Questions de communication
31 | 2017
Humanités numériques, corpus et sens
Des récits en général, de la narratologie en
particulier
(et de quelques autres considérations sur l’état du monde académique
dans nos sociétés libérales)
About Narratives in General, Narratology in Particular (and about some other
Considerations on the Academic World in our Liberal Societies)
Alain Rabatel
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/questionsdecommunication/11132
DOI : 10.4000/questionsdecommunication.11132
ISSN : 2259-8901
Éditeur
Presses universitaires de Lorraine
Édition imprimée
Date de publication : 1 septembre 2017
Pagination : 245-263
ISBN : 9782814303256
ISSN : 1633-5961
Référence électronique
Alain Rabatel, « Des récits en général, de la narratologie en particulier », Questions de communication
[En ligne], 31 | 2017, mis en ligne le 01 septembre 2019, consulté le 06 janvier 2020. URL : http://
journals.openedition.org/questionsdecommunication/11132 ; DOI : 10.4000/
questionsdecommunication.11132
Tous droits réservés
questions de communication, 2017, 31, 245-264
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ALAIN RABATEL
Interactions, corpus, apprentissages, représentations
Université Lumière Lyon 2, ENS-Lyon
Université Claude Bernard Lyon 1, ESPÉ
F-69007
Alain.Rabatel@univ-lyon1.fr
DES RÉCITS EN GÉNÉRAL,
DE LA NARRATOLOGIE EN PARTICULIER
(ET DE QUELQUES AUTRES CONSIDÉRATIONS SUR L’ÉTAT
DU MONDE ACADÉMIQUE DANS NOS SOCIÉTÉS LIBÉRALES)
Résumé. — En premier lieu, l’article revient sur la situation paradoxale de la crise de la
narratologie en insistant sur la fragilité d’un expansionnisme miné par l’empirie, en raison
du lien distendu des travaux actuels avec les cadres théoriques de la narratologie, réduits
à une boîte à outils sommaire déconnectée des enjeux interprétatifs. Par-delà la critique
facile du formalisme, il inscrit la suspicion envers les modélisations théoriques dans une crise
plus vaste, culturelle et politique. En deuxième lieu, il répond à l’interpellation de Raphaël
Baroni s’interrogeant sur les réticences de certains chercheurs à se considérer comme des
narratologues alors que leurs travaux ont renouvelé l’analyse des récits ; en appui sur ses
travaux, l’auteur dégage certains de ses désaccords avec les théories du récit des années 70.
Dans un troisième temps, l’auteur essaie de préciser les concepts pragma-énonciatifs,
rhétorico-textuels caractéristiques de sa démarche qui transcendent la catégorie récit.
En quatrième lieu, l’article discute quelques propositions institutionnelles ou académiques
relatives à la place de la narratologie ou à celle d’autres cadres théoriques contributifs de
l’analyse des récits. Il traite notamment des conditions susceptibles de faciliter les échanges
interdisciplinaires et d’améliorer l’offre de formation à destination des étudiants et, plus
particulièrement, des futurs enseignants de langues et lettres.
Mots clés. — narratologie, analyse pragma-énonciative des récits, formalisme, formalisation,
empirie (storytellling), relativisme, interdisciplinarité
245
A. Rabatel
J
e réponds à l’invitation à la réflexion lancée par Raphaël Baroni (2016) dans
Questions de communication pour échanger avec tous ceux qui s’intéressent
aux récits et à leur analyse. Le lecteur remarquera que je déplace, dès le titre
de mon travail, l’ordre des préoccupations de Raphaël Baroni. C’est que, pour
le dire d’entrée de jeu – en espérant que le lecteur ne verra pas dans cet aveu
un motif à ne pas poursuivre sa lecture –, je ne suis pas narratologue et ne me
suis jamais réclamé de ce paradigme. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas
discuter avec les narratologues ! Je voudrais commencer par remercier1 Raphaël
Baroni d’avoir répondu à l’invitation de Béatrice Fleury et de Jacques Walter, tout
comme je suis sensible au fait qu’il ait manifesté de longue date une curiosité à
l’égard de nombreux travaux qui ne relèvent pas explicitement de la narratologie
(dont les miens).
Je commencerai par revenir sur le constat dressé par Raphaël Baroni, que je
partage largement. Mais surtout, et j’imagine que cela fera discuter, je voudrais
inscrire ce constat dans une crise plus vaste, et autrement plus dérangeante, celle
d’une crise culturelle et politique, avec toutes les caractéristiques d’une crise,
celle d’un monde qui meurt, tandis que les nouvelles valeurs et les nouveaux
programmes mettent du temps à émerger, à être portés par des fractions
agissantes du monde politique et de la culture, et, partant, à faire consensus
autour d’offres alternatives crédibles (1). Évidemment, dire pourquoi l’on n’est
pas narratologue implique de s’expliquer sur les raisons d’un tel positionnement,
et donc aussi de préciser les pierres d’achoppement qui ont conduit à ce choix
(2). Chemin faisant, je serai conduit, après avoir procédé à un positionnement
négatif, à préciser au positif le sens de mes recherches sur le récit, mais aussi leur
lien avec des problématiques pragma-énonciatives plus englobantes : d’abord les
relations que le récit entretient avec l’argumentation, notamment l’argumentation
indirecte qui s’appuie sur l’effacement énonciatif, quand les récits argumentent
sans utiliser les formes classiques de l’argumentation ; ensuite, les rapports avec les
problématiques de la prise en charge et de la responsabilité énonciatives, qui ont
des répercussions sur la saisie des intentions (de l’auteur, du texte, des lecteurs)
et sur les questions entrecroisées du sens et de l’interprétation. Ce sont là des
problématiques linguistiques, à la croisée des paradigmes de l’énonciation, de la
pragmatique, de l’argumentation et de la nouvelle rhétorique, de la linguistique
textuelle et de l’analyse de discours (3). Mais comme ces questions ne sont pas
le domaine réservé des linguistes et qu’il y a intérêt pour les uns comme pour
les autres à réfléchir sur des objets communs (le récit), sur des méthodes et
des théories contributives, j’esquisserai quelques perspectives pour poursuivre le
dialogue, en me situant davantage sur le terrain des échanges scientifiques que
sur celui des ancrages institutionnels (4).
1
Je remercie également Michèle Monte et André Petitjean de leurs remarques.
246
échanges
Des récits en général, de la narratologie en particulier
Les constats académiques
et leur arrière-plan idéologique et politique
Mettons-nous d’accord sur les constats. Pour ce faire, je traiterai des constats négatifs
et positifs, en distinguant à chaque fois ce qui relève des plans académiques et
politiques. Car je ne m’en tiendrai pas au domaine académique, à la différence de
Raphaël Baroni, et défendrai ce faisant un certain nombre de positions tranchées,
conformément à l’esprit de la rubrique « Échanges » de Questions de communication.
Constats négatifs
Dire que « le champ d’application » de la narratologie « n’a jamais semblé aussi large »
alors que la théorie du récit est « relativement moribonde » (Baroni, 2016 : 219) est
un paradoxe conforme à la vérité. De fait, d’une part la théorie du récit n’a guère
évolué depuis la fin des années 70 du siècle passé, et les narratologues ne se sont
guère inspirés des travaux externes à la narratologie pour renouveler leurs modèles.
