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ICONO GRAPHIE ET SYMBOLIQUE DU BLASON DES COMPAGNONS PASSANTS TAILLEURS DE PIERRE par Jean-Michel Mat h onièr e Extrait de la revue Re naissance Traditionne lle n° 1 2 2 ( avril 2 0 0 0 ) Ce texte a été repris et c omplété dans Le Se rpe nt c o m patissant Éditions La Nef de Salomon 2 0 0 1 La revue Renaissanc e Traditionnelle est une revue d’Études maç onniques et symboliques fondée en 1 9 7 0 par † René Desaguliers. Sans auc une attac he obédientielle, elle n’a qu’un seul but : susc iter et publier des études, apporter des doc uments qui fassent mieux c omprendre et mieux aimer la tradition maç onnique dans sa double dimension, historique et spirituelle. La qualité de membre de l’Ordre n’est pas exigée des c ollaborateurs de c ette revue, ni de ses abonnés. Pour plus d’informations ou pour vous abonner : RENAISSANCE TRADITIONNELLE BP 1 6 1 9 2 1 1 3 CLICHY CEDEX  ICONOGRAPHIE ET SYMBOLIQUE DU BLASON DES COMPAGNONS PASSANTS TAILLEURS DE PIERRE par Jean-Michel Mat h onièr e « Notre Devoir, je vous le dis, mes frères, Dans plus d’un cœur fit germer des vertus. »1 L 1. Extrait d’ une chanson (1850) de Vi c t orBernard Sciandro, « La Sagesse de Bordeaux », C.P.T.D.P. 2. Jean-Michel Mathonière, « Compagnons du Saint-Devoir et bâtisseurs de cathédrales », RT n°113,pp.46-54.Le même article,sans variante notable,a également été publié par deux journaux compagnonniques : Compagnons et Maîtres d ’ œu vr e (journal trimestriel de la Fédérat i on Com p agnonnique des Métiers du Bâtim ent) n° 268, 3 e trim.1998,pp.3-6,et Compagnon du Devoir (journal mensuel de l’Association Ouvrière des Compagnons du Devoir) n° 64, mars 1999, pp.3-7 (iconographie en couleurs).La large diffusion de cette dernière parution a permis la remontée d’une information intéressante, susceptible,je l’espère,de conduire à d’importantes découvertes quant à l’ancienneté du compagnonnage français des tailleurs de pierre et à son rayonnement en Europe. Renaissance Traditionnelle e su jet abor dé dans cet t e ét ude pr oc ède de l a même mét hode de travail que celle em p loyée dans un pr écédent article publié par Ren aissan ce Tradition n elle et qui était cen tré sur les « co u leu rs fleu ries » des Com p agn ons tailleu rs de pierre2 : m ieux cern er et analyser le plus com p lètem ent possible un élément bien docu m enté – en l’occu rren ce, le blason et la devise des Com p agn ons Passants tailleu rs de pierre d ’Avign on au XVIIIe siècle – puis ch erch er à en saisir les racines afin de voir si celles-ci sont su sceptibles de nous con du ire à de nouvelles découvertes docu m en taires ou, pour le moin s, à une meilleu re com pr éh en sion du su jet . Rappelons en effet que l’étu de historique des com p agn on n ages so u ffre con sid éra blem ent de l’état lacu n aire de la docu m en t a tion – pour ce qui est des tailleu rs de pierre, elle n’an t écède pas le XVII e siècle et n’est véritablement significative qu’à partir du début du XVIIIe. Bien que la pr ésen te étu de se veu ille assez com p lète, elle form e n éan m oins seu lem ent l’esquisse d’un travail plus élabor é, restant à ven ir. En effet , en ce qui con cerne les aspects sym bo liques ainsi que les racines dont il vient d’être qu estion , la matière s’avère très riche et , m algré son côté souvent “lu m in eu x”, elle est particu lièrem ent comp lexe tant les perspectives ouvertes ne cessen t , tels les sym boles du blason lu i- m êm e, de s’en trecroiser. Ch aque jour ou presque amène de nouveaux indices et de nouvelles interrogations ; surgissent quelquefois aussi de nouvelles déco uvertes. Mais, comme ch aque ch erch eur le sait, il faut bien de tem ps à autre faire le poin t , fût-il trop imparfait au regard de ce que l’intu ition et l’exigen ce, galopant to u jo u rs loin devan t , laissent espérer. Le lecteur particu lièrem ent au fait de cert ain es qu estions abordées ici vo u d ra donc bien excu ser l’absen ce ou l’insu ffisan ce de cer tains développem en t s, soit qu’ils auraient ren du en core p lus touffu un exposé déjà fort den se, soit , to ut simplem en t , que je n’en ai pas encore décelé l’existence ou saisi toute l’importance. Rappelons au pr éalable que les Com p a gn ons tailleu rs de pierre français se répartissa ien t autrefois en deux familles : d’une part , les Com p a gn ons dits « Étra n gers », se réclam an t de Sa lom on com m e Iconographie et symbolique du blason des Compagnons Passants tailleurs de pierre fon d at eu r, fam ille do nt no us ne savo ns p resq u e r ien t an t les so u rces do cu m en t aires in tern es so nt rar issimes ( et au d em eu r an t t ar d ives) et qu i s’est étein te au d ébut d u XXe siècle ; d ’au tr e p ar t , les C om p agn on s dits « Passan t s » et « du Devoir », se réclamant d’un fon d ateur dénom m é « Maître Jacqu es », fam ille to u jo u r s vivan te aujourd ’h ui et qui no us est relat ivem en t bien co n nu e à p ar t ir d u XVIII e siècle, n o t am m en t gr âce aux déco uver tes im por t an tes réalisées en Avign o n et en Ar les, co u ran t 19963. Ces deux fam illes p o ssèden t d es po i nt s co m m un s et r ésu lten t peu t - êt r e d ’u ne scissio n a u sei n d ’un D evo ir p r im itif, co m m e le pr é ten d ent cer taines légen des t ard ives, mais rien n’est m oin s sûr. To u jo u rs est-il q u e, tant à cause des lacun es docu m en t aires q ue pour rester d ans les prop or tion s d ’un ar ticle, la pr ésen te étu de se fon de q uasi exclu sivem en t su r la d o cu m en t a tion 4 co n cer n an t les Co m p a gn on s Passan t s t ailleu rs de pierr e (abr éviation : C.P.T.D.P., selon leu r p rop re u sage) et je n e fer ai qu’except ion n ellem ent app el aux so urces con cer nan t les Co m p agn on s Étr an gers et aut res so ciétés de com p agn on n age. Cet te lim it ation a aussi p our avan t age de r ép o n d re au vœ u qu e Lau ren t Bast ard et m oi-m ême n e cessons d’émet t re d an s no s t ravau x dep u is qu elques années, à savoir qu’il est indispen sable de s’évader des génér alisations souvent abu sives qu’in duit l’em p loi du mo t « Com p agn on n age » au singulier – les so ciétés com p agn on n iqu es étan t mu ltip les et pr ésen tant en fait d es différ en ces sen sibles, le plu riel s’im po se. Cet te or ien t at io n n ou velle d e la rech er che en ce d o m ain e délaissé im pli qu e d e se livr er avan t to u te cho se à d e s t r avau x m on o g r aph iqu es, m étier p ar m étier, so ciét é co m p agn on n iq u e p ar so ciét é co m p a gn on n iqu e, voir e région par région 5, etc. I – ICONOGRAPHIE I.1. Représentations du blason sur les Rôles Le Rôle est le docu m ent autour du qu el gravite en perm an en ce la société des C.P.T.D.P. Il est to ut à la fois le su pport du recen sem ent des p assages, celui du règlem en t de la société et , su rto ut , son em blèm e sacré, celui dont la vision occupe le centre des cérémonies, qu’il s’agisse de la Réception d’un nouveau Com p a gn on (le Rôle y est assim ilé à la « Lumière ») ou de l’arrivée dans la ville d’un « Passant »6. Les arch ives des C.P.T.D.P. d ’Avign on , con servées en partie par les Arch ives Départem entales du Vau clu se, recèlent qu atre de ces pr écieu x docu m en t s, datant tous du XVIIIe siècle, dont les fron tisp ices mon tren t , en tre autres élémen t s, trois blasons dont la po sition est con st an te, caract éristique qui est com mune à tous les Rôles con nus pour la même époque et la m ême société com p agn on n iqu e : en haut au cen tre, le blason du po uvoir tem porel ; en dessous à main gau ch e, le blason de la ville où était établi ce siège du Devoir ; en fin , sym étriqu em en t , à main d roite, le blason des C.P.T.D.P., objet de la pr ésen te étu de7.  3. Ces découvertes documentaires ont fait l’objet d’une publication intégrale et d’un premier volet d’études qui sera abondamment cité ici : Laurent Bastard et Jean-Michel Mat h on i èr e, Travail et Honneur; les Compagnons Passants tailleurs de pierre en Avignon aux XVIIIe et XIXe siècles, éd. La Nef de Salomon, Dieulefit, 1996,396 p.Sauf cas particulier, afin de ne pas multiplier à tout propos les renvois,le lecteur est prié de se référer à cet ouvrage pour obtenir davantage de précisions en ce qui concerne les informations relatives aux Compagnons Passants tailleurs de pierre, d’Avignon et d’ailleurs, qui sont évoquées tout au long de cet article.Il n’est en effet aucune autre publicat i on , m on og r aphique ou générale,à ce sujet. 4. À la documentation avignonnaise évoquée dans la note 3 s’ajoutent,d’une part,les découvertes documentaires effectuées entretemps,et, d’autre part, les archives toujours détenues par lesC.P.T.D.P. 5 . L’on soulignera que la notion de « tour de Fr ance » semble très tardive chez les C.P.T.D.P. Aucun des documents du XVIIIe siècle que comportent les archives avignonnaises n’emploie le terme et, plus encore, si l’ itinérance occupe une place importante dans les préoccupations des Com pagnons de cette époque, elle n’était en rien obligatoire – comme tendent à le faire croire de nom breux ouvrages généraux sur le Com pagnonnage. En ce qui concerne les C.P.T.D.P. du XVIIIe siècle, c’ est la Réception du tailleur de pierre dans le Devoir qui ouvrait à celui- ci la possibilité de voyager en bénéficiant du « r oule », c’est-à-dire de l’assistance fraternelle des autres C.P.T.D.P. s’il s’en trouvait sur sa route. 6. Cf. Travail et Honneur, op.cit. Plusieurs chapitres traitent des Rôles,de leur iconographie et des cérémonies où ils apparaissent. 7. Précisons qu’aucun Rôle des Compagnons Étrangers ne nous est connu, ce qui rend toute comparaison impossible. N ° 12 2 – av r i l 2 0 0 0  Rôle d’Avignon, entre 1700 et 1721. 8. Le plus ancien de ces Rôles, dont seul le frontispice emblématique a été conservé, ne porte pas de date mais peut néanmoins être daté, de par le blason du pape régnant (Clément XI), d’entre 1700 et 1721. Le second Rôle, lui aussi réduit à son seul frontispice,est daté de 1735.Le troisième, complet, est daté de 1773. Enfin, le quatrième est daté de 1782 et est resté en usage, par ajout de simples feuilles de parchemin,jusqu’à l’extinction de la Chambre avignonnaise, fin 1869 ou courant 1870. 9. Les deux Rôles de Paris sont des dessins à la plume,à l’encre noire rehaussée de lavis.Les autres Rôles ne me sont actuellement connus que par des photographies en noir et blanc,qui laissent néanmoins supposer que la plupart des blasons sont en couleurs.Outre la difficulté qu’il y a de vouloir traiter de la symbolique des couleurs dans le blason, il est par conséquent prématuré de chercher à interpréter la couleur azur du champ de l’écu. 10. Cf. Travail et Honneur , op.cit., ch.“ Le Rôle atypique de 1782” ,pp.100-119.Laurent Bastard et moi-même avons qualifié ce Rôle d’atypique car, outre l’influence maçonnique qui s’y manifeste,son frontispice s’orne d’une vaste composition allégorique et symbolique dont aucun autre Rôle connu n’offre d’équivalent. 11. Laurent Bastard et moi-même n’étions pas parvenus à identifier la nature de ce détail lors de la publication de Travail et Honneur . Entretemps, l’un des dessins du Registre de la Confrérie des maîtres-maçons,carriers,etc.de Beaucaire (voir plus loin),nous a permis de résoudre sans aucun doute cette énigme. 12. L’identité de celui-ci nous est connue. Il s’agit d’un dénommé Ponge, dit « La Douceur d’Avignon».Son affiliation à la franc-maçonnerie, bien que très probable, n’est à l’heure actuelle corroborée par aucun document, mais la devise latine qui figure en tête du Rôle (Sub hoc signo non œquivoca latet virtus) laisse à croire qu’il fréquentait des Maçons de Tarascon. Son activité professionnelle,particulièrement remarquable,l’a également amené à voyager dans toute la Provence.Avis donc aux lecteurs de la revue qui croiseraient le nom de Ponge sur les tableaux des loges du sud-est de la France. 