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Archéologie Moderne et Contemporaine 08 Collection dirigée par Alexandre Coulaud L’épave de la Mortella III (Saint-Florent, Haute-Corse) : un éclairage sur la construction navale au XVIème siècle en Méditerranée. Arnaud Cazenave de la Roche Drémil-Lafage - 2021 Direction d’ouvrage Arnaud Cazenave de la Roche Tous droits réservés © 2021 Diffusion, vente par correspondance Editions Mergoil - 13 Rue des Peupliers - 31280 Drémil-Lafage Tél : 05.40.00.02.02 - e.mail : contact@editions-mergoil.com ISBN : 978-2-35518-113-9 ISSN : 1285-6371 Aucune partie de cet ouvrage ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit (photocopie, scanner ou autre) sans l’autorisation expresse des Editions Mergoil. Mise en page : Gabriel C. de la Roche Couverture : Editions Mergoil Photographie de couverture © Christoph Gerigk Impression : Aquiprint Dépôt légal Mars 2021 C OLLABORATEURS À LA FOUILLE DE L’ ÉPAVE DE LA MORTELLA III Collaborateurs scientifiques et techniques - Prof. Ana Crespo Solana (CSIC, Espagne), conseil scientifique - Prof. Nigel Nayling (Université du Pays de Galles), conseil scientifique - Fabien Langenegger (OPAN, Suisse) et Dra. Marta Domínguez, études dendrochronologiques - Cayetano Hormaechea, étude architecturale - Dr. Franck Allegrini Simonetti (CdC) et Prof. Marco Milanese (Université de Sassari), étude de la céramique - Max Guérout (GRAN), étude de l’artillerie - Hervé Blanchet (DRSM) et André Lorin, SONAR, Sondeur de sédiments et navigation - Dr. Jean-Bernard Memet et Philippe de Viviès (A-CORROS), conservation préventive - Maite Segura García and Inmaculada Rigo, laboratoire de conservation préventive - Dr. Carole Mathe (Université d’Avignon), analyses chimiques - Prof. Antoine-Marie Graziani (Université de Corse Pasquale Paoli), recherche historique - Dr. Renato Gianni Ridella (Université de Gènes), recherche historique - Fabrizio Ciacchella (Université de Gênes), étude des ancres - Jesús Guevara (Aingurak, Espagne), dessins et relevés - Dr. Samantha Heitzmann (Université de Paris I- Panthéon Sorbonne), dessins et relevés - Dr. François Gendron (MNHN), études lithiques - Dr. Erik Gonthier and Dr. Jean-Marc Valère (MNHN), étude des cordages - Christoph Gerigk, photographie, photomosaïque - Brandon Mason (Maritime Archaeology Trust), photogrammétrie - Christin Heamagi (Maritime Archaeology Trust), photogrammétrie - Momber, Gary (Maritime Archaeology Trust), photogrammétrie - Debrand, Bérenger, relevés et photogrammétrie - Stéphane Jamme, photographie Equipe de fouille Barbot, Alexandra Bertoncini, Alain Bourdeaud’hui, Cédric C. de la Roche, Arnaud Casamarta, Dominique Catteau, Sidonie Clément, Normann Ciacchella, Fabrizio Coquoz, Xavier Couppey, Antoine Debrand, Bérange Drogue, Gilles Filippi, Jean-José Gendron, François Gerigk, Christoph Guesnon, Joë Guevara, Jesús Hardy, Grégory Haurez, Olivier Grimond, Jonathan Heitzmann, Samantha Heamagi, Christin Jamme, Stéphane Joyard, Anne Kühn, Laurent Langenegger, Fabien Lanleau, Jacques Mager, Patrick Marie Jehan Martins, Guillaume /5/ Nayling, Nigel Nater, Géraldine Philips, Agnès Pinelli, Charles Rigo, Immaculada Sanchez, Didier Segura, Maite De Simon, Pierre Tomas, Emilie Zürcher, Mauro R EMERCIEMENTS e travail est le fruit d’un long cheminement initié en 2005 et 2006 avec la découverte des épaves de la Mortella dans la baie de Saint-Florent et la fouille de l’une d’entre elle –Mortella III- entre 2010 et 2019. Il est issu d’une thèse de doctorat soutenue à l’Université de Paris-Sorbonne en 2018. C La fouille de l’épave de la Mortella III a été possible grâce - au soutien du DRASSM (Département des Recherches Archéologique Subaquatique et Sous-Marine du Ministère de la Culture), de la Collectivité de Corse –CdC- et de la commune de Saint-Florent. - à la collaboration de l’Université de Paris-Sorbonne, l’Université de Corse Pasquale Paoli, du Conseil Supérieur de la Recherche Scientifique espagnol –CSIC-, du consortium ForSEAdiscovery ainsi que de diverses institutions et chercheurs listés précédemment. - au soutien du programme Marie Slodowska Curie Actions – MSCA- (Horizons 2020, IF Grant nº843337) de l’Union Européenne. Qu’ils soient ici tous remerciés. Je tiens également à exprimer toute ma gratitude - aux personnes qui m’ont conseillées et soutenues dans ce travail: Prof. Ana Crespo Solana (CSIC), Prof. Filipe Vieira de Castro (Université du Texas A&M), Prof. Nigel Nayling (Université du Pays de Galles) Prof. Olivier Chaline (Université de Paris-Sorbonne), Max Guérout (GRAN), Cayetano Hormaechea, Prof. Brad Loewen (Université de Montréal), Dr. Franck Allegrini Simonetti, (CdC). - à l’équipe de plongeurs et de collaborateurs scientifiques, techniques qui constituent la cheville ouvrière de la fouille de l’épave de la Mortella III. Ils sont listés à la page précédente. Je voudrais par ailleurs remercier pour leur soutien technique, logistique et/ou moral : Hélène et Philippe Epaminondi, Charles Pinelli (Les amis des Agriate), François Pinelli, Fabien Langenegger (OPAN), Xavier Coquoz, Antoine Couppey, Gilles Drogue et les techniciens de fouille de l’équipe de Cherbourg, Stéphane Orsini (FAGEC), Claudy Olmeta (Maire de Saint-Florent), Silvia Giacchetti et Ernesto Lima. C’est enfin à Maite Segura, mon épouse, que je souhaiterais manifester ma reconnaissance pour son soutien et sa patience à toute épreuve. /6/ S OMMAIRE INTRODUCTION ............................................................................................................................ 19 1 . L’architecture et la construction navales en Méditerranée au XVIème siècle : État des connaissances et problématiques. ....................................................................................29 2 1.1. Les concepts d’«espace maritime » et de « culture technique » ............................................. 29 1.2. Les techniques de construction : à la recherche des « empreintes techniques » ...................... 30 1.3. Les composantes du projet architectural : à la recherche d’un modèle architectural ..............31 1.3.1. Les proportions : la relation entre les dimensions ...........................................................31 1.3.2. La forme: la « figure » du maître-couple.........................................................................38 1.3.3. Le mode de conception : la méthode du gabariage des couples......................................46 . Les épaves de la Mortella : découverte des sites, caractéristiques, chronologie, et méthodologie de la fouille ............................................................................................................51 2.1. Mortella II et Mortella III, la découverte de deux sites d’une même origine, organisation générale des sites et antécédents ................................................................................51 2.1.2. Description générale des sites de la Mortella au moment de leur découverte ................ 51 2.1.2.1. Caractéristiques des sites ........................................................................................51 2.1.2.2. La nature des sites................................................................................................... 53 2.1.2.3. Le lien entre les sites .............................................................................................. 54 2.1.3. Antécédents et historique des interventions ...................................................................54 2.2. Le mobilier et le matériau bois: l’objet et la matière à la rescousse de la chronologie ...........54 2.2.1. L’apport du mobilier à la connaissance de l’épave de la Mortella III et à sa datation ....55 2.2.1.1. L’artillerie ...............................................................................................................55 2.2.1.2. La céramique .........................................................................................................56 2.2.2. Le matériau bois : ses caractéristiques, son emploi dans la construction navale, son travail et son apport à la datation de l’épave de la Mortella III .........................................57 2.2.2.2. Son emploi dans la construction navale .................................................................58 2.2.2.3. Le travail du bois et les traces d’outils ...................................................................61 2.2.2.4 L’étude dendrochronologique ..................................................................................61 2.3. Organisation des vestiges de la carène et contexte du naufrage ..............................................62 2.3.1. Caractéristiques générales des vestiges de la carène .......................................................62 2.3.2. Le contexte du naufrage .................................................................................................66 2.4. Définition d’un programme de recherche: méthodologie, stratégie de fouille et conservation .................................................................................................67 2.4.1. Stratégie et méthode de fouille ........................................................................................67 2.4.1.1. Objectifs et stratégie de fouille ...............................................................................67 2.4.1.2. Moyens et méthodologie de fouille ........................................................................69 La plongée. .........................................................................................................................69 2.4.2. La conservation, ré enfouissement des structures et protection du site...........................73 2.4.2.1. La conservation préventive du mobilier archéologique prélevé .............................73 2.4.2.2. La conservation des vestiges sur le site .................................................................. 73 /7/ . La carène de l’épave de la Mortella III et son mode de construction .........................................75 3 3.1. La charpente transversale: organisation, dimensions et modes d’assemblage.........................75 3.1.1. Organisation générale de la charpente transversale ........................................................ 75 3.1.1.1. La définition des groupes de membrures ................................................................77 3.1.1.2. Le séquencement des pièces de la membrure et la maille ...................................... 79 3.1.1.3. Les membrures de la partie arrière du bâtiment .....................................................82 3.1.1.4. Les membrures situées entre les sections de balancement .....................................83 3.1.1.5. Les membrures situées à l’avant du bâtiment. ........................................................ 87 3.1.2. Les pièces constitutives de la membrure ......................................................................... 93 3.1.2.1. Les varangues .........................................................................................................93 3.1.2.2. Le mode d’assemblage des varangues aux genoux. ...............................................96 3.1.2.3. Les genoux .............................................................................................................99 3.1.2.4. L’assemblage des genoux aux allonges ................................................................. 104 3.1.2.5. Les allonges ...........................................................................................................104 3.1.3. Observations sur les empatures des pièces de la membrure ............................................ 104 3.1.3.1. Un choix technique ...............................................................................................104 3.1.3.2. Une possible fonction architecturale ..................................................................... 108 3.2. La charpente longitudinale : organisation, dimensions, morphologie et modes d’assemblage .......................................................................................109 3.2.1. La quille, le talon de quille et la carlingue ..................................................................... 109 3.2.1.1. Recherche de la longueur de quille........................................................................109 3.2.1.2. Morphologie de la quille et typologie d’assemblage ...........................................110 3.2.1.3. Le talon de quille, son union à la quille et à l’étambot ..........................................114 3.2.1.4. La carlingue ........................................................................................................... 118 3.2.2. Les serres, les accotards et le vaigrage ............................................................................ 119 3.2.2.1. Les serres ............................................................................................................... 119 3.2.2.2. Les vaigres et accotards. .......................................................................................120 3.2.3. Le bordé et son mode de fixation à la membrure ............................................................ 122 3.2.3.1. Le bois ..................................................................................................................122 3.2.3.2. Morphologie et dimensions ...................................................................................123 3.2.3.3. Le système de fixation du bordé à la membrure .................................................... 124 3.2.3.4. L’extrémité avant du bordé ....................................................................................128 3.2.3.5. Calfatage et produits d’étanchéité. ........................................................................131 3.3/ Le système de fixation des pièces ............................................................................................133 3.3.1. Clous en fer et absence de gournables ............................................................................133 3.3.2. Clous de section circulaire..... .........................................................................................134 3.3.3. Le rabattage des pointes ..................................................................................................134 . Les attributs de la coque: Le massif d’emplanture du grand-mât; Le système d’épuisement des eaux & Le gouvernail ................................................................. 137 4 4.1. Le massif d’emplanture du grand-mât .....................................................................................137 4.1.1. Les carlingots .................................................................................................................137 4.1.2. Les taquets .......................................................................................................................137 4.1.3. Les clés ............................................................................................................................140 4.1.4. Une empreinte technique majeure : le massif d’emplanture du grand-mât.....................140 4.2. Le dispositif d’épuisement des eaux ........................................................................................144 /8/ 4.2.1. Le pied de pompe ...........................................................................................................145 4.2.2. Le corps de pompe ..........................................................................................................148 4.3. Le gouvernail ...........................................................................................................................152 4.3.1. L’appareil de gouverne : définitions et vocabulaire ........................................................ 