Plus grave, cette ossification me semble portée par un repli idéologique conservateur
qui ne se limite hélas pas à la vie politique, ni à la vie des idées. Le « démon de la
théorie », stigmatisé en France dans des institutions dont on attendrait au contraire
qu’elles promeuvent haut et fort le rôle des théories dans la compréhension du
monde, a produit ses effets : beaucoup de travaux atones, sans relief, sans nerf, sans
perspective, baignant dans l’illusion que la chasse sempiternelle aux nouveaux corpus
rendait inutile une réflexion sur les modèles théoriques et sur les méthodes.
L’affirmation selon laquelle la « boîte à outils » de la narratologie, autrement dit ses
matrices structurales, aurait été remise en question en raison de son formalisme
(ibid. : 220-221) mérite discussion. Les accusations contre le formalisme sont assez
souvent typiques des faux débats, visant toujours le formalisme des autres, aveugles
qu’elles sont sur leurs propres pratiques. Or, il faut déterminer si le formalisme
tient au fait que les « outils », c’est-à-dire les concepts et/ou les méthodes, sont
erronés ou s’ils sont mal appliqués parce que l’on considère les textes comme des
prétextes à de vagues étiquetages : dans le premier cas, la faiblesse est imputable
aux outils, dans le deuxième, à l’utilisateur. Ce n’est pas du tout la même chose. En
l’occurrence, les deux hypothèses sont pertinentes, à des niveaux de responsabilité
différents : certains outils se sont montrés défaillants (notamment ceux qui ont trait
aux focalisations, j’y reviendrai), mais c’est loin d’être le cas pour toutes les notions.
Il faut aussi incriminer les faiblesses des travaux qui les ont convoqués sans tenter
d’éclairer d’un jour nouveau les récits, ce à quoi ils étaient en principe censés servir,
et sans tenter non plus d’améliorer l’appareillage théorique sur les points où il
s’avérait déficient. C’est pourquoi la responsabilité, aujourd’hui, incombe beaucoup
moins aux défricheurs qu’à ceux qui se servent d’une théorie sans l’améliorer – ne
parlons pas de ceux qui croient pouvoir s’en passer !
échanges
247
A. Rabatel
C’est pourquoi je récuse la méfiance envers le formalisme, même si bien
évidemment l’étiquetage de formes sans autre perspective n’est d’aucun intérêt,
ainsi que l’écrivait voilà longtemps Maurice Merleau-Ponty (1960 : 124). On ne
peut faire l’économie des catégories, de concepts. Bien sûr, comme le disait Henri
Meschonnic (1970 : 7), le mieux est qu’ils émergent de la pratique, qu’ils cherchent à
rendre compte des textes, dont ils sont comme des instruments d’arpentage. Ici, ce
n’est plus de formalisme qu’il est question, mais bien de formalisation. Si l’accusation
contre le formalisme s’avance masquée pour critiquer toute formalisation, on est
alors face à une dérive inacceptable, car toute formalisation, dans son principe
même, ne saurait être tenue pour vaine, inutile, puisqu’elle est au fondement d’une
approche scientifique, y compris dans le domaine des sciences humaines. Certes,
les formalisations doivent évoluer, ne pas ignorer d’où elles viennent. Mais les rejeter,
c’est faire preuve d’une suffisance bien insuffisante… Et si je ne me reconnais
guère dans certains travaux descriptifs à la théorisation exténuée, je crois tout aussi
sûrement qu’il est possible de s’appuyer sur des concepts linguistiques pour dire
du neuf sur les œuvres littéraires, comme j’ai tenté de le faire à propos de Renaud
Camus, d’Annie Ernaux, de textes bibliques dans Homo narrans, ou encore, depuis,
à propos de l’Évangile de Jean, de Charlotte Delbo, de Léon Bloy, de Jean Giono
ou d’Emmanuel Carrère2. Je préfère donc de beaucoup la critique des modèles
et des théories à leur suspicion systématique, qui favorise (sinon engendre) la
toute-puissance des représentations, un relativisme généralisé, les approximations ;
qui témoigne de l’abdication de la pensée à construire des vérités attestées (fût-ce
temporairement) et soumises à la critique ; qui abandonne l’ambition de construire
des modèles intégrateurs, sur des bases théoriques fortes.
C’est ici que je m’éloigne du constat : je doute, compte tenu de ce qui précède,
que « l’utilité » de la narratologie soit aussi « évidente ». L’empire de la narratologie
me semble aussi fragile que les colosses aux pieds d’argile dont maints récits nous
ont raconté les malheurs… On peut s’interroger pour savoir si le tournant narratif
tangible mais peu théorisé (qu’on vient d’évoquer) doit s’analyser comme une
victoire de la puissance explicative du récit ou au contraire comme la marque d’une
notion si englobante que son utilisation dans les sciences est une mode, voire une
facilité. Sans doute ces deux réponses ont leur part de vérité (et d’autres encore
sont envisageables), mais poser la question en ces termes est intéressant en ce que
cela ne crédite pas les récits et surtout les sciences qui les analysent d’une caution
scientifique a priori. En effet, il vaut la peine de discuter la scientificité de quelques
fonctions psycho-sociales des récits ou de leur exploitation académico-médiatique.
Au chapitre des modes discutables, je mentionnerai les usages faciles de la notion
de storytelling appliquée au champ politique : comme si par exemple les victoires
électorales ne récompensaient que ceux qui racontent une histoire, un grand récit
national. Allons bon, Nicolas Sarkozy et Donald Trump auraient gagné en 2007 ou
en 2016 parce qu’ils auraient raconté un grand récit ? Première nouvelle ! Car il ne
2
Pour ne pas multiplier les autocitations, je renvoie à ma page personnelle : http://icar.univ-lyon2.fr/
membres/arabatel.
248
échanges
Des récits en général, de la narratologie en particulier
suffit pas d’en appeler « à la France qui se lève tôt » ou de scander « Make America
Great Again » pour faire un grand récit, alors qu’on fait une campagne à coup de
simplismes, d’exclusions et de haines, toutes choses qui sont à l’exact antipode de
la « synthèse de l’hétérogène », selon la formule de Paul Ricœur (1983). Comme si
ces politiciens n’avaient pas plutôt raconté des histoires/fariboles populistes ou fait des
histoires à des fins intéressées3 : mais il y a loin entre ces histoires-là et une histoire
(story) qui embrasse l’aventure commune d’un peuple qui veut partager ensemble
un avenir commun, dans le prolongement de son histoire (History) passée. Il ne suffit
pas davantage d’en appeler aux ancêtres (voire de remonter jusqu’aux Gaulois),
pour faire un roman national, si les racines invoquées excluent un grand nombre de
cette envie d’avenir partagé. Bref, invoquer le storytelling à tout propos (et surtout,
admirable perspicacité, une fois que les jeux sont faits) a une pertinence limitée,
même en s’en tenant à sa définition comme stratégie de communication politique.