13. Nous verrons plus loin,au sujet de l’emblématique de la Prudence, qu’en d’autres cas il peut néanmoins s’agir d’un symbole emprunté de longue date par les C.P.T.D.P. à la symbolique vétéro-testamentaire. Renaissance Traditionnelle Jean-Michel Mathonière Rôle d’Avignon, 1735. Rôle d’Avignon, 1773. Malgré des différen ces de style dans le dessin et l’orn em en t ation , les blasons des trois plus anciens Rôles d’Avign on 8 pr ésen tent une parfaite hom ogén éit é. Dans un en cad rem ent de palmes, ils figu ren t , po sés sur un champ d’azur 9, le com p as, l’équ erre à bran ches égales et la règle en trecroisés et en trelacés par une co u leuvre venant mord re la tête du com p as. L’en sem ble est su rm onté d’un phylact ère por tan t la devise « Labor-Honor ». Le Rôle de 1782, qui po ssède un caract ère atyp iqu e10 et pr ésen te n o t am m ent de n et tes traces d’une influ en ce m açon n iqu e, nous offre un blason su btilem ent différen t : si la devise « Labor et Hon or » le su rm on te to u jo u rs, les palmes ont disparu au profit d’une co u ronne de feu illa ges indéterm in és ; les trois in stru m ents de la géom étrie ne son t pas en trecroisés mais su perposés : 1° – règle, 2° – équ erre à bra n ch es éga les, 3° – com p as ; la co u leuvre vient va gu em ent les en trelacer (il s’agit visiblem ent d’un rajo ut apr ès co u p, d’un repen tir du dessin ateu r ) et ne vient plus mord re la tête du com p as, celle-ci étant su rm on t ée d’une co u ronne comtale (Avi gn on était un comté) dont s’éch a ppen t , de par t et d’autre, des ram eau x Rôle d’Avignon, 1782. d ’o livier ou de laurier, eu x- m êm es en forme de co u ron n es ; en fin , deux poin tes à tracer 11 vien n ent se loger dans l’espace com pris en tre les bras de l’équ erre et les jam bes du compas (il est prob able qu’il s’agit là en core d’un ajout après coup du dessinateur 12). La pr ésen ce de la co u ronne com tale est ici assez cert ain em ent le résultat de l’influence de « l’Art royal »13. Il faut d’ailleurs souligner que si l’on retran che les prob ables repen tirs du dessin ateu r, la co u leuvre et les deux pointes à tracer, nous sommes alors face à un emblème qui n’a p lus rien de spécifiqu em ent com p agn on n ique et pou rrait être con fon du avec un emblème maçonnique. Iconographie et symbolique du blason des Compagnons Passants tailleurs de pierre  Pour le reste, il n’est sans doute pas sans importance de noter que le dessin du blason va en dégénérant au fur et à mesu re que l’on s’éloigne du plus ancien , très soign eu sem ent réalisé quant au tracé de l’entrecroisement et des entrelacs de la couleuvre. Cette dégénérescence tradu it - elle une perte de con n aissan ces sym bo liqu es ? C’est plausible, d ’autant que ce processus d’oubli ou de mut ation est largem ent ob servable dans les compagnonnages14. Exam in ons maintenant les blasons figurant sur les autres Rôles qui nous sont actuellement connus. D’em blée, il app araît que malgré une relative hom ogén éit é, ch aque ville de Devoir po ssède une varian te différen te du blason . No u s reviendrons plus loin sur la cause probable de cette diversité. Ain si, le Rôle de Ch alon - su r- Saô n e (1720) pr ésen te un en trecroisem ent de type différent des trois instru m ents de la géom étrie (équ erre à bran ches inégales, de type 3-4-5) auqu el vient s’ajouter un outil qui n’app artient pas à la profession de t ailleur de pierre, en ten due au sens strict , mais à celle de maçon (poseu r ) , le niveau . Par ailleu rs, le blason n’est pas en cadré de p alm es, ne com porte pas la devise « Labor et Hon or » – dont on notera d ’a illeu rs de su ite qu’elle n’est en fait con nue que par les Rôles avi gn onnais –, et le serpent en Rôle de Chalon-sur-Saône, 1720. est absen t . Sur le po u rtour app a ra ît , d isposé de manière curieuse et soutenu par trois poin t s, un cordon dont les extrémités sem blent être en form e de houppe. Il po u rrait en fait s’agir d’un fil à plom b, m ais la faible qualité de la seule reprodu ction dispon ible ne perm et pas de le certifier. No tons cependant le fait qu’un cordon con stitue l’orn em ent de la canne des Compagnons de tous corps, depuis une date inconnue15. Le blason du Rôle de Paris de 1726, so utenu par deux « pu t ti »16, possède bien quant à lui l’en cad rem ent de palmes. Les trois instru m en t s de la géom étrie (équ erre à bran ches inégales) sont en trecroisés de la même manière que sur le Rôle de Chalon -su r-Saône et ils sont en trelacés n on par une seule cou leuvre, m ais, tel un cadu cée, par deux qui vien n en t m ord re la tête du com p as. D’autre part , une sph ère terrestre vient s’y ajouter en pied . Là en core, c’en est l’unique attest ation et ce sym bole est bien con nu dans la fran c- m açon n erie. Mais plu sieu rs Rôles pr ésen ten t , en deh ors du blason , des repr ésen t ations de sph ères, soient isolées, soit sous forme du couple sph ère terrestre/ sph ère céleste, et , de même que le couple géom étrie/ astron om ie, ce thème icon ograph ique se ren con tre dès le XVI e siècle dans l’icon ographie des fron tisp ices de livres17. 14. Ainsi,pour donner un seul exemple,le phare qui apparaît dans l’emblématique des C.P.T.D.P. des XVIII e et XIX e siècles,symbole de la lumière du Devoir guidant le Compagnon sur l’océan agité et ténébreux de la vie, est-il devenu vers 1940 une tour de Babel. Cette substitution procède assez probablement de la volonté, en pleine Occupation,d’un retour aux sources catholiques du Devoir par élimination des symboles empruntés à la franc-maçonnerie ou supposés tels. 15. Un cordon figure également sur l’ emblema ta de la Prudence que j’évoquerai plus loin. L’on notera aussi,dans le cas du cordon de la canne compagnonnique, que son entrelacement, codifié, symbolise nettement les deux serpents du caducée d’Hermès,symbole dont je traiterai plus loin.De ce point de vue,le cordon du blason du Rôle de Chalon-sur-Saône pourraît être un symbole substitué à celui du serpent. 16. Les “ putti” apparaissent de façon constante dans l’emblématique des C.P.T.D.P. et ce point mériterait une étude spécifique. 17. Voir à ce propos ce qui est dit plus loin au sujet de l’emblématique “ maçonnique” des graveurs et imprimeurs du XVI e siècle. 18. Je profite du présent article pour rectifier l’erreur de datation (1760 au lieu de 1769) commise au sujet de ce Rôle dans Travail et Honneur (p.89 notamment).Laurent Bastard et moi avions travaillé d’après d’anciennes photographies noir et blanc sur lesquelles il n’était pas possible de discerner la queue du 9 qui vient se confondre avec le feuillage encadrant le titre du Rôle.J’ai depuis lors eu l’honneur de voir ce Rôle; son titre est calligraphié à l’encre rouge et la date indiquée ici ne fait absolument aucun doute. N ° 12 2 – av r i l 2 0 0 0 Jean-Michel Mathonière  Rôle de Paris, 1726. Rôle de Bordeaux, 1778. 19. Les palmes sont pour ainsi dire remplacées par un encadrement du titre du Rôle par deux rameaux d’olivier. 20. À la différence d’Avignon où mutatis mutan dis le blason n’évolue pas d’un Rôle à l’autre,il y a donc ici,à une quarantaine d’années d’interval le,une transformation importante.Il est possible que celle-ci traduise à sa manière la volonté des C.P.T.D.P. de Paris d’effectuer un tri entre les Compagnons ayant été “ régulièrement” reçus et les autres.En effet, le règlement présent sur ce Rôle contient, concernant les modalités de la Réc ep t i on , un nouvel article dont la teneur indique qu’ont eu lieu durant les années antérieures des Réceptions non conform es aux usages : « Art.11 e. Pour contrevenir aux abus qui se sont [mots illisibles] certain tems les receptions ne pourront se faire dans les villages qu’ils ne soient ecartez d’un Rolle de sept lieues et qu’il n’y ait au moins un mois que les Compagnons qui servent y travailles. » Concernant la possible fonction discriminatoire des variantes du blason, voir plu s loin ce qui est dit au sujet des « remarques» compagnonniques. 21. Une palme apparaît néanmoins, avec un rameau d’olivier, dans l’encadrement du blason du royaume de France. 22. Ce registre est conservé par le musée municipal de Beaucaire.J’ai le projet de lui consacrer une étude spécifique.Il est à noter que Beaucaire était la plus importante carrière de pierre à la fin de l’Ancien Régime et jusqu’au XIXe siècle. Cf. Yves Gasco et Michel Reboul, La pierre de Beaucaire, Musée municipal Auguste Jacquet, Beaucaire, 1996,48 pages (plusieurs reproductions N & B provenant du registre). Renaissance Traditionnelle Rôle de Paris, 1769. Rôle de Marseille, 1777. Le Rôle de Paris de 176918 simplifie con sid éra blem en t la repr ésentation. Le blason prend place sur un bouclier tenu par Hercule, sans en cad rem ent de palmes19, et il con siste simplem ent dans l’en trecroisem ent des trois instru m ents de la géom étrie (équ erre à bra n ch es in égales) selon la même dispo sition que pr écédem m en t , en lacés par une seule couleuvre venant mordre la tête du compas20. Le blason du Rôle de Marseille de 1777 est en core plus som m aire, alors m ême que le dessin ornant le fron tisp ice est d’une qualité rare : une équ erre (à bran ches inégales) et un compas aux bran ches légèrem ent co u rbes sont en trecroisés tandis qu’une co u leuvre vient on doyer dans l’axe vertical pour finalem ent po ser sa tête sur celle du com p as, sans la mordre. L’encadrement de palmes est là encore absent 21. Le blason du Rôle de Bordeaux de 1778, dont le fron tisp ice est extr êm em ent rich e, est pour sa part en cadré de palmes et su rm on t é d’une co u ronne de lauriers. Mais le blason se réduit à la su perpo sition du compas sur l’équ erre (à bran ches égales) , en lacés par une co u leuvre ne venant pas mordre la tête du compas. I.2. Représentations du blason sur d’autres documents Le blason nous est également connu par d’autres documents. Au prem ier rang de ceu x- ci, et bien qu’il n e s’agisse pas d’un docu m ent provenant directem ent des C.P.T.D.P., voici trois blason s figurant dans le « Livre de la vénérable confrairie de St-Marc composée des Maîtres Masson s et Carriers » de Beau caire22, registre des réceptions et des assem blées co uvrant une période allant du 25 avril 1729 aux prem ières décennies du XIXe siècle, l’apr ès- Révo lution étant ch aotique et lacu n aire. Ce docu m en t , qui con cerne égalem ent les tailleu rs de pierre et autres professions liées à l’extraction en carrière, est particu lièrem ent intéressant puisqu’il tend à con firm er une hypo t h èse émise dans Travail et Hon n eu r, à savoir qu e, con trairem ent à une idée très répandu e, com p agn on n ages et con fr éries/ corporations po uvaien t en tretenir des relations très étroites, voire, comme c’est prob ablem en t le cas ici, plus ou moins se confondre. Iconographie et symbolique du blason des Compagnons Passants tailleurs de pierre  L’on soulign era d’em blée que les fron tisp ices “corporatifs” où app araissent ces bla son s repren n ent très pr écisém ent la d ispo sition des blasons ob servée sur les fron tisp ices com p agn onn iqu es : au som m et , le blason du royaume de Fra n ce, à main ga u ch e, celui de la ville de Beau caire, et à main droite celu i des C.P.T.D.P. Le prem ier figure imméd iatem ent après la page de titre Registre de Beaucaire, vers 1729. du registre. L’on peut de ce fait Registre de Beaucaire, esquisse, vers 1729. su ppo ser qu’il date de 1729. Le dessin est assez malhabile. Com p as, r ègle et équ erre à bran ches égales sont en trecroisés ; deux co u leuvres en trelacées les traversent et leu rs têtes vien n ent en cad rer sans la mord re celle du com p as ; l’en sem ble est posé sur un écu 23 su rm onté d’une co u ron n e, à l’im age de celle qui su rm on te le blason sym étrique de la ville de Beau caire. Pas de palmes (mais le blason de Beau caire en est en cad r é) , ni de devise. Une gran de esquisse de ce seul blason , très soign eu sem en t tracée pour ce qui est des instru m ents et des serpen t s, figu re au recto du prem ier feu illet du registre, avant la page de titre. Elle est placée su r un dais soutenu en ciel par trois roses et par un « pu t ti » et elle comporte l’encadrement de palmes. Le troisième exemple figure sur un joli fron tisp ice en forme de portique su rm ontant une curieuse statu e24, dessin signé et daté de 1769 et figu ran t , ainsi que le précise une men tion sur le piédestal de la statu e, « l’ord re fran çois » en arch itectu re. Là en core, le blason fait partie de la trilogie habitu elle : royau m e- ville- m étier 25. Cet te fois, seuls le compas et l’équ erre à bran ches égales (ou plut ô t , au vu de son angle non droit , la « sauterelle » ou « fausse équ erre ») sont en trecroisés en haut de l’écu. Une tête de co u leuvre venant mord re la tête du compas su b siste assez n et tem en t , mais l’on ne voit pas son corp s, soit qu’il ait été effacé (peu probable d’après l’exam en du docu m ent origin al) , soit qu’il n’ait jam ais été ach evé. La partie inférieu re de l’écu est occupée par deux outils, l’u n Registre de Beaucaire, 1769. de carrier, l’autre de tailleur de pierre en cad rant un niveau (les trois professions com posant majorit airem ent la con fr érie sont ainsi désignées ch acune par un outil caract éristiqu e) . La co u ron n e26 su rm on te l’en sem ble, mais il app araît cet te fois un en cad rem ent con stitué de deu x 23. Le champ de l’écu présente une couleur rose-rouge fortement passée.Mais la mise en couleurs de ce frontispice est très sommaire et elle a manifestement été réalisée après coup, par une autre main,de nombreux dessins du registre présentant des ajouts et des coloriages intempestifs (certains sont certainement l’œuvre d’enfants ayant fait main basse sur ce beau livre de coloriage).Notons à cette occasion qu’un autre blason de Beaucaire,plus soigneusement réalisé,occupe toute la moitié inférieure de la page et présente un détail particulièrement intéressant au regard de l’emblème de l’architecte par Philibert De L’Orme dont il est parlé plus loin.En effet,il apparaît,à la même position,un caducée qui fait pendant non à une trompette de la Renommée,comme c’est le cas chez De L’Orme,mais à un crucifix – ce dernier élément jouant un rôle dans la cérémonie de Réception des C.P.T.D.P. 24. Il s’agit d’une femme mal vêtue,portant un enfant sur son dos,tandis qu’un autre les suit,lui aussi mal vêtu et portant un oiseau mort attaché à un bâton.Un chien précède le groupe.Le même thème,sous un aspect légèrement différent,encore plus miséreux, apparaît une autre fois dans le registre.J’ignore quelle peut en être la signification. 