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Pour une approche pulsionnelle du mana

2006, Insistance

POUR UNE APPROCHE PULSIONNELLE DU MANA Frédéric Vinot érès | Insistance 2006/1 - no 2 pages 127 à 138 ISSN 1778-7807 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-insistance-2006-1-page-127.htm Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Vinot Frédéric , « Pour une approche pulsionnelle du mana » , Insistance, 2006/1 no 2, p. 127-138. DOI : 10.3917/insi.002.0127 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour érès. © érès. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- POUR UNE APPROCHE PULSIONNELLE DU MANA Frédéric Vinot Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès La pratique d’une certaine clinique auprès de personnes en situation de précarité nous permet de rencontrer tout un public qui n’a pas complètement renoncé à se faire entendre, même si l’adresse ne se fait plus forcément auprès des spécialistes « classiques » de la santé mentale (secteur hospitalier, professionnels en cabinet, etc.). C’est ainsi que nombre de psychologues cliniciens sont amenés à pratiquer au sein de lieux d’accueil ou d’accompagnement. Ces pratiques nouvelles et incertaines dans leurs contours épistémologiques rendent indispensable une réflexion sur les fondements du lien social. Dans cette perspective les textes de Freud restent, pour les cliniciens d’orientation psychanalytique, une référence à sans cesse réinterroger. Pour Freud le procès de la civilisation est indissociable de ce qu’il appelle le renoncement pulsionnel (Triebverzicht). Cela est valable aussi bien pour les groupes humains organisés qu’au niveau individuel. Or, l’accent mis ces dernières années sur la dimension narcissique de la souffrance psychique liée aux situations de précarité et d’exclusion sociale semble laisser dans l’ombre la nécessité de maintenir une pensée vivante sur les fonctions du pulsionnel dans le lien social. À ce titre, les travaux de Michel Poizat 1 ont brillamment montré que comme tout objet pulsion- nel la voix est soumise à régulation sociale. Ces modalités de régulation diffèrent selon les lieux et les époques mais ce principe est toujours inscrit au cœur de l’organisation de toute société. C’est ainsi que « le social et ses appareils définissent très strictement les lieux, les moments, les modalités où l’on peut s’adonner à ce plaisir de la façon autorisée par la société de telle ou telle époque et de telle ou telle aire géographique et culturelle 2 ». En fait de plaisir, c’est ce que l’auteur nommera « jouissance lyrique » qui fait l’objet de cette régulation dont on aura compris qu’il l’aborde (et il a toujours été très clair sur ce point) de sa position de sociologue. Si les premiers écrits de l’auteur mettaient en évidence les types de régulation sociale de l’objet-voix, c’est à une démarche quelque peu différente qu’il s’est consacré dans son ultime ouvrage, à savoir mettre en évidence comment le social s’organisait autour de la voix. Il ne s’agissait plus seulement pour un groupe humain de contenir, de réguler une jouissance, mais au contraire de se construire autour, avec, ou de s’y dissoudre, à tel point qu’une des thèses majeures de Vox populi, vox Dei, est que la voix comme objet pulsionnel est « constitutive même du lien social 3 ». C’est dans une veine à la fois similaire et pourtant différente que j’inscrirais mon propos. * Frédéric Vinot, Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès * psychologue clinicien, Nice. vinot@mageos. com INSISTANCE N° 2 127 NE PAS AVOIR VOIX AU CHAPITRE Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès Les entretiens dans la clinique de l’insertion témoignent souvent d’une revendication à l’égard de « la société » ou d’une partie d’elle. Cette revendication se fait fréquemment sur un mode particulier : « J’ai fait des lettres de motivation, et je n’ai même pas eu une réponse, vous trouvez ça normal ? », « J’ai laissé un message à l’assistante sociale, elle ne m’a pas répondu, à quoi bon la rappeler ? », etc. Au-delà des pratiques souvent peu délicates des recruteurs, des conditions de travail encore plus souvent difficiles des travailleurs sociaux, bref au-delà de la réalité effective des démarches d’insertion sociale (voire de toute tentative subjective pour nouer un lien), le clinicien à qui est adressée cette parole peut y entendre de quel registre pulsionnel elle relève. Il semble bien que quelque chose de la dynamique de l’appel et de la réponse vienne modeler qui une plainte, qui une revendication envers le social, ou plus précisément envers l’Autre social. En d’autres termes, le sujet témoigne de ceci qu’il a ce sentiment de ne pas « avoir voix au chapitre ». La confrontation à la surdité de l’Autre se fait alors sur un mode de jouissance mortifère. Au travers de ces appels et de ces réponses dont le sujet nous relate les péripéties, la pratique clinique dans le champ de l’insertion montre que la pulsion invoquante se trouve régulièrement mobilisée par et dans les tentatives d’insertion sociale. Mon hypothèse, qui vient s’étayer sur celle de M. Poizat, est que si les représentants langagiers de l’objet-voix sont si souvent convoqués chez les sujets rencontrés