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Pierre Leveau
HYPOTHESE A
1. Les biens ont de la valeur en eux-mêmes
2. La reconnaissance de cette valeur justifie leur patrimonialisation
3. La patrimonialisation garantie l’intégrité et l’authenticité des œuvres
ESSENTIALISME
BIFURCATION (1)
Le rapport forme - matière peut se concevoir de 2 façons :
REALISME
On NE peut séparer l’œuvre
de son support
matériel
Elle subsiste en lui
IMMANENCE
IDEALISME
On PEUT séparer l’œuvre
et son support
matériel
On la conçoit sans lui
TRANSCENDANCE
C. Brandi
E. Viollet-le-Duc
« Premier axiome : on ne
restaure que la matière de
l’œuvre. Les moyens
physiques auxquels est
confiée l’image ne lui sont
pas adjoints, mais
coextensifs. »
« Restaurer un édifice, ce
n’est pas l’entretenir, le
réparer ou le refaire, c’est le
rétablir dans un état
complet qui peut n’avoir
jamais existé à un moment
donné. »
Hypothèse A (© G. de Guichen, ICCROM)
Pierre Leveau
reSTaurer L’iNviSiBLe: uN eCLairaGe PHiLOSOPHiQue
Pierre Leveau
Notre héritage n’est précédé d’aucun testament
René Char
Philosophiquement, l’idée de ‘restaurer l’invisible’
est aussi poétique que problématique. À l’heure
où même les réserves deviennent visitables (1)
et où le visible étend son empire, on peut se demander s’il ne vaut pas mieux le conserver. L’idée
de le restaurer participerait-elle à cette tyrannie,
que Georg Simmel en 1911, Walter Benjamin en
1935 puis Hannah Arendt en 1968 ont successivement décrit comme une tragédie, une destruction
et une crise de la culture où les œuvres servent
des ins opposées à celles de l’esprit (2)? Ne doutant pas que les conservateurs-restauratreurs
sauront l’éviter, je m’en tiendrai à clariier ce
problème en distinguant six positions philosophiques également tenables dans le champ de
la conservation, qui ne se limite pas aux musées
et aux monuments, mais s’étend ses frontières
du matériel vers l’immatériel, en passant celles
de la nature et de la culture, jusqu’aux limites du
monde (3).
eSSeNTiaLiSMe, iDeaLiSMe eT reaLiSMe
On peut d’abord supposer que les objets existent
en eux-mêmes, indépendamment des réseaux
chargés de les conserver, ce qui convient au bon
sens. Les biens naturels ou culturels auraient
alors une valeur propre, donnée à l’origine et sa
reconnaissance justiierait leur patrimonialisation. Celle-ci ne leur ajouterait rien; elle ne les
changerait pas, mais aurait pour fonction de
garantir leur intégrité et, par suite, leur authenticité. Cette première position a l’avantage d’être
simple et de convenir au code de déontologie des
conservateurs-restaurateurs (4), en plus du bon
sens. Qualiions-la d’essentialiste, parce qu’elle
suppose qu’il existe une essence de l’objet, c’està-dire un sens originel du bien à conserver. Ce
sens est intelligible, immatériel, et se connaît par
la pensée éduquée par la sensibilité. Restaurer
l’invisible consisterait dans ce cas à faire fonctionner l’œuvre comme un signe, dont la partie
matérielle et visible renverrait à un contenu
intelligible supposé authentique. Les restaurateurs rendraient ainsi la parole aux objets, en
transmettant aux générations futures le message
hérité du passé.