D’autant plus que cette approche par la communication politique, sensible dans le
titre complet de l’ouvrage de Christian Salmon (Storytelling. La Machine à fabriquer
des histoires et à formater les esprits, 2007), oriente l’interprétation de la notion,
volens nolens, vers une lecture axiologiquement négative.
Cependant, la notion de « grand récit » (qui est une autre façon de nommer le
storytelling) est plus complexe et substantielle, si l’on pense à certains de ses usages,
comme dans les propos suivants de Gilles Kepel (2016 : 47-48) consacrés aux
attentats djihadistes qui ont frappé la France depuis Charlie Hebdo. En effet, la notion,
fût-elle évoquée avec des guillemets, repose sur une tentative d’explication globale,
faisant une synthèse d’éléments très hétérogènes, rendant compte des motifs qui
poussent les djihadistes à l’action, tout en donnant à la société des clés pour agir sur
le phénomène de façon globale – et ce, « sans formatage des esprits » ! :
« Si les phénomènes sociaux violents possèdent toujours des logiques propres, liées souvent,
mais pas toujours, aux conditions de vie de populations marginalisées, procédant également de
la structure psychologique fragile des individus, il n’en reste pas moins que l’idéologie donne la
conscience de l’action et en détermine les formes, tout comme elle définit les frontières de la
communauté d’appartenance et des ennemis, voire régule, dans les cas passés en revue, jusqu’aux
modes d’extermination de ces derniers.
C’est pourquoi il est impératif de faire preuve de lucidité à l’égard des ressorts de la doctrine
djihadiste, même si celle-ci ne peut se matérialiser que lorsque des conditions objectives lui
permettent de prospérer, comme l’embrigadement en prison, l’essor des réseaux sociaux ou la
généralisation des smartphones transformés en vecteurs de prédication. Cela explique le décalage
entre la parution en ligne en 2005 des textes mentionnés ci-dessus et leur mise en pratique au
milieu de la décennie consécutive par des activistes, dont le premier fut Mohamed Merah en 2012.
Sans doute d’autres narrations ont-elles interféré pour composer le substrat du “grand récit” du
djihadisme français contemporain, comme le legs de la guerre d’Algérie, contribuant à éclairer le
caractère rétrocolonial de la haine. Il n’est pas indifférent que les enfants de l’école Ozar-Hatorah
aient été massacrés par Merah le jour du cinquantenaire des accords d’Évian, le 19 mars 1962, ni que,
3
Rarement un candidat a autant varié sur ses propositions, leur chiffrage, jamais la toile – alimentée
par le candidat élu ou les sites qui le soutiennent –, n’a répercuté autant de mensonges que lors des
élections présidentielles de 2016 aux États-Unis.
échanges
249
A. Rabatel
dans le subconscient de sa famille, la France soit particulièrement exécrée. S’y ajoute la perpétuation
sans solution du conflit israélo-arabe qui attise sans cesse les braises d’un “antisionisme” dont les
djihadistes font un matériau de prédilection pour en appeler à l’extermination de tous les juifs ».
L’exemple de Gilles Kepel montre qu’on peut faire un autre usage de la notion,
intégrer des explications dans des trames narratives qui concernent d’une part le
passé, d’autre part l’avenir. À quoi il faut ajouter que plusieurs grands récits peuvent
coexister, ce qui pose la question d’être capable de les construire, de les comprendre,
puis de les faire évoluer : et l’on touche là aux limites du langage s’il n’est pas
relayé par l’action. Il faudrait donc un travail plus scientifique, qui ne réduise pas
le storytelling à un habillage pseudo-théorique de stratégies de communication, et
notamment un vrai travail de science politique pour vérifier les cas où vainqueurs
et vaincus l’ont été avec de « grands récits » ou sans. Et se demander aussi si le
storytelling ne devrait s’intéresser qu’aux combats électoraux ou inclure dans son
champ une analyse de l’exercice concret du pouvoir, la victoire électorale passée4.
À l’insuffisance de souci, de soin et d’inquiétude théoriques, s’ajoute un manque
d’interdisciplinarité. Ces déficits dommageables ne peuvent être pointés
sans qu’on évoque le fait que les découpages disciplinaires universitaires se
sont accompagnés de replis identitaires qui ne favorisent pas les approches
interdisciplinaires, que tout le monde vante mais que bien peu pratiquent, sinon
à leurs risques et périls. Qu’il est loin le temps où un Roman Jakobson (1963 :
248) pouvait déclarer, en clôturant ses Essais de linguistique générale :
« S’il est encore des critiques pour douter de la compétence de la linguistique en matière de poésie, je
pense à part moi qu’ils ont dû prendre l’incompétence poétique de quelques linguistes bornés pour
une incapacité fondamentale de la science linguistique elle-même. Chacun de nous ici, cependant,
a définitivement compris qu’un linguiste sourd à la fonction poétique comme un spécialiste de la
littérature indifférent aux problèmes et ignorant des méthodes linguistiques sont d’ores et déjà, l’un
et l’autre, de flagrants anachronismes ».
C’est à ne pas croire, mais les flagrants anachronismes se portent à merveille (dans
les sciences du langage comme dans celles du littéraire), alliant ici pointillisme, là,
fascination pour les marges et mépris pour les normes, ailleurs un réductionnisme
scientiste de bon aloi, encouragé par une hyperspécialisation, certes inévitable, mais
qui devrait inciter à penser des formations traçant de grandes perspectives et des
articulations possibles entre les sous-champs d’une discipline et avec les disciplines
connexes. On en est pourtant là, donc.
4
Je boucle ce texte le 02/12/16, lendemain du jour où F. Hollande a renoncé à se représenter aux
suffrages des Français. Les commentaires vont bon train pour dire que son échec tiendrait notamment
au fait qu’il n’aurait pas raconté de grand récit. Certes, sa parole a été bien insuffisante. Mais
l’« impératif » du grand récit fait-il sens de la même façon pour les sortants et pour les challengers –
et le fait-il d’ailleurs de la même façon pour tous les challengers ? Il est difficile de raconter un grand
récit quand on est renvoyé à un bilan… Au demeurant, vu l’importance de la crise idéologique des
modèles de transformation sociale, est-il possible de raconter de grands récits quand le substrat
idéologique d’une politique progressiste est défaillant ? Il me semble que les Français attendaient
plutôt une parole qui aide à poser des diagnostics, donne des explications, propose des mises en
perspective, toutes choses en-deçà du storytelling, même sous ses versions faibles.
