Mémoires de l'AFAM n° 36
Archéologie du Midi Médiéval
Supplément n° 9
L’HABITAT RURAL DU HAUT MOYEN ÂGE EN FRANCE (Ve-XIe SIÈCLES) :
DYNAMIQUES DU PEUPLEMENT, FORMES, FONCTIONS
ET STATUTS DES ÉTABLISSEMENTS
Sous la direction de Jérôme HERNANDEZ, Laurent SCHNEIDER, Jean SOULAT
L’HABITAT RURAL DU HAUT MOYEN ÂGE
EN FRANCE (Ve-XIe SIÈCLES) :
DYNAMIQUES DU PEUPLEMENT, FORMES, FONCTIONS
ET STATUTS DES ÉTABLISSEMENTS
Actes des 36e Journées internationales d’archéologie mérovingienne de l’AFAM,
Montpellier - Musée archéologique de Lattes, 1er - 3 octobre 2015
Mémoires de l’AFAM n° 36
Archéologie du Midi Médiéval
Supplément n° 9
CENTRE D’ARCHÉOLOGIE MÉDIÉVALE DU LANGUEDOC
Direction régionale des Affaires culturelles d’Occitanie, Service régional de l’Archéologie,
Laboratoire Traces U.M.R. 5608, Laboratoire Framespa U.M.R. 5136,
Laboratoire LA3M U.M.R. 7298, Laboratoire Ciham U.M.R. 5648,
Conseil régional d’Occitanie Pyrénées-Méditerranée,
l’Association française d’archéologie mérovingienne, l’Institut national de recherches archéologiques préventives
L’HABITAT RURAL
DU HAUT MOYEN ÂGE EN FRANCE
(Ve -XIe SIÈCLES) :
DYNAMIQUES DU PEUPLEMENT,
FORMES, FONCTIONS
ET STATUTS DES ÉTABLISSEMENTS
Copyright C.A.M.L. Editeur 2020
Centre d’Archéologie Médiévale du Languedoc
5 rue de l’Olivier 11000 CARCASSONNE - France
04 68 71 21 17 - c.a.m.l@wanadoo.fr
Directrice des publications : Nelly POUSTHOMIS, C.A.M.L.
Diffusion : C.A.M.L.
Tous droits de reproduction (même partielle)
et de traduction réservés pour tous pays.
ISSN : 1278 - 3358
ISBN : 978-2-918365-23-5
Conception de la couverture : Dominique BAUDREU, C.A.M.L.
Mise en page
- Impression : Grapho 12 - 12200 Villefranche-de-Rouergue
Achevé d’imprimer en septembre 2020
Dépôt légal : 3e trimestre 2020
Sous la direction de
Jérôme HERNANDEZ, Laurent SCHNEIDER,
Jean SOULAT
L’HABITAT RURAL
DU HAUT MOYEN ÂGE EN FRANCE
(Ve-XIe SIÈCLES) :
DYNAMIQUES DU PEUPLEMENT,
FORMES, FONCTIONS
ET STATUTS DES ÉTABLISSEMENTS
Mémoires de l’AFAM n° 36
Archéologie du Midi Médiéval - Supplément n° 9
Actes des 36e Journées Internationales d’Archéologie Mérovingienne de l’AFAM,
Montpellier - Musée archéologique de Lattes, 1er-3 octobre 2015
sommaire
. Jérôme HERNANDEZ, Laurent SCHNEIDER, Jean SOULAT, Avant-propos.
L'habitat rural du haut Moyen Age en France
9
█ I - Bilans régionaux, micro-régionaux et études de cas
. Laurent SCHNEIDER, Dynamique de peuplement et formes de l’habitat
en Occitanie méditerranéenne
13
. André CONSTANT, Jean-Antoine SEGURA, Sites perchés des Ve-IXe siècles en Provence :
bilan, questions et avancées récentes
41
. Mariacristina VARANO, L’habitat de plaine en Provence durant l’Antiquité tardive
et le haut Moyen Âge : état de la question
53
. Julie CHARMOILLAUX, Sébastien GAIME, Emmanuel GRÉLOIS, Manon CABANIS,
Fabrice GAUTHIER, Gérard VERNET, Les établissements ruraux du Moyen Âge
en Sologne bourbonnaise et Limagne septentrionale (Auvergne), VIIe-XIVe siècles,
d’après les données de l’archéologie préventive
65
. David BILLOIN, L’habitat du premier Moyen Âge dans le massif du Jura (Ve-XIIe siècles)
81
. Madeleine CHATELET, Boris DOTTORI, Une campagne en mutation ou l'habitat rural en Alsace
des Xe-XIIe siècles
99
. Céline GODARD, Antoine GUICHETEAU, Vincent MARCHAISSEAU, Nadine MAHÉ-HOURLIER,
Les établissements du haut Moyen Âge et leur environnement au cœur du Nogentais (Aube)
117
. Fabien LOUBIGNAC, Étienne JAFFROT, Rémy ROULEAU, Guillaume VANDECASTEELE,
L'évolution d'un village du haut Moyen Âge dans la banlieue orléanaise :
le site des Chesnats à La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret)
135
. François GENTILI, Eddy SETHIAN, Le terroir de Serris / Jossigny au haut Moyen Âge :
dynamique d’occupation et hiérarchie des habitats à partir des fouilles préventives
151
. Louis HUGONNIER, Germain CUVILLIER, Gilles DESPLANQUE, Caroline FONT,
Denis MARECHAL, Sylvain RASSAT, Danaël VEYSSIER, Sébastien ZIEGLER
avec la collaboration d’Hélène DULAUROY-LYNCH, Richard FRONTY, Marjorie GALOIS,
Habitats alto-médiévaux en Picardie. Premiers bilans de l'exercice 2014-2015
sur le corpus Aisne-Oise 2005-2014
175
. Claire HANUSSE, L’habitat rural en Normandie du IVe au Xe siècle : état des lieux et perspective
185
. Isabelle CATTEDDU, Joseph LE GALL, Archéologie du premier Moyen Age rural en Bretagne.
Etat des lieux et perspectives
199
. Sébastien JESSET, Didier JOSSET, Anne NISSEN, L’habitat rural médiéval en région Centre-Val de Loire.
Un premier bilan
209
. Florent HAUTEFEUILLE, Archéologie des peuplements du premier Moyen Âge
dans le sud-ouest de la France : analyse d'une anomalie
227
. Edyth PEYTREMANN, Conclusions : une recherche dynamique et ouverte
251
█ II - L’habitat rural du haut Moyen Âge en Occitanie méditerranéenne (Languedoc et Roussillon) :
les apports récents de l’archéologie préventive
. Odile MAUFRAS, Jérôme HERNANDEZ, Marie ROCHETTE, Benjamin THOMAS
avec les contributions de Richard DONAT, Sylvie DUCHESNE, Nicolas THOMAS,
Genèse, évolution et désertion de Missignac (Aimargues, Gard), villa des Ve-XIIe siècles
257
. Liliane TARROU avec les contributions de Laurent BRUXELLES, Magali FABRE,
Isabelle FIGUEIRAL, Pierre FOREST, Vianney FOREST, Jérôme HERNANDEZ, Christophe JORDA,
Mathieu OTT, Claude RAYNAUD, Le site de Lallemand (Mauguio, Hérault), un établissement rural
du haut Moyen Âge (VIIe-XIe siècles) en Languedoc oriental
283
. Rémi CARME, Guergana GUIONOVA, Anne CLOAREC-QUILLON, Artisanat potier et ensilage groupé
aux portes de Montpellier : le site de Verchamp du VIIe au XIIe siècle (Castelnau-le-Lez, Hérault)
297
. Carole PUIG, Nicolas GUINAUDEAU avec la collaboration de Rachel CASTELLA, Sylvain DURAND,
Jean-Paul CAZES, Jean-Michel CAROZZA, Anne CLOAREC-QUILLON, Jérôme ROS,
Christophe VASCHALDE, Camille SNEED-VERFAILLE, A l'origine du village roussillonnais :
Taxo-d'Avall, premiers éléments d'enquête
313
. Jérôme ROS, Jérôme KOTARBA, Vianney FOREST, Marie-Pierre RUAS, Approches croisées
de l’occupation et de l’exploitation des campagnes roussillonnaises durant le haut Moyen Âge
(Ve-VIIIe siècles)
333
. Odile MAUFRAS, Marie ROCHETTE, Liliane TARROU avec les contributions d’Agnès BERGERET,
Christophe DURAND, Les bâtiments sur excavation du Languedoc oriental (Ve-XIIe siècles)
355
█ III - Variae, Notes et documents, Posters
. Marie ROCHETTE avec la contribution de Nathalie CHARDENON, Isabelle COMMANDRÉ,
Guillaume HULIN, Mathieu OTT, L’aire d’ensilage de Saint-Pastour à Vergèze (Gard),
VIIIe-XIIe siècles : témoin de l’exploitation du terroir et de la proximité d’un habitat groupé
369
. Guillaume DUPERRON, L’établissement littoral de Saint-Martin-le-Bas à Gruissan (Aude)
durant l’Antiquité tardive : premier bilan des recherches récentes
375
. Agnès BERGERET, Guergana GUIONOVA, Vivien VASSAL avec la collaboration de
Chloé HAUSWIRTH, Laura LORENZINI, Frédérique ROBIN, L’habitat rural du haut Moyen Âge
de Saint-Vincent de Soulages (Saint-Maurice-Navacelles, Hérault)
381
. Hélène BREICHNER, Magali FABRE, Gaspard PAGÈS avec la collaboration de Fernand PELOUX,
Les Aouzerals (La Malène, Lozère) durant le premier Moyen Âge : premiers éléments de réflexion
sur les activités et la vie quotidienne.