2 5 . Signalons qu’une autre représentation du même blason, seul cette fois, figure sur un intéressant dessin à la plume réalisé après coup (XIXe s.) sur la page initialem ent laissée vierge en regard; ce dessin,vaguement copié sur le premier pour ce qui est du portique,est très fruste et ne figure pas l’encadrement de rameaux d’olivier. N ° 12 2 – av r i l 2 0 0 0  Dessin, 1798. Tours, 1814. Jean-Michel Mathonière rameaux d’olivier (comme dans l’exemple pr écéden t , les palmes en cad rent pour leur part le blason de Beau caire) . Reven ons maintenant à des sources spécifiqu em ent com p agn onn iqu es. Un dessin daté de 1798, repr ésentant la ren con tre de deu x Com p agn ons Passants tailleu rs de pierre sur leur tour de Fran ce, fo u rnit lui aussi une intéressan te varian te du blason 27. L’équ erre à bran ches égales est en trecroisée au compas – notons qu’en l’occu rren ce, il s’agit non pas d’un compas d’app areilleur ou de tailleur de pierre, comme c’est d’habitu de le cas, m ais, comme le mon tre très clairem en t la petite vis, d’un compas de dessin ateu r. Au cen tre de cet en trecroisem ent figu re un petit écu ovale con tenant deux cœurs28 acco lés, sym bo le évident de la fraternité régnant en tre les Com p agn on s, n o t am m ent les deux figurés sur ce dessin com m ém oratif de leu rs retro uvailles sur le tour de Fra n ce, en pleine to u rm en te révo lution n aire. Deux palmes en trecroisées orn ent le fron ton d’un por tique occupant la par tie gauche du dessin. L’en - t ête d’un co u rrier des C.P.T.D.P. de To u rs29, datant de 1814, com porte éga lem ent un dessin du blason – fait exception n el mais s’exp liquant sans do ute par le caract ère solen n el de ce co u rrier. Il est en cad r é d’une palme et d’une branche de chêne, liées par un flot de co u leu rs fleu ries, en m ême tem ps qu’une canne de Com p a gn on marque l’horizontale de cet en trecroisem en t . Dans le champ ovo ïde de l’écu, l’on rem arqu era to ut de su ite la pr ésen ce, au ch ef, de l’œil divin en to u r é de lu m ière. Ju ste en desso u s, l’équ erre à bran ches égales et le compas entrecroisés30. Le blason , sans écu, figu re aussi sur le cach et em p loyé du rant les années 1840 par les C.P.T.D.P. de Paris, ville directrice du Devoir, d an s les correspon d an ces ad ressées aux divers sièges du tour de Fran ce. Dan s une co u ronne de chêne et d’olivier est figurée une équ erre à bran ch es égales posée sur le com p as. Les let tres C T E G31 en cad rent cet te su perposition, tandis qu’à l’aplomb de l’équerre figure la mention « Paris ». 26. Comme dans le cas du Rôle d’Avignon de 1782,cette couronne témoigne peut-être d’une influence maçonnique,la région de Beaucaire et de Tarascon étant un foyer particulière ment actif de la franc-maçonnerie au XVIII e siècle.Cependant,à la différence d’Avignon où le cas est très net,ce serait ici la seule trace d’une telle influence et la date,1729 pour le plus ancien des blasons,rend la chose peu crédible.Nous verrons plus loin,relativement à l’emblématique de la Prudence,que cette couronne peut en réalité provenir d’un emprunt pleinement cohérent à la symbolique chrétienne. 27. Ce dessin a été exposé par Roger Lecotté lors de l’exposition consacrée à « Paris et les Compagnons du tour de France », Musée National des Arts et Traditions Populaires, 21décembre 1951-28 avril 1952.Il est reproduit dans le catalogue de cette exposition sous le n°159,p.128 (Roger Lecotté, Archives historiques du Compagnonnage, Mémoires de la Fédération Folklorique d’Île-de-France n° V, Paris,1956). 28. Le symbole du cœur est omniprésent dans l’emblématique des marques de tailleurs de pierre,ainsi que dans leurs surnoms.Si l’on conjoint la forme « Joli Cœur» avec celle de « Francœur»,ce symbole prend la tête du palmarès des surnoms; cf. Travail et Honneur, op.cit., p.150. 29. Archives des C.P.T.D.P. de Paris. 30. Au vu de l’ensemble du frontispice de ce courrier, où apparaît à l’aplomb du blason un personnage suppliant émergeant de terre,l’on serait tenté de sentir ici une influence maçonnique (Hiram?).C’est d’ailleurs ce que semble croire François Icher, qui reproduit l’intégralité de cet en-tête,sans indication précise de source,dans l’un de ses ouvrages en regard d’une notice dénonçant les emprunts effectués par les Compagnons à la thématique maçonnique au début du XIXe siècle; cf. F. Icher, Les Compagnons ou l’amour de la belle ouvrage, coll. Découvertes,Gallimard, Paris,1995.Mais,faute de connaître le blason des Rôles de Tours antérieurs et faute aussi d’en savoir plus long quant au légendaire des C.P.T.D.P. à cette époque et auparavant,il serait présomptueux de se prononcer de manière définitive quant à cette possible influence.La Réception des C.P.T.D.P. se fonde,comme leur emblématique,sur la tradition vétéro-testamentaire.N’oublions pas que leur fête,au moment de laquelle se déroulent traditionnellement les Réceptions,est l’Ascension.Or, Jésus-Christ n’a-t-il pas passé trois jours dans le tombeau avant de ressusciter et de monter au ciel dans une grande lumière,laissant gravé dans le roc la trace de ses pieds ? Toute initiation est une mort suivie d’une résurrection; le meurtre d’Hiram en est un exemple,mais ce n’est pas le seul. 31. Lors de la publication de Travail et Honneur , nous n’étions pas parvenu à décrypter le sens de ces quatre lettres.Elles signifient «Compagnons Tous En Général»,expression administrative manifestant le fait que les lettres revêtues de ce cachet émanent de l’assemblée de tous les Compagnons.Conformément aux usages compagnonniques du XIXe siècle,ces quatre lettres pourraient également posséder une signification plus «mystique». Renaissance Traditionnelle Iconographie et symbolique du blason des Compagnons Passants tailleurs de pierre  I.3. Représentations dans les marques de passage En fin , pour con clu re provisoirem ent ce tour d’horizon des so u rces icon ograph iqu es32, il nous faut aussi tenir com pte des marqu es de passage laissées par les Com p agn ons tailleu rs de pierre sur divers m onu m en t s, n o t am m ent sur le Temple de Diane à Nîmes, sur la fam euse « vis » de Sain t - Gilles- du - Gard et sur le Pont du Gard . Si l’équ erre et le compas en trecroisés se ren con trent assez souvent sur les m arques du XIXe siècle, l’on soulign era que dans les marques plu s an cien n es, n o t am m ent celles du XVIIe siècle (particu lièrem ent nom breuses dans la vis de Sain t - Gilles) , c’est plutôt le marteau taillant qu i est à l’hon n eu r. P lu sieu rs marques le figurent dans un écu, ce qui ten d une nouvelle fois à démon trer l’étroite interp én étration en tre com p agn on n ages et con fr éries/ corporation s, p u isque dans ce dern ier cad re, c’est pr écisém ent l’écu au m arteau taillant qui forme l’em blème le plus usu el du corps des tailleu rs de pierre, accom p agné d’autres outils si ceux-ci app artien n ent à une con fr érie regroupant plusieu rs métiers, comm e c’est par exemple le cas à Beau caire. No tons aussi que nous ign orons le plu s so uvent à qu elle famille – celle des Passants ou celle des Étran gers – app arten aient les auteu rs de ces marqu es ; il est par con séqu ent difficile de s’app uyer sur telle ou telle varian te em blém atique pour en tirer des con clu sion s. Cepen d an t , à l’exception notable du serpen t , les éléments em blém atiques figu rant sur les blasons des Rôles du XVIIIe siècle sont déjà pr ésents, dès le XVIIe, dans les marques de passage33. Pont du Gard, XVIIIe siècle. Saint-Gilles-du-Gard, intérieur de la “vis”. Registre de Beaucaire, 1729. 32. Outre ce que contiennent peut-être les archives toujours conservées,rituellement,par les actuels C.P.T.D.P.,bien d’autres figurations du blason ou des outils du tailleur de pierre, avec ou sans écu,seraient intéressantes à recenser, notamment en ce qui concerne les linteaux de portes ornés d’outils.Mais,faute d’inscriptions explicites,la plupart n’appartiennent pas à coup sûr au patrimoine compagnonnique.Néanmoins,une étude exhaustive de ces témoignages serait souhaitable,d’autant qu’un grand nombre datent d’une époque antérieure (XVe-XVIIe) à celle relativement bien couverte par la documentation (XVIIIe-XIXe).Nous verrons plus loin,au sujet du monogramme IHS serpentiforme,qu’un tel témoignage s’avère particulièrement précieux. L’on remarquera également que certains de ces témoignages renvoient à des organisations locales de tailleurs de pierre,probablement à caractère compagnonnique ou en contact avec un compagnonnage,sur lesquelles nous sommes à l’heure actuelle très mal documentés; cf.Laurent Bastard, « Les Compagnons tailleurs de pierre,un compagnonnage méconnu»,in Fragments d’histoire du Compagnonnage, cycle de conférences 1998,Musée du Compagnonnage, Tours,1994,p.59. 33. Sur les marques de passage et leur iconographie,cf.Jean-Louis Van Belle, Les marques compagnonniques de passage , éd.Illustra,Izegem (Belgique),1994. N ° 122 – av r i l 2 0 0 0  Jean-Michel Mathonière II – SYMBOLIQUE L’in terpr ét ation du blason des Com p agn ons Passants tailleu rs de pierre est bien évidemment un exercice périlleux. Les compagnonnages son t , comme ch acun sait, des sociétés à caract ère initiatique qui cultivent un sens aigu du secret . Si les rites et sym boles de la fran c- m açonn erie ont donné lieu , très tôt, à un grand nom bre de divu lgations et de com m en t aires, il n’est rien de com p arable en ce qui con cerne les compagnonnages français. Cepen d an t , une analyse com p a ra tive des em blèm es, ten an t com pte de tous les éléments du con texte, et le simple bon sens perm etten t de soulever une partie du voile. Par ailleu rs, comme nous le verrons plus loin au su jet des sym boles de la palm e et du serpen t en tortillé au com p as, les Com p a gn ons ont largem ent em prunté à la symbolique chrétienne du Moyen Âge et de la Renaissance, symbolique classique dont de nombreux textes viennent à peu près éclaircir le sens. En fin , il n’est pas sans import an ce de soulign er que s’il convient de se m éfier des points de vue par trop “éso t ériqu es” ( d ’autant qu’ils son t gén éralem ent alimentés par une familiarité avec la sym bo lique maçonn ique et non avec celle propre aux com p a gn on n a ges) , à l’inverse, il convient aussi de ne pas nier la pr ésen ce de to ut ésotérism e, sous pr étexte que les “op ératifs” n’au raient eu ni le loisir ni les capacités à “sp écu ler ”34. Nous verrons un peu plus loin que la géom étrie la plu s élémentaire offre support à spéculation, au meilleur sens du terme. De par la richesse et la com p lexité du su jet , lesqu elles obligent à de fréqu ents développem ents et à des bifu rcation s, cet te secon de partie de mon étu de sera nécessairem ent to u ffu e, voire qu elqu efois con fu se. Je prie encore une fois le lecteur de bien vouloir m’en excuser. II.1. Des variantes probablement porteuses de sens 34. Le cas des Compagnons tailleurs de pierre est,à cet égard,très révélateur. Nombre d’entre eux sont en réalité des architectes, des ingén i eu r s, de grands entrepreneurs (cf. Lau r en t Bastard, « Les Compagnons tailleurs de pierre,un compagnonnage méconnu», art.cit., pp.57- 59). De par leur travail,ils fréquentent nobles et digni taires eccl ési ast i ques ; de par leurs connaissances en géométrie et dans les arts et métiers, ils fréquentent aussi savants et artistes. Beaucoup savent lire et écrire. 35. Sauf, toutefois, sur le Rôle de Chalon-surSaône,lequel ne comporte aucune autre emblématique que celle des blasons et quelques trophées d’outils. Renaissance Traditionnelle Si l’on ne peut con sid érer l’en sem ble des blasons décrits pr écédem m ent comm e étant hétérogèn e, leur diversité ne peut cepen d an t qu’in terroger, n o t am m ent en ce qui con cerne les Rôles puisque ceu xci sont l’expression même de l’unité du Devoir sur l’en sem ble du to u r de Fran ce. La vo lonté implicite des règlem ents de la fin du XVIII e siècle de stru ctu rer et d’uniform iser les pratiques locales po u rrait po u rtant être in terprétée comme étant l’aveu d’un man que d’hom ogén éité de la société des Com p agn ons Passants tailleu rs de pierre, lacune que trah irait à sa manière la diversité des blason s. Mais cet te interpr ét ation progressiste porte en elle-même sa contradiction. En effet , d’une part , l’on con st ate que tous les Rôles du e XVIII siècle, com pris les plus ancien s, m an ifestent pr écisém en t , dans la stru ctu re hérald ique de leu rs fron tisp ices, une profon de unité (à défaut d’une uniform it é) . Ain si, ce sont to u jo u rs trois blasons qui figurent en t ête et leur dispo sition les uns vis- à- vis des autres est to u jo u rs identiqu e. D’autres élémen t s, n o t am m ent l’om n ipr ésen ce35 et la sym étrie Iconographie et symbolique du blason des Compagnons Passants tailleurs de pierre  des thèmes em blém a tiques du travail et de la recon n aissan ce du Compagnon arrivant, attestent également de cette unité. D’autre part , si les textes des règlem ents de la fin du XVIIIe siècle m an ifestent du rant les années 1770 une vo lonté délibérée d’uniform isation , com m ent imagin er que cet effort ne se soit pas égalem ent port é sur les représentations et notamment sur le blason de la société ? Les « remarques » À bien y réfléch ir, la raison de cet te diversité se tro uve prob ablem ent dans une pratique com p agn on n ique bien con nue par ailleu rs. Il s’agit des « rem arqu es » dont la con n aissan ce atteste du réel passage du Com p agn on par telle ou telle ville, c’est - à- d ire de détails, n o t am m en t sur le plan arch itectu ral, que celui-ci aura nécessairem ent « rem arqu és ». Cet te pra tique est parfaitem ent attest ée, dès le to ut début du XVIIIe siècle, chez les Com p agn ons menu isiers et serru riers du Devoir, n o t am m ent au travers de La petite varlope en vers bu rlesqu es, o uvrage dont l’édition datée la plus com p lète est de 1755, à Ch alon - su r- Saôn e36. Ch aque métier possédait autrefois ses rem arques spécifiqu es. Ainsi, les