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Restaurer l'invisible : un éclairage philosophique

2012, Restaurer l’invisible. Postprints des journées d’étude internationales APROA-BRK, 6, Bruxelles 2011, éd. Marjan Buyle, Agence du patrimoine de Flandre, 2012, p. 11-16.

10 | Pierre Leveau HYPOTHESE A 1. Les biens ont de la valeur en eux-mêmes 2. La reconnaissance de cette valeur justifie leur patrimonialisation 3. La patrimonialisation garantie l’intégrité et l’authenticité des œuvres ESSENTIALISME BIFURCATION (1) Le rapport forme - matière peut se concevoir de 2 façons : REALISME On NE peut séparer l’œuvre de son support matériel Elle subsiste en lui IMMANENCE IDEALISME On PEUT séparer l’œuvre et son support matériel On la conçoit sans lui TRANSCENDANCE C. Brandi E. Viollet-le-Duc « Premier axiome : on ne restaure que la matière de l’œuvre. Les moyens physiques auxquels est confiée l’image ne lui sont pas adjoints, mais coextensifs. » « Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné. » Hypothèse A (© G. de Guichen, ICCROM) Pierre Leveau reSTaurer L’iNviSiBLe: uN eCLairaGe PHiLOSOPHiQue Pierre Leveau Notre héritage n’est précédé d’aucun testament René Char Philosophiquement, l’idée de ‘restaurer l’invisible’ est aussi poétique que problématique. À l’heure où même les réserves deviennent visitables (1) et où le visible étend son empire, on peut se demander s’il ne vaut pas mieux le conserver. L’idée de le restaurer participerait-elle à cette tyrannie, que Georg Simmel en 1911, Walter Benjamin en 1935 puis Hannah Arendt en 1968 ont successivement décrit comme une tragédie, une destruction et une crise de la culture où les œuvres servent des ins opposées à celles de l’esprit (2)? Ne doutant pas que les conservateurs-restauratreurs sauront l’éviter, je m’en tiendrai à clariier ce problème en distinguant six positions philosophiques également tenables dans le champ de la conservation, qui ne se limite pas aux musées et aux monuments, mais s’étend ses frontières du matériel vers l’immatériel, en passant celles de la nature et de la culture, jusqu’aux limites du monde (3). eSSeNTiaLiSMe, iDeaLiSMe eT reaLiSMe On peut d’abord supposer que les objets existent en eux-mêmes, indépendamment des réseaux chargés de les conserver, ce qui convient au bon sens. Les biens naturels ou culturels auraient alors une valeur propre, donnée à l’origine et sa reconnaissance justiierait leur patrimonialisation. Celle-ci ne leur ajouterait rien; elle ne les changerait pas, mais aurait pour fonction de garantir leur intégrité et, par suite, leur authenticité. Cette première position a l’avantage d’être simple et de convenir au code de déontologie des conservateurs-restaurateurs (4), en plus du bon sens. Qualiions-la d’essentialiste, parce qu’elle suppose qu’il existe une essence de l’objet, c’està-dire un sens originel du bien à conserver. Ce sens est intelligible, immatériel, et se connaît par la pensée éduquée par la sensibilité. Restaurer l’invisible consisterait dans ce cas à faire fonctionner l’œuvre comme un signe, dont la partie matérielle et visible renverrait à un contenu intelligible supposé authentique. Les restaurateurs rendraient ainsi la parole aux objets, en transmettant aux générations futures le message hérité du passé. Mais l’essentialisme n’est pas si simple. Son principe est équivoque et peut conduire à deux positions opposées partageant le même présupposé. Philosophiquement, leur différend dépend du rapport que leurs partisans établissent entre les essences, dont ils postulent l’existence, et la matière qu’elles informent. Tandis que le ‘réalisme’ afirme leur immanence - et en conclut qu’on ne peut séparer l’œuvre de son support matériel, celle-ci subsistant en lui - ‘l’idéalisme’ admet au contraire la transcendance de l’une par rapport à l’autre, l’œuvre