389
. Marie MAURY, Natacha CRÉPEAU avec la contribution de Sophie VALLET, Les composantes
de l’habitat rural du haut Moyen Âge et les dynamiques de peuplement en Poitou-Charentes :
l’exemple des Sablons à Luxé (Charente)
397
. Sébastien JESSET, Stéphane JOLY, Didier JOSSET, Gwenaël ROY, Discussion sur les critères
de hiérarchisation des occupations privilégiées en région Centre - Val de Loire (VIIIe - XIe siècles)
405
. Jean-Philippe CHIMIER, Jérôme BOUILLON, François CHERDO, Etienne JAFFROT, Stéphane JOLY,
Nicolas FOUILLET, Isabelle PICHON, Thomas POUYET, Mélanie SIMARD, Françoise YVERNAULT,
L'évaluation archéologique du village d’Esvres et de son territoire (Indre-et-Loire).
Un bilan d’étape pour le premier Moyen Âge
413
. Stéphanie GUILLOTIN, Ergersheim - « Abbaye » (Bas-Rhin) : un habitat des époques mérovingienne
et carolingienne
417
. Cyrille BEN KADDOUR, Etienne JAFFROT, Guillaume VANDECASTEELE, Une production céramique
à la charnière des Ve et VIe siècles ap. J.-C. sur le site de Ganay à Saint-Laurent-Nouan (Loir-et-Cher) 423
. Claude RAYNAUD avec la collaboration d’Alexandrine GARNOTEL, Olivier GINOUVEZ,
Jérôme HERNANDEZ, L’île de Maguelone (Hérault) de l’Antiquité tardive au haut Moyen Âge
. Hélène BARRAND-EMAM, Fanny CHENAL, Thomas FISCHBACH, Amandine MAUDUIT,
Merxheim - « Obere Reben » (Haut-Rhin). Découverte d’un nouvel ensemble funéraire
du premier Moyen Âge
431
445
. Christèle BAILLIF-DUCROS, Thomas FISCHBACH, Patrice GEORGES, Pascal ROHMER,
La population inhumée de la nécropole mérovingienne d'Erstein (Bas-Rhin). Identité biologique
et identité sociale : premiers résultats
455
. Françoise LABAUNE-JEAN, Françoise LE BOULANGER, Stéphane BLANCHET,
La nécropole mérovingienne de La Mézière (Ille-et-Vilaine), premier aperçu
461
. Sommaire et résumés des articles en anglais
465
. Sommaire et résumés des articles en espagnol
479
Une campagne en mutation ou l’habitat rural
en Alsace des Xe-XIIe siècles
Madeleine CHÂTELET*, Boris DOTTORI*
Les fouilles des dernières années en Alsace ont mis en lumière le rôle fondamental joué par la période des XeXIIe siècles dans la formation des villages. En faisant la synthèse de ces nouvelles données et en les confrontant aux
sources historiques, nous avons tenté de réaliser une première esquisse de ces trois siècles de transition, apparue encore
profondément ancrés dans la tradition carolingienne, tout en montrant les premiers signes d’une évolution qui va
conduire concomitamment à des transformations architecturales majeures et à la fixation des habitats autour du pôle
ecclésiastique.
Mots-clés : Alsace, haut Moyen Âge, Moyen Âge central, formation du village, église, réseau paroissial.
Depuis la fin des années 1990 qui marque en Alsace
le développement de l’archéologie préventive, les interventions se sont multipliées sur les habitats du haut
Moyen Âge et nous comptons aujourd’hui un peu plus
d’une trentaine d’établissements, partiellement fouillés,
sur des surfaces variant de quelques ares à 2,4 hectares
pour les opérations les plus importantes (fig. 1). Dans les
meilleurs cas comme à Marlenheim « Hofstatt »,
Sermersheim « Hintere Buen » et peut-être aussi
Pfulgriesheim « Krautplaetzle », tout un quartier a pu
être dégagé (1) ; ailleurs, une ou quelques parcelles d’habitation ont été mises au jour. Ainsi, s’il manque
aujourd’hui encore la vision globale de ces habitats, il
apparaît cependant possible d’en restituer en partie l’organisation, les unités et les constructions et partiellement
aussi les transformations qu’ils ont subies.
La moitié des établissements, tous fondés à l’époque
mérovingienne ou carolingienne, présente une occupation qui se poursuit jusqu’au XIe ou XIIe siècle (fig. 1).
Cette période qui voit apparaître les premiers châteaux
dans la plaine rhénane et l’établissement progressif d’un
nouvel ordre, celui des seigneuries castrales (2), est
marquée dans l’habitat par des transformations que l’archéologie tend peu à peu à mettre en évidence. Encore
discrets et perceptibles sur certains établissements, les
indices se sont néanmoins multipliés ces dernières
années, grâce notamment à l’extension des surfaces
explorées, et permettent aujourd’hui de proposer une
première synthèse sur cette période qui apparaît dans
beaucoup de régions comme déterminante pour la formation des villages actuels (3).
L’exploitation des données archéologiques a été associée à celle des sources historiques pour cerner dans leur
complexité les évolutions se faisant jour à cette époque.
Bien que peu nombreuses et peu explicites pour l’Alsace
à cette période, ces sources ouvrent une petite fenêtre sur
des faits que la multiplication progressive des écrits
permettra de mieux cerner au XIIIe siècle : les défrichements, la généralisation des lieux de culte, la fixation de
l’habitat, la structuration du terroir et la constitution des
communautés villageoises. C’est donc par l’exploitation
de ces quelques données historiques des XIe-XIIe siècles
et par la méthode régressive, en complément de la documentation archéologique, que l’on tentera d’esquisser les
grandes lignes des changements qui s’opèrent en Alsace
durant les Xe-XIIe siècles (4).
UNE TRANSFORMATION DES PAYSAGES
Les XIe et XIIe siècles sont marqués, en Alsace
comme ailleurs, par un important essor économique et
démographique qui a eu une forte incidence sur le
paysage (Rapp 1983, 86).
Dans les zones de peuplement ancien
(Altsiedelland) (5) que sont la plaine rhénane et les
Institut National de Recherches Archéologiques Préventives, UMR 7044 « Archéologie et Histoire ancienne : Méditerranée – Europe » (Archimède),
Strasbourg
1
Pour Marlenheim, voir : Châtelet 2009 et 2016, pour Sermersheim : Peytremann 2008, 2015b et 2018, pour Pfulgriesheim : Peytremann 2013 et
2015a. Nous remercions É. Peytremann, F. Boisseau et S. Guillotin qui nous ont autorisé à utiliser la documentation encore en partie inédite de leurs
fouilles.