Compagnons tailleurs de pierre passant par Avignon ne manqu aient pas d’aller ad m irer la vo û te se tro uvant ju ste derrière l’en tr ée du Palais des Pa pes, et de se po ser la qu estion de l’astu ce tech n iqu e mise en œuvre par leu rs devan ciers pour faire tenir cet te clef pen d an te qui risque de terrifier du rant un co u rt instant celui qu i, sans être pr évenu , to u rne alors son regard en l’air. Ch acun connaît égalem ent la fameuse « grenouille de Narbonne », rendue célèbre par Mistral37. Cet te pratique des rem arques est, au jo u rd ’hui en core, profon d ém ent ancrée dans la cultu re com p agn on n iqu e. Elle était et reste à la fois m oyen de con trôle des dires de ceux qui se pr ésen tent comme étant Com p agn on s, n o t am m ent quant à leu rs voyages réels, et su pport à l’in stru ction com p agn on n iqu e, tant du point de vue tech n ique que du point de vue sym bo liqu e. Cet te attitu de de saine curiosité ne se limite pas aux rem arques proprem ent dites, mais tou che égalem ent tout ce qu i sem ble digne d’intérêt aux yeux des Com p agn on s : visitant un édifice an cien , ils seront tou jou rs à l’affût d’un clin d’œil laissé par l’un de leu rs lointains pr éd écesseu rs, r éels ou su ppo sés ; réalisant un ouvrage, ils trouveront toujours moyen d’y glisser à leur tour une « remarque ». O r, comm e nous savon s par les textes des règlem ents que la vision du Rôle de la ville de Devoir est la clef de vo û te du rite de bienvenue (la « tom b ée ») du Com p agn on arrivan t , il est prob able que la d iversité des fron tisp ices et des blasons servait elle aussi de moyen de con trôle quant aux villes de Devoir que l’arrivant pr étendait avoir déjà visit ées38. Ain si, celui qui était arrivé « en règle » en Avign on , c’est - àd ire celui qui avait réellem ent vu le Rôle de cet te ville, ne po uvait certainement manquer de se souvenir de la devise « Labor et Honor ». Bien évidemment, cela ne présageait en rien du fait qu’il en était reparti avec h on n eu r, m ais, dans ce cas, un co u rrier des Com p a gn ons d’Avign on avait tôt fait de pr évenir le tour de Fran ce du sign a lem ent des « brûlés » et autres fautifs vis-à-vis du Devoir. 36. D’après le préfacier de sa réédition de 1869 chez Gay, à Genève (rééd. en fac-similé par la Librairie du Compagnonnage, Paris,1991),la première édition de ce texte date probablement de la fin du XVIIe siècle.Il s’agit d’un poème mettant en scène les outils du menuisier, publié « avec approbation et permission des Compagnons du Devoir».En annexe figure une «chanson nouvelle du tour de France des Compagnons menuisiers et serruriers » où le périple géographique des Compagnons de ces métiers est décrit de manière précise,évoquant pour chaque ville traversée les éléments remarquables. La pratique des marques de passage est du même coup attestée comme n’étant pas un geste individuel et fantaisiste : « Nismes est une des plus anciennes, / Il t’y faudra voir les Aresnes, / La Maison carrée tout de bon,/ Sans oublier aussi la Tourlemagne, / Et si t’es brave Compagnon,/ Il faut aller graver ton nom / Dessus le Temple de Diane. » 37. Mais, en bon littérateur, Mistral prend ses aises avec les usages compagnonniques et l’his toire : la magnifique grenouille de Narbonne est toujours là,bien installée dans son bénitier, à narguer de son regard moqueur ses tristes consœurs humaines… 38. Les règlements évoquent la détention par le Compagnon d’une « affaire ».Aucun exemplaire ne nous est connu et il est par conséquent très difficile de déterminer dans quelle mesure ce document pouvait permettre au Compagnon de prouver son identité et son parcours.Les passeports compagnonniques qui nous sont connus pour d’autres sociétés datent pour la plupart du XIXe siècle et portent les cachets des sièges visi tés.Mais,en tous les cas,ce type de document se double d’une procédure de reconnaissance rituelle très longue et très stricte (les tuilages maçonniques sont des enfantillages par rapport aux reconnaissances compagnonniques!). Au regard des exemples de « cheval », « trait carré »,etc. (autres noms donnés au passeport selon les sociétés compagnonniques),il est d’ailleurs probable que «l’affaire » était davantage un certificat de Réception,une sorte de « lettre de course»,qu’un passeport proprement dit,du moins à son origine. 39. Les Rôles de certaines villes importantes ne nous sont pas parvenus. Ainsi, notamment, du Rôle de Tours,dont l’existence est pourtant attestée jusqu’au début du XXe siècle, ou encore de celui de Montpellier. 40. Cette particularité présage peut-être d’une prééminence qu’aurait exercée Avignon aux XVII e et XVIIIe siècles vis-à-vis des autres villes de Devoir. Il existe en effet dans d’autres corps compagnonnique la notion de « ville de fondation », c’est-à-dire de ville où aurait été fondée telle ou telle société et qui est tenue plus en honneur que les autres villes. Semblable notion n’est pas attestée pour les Compagnons Passants tailleurs de pierre,mais il n’est pas impossible qu’elle ait autrefois existé et que le souvenir s’en soit perdu. Par ailleurs,il faut remarquer que la société des C.P.T.D.P. s’intitule le «Saint Devoir» et exige de N ° 12 2 – av r i l 2 0 0 0  ses mem bres d’être de fidèles cat h ol i q u es ; Avignon étant territoire papal,l’on peut imaginer que la ville jouissait dès lors d’un prestige supérieur. L’on soulignera également la prédominance avignonnaise dans les effectifs de la société des Compagnons Passants tailleurs de pierre de Paris au XVIII e siècle. Par ailleurs,l’on remarquera que l’esquisse cartographique que nous avons pu établir pour cette société compagnonnique (cf. Travail et Honneur, op. cit., p. 155) – esquisse dont la valeur doit probablement être quelque peu corrigée en tenant compte du fait qu’elle a préci sément été établie sur la seule base des Rôles avignonnais – fait ressortir, pour les XVIIIe et XIXe siècles, trois grands foyers compagnonniques : la vallée de la Loire, l’estuaire de la Gironde,la basse vallée du Rhône ou,de manière plus globale, la Provence et le Languedoc. Si le Bordelais possède les plus grands effectifs,ce qui s’explique très bien par le dynamisme économique de cette région à cette époque,il est talonné de très près par Avignon,ville qui était pourtant déjà en plein déclin économique.Enfin,pour clore cette parenthèse,il faut aussi rappeler que l’une des versions de la légende de Maître Jacques,un tailleur de pierre qui serait le fondateur des Compagnons du Devoir, le fait aborder, de retour du chantier du Temple de Salomon,sur les côtes provençales et mourir assassiné à la Sainte-Baume. 41. Je ne prends pas en compte ici le cordon figurant sur le blason du Rôle de Chalon-surSaône (1720), attestation absolument unique qui ne rencontre aucun écho dans l’emblématique des Rôles,ni le niveau apparaissant sur le même blason,outil sur lequel j’aurai cependant l’occasion de revenir. 42. Sur ce point et pour toutes les considérations géométriques qui vont suivre, cf. MarcReymond Larose, Le Plan secret d’Hiram, éd.La Nef de Salomon,Dieulefit,1998. 43. Les règ lem ents des Rôles d’Avignon, témoins d’une version assez archaïque du règlement des C.P.T.D.P.,ne contiennent aucune indication quant à la capacité professionnelle de l’aspirant,pas davantage d’ailleurs en ce qui concer ne sa religion et sa moralité (cf. Tr avail et Honneur, op. cit., pp. 52-70, textes in extenso). Mais le règlement de Bordeaux (1778),qui trahit nettement la volonté de codifier plus précisément les règles du Devoir selon le style juridique du temps, débute son chapitre premier par l’article suivant : « Tout tailleur de pierre qui se présente ra pour être reçu Compagnon Passant sera tenu de faire preuve de catholicité et de capacité suf fisante dans le métier par une ou plusieurs pièces de traits et par le témoignage de Compagnons qui cautionneront qu’il est capable de travailler du marteau. » Cet article offre une singulière densité d’informations,mais je me contenterai ici de sou ligner combien c’est la capacité à dessiner qui est mise avant tout à l’honneur, ce qui confirme pleinement le choix des instruments de la géométrie comme blason (par «trait»,il faut entendre,chez les tailleurs de pierre, le dessin d’architecture dans son ensemble; lorsqu’il est nécessaire de préciser, la stéréotomie est généralement qualifiée de «trait géométrique»). 4 4 . Sur ce point, voir, par exemple, le programme d’un concours entre Compagnons Passants et Com pagnons Étrangers tailleurs de pierre proposé par Ponge, « La Douceur d’ Avignon », en 1784 (texte intégral in Travail et Honneur, op. cit ., p p .3 3 8 - 3 4 0 ).Qu atre des cinq épreuves proposées sont relatives au dessin d’architecture, la cinquième seulement comporte en plus de la stéréotomie. Renaissance Traditionnelle Jean-Michel Mathonière L’on doit égalem ent su ppo ser que les fron tisp ices et les blason s ser vaient de su pport à l’instru ction com p a gn on n iqu e, et que la pr ésence ou l’absence de tel ou tel élément singulier donnait lieu à explication de la part des An cien s. À cet égard , bien que l’on ign ore to ut de l’em blém atique de certains Rôles disparu s39, il sem ble qu’Avign on po ssédait le blason le plus “complet”40; il n’y manque en effet, si l’on consid ère que tous les blasons des Rôles form ent comme un puzzle sym bo liqu e, que la repr ésen t ation de la sph ère41 ( cf. le Rôle de Paris de 1726). Q u oi qu’il en soit de la validité de cet te hypothèse quant au fait que les variantes sont autant de « remarques », c’est principalement sur la base du blason du plus ancien Rôle d’Avign on que je me risqu erai m ain tenant à faire l’in terpr ét a tion du blason des Com p a gn on s Passants tailleurs de pierre. II.2. Le blason de Géométrie L’on notera to ut d’abord – et ce point con cerne to ut autant l’emblém atique maçon n ique que celle des com p agn on n ages – que le cœur du blason figure non pas des ou tils caract éristiques de la profession de t ailleur de pierre, mais des in stru m en t s propres à la géom étrie42. Bien qu’aucun texte ne vienne app uyer cet te interpr ét ation , il app araît don c comme certain qu e, comme les maçons op ératifs brit an n iqu es, les Com p agn ons tailleu rs de pierre français en ten d aient ainsi hon orer avan t toute chose le cinquième Art libéral des Anciens, celui de Géométrie. Si cela peut sem bler co u ler de source, cela n’en est pas moin s extr êm em ent import an t . En effet , au regard des sources com p agn onn iques du XVIII e siècle, le métier de Com p agn on tailleur de pierre ne doit pas être en ten du comme étant le simple exercice de la taille – ce qu e, au dem eu ra n t , les règlem ents des C.P.T.D.P. du XVI I I e siècle ne m et tent guère en avan t 43 – mais avant to ut comme la capacité à con cevoir et à dessin er l’édifice tant dans son en sem ble (arch itectu re) 44 qu e dans ses parties (app areillage, st ér éo tom ie) . De même, si l’on se to u rn e vers l’époque m édiévale, le terme de « m açon » désigne davan t age le tailleur de pierre que le poseur. Cela étant admis, l’on notera également qu’il existe une profonde co h éren ce et hiérarchie en tre les trois instru m ents repr ésen t és : le com p as, la règle et l’équ erre. En réalité, seuls le compas et la règle son t des instru m ents in dispen sables aux t racés géom étriqu es, l’équ erre étant alors em p loyée par com m odité (elle est avant to ut un instru m en t de vérification une fois l’ouvrage en voie d’exécution ) . Cepen d an t , si l’on con sid ère ces trois instru m ents non seu lem ent sous l’angle de leu r usage mais surtout sous celui des principes graphiques de la géométrie, la trilogie est indissociable et com p lète en elle- m êm e : le com p as permet le tracé des cercles et arcs de cercles ; la règle permet le tracé des d roites ; l’équ erre est le sym bole même de l’angle droit obtenu , selon l’art (par le jeu du compas et de la règle) , an gle droit qui est le fon dem ent même de to ute produ ction arch itectu rale. Le compas étant figu r é Iconographie et symbolique du blason des Compagnons Passants tailleurs de pierre o uvert , il est aussi l’image du trian gle45, autre figu re fon d am entale de la géom étrie et de l’art de bâtir. D’ailleu rs, les figures élémen t aires de la géom étrie qui sont ainsi repr ésentées – cercle, d roite, trian gle et angle d roit (carr é, rect an gle) – form ent ni plus ni moins que le fon dem en t de la géométrie euclidienne toute entière. L’en trecroisem ent du com p as, de la règle et de l’équ erre est par conséquent et avant toute chose l’image par excellence de cette indissociabilité et com p létu de. Cet te trinité forme unité46. L’en trecroisem en t figu re aussi, dans le même tem p s, le m ode de fon ction n em ent du « Trait » : c’est en effet par le croisem ent alterné des lign es, d roites et co u rbes, que se défin issent peu à peu les diverses figu res géom étriqu es, les formes du plan. En ce sens to ut à fait “fon d am en t al”, la su perposi tion , qu el qu’en soit l’ord re, t ém oigne d’un app auvrissem ent quant à la com pr éh en sion du sym bole de l’en trecroisem en t , la hiérarchie des trois instru m ents étant déjà indiquée par leur placem ent sur la verticale : le compas, la règle, l’équerre47. De plu s, les diverses dispo sitions des instru m ents de la géom étrie, avec ou sans en trecroisem en t , sont elles-mêm es porteuses de sign ifications géom étriques spécifiqu es48. À titre d’exemple et à défaut de po uvoir produ ire ici des sources docu m en t aires publiques en ce qu i con cerne le type de dispo sition em p loyé, par exem p le, dans le blason desC.P.T.D.P. d’Avignon, je me contenterai de donner, sans doute pour la prem ière fois, l’exp lica tion d’une dispo sition du compas et de l’équ erre qui se ren con tre qu elqu efois dans l’em blém atique ancien n e des bâtisseurs. Le dessin que je reproduis m aintenant est extrait d’un fort cu rieux docu m en t daté de 1551, provenant de la région d’Avign on mais sans qu’il soit certain que ce soit là sa région d’origine49. À prem ière vu e, l’on po u rrait croire que cet te figura ti on de l’équerre et du compas est banale et ne possède aucun sens caché. Or, il n’en est rien . Il s’agit ni plus ni moins que d’une rem arqu able figuration mnémotech n ique du tracé du « trait carré en bo ut », c’est - à- d ire de la con stru ction de l’angle droit à l’extrémité d’une droite, tracé im portant dans l’art de bâtir et qui forme en qu elque sorte une lign e de part age en tre ceux qui po ssèdent les ru d im ents du « Trait » et ceu x qui ne les po ssèdent pas. J’illu strerai cet te con stru ction élémen t aire par  45. Je n’aborderai pas ici l’intéressante question des divers angles que peut former le compas ouvert. 