pouvant être conçue en elle-même, indépendamment du support qui permet de la viser (5). C’est ainsi qu’en 1868, Eugène Viollet-le-Duc adoptait une position idéaliste en déinissant la restauration comme une opération consistant à remettre une œuvre dans un état qu’elle pouvait n’avoir jamais eu, mais qui correspondait logiquement au projet de son concepteur (6). En 1963, Cesare Brandi adoptait à l’inverse une posture réaliste lorsqu’il afirmait qu’on ne restaure que la matière des œuvres, non leur idée, en traçant ainsi une frontière infranchissable entre la restauration proprement dite et la réfaction, pour garantir l’authenticité des objets hérités du passé (7). Quel est donc cet invisible qu’il faudrait restaurer: l’intention de l’artiste, qui est l’essentiel pour les idéalistes, ou les conditions matérielles de sa manifestation, avec sa part d’accidents, suivant les réalistes? Leurs positions s’alignent sur le clivage de Platon et d’Aristote, opposés dès l’Antiquité sur le rapport du visible à l’invisible, du sensible à l’intelligible, de la matière et de l’esprit. Historiquement, il divisa les partisans de la restauration architecturale aux tenants de sa version archéologique, du 19e au début du 20e siècle. Camillo Boito a rapporté leurs querelles (8), qui ont pris in lorsque la communauté internationale a adopté un nouveau paradigme - à Rome (9), Athènes (10) puis Bruxelles (11) entre 1930 et 1960inalement baptisé ‘conservation-restauration’ par l’ICOM-CC (12) en 2008 à New Delhi. Si le Terminologie de la conservation-restauration du patrimoine culturel matériel (© P. Leveau) réalisme semble avoir triomphé depuis dans le secteur de la conservation du patrimoine culturel matériel, la dématérialisation de l’art contemporain et la promotion du concept de patrimoine immatériel (13) pourrait donner à l’idéalisme une nouvelle légitimité dans ce champ aux frontières élargies. Comme les concepts, les performances et les installations disparaissent en effet entre | 11 12 | Pierre Leveau HYPOTHESE B 1. Le patrimoine est construit par ses héritiers 2. La patrimonialisation est une appropriation et une requalification 3. Elle donne une nouvelle identité aux objets, négociée entre les partis concernés CONVENTIONNALISME BIFURCATION (2) Nous pouvons classer les objets de 2 façons : NOMINALISME Les CATEGORIES qui nous permettent de CLASSER les objets viennent du LANGAGE Tournant linguistique CONSTRUCTIVISME Les CATEGORIES qui nous permettent de CLASSER sont des constructions SOCIALES Virage social S. Muñoz Viñas G. Fairclough « All these autors came to agree that every conservation object has in common is its symbolic nature : they are all symbols. » « Le patrimoine va devenir partie prenante des processus socioéconomiques qui façonnent le monde de demain. C’est une ressource. » Hypothèse B (© P. Leveau) Pierre Leveau deux manifestations successives, mais continuent d’exister indépendamment de leur support matériel dans l’attente d’une nouvelle interprétation ou disposition réactualisant leurs virtualités. Mais que dire alors du repas gastronomique français, de la cuisine traditionnelle mexicaine ou de la diète méditerranéenne, qui font désormais partie du patrimoine culturel et immatériel de l’humanité (14)? Ces produits existent-ils comme des œuvres d’art invisibles avant que la table soit dressée? CONveNTiONNaLiSMe, NOMiNaLiSMe eT CONSTruCTiONNaLiSMe La question montre au moins l’intérêt d’étudier l’ontologie du patrimoine (15). Si le régisseur intervient sur le support matériel d’une œuvre en montant une installation, la restaure-t-il? De même, si la langue appartient au patrimoine national, la restaure-t-on en corrigeant une faute d’orthographe? En effaçant ces frontières, par une cuisine ontologique, supprimera-t-on aussi celle qui sépare le restaurateur de