152 4.3.2. Morphologie du panneau ................................................................................................153 4.3.3. Le clouage .....................................................................................................................156 4.3.4. Le brochage ....................................................................................................................156 4.3.5. Les ferrures ......................................................................................................................156 4.4/ Analyse et interprétation des vestiges mis au jour ................................................................... 159 5 6 . Le profil architectural de l’épave de la Mortella III ..................................................................... 163 5.1. Essai de restitution de la « figure » du maître-couple M27 ..................................................... 163 5.1.1. La position du maître-couple sur la quille ....................................................................... 163 5.1.2. Les caractéristiques morphologiques de la membrure. ................................................... 167 5.1.2.1. L’acculement de la maitresse-varangue et le plat ................................................... 167 5.1.2.2. Le profil des vestiges de la membrure M27............................................................ 171 5.1.2.3. Le design du maître-couple ....................................................................................172 5.1.3. Hypothèses de restitution de la forme complète du maître-couple .................................178 5.2. Les ponts et le creux.................................................................................................................181 5.2.1. Le nombre de ponts .........................................................................................................181 5.2.2. La hauteur des ponts ........................................................................................................181 5.2.3. Le creux ...........................................................................................................................184 5.3. La forme de l’étrave et la quête de l’étambot ..........................................................................185 5.3.1. La quête de l’étambot et son élancement ........................................................................185 5.3.2. L’étrave et son élancement ..............................................................................................187 5.4. Définition des proportions du bâtiment et essai de restitution de sa forme et dimensions longitudinales ................................................................................190 5.4.1. Les principaux rapports de proportion ............................................................................190 5.4.1.1. Le rapport largeur/longueur de quille ..................................................................... 191 5.4.1.2. Résumé des proportions ........................................................................................192 5.4.2. Essai de restitution de la forme longitudinale et des dimensions du navire ...................193 5.5. La jauge ....................................................................................................................................193 5.5.1. Une unité de volume essentielle dans la construction navale du XVIème siècle............193 5.5.2. Le calcul du tonnage au XVIème siècle.............................................................................195 5.5.2.1. La méthode vénitienne............................................................................................195 5.5.2.2. La méthode espagnole ............................................................................................196 . Etude historique : problématiques, références et essai d’identification des épaves de la Mortella .................................................................................................................197 6.1. Hypothèses et problématiques historiques ...............................................................................197 6.2. Le combat naval et les naufrages de 1555 ...............................................................................198 6.2.1. Le contexte historique de la période................................................................................198 6.2.2. Présentation des textes ....................................................................................................198 6.2.3. Analyse de l’hypothèse des naufrages de 1555 ............................................................... 200 6.3. Les naufrages de 1526..............................................................................................................201 6.3.1. Le contexte historique de la période................................................................................201 /9/ 6.4. Les naufrages de 1527..............................................................................................................204 6.4.1. Le Contexte historique de 1527 ......................................................................................204 6.4.2. Les documents sur les naufrages de 1527 .......................................................................204 6.4.3. Analyse des textes sur les naufrages de 1527 .................................................................. 206 6.5. Les enseignements provisoires de la recherche historique ...................................................... 208 6.5.1. Le portrait architectural d’une nave génoise ................................................................... 208 6.5.2. Repères historiques sur le développement de la nave génoise ........................................208 CONCLUSION ............................................................................................................................. 211 SOURCES, BIBLIOGRAPHIE ET RÉFÉRENCES ................................................................. 219 GLOSSAIRE DES TERMES TECHNIQUES ...........................................................................235 ANNEXE I – Planimétrie générale de l’épave de la Mortella III .................................................. 239 ANNEXE II – Photomosaïque de l’épave de la Mortella III ......................................................... 241 ANNEXE III – Analyse dendrochronologique, par Fabien Langenegger (OPAN) ....................... 242 ANNEXE IV – Etude de la compression transversale des bois de la Mortella III par Fabien Langenegger (OPAN) .........................................................................259 ANNEXE V – Analyse chimique des matières de calfatage, par Carole Mathe (Université d’Avignon) .............................................................. 265 ANNEXE VI – Textes issus de la recherche historique ................................................................. 272 ANNEXE VII – Sélection de textes énonçant ou induisant la règle As-Dos-Tres......................... 278 ANNEXE VIII – Etude de l’ancre Ouest de l’épave de la Mortella III par Fabrizio Ciacchella (Université de Gênes) .................................................. 280 ANNEXE IX – Album de la fouille Photos 1 à 10 : Christoph Gerigk ..........................................................................284 Photos 11 à 15: Stéphane Jamme..........................................................................288 / 10 / LISTE DES FIGURES Fig. 1 – Situation géographique des sites de la Mortella ...........................................................................27 Fig. 2 – Forme du maître-couple du galion de 16 coudes selon les Ordonnances de 1613 ....................... 39 Fig. 3 – La «figure» du maître-couple d’un navire de 48 palmos, selon F. Oliveira. ................................ 40 Fig. 4 – La «figure» du maître-couple d’un navire de 500 t. , selon M. Fernandes. .................................. 40 Fig. 5 – En haut: «figure» du maître-couple préconisé par M. Baker .......................................................41 En bas: Profil du maître-couple de l’épave de Red-Bay .............................................................. 41 Fig. 6 – La « figure » du maître-couple d’un navire vénitien obtenu au moyen de quatre arcs-de-cercles tangents selon Mathew Baker (dessin issu de Barker, 1986)....................................................................42 Fig. 7 – Méthode de Zorzi Trombetta da Modon pour tracer la « figure » du maître-couple d’une nave .42 Fig. 8 –Restitution de la forme du maître-couple de la nave de 700 botte de Zorzi Trombetta da Modon ................................................................................................................................. 43 Fig. 9 – Superposition des fig. 6 et 8 : identité des formes de Zorzi Trombetta et du modèle vénitien de Mathew Baker. ........................................................................................................................................ 44 Fig. 10 – Superposition des fig. 5a. et 8 : formes de Zorzi Trombetta et du modèle anglais de M. Baker.44 Fig. 11 – « Figure » du maître-couple de la nave cuadra de la « Fabrica di galere » ...............................45 Fig. 12 – Superposition des fig. 5a et 11: coïncidence des formes de la « Fabrica di galere et du modèle 45 anglais de Mathew Baker. .........................................................................................................................45 Fig. 13 – Le « graminho », instrument de réduction progressive du plat (OLIVEIRA, 1570, Fº93). ..... 47 Fig. 14 – Fernando Oliveira illustre l’acculement des varangues des “madeiros da conta”: Livro da Fabrica das Naus, fº 103. ......................................................................................................................................48 Fig. 15 – Le système de la « partisone » d’après Zorzi Trombetta de Modon...........................................49 Fig. 16 – Image SONAR du site de la Mortella III ayant conduit à sa découverte ................................... 51 Fig. 17 – Organisation générale du site au moment de sa découverte ....................................................... 52 Fig. 18 – Site de la Mortella III. Le tumulus B au moment de sa découverte. ......................................... 53 Fig. 19 – Bombarde en fer forgé présente sur le site de la Mortella III (Cn3)...........................................55 Fig. 20 – Boulet de calibre 225 mm. .........................................................................................................56 Fig. 21 – Coupe moyenne. Bord à décor incisé, la pâte est chamois à rosé ..............................................56 Fig. 22 – Répartition européenne du chêne sessile (Quercus petrae). .......................................................57 Fig. 23 – Chêne sessile de 300 ans de Bourgogne ..................................................................................... 58 Fig. 24 – L’herminette, un outil tranchant essentiel dans le façonnage des pièces .................................... 61 Fig. 25 – Coupe transversale de l’allonge M20 ayant permis d’obtenir la datation absolue .....................61 Fig. 26 – Planimétrie générale du site de la Mortella III ..........................................................................63 Fig. 27 – Vestiges mis au jour sous le tumulus A. Extrait de la photomosaïque ......................................64 Fig. 28 – En haut : partie avant du tumulus A (fourcats et extrémité avant de la quille) .........................65 En bas : tumulus B (extrait de la photo mosaïque). ..................................................................65 Fig. 29 – Secteurs de fouille du site de la Mortella III de 2007 à 2015. ...................................................68 Fig. 30 – Dégagement du sédiment sur les vestiges de la carène. ............................................................69 Fig. 31 – Relevé en coupe transversale de la maîtresse-section. . .............................................................70 Fig. 32 – Le carroyage en place sur les vestiges du tumulus A ................................................................70 / 11 / Fig. 33 – Mire placée sur le fond pour permettre le calibrage de la photomosaïque. ............................... 71 Fig. 34 – Restitution 3D du talon de quille ...............................................................................................71 Fig. 35 – Photographie, dessin et traitement de l’information dans le laboratoire de la fouille ................ 72 Fig. 36 – Relevé vidéo au moyen d’un R.O.V. et relevé manuel sur le fond. ............................................73 Fig. 37 – Recouvrement des zones de fouille au moyen d’une couverture de géotextile(a.) à son tour recouverte par une couche de sédiment(b.). .............................................................................................................. 73 Fig. 38 – a. (en haut): la charpente du versant tribord au niveau de la maîtresse section.b. et c. .............. 76 Fig. 39 – Partie centrale de la charpente de l’épave de la Mortella III ..................................................... 76 Fig. 40 – La varangue V30, d’un échantillonnage qui dépasse largement celui de la Maîtresse-varangue et varangues adjacentes ................................................................................................................................77 Fig. 41 – Planimetrie des parties centrale et avant.....................................................................................78 Fig. 42 – La membrure de l’épave de la Mortella III dans la partie centrale de l’épave. ......................... 79 Fig. 43 – Inversion de la séquence d’assemblage à partir du maître-couple M.27 ....................................81 Fig. 44 - Le maître-couple sur son versant tribord : la maîtresse-varangue entourée de ses deux genoux V27a et 27b dont les extrémités sont fines et en forme de demi-lune. ..............................................................82 Fig. 45 – Cassures des varangues V16 et V17 ........................................................................................... 83 Fig. 46 – La cassure des varangues V20 et V21 apparait avec la mise au jour de l’archipompe. ............83 Fig. 47 – En haut: Tête brisée de la varangue V27. En bas: Indication du point de rupture au niveau du profil transversal de la membrure M27 relevée sur le fond. ...............................................................................84 Fig. 48 – Coupes transversales................................................................................................................... 