46. Cette analogie avec le symbole de la Trinité chrétienne n’a évidemment pas échappé aux Compagnons et elle offre, avec tout ce qui est relatif au symbole de la Croix,la matière première à certains développements symboliques. 47. Il n’est évidemment pas à exclure que les diverses superpositions soient porteuses de sens. Cet article étant publié dans une revue essentiel lement consacrée aux études maçonniques, il n’est peut-être pas inutile,afin de couper court à tout amalgame, de rappeler que les C.P.T.D.P. sous l’Ancien Régime ne connaissaient qu’un seul “ grade” (le terme est ici impropre),celui de Compagnon. L’Aspirant n’est en aucun cas comparable à l’Apprenti-Maçon et, s’il existe par ailleurs un état de Maître Remercié,celui-ci n’est également pas du tout comparable au grade de Maître-Maçon. Par ailleurs, chez les C.P.T.D.P. d’autrefois, il n’existait pas de bipartition entre « Compagnon reçu » et « Compagnon fini », ce dernier état – existant dans d’autres Devoirs et faisant l’objet de cérémonies de Réception spécifiques – ayant été interprété par certains auteurs comme étant l’équivalent compagnonnique du grade de Maître-Maçon. 48. En fait,tenant compte de tous les éléments exposés ici ainsi que de sources compagnonniques orales,il est possible de faire l’hypothèse que les représentations les plus anciennes de “ blasons” de tailleurs de pierre (la remarque est certainement valable pour d’autres métiers), où les outils sont disposés sans ordre apparent et même en un savant désordre, p r oc éd er ai en t néanmoins de la même intention symbolique : ordo ab chao – cette devise maçonnique ayant beaucoup de sens pour un Compagnon initié au Trait… Simplement, emblèmes publics, ils ne dévoilent rien aux profanes de l’ordre que seuls les initiés connaissent et qu’ils doivent recomposer afin de prouver leur appartenance à la confrérie.Certes,ce n’est là qu’une hypothèse,mais un usage tout à fait analogue est parfaitement attesté chez les Compagnons tailleurs de pierre de la Bauhütte germanique : l’arrivant dans une loge doit prouver son appartenance à la confrérie par le tracé du «très noble et très juste fondement de la taille de la pierre» et l’inscription de sa marque d’honneur dans celui-ci; ou encore,il doit exécuter une véritable “ danse rituelle” avec les Compagnons de la loge qui se positionnent selon diverses modalités de ce réseau graphique en laissant, à chaque évolution, un point libre que l’arrivant se doit de venir occuper, prouvant ainsi sa parfaite connaissance et des rites et de la géométrie du réseau. Sur les procédures de reconnaissance rituelle de la Bauhütte, cf. Franz Rziha, Études sur les marques de tailleurs de pierre, trad. fr., coéd. Trédaniel/La Nef de Salomon, Paris-Dieulefit,1993; Friedrich Albert Fallou, Die Mysterien der Freimaurer , Leipzig,1859; et surt ou t , Alfred Schottner, Des Brauchtum der Stei nm etzen in den spätm ittelalterlichen Bauhütten und dessen Fortleben und Wandel bis zur heutigen Zeit, Lit Verlag, Münster-Hamburg, 1994,pp.124-131 (avec illustrations des pas et rituels).Le tableau de loge maçonnique procède probablement, pour partie, du même concept mnémotechnique de “ mise en ordre” (cf. MarcReymond Larose, Le Plan secret d’Hiram, op.cit.). 49. Ce document est conservé par le Musée National de l’Éducation,Rouen.Il s’agit,du moins en apparence, d’une “ affiche publicitaire” d’un maître d’école privée enseignant tant l’écriture N ° 12 2 – av r i l 2 0 0 0  Figure de Philibert De L’Orme. Développement du tracé de De L’Orme. Tracé de la perpendiculaire ou “quatre de chiffre”. que l’arithmétique et la géométrie,mais dont l’ornementation, dominant très largement sur les textes au point de totalement les marginaliser, n’est pas sans évoquer un temple “ salomonien” – ce que divers détails tendent à accréditer. Précisons que la figure qui fait pendant à cette représentation de la Géométrie n’est autre que construction relative à l’Astronomie. 50. Architecture de Philibert De L’Orme , Rouen, 1648,f° 34 v. 51. L’on notera au passage que ce tracé est celui que symbolise le fameux « q u atre de c h i f f r e »; cf. Jean-M ichel Mat h on i èr e, « Remarques à propos du “ quatre de chiffre” et du symbolisme géométrique dans les marques de métiers»,in Études sur les marques au quatre de chiffre, éd. La Nef de Salomon, Dieulefit, 1994, pp.18- 20. 52. D’après Rivius (traducteur de Vitruve en allemand), « le triangle équilatéral est le fondement le plus noble et le plus élevé des tailleurs de pierre » (cité d’après F. Rziha, Études sur les marques de tailleurs de pierre,op.cit., p.5 6 ).Ce point m ’a été personnellement confi rm é et démontré par des sources compagnonniques. Renaissance Traditionnelle Jean-Michel Mathonière une figu re extraite de L’Arch i tectu re50 de Philibert De L’O rm e (15141570) , person n age- clef comme nous le verrons plus loin , et je la comp léterai d’un tracé actu el mettant davan t age en éviden ce l’intégralit é des prin cipes gra ph iques et sym bo liques de cet te con stru ction . L’on voit ainsi, de to ute éviden ce, que l’équ erre figure l’angle droit rech erch é, tandis que le compas figu re à la fois le trian gle équ ilat éral et les arcs de cercle. Dan s le même tem p s, cet te dispo sition et le tracé ainsi évoqué peuvent servir de rappel mnémotech n ique quant à cet te autre con stru ction de base qu’est l’établissem ent de la perpen d icu laire au cen tre d’une droite don n ée 51, l’une et l’autre de ces con stru ction s d érivant du même prin cipe géom étriqu e : la relation privilégiée qu’entretien n ent le cercle, le trian gle équ ilat éral (figure essen tielle selon les Com p agn ons tailleu rs de pierre de la Bau hü tte germ an iqu e52) et l’angle d roit . L’on notera, sur la figure développ ée, que c’est l’hexagone étoilé, le fameux « sceau de Sa lom on », ch er à tous les Com p a gn on s, qu i forme le substrat “caché” de ce tracé et de ce symbole. En fait, les diverses modalités de l’entrecroisement du compas, de la règle et de l’équ erre renvoient to utes à la con stru ction du « trait ca rr é », c’est - à- d ire à la figure de la Croix. Il n’est que de lire le Pro logue du Deu xième Livre de l’Arch itectu re de Philibert De L’O rm e pour se ren d re com pte de to ute l’import an ce qu’avait cet te figu re po u r les anciens bâtisseu rs, et com bien ils avaient déjà spéculé à ce su jet – De L’O rme appelant à l’appui de ses com m en t aires sym bo liques l’autorité de Marcile Ficin et des Sages de l’ancienne Égypte ! Certain s blasons de tailleu rs de pierre qu’il est po ssible d’attribu er avec certitu de aux Com p agn ons Étran gers font d’ailleu rs abstraction de l’équ erre et insistent davan t age en core sur l’essen tiel de la géom étrie, à savoir sur le jeu du compas et de la règle. Ain si, p ar exem p le, les pierres tombales de carriers et de tailleu rs de pierre qu e ren ferme aujourd ’hui la petite église de Sain t - Fortu n at - au x- Mon t sDore, à proximité de Lyon , m on tren t - elles généralem ent le seul gran d com pas d’app areilleur ouvert sur une règle, graduée de man ière va ria ble, en l’occu rren ce sym bole du tem ps et de la mesu re qu’il faut observer durant la courte durée impartie à la vie humaine. Plus fréqu en te en core, app artenant typ iqu em ent à la famille des enfants de Salom on (les Étran gers) au XIXe siècle, mais fréqu em m en t adoptée par l’em blém atique maçon n ique – voire par celle qui est relative aux arts et métiers, sans inten tion sym bo lique –, la repr ésen t ation n on plus du compas et de l’équ erre en trecroisés, mais du com p as, so uvent tête en bas, et du niveau . L’h orizontale est ainsi marquée non par la simple règle mais par la barre tran sversale du n iveau , so uven t gradu ée, tandis que le fil à plomb vient met tre en éviden ce la descen te de cet te « Divine perpen d icu laire » que le blason des Passants figure pour sa part par un serpent ascen sion n el. L’on notera que cet te varian te avec niveau laisse place, d avan t age que dans le cas de l’équ erre Iconographie et symbolique du blason des Compagnons Passants tailleurs de pierre  ( liée, rappelon s- le, à la vérification de l’exécution ) , à la con stru ction elle- m êm e, c’est - à- d ire à la finalité même de la taille de pierre. J’en reproduis ici deux exem p les, le prem ier étant un jeton de la Ch am bre des en trepren eu rs en maçon n erie de Paris (1810), le secon d , sans le n iveau m ais avec le fil à plom b, étant extrait d’une gravu re imprim ée pour le com pte de la con fr érie des Com p agn ons tailleu rs de pierre de Paris en 1663, confrérie se réunissant à l’église de Bonne-Nouvelle53. Compas et équerre, théorie et pratique En ce sen s, il est permis de voir égalem ent dans l’en trecroisem en t des seuls compas et équ erre, ou compas et niveau , un sym bole con cernant plus spécifiqu em ent les couples indissociables de la théorie et de la pra tiqu e, de la con ception (tracé) et de l’exécution . L’im port an ce de cet te dualité com p lém en t aire de con n aissan ces/ com p éten ces, dont la r éu n ion en un seul corps forme ce qui caract érise par excellen ce les com p agn on n ages, est d’ailleu rs net tem ent affirmée au travers d’autres détails em blém atiques des Rôles, n otam m ent les représen tations du cou ple géom étrie/architecture ou, plus fréquemment encore, plan/élévation 54. Blason de la confrérie des Compagnons tailleurs de pierre, Paris, 1663. Tailleurs de pierre, graveurs et imprimeurs Il faut aussi sign aler que le compas seul figure dans un cert ain n om bre de m arques d’imprim eu rs du XVI e siècle, telle celle de Ch ristophe Plantin d’Anvers – où l’on rem arqu era que le phylact ère, s’en roulant tel un serpent autour du compas tenu par la main divin e, porte une devise qui n’est pas sans évoqu er celle des C.P.T.D.P. d ’Avign on : « Labore et Con st an tia »55. In d épen d am m en t des convergen ces liées à la sym bo lique générale, ces “em pru n t s”, dont le sens peut d ’ailleu rs être bilat éral, ont assez cert ain em ent pour cause le fait qu’u n grand nom bre de graveu rs et d’imprim eu rs de cet te époque avaien t initialement une formation architecturale, voire une double activité. Le cas d’un Vredeman de Vr ies est, à cet éga rd , exem p laire. Architecte, paysagiste, dessinateur et graveur, il publia en 1604-1605 un im portant ouvrage de perspective sur le fron tisp ice arch itectu ra l Marque de Christophe Plantin. 53. À défaut d’une mention plus explicite,Compagnons « Passants » ou «Étrangers»,force nous est de considérer ce témoignage comme ressortant simplement du cadre corporatif habituel (mais,comme cela a déjà été souligné au sujet du registre de Beaucaire,la frontière entre compagnonnages,confréries et corporations est certainement bien plus ténue qu’il ne le semblait aux yeux des premiers historiens des compagnonnages). 54. En conclusion provisoire de ce point,il me semble important de souligner qu’il reste à faire une étude exhaustive et analytique des représentations d’outils et d’instruments de la géométrie entrecroisés,tant dans le contexte des compagnonnages que dans celui de la franc-maçonnerie.En effet,l’histoire de l’emploi de cette emblématique par les francs-maçons spéculatifs est susceptible de fournir d’intéressants éclaircissements quant aux influences et aux liens éventuels de ceux-ci avec le métier, non seulement en ce qui concerne les origines britanniques,mais aussi en ce qui concerne la genèse de la franc-maçonnerie française. 55. Cf. Travail et Honneur , op.cit., pp.238-239,et aussi pp.99 et 127. N ° 12 2 – av r i l 2 0 0 0  Page-frontispice de la seconde partie du traité de Perspective de Vredeman de Vries, 1605. L’a uteur fait su ivre le titre, gravé en mêm e tem ps que le fron tisp ice, d’un argum en t aire exp liquant ce qu’est la perspective – argum en t aire imprimé en plu sieu rs langues, so u s form e d’une gravu re en su ri m pression . Le texte français indique que la perspective est , « fort ut ile & necessa ire », à divers m étiers, dont bien sûr les tailleu rs de pierre. Su r l’exem p laire reproduit ici (co llection privée) , il est intéressant de noter qu’une troisièm e gravu re a été su ri m prim ée afin d’or n er les esp aces libres de bran ches de ro siers fleu ri s. De Vries ayant éga lem ent participé aux gravu res venant illu st rer L’Am phit héâtre d’Éter n elle Sapien ce d ’Hein rich Khu n ra t h , ce cu rieux semis de roses po sséderait-il un rappor t avec l’ém er gen ce, qu elques années plu s t ard , du mythe de la Ro se- Croix ? L’on notera aussi la pr ésen ce de la co u ronne fleu rie su spen due sous l’arc, thème fréqu ent dans l’emblém a tique com p a gn on n ique et particip an t de certains rituels de Réception . 