Martin Crimp

Que veut dire Martin Crimp lorsqu’il explique que, dans ses pièces Attempts on Her Life (1997) et la trilogie Fewer Emergencies (2005), « l’espace dramatique est un espace mental, pas un espace physique »  ? Comment comprendre cette « mentalisation » du drame initiée par Samuel Beckett (That Time, Not I, Footfalls), continuée par Harold Pinter (Moonlight, Silence) mais aussi explorée par Sarah Kane dans Crave (1998) et 4.48 Psychosis (2000), et poursuivie aujourd’hui selon diverses modalités poétiques par d’autres auteurs britanniques (Caryl Churchill, debbie tucker green…) ? Est-il possible de concilier l’écriture et l’exploration dramatique de la psyché – et si oui, comment ? – avec le phénomène concurrent d’une « quantisation » de la scène, dont témoigne la multiplication de pièces « quantiques » par des auteurs comme Michael Frayn, Simon Stephens et Nick Payne ? Depuis la fin des années 1990 jusqu’à aujourd’hui, de telles pièces renouvellent le rapport du théâtre à l’espace physique – et non mental – en s’appliquant, à la suite de Tom Stoppard, à dramatiser les découvertes et les hypothèses révolutionnaires de la physique quantique. Parallèlement, l’émergence d’un théâtre que l’on pourrait dire non plus tant « in-yer-face » que « in-yer-head » appelle à s’interroger sur le développement d’un corpus de pièces dont l’intérêt porte sur le fonctionnement de la psyché humaine, de l’inconscient et de la conscience, et à analyser les modalités et les implications de l’écriture et de la mise en scène de l’espace mental ou du psychisme (mind) sur la scène britannique des vingt dernières années. Tandis qu’Aleks Sierz décrivait, au tout début des années 2000, la violence frontale, viscérale et spectaculaire, essentiellement physique et ancrée dans l’expérience sensorielle, développée au cours des « nasty nineties » par des écritures scandaleuses et subversives, les dramaturgies de l’espace mental explorent le non-dit, l’indicible, l’oblique, le trou, le fantôme, approchant ainsi « l’endroit le plus sombre [qui] est toujours sous la lampe » (Crimp, Atteintes à sa vie). Portées par les pièces expérimentales de Crimp et les derniers textes de Kane, mais également explorées par d’autres auteurs de théâtre depuis l’entrée dans le vingt-et-unième siècle – y compris ceux désignés initialement comme les autres piliers de l’esthétique « in-yer-face » (Ravenhill, Neilson, ou encore Ridley) –, les « réalités rivales »  invisibles de nos imaginaires mais aussi des théories quantiques se donnent à voir sur la scène du théâtre britanniuque. Des théâtres de l’absence, qui s’élaborent autour du sacrifice du personnage féminin principal (Attempts on Her Life de Crimp, 4.48 Psychosis de Kane), jusqu’aux théâtres de l’incertitude, qui abordent l’indétermination psychique par le biais de la thématique quantique et de la catégorie des possibles (Copenhagen de Michael Frayn, Heisenberg de Simon Stephens, Constellations de Nick Payne), en passant par les théâtres de la dissociation, qui explorent le traumatisme et les manifestations de la souffrance psychique et cognitive (Blue Heart de Caryl Churchill, Three Women and a Piano Tuner de Helen Cooper), les contradictions entre les multiples versions du drame, qui se déploie sous une forme fragmentée, déconstruite, plurielle et inaboutie, (re)localisent le véritable drame de l’humain dans le doute, l’indéterminé, les probabilités. A travers la violence et la performativité du langage, de telles pièces renversent la perspective en s’appuyant sur un changement de paradigme qui permet d’interroger la vérité impossible du sujet dont le visage se spectralise, « scotché au verso de [s]on esprit » .

دیوید بارنت در این مقاله به بررسی این موضوع میپردازد که  چگونه می توان یک نمایشنامه را پست دراماتیک دانست. او مقاله خود را با بحث از ویژگی های این سرمشق جدید شروع کرده و دو نمایشنامه را برای فهم شیوه بر هم زدن بازنمایی و ساختار زمان برگزیده است: «سوءقصدهایی به زندگی آن زن» نوشته مارتین کریمپ و «جنون 4.48» اثر سارا کین. بارنت در نتیجه گیری بحث خود به  این موضوع میپردازد که محدودیت های تحمیل شده بر یک اجرای پست دراماتیک فرق دارد با آزادی تفسیری متون در تیاتر دراماتیک و بازنمایانه.