Mais l’essentialisme n’est pas si simple. Son
principe est équivoque et peut conduire à deux
positions opposées partageant le même présupposé. Philosophiquement, leur différend dépend
du rapport que leurs partisans établissent entre
les essences, dont ils postulent l’existence, et
la matière qu’elles informent. Tandis que le
‘réalisme’ afirme leur immanence - et en conclut
qu’on ne peut séparer l’œuvre de son support
matériel, celle-ci subsistant en lui - ‘l’idéalisme’
admet au contraire la transcendance de l’une par
rapport à l’autre, l’œuvre pouvant être conçue
en elle-même, indépendamment du support
qui permet de la viser (5). C’est ainsi qu’en 1868,
Eugène Viollet-le-Duc adoptait une position idéaliste en déinissant la restauration comme une
opération consistant à remettre une œuvre dans
un état qu’elle pouvait n’avoir jamais eu, mais
qui correspondait logiquement au projet de son
concepteur (6). En 1963, Cesare Brandi adoptait à
l’inverse une posture réaliste lorsqu’il afirmait
qu’on ne restaure que la matière des œuvres, non
leur idée, en traçant ainsi une frontière infranchissable entre la restauration proprement dite
et la réfaction, pour garantir l’authenticité des objets hérités du passé (7). Quel est donc cet invisible
qu’il faudrait restaurer: l’intention de l’artiste, qui
est l’essentiel pour les idéalistes, ou les conditions matérielles de sa manifestation, avec sa
part d’accidents, suivant les réalistes?
Leurs positions s’alignent sur le clivage de
Platon et d’Aristote, opposés dès l’Antiquité
sur le rapport du visible à l’invisible, du sensible à l’intelligible, de la matière et de l’esprit.
Historiquement, il divisa les partisans de la
restauration architecturale aux tenants de sa
version archéologique, du 19e au début du 20e siècle.
Camillo Boito a rapporté leurs querelles (8), qui
ont pris in lorsque la communauté internationale a adopté un nouveau paradigme - à Rome (9),
Athènes (10) puis Bruxelles (11) entre 1930 et 1960inalement baptisé ‘conservation-restauration’
par l’ICOM-CC (12) en 2008 à New Delhi. Si le
Terminologie de la conservation-restauration du
patrimoine culturel matériel (© P. Leveau)
réalisme semble avoir triomphé depuis dans le
secteur de la conservation du patrimoine culturel
matériel, la dématérialisation de l’art contemporain et la promotion du concept de patrimoine
immatériel (13) pourrait donner à l’idéalisme une
nouvelle légitimité dans ce champ aux frontières
élargies. Comme les concepts, les performances
et les installations disparaissent en effet entre
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Pierre Leveau
HYPOTHESE B
1. Le patrimoine est construit par ses héritiers
2. La patrimonialisation est une appropriation et une requalification
3. Elle donne une nouvelle identité aux objets, négociée entre les partis concernés
CONVENTIONNALISME
BIFURCATION (2)
Nous pouvons classer les objets de 2 façons :
NOMINALISME
Les CATEGORIES qui nous
permettent de CLASSER les
objets viennent du
LANGAGE
Tournant linguistique
CONSTRUCTIVISME
Les CATEGORIES qui nous
permettent de CLASSER sont des
constructions
SOCIALES
Virage social
S. Muñoz Viñas
G. Fairclough
« All these autors
came to agree that every
conservation object has in
common is its symbolic
nature : they are all
symbols. »
« Le patrimoine va devenir
partie prenante des
processus socioéconomiques qui façonnent
le monde de demain. C’est
une ressource. »
Hypothèse B (© P. Leveau)
Pierre Leveau
deux manifestations successives, mais continuent d’exister indépendamment de leur support
matériel dans l’attente d’une nouvelle interprétation ou disposition réactualisant leurs virtualités.
Mais que dire alors du repas gastronomique
français, de la cuisine traditionnelle mexicaine ou
de la diète méditerranéenne, qui font désormais
partie du patrimoine culturel et immatériel de
l’humanité (14)? Ces produits existent-ils comme
des œuvres d’art invisibles avant que la table soit
dressée?
CONveNTiONNaLiSMe, NOMiNaLiSMe eT
CONSTruCTiONNaLiSMe
La question montre au moins l’intérêt d’étudier
l’ontologie du patrimoine (15). Si le régisseur
intervient sur le support matériel d’une œuvre
en montant une installation, la restaure-t-il?
De même, si la langue appartient au patrimoine
national, la restaure-t-on en corrigeant une faute
d’orthographe? En effaçant ces frontières, par
une cuisine ontologique, supprimera-t-on aussi
celle qui sépare le restaurateur de bouche et
celui du patrimoine? Comment conserver l’aura
des œuvres si l’authenticité devient une Appellation d’Origine Contrôlée? Cette dernière question
peut faire sourire, mais mérite d’être étudiée.
