Là où une religion influence une communauté, les élites politiques et religieuses vont se concurrencer pour représenter et interpréter les valeurs morales et légales. Cette concurrence vise en particulier une notion d’autorité que les... more
Là où une religion influence une communauté, les élites politiques et religieuses vont se concurrencer pour représenter et interpréter les valeurs morales et légales. Cette concurrence vise en particulier une notion d’autorité que les sources religieuses, comme les Révélations, n’explicitent pas pour les subordonner au principe de justice. L’élitisme souffrant de l’intelligence collective, on voit que les élites dressent systématiquement une tradition pour renforcer leur « autorité » (clergé catholique, caste des Brahmanes, majlis des oulémas, etc...) au nom de la religion. Tout en épousant la Révélation, la tradition va apporter des ajouts protecteurs de l'ego élitiste qui finissent par éclipser la source et perdre le sens de l'essentiel en justifiant des injustices de plus en plus flagrantes jusqu’à sanctifier des gens qui incitent à la haine et à la violence (Saint Augustin, Ibn Taymiyya, Mohammed ben Abd el-Wahhāb, etc...). Si les musulmans insistent fortement sur le dévoiement de la tradition chrétienne, la plupart refuse d’admettre que ce même processus a aussi gagné la religion musulmane. S’il est facile pour le musulman de dénoncer la progression raciste et islamophobe des atteintes au « vivre ensemble » en Occident, quel projet de société humaine propose-t-il ? L’esprit sectaire des traditionalismes avance un sens dévoyé de la Sounna et de la Charia qui empêche bien des musulmans de concevoir l’universalisme au cœur du Pacte de Médine fondé par le Prophète Mohammed. La présente critique du salafisme a pour ambition d’orienter le musulman à la réflexion indispensable plutôt que se réfugier dans le même repli identitaire, totalitariste et destructeur qu’il reproche à ses adversaires. L’argument d’autorité, si cher à la tradition salafiste, n’a plus aucune possibilité d’inverser l’universalité – opposée à l’universalisme du partenariat citoyen– d’une domination militaire et politique sans principe de légitimité qui est au cœur du Coran et de l’exemple du Prophète. C'est le dilemme entre l'islam de l'exemplarité et l'islam des contraintes.