dans leurs débats et déboires avec l’Autre social, c’est qu’ils relèvent un voile que notre quotidien ne permet pas de soupçonner. Ce voile porterait sur le rôle de l’objet-voix dans l’établissement et le 128 INSISTANCE N° 2 maintien d’un monde. Ainsi, j’ai été amené à m’intéresser plus particulièrement à ce que les ethnologues ont catégorisé sous le terme mélanésien de mana. Car après tout, d’une façon très générale, on pourrait comprendre le mana comme ce qui fait tenir le monde. Dans un premier temps nous prendrons donc comme point de départ Totem et tabou, en nous arrêtant sur ce qu’on pourrait appeler « la conception freudienne implicite du mana », pour ensuite nous reporter à l’une des sources de Freud, le texte historique de Marcel Mauss (« Esquisse d’une théorie générale de la magie », 1902). Dans un second temps, il nous faudra nous référer à des auteurs ultérieurs (notamment Claude Lévi-Strauss et certains psychanalystes contemporains) afin de soutenir l’hypothèse d’une approche pulsionnelle du mana. À PARTIR DE « L’EXCEPTION » Dans Totem et tabou Freud écrit que l’individu qui a transgressé le tabou devient lui-même tabou car « il éveille l’envie 4 », envie non pas endormie mais refoulée. En fait il attise l’ambivalence de son proche et induit en lui la tentation de transgresser à son tour l’interdit. Ce qui fait que la plupart des positions d’exception (Ausnahmestellungen) et états d’exception (Ausnahmezustände) sont tabous (en permanence ou temporairement) car l’homme en position d’exception « se trouve dans un état propre à exciter les désirs interdits des autres 5 ». On pourrait comprendre cette envie en ce qui concerne les positions de pouvoir ou d’autorité, positions que l’on pourrait croire bénéficier de nombreux avantages. Mais il ne s’agit pas que de cela Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès VARIA POUR UNE APPROCHE PULSIONNELLE DU MANA Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès Voilà donc une proposition étonnante pour qui se penche sur la clinique de la précarité et de l’exclusion. Car paradoxalement, même si le nombre des « exclus » augmentait sans cesse, cette position garderait son lien avec « l’état d’exception ». Autrement dit, s’il y a bien une position d’exception, c’est celle de l’exclu : le préjudice ne se partage pas. PASSAGE PAR LE PRÉJUDICE Cette exception qui se légitime d’un préjudice, P.-L. Assoun l’a nommée « syndrome d’exceptionnalité » ou « sujet du préjudice » et la tire du texte freudien « Quelques types de caractères tirés du travail psychanalytique » (1916). De quoi y est-il question ? Freud évoque dans ce texte certains moments où le patient s’indigne, se cabre, revendique avec « une motivation particulière » contre l’exigence de « renoncement temporaire à quelque satisfaction de désir 7 », exigence dictée par le traitement. De plus, cette revendication « d’être une exception » (Ausnahmen) est argumentée au nom des souffrances et des privations passées. La réponse systématique du sujet du préjudice serait, comme l’a résumée P.L. Assoun : « Nul n’a plus rien à me demander, ni à exiger de moi, compte tenu de ce que l’on – l’Autre – m’a fait 8. » Cette position subjective qui revendique son exclusion au nom du préjudice, sans être une nouvelle catégorie nosographique, se retrouve très régulièrement dans la population que rencontre le clinicien du champ de l’insertion. Le lecteur aura remarqué que Freud emploie des signifiants similaires pour désigner en 1912 l’exception des positions taboues (Ausnahmestellungen) ou des états tabous (Ausnahmezustände) et en 1916 l’exception du syndrome du préjudice (Ausnahmen). On y reviendra plus bas. À la liste des états d’exception que dresse Freud (le souverain, le mort, le nouveau-né, la femme souffrante, ainsi que « l’individu tout juste parvenu à la maturité sexuée [qui] excite par la jouissance [Genuss] nouvelle qu’il promet 9 »), je propose donc de rajouter celui de l’exclu. Il ne s’agit pas là du sujet (qu’est-ce que serait un « sujet exclu » ?), mais plutôt d’une « figure » de l’exclu comme le sont dans la liste freudienne « le » nouveau-né, « le » souverain, etc. Cette hypothèse de P.-L. Assoun sur le syndrome d’exception, nous allons la voir s’étoffer à la lumière de la conception du mana, tel que Freud l’évoque rapidement dans Totem et tabou. LE MANA CHEZ FREUD En effet, si l’on adopte la logique freudienne, la détresse propre à ces situations d’exception ne serait pas d’entrée source de détournement, d’évitement, mais bien plutôt d’excitation ! Sur le mode ethnologique, entendons : ces positions seraient, elles aussi, détentrices de cette force mystérieuse et dangereuse que les ethnologues des systèmes totémistes ont baptisée mana 10. Comment comprendre que la position d’exclusion puisse susciter l’excitation ? Quelle INSISTANCE N° 2 129 Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès car Freud remarque que « le mort, le nouveau-né, la femme dans ses états de souffrance excitent (reizen) par leur désaide (Hilflosigkeit) particulier 6 ». Ces personnes en état ou situation d’exception seraient donc taboues en ce qu’elles éveillent à la tentation… « tentation » représente-t-elle ? Cela semble défier toute raison, du moins toutes les représentations courantes que « l’exclu » évoque imaginairement et qui auraient plutôt tendance à provoquer un sentiment de rejet ou d’évitement, voire de dégoût. Or, la psychanalyse parle, elle, d’excitation… Comment soutenir cette curieuse assertion ? Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès Nous trouvons une première piste dans cette remarque d’Alain Didier-Weill : « Le sujet peut choisir, sans être fou pour autant, “l’être” de déchéance. Celui que l’on nomme “clochard” le démontre : il est celui qui, choisissant de montrer ce que la loque humaine a de monstrueux, est notre frère 11. » Ici, il y a à rappeler un axe de toute pratique clinique se soutenant de la psychanalyse dans le champ de l’insertion : quelles que soient les conditions économiques et sociales dans lesquelles l’individu évolue et sur lesquelles, bien souvent, il ne peut pas grand-chose, il y a toujours un point où le sujet 12 se manifeste et tente de se faire entendre, un point où l’on peut parler d’un choix inconscient à la précarité. C’est en ce sens qu’A. Didier-Weill parle d’un sujet qui fait le choix de l’être de déchéance, le choix d’incarner le déchet de l’Autre social. Et c’est à rencontrer ces sujets qui se veulent déchets que consiste la clinique de ces pratiques. Or que se passe-t-il lorsque la proximité avec le déchet augmente ? Que se passe-t-il lorsque celui qui a choisi l’être de déchéance, lorsque celui qui se veut être l’objet a de l’Autre social, surgit dans le monde dans un rapport de proximité tel qu’il nous « touche » (dans tous les sens du terme) ? Certes l’angoisse apparaît, mais également le spectre de la Jouissance. Le contact avec le déchet, avec le tabou, est risque de jouissance et est donc, à proprement parler, source d’excitation 130 INSISTANCE N° 2 intolérable. En ce sens, on peut comprendre métapsychologiquement comment et pourquoi l’exclu excite. La reprise de Totem et tabou nous permettra peut-être d’avancer sur cette étrange tentation de la Jouissance que représente l’exclu. En effet, Freud en vient à poser que « l’expiation de la transgression du tabou par un renoncement démontre que l’observance du tabou a pour fondement un renoncement 13 ». Ainsi, celui qui est tabou, celui qui (réellement ou non) a transgressé le tabou, est celui qui a cédé sur un renoncement. C’est en cela que le terme de « jouissance », utilisé dans le texte freudien sous le signifiant « Genuss 14 », paraît particulièrement approprié : l’individu tabou est celui qui n’a pas respecté le nécessaire renoncement. C’est à strictement parler ce que Lacan développera sous le concept de Jouissance. Nous prenons alors le risque de cette déduction : le mana serait ainsi en lien avec ce que Freud appelle « pulsion ». En effet, tout se passe comme si le mana se déchaînait (par sa caractéristique de se transférer d’un être à un autre) suite à la transgression, suite au manquement au renoncement. Or, le renoncement porte avant tout sur le pulsionnel, comme Freud ne cessera de le rappeler (Triebverzicht). Par ces rapprochements, nous ne disons pas de suite que le mana est la pulsion. Il serait plus prudent d’avancer dans un premier temps que le mana serait le nom donné socialement et symboliquement à la perception interne de cette étrange et mystérieuse force du « ça 15 ». Pour appuyer cette hypothèse, il faudra nous référer plus bas au matériel anthropologique dont disposait Freud à l’époque. Pour l’instant, contentons-nous de relever que la façon dont Freud aborde le mana se rapproche indéniablement de la façon dont il élabore le pulsionnel. Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès VARIA PULSION <TRAUMA> SOCIAL Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès Autre point que je rajoute au crédit de cette hypothèse : Freud prend très souvent soin de présenter le déchaînement (ou le transfert) du mana en termes quantitatifs. Par exemple : « les souverains ont un mana plus puissant que les prêtres qui, eux-mêmes, ont un mana plus puissant que les gens du peuple » 16. On voit ici comment c’est en terme quantitatif que les choses sont pensées. On pourra trouver également un autre exemple dans la métaphore de la décharge électrique : « [les personnes ou choses taboues] sont le siège d’une force terrible qui se communique par toucher et dont la déliaison (entbinden) a des effets funestes quand l’organisme qui provoque la décharge est trop faible pour lui résister 17. » On le constate dans ces deux exemples, Freud approche la violence contagieuse inhérente au mana sous un angle économique, c’est-à-dire quantitatif. Or, sur un plan plus métapsychologique, nous sommes également exactement dans la période où Freud appréhende la théorie du trauma sous l’angle principalement économique, avec l’effraction du « pare-excitation ». Rappelons-nous une des définitions que Freud donne du trauma : « Nous nommons ainsi un événement qui apporte à la vie psychique en un court laps de temps une augmentation d’excitation (Reizzuwachs) si puissante que l’élimination ou l’élaboration de celle-ci de la façon normale et habituelle échoue 18. » N’y a-t-il pas ici une étrange familiarité avec la phrase citée ci-dessus ? Les ressemblances entre transmission du mana et