Convenons en effet que le patrimoine n’est pas
seulement donné, mais aussi construit par ses
héritiers (16); c’est moins un legs du passé, comme
le croient idéalistes et réalistes, qu’une construction sociale où les ayants droit substituent un
contre-don à celui qu’ils reçoivent (17). Souvenonsnous que la patrimonialisation est un processus
d’appropriation et de requaliication qui change
la fonction des objets - parfois leur matière - en
les soumettant à d’autres lois (18). En devenant
une propriété collective, l’œuvre classée se
voit appliquer un régime juridique spéciique et
circule dans des réseaux différents. Son classement peut aller jusqu’à modiier son usage, en lui
en attribuant des fonctions plus conformes aux
intérêts de la société qui a choisi de la conserver.
La patrimonialisation donne ainsi une nouvelle
identité aux objets, résultant d’un accord négocié
entre tous les partis concernés.
Qualiions de ‘conventionnaliste’ cette nouvelle
position selon laquelle le patrimoine est moins un
don du passé qu’un produit du présent; renversant la précédente, elle le fait hériter de nous,
plutôt que l’inverse, dans une boucle récursive.
Opposée à l’essentialisme, elle admet deux versions, nominaliste ou constructionnaliste (19). Pour
la première, les catégories qui nous permettent
de classer les objets sont celles du langage; pour
la seconde, ce sont des constructions sociales. Le
nominalisme prend le tournant linguistique des
années 60, alors que le constructionnalisme suit
le virage social des années 80. Salvador Muñoz
Viñas s’est par exemple engagé dans la première
voie en remarquant qu’un Mustang de l’armée
américaine perd ses fonctions mécaniques et offensives lorsqu’il est patrimonialisé, mais en acquiert d’autres, symboliques et commémoratives
(20)
. Dans un musée, l’avion représente tous ceux
du même type et témoigne de l’héroïsme des
aviateurs qui s’illustrèrent au combat. L’élément
(la partie) renvoie au tout (à l’histoire politique
des hommes et de l’industrie) et ne fonctionne
plus suivant des lois mécaniques, mais de façon
métonymique, suivant celles du langage. Le
nominalisme, qui postule que ce dernier ordonne
le monde, s’introduit ainsi dans le champ de la
conservation et y trace une frontière claire entre
réparation et restauration : tandis que la première opération vise à rétablir le fonctionnement
mécanique de l’objet, la seconde en maintient
les fonctions sémiotiques et porte moins sur les
éléments visibles de l’objet que sur le réseau de
signiications invisibles qu’il véhicule.
Si le nominalisme éclaire ainsi la dimension
symbolique du patrimoine, il n’explique pas
encore le choix des valeurs qui transforme ici
une arme en monument. Quittant le langage,
le constructionnalisme suppose que la raison
dernière de ce processus n’est ni spirituelle ni
naturelle, mais sociale. Pour ce dernier courant,
le patrimoine fonctionne comme une entreprise.
De fait, les sociétés ne sont pas désintéressées
et ne conservent du passé que ce qui sert leurs
projets à venirs. Leur investissement n’est durable que s’il est rentable: comme ailleurs, il doit
leur rapporter plus qu’il ne coûte sur un marché
où les valeurs ne sont pas seulement matérielles
et inancières, mais aussi sociales, politiques,
scientiiques et culturelles. Conserver, c’est gérer; les acteurs du processus sont inalement les
actionnaires d’une affaire où chacun investit son
crédit, pour en tirer un bénéice dont la nature
varie en fonction de son rôle et de sa stratégie au
sein de l’entreprise. Dans ce nouveau monde, le
sens des biens patrimonialisés n’est pas reconnu
par la conscience, idéalement ou réellement,
mais institué par ses usagers qui spéculent sur
sa conservation, en le dotant d’une aura dont la
forme est celle de leur réseau et correspond à
la plus-value de leur mise. Pour le constructionnalisme, le patrimoine est inalement un produit
dont la signiication et la valeur varient selon les
intérêts des sociétés qui investissent le passé. Sa
valorisation économique et le concept de développement durable (21) donnent à ce courant un
crédit certain dans le champ de la conservation
(22)
. Graham Fairclough en défend actuellement
une version forte au Conseil de l’Europe (23).
