECJ Clarifies the Status of Non-EU Parents of EU Citizen Children Living in their
Own
Member
State”
[Online],
EU
Law
Analysis,
10
May
2017,
http://eulawanalysis.blogspot.com/2017/05/think-of-children-ecj-clarifies-status.html.
44. CJUE, 5 mai 2011, McCarthy, Aff. C-434/09. Dans le même sens, CJUE, 15 novembre 2011,
Dereci, Aff. C-256/11 ; 8 novembre 2012, Iida, Aff. C-40/11. Voir GKEGKA, Maria ;
RÉVEILLÈRE, Vincent, “Précisions juridictionnelles sur l’octroi d’un droit de séjour aux ressortissants de pays tiers dans l’État membre d’origine du citoyen européen avec lequel ils
nouent un lien familial” [En ligne], La Revue des droits de l’homme, 1er avril 2014,
http://journals.openedition.org/revdh/639 ; PATAUT, Étienne, “Citoyenneté de l’Union
européenne”, RTDeur, 2017, pp. 581-596.
Vol. 31, n° 175
janvier –mars 2019
Mobilis in mobili
71
tions à première vue parfaitement internes45, elle se révèle plus réservée, voire réticente, en ce qui concerne la libre circulation des personnes. L’avocat général Eleanor Sharpston n’a pas manqué de relever
l’absurdité d’un tel hiatus : « il y a quelque chose de profondément
paradoxal dans l’idée que, en dépit des efforts faits ces cinquante
dernières années pour abolir les barrières à la liberté de circulation
entre États membres, des autorités décentralisées d’États membres
puissent néanmoins réintroduire des barrières par la petite porte en
les instaurant à l’intérieur des États membres » par le biais des régimes
d’assurance maladie46. Parce qu’ils ne peuvent pas librement circuler
dans l’Union, parce qu’ils ne peuvent séjourner plus de 90 jours dans
un autre État membre faute de disposer des ressources suffisantes que
les normes européennes exigent, les ressortissants communautaires les
moins fortunés se voient éloignés de leurs droits et de la garantie de
leur effectivité. Certes, la Cour de Luxembourg admet que le ressortissant d’un État tiers membre de la famille d’un citoyen européen puisse
bénéficier du droit au séjour en application de l’article 45 du TFUE. Mais
cette reconnaissance n’intervient que si le refus d’un tel droit serait de
nature à dissuader le citoyen européen d’exercer son droit à la libre
circulation47. Autrement dit, la prééminence est accordée non pas aux
droits fondamentaux mais à la libre circulation : cette dernière est
garantie par le juge de l’Union en toute circonstance, tandis que les
droits fondamentaux ne le sont que dans la mesure où la libre circulation serait menacée. La hiérarchie ainsi établie entre la liberté de
circulation des personnes, qui serait primordiale, et la protection des
droits fondamentaux, qui serait accessoire, est pour le moins troublante. Elle atteste de la persistance de la logique propre du marché
intérieur qui s’oppose à la conception et à la consolidation d’une réelle
dimension sociale européenne48.
C’est à l’arrêt Dano, déjà mentionné, qu’il convient de se référer ici49.
La Cour de justice ne met pas en cause la liberté de circulation des
ressortissants communautaires. Elle remet en cause l’approche résolu45. CJCE, 9 août 1994, Lancry & alii, Aff. C-363/93, C-407/93, C-408/93, C-409/93, C410/93 & C-411/93 ; 14 septembre 1995, Simitzi, Aff. C-485/93 & C-486/93 ; 9 septembre
2004, Carbonati Apuani, Aff. C-72/03 ; 8 novembre 2005, Jersey Produce Marketing Organisation, Aff. C-293/02 ; 14 juillet 1988, Smanor S.A., Aff. 298/87 ; 7 mai 1997, Pistre & alii,
Aff. C-321/94, C-322/94, C-323/94 & C-324/94. ; 5 décembre 2000, Jean-Pierre Guimont, Aff. C-448/98.
46. Conclusions sur Aff. C-212/06, CJCE, GC, 1er avr. 2008, Gouvernement de la Communauté
française et Gouvernement wallon c. Gouvernement flamand (voir p. 1715).
47. CJUE, 12 mars 2014, S. & G., Aff. C- 457/12, §44.
48. MAILLARD, Sandrine, L’Émergence de la citoyenneté sociale européenne, Aix-en-Provence :
Presses universitaires Aix-Marseille Université, 2008, 472 p.