trauma sont tout de même surprenantes. Tentons d’en dresser la liste : a) non seulement les descriptions des processus sont sensiblement les mêmes : – la métaphore de la décharge électrique et l’augmentation traumatique lors du court laps de temps sont point par point superposables ; – l’effraction du « pare-excitation » et le contact par toucher évoquent tous deux un rapprochement insupportable aux conséquences redoutables ; b) mais les signifiants freudiens se mettent également de la partie : – on retrouve le signifiant « excitation » à la fois dans l’effet induit par la position de « désaide » des sujets en position d’exception (reizen), mais aussi dans la définition freudienne du trauma (Reizzuwachs) ; – l’Ausnahme est le même signifiant qui vient nommer l’exception du tabou et l’exception de l’exclu comme préjudicié ; – et que dire de la « déliaison » (entbunden) du mana qui ferait suite à sa transmission chez un organisme trop faible pour le contenir, lorsque l’on sait que la déliaison pulsionnelle (conceptualisée comme Entbindung 19 par Freud) est l’effet traumatique par excellence ? Bref, tout se passe comme si nous nous trouvions en face de deux processus extrêmement proches l’un de l’autre, du moins tels que Freud se les représente et les écrit. Il s’en déduit à la lumière freudienne que le rôle du pulsionnel dans l’institution et l’inscription du lien social ne peut se comprendre dans sa complexité sans le concept-poinçon 20 qui vient en articuler les rapports, à savoir le trauma. Le trauma non pas sous la forme que lui donne l’imaginaire collectif actuel 21 et qui est assigné comme cause de la souffrance psychique 22, mais bien sous celle que la psychanalyse lui donne, c’est-à-dire cette fonction qui peut-être aussi bien structurante (« le refoulement est une action psychique traumatique 23 »), que déstrucINSISTANCE N° 2 131 Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès POUR UNE APPROCHE PULSIONNELLE DU MANA VARIA Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès Essayons maintenant de synthétiser ce que nous tentons difficilement de cerner au travers de tous ces rapprochements : 1. Il y aurait communauté entre les positions d’exception relevant du tabou et la position d’exclusion, et ce par le biais du « sujet du préjudice » comme maintien et revendication d’une exception idéalisée ; 2. Cette position représenterait une « tentation » allant à l’encontre du système social. Cette tentation est en fait, selon nous, un appel au non-renoncement pulsionnel ; 3. Le transfert par contagion de mana, qui justement représente la punition pour avoir transgressé le tabou, se présente exactement comme le trauma, par une effraction d’ordre économique ; 4. Or le trauma a justement pour effet la déliaison pulsionnelle. Autrement dit, tout comme la pulsion, le mana est ce sans quoi le social ne saurait tenir et qui pourtant représente le plus grand des dangers. De plus, par le biais de l’étrange similitude entre le transfert du mana d’une part, et le traumatisme comme déliaison pulsionnelle d’autre part, nous sommes menés à supposer chez Freud une parenté entre ses conceptions du mana et du pulsionnel. Si cette hypothèse s’avère juste, nous devrions pouvoir en retrouver quelques traces (ou échos) dans les recherches ethnologiques, que ce soit celles sur lesquelles Freud pouvait en son temps s’appuyer, ou celles qui en ont 132 INSISTANCE N° 2 découlé plus tard. En ce sens, le recours aux textes de Marcel Mauss et ceux de Claude Lévi-Strauss s’avèrent du plus grand intérêt. LE MANA SELON MARCEL MAUSS La notion de mana a joué un rôle décisif dans le texte de M. Mauss « Esquisse d’une théorie générale de la magie » (1902). Freud en avait pris connaissance et le cite dans Totem et tabou. Commençons par en donner l’usage maussien. Mauss indique que le mot mana est commun à toutes les langues mélanésiennes et est bien en peine de pouvoir en donner rapidement une définition exacte tant ses usages et significations sont multiples : « Le mana n’est pas simplement une force, un être, c’est encore une action, une qualité et un état. En d’autres termes, le mot est à la fois un substantif, un adjectif, un verbe. […] Il réalise cette confusion de l’agent, du rite et des choses qui nous a paru être fondamentale en magie 24. » Qu’on juge par cette citation du foisonnement des usages linguistiques et symboliques de la notion de mana. Face à cette profusion, Mauss réussit à proposer un triptyque (qualité – substance – force) qui lui permit d’établir un premier repérage : – le mana peut être une qualité différente de la chose. On dit alors qu’une chose est mana (ce peut être une qualité comme lourd, puissant, chaud, étrange, indélébile, extraordinaire, etc. selon les régions) ; – le mana peut être une substance, une essence maniable, qui possède certaines caractéristiques comme l’indépendance (séparée du monde concret puisque dépendant du registre des esprits) et la transmission par contagion. On retrouve ici le même terme que chez Freud. Le mana comme substance se Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès turante, avec son effet de désunion pulsionnelle. Le trauma, comme concept, fait donc poinçon entre la pulsion et le social. On comprend dès