85 B – Coupe M22 – Côte 270 .............................................................................................................. 85 Fig. 49 – Coupe transversale M24. ............................................................................................................86 Fig. 50 – Mise au jour de la charpente bâbord avant sous le tumulus B. ..................................................87 Fig. 51 – Plantimétrie de l’aire de fouille ..................................................................................................88 Fig. 52 – Coupes MB2, MB5 and MB (tumulus B). ................................................................................89 Fig. 53 – Zone d’excavation AF13/12 .......................................................................................................90 Fig. 54 – Planimétrie del’extrémitédavan de l’épave (Aire de fouilleAF 13/1) ........................................91 Fig. 55 – Coupe longitudinale de la zone de fouille AF13/1. ................................................................... 91 Fig. 56 – Aire de Fouille AF12/B (tumulus B) coupe transversale des membrures. .................................92 Fig. 57 – La maîtresse-varangue V27. ...................................................................................................... 94 Fig. 58 – Relevé de la varangue V27. .......................................................................................................95 Fig. 59 – Empature de la varangue V18 avec son genou G18. .................................................................96 Fig. 60 – Clouage oblique du second clou unissant les varangues aux genoux .......................................97 Fig. 61 – Union de la varangue V27 avec le genou G27A et G27B .........................................................98 Fig. 62 – Représentation photographique du schéma d’union de la varangue V27 au genou G27A ....... 98 Fig. 63 – Montage photo : superposition par transparence des deux pièces V27 et G27 ..........................98 Fig. 64 – Représentation en transparence de l’union V27 – G27A et du clouage .....................................99 Fig. 65 – G27B : Face de liaison avec V27 (Gauche) ...............................................................................99 et face de tour antérieur de l’extrémité flottante (droite) ...........................................................................99 Fig. 66 – Les membrures V1P à V8P de l’avant. Noter le façonnage des extrémités de genoux – ........... 100 Fig. 67 – Les genoux G27 A et G27 B. Noter l’effilement des extrémités. ............................................... 100 Fig. 68 – Relevé du Genou G27A. ............................................................................................................101 Fig. 69 – Relevé du Genou G27B. ............................................................................................................101 Fig. 70 – Vue de la face de tour inférieure de l’union G27A et A27 ......................................................... 102 Fig. 71 – Représentation photographique de l’union G27A et A27 ........................................................... 102 / 12 / Fig. 72 – Membrure M27 et plan d’union des pièces entre elles. .............................................................. 103 Fig. 73 – L’allonge A27 photographiée sur son flanc antérieur. ............................................................... 104 Fig. 74 – Relevé de l’allonge A27; faces de tout antérieure; supérieure et postérieure. ........................... 105 Fig. 75 – Empatures à cadeau de l’épave de Yassiada I. ...........................................................................108 Fig. 76 – Flanc bâbord de l’extrémité de la quille .....................................................................................109 Fig. 77 – Extrémité de la quille vue sur son dos.........................................................................................109 Fig. 78 – Ecart de quille tel que mis au jour sous la varangue V25. .........................................................110 Fig. 79 – Ecart simple découvert au droit de la varangue V25 ..................................................................110 Fig. 80 – Deux pièces de quille superposées ............................................................................................. 111 Fig. 81 – Représentation schématique de la quille au niveau de l’écart (flanc bâbord) ............................ 112 Fig. 82 – Schéma de la morphologie de la quille (en haut) et sa position sous le massif d’emplanture (en bas). .......................................................................................................................................................... 113 Fig. 83 – Le talon de quille. ...................................................................................................................... 114 Fig. 84 – Talons de quille. Epave de Villefranche à gauche ......................................................................115 Mortella III à droite : deux talons de quille morphologiquement proches ................................................115 Fig. 85 – Le talon de quille de l’épave de Red-Bay. .................................................................................. 115 Fig. 86 – Le talon de quille, selon Lavanha, fº43 Academia de Marinha du Portugal .............................. 115 Fig. 87 – Talon de quille de l’épave d’Aveiro A. ...................................................................................... 116 Fig. 88 – Talon de l’épave de Corpo Santo. .............................................................................................. 116 Fig. 89 – Talon de l’épave 29 M (Red-Bay) .............................................................................................. 116 Fig. 90 – Le talon de Calvi 1...................................................................................................................... 116 Fig. 91 – Assemblage du talon de quille à l’étambot de l’épave de Red-Bay ..........................................117 Fig. 92 – Ecart quille/talon de quille épave de Villefranche s/mer. Hypothèse a. et b. ............................ 117 Fig. 93 – Ecarts à mi-bois sur la quille de Nossa Senhora dos Mártires. ..................................................117 Fig. 94 – L’écart préconisé par J. B. Lavanha, fº43. ................................................................................. 117 Fig. 95 – La carlingue sur la partie arrière de l’épave. .............................................................................. 118 Fig. 96 – Les serres d’empature S1 et S2. ................................................................................................. 119 Fig. 97 – Les serres d’empature S4 et S5. .................................................................................................120 Fig. 98 – Organisation de la charpente longitudinale ................................................................................121 Fig. 99 – Les accotards : vers l’intérieur la planche d’accotard bordait la serre S2. Vers l’extérieur elle s’endentait sur les genoux ........................................................................................................................122 Fig. 100 – Marques de charpentier en forme de VI. .................................................................................124 Fig. 101 – Ligne de découpe oblique de l’extrémité avant des virures de bordés. ...................................124 Fig. 102 -- Traces de clouage du bordé:A gauche, les trous sur la face extérieure du bordé. A droite : les concrétions au niveau des trous sur le bordé attestent la présence de grosses têtes circulaires................ 125 Fig. 103 – A droite, concrétion formée par un la pointe d’un clou de bordé rabattue. A gauche, empreinte du clou laissé dans la concrétion. ..................................................................................................................127 Fig. 104 – Coupe de l’orifice laissé par le clouage de la membrure (Genou G 20) ...................................127 Fig. 105 et 106 – G27B : Clous du bordé reproduits au moyen de moulages en mastic polyuréthanne . . 128 Fig. 107 - AF15/2 – Schéma de découpe de l’extrémité des bordés .......................................................... 129 Fig. 108 – Schéma possible d’insertion du bordé dans la râblure d’étrave ............................................... 129 Fig. 109 – AF15/2 : photomosaïque du panneau de l’extrémité du bordé bâbord .....................................130 Fig. 110 – Liaison des bordés à l’étrave ....................................................................................................131 Fig. 111 – Can d’un bordé sur lequel on remarque la présence de restes de produits de calfatage. ......... 132 / 13 / Fig. 112 – Vue de la face extérieure du bordé sur laquelle on observe la présence d’un enduit. .............. 132 Fig. 113 – Schéma de fixation du bordé de l’épave de Red-Bay ............................................................... 133 Fig. 114 – Empreinte des pointes de clous sur la face intérieure de la membrure de l’épave de Nossa Senhora dos Martires ..............................................................................................................................................135 Fig. 115 – Schéma du massif d’emplanture du grand-mât .......................................................................138 Fig. 116 – Taquets T1 à T3 calant le carlingot bâbord ...............................................................................139 Fig. 117 – Taquet T2 en place dans l’entaille du carlingot bâbord ........................................................... 139 Fig. 118 – Emplanture du grand mât. AF12/A - Schéma de fixation des clés aux carlingots et entailles. 140 Fig. 119 – fixation des clés aux carlingots et entailles. Photo: C. Gerigk.................................................. 141 Fig. 120 – Le dispositif d’emplanture du grand-mât de l’épave de la Mortella III au moment de sa mise au jour en 2012 .............................................................................................................................................141 Fig. 121 – Système d’emplanture du grand-mât de l’épave de Villefranche-sur-Mer .............................. 142 Fig. 122 – Système d’emplanture du grand-mât de l’épave de Red Bay ................................................... 143 Fig. 123 – Système d’emplanture du grand-mât de l’épave de la Mary-Rose . .........................................144 Fig. 124 – Hiloire de l’archipompe formant une caisse où gisent des débris du pont supérieur ............... 145 Fig. 125 – Pièce d’union et de fixation des extrémités des planches de l’hiloire ......................................145 Fig. 126 – Extrémité du corps de pompe in situ .......................................................................................145 Fig. 127 – Pied de pompe entre V21 et V22 (bâbord) ..............................................................................145 Fig. 128 – Localisation de la pompe. ........................................................................................................146 Fig. 129 – Valve inférieure, représentation des six faces. .........................................................................147 Fig. 130 – Pied de pompe de l’épave de la Mortella III ............................................................................148 Fig. 131 – Schéma de la position du pied de pompe sur les varangues ..................................................... 148 Fig. 132 – a. Pied de pompe de l’épave de Villefranche............................................................................149 Fig. 133 – Intérieur du corps de pompe .....................................................................................................150 Fig. 134 – Extérieur du corps de pompe ....................................................................................................150 Fig. 135 – Corps de pompe. ......................................................................................................................150 Fig. 136 – Secteur de fouille AF 15/1 située à l’extrémité arrière de l’épave ........................................... 152 Fig. 137 – Eléments constitutifs du gouvernail .........................................................................................153 Fig. 138 – Photomosaïque des vestiges du gouvernail ..............................................................................153 Fig. 139 – Vue de la tranche de l’extrémité Sud-Est du panneau .............................................................. 154 Fig. 140 – Vue de dessous : une planche taillée en sifflet assujettit deux pièces horizontales du panneau.154 Fig. 141 – Organisation des vestiges du gouvernail ..................................................................................155 Fig. 142 – Can extérieur de la pièce basse du gouvernail P3. ................................................................. 156 Fig. 143 – Concrétions située sur la tranche Ouest du gouvernail............................................................. 157 Fig. 144 – Concrétion enfermant un aiguillot encore en place (aiguillot a. de la fig.140) ........................ 158 Fig. 145 – Concrétion cassée enfermant un second aiguillot (aiguillot b.)................................................ 158 Fig. 146 – Aiguillot d’un gouvernail du XVIIIème s. .................................................................................159 Fig. 147 – Le gouvernail de l’épave de Villefranche s/mer .......................................................................160 Fig. 148 – 1 (à gauche). Le gouvernail monoxyle de l’épave de Red Bay. 2 (à droite) Le gouvernail de la Mary Rose .............................................................................161 Fig. 149 – Aiguillot du gouvernail de Red Bay. .......................................................................................162 Fig. 150 – Croc de l’aiguillot de la Mary Rose. ........................................................................................162 Fig. 151 – Face de tour postérieure du maître couple M27 après remontage des pièces à terre. ............. 163 Fig. 152 – Maître-couple M27 et plan de liaison des pièces. .................................................................... 164 Fig. 153 – La coque idéale d’un navire selon Mathew Baker (BAKER, 1580). Pour de nombreux constructeurs / 14 / de la Renaissance, la coque idéale est celle qui se rapproche de la forme d’un poisson. ....................... 165 Fig. 154 – Forme originale de la varangue V27 ........................................................................................166 Fig. 155 – Comparaison des maîtresses-varangues des épaves de la Mortella III (en haut) et de Red-Bay (en bas) ............................................................................................................................................................ 