2
Voir pour l’Alsace, l’excellente synthèse historique sur la période avant 1200 parue dans : Biller, Metz 2018, 21-72.
3
Voir la synthèse réalisée par : Curtis 2013 et les références qu’elle cite. Voir aussi pour le sud de l’Allemagne : Schreg 2006.
4
Un premier article à destination d’un plus large public a déjà été publié sur le sujet : Châtelet 2015. Cette nouvelle contribution, plus détaillée et référencée, a été également enrichie par l’exploitation faite par B. Dottori des sources historiques.
5
Notion forgée par les historiens du peuplement allemands pour désigner les zones peuplées aux périodes romaine et alto-médiévale.
*
ARCHÉOLOGIE DU MIDI MÉDIÉVAL, Supplément n° 9 - 2020, 99-115
99
L'HABITAT RURAL DU HAUT MOYEN ÂGE EN FRANCE (Ve-XIe SIÈCLE) : DYNAMIQUES DU PEUPLEMENT, FORMES, FONCTIONS ET STATUTS DES ÉTABLISSEMENTS
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Fig. 1 : Carte des habitats des Xe-XIIe fouillés en Alsace (conception : M. Châtelet).
100
30 km
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█ I - Bilans régionaux, micro-régionaux et études de cas
UNE CAMPAGNE EN MUTATION OU L’HABITAT RURAL EN ALSACE DES Xe-XIIe SIÈCLES
marges orientales du piémont vosgien, il s’est manifesté
par l’extension des terres cultivables des localités existantes dans une région déjà densément occupée aux
époques mérovingienne et carolingienne : à partir du
XIIIe siècle, de nombreux lieux-dits évoquant des défrichements (6) apparaissent en effet dans les sources
écrites comme ceux construits autour de la racine
rod/ritt/rut (roden signifiant « défricher ») ou au préfixe
en neu/nuw (comme les nombreux neuenberg ou nuwenberg désignant une colline défrichée) (7). Selon toute
vraisemblance, ils figent des situations plus anciennes.
Ces gains de territoire ont laissé quelques traces dans le
paysage : ainsi dans les collines sous-vosgiennes aux
terres le plus souvent calcaires et caillouteuses, des pierriers issus de l’épierrement des versants ont été
conservés en divers endroits (8). D. Schwartz, qui les a
étudiés, s’est fondé entre autres sur des analyses au 14C
réalisées sur des charbons de bois prélevés à leur base
pour avancer l’hypothèse de leur mise en place aux XIeXIIe siècles (fig. 2) (Schwartz et al. 2012, 319) (9).
L’extension des terres cultivables s’est également
accompagnée d’une volonté d’optimisation des rendements, d’initiative seigneuriale, caractérisée entre autre
par l’introduction de l’assolement et du parcellaire de
Fig. 2 : Un pierrier sur le Strueth à Gueberschwihr (Haut-Rhin)
(photo : D. Schwartz, UdS).
type laniéré. Ce phénomène, que les géographes allemands ont appelé Vergewannung, se met en place dans le
sud-ouest de l’Allemagne aux XIe-XIIe siècles (Verhulst
1995, 55). En Alsace, les spécifications de biens seigneuriaux au sein des localités suggèrent que les assolements et
les parcellaires laniérés sont en place au XIIIe siècle, laissant supposer une apparition un peu antérieure. Nombreux
sont alors les territoires de villages divisés en deux, trois
ou plusieurs soles (portant le plus souvent le nom d’Ober,
Mittel- et Niderfeld, que l’on peut traduire par « champ
haut, champ du milieu, champ bas ») ou de Klein- et
Grossfeld (« petit et grand champs »). Ces soles sont ellesmêmes subdivisées en cantons nommés par un lieudit (10), à l’intérieur desquels se situent les parcelles. En
plusieurs endroits, les textes font état de parcelles appelées
Strengen (littéralement « lanières ») (11), larges d’une
dizaine de mètres et pouvant atteindre plusieurs centaines
de mètres de long (parcellaire de type Langstreifenflur)
(Zadora-Rio 1991, 189-191) (12).
Dans le piémont vosgien et dans les Vosges où le
peuplement n’était jusqu’alors que clairsemé et souvent
limité aux fonds de vallée, l’expansion est marquée
quant à elle par des créations d’habitats, dans des zones
essentiellement forestières aux sols généralement peu
propices aux cultures. Ces habitats de défrichement se
reconnaissent notamment par des toponymes caractéristiques et différents de ceux des zones de peuplement
ancien (13).
Ainsi l'abbaye de Marmoutier (Bas-Rhin) est à l’origine de la création de deux villages. Le premier, Kreuzfeld
(com. de Saverne, Bas-Rhin) a été fondé vers 1140 par
l’abbé Meinhard (1132-1146) dans une forêt qui avait été
léguée à l’abbaye par deux frères. Composé à l’origine de
dix-neuf manses, il dispose, dès sa fondation, d’institutions communales et d’une église dédiée à la Sainte-Croix,
consacrée en 1143 par le légat pontifical Théodewin
(Rösener 2004, 729-737). Le second, Elbersforst (com. de
Balbronn, Bas-Rhin, fig. 3), n’est cité pour la première
fois qu’en 1284, mais les données archéologiques permettent de placer son apparition aux XIe-XIIe siècles (Dottori
2011). La morphologie de son finage et les sources historiques semblent indiquer qu’il a été créé sur une partie du
saltus de la localité voisine de Westhoffen, suivant le
phénomène de Binnenkolonisation (« colonisation
6
L’utilisation des microtoponymes ne se développe dans les textes qu’à partir de cette période, mais les premiers lieux-dits apparaissent au XIIe siècle.
Ainsi, les plus anciens que nous ayons relevés datent de 1146 et se trouvent dans le ban de Marmoutier : un pré appelé Holtzmatte et une forêt dite
Augia (Herr 1912, n° 4, 95). Chose remarquable, ces toponymes se retrouvent encore de nos jours sur le cadastre (Holzmatten et Auenwald).
7
locus qui dicitur Hohenrot à Dahlenheim en 1285, an dem Gerute, Pfettisheim, 1293 ; an dem nuwen Berge, Ergersheim, 1311 (Schmidt s.d., 157,
253 et 673).
8
Voir cartes dans : Schwartz et al. 2012.
9
[La période comprise entre 1050 et 1150] serait … à privilégier dans la mesure où les sols couverts par les paysages d’enclos sont des sols ingrats
à travailler...Il nous semble donc peu vraisemblable qu’ils aient été cultivés de façon intensive sans de puissantes raisons liées à une forte pression
démographique, une occupation dense de l’espace, au regard des potentialités agricoles globales de la région ».
10
Voir note 6.
11
Ainsi à Truchtersheim (Bas-Rhin) en 1236 ou à Gingsheim (Bas-Rhin) en 1294 (Schmidt s.d.).
12
E. Zadora-Rio met en relation ce parcellaire non pas avec « la colonisation initiale du terroir [hypothèse du géographe allemand H-J. Nitz], mais
[avec] une réorganisation de celui-ci».
13
Dans la plaine, la toponymie est quasi exclusivement marquée par des noms d’origine germanique (noms en –heim, -hoffen, -hausen -willer, -dorf) ;
on retrouve également des noms d’origine romaine (comme Seltz/Saletio ; Epfig/Appiacum). Les habitats de défrichement présentent quant à eux des
noms à la racine ou au suffixe désignant soit directement un défrichement (Ottrott/Ottenrode), soit un élément naturel (comme –forst ; la forêt).
101
L'HABITAT RURAL DU HAUT MOYEN ÂGE EN FRANCE (Ve-XIe SIÈCLE) : DYNAMIQUES DU PEUPLEMENT, FORMES, FONCTIONS ET STATUTS DES ÉTABLISSEMENTS
Fig. 3 : L’habitat d’Elbersforst dans les années 1570/1580
(Archives Municipales de Strasbourg, 1OND506).
interne » [des territoires]) (14). Plusieurs créations à cette
époque relèveraient de ce même schéma comme les localités de Waltersbach (commune d’Urmatt, Bas-Rhin) et
de Schönbruch (com. de Wisches, Bas-Rhin) (15).
