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MATHIEU (LILIAN), L’ESPACE DES MOUVEMENTS SOCIAUX, BELLECOMBE-EN-BAUGES, ÉDITIONS DU CROQUANT, 2012, 285 P. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris 1 - Sorbonne - - 193.55.96.20 - 19/05/2020 14:07 - © De Boeck Supérieur Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) De Boeck Supérieur | « Politix » 2013/4 N° 104 | pages 238 à 243 ISSN 0295-2319 ISBN 9782804185671 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-politix-2013-4-page-238.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. 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Par Julie LE MAZIER (CESSP-CRPS - Université Paris 1 Panthéon Sorbonne) Alessio MOTTA (CESSP-CRPS - Université Paris 1 Panthéon Sorbonne) Document téléchargé www.cairn.info - Université -Paris - Sorbonne - - 193.55.96.20 19/05/2020 14h46. 14:07 - © De Boeck Supérieur Documentdepuis téléchargé depuis www.cairn.info cairn1convertisseurs - 10.0.0.115 - 19/12/2016 (CESSP-CRPS – Capes Foundation Brazil) Comment saisir ensemble les dynamiques protestataires au sein de sociétés segmentées en des univers sociaux relativement indépendants ? Comment rendre compte des relations qu’entretiennent les acteurs contestataires entre eux et avec les différents champs (politique, médiatique, intellectuel…) avec lesquels ils interagissent ? C’est à ces questions qu’invite à réfléchir L’espace des mouvements sociaux. L’ouvrage, issu du mémoire d’habilitation de L. Mathieu, reprend et complète des travaux antérieurs autour de la même notion (« L’espace des mouvements sociaux », Politix, 77, 2007). L’enjeu est d’abord d’éprouver la fécondité de l’hypothèse selon laquelle les mouvements sociaux constituent un espace d’interdépendance relativement autonome. Comme l’explique l’auteur, cette problématique n’est pas nouvelle dans la sociologie des mouvements sociaux. Les notions de « champ multi-organisationnel » (Curtis (R.), Zurcher (L.), « Stable Resources of Protest Movements: the Multi-Organizational Field », Social Forces, 52 (1), 1973), de « secteur des mouvements sociaux » (Mc Carthy (J.), Zald (M.), « Resource Mobilization and Social Movements: A Partial Theory », The American Journal of Sociology, 82 (6), 1977), de « champ du mouvement social » (Mauger (G.), « Pour une politique réflexive du mouvement social », in Cours-Salies (P.), Vakaloulis (M.), dir., Les mobilisations collectives. Une controverse sociologique, Paris, Presses universitaires de France, 2003) ou encore de « champ militant » (Péchu (C.), Droit au Logement : genèse et sociologie d’une mobilisation, Paris, Dalloz, 2006), pour ne citer que quelques exemples, s’inscrivaient déjà dans cette perspective. L’originalité de l’approche ici développée tient à la multiplicité des fils que l’auteur tire à partir de cette hypothèse. Celle-ci l’engage dans une relecture critique des principaux résultats de la sociologie des mobilisations de ces dernières décennies à l’appui d’un important volume de matériaux empiriques de première et de seconde main. Il propose de ce point de vue un ouvrage de référence pour la sociologie des mouvements sociaux, qui apporte une boîte à outils conceptuelle et méthodologique pour les enquêtes à venir. Le livre repose sur un dialogue riche entre approches sociologiques distinctes. Pour construire sa description de l’espace des mouvements sociaux, L. Mathieu s’inspire notamment des travaux de Pierre Bourdieu, Niklas Luhmann et Michel Dobry sur la différenciation des sociétés complexes en univers relativement autonomes. Il discute également les théories de l’école de la mobilisation des ressources, les sociologies interactionniste et pragmatique, ainsi que l’analyse des cadres de l’action collective. Le livre est structuré en trois parties. La première étudie les liens qui unissent mobilisations, causes, organisations et acteurs au sein de cet univers particulier qu’est l’espace des mouvements sociaux. La deuxième partie est consacrée aux relations que ce dernier entretient avec différents champs (politique, médiatique, intellectuel…). L. Mathieu s’y attache, à partir de l’étude du cas français du XIXe siècle à nos jours et plus particulièrement de 1968 à 2007, à identifier les variations conjoncturelles de 104 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris 1 - Sorbonne - - 193.55.96.20 - 19/05/2020 14:07 - © De Boeck Supérieur Walter F. NIQUE FRANZ 240 Notes de lecture Document téléchargé www.cairn.info - Université -Paris - Sorbonne - - 193.55.96.20 19/05/2020 14h46. 