Cette idée, notamment émise par Manuel Valls après l'attentat de Trèbes, contredit les principes de la liberté de conscience, rappelle dans une tribune au « Monde » l'historienne Valentine Zuber. LE MONDE IDEES | 06.04.2018 à 12h30 • Mis...
moreCette idée, notamment émise par Manuel Valls après l'attentat de Trèbes, contredit les principes de la liberté de conscience, rappelle dans une tribune au « Monde » l'historienne Valentine Zuber. LE MONDE IDEES | 06.04.2018 à 12h30 • Mis à jour le 06.04.2018 à 18h15 | Par Valentine Zuber (Historienne) Tribune. Face à l'effroi généré par le nouvel attentat meurtrier perpétré le 24 mars sur notre territoire au nom de l'idéologie antimoderne et mortifère portée par l'organisation Etat islamique, les propositions les plus démagogiques ont fusé, sans même attendre la fin du temps d'un deuil pourtant si nécessaire. Parmi celles-ci, l'interdiction du salafisme réclamée par Manuel Valls. Ce dernier reprenait d'ailleurs une suggestion de Nathalie Kosciusko-Morizet qu'il avait pourtant balayée quelques mois plus tôt, en rappelant alors que la liberté de conscience est une liberté fondamentale légalement consacrée dans notre pays. Politiquement irresponsable Ces réactions épidermiques sont certes à la mesure de l'exaspération et de l'incompréhension générale face à cette résurgence de la violence, surtout lorsqu'elle prend pour prétexte la défense d'une conception religieuse aussi exclusive et intolérante. Interdire une religion, même une idéologie aussi dérangeante que peut l'être pour nous le salafisme, contredit pourtant dangereusement les fondements libéraux de sur lesquels nos institutions séculières et démocratiques. Cette mesure paraît politiquement irresponsable en faisant notamment le jeu de ceux qui les combattent. Doit-on encore le rappeler ? Le difficile avènement de la liberté de conscience – qui conditionne toutes nos libertés individuelles, de croyance ou d'expression – a été marqué par la lutte continue et résolue d'hommes et de femmes, mais aussi de groupes minoritaires régulièrement discriminés, contre deux adversaires, souvent complices : le dogmatisme religieux intolérant porté par certaines personnes ou institutions religieuses et les abus de pouvoir des Etats autoritaires. La Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée par les Nations unies il y a maintenant soixante-dix ans, a voulu y mettre un terme solennel. Nos Etats l'ont ratifiée et introduit ses principes libéraux dans leur législation. Nous avons le devoir appliquer le droit qui en découle et de préserver nos libertés pour les générations futures. Fidélité à nos principes Nous sommes actuellement confrontés à une terreur qui prend de nouveaux visages : à la fois idéologique et bassement meurtrière, individuelle parfois, mais aussi téléguidée à la vitesse de l'Internet par des groupes ou des Etats voyous. Les actes isolés comme les politiques publiques menées au nom de la haine de l'autre, du rejet de leurs convictions et de la négation de leur identité ont amplement prouvé leur amoralité la plus totale. Ils sont d'autant plus graves qu'ils menacent directement nos valeurs et notre mode de vie. Le terrorisme est un état d'esprit, qu'importe sa couleur politique ou religieuse toujours changeante. Par la banalisation de la peur qu'il souhaite inspirer, il nous provoque et nous incite à lâchement renoncer à notre projet de société humaniste et pluraliste, à restreindre nos libertés si chèrement acquises. La résolution politique des crises antérieures (des attentats anarchistes du XIX e siècle jusqu'à ceux des groupuscules politiques des années 1970) nous prouve cependant que les sociétés libérales ont su résister à la terreur idéologique qui les a périodiquement assaillies. Mais cela seulement lorsqu'elles sont restées fidèles à leurs principes. Les autorités politiques sont régulièrement tentées d'interdire les convictions particulières qui heurtent celles portées par les majorités au pouvoir. Les exemples historiques de la violence politique exercée contre le fait religieux minoritaire abondent. Le résultat en est toujours le même : une plus grande injustice sociale, une victimisation des minorités qui fait le lit de la violence et une dégradation de la cohésion et du vivre-ensemble. Nos sociétés ne résisteront au terrorisme qu'en refusant le recours à la seule vengeance comme Pourquoi « interdire le salafisme est irresponsable »