D’autres habitats sont créés par défrichement à proximité de châteaux qui apparaissent sur les hauteurs
vosgiennes au cours de cette période : ainsi Hohenstein
et Wangenbourg, deux habitats situés en contrebas des
châteaux du même nom (16), ou encore les hameaux de
Steinloch, Gensbourg et Sybenbuch, localisés dans les
environs du château de Nideck (Oberhaslach, BasRhin) (17).
Ces établissements, créés sur des sols pauvres et dans
des environnements défavorables, disparaîtront pour
l’essentiel à la fin de la période médiévale et leurs emplacements retourneront à la forêt.
Des habitats très étendus
À l’exception du village disparu d’Elbersforst, dont
la fouille n’a cependant porté que sur une faible
surface (18), aucune des créations tardives n’a fait l’objet
d’exploration archéologique : les fouilles de grande
ampleur ont touché essentiellement les localités plus
anciennes, fondées aux époques mérovingienne ou carolingienne.
Aux Xe-XIIe siècles, ces habitats n’apparaissent
encore guère différents de ceux de la période antérieure :
ce sont des établissements principalement groupés, à
l’organisation lâche, qui se structurent autour d’un
réseau de chemins perçu souvent en fouille par les vides
laissés entre les constructions (fig. 4 et 11). Le bâti reste
distendu, parfois séparé par des espaces vides, menant à
un étalement important de l’habitat, dont la superficie
semble souvent supérieure à celle des habitats de la fin
du Moyen Âge ou de l’époque moderne. En témoignent
les quartiers d’habitation d’époque mérovingienne et
carolingienne découverts en marge d’un bon nombre de
villages alsaciens et qui se sont avérés être des extensions d’un habitat qui occupe déjà, au moins en partie, le
site des villages actuels. C’est le cas à Pfulgriesheim,
Sermersheim, Munwiller et Ruelisheim (19) (fig. 5),
ainsi qu’à Bergbieten et à Marlenheim où les constructions s’étendent au-delà des fossés qui, à partir du XIIe
ou XIIIe siècle, vont enserrer les localités jusqu’à
l’époque moderne (fig. 6) (Boisseau 2015), (Châtelet
2016).
L’étendue totale de ces habitats n’a généralement pas
été restituée. À Marlenheim seulement, une superficie
d’une quarantaine d’hectares a pu être envisagée grâce
aux interventions effectuées en divers points du bourg et
de la commune, qui ont permis de cerner en partie les
limites de l’habitat (fig. 7). Cette superficie, bien supérieure à celle supposée pour les établissements du haut
Moyen Âge (20), est cependant probablement exceptionnelle et doit être liée au statut particulier de l’agglomération qui abritait jusqu’au IXe siècle une résidence royale
(Châtelet 2016). Aussi, la totalité de ces quarante
hectares n’avait probablement jamais été occupée intégralement, comme le laisse entrevoir à chaque période
l’espacement parfois important entre certaines parcelles
d’habitation.
… aux formes encore mouvantes
L’étalement des habitats est la conséquence vraisemblable de la relative instabilité du bâti qui marque cette
époque. De nombreuses localités comme Dumenheim
sur la commune de Nordhouse, Marlenheim, Munwiller
ou Wittenheim (21) ont révélé en effet une certaine
mouvance des espaces occupées qui s’observe tout au
long du haut Moyen Âge jusqu’au XIe ou XIIe siècle au
plus tard. Ces réorganisations de l’habitat, survenant à
Ce phénomène a été mis en avant par l’archéologue W. Janssen dans la région de l’Hunsrück-Eifel (Palatinat, Allemagne) (Janssen 1975, 99-103).
Il consiste, à partir d’un centre de peuplement ancien et en période de croissance démographique, à mettre en valeur les terres encore incultes d’un
terroir, par la création d’un nouvel habitat.
15
Deux localités citées en 1357 et 1366. Waltersbach se trouve sur les hauteurs, à 3 km au nord-ouest du village d’Urmatt. Schönbruch est situé en
amont de Wisches, dans les environs d’un ruisseau du même nom.
16
homines residentes circa castrum Hohenstein (milieu du XIVe siècle) ; banno ville Hohenstein, 1375 –ADBR G377, f°18v et 5257/10 ; in den hof
zuo Wangenberc, 1295 – ADBR G5746/3bis; l’actuelle chapelle du cimetière de Wangenbourg correspond à la base du clocher-choeur de l’ancienne
église de la localité, datable de la première moitié du XIIIe siècle.
17
Steinloch das dorffe 1391 – ADBR G921/1 ; Genresburne, Sybenbuch, 1366 – ADBR G129/10.
18
Mises à part les fondations de l’église des XIe/XIIe siècles, les fouilles d’Elbersforst n’ont pas touché le premier état de l’habitat.
19
Pour Munwiller, voir : Châtelet 1999a et b, pour Ruelisheim : Strich 1999.
20
L’habitat de Serris-les-Ruelles (dép. Seine-et-Marne), qui a été fouillé presque intégralement, occupe une superficie de quinze hectares (Foucray
1996) ; Lauchheim en Allemagne (Ostalb), dont les limites ont pu être restituées grâce à la fouille et à la photo aérienne, une surface de sept à huit
hectares (Stork 1997).
21
Pour Nordhouse /Dumenheim, voir : Châtelet 2006c, pour Wittenheim : Guillotin 2011.
14
102
█ I - Bilans régionaux, micro-régionaux et études de cas
UNE CAMPAGNE EN MUTATION OU L’HABITAT RURAL EN ALSACE DES Xe-XIIe SIÈCLES
Phase D
(950/70 - 1100)
?
Pa
lé
oc
he
na
l
Structures des Xe-XIe s.
bâtiment de plain-pied
sur poteaux
cabane semi-enterrée
puits
limite supposée des
parcelles d’habitation des
Xe-XIe siècles
Phase B
(830/50 - 900/20)
structure du IXe s. abandonnée
structure du haut Moyen Âge
datée sans précision
limite de fouille
0
50 m
Fig. 4 : Plan d’ensemble des vestiges des Xe-XIe siècles de l’habitat de Dumenheim « Oberfuert » (com. de Nordhouse, Bas-Rhin). La
limite nord de l’établissement n’a pas été atteinte (conception : M. Châtelet).
intervalles réguliers d’un demi-siècle, d’un siècle ou
d’un siècle et demi, se sont traduites par l’abandon
d’unités d’habitation, parfois de secteurs entiers, concomitamment à l’occupation de nouvelles parcelles ou de
nouveaux secteurs à proximité des précédents. Un des
meilleurs exemples en est donné par l’habitat
aujourd’hui disparu de Dumenheim, installé en limite
actuelle des communes de Nordhouse et de Plobsheim,
que les fouilles ont pu explorer sur 1,5 hectare. Le
secteur dégagé sur la commune de Nordhouse comportait environ sept fermes datées de la période comprise
entre le VIIIe et le XIe siècle (fig. 4). Une à quatre sont
occupées à chaque phase, qui après diverses réfections et
reconstructions, ont été abandonnées pour la création à
proximité de nouvelles unités (fig. 8). Ce cycle s’est
poursuivi jusqu’au XIe siècle où l’habitat s’est concentré
à quelques dizaines de mètres plus au nord, sur l’actuelle
commune de Plobsheim. Selon les sources écrites qui
seules nous informent pour cette époque tardive, un
château y a été édifié auprès duquel devaient se
regrouper les habitations. Le village (ou le hameau) a été
abandonné une centaine d’années plus tard, au
XIVe siècle, après sa destruction complète par une crue
du Rhin (Châtelet 2006c).