lors que le mana, considéré comme ce que le social pressent de la pulsion, soit forcément articulé au trauma. POUR UNE APPROCHE PULSIONNELLE DU MANA Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès Par ailleurs, la notion de mana est associée à toute la dimension rituelle : c’est la force du magicien mais aussi la force du rite. On donne même le nom de mana à la formule magique ou à l’incantation. Ainsi, le statut du mana n’est pas simple puisqu’il est « est à la fois surnaturel et naturel, puisqu’il est répandu dans tout le monde sensible, auquel il est hétérogène et pourtant immanent […] il nous est donné comme quelque chose de mystérieux mais encore de séparé 25 ». Mauss ne craint pas de continuer à élargir le sens de ce mot puisqu’il écrit que « le mana est la force par excellence, l’efficacité véritable des choses, qui corrobore leur action mécanique sans l’annihiler. C’est lui qui fait que le filet prend, que la maison est solide, que le canot tient bien à la mer 26 ». Pour résumer, le mana est ce qui permet d’attribuer un sens au réel du monde, c’est ce qui fait tenir le monde. On le voit la notion de mana telle que Mauss la développe est bien plus élargie que ce qu’en dit Freud dans Totem et tabou, qui la restreint principalement à ses liens avec le tabou. Or cette notion de mana, Mauss et ses contemporains ne la repèrent pas qu’en Mélanésie, mais également dans bien d’autres régions de la planète : chez les Malais des Détroits (sous le nom de kramât), chez les Ba-hnars de l’ex-Indochine française (Deng), à Madagascar (hasina), au Mexique et en Amérique centrale (naual), et chez les Iroquois ou Hurons (orenda). C’est ce dernier exemple qui va nous occuper plus spécifiquement. L’ORENDA : LA VOIX CAUSE PAR EXCELLENCE Parmi ses usages et significations, l’orenda (tel qu’il est présenté par Mauss dans son texte) met en avant une particularité qui attire notre attention. S’appuyant sur les travaux de J.N.B. Hewitt 27, un ethnographe amérindien, Mauss reprend : « L’orenda est le son qu’émettent les choses ; les animaux qui crient, les oiseaux qui chantent, les arbres qui bruissent, le vent qui souffle expriment leur orenda. De même la voix de l’enchanteur est de l’orenda. L’orenda des choses est une sorte d’incantation. Justement, le nom huron de la formule orale n’est autre qu’orenda, et d’ailleurs orenda signifie, au sens propre, prière et chants […] Mais si l’incantation est l’orenda par excellence, M. Hewitt nous dit expressément que tout rite est aussi orenda 28. » On voit donc ici que la dimension sonore et vocale semble particulièrement mise en exergue par le système iroquois, et le lecteur commencera peut-être à faire un lien avec la pulsion invoquante, celle dont l’objet est la voix. Mais voici qui va nous intéresser encore davantage. Pour rendre compte du rôle de l’orenda dans le système de causalité iroquois, Mauss écrit : « La cigale est appelée le mûrisseur de maïs, car elle chante les jours de chaleur, c’est que c’est son orenda qui fait venir la chaleur, qui fait pousser le maïs ; le lièvre “chante” et son orenda a pouvoir sur la neige 29. » Au-delà de l’évocation puissamment poétique de ce système de causalité littéralement fondé sur le chant, c’est bien une nouvelle fois la dimension vocale qui apparaît ici et c’est ce qui permet à Mauss d’écrire : « Ces textes nous donnent en outre une idée de la façon dont les Iroquois se INSISTANCE N° 2 133 Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès manifeste également par certains événements matériels, par exemple « le bruit dans les feuilles » ; – enfin, le mana est une force, celle des êtres spirituels, des ancêtres et des esprits de la nature. Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès représentent la causalité. Pour eux, la cause par excellence, c’est la voix 30. » Le système de causalité universelle des Hurons (tel que Mauss et Freud y avaient accès) reposerait donc sur la voix. C’est, selon nous, une façon de dire que la voix est ce qui fait tenir ensemble les choses, puisque l’orenda unit différents termes apparemment hétérogènes dans des classifications symboliques. Ici c’est donc la voix qui fait lien. Lien non seulement social, mais également causal. C’est la voix qui fait tenir le monde. On ne pouvait pas trouver meilleur exemple de ce que notre intuition commence à repérer comme une véritable fonction centrale de l’objet voix 31 dans le lien social. Nous voilà donc revenus, par ce détour amérindien, à l’hypothèse plus haut mentionnée, celle d’une notion type mana très proche de la pulsion freudienne. Certes, le rapprochement pourra peutêtre paraître périlleux mais nous pensons l’avoir déjà bien assuré au travers de notre lecture de Totem et tabou, ainsi qu’avec cette conception de l’orenda. Pour poursuivre cette piste, n’hésitons pas à continuer notre parcours autour du mana et à aborder maintenant ce qu’en a dit Claude Lévi-Strauss. CLAUDE LÉVI-STRAUSS : POUR UNE AUTRE APPROCHE DU « SIGNIFIANT ZÉRO » Dans sa préface à Marcel Mauss, Claude LéviStrauss est revenu sur la notion de mana pour en donner sa propre théorisation, forgée à la pratique de la linguistique structurale. Depuis Mauss, les conceptions de type mana se sont en effet révélées si