bouche et celui du patrimoine? Comment conserver l’aura des œuvres si l’authenticité devient une Appellation d’Origine Contrôlée? Cette dernière question peut faire sourire, mais mérite d’être étudiée. Convenons en effet que le patrimoine n’est pas seulement donné, mais aussi construit par ses héritiers (16); c’est moins un legs du passé, comme le croient idéalistes et réalistes, qu’une construction sociale où les ayants droit substituent un contre-don à celui qu’ils reçoivent (17). Souvenonsnous que la patrimonialisation est un processus d’appropriation et de requaliication qui change la fonction des objets - parfois leur matière - en les soumettant à d’autres lois (18). En devenant une propriété collective, l’œuvre classée se voit appliquer un régime juridique spéciique et circule dans des réseaux différents. Son classement peut aller jusqu’à modiier son usage, en lui en attribuant des fonctions plus conformes aux intérêts de la société qui a choisi de la conserver. La patrimonialisation donne ainsi une nouvelle identité aux objets, résultant d’un accord négocié entre tous les partis concernés. Qualiions de ‘conventionnaliste’ cette nouvelle position selon laquelle le patrimoine est moins un don du passé qu’un produit du présent; renversant la précédente, elle le fait hériter de nous, plutôt que l’inverse, dans une boucle récursive. Opposée à l’essentialisme, elle admet deux versions, nominaliste ou constructionnaliste (19). Pour la première, les catégories qui nous permettent de classer les objets sont celles du langage; pour la seconde, ce sont des constructions sociales. Le nominalisme prend le tournant linguistique des années 60, alors que le constructionnalisme suit le virage social des années 80. Salvador Muñoz Viñas s’est par exemple engagé dans la première voie en remarquant qu’un Mustang de l’armée américaine perd ses fonctions mécaniques et offensives lorsqu’il est patrimonialisé, mais en acquiert d’autres, symboliques et commémoratives (20) . Dans un musée, l’avion représente tous ceux du même type et témoigne de l’héroïsme des aviateurs qui s’illustrèrent au combat. L’élément (la partie) renvoie au tout (à l’histoire politique des hommes et de l’industrie) et ne fonctionne plus suivant des lois mécaniques, mais de façon métonymique, suivant celles du langage. Le nominalisme, qui postule que ce dernier ordonne le monde, s’introduit ainsi dans le champ de la conservation et y trace une frontière claire entre réparation et restauration : tandis que la première opération vise à rétablir le fonctionnement mécanique de l’objet, la seconde en maintient les fonctions sémiotiques et porte moins sur les éléments visibles de l’objet que sur le réseau de signiications invisibles qu’il véhicule. Si le nominalisme éclaire ainsi la dimension symbolique du patrimoine, il n’explique pas encore le choix des valeurs qui transforme ici une arme en monument. Quittant le langage, le constructionnalisme suppose que la raison dernière de ce processus n’est ni spirituelle ni naturelle, mais sociale. Pour ce dernier courant, le patrimoine fonctionne comme une entreprise. De fait, les sociétés ne sont pas désintéressées et ne conservent du passé que ce qui sert leurs projets à venirs. Leur investissement n’est durable que s’il est rentable: comme ailleurs, il doit leur rapporter plus qu’il ne coûte sur un marché où les valeurs ne sont pas seulement matérielles et inancières, mais aussi sociales, politiques, scientiiques et culturelles. Conserver, c’est gérer; les acteurs du processus sont inalement les actionnaires d’une affaire où chacun investit son crédit, pour en tirer un bénéice dont la nature varie en fonction de son rôle et de sa stratégie au sein de l’entreprise. Dans ce nouveau monde, le sens des biens patrimonialisés n’est pas reconnu par la conscience, idéalement