168 Fig. 157 – Morphologie et acculement de la varangue C22 de l’épave de Calvi 1 ...................................168 Fig. 158 – Profil de la maîtresse-section selon les Ordonnances de 1613, avec l’imposition d’une varangue acculée (« astilla muerta »). ......................................................................................................................169 Fig. 159 – Représentation de la surface du plat de l’épave de la Mortella III ........................................... 170 Fig. 160 – Reconstitution de M27, indispensable à la cohésion et à l’ajustement des pièces ...................171 Fig. 161 – Etude du maître-couple à terre. ...............................................................................................172 Fig. 162 – Relevé du maître-couple M22 réalisé à terre ............................................................................173 Fig. 163 – Adaptation du relevé en coupe sous-marin avec celui réalisé à terre. ......................................173 Fig. 164 – Reconstitution de la «figure» du maître-couple M27 ............................................................... 174 Fig. 165 – Superposition du profil d’une nave de 700 botte, selon Z. Trombetta (1445) et de celui de l’épave de la Mortella III. .............................................................................................................175 Fig. 166 – Essai de restitution de la forme du maître-couple d’une « nave marchande », selon Theodoro de Nicolò (1550). ............................................................................................................175 Fig. 167 – Forme de la membrure de l’épave de Villefranche-sur-Mer dans la zone de la Maîtresse- section a. Coupe du couple W54. Relevé de la coupe n°9 b. Restitution de la position du couple W54 et étude de sa forme. ............................ 176 Fig. 168 – Forme de la membrure de l’épave de Calvi I dans la zone de la Maîtressesection a. Coupe du couple C20. b. Restitution de la position du couple C20 et étude de sa forme. ................................177 Fig. 169 – Figure du maître-couple et des « almogamas » ou couples de balancement avant et arrières, selon Fernando Olivera (fº114). ........................................................................................................................178 Fig. 170 – Hypothèse de design du maître-couple au moyen d’un seul arc-de-cercle (hypothèse H1). ... 179 Fig. 171 – Restitution de l’évolution du profil du couple W54 de l’épave de Villefranche-sur-Mer au moyen de deux arc-de-cercles : le premier de 6,30 m, le second de la moitié, soit 3,15 m. ...............................180 Fig. 172 – Hypothèse de design du maître-couple de l’épave de la Mortella III sur le modèle de celle de l’épave de Villefranche (hypothèse 2). .....................................................................................................180 Fig. 173 – Restitution de la hauteur des ponts de l’épave de Villefranche-sur-Mer ..................................181 Fig. 174 – La position des ponts du navire de 500 toneladas selon Manoel Fernandes (1616) ................ 182 Fig. 175 – Essai de restitution de la hauteur des ponts de l’épave de la Mortella III dans le cadre de l’hypothèse 1 de la forme de son maître-couple. .........................................................................................................183 Fig. 176 – Essai de restitution de la hauteur des ponts de l’épave de la Mortella III dans le cadre de l’hypothèse 2 de la forme de son maître-couple. .........................................................................................................183 Fig. 177 – Image 3D de la partie supérieure du talon de quille et de l’entaille où venait se loger la partie inférieure de l’étambot ..............................................................................................................................186 Fig. 178 – Les quêtes des étambots des épaves de la Mortella III, Calvi 1 et Red-Bay .......................... 186 Fig. 179 – Hypothèse de restitution de l’élancement arrière de l’épave de la Mortella III ...................... 187 Fig. 180 – Elancement et hauteur de l’étrave de la nave de Z. Trombetta (fº45v). .................................187 Fig. 181 – Extrémité avant des virures de bordés qui venaient s’encastrer dans la râblure de l’étrave.... 188 Fig. 182 – L’étrave de la nave de 700 botte de Zorzi Trombetta da Modon. En haut fº45v du manuscrit. En bas, restitution du profil de l’étrave. .........................................................................................................189 Fig. 183 – Définition des formes et dimension de l’étrave et l’étambot du navire de la Mortella III, selon la / 15 / méthode de conception du Père Oliveira (1580) ......................................................................................190 Fig. 184 – Forme longitudinale du navire de la Mortella III et principales dimensions longitudinales et verticales ...................................................................................................................................................194 Fig. 185 – Le capitaine Paulin, Baron de la Garde. ..................................................................................198 Fig. 186 – Représentation d’une nave au cours de l’expédition menée par Charles Quint contre Alger (1541). Fresque du palais du Marquis de Bazán (Viso del Marqués) peinte, notamment, par Giovanni Ba testi Castello dit « il Genovese » ..............................................................................................................207 / 16 / LISTE DES TABLEAUX Tableau 1 - Règle de proportions As-Dos-Tres exprimée par différents auteurs aux XVIème et XVIIème siècles..............................................................................................34 Tableau 2 - Règle de proportions exprimées dans le texte de la “Fabrica di galere”, au début XVème siècle..............................................................................................................36 Tableau 3 - Règle de proportions exprimées dans le « Libro » de Trombetta «da Modon” c. 1444 ........ ..37 Tableau 4 - “Instructione sul modo di fabricare galere”, Pre Theodoro de Nicolò c.1550 ...............................................................................................38 Tableau 5 - Essences employées dans la construction de quelques épaves méditerranéennes ...................59 Tableau 6 - Mortella III - Maillage de la membrure (tumulus A -tribord) ................................................ ..80 Tableau 7 - Comparaison des sections des varangues entre Mortella III et d’autres sites ........................ ..93 Tableau 8 - Intersections des pièces de la membrure ..................................................................................96 Tableau 9 - Mortella III - Principales mesures relevées sur la membrure................................................. 106 Tableau 10 - Moyenne des principales mesures de la charpente transversale ..........................................107 Tableau 11 - Récapitulatif des dimensions des pièces de la charpente longitudinale ............................... 132 Tableau 12 - La mesure du creux chez divers auteurs des XVIème et début XVIIème s ......................... 184 Tableau 13 - Evaluation des proportions du navire de la Mortella III et comparaison avec celles de l’épave de Villefranche-sur-Mer et Calvi I. ................................................... 193 Tableau 14 - Comparaison d’« empreintes techniques » sur quelques épaves de construction de tradition méditerranéenne ...................................................................... 214 / 17 / / 18 / L’Epave de la Mortella III I NTRODUCTION u XVIème siècle, la construction navale méditerranéenne est réputée dans l’Europe toute entière et les maîtres charpentiers, en particulier ceux des Etats italiens, sont recherchés pour la qualité de leur travail et le haut degré de leur savoir technique. Cette culture technique développée au sein de l’espace nautique méditerranéen est héritée d’une tradition séculaire transmise oralement de génération en génération. Mais elle est aujourd’hui en grande partie méconnue car, à la rareté de la documentation écrite s’ajoute la pauvreté de la documentation archéologique.1 Cette constatation a conduit à faire de la construction navale méditerranéenne de la période de la Renaissance, un axe prioritaire de la recherche depuis ces trente dernières années. A terranéenne constituent une source d’information précieuse susceptible de contribuer significativement à l’enrichissement de cette documentation2. C’est cette perspective qui a conduit le Centre d’Etudes en Archéologie Nautique –CEAN- à l’entreprise d’un programme de fouille sur l’une d’entre elles –la Mortella III- entre 2010 et 2015, principalement axé sur l’étude des vestiges particulièrement bien conservés de la carène. Ce projet, financièrement soutenu par le Ministère de la Culture et son Département des Recherches Subaquatiques et sous-Marines –DRASSM ainsi que par la Collectivité de Corse –CdC. Elle a fait l’objet de plusieurs conventions de collaboration scientifique, avec des Universités et institutions françaises et étrangères qui sont listées au début de cet ouvrage. / LES ÉPAVES DE LA MORTELLA, UNE SOURCE D’INFORMATION PRÉCIEUSE Les quinze années qui nous séparent de la mise au jour du site permettent de retracer le long cheminement d’une étude qui a été jalonnée de doutes, d’interrogations, de fausses pistes parfois, mais aussi de découvertes et de réponses à des questions essentielles qui confèrent au travail de recherche un recul et une maturité qui justifient aujourd’hui la rédaction de cette monographie. Au cours des cinq premières fouilles qui ont fait l’objet de cette publication, les objectifs de travail ont été définis de façon à tenter d’apporter des éléments de réponse aux grandes problématiques posées par l’archéologie des navires de la Renaissance dans l’espace nautique méditerranéen : Dans ce contexte, la découverte des épaves de la Mortella (baie de Saint-Florent, Haute Corse) en 2005 et 2006, et la mise en évidence d’une architecture navale du XVIème siècle de tradition médi1.Les seules épaves du XVIème siècle de « construction méditerranéenne » dont les vestiges architecturaux ont été étudiés à ce jour sont : l’épave de Villefranche s/mer (GUEROUT, RIETH, GASSEND, 1989) et l’épave de Calvi I en Haute-Corse (VILLIE, 1989, 1990 et 1991). L’épave Ottomane de Yassi Ada apporte aussi sa contribution pour le versant oriental de la Méditerranée (PULAK, 2005 et LABBE, 2010). Deux autres épaves à fort potentiel architectural ont fait l’objet de programmes de fouille : celle de Gnalic (Croatie) en 2004 et depuis 2013, et celle de Delta II (Cadiz, Espagne) en 2012, mais, à notre connaissance, rien n’a encore été publié sur leur architecture jusqu’ici. Deux autres épaves vénitiennes du XVIème siècle mises au jour en Croatie, Sveti Pavao (île de Mljet) fouillée entre 2007 et 2016 (BELTRAME, GELISHI, MIHOLJEK, 2015) et l’épave de Brsecine semblent aussi susceptibles d’apporter des informations architecturales. / 19 / 2 . Les sites de la Mortella doivent leur nom à la tour génoise du même nom située à l’extrémité Ouest de la baie de Saint-Florent qui constitue le point de référence géographique le plus proche. Les épaves du XVIème siècle découvertes en 2005 et 2006 ont été baptisées Mortella II et III. Le site de la Mortella I est un lieu de mouillage situé aux pieds de la tour où des tessons de céramiques attestent de son activité au cours des siècles passés. L’Epave de la Mortella III / LES PROBLÉMATIQUES ABORDÉES ET LES OBJECTIFS DE L’ÉTUDE Plusieurs problématiques liées aux procédés de construction et à l’architecture navales sont abordées dans cet ouvrage, elles vont être évoquées, mais il faut préciser d’emblée que toutes sont liées à questionnement sous-jacent d’ordre spatial. A partir de la fin des années 80, en effet, sous l’impulsion de Th. J. Oertling (OERTLING 1989 et 2001), les archéologues travaillant sur la période de la Renaissance comme Brad Loewen (LOEWEN, 2001) ou Filipe Castro (CASTRO, 2008), notamment, ont entrepris d’esquisser les traits d’une tradition baptisée « atlantique » identifiée avec la mise en évidence de « charasteristics », selon l’expression d’Oertling, qui leur sont communes par différentiation avec une tradition « méditerranéenne » à laquelle les travaux, en particulier ceux menés sur l’épave de Villefranche s/mer datée de 1516 (GUEROUT, RIETH et GASSEND, 1989) ont contribué à repérer certaines spécificités qui ont été inventoriées sous l’expression de « signatures architecturales » (RIETH, 1998). De ce fait, l’étude constructive et architecturale du bâtiment de la Mortella III s’attache à le situer dans l’espace nautique méditerranéen auquel il appartient, et cherche à contribuer à préciser, autant que possible, les limites de ce grand ensemble encore un peu lâche dont il conviendra de resserrer les contours. Même s’il est encore trop tôt pour pouvoir rattacher la construction du bâtiment de la Mortella III à un sous ensemble de l’espace nautique méditerranéen, il n’en reste pas moins que c’est, en premier lieu, dans une perspective spatiale que celles-ci est abordée. Il s’agit dans un premier temps d’identifier et de répertorier les procédés employés en particulier sur le plan des assemblages des pièces, de leur mode de fixation et toutes les solutions techniques appliquées à la construction de la charpente. Leur inscription dans une tradition de construction de type méditerranéen, en général, a pour première finalité de confirmer les « marqueurs » techniques – que nous qualifions d’« empreintes techniques »3 - qui ont déjà été caractérisés par le passé, mais aussi, si 3. Le mot « empreinte » est emprunté à Ole Crumlin-Pedersen qui le premier a développé le concept de « fingerprint » pour qualifier ces marqueurs (CRUMLIN-PEDERSEN, 1991). / 20 / possible, d’en identifier de nouveaux. Deux autres problématiques abordées dans ce livre concernent cette fois le projet architectural, c’est-àdire qu’elles se situent sur le plan de la conception de la coque du bâtiment. Elles ont pour objectif majeur de contribuer à la connaissance de la conception des carènes au XVIème siècle qui est essentielle pour saisir la transition qui s’opère au cours de cette période entre une conception architecturale héritée de règles qui puisent leurs sources au Moyen-Age, et celle qui aboutira à la définition des critères qui caractérisent le navire de l’époque moderne. Le travail qui est présenté aborde trois grandes problématiques liées à la conception du bâtiment. Elles sont étudiées en lien avec celle spatiale et, dans ce cadre, nous avons cherché à mettre en lumière les « marqueurs » architecturaux - que nous qualifions « d’empreintes architecturale »4 - qui pourraient constituer des spécificités méditerranéennes. La première problématique concerne les proportions du bâtiment. Les sources écrites font apparaître le XVIème siècle comme une période de transition particulièrement saillante dans le domaine de l’architecture navale avec, notamment, l’évolution de la vieille règle de proportion As-dos-tres5, qui semble généralisée à la Renaissance et qui engendre des navires de haut bord très « ronds », vers des proportions plus performantes du point de vue de la navigation que l’on voit apparaître dans le monde ibérique à partir des années 1580-15906. 