fréquentes et si répandues qu’elles ne sont plus du 134 INSISTANCE N° 2 tout l’indice caractéristique de certaines civilisations, ou stades civilisationnels 32. Et Lévi-Strauss de prendre l’exemple dans notre langue des mots comme « truc » ou « machin » qui, dans différentes expressions, recèlent les idées de pouvoir, d’adresse, de hasard ou encore de charme indéfini (c’est-à-dire de tentation) 33. Nous avions vu plus haut comment M. Mauss pressentait que le mana était ce qui faisait lien. Mais pour les ethnologues du courant structuraliste, l’ordre est précis : ce lien ne se fait pas dans un second temps, il n’y a pas d’abord les éléments différents qui sont ensuite liés. En effet, contrairement à ce qu’une compréhension hâtive de la notion de mana pourrait laisser croire, « le jugement magique, impliqué dans l’acte de produire la fumée pour susciter les nuages et la pluie, ne se fonde pas sur une distinction primitive entre nuage et pluie, avec appel au mana pour les souder l’un à l’autre, mais sur le fait qu’un plan plus profond de la pensée identifie fumée et nuage, que l’un est la même chose que l’autre, au moins sous un certain rapport, et cette identification justifie l’association subséquente, non le contraire. Toutes les opérations magiques reposent sur la restauration d’une unité, non pas perdue (car rien n’est jamais perdu), mais inconsciente, ou moins complètement consciente que ces opérations elles-mêmes 34 ». Rien n’est-il jamais perdu ? Là n’est pas la question. Le point dans lequel nous trouvons une nouvelle occasion de rapprocher mana et pulsion est plutôt ailleurs. En effet, Lévi-Strauss évoque la « restauration d’une unité ». Or, en lieu et place du mot d’« unité » (probablement adéquat à la pensée ethnologique), la clinique nous pousse inexorablement à proposer celui de « flux ». La citation de Lévi-Strauss met bien Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès VARIA Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès en relief une sorte de continuum qui relie structurellement différents éléments complètement hétérogènes à première vue. C’est selon nous plutôt d’un flux 35 dont il est question avec le mana, un « flux constant » faisant tenir le monde selon un groupe social. Nous n’hésitons pas à qualifier ce flux de constant car le mana ne peut disparaître puisque c’est sur lui et grâce à lui que repose le système de causalité. Or, avec ce « flux constant », nous nous rapprochons explicitement de la façon dont Freud décrit la source de la pulsion, excitation perpétuelle à laquelle l’homme ne peut se soustraire. C’est en effet sous l’ascendant du flux continu que Freud présenta la pulsion : « Par pulsion, nous ne pouvons, de prime abord, rien désigner d’autre que la représentance psychique d’une source endosomatique de stimulations, s’écoulant de façon continue, par opposition à la stimulation, produite par des excitations sporadiques et externes 36. » À nouveau, pulsion et mana laissent ici entrevoir leur fraternité. On trouvera un autre point de rapprochement (peut-être le plus sujet à controverse) entre le mana et la pulsion dans la célèbre définition de celui-là auquel aboutit Lévi-Strauss comme « symbole à l’état pur, susceptible de se charger de n’importe quel contenu symbolique », ou « valeur symbolique zéro, signe marquant la nécessité d’un contenu symbolique supplémentaire à celui qui charge déjà le signifié 37 ». Au sujet de cette définition, la plupart des commentateurs insistent sur l’aspect « signifiant flottant » ou « signifiant zéro 38 ». Or, c’est sur une autre dimension que je m’appuierai pour faire valoir mon hypothèse : à plusieurs reprises, Lévi-Strauss insiste en effet sur l’apport supplémentaire propre à ce signifiant zéro. Je le cite : « Dans son effort pour comprendre le monde, l’homme dispose toujours d’un surplus de signification […]. Cette distribution d’une ration supplémentaire […] est absolument nécessaire pour qu’au total, le signifiant disponible et le signifié repéré restent entre eux dans le rapport de complémentarité qui est la condition même de l’exercice de la pensée symbolique. Nous croyons que les notions type mana représentent précisément ce signifiant flottant 39. » Il nous semble que cela pourrait tout à fait s’envisager dans la proposition lacanienne de « plus-dejouir » insignifiable, c’est-à-dire en objet a. Une sorte de valeur ajoutée suite à l’inscription d’un zéro, d’un vide, d’une absence, d’un manque. C’est d’ailleurs dans des termes tout à fait comparables que Lévi-Strauss évoquera dans son Anthropologie structurale « l’institution zéro ». Le concept d’institution zéro peut être compris comme une sorte de « contrepartie institutionnelle au mana 40 ». Il s’agit d’une institution n’ayant « aucune propriété intrinsèque sinon d’introduire les conditions préalables à l’existence du système social dont elles relèvent, auquel leur présence – en elle-même dépourvue de signification – permet de se poser comme totalité. La sociologie rencontrerait ainsi un problème essentiel, qui lui est commun avec la linguistique, mais dont elle ne semble pas avoir pris conscience sur son propre terrain. Ce problème consiste dans l’existence d’institutions dépourvues de sens, sinon d’en donner