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iN GOD We TruST, aLL OTHerS PaY CaSH
Mais libéral par principe, ce courant proche du
conservationnisme (24) ne s’accorde pas forcément
avec le code de déontologie des conservateursrestaurateurs. Le conservationnisme révolutionnera-t-il l’activité en convertissant les experts
au paradigme du développement durable des
sociétés? Si le capitalisme, le libéralisme et le
conservatisme font bon ménage en politique,
pourquoi ne serait-ce pas le cas dans le patrimoine? Les adeptes de ce nouveau culte lui sacriieront-ils les valeurs qu’ils ont juré de garantir?
Je conclurais en répondant par une formule en
trois points qui rend compte du processus de patrimonialisation. Les objets ont premièrement un
grand nombre de signiications et d’usages possibles, qui ne sont pas toujours compatibles. Notons ‘ n’ ce nombre et ‘ –1’ le fait que l’ensemble
auquel il renvoie n’est ni consistant ni complet
(soit n-1). Les monuments auxquels Aloïs Riegl
a consacré son dernier ouvrage (25) illustrent
cette idée post-moderne. Deuxièmement, leurs
héritiers doivent établir un ordre entre ces signiications, car on ne peuvent conserver ces objets
sans rendre cohérent ce système foisonnant.
Ajoutons ‘+1’ au nombre précédant pour symboliser cette hiérarchisation qui ramène à l’unité
d’une valeur, ‘1’, cette diversité, ‘n’ (soit n+1). Les
experts constituent ainsi un objet. Il en existe autant que de combinaisons virtuellement stables.
Troisièmement, choisir la meilleure et achever le
processus de patrimonialisation qui transforme
l’objet légué en bien conservé, consiste à actualiser le système de valeur qui répond le mieux aux
intérêts d’une société à un moment donné. Notons ‘n2’ l’entité qui hérite de cette nouvelle fonction, permettant à la collectivité de le requaliier
et de se l’approprier. C’est le patrimoine classé,
conçu comme une construction sociale négociée
et gérée dans l’intérêt de cette dernière.
La formule mnémotechnique symbolisant ce
processus de patrimonialisation serait donc:
(n-1) (n+1) = n2. Les acteurs impliqués commencent par inventorier les signiications des objets,
puis les évaluent pour former des systèmes de
valeurs, et choisissent enin celui qui est le plus
intéressant socialement. L’opération doit être
réversible, car le choix optimal est celui qui ne
supprime pas les possibilités écartées, mais
actualise seulement l’une d’elles en laissant
les autres en suspens, à l’état virtuel, pour que
les générations futures puissent les sélectionner ultérieurement suivant leurs intérêts. Ce
schéma de décision, fondé sur la distinction de
trois concepts - signiication, valeur, intérêt permet de préciser les limites du marchandage
patrimonial autant que l’ontologie des objets
classés. Premièrement, la conscience professionnelle n’est pas négociable: les experts ont
le devoir d’étudier toutes les signiications des
objets et les différents systèmes de valeur qu’on
peut établir entre elles. Mais deuxièmement, tout
le reste se négocie: le choix d’un système est
contingent et dépend des intérêts des acteurs,
spécialistes ou non, engagés dans le processus
de conservation et de transmission des biens.
En plus de ces repères (signiications, valeurs et
intérêts connectant respectivement les objets aux
réseaux des usages, aux institutions chargées de
les conserver et aux lois des sociétés) le patrimoine doit donc contenir une part de vague, sans
laquelle ses héritiers ne pourraient ni requaliier ni s’approprier le legs du passé. Cette zone
d’indétermination, distincte de l’erreur ou de
l’approximation, leur permet de réanimer les
objets en leur attribuant une nouvelle fonction,
conforme à leur usage, qui reconigure les précédentes (26). Ce vague est l’espace de négociation
où se génère la valeur ajoutée dont bénéicient
les actionnaires de l’entreprise, dans les limites
du code de déontologie des praticiens.