4. Nous employons le mot « architecture » dans son acception originale qui la lie à une notion de conception pour bien marquer la distinction avec ce qui relève des techniques de construction : « L’architecture navale est l’art de concevoir des navires...» Michel Benicourt, définition donnée dans l’article de l’Encyclopédie Universalis. 5. La règle dite de l’As, dos, tres est une règle de proportion dont l’origine remonte au Moyen-Age méditerranéen. Elle institue un principe de proportionnalité entre la largeur au fort (As), la longueur de quille (dos) et la longueur totale du bateau (tres). Elle est résumée en 1611 par le constructeur naval espagnol Thomé Cano (CANO, 1611) de la façon suivante : “…tous les maîtres espagnols, italiens et des autres nations qui se consacrent à la fabrication des navires ont pour usage de donner à un coude de largeur au fort, deux de quille ; et à un autre de largeur au fort, trois de longueur de tête en tête, et à trois coudes de largeur au fort, un de plan ; et pour le creux, trois quart de largeur au fort.» La règle de l’As, dos, tres est détaillée dans le chapitre I et la question des proportions du bâtiment de la Mortella III est traitée dans le chapitre V. 6 . Ce mouvement qui nait en Espagne sous l’impulsion de constructeurs comme Juan de Veas ou Rodrigo Ramirez est connu sous le nom de « Nueva Fabrica ». D’origine constructive L’Epave de la Mortella III Cette question des proportions que donnaient les constructeurs à leurs navires constitue un champ d’étude de l’architecture navale à nos yeux essentiel car elles conditionnaient, dans une large mesure, leur forme et leurs qualités nautiques. Or l’archéologie s’est encore peu penchée sur cette thématique. Pour parvenir à situer l’épave de la Mortella III dans le contexte des évolutions technologiques de son siècle, il nous semble important, au terme de cette étude, de déterminer aussi précisément que possible les proportions du navire et d’en tirer des conclusions sur ses caractéristiques nautiques. La seconde problématique est liée à sa forme, et en particulier celle imprimée à son maître-couple, ce que les constructeurs français désignaient sous l’expression de « figure ». Il s’agit là de l’élément fondateur de la géométrie du navire, comme c’est le cas de tous ceux qui -comme celui de la Mortella III- sont conçus selon un principe transversal propre à la construction sur « membrure première ». L’étude de la forme du maître-couple est réalisée en portant une attention particulière à sa méthode de projection, tout d’abord, et à la forme de sa varangue, ensuite. Pour finir, toujours dans le cadre de l’étude de la conception du bâtiment, la fouille des vestiges de la carène de l’épave de la Mortella III fait l’objet d’observations attentives dans une perspective de repérage des traces de la méthode de conception mise en œuvre pour l’édification de la charpente. A la période de la Renaissance, la méthode de prédétermination des membrures situées entre les couples de balancement, d’origine méditerranéenne, est largement employée. Archéologiquement elle a été attestée pour la Méditerranée avec l’épave de Cala Culip VI qui a en a livré le témoignage le plus ancien (RIETH, 1998), ou encore avec celle d’Aveiro A, par exemple, pour l’espace Atlantique (ALVES et al., 2001). Les études qui ont été réalisées dans ce domaine et sur notre période permettent de supposer l’emploi de membrures gabariées dans l’édification de la charpente de l’épave de la Mortella III. Certaines observations réalisées au cours de la fouille aboutissent d’ores et déjà à la atlantique, il débouche sur des proportions qui seront institutionnalisées dans les Ordonnances espagnoles de 1607, 1613 et 1618 et qui engendrent des navires aux formes plus étirée avec un ratio largeur/longueur situé entre 3 et 4. / 21 / formulation de remarques dans ce sens, notamment au niveau du clouage des pièces de la membrure. Mais il va de soi qu’un démontage complet d’une partie importante de la charpente serait nécessaire pour en retrouver les traces -pour autant qu’elles soient décelables- ce qui n’a pas été envisageable dans le programme de notre fouille. Le traitement des problématiques qui ont été évoquées, en s’appuyant sur des données et des considérations techniques, mais aussi sur des références documentaires et historiques, cherche avant tout à participer à la définition des contours de la culture technique et des savoir-faire mis en lumière par la fouille. Il s’agit donc, à l’aune de ses résultats, d’éclairer les caractéristiques constructives et architecturales d’un grand navire du XVIème siècle en Méditerranée à une période de transition particulièrement importante: l’architecture du navire de la Mortella III est porteuse à la fois des règles et caractéristiques architecturales héritées du Moyen-Age telles qu’elles sont actuellement mises en lumière par la recherche archéologique (voir notamment RIETH, 2016), et à la fois potentiellement porteuse des innovations techniques qui préfigurent l’époque moderne. Au fil du temps et des campagnes de fouille, une délinéation de cet objectif très général s’est peu à peu opérée et c’est, au bout du compte, le profil d’un bâtiment de commerce génois du premier tiers du XVIème siècle qui s’est esquissé, même si certaines des conclusions qui aboutissent à ce portrait demandent encore à être précisées. Au-delà des objectifs qui viennent d’être définis, le travail présenté a pour objectif d’inscrire le bâtiment dans une typologie de vaisseau d’origine italienne sur un segment chronologique aujourd’hui bien circonscrit, et tente d’en retrouver les caractéristiques nautiques essentielles. / LES LIMITES DE L’ÉTUDE ARCHÉOLOGIQUE Une fois définis les contours de l’ambition de ce travail, il convient aussitôt d’en préciser les limites, nombreuses malheureusement, qui ont souvent constitué un frein, et parfois une source de frustration, il faut bien le dire, dans le désir d’aller L’Epave de la Mortella III plus en profondeur dans l’étude des vestiges du bâtiment de la Mortella III, et d’aller plus loin dans les conclusions de l’étude archéologique. Voici les deux principales auxquelles nous nous sommes confrontés: -En premier lieu, les difficultés techniques (et financières qui leur sont liées) qui se sont posées pour parvenir à fouiller méthodiquement une épave de la dimension de celle de la Mortella III, par près de 40 mètres de profondeur sont énormes. Les contraintes posées par les questions de décompression et de sécurité, les temps de travail très courts imposés par le milieu hyperbare (50 minutes par fouilleur par jour, au maximum) ont constitué une limite majeure à la fouille archéologique, interdisant, par exemple, d’envisager le démontage de la charpente - sauf dans des cas très ponctuels - et des observations aussi exhaustives que celles qui peuvent être organisées sur des sites situés par petits fonds. Dans ce sens, il faut garder à l’esprit que l’étude architecturale des vestiges de l’épave de la Mortella III repose sur des observations partielles qui ne peuvent soutenir la comparaison avec des chantiers où toutes les pièces de la charpente ont pu être remontées à la surface et étudiées à terre. -Une seconde limite de taille à l’analyse archéologique est le produit de l’incendie qui a ravagé le navire avant qu’il ne sombre et la combustion des œuvres mortes du bâtiment. Souvent, en archéologie sous-marine, les épaves trouvent leur assise sur le fond marin en se penchant sur un de leur bord qui, si les conditions de conservation sont bonnes, permettent une étude d’un pan élevé de la coque, comme cela été le cas pour les épaves du XVIème siècle de référence en matière d’architecture navale comme celle de Villefranche sur-Mer (France,1516) pour la Méditerranée ou celle de Red Bay (Canada, 1565) ou encore celle de la Mary-Rose (RoyaumeUni, 1545), pour l’Atlantique. Dans ces trois cas, l’étude des vestiges a permis de remonter au moins à la seconde allonge de la membrure. Ce n’est pas le cas pour l’épave de la Mortella III. S’il est vrai que les conditions anaérobiques du sédiment en ont permis une bonne conservation, il n’en reste pas moins que la position « à plat » de l’épave sur le fond marin et surtout la combustion des œuvres mortes n’a pas permis de remonter sur la membrure / 22 / au-delà du premier tiers –environ- de la première allonge. Ce fait pose les limites de la restitution des formes qui doivent être estimées selon plusieurs hypothèses au-delà de la ligne de flottaison. Une fois ces réserves faites, voici la façon dont est organisé le travail qui est présenté au long des prochaines pages : Avant de rentrer dans le vif de l’étude archéologique du bâtiment de la Mortella III, il est apparu souhaitable que les deux premiers chapitres de ce livre soient consacrés 1) à une présentation plus détaillée et approfondie des problématiques face auxquelles nous mettent les vestiges de la coque qui ont été brièvement évoquées précédemment. Il s’agit de dresser un panorama le plus complet possible des différentes questions que posent actuellement la fouille d’un bâtiment de cette période et de s’interroger sur les réponses -ou éléments de réponse- que l’épave de la Mortella III est susceptible d’y apporter. Ce questionnement est l’occasion de faire un inventaire de l’état des connaissances dans le domaine de la construction et de l’architecture navales méditerranéennes au XVIème siècle. 2) à la présentation générale du site afin que le lecteur puisse en avoir une vision globale et en saisisse pleinement l’organisation, la chronologie et la dynamique. Cet aperçu général inclue la référence au site de la Mortella II dont nous savons aujourd’hui avec certitude qu’il est lié au même évènement historique que celui de la Mortella III7. Bien que peu abondant et en apparence étranger au sujet traité, le mobilier du site de la Mortella III est également brièvement passé en revue: comme on le verra, il est essentiel du point de vue de la chronologie du bâtiment qu’il permet de préciser, et sans laquelle toute tentative d’étude constructive et architecturale serait vaine. La partie sur la chronologie expose par ailleurs l’étude dendrochronologique qui a permis de parvenir à une datation absolue en 2013. La description générale de l’organisation du site de la Mortella III permet enfin d’aborder une réflexion sur les éléments qui ont concouru au naufrage du navire 7 . En dehors de leur proximité géographique et de la similitude de leur mobilier, la preuve du lien qui unit les deux épaves a été apportée par l’étude lithique de leur lest qui révèle une identité de nature. L’Epave de la Mortella III et s’achève par la présentation du programme de recherche auquel il a donné lieu avec ses différents axes de recherche et la méthodologie mise en œuvre au cours du travail de fouille. L’étude des structures de la coque, qui demeure le centre de gravité de ce travail, est abordé du double point de vue des méthodes et des techniques de construction, d’une part, et de l’architecture des formes et des proportions du bâtiment, d’autre part, qui font l’objet de chapitres différents. D’un point de vue méthodologique, il est en effet apparu important de bien séparer tout ce qui relève des procédés constructifs et de ce que F. Braudel définit comme « cette longue suite de gestes humains qui sont à la base de ce que l’on nomme culture technique » (BRAUDEL, 1979) de ce qui relève de l’architecture proprement dite du bâtiment. Autrement dit, de marquer une distinction claire entre les techniques constructives (modes d’assemblage des structures, techniques de fixation utilisés, mode de calfatage et, de façon générale, toutes les solutions techniques apportées aux problèmes que posent la construction d’une structure en bois destinée à la navigation) et l’architecture des formes et des proportions, concepts qui déterminent les caractéristiques nautiques du navire. Les notions d’architecture et de techniques de construction sont en interaction permanente et, de fait, leur frontière est parfois ténue. Mais si on les prend dans leur acception originale évoquée à la note 4, ils touchent deux thématiques conceptuellement différentes : design et fabrication. / LES TECHNIQUES DE CONSTRUCTION Les techniques de constructions sont traitées dans les chapitres III et IV. Le chapitre III traite exclusivement des structures de la coque. Une étude de la charpente, des structures transversales et longitudinales y est réalisée. Sont examinées en particulier : -Les types d’assemblages utilisés pour l’union des pièces de bois, les types d’écarts employés pour l’extension des structures longitudinales et transversales; le mode d’union des pièces, etc. -Les systèmes de fixation des pièces, et en particulier celui du bordé aux membrures, les modes de clouage et de chevillage, -Les produits de calfatage et enduis d’étanchéité / 23 / utilisés. On a opté par ailleurs pour réunir et traiter dans un chapitre distinct, le chapitre IV, ce que nous avons qualifié sous l’expression d’« attributs de la coque», c’est-à-dire de trois ensembles architecturaux qui ne font pas formellement partie de la coque stricto sensu, mais qui lui sont physiquement associés et qui lui sont intimement liés au regard de leur fonction: 1 - Le système employé pour l’assujettissement du grand-mât au moyen d’un massif d’emplanture qui, comme on le verra, est un ouvrage remarquable par bien des aspects.8 Il s’agit là d’un ensemble lié au mouvement de la coque. 2 - Le système d’épuisement des eaux. Il est représenté par les vestiges de la pompe du navire. Nous avons ici affaire à un dispositif lié à la flottaison de la coque. 