Cette mouvance de l’espace bâti à l’intérieur d’une
aire qui, elle, demeure généralement stable, reste difficile
à analyser par la vision souvent fragmentaire et incomplète que nous avons des habitats de cette époque. Sur
103
L'HABITAT RURAL DU HAUT MOYEN ÂGE EN FRANCE (Ve-XIe SIÈCLE) : DYNAMIQUES DU PEUPLEMENT, FORMES, FONCTIONS ET STATUTS DES ÉTABLISSEMENTS
0
fouilles
200 m
ge (VIe-XIe siècle)
extension des vestiges du haut Moyen Âg
limite de l’habitat du haut Moyen Âge
ancien noy
yau du village
Fig. 5 : Pfulgriesheim (Bas-Rhin). Extension de l’occupation
du haut Moyen Âge mise au jour par les fouilles,
reportée sur le plan cadastral actuel (© www.geoportail.gouv.fr/ donnees/parcelles-cadastrales) (d’après
Peytremann 2015, 244).
Fig. 6 : Bergbieten (Bas-Rhin). Extension de l’occupation du
haut Moyen Âge mise au jour par les fouilles, reportée
sur le plan cadastral de 1832 (Archives départementales du Bas-Rhin, 3P115/19) (conception : B. Dottori,
M. Châtelet).
noyau ancien du village actuel
Dorfgraben de
Marlenheim (XIV e - XIX e siècle)
surface sondée
L a P e u p lerr a ie
( V I e -XI
X I e s.)
zone fouillée avec des vestiges du
haut Moyen Âge
découverte ponctuelle du haut
Moyen Âge
n
extension avérée des vestiges
du haut Moyen Âge
Fl
os
sg
ra
be
limite avérée de l’occupation du
haut Moyen Âge
nécropole communautaire
mérovingienne
H
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X X I e s.))
( V I e -X
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In der
Hofstadt
(VIIe-XIIe s.)
0
500 m
Fig. 7 : Marlenheim (Bas-Rhin). Extension de l’occupation des VIe-XIIe siècles, restituée d’après les données archéologiques (conception : M. Châtelet).
ses causes, deux hypothèses non exclusives l’une de
l’autre peuvent être néanmoins avancées :
- elle peut résulter de phases d’extension et de rétraction de l’habitat sous l’effet des fluctuations démographiques ou du contexte socio-économique ;
- elle peut être l’effet aussi d’un déplacement des
habitations par le besoin de retrouver régulièrement des
terrains de construction vierges, sans creusements ou
restes d’anciens bâtiments, pour la réédification des
édifices en bois et en terre à poteaux plantés aux durées
de vie relativement courtes (22). Les cabanes semi-enterrées qui trouent les parcelles de grandes excavations ont
certainement le plus contribué à ces déplacements : une
fois abandonnées et leur fosse comblée, elles laissent des
zones instables qui ne pouvaient être réutilisées immédiatement pour d’autres constructions. Après les avoir
Selon les conditions climatiques, la nature du sol et la qualité des bois employés, la durée de vie des bâtiments à poteaux ancrés au sol peut varier
entre quelques et une soixantaine d’années d’après les observations archéologiques et les expérimentations réalisées dans les écomusées (Zimmermann
1998, 50-63). La durabilité des cabanes semi-enterrées est sensiblement identique et a été estimée à 30/50 ans (Zimmermann 1992, 210).
22
104
█ I - Bilans régionaux, micro-régionaux et études de cas
UNE CAMPAGNE EN MUTATION OU L’HABITAT RURAL EN ALSACE DES Xe-XIIe SIÈCLES
720/740
820/840
880/900
?
?
Pa
lé
oc
?
Pa
he
na
lé
oc
l
Phase A
Pa
he
na
lé
oc
l
he
na
l
Phase C
Phase B
0
95
50/970
50 m
parcelle bâtie
950/970
structure abandonnée
1356
vers 1100
?
Pa
Phase D
lé
Pa
oc
he
na
l
Phase E
lé
Pa
oc
he
na
l
lé
oc
he
na
l
Pha
ase F
Fig. 8 : Dumenheim (com. Nordhouse, Bas-Rhin). L’habitat dans son évolution du VIIIe au XIVe siècle, restitué d’après les données
archéologiques et les sources écrites. Sa limite nord n’a pas été atteinte. Les datations, légèrement modifiées par rapport à
celles publiées en 2006, tiennent compte des précisions apportées depuis cette date dans la chronologie des céramiques
(conception : M. Châtelet).
105
déplacées d’un point à un autre de la parcelle, comme le
montrent bien les plans des habitats, il ne devait rester de
solution qu’à rechercher ailleurs un terrain moins mité
pour y établir l’habitation. La périodicité d’un demisiècle à un siècle et demi des cycles d’occupation s’accorde assez bien avec cette hypothèse, qu’on ne peut
concevoir cependant qu’avec un cadre foncier encore
mal fixé (23).
Cette alternance ou mouvance des zones bâties au
cours de la période altomédiévale n’a cependant pas
toujours été la règle : à Sermersheim, Pfulgriesheim,
Ruelisheim et Steinbourg « Altenberg-Ramsberg » (24),
des unités d’habitation ont ainsi été occupées durant
plusieurs siècles sans discontinuité apparente. Les bâtiments y ont été régulièrement reconstruits comme
ailleurs, en les changeant d’orientation ou légèrement
d’emplacement, tout en les laissant dans les limites de la
parcelle. Toutefois, il n’a pas pu être établi si cette pérennité de l’occupation touchait l’habitat tout entier ou
seulement le quartier dégagé par la fouille.
DE NOUVEAUX MODES DE CONSTRUCTION :
LES PRÉMISSES D’UNE ÉVOLUTION
Aux Xe-XIIe siècles, les unités d’exploitation présentent encore de fortes similitudes avec celles de la période
carolingienne. Les divers bâtiments qui les composent les constructions de plain-pied, les cabanes semi-enterrées et les greniers surélevés - se distribuent sur une aire
toujours aussi grande, sans ordre apparent et ne répondant à aucun plan préétabli (fig. 4). Le bois et la terre
restent les matériaux de construction les plus usités : la
majorité des bâtiments disposent d’une ossature de
poteaux verticaux ancrés dans le sol, les murs sont en
clayonnage ou en planches et les toits couverts de matériaux périssables.
Les constructions édifiées en pans de bois avec un
soubassement en pierre sont encore l’exception : elles
sont limitées aux époques mérovingienne et carolingienne aux secteurs où la pierre est disponible, comme à
Marlenheim, Nordheim ou Steinbourg, et réservées à une
population probablement élitaire (25). À partir du Xe
siècle, les exemples se multiplient cependant : à côté des
habitats comme Steinbourg où la tradition architecturale
se maintient au-delà de l’époque carolingienne, de
nouveaux
établissements
comme
Bergbieten,
Hochfelden, Pfulgriesheim et Ergersheim témoignent de
l’extension de ce mode de construction. Les traces en
sont toujours ténues : elles se limitent aux tranchées de
fondation partiellement conservées des bâtiments (fig. 9
et fig. 10) et aux espaces vides présents autour des caves,
supposant l’existence au-dessus d’elles d’édifices peu
fondés sur solin ou sablière basse dont les restes ont été
chemin
L'HABITAT RURAL DU HAUT MOYEN ÂGE EN FRANCE (Ve-XIe SIÈCLE) : DYNAMIQUES DU PEUPLEMENT, FORMES, FONCTIONS ET STATUTS DES ÉTABLISSEMENTS
0
25 m
Structures des Xe-XIe s.
solin avec, en gris, l’extension possible
de la construction
cabane semi-enterrée
Autres structures
structure du haut Moyen Âge sans précision
structure non datée
Fig. 9 : Plan d’ensemble des vestiges des Xe-XIe siècles de
l’habitat de Bergbieten « Pferchelmatten » (d’après
Boisseau 2015).
Fig. 10 : Vue d’un des solins conservés dans l’habitat de
Bergbieten « Pferchelmatten » (photo : M. Châtelet,
Inrap).
détruits par les labours (fig. 11). La discrétion de ces
vestiges ne permet que difficilement d’estimer leur part
réelle dans l’habitat.
À côté de l’augmentation des constructions en pan de
bois, l’apparition des caves dans les habitations constitue
23
Cette mobilité du bâti, propre à nos contrées, est donc bien différente des phénomènes observés dans le nord de l’Europe où c’est l’habitat tout entier
qui est déplacé régulièrement au sein du terroir (Nissen Jaubert 1995, Steuer 1988).