14:07 - © De Boeck Supérieur Documentdepuis téléchargé depuis www.cairn.info cairn1convertisseurs - 10.0.0.115 - 19/12/2016 Dans la première partie, L. Mathieu tente de montrer les principes d’unification de l’espace des mouvements sociaux. Si la comparaison avec la notion bourdieusienne de champ – appréhendée ici comme un idéal-type – traverse tout l’ouvrage, L. Mathieu montre bien qu’il s’agit là d’un espace moins structuré et institutionnalisé que d’autres. Raison pour laquelle il choisit le terme d’espace plutôt que de champ. Dans cet espace existent des rapports d’interdépendance objectifs qui relient les organisations et sous-espaces de lutte : circulation de militants et de leadership, reprise de registres, de cadres cognitifs et de répertoires d’action, stratégies de coalition ou affrontement entre organisations… Les acteurs et organisations se trouvent également pris dans des dynamiques concurrentielles pour rendre visibles leurs revendications, imposer leur perception sur des enjeux, se faire reconnaître comme l’interlocuteur d’une négociation ou le porte-parole légitime d’une cause. Ces interactions produisent une « zone d’évaluation mutuelle » (p. 43-51), impliquant un travail constant d’observation de l’état des rapports de forces à l’intérieur de l’espace, de l’action des autres organisations et, en conséquence, des risques et opportunités ouvertes dans chaque contexte. L. Mathieu l’illustre par exemple par l’impulsion des mobilisations pro-vie aux ÉtatsUnis, en réaction à l’essor du mouvement féministe dans les années 1970. Pour autant, les logiques de concurrence internes à l’espace n’ont pas pour enjeu une catégorie unique de trophées. Contrairement à ceux qu’identifie Bourdieu dans des champs constitués, ceux-ci, même si l’on peut en repérer un certain nombre, « sont trop divers et exercent des effets trop distincts pour se laisser résumer dans une forme unique de capital ou d’illusio » (p. 43). L’intérêt de mettre au jour les dynamiques concurrentielles internes aux mobilisations est ailleurs. Trop souvent, les mouvements contestataires sont appréhendés comme des entités rassemblant des ressources et mettant en œuvre une stratégie en vue d’un objectif partagé. Il s’agit ici, au contraire, de montrer que le caractère collectif des mobilisations doit moins être traité comme un donné que comme une construction, produit d’un travail militant toujours fragile, et dont les conditions de félicité sont à élucider (chap. 2). Moins institutionnalisé qu’un champ, l’espace des mouvements sociaux est également plus hétéronome. C’est aux variations conjoncturelles de sa consistance, et de ses relations avec d’autres champs, qu’est consacrée la deuxième partie de l’ouvrage. L’auteur invite à considérer toutes les pratiques de balisage ou de bornage par lesquelles les acteurs contestataires tentent d’assurer l’autonomie de leurs luttes, notamment par rapport au champ politique. Dans le chapitre 4, il montre que celle-ci a fluctué au cours de l’histoire française. L’après-mai 1968 est un moment important d’autonomisation d’un espace des mouvements sociaux. La reconversion de militants de gauche dans la cause de groupes marginalisés et des minorités entraîne une progressive différenciation par rapport au pôle révolutionnaire de l’extrême gauche, orienté vers la conquête du pouvoir politique. En revanche, après l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, on observe un processus d’absorption de l’espace de mouvements sociaux par la politique partisane. Une nouvelle