un à la société qui les possède 41 ». Une fois de plus, on retrouve cette fonction propre à l’objet a d’être ce qui, par une valeur uniquement négativée, permet à une consistance de se mettre en place. Lacan n’indique-t-il pas que l’objet a est tour à tour ce qui divise le sujet et ce qui l’unifie 42 ? INSISTANCE N° 2 135 Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès POUR UNE APPROCHE PULSIONNELLE DU MANA RETOUR À LA VOIX Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès Ainsi, mettre l’accent sur une interprétation pulsionnelle du mana c’est mettre en évidence ce fait : le pulsionnel est nécessaire à double titre : pour faire tenir le monde dans un flux constant, et pour faire tenir les hommes ensemble notamment grâce à ce flux particulier dont les Iroquois ont remarquablement eu la prescience : la voix. Car enfin, ne peut-on pas rapprocher ce signifiant dépourvu de toute signification de la définition que J.-A. Miller donne de l’objet-voix comme « tout ce qui du signifiant ne concourt pas à l’effet de signification 43 » ? À ce point de notre argumentation, on se tournera vers l’interprétation de Markos Zafiropoulos. Ce dernier fait du signifiant flottant l’équivalent mélanésien du Nom-du-père du début de l’enseignement de Lacan (en ce qu’il permet à la pensée symbolique de s’exercer). Mais l’ombre de la pulsion n’est-elle pas finalement ce que l’on retrouve chez M. Zafiropoulos lorsque après avoir cité les travaux de M. Mauss sur l’orenda et la voix comme cause par excellence, il écrit : « Comment mieux souligner ce qui, dans les faits mythiques, magiques ou religieux, revient à cette voix du père mort que Lacan inscrit en 1953 dans la notion de nom du père 44… » ? A. Didier-Weill, quant à lui, propose une interprétation très voisine puisqu’il écrit : « Le signifiant excédant le signifié que la psychanalyse reconnaît comme signifiant du Nom du père [est ce que] Lévi-Strauss, à notre avis, a reconnu […] comme ce signifiant mana qu’il interprète comme ce point énigmatique du langage où surgit un signifiant auquel nul signifié ne peut être alloué 45. » Alors, le mana : Nom-du-père ou pulsion ? Il est possible que les deux possibilités ne soient pas 136 INSISTANCE N° 2 contradictoires. Pourquoi une notion aussi protéiforme et complexe ne devrait-elle renvoyer qu’à un concept ? Néanmoins, cela nécessiterait une articulation que nous ne pouvons pas nous permettre ici. Ce qui nous importe aujourd’hui, c’est de mettre en valeur une facette du mana finalement peu reconnue. Car cette voix du père mort, invoquée par M. Zafiropoulos, pointe bien (une fois de plus) cette dimension pulsionnelle du mana, jusqu’à présent si peu mise en exergue. Car c’est bien cette voix du père mort qui, même si elle n’est pas explicite chez Freud, signe l’appel au renoncement pulsionnel. En effet, il n’y a de renoncement pulsionnel à proprement parler qu’à partir du meurtre du père, mythe central et organisateur de Totem et tabou. Parler de la voix du père mort, c’est implicitement parler du pulsionnel et des avatars de son renoncement. Ce long parcours autour du mana nous permet de comprendre l’étonnante insistance avec laquelle les représentants langagiers de la pulsion invoquante surgissent chez les sujets en proie à la jouissance de la surdité de l’Autre social et au tropisme inconscient pour la précarité. Pour résumer les choses un peu abruptement, on pourrait dire que jouir d’un Autre sourd pourrait être un autre nom du déchaînement pulsionnel dû au transfert de mana. NOTES 1. Cf. L’opéra ou le cri de l’ange, La voix du diable, ou La voix sourde. 2. M. Poizat, L’opéra ou le cri de l’ange, Paris, Métailié, 2001, préface p. II. 3. M. Poizat, Vox populi, vox Dei, Paris, Métailié, 2001, p. 17. 4. S. Freud, Totem et tabou, Œuvres complètes, vol. XI, Paris, PUF, 1998, p. 235. Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès VARIA Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès 5. Ibid. 6. Ibid., p. 236. 7. S. Freud, « Quelques types de caractères tirés du travail 16. S. Freud, Totem et tabou, ibid., p. 222. 17. Ibid. 18. Selon la traduction personnelle de P.-L. Assoun (« Le trauma psychanalytique », dans Œuvres complètes, vol. XV, Paris, PUF, 1996, p. 16. 8. P.-L. Assoun, Le préjudice et l’idéal, Paris, Anthropos, 1999, p. 10. 9. S. Freud, Totem et tabou, op. cit., p. 236. 10. Que l’on se contente pour l’instant de cette première approche : « Mana » est un mot d’origine mélanésienne désignant une force supérieure et impersonnelle répandue dans la nature et logeant dans certains êtres et certains objets, et qui possède cette fameuse capacité de se transmettre, ou de se « transférer » (A. Rey, Dictionnaire historique de la langue française, t. II, op. cit., p. 1177). Cette notion sera développée et approfondie plus bas. 11. A. Didier-Weill, Les trois temps de la Loi, Paris, Le Seuil, 1995, p. 216-217. 12. Nous rappelons ici la distinction princeps entre individu et sujet : alors que le premier, in-divis, n’est pas divisé (c’est l’humain quand il se pense débarrassé des manifestations de l’inconscient), le second est le sujet du désir inconscient qui justement se manifeste dans ce qui échappe à toute prétention de maîtrise de l’humain par lui-même. En ce sens, le sujet est assujetti à une certaine division. 