3 - Le gouvernail dont les vestiges ont fait l’objet d’une étude en 2015. Ce dispositif de gouverne est essentiel, il a pour fonction le contrôle de la direction de la coque. / L’ARCHITECTURE DU BÂTIMENT C’est ensuite la question architecturale qui est abordée. C’est-à-dire qu’au-delà des modes et techniques de construction employés, à partir de l’étude des formes et des proportions du bâtiment, l’objectif recherché est de remonter au projet architectural qui en a été à l’origine et de mettre en lumière ce qui pourrait en constituer les caractéristiques méditerranéennes. A ce niveau, l’attention se porte en particulier sur - Les questions de proportions: en se plaçant –autant que possible- du point de vue des constructeurs de l’époque et en étudiant en particulier la relation entre la largeur du bâtiment à sa maitresse section, la longueur de sa quille et sa longueur totale. - Sur l’acculement des varangues et la forme de la carène au niveau des différents couples. En s’intéressant en particulier à la « figure » donnée 8. Le massif d’emplanture du grand-mât est un bon exemple d’un ensemble qui pourrait être aussi bien analysé d’un point de vue de système technique et constructif que celui d’ensemble participant à l’architecture du vaisseau. C’est la première acception que nous avons privilégiée en considérant que la nature de ce dispositif n’influe pas directement sur ses caractéristiques nautiques. L’Epave de la Mortella III au maître-couple et au mode de projection de sa forme qui est déterminante dans la forme de la carène et se trouve, comme cela a été souligné, au cœur de problématiques actuelles de l’architecture navale. / LES SOURCES ARCHÉOLOGIQUES Pour parvenir aux objectifs de recherche qui ont été définis, les données archéologiques qui existent pour la Méditerranée -au-delà de celles qui sont apportées par le site de la Mortella III- ont été rassemblées, en particulier celles de l’épave de la présumée Lomellina (1516) fouillée dans la baie de Villefranche-sur-Mer par le GRAN entre 1979 et 1988 sous la conduite de Max Guérout (GUEROUT, RIETH et GASSEND, 1989). Il s’agit d’une des rares épaves de notre période ayant fait l’objet d’une étude architecturale en Méditerranée. Les points communs de ce bâtiment avec celui de la Mortella III dont la chronologie est proche sont, comme on le verra, très nombreux. Ils font de l’épave de Villefranche une référence essentielle sur laquelle s’appuie ce travail dans une perspective comparative qui permet de dégager de nombreux parallèles et enrichit considérablement la réflexion archéologique. Dans une même perspective comparative cette étude s’appuie également régulièrement sur la documentation issue de la fouille de l’épave du baleinier basque présumé San Juan (1565) réalisée à Red Bay (Labrador, Canada) par l’équipe de Parcs Canada entre 1978 et 1985 (BERNIER et al., 2007). Le recours au volume très important des données archéologiques relevées sur cette épave de conception « ibéro-atlantique » à laquelle une large place a été laissée à l’étude architecturale, réalisée par Brad Loewen, est très utile dans notre effort de caractérisation des méthodes constructives et de la conception architecturale de type méditerranéen du bâtiment de la Mortella III. D’autres épaves comme celle Calvi I, datée de la fin du XVIème siècle et celle de Cala Culip VI (RIETH, 1998, PALOU et al., 1998, PUJOL I HAMELINK et al., 1994) de chronologie plus ancienne (début du XIVème s.) constituent des références pour la « construction méditerranéenne ». Pour la « construc- / 24 / tion Atlantique », les épaves sont plus nombreuses et celle la Mary-Rose, datée de 1545 (MARSDEN, 2009), constitue bien sûr une référence. Par ailleurs, en dehors de l’épave de l’épave de Red-Bay qui a été évoquée, les jalons offerts par les épaves ibéro-atlantiques sélectionnées par Oertling constituent des référents, en particulier celles dont la datation est proche de celle de la Mortella III, comme celle de Cattewater, datée du début du XVIème siècle (REDKNAPP, 1984). Néanmoins, des épaves de chronologie plus ancienne ou plus récente comme, par exemple, celles portugaises de Nossa Senhora dos Martires datée de 1606 (CASTRO, 2005) ou d’Aveiro A (ALVES et al., 2001), datée du XVème siècle qui ont fait l’objet d’études architecturales minutieuses apportent également des repères et des comparaisons très utiles à l’analyse archéologique des vestiges de l’épave de la Mortella III. /LES SOURCES DOCUMENTAIRES Au-delà des procédés de construction et de l’architecture du bâtiment qui sont analysés sur la base des données archéologiques qui ont été évoquées, ce travail de recherche s’appuie enfin sur les sources écrites, les traités de construction de l’époque et, quand cela est possible, sur l’iconographie. Les études archéologique et historique nous orientant vers une origine italienne de l’épave de la Mortella III, il apparait opportun de privilégier son analyse architecturale à l’aune des sources écrites italiennes. Celles-ci sont malheureusement peu abondantes pour le XVIème siècle. Une référence importante pour ce siècle, néanmoins, est celle de l’ Instructione sul modo di fabricare galere du vénitien Pre Theodoro de Nicolò publiée en 1550 (THEODORO DE NICOLÒ, 1550) qui constitue une source documentaire qui nous sera très utile. Il faut mentionner aussi la découverte, il y a une dizaine d’années, du manuscrit du traité du ragusain Nicolò Sagri, Il Carteggiatore (SAGRI, 2010), daté de la seconde moitié du XVIème siècle, retrouvé dans une bibliothèque américaine, qui vient apporter une lumière inédite sur la construction navale en Méditerranée Occidentale mais aussi sur la navigation et la vie à bord.9 En dehors du traité 9. Nicolò Sagri (1538-1571) était un officier de la Marine L’Epave de la Mortella III de Sagri, c’est essentiellement dans ceux du XVème siècle, tous vénitiens, que doivent être puisées les références méditerranéennes. Ils sont au nombre de quatre, principalement, et traitent surtout des bateaux de la famille des galères : les deux premiers sont datés du premier tiers du XVème siècle, il s’agit de la « Fabrica di galere » (ANONYME, 1410) qui est –en grande partie- une copie du « Libro » de Michele da Rodi (MICHELE DA RODI, début du XVème s.), le troisième texte, daté du milieu du XVème siècle est le « Libro » de Zorzi Trombetta da Modon (ZORZI TROMBETTA, 1445). Enfin, les « Ragioni antique spettanti all’arte del mare et fabriche de vasselli » (ANONYME, XVème s.) écrit vers la fin du XVème siècle. Ces textes ont parfois été assimilés à des inventaires de « recettes techniques » de construction navale. En réalité, il est dans ces textes très peu question de techniques de construction. S’il est vrai qu’ils répondent à un même modèle, avec la déclinaison de longues listes de mesures un peu austères, leur mérite est de dresser le portrait de navires de leur époque à travers la création d’un « tissu » de relations entre toutes ces mesures. Ces informations, parfois très détaillées, permettent des restitutions très utiles des dimensions, proportions et formes des navires et, en définitive, ils permettent une approche profonde de l’architecture navale italienne, ou plus particulièrement vénitienne. Au chapitre des sources italiennes, il faut enfin mentionner deux textes plus tardifs qui énoncent clairement la méthode de prédétermination des couples, la « Visione » de Baldissera Quinto Drachio (DRACHIO, 1594) écrite en 1594 qui décrit, notamment, le mode de conception d’une ragusaine (actuelle Dubrovnik) chargé de la formation du personnel à bord, fonction qui a motivé la rédaction de son traité. Il s’agit d’un document de 105 folios retrouvé récemment aux Etats-Unis dans la bibliothèque James Ford Bell de l’Université de Minneapolis. Bien qu’il fût perdu, son existence était connue en raison de son évocation par Bartolomeo Crescentio dans son traité Nautica Mediterranea (CRESCENTIO, 1607). De fait, ce texte d’une grande valeur pour la connaissance de la navigation et de la construction navale méditerranéenne du XVIème siècle avait été recherché en vain en Italie pendant des années par Augustin Jal (JAL, 1840, Vol. I, 25). Le traité de Sagri –écrit en italien- offre un aperçu de la construction navale d’influence italienne, la construction ragusaine pouvant en être considérée comme une variante régionale au même titre que la construction vénitienne, génoise ou napolitaine / 25 / galée de 43 mètres et un peu plus tard, en 1607, le traité de Bartolomeo Crescentio (CRESCENTIO, 1602), qui décrit les caractéristiques d’une galère. De fait, et de manière générale, tous les textes que nous avons cités s’emploient moins à la description des caractéristiques de navires de haut bord qu’à celles de navires de la famille des galères, reflet probable de leur primauté au XVIème siècle en Méditerranée, tout au moins à Venise. Mais notre compréhension de l’architecture navale du XVIème siècle serait fragmentaire et incomplète au seul appui des textes vénitiens. Même si à l’heure d’étudier l’épave de la Mortella III, notre regard se tourne vers la Méditerranée, les textes ibériques du XVIème et début du XVIIème siècle qui renvoient à une « conception atlantique » de la construction navale sont essentiels pour en comprendre et interpréter les vestiges architecturaux10. Il en existe une dizaine, parmi lesquels nous souhaitons citer trois traités et trois Ordonnances espagnols et trois traités portugais : Pour l’Espagne, il faut mentionner le traité de Thomé Cano, « Arte para fabricar…las naos » (CANO, 1611) et celui de Juan Escalante de Mendoza, « Itinerario… » (ESCALANTE DE MENDOZA, 1575). Il s’agit de traités de navigation et de construction navale qui s’inscrivent dans le mouvement de « la nueva fabrica » que nous avons évoquée. Il faut par ailleurs mentionner Diego Garcia Palacio dont le traité, bien que de publication postérieure à celui d’Escalante, reflète une conception plus ancienne et moins novatrice de la construction navale espagnole (GARCIA DE PALACIO, 1587). Du côté espagnol, il faut ajouter que les Ordonnances de 1607, 1613 et 1618 sont d’une grande importance pour comprendre la construction navale du XVIème siècle. On nous reprochera peut-être la constance de nos références à ces textes qui chronologiquement s’inscrivent dans le début du XVIIème siècle. Il faut souligner cependant que ces derniers fixent pour la première fois dans la Loi la construction navale espagnole 10. Une étude technique particulièrement complète de ces textes et de la construction navale ibérique a récemment été publiée par Cayetano Hormaechea (HORMAECHEA, 2018 et 2020). D’un point de vue plus historique, une publication collective dirigée par David González Cruz (GONZÁLEZ CRUZ et al., 2018) fournit également un aperçu approfondi du sujet. L’Epave de la Mortella III avec un niveau jusqu’alors inégalé de précision et de détails constructifs. Leur intérêt pour l’étude de la construction navale du XVIème siècle est immense car ils constituent une remarquable synthèse de son évolution et des choix opérés par les promoteurs du mouvement de la « nueva fabrica » qui puise son origine dans la deuxième moitié du XVIème siècle. Leur richesse tient dans ce qu’ils permettent de repérer l’évolution des procédés constructifs, mais aussi des principes de conception d’un XVIème siècle héritier du Moyen-Age vers un XVIème siècle porteur des germes de la modernité dont « la nueva fabrica » est un incontestable vecteur. Du côté portugais nous citerons trois textes érudits, désormais bien connus : le « Livro da fabricas das naos » du père Fernando Oliveira (OLIVEIRA, 1570), le, « Livro primeiro da arquitectura naval » de João Baptista Lavanha (LAVANHA, 1610) et enfin, plus tardif, le « Livro de traças de carpintería » de Manoel Fernandes (FERNANDES, 1616). L’ensemble de ces textes portugais et espagnols forme un corpus de la construction navale du début de l’époque moderne qui contribue à la définition d’un type de navire « ibéro-atlantique ». Les textes vénitiens, quant à eux, même à travers un prisme régional un peu réducteur, permettent néanmoins d’en esquisser une vision « méditerranéenne ». L’étude architecturale des vestiges de la carène de l’épave de la Mortella III ne saurait être faite sans une constante référence à l’ensemble de ces documents. / LES SOURCES DE LA MISE EN PERSPECTIVE HISTORIQUE Enfin, ce travail s’achève par une mise en perspective historique qui reste, la finalité ultime de toute étude archéologique, une évidence qui est toujours bonne à rappeler. C’est l’objet du chapitre VI où sont traitées les questions historiques, d’abord dans la perspective d’une tentative d’identification du navire de la Mortella III, mais aussi parallèlement, dans le souci de resituer ce navire au sein de la période historique à laquelle il appartient. Si le fondement et la nature de cette étude reste un travail d’archéologie et, de ce point de vue, une étude résolument technique, il / 26 / n’en reste pas moins vrai que l’intimité des liens qui unissent l’archéologie et l’histoire ne permettrait pas la réalisation d’une analyse complète, intelligible et satisfaisante sans incursions dans le domaine des sciences historiques. L’analyse historique est faite avec prudence, car j’ai conscience que ma qualité d’archéologue ne me confère pas celle d’un historien, et elle se limite à une approche qui poursuit un double objectif : Le premier concerne l’étude des différents épisodes historiques susceptibles d’identifier l’épave et de connaître son origine. Ce travail s’appuie sur les résultats des recherches documentaires réalisées dans les archives et bibliothèques italiennes, françaises et espagnoles depuis l’année 2005. Comme cela a été souligné, au terme de cette étude, il existe un faisceau de présomptions qui permet de penser que les épaves de la Mortella sont d’origine génoise et les documents localisés permettent aujourd’hui de les relier à un épisode de l’année 1527 qui constitue la principale hypothèse historique retenue à ce jour. Ces conclusions sont essentielles pour resituer les vestiges architecturaux dans leur contexte géographique et chronologique, démarche indispensable pour que les méthodes de construction et l’architecture du bâtiment mises en évidence prennent tout leur sens. Pour finir, une fois défini ce cadre chrono-géographique, le second objectif de l’approche historique est de resituer le navire naufragé dans le contexte géopolitique et économique de son époque. Comme nous le verrons, ce dernier peut être de bon secours pour comprendre certaines options choisies par le constructeur, tant du point de vue des caractéristiques constructives du bâtiment que de ses formes et proportions. L’Epave de la Mortella III Fig.1 – Situation géographique des sites de la Mortella / 27 / L’Epave de la Mortella III / 28 / L’Epave de la Mortella III CONCLUSION u terme de cette étude et de l’analyse des informations récoltées au cours des cinq campagnes de fouille menées entre 2010 et 2015, l’épave de la Mortella III apparaît aujourd’hui comme une précieuse illustration de la construc construction navale de Méditerranée occidentale du premier tiers du XVIème siècle. Ce travail met évidence la convergence de faits archéologiques et de documents historiques qui conduit à une origine génoise du navire. Son portrait qui s’est peu à peu affirmé et précisé tout au long de ces pages est celui d’une nave,, un bâtiment de commerce qui a contribué au développement des échanges en Méditerranée au cours du XVIème siècle. Ce commerce, dominé par les états italiens, a constitué un moteur important de l’économie européenne de l’époque à laquelle la nave a contribué en tant que moyen de transport privilégié par les génois (HEERS, 1958, 110). quille / longueur totale exprimée par un ratio de l’ordre de 1 : 2,48 : 3,50 qui induit un navire aux formes particulièrement étirées pour un navire de commerce. A / LE PORTRAIT ARCHITECTURAL DU NAVIRE DE LA MORTELLA III Si on rassemble les informations issues de ce travail, le portrait architectural du navire de la Mortella III peut être résumé de la façon suivante : Il s’agirait d’une nave de l’ordre de 550 à 570 tonnes de port, soit une unité qui se situe dans la moyenne basse du tonnage de cette typologie de bâtiments dont on a vu que la taille moyenne était de 700 tonnes dans le premier tiers du XVIème siècle. Cette nave était pourvue de deux ponts et de trois mâts, sa longueur totale était de près de 37 mètres. Sa largeur au fort était d’environ 10,50 mètres, sa longueur de quille de 26 mètres, et son creux au premier pont de 4,30 mètres. L’étude architecturale (chapitre V) a mis en évidence trois caractéristiques majeures : 1- Tout d’abord, les dimensions indiquées traduisent une relation largeur / longueur de 2 - Sa forme transversale était particulièrement ronde, comme on l’a vu avec l’étude de la « figure » de son maître-couple dont le profil est plus proche de la forme préconisée par les constructeurs ibériques que celle illustrée par les vénitiens. 