49. CJUE, 11 novembre 2014, Dano, Aff. C-333/13
Migrations Société
Dossier
72
ment constructive de la citoyenneté européenne que d’aucuns avaient
décelée dans sa décision Martinez Sala50. En effet, elle réduit à peau de
chagrin le droit de séjour des ressortissants communautaires inactifs
et/ou pauvres sur le territoire d’un État membre dont ils n’ont pas la
nationalité, dépouillant la citoyenneté européenne de toute substance.
Pour Emmanuel Aubin, « la solution de l’arrêt Dano consacre une citoyenneté européenne socialement « évanescente » puisque les droits
qu’elle procure ne sont plus liés à la qualité substantielle de citoyen de
l’Union mais aux conditions dans lesquelles un tel citoyen exerce sa
liberté de circulation sur le territoire d’un État membre autre que celui
dont il a la nationalité » ; elle « semble refléter l’inversion des rapports
entre les notions en faisant primer les conditions du droit de séjour à
l’aune du droit de l’Union sur l’égalité de traitement entre les citoyens
européens »51. En effet, la détention de la citoyenneté européenne
n’assure pas par elle-même l’égalité entre les ressortissants communautaires ; plus encore elle n’emporte pas l’accès à ses attributs — au
premier chef desquels se place le droit au séjour — qui sont conditionnés aux moyens d’existence, créant de la sorte des inégalités entre
citoyens européens, instaurant des différenciations entre les citoyens de
première zone (les ressortissants des États membres disposant des
ressources suffisantes), de deuxième zone (les ressortissants pauvres des
États membres et les ressortissants des États membres pauvres) et de
troisième zone (les populations roms)52. Les citoyens européens ne sont
de toute évidence pas tous égaux. Leurs ressources déterminent leur
capacité à être mobiles, et ce faisant déterminent également le niveau de
protection des droits fondamentaux dont ils peuvent espérer pouvoir se
prévaloir. Le droit de l’Union vient de la sorte consacrer une inégalité des
droits (dans leur protection), qui est corrélée à une inégalité des richesses (dans leur disposition).
Conclusion
La garantie des droits fondamentaux des citoyens européens est
donc variable selon qu’ils sont ou non mobiles, leur mobilité étant ellemême dépendante des ressources dont ils disposent. Apparaissent
ainsi « de nouvelles frontières juridiques faisant jouer à la citoyenneté
européenne une fonction d’exclusion sociale de celles et de ceux qui
50. CJCE, 12 mai 1998, Martínez Sala, Aff. C-85/96.
51. AUBIN, Emmanuel, “L’arrêt Dano de la CJUE : quand sonne le glas de la citoyenneté sociale
européenne ?”, AJDA, n° 14, 2015, pp. 821-825.
52. LOCHAK, Danièle, “La citoyenneté européenne entre égalité des droits et discrimination”,
communication durant le colloque Citoyenneté et intégration européennes : 7 et 10 ans
après, avril 2014, Sofia (Bulgarie), 2014.
Vol. 31, n° 175
janvier –mars 2019
Mobilis in mobili
73
représentent un coût social que les États membres ne veulent pas
assurer », pour reprendre les termes d’Emmanuel Aubin53. L’Europe
n’est pas seulement fermée aux plus pauvres du monde54 ; elle se
ferme également aux pauvres en provenance de ses États membres les
plus modestes (sont considérées la Roumanie et la Bulgarie, de même
que la Grèce et l’Italie). Certes, l’Europe ne coalise pas des États. Hélas,
elle n’unit pas des hommes non plus ! Sauf ceux qui en ont les moyens.
❏
53. AUBIN, Emmanuel, “Citoyen européen mendiant en France : ne circulez plus, il n’y a rien à
voir !’”, art. cité (voir p. 65).
54. HARGREAVES, Alec G., “Migration Controls, Open Frontiers and European Unity”, Journal of
Area Studies, Vol. 1, No. 1, 1992, pp. 74-86 ; BASILIEN-GAINCHE, Marie-Laure, “Leave and
Let Die. The EU Banopticon Approach of Migrants at Sea”, in: MORENO-LAX, Violeta ;
PAPASTAVRIDIS, Eftymios (eds), Boat Refugees’ and Migrants at Sea. A Comprehensive Approach Integrating Maritime Security in Human Rights, London: Brill, 2016, pp. 327-350.
Migrations Société