Recherche et formation
67 | 2011
Former les universitaires en pédagogie
Vial Michel. Le travail des limites dans la relation
éducative. Aide ? Guidage ? Accompagnement ? Analyses
de pratiques
Monica Gather Thurler
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/rechercheformation/1466
DOI : 10.4000/rechercheformation.1466
ISSN : 1968-3936
Éditeur
ENS Éditions
Édition imprimée
Date de publication : 1 juillet 2011
Pagination : 173-174
ISBN : 978-2-84788-330-5
ISSN : 0988-1824
Référence électronique
Monica Gather Thurler, « Vial Michel. Le travail des limites dans la relation éducative. Aide ? Guidage ?
Accompagnement ? Analyses de pratiques », Recherche et formation [En ligne], 67 | 2011, mis en ligne le
01 mai 2011, consulté le 10 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/
rechercheformation/1466 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rechercheformation.1466
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Notes critiques & lectures
Les cinq autres contributions, qui concernent
les autres secteurs, enseignement supérieur et
formation des adultes, ou les didactiques spécialisées, restent sagement dans leurs frontières
cognitives, identitaires et professionnelles, et ce,
même lorsqu’elles traitent de notions intersectorielles, comme celle de rapport au savoir. Rien
d’étonnant à cela : interroger les savoirs professionnels dans ce lieu central de la construction
identitaire qu’est la formation professionnelle
initiale, c’est affronter toutes les défenses et
barrières identitaires qui empêchent même leurs
formateurs d’en sortir.
Aussi faut-il savoir gré aux deux auteurs,
Rita Hoffstetter et Bernard Schneuwly d’avoir
osé aborder collectivement une question aussi
difficile et controversée et de l’avoir circonscrite
et si bien problématisée dans leur introduction. Ils
reconnaissent que certes, « l’évolution et l’expansion des systèmes d’enseignement et de formation
diversifient les professionnels qui y œuvrent ».
Mais ils ajoutent que l’augmentation à la fois des
qualifications exigées et des savoirs pour enseigner, qui leur sont en partie communs, tend à les
unifier. C’est, avec d’autres nuances, à ce même
constat qu’aboutit V. Lang dans sa conclusion.
raymond bourdoNcle
université Charles-de-Gaulle-Lille 3
Vial Michel (dir.) (2010)
Le travail des limites dans la relation
éducative.
Aide ? Guidage ? Accompagnement ?
Analyses de pratiques
Paris : L’Harmattan, 294 p.
Cet ouvrage collectif est issu des travaux
conduits dans le cadre d’un séminaire de troisième cycle (Groupe de recherche sur l’étayage
en éducation : accompagnement, évaluation et
professionnalisation) animé par son directeur
Michel Vial, spécialiste de didactique professionnelle et développement des ressources humaines.
L’objectif consistait à produire des connaissances
sur les repères que peut se donner l’Éducateur
pour s’orienter dans son agir professionnel, de
mieux comprendre les conditions du développement du « pouvoir d’agir » des professionnels
exerçant une fonction éducative, dans la perspective d’une didactique de la formation de ces
professionnels, une didactique professionnelle,
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à partir de la question suivante : comment le
professionnel peut-il limiter les limites de la
relation éducative ?
Les critères de ce « pouvoir d’agir » résultent
de traitements des discours rapportés par les
praticiens ayant participé à l’analyse durant des
entretiens et, quelquefois, à l’écriture des articles.
Contrairement aux comptes rendus habituels de
recherche se réclamant de l’une ou l’autre des
formes de la clinique et qui sont, selon l’avis,
souvent à l’étroit dans les cadres d’écriture en
vigueur, le parti a été pris, dans cet ouvrage, de
ménager suffisamment d’espace à la présentation
des données soumises à l’analyse. L’idée consiste
ici à permettre aux auteurs des diverses contributions de donner à voir l’ensemble de leur travail :
question de recherche, récolte des données, mode
d’analyse, interprétation et conclusions.
Les champs professionnels concernés par
cet ouvrage sont nombreux, car il s’adresse aux
nombreux métiers de l’humain exercés par les
enseignants, formateurs d’adultes, « coachs »,
consultants, cadres supérieurs de l’Éducation,
travailleurs sociaux, médecins du travail, les
cadres en entreprises, professionnels des
ressources humaines, professionnels de la santé,
de la sécurité routière, de la VAE, de l’insertion,
universitaires…
Dans l’introduction, Michel Vial, le coordonnateur de l’ouvrage, propose une synthèse du
débat sur la relation éducative. En s’appuyant
sur les écrits d’auteurs appartenant à des champs
disciplinaires très divers (éducation, psychanalyse,
philosophie, sociologie), il affirme qu’il s’agit de
« verbaliser les caractéristiques de la relation
éducative sachant que les critères retenus, privilégiés, vont permettre de s’intéresser ou non
à certaines pratiques existantes » : son aspect
dissymétrique et en même temps indispensable,
tout au long de la vie ; sa nécessite inhérente d’un
pari vers le bien-être d’autrui ; sa visée orientée
vers un processus d’accélération du changement ;
sa capacité de donner corps au savoir. Ce qui rend
indispensable que l’Éducateur sache identifier
dans ses pratiques par où passe la « ligne de
démarcation » entre la relation éducative et les
autres types de relations, voisines, que l’auteur
réunit sous le titre « relation d’aide » : relation
orthopédique, réparatrice, thérapeutique, charitable, développement personnel.