ou réellement, mais institué par ses usagers qui spéculent sur sa conservation, en le dotant d’une aura dont la forme est celle de leur réseau et correspond à la plus-value de leur mise. Pour le constructionnalisme, le patrimoine est inalement un produit dont la signiication et la valeur varient selon les intérêts des sociétés qui investissent le passé. Sa valorisation économique et le concept de développement durable (21) donnent à ce courant un crédit certain dans le champ de la conservation (22) . Graham Fairclough en défend actuellement une version forte au Conseil de l’Europe (23). | 13 14 | Pierre Leveau iN GOD We TruST, aLL OTHerS PaY CaSH Mais libéral par principe, ce courant proche du conservationnisme (24) ne s’accorde pas forcément avec le code de déontologie des conservateursrestaurateurs. Le conservationnisme révolutionnera-t-il l’activité en convertissant les experts au paradigme du développement durable des sociétés? Si le capitalisme, le libéralisme et le conservatisme font bon ménage en politique, pourquoi ne serait-ce pas le cas dans le patrimoine? Les adeptes de ce nouveau culte lui sacriieront-ils les valeurs qu’ils ont juré de garantir? Je conclurais en répondant par une formule en trois points qui rend compte du processus de patrimonialisation. Les objets ont premièrement un grand nombre de signiications et d’usages possibles, qui ne sont pas toujours compatibles. Notons ‘ n’ ce nombre et ‘ –1’ le fait que l’ensemble auquel il renvoie n’est ni consistant ni complet (soit n-1). Les monuments auxquels Aloïs Riegl a consacré son dernier ouvrage (25) illustrent cette idée post-moderne. Deuxièmement, leurs héritiers doivent établir un ordre entre ces signiications, car on ne peuvent conserver ces objets sans rendre cohérent ce système foisonnant. Ajoutons ‘+1’ au nombre précédant pour symboliser cette hiérarchisation qui ramène à l’unité d’une valeur, ‘1’, cette diversité, ‘n’ (soit n+1). Les experts constituent ainsi un objet. Il en existe autant que de combinaisons virtuellement stables. Troisièmement, choisir la meilleure et achever le processus de patrimonialisation qui transforme l’objet légué en bien conservé, consiste à actualiser le système de valeur qui répond le mieux aux intérêts d’une société à un moment donné. Notons ‘n2’ l’entité qui hérite de cette nouvelle fonction, permettant à la collectivité de le requaliier et de se l’approprier. C’est le patrimoine classé, conçu comme une construction sociale négociée et gérée dans l’intérêt de cette dernière. La formule mnémotechnique symbolisant ce processus de patrimonialisation serait donc: (n-1) (n+1) = n2. Les acteurs impliqués commencent par inventorier les signiications des objets, puis les évaluent pour former des systèmes de valeurs, et choisissent enin celui qui est le plus intéressant socialement. L’opération doit être réversible, car le choix optimal est celui qui ne supprime pas les possibilités écartées, mais actualise seulement l’une d’elles en laissant les autres en suspens, à l’état virtuel, pour que les générations futures puissent les sélectionner ultérieurement suivant leurs intérêts. Ce schéma de décision, fondé sur la distinction de trois concepts - signiication, valeur, intérêt permet de préciser les limites du marchandage patrimonial autant que l’ontologie des objets classés. Premièrement, la conscience professionnelle n’est pas négociable: les experts ont le devoir d’étudier toutes les signiications des objets et les différents systèmes de valeur qu’on peut établir entre elles. Mais deuxièmement, tout le reste se négocie: le choix d’un système est contingent et dépend des intérêts des acteurs, spécialistes ou non, engagés dans le processus de conservation et de transmission des biens. En plus de ces repères (signiications, valeurs et intérêts connectant respectivement