24
Pour Nordheim voir : Koziol 2011, pour Steinbourg : Gervreau 2014.
25
La fonction des édifices étant généralement difficile à déterminer, il n’a pas pu être défini si ces édifices avaient une fonction particulière ou étaient
réservés à un groupe social plus élevé. On peut noter néanmoins que les localités qui comportaient ces constructions avaient toutes trois un statut particulier : Marlenheim et Nordheim, qui lui est immédiatement adjacent, sont liées à une résidence royale et Steinbourg « Altenberg-Ramsberg » abritait
l’une des rares memoria découvertes jusqu’à présent en Alsace (Gervreau 2014).
106
█ I - Bilans régionaux, micro-régionaux et études de cas
UNE CAMPAGNE EN MUTATION OU L’HABITAT RURAL EN ALSACE DES Xe-XIIe SIÈCLES
Structures du XIe s.
cabane semi-enterrée
cave
silo
autres structures
Autres structures
structure non datée
chemin
STR.
0
50 m
Fig. 11 : Plan d’ensemble des vestiges du XIe siècle de l’habitat de Pfulgriesheim « Krautplaetzle » (d’après Peytremann 2015, 244).
un autre signe d’évolution des campagnes. Les plus
anciens exemples, à Ergersheim, Pfulgriesheim et peutêtre Osthouse (26), sont datés de la deuxième moitié du Xe
siècle. À Pfulgriesheim, les caves sont pourvues d’un
chemisage en bois, à Ergersheim, elles sont maçonnées
(fig. 12) ce qui, pour la période, constitue une autre innovation : en Alsace, la maçonnerie avait disparu des
constructions civiles depuis l’époque mérovingienne ; elle
n’avait été conservée que pour certains édifices religieux,
peut-être aussi quelques constructions urbaines (27).
Jusqu’au XIIe siècle, les caves sont rares encore. Seule
fait exception Pfulgriesheim qui en compte vingt-cinq sur
un hectare (fig. 11), établissant le statut particulier de cet
établissement dont témoigne également le mobilier
(Peytremann 2013). L’usage des caves n’a pas été défini.
Leur rareté laisse penser qu’il devait être lié à des activités
spécifiques, probablement différentes de celles pratiquées
dans les cabanes semi-enterrées qui subsistent encore à la
même période aux côtés des maisons (fig. 11) ; au
XIIIe siècle seulement, elles disparaîtront des habitats.
26
Pour Ergersheim, voir : Guillotin 2013 et dans ce volume ; pour Pfulgriesheim, voir : Peytremann 2013 et 2015. À Osthouse, l’interprétation n’est
pas assurée : seule la profondeur de plus de 0,75 m des excavations a laissé envisager l’éventualité de caves. Par leur morphologie et leur superficie,
les creusements s’apparentent néanmoins aux fonds de cabane présents sur le site (Henigfeld, Peytremann 2015, 377-378).
27
Pour exemple l’abbatiale de Marmoutier au VIIIe siècle (Pétry, Kern 1977). À Strasbourg, la datation des constructions en pierre susceptibles d’être
carolingiennes n’est pas totalement assurée (Baudoux, Waton 2002, 500-501).
107
L'HABITAT RURAL DU HAUT MOYEN ÂGE EN FRANCE (Ve-XIe SIÈCLE) : DYNAMIQUES DU PEUPLEMENT, FORMES, FONCTIONS ET STATUTS DES ÉTABLISSEMENTS
par un fossé, le Dorfgraben (littéralement, le « fossé du
village ») (Boehler, Metz 2013, 705-706), (Metz 1986).
Le rôle du pôle ecclésiastique
Fig. 12 : Vue de la cave maçonnée ST 246 datée du Xe siècle de
l’habitat d’Ergersheim « Abbaye » (photo : A. Touzet,
ANTEA-Archéologie).
La mobilité du bâti, marquant les premiers temps
médiévaux prend fin en Alsace entre le XIe et le début du
XIIIe siècle : les quartiers qui s’étendent en marge des
localités actuelles sont alors abandonnés (fig. 13), aucun
d’entre eux n’a livré des vestiges postérieurs au
XIIe siècle ; l’occupation s’y interrompt pour se recentrer
sur le noyau des villages où la continuité de l’habitat a pu
être attestée grâce aux quelques fouilles qui y ont été
réalisées (28). Les établissements vont alors se fixer à
l’emplacement qui est encore le leur aujourd’hui.
LA FIXATION DE L’HABITAT. UN PROCESSUS
ENCORE MAL CONNU
Comme l’archéologie n’a que timidement pénétré le
centre des villages, le processus qui a conduit à leur fixation, que les historiens du peuplement allemands ont
appelé Verdorfung, nous échappe encore en grande
partie. Le croisement des données historiques, des
témoins architecturaux et des cartes anciennes nous
apporte cependant quelques pistes de réflexion.
Ce processus est en effet concomitant à deux
autres phénomènes qu’il faut vraisemblablement lui
associer : la multiplication des églises en pierres - entourées de leur cimetière - et la définition d’un périmètre
juridique autour de l’habitat, l’Etter, pouvant être ceint
Les édifices religieux villageois n’ont fait l’objet que
de rares interventions archéologiques : la topographie et
les dynamiques d’implantation des lieux de culte antérieurs au XIe siècle restent donc des domaines encore
quasi inexplorés en Alsace (Châtelet 2006, 93)((29).
Pour le haut Moyen Âge, nous disposons de quelques
mentions de lieux de culte associés à des localités rurales.
Des basilicae, capellae ou ecclesiae apparaissent ainsi
dans les sources dès le milieu du VIIIe siècle (30). Les
mentions se font plus nombreuses à l’époque carolingienne : une capella est mentionnée à Oberschaeffolsheim
en 805, une capellula à Gimbrett en 929, des ecclesiae à
Schnersheim, Geudertheim, Waldolwisheim au début du
Xe siècle et à Lupstein et Schweighouse/Moder en
994 (31).
Pour la période comprise entre le XIe et le
XIIIe siècle, les données architecturales témoignent d’un
mouvement massif de construction d’églises en pierre :
nombreux sont en effet les édifices de cette période
conservés dans les noyaux historiques des villages
actuels (fig. 14).
À côté de ces lieux de culte installés au sein même
des habitats, d’autres apparaissent à l’origine « isolés »,
situés à l’écart des localités. Dans leur aspect actuel –
pour ceux qui sont encore conservés – certains sont
datables des XI-XIIe siècles (fig. 15), mais leur origine
serait à placer au haut Moyen Âge (32).
L’hypothèse selon laquelle ces édifices auraient
initialement été isolés s’appuie notamment sur les
données toponymiques. Leur nom, formé dans la plupart
des cas par le suffixe –kirch (« église »), est complété par
un préfixe désignant une caractéristique topographique :
plusieurs de ces églises portent ainsi le toponyme de
Feldkirch, particulièrement éloquent puisqu’il signifie
littéralement « église des champs » (33).
Situés le long d’axes routiers anciens (fig. 15) (34),
près de rivières (Flusskirche) ou sur des hauteurs (le
Gloeckelsberg à Blaesheim, Bas-Rhin ou encore la
Hohenkirch à Sierentz, Haut-Rhin, fig. 16) (35), ces
églises ont souvent servi de paroisse à plusieurs localités
situées dans leurs environs immédiats, même lorsque
Notamment à Marlenheim (Châtelet 2006b et 2016), Benfeld (Hamm, Waton 1990) ou Matzenheim (Toullec 2008).
Une étude sur la topographie religieuse du haut Moyen Âge est toutefois en cours dans le cadre d’un Projet Collectif de Recherche dirigé par
H. Barrand-Emam et M. Châtelet portant sur les espaces funéraires en Alsace durant la période altomédiévale.
30
Crastatt, Zehnacker, Westhoffen (739) et Wasselonne (754) (Barth 1960-63, 436, 707, 1653, 1728, 1822).