55 bis .Un groupe de sept “ putti” ,désigné du doigt par Hermès,soutient en l’air deux madriers,disposés en forme de compas ou de fausse équerre, dans lesquels vient s’entortiller un phylactère portant la devise suivante : « Illa Sapientia regnat in arce » – «La Sagesse règne dans cette enceinte » – témoignant encore une fois des rapports symboliques étroits qui unissent les thèmes évoqués ici.Une maxime des C.P.T.D.P. de 1844 s’en fait encore l’écho : « Nous voici dans l’enceinte où règne la Sagesse» (Travail et Honneur, p.268). Renaissance Traditionnelle Jean-Michel Mathonière du qu el figurent deux blasons to ut à fait rem arqu ables : d’une part , u n compas dans les jam bes du qu el s’en trecroisen t , en forme de fausse équ erre, les bu rins du graveu r, le to ut en touré d’une co u ron n e d ’o livier ; d ’autre part , un compas dans les jam bes du qu el s’en trecroisen t , to u jo u rs selon la forme de la fausse équ erre, les pinceaux du pein tre, le to ut en touré cet te fois d’une co u ronne de palmes. De plu s, l’on rem arque de part et d’autre des co lon nes en cad rant le titre, à l’ap lomb de ces bla son s, à gau che un trophée con stitué des outils du t ailleur de pierre- m açon - scu lpteu r, à droite un trophée con stitué des outils du peintre-dessinateur. Un détail d’une gravu re de Clau de Au d ran (1597-1675), repr ésentant « La Prim atie de l’Église d’Arles », est lui aussi sign ifica tif : Herm ès- Mercu re con duit le cort ège tenant en m ain le cadu cée, l’équ erre et le com p as. L’arrière-plan de la gravu re repr ésen te le ch an tier où s’activent des « pu t ti » – par lesqu els les C.P.T.D.P. aim ent à se repr ésen ter ; les façades de l’édifice sont ornées de palmes en trecroisées et d’une balance55 bis. Iconographie et symbolique du blason des Compagnons Passants tailleurs de pierre  De tels exemples mon trent qu’à l’éviden ce existait en Eu rope, au p lus tard dès la fin du XVIe siècle, une interp én étration en tre “op ératifs” et “sp écu latifs” (si tant est qu e, à cet te époqu e, ces qu alificatifs aient eu vérit ablem ent un sens) qui n’est sans do ute pas étran gère au processu s qui aboutira à la naissance de la fran c- m açon n erie spéculative. Nous revi en d rons plus loin sur le sym bole du com p as, qui est égalem ent instru m ent de mesu re et de repor t , examiné sous un autre “angle” qui n’est cependant pas sans rapport avec la géométrie. II.3. Les couronnes végétales O ccu pons-nous maintenant d’un élément du blason dont l’import an ce est con sid éra ble, alors même qu’elle ne s’im pose pas au prem ier regard . Il s’agit des végétaux qui l’en cad rent et qui po u rraien t passer pour un simple élément “décoratif”. Il n’en est rien. No tons to ut d’abord qu’il existe des va ria n tes dans le ch oix des végétaux en cad ran t com me une co u ronne le blason . Nous avon s vu qu’il s’agissait tantôt de rameaux d’olivier, tantôt de branches de chêne, mais le plus souvent de palmes. L’on po u rrait croire que to utes ces va ria n tes n’ont peut - être pour cause que l’em prunt par les Com p agn ons à des formes décoratives qui étaient déjà largem ent “à la m ode” au XVI I I e siècle, form es qu e, pr écisém en t , ils étaien t fréqu em m ent am enés à em p loyer dans leu rs travaux de sculptu re orn em entale dans les édifices qu’ils con cevaien t et con stru isaien t . Cepen d an t , à l’origine de ces form es, qu’elles aient été con nues de lon gu e d ate dans les com p a gn on n a ges ou qu’elles aient été em pru n t ées, il n’en dem eu re pas moins qu’il y a une intention symbolique. Les bran ches de chêne sont un sym bole extr êm em ent ancien de la force – divers sym boles de celle- ci, n o t am m ent Hercu le, a pp a ra issant dans l’em blém atique des fron tisp ices de Rôles. Il importe peu de d évelopper ici to utes les con sid éra tions sym bo liques afféren tes. So u lign ons simplem ent qu e, en ce qui con cerne les tailleu rs de pierre en général, deux em p lois de la sym bo lique du chêne sont à rem arqu er to ut par ticu lièrem en t , qui ten dent à m on trer que son em p loi dans l’em blém a tique des Rôles n’est pas fortu ite : d’une part , la feu ille de chêne est l’une des plus curieuses marques de tailleur de pierre qui se ren con trent à la basilique de Vézelay (XIIe s.) ; d ’autre part , le gland de chêne est l’orn em ent terminal des cordons des cannes de Com p agn on s t ailleu rs de pierre, cannes dont malheu reu sem ent nous ne po ssédon s pas d’échantillon antérieur au XIXe siècle. Quan t à l’olivier, il est lui aussi un sym bole extr êm em en t répandu et ancien de la paix, de la sagesse et de la lumière56. Là aussi, je ren on cerai à développer davan t age. Il su ffira de noter qu e, dans un cas comme dans l’autre, ces végétaux s’accordent parfaitem ent avec la sym bo lique com p agn on n ique et avec l’idéal du Devoir, Palmes encadrant un monogramme, Beaucaire, XVIIIe siècle. 56. Cette dernière signification pouvant sans aucun doute être mise en rapport avec le fait que la Réception est,comme en Maçonnerie,assimilée à l’acte de «donner la Lumière » N ° 12 2 – av r i l 2 0 0 0  Jean-Michel Mathonière idéal qu’à défaut de textes exp licites, les vertus em p loyées pour form er les su rn oms des Com p a gn on s perm et tent d’assez bien cern er 57. Leu r en trelacem ent sous forme de co u ron n e, par exemple dans le cach et des C.P.T.D.P. des années 1840, peut donc s’in terpr éter comme « Force et Sagesse », sans qu’il s’agisse nécessairem ent de la trace d’une influ en ce m açon n ique puisque des em blèmes relatifs à la Force (Hercule) et à la Sagesse (Min erve) sont d’em p loi assez constant dans les Rôles du XVIIIe siècle, y com pris ceux qui sont antérieu rs à l’introdu ction de la franc-maçonnerie en France58. No tons qu’il app araît aussi accessoirem ent des co u ronnes de la u rier, très ancien sym bole de la victoire (cf. le blason du Rôle de Bordeaux, 1778). In d épen d am m ent de ses variét és, le thème de la cou ronne végétale ou florale est om n iprésent dans l’em blém atique com pagn on n iqu e. Ayan t déjà traité de ce point dans mon article sur « Com pagn ons du Sain t-Devoir et b âtisseu rs de cathédrales », je rappellerais simplem ent qu’il s’agit là, tant dans la sym bolique com p agn on n ique que ch r étienne en général, de la repr ésen t ation de l’accès à l’état céleste par l’exercice des Vertus (cf. I Corin thien s, IX, 24- 25) . Mais ven on s- en maintenant au végétal qui app araît de la manière la plus constante, la palme, et qui mérite un plus large développement. II.4. Le serpent de la Prudence et la palme de l’Honneur 57. Cf. Travail et Honneur , op.cit., pp.148- 151 (Le palmarès des vertus).Sur les 1037 noms de Compagnons figurant sur les Rôles d’Avignon apparaît seulement une quarantaine de variantes du surnom,la plus grande partie étant constitué par une vertu ou un trait de caractère moral positif. Arrivent largement en tête les surnoms de « La Prudence », « La Fidélité », « La Franchise », « La Pen s ée», « La Ve r t u», « Joli Cœur », « La Sag es s e», « La Constance », « L’ Assu r an c e», « La Sincérité », « La Ten d r esse», « L’ Esp ér an c e», « La Douceur ». 58. Ce n’est pas ici le lieu et le moment de débattre de savoir quelles sont les dates et conditions exactes de cette introduction, ni de faire l’hypothèse qu’aurait déjà existé, avant l’apport anglais, une forme de Maçonnerie (opérative?) française.C’est une question qui manque de données documentaires et qui est trop complexe pour être développée ici, même si elle possède un rapport avec notre sujet. 59. C’est ici le lieu d’évoquer très brièvement les Quatre Saints Couronnés. Si ces martyrs furent les saints protecteurs de nombreuses organisations de tailleurs de pierre en Europe – ce sont notamm ent eu x qu’honorent les Compagnons de la Bauhütte germanique – tel n’est pas le cas chez les C.P.T.D.P. Ceux-ci se placent en effet sous l’invocation de l’Ascension (cf. Travail et Honneur, op.cit., pp.156- 161). 60. Je me suis ici servi de l’édition de Rouen de 1648, reprintée en 1981 par Pierre Mardaga. L’édition originale est de 1567,à Paris. 61. L’on notera aussi la présence,sur la tablette du fronton,d’une discrète marque gravée dans la pierre qui pourrait bien être celle de Philibert De L’Orme, fils d’un maître maçon de Lyon (c’està-dire d’un tailleur de pierre) et lui-même finalement rien d’autre qu’un maître maçon s’étant élevé au rang d’architecte. Renaissance Traditionnelle L’interprétation de la palme se fondera non pas sur les considérations générales qu’il est po ssible de faire sur ce sym bole lui aussi tr ès a n cien , n o t am m ent en tant qu’em blème des martyrs59, mais sur un texte dont on peut con sid érer qu’il est si ce n’est com p agn on n iqu e, du m oins qu’il est, soit inspiré par le Devoir des tailleu rs de pierre, soit , mais c’est moins prob able, p armi les sources de celu i- ci. Ce témoignage est l’exemple même de l’intérêt qu’il y a, ainsi que je le soulignais en introdu ction , de rech erch er méthod iqu em ent qu elles peuvent être les racines des éléments qui nous sont connus. Il s’agit d’un texte et d’une gravu re extraits des traités d’arch itec6 0 tu re de Philibert De L’O rme (ou Delorm e) , person n age dont il a déjà été qu estion plus haut . L’auteur com m en te lon gu em ent un em blèm e de sa com po sition , repr ésentant un arch itecte sortant d’une caverne et tenan t le compas d’app areilleur autour du qu el s’en tortille une co uleuvre ; à ses pieds sont de nom breux cailloux poin tus et devant lui est un palmier. Une devise latine en cad re la figure : Artificem doctum dis crim ina mille moran tu r, dum celer ad palmam quærit ab arte viam – « De mille peines et mille em p êch em ents est ret ardé l’Artisan docte et sage, quand par son Art , savoir et instru m en t s, il ch erche vers la Palm e le passage », selon la tradu ction qu’en donne Philibert De L’O rme lu im êm e. Au fron ton du tableau dans lequ el prend place la com po sition , l’on peut éga lem ent rem arqu er un caducée et une trom pet te de la Renommée, de part et d’autre d’un buste d’Hermès61. Résumons les trois pages que l’auteur consacre à cet emblème : Iconographie et symbolique du blason des Compagnons Passants tailleurs de pierre  Emblème de l’architecte ; Second livre de l’Architecture de Philibert De L’Orme, éd. de 1648. « […] un compas en tortillé d’un serpen t , pour sign ifier qu’il [ l’arch itecte] doit mesu rer et com p asser to utes ses affaires et to utes ses œ uvres et ouvrages, avec une pru den ce et mûre délibéra ti on […] » Il po u rsu it : « Pru den ce, d is- je, telle que le Serpent la figure, et est commandée et recommandée par Jésu s- Ch rist en son Éva n gile, d isan t : […] c’est - à- d ire, Soyez pru dents ainsi que les serpen ts et sim ples comme les co lom bes62. » Plus loin , il précise que la palme, repr ésen t ée sur la gravu re par le palmier, est le but auqu el doit viser l’ar tisan et signifie gloire, honneur et victoire. La pr ésen ce du caducée d’Herm ès est éga lem ent exp liqu ée : il désign e le caract ère « m ercu rien » des Scien ces et des Art s. La trom pet te est pour sa part l’em blème de la ren ommée que l’artisan peut espérer de par son talen t ; les caillo u x poin tus sont le sym bole des difficultés et des ob st acles. Quan t à la « caverne ou lieu ob scu r », De L’O rme déclare qu’elle repr ésen te le lieu d’étude, de contemplation et solitude63. Nous avon s là une exp lication particu lièrem ent pertin en te de l’élément le plus curieux du blason des C.P.T.D.P., le serpent, une explication qui mon tre qu’aucun détail ne doit être négligé car porteur de sen s. Sans minimiser pour cela l’an alogie en tre le blason et la Géom étrie, le cinquième Art libéral des ancien s64, il app araît en effet que le serpent et le compas sont deux des attributs caract éristiques de la Pru den ce, vertu card in ale, dans l’icon ographie du Moyen Âge et de la Ren aissan ce. Comme le souligne Laurent Bast ard , « faut-il s’éton n er dès lors que le su rn om le plus fréqu ent chez les anciens Com p agn on s tailleurs de pierre était précisément… la Prudence ? » 65 Ce sym bole du compas et du serpent en tortillé est en to ut cas im portant pour De L’O rme puisqu’il figure égalem ent sur le bandeau de la prem ière page de son Hu itièm e Livre de l’Arch itectu re ( éd . de 1567) , en com p agnie d’autres sym bo les : le niveau , su rm onté ici d’une co lom be qui rappelle non seu lem ent le texte de Mat t h ieu mais sans do ute aussi le Sain t - Esprit – n’o u blions pas que la perpen d icu laire est 62. Matthieu, X,16. 63. Il est bien évidemment tentant de rapprocher cette caverne de ce que la franc-maçonnerie connaît sous l e n om de « cabinet de réflexion ». En tout cas, les Réceptions compagnonniques des tailleurs de pierre ont généralement lieu dans des grottes,des carrières ou des caves,autant de lieux qui peuvent représenter les entrailles de la terre dont est extraite la matière première de leur art. Quant à toutes les autres considérations symboliques relatives à la caverne, je pense qu’elles sont suffisamment bien connues des lecteurs pour ne pas m’y attarder. 