les objets aux réseaux des usages, aux institutions chargées de les conserver et aux lois des sociétés) le patrimoine doit donc contenir une part de vague, sans laquelle ses héritiers ne pourraient ni requaliier ni s’approprier le legs du passé. Cette zone d’indétermination, distincte de l’erreur ou de l’approximation, leur permet de réanimer les objets en leur attribuant une nouvelle fonction, conforme à leur usage, qui reconigure les précédentes (26). Ce vague est l’espace de négociation où se génère la valeur ajoutée dont bénéicient les actionnaires de l’entreprise, dans les limites du code de déontologie des praticiens. Dans le paradigme du développement économiquement durable des sociétés, tout arrangement qui ne menace pas les repères des experts doit non seulement être toléré, mais surtout encouragé. C’est, en effet, dans le vague des objets patrimonialisés que se drainent les fonds nécessaires à leur conservation et à leur restauration. Dans ce nouveau système, le meilleur choix consiste à en optimiser la part pour attirer de nouveaux investisseurs et augmenter ainsi le crédit de l’opération restaurant l’aura de l’objet. Qu’est-ce en effet que restaurer l’invisible, dans un monde où l’authenticité est une valeur ajoutée? Pour l’idéalisme, c’était restituer l’original ; pour le réalisme, c’est conserver un système de valeurs; pour le nominalisme, c’est maintenir le fonctionnement symbolique d’un objet. Pour le constitutionnalisme, c’est inalement opérer une traduction, c’est-à-dire une transmission doublée d’une transaction suivant la déinition que les philosophes (27) et les sociologues donnent de ce concept (28). Traduire c’est en effet transmettre un message, en changeant ses lettres, sans altérer sa signiication. La traduction conserve le sens, mais en reconigure le support, sans préjuger de l’intention des locuteurs et de l’usage qu’ils en feront. Ce concept semble donc être un bon candidat pour déinir la restauration, dans le nouveau paradigme du développement durable (29). Restaurer l’invisible, ce peut-être le traduire, c’est-àdire transmettre le sens des objets, intact, en négociant leur visibilité: leur surface d’exposition sociale. Le conservationnisme met le patrimoine au service du développement économiquement durable des sociétés et triomphe aujourd’hui. Soucieux de rentabiliser l’investissement des actionnaires de l’entreprise, il court après le visible et pose dans ce nouveau paradigme le vieux dilemme de la conservation et de l’exposition. Pierre Leveau CONCLuSiON Plutôt que restaurer l’invisible, la question n’estelle pas de savoir comment le conserver, dans nos sociétés où tout s’exhibe? La question est posée et il vous appartient d’y répondre, c’est-à-dire de gérer et négocier la conservation des œuvres dans la durée. La société du spectacle compte sur les conservateurs-restaurateurs pour faire les miracles auxquels elle ne croit plus. Pour ceux que l’abstraction logique ennuierait (n-1 • n+1 = n2) je conclurai en disant que la devise des apôtres du nouveau culte de la médiatisation pourrait être: “In God We Trust - All others pay cash”. Il y a toujours des œuvres, mais elles ne se monnaient pas, car ce que l’on paye pour voir n’a pas d’aura. Six positions philosophiques dans le champ de la conservation (© P. Leveau) Notes (1) GUILLeMARD D., Ce que voir veut dire, ce que dire fait voir, in Conservation-restauration des biens culturels, 28, 2010, p. 3-8. (2) sIMMeL G., Der Begrif und die Tragödie der Kultur, in Philosophische Kultur, éd. Wagenbach, Berlin, 1983, p. 183-206; BeNJAMIN W., L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, in Ecrits français, éd. Gallimard, Paris, 1991, p. 177-220; AReNDt H., he Crisis in Culture, in Between Past and Future, éd. Viking Press, New-York, 1961, p. 197-225. (3) JeUDY J.P. (dir.), Patrimoines