Dans le paradigme du développement économiquement durable des sociétés, tout arrangement qui ne menace pas les repères des experts
doit non seulement être toléré, mais surtout
encouragé. C’est, en effet, dans le vague des
objets patrimonialisés que se drainent les fonds
nécessaires à leur conservation et à leur restauration. Dans ce nouveau système, le meilleur
choix consiste à en optimiser la part pour attirer
de nouveaux investisseurs et augmenter ainsi le
crédit de l’opération restaurant l’aura de l’objet.
Qu’est-ce en effet que restaurer l’invisible, dans
un monde où l’authenticité est une valeur ajoutée? Pour l’idéalisme, c’était restituer l’original ;
pour le réalisme, c’est conserver un système de
valeurs; pour le nominalisme, c’est maintenir le
fonctionnement symbolique d’un objet. Pour le
constitutionnalisme, c’est inalement opérer une
traduction, c’est-à-dire une transmission doublée
d’une transaction suivant la déinition que les
philosophes (27) et les sociologues donnent de ce
concept (28). Traduire c’est en effet transmettre un
message, en changeant ses lettres, sans altérer
sa signiication. La traduction conserve le sens,
mais en reconigure le support, sans préjuger de
l’intention des locuteurs et de l’usage qu’ils en
feront. Ce concept semble donc être un bon candidat pour déinir la restauration, dans le nouveau
paradigme du développement durable (29). Restaurer l’invisible, ce peut-être le traduire, c’est-àdire transmettre le sens des objets, intact, en
négociant leur visibilité: leur surface d’exposition
sociale. Le conservationnisme met le patrimoine
au service du développement économiquement
durable des sociétés et triomphe aujourd’hui.
Soucieux de rentabiliser l’investissement des
actionnaires de l’entreprise, il court après le visible et pose dans ce nouveau paradigme le vieux
dilemme de la conservation et de l’exposition.
Pierre Leveau
CONCLuSiON
Plutôt que restaurer l’invisible, la question n’estelle pas de savoir comment le conserver, dans
nos sociétés où tout s’exhibe? La question est posée et il vous appartient d’y répondre, c’est-à-dire
de gérer et négocier la conservation des œuvres
dans la durée. La société du spectacle compte
sur les conservateurs-restaurateurs pour faire
les miracles auxquels elle ne croit plus. Pour
ceux que l’abstraction logique ennuierait (n-1
• n+1 = n2) je conclurai en disant que la devise
des apôtres du nouveau culte de la médiatisation
pourrait être: “In God We Trust - All others pay
cash”. Il y a toujours des œuvres, mais elles ne se
monnaient pas, car ce que l’on paye pour voir n’a
pas d’aura.
Six positions philosophiques dans le champ de la
conservation (© P. Leveau)
Notes
(1) GUILLeMARD D., Ce que voir veut dire, ce que dire fait
voir, in Conservation-restauration des biens culturels, 28,
2010, p. 3-8.
(2) sIMMeL G., Der Begrif und die Tragödie der Kultur, in
Philosophische Kultur, éd. Wagenbach, Berlin, 1983,
p. 183-206; BeNJAMIN W., L’œuvre d’art à l’époque
de sa reproductibilité technique, in Ecrits français, éd.
Gallimard, Paris, 1991, p. 177-220; AReNDt H., he
Crisis in Culture, in Between Past and Future, éd. Viking
Press, New-York, 1961, p. 197-225.
(3) JeUDY J.P. (dir.), Patrimoines en folie, éd. Maison des
sciences de l’homme, Paris, 1990.
(4) e.C.C.o., Étude des responsabilités légales et professionnelles des conservateurs-restaurateurs, Projet APeL,
Rome, 2001. http://www.ecco-eu.org/about-e.c.c.o./
professional-guidelines.html
(5) PoUIVet R., L’ontologie des œuvres d’art, éd. J. Chambon, Nîmes, 2000.
(6) VIoLLet-Le-DUC e., Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 8, art. Restauration: «Restaurer un édiice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui
peut n’avoir jamais existé à un moment donné», éd. Bance
et Morel, Paris, 1854 à 1868. http://fr.wikisource.org/
wiki/Dictionnaire_raisonné_de_l’architecture_française_du_XIe_au_XVIe_siècle_-_tome_8,_Restauration
(7) BRANDI C., héorie de la restauration, I, 1, Paris, INPMonum, 2001, p. 31: «Premier axiome: on ne restaure
que la matière de l’œuvre. Les moyens physiques auxquels
est coniée l’image ne lui sont pas adjoints, mais coextensifs.»