6 4 . Il n’est pas à exclure que ce rapport symbolique entre com pas et serpent, ou com pas et c ad u c ée, au travers de la thématique de la Prudence ainsi que le caractère mercurien des Sciences et des Ar t s, soit plus ou moins à l’origine de la forme “ ser p en t i n e” ou “ c ad u c éen n e” qu’ affectent certains compas médiévaux (cf. l e célèbre com pas de Libergier). En tout cas, c ’ est certainem ent là la cause du fait que la plupart des beaux com pas anciens présentent, et ce jusqu’au tout début du XIXe si ècl e, une ornem entation serpentine au niveau de la jonction entre les branches et les pointes. 6 5 . Laurent Bastard, « Les Compagnons tailleurs de pierre, un compagnonnage méconnu », in Fr agments d’histoire du Compag n o n n ag e ,a r t .c i t ., p .5 2 . N ° 12 2 – av r i l 2 0 0 0  Jean-Michel Mathonière Bandeau du Huitième livre de l’Architecture de Philibert De L’Orme, éd. de 1567. « d ivin e » ; la sph ère arm illa ire – plu sieu rs hiéroglyphes des planètes sont égalem ent pr ésen t s ; le pot à feu (qui se ren con tre égalem ent qu elqu efois dans l’em blém a tique des C.P.T.D.P.) ; le bu ste d’Herm ès accom p agné du caducée et de la trom pet te de la Ren om m ée ; le bu ste de Min erve ou de Vénus (?) accom p agné de palmes ; des têtes de lion s ( em blème classique de la Force) ; et , au cen tre, dans une co u ronne de lauriers, le blason et la devise de Philibert De L’Orme. Con cernant le rapport sym bo lique en tre le compas et la Pru den ce, l’on se con ten tera ici de noter qu’il se fon de non seu lem en t sur le rapport existant en tre le cercle et la circon spection , m ais aussi sur l’usage de cet instru m ent comme moyen de prise d’une mesu re et de report exact de celle-ci – Pru den tia en latin sign ifie « l’exp érien ce ». À ce titre, il forme un emblème non seulement de la Raison mais égalem en t du pro to type, c’est - à- d ire à la fois du modèle in itial et de l’objectif à attein d re. Con join tem ent à la pr éém in en ce de la co u rbe dans la n atu re et du cercle dans la géom étrie, c’est sans do ute aussi pour cet te raison qu’il est l’em blème mêm e du Gran d Arch itecte œuvrant à la cr éa tion du Mon de dans l’icon ographie médiévale. Nous verron s d’ailleurs un peu plus loin que cette figuration prend sa source dans un texte biblique possédant d’étroits rapports avec le sujet présent. Ce rapport sym bo lique en tre com p as, serpent et Pru den ce mériterait d’être davan t age développ é, tant l’icon ographie et les textes son t abon d an t s. Mais ce serait sans aucun do ute déborder trop largem ent le cad re de cet te étu de. Aussi m e con ten terai-je d’en exp lorer seu lem en t un témoign age particu lièrem ent exp licite et intéressan t . Celui-ci vien t en effet nous fo u rnir une lu m ière nouvelle quant à un qu alificatif trad ition n el de la Maçon n erie, dès l’époque op éra tive, qu alificatif qu e nous avons déjà évoqué au su jet de l’app a rition d’une co u ronne su r certains blasons des C.P.T.D.P., celui d’« Art royal ». Rappelons brièvem ent que cet te dénom in ation est attestée dans les Old Charges et s’exp liqu erait par le fait qu e, d’une part , les rois fu rent de grands bâtisseu rs et pro tecteu rs des Maçon s, et , d ’autre part , si l’on en croit le légen d aire m açon n iqu e, par le fait que les fils de P h a ra on , con frontés à la nécessité de ga gn er leur vie par leur travail, apprirent d’Eu cli de les fon dem ents de la géom étrie et devin ren t maçons. Ces explications offrent des perspectives intéressantes, mais ne sont pas totalement satisfaisantes. Renaissance Traditionnelle Iconographie et symbolique du blason des Compagnons Passants tailleurs de pierre  Aux sources de l’Art royal Con cernant l’em blém atique de la Pru den ce, Lau ren t Bast ard cite une très belle m in iatu re d’un m anu scrit réalisé pour Louise de Savoie vers 1510, figu rant la Pru den ce avec un grand com p as. De l’autre main, elle tient un écu sur lequ el son t figurés divers em blèm es66. Parmi eux figurent notamment le serpent et une co uron n e. Presque tous les détails de la miniatu re, dont aucun n’est insign ifian t , renvoient sans aucun do ute au hu itièm e chapitre du Livre des Proverbes, relatif à la Sagesse. Ainsi, du paysage de la miniature : « N ’est - ce pas la Sagesse qui appelle? et l’intelligen ce qui donne de la voix ? Au som m et des hauteu rs qui dom in ent la ro ute, à la croisée des chemins, elle se dresse ; près des portes qui ouvren t sur la cité, sur les lieu x de passage, elle crie : “C’est vo u s, braves gen s, que j’appelle ; ma voix s’adresse à vous les hommes. Niais, apprenez la prudence, insensés, apprenez le bon sens. » (Proverbes, 8, 1-5) Ainsi encore de la plupart des emblèmes ornant l’écu : « Moi, la Sagesse, j’ai pour demeure la prudence. J’ai découvert la scien ce de l’opportu n ité. – Crain d re le Seign eu r, c’est haïr le mal. – L’or gu eil, l’arrogan ce, le chemin du mal et la bou che perverse, je les hais. Je détiens con seil et succès; à moi l’intelligence, à moi la puissance. Par moi règn ent les rois et les grands fixent de ju stes décrets. Par moi les prin ces gouvern en t et les notables sont tous de justes juges. [ …] Richesse et gloire sont avec moi, fortune séculaire et prospérité. » (Proverbes, 8, 12-18) 66. Anne-Marie Lecoq et Jacques Roubaud ont montré, dans l’étude qu’ils ont consacrée à ce manuscrit (B.n.F. mns Fr. 12247),que l’emblema ta de l’écu était largement inspiré par l’un de Mais, su rto ut , ce ch ap itre des Proverbes est d’une import an ce capitale quant à la com pr éh en sion de la vocation spiritu elle des bâtisseu rs. Car c’est en effet celui qui com porte, des versets 22 à 31, en tre autres analogies relatives à la géom étrie et à l’im port an ce de l’art de bâtir, le passage su ivant où Dieu est envisagé comme Grand Arch itecte : « Quand Il affermit les cieux, moi, j’étais là, quand Il grava un cercle face à l’abîme, […] quand Il traça les fondements de la terre. Je fus maître d’œuvre à son côté […] » ( Proverbes, 8, 27-30) ceux du Songe de Poliphile (éd.originale, Venise, 1499); cf.A.-M.Lecoq et J.Roubaud, « Les hiéroglyphes du Songe », in FMR, éd. française, n° 14, mai-juin 1988, Franco Maria Ricci éd., pp.15-42 (magnifique iconographie en couleurs). N ° 12 2 – av r i l 2 0 0 0  Le Grand Architecte. Dessin de l’auteur d’après une Bible du XIIIe s. Jean-Michel Mathonière Si l’on ad m et que ce texte bi bli que – qui est l’œuvre (réelle ou su ppo sée, peu impor te ici) de Sa lom on , le bâtisseur du temple de Jéru salem – est l’une des sources d’inspiration majeu res auxqu elles puisèrent les C.P.T.D.P., la pr ésen ce de co u ron n es “tem porelles” dans leur em blém atique po u rrait dès lors s’exp liqu er sans avoir reco u rs aux influ en ces m açon n iques (néanmoins bien r éelles en certains cas ; cf. le Rôle d ’Avi gn on de 1782) – et l’on po u rrait en ce cas plutôt parler de con flu en ce que d’influ en ce : « Par moi [la Sagesse, celle qui fut maître d’œuvre au côté du Grand Arch itecte] règn ent les rois […] Par moi go uvern en t les prin ces… » De fait, cela signifie que les C.P.T.D.P., comme les Maçon s op éra tifs brit an n iqu es, envisageaient leur « Art » comme étant « royal ». L’expression fut - elle em p loyée ? Seules de nouvelles déco uvertes docu m en t aires perm et tron t , peut - être, de répon d re à cet te qu estion qui n’est pas sans importance. En tous les cas, c’est de to ute éviden ce dans ce passage de la Bible qu’il convient de rech erch er la sign ification prem ière et exacte de l’expression « Art royal » pour désign er la Géom étrie/ Maçon n erie dans les Old Charges. II.5. Labor et Honor 67. Pour plus de détails concernant cette intéressante répartition systématique gauche/droite des thèmes du travail et de la reconnaissance de l’arrivant,cf. Travail et Honneur, op.cit., chapitre « Labor & Honor »,pp.94- 99. Renaissance Traditionnelle Le texte de Philibert De L’O rme nous amène à traiter main ten an t , pour con clu re ce tour d’horizon sym bo liqu e, de la devise figurant sur le blason des C.P.T.D.P. d ’Avign on : « Labor et Hon or ». No u s avons vu qu e, selon De L’O rm e, la palme est l’em blème de l’hon n eu r ( Hon or) auqu el doit viser l’artisan , par son travail ( Labor) . L’on po u rrait s’arr êter à ce décrypt age dont le sens coule de source. En effet , qu oi de plus normal que de voir les Com p agn on s, qu’ils soient tailleu rs de p ierre ou d’un autre métier, adopter une telle devise ? D’ailleu rs, bien que cela en soit actu ellem ent l’unique attest ation , l’on peut su ppo ser qu’il s’agit en réalité de la devise des Com p agn ons Passants tailleu rs de p ierre dans leur en sem ble et non pour Avi gn on seu lem en t , car elle po ssède un écho constant dans l’icon ographie des fron tisp ices de to u s les Rôles con nu s : ceux-ci com portent to u jo u rs, à main gau ch e, u n e repr ésen t ation d’un ou plu sieu rs tailleu rs de pierre au travail, et , à main d roite, une repr ésen t ation de deux tailleu rs de pierre procédant ou s’apprêtant à procéder à l’acco lade fratern elle – l’app arten an ce à la sociét é com p agn on n iqu e, san ctionnée par cet te acco lade, étant synonym e, d ’après les termes mêmes des recon n aissan ces ritu elles, d ’h on n eu r67. D’autres formes de cet te devise (par exemple « Hon n eur au travail ») Iconographie et symbolique du blason des Compagnons Passants tailleurs de pierre  at testent d’ailleu rs qu’il s’agit peut - être là de la devise générale des Compagnons du Devoir sous l’Ancien Régime. L’Honneur et le droit au blason Il est cependant un point qui laisse à p enser qu’il ne faut pas s’en tenir là. En effet, il est une forme de l’intitulé par lequ el se désign ent traditionnellement les C.P.T.D.P. qui est particulièrement intéressante : « Les Honnêtes Compagnons Passants tailleurs de pierre »68. L’h on n êteté ici mise en éviden ce n’est pas tant la qualité de celui qui ne com m et pas de vols et grivèleries qu e, con form ém ent à l’étym o logie du term e, celle de celui qui se conduit avec honneur. La nuance est subtile, certes, mais elle n’est pas sans avoir une gran de import an ce au regard de l’em p loi du terme « Hon n eu r » dans la devise69 . D’autant que le qu alificatif « d ’Hon n êtes Com p agn on s » est égalem ent em p loyé dans les com p agn on n a ges germ an iqu es, tan dis que la marque décernée au Com p agn on tailleur de pierre par la Bau hü tte est pr écisém ent qu alifiée de « m arque d’Hon n eu r ». L’on voit donc que la notion d’hon n eur est vérit a blem ent au cen tre de l’éthique com p a gn on n iqu e, depuis une époque assez ancienne puisqu’elle se ren con tre in différem m ent ch ez les Com p a gn ons germ an iques et fran çais, c’est - à- d ire depuis une époque rem ontant pour le moins à l’exp an sion initiale, depuis la Fran ce, du style go t h ique et que l’on peut légitim em ent su ppo ser être si ce n’est celle de la “n aissan ce” des com p agn on n ages, du moins celle où diverses racines se sont nouées pour leur don n er une forme proch e de celle qui nous est attestée aux XVIIe-XVIII e siècles. Au su jet de ces racin es, le fait que Hon or figu re ainsi en bon n e p lace dans la devise des tailleu rs de pierre su ggère qu’il a prob ablem en t existé un rapport étroit en tre Com p agn on n age et Ch evalerie à l’époqu e m éd iévale – l’Hon n eur étant le fon dem ent même de cet te dern ière. En fait , à bien con sid érer ce que nous con n aissons de l’idéal des uns et des autres, l’on peut , l’on doit même faire l’hypothèse que les com p agn onn ages étaient “à l’origin e” ni plus ni moins que des « ord res artisan au x », de la même manière qu’il existait alors des ord res ch evaleresques et des ord res religieu x. Ce prob able rapport en tre « n oble Métier » (ou « Art royal ») et Ch evalerie perm et égalem ent de don n er un autre sens au blason n em ent com p agn on n ique que celu i r ésultant du sim ple fait qu e, le blason n’étant autrefois aucunem en t r éservé à la noblesse, to ut le mon de ou presque po uvait s’en do ter, au gré de ses goûts et con n aissan ces hérald iqu es. Ce « d roit au blason » de par l’attach em ent sans faille à l’Hon n eur ch evaleresque est en core tr ès sen sible chez les Com p agn ons républicains du XIXe siècle, ainsi qu’en t ém oigne par exemple cet extrait d’une ch an son (1864) de Pierre Callas, « Languedocien l’Ami des Filles », Compagnon cordier du Devoir : « Sans être duc, baron, marquis ou comte, Nous, Compagnons, nous avons un blason. Depuis longtemps nous le portons sans honte, Car il est pur de toute trahison ! » 68. Les occurrences anciennes de cette désignation sont peu nombreuses.Elle est néanmoins attestée par le Rôle d’Avignon de 1782. 