J'avais un grand intérêt à connaitre le Québec. Je savais que là-bas on avait vécu une expérience religieuse collective de dimension pratiquement nationale. L'ultracatholique Québec a abandonné massivement le catholicisme, ou la religion...
moreJ'avais un grand intérêt à connaitre le Québec. Je savais que là-bas on avait vécu une expérience religieuse collective de dimension pratiquement nationale. L'ultracatholique Québec a abandonné massivement le catholicisme, ou la religion en parlant de manière plus générique, d'une façon si intense et si rapide qu'elle ne s'est pas produite dans aucune autre région de la planète. Je suis né dans la catholique Espagne, voisine de la "Fille aînée de l'Eglise", la catholique France, dont l'influence religieuse se remarquait au temps de mon enfance (la congrégation religieuse qui dirigeait mon collège, La Salle, provenait de l'Eglise de France et fonctionnait en partie avec le regard fixé sur elle.) En connaissant et étudiant à présent la tradition religieuse du Québec, je remarquais un sentiment intérieur de sympathie, une espèce d'harmonie génétique-spirituelle avec les formes religieuses et spirituelles de ce peuple du Québec, différent culturellement, mais frère et même jumeau dans le dévouement à la foi catholique. Je me sentais profondément identifié avec le Québec. Je fus cependant pris au dépourvu en constatant effectivement et affectivement ce que je savais déjà informativement. Cette société soeur, à laquelle m'unissaient des liens et des harmonies spirituelles si profondes, formée d'hommes et de femmes dont je ne pouvais mettre en doute la bonté et les bons sentiments, me surprenait à présent avec la négation et l'oubli du catholicisme. Un gouvernement aconfessionnel, laïc, scrupuleusement laïc. Une société sans références religieuses. Un gouvernement radicalement séparé de l'Eglise. Une éducation non religieuse, entièrement passée aux mains des laïcs. Une immense quantité de temples-les superbes temples québécois, édifices libres, de style traditionnel, en pierre le plus souvent, avec des portiques, des tours, des rosaces, des vitraux-, sans usage religieux, reconvertis en musées, salles publiques, restaurants, grands magasins, ou station de pompiers… J'étais dans des temples reconvertis, et je me remémorai en imagination l'image de ces édifices en ébullition religieuse de confréries, de fraternité, de célébrations, d'actes de dévotion, d'organisations caritatives, pieuses, éducatives, récréatives… Je sentis vivantes toutes ces images des photographies de l'abondante bibliothèque historique qui témoigne de la vie religieuse de cette puissante société catholique de la première moitié du 20ème siècle. Je fus dans un collège où l'on m'assura que les garçons et les filles qui le fréquentent aujourd'hui restent muets quand on leur demande qui est cette figure de Marie couronnée par Pie XII en consacrant au monde son Coeur Immaculé (et quand on leur explique ils répondent : "la vierge ? quelle vierge ? vierge ? et pourquoi vierge ?".) La Notre Dame omniprésente dans la toponymie de tout le Québec est déjà une inconnue pour les enfants et adolescents québécois de leurs collèges, incapables de reconnaitre même son icône. J'ai connu des religieux(ses) du Québec, membres d'une vie religieuse très forte il y a 50 ans, qui "exportait" des missionnaires sous toutes les latitudes du monde, qui avaient des "provinces" de plus d'un millier de religieux(ses)… et qui aujourd'hui sont moins de 200, maintenant devenus vieillards, malades et sans relève jeune en vue. Je fus dans la Maison Mère des Religieuses de la Providence, autrefois haut lieu de services sociaux et religieux pour la cité de Montréal, mais qu' aujourd'hui elle est une regroupement des communautés religieuses de différents instituts, cohabitant tous dans un même édifice de 15 pièces pour mieux faire face aux frais des soins de santé gériâtrique. Je ne pouvais cesser de demander à des Québécois natifs qui passaient à ma portée: que s'est-il passé au Québec? Qu'est devenue la Révolution Tranquille ? Comment les Québécois ont-ils vécu cet abandon du christianisme ? Est-ce que ce fut réellement un "abandon"? Est-ce qu'ils ne se sentent plus chrétiens maintenant ? Je voulais savoir l'explication, les raisons, le vécu qu'avait expérimenté cette société quand elle décida de s'autotransformer de façon si radicale. Un mélange de curiosité passionnée, de sympathie profonde, d'intérêt propre, un pressentiment de coïncidence… se pressaient dans mes questions. Pendant les jours que j'avais à ma disposition, je me convertis en lecteur assidu-de jusqu'à huit heures par jour-, de la Grande Bibliothèque et de la bibliothèque de l'Université McGill. Je cherchai sur ces innombrables étagères tout livre ou document qui parlerait de la Révolution Tranquille. Je cherchai surtout la position des théologiens canadiens, et québécois en particulier. Ce fut une surprise terrible,-incrédulité, déception-, de ne pas trouver de réponse des théologiens à mes questions. Pratiquement il n'existe pas de bibliographie sur la RT à partir de l'aspect religieux. La RT est considérée avant tout comme un phénomène culturel et politique, historique et sociologique : l'évolution d'une société qui prend conscience d'elle-même, et de sa dépendance radicale de la religion et de l'Eglise, et qui décide tranquillement de se transformer, de se doter d'un nouveau contrat social : séculier, démocratique, laïc, pluriel… Tout ce processus est