250
échanges
Des récits en général, de la narratologie en particulier
Ajoutons que cette situation, qui ne concerne pas que les membres de la 9e
section du Conseil national des universités (cnu) en France (langue et littérature
françaises), est plus grave que ce que la place ténue des narratologues révèle sur
l’état d’une discipline. En réalité, on pourrait dire cela de la plupart des paradigmes
qui ont un temps joué un rôle majeur, et dont on pourrait penser qu’ils devraient
être représentés dans les départements de langues et de littératures : je pense
par exemple à la critique génétique, dont les travaux sont importants pour
l’établissement des textes et par les questions qu’ils posent sur ce qui fait texte,
œuvre, sur l’auctorialité, sur la part du lecteur dans ces processus. On en dirait
autant pour les spécialistes de l’herméneutique, pour les approches de sociologie
littéraire, etc. Non pas que ces approches aient totalement disparu, mais elles
sont rarement visibles dans les maquettes de formation, fondées sur une histoire
littéraire des plus classiques, avec un découpage par siècle, qu’aggrave la logique
du concours de l’agrégation avec le choix d’un auteur par siècle. Sans doute il
n’est pas illégitime de donner un cadre historique, mais on pourrait imaginer
d’autres cadrages notionnels et méthodologiques complémentaires, fondés sur
une problématisation des textes littéraires et de la notion d’auteur, sur la base,
notamment, des paradigmes de recherches évoqués plus haut, sans compter
d’autres entrées, notionnelles, par les genres, par le style5, etc.6. Donc, le constat
que je dresse est plus sévère que celui de Raphaël Baroni : parce que les difficultés
qui frappent la narratologie affectent les disciplines des sections 7 à 15 du cnu7
et, plus particulièrement, la 9e section, ainsi que les départements de littérature
et de langue française, qui enseignent en priorité la narratologie8.
Il me semble qu’on ne mesure pas assez les effets culturels déstructurants d’une
crise globale. La faillite des modèles politiques de gauche (de transformation
sociale ou d’un prudent réformisme) comme de droite (libérale ou autoritaire)
face aux défis de toutes sortes de mondialisations (financières, industrielles,
technologiques, culturelles), à la perte de repères partagés et de valeurs
communes, aux défis écologiques, a entrainé un discrédit des institutions politiques
nationales et transnationales, qui a trouvé de puissants relais avec la montée en
puissance des populismes, le triomphe des idées simples et la méfiance envers
l’intelligence théorique. La situation de l’Université, partout dans le monde, avec
5
6
7
8
Sans doute cette description générale ne correspond-elle pas aux efforts de réorientation des formations,
ici ou là ; il est cependant vraisemblable que la raréfaction des recrutements pèse négativement sur eux.
Sans compter, à destination des futurs enseignants, des formations à la didactisation des notions littéraires,
grammaticales ou linguistiques qui ne se réduisent pas à la mise en œuvre de séquences, lesquelles
pâtissent, selon les situations locales, du manque préalable de ces offres de formation ou de l’insuffisance
du volume horaire qui leur est consacré. À quoi s’ajoute, partout, un grave déficit de formation continue.
Section 7 : sciences du langage : linguistique et phonétique générales ; section 8 : langues et littératures
anciennes ; section 9 : langue et littérature françaises ; section 10 : littératures comparées ; section 11 :
langues et littératures anglaises et anglo-saxonnes ; section 12 : langues et littératures germaniques et
scandinaves ; section 13 : langues et littératures slaves ; section 14 : langues et littératures romanes :
espagnol, italien, portugais, autres langues romanes ; section 15 : langues et littératures arabes, chinoises,
japonaises, hébraïques, d’autres domaines linguistiques.
Je borne mes remarques à la France, surtout au plan institutionnel.
échanges
251
A. Rabatel
sa soi-disant course à l’excellence, son mode de gestion managériale, son mépris
pour la recherche vive (Rabatel, 2015a) ne fait que reproduire dans l’ordre de
l’enseignement et de la recherche, des concurrences auxquelles on est atterré de
voir que beaucoup cèdent, encourageant des replis identitaires qui n’existent pas
que dans l’ordre du politique. J’imagine sans peine ce que ces formulations abruptes
et elliptiques peuvent susciter de réserves. Mais cette « étrange défaite » mériterait
vraiment d’être analysée dans toutes ses dimensions, sans amalgames ni illusions
téléologiques ou rétrospectives. Assurément, je ne veux pas dire qu’il y a un lien de
cause à effet entre tous ces phénomènes, d’autant qu’ils concernent des sphères
très différentes. Ce que je voudrais souligner, c’est que tous ces phénomènes
négatifs partiellement autonomes produisent, vu la durée de la crise, des effets
cumulatifs – aggravant le poids de chaque facteur isolé – voire un effet systémique
qui rend inopérantes (sauf à la marge) les interventions publiques sectorielles.
Des pratiques positives à affermir
Beaucoup de choses vont mal, certes, et pas qu’en narratologie, mais il existe
aussi des raisons d’espérer. Je suis d’accord avec Raphaël Baroni sur l’importance
(anthropologique, cognitive, socio-politique, j’y reviendrai plus loin9) de la dimension
fondamentale du récit, ce qu’il appelle homo fabulator, ou que j’ai nommé (bien
après d’autres) homo narrans. À cela près qu’à la différence de mes prédécesseurs,
j’insiste sur le fait que tout récit doit être analysé à l’aune des points de vue (pdv)
qu’il met en scène et en confrontation : ceux des personnages, ceux du narrateur,
construits par la narration elle-même, ceux de l’auteur, dans des projections ou
des commentaires para- ou péritextuels, voire ceux des lecteurs (impliqués ou
réels). Je partage également l’idée que la narratologie, à l’origine centrée sur les
textes littéraires, gagnerait à s’intéresser aux travaux qui analysent les récits non
littéraires, qu’il s’agisse de récits médiatiques, de récits de vie, etc. Ma réflexion s’est
d’ailleurs trouvée enrichie par l’analyse de récits dans des interactions didactiques,
de l’intrication de ces derniers avec des visées argumentatives fondamentales, et
ce détour m’a permis de mieux revenir aux textes littéraires ou religieux pour
rendre compte des stratégies argumentatives déployées en l’absence des formes
de l’argumentation syllogistique (Rabatel, 2004 ; 2008a).
De même, je salue la montée en puissance des travaux sur l’éthique, sur
l’empathie, auxquelles je suis moi-même très sensible. C’est là un point d’appui,
même s’il ne faut pas s’illusionner sur le caractère minoritaire de ces études et
sur l’insuffisance de transpositions auxquelles il faudrait davantage s’atteler dans
le domaine littéraire ou linguistique (Rabatel, 2013 ; 2015b ; 2016). Car beaucoup
de travaux évoquent l’empathie sans approfondir la notion ni montrer en quoi les
textes relèvent de cette problématique, comment ils la mettent en œuvre, dans le
9
Mais l’importance de la dimension fondamentale du récit était déjà sous-jacente dans la compréhension
critique du storytelling que j’ai exposée supra.
252
échanges
Des récits en général, de la narratologie en particulier
langage, via la problématique des pdv et, éventuellement, ce que le récit apporte à
la théorie de l’empathie. Quant au développement de la sociologie narrative, de la
théologie narrative, de l’historiographie narrative, la tendance dominante est à une
instrumentation d’outils relativement sommaires de la narratologie, sans que cela
ne produise des retombées intéressantes sur le récit ou les disciplines en question,
à la différence des débats qui, dans les années 80, avaient traversé les historiens.