69. « En Som.théol. II-II,145,saint Thomas rattache la notion de honestas à celle d’honneur, de dignité, et il précise (art. 2) que honestum et decorum signifient la même chose et concernent la “ beauté spirituelle” (spirituali decori ), en référence à saint Augustin : “ je dénomme honnête la beauté intelligible que nous appelons proprement spirituelle” » Je cite là un extrait de la présentation par Jacques Thomas de la traduction du texte d’Ananda K.Coomaraswamy, La théorie médiéva le de la Beauté, coéd. Archè/Edidit/La Nef de Salomon, 1997. Il est intéressant de noter que, dans le vocabulaire de la scolastique médiévale, contemporaine de l’édification des cathédrales, les notions d’Honneur, d’honnêteté et de Beauté sont synonym es. L’on retrouve là encore un témoignage de l’éminente importance de l’art sacré,notamment de l’architecture. N ° 12 2 – av r i l 2 0 0 0  Jean-Michel Mathonière Le travail comme voie du Salut Il nous faut aussi dire quelques mots au sujet d e Labor, tant l’éviden ce que ce terme se rapporte au travail risque de ne pas en faire percevoir to ut le sens profon d . En effet , Labor po ssède non seu lem ent le sens de travail, mais aussi et avant to ut celui d’une action pénible. Dan s le cadre de la civilisation chrétienne, le travail est en effet porteur d’une d im en sion pén iten tielle ; so uven on s-nous de la malédiction divin e con sécutive au péché origin el : « C’est par un travail pénible que tu en tireras ta nourri tu re, tous les jours de ta vie. […] C’est à la su eur de ton visage que tu mangeras du pain […] » ( Gen èse, II, 17- 19) . Mais le Ch rist s’in carne dans la modeste famille d’un ch arpen tier et , du même co u p, bien que restant un acte de péniten ce, le travail acqu iert dans le christianisme ses lettres de noblesse. Sa dimension salvatrice – puisque, en défin itive, c’est là le but de to ute péniten ce – est d’ailleu rs bien mise en éviden ce par la devise de saint Ben o ît : Ora et labora – « Prie et trava i lle » – où, selon une herm én eutique attestée par les textes alch im iqu es, l’on rem arqu era que O ra se répète dans la secon de partie de Labora, suggérant de la sorte que le travail est une forme de prière. De fait, comme dans certaines com mu n autés mon astiques – n o t am m ent les Bénédictins auxqu els les trad itions com p agn on n iqu es at tribu ent un grand rôle quant à la genèse du Devoir des ch arpen tiers70 – l’on doit soulign er le fait que l’idéal com p agn on n ique repose avan t tout sur le travail, celui-ci étant envisagé non comme un asservissem en t mais comme une m éthode d’accom p lissem en t , un e form e active de spiritualité « engagée dans le siècle ». Com pte tenu de to ut ce que nous avons en trevu de la spiritu alit é des anciens C.P.T.D.P. au travers de la sym bo lique de leur bla son , il n’est donc rien d’étonnant à en ten d re une ancienne ch an son com p agn on n ique dire : « Il faut que leur devoir soit bien myst érieu x, au ssit ô t qu’ils sont morts, ils s’en vont droit aux cieux »71. III – QUELQUES HYPOTHÈSES Toujours le serpent… 7 0 . L’ une des variantes du légendaire compagnonnique voit en effet dans le Père Soubise, f ondateur des Compagnons Passants charpentiers, un moine bénédictin qui leur aurait enseigné le Trait . 71. Cette chanson,recueillie dans les Côtes-duNord, est citée par Paul Sébillot, in Légendes et curiosités des métiers, Flammarion,1894- 1895. 72. Laurent Bastard (i n « Les Compag n on s tailleurs de pierre, un compagnonnage méconn u» , art.cit.) s’est déjà fait l’écho de cette hypo thèse commune. Renaissance Traditionnelle En fin , pour con clu re ces qu elques aperçus sur une riche matière, il est important de faire l’hypo t h èse que deux em blèmes ch r étiens m éd iévau x, pr ésentant des caract ères serpen tiform es, sont prob ablem ent en rela ti on avec les Com p a gn ons tailleu rs de pierre et leur blason 72. No tons en effet qu e, étant adm is que les com p a gn on n a ges sont plu s an ciens que ce que laissent su ppo ser les tard ives attest ations form elles de leur existen ce, le blason qui nous occu pe ici a nécessairem ent été précédé d’autres form es. Si celles-ci nous sont incon nu es, c’est peut être to ut simplem ent parce qu’elles se pr ésen tent sous un aspect différent de celui auqu el nous sommes habitués (instru m ents géom étriqu es en trecroisés) , voire sous un aspect anod in , su sceptible de se con fon d re Iconographie et symbolique du blason des Compagnons Passants tailleurs de pierre  avec des sym boles con nus par ailleu rs. Mais le serpen t , to u jo u rs lu i, est peut-être à même de nous servir de guide. Le chrisme compagnonnique ? Le serpent app araît ainsi, p lus ou moins exp licitem en t , dans le dessin de la let tre S figurant qu elqu efois sur le ch rism e à l’époqu e rom an e, sym bole dont les con n o t ations co sm o - géom étriques ne son t pas sans rapport avec l’ésotérisme des com p agn on n ages, n o t am m en t celui des Com p agn ons Étran gers tailleu rs de pierre73. Cet te let tre S est alors l’initiale de Spiritu s, le Sain t - Esprit , dont le sym bole habitu el est la co lom be – mais le texte déjà cité de l’Évan gile selon Mat t h ieu introduit pr écisém ent un rapport en tre les deux sym bo les : « Soyez prudents comme des serpents et simples comme des co lom bes. »74 Si le sym bole du serpent est fréqu em m ent rat t aché au Mal ( Gen èse, 3, 1- 5) – et à la Con n aissan ce –, il est aussi une pr éfigu ra tion du Ch rist (cf. n o t am m ent le serpent d’airain , Nom bres, 21, 7- 9) 75. L’on notera d ’ailleu rs qu e, tenant com pte de ce qui a été dit au su jet de la relation en tre l’en trecroisem ent des instru m ents de la géom étrie et la croix, le sym bole du serpent d’airain élevé en croix offre une analogie étroite avec le serpent dressé au travers des instruments du blason. Con cernant la riche sym bolique du ch rism e, m on ogramme form é des deux prem ières let tres du nom du Ch rist en grec, X et P, au xqu elles s’ajoutent souvent l’Alpha et l’Oméga grecs ( Apocalypse, I, 8 et XXII, 13) , pr écisons que celle-ci se fon de, d’une part , sur celle des six direction s de l’espace (cf. Les Homélies clém en tin es, trad . fr. par A. Sio uville, Paris, éd . Rieder, 1933, Homélie XVII, 9, pp. 323-324) et , d ’autre part , sur la sym bo lique des let tres grecques (cf. Les Myst ères des let tres grecqu es, trad . A. Hebbelyn ck , co éd . Ist as- Lero u x, Lo uvain - Paris, 1902) . Si la po ssible con flu en ce de la sym bo lique spatiale du ch risme avec la géom étrie em p loyée par les tailleu rs de pierre coule de source, il faut noter que ce qui con cerne la scien ce des let tres, su jet beau coup plus ésotériqu e, n’est aucunem ent m oins prob a ble. En effet , l’on soulign era, d’une part, que la symbolique de l’Alpha telle qu’elle est exprimée dans l’Apocalypse prend racine dans le passage de Proverbes déjà cité (8, 2730) , où Dieu est désigné comme étant le Grand Arch itecte traçant les fon dem ents de la Cr éa tion , et qu e, d ’autre part , c’est le plus souven t par le moyen de let tres – et plus particu lièrem ent le A, su rabondant – que les tailleu rs de pierre, su rto ut à l’époque romane (celle où l’em p loi du symbole du chrisme connut son apogée), marquaient leurs travaux. Ce n’est évidem m en t pas dire que tous les ch rismes rom an s seraient autant de blasons de Com p a gn ons tailleu rs de pierre, m ais, to ut simplem en t , que ce sym bole largem ent répandu possédait po u r eux des significations plus particulières et qu’il a pu en certains cas leur servir de « blason ». Le monogramme IHS serpentiforme Si cet te prem ière hypothèse dem eu re fragile, la secon de est beaucoup plus prob an te. Le serpent app araît égalem ent dans une varian te Deux marques de tailleurs de pierre : le chrisme (sans S) et le A. Cat h éd rale de Sain t-Pau l-Trois- Ch âteaux (26), XIIe siècle. 73. C’ est sans doute sur l’ héritage des Compagnons Étrangers tailleurs de pierre que Raoul Vergez (Compagnon Charpentier du Devoir de Liberté) s’est appuyé pour mettre en relation le chrisme roman (passons charitablement sur les perspectives “ druidiques” … ) et l’alphabet des Compagnons charpentiers, qualifiant le premier du même nom traditionnel que le second, « la pendule à Salomon » (cf.le roman de R. Vergez, La Pendule à Salomon ). 74. Notons d’ailleurs que le contexte de cette citation n’est probablement pas sans rapport avec le surnom de «loups » qui était donné aux Compagnons Étrangers tailleurs de pierre par les Compagnons Passants (eux-mêmes qualifiés de « loups- garous»). Matthieu, X,16 commence en effet ainsi : « Voici que moi,je vous envoie comme des brebis au milieu des loups; soyez donc rusés [etc.]» (cité ici d’après la TOB). 75. Sur la symbolique du serpent, cf. Louis Ch ar b on n eau - Lassay, Le Bestiaire du Christ, Desclée de Brouwer, 1940 (rééd. Archè, Milan), pp.765- 790. N ° 12 2 – av r i l 2 0 0 0  Jean-Michel Mathonière Le linteau d’Utelle. peu étu d iée76 du mon ogramme IHS, sous forme d’une cou leuvre ven an t se su b stitu er à la let tre S et enlaçant les let tres IH – dont on notera qu e, dans leur graphie go t h iqu e, elles peuvent évoqu er la règle (I) et le compas (h). Un magn ifique tém oign a ge vient apporter qu elque crédibilit é à cet te hypothèse qui peut sem bl er hardie – m ais l’on soulign era , en to ut cas, qu e, au moin s à cause de leur profond attach em ent au catholicisme (du moins pour les corps dits « du Devoir ») , l’em p loi du m on ogram me IHS est particu lièrem ent fréqu ent dans l’ancien n e em blém a tique des com p a gn on n a ges. Il s’agit d’un ancien linteau de porte, datant selon to ute vraisem blan ce du XVe siècle, se situant à Utelle (Alpes- Maritim es) 77. Il com porte deux carto u ch es. Le prem ier, ca rr é, con tient un cercle inscrit en cad rant un soleil rayonnant à neu f rais, portant en son cœur le mon ogramme IHS sous une forme classiqu e. Le secon d , affectant la forme d’un carré lon g, m on tre la su ccession su ivan te, de gau che à droite : un grand serpen t en form e de S co u chée et dont la qu eue se termine par des vo lutes végétales, u n e équerre posée debout, un compas. 76. Si les études consacrées au monogramme IHS sont assez nombreuses, aucune de celles qu’il m’a été possible de consulter ne traite en détail de cette variante serpentiforme,néanmoins plusieurs fois citée. 77. Je dois la connaissance de ce linteau à un article du Pays Joël Garault, « Poitevin Toujours en Bien»,Compagnon cuisinier des Devoirs Unis,in Le Compagnonnage (journal de l’Union Compagnonnique),n°709 (juillet-août 1997),p.11. 78. Cf. Travail et Honneur , op.cit., pp.46-47 et pp.227-228.C’est là un point très important sur lequel j’espère avoir prochainement l’occasion de revenir. Nous avons là, au regard de tout ce qui a été évoqué dans les pages pr écéden tes, une repr ésen t ation particu lièrem ent stru cturée qui po u rrait bien être une ancienne forme du blason des C.P.T.D.P., in term éd iaire en tre celle du mon ogramme IHS serpen tiforme et celle qui a servi de base à cet te étu de. Si l’on ad m et que le carto u che de droite sym bolise la voie du Devoir (Labor) , la « Lu m ière » à laqu elle il mène et qui le dirige ( Honor) est ici clairement assimilée à celle de Jésus-Christ. Il sem ble par ailleu rs prob able qu e, de par la géographie de ses at test ation s, l’em p loi de cet te varian te serpen tiforme du mon ogram m e IHS doive être m is en rela tion avec l’Ord re des Ch evaliers de Sain t Jean de Jéru sa lem , lequ el sem ble bien avoir joué un rôle im port an t dans la genèse des com p agn on n ages, n o t am m ent celui du Saint Devoir des tailleurs de pierre78. Monogramme IHS serpentiforme, XVe s., Saint-Antonin-Noble-Val. Renaissance Traditionnelle Iconographie et symbolique du blason des Compagnons Passants tailleurs de pierre  Muni du compas, de la règle et de l’équerre (à l’arrière-plan du tableau ovale), ce « putti » géomètre/tailleur de pierre de Sébastien Le Clerc (XVIIe s.) nous indique la ligne « serpentine »… Hasard ou clin d’œil en passant ? EN GUISE DE CONCLUSION Q u oi qu’il en soit de la pertin en ce des hypothèses émises en dern ier lieu , ce tour d’horizon de l’icon ographie et de la sym bo liqu e du blason des Com p agn ons Passants tailleu rs de pierre nous a en to ut cas net tem ent fait pren d re con scien ce qu’il n’est désormais plus po ssible de con sid érer, comme le faisait po u rtant celui qui a le mérite d ’avoir été le père fon d ateur de l’historiographie com p agn on n ique et du Musée du Com p agn on n age de To u rs, Roger Leco t t é, que « le Com p a gn on n a ge, à l’origin e, n’est rien d’autre qu’une réaction ouvrière contre les toutes puissantes corporations de jadis qui ne réservaient qu’aux seuls fils ou alliés des maîtres l’accession à la maîtrise. »79 Com m en t , de ce point de vu e, ju stifier des hautes Ver tus ch r étiennes dont le blason des Com p agn ons Passants tailleu rs de pierre se fait le héraut ? Et comme chez les Com p agn on s, to ut se termine aussi en ch anson s, voici pour con clu re un co u p let en l’hon n eur de la fête de l’Ascen sion , com posé par Victor- Bern ard Sciandro, « La Sagesse de Bordeaux », C.P.T.D.P. : « Quand autrefois nos pères ont chanté, Dans ce beau jour du Devoir la puissance, Ils ont chanté honneur, vertu, science ; Ils ont chanté notre immortalité ; Ils ont aussi chanté l’antique gloire, Par leurs travaux, attachée à leur nom. Ayons, comme eux, une noble ambition, Et nous irons au temple de mémoire. » 79. Roger Lecotté, introduction au Guide du visiteur du Musée du Compagnonnage de Tours, s.d. (1972).C’est moi qui souligne ce présomptueux «n’est rien d’autre» qui a longtemps fermé la porte,du fait de l’autorité de Roger Lecotté, à d’autres perspectives de recherche. Au moment où cet article était presque achevé, j’ai appris le départ pour l’Orient Éternel du Pays Jean-François Thomas, « Normand l’Espérance», Compagnon sculpteur des Devoirs Unis, ancien Président de la Cayenne de Nîmes.Cet article est dédié à sa mémoire. N ° 12 2 – av r i l 2 0 0 0