3 – L’acculement prononcé de sa maîtresse-va maîtresse-varangue est la troisième particularité du navire de la Mortella III. Au regard de ces traits architecturaux que peut-on dire des caractéristiques nautiques du navire ? Il s’agit là d’une question à laquelle il est difficile de répondre précisément, surtout si on considère la petite portion des vestiges conservée et l’absence totale des œuvres mortes. On pourra néanmoins avancer que sa forme longitudinale plutôt élancée en faisait un navire de capacité de charge moindre que celle d’un navire construit sur la base de proportions répondant à la règle « As, dos, tres »,, mais probablement de qualités nautiques supérieures. L’acculement de la varangue induisant un fort tirant d’eau, le navire était moins sujet à la dérive qu’un autre construit sur la base d’une varangue plate. Cette caractéristique, associée à l’étirement de la forme longitudinale, devait lui donner aussi un avantage pour remonter au vent. Par contre la courbure régulière des côtés et l’absence de bouchain peut laisser penser qu’il devait être sensible au roulis. / LE PORTRAIT HISTORIQUE DU NAVIRE DE LA MORTELLA III Les informations historiques recueillies au cours des recherches documentaires (chapitre VI) enrichissent notre connaissance des navires de la Mortella d’un / 211 / L’Epave de la Mortella III double point de vue : En premier lieu, elles nous plongent au cœur de la période historique à laquelle ils appartiennent et proposent la description des évènements qui, en lien avec les évènements politiques et militaires de la période, ont concouru à leur naufrage. En second lieu, ce sont elles qui nous amènent à privilégier une typologie de navire, la nave, qui coïncide avec l’étude archéologique et permet d’aboutir à une meilleure compréhension du navire auquel nous avons affaire et de ses caractéristiques. Des trois épisodes historiques liés à des naufrages dans la baie de Saint-Florent qui ont été étudiés, c’est le dernier, celui de 1527, qui se pose comme le plus à même d’expliquer la présence des épaves de la Mortella. La bonne coïncidence des faits historiques avec les faits archéologiques des évènements de 1527 conduit donc à privilégier cette hypothèse. Dans le cadre de cette hypothèse, l’épave de la Mortella III pourrait donc être celle de la Boscaina ou de la Ferrara, une nave probablement construite dans le chantier naval de Rapallo99 vers les années 1520, date induite par l’étude dendrochronologique (Chapitre II). Sur ordre de Gênes, bloquée par la flotte de la Ligue de Cognac unissant les flottes française à celle du pape, d’Andréa Doria et de Venise en 1527, elle aurait été envoyée en Sicile, accompagnée d’une autre nave, dans le but d’y charger du blé pour tenter de ravitailler la cité génoise affamée par le blocus. Rattrapées en Corse par une flotte française de galères au mois d’août, les deux navi piégées dans la baie de Saint-Florent, faute de vent, auraient été précipitamment déchargées et volontairement incendiées pour éviter qu’elles ne tombent aux mains de l’ennemi. L’étude de l’épave de la Mortella III a été l’occasion de se pencher –brièvement- sur le contexte historique à l’époque de son naufrage et en particulier sur la rivalité entre la France et l’Espagne dont la Méditerranée a été le théâtre, et dont le naufrage du 99. Rapallo est un port situé à environ 25 km au Sud-Est de Gênes. Il s’agit d’un village médiéval fortifié lié par un acte d’allégeance à Gênes datant du 7 mars 1229 (DIZIONARIO COROGRAFICO, 1868, 742). La ville compte aujourd’hui 30.000 habitants. La baie de Rapallo constitue un abri stratégique de la côte ligure et son chantier naval, réputé pour la qualité de sa construction, a constitué une source de production de navires du commerce génois tout au long de la période moderne. navire de la Mortella III semble être une illustration (chapitre 6). Il met en lumière une situation politique complexe qui révèle la division des cités italiennes que cette rivalité franco-espagnole attisait : d’une part on voit Venise unie au Vatican dans le camp français s’élever contre Gênes. D’autre part, on voit comment l’alliance de Gênes avec l’Espagne et du général génois Andréa Doria avec la France a pour conséquence la guerre sans merci que celui-ci livra à sa propre ville d’origine. L’étude des textes montre que les naufrages des navi de la Mortella sont la conséquence directe de cette épineuse situation politique. Du point de vue de l’économie, les historiens qui ont étudié cette période, notamment Fernand Braudel et Jacques Heers, la décrivent comme dominée par les cités italiennes, Venise, Gênes et Florence, principalement. Certes, elles n’étaient pas les seules dans la structure du commerce méditerranéen du XVIème. On sait, par exemple, que Venise n’est jamais parvenue à assoir totalement sa domination sur « son golfe », la mer Adriatique, où Raguse lui a toujours fait de l’ombre (CHALINE, 2010). On sait aussi que Barcelone était aussi une actrice importante du marché méditerranéen. Mais il n’en reste pas moins vrai que les trois cités italiennes en monopolisaient une bonne partie. L’archéologie associée à l’étude des textes rend perceptible ce tableau et, d’une certaine manière, elle en apporte une illustration avec une époque moderne représentée par une grande majorité d’épaves italiennes en Méditerranée. / L’APPORT DE L’ÉPAVE À LA DÉFINITION D’UN MODÈLE TECHNIQUE MÉDITERRANÉEN On a vu dans le chapitre I les limites que la notion d’espace maritime méditerranéen pose à la représentation d’une aire géographique culturellement homogène et cohérente. La diversité des composantes ethniques et culturelles de cet immense territoire le rend difficilement appréhendable autrement que par le prisme de la géographie, c’est-à-dire celui d’une mer qui relie un certain nombre de régions et de peuples. Dans le domaine de l’archéologie navale, le concept de « culture technique méditerranéenne » s’est / 212 / L’Epave de la Mortella III construit au cours de ces dernières années prin principalement par opposition à un modèle atlantique mis en évidence par l’étude de traits constructifs communs à une quinzaine d’épaves. Mais il faut bien avouer qu’aujourd’hui les trois principaux repré représentants –Mortella III, inclue- de cette catégorie « méditerranéenne » sont plutôt représentatifs d’une construction méditerranéenne occidentale et septen septentrionale, et plus explicitement italienne. Ce sont les documents par ailleurs qui mettent en évidence la prépondérance de cette dernière en Méditerranée occidentale au XVIème siècle. Une fois ces réserves faites, quel bilan peut-on tirer de l’apport de l’épave de la Mortella III à la connaissance et la définition de ce modèle technique de Méditerranée occidentale ? Cet apport ne saurait être évalué sans la mise en parallèle de ses caracté caractéristiques constructives et architecturales avec celles de sa « grande sœur », l’épave de Villefranche-surMer (1516) dont on a vu tout au long de ces pages, qu’elle constitue une référence permanente, tant il est vrai que les points communs aux deux épaves sont nombreux, à commencer par leur origine et leur chronologie. Mais cela ne signifie pas non plus que l’épave de la Mortella III puisse être considérée comme une sorte de « clone » de l’épave de Villefranche-sur-Mer. La culture technique qui les unit n’est pas statique, d’une part, et d’autre part interviennent les options techniques et les choix qui sont propres à leurs constructeurs et qui font leur spécificité. D’ailleurs, du point de vue des techniques de construction employées, la richesse de l’analyse comparative provient autant de ce qui sépare les deux bâtiments de ce qui les rapproche. Ce qui les rapproche permet de distinguer clairement et de préciser ce qui relève d’un patrimoine technique commun que, dès lors, on peut supposer s’inscrire dans une même tradition constructive italienne, tout d’abord, avec ses spécificités régionales, en l’occur l’occurrence probablement génoises, et méditerranéenne sur un second plan. III et IV. En résumé, et en lien avec le modèle technique médi méditerranéen évoqué dans la partie 1.2 du chapitre 1, les principales « empreintes techniques » identifiées sur l’épave sont : 1 - La nature de la fixation du bordé à la membrure au moyen de deux clous en fer placés proche des cans et l’absence de gournables, 2 - l’emploi d’empatures à croc dites « à cadeau » pour l’assemblage des pièces de la membrure, 3 - l’utilisation de clous fer pour la fixation des pièces de la membrure et l’absence de gournables, 4 - la morphologie du système d’emplanture du grand-mât au moyen d’une structure composée de deux carlingots encadrant la carlingue, unis au moyen de clés en forme de queues d’aronde et renforcées latéralement par des taquets. Au final, on conclura que ces procédés de construc construction sont partagés avec l’épave de Villefranche-surMer et partiellement partagés avec celle de Calvi I. Ils montrent que le navire de la Mortella III répond assez précisément à l’environnement technique méditerranéen tel qu’il a été décrit ces dernières années. Cette étude permet par ailleurs de compléter utilement la liste des « empreintes techniques » connues par le repérage de possibles nouveaux « marqueurs » de la culture technique méditerra méditerranéenne : il faut en particulier ajouter cinq caractéris caractéristiques constructives supplémentaires dont l’origine est assurément méditerranéenne pour la première et possiblement méditerranéenne pour les quatre autres, ce qui demandera à être vérifié : Les procédés de construction. Ils s’inscrivent dans une tradition méditerranéenne dont l’origine a été mise en évidence par une série de marqueurs constitués par des « empreintes techniques » carac caractéristiques qui ont été décrites dans les chapitres / 213 / 1 – L’emploi de clous de section circulaire pour la fixation des pièces de la membrure au niveau des empattures et pour la fixation du bordé à la membrure, 2 – l’emploi de clous traversant pour la fixation du bordé à la membrure et le rabattage de leurs extrémités sur la face intérieure de chaque membre, 3 – l’emploi d’une quille double, 4 – l’emploi d’écarts plats pour l’union des pièces de la quille avec leur mise « bout à bout », L’Epave de la Mortella III 5 – un système d’épuisement des eaux dont le pied de pompe est situé entre deux membrures sur lesquelles elle prend appui. Comme on le voit dans le tableau 13, la plupart des « empreintes techniques » constituent des indices qui n’ont pas à eux seuls le pouvoir de déterminer une origine technique indiscutable, sauf peut-être, la typologie de l’emplanture du mât. C’est en fait la convergence de ces marqueurs qui permettra de dégager une tendance que l’on pourra inscrire dans une tradition technique. Néanmoins, on trouve dans le tableau ci-dessous; des marqueurs plus ou moins forts. Certains, comme l’emplanture construite au moyen de carlingots, ou encore la fixation du bordé au moyen de clous en fer en écartant l’emploi de gournables, constituent des indices très forts car, à notre connaissance, on ne retrouve nulle part ces procédés techniques dans la tradition atlantique. D’autres, comme l’emploi d’écarts en forme de queue d’aronde pour l’empature des varangues aux genoux situés entre les couples de balancement, constituent des indices plus faibles car, bien qu’associée à la tradition atlantique, on retrouve parfois aussi cette technique dans la tradition constructive méditerranéenne (à Calvi I, par exemple). On pourrait donc établir en quelque sorte une hiérarchie de la valeur de ces « empreintes techniques ». / L’APPORT DE L’ÉPAVE À LA DÉFINITION D’UN MODÈLE ARCHITECTURAL MÉDITERRANÉEN Mais les caractéristiques constructives d’un navire ne se limitent pas aux seuls procédés techniques employés pour sa construction. Elles prennent aussi en compte ses caractéristiques architecturales, autrement-dit ses formes et ses proportions qu’il convient d’examiner afin de déterminer comment XIVème siècle Epaves / procédés construction Période Tableau 14. « Empreintes techniques » relevées sur des épaves de construction méditerranéenne Type d'empature Origine varangue/genou probable entre les couples de Clouage du Section Type bordé à la Quille des clous d'emplanture membrure balancement 2 carlingots et taquets latéraux Catalogne Empatures avec écarts à "cadeau" Mortella III Gênes Empatures avec écarts à "cadeau". Fixation par 2 clous en fer Villefranche Gênes XVIème siècle Cala Culip Calvi I Delta II 100 (*) Yassi Ada Traitement ext. coque Clous en fer à pointes rabattues circulaire 2 carlingots et taquets latéraux. 2 clés Quille double, écart plat Brai Empatures avec écarts à "cadeau", écarts en forme Clous en fer à de queues d'aronde. Fixa- pointes perdues tion par 2 clous en fer circulaire 2 carlingots et taquets latéraux. 2 clés Quille simple Plomb Italie Empatures avec écart en forme de queue d'aronde Circulaire sur une partie du galbord Gênes Empatures avec écarts à "cadeau" entre fourcats et Clous en fer genoux, fixation par des clous en fer 2 carlingots et taquets latéraux. 