Il y aurait pourtant beaucoup à dire sur le régime de la preuve, sur la notion de
biographie, sur l’utilisation des documents attestés, pour le plus grand profit de la
narratologie. De même les travaux consacrés à l’importance du récit dans la (re)
construction des identités, dans le cure ou le care, dans les situations professionnelles
(mémoires professionnels, habilitations à diriger des recherches), ne me paraissent
pas déboucher (à ce que j’en connais) sur des retombées théoriques substantielles.
Bref, l’empire est là – mais un empire particulièrement fragile, parce que sans tête
– et j’invoquerais plus volontiers le règne d’une empirie expansionniste.
Or, il faut se garder de la tentation du tout narratif, comme d’autres ont celle du
tout argumentatif. Cette opposition est d’autant plus discutable que, comme le
montrent les travaux de Jean-Marc Ferry, il y a un continuum entre les deux et que
le plus probable est que l’argumentation soit fille de la raison narrative. Comme
nous le rappelions, Marie-Laure Florea et moi (2011 : 22-23), dans l’introduction au
dossier de Questions de communication consacré aux discours sur la mort :
« L’identité déborde la question de l’identité narrative (Ricœur, 1983, Charaudeau, 1997)10. Ainsi
que le souligne Jean-Marc Ferry, à côté du rôle fondateur de la narration, qui est le mode premier
de la construction de l’identité, entrent en jeu d’autres registres. Ainsi, l’interprétation intervient
“dès lors que le récit est compris dans une perspective d’édification” (Ferry, 1991 : 112), quand la
réflexion dépasse le cadre contingent de l’action pour expliquer ce qui est. Ainsi encore de ce que
Ferry entend en un troisième temps, l’argumentation, qu’il définit comme un effort pour penser
les phénomènes particuliers et leur explication selon des logiques différentes, orientées vers des
raisons d’agir valables pour tous, et pas seulement pour ceux qui ont été les auteurs ou les témoins
de tel évènement qui s’est trouvé raconté puis interprété… C’est pourquoi l’argumentation est
elle-même appréhendée à partir des nécessités d’un quatrième mouvement qui parachève la
dynamique de construction des identités, que Ferry nomme la reconstruction, qui vise à justifier
l’argumentation en prenant en compte d’autres bonnes raisons, en les situant, en les contextualisant,
afin d’éviter des dérives idéologiques intolérantes, sans pour autant verser dans le relativisme. C’est
bien l’ensemble de ces niveaux qui interagissent dans la construction émotionnelle et rationnelle
des identités, centrée sur l’action, elle-même chargée d’émotion et de raison ».
Au total, et pour conclure cette section, je dirais que, sans aucun doute, je suis
plus tranchant que Raphaël Baroni, et que mon propos est plus englobant, plus
directement politique, mais il m’a semblé que le débat ne gagnait rien à s’en tenir
au seul niveau universitaire. J’imagine qu’il provoquera des agacements, mais peutêtre aussi qu’il ouvrira un débat qui intègrera cette dimension, faute de quoi il
manquera largement son objet, car il est difficile d’autonomiser ces débats en les
limitant au(x) seul(s) champ(s) académique(s). En effet, les débats intellectuels sur
les théories et leur enseignement, ont eu, en France du moins, des répercussions
10
Ce que R. Baroni (2016 : 225) dit aussi.
échanges
253
A. Rabatel
politiques et, réciproquement, les débats politiques ont alimenté les antagonismes
théoriques, tant sur le plan des contenus que sur le format des débats, comme si
tout devait se réduire à un jeu de massacre et à des victoires d’un camp sur l’autre,
avec ces retours de bâtons où l’histoire fait du surplace et où la science se prive de
processus cumulatifs, phénomène accru lorsque les découpages académiques et
l’air du temps privilégient les replis identitaires les plus étriqués.
Mes divergences avec la narratologie
Compte tenu qu’à plusieurs reprises, Raphaël Baroni s’interroge sur les raisons pour
lesquelles, malgré l’intérêt de mes recherches pour la narratologie, je ne me réclame
pas de ce paradigme, je suis amené à préciser mes différences d’avec elle, ce que
je ferai ici, avant de profiler le sens linguistique de mon travail, et son arrière-plan
anthropologique et politique, dans la section suivante.
Mes désaccords sont d’abord théoriques et méthodologiques. En 2010, à l’invitation
de John Pier et Francis Berthelot, je publiais un texte intitulé « Pour une narratologie
énonciative ou pour une analyse énonciative des phénomènes narratifs ? » (Rabatel,
2010). Le titre était très explicite, car s’il s’interrogeait sur une possible appartenance
à la narratologie, c’était d’emblée en la spécifiant comme narratologie énonciative
(ce qui fait peu de monde en somme), avant de récuser une telle appartenance. Les
linguistes qui se sont intéressés aux récits l’ont souvent fait à partir de la question
linguistique des voix ou de la polyphonie (Danon-Boileau, 1982 ; Rivara, 2000), plus
rarement à partir de l’analyse globale de la construction linguistique du monde, i.e.
la référenciation ; le plus souvent, leurs apports sont limités par leur acceptation du
cadre genettien des focalisations (Genette, 1972 ; 1983). Or, je récuse l’idée d’une
narratologie énonciative, parce que je refuse les cadres théoriques structurants de
la narratologie des années 1960-1975, qui relèvent pour l’essentiel d’une influence
structuraliste qui conduit à privilégier des structures profondes et à se désintéresser
des textes, au plan de la mise en discours. Partant de là, et considérant que la question
des voix et des pdv était centrale, j’ai tenté de problématiser la notion de pdv, et ai été
amené à prendre mes distances avec les focalisations genettiennes, qui à mes yeux
sont au cœur du système. Je n’ignore certes pas que la narratologie a pris bien d’autres
virages – y compris au plan des approches non communicationnelles, que je récuse
aussi (Rabatel, 2011a) –, mais le fond de l’affaire reste que les études narratologiques
typologisent de loin, de haut, sans prendre la peine de se confronter à la matérialité
des textes. Comme je suis rétif aux commentaires généraux ou aux métaphores
approximatives, je maintiens ma position. Je ne développe pas longuement mes
différences d’avec la narratologie genettienne, mais je ne peux cependant faire moins
que les rappeler brièvement :
– Je regrette l’absence de distinction entre locuteur, source des voix, représentantes
ou représentés (Rabatel, 2011b : 15-17), et énonciateur, source des pdv, à même de
rendre compte des phrases sans paroles (Ducrot, 1984 ; Banfield, 1982), comme
254
échanges
Des récits en général, de la narratologie en particulier
du jeu des instances de la narration. Je reconnais que cette question fait débat aussi
dans les sciences du langage et que ma position trouve des points d’appui précieux
dans les corpus littéraires, car l’échelle du texte pose de tout autres questions que
celle des énoncés. C’est là un exemple qui montre combien la linguistique aurait
aussi avantage à confronter ses outils avec de nouveaux objets, et combien trop de
linguistes ont tort de se désintéresser des corpus littéraires.