(8) BoIto C., La restauration en architecture, in Conserver
ou restaurer, les dilemmes du patrimoine, éd. L’imprimeur, Paris, 2004, p. 23-67.
(9) Manuel de la conservation et de restauration des peintures, IICI-oIM, Paris, 1939; Mouseion, 41-42, I-II,
1938. http://gallica.bnf.fr
(10) Traité de la conservation des monuments d’art et d’histoire, IICI-oIM, 1933; Mouseion, 17-18, I-II; 19, III;
20, IV, 1932.
(11) CoReMANs P. (dir.), L’Agneau Mystique au laboratoire,
De sikkel, Anvers, 1953.
(12) ICoM-CC, Terminologie de la conservation-restauration
du patrimoine culturel matériel, XVe Conférence triennale, New Delhi, 22-26 septembre 2008. http://www.
ecco-eu.org/documents/ecco-documentation/index.
php
(13) UNesCo, Convention pour la sauvegarde du patrimoine
culturel immatériel, Paris, 17 octobre 2003. unesdoc.
unesco.org/images/0013/001325/132540f.pdf
(14) UNesCo, Liste du patrimoine immatériel, 2010208. http://www.unesco.org/culture/ich/index.
php?lg=fr&pg=00011
(15) LeVeAU P., Problème ontologique de la conservationrestauration des biens culturels, in Conservation-restauration des biens culturels, 27, 2009, p. 3-20. http://
araafu.free.fr.
(16) HeINICH N., La fabrique du patrimoine, éd. de la maison des sciences de l’homme, Paris, 2009.
(17) DAVALLoN J., Le don du patrimoine, éd. Lavoisier,
Paris, 2006.
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(18) LeNIAUD J.M., Essai sur le patrimoine – L’utopie française, éd. Menges, Paris, 1992.
(19) LeVeAU P., Les dilemmes philosophiques de la conservation-restauration , in e-conservation, 12, décembre
2009. http://www.e-conservationline.com/content/
view/835/269/
(20) MUÑoZ VIÑAs s., Contemporary heory of Conservation, éd. elsevier, oxford, 2005 p. 45: «All these
autors came to agree that every conservation object
has in common is its symbolic nature: they are all
symbols.»
(21) UN : Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, 12 août 1992. http://www.un.org/french/
events/rio92/aconf15126vol1f.htm
(22) Ce : Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la
valeur du patrimoine culturel pour la société, Faro, 27
septembre 2005. http://conventions.coe.int/treaty/
fr/treaties/html/199.htm
(23) FAIRCLoUGH G., Les nouvelles frontières du patrimoine, in Le Patrimoine et au-delà, éd. Conseil de
l’europe, strasbourg, 43, 2009, p. 36: «Le patrimoine
va devenir partie prenante des processus socio-économiques qui façonnent le monde de demain. C’est une
ressource». http://www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/heritage/identities/PatrimoineBD_fr.pdf
(24) RAFFIN J.P., De la protection de la nature à la gouvernance de la biodiversité, in Ecologie & Politique, 30, 2005,
p. 97-109.
http://www.ecologie-et-politique.info/?-rubrique19
(25) RIeGL A., Le culte moderne des monuments, éd. seuil,
Paris, 1984.
(26) LeVeAU P., Les enjeux philosophiques de la documentation en conservation-restauration, in Cahiers techniques
de l’ARAAFU, 19, 2011.
(27) seRRe M., Hermès III - La Traduction, éd. Minuit,
Paris, 1974.
(28) AKRICH M., CALLoN M. et LAtoUR B., Sociologie de
la traduction, éd. ecole des Mines, Paris, 2006.
(29) LeVeAU P., Restauration et traduction: une question
de philosophie, in CeROARrt, 7, 2001. http://ceroart.
revues.org
De ONZiCHTBare WaarDeN vaN
eeN KuNSTWerK
De term restauratie verwijst, volgens iComCC, naar een DireCte ingreep op een Cultureel
objeCt, waarDoor De betekenis en het gebruik
ervan verbeterD worDt. Door een ingreep op het
ziChtbare en Door wijziging van het uitziCht van
De objeCten, worDen De onziChtbare waarDen
van het erfgoeD geaCtualiseerD.