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Que veut dire Martin Crimp lorsqu’il explique que, dans ses pièces Attempts on Her Life (1997) et la trilogie Fewer Emergencies (2005), « l’espace dramatique est un espace mental, pas un espace physique »  ? Comment comprendre cette « mentalisation » du drame initiée par Samuel Beckett (That Time, Not I, Footfalls), continuée par Harold Pinter (Moonlight, Silence) mais aussi explorée par Sarah Kane dans Crave (1998) et 4.48 Psychosis (2000), et poursuivie aujourd’hui selon diverses modalités poétiques par d’autres auteurs britanniques (Caryl Churchill, debbie tucker green…) ? Est-il possible de concilier l’écriture et l’exploration dramatique de la psyché – et si oui, comment ? – avec le phénomène concurrent d’une « quantisation » de la scène, dont témoigne la multiplication de pièces « quantiques » par des auteurs comme Michael Frayn, Simon Stephens et Nick Payne ? Depuis la fin des années 1990 jusqu’à aujourd’hui, de telles pièces renouvellent le rapport du théâtre à l’espace physique – et non mental – en s’appliquant, à la suite de Tom Stoppard, à dramatiser les découvertes et les hypothèses révolutionnaires de la physique quantique. Parallèlement, l’émergence d’un théâtre que l’on pourrait dire non plus tant « in-yer-face » que « in-yer-head » appelle à s’interroger sur le développement d’un corpus de pièces dont l’intérêt porte sur le fonctionnement de la psyché humaine, de l’inconscient et de la conscience, et à analyser les modalités et les implications de l’écriture et de la mise en scène de l’espace mental ou du psychisme (mind) sur la scène britannique des vingt dernières années. Tandis qu’Aleks Sierz décrivait, au tout début des années 2000, la violence frontale, viscérale et spectaculaire, essentiellement physique et ancrée dans l’expérience sensorielle, développée au cours des « nasty nineties » par des écritures scandaleuses et subversives, les dramaturgies de l’espace mental explorent le non-dit, l’indicible, l’oblique, le trou, le fantôme, approchant ainsi « l’endroit le plus sombre [qui] est toujours sous la lampe » (Crimp, Atteintes à sa vie). Portées par les pièces expérimentales de Crimp et les derniers textes de Kane, mais également explorées par d’autres auteurs de théâtre depuis l’entrée dans le vingt-et-unième siècle – y compris ceux désignés initialement comme les autres piliers de l’esthétique « in-yer-face » (Ravenhill, Neilson, ou encore Ridley) –, les « réalités rivales »  invisibles de nos imaginaires mais aussi des théories quantiques se donnent à voir sur la scène du théâtre britanniuque. Des théâtres de l’absence, qui s’élaborent autour du sacrifice du personnage féminin principal (Attempts on Her Life de Crimp, 4.48 Psychosis de Kane), jusqu’aux théâtres de l’incertitude, qui abordent l’indétermination psychique par le biais de la thématique quantique et de la catégorie des possibles (Copenhagen de Michael Frayn, Heisenberg de Simon Stephens, Constellations de Nick Payne), en passant par les théâtres de la dissociation, qui explorent le traumatisme et les manifestations de la souffrance psychique et cognitive (Blue Heart de Caryl Churchill, Three Women and a Piano Tuner de Helen Cooper), les contradictions entre les multiples versions du drame, qui se déploie sous une forme fragmentée, déconstruite, plurielle et inaboutie, (re)localisent le véritable drame de l’humain dans le doute, l’indéterminé, les probabilités. A travers la violence et la performativité du langage, de telles pièces renversent la perspective en s’appuyant sur un changement de paradigme qui permet d’interroger la vérité impossible du sujet dont le visage se spectralise, « scotché au verso de [s]on esprit » .

Although adopting different strategies, Martin Crimp and Simon Stephens avoid the truthfulness of docudrama, preferring a more or less allusive re-narration of events. To dramatise the dialogue between the personal and public dimension of a fact, both playwrights draw upon a hypotext, showing how the re-writing of an event is grafted upon a source, thus becoming a palinsest. However, the two plays differ in many ways. First of all, the global consequences of terrorism and the transnational echoes of 'Cruel and Tender' contrast with the staging of Englishness in 'Pornography'.

Does a feminist dramaturgy exist for male playwrights? The post-1990s work of British playwrights Simon Stephens, Tim Crouch and Martin Crimp variously enact an attrition between female protagonists and male writers. Appraising these "attempts on (writing) her life" requires a feminist criticality that can incorporate the unique, intersubjective relation of playwright and character. What is the gendered relationship of these actors? In the manner of Performance/Philosophy, this essay finds that Levinasian fecundity answers this call – finding a crucial space for continental philosophy in the pro-feminist movement. Drawing on the philosophical significance of “objectification”, this essay argues that ethical portrayals of gender - in Peggy Phelan’s notion of the ‘representational economy’ - bestow a responsibility upon male playwrights to explore the potential to contribute to feminist critical writing. Whether this is a matter of ontology – and the essentialism of sexual difference that accompanies such a position – is weighed against the ethics of men-writing-women.

 Le dramaturge britannique Martin Crimp suggère dans ses didascalies un usage ironique de la musique et des sons. L’antiphrase, figure par excellence de l’ironie, est alors transposée d’un système sémiotique textuel à un système sémiotique auditif. La musique n’occupe pas une fonction illustrative mais suscite à l’inverse un effet « anempathique », selon l’expression de Michel Chion dans son ouvrage La Musique au cinéma. Martin Crimp use de cette stratégie anempathique dans des pièces telles que Play with Repeats (1990), The Treatment (1993) ou plus récemment le triptyque Fewer Emergencies (2005) dans lesquelles des événements violents sont relatés sur fond de boogie woogie. L’horreur du récit est exacerbée par le contrepoint musical. La joie qui envahit l’espace scénique par le biais de la musique est dénoncée comme artificielle.
 