– Je récuse le manque de solidité des instances à l’origine des trois focalisations,
faute de réflexion énonciative substantielle, puisqu’il n’y a que deux instances, le
locuteur/énonciateur premier et le locuteur/énonciateur second, ce qui fait qu’il
n’y a pas d’instance pour une fantasmatique focalisation externe qui confond
focalisé de l’extérieur avec focalisateur externe (Rabatel, 1997b : 89, 102 ; 1998).
– Je suis en désaccord sur la non-existence du pdv du narrateur, selon Gérard Genette
qui, il est vrai, donne trois définitions différentes de la focalisation zéro, et n’est
pas à une contradiction près avec la thèse de l’omniscience narratoriale (Rabatel,
2010) ; en désaccord aussi sur le caractère par définition limité de la perspective
du personnage, au prix de considérations ontologiques et phénoménologiques
sommaires sur la perception, concernant le phénomène de restriction de champ et
la nature de cette dernière, notamment l’affirmation selon laquelle un personnage
ne saurait accéder aux pensées des autres personnages (Rabatel, 1997a : 239-269).
– Je critique la sous-estimation de la construction linguistique de ce qui est « vu »
– qui seule permet de déterminer, sur la base des données textuelles –, qui
voit, ressent, pense, parle, agit ? Ces sous-ensembles sémantiques des centres de
perspectives doivent être analysés minutieusement ; ce qui, pour ma part, m’a
entrainé à dégager diverses modalités de pdv (Rabatel, 2008a), selon la nature
des phénomènes mis en perspective et les lieux textuels d’émergence :
–
pdv
embryonnaire : perceptions, pensées, actions envisagées globalement,
dans le premier plan ;
–
pdv
–
pdv
représenté : perceptions (et pensées inférées des perceptions, ou en
appui sur ces dernières) et/ou actions déployées dans le deuxième plan ;
asserté : pensées et paroles (déconnectées des perceptions) des
énonciateurs seconds dans des discours rapportés/représentés ou dans des
commentaires directs du locuteur/énonciateur primaire, en l’occurrence le
narrateur homo- ou hétérodiégétique.
– Je regrette également le manque d’arrière-plan anthropologique aux théories de la
focalisation, par rapport à l’horizon que j’essaie de donner au pdv et à l’empathie, e.g. :
– relativement à la question du continuum de la pré-réflexivité vers la réflexivité,
c’est-à-dire du sensoriel à l’intelligible, via le sensible, le pensable et le dicible,
ce continuum étant inscrit lui-même dans un continuum plus vaste de la
perception à l’action ;
échanges
255
A. Rabatel
– relativement à l’horizon politique et éthique de l’empathie – lorsqu’elle est
conjointe avec une conception altruiste de la sympathie (Nussbaum, 2012 :
202-203) – ; en effet, l’empathie ne fonctionne pas qu’au plan individuel
ou interindividuel, elle peut concerner aussi les relations entre individus et
groupes (Morin, 1999 : 51-52 ; Nussbaum, 2010 : 37-38, 61 ; 1995 : 190-191) :
j’y reviendrai dans la section suivante.
Ces désaccords sur la question des focalisations ne me font pas oublier bien
d’autres apports de Gérard Genette, notamment, pour s’en tenir à la narratologie,
la distinction entre histoire, récit et narration. Mais si la narration concerne la mise
en mots, force est de constater qu’elle s’intéresse plutôt aux grandes masses
structurantes du récit, par exemple aux isochronies ou anisochronies ; même les
faits de fréquence sont abordés de manière structurale, et restent loin de l’analyse
de la langue, en situation, au ras du texte (Rabatel, 2008a : 305-321). Assurément,
ces distinctions restent pertinentes, mais elles gagnent à être complétées par le
répertoire des marques linguistiques qui les mettent en œuvre, répertoire qui ne
se borne pas à l’étude des énoncés et intègre la question du texte, par exemple
à travers des phénomènes de cohérence, de cohésion, de structuration des
arguments, de construction des univers, des discours représentés, des émotions,
des phénomènes de pdv, de leurs changements, intrications, etc.
Pour les mêmes raisons, j’ai eu des réticences analogues envers Algirdas Julien
Greimas et la sémiotique. Comme je m’en suis expliqué, j’ai abandonné une thèse
que je projetais de faire avec ce dernier (Rabatel, 2015c : 328-329) ; je suis revenu,
à l’invitation des sémioticiens, à l’occasion du centenaire de sa naissance, sur mes
divergences avec son approche de l’énonciation ou avec celles d’autres sémioticiens
(Greimas, Courtés, 1979 ; 1986 ; Fontanille, 1998 ; Fontanille, Zilberberg, 1998),
lesquelles reposent en définitive sur les mêmes fondements que ma critique de la
narratologie, à savoir une sous-estimation persistante des phénomènes de surface
et de discours, en raison de la fascination pour les structures profondes (Rabatel,
à paraître). Autrement dit, le cœur de mes désaccords concerne les grands
pourvoyeurs de modèles de la fin des années 60 et du début des années 70
(La Sémantique structurale date de 1966, Figures III de 1972). Bien des travaux
fondamentaux ont émergé depuis, par exemple ceux de Paul Ricœur (1983, 1884,
1985) ou de Jean-Marc Ferry (1991) qui ont profondément nourri ma réflexion sur
le récit, sans être narratologues. En revanche, ma réticence envers la narratologie
a été entretenue par les effets négatifs de sa scolarisation : le tournant narratif,
comme le moment énonciatif (et comme toutes les modes), se sont diffusés en
reposant sur une doxa peu interrogée, bornant l’analyse au schéma quinaire du
récit ou à son schéma actantiel (sans d’ailleurs s’interroger sur les raisons qui font
que plusieurs schémas sont possibles) et je ne peux que partager les constats et
réserves que formule Raphaël Baroni (2016 : 226), par exemple à l’occasion du
colloque Narratives Matters de 2014…
256
échanges
Des récits en général, de la narratologie en particulier
Mais il y a plus. Raphaël Baroni (2016 : 228) regrette que les auteurs des travaux
les plus stimulants pour l’évolution des cadres théoriques de la narratologie ne
se revendiquent pas d’elle :
« Ces théoriciens sont rarement perçus par le public comme des narratologues à proprement
parler et, parfois, ils rechignent eux-mêmes à endosser cette identité. Il faut notamment signaler
l’apport considérable de nombreux linguistes qui ont fait évoluer la théorie du récit au sein des
sciences du langage, parmi lesquels on peut mentionner Jean-Michel Adam, Françoise Revaz, Alain
Rabatel ou Dominique Maingueneau. John Pier (2011) affirme d’ailleurs qu’en France, la narratologie
contemporaine a en grande partie migré dans le champ de l’analyse de discours ».
Pour ma part, j’inverserais volontiers les rôles en regrettant que ces travaux
ne soient pas perçus par les narratologues (sauf exceptions) comme cruciaux
pour l’enrichissement des cadres théoriques narratologiques. Pour ce qui me
concerne, ces rendez-vous manqués sont une des raisons de plus de ne pas me
reconnaître dans un tel paradigme. Mais, par-delà les déceptions, ce qui compte
fondamentalement, c’est la différence de projet scientifique. Aussi, pour répondre
à l’interrogation de Raphaël Baroni (2016 : 229), « un linguiste, une comparatiste
ou un spécialiste du journalisme enclins à faire de la “narratologie” accepteront-ils
d’assumer leur identité de “narratologue”, ou du moins à ce que l’une des facettes
de leurs identités complexes de chercheurs puisse renvoyer à cette discipline ? ».