recomposition s’opère dans les années 1990. Des organisations comme Droit au logement, Agir ensemble contre le chômage ou Attac, des mobilisations, comme celle contre le plan Juppé en 1995, ou encore l’appel « Nous sommes la gauche » (1997), témoignent d’entreprises visant à obtenir des victoires Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris 1 - Sorbonne - - 193.55.96.20 - 19/05/2020 14:07 - © De Boeck Supérieur l’autonomie de l’espace des mouvements sociaux. Enfin, une troisième partie s’intéresse à ce qui se joue au niveau des acteurs – leurs dispositions, leurs compétences et les discours de justification de leurs pratiques qu’ils produisent. L’ouvrage articule ainsi une compréhension des propriétés objectives et structurelles de cet espace particulier à celle des dimensions subjectives et pratiques de l’activité contestataire, les intégrant dans une même grille d’analyse de l’action collective. Notes de lecture 241 Document téléchargé www.cairn.info - Université -Paris - Sorbonne - - 193.55.96.20 19/05/2020 14h46. 14:07 - © De Boeck Supérieur Documentdepuis téléchargé depuis www.cairn.info cairn1convertisseurs - 10.0.0.115 - 19/12/2016 L. Mathieu distingue ainsi deux conjonctures de structuration de l’espace des mouvements sociaux : les années 1970 et une nouvelle vague à partir de la mi-1990. Dans ces périodes, « l’autoréférence de l’espace des mouvements sociaux, i.e. le sentiment partagé par nombre de ses membres de constituer un univers distinct et qui, quoique situé à distance du champ partisan, n’en est pas moins capable de peser sur le cours de la vie politique » (p. 144), serait plus évidente. Si les relations avec le champ politique exercent des effets structurants sur l’espace des mouvements sociaux, ses rapports comme ses différences avec d’autres champs (syndical, artistique et intellectuel, médiatique) sont également centraux pour comprendre les dynamiques qui s’y jouent (chap. 5). La troisième partie de l’ouvrage est centrée quant à elle sur les acteurs des mouvements sociaux, leurs dispositions, perceptions et représentations, et surtout sur les compétences pratiques et cognitives qu’ils mobilisent dans la pratique contestataire. La comparaison de l’espace des mouvements sociaux avec la notion de champ pourrait laisser penser que L. Mathieu s’inscrit dans une approche dispositionnelle. De celle-ci, il retient le rôle des trajectoires passées dans la propension à s’engager et à occuper telle ou telle place dans l’action collective. Néanmoins, Lilian Mathieu construit ici un dialogue avec d’autres courants qui mettent davantage l’accent sur le rôle des logiques de situation, des interactions, et sur le sens que les militants donnent à leur action. Il se livre ainsi à une discussion serrée de la sociologie interactionniste, de la sociologie pragmatique et de l’analyse des cadres de l’action collective, qui démontre la nécessité de croiser ces approches pour comprendre l’engagement contestataire. Il invite à mettre l’accent non seulement sur les dispositions des acteurs, c’est-à-dire sur les matrices incorporées susceptibles d’engendrer des comportements, mais surtout sur les compétences qu’ils mobilisent dans leurs pratiques, savoirs et savoir-faire spécifiques impliqués par l’action elle-même : maîtriser un répertoire d’action collective, publiciser une cause, manier le conflit, mais aussi la négociation et le compromis, se repérer dans les différents courants politiques investis dans une mobilisation et posséder les schèmes de perception propres à cet espace, etc. L. Mathieu ouvre ici un programme de recherche important, dans la mesure où ces compétences et pratiques sont plus souvent présupposées que décrites pour elles-mêmes dans la sociologie de l’action collective. Or il souligne qu’elles supposent nécessairement un travail d’adaptation et d’apprentissage de la part des acteurs, même lorsqu’ils possèdent les dispositions requises pour l’action collective. Parmi ces dernières, il en analyse en particulier deux, qu’il qualifie de « disposition critique » (p. 188-193) et de « disposition à l’action collective » (p. 193-200). Celles-ci sont souvent acquises dans d’autres sphères sociales (familiale notamment), et par conséquent leur ajustement immédiat à la situation d’engagement, loin d’être la norme, est plutôt l’exception. La sociologie dispositionnelle doit donc être complétée par les apports de la sociologie interactionniste, et ce dans deux directions. D’abord, Lilian Mathieu invite à placer la focale sur la façon dont la situation contestataire permet l’activation de ces dispositions et, ce faisant, les travaille et les transforme. Ensuite, s’appuyant principalement sur l’enquête qu’il a menée avec Annie Collovald sur des salariés du commerce, il montre que l’approche dispositionnelle ne permet pas de rendre compte de tous les cas d’engagement. Certains acteurs sont peu dotés en ressources et capitaux habituellement répertoriés par la sociologie des mouvements sociaux comme nécessaires à l’action collective, et se mobilisent pourtant : c’est la question des mobilisations improbables. Une analyse 104 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris 1 - Sorbonne - - 193.55.96.20 - 19/05/2020 14:07 - © De Boeck Supérieur sans le relais d’organisations partisanes. À la fin de la décennie 2000, les rapports entre mouvements sociaux et champ politique se complexifient, comme le montre entre autres exemples la candidature de José Bové à l’élection présidentielle de 2007. 242 Notes de lecture Document téléchargé www.cairn.info - Université -Paris - Sorbonne - - 193.55.96.20 19/05/2020 14h46. 14:07 - © De Boeck Supérieur Documentdepuis téléchargé depuis www.cairn.info cairn1convertisseurs - 10.0.0.115 - 19/12/2016 Enfin, un intérêt est porté à la production de discours, de justifications et de schèmes de perception spécifiques produits par et dans l’activité contestataire. Cela passe d’abord par une discussion des apports de la sociologie pragmatique, qui cherche en particulier à identifier des « grammaires » de l’action collective (p. 245-249), normes non écrites sur ce qui « se fait » ou pas dans telle ou telle situation. Pour Lilian Mathieu, le principal intérêt de cette approche est d’attirer l’attention sur les inégalités dans la maîtrise de l’étiquette, les « fautes de grammaire », pour mieux comprendre des inégalités de participation ou les obstacles rencontrés par certaines mobilisations. Il invite en outre à explorer les conditions différenciées d’acquisition de ces compétences pragmatiques. Les inégalités de compétences permettent en effet de distinguer des « virtuoses » et des « novices » de l’action collective (p. 249-252). Cela passe ensuite par une critique frontale de l’analyse des cadres de l’action collective qui tend – notamment dans les travaux de David Snow – à les réifier, les traitant comme des instruments stratégiques utilisés par les acteurs et ayant une existence autonome, alors que les justifications de l’action sont en grande partie produites dans et par l’activité protestataire. L’auteur met finalement en évidence l’univers de sens que construisent les mouvements sociaux, ensemble de schèmes de perception requis pour y participer (p. 269-277). C’est sans doute l’un des arguments les plus centraux pour montrer l’autonomie et l’unification d’un espace des mouvements sociaux en tant que tel : l’action contestataire suppose bien des compétences pratiques et cognitives particulières, que l’on retrouve dans différents types de mobilisations, et qui circulent entre elles. Cela se traduit dans le sentiment d’étrangeté des novices lorsqu’ils découvrent la pratique contestataire, la sensation d’entrer dans un univers nouveau, et la transformation de leurs schèmes de perception par l’action collective, qui se retrouvent de façon similaire dans différents mouvements sociaux. Cela indique qu’il existe bien un univers particulier de la contestation en tant que pratique singulière et obéissant à ses propres logiques. Néanmoins, si la prise en compte des logiques sectorielles