en folie, éd. Maison des sciences de l’homme, Paris, 1990. (4) e.C.C.o., Étude des responsabilités légales et professionnelles des conservateurs-restaurateurs, Projet APeL, Rome, 2001. http://www.ecco-eu.org/about-e.c.c.o./ professional-guidelines.html (5) PoUIVet R., L’ontologie des œuvres d’art, éd. J. Chambon, Nîmes, 2000. (6) VIoLLet-Le-DUC e., Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 8, art. Restauration: «Restaurer un édiice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné», éd. Bance et Morel, Paris, 1854 à 1868. http://fr.wikisource.org/ wiki/Dictionnaire_raisonné_de_l’architecture_française_du_XIe_au_XVIe_siècle_-_tome_8,_Restauration (7) BRANDI C., héorie de la restauration, I, 1, Paris, INPMonum, 2001, p. 31: «Premier axiome: on ne restaure que la matière de l’œuvre. Les moyens physiques auxquels est coniée l’image ne lui sont pas adjoints, mais coextensifs.» (8) BoIto C., La restauration en architecture, in Conserver ou restaurer, les dilemmes du patrimoine, éd. L’imprimeur, Paris, 2004, p. 23-67. (9) Manuel de la conservation et de restauration des peintures, IICI-oIM, Paris, 1939; Mouseion, 41-42, I-II, 1938. http://gallica.bnf.fr (10) Traité de la conservation des monuments d’art et d’histoire, IICI-oIM, 1933; Mouseion, 17-18, I-II; 19, III; 20, IV, 1932. (11) CoReMANs P. (dir.), L’Agneau Mystique au laboratoire, De sikkel, Anvers, 1953. (12) ICoM-CC, Terminologie de la conservation-restauration du patrimoine culturel matériel, XVe Conférence triennale, New Delhi, 22-26 septembre 2008. http://www. ecco-eu.org/documents/ecco-documentation/index. php (13) UNesCo, Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, Paris, 17 octobre 2003. unesdoc. unesco.org/images/0013/001325/132540f.pdf (14) UNesCo, Liste du patrimoine immatériel, 2010208. http://www.unesco.org/culture/ich/index. php?lg=fr&pg=00011 (15) LeVeAU P., Problème ontologique de la conservationrestauration des biens culturels, in Conservation-restauration des biens culturels, 27, 2009, p. 3-20. http:// araafu.free.fr. (16) HeINICH N., La fabrique du patrimoine, éd. de la maison des sciences de l’homme, Paris, 2009. (17) DAVALLoN J., Le don du patrimoine, éd. Lavoisier, Paris, 2006. | 15 16 | Pierre Leveau (18) LeNIAUD J.M., Essai sur le patrimoine – L’utopie française, éd. Menges, Paris, 1992. (19) LeVeAU P., Les dilemmes philosophiques de la conservation-restauration , in e-conservation, 12, décembre 2009. http://www.e-conservationline.com/content/ view/835/269/ (20) MUÑoZ VIÑAs s., Contemporary heory of Conservation, éd. elsevier, oxford, 2005 p. 45: «All these autors came to agree that every conservation object has in common is its symbolic nature: they are all symbols.» (21) UN : Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, 12 août 1992. http://www.un.org/french/ events/rio92/aconf15126vol1f.htm (22) Ce : Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société, Faro, 27 septembre 2005. http://conventions.coe.int/treaty/ fr/treaties/html/199.htm (23) FAIRCLoUGH G., Les nouvelles frontières du patrimoine, in Le Patrimoine et au-delà, éd. Conseil de l’europe, strasbourg, 43, 2009, p. 36: «Le patrimoine va devenir partie prenante des processus socio-économiques qui façonnent le monde de demain. C’est une ressource». http://www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/heritage/identities/PatrimoineBD_fr.pdf (24) RAFFIN J.P., De la protection de la nature à la gouvernance de la biodiversité, in Ecologie & Politique, 30, 2005, p. 97-109. http://www.ecologie-et-politique.info/?