In Martin Crimp’s plays, humour only serves to make the ensuing anguish more acute. The playwright achieves this purpose by using two specific dramatic strategies: one that will be described as ‘generic oscillation’, the other referred to by Crimp himself as the ‘false happy ending’. Humour can never be perceived as creating comic relief in his theatre. The comic interludes framing horror scenes and macabre speeches enhance the spectators’ disquiet by making them deem their own laughter profoundly obscene. The false happy ending only reinforces such distress, as Martin Crimp himself underlines in an interview with Aleks Sierz, quoted in the title of this paper. The optimistic conclusion peculiar to comedy should always be read ironically. Such irony is achieved through a specific use of lighting and stage set which will be studied in detail in this paper. Martin Crimp thus revitalises the age-old genre of comedy, adopting its form while at the same time denouncing it as obsolete. Dark humour is at its fiercest, arousing self-conscious identification rather than alienation.

When Martin Crimp's The Country was first performed at London's Royal Court Theatre in 2000, critics focused on its Pinterian echoes, the popular motif of betrayal, as well as its attack on the rural myth, and described it as a disturbing and ambiguous play. Despite its unsettling elusiveness and coolness, The Country is a hot piece, in which sensual and sexual tensions permeate chilling verbal exchanges between cryptic – and seemingly unemotional – characters. Staging an intricate web of sensory reactions, provoked by the (im)materiality of language and the evocative potential of props, this drama effectively «works through affective nuances […], acoustic and visual, which develop an almost haunting presence in their absence» (Angelaki 2012: 97). Examining Crimp's sensory landscapes and his subtle dialogue between presence and absence, this article aims to demonstrate how, in an opaque play built on ellipses, the body sous rature speaks as loud as the ostended body.

Martin Crimp’s play "The Country" (2000) includes several scenes with a peculiar fixture: an ancient Roman outpost with the arms of an armchair. Two women sit into it. Stone and flesh appear to understand each other perfectly:

And I’d found the stone. Yes. This … outpost … of the empire. Only it wasn’t just ‘a stone’ because it had arms, like a chair. And I rested my arms along them. I rested my arms along the arms of stone. And there was a kind of congruence.
Pause.
[…]
-- Exactly. Between the arms of stone and – yes – exactly – my arms of flesh. So – okay – I watched the trees. I’m watching the trees. And each tree is green, but each green is different. And in fact each leaf is different. Each leaf within each tree is of a different green. And they’re all trembling. I mean each leaf is trembling, and the whole line isn’t just bending, it’s also waving. But ever so slightly. While the cold of the stone is – what – is seeping into me.
(Crimp 2005: 316-7)

A question arises: how do we account for this supernatural congruence? If we say that the appearances of the outpost mark a point of juncture whereby expression and sense coincide, why is this so? It is at this moment that we introduce the function of the Deleuzian tensor as a “translator”. Here, acting as an “empty square” and an “occupant without a place”, the ancient outpost becomes a tensile inherence effecting transformations in the intensities of objects. As a point of juncture, the outpost marks the exact place of congruence wherein objects translate into one another, opening themselves to chance. In fleshing out this further, we turn to Levi Bryant’s The Democracy of Objects (2011). By stating that objects are simultaneously withdrawn from their relations and constituted by them, this equivocal ontological mode at once retains the regime of the irreducibility of substance and, similar to Deleuzian univocity, evades the gap between things and humans. Against this backdrop, the notion of inaccessibility, as we read it, gains another dimension. We appropriate Bryant’s proposition that the difference between entities is not one in kind but in degrees, or that “put differently, all objects translate one another” (Bryant 2011: 26). This notion of translation is not to be understood in the hermeneutic sense. We see it, preferably, as an ideal point of congealment that causes singularities to issue forth. Here the surface of sense overlaps with generative motions of expression and re-expression (EP). Deleuzian depths and heights do not topple onto one another but undergo an intertransmission. In this milieu of maximal convergence, things and their humans become exposed to one another.

Martin Crimp’s plays are peopled with characters who are constantly shunning the harsh reality of their daily existence, choosing denial rather than acknowledgment. Linguistic avoidance is a recurring technique through which language becomes ‘a constant stratagem to cover nakedness’, according to Harold Pinter’s expression. Through the use of displacement, reinterpretation and concealment, the characters prevent unpleasant information from reaching their psyche. This paper will therefore adopt a linguistic and psychoanalytical approach, focusing on these avoidance strategies and on the way in which denial pervades the stage through auditory leitmotifs, before exploring the consequences in terms of audience response. Contrary to Milly and Bob who ‘didn’t see anything’ in Getting Attention, Corinne who has ‘no inkling’ in The Country, or Liz and Mike who ‘steer … clear of the stain’ in Dealing with Clair, the members of the audience cannot shut their eyes to the bleak reality they are confronted with.