31
Actum apud Scaftolfeshaim in capella vestra (Bruckner 1949, 254, n°403) ; Genebredde cum capellula una (Barth 1960-63, 436) ; ad Onolfeshaim
… ecclesia ; apud Snaresheim est curtis dominica cum ecclesia ; apud Goudertheim est curtis dominica cum ecclesia (Perrin 1935, 138, 159-160) ;
duas ecclesias in Lupenstein et in Sveichusan (MGH, DD O III, 570, n°159a et b).
32
Ainsi, l’une de ces églises, la Feldkirch de Bollwiller, est citée dès 786 (In Feldkyrchio, Barth 1960-63, 378). Une partie de l’édifice actuel du
Dompeter (Avolsheim, Bas-Rhin) correspond à l’église consacrée par le pape Léon IX entre 1048 et 1052, mais des fouilles réalisées au début du
XXe siècle ont permis de mettre au jour un édifice antérieur, de plan basilical et à trois absides (Himly, Will 1954, 50-51).
33
Outre la Feldkirch à Bollwiller, on peut citer celle de Niedernai (Bas-Rhin), citée en 1117 : Veltkircheim, (le suffixe en –heim suggérant l’existence
d’un habitat, Barth 1960-63, 931) et celle située près de Wettolsheim (Haut-Rhin) : apud Veltchilchi (Barth 1960-63, 381).
34
Betbur à Kleingoeft se trouve en bordure de l’ancienne voie romaine menant de Strasbourg à Saverne. La Rotenkirche (Schiltigheim, Bas-Rhin) est
située à la bifurcation de deux axes romains menant vers le nord de l’Alsace.
35
Le Gloeckelsberg est citée en 1144 (Chrechilberg - Barth 1960-63, 167-171) ; La Hohenkirch (« église haute ») de Sierentz sert de marqueur topographique dans le traité de Meersen (870) : Hoenchirche - MGH, Leges/Capitularia regum Francorum, II, 194. Identification d’après Barth 1960-63, 590.
28
29
108
█ I - Bilans régionaux, micro-régionaux et études de cas
UNE CAMPAGNE EN MUTATION OU L’HABITAT RURAL EN ALSACE DES Xe-XIIe SIÈCLES
Centres anciens des villages actuels
Osthouse “Lot. Zorn de Bulach” (0,25 ha)
Benfeld “Châtelet” (0,08 ha)
Marlenheim “Apprederis” (0,45 ha)
Périphérie des villages actuels
Geispolsheim “Ehn” (0,55 ha)
Réguisheim “P.Z. Ill” (0,08 ha)
Nordheim “Am Neuen Berg” (1,20 ha)
Ostheim “Birgelsgaerten” (0,90 ha)
Ergersheim “Abbaye” (0,38 ha)
Ruelisheim “Le Clos St Georges” (0,60 ha)
Munwiller “Lot. Les Fleurs” (0,50 ha)
Mackenheim “Kirchfeld” (0,13 ha)
Matzenheim “Lot. Le Lavoir” (0,70 ha)
Pfulgriesheim “Krautplaetzle” (1,17 ha)
Bergbieten “Pferchelmatten” (0,65 ha)
Marlenheim “Hofstatt, Peupleraie” (2,40 ha)
Sermersheim “Hintere Buen” (1,70 ha)
Wittenheim “R. du Moulin” (0,38 ha)
Hochfelden “Le Belvédère” (0,13 ha)
Habitats désertés
Didenheim “Aufs Plaetzchen” (1,70 ha)
Ensisheim “Les Octrois” (0,45 ha)
Houssen “Cora” (2,00 ha)
Roeschwoog “Schwartzacker, Am Wasserturm” (0,45 ha)
Steinbourg “Altenberg” (3,80 ha)
Sierentz “Hochkirch” (1,00 ha)
Nordhouse/Dumenheim (1,50 ha)
Riedisheim/Leibersheim (0,45 ha)
Ve
VIe
VIIe
VIIIe
IXe
Xe
XIe
XIIe
XIIIe XIVe
XIXe s.
déplacement de site
Fig. 13 : Durée d’occupation des quartiers d’habitations créés aux époques mérovingienne et carolingienne à l’emplacement et en
limite des centres historiques des villages actuels. En comparaison, la durée d’occupation des villages aujourd’hui disparus,
fondés à la même époque. La superficie explorée apparaît entre parenthèses. Les datations, établies d’après les données
archéologiques, ont été vérifiées et diffèrent ainsi parfois de celles parues dans les rapports de fouille (conception :
M. Châtelet).
celles-ci seront ultérieurement dotées de leur propre lieu
de culte (36). En raison de ces caractéristiques, l’historien L. Pfleger considère que ces églises ont formé la
trame initiale du réseau paroissial alsacien (Pfleger 1936,
53-55). A partir du XIIe siècle, quelques mentions font
état de la présence d’habitations à proximité de ces
églises (37). Suivant une hypothèse formulée par B.
Metz pour l’habitat qui se forme autour de l’église de
Dompeter, les populations ont pu chercher à s’installer
au plus près de ces édifices, afin de bénéficier de la
protection des enclos ecclésiaux, le mouvement de la
Paix de Dieu y réaffirmant, durant cette période, le droit
La Hohenkirch sert ainsi également d’église paroissiale aux localités de Sierentz, Uffheim, Geispitzen et Waltenheim (Barth 1960-63, 591).
Un habitat est ainsi attesté autour de l’église de Betbur : deux manses y sont cités à la fin du XIe siècle et en 1179, l’abbaye de Marmoutier y possède
une cour (Perrin 1935, 164). À Dompeter, un champ est cité en 1277 à l’emplacement d’un toponyme rappelant l’existence d’un habitat (in den hoven,
« dans les fermes ») : cela implique que cet habitat a existé et a été abandonné antérieurement à cette date (Metz 2008, 76-77). Voir aussi : Metz 1983,
1743. À Dompeter, au XIVe siècle, l’habitat est attesté au sein de l’enclos ecclésial : Metz 1984, 2421.
36
37
109
L'HABITAT RURAL DU HAUT MOYEN ÂGE EN FRANCE (Ve-XIe SIÈCLE) : DYNAMIQUES DU PEUPLEMENT, FORMES, FONCTIONS ET STATUTS DES ÉTABLISSEMENTS
Fig. 14. Le clocher roman de l’église de Fessenheim-le-Bas
(Bas-Rhin) (photo : B. Dottori).
d’asile (Zadora-Rio 1990, 12) (38). Nous supposons que
le même phénomène d’attraction a pu se produire à
l’échelle des autres localités, en lien avec la construction
(ou la reconstruction) des églises intervenue entre le XIe
et le XIIIe siècle, évoquée plus haut.
L’église paraît donc avoir été un élément fondamental de polarisation de l’habitat : l’aspect déterminant
y serait donc la présence du cimetière (attestée pour cette
période auprès de l’église par les textes (39)) par son
privilège d’immunité. Cette hypothèse est notamment
appuyée par le fait qu’au plus tard à partir du XIIe siècle,
l’une des caractéristiques des cimetières alsaciens est
qu’ils ne servent pas uniquement d’aire sépulcrale, mais
également de lieu de refuge dans une région où, en l’absence d’un pouvoir central fort, la guerre est quotidienne
(Metz 1983, 1990, 2008 notamment).
L’importance topographique du pôle ecclésial dans
l’habitat transparaît également de sa proximité avec la
cour seigneuriale (Dinghof), comme en témoignent les
quelques exemples conservés dans les villages actuels : à
Gertwiller, Rosheim et Schnersheim (Bas-Rhin), ces
cours, construites également en pierre, jouxtent systématiquement les églises (40).