-rubrique19 (25) RIeGL A., Le culte moderne des monuments, éd. seuil, Paris, 1984. (26) LeVeAU P., Les enjeux philosophiques de la documentation en conservation-restauration, in Cahiers techniques de l’ARAAFU, 19, 2011. (27) seRRe M., Hermès III - La Traduction, éd. Minuit, Paris, 1974. (28) AKRICH M., CALLoN M. et LAtoUR B., Sociologie de la traduction, éd. ecole des Mines, Paris, 2006. (29) LeVeAU P., Restauration et traduction: une question de philosophie, in CeROARrt, 7, 2001. http://ceroart. revues.org De ONZiCHTBare WaarDeN vaN eeN KuNSTWerK De term restauratie verwijst, volgens iComCC, naar een DireCte ingreep op een Cultureel objeCt, waarDoor De betekenis en het gebruik ervan verbeterD worDt. Door een ingreep op het ziChtbare en Door wijziging van het uitziCht van De objeCten, worDen De onziChtbare waarDen van het erfgoeD geaCtualiseerD. De theoretiCi van Deze DisCipline worDen hier geConfronteerD met het Chiasma van het ziChtbare en het onziChtbare, wat een filosofisChe gemeenplaats is. Dieper ingaanD op Dit onDerwerp worDt gepoogD om Dit metafysisCh kluwen te verDuiDelijken. wat restaureren we eigenlijk: het ziChtbare of het onziChtbare? De betekenis van De werken, De materie, of De banDen Die ons verenigen? hoe kan hun betekenis veranDeren, behalve ten gevolge De veranDering van De maatsChappij zelf? hoe De authentiCiteit van het erfgoeD waarborgen? bekijken we eerst De realistisChe houDing van Cesare branDi ten opziChte van Deze vraagstelling. volgens hem restaureren we uitsluitenD De materie van het kunstwerk, Dit in tegenstelling tot het iDealisme van zijn voorgangers. filosofisCh gezien is het versChil tussen beiDe stromingen De relatie tussen het werk en zijn Drager. terwijl het realisme hun immanentie - men kan ze niet sCheiDen want ze zijn onafsCheiDelijk verbonDen -, gaat het iDealisme uit van hun transCenDentie - het verzekert werk bestaat op ziCh en De Drager maakt het alleen mogelijk om het te visualiseren. in het verleDen leiDDe Dit tot De tegenstelling tussen arChiteCturale restauratie enerzijDs en De . arCheologisChe versie anDerzijDs. maar beiDe partijen baseerDen hun theorieën op eenzelfDe essentialistisCh prinCipe: volgens De aanhangers van het essentialisme bevat het kunstwerk een te Conserveren essentie, een gegeven Dat van oorsprong (Dus nog vóór het erfgoeD worDt) aanwezig is en Die Dit reChtvaarDigt. De restauratie zou Deze essentie onthullen Door het kunstwerk te laten funCtionneren als een teken waarvan De materiële Component verwijst naar een verstaanbare en authentiek geaChte inhouD. De opkomst van inDustrieel erfgoeD en De eConomisChe waarDering van De seCtor verpliChtte De theoretiCi tot het herzien van hun stanDpunten. om Deze van onze tijDgenoten te verDuiDelijken, vertrekken we van een essay van salvaDor muňoz viňas Die erkent Dat het tot Pierre Leveau erfgoeD maken een proCes van aanpassing en herwaarDering is, Die De funCtie van het objeCt veranDert Door het te onDerwerpen aan nieuwe wetten. filosofisCh gezien zijn De theorieën Die gebaseerD zijn op Deze tweeDe, Conventionele hypothese nominalistisCh of ConstruCtionalistisCh, naar gelang De wijze waarop ze onze inDeling van De werkelijkheiD verklaren. De Categorieën, waarmee we De werkelijkheiD kunnen orDenen, zijn voor De ene Die van De taal, maar voor De anDere soCiale struCturen. Deze hypothesen verklaren hoe voorwerpen, Die eerst geen Culturele waarDe hebben, er later één kunnen krijgen, omDat hun onziChtbare netwerk van betekenissen CompleXer en opnieuw opgebouwD worDt. na het toeliChten van Deze stanDpunten Die volgens paul philippot De restauratie tot een Cultureel gegeven maken, worDt getraCht om aan te tonen hoe De soCiologie van De wetensChappen een DiplomatisChe oplossing kan bieDen voor het theoretisChe waarDenConfliCt van riegl, Door De hierover gevoerDe besprekingen restauratie zou in Dit per- toe te liChten. speCtief het virtuele waarDensysteem kunnen aCtualiseren, Dat het meest interessant is vanuit soCiaal stanDpunt. De anDere stanDpunten blijven alDus onbeslist, tussen het ziChtbare en het onziChtbare in. | 17