13. S. Freud, Totem et tabou, op. cit., p. 238. 14. P. Valas, à propos du terme « Genuss » chez Freud, note : « Ce sont les plaisirs extrêmes, la joie intense, la jubilation, l’extase ou la volupté pour lesquels il [Freud] utilise le plus souvent du terme « Genuss » (traduit par « jouissance ») et souligne leur caractère d’excès par rapport au principe de plaisir, dont la barrière est franchie dans ce cas. Ces manifestations peuvent être éprouvées comme sensations douloureuses, allant jusqu’à la répulsion, le dégoût ou l’horreur dans la mesure où le sujet n’arrive pas à s’en détacher. Il y a sans aucun doute dans l’élaboration de la pulsion de mort une approche de la jouissance que Freud ne conceptualise pas mais dont il cerne le champ en traçant la frontière qui la situe au-delà du plaisir. C’est ce qui constituera le point de départ de Lacan pour définir la jouissance. » (P. Valas, Les dimensions de la jouissance, Toulouse, érès, coll. Scripta, 1998, p. 40.) 15. Si l’on accepte cet anachronisme, rappelons d’un côté que le mana est très souvent en lien avec une dimension quotidienne du mysticisme, et de l’autre que Freud définira en 1938 le mystique comme « l’obscure autoperception du royaume extérieur au moi, du ça », dans S. Freud, Résultats, idées, problèmes II, Paris, PUF, 1985, p. 288. à l’épreuve de la métapsychologie », dans Psychiatrie française, vol. XXX, nov. 1999). Cette traduction a notamment le mérite de mettre en valeur le terme « excitation », déjà rencontré au sujet du tabou, ce que ne fait pas l’équipe des Œuvres complètes en traduisant le même terme, Reizzuwachs, par celui de « stimulus » (Œuvres complètes, vol. XIV, Paris, PUF, 2000, p. 285). 19. Dès 1895, dans « L’esquisse d’une psychologie scientifique », l’Entbindung (déliaison) est opposée à la Bindung (liaison). Freud la déploie dans toutes les dimensions, que ce soit déliaison ou libération de plaisir, de déplaisir, d’excitation sexuelle, d’affect, ou d’angoisse. Cf. J. Laplanche et J.-B. Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, 1988, p. 222. 20. En parlant de « poinçon », je fais évidemment référence à l’usage qu’en fait J. Lacan dans ses formules, notamment celle de la pulsion : $<>D. À noter que lorsqu’il en fait usage à partir de 1964-1965, c’est pour mettre en valeur les rapports de conjonction/disjonciton et inclusion/exclusion (cf. Séminaire Les problèmes cruciaux pour la psychanalyse, inédit, séance du 03.03.1965). 21. Ce que P.-L. Assoun appelle le « pantraumatisme », dans « Le trauma à l’épreuve de la métapsychologie », op. cit. 22. Cf. F. Vinot, « Politiques de la souffrance psychique et idéologie de l’insertion », dans Cliniques méditerranéennes n° 72, Toulouse, érès, 2005, p. 173-184. 23. P.-L. Assoun, ibid. 24. M. Mauss, « Esquisse d’une théorie générale de la magie », dans Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, coll. Quadrige, 1999, p. 101. 25. Ibid., p. 104-105. 26. Ibid., p. 104. 27. J.N.B. Hewitt (1859-1937), ethnographe huron, sur lequel Mauss s’appuie notamment pour son article « Orenda and a définition of Religion », dans American Anthropologist, 1902, vol. 4 (4), p. 33-46. 28. M. Mauss, ibid., p. 106-107. 29. Ibid., p. 107. 30. Ibid. 31. Plus bas dans le même texte, M. Mauss évoque également le terme « brahman », notion fondamentale du panthéisme hindou, qui « veut dire prière, formule, charme, rite, pouvoir magique ou religieux, c’est aussi le nom du prêtre […] Le bràhman est ce par quoi agissent les hommes et les dieux et c’est, plus spécialement, la voix », ibid., p. 110. 32. Ibid., p. XLIII. INSISTANCE N° 2 137 Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès POUR UNE APPROCHE PULSIONNELLE DU MANA VARIA réalité, où se passent les rites, où le magicien pénètre, qu’animent les esprits, que sillonnent les effluves magiques », M. Mauss, op. cit., p. 111. 36. S. Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle, Paris, Gallimard, Folio/Essais, 1987, p. 83. 37. C. Lévi-Strauss, ibid., p. L. 38. Sur la reprise psychanalytique du signifiant zéro, lire par exemple M. Zafiropoulos, Lacan et les sciences sociales, Paris, PUF, 2001, p.217 ; S. Zizek, La subjectivité à venir, Castelnau-leLez, Climats, 2004, p. 112-114 ; ou encore A. Didier-Weill, Invocations, Paris, Calmann-Lévy, 1998, p. 170-171. Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès 138 INSISTANCE N° 2 39. C. Lévi-Strauss, ibid., p. XLIX. C’est nous qui soulignons. 40. Nous reprenons cette idée de S. Zizek, dans La subjectivité à venir, op.cit., p. 112. 41. C. Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, Paris, Presses Pocket, 1985, p. 185. 42. Nous reprenons cette indication de E. Porge, Jacques Lacan, un psychanalyste, Toulouse, érès, 2000, p. 176. 43. J.-A. Miller, « Jacques Lacan et la voix », dans La Voix, Paris, La Lysimaque, 1989, p. 180. 44. M. Zafiropoulos, Lacan et les sciences sociales, Paris, PUF, 2001, p. 218. 45. A. Didier-Weill, Invocations, op. cit., p. 170-171. Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_nice - - 134.59.1.109 - 29/08/2011 16h07. © érès 33. Ibid., p. XLIV. 34. Ibid., p. XLVI-XLVII. 35. M. Mauss évoque quant à lui « une sphère superposée à la