ou des effets de champ est heuristique pour saisir les dynamiques contestataires, on peut se demander – et c’est la principale limite de l’ouvrage – si celles-ci dessinent bien un espace des mouvements sociaux ou plutôt une pluralité d’espaces contestataires, correspondant à chaque cause ou ensemble de mouvements. Cette dernière hypothèse est évacuée par l’auteur au motif que « la diversité de leurs enjeux n’empêche pas les mouvements de s’unir dans des coalitions (comme lorsque les malades du sida soutiennent les chômeurs) ou simplement de s’inspirer de leurs registres de discours ou formes d’action (comme quand les prostituées “empruntent” l’occupation d’église aux sans-papiers) » (p. 22). Pourtant, la zone d’évaluation mutuelle pertinente pour des acteurs contestataires semble plus souvent se réduire à des mouvements agissant autour de causes proches (ou antagonistes) que s’étendre à l’ensemble des mouvements sociaux. Il existe des points d’appui empiriques suggérant que certains acteurs se perçoivent comme parties prenantes d’un espace qui serait « le mouvement social », comme en témoigne par exemple l’« Appel pour une autonomie du mouvement social », lancé par les militants de plusieurs syndicats et organisations et publié dans Libération le 3 août 1998. Mais il n’est pas certain qu’il en aille ainsi pour tous les participants à des mouvements sociaux. Et à plus forte raison si l’on y inclut, davantage que ne le fait le livre, les mobilisations conservatrices ou « de droite ». Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris 1 - Sorbonne - - 193.55.96.20 - 19/05/2020 14:07 - © De Boeck Supérieur de type interactionniste est alors nécessaire pour comprendre comment telle ou telle situation les a contraints à s’engager, entraînant éventuellement une transformation de leur rapport à l’action contestataire (p. 228-239). Document téléchargé www.cairn.info - Université -Paris - Sorbonne - - 193.55.96.20 19/05/2020 14h46. 14:07 - © De Boeck Supérieur Documentdepuis téléchargé depuis www.cairn.info cairn1convertisseurs - 10.0.0.115 - 19/12/2016 Il est certes peu intéressant de fixer d’emblée les limites d’un espace ou d’un champ, parce que ces dernières sont elles-mêmes un enjeu de luttes. Mais en l’absence de limites claires, de trophées centraux autour desquels les luttes concurrentielles se structureraient, peut-on vraiment parler d’un espace ? La difficulté du projet théorique de L. Mathieu tient dans la volonté de faire tenir ensemble une comparaison de l’espace des mouvements sociaux avec des champs constitués, et le constat que leurs propriétés communes sont labiles. En définitive, l’intérêt de l’analyse repose peut-être moins sur l’accent mis sur l’unification des mouvements sociaux dans un méta-champ que sur l’analyse que propose l’auteur chemin faisant des dynamiques de relations entre des acteurs et unités liés à des causes, mobilisations et enjeux distincts. Les exemples mobilisés le rapprochent ainsi de la perspective adoptée par d’autres auteurs attentifs à l’inscription des acteurs contestataires dans des arènes ou des espaces différenciés. On pense par exemple à M. Dobry (Sociologie des crises politiques. La dynamique des mobilisations multisectorielles, Paris, Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques, 1992) ou, plus récemment, à Neil Fligstein et Doug McAdam (A Theory of Fields, New York, Oxford University Press, 2012). En tout état de cause, l’ouvrage offre un riche travail de cartographie synchronique et diachronique des luttes en France depuis 1968. Il apporte également des outils précieux pour en comprendre les enjeux et ressorts pratiques, en puisant dans des approches théoriques variées. Si l’idée qu’il existerait un espace des mouvements sociaux unifié peut être contestée, l’entreprise d’unification des cadres et méthodes permettant de les analyser est clairement réussie. 104 243 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris 1 - Sorbonne - - 193.55.96.20 - 19/05/2020 14:07 - © De Boeck Supérieur Notes de lecture