De theoretiCi
van Deze DisCipline worDen hier geConfronteerD
met het Chiasma van het ziChtbare en het onziChtbare, wat een filosofisChe gemeenplaats is.
Dieper ingaanD op Dit onDerwerp worDt gepoogD
om Dit metafysisCh kluwen te verDuiDelijken.
wat restaureren we eigenlijk: het ziChtbare of
het onziChtbare? De betekenis van De werken,
De materie, of De banDen Die ons verenigen?
hoe kan hun betekenis veranDeren, behalve
ten gevolge De veranDering van De maatsChappij zelf? hoe De authentiCiteit van het erfgoeD
waarborgen?
bekijken we eerst De realistisChe houDing van
Cesare branDi ten opziChte van Deze vraagstelling. volgens hem restaureren we uitsluitenD
De materie van het kunstwerk, Dit in tegenstelling tot het iDealisme van zijn voorgangers.
filosofisCh gezien is het versChil tussen beiDe
stromingen De relatie tussen het werk en zijn
Drager.
terwijl het realisme hun immanentie
- men kan ze niet sCheiDen want
ze zijn onafsCheiDelijk verbonDen -, gaat het
iDealisme uit van hun transCenDentie - het
verzekert
werk bestaat op ziCh en De Drager maakt het
alleen mogelijk om het te visualiseren. in het
verleDen leiDDe Dit tot De tegenstelling tussen arChiteCturale restauratie enerzijDs en De
.
arCheologisChe versie anDerzijDs.
maar beiDe
partijen baseerDen hun theorieën op eenzelfDe
essentialistisCh prinCipe: volgens De aanhangers van het essentialisme bevat het kunstwerk
een te Conserveren essentie, een gegeven
Dat van oorsprong (Dus nog vóór het erfgoeD
worDt) aanwezig is en Die Dit reChtvaarDigt.
De
restauratie zou Deze essentie onthullen Door
het kunstwerk te laten funCtionneren als een
teken waarvan De materiële Component verwijst
naar een verstaanbare en authentiek geaChte
inhouD.
De opkomst van inDustrieel erfgoeD en De
eConomisChe waarDering van De seCtor verpliChtte De theoretiCi tot het herzien van hun
stanDpunten.
om Deze van onze tijDgenoten te
verDuiDelijken, vertrekken we van een essay van
salvaDor muňoz viňas Die erkent Dat het tot
Pierre Leveau
erfgoeD maken een proCes van aanpassing en
herwaarDering is, Die De funCtie van het objeCt
veranDert Door het te onDerwerpen aan nieuwe
wetten.
filosofisCh gezien zijn De theorieën
Die gebaseerD zijn op Deze tweeDe, Conventionele hypothese nominalistisCh of ConstruCtionalistisCh, naar gelang De wijze waarop ze
onze inDeling van De werkelijkheiD verklaren.
De Categorieën, waarmee we De werkelijkheiD
kunnen orDenen, zijn voor De ene Die van De
taal, maar voor De anDere soCiale struCturen.
Deze hypothesen verklaren hoe voorwerpen, Die
eerst geen Culturele waarDe hebben, er later
één kunnen krijgen, omDat hun onziChtbare
netwerk van betekenissen CompleXer en opnieuw
opgebouwD worDt.
na het toeliChten van Deze stanDpunten Die
volgens paul philippot De restauratie tot een
Cultureel gegeven maken, worDt getraCht om
aan te tonen hoe De soCiologie van De wetensChappen een DiplomatisChe oplossing kan bieDen voor het theoretisChe waarDenConfliCt van
riegl, Door De hierover gevoerDe besprekingen
restauratie zou in Dit per-
toe te liChten.
speCtief het virtuele waarDensysteem kunnen
aCtualiseren, Dat het meest interessant is vanuit
soCiaal stanDpunt.
De anDere stanDpunten
blijven alDus onbeslist, tussen het ziChtbare en
het onziChtbare in.
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