L’Etter et le Dorfgraben
L’autre aspect ayant pu avoir un rôle dans la structuration et la fixation des localités est l’apparition de
l’Etter, limite juridique de l’habitat – comprenant égale-
Fig. 15 : Vue aérienne de l’église de Betbur (Kleingoeft, BasRhin), XIIe siècle. Le chemin rural visible au bas de
l’image correspond au tracé de l’ancienne voie
romaine Strasbourg-Saverne.
ment les zones de jardins et de vergers. Cette limite a été,
dans de nombreux cas, matérialisée par un fossé, le
Dorfgraben. Rarement touchés par les fouilles (41) et
conservés par quelques exemples comme à Westhoffen
(Bas-Rhin), les Dorfgraben ne peuvent être appréhendés
que par l’analyse des cartes anciennes, notamment par le
cadastre napoléonien, ou par le dépouillement des docu-
La plupart de ces habitats sont abandonnés à la fin du Moyen Âge ou à l’époque moderne (Metz 1984, 2421) : « …on peut, à titre d’hypothèse,
reconstituer l’histoire du village [de Dompeter] : à l’époque où l’asile ecclésiastique était à la fois le plus nécessaire (anarchie féodale) et le mieux
respecté (paix de Dieu), des hommes sont venus s’établir à l’abri de l’enclos de l’église jusqu’alors isolée du Dompeter (…) A partir du XVe et surtout
du XVIIe siècle, l’asile et la fortification perdent de leur valeur : c’est seulement alors que le village se dépeuple. ».
39
En 1156 est ainsi cité le cimiterium ecclesie de Vescenheim (Fessenheim-le-Bas, Bas-Rhin) et en 1183 : curia de Hiteheim…et ecclesia cum libera
sepultura et baptismo (Barth 1960-63, 382 et 613).
40
À Gertwiller, il s’agit de la cour relevant de l’abbaye de Niedermunster qui possède également l’église du lieu (Barth 1960-63, 428-429). Le bâtiment
est construit en moellons de grès, à l’appareillage caractéristique du XIIe siècle. Le clocher de l’église est également datable de cette période. À
Schnersheim, l’ancienne cour de l’abbaye de Neuwiller correspond au bâtiment de la Mairie, faisant face à l’église, dont le clocher remonte au
XIIe siècle. Il s’agit d’un bâtiment en pierre (domus lapidea), cité en 1178 en même temps que l’église (Barth 1960-63, 1250-1251). Enfin, à Rosheim,
la cour de l’abbaye du Mont Sainte-Odile jouxte l’église Saints-Pierre-et-Paul remontant au milieu du XIIe siècle (Barth 1960-63, 1145-1149).
41
On peut citer le cas de Heiningen (Baden Württemberg, Allemagne). La largeur maximale de ce fossé est de 4 m, sa profondeur 1,50 m (Schäfer 1983).
38
110
█ I - Bilans régionaux, micro-régionaux et études de cas
UNE CAMPAGNE EN MUTATION OU L’HABITAT RURAL EN ALSACE DES Xe-XIIe SIÈCLES
Fig. 16 : Vue de l’église du Gloeckelsberg (à gauche) et du village d’Entzheim, ceint par un Dorfgraben (Matthäus Merian, 1682 ;
Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg, MCARTE10832).
mètre que s’applique la justice villageoise (Boehler,
Metz 2013 ; Metz 1986, 7620 ; Bader 1957, 104-107 ;
Rösener 1991, 167) et, dans le courant de la période
médiévale, défensive : doublés d’une haie ou d’une
palissade, ils serviront d’élément de fortification (Metz
1986).
Pour l’histoire du village, l’aspect fondamental de
ces fossés tient au fait qu’ils insèrent désormais l’habitat
dans un cadre inamovible, au sein duquel se trouvent les
différents éléments constitutifs du village : le pôle
église/cimetière, les cours seigneuriales, ainsi que les
jardins situés à l’arrière des unités d’habitation.
Marqueurs topographiques et éléments juridiques, ils
contribuent donc à la fixation et à la pérennisation de
l’habitat.
Fig. 17 : Extrait du plan cadastral d’Allenwiller avec le tracé
du Dorfgraben (1821 ; Archives Départementales du
Bas-Rhin, 3P249/13).
ments d’archives (fig. 15 et 16) (42). Les sources ne les
mentionnent qu’à partir du XIIIe siècle (43). Leur apparition est donc à placer entre le moment où les habitations situées en marge des localités actuelles disparaissent et les premières mentions des Dorfgraben dans les
textes, c’est-à-dire entre les XIe-XIIe siècles et la
première moitié du XIIIe siècle.
Ces fossés ont une double fonction : en premier lieu
juridique puisqu’ils servent à délimiter la zone d’habitat
des terres cultivables et que c’est au sein de leur péri-
CONCLUSION
Le début du deuxième millénaire apparaît ainsi dans
les campagnes alsaciennes comme une période de mutation. Encore profondément ancrés dans la tradition carolingienne, les habitats se distinguent peu de ceux des
siècles précédents : ils en présentent encore l’organisation distendue, les superficies souvent importantes et les
constructions en bois et en terre peu durables, nécessitant
leur reconstruction régulière et une recomposition
cyclique des unités d’habitation. De nombreux signes
témoignent cependant déjà de l’évolution qui, au cours
des XIIe et XIIIe siècles, va modifier durablement la
topographie de l’habitat rural et conduire à l’émergence
Cet inventaire a été entrepris par B. Metz et partiellement publié dans le Bulletin d’Informations de la Société pour la Conservation des Monuments
Historiques d’Alsace, sous le nom d’Alsatia Munita.
43
Un Dorfgraben est mentionné à Furdenheim en 1240 (Schmidt s.d., 297).
42
111
L'HABITAT RURAL DU HAUT MOYEN ÂGE EN FRANCE (Ve-XIe SIÈCLE) : DYNAMIQUES DU PEUPLEMENT, FORMES, FONCTIONS ET STATUTS DES ÉTABLISSEMENTS
paroissial contribuent en effet, à cette époque, à renforcer
à tous les niveaux l’encadrement des populations rurales
(Mazel 2010, 269-217, 474-490). Dans ce nouvel ordre,
le village prend une place centrale. Partagé jusque-là
entre différents propriétaires et formant une entité
hybride, il se constitue progressivement en une entité
propre, juridique, avec ses règles et ses pratiques collectives comme les communaux, la défense commune et
l’assolement, dont les premiers témoignages apparaissent au XIIIe siècle dans les sources écrites (Dubled 1960
et 1963).
BIBLIOGRAPHIE
Abréviations :
Fig. 18 : Vue de Mittelhausen (Bas-Rhin) et de ses environs au
XVIIIe siècle. On peut observer le groupement villageois autour des églises, le périmètre correspondant à
l’Etter et le parcellaire laniéré (première page du
terrier de Mittelhausen, Archives Départementales du
Bas-Rhin,
du village doté d’une existence institutionnelle (le
« Dorf » des textes du bas Moyen Âge et de l’époque
moderne). Ainsi voit-on apparaître les premiers mouvements vers le resserrement des habitations sur les centres
des localités actuelles. Des églises en pierre s’élèvent un
peu partout dans les villages. Des évolutions se font jour
également dans l’architecture à même de prolonger la
durée de vie des constructions, mettant en place les
conditions nécessaires pour l’établissement d’une trame
villageoise pérenne : les édifices en pan de bois sur solin,
plus durables, se diffusent dans les campagnes, le recours
à la maçonnerie devient plus courant même si encore
limité principalement aux églises, les caves font leur
apparition. Enfin le XIIIe siècle voit disparaître définitivement les cabanes semi-enterrées dont l’impact durable
au sol constituait certainement l’une des causes essentielles de la mobilité des unités d’exploitation à la
période antérieure.
Ces mutations, qui conduiront à l’émergence de l’habitat resserré à côté de l’église, marqué par un tissu plus
dense de parcelles et de constructions et ceint souvent
par un fossé, sont cependant encore mal cernées dans
leurs processus et leur chronologie : il faudrait pour cela
multiplier les fouilles au cœur même des villages, qui
seules permettraient de restituer dans toute sa complexité
l’évolution à cette période charnière des Xe-XIIIe siècles
(Carré et al. 2009).
La fixation de l’habitat et la généralisation du village
groupé après le XIIe siècle vont durablement marquer le
paysage alsacien (fig. 18). Ce processus, qui s’observe
aussi dans d’autres régions (44), s’insère dans un mouvement qu’il faut probablement mettre en relation avec les
grands changements politiques et sociaux qui touchent
alors l’Europe nord-occidentale. Le développement de la
seigneurie féodale et celui, concomitant, du réseau
44
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