Je dirai que mon cadre théorique n’est pas celui-là, que si mes travaux concernent
des récits, je m’y suis intéressé en linguiste énonciativiste. En effet, je me définis,
en tant que chercheur, moins par les objets sur lesquels je travaille, que par un
cadre théorique et une méthodologie11 : l’un comme l’autre ne relèvent pas de
la narratologie. J’ajoute un dernier point important : c’est que mon refus d’être
catalogué comme narratologue tient autant aux différends que je viens d’évoquer
par rapport à la narratologie qu’à ceux que j’ai avec ma propre discipline, car il était,
au commencement de ma carrière12, assez lourd de porter la croix de linguiste
travaillant sur le texte littéraire, pour que je n’ajoute pas celle de narratologue…
Un cadre pragma-énonciatif translinguistique
Après avoir précisé mes différends, je voudrais préciser le sens théorique de ma
démarche, en laissant de côté la narratologie – mais ce sera pour mieux y revenir
in fine. Dès le début de mes travaux, qui portaient sur « la problématisation sémiolinguistique de la notion de point de vue » (titre de ma thèse), donc sur les focalisations
narratives dans des récits, j’avais l’idée que je touchais à une question cruciale pour
la linguistique, concernant l’expression de la subjectivité, non seulement à travers les
formes traditionnelles par lesquelles on la pensait – marques indexicales de l’appareil
11
Il ne faudrait cependant pas durcir cette distinction, car les observables dépendent du cadre
théorique et méthodologique.
12
Je ne suis pas sûr que les choses aient beaucoup changé, surtout chez des jeunes qui sont prisonniers
d’une spécialisation précoce sans avoir une vue d’ensemble de la discipline…
échanges
257
A. Rabatel
formel de l’énonciation », comme disait Émile Benveniste, et autres marques hors
de cet appareil formel –, mais encore à travers des marques en troisième personne,
repérables à partir de la construction de la référenciation. J’ai raconté l’extension
de ma réflexion (Rabatel, 2015c : 341-345), je me permets d’y renvoyer le lecteur,
qui comprendra ainsi pourquoi la question du pdv s’est considérablement étendue,
en se déportant vers d’autres types de textes que les récits : des explications,
des informations, des argumentations, d’où mes publications consacrées à des
corpus médiatiques, religieux, philosophiques, didactiques. Parallèlement, mes
questionnements eux-mêmes ont évolué, en accordant une place essentielle aux
formes d’effacement énonciatif et aux effets argumentatifs qui s’ensuivent, dans
la lignée des travaux de Jean-Blaise Grize (1990, 2002) sur la logique naturelle
inférentielle. Cet élargissement s’est accompagné d’une réflexion sur des concepts
énonciatifs à mes yeux capitaux, concernant la prise en charge des énoncés (Rabatel,
2012) et aussi la responsabilité énonciative des textes (Rabatel, 2008b ; Rabatel,
Chauvin-Vileno, 2006). Ces notions interrogent les locuteurs sur leurs choix, leurs
stratégies, les enjeux des positionnements énonciatifs par rapport aux citations, aux
reformulations : elles sont capitales dans l’étude des textes académiques, bibliques,
philosophiques, médiatiques (par-delà la tarte à la crème de la soi-disant objectivité
des médias), dans la mesure où il s’y avère crucial de déterminer qui pense quoi,
à propos de quoi et de qui. Et ces interrogations sont incontournables aussi pour
l’étude des récits (fictionnels ou non), en troisième personne et a fortiori en première
personne, tout particulièrement quand ils évoquent des thématiques hors norme
(Gustave Flaubert, Salman Rushdie…), représentent avec une certaine neutralité
narratoriale des mondes qui suscitent effroi et réprobation (Les Bienveillantes, Littell,
2006) aboutissant à ce que le lecteur doute aussi de ce que pense l’auteur (qui n’est
pas le narrateur, a fortiori pas ses personnages). C’est aussi le cas quand les récits
mettent en scène avec la même distance des personnages relevant d’axiologies et de
systèmes de valeurs aux polarités contraires, voire violemment antagonistes (Fiodor
Dostoïevski, Louis-Ferdinand Céline, Marcel Aymé…).
Enfin, mes interrogations sur le pdv portent sur les mécanismes de construction
du sens en discours, et, de ce fait, sur l’articulation entre sens et interprétation.
Elles se sont accompagnées aussi d’une réflexion sémantique approfondie sur les
mécanismes du sens à travers les travaux sur les figures (même si, là encore, je ne
réduis pas le mécanisme de figurations aux tropes (antimétaboles, contrepèteries,
à-peu-près, antanaclases et syllepses, lapsus…), par exemple en m’intéressant aussi
aux figures de pensée (ironie, humour, hyperboles…), en prenant en compte
l’ensemble des processus figuraux de mise en discours, dans des listes, des
répétitions, à propos de phénomènes de connivence (voir supra, note 1), etc.
D’une certaine façon, mes travaux sur le pdv sont le prisme à partir duquel j’ai travaillé
ces vingt dernières années, et je pense qu’ils présentent un quadruple intérêt :
– un intérêt théorico-didactique, approfondissant l’étude de la subjectivité,
permettant de prendre en compte un grand nombre de marques et d’indices, en
pensant leurs effets sur le lecteur, et donc en dépassant des repérages descriptifs
258
échanges
Des récits en général, de la narratologie en particulier
formalistes déliés des enjeux interprétatifs. Cela concerne tant la lecture des
œuvres que l’écriture littéraire ou la question du style, à travers les problématiques
de réécriture ou d’écriture d’imitation/invention (Rabatel, 2004) ; et cela touche
aussi aux questions du sujet et de l’intentionnalité, telles qu’elles sont construites
dans et par le discours ;
– un intérêt anthropologique en tentant de rendre compte du continuum des
perceptions pré-réflexives aux pensées, aux paroles et à l’action (Rabatel, 2008a :
417-420 ; 440-449 ; 464-469), dans le cadre de ce qu’Alain Berthoz et Bernard
Andrieu (2011) nomment d’un mot-valise très éclairant, la perçaction, faisant
ainsi entendre toute la dimension infra-verbale des pensées et des émotions
qui accompagnent et transforment les perceptions en réflexions intentionnelles,
imaginatives – à travers des fulgurances ou des raisonnements plus élaborés – qui,
in fine, s’incarnent dans des actions et s’intellectualisent dans des répertoires de
règles d’action et de vie (Ferry, 1991 ; Jouvent, 2009 : 12-13). À charge au linguiste
de rendre compte linguistiquement de ces différentes formes d’expression de la
réflexivité (voir supra mes propositions sur les diverses formes de pdv) ;
– un intérêt psycho-social en articulant ma théorie du pdv avec les approches
empathiques, cognitives et émotionnelles, qui donnent un sens socio-culturel aux
repérages grammaticaux pour analyser la façon dont des énonciateurs peuvent se
mettre à la place des autres, imaginant ce qu’ils peuvent, veulent, doivent percevoir,
ressentir (affects, émotions, sentiments) penser, dire, faire, et les enjeux de ces
représentations, par rapport à la compréhension des situations, par rapport
aux choix et aux contraintes qui pèsent sur chacun de nous (Rabatel, 2016). Ce
déplacement empathique ne concerne pas que les autres (hétérodialogisme), il
touche aussi le sujet/locuteur, capable, par réflexivité autodialogique, de multiplier
les angles de vue (au sens spatial, temporel ou notionnel) pour mieux prendre la
mesure du complexe ;
– un intérêt politique, dans la mesure où le travail sur les déplacements empathiques
(Berthoz, 2004) sur l’imagination narrative (Nussbaum, 2010 : 121-122 ; 1995 :
202-204) permettent de construire, sur la base de la saisie du rapport complexe à
l’altérité, une conscience de soi, d’autrui, du collectif qui doivent être prises en compte
dans la construction des objets, des notions, des décisions. Cet intérêt politique me
semble d’autant plus grand que je plaide pour une mobilité empathique tous azimuts.