3 clés Quille double Plomb Turquie Empatures avec écarts à "cadeau", fixation par 2 clous en fer Clous en fer Clous en fer Quadrangulaire (*) Les informations sur cette épave sont issues de : (HIGUERAS-MILENA et GALLARDO, 2016) / 214 / L’Epave de la Mortella III elles se situent dans la tradition constructive médi méditerranéenne : S’agissant tout d’abord de la relation de proportion largeur / longueur de quille / longueur, les ratios des navi de la Mortella III (1 : 2,48 : 3,50) et de Villefranche-sur-Mer (1 : 2,56 : 3,52) sont plus proches de ceux de la « nueva fabrica » espagnole de la fin du XVIème et début du XVIIème siècle (1 : 3 : 3,75) que de ceux des navires marchands du XVIème siècle. Ces derniers étaient majoritairement construits avec un ratio proche de 1 : 2 : 3, conformément à la très généralisée règle de l’« As-Dos-Tres ». » On constate d’ailleurs que les épaves de tradition atlantique du XVIème siècle dont les proportions ont pu être étudiées s’ajustent particulièrement bien à cette règle, l’épave de Red-Bay en est un des exemples. Quelles conclusions peut-on tirer de ce qui précède ? Au regard des très probables origines génoise génoises des épaves de la Mortella III et de Villefranche-sur-Mer, et au regard du fait que leurs proportions coïncident avec celles préconisées par les auteurs vénitiens du XVème siècle, comme Zorzi Trombetta da Modon ou celui de la Fabrica di galere,, on pourra en déduire naturellement que la forme élancée des navi italiennes pourrait être une « empreinte archi architecturale » méditerranéenne, et plus spécifiquement italienne. On ajoutera qu’elle lui confère un caractère assurément novateur. Mais il faut préciser que cette hypothèse n’implique pas, en revanche, que la règle « As-Dos-Tres » soit une spécificité atlantique. L’ar L’archéologie le rappelle avec l’épave de Calvi I (fin du XVIème siècle) de « construction méditerranéenne » dont les proportions sont proches de 1 : 2 : 3. Les textes le rappellent également (chapitre I, partie 1.3.1), notamment ceux du ragusain Nicolò Sagri (1550), du romain Bartolomeo Crescentio (1601), ou encore le contrat de construction de la flotte Illyrique de Pedro de Ivella (1570-1580), pour n’en citer que quelques-uns. La seconde caractéristique architecturale singulière de l’épave de la Mortella III est le fort acculement de sa maîtresse-varangue, particularité qu’on retrouve aussi à Villefranche et à Calvi. Ce trait architectural est d’importance, il donne une forme transversale circulaire à la coque qui induit des caractéris caractéristiques nautiques particulières et qui tranche avec la tradition des varangues plates des navires de « construction atlantique » observée sur toutes les épaves du XVIème siècle. A l’appui des remarques de Duhamel du Monceau (voir chapitre V, p.226) il semble bien que l’accule l’acculement de la maîtresse-varangue puisse être considéré comme une « empreinte architecturale » liée à la tradition technique méditerranéenne, et plus particu particulièrement italienne. Mais, cette hypothèse demande à être nuancée : On observera que toutes les épaves de tradition constructives méditerranéennes étudiées ces dernières années ne sont pas construites avec une maîtresse-varangue acculée. On citera deux exemples : celui du caboteur de Cala Culip VI (RIETH 1998, 207) et celui de l’épave ottomane de Yassi-Ada (LABBE, 2010, 154) toutes deux pourvues de varangues plates. De fait, l’acculement plus ou moins prononcé de la maîtresse-varangue influant directement le tirant d’eau, on comprend que les conditions régionales de navigation et/ou la nécessité commerciale de naviguer par petits fond (abords des zones portuaires ou fluviales, par exemple) sont d’une importance capitale dans ce choix architectural, quel que soit l’espace nautique où on se situe. Et c’est d’ailleurs probablement cette nécessité qui a conduit les constructeurs des petits bateaux de navigation côtière de Cala Culip et Yassi-Ada à opter pour des fonds plats. Indépendamment de ce qui précède, il faut cependant admettre que la constance de la construction navale atlantique avec une maîtresse-varangue plate, même pour les grosses unités, peut être considérée comme une « empreinte architecturale », en tous cas jusqu’à la fin du XVIème siècle en Espagne. A partir du début du XVIIème siècle, les construc constructeurs espagnols préconisent l’acculement de la maîtresse-varangue qui permet la production de navire de meilleures qualités nautiques (moins de dérive, meilleure remontée au vent). Il est présenté comme une nouvelle technique « inventée » par les promoteurs de la « nueva fabrica » sous le vocable de « astilla muerta » en 1601 (HORMAECHEA, 2012, 22). Et il sera officiellement prescrit dans les Ordonnances espagnoles de 1613. A ce titre, et là encore, les navires de la Mortella III et de / 215 / L’Epave de la Mortella III Villefranche-sur-Mer font figure de précurseurs. La troisième caractéristique architecturale qui a été évoquée et qui rapproche à nouveau les épaves de Calvi I, Villefranche et Mortella III est la forme de leur maître-couple qui suit une ligne en forme d’un arc-de-cercle parfait pour les deux premières et très proche pour la troisième. Cette caractéristique mise en évidence par l’archéologie nous place face à une situation qui semble donc contrastée en Méditerranée puisque les constructeurs vénitiens préconisent des profils fusiformes plus complexes avec deux ruptures des lignes, une au-dessus du bouchain et une autre au fort. Si on admet l’origine génoise des navires de la Mortella III et de Villefranche, on peut donc légitimement se demander si ne nous sommes pas en présence d’une importante différence architecturale régionale dans la façon de concevoir les navi ? Cette conclusion qui demande à être confirmée serait susceptible de montrer qu’il n’existe pas « une » construction navale italienne, mais « des » constructions qui partagent un patrimoine technique, certes, mais qui présentent aussi de profondes différences régionales. En attendant, le design de la maîtresse-section des trois épaves en référence est à rapprocher de la conception ibérique, à l’exception notable, semble-t-il, de la tradition basque illustrée par l’épave de Red-Bay qui serait inspirée de l’anglaise, elle-même probablement influencée par la vénitienne (chapitre I, section 1.3.2 et chapitre V, section 5.1.2.3). Pour achever ce tour d’horizon de l’étude architecturale, il faut souligner que jusqu’ici, elle se fonde essentiellement sur l’étude du maître-couple. Mais à lui seul il ne peut permettre qu’une connaissance partielle de la géométrie du navire. Il peut la suggérer par certains aspects, dans la mesure où nous savons que les membrures de la zone de balancement ont probablement été dessinées sur son modèle. Mais cela ne nous affranchi pas de la nécessité d’étudier les membrures situées en avant du maître-couple.100 Seule cette étude permettra de déterminer l’évolution réelle des formes, de 100. Les membrures situées en arrière du maître-couple étaient trop dégradéespour pouvoir réaliser cette tâche de façon satisfaisante. l’acculement des varangues et de la réduction du plat, paramètres qui ne peuvent être négligés pour une restituer correcte de la forme de la coque. C’est ce travail qui a été programmé au cours de la sixième et dernière fouille de l’épave, tâche essentielle pour mettre un terme au programme de fouille. Jusqu’ici, l’archéologie navale s’est surtout consacrée à l’étude des techniques de construction. Il est symptomatique à cet égard que le modèle ibéro-atlantique de T. Oertling ne se fonde que sur des considérations techniques et que toute considération architecturale liée aux formes et aux proportions en soit absente. Or, de notre point de vue, leur prise en considération est essentielle dans l’analyse comparative des cultures techniques atlantiques et méditerranéennes. Sans elles notre vision resterait fragmentaire et incomplète. C’est cette dimension que notre programme de fouille s’efforce de prendre en compte. / L’EXPLORATION DES TRAITÉS VÉNITIENS À L’AUNE DE CELLE DE L’ÉPAVE DE LA MORTELLA III On ne saurait conclure ce travail sans dire quelques mots des traités vénitiens que l’étude des vestiges de l’épave de la Mortella III a amenée à explorer, tant il est vrai qu’ils ont été d’un précieux secours pour l’analyse. Ces textes qui sont pour partie datés du XVème siècle sont d’un accès malaisé pour être en apparence obscurs et d’une lecture difficile, en ancien vénitien. Car ils sont tous conçus sur le même modèle, celui d’une énumération monotone de dimensions et de valeurs. Ceci leur a valu parfois d’être qualifiés de « livres de recettes techniques ». Mais cette appréciation péjorative se doit probablement à leur méconnaissance, car ils ont encore été très peu étudiés. En fait, les traités vénitiens nous enseignent tout au contraire une série de règles de proportions qui nous parlent non pas de techniques de construction, mais de géométrie architecturale, et de modes de conception. Ils sont dans ce sens le reflet d’une architecture navale très aboutie. De fait, si on suit le cheminement de la Fabrica di galere (1410) ou le Libro de Zorzi Trombetta da Modon (1445) dans la description de leur navi, on parvient à la restitution précise de leurs formes / 216 / L’Epave de la Mortella III et dimensions, chacune d’entre elles étant liée à la précédente par une règle de proportionnalité. Ce niveau d’interrelation des dimensions n’existe pas dans la construction navale ibérique, même au XVIème siècle. En revanche on trouvera dans les traités ibériques des XVIème et début XVII siècles, de nombreux détails sur des techniques de construction (modes de liaison, de fixation des pièces, etc.) absents des textes vénitiens. Ceux-ci font aussi référence aux modes de conception, le gabariage des couples y est évoqué et aussi des techniques novatrices, comme le trébuchement qui est mentionné par les termes de « partisone del ramo» dès le début du XVème siècle, alors qu’il ne sera introduit qu’au début XVIIème siècle dans la construction navale ibérique sous le vocable de « joba » comme une des grandes innovations de la « nueva fabrica ». Les traités vénitiens dont le premier que nous connaissons est écrit au minimum 150 ans avant les premiers connus dans le monde ibérique surprennent donc par leur précocité. Ils témoignent du haut degré d’évolution de la construction navale italienne qui elle-même est un miroir de la splendeur des arts de la Renaissance italienne. Pour cette raison, ils demanderont à faire à l’avenir l’objet d’une étude poussée. Ce que les vestiges encore visibles de l’épave de la Mortella III nous ont laissé entrevoir témoignent-ils de ce degré d’aboutissement ? Oui, par certains aspects de l’architecture du navire, nous l’avons déjà souligné. Dans le domaine des procédés de construction, par ailleurs, un ouvrage tel que celui du massif d’emplanture impressionne par son haut degré de technicité. Mais il tranche en revanche avec l’aspect hétéroclite de la construction de la charpente dont le manque d’ajustement des pièces doit sans cesse être rattrapé par l’adjonction de cales et de garnitures (chapitre III). Caractéristique qu’on retrouve au demeurant à Villefranche-sur-Mer. De ce point de vue, le navire de Red-Bay, par exemple, semble d’une construction plus soignée. / LES PERSPECTIVES FUTURES DE LA CONNAISSANCE DE LA CONSTRUCTION NAVALES MÉDITERRANÉENNE. L’épave de la Mortella III contribue sans aucun doute à compléter utilement les informations encore trop ténues dont on dispose pour documenter la construction navale en Méditerranée à l’époque de la Renaissance.. Son témoignage architectural vient consolider ceux qui ont été apportés par l’épave de Villefranche-sur-Mer et de Calvi I. Il permet de préciser la connaissance d’une construction d’origine italienne qui semble dominer la Médi Méditerranée occidentale au XVIème siècle. Il reste néanmoins encore un long chemin à parcourir pour parvenir à faire toute la lumière sur les différentes questions que pose l’étude de des vestiges de la carène de l’épave de la Mortella III. Si les épaves de Calvi I et de Villefranche-sur-Mer constituent des références importantes pour l’analyse archéo archéologique, beaucoup de réponses aux problématiques traitées dans notre travail requièrent la documenta documentation de nouvelles épaves de tradition constructive méditerranéenne. Elles sont aussi nécessaires à l’émergence de directrices statistiques sur lesquelles on puisse s’appuyer de façon fiable. Les programmes de fouille dernièrement organisés sur des épaves de la période moderne de construc construction de tradition méditerranéenne, notamment en Croatie et en Espagne101, associés à celui que nous prévoyons d’entreprendre sur l’épave de la Mortella II est susceptible de changer cette situation au cours des prochaines années. Nous avons désormais la possibilité de constituer un corpus documentaire qui –pour la première fois- ouvre la perspective de poser les premiers jalons d’un modèle méditerranéen, ou plus exactement « italo-méditerranéen », comme cela a été le cas pour le modèle « ibéro-atlantique » dont les bases ont été définies dans les années 80. Ce projet intitulé « ModernShip project » a été primé par le programme de l’Union Européenne Horizon 101. L’Espagne apporte une contribution majeure à la documen documentation des épaves de tradition constructive méditerranéenne avec l’épave du San Giacomo de Galicia (qui apparaît dans les textes espagnol sous le nom de Santiago de Galicia)) située à Ribadeo (Galice). Le navire a été construit à Naples dans le dernier tiers du XVIème siècle et l’épave se trouve dans un état de conservation remarquable. Le programme de fouille est mené par le Dr. Miguel San Claudio avec l’appui du consortium du ForSEAdiscovery (Programme européen MSCA) et de l’Université du Texas A&M. / 217 / L’Epave de la Mortella III 2020 pour la Recherche et l’Innovation (Marie Sklodowska-Curie Actions nº843337). Il compte avec la participation d’un groupe de chercheurs du consortium ForSEAdiscovery project dirigé par la prof. Ana Crespo Solana (Conseil Supérieur de la Recherche Scientifique espagnol - CSIC).102 Il compte aussi avec la collaboration d’un groupe international d’Institutions et de chercheurs mobilisés autour des objectifs de recherche mentionnés sous la forme d’un « Projet Commun de Recherche ».103 panel d’épaves dont nous disposons permet d’entreprendre un premier travail fondateur en jetant les bases d’un modèle méditerranéen d´influence italienne. C’est une première étape, elle permettra à n’en pas douter d’avancer dans la connaissance de cette extraordinaire machine flottante qu’était le bateau à l’époque de la Renaissance. Pour finir, nous l’avons déjà évoqué, pour influente qu’ait été l’Italie dans la Méditerranée de l’époque moderne, la construction navale de cette période ne peut se réduire aux états italiens, ni non plus à Raguse. Son histoire le montre avec évidence, le poids de l’Empire ottoman en Méditerranée est si considérable tout au long du XVIème siècle que l’élaboration du modèle de construction navale de cet espace nautique du début de la période moderne ne pourra nous en donner une vision juste sans l’étude d’épaves provenant des régions –au Sud et à l’Est- sous influence ottomane. Les chercheurs qui s’intéressent à la construction navale et la navigation de cette période en sont conscients. A ce titre, ils observent avec intérêt les récents développements de la recherche archéologique nautique en Turquie, en Egypte, en Algérie,, au Maroc ainsi que la tendance des conférences internationales à prendre chaque fois plus en compte ces pays. La construction navale au Levant français et espagnol a aussi sûrement beaucoup à nous apprendre. On espère ainsi que les prochaines découvertes qui à l’avenir proviendront de ces régions et de celles des versants orientaux et méridionaux de la Méditerranée ouvriront la voie à une compréhension globale de la construction navale méditerranéenne dans toute sa complexité et toute sa diversité. En attendant, le 102. Le projet ForSEAdiscovery fait intervenir, notamment, le CSIC espagnol, l’Université du Texas A&M, l’Université du Pays de Galles et le Maritime Archaeolgy Trust, MAT, U.K. 103. Ce « Projet commun de Recherche » -PCR- a été fondé par le Groupe de Recherche en Archéologie navale –GRAN- et le Centre d’Etudes en Archéologie Nautique –CEAN-. Il réunit les Institution de recherche suivantes: l’Université de Paris-Sorbonne et le Musée National de la Marine pour la France ; le Consejo Superior de la Investigación Científica -CSIC- pour l’Espagne ; l’Università degli Studi di Genova, l’Università Ca’ Foscari Venezia et l’Università degli Studi di Sassari pour l’Italie ; le Croatian Conservation Institute – CCI pour la Croatie. / 218 / A NNEXE I PLANIMÉTRIE GÉNÉRALE DU SITE DE LA MORTELLA III 2010 -2015. FORMAT A2 / 239 / / 240 /        / 283 / L’Epave de la Mortella III A NNEXE IX PHOTOS DE LA FOUILLE / 284 / L’Epave de la Mortella III / 285 / L’Epave de la Mortella III / 286 / Excavation photos L’Epave de la Mortella III / 287 / L’Epave de la Mortella III / 288 / L’Epave de la Mortella III / 289 / L’Epave de la Mortella III / 290 / L’Epave de la Mortella III / 291 /