La fibrillation atriale (FA) est définie par une activité électrique anarchique et rapide du myocarde atrial à l’origine de contractions non coordonnées et inefficaces des oreillettes. Cette arythmie résulte de multiples foyers ectopiques...
moreLa fibrillation atriale (FA) est définie par une activité électrique anarchique et rapide du myocarde atrial à l’origine de contractions non coordonnées et inefficaces des oreillettes. Cette arythmie résulte de multiples foyers ectopiques doués d’automatisme anormal au sein des oreillettes et/ou des veines pulmonaires et de nombreux microcircuits de réentrée en rapport avec des plages de fibrose.
La prévalence de la FA est faible avant 40 ans (< 0,5 %), mais elle augmente à 5 % après 65 ans et atteint 10 % après 80 ans. Elle est majorée en cas de cardiopathie et avec l’évolution de celle-ci. Dans un service d’urgence (structure des urgences ou SU), la prévalence varie entre 0,5 et 3,2 % selon les méthodes d’analyse pro- ou rétrospective, la population (urgences médicales strictes ou médico-traumatologiques) et les systèmes de santé. Cette prévalence augmente sensiblement depuis vingt ans [McDonald 2008, Atzema 2013]. Le ratio des formes chroniques/récentes (< 48 heures) est compris entre 4/1 et 2/1. La prise en charge d’une FA récente est donc fréquente en médecine d’urgence hospitalière, plus rare en pré-hospitalier.
Les FA sont habituellement secondaires à la coexistence d’un substrat tissulaire (zones d’inflammation et/ou de fibrose que l’on rencontre au cours des cardiopathies aiguës ou chroniques) et d’un facteur déclenchant (gâchette). Les FA « isolées » représentent environ 3 % des FA et surviennent chez un sujet de moins de 60/65 ans, sans hypertension artérielle (HTA) et sans histoire clinique ou anomalie échographique en faveur d’une maladie cardiovasculaire. Elles touchent préférentiellement l’homme de 30 à 50 ans, et sont de mécanisme plutôt vagal, c’est-à-dire déclenchées en période nocturne, au cours de la digestion ou après prise d’alcool. Elles sont parfois « adrénergiques » c’est-à-dire déclenchées par l’effort. Leur pronostic est bénin et le risque d’accident embolique cérébral est très faible. Le substrat d’une FA isolée étant fréquemment situé dans les veines pulmonaires, une ablation est parfois proposée comme traitement curatif.
La FA est responsable de contractions non coordonnées et inefficaces de l’oreillette. Cela s’accompagne d’une réduction du volume d’éjection ventriculaire (de 5 à 15 %) par perte de la systole atriale et désynchronisation de la réponse ventriculaire. Cette réduction est d’autant plus marquée que la cadence ventriculaire est rapide, la compliance ventriculaire réduite (sujet âgé, HTA, etc.) et qu’il existe des troubles de conduction intraventriculaire fréquence-dépendant. Le retentissement hémodynamique est donc variable en fonction de la cadence ventriculaire et du terrain cardiologique.
Les formes aiguës peuvent se manifester par des symptômes liés à une tachycardie (palpitations, malaise ou douleur angineuse), une insuffisance cardiaque (dyspnée, œdème des membres inférieurs) ou une complication thromboembolique (accident vasculaire cérébral, embolie artérielle systémique). Une syncope est possible lors de l’initiation si la cadence ventriculaire est mal tolérée en raison d’une conduction naturelle rapide au niveau du nœud atrio-ventriculaire, d’une conduction anormale par un faisceau accessoire ou en raison d’une anomalie associée (ex. rétrécissement aortique, cardiomyopathie hypertrophique ou maladie vasculaire cérébrale). En fait, de nombreux patients restent asymptomatiques et c’est une irrégularité des battements cardiaques ou un électrocardiogramme (ECG) systématique qui révèlent la FA. L’histoire naturelle de la FA est de progresser depuis des épisodes courts et rares vers des épisodes plus longs et fréquents. Le passage d’une FA vers une autre tachycardie atriale (flutter ou tachycardie atriale) n’est pas rare et inversement.
La FA entraîne également une stase du flux sanguin dans l’oreillette, en particulier dans l’auricule gauche où peut s’y former préférentiellement un thrombus. Le risque thromboembolique est minime avant la 48e heure chez la plupart des patient. Le retour en rythme sinusal, spontané (conversion) ou provoqué (cardioversion), s’accompagne d’une reprise des contractions atriales qui favorisent dans les 30 jours suivants la migration d’un thrombus intra-atrial éventuel (embolie de régularisation). Plus l’arythmie se prolonge, plus le risque de thrombose intra-atriale augmente. Ce risque est maximal entre le 3e et le 10e jour. D’autres mécanismes de thrombus existent, tels l’inflammation ou la dysfonction endothéliale, expliquant que la relation temporelle ne soit pas univoque entre accès de FA et survenue d’embolie.
La FA peut se révéler par une embolie périphérique, en particulier cérébrale. Ainsi, les patients en FA ont un risque cinq fois plus élevé de faire un accident vasculaire cérébral (AVC) et 20 % des AVC sont attribués à une FA. Néanmoins, le risque embolique varie en fonction de facteurs de risque thromboembolique personnels. L’AVC embolique est plus sévère que ceux dus à un autre mécanisme. Il est généralement de type ischémique, parfois hémorragique.
La FA peut aggraver une dysfonction ventriculaire et déclencher des épisodes d’insuffisance cardiaque aiguë, voire une cardiomyopathie rythmique si elle reste rapide et prolongée plusieurs semaines ou mois. Elle entraîne une majoration du risque d’hospitalisation, de décès et une réduction de la qualité de vie.
La Société européenne de cardiologie (ESC) publie régulièrement des recommandations pour la prise en charge d’une FA. Ces recommandations reposent sur une classification qui distingue :
• la FA « inaugurale » (premier accès),
• la FA « paroxystique » (si l’accès se termine spontanément en moins de sept jours, généralement moins de 48 heures) avec souvent des récidives entrecoupées d’épisodes en rythme sinusal,
• la FA « persistante » (si l’accès persiste plus de sept jours) nécessitant un choc électrique ou un traitement pharmacologique pour être réduite, avec souvent des récidives entrecoupées d’épisodes en rythme sinusal,
• et la FA « permanente » (durée supérieure à 1 an, la cardioversion est inefficace ou non envisagée).
Ces recommandations diffèrent selon la tolérance, le terrain, l’existence d’un mécanisme déclenchant et le caractère « valvulaire » ou non de la FA. La FA valvulaire est définie de façon restrictive par l’existence d’une valve mitrale soit rhumatismale soit mécanique et de façon élargie par une sténose mitrale rhumatismale ou toute prothèse valvulaire. Ces recommandations s’appliquent également aux cas de flutter et de tachycardie atriale.
La Société française de médecine d’urgence (SFMU), en partenariat avec la Société française de cardiologie (SFC), a décidé d’adapter ces recommandations aux situations rencontrées en médecine d’urgence, que ce soit dans un cadre pré-hospitalier ou hospitalier. Nous présentons en priorité les recommandations de l’ESC et celles de l’American heart association quand elles sont complémentaires. Enfin, nous formulons des recommandations d’experts SFMU, en partenariat avec la SFC, dans le domaine spécifique de la médecine d’urgence en France. Toutes les recommandations sont formulées selon leur classe.