En d’autres termes, il faut se mettre non seulement à la place de ceux qui nous sont
proches, mais de tous, y compris de ceux qui sont le plus éloignés de nous ; il faut
aussi pratiquer certes une empathie de sujet à sujet, mais encore se mettre à la place
de groupes, d’institutions (Morin, 1999 ; Nussbaum, 2010 ; Rabatel, 2015b).Tout cela
donne du contenu et du sens aux valeurs éthico-politiques qui sont au cœur d’un
vivre ensemble aujourd’hui sapé dans ses fondements13.
13
L’ensemble de ces composantes trouve à s’exprimer linguistiquement à travers la problématique des
postures énonciatives de co-, sur- ou sous-énonciation, qui entrent dans les positionnements observables
à propos de la co-construction interactionnelle des pdv : voir Rabatel (2012 : 34-40).
échanges
259
A. Rabatel
Je voudrais que mon positionnement soit compris dans toutes ces dimensions : c’est à
cette condition que le dialogue interdisciplinaire peut être productif. Nous avons tous à
faire chemin les uns vers les autres et à sortir de nos certitudes ou de nos préoccupations
disciplinaires. En conclusion, et pour le dire autrement, je dirais volontiers que je ne
suis pas narratologue, mais que je considère qu’en effet, mes travaux intéressent
(notamment) la narratologie, comme j’ai pu dire en d’autres occasions que je n’étais
pas didacticien mais que mes travaux pouvaient toucher la didactique.
Conclusion
J’en viens à la dernière question traitée par Raphaël Baroni, celle de l’ancrage
institutionnel de la narratologie. En l’occurrence, je serai gramscien, considérant que
la bataille est d’abord une bataille d’idées (et donc aussi une bataille idéologique) et
que c’est par l’excellence de ses œuvres qu’une science est reconnue – fût-ce avec
le temps14. Bien sûr, je n’ai pas la naïveté de croire qu’on peut travailler sans moyens
ni reconnaissance institutionnels, sans commandes, mais du moins, la narratologie,
comme la linguistique que je pratique ne réclament-elles pas des moyens aussi
importants que dans d’autres secteurs scientifiques. Cette seule donnée explique
que je mette l’accent sur la qualité des échanges et des productions scientifiques,
faisant le pari (car c’en est un) que tôt ou tard les agents du champ intègreront
ceux dont les travaux importent au développement de leurs propres centres
d’intérêt. À la condition toutefois que ceux qui sont intéressés au développement
d’idées neuves et à leur inclusion dans le champ (et dans les fractions dominantes
du champ) s’en donnent les moyens, et bien sûr aussi, que l’institution leur en
donne les moyens, notamment en termes de financements et de postes d’ater et
de post-doc, avant de recruter les jeunes chercheurs sur des postes statutaires, qui
ne cessent, hélas, de se réduire dans toutes les disciplines.
Je n’ai pas d’opinion tranchée sur la question de savoir si la narratologie doit se
trouver par principe dans les départements de langue et de littérature française, dans
ceux de sciences du langage ou d’information-communication. Je constate, au vu des
productions narratologiques que je connais, qu’elles sont assez peu compatibles
avec les pratiques scientifiques des deux dernières options. On pourrait d’ailleurs
considérer que les recrutements de narratologues seraient tout aussi possibles dans
les sections 7 à 15 du cnu, c’est-à-dire toutes les sections qui joignent la langue et la
littérature. De plus, pragmatiquement, je constate que, dans beaucoup d’universités
moyennes, il n’y a pas de départements de sciences du langage autonomes,
tandis que les sciences de l’information et de la communication se développent
et intègrent dans leurs équipes des chercheurs de sdl. De surcroît, demander la
présence d’un narratologue dans les départements de langues et de littératures
n’aurait de sens que si, parallèlement, d’autres paradigmes tout aussi précieux pour
14
J’aime à citer ce mot qu’on prête à Max Planck : « La vérité ne triomphe jamais mais ses adversaires
finissent toujours par mourir »…
260
échanges
Des récits en général, de la narratologie en particulier
la compréhension des textes étaient représentés (voir supra). Une telle situation
implique au préalable une profonde redéfinition des disciplines, en n’abandonnant
certes pas la préparation aux concours d’enseignants, mais en imaginant des cursus
partiellement indépendants de ces derniers dans l’offre de formation. Bien sûr (il faut
encore rêver !), il serait bon aussi de faire évoluer le contenu de ces concours, même
si la bataille n’est pas gagnée d’avance, compte tenu du poids des conservatismes, y
compris chez des collègues chez qui le conservatisme culturel est en contradiction
avec leurs convictions politiques.
Parallèlement à ces hypothétiques réformes institutionnelles et académiques –
complexes parce qu’elles provoquent des résistances de lobbies et dépendent (en
France) autant du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche que du
ministère de l’Éducation voire du premier ministre et du président de la République –,
et sans attendre leur réalisation, on peut néanmoins multiplier les occasions de débat.
J’apprécie celle que nous offre Raphaël Baroni et salue à sa juste valeur le rôle tenu
par Questions de communication, à travers sa rubrique « Échanges », dans tant de
livraisons antérieures. La revue démontre qu’il est possible que l’Université soit un
lieu d’excellence académique, de croisements disciplinaires, de controverses, tant sur
des questions théoriques que sur leurs implications sociales. Il faudrait que davantage
de revues jouent ce rôle, fût-ce sous des formes différentes ; que des réseaux se
constituent, autour de débats et de questions vives. Il faudrait ainsi multiplier les
occasions d’échanges interdisciplinaires, autour d’objets communs ou de concepts
confrontés à des corpus qui les mettent en difficulté. Ce serait une bonne façon
d’avancer, favorisant l’approfondissement et l’enrichissement de choix théoriques des
uns et des autres ainsi que le défrichement de nouveaux territoires.
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