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Les différents chapitres de l’ouvrage ont été
en conséquence organisés en trois parties, selon
les trois sens principaux que la langue française
donne au mot « limite » :
– travailler dans les limites : la limite comme
frontière qui permet de rester à l’intérieur d’un
territoire ;
– travailler contre les limites : la limite comme
seuil, la limite cette fois étant faite pour être
dépassée ;
– travailler avec les limites, travailler aux
limites : la limite qui s’habite.
Chacune des neuf contributions a été rédigée
selon un schéma plus ou moins identique :
problématique, contexte, méthode de récolte
des données ; transcription in extenso de l’entretien ; analyse et conclusion, bibliographie.
Malgré cette apparente ligne commune, chacune
de ces contributions présente une spécificité très
particulière du travail éducatif, que ce soit celui
de l’enseignante censée « prendre sa classe en
main », de la spécialiste d’orientation intervenant
dans le cadre de la réinsertion, voire du coach
dans l’accompagnement du changement, pour
n’en citer que quelques-uns des liens éducatifs
narrés, décrits, analysés, disséqués, dans des
styles différents, souvent métaphoriques, avec
maints soucis du détail et toujours avec une
posture éthique tout à fait adéquate. Dans la
conclusion générale, Michel Vial reprend chacun
des cas analysés dans les diverses contributions,
en revisitant les limites entre la relation éducative
et la relation d’aide qui constituent le fil rouge
de l’ouvrage. Il montre comment ces limites sont
« distillées ou imposées par les institutions, ou
portées par les sujets eux-mêmes, intériorisées,
enfin, font partie du Soi que l’Éducateur engage
dans la relation. Il souligne, enfin, dans quelle
mesure la prise de conscience des limites, le
travail avec et sur les limites permettent à l’Éducateur de faire la différence avec les idéologies
du marché du « développement personnel »,
qui incitent à s’inscrire dans les standards d’une
société formatée et formatante.
L’ouvrage se situe en même temps au carrefour de disciplines très diverses et a été constitué à
partir de démarches de recherche et de méthodes
d’analyse dont l’origine n’est pas toujours suffisamment mise en évidence pour que le lecteur
puisse juger de leur compatibilité et cohérence.
Pour exemple, l’auteur fait référence à des sources
RecheRche & foRmation • 67-2011
Notes critiques & lectures
bibliographiques et des fondements théoriques
appartenant à des champs très diversifiés des
sciences de l’éducation, de la formation des
adultes et, notamment, de la psychosociologie du
travail. En relation avec cette dernière, il est plutôt
surprenant de constater que la méthodologie
d’investigation se limite à l’analyse d’entretiens,
certes compréhensifs, mais à notre avis peu
propices à mettre en lumière l’activité réelle des
protagonistes interrogés. Il est à supposer que
le recours à des outils et méthodes plus fins de
récolte de données, de leur analyse et autoanalyse
tels que préconisés par les approches cliniques du
travail (entretiens d’auto-confrontation à partir de
matériaux de vidéo, instructions de sosies, etc.)
aurait probablement permis de produire des
données mieux à même d’appuyer une certain
nombre d’analyses et d’encore mieux capter les
décalages entre ce que pensent faire et font en
réalité les personnes interrogées.
Il nous a par ailleurs semblé que certaines
analyses étaient menées à partir d’entretiens
conduits avec une finalité première diverse, ce
qui pourrait expliquer le fait que certains répondants ne semblent pas d’emblée « entrer » dans
la problématique, ce qui limite les énoncés analysables. Le fait que les analyses des données soient
entreprises à partir de présupposés et schémas
interprétatifs différant selon les auteurs rend par
ailleurs la compréhension des divers apports assez
difficile : le lecteur doit chaque fois s’adapter aux
présupposés différemment posés et tenter de
reconstituer le schéma interprétatif adopté par
l’auteur de la contribution. L’analyse transversale
réalisée par Michel Vial tente certes de répondre
à cette difficulté en prenant par conséquent
d’autant plus d’importance. Elle soulève en même
temps une série de questions méthodologiques
en ce qui concerne la validité des conclusions, qui
mériteraient d’être vérifiées dans le cadre d’une
recherche plus systématique.
Ceci étant, la lecture de l’ouvrage reste fort
intéressante et incitera tout professionnel intéressé par la problématique du lien éducatif à
interroger sa pratique, sa manière de fixer la
limite entre accompagnement et aide. Il peut
aussi servir d’outil précieux à celles et ceux